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UNIVERSTE D’ANTANANARIVO

FACULTES DES LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINES

UNITE D’ENSEIGNEMENT ET DE RECHERCHE DE GEOGRAPHIE

THESE DE DOCTORAT

PLACE DES O.N.G. DANS LA DYNAMIQUE DE LA PÊCHE TRADITIONNELLE VEZO DU LITTORAL MAHAFALY

Présenté par Jaona Patience RAHERINIRINA

Date de soutenance : 21 Janvier 2013

Dirigé par : Josette RANDRIANARISON Professeur Titulaire – Université D’ANTANANARIVO -2012-

Thèse de Doctorat soutenue le 25 janvier 2013, à la Faculté des lettres et des Sciences Humaines, Département de Géographie, Université d’ANTANANARIVO, devant les membres de jury suivants :

- Madame Joselyne RAMAMONJISOA, Professeur Titulaire : Président de jury ; - Madame Josette RANDRIANARISON, Professeur Titulaire : Directeur de Thèse ; - Monsieur François RAJAOSON, Professeur Titulaire : Rapporteur externe ; - Madame Joséphine RANAIVOSON, Professeur : Rapporteur interne ; - Monsieur Gabriel RABEARIMANANA, Maître de conférences : Juge, - Avec la mention TRES HONORABLE .

à la mémoire de mon Père à ma Mère à ma Femme à mon Fils et à ma fille à mes Frères et sœurs

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RESUME

Le littoral mahafaly est la bordure occidentale de la plaine côtière mahafaly. Son arrière pays est caractérisé par un paysage de dunes sableuses relativement monotones. Il fait partie de l’ensemble du Sud – ouest malgache, la partie subaride de l’île, la zone où l’on enregistre la quantité minimale pluviométrique annuelle du pays. Au problème de manque d’eau potable qui caractérise la région, s’ajoute maintenant, la désertification croissante du grand ensemble de l’espace conquis. L’espace littoral présente des récifs coralliens du type frangeant bien développé surtout dans le secteur nord. Ces récifs protègent la côte contre l’action des grands déferlements. C’est une zone de pêche par excellence. Les habitants sont en majorité Vezo. Ce sont des pêcheurs très mobiles et très habiles. A la suite de leur expansion vers le sud, le littoral mahafaly est devenu aujourd’hui, un autre pays vezo. La pêche en mer constitue aussi de tout le temps leur activité principale. Ils ne disposent que des engins de pêche rudimentaires. La quantité de production est assez faible. Actuellement, à cause de la sécheresse et la diminution de l’élevage bovin dans le Sud et le Sud – ouest, d’autres groupes s’intéressent également à la pêche maritime, ce qui explique l’originalité de la communauté des pêcheurs de la zone. D’une façon générale, cette activité reste techniquement traditionnelle, la plupart des pêcheurs locaux ne sont pas encore parfaitement préparés pour un véritable développement durable. Mais du fait des actions des O.N.G., l’activité de pêche a connu très récemment un grand changement, et malgré la crise qu’elle traverse aujourd’hui, la société des pêcheurs est en pleine mutation.

Mots clés : littoral – pirogue - Vezo – pêche traditionnelle – sécheresse - migration – changement – développement – dynamique - mutation

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ABSTRACT

The mahafaly littoral is the western borderline of the mahafaly coastal plain. Its hinterland is characterized by a landscape of relativity monotonous sandy dunes. It is part of the Malagasy south west territory, the island’s sub arid area, where the average yearly rainfall is the lowest in . On top of the problem of drinking water scarcity, which characterizes the region, there is the increasing desertification of the greater part of the won area. Well-developed fringing coral reefs are found along the littoral zone especially in the northern sector. They protect the coast against the action of big wave breaking. It is a fishing zone par excellence. The area is predominantly inhabited by Vezo people. They are nomadic people and very skilled fishermen. Following their expansion towards the south, the mahafaly littoral has now become another vezo territory. Sea fishing has been their chief activity for a long time. They mainly practice traditional fishing with rudimentary materials. The production quantity is rather low. At present, because of drought and the decline of cattle rearing in the south and the south west of Madagascar, more ethnic groups are equally interested in sea fishing, which accounts for originality of the fishermen’s community in the area. On the whole, fishing remains technically traditional, and most local fishers are not fully ready yet for a real sustainable development. Nevertheless, thanks to the ONGs’actions, fishing activity has known great change recently, and in spite of the crisis that it is undergoing actually, the fishermen’s society is process of radical transformation.

Kev Words : littoral – pirogue – Vezo – traditional fishing – drought – migration – change – development – dynamic – transformation.

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SOMMAIRE

Première Partie :

L’HOMME ET LES MILIEUX NATURELS

Chapitre I : Un milieu naturel contraignant, quoique favorable aux activités de pêche maritime traditionnelle.

Chapitre II : Des pêcheurs réunis pour les activités halieutiques.

Chapitre III : L’occupation de l’espace liée aux activités halieutiques.

Deuxième Partie :

LES INTERELATIONS ENTRE LA PÊCHE TRADITIONNELLE ET LES O.N.G

Chapitre IV : Typologie de techniques de pêche traditionnelles du littoral mahafaly Chapitre V : Les efforts d’appui technique et d’encadrement des pêcheurs.

Chapitre VI : Un système de mise en valeur des produits de mer en pleine mutation.

Troisième Partie

BILAN ET PERSPECTIVE DE DEVELOPPEMENT DURABLE DU LITTORAL MAHAFALY

Chapitre VII : Une amélioration des conditions d’existence des habitants du littoral. Chapitre VIII : La difficile marche vers un développement durable de la société des pêcheurs Chapitre IX : Suggestions pour des solutions à envisager pour l’avenir de la société vezo

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AVANT-PROPOS

Au terme de six années de recherches et de réflexion, nous avons pu aujourd’hui réaliser notre contribution sur la connaissance et la compréhension du mécanisme d’un système de production paysanne axé sur la pêche en mer. Ce travail a été fait pour l’obtention d’une thèse de Doctorat en Géographie, pour montrer la vision d’un géographe sur le rapport Homme/ espace vécu, d’une région bien délimitée : le littoral mahafaly La pêche traditionnelle Vezo n’est pas un sujet neuf. En tant que principale activité de la population côtière depuis des années, dans le sud-ouest malgache, celle-ci a déjà fait l’objet de plusieurs études et d’observations par de multiples chercheurs. Les étudiants avancés de l’IHSM (Institut Halieutique et des Sciences Marines) de ont toujours réservé plusieurs pages de leurs Thèses ou mémoires pour en parler. Toutefois, leur sujet portait le plus souvent sur un objectif spécifique comme « Gestion des ressources halieutiques ; amélioration de la production ; faisabilité socio-économique de la conchyliculture ; protection des récifs… » Mais nous voudrions attirer l’attention de nos lecteurs et surtout, des décideurs politiques du pays que la pêche traditionnelle est un secteur économique sur lequel, nous pouvons nous appuyer pour un développement durable du littoral mahafaly. Souvent, le choix d’un sujet de thèse n’est pas le fait d’un hasard heureux mais, il peut relever aussi d’une inclination personnelle. Ici, deux principales raisons justifient le choix du sujet. Tout d’abord, en tant que jeune chercheur ayant vécu pendant plusieurs années au contact des pêcheurs du Sud-ouest malgache, nous avons souhaité mieux connaître à quel point, la mer compte dans la vie du groupe vezo. Dès la faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Toliara, où nous étions étudiants jusqu’à la fin du second cycle, nous avons eu la chance d’être guidés par Madame ANDRIAMBOLOLONA Anomie, qui nous a orienté vers la géographie humaine. Elle a été notre encadreur lors de la préparation de la Licence, en 1990 et, nous a initiés pour la première fois au travail de terrain à Belalanda, un village de pêcheurs situé à 6 Km au nord de la ville de Toliara et sur la route vers Morombe. Désormais, l’étude des activités halieutiques dont la pêche traditionnelle nous a passionnés et malgré l’intérêt des autres thèmes, nous avons toujours donné la préférence à un sujet sur l’analyse des rapports entre la mer et la population côtière, en particulier, les pêcheurs Vezo du sud-ouest de Madagascar. Ensuite, le choix du sujet s’explique également de l’importance de la pêche en mer dans le contexte actuel, du fait de la sécheresse due à une déforestation croissante, la production agricole devient de plus en plus aléatoire. Le niveau de vie général de la population

8 malgache baisse de façon rapide. Les paysans se paupérisent, et le phénomène de l’exode rural sévit dans le pays. La situation est d’autant plus grave pour l’ensemble du Sud-ouest malgache, car le problème de la subaridité climatique est un risque grave pour les activités agricoles et l’élevage. Cette région a été depuis plus d’un demi-siècle considérée comme étant la principale zone d’exode de la grande île, en termes de migration. Beaucoup de paysans ont quitté leurs villages d’origine et, vont ailleurs dans l’espoir de trouver d’autres régions plus humides et plus accueillantes. Face à une telle situation, il nous a semblé que la pêche maritime traditionnelle est la mieux placée parmi les activités paysannes, étant la seule activité productive qui ne subit pas les méfaits de la sécheresse et qu’elle est d’autant plus rentable pendant une saison sèche très marquée. De plus, face à une dégradation alarmante de son espace terrestre, nous pensions qu’il est grand temps pour Madagascar de se tourner davantage vers la mer. Tout au long de notre travail, de multiples obstacles (problèmes financiers, familiaux et d’éloignement) ne nous ont jamais fait baisser les bras. Bien au contraire, nous continuons à relever le défi que nous nous sommes assignés dès le départ, de soutenir une thèse de doctorat. Si cet ouvrage a pu arriver à son terme, c’est grâce à la contribution de plusieurs personnes qui nous ont beaucoup aidés de près ou de loin. Qu’elles trouvent ici notre reconnaissance la plus sincère, merci Seigneur JESUS ! Nous avons une dette de reconnaissance particulière à l’égard de Madame Josette RANDRIANARISON , professeur Titulaire à l’Université d’Antananarivo, qui a bien voulu diriger ce travail, professeur très habile et très expérimenté en matière de direction de recherche, est toujours disponible chaque fois que nous avons besoin de son intervention. Nous avons parfaitement conscience du dévouement et de la compréhension avec lesquels, elle nous a soutenus tout le long de l’épreuve. Malgré l’éloignement, c’est avec perspicacité et rapidité qu’elle a su nous éclairer dès qu’un problème délicat se présentait. C’est aussi avec chaleur qu’elle nous a toujours reçus, même en période de vacances, lors de nos brefs séjours à Antananarivo. Elle nous a fait bénéficier de sa riche expérience en matière de recherche et en quelque sorte a su nous débarrasser de notre étroite vision, qu’elle reçoive ici notre gratitude la plus profonde et l’assurance d’une amitié très sincère ! Nos remerciements s’adressent aussi à l’équipe de l’IHSM de Toliara. Son Directeur à l’époque, Monsieur Man Way RABENEVANANA nous a laissé la libre disposition de son centre de documentation. Tous les chercheurs auprès de cet Institut Halieutique sont devenus nos amis et tout particulièrement les biologistes ; Messieurs RATOVOSON Tsirivelo ; ZAVATRA

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Jean-Baptiste ; ANDRIAMANANTSOA Jasper et madame JACQUELINE, ingénieur Halieutique et Docteur en Science marine qui nous ont fréquemment accompagnés sur le terrain, nous faisant bénéficier de leurs précieuses connaissances. Nous ne saurions également oublier Monsieur E. FAUROUX, un anthropologue de formation et ancien directeur de Recherche auprès de l’IRD à Madagascar. Un grand connaisseur du Sud- ouest malgache, il nous a fait, chaque fois, largement profiter de ses quarante années d’expérience, et n’a jamais refusé la discussion dès l’instant où nous la lui proposions. Avant et pendant la rédaction de cette thèse, il n’a pas cessé de nous encourager et de nous corriger. Les conseils qu’il nous a donnés nous ont beaucoup aidés. Qu’il trouve ici l’assurance d’une amitié profonde et sincère ! Nos remerciements s’adressent aussi à Monsieur James RAVALISON, Maître de conférences et enseignant à l’Université d’Antananarivo, qui n’a pas cessé de nous donner beaucoup de conseils tout au long de notre travail. Qu’il trouve ici notre reconnaissance le plus sincère ! Disons également, combien nous avons été sensibles à l’égard de l’extrême gentillesse de l’équipe du PNUD, chargée de l’étude hydrologique de la plaine côtière mahafaly que nous avons rencontré par un hasard heureux sur le terrain, en 2001, et très rapidement, une sorte d’amitié très forte et de confiance réciproque s’établit entre nous. Elle nous à beaucoup aidé en nous faisant bénéficier de ses connaissances très approfondies sur la géologie et l’hydrologie. Nous avons aussi une dette de reconnaissance particulière envers tous les responsables du Sud qui, à des titres divers, ont toujours répondu à nos questions. Notre gratitude s’adresse très spécialement à notre proche entourage, à ma famille, à mes parents, frères et sœurs qui n’ont jamais cessé de nous encourager et nous soutenir dans tous les domaines, tout particulièrement Brigitte Firose RAHERINIRINA, mon épouse, qui a fait l’impossible pour nous soutenir jusqu’au dernier moment de notre travail. Grâce à son aide discrète mais efficace, nous avons pu venir à bout des difficultés dans la préparation matérielle de cette thèse. Jaona Patrice RAHELSON, notre petit frère et notre meilleur ami médecin, il ne nous a jamais lâchés chaque fois que nous avions besoin de son aide. Nos remerciements s’adressent également à nos parents, à nos frères et sœurs, membres du GEDEONS et de l’UGBM, qui nous ont soutenus spirituellement et n’ont jamais cessé de nous encourager jusqu’au dernier moment de ce travail. Rasoa HUBERT notre cousine, qui nous a toujours hébergés gentiment durant nos séjours répétés à Antananarivo. Elle a remarquablement su le sens de l’hospitalité malgache.

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Nous n’oublions jamais l’accueil chaleureux que la famille Saraela RAMPARANY nous a réservé au dernier moment mais très important pour la réalisation de ce travail. Un grand merci aussi à tous les habitants du littoral mahafaly que nous avons rencontré et enquêté, qui nous ont accueillis avec beaucoup d’hospitalité, d’enthousiasme et de gentillesse, et sans qui, la réalisation de cette thèse aurait été impossible.

Enfin, nous avons contracté une dette indéfectible auprès de chacun des membres de notre jury :

A tous, merci !

Jaona Patience RAHERINIRINA.

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INTRODUCTION GENERALE

La zone d’étude dans laquelle, ce travail a été réalisé, le littoral mahafaly, est situé dans la région sud-ouest malgache. Selon BATTISTINI (1964-b), ce littoral s’allonge sur 280 km, entre au Nord et le Cap sainte Marie au sud. Mais pour une raison d’ordre pratique, nous n’avons pris en compte dans cette étude qu’une partie de 240 km de longueur environ entre Anakao au Nord et Androka/Ambohibola (1) au sud, car pour notre objectif, ce secteur est particulièrement représentatif sur le plan physique et humain et l’intérêt qu’il nous apporte dépasse largement son cadre géographique. Cette zone est délimitée par les latitudes de 23°40’S et de 25° 02’S, sur les feuilles des cartes publiées par le FTM (2) : C-59 ; C-60 et D-61. Administrativement, la zone étudiée concerne les limites occidentales des trois districts voisins suivants : Toliara II, pour la commune rurale d’Anakao ; Betioky Sud pour celle de Beheloka et Ampanihy Ouest pour les communes d’Itampolo et d’Androka. Cette région est caractérisée par un climat tropical subaride, d’une aridité très marquée en saison sèche. De ce fait, son arrière pays, la plaine côtière mahafaly présente des conditions très marginales pour une agriculture non irriguée. A Madagascar de nouvelles régions humaines et économiques sont nées d’un découpage politique et administratif de type moderne divisant inégalement le territoire malgache en 22 circonscriptions administratives. Le littoral mahafaly dont il est question ici n’est pas une région politique, mais un espace géographique caractérisé par des conditions naturelles homogènes, où cohabitent différents groupes unifiés par la prédominance des activités halieutiques. Par conséquent, si le mot « région » se répète souvent dans notre texte, il porte le sens d’une sous région par rapport à la dite région politique de la grande île . Ainsi, l’étude régionale peut être faite soit dans un cadre naturel bien déterminé (littoral ; Plaine ; Plateau ;…), ou bien à l’intérieur de limites d’une circonscription administrative. Il faut ajouter que cet espace littoral fait également partie intégrante du territoire tanalana (Figure - 2), un sous-groupe d’agro éleveurs Mahafaly qui occupe l’ensemble de la frange côtière depuis la période pré coloniale (3) .

------(1) Il existe deux Androka dans le secteur Sud de la zone étudiée : Androka ela (Ancien Androka ) , le site initial et Androka Vao (nouveau Androka) , crée à la suite d’une inondation catastrophique , l’année 1968. Tous les services administratifs locaux ont été transférés à Androka Vao, un nouveau village bâti sur la rive droite du fleuve LINTA, tandis qu’une grande partie des pêcheurs vont grossir le village d’Ambohibola, situé à 4 km au Sud du village leur village secondaire. C’est pourquoi, dans notre texte, nous avons écrit « Androka / ambohibola » pour designer notre 4è site d’étude. (2) Foiben-Taontsaritanin’i Madagasikara ou en français : Centre Cartographique de Madagascar. (3) Le sous-groupe tanalana se divise en 3 principaux clans à savoir : le Tevondrone qui se subdivise en deux sous-clans : le Tevondrone Nord et le Tevondrone Sud ; le Temitongoa et le Temilahehe

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Selon du Projet MADIO en 1997, le pays tanalana figure parmi les régions les moins développées de la grande île. Cette situation résulte du fait qu’elle n’a pas bénéficié d’infrastructures routières suffisantes. Les quelques routes existantes sont étroites et non bitumées, des obstacles à la fluidité des marchandises vers d’autres régions. Mais très récemment, on y observe un grand changement dans tous les domaines, plus particulièrement sur les activités halieutiques. La pêche, principale activité de la population locale est l’une des premières techniques avec la cueillette et la chasse, que l’homme a utilisées pour subvenir à ses besoins. Plus tard, la cueillette s’est transformée en agriculture et la chasse en élevage, tandis que la pêche (traditionnelle ou moderne) demeure jusqu’à maintenant la plus grande forme de l’économie de déprédation qui s’exerce directement sur les ressources halieutiques. Mais pourquoi en est-il ainsi ? La réponse est simple : parce que les mers sont un immense réservoir de poissons, de crustacés et d’autres animaux, et par rapport aux moyens qu’ils disposent, les hommes n’ont pu réaliser de ces richesses que des prélèvements limités. C’est pour cela peut-être que le Roi LEOPOLD 1 er de la Belgique n’hésitait pas à souligner que : « Un pays n’est jamais petit lorsqu’il se tourne vers la mer ». (Cité par REJELA 1993, p. 19). A l’exception du cas des crustacés et d’autres espèces rares dont la capture a dû être réglementée ; l’exploitation de la mer reste globalement très inférieure à sa capacité de production. Dans le monde, la connaissance des immenses ressources de la mer est de date récente ; jusqu’aux XXe siècles, la pêche maritime est restée une sorte de cueillette. Elle se basait uniquement sur l’expérience ancestrale des populations de marins pêcheurs. On connaissait l’abondance du poisson dans les eaux froides où il se nourrit d’un plancton particulièrement dense : les eaux de Terre-Neuve semblaient contenir des réserves inépuisables. On savait également la fécondité des zones de faible profondeur surtout lorsque des courants y mélangent leurs eaux. Quand le plateau continental est vaste, la pêche y trouve des fonds les plus riches (CF. FAO. 1991). Mais cette connaissance empirique des zones de pêche est maintenant dépassée, l’étude des migrations du poisson à permis de connaître les habitudes des différentes espèces et d’organiser ainsi la pêche au moment et à l’endroit les plus favorables. Par exemple, les morues , l’une des espèces commerciales très recherchées vivant dans les eaux froides effectuent annuellement une double migration. De janvier en mars, elles se rassemblent aux confins des océans Atlantique et Arctique pour le frai, là se pratique la campagne de pêche hivernale. Pour se nourrir, elles se dispersent en direction des zones plus riches en ressources alimentaires, par exemple les bancs de Terre-neuve : la campagne de pêche estivale en profite. De plus, la conséquence des modifications de longue durée dans la température ou la salinité

14 des eaux marines s’y ajoute. Ainsi, d’après l’information émanant du Conseil International Permanent pour l’Exploration de la Mer de 1997, le réchauffement du climat au XXe siècle a élevé de 2° en moyenne la température des eaux de l’Atlantique Nord, ce qui provoque un grand changement dans l’habitat des espèces. Dans les parages du Groenland et de l’Islande, la zone principale de pêcherie de morues s’est déplacée en un quart de Siècle de 300 milles marins, soient 555 km environs, vers le nord (cf.TVM : Emission « Balade sous-marine » le 07 / 11/09 ). Parallèlement à la progression de la connaissance scientifique du milieu marin, la technique de la pêche subissait, à la fin du XIXe siècle, des transformations radicales. L’accroissement sans précédent de la consommation de poisson frais dans les villes d’Europe occidentale était à la base de cette évolution Pour subvenir à la demande croissante en produit de mer, il fallait un moyen matériel à forte productivité, capable de réaliser des prises en grande quantité à chaque opération de pèche. Aujourd’hui, un chalut peut atteindre plus de 50 mètres de profondeur et autant de largeur. Apte à pêcher aussi bien sur le fond qu’en surface, il est capable de capturer en 24 heures plus des 60 tonnes de poissons. Instrument de la pêche moderne, le chalutier est actuellement d’un emploi universel. Mais la technique contemporaine a mis encore à la disposition des pêcheurs d’autres moyens, qui finissent par changer totalement les conditions de l’exploitation. Radios et radars donnent plus de sécurité à la navigation ; les appareils à ultrasons permettent de repérer rapidement les bancs des poissons ; la réfrigération assure la conservation des prises et, le perfectionnement des engins de pêche se poursuit. Toutefois, le développement récent des techniques modernes n’a pas, pour autant, fait disparaître les formes traditionnelles de l’exploitation de la mer. Cette situation concerne en particulier les pays sous développés où, les populations côtières pratiquent la pêche avec des matériels relativement archaïques. Cette technique fournit une partie du poisson frais, pour le ravitaillement des villes, et fait vivre beaucoup de familles, celle pratiquée sur le littoral mahafaly révèle un bel exemple d’une pêche traditionnelle déterminée par les connaissances empiriques du pêcheur Vezo.

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Figure – 2 : Le territoire Tanalana

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Cependant, depuis les années 1990, la vie sur ce littoral a beaucoup changé. Cette situation est à mettre en rapport avec les actions des ONG dans la zone. Avant d’aborder l’analyse proprement dite, il nous semble nécessaire d’avoir une certaine idée sur le terme « ONG » ou, Organisations Non Gouvernementales. Pour une définition très simple, il s’agit d’un système d’intervention nouvellement adopté par l’humanité, à partir du dernier quart du XXe siècle, pour faciliter la réalisation d’un développement à différents endroits du globe. Indépendantes des Etats, les ONG agissent dans des domaines bien définis comme l’aide humanitaire, la santé, la protection de l’environnement… Les grandes conférences des Nations Unies se sont ouvertes aux voix des ONG, et aujourd’hui, elles interviennent officiellement aux côtés des Etats dans la négociation de plans d’action internationaux censés répondre à tous les maux de la planète. A Istanbul, lors de la conférence Habitat II (juin 1996), on a admis le concept de « partenariat » entre tous les acteurs de la société : Institutions internationales, Etats, collectivités locales, secteur privé et associatif.

PROBLEMATIQUE

D’après la définition avancée par H. BRUNDTLAND, l’ex-premier ministre de la Norvège, le développement durable signifie : « Satisfaire les besoins du présent sans retirer la possibilité aux générations futures de satisfaire les leurs ». C’est-à-dire, une croissance actuellement acceptable est celle qui ne pénalise pas les générations à venir. Dans ce travail, notre problématique est de trouver dans quelle mesure, les O.N.G. peuvent – elles aider la société des pêcheurs vezo dans la perspective d’un développement durable?

OBJECTIFS

L’objectif est de montrer l’évolution de la pêche traditionnelle par les différents facteurs qui sont à la base de ce dynamisme, et leurs répercussions. La démarche essaiera de contribuer à un éclaircissement du concept de développement en mettant en lumière ses forces et ses faiblesses sur les points de vue alternatifs des diverses ONG et de leurs hypothèses sous-jacentes, pour deux objectifs spécifiques : 1 – Contribuer à établir un plan d’action pour le développement humain. 2 - Accroître de façon durable et rationnelle, la productivité et les revenus des pêcheurs locaux.

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METHODE DE RECHERCHE

Choix et délimitation de la zone d’étude. (Limitée par des contraintes logistiques et d’accessibilité)

Valorisation des informations trouvées Recueil de données sur les activités halieutiques, grâce aux personnes ressources et la documentation.

Observation directe sur terrain et l’élaboration d’un zonage sur la situation de la zone de production et les centres de consommation.

Suivant le milieu littoral, identification des systèmes d’exploitation des ressources de la mer.

La réalisation des enquêtes (historiques, techniques et économiques) par choix d’un échantillonnage de sites d’enquêtes (des principaux villages de pêcheurs)

Dépouillement des enquêtes, saisie, traitement et interprétation des résultats

Construction d’une typologie des systèmes de production actuels de la pêche en mer.

Discussion des résultats par rapport à un système de production durable.

La première phase de l’étude sur le sujet a été faite lors de la préparation du DEA en 1998 (visite de reconnaissance, délimitation de la zone d’étude, généralité, et projet de thèse). Lors de la soutenance de ce mémoire, il a été fourni des renseignements sur la région, la pêche en mer et sa place dans la vie de pêcheurs Vezo. Cependant nous avons indiqué notamment aux membres du jury que beaucoup de choses très intéressantes restent encore floues dont les rapports entre tradition et développement de la pêche, la place des femmes dans la société de pêcheurs et développement … Aussi, avons nous cherché à approfondir nos travaux suivant deux grandes lignes : Compléter la documentation et les enquêtes sur terrain

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A1- Extension et approfondissement de la documentation :

Cette phase de travail consiste à recueillir des éléments d’information et de compréhension au niveau de recherches bibliographiques. (Généralité sur la région sud-ouest, les rapports et études effectués dans la zone)

A2- Le travail de terrain :

Après l’obtention du DEA, nous avons dû travailler pour gagner de l’argent nous permettant de poursuivre nos études, puisque nous n’avons pas bénéficié d’une bourse d’étude ou de subvention, nous n’avons abordé le travail de terrain qu’en 2001. Du fait des contraintes financières et notre disponibilité assez limitée, cette phase de travaux de recherches s’était étalée sur 5 ans consécutifs. L’étude sur le terrain a été repartie en sept missions programmées lors des périodes d’activités paysannes : - La première mission, du mois d’août à octobre 2001, pour une étude du milieu naturel grâce à l’appui d’une équipe de recherche du PNUD. - La deuxième mission : de mai à juin 2002 durant la saison de pêche. - La troisième, de janvier 2003, en pleine saison de pluie, une mission importante pour permettre de voir la complémentarité entre activité agricole et pêche en mer. - La quatrième descente, de septembre 2003 correspond à la période où les pêcheurs se lancent vers la pêche au large. - La cinquième mission, mars 2004 coïncide avec la fin de la saison humide et le début de la saison de pêche. - L’avant dernière mission de novembre 2004 effectuée lors de la période du début de la préparation de champs de culture. - La dernière mission d’août à septembre 2005 a été la vérification des informations et une mise au point finale de l’étude sur terrain.

L’enquête à été réalisée suivant la méthode dite « A+ » (Approche Pluridisciplinaire d’une

Unité Sociale) (4) dont l’originalité est de poser peu de questions directes. A partir d’une grille d’enquête souple, nous avons eu recours à des entretiens peu formels et à l’observation directe. Un soin particulier est apporté aux stratégies de pénétration et à l’établissement de rapports de confiance avec l’ensemble des villages et, surtout, les notables lignagers dont le pouvoir est souvent beaucoup plus réel qu’il ne paraît au premier abord. ------(4) Cette méthode mise au point dans le cadre de l’équipe CNRE/ORSOM de Tuléar dans les années 90 est largement diffusée) . Ses grandes lignes sont présentées in E. FAUROUX - 2002 : Comprendre une société rurale, une méthode d’enquête anthropologique appliquée à l’ouest malgache. Paris, GRET, 157pages.

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Dans la plupart des cas, notre équipe de terrain est composée de deux géographes, ayant reçu une formation complémentaire largement ouverte aux sciences sociales, d’un anthropologue très expérimenté, trois océanographes de l’Institut Halieutique et des Sciences Marines de Toliara, et deux étudiants agro forestiers faisant leur stage au sein du MNP (Madagascar National Parc ou ancien ANGAP) de Tsimanampetsotse.

Cette méthode confirme la place de la géographie au carrefour des autres disciplines. L’étude a donné lieu à une expérience méthodologique intéressante : les océanographes et les forestiers, de formation purement scientifique ont été associés à l’enquête anthropologique et géographique de terrain dans des conditions qui se sont avérées très positives pour les deux parties. Les scientifiques ont largement contribué aux résultats anthropologiques. En échange, ils semblent avoir perçu tout le profil que l’on peut tirer des bons rapports avec les villageois qui permet une approche de type « anthropologique », respectueuse des règles de courtoisie traditionnelle et de l’autorité des notables. L’enquête s’est effectuée de façon multilatérale, afin d’obtenir beaucoup de points de vue nécessaires à la conception d’une nouvelle orientation d’un développement, conformément à la définition de BRUNDTLAND. (Voir problématique p.15)

PRESENTATION DES RESULTATS :

Les résultats seront présentés suivant la méthode inductive dans les trois grandes parties de cet ouvrage. La première partie montre, les conditions naturelles ; l’implantation humaine sur le littoral, envisagée sous l’angle des genres de vie et l’adaptation au milieu, ainsi que l’explication des rapports sociaux et économiques entre le groupe de pêcheurs Vezo et celui des agro éleveurs. La deuxième partie de ce travail est consacrée à l’analyse du système d’exploitation traditionnelle des ressources de la mer, des pêcheurs Vezo, par l’appui technique apporté par les ONG. La troisième et dernière partie fait le bilan des actions de développement réalisées dans les communautés de pêcheurs et la nouvelle orientation à envisager d’un développement durable de la société des pêcheurs de notre zone d’étude.

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Première Partie : L’HOMME ET LES MILIEUX NATURELS

Chapitre 1 : Un milieu naturel contraignant, quoique favorable aux activités de pêche maritime traditionnelle

Chapitre 2 : Des pêcheurs réunis pour les activités halieutiques

Chapitre 3 : L’occupation de l’espace liée aux activités de pêche

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INTRODUCTION

Chaque milieu physique crée des conditions d’occupation très différentes d’une région à une autre. La façon dont les hommes tirent parti de ces conditions varie suivant leurs organisations politiques, moyens techniques ou intérêts économiques. Ainsi, une région de cultures vivrières peut devenir une région de plantations ; une région uniquement peuplée de paysans voit la naissance d’une ville, à l’exemple d’Ilakaka (sur la RN7) où des ressources minières hier inconnues ont donné naissance à l’industrie … etc. Ainsi, il existe des relations en évolution permanente entre un cadre naturel et les hommes qui l’occupent, l’exploitent, l’aménagent et le transforment. Mais dans cette première partie du travail, l’analyse envisage, les rapports entre le milieu naturel et l’adaptation humaine ; sur le système d’alliance sociale assez forte reliant les pêcheurs Vezo, et le groupe d’agro – éleveurs, sans oublier la typologie des pêcheurs vivant en cohabitation dans les différentes communautés villageoises du littoral mahafaly. Pour plus de clarté, nous avons jugé utile de présenter cette première partie en trois chapitres: Le premier chapitre donne des informations générales sur la compréhension des conditions naturelles du littoral mahafaly et, son arrière-pays. Les sources proviennent principalement des travaux de R. BATTISTINI (1964-b) ; J RANDRIANARISON (1991) ; J. AUROUZE (1959) ; J.M. HOERNER (1987) ; PNUD (2003) ; G. DONQUE (1975) ; J. P. RAHEINIRINA (1998) et BERGERON (1996). Le deuxième chapitre révèle l’originalité de la société vezo ayant comme base de référence, les travaux de R. ASTUTI (1991, 1993, 1994,1995) ; P.CHAUDAT (1993) ; DASYLVA et al. (1994) ; ENGELVIN (1937) ; E. FAUROUX (1992) ; B. KOECHLIN (1971, 1975); LAVONDES (1967) ; M. MARIKANDIA (1981, 1988, 1996, 1999) ; J.M. REJELA (1988,

1993) (5) , et le troisième chapitre indique le type d’occupation de l’espace lié aux activités de pêche en mer.

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(5) Voir les références complètes dans la bibliographie ci-dessus.

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Chapitre - I

Un milieu naturel contraignant, quoique favorable aux activités de pêche maritime traditionnelle

Ce premier chapitre cherche à montrer que la pêche maritime traditionnelle est la base des activités des habitants du littoral mahafaly.

L’espace vécu se développe souvent à partir de l’adaptation humaine aux conditions naturelles. Ce phénomène semble être très évident dans les pays en développement où le système de production paysanne est en majeure partie, déterminé par le milieu naturel.

I – : UN PAYSAGE NATUREL SPECIFIQUE

Dans l’ensemble, la bande côtière, dans sa partie occidentale présente un paysage de dunes sableuses, relativement monotone dont, l’altitude varie au tour de 28m. Cependant, quelques dunes vives peuvent atteindre une cinquantaine de mètres. L’arrière-pays est dominé en grande partie par, des sables roux sur lesquels se développe une formation végétale xérophile. La rareté de réseau hydrographique et des points d’eau sont les traits caractéristiques de l’ensemble du paysage naturel de la zone

I – 1 – : Présence d’un paysage naturel particulier

«Cette frange côtière se divise en deux grands domaines à savoir : la partie côtière dominée par les dunes côtières et la partie intérieure où se développent les sables roux ». (R. PERNET – 1954. 221).

Sur la haute plage s’observe des sables dunaires, disposés linéairement en parallèle avec la ligne du rivage. Il s’agit d’un édifice éolien et maritime. La combinaison de ces deux facteurs est à l’origine de leur accumulation qui détermine leur composition granulométrique assez constante .Ces dunes sont formées des sables blancs souvent calcaires dont la valeur agronomique est relativement limitée. Les pêcheurs Vezo y trouvent un très bel abri sous le vent de ces édifices, mais, parfois, ils se sentent assez mal à l’aise par les rafales de vent de sable qui en proviennent. Les sols formés sur des vieilles dunes fixées décalcifiés présentent souvent un horizon intermédiaire gris brun assez humifère. Pendant la saison de pluie, ils offrent une condition pédologique, apte à des cultures vivrières.

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Ces sables forment très rarement de véritables sols, mais viennent souvent recouvrir des formations antérieures d’alluvions et de sables roux. L’arrière-pays est un relief de plaine côtière relativement monotone d’une altitude est comprise entre 5 à 18m. C’est la partie dominée par des sables roux qui, d’après PERNET, sont d’origines diverses. La masse principale provient de la désagrégation du socle cristallin et a été transportée durant le quaternaire par les fleuves descendant des Hautes Terres. Mais dans le sud, les sables roux reposent sur un conglomérat ferrugineux, formé au niveau de la nappe phréatique, daté par les géologues du Néogène. Ce conglomérat du type gréseux se désagrège en sables roux, comporte de nombreuses roches, d’origine diverse, charriées par les rivières et déposées par elles avec les sables. Le long des chaînes calcaires et du littoral, le vent a transporté du sable dunaire ou du sable gréso-calcaire qui contribue à la formation des sables roux. Malgré la diversité de leur origine, les sables sont plus ou moins contemporains. Ils ont été abondamment brassés et ont fini par former une épaisse couverture répandue sur toutes les zones basses, ce qui est à l’origine de la formation de la plaine côtière mahafaly. La texture sableuse du sol n’a qu’une capacité de rétention d’eau très réduite, limitant sa valeur agronomique. Cette nature pédologique peu imperméable, combinée à la faible quantité pluviométrique caractérisant l’ensemble de la frange côtière mahafaly (6) donnent naissance à une formation végétale de type xérophile, expliquent aussi l’endémicité floristique du Parc National de Tsimanampetsotse . C’est sur cette bande côtière que s’observent la plupart des systèmes d’adaptation de plante à la sécheresse et à la chaleur, dont les plus importantes sont l’euphorbiacée, les plantes épineuses, les épiphytes les plantes aphylles... Les arbres à feuilles réduites comme le Tamarindicus indica , (« kily » comme nom vernaculaire) ou à épines, comme l’Acacia et Flacourcia ramounchti (appelé localement « lamoty ») s’adaptent bien à ces conditions. C’est dans cette formation végétale que les agro éleveurs Tanalana pratiquent le « hatsake » (culture sur brûlis) ou le « Vala » (champs en clos), pour la production des maïs, tubercules et de cucurbitacées, en saison de pluies. Certes, la production est non seulement peu importante, mais aussi aléatoire, les paysans de la plaine côtière mahafaly sont menacés d’une famine catastrophique répétée. Selon l’information fournie par le Projet MADIO en 1997, c’est dans la plaine côtière mahafaly, qu’il a été observé la population la plus pauvre de l’île et les agro éleveurs sont les plus vulnérables. La production devient de plus en plus insuffisante, à la suite d’une démographie galopante et la désertification. ------(6) : Selon R. BATTISTINI (1964-p.4) : « C’est la région la moins arrosée de Madagascar, avec une moyenne pluviométrique annuelle inférieure à 400mm ; certaines parties recevant moins de 300mm. » (Nous verrons plus tard)

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Celle-ci ne peut plus assurer qu’une sécurité alimentaire relativement réduite (2mois/12) (7). Or l’irrigation est impossible, non seulement du fait de la rareté absolue de réseau hydrographique, mais aussi, de la nature sableuse du sol.

I – 2 : Les différents types de terrains sableux de la bande côtière mahafaly

Ce volet a été établi avec le concours de l’équipe de recherche au sein du Projet PNUD (8) . Nous avons eu la chance d’avoir rencontré par hasard cette équipe sur le terrain en 2001, juste au moment où elle a déjà eu à sa disposition presque toutes les données géologiques et hydrologiques nécessaires à la compréhension de ce milieu en général. Cette équipe nous a aidé en nous faisant bénéficier d’une large connaissance, en matière géologique et hydrologique, mais aussi, elle a accepté volontairement de nous soutenir logistique ment pour le traitement de quelques données nécessitant une opération spéciale, mais qui dépasse notre possibilité, en tant qu’étudiant non boursier, (analyse des images satellites, sondage électrique, repérage par G.P.S …). De plus, elle a mis à notre disposition son rapport final en 2003, pour mieux comprendre les conditions géologiques et hydrologiques de l’arrière- pays de notre terrain d’étude. Le remplissage quaternaire est à l’origine de la plaine côtière mahafaly. Tous les travaux antérieurs confirment aussi la présence de trois principaux systèmes dunaires, à savoir le Tatsimien ; Karimbolien et le Flandrien correspondent aux trois phases paléo climatologiques qui se sont succédées. Du fait de l’influence du climat d’aujourd’hui et, de la variation du niveau de la mer, cet ensemble de terrain sableux présente une diversité lithologique, qui, selon l’équipe du PNUD, est à l’origine de la grande hétérogénéité de l’aquifère quaternaire Ainsi, l’analyse des images satellitaires, combinée avec les observations de terrain et, les nouvelles données des forages mettent en évidence que cette plaine mette en surface, trois grands ensembles de terrain suivants : les formations de surface ; les formations alluvionnaires et, les différents systèmes dunaires.

------(7) : Rapporté par le Journal TRIBUNE N°2517 – lundi 7 avril 1997 (8) : Entre 1999 à 2001, le Projet PNUD entreprit beaucoup de forages dans la zone, pour essayer de résoudre le problème d’eau dans la partie Sud de Madagascar. Ces travaux nécessitent une étude géologique et hydrologique particulièrement détaillée

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1 – Deux types de formation de surface : les dépressions salées et les sols de décalcification.

Pendant la saison de pluie, on y observe plusieurs mares temporaires, aux endroits où la nappe est à faible profondeur. Sous l’effet de l’évaporation intense, ces mares s’assèchent rapidement, en faisant apparaître en surface, certains dépôts d’argiles blanchâtres, peu épaisses, mais riches en sels et en gypse. Ces dépressions sont souvent dominées par des minces végétations halophiles. Ce sont des véritables indices, indiquant la faible profondeur de la nappe et, qui permettent aux habitants locaux d’identifier les endroits favorables à la création des puits traditionnels. En général, elles se localisent le long de la falaise, au sud de Soalara, proche de la côte, entre Anakao et Beheloka, et à l’ouest du lac Tsimanampetsotse. Dans la partie sud, ces dépressions salées se trouvent uniquement près de la côte car, dans ce secteur, l’altitude générale est plus élevée ( Fig. 5 ).

Figure – 3 : Hypothèse sur la structure profonde de la bande côtière et positionnement de la faille bordière du plateau (D’après l’équipe du PNUD-2OO3)

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43°30’E 44°00’E

-24°00’S

-24°30’S

-25°00’S

Figure – 4 : Croquis morphologique de la plaine côtière mahafaly (D’après R.BATTISTINI-1964)

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Figure – 5 : Coupes schématiques et « hypothétique » de la bande côtière (PNUD – 2003)

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En ce qui concerne les sols de décalcification, cet ensemble correspond à des sables roux, appelé aussi par R. BATTISTINI (1964), « sols rouges sub-squelettiques sur calcaire éocène ». Ce sont des sols dont, l’épaisseur dépasse très rarement 1m sur le plateau mahafaly. Ils constituent souvent le remplissage des dolines. Ces sables roux se rencontrent également sur la bande côtière, le long de la zone d’affleurement de calcaires éocènes. 2 – Des formations alluvionnaires .

Les sables roux de la bande côtière sont des dépôts, en provenance du plateau calcaire mahafaly. Selon l’équipe du PNUD : « Il est alors possible d’interpréter les sables roux de toute cette partie de la bande côtière (Ankilimivony jusqu’à Soalara), comme des dépôts alluvionnaires provenant du plateau, déversés sur les dunes côtières, au niveau des vallées, lors des périodes plus humides que l’actuel », (p.85). La principale période d’épandage pourrait être en rapport avec la période humide du lavanonien de R.BATTISTINI. A propos des alluvions qui constituent le remplissage du couloir d ’Itomboina , nos relevés de terrain montrent qu’il s’agit de sables, composés d’argiles rouges d’origine continentale, en majeure partie attribuée au Néogène. Grâce à sa couleur vive, ce type de terrain se voit bien sur le traitement des images, et de ce fait, son extension sur la plaine côtière n’est pas difficile à repérer. Ces alluvions occupent presque la moitié de la largeur de la bande côtière, en particulier, la zone à proximité du couloir. D’après les renseignements fournis par cette équipe de chercheurs, ces alluvions sont souvent recouvertes par de sables beiges de la dune ancienne, et cela, sur une vaste étendue de l’espace, (d’Ankilimivony au Nord et disparaissant sous les argiles au Sud). Les épandages du talus peuvent être classés parmi le grand ensemble alluvionnaire. Sur la bande côtière, se rencontre toujours de dépôts, au pied de la falaise éocène. Il s’agit des matériaux constitués par des éboulis hétérogènes du plateau et, forme une bande pouvant atteindre une soixantaine de mètres de large, comme ce qu’on trouve au pied de la falaise, à l’Est d’Itampolo. L’analyse des images satellites montre également une forme d’éventail, au débouché de chaque vallée qui entaille le plateau. Dans cette image, la teinte en fausse couleur de ces éventails ressemble beaucoup à celle des calcaires ou, des grès calcaires. Leur forme et leur disposition évoquent des cônes d’alluvions provenant du démantèlement des dunes grésifiées Tatsimiennes, présentes sur le plateau mahafaly (C. F : Op.cit.p.86). L’analyse des photographies aériennes ne met toutefois pas en évidence, le relief se trouvant au niveau de ces éventails, ce qui prouve l’ancienneté de l’épandage de ces dépôts (il remonte à une période post-Tatsimien).

29 Leur aplanissement d’aujourd’hui n’est rien d’autre que le témoin des actions d’érosion depuis des années. Cet ensemble alluvionnaire offre aux communautés d’agro éleveurs, des terrains de cultures vivrières par excellence. Toutefois, sa superficie d’ensemble est largement insuffisante, par rapport à la demande croissante, liée à la démographie.

3 – Les différents systèmes dunaires

D’après R. BATTISTINI (1964), on distingue dans la zone, trois systèmes dunaires bien individualisés : - les dunes récentes « dunes flandriennes » - les dunes anciennes, nommées « dunes karimboliennes » - et la grande dune ou, « dune Tatsimienne ». Chaque système dunaire se distingue l’un par rapport à l’autre, par la nature du sable qui le compose ; son altération ; son éventuelle grésification ; sa teneur en matière organique et, en particulier, l’état de la couverture végétale. Les dunes flandriennes constituent une bande presque continue du littoral qui se développe beaucoup dans le secteur sud que dans le nord. Entre Androka-ela et Ambohibola, on rencontre un champ de dunes vives, sur une étendue d’espace de plus de 2km de long, dont la largeur peut aller jusqu’à plusieurs centaines de mètres à certains endroits. Celles – ci correspondent au dépôt éolien issu des forts vents du sud. Elles avancent progressivement vers le nord et constituent aujourd’hui, un problème majeur pour les agro éleveurs, du fait de l’ensablement des champs de cultures. A cause de leur nature granulométrique particulièrement perméable et, leur quasi – inexistence en teneur organique, les dunes flandriennes ne disposent d’aucune valeur agronomique. Leur avancée vers l’intérieur des terres fait sans doute partie du processus de la désertification régionale. Quant aux dunes karimboliennes, elles constituent un ensemble moins réflectant, du fait de sa teneur en matière organique relativement importante, lui permettant d’avoir une couverture végétale plus dense. Les images satellites ont montré très nettement que cet ensemble se développe de plus en plus, au fur et à mesure que l’on s’approche de la falaise, car au niveau de la côte, il se trouve en position sous-jacente, par rapport aux dunes récentes, (disposition respectant le principe de la sédimentation qui met toujours les couches anciennes au-dessous des couches récentes). Au sein de cet ensemble, on distingue aussi, différents sous-ensembles de terrain.

30 La partie la plus proche de la falaise est marquée par des sables assez grossiers, décalcifiés et faiblement rubéfiés qui se mettent en surface. Ces matériaux deviennent de plus en plus sombres, à cause des alluvions en provenance du plateau. En profondeur, ce terrain est moyennement grésifié, mais en surface, sa texture grossière lui confère une faible capacité de rétention en eau. De ce fait, ce type de terrain est facilement remanié par le vent, ce qui explique la mise en surface d’une croûte calcaire sous jacente par endroit. Le deuxième sous-ensemble de terrain se situe un peu plus loin de la falaise. Il porte une couverture végétale, dont les Didieracées l’espèce dominante. Concernant la Grande Dune, il est à savoir que dans le secteur sud, à divers endroits de la bande côtière, le rebord ouest du plateau mahafaly disparaît sous des matériaux dunaires. Ces recouvrements correspondent pour BATTISTINI, à des restes de la Grande Dune Tatsimienne, observée entre Itampolo et le fleuve LINTA qui apparaît dans l’espace sous forme de massif gréseux, et sur les images satellitaires, il ressemble beaucoup aux calcaires du plateau, sans doute, à cause de sa cimentation calcaire relativement importante. (Voir Annexe – X) En définitive, l’analyse des sols montre que l’ensemble de la bande côtière de l’arrière- pays du littoral mahafaly est formé par des terrains à texture sableuse. De ce fait, l’agriculture n’est pas toujours possible que pendant la saison pluvieuse. Cette condition pédologique peu imperméable nous amène à penser au problème de l’eau, qui affecte beaucoup de paysans dans la zone.

I – 3 : Une densité hydrographique assez réduite

Pour l’étude hydrographique, nous avons toujours pris comme base de référence, les travaux des auteurs : AUROUZE (1959) ; R.BATTISTINI (1964-b), et en particulier de l’équipe du PNUD (2003), document le plus récent qui traite de façon détaillée et précise, l’état et le caractère hydrographique de notre terrain d’étude. Cet ouvrage a apporté des explications complémentaires qui nous ont aidés à la compréhension de certains points de façon plus précise. Toutes les données chiffrées utilisées dans ce volet ont été pris de ce précieux ouvrage. Comme pour d’autres régions du sud-ouest malgache, la frange côtière mahafaly révèle une faible densité hydrographique, résultant en grande partie de la mauvaise répartition de la population dans l’espace, et constituant un obstacle majeur, aux actions de développement entreprises dans la région. A l’exception du lac Tsimanampetsotse , assez vaste qui s’allonge au pied de la falaise, sur plus d’une dizaine de kilomètres, malheureusement non utilisable sans un traitement spécial de l’eau, les véritables réseaux hydrographiques se situent aux deux extrémités Nord et Sud de notre zone d’étude, par les deux fleuves, ONILAHY et LINTA. Par conséquent, trouver de l’eau est un dur labeur pour certaines populations. Il est assez courant

31 que les femmes parcourent des dizaines de kilomètres, pour se procurer l’eau indispensable.

Des fûts sont disposés le long des sentiers pour recueillir l’eau pendant la période pluvieuse (9) . Ce phénomène provoque en période de manque d’eau particulièrement marquée, le déplacement en masse des bêtes et des gens, vers des secteurs moins défavorisés, surtout, vers les chaînes anosyennes ou, vers la région de Betioky, voire même, vers la ville de Toliara. Selon B.KOTO (1991-p.161) : « Cet exode rural des Mahafaly, qu’il convient de mettre en rapport avec l’assèchement progressif du littoral mahafaly apparaît comme la meilleure solution pour résoudre le problème de survie. » Afin de mieux saisir ce problème, il nous semble nécessaire de voir les différents types de points d’eau, leur répartition dans l’espace et les caractéristiques de la nappe littorale.

I–4 :Des nappes littorales liées à des niveaux variés des couches imperméables

A part les nappes alluviales (10), plusieurs nappes d’eau ont pu être identifiées dans la zone. Leur existence est liée à la présence d’une couche imperméable du sol situé à une assez faible profondeur et l’eau peut apparaître en surface, surtout en saison de pluie, (par des mares permanentes et sub-permanentes). Les habitants locaux peuvent s’en servir, si la qualité de l’eau est plus ou moins acceptable. Si au contraire, la disposition de la couche imperméable se trouve à une profondeur assez importante, la nappe reste souvent, en position souterraine. Dans ce cas, son exploitation au profit des villageois n’est pas toujours facile. De plus, la qualité de l’eau de ces nappes de la zone dépend beaucoup de la nature ou du type de terrain à laquelle, elle se trouve. Malgré la faible pertinence de plusieurs données, surtout, du fait des incertitudes sur le nivellement des points d’eau, le recoupement de différents renseignements obtenus nous permet de comprendre globalement l’aspect piézométrique de la nappe de la zone. D’après l’équipe du PNUD, la surface piézométrique de la nappe de la bande côtière ne dépasse pas la cote de +5m NGM (Nivellement Général Malgache), c’est à dire, au maximum 3m de charge par rapport au niveau moyen de la mer (CF. Op.cit.p.116). Toutefois, il est observé des niveaux piézométriques relativement variables, d’un site à l’autre. Il n’a pas été possible d’établir une carte piézométrique des couches d’iso valeurs de la surface piézométrique de la nappe.

------(9) : Cf. R.BATTISTINI (1964-b,p.42) (10) : L’Écoulement de surface est permanent en ce qui concerne l’ONILAHY. Il reste temporaire pour le cas de la LINTA. Le sous-écoulement de cette dernière est connu de manière permanente dans les alluvions du lit mineur, et cela, jusqu’à5km en aval du confluent de la rivière Manakaralahy. Les Habitants locaux peuvent s’en servir, même pendant la saison sèche, en creusant le sable.

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Cependant, les différents profils tracés par l’équipe du PNUD (profils représentant la charge par rapport au niveau moyen de la mer de chaque point d’eau, en fonction de sa distance à la mer) ont permis d’en avoir une certaine idée. Il semble que dans notre zone, la nappe générale a une certaine continuité hydraulique entre les différentes formations géologiques, en partant des terrains du socle cristallin jusqu’à la bande côtière, en passant par les formations sédimentaires anciennes de la zone de Betioky, les terrains néogènes et le plateau calcaire. Tous les résultats des recherches effectuées dans la zone confirment ce système hydrologique. Compte tenu de la faible quantité pluviométrique annuelle qui caractérise la région, l’alimentation de la nappe littorale par les précipitations est certainement réduite. Elle s’effectue en majeure partie, dans la zone en amont où, la pluviométrie est plus ou moins importante Dans ce flux d’écoulement souterrain, la zone se situe dans une position intermédiaire ou de transit, que la nappe doit passer, avant de gagner la mer et, les eaux des nappes se minéralisent au cours du trajet. En principe, cela explique la présence des différentes qualités de nappes d’eau de la bande côtière mahafaly. Toutefois, l’étude effectuée par l’équipe du PNUD a mis en évidence, une différence de fonctionnement de la nappe du nord au sud, et en tenant compte de la structure géologique de l’aquifère, elle propose les schémas suivants.

D’après ces deux schémas, l’écoulement de la nappe générale s’effectue de façon directe dans de secteur sud de la zone. L’importance de ces écoulements est certainement à l’origine d’un flux sortant d’eau douce sur l’estran. Ce flux limite non seulement, l’influence relative et la concentration des apports de sels par les embruns, mais, il repousse certainement l’intrusion marine directe. De plus, l’importance de la profondeur de la nappe, par rapport à la topographie limite considérablement l’évaporation. Ces deux facteurs expliquent en grande partie la faible salinité des points d’eau dans la partie sud de la zone.

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Figure – 6 : Schéma de fonctionnement hydrologique dans le nord de la bande côtière

(Source : PNUD – 2OO3)

Figure –7: Schéma de fonctionnement hydrologique dans le sud de la bande côtière Source : PNUD - 2003

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II – : UN LITTORAL AUX RECIFS CORALLIENS DIVERS

“Les connaissances relatives au récif du plateau continental de l’Extrême sud de Madagascar sont très réduites”. (R.BATTISTINI-1964-b, p.7) Lors de la préparation de sa thèse au début des années 90, REJELA a constaté la même chose, en écrivant : « Beaucoup de travaux en géographie physique, humaine, économique, en littérature ont été faits, concernant Madagascar en général, sur le sud-ouest en particulier, mais, les documents relatifs aux milieux marins sont inexistants dans nos bibliothèques à Madagascar, ou bien, ils sont difficiles d’accès ». (J.M.REJELA-1993-p.33). C’est encore la situation jusqu’à présent. Cette insuffisance de documents a constitué un problème majeur, pour l’étude littorale. La plupart des ouvrages concernant ce domaine ne donnent que des renseignements assez superficiels. De plus, l’IHSM (Institut Halieutique des Sciences Marines) de Toliara n’a pas encore à sa disposition, des données complètes. Or, l’étude des activités halieutiques, en particulier la compréhension de la pratique de pêche par endroit nécessite beaucoup d’informations relatives au milieu marin. Par conséquent, avons nous pris comme base de référence, les travaux de BATTISTINI en 1964-b, le seul auteur qui a effectué une

étude plus détaillée des récifs coralliens de cette partie littorale de l’île (11). Mais, pour être plus claire dans notre analyse, il fallait des sources d’informations sur le terrain dans le cadre de la répartition spatiale des récifs (du sud au nord), de leur dimension par endroit et leurs caractères généraux par secteur. Ces éléments permettent de mieux comprendre les nuances sur les techniques et la pratique de pêche observées dans les différents sites de pêche.

Ainsi, après avoir effectué le recoupement de toutes les données mises à notre disposition (12), nous avons abouti aux résultats suivants. La retombée sur les grands fonds se fait, partout sur le littoral mahafaly, au-dessus de 200m. L’allure de cette retombée reste floue, faute de document. Mais, le rebord du plateau continental est probablement différent, suivant les endroits. Certes, il y a des endroits où, la pente est plus ou moins importante. Les pêcheurs locaux, en particulier les plongeurs ayant une large connaissance sur la topographie sous-marine ont constaté le même phénomène. Ainsi, dans le secteur méridional, juste en face d’Androka-ela et de la pointe de Beravo, la retombée sur les grands fonds est assez brutale.

------(11) : Prendre cet ouvrage comme base de référence ne nous gêne pas du tout, malgré son ancienneté car, les récifs coralliens s’évoluent très lentement (une croissance de l’ordre de 1cm, tous les siècles.) (12) : Documents de l’IHSM de Toliara et, les témoignages des pêcheurs locaux.

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Figure – 8 : Répartition spatiale des récifs coralliens du littoral mahafaly

(Source : R.BATTISTINI – 1964-b, complétée par J. Patience - 2012)

36 Par contre, aux abords du banc de l’Etoile, le rebord externe du plateau continental est à faible profondeur. D’après BATTISTINI, en face d’Androka, la pente jusqu’à 200m se divise curieusement en deux sections séparées par, une rupture verticale, entre moins 120m et moins 135m. La section supérieure possède une pente moyenne de 10% et, la section inférieure, 20%. La pente s’accentue davantage aux approches de moins 200 m. Quant à la répartition spatiale des récifs coralliens sur l’ensemble du littoral mahafaly, on distingue, trois grands secteurs à savoir: - les récifs coralliens discontinus du secteur méridional; - l’ensemble corallien continu du secteur septentrional; - les récifs à caye (Nosy ve; Nosy satra; Nosy vorona et, Nosy manitse), constituent des petites îles disposées parallèlement à la ligne du rivage. C’est la répartition spatiale des récifs qui détermine la grande variété des zones de pêche et des techniques adoptées par les marins pêcheurs. Tous les renseignements obtenus confirment l’absence de véritables récifs coralliens, au- delà de la latitude de Lavanono, à 25°20’S. La vie corallienne n’apparaît donc qu’à partir de cette latitude. Mais au fur et à mesure que l’on monte vers le nord nord-ouest, l’espace littoral devient de plus en plus corallien. Tout cela est à mettre en rapport avec les conditions écologiques du milieu marin. II – 1 : Les caractères discontinus des récifs coralliens du secteur méridional

Ils sont compris entre 24°22’S et 25°20’S, de Lanivato au nord à Lavanono au sud. Ce premier secteur se divise en deux: l’ensemble corallien d’Androka et celui d’Itampolo. Du sud au nord, l’ensemble corallien d’Androka est le premier véritable récif corallien de type frangeant du secteur sud. Il est divisé en deux parties, de part et d’autre de l’estuaire du fleuve Linta. Cette coupure est une véritable passe, empruntée par les pêcheurs locaux, pour la sortie au large. D’après BATTISTINI, cette passe centrale permettait aux bateaux de moyen tonnage de pénétrer dans la baie de Langarano (bas-Linta), qui n’est plus possible aujourd’hui, par la sédimentation progressive de l’embouchure. Ce milieu marin est propice à l’activité de pêche traditionnelle des habitants d’Androka-ela et d’Ambohibola. La partie sud se prolonge d’une dizaine de kilomètres, parallèle à la ligne du rivage, entre la pointe d’Ambohibola et la passe centrale ; sa largeur varie de 1 à 1,5km. La plature corallienne est séparée de la terre ferme par un chenal d’embarcation moins profond, dans la partie centrale du récif mais s’approfondit de part et d’autre vers le nord comme vers le sud. Selon les pêcheurs d’Ambohibola, ce chenal d’embarcation peut atteindre une profondeur de 5 à 6m, en face du village.

37 La partie nord est moins importante ; sa longueur atteint à peine 7km, et sa largeur varie entre 1200 à 1700m, suivant les endroits tandis que dans la partie sud, la ramification du chenal d’embarcation est de l’ordre de 2 à 3m de profondeur à fond sableux, là où l’on observe beaucoup de coraux vivants. L’un de ces chenaux affluent du chenal principal pénètre à plusieurs centaines de mètres, à l’intérieur de la plature corallienne. Ainsi, d’Ambohibola, jusqu’au Cap Andriamanao, il y a un ensemble corallien, qui s’étend à peu près, sur une longueur de 20km. Par contre, de là, jusqu’à Lambetabe, l’espace littoral est complètement dépourvu de récifs coralliens. Sur une distance de 25km environ, ils ne sont que des grandes plages de sable magnifiques, souvent coupées par des secteurs rocheux, répondant très bien aux besoins des vacanciers. Toutefois, cet espace ne permet pas la pêche à pied, à cause de la houle qui vient se briser sur la plate-forme de basse mer gréso-calcaire ; qui est fortement soumis à l’action de l’érosion marine par l’absence des récifs pouvant jouer le rôle d’armature protégeant la côte, contre les grands déferlements. Le second ensemble corallien du secteur sud du littoral mahafaly est celui d’Itampolo, situé entre Lambetabe et Itampolo qui s’allonge sur une dizaine de kilomètres, parallèle à la ligne du rivage. Cet ensemble corallien se présente sous la forme d’un arc, tourné vers la terre, constituant une véritable protection de la côte. Ce milieu marin forme deux zones de pêche différentes : dans le lagon et au large. (cf. p. 121)

Figure – 9 : Croquis de la disposition de récif corallien par rapport aux deux zones de pêche D’après l’équipe de recherche auprès de l’IHSM de Toliara, il s’agit d’un récif relativement étroit, mais, sa position, par rapport à la ligne de rivage offre à cette côte, un excellent abri, vis à vis du grand déferlement. Sa plus grande largeur de 1km se situe juste en face de la pointe d’Eromotse. Ce récif de nature assez particulière est à classer dans un type intermédiaire, entre

38 les récifs coralliens véritables et, la plate-forme gréso-calcaires de basse mer. Il est aussi constitué de chenaux d’embarcation peu profonds, pratiquement favorables à la pêche à pied. Une partie de côte sans protection réapparaît à nouveau, entre Itampolo et Lanivato, d’une distance de 45km environ. Les vagues frappent violemment la côte, aussi l’endroit est très dangereux pour les marins. II – 2 : Secteur septentrional : un ensemble corallien bien développé

Nous appelons ensemble corallien du secteur septentrional, le troisième récif frangeant entre Lanivato et le fleuve Onilahy, limité par 24°22’S et 23°24’S qui se divise nettement, en trois grands sous ensembles: - un long récif frangeant continu entre Lanivato et Ankilindrano; - une partie du récif frangeant continu de largeur variable, entre Ankilindrano et Mangoro; - un récif frangeant continu assez large entre Mangoro et Anakao. Entre Lanivato et Ankilindrano, le long récif frangeant très étroit s’allonge sans discontinuité sur un secteur littoral d’environ 50km. D’après les renseignements fournis par l’IHSM de Toliara, sa largeur varie de 300 à 700m et, selon les pêcheurs locaux, il présente plusieurs chenaux d’embarcation peu profonds, dépassant très rarement, 60 ou 80cm de profondeur. Ces conditions favorisent la pêche à pied. Les véritables passes, au sens propre du terme, n’existent pas. La présence de plusieurs abaissements d’axe de la plature corallienne assure, la communication des eaux du chenal d’embarcation vers le large. Il a été observé qu’au niveau de Lanivato, le passage du récif corallien de type frangeant à une plate-forme de basse mer entièrement façonnée dans les grès calcaires aepyorniens s’effectue de façon progressive, (constatation de R.BATTISTINI). Les grès calcaires constituent la partie interne de la plature. Au niveau de Hoalave, ce récif atteint une largeur de 700m. En période des basses mers de grande marée, la plature corallienne émergeante est couverte par des algues brunes. C’est une zone de pêche par excellence car, ces conditions attirent beaucoup le poisson. La présence des algues joue un double rôle au niveau de la vie sous-marine, elles constituent la nourriture principale de certaines espèces de poisson, et ces dernières y trouvent une condition idéale pour la reproduction. En face d’Efoetsy, la largeur du récif varie de 500 à 600m. Selon les pêcheurs plongeurs, la bordure de la zone des grands déferlements est assez abrupte. La partie émergeant de la plature corallienne au moment des basses mers de grande marée comporte également une couverture d’algues brunes très dense ( turbina ria ).

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43°30’E 44°00’E

Figure – 10 : Des récifs coralliens aux multiples passes du secteur nord (BATTISTINI – 1964 – b, simplifiée par J.Patience)

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Quant au deuxième sous-ensemble corallien entre Ankilindrano et Mangoro, le récif frangeant est d’une largeur variable entre 200m à 3km, suivant l’endroit. Au fur et à mesure que l’on avance vers le nord, sa largeur diminue progressivement. C’est ainsi qu’en face de la pointe de Mangoro, elle atteint à peine 200m, contre 2 à 3km, entre Beheloka et Befasy. Dans ce secteur, le milieu marin offre sans doute, une condition optimale, pour le développement des récifs, de type frangeant. A son niveau, la côte est à l’abri de l’influence dévastatrice des grands déferlements. Ces conditions favorisent largement, la pêche traditionnelle. Plusieurs passes importantes permettent la sortie au large. Il s’agit de l’interruption de la continuité de la partie externe de la plature corallienne. Selon les pêcheurs locaux, il y a des accumulations sableuses, qui se localisent au débouché extérieur des principales passes. Elles sont assez spectaculaires au niveau de la passe d’Asakoa; Vatolalaka et de Vatoabo. L’action du courant du jusant violent dans l’axe de ces passes est certainement, à l’origine de ces accumulations sableuses sous- marines. Pour mieux éclaircir ce phénomène, voici le résultat de l’expérience, effectuée par

BATTISTNI en 1964, par marée de coefficients 102 et 107 (13), dans les deux passes : Vatolalaka et Vatoabo. - Dans la passe de Vatolalaka, coefficient 107, 1h50’ avant la basse mer, on observe une vitesse du courant, entre 0,7m/s et 0,8m/s. - Dans celle de Vatoabo, coefficient 102, 1h avant la basse mer, la vitesse est de l’ordre de 0,6m/s. Ces données chiffrées montrent que ces passes sont largement utilisables. Le courant n'est pas tellement violent, ce qui permet la sortie au large. Entre les passes de Mangoro et d’Anakao, le récif frangeant de forme continue, beaucoup plus large est le plus développé du littoral mahafaly. Sa largeur maximale de 3,5km est enregistrée à la hauteur de Kiranjolobe. Dans l’ensemble, la largeur de ce récif est comprise entre 2 à 3km. D’après les pêcheurs locaux, la force ou l’action du déferlement au niveau des passes est fonction de la largeur du récif. Ainsi, dans les passes de Mite et Mahehake , elle reste moins violente car, à cet endroit, le récif est beaucoup plus large et les passes facilitent la sortie au large. Ces conditions favorisent aussi la pratique de la pêche à pied, c’est dans cette dernière partie du littoral que s’observent, toutes les techniques de pêche en mer, pratiquées par les habitants du littoral mahafaly

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(13) : Coefficients qui servent à mesurer la hauteur du niveau de la marée

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II – 3 : Les petites îles : récifs à caye

Le littoral mahafaly comprend, quatre récifs à caye. Du sud au nord, il y a: Nosy manitse; Nosy vorona; Nosy satra et Nosy ve, ces petites îles ont une disposition plus ou moins linéaire, et parallèle à la ligne du rivage.

Nosy ve, la plus importante (14), située à 4km au large d’Anakao est séparée de la côte par un chenal variant entre 10 à 20m de profondeur. Elle a la forme d’un haricot de 4,56km de longueur, orientée du SSE-NNO ; sa largeur maximale est de l’ordre de 1,86km (15). C’est une caye de sable insubmersible, déportée sur la partie sous le vent du récif, de la partie Nord-est, car la houle dominante vient de l’ouest et sud-ouest. La disposition de Nosy ve , parallèle à la côte crée une zone de pêche spécifique sous forme de canal, peu dangereuse pour les apprentis pêcheurs. Sa façade occidentale est battue en permanence par les grandes houles, liées à la persistance de vents violents. De ce fait, il n’est pas toujours facile d’aborder Nosy ve de ce côté à cause des grands déferlements. Par contre, la houle s’affaiblit aux deux extrémités Nord- Sud, de la petite île. La façade orientale de la plature se trouvant à l’abri de la grande houle ,n’y parvient qu’atténuée, après avoir contourné les pointes Nord et sud de la plature corallienne. Toutefois, on y rencontre souvent une action des houles courtes, d’origine locale, occasionnées par les vents des secteurs Nord Nord-est et Est, et surtout, par le fameux tiokantimo , en début de matinée. Dans ce cas, il faut être très matinal, pour aller visiter Nosy ve. BATTISTINI a remarqué qu’à cet endroit existent deux points où apparaissent à certains moments, des courants particulièrement violents. Cela se produit en fonction de l’importance, de l’heure de marée, et de masses d’eau qui passent par-dessus de la partie principale de la plature, depuis la zone des grands déferlements. Ainsi, dans le déversoir septentrional a-t-il ajouté, entre 1h30mn et 0h30mn avant la basse mer, c’est à dire au jusant et par marée de coefficient de 113, des vitesses de 60cm à 90cm/s vers l’ENE, ont été enregistrées. Un autre endroit, celui d’Antily (au sud), où il a été enregistré des courants de 50cm à 70cm/s, 1heure avant la basse mer. Par contre, l’eau se déplace beaucoup plus lentement dans le domaine de la mare centrale. Les vitesses mesurées sont de l’ordre de 10 ou 20cm/s au maximum.

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(14): A part Nosy ve, nous n’avons pas trouvé des informations détaillées au sujet des récifs à caye sur cette portion littorale (15): C. F, document de l’association FIMIMANO (Fikambanana Miaro sy Mampandroso an’i Nosy ve).

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Au total, le littoral mahafaly est caractérisé par des récifs coralliens de type frangeant qui se développent de plus en plus au fur et à mesure que l’on se déplace vers le nord, et détermine la variété des zones de pêche observées sur ce littoral. Si telles sont les caractéristiques générales des récifs de la zone, nous passons à l’étude du climat, un des principaux facteurs naturels déterminant la pêche en mer

III - UN CLIMAT A LONGUE SAISON SECHE

Le facteur climat joue un rôle non négligeable pour la pêche maritime traditionnelle du littoral mahafaly. A la différence de l’activité agricole, elle est beaucoup plus intéressante et plus rentable, en période sèche que pluviale. Pour la zone, les types de vent sont favorables à la pratique de la pêche en mer Le type de régime pluviométrique annuel du Sud-ouest malgache est classé parmi les zones subarides du monde. La pluviométrie est non seulement faible mais aussi fortement irrégulière. Cette situation étant plus accentuée sur le littoral qu’à l’intérieur des terres

1 : Une pluviométrie annuelle faible

Tableau - 1 : Pluies annuelles sur le littoral mahafaly 1951-1980

Station Anakao Itampolo Androka Pluie en mm 342,5 mm 407,2 mm 491,7 mm

Source : Direction de la météorologie- Antananarivo.

C’est sur la zone côtière qu’il a été enregistré les totaux pluviométriques annuels les plus faibles de l’île. Dans son ensemble, elle reçoit moins de 400mm de pluies par an et, certaines parties, surtout vers le Nord (aux environs d’Anakao) reçoivent moins de 300mm. Les isohyètes annuelles de 300mm se disposent en parallèle à la ligne du rivage. Cette zone se trouve dans des conditions opposées à celles de la côte Est malgache en termes de pluviogenèse. Il a été constaté que la quantité pluviométrique annuelle augmente avec la latitude. Entre Anakao et Androka, il y a un écart pluviométrique de l’ordre de 149,2 mm ce qui montre que la partie méridionale du littoral mahafaly est plus arrosée que la partie Nord; ce phénomène s’explique en grande partie de la forte possibilité de pluie hivernale par la circulation d’ouest en est du front polaire. Notre zone d’étude est soumise à l’influence de la perturbation d’origine cyclonique, située entre l’Anticyclone mobile de l’Afrique du sud et, l’Anticyclone permanent de l’Océan Indien.

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Deux processus peuvent être à l’origine du refroidissement de l’air humide dans le sud. D’une part, le processus de convection, c’est à dire, l’ascendance de l’air due à la différence de densité entre les différentes couches d’air. Ce phénomène se produit surtout, quand il fait très chaud. D’après G.DONQUE (1975-p.429), il s’agit généralement dans la plaine côtière mahafaly, de pluies thermo-convectives. Une très forte et violente ascendance à partir d’un sol surchauffé peut occasionnellement amener l’air à son niveau de condensation, même si celle-ci est très haute. C’est pourquoi, pendant l’hiver, il n’y a jamais des fortes pluies, sauf exception. Les pluies de l’après midi sont d’origine convective. Le réchauffement de l’air pendant toute la matinée favorise l’ascendance et, donne naissance à la formation de nuage de pluie. La baisse de la température vers la fin de l’après midi déclenche les pluies. D’autre part, les pluies tombant à toute heure, sont dans la plupart des cas, liées à l’ascendance frontale, ce qui permet les pluies hivernales surtout dans le secteur sud du littoral mahafaly. Comme il s’agit ici d’une zone extra tropicale, les quantités de pluie occasionnées par les cyclones tropicaux étaient très négligeables, estimées par J.RAVALISON(1984) à 4% au moins du total des pluies estivales avant les années 90 (Observation de 1971 à 1980). Mais, aujourd’hui, à cause du réchauffement global de l’atmosphère, la situation a beaucoup changé. La zone n’échappe plus au passage fréquent de cyclones tropicaux. (CF.J.RANDRIANARISON-1991).

2 : Une forte variation des pluies

Trois stations ont été prises : Anakao, Itampolo et Androka. Entre les deux extrémités Nord (Anakao) et sud (Androka), il n’y a qu’une différence latitudinale de l’ordre de 1°21 : cette différence est suffisante pour établir une nuance au niveau de la répartition spatiale de la quantité de pluies annuelle, des pluies saisonnières et du nombre de jours de pluies dans l’année

Tableau - 2 : Moyennes mensuelles des pluies entre 1951-1980(en mm)

J F M A M J J A S O N D MYm

Ak 77,3 54,6 29,1 22,0 17,5 9,1 9,0 2,6 18,0 5,3 30,9 67,1 28,54

Itp 66,5 57,9 26,1 21,6 28,8 39,9 10,5 7,0 21,0 15,4 30,9 80,8 33,93

Adrk 68,7 57,8 40,1 38,9 51,7 39,7 29,0 21,5 21,3 16,3 32,1 74,7 40,97

Ak = Anakao; Itp = Itampolo; Adrk = Androka; Mym = Moyennes mensuelles. Source : Direction de la Météorologie et de l’Hydrologie – Ampandrianomby – Antananarivo

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Le contraste entre les mois le plus et le moins arrosé est beaucoup plus important dans la partie nord. Par exemple, on a enregistré 77,3mm de pluie à la station d’Anakao au mois de janvier, contre 2,6mm seulement, au mois d’août. Par contre, la quantité pluviométrique maximale est enregistrée au mois de décembre (74,7mm), à la station d’Androka. Septembre est le mois le plus sec, avec 21,3mm de précipitations. Alors, par rapport à la moyenne mensuelle, les coefficients de variation sont de l’ordre de 80% à la station d’Anakao, 64% à Itampolo et 45% à Androka. Il est à retenir aussi que dans l’ensemble du littoral mahafaly, le contraste pluviométrique mensuel est plus important que le contraste inter annuel. Les graphiques ( Figure – 10, p. 45) montrent la différence du régime pluviométrique, entre les secteurs nord et sud du littoral mahafaly. Le nord présente le caractère d’un climat, de type tropical sec à un seul maximum au mois de janvier. La saison humide est comprise, entre novembre mars, les précipitations sont toujours supérieures à la moyenne. Par contre, le secteur sud présente deux maxima pluviométriques annuels, ce qui veut dire que, cette partie méridionale du littoral mahafaly prend peu à peu, le caractère climatique d’une zone extra tropicale. En 1987, J.M.HOERNER a déjà remarqué la même chose. Il a souligné qu’à la station d’Androka, un second maximum (mai - juin) favorise les cultures de contre saison. Cela confirma a – t – il ajouté, l’influence du climat méditerranéen (C.F: J.M.HOERNER-1987- p.230). Les statistiques du Service Météorologique d’Ampandrianomby – Antananarivo ne tiennent pas compte des précipitations occultes, les rosées par exemple. Malgré tout, leur présence, en particulier dans le secteur sud du littoral est très évidente. Les rosées nocturnes et les brouillards littoraux assez fréquents sont nés sur la branche refroidie du courant contournant le Cap St Marie et couvre cette zone côtière, quand souffle le vent de la mer. Le phénomène de compression de l’air est causé par le refroidissement. Cela diminue considérablement la capacité d’absorption de vapeur d’eau de l’air, et crée une forte humidité relative, entre autres dans la partie méridionale. Selon J.TRICART et A.CAILLAUX (1969): “…, la rosée est liée à une humidité relative moyenne de 76% à Tuléar. Par contre, vers l’intérieur, l’humidité relative moyenne est inférieure à 60%, ce qui est propre à des régions sèches.” (Cité par J.M.HOERNER-1987-p.231).

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Figure – 11 : Variations mensuelles de pluies entre 1951 – 1980

46 Tableau - 3 : Répartition spatiale des pluies saisonnières (1951-1980)

Station Saison humide Saison sèche Pluie N. D. J. F. M A. M. J. J. A. S. O Annuelle Anakao 259 mm (75,7 %) 93,5 mm (24,3 %) 342,5 mm (100 %) Itampolo 260,9 mm (64,1 %) 136,3 mm (35,9 %) 407,2 mm (100 %) Androka 273,4 mm (55,6 %) 218,3 mm (44,4 %) 491,7 mm (100 %)

Source : Direction de la météorologie Antananarivo.

D’après le tableau – 3, le contraste pluviométrique saisonnier est très net. Le secteur sud commence à être influencé par le régime pluviométrique du type subtropical. C’est-à-dire, une quantité de pluie hivernale plus ou moins forte, à cause de la latitude (nous verrons plus tard). Quant à la répartition spatiale du nombre de jours de pluie dans l’année, celle-ci s’effectue de façon inégale d’une station à l’autre.

Tableau - 4 : Répartition spatiale du nombre de jours de pluie dans l’année (1951-1980)

Station Saison humide Saison sèche TOTALE N. J N D J F M A M J J A S O Anakao 3 4 6 4 3 2 2 2 3 1 2 1 20 (60,6 %) 15 (45,5 %) 35 (100 %) N. J 2 4 4 5 3 2 2 3 3 1 2 2 Itampolo 18 (54,5 %) 15 (45,5 %) 33 (100 %) N. J 3 4 5 3 3 3 4 4 3 2 2 2 Androka 18 (47,3 %) 20 (52,7 %) 38 (100%)

N. J : Nombre de Jour de pluie. Source : Direction de la météorologie Antananarivo. Contrairement à ce qui se passe dans le secteur sud, le nombre de jours de pluie de la saison sèche est largement inférieur à celui de la saison humide, dans la partie nord. A Androka, les jours de pluie sont mieux répartis dans l’année pour deux raisons : en été, cette partie sud du littoral est soumise aux pluies d’origine convective, tandis qu’en hiver, la position de l’Anticyclone de l’Océan indien et celui de l’Afrique du sud favorise souvent des pluies frontales. L’analyse du nombre de jours de pluie dans la zone permet d’affirmer que, les pêcheurs sur le littoral mahafaly ont toujours beaucoup de jours favorables aux activités halieutiques, même, en période pluvieuse.

47 III – 1 : Une température toujours élevée

Le service météorologique d’Ampandrianomby – Antananarivo n’a pas des données statistiques sur les conditions thermiques des toutes les stations météorologiques de la zone, à l’exception de celle d’Androka. Par conséquent, il n’est pas possible d’en faire une analyse exhaustive. Nous avons dû nous référer aux auteurs comme R.BATTISTINI (1964); G.DONQUE (1975); J.M.HOERNER (1987), et autres sources d’informations complémentaires. D’après ces auteurs, notre zone d’étude est non seulement marquée par une forte température dans son ensemble, mais aussi, caractérisée par une amplitude thermique modérée. Cette forte température est liée à la topographie générale de la frange côtière ; une zone basse, séparée du plateau calcaire mahafaly, par un long escarpement très abrupt dont, la dénivellation est de 180m environ. Il s’agit d’escarpement de faille, disposé grossièrement parallèle à la ligne du rivage (C. F: Figure. – 3).Ce dernier favorise l’effet de Fœhn, pour le vent du N-NE, l’origine de la hausse de température de l’ensemble de la plaine côtière mahafaly, mais au fur et à mesure que l’on descend vers le sud, elle diminue progressivement du fait de la latitude plus élevée et d’après R.BATTISTINI, l’amplitude thermique annuelle est de l’ordre de 8°C.

Tableau - 5 : La variation moyenne de température sur 30ans (1951 et1980), à la station d’Androka entre en °C

J F M A M J J A S O N D Moy annuelle

27,0 27,2 26,2 24,3 22,0 19,7 19,3 19,9 21,3 23,2 24,3 26,1 23,3

Source : Direction de la Météorologie d’Apandrianomby – An/vo

A Androka, la température moyenne varie entre 27°C, en pleine saison pluvieuse (janvier février), et 19°3, en saison sèche (juillet), soit une amplitude thermique annuelle de 7,9°C : Chiffre très voisin de celui donné par R.BATTISTINI pour l’ensemble de l’Extrême sud-ouest de Madagascar. La température moyenne mensuelle est de l’ordre de 23°3C. Elle est largement inférieure à ce qui a été enregistrée dans l’ensemble du sud-ouest (aux alentours de 27°C d’après J.M.HOERNER-1987). En principe, cette température moyenne modérée est liée à l’influence de la mer. Il est bien connu que la mer joue un rôle de régulateur thermique pour toutes les zones côtières, mais pour le cas du littoral mahafaly, l’omniprésence du vent froid du sud accentue la différence. En définitive, ces chiffres montrent que, notre zone d’étude fait partie intégrante des régions chaudes de l’île, et la technique de conservation de poisson par séchage y est parfaitement favorable. Mais ici, l’influence du vent limite considérablement la chaleur.

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Figure – 12 : Régimes pluviométriques du littoral mahafaly

49 III - 2 : Le vent et ses conséquences

Les vents du sud prédominent. Ils soufflent toute l’année, et entraînent des conséquences importantes non seulement sur l’activité humaine mais aussi sur le paysage naturel de la zone : tous les grands arbres sont tournés vers le nord, la forme dissymétrique des dunes vives témoigne de la présence d’un vent très actif. L’ensablement fréquent des terroirs agricoles ou des maisons d’habitation en est une autre preuve. La zone littorale est fortement influencée par le vent du sud. D’après BATTISTINI (1964-b, p .24), sur 17576 observations de direction de vent effectuées à la station d’Androka entre 1948 et 1957, sur une période de 10 ans, 10405 concernaient le secteur sud, soit 59,20%. A Tuléar, sur 20418 observations de direction de vent faites entre 1950 et 1953, sur 4ans, 8737concernaient le secteur sud sud-ouest et 14077 les secteurs sud et sud-ouest. Les passages répétés des perturbations méridionales sont à l’origine de ces nombreux vents du sud, qui soufflent en rafale, souvent en permanence. Ainsi, on relève dans le secteur méridional 111 observations de vent supérieur à 20m/s, dont 9 sont des vents supérieurs à 26m/s, alors que les observations de vents supérieurs à 20m/s ne sont que 14 seulement, pour les 15 autres secteurs (7 dans le secteur nord-est ; 3 dans le sud- est ; 4 dans le secteur ouest). A Tuléar, a-t-il ajouté, on relève dans les secteurs sud ; Sud sud-ouest et sud-ouest, 87 observations de vents supérieurs à 20m/s dans les 13 autres secteurs. Cette force assez violente du vent du sud s’explique par l’influence de l’Anticyclone au sud des Mascareignes. Le resserrement des isobares sur la pointe sud de l’île a pour conséquence d’accroître la vitesse de l’alizé. Celui-ci peut souffler d’une manière persistante et forte sur l’ensemble de la frange côtière dépourvue d’obstacles montagneux. En principe, les brises de mer sont beaucoup plus importantes que les brises de terre. Elles sont mieux établies, plus fréquentes, plus durables et surtout, leurs effets sur les conditions météorologiques du littoral mahafaly sont considérables. Pendant l’hiver, l’alizé se lève en fin de matinée et accroît sa force jusqu’au milieu de l’après- midi, puis se calme à la tombée de la nuit. Généralement, le vent ne se lève pendant la saison sèche, qu’en fin de la matinée, atteignant sa force maximum vers 4heures de l’après-midi. Cette situation favorise la sortie en mer des pêcheurs en début de matinée et le retour au village vers midi, puis la deuxième étant vers 19heures pour la pêche nocturne, après une très longue pause durant tout après-midi.

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Chapitre - II

Des pêcheurs réunis pour les activités halieutiques

Aujourd’hui, le littoral mahafaly est devenu le territoire des pêcheurs issus des divers groupes ethniques. Ils cohabitent dans cet espace littoral et, forment une société spécifique, bâtie sur les activités halieutiques. Toutefois, leurs communautés ne sont pas encore homogènes. Mis à part les pêcheurs vezo, groupe spécialiste de la mer, d’autres groupes qui pratiquent aussi la pêche en mer car, ils sont là pour de raisons diverses. Ce deuxième chapitre se propose de montrer l’aspect social et politique des pêcheurs du littoral qui comportera trois grands points: Le principal groupe de pêcheurs : les vezo Les autres groupes non vezo. Une société basée sur les activités halieutiques. Tableau - 6 : Nombre de ménages pêcheurs dans les quatre sites d’observation

Anakao Beheloka Itampolo Adrk/bola Total 882 237 390 245 1754

Source : Enquête personnelle en 2005

I - : LES VEZO, LE PRINCIPAL GROUPE DE PECHEURS :

Dès qu’on parle de vezo, on pense déjà à leur attachement à la mer, à leur intérêt monomaniaque porté aux activités de pêche, et leur audace de se lancer au large à bord d’une petite pirogue à balancier qui rappelle la technique de navigation traditionnelle indonésienne. Les vezo aiment la mer. Ce groupe est appelé par ENGELVIN (1937) : « l’enfant de la mer » identifié par leur habilité à la navigation sur pirogue à balancier ; considéré également par R.BATTISTINI (1964) comme des pêcheurs purs, ne se fixe jamais trop loin de la mer, et qualifié aussi par B.KOECHLIN (1975) comme des « nomades marins » toujours en déplacement à la poursuite de bancs de poissons. Ils ont maîtrisé empiriquement la topographie sous-marine de leurs zones de pêche. Ce groupe est aussi connu par ses origines diverses qui expliquent en grande partie l’existence de différents types de vezo actuellement enregistrés le long du littoral sud-ouest malgache.

51 I -1 : La formation du groupe vezo :

Le groupe vezo a été formé par un amalgame des groupes autochtones, mais aussi par des apports extérieurs.

En ce qui concerne ses origines lointaines (16), beaucoup de chercheurs trouvent chez les vezo une racine indonésienne (17 ). Selon O.Chr.Dahl (18), des pêcheurs « Bajou » originaires d’îles situées au sud-est de Sumatra auraient autrefois migrés à une date immémoriale, en direction du littoral sud-ouest de la grande île, où ils se seraient définitivement fixés avec leurs traditions, leurs techniques (pirogues à balanciers simples, voile quadrangulaire, etc.…), leur système de production basé sur la pêche, leurs expressions dialectales et un type d’organisation sociale et politique … Cette racine indonésienne initiale aurait avec le temps effacé en partie ou du moins recouverte par des siècles de métissage, avec des populations d’origine très diverse constituant le peuplement de la grande île. Certains étaient sans doute d’origine africaine, mais le corpus culturel initial reste très apparent. Les îles de Nosy ve et Nosy satra furent certainement les premières habitées par les premiers Vezo du sud-ouest malgache. Toutes les traditions semblent concorder sur ce point. Nombreux sont les Vezo qui considèrent encore ces deux îles, comme le foyer de leur culture et le sanctuaire où résident les esprits qui veillèrent sur la naissance de leur groupe et, à travers le « Vorombe » (forme de possession) contrôlent jusqu’à maintenant, le maintien de leurs traditions. De là, ces Vezo pionniers se seraient lancés vers le nord (19) , là où les conditions du littoral sont plus favorables à la pêche traditionnelle (topographie sous-marine, récifs coralliens occupant un vaste espace sous-marin), et ont fondé le village de Manombo qui constitue le second foyer de Vezo sur le littoral sud-ouest. Plus tard, certains d’entre eux se sont tournés vers le littoral mahafaly, afin d’explorer les nouvelles zones de pêche de la partie méridionale du sud-ouest malgache.

------(16) : Nous avons considéré comme origines lointaines, tous les apports extérieurs avant ou pendant la formation des Royaumes malgaches. Il en est de même pour les groupes autochtones de la société primitive. (17) : Selon ENGELVIN (1937-p.13) « leurs ancêtres seraient venus de la côte Sud-est ce qui confirme la théorie de leur origine polynésienne et celle de la migration générale des peuples se portant presque toujours du nord au sud et de l’est vers l’ouest ». (18): O.Chr.Dahl (1994): Migration pour Kalimantan to Madagascar Olso, Norwégian University. Press.143p. (Voir en particulières pp 98-107, le chap.7 « bajou » 8 « vezo » et 9 « Wind directions ». (19) : Vers le littoral vezo, délimitée selon J.MREJELA (1993), entre les fleuves Fiherena et Mangoky. C’est une zone propice à la pêche traditionnelle

52 En plus de ces deux îles, trois autres pôles de peuplement sont à peine moins anciens selon les traditions et les récits des différents chroniqueurs, qui visitèrent la région entre XVIe et XVIIIe siècle. (C.F. GRANDIDIER 1903-1920). Ces trois pôles étant : - La baie de St Augustin, à l’estuaire de l’Onilahy qui fut l’un des centres de traite les plus actifs de Madagascar, puisque c’était la principale, voire la seule voie d’accès vers les populations de l’intérieur, riche en bœufs et en esclaves (20). - La flèche de Sarondrano où des fouilles archéologiques très récentes, ont fait apparaître des traces d’habitats remontant probablement aux Ve ou VIe siècle de notre ère (21). L’ancienneté du peuplement humain est attestée par de nombreuses traces grâce au vent qui fait apparaître en décapant les couches superficielles de sable (tessons de poteries ; débris de coquillages utilisés pour l’alimentation humaine ; cendre de foyer ; fragments de charbon de bois ; perles ; etc.). Au pied de la falaise, d’anonymes sépultures anciennes apparaissent auprès de sépultures récentes. Il s’agissait certainement d’un établissement de groupe de population qui n’avait pas peur de la mer. Cet endroit ne permettant pas d’autres activités que l’exploitation des ressources halieutiques ; cette nouvelle découverte archéologique serait en rapport avec le récit du R.V.ENGELVIN (1937-p.24). Pour l’auteur, le nom du clan Vezo « Antandavaka » signifie, habitants des cavernes lui serait venu de sa première installation dans les excavations de la falaise rocheuse, située un peu plus au sud de l’actuel site du village de Sarodrano. Or l’habitation dans une caverne figure parmi les caractéristiques du mode de vie primitif malgache (22), et il nous semble que ces traces d’habitats trouvées par les archéologues seraient celles des « Antandavaka », signalées par R.V.ENGELVIN. - Enfin, l’emplacement approximatif de l’actuelle ville de Toliara, à l’embouchure du fleuve Maninday (dont le lit a disparu aujourd’hui, au profit de celui de Fiherena). La tradition a retenu le nom de ce qui fut le principal et le plus permanent des villages Vezo. Il s’agit particulièrement du village d’ Ankatsaoke . Parmi les apports post indonésiens dont les Vezo actuels ont conservé la mémoire, on peut citer : - Des éléments d’origine africaine dont certains ont pu arriver à la suite de naufrages (traditions des Besakoa , un sous-groupe vezo de Toliara).

------. (20) : La formation des royaumes de l’intérieur (Mahafaly, Masikoro, Bara…) s’est accompagnée de multiples guerres intestines. Les prisonniers de guerre et les bœufs capturés étaient vendus aux navires européens en échange notamment, d’armes et de munitions (21) : J.P.EMPHOUX – Cl. RAMIANDRISOA (1991). (22) : Il s’agit de la période avant la pénétration des étrangers à Madagascar, une période pendant laquelle, la société malgache était sous l’autorité des chefs de clan.

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D’autres sont des Makoa (23), (originaires du pays Makwa) dans le cadre de la traite, ont fini par retrouver leur liberté, notamment dans la région de Maintirano (l’actuelle Région de Melaky). Ils sont descendus peu à peu vers le sud et une partie d’entre eux a choisi de devenir pêcheur en mer. Des systèmes d’alliance sociale très complexes s’étaient opérés entre eux et les groupes autochtones, qui ont donné probablement le clan « Ambolavà ». Ceci est à mettre en rapport avec ce que pense encore R.V.ENGELVIN en disant : « …, et les Ambolava venus de la côte nord . »(Op.cit.p.24). Un peu plus bas, dans la même page, il a affirmé que les « Antandavaka » et les « Ambolavà » sont les ancêtres des Vezo.

- Des Antalaotra (24) du nord-ouest, à la suite d’une histoire tumultueuse (affrontement avec les Portugais au XVIe siècle, puis avec la royauté merina au XIXe siècle lors de sa conquête du nord-ouest) (25 ) se sont fondus dans la masse Vezo pour devenir eux aussi pêcheurs. Ils sont parfois regroupés sous le terme «Tavaratse » (ceux qui viennent du nord), avec d’autres groupes originaires du nord – ouest qui se sont peu à peu intégrés dans le groupe Vezo. - Aux environs du village de Bosy, situant à peu près à une quarantaine de kilomètres au nord de Morondava se trouve aussi des vezo d’origine comorienne, appelés « Temangaro mainty », et d’autres métissés avec des « vazaha »(26) de diverses origines qui sont les « Temangaro foty ». D’autres groupes « Temangaro », moins métissés vivent encore dans la région de Toliara. Au total, une partie indonésienne complétée par certains apports africains constitue principalement les origines lointaines du groupe Vezo du sud-ouest malgache. En ce qui concerne les apports malgaches, (les origines malgaches des Vezo actuels) après la formation des premiers groupes Vezo, ceux-ci s’étaient opérés surtout lors de la constitution des Royaumes à Madagascar. D’après M.MARIKANDIA (1995-pp.25-26), le peuplement du littoral par des non-Vezo se serait opéré en trois phases bien différenciées. De la fin du XVIIe siècle et aux débuts du XIXe siècle, des groupes vivant dans le sud malgache, en particulier les « Voroneoke » et Mahafaly auraient fui leur pays d’origine en proie à des crises politiques graves, d’abord, dans le cadre de la constitution des Royaumes de

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(23) : Chez le groupe Tsimihety, « Makoa » signifie cheveu crépu, pour exprimer la ressemblance à un vrai « Makoa » dont nous parlons ici (24) : Les Antalaotra, islamisés ayant transités par les Comores avant de commencer dans les baies du nord-ouest de Madagascar repoussés vers le sud et détachés de leurs activités commerciales à la suite de la pénétration portugaise (XVIe siècle). (25) : A partir de 1820, RADAMA-I entreprit la conquête de la grande île tout entière, avec le soutien britannique pour réaliser le grand projet de son père (ANDRIANAMPOINIMERINA). (26) : Il s’agit d’un terme malgache, pour désigner les blancs étrangers, en particulier les Français.

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l’intérieur, surtout de Merina, Masikora, Bara …, ensuite dans celui de la conquête merina qui tentait d’assurer son hégémonie sur ces Royaumes. Certains seraient partis vers l’extrême sud, se fondant dans le groupe Tandroy, d’autres plus nombreux auraient tenté de gagner le littoral encore très peu peuplé. 2 - Dans la seconde moitié du XIXe siècle, des mouvements sud nord se sont déclenchés à partir des premières implantations sur la base de dynamique lignagère de segmentation (le système de production vezo suscite normalement des groupes locaux peu nombreux). Qu’ils soient anciens Vezo ou Vezo récents, les groupes vivant sur ce littoral étaient très mobiles, prêts à suivre librement les déplacements des bancs de poissons. L’habitat était toujours lâche et discontinu. 3 - A la fin du XIXe siècle et au début du XXe, de nouvelles migrations quantitativement significatives de l’intérieur vers le littoral étaient liées cette fois, à la nécessité de la transhumance par suite d’une récurrente de la sécheresse. D’autres informations viennent compléter l’explication de M.MARIKANDIA, surtout, au sujet du peuplement de l’espace littoral. Autrefois, selon les traditions très courantes dans la zone, un « Antandavaka » de Sarondrano se mariait avec une femme Bara et une autre Masikoro du clan « Antamby ». Cette alliance matrimoniale lui permettait d’accéder beaucoup plus à l’intérieur et, s’établir dans le pays Masikoro, dans le haut Fiherena. Plus tard, ses descendants s’autorisant cette parenté refusèrent de se prosterner selon la coutume, devant le Roi Masikoro pour le saluer et ils se contentèrent de lui tendre la main. Ce geste peu poli de la part de ces immigrants suscitait la colère des Masikoro, maîtres du pays, ce qui était à l’origine de la mauvaise relation entre ces deux groupes. Les « Antandavaka » furent renvoyés du pays masikoro et, regagnèrent le littoral. Ils fondèrent le village de « Tsimenatse », juste au niveau du site actuel de la ville de Toliara. Le mot « Tsimenatse » signifie selon le dialecte du sud ; qui n’a pas honte. Ce mot désigne à la fois le village et ses habitants. Selon les traditions, « Tsimenatse » a été donné à ce groupe vezo « Antandavaka », fondateur du village, par suite de leur relâchement moral qui les a portés à des unions matrimoniales entre des proches parents (endogamie). C’était une pratique sociale interdite et sévèrement sanctionnée par les coutumes ancestrales. Un quartier dans la ville de Toliara porte encore le nom de ce village. Nous pensons que cette évasion, vis à vis de la coutume ancestrale au sujet du mariage serait une réponse à la déception de ce groupe à l’égard de la « fragilité » des relations sociales fondées uniquement sur le système d’alliance matrimoniale entre différents groupes.

55 « Mahavatse » fait aussi partie des villages créés à la suite du peuplement du littoral, par les groupes non-Vezo. Selon R.V.ENGELVIN (1937-p.24), ce village a été créé par les « Voroneoke », apparentés aux Mahafaly de la côte (Tanalana) et au clan « Sara », qu’on retrouve à Soalara et à Anakao. Ces « Voroneoke » quittèrent leurs villages d’origine à cause de l’insécurité de la traite, dans la baie de St Augustin. Ils ont fondé un village sur une presqu’île, qui s’avançait en mer au sud du port de Toliara actuel. C’était un site défensif assez difficile d’accès pour les non-habitués. Le mot « Mahavatse » veut dire, qui montre beaucoup de courage, de ténacité, face aux fréquents problèmes. Plusieurs versions ont été émises pour essayer d’expliquer l’origine du nom de ce village. Les uns disent que ce nom vient au fait que ses habitants ont manifesté beaucoup de courages contre les effets dévastateurs du vent du sud ou « Tiokantimo » (ensablement des cases ; destruction fréquente des toitures…). Les autres affirment que ces « Voroneoke » de la presqu’île pouvaient rester en mer pendant toute la journée et, ne reviennent au village que la nuit, pour assurer leur sécurité. Aujourd’hui, ce mot désigne à la fois le village et le sous- groupe fondateur. Après la disparition de cette presqu’île (rongée peu à peu par les courants marins), les habitants quittèrent le site primitif et ont fondé un autre, qui porte encore le nom de l’ancien village. Le développement de ce nouveau village a donné le quartier de Mahavatse actuel. Plus tard, d’autres groupes formant un amalgame composé d’ « Antandavaka », de « Voroneoke » et certains éléments Vezo sont venus s’y joindre en occupant le nord du village et, tous ces habitants se disent actuellement Vezo. Après Mahavatse, les « Voroneoke »ont fondé un autre village plus au sud. Il s’agit du village d’Ankiembe. Ce mot signifie, là où abondent les huîtres. Or les huîtres font partie depuis longtemps, des produits de mer très appréciés par les Vezo (27). Au fil du temps, des systèmes d’alliance très complexes se sont opérés entre ces différents clans. Selon J.M.HOERNER (1987-p.132) : « A Tuléar, presque tous les clans vezo coexistent : Voroneoke ; Ambolavà ; Antadavaka ; Tihala ; Tanjoro ; Tatibarala . » Au total, notre analyse fait ressortir que les Mahafaly ; les Sakalava et les Masikoro constituent principalement les apports malgaches qui forment le groupe Vezo d’aujourd’hui. Tous les chroniqueurs connaisseurs de la société vezo ont souligné que les Vezo ont des mœurs particulièrement souples, prêtes à accepter dans leur sein des nouveaux apports des autres groupes limitrophes.

------(27) : Les mollusques comestibles ont d’abord constitué les principaux produits de pêche à l’époque où la technique de pêche n’avait pas encore permis de capturer d’autres espèces .

56 Cette perméabilité culturelle remarquable différencie cette peuplade des autres groupes vivant dans le grand ensemble du sud-ouest malgache. Plus récemment, des éléments malgaches très divers ont pour des multiples raisons, choisi de devenir pêcheurs. Au bout de quelques années, s’ils persistent dans leur nouveau mode de vie, on les considère à leur tour comme Vezo (C.F. R.ASTUTI-1991). Inversement, un Vezo, qui aurait définitivement choisi d’habiter à terre finirait par se fondre dans la masse sakalava, masikoro et tanalana. Seul son nom de lignage pourrait alors rappeler son origine. Cette situation apparemment floue suscite une vive discussion sur la définition du terme « Vezo ».

I – 2 : Problème de définition du terme « vezo »

Un mode de vie…

Nombreux sont les gens qui considèrent ce terme comme étant la signification d’un mode de vie tourné vers l’exploitation des ressources marines. D’après la liste dressée par La Maison du tourisme de Madagascar, le groupe Vezo n’a pas été figuré parmi les 18 tribus malgaches (28). Aujourd’hui, certains groupes de pêcheurs se disent Vezo, malgré le souvenir de leurs vraies origines. Parmi ces groupes, on peut citer : - Les « Voroneoke » sont actuellement considérés comme un ensemble de lignages vezo parmi d’autres.

Si l’on en croit le témoignage de FLACOURT vers 1650 (29) , il s’agissait d’un groupe important vivant à l’intérieur des terres, là où s’étend l’actuel pays mahafaly qui sont maintenant représentés sur le littoral, et dans la ville de Toliara où, un quartier porte leur nom (Amboroneoke ) ; connus comme les premiers occupants de la vallée de l’Onilahy, en amont de St augustin, et de façon générale, le groupe anciennement implanté au sud du Fiherena (C.F : M.MARIKANDIA-1995-p.21). Depuis plusieurs décennies, ces « Voroneoke » et divers Mahafaly émigrés sont devenus des Vezo à part entière, après avoir appris les techniques de pêche, au point de pouvoir partir seuls au large. Par contre, certains Mahafaly émigrés n’ont pas adopté la culture vezo (la pêche en mer) même si, comme à Anakao ou à Ankilibe où ils vivent très proches du littoral, ont de multiples rapports avec les Vezo sont toujours non-Vezo.

------(28) : C.F : T.ANDRIAMANORO et S.KEFFERSTEIN (année d’édition non mentionnée) – Le Guide de Guides – Madagascar, S.A.D,143p - p.13 (29) : C.F : FLACOURT de E (1650,1995).

57 - Les « Sakoandahy » sont aussi des Mahafaly devenus Vezo, étaient d’abord des éleveurs de bœufs venus du plateau mahafaly, vers la fin du XIXe siècle, arrivés sur le site de l’actuel Ankilibe ont trouvé de bon pâturage en bord de mer et ont alors contribué à fonder le village. Il y avait déjà à proximité, plusieurs de leur « ziva » ou « parenté à plaisanterie », entre autres les « Sarambe » ; les « Ankaliake » de Toliara ; les « Tejoria » de Tsongoritelo…venus comme eux, de l’intérieur, mais ayant adoptés le mode de vie Vezo se disent aussi Vezo. Un premier « Sakoandahy » avait épousé à Sarodrano une femme « Besakoa ». Son fils épousa toujours à Sarodrano une Vezo « Tsivoke ». Ils eurent pour fils, le fameux LARANTSE (30) devenu avec recul du temps, un personnage semi-mythique, sorte de bienfaiteur de tous les pêcheurs de la région.

En souvenir de l’époque où ils élevaient encore des bœufs, les « Sakoandahy » utilisent encore leur marque d’oreille pour leurs filets de pêche. A l’inverse des Mahafaly « vezoïsés »en devenant pêcheurs, les Tanalana ne sont pas devenus Vezo, bien qu’ils vivent à proximité immédiate de ces derniers cependant en quasi- symbiose avec eux (en particulier à Anakao et à Ankilibe). Ils sont restés agro-éleveurs et n’ont pas cherché à se fondre dans le modèle culturel vezo localement dominant. Depuis quelques années, (nous y reviendrons) le phénomène de « vezoïsation » a commencé à se faire sentir chez le groupe tanalana. Ces derniers commencent à leur tour, à se livrer à la pêche, pour arrondir leurs revenus mais, ils ne renoncent pas pour autant à leurs cultures et à leurs bœufs qui restent leur préoccupation principale. En résumé, on peut dire que les gens de l’intérieur qui ont été admis dans le village vezo et, s’y sont installés définitivement, après diverses « formalités » (31) et maîtrisant les techniques de pêche maritime, se disent Vezo et sont considérés comme tels, même si, aux yeux de tous, ils ne sont pas aussi Vezo que les « vrais » Vezo ( Vezo vatane ). Lors de toutes les périodes de crise, la population vezo continue à recevoir des nouveaux éléments. Cela veut dire que le phénomène de « vezoïsation »du littoral sud-ouest est jusqu’à nos jours, un processus en marche.

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(30) : Son tombeau, particulièrement respecté se trouve entre l’Hôtel « LA MANGROVE » et la grotte de Bina à Sarodrano. Ce tombeau a défrayé la chronique à propos de la dépouille du lémurien assimilé à une « sirène » amené à pieds, en procession, depuis Fort Dauphin pour être inhumée aux côtés de LARANTSE. C’était le mois de février 2002. (31) : On peut demander aux notables lignagers et aux autorités civiles, l’autorisation de s’installer, qui est généralement accordée après une cérémonie (titike), comportant éventuellement le sacrifice d’un bœuf. On peut aussi s’allier à un lignage vezo, par mariage ou en créant des liens de fraternité de sang (fatidrà) ou en profitant d’une parenté à plaisanterie (ziva) préexistante

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…, ou un groupe ethnique comme tant d’autres ?

Selon ENGELVIN (1937-p.14), le mot « vezo » vient peut-être de l’impératif du mot malgache « mivoy », qui veut dire, « ramer », et doit-il son origine à un quolibet donné par les tribus terriennes à ce clan, qui a fait de la mer son lot préféré. « Vezo » signifierait donc « ramez ». Appliqué à une tribu a-t-il ajouté, nous le traduirons par « les pagayeurs » ou « les enfants de la mer ». Le Vezo est ainsi un groupe ethnique à part entière.

Pour O.Chr.DAHL (32), il pense que ce terme serait l’aboutissement normal de l’évolution linguistique, sur une très longue période du mot « Bajou », originaires d’îles situées au sud-est de Sumatra. Malgré la divergence des opinions sur la signification de ce mot, une chose est certaine, ce groupe a un noyau initial comme les autres. Il remplit les différents critères d’un groupe ethnique ; les Vezo ont leur propre dialecte (33) et vocabulaires spéciaux (voir glossaire). Ils disposent d’une zone territoriale bien déterminée : le littoral. De plus, malgré le phénomène d’acculturation auquel se trouve confronté l’histoire de la société vezo, quelques bases culturelles initiales demeurent intégralement conservées comme le culte au « Vorombe ». C’est chez le Vezo qu’on trouve l’unique groupe malgache, qui ne pratique pas la circoncision (Vezo « Sara »). Celle-ci est pratiquée symboliquement après le décès. Rappelons que les « Sara » forment un véritable sous groupe ethnique, regroupant de nombreux clans au sein du groupe Vezo. Leur origine reste floue, africaine pour certains, mahafaly ou malgache du sud pour la plupart. Ils sont devenus les vrais Vezo, bons navigateurs, ne craignant pas les longs déplacements en pirogue. Il semble que l’on ne trouve pas de « Sara » au nord de Morondava. Leurs anciens points d’encrage seraient Anakao, Manombo et Androka. Les îles de Nosy ve et Nosy satra jouent un rôle central dans leurs traditions et dans la possession « Vorombe ». Ils ont la réputation d’être plus riches que les autres Vezo étant des pêcheurs expérimentés, plus audacieux que les plus protégés dit – on, par les esprits « Vorombe ». Les « Sara » constituent sans doute, le noyau initial vezo. Les traditions semblent converger sur ce point. Selon R.BATTISTINI (quand il a parlé de la fameuse sirène, assimilée comme l’ancêtre légendaire du peuple vezo) : « L’origine légendaire du peuple vezo est ainsi racontée par le vieux MAHASINGISY (85ans) d’Anakao,… et c’est la race des Vezo ». (Op.cit.p.107).

------.(32) : C.F : O.Chr.DAHL (1994), en particulier les chapitres VII « Bajou » et VIII « Vezo » (33) : C.F :G.POIROT (2000), Contribution à l’inventaire des ressources lexicales de la langue malgache. Essai de dictionnaire vezo-français suivi d’un index français-vezo – Paris, INALCO. Thèse de Doctorat linguistique, 865p et Akademiam-pirenena malagasy (2001). Voambolana ny riaka sy ny morony, malagasy – frantsay. Antananarivo, Centre des Langues 291p

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A ce sujet, nous partageons l’avis de M.REJELA (34 ). Ainsi, on peut admettre que la première définition considérant la signification du terme « vezo », comme étant un « mode de vie » assimilée par ceux qui se comportent en « vrais » Vezo.

II - LES PÊCHEURS NON-VEZO

Mis à part les Vezo, sur cette partie du littoral existent d’autres pêcheurs non-Vezo, issus des groupes divers. Il s’agit de ceux qui pratiquent la pêche en mer, mais qui ne se considèrent pas comme Vezo, il s’agit des immigrants de l’intérieur, attirés par les activités halieutiques mais, leur nombre reste inférieur à celui des pêcheurs Vezo.

Tableau - 7 : Ménages de pêcheurs non-Vezo sur l’ensemble du littoral mahafaly

Anakao Beheloke Itampolo Andr/Abola Total Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % V.Z 696 78,9 166 70,04 212 54,36 117 47,76 1191 62,67 NVZ 186 21,1 71 29,96 178 45,64 128 52,24 563 37,33 T.L 882 100 237 100 390 100 245 100 1754 100

Nb = nombre ; V.Z = Vezo ; NVZ = Non-Vezo ; T.L = Total ; Andr/Abola = Androka/Ambohibola. Source : Enquête personnelle en 2005

D’après le tableau – 7, le nombre des pêcheurs non-Vezo augmente, au fur et à mesure que l’on descend vers le sud, ceci étant à mettre en relation avec la modification spatiale des conditions générales du milieu naturel. Il a été vu dans le chapitre précédent que le secteur méridional du littoral mahafaly, est plus arrosé que le secteur Nord, favorisant ainsi les activités agricoles en particulier, les cultures vivrières. A Androka/Ambohibola, plus de la moitié du nombre total de pêcheurs ne sont pas du groupe vezo. Ce sont des agriculteurs et pêcheurs (nous verrons plus tard) qui font de la pêche en mer, comme activité complémentaire à l’agro- élevage. Par contre, dans le secteur nord, les groupes non-Vezo font la pêche maritime, par suite du problème de la rentabilité des activités agropastorales. Dans l’ensemble du littoral mahafaly, il y a deux catégories de pêcheurs non-Vezo : les anciens agro-éleveurs chassés par la sécheresse de l’intérieur des terres et devenus pêcheurs et, les groupes non-Vezo, restés agro-éleveurs qui pratiquent la pêche en mer, en saison sèche.

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(34) : Selon. M.REJELA (1993-p.403) : « Aux yeux d’un observateur non avisé, l’ensemble des pêcheurs du sud-ouest est appelé des Vezo. Or, cette société est composée de plusieurs ethnies vivant de mêmes ressources de la mer, d’où une première définition assez simpliste considérant le Vezo comme un « mode de vie », bien que le premier noyau soit l’ethnie vezo proprement dite. Il faut tout de même souligner les populations migrantes apportent avec elles, leurs techniques et leurs méthodes de pêche, qui viennent compléter et enrichir celles des premières peuplades »

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II - 1 : De l’activité agropastorale à la pêche maritime

Il s’agit ici des groupes mahafaly, tanalana, Masikoro et rarement des Tandroy qui sont devenus pêcheurs pour des raisons diverses dont le nombre est supérieur à celui des agriculteurs pêcheurs. Le déclin progressif des activités agropastorales dans l’ensemble du Sud- ouest et du Sud malgache ont poussé ces agriculteurs à pratiquer la pêche en mer, à titre d’appoint.

Tableau - 8 : Ménages d’immigrants devenus pêcheurs par rapport au nombre total des pêcheurs non-Vezo (situation en 2005)

Anakao Beheloka Itampolo Andr/bola Total Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % PANV 54 29,03 48 67,61 83 46,63 62 48,44 247 43,87 PINV 132 70,97 23 32,39 95 53,37 66 51,56 316 56,13 T.L 186 100 71 100 178 100 128 100 563 100 PANV= pêcheurs agriculteurs non-Vezo ; PINV= pêcheurs immigrants non-Vezo ; T.L= total Source : Enquête personnelle

Avant les années 60, les activités agropastorales étaient encore favorables dans le Sud et l’ensemble du Sud-ouest malgache. A cette époque, il n’était pas rare de trouver une famille disposant plus de mille têtes de zébus (C.F. J. RANDRIANARISON,1976), mais plus tard, à la suite de différents problèmes, dont les plus importants sont, la maladie, la défaillance de la part du service responsable de l’élevage et la recrudescence du phénomène du vol de bœufs, surtout à partir de la IIe République malgache, il y a eu une chute brutale de l’effectif de cheptel.

Cette situation a provoqué une conséquence catastrophique sur l’économie nationale (35) . Par conséquent, l’espace littoral a polarisé beaucoup d’immigrants « déracinés » de l’intérieur, car la pêche en mer est non seulement un « argent rapide et facile », mais aussi, la mer est considérée jusqu’à présent comme un espace non approprié, ouvert à tout le monde, et malgré la présence des zones d’influence villageoises, le milieu marin est toujours assimilé comme étant, un espace public.

1 - : Les activités halieutiques : de l’argent rapide et facile ?

Les pêcheurs se trouvent dans une situation différente de celle des agriculteurs. Ces derniers doivent attendre plusieurs mois le fruit de leur labeur. Par exemple, la récolte du maïs a lieu au moins trois mois après le semis ; la patate douce, quatre à six mois, selon la variété et

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(35) : C.F.J.RANDRIANARISON : 1976 « les bœufs dans l’économie rurale de Madagascar » in Mad-Rév de Géo. N° 28, 9- 122p et n°29, 9-81p

61 le manioc demande dix à douze mois d’attente, selon les conditions pédologiques du champ de culture. En attendant la récolte, ils vivent avec un minimum de dépense. Par contre, les pêcheurs Vezo obtiennent chaque jour leur « récolte », et n’hésitent jamais à engager une dépense folle. Le souci du demain ne concerne que les mauvais pêcheurs ou les apprentis nouvellement intégrés dans cette activité doutant parfois de leurs résultats futurs. Les bons pêcheurs n’ont pas peur du lendemain. Ils savent que dans le pire des cas, après plusieurs journées consécutives d’une mer forte, ils ne tarderont guère à repartir et à ramener beaucoup de prises. Les vrais pêcheurs manifestent également un certain goût du jeu : ils espèrent toujours la pêche miraculeuse que l’on réussit un petit nombre de fois dans la vie. (36) . Contrairement à l’agriculture, la pêche traditionnelle est une activité sans saison morte ou presque faisable toute l’année. Les pêcheurs travaillent journellement à l’exception de quelques jours qu’ils jugent défavorables pour la sortie en mer, lors d’un passage très rare d’un cyclone ou mauvais état de la mer. Par conséquent, la pêche assure un revenu journalier, d’une façon générale, les pêcheurs Vezo n’ont jamais manqué d’argent ou des produits de mer pour le troc. Dans une large mesure, la pêche traditionnelle offre aux communautés des pêcheurs, l’autosuffisance alimentaire.

Contrairement à l’avis émis par le Projet MADIO (37) , la sécurité alimentaire est assez bien assurée chez les communautés des pêcheurs du littoral mahafaly. Dans les petits villages isolés (situation avant l’ouverture de la ligne de taxi-brousse reliant la ville de Toliara et Androka, l’année 1998), le niveau de vie des pêcheurs demeurait apparemment assez bas par rapport aux autres, puisque d’habitude, ils n’utilisaient guère de l’argent liquide dans la vie quotidienne. En 1997, nous avons rencontré plusieurs familles Vezo à Malangiriake et à Besasavy sud (petits villages des pêcheurs au sud d’Itampolo), qui n’avaient pas besoin d’utiliser de l’argent pendant plus de deux ans consécutifs. Elles se sont contentées du système de troc pour survivre. Les poissons servaient de monnaie courante dans cet échange. Certaines d’entre elles n’ont jamais acheté d’allumettes depuis plus de cinq ans. Ces dernières conservaient le feu jusqu’au matin, à l’aide d’un morceau de bois sec réservé à cet emploi. Elles se servaient du miel à la place du sucre, pour le café pendant le petit déjeuner. C’était vraiment un mode de vie quasiment primitif mais, loin d’être malheureux et pas de la famine.

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(36) : C.F. E. FAUROUX ; J.P.RAHERINIRINA ; P.RABEMAHAFALY (2002) : Faisabilité socio-économique de la conchyliculture dans la région de Toliara- IHSM- 62p ; p.13 (37) : Selon le Projet MADIO (1997), « c’est dans cette portion côtière de l’ île qu’on trouve les paysans les plus pauvres du pays »,rapporté par le Journal TRIBUNE n°2517,lundi 7/ 04/ 9

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Dans l’ensemble, les pêcheurs de la zone réservent toujours, pour la consommation familiale, une quantité de poisson largement supérieure à la moyenne nationale (38) , chaque famille consomme en moyenne 3 à 4kg de poisson frais par jour. Or 1kg de poisson frais coûte dans les grandes villes comme à Fianarantsoa ou Antananarivo, 6000 à 7000MGA. Approximativement, une valeur de poisson consommé journalière ment par famille serait de l’ordre de 18000 à 24000MGA (sans compter le prix du riz ou du manioc que la famille prenne toujours avec le poisson). A vrai dire, rares sont les familles malgaches d’aujourd’hui, qui se permettent de dépenser une telle somme, uniquement pour les besoins alimentaires d’une journée. Il est à rappeler également que les pêcheurs Vezo, en particulier les Vezo Sara, ont la réputation d’être plus riches que les autres groupes. Cependant, cette richesse ne se voit pas, ce qui n’est pas le cas pour les agro éleveurs (39) . On dit qu’ils thésaurisent chez eux d’assez grosses sommes d’argent pour être toujours prêts à effectuer les grandes dépenses soudainement nécessaires à l’événement du le culte « Vorombe » ou, pour d’autres dépenses relatives aux cérémonies ancestrales (mariages ou autres pratiques sociales). Ils se servent également de ces sommes, en cas d’accidents qui surviennent dans la famille (la mort ou hospitalisation). Les jeunes filles aiment dit-on, être courtisées par les pêcheurs Vezo, en particulier les « Sara », car elles sont assurées d’avoir de plus beaux cadeaux qu’avec les autres jeunes gens ou prétendants. Toutes ces circonstances favorisent le mobile pour la migration des anciens agro éleveurs, victimes de la sécheresse excessive, vers la côte, pour s’essayer à la pêche maritime. A cela s’ajoute le remarquable sens de l’hospitalité de la société vezo sur le littoral mahafaly. Toutefois, dans l’ensemble du Sud-ouest malgache, la migration n’est pas le fait d’une pure aventure. Les gens se déplacent toujours vers l’endroit où habitent préalablement des groupes ou des familles avec qui, ils ont déjà entretenu une fraternité comme proches parents ou parents lointains ; « ziva » ; alliance matrimoniale ; fraternité par serment du sang…. C’est le cas de la présence de quelques Masikoro à Anakao. Ils sont là, puisqu’ils sont « ziva » du groupe « Tekaroke », un des trois groupes fondateurs du village. Il en est de même pour le cas de Masikoro à Itampolo. A Androka/Ambohibola, plusieurs Mahafaly d’Ambatry et de Beahitse (sur la RN-10…, entre Betioky et Ejeda) sont recensés parmi les pêcheurs sur place, depuis le fameux S.O.S sud, au début des années 90.

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(38) : Selon l’estimation de la F.A.O l’année 2004, la consommation annuelle de poisson par habitant est de l’ordre de 7,6kg à Madagascar (39) : Les agro-éleveurs investissent dans l’élevage bovin. En effet, l’importance du troupeau est fonction de leurs capitaux. Cette richesse non cachée fait souvent l’objet de la convoitise des voleurs ou « Malaso », ce qui explique en grande partie, l’insécurité rurale chez les agro-éleveurs malgaches.

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Ces Mahafaly sont les bien venus dans le village, puisqu’ils font partie des parents du clan « Vavalinta », le fondateur d’Androka ela. Même chose pour la présence de plusieurs Tanalana à Beheloka ; village fondé conjointement par trois groupes claniques : le « Sara » (40) ; le « Tsivoke » et le « Temahaleotse », un groupe d’origine Tanalana déjà « vezoïsé ». Les autres groupes tanalana, confrontés au problème d’assèchement des champs de culture y trouvent leur refuge, chez le « Temahaleotse », leurs parents lointains à Beheloka. Ainsi, dans une large mesure, l’analyse de la migration paysanne dans l’ensemble du Sud-ouest malgache, en particulier chez les Mahafaly; Masikoro ; Tanalana et Vezo, a permis de comprendre le mouvement de la population et surtout, elle nous aide à identifier les divers systèmes d’alliance sociale qui, existent préalablement entre différents groupes ethniques. De plus, le statut d’espace libre de la mer explique la ruée des paysans vers le littoral.

2 - Un espace non approprié, ouvert à tout le monde : la mer ?

Contrairement à la terre, tous les paysans malgaches ont considéré la mer, comme un espace libre, à la disposition de tous. Par son statut, la mer devient plus attractive aux réfugiés écologiques. Le recours à la pêche est une grande possibilité pour écarter les problèmes sociaux liés éventuellement aux conflits fonciers. Au cours de ces trois dernières décennies, face à la démographie galopante et la dégradation rapide de l’environnement forestier, la migration a gagné de l’ampleur en milieu rural sur l’ensemble du Sud-ouest malgache. A l’époque coloniale, le pouvoir administratif avait exercé une influence déterminante sur les formes d’occupation de l’espace. Pour mieux contrôler les populations indigènes, l’administration coloniale exigeait le regroupement des habitats (afin de réduire, sinon de maîtriser le phénomène de banditisme et de pillage encore fréquent dans le Sud et Sud-ouest de l’île, au début du XXe siècle). Plusieurs communautés dispersées dans les forêts et sur le plateau étaient obligées de descendre dans les vallées (Onilahy ; Sakondry et Linta), pour constituer des villages sur les berges. Cet effort de regroupement d’habitats était accompagné d’une distribution de terrains alluviaux ( baibo ) qui, jusque là, sans une réelle emprise humaine au profit des groupes présents à cette époque.

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(40) : D’après R.BATTISTINI, seuls les « Sara » de Lazaira et les « Tsivoke » pratiquent la pêche à la traîne du « lamatra »( espèce de poisson très recherchée dans la zone). Ce sont ces deux groupes qui ont essaimé vers le sud, à la recherche des lieux propices à cette pêche. Chaque groupe a créé ses propres camps de pêche. Certains sont devenus ultérieurement des villages permanents : ainsi Befasy est « Tsivoke », tandis que Maromena et Ambalarivo Beheloka sont des créations des « Sara » de Lazahira. (Op.cit. P. 62)

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Après la colonisation, l’allocation des forêts galeries et l’attribution de permis de défrichement en série ont posé le problème foncier, qui se multiplie de plus en plus dans les communautés rurales du Sud-ouest. En principe, les quelques familles anciennement implantées dans l’espace conquis prétendent d’avoir accéder au statut de « tompotany » (maître de la terre), et à ce titre, elles ont le droit prééminent sur les terres souvent délimitées vaguement par des repères toponymiques (41) . La compétition entre les terres disponibles et la démographie croissante a provoqué le conflit parfois violent entre plusieurs individus du même village. Cette situation entraine souvent la migration d’un certain nombre de paysans vers d’autres lieux. Ainsi, le problème du conflit foncier figure parmi les facteurs de la migration des paysans dans l’ensemble du Sud-ouest de l’île. Le tableau – 9 montre l’évolution de ce phénomène. Tableau - 9 : Evolution de la migration due au problème foncier entre 1995-2005 (Nombre de ménage)

Années Anakao Beheloka Itampolo Andr/Abola Total 1995 19 2 6 13 40 2000 32 4 11 18 65 2005 68 10 22 24 124

Source : Enquête personnelle en 2005

Le tableau - 9 indique que la migration liée au problème du conflit foncier se multiplie chez les groupes agropastoraux. Dans l’ensemble, le nombre de ménages victimes de ce problème et qui viennent se réfugier sur le littoral mahafaly passe de 40 à 124, entre 1995 à 2005, soit une croissance de plus de 310% en 10ans. Au fait des conditions générales du milieu naturel et, à cause de la faible pluviosité annuelle, la situation est beaucoup plus accentuée dans le secteur nord. De plus, contrairement à la Linta, la vallée de l’Onilahy, moins large est vite surchargée en termes d’occupation de l’espace agricole. D’ailleurs, de tout temps dans la vallée, les paysans ont l’habitude de se référer au tracé du cours d’eau, pour délimiter l’ensemble des champs de cultures appartenant aux communautés villageoises situées de part et d’autre du fleuve. Or, le lit de l’Onilahy est instable au cours de ces deux dernières décennies. Il change d’une année à l’autre après la période de crue qui devient de plus en plus catastrophique à la suite de la déforestation excessive dans les cours haut et moyen du fleuve. Ces déplacements du tracé du cours d’eau sont souvent l’objet d’un conflit social pouvant entraîner une migration vers le littoral.

------(41) : M.LANGLOIS et J.P.RAHERINIRINA (2002) : La maîtrise de l’espace et modes de valorisation des ressources du plateau de « Belomotse »et dans les vallées de l’Onilahy ; la Sakondry et la Linta. IRD, Antananarivo, 189p.p.36

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Dans ces circonstances, ces immigrants sont « vezoïsés »plus vite, n’ayant pas le choix et sont obligés de changer leurs activités habituelles d’agro-éleveurs qui ne sont plus pour eux qu’un souvenir. II – 2 : Des groupes d’agriculteurs-pêcheurs non-vezo du secteur méridional

« Plusieurs collectivités de la basse Linta ont un genre de vie basé à la fois sur la pêche et sur l’agriculture. Elles se distinguent donc nettement des pêcheurs purs que sont les « Sara » et des agriculteurs pasteurs Mahafaly » (R.BATTISTINI-1964-b-p.139).

Il s’agit d’un amalgame sans unité ethnique des Tanalana « Temitongoa » d’Androka ; de Mahafaly « Tetsirarake » d’Ampalaza et d’Anengenge (anciens foyers mahafaly situés entres Androka et Ampanihy-Ouest) et les autres éléments résultant d’un métissage de Vezo « Temaromainty » et le « Vavalinta » avec des femmes mahafaly. Les pêcheurs agriculteurs de Bevoalavo constituent des « Betsimifira », descendant d’une femme Vezo, originaire de Manombo qui s’est mariée avec un roi Mahafaly. On raconte qu’autrefois, il y avait un roi Mahafaly résidant à Bevoalavo qui voulait trouver une épouse. Il consulta un « ombiasa » ou divin. Selon l’instruction de ce dernier, le roi devait partir vers le nord, en suivant le littoral, et lorsqu’il trouvera cinq filles qui prennent leur bain dans la mer. La fille qui lui convient sera celle qui sort la première de l’eau. Obéissant à son « ombiasa », le roi partit vers le nord et trouva sa femme à Manombo. Il l’a amené à Bevoalavo, après avoir effectué toutes les procédures du mariage traditionnel. Mais, ne voulant pas être éloignés de leur fille, les parents ont décidé de suivre les nouveaux mariés vers le sud, et le roi, leur gendre, leur a accordé une autorisation de s’installer à n’importe quel endroit de son territoire. Ces immigrants Vezo ont choisi l’espace littoral, juste au niveau du site d’Androka ela, là où il y a eu déjà des Mahafaly « Vavalinta » qui ont occupé ce delta et, l’ensemble de la basse Linta. D’ailleurs, cet endroit a été particulièrement propice à l’activité de pêche. C’est ainsi que ces Vezo pionniers ont été les bienvenus chez les communautés mahafaly « Vavalinta ». Une cohabitation agréable régna entre ces deux groupes. Plus tard, les autres Vezo vinrent suivre leur itinéraire. Désormais, les échanges techniques ou systèmes de production se sont opérés rapidement. La présence de plusieurs groupes non-Vezo pratiquant à la fois la pêche et l’agriculture n’est rien d’autre que le résultat d’un phénomène d’osmose, qui s’est produit entre les groupes de pêcheurs et les groupes d’agriculteurs. Avant l’arrivée des Vezo, les groupes autochtones n’étaient que des purs agro-éleveurs. Les conditions naturelles, les terres et le climat permettent les activités agricoles, surtout les cultures vivrières. Mais, à partir du contact avec les immigrants Vezo, ils ont commencé à

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II - 3: Place de la pêche en mer pour les groupes non-vezo

La participation des groupes non-Vezo à la pêche maritime n’est pas toujours une forme de changement radical d’activité habituelle, chez les paysans. D’une façon générale, les groupes de pêcheurs non-Vezo ont manifesté deux attitudes différentes, à l’égard de la pêche en mer. Les uns considèrent l’exploitation des ressources maritimes comme une simple activité provisoire, qu’il faudrait abandonner à tout moment. Les autres trouvent que l’activité complète très bien l’agriculture.

La pêche maritime, une activité temporaire…

Des sondages ont été effectués auprès des pêcheurs non-Vezo pour essayer de comprendre l’importance de la pêche en mer dans leur vie en leur posant la question suivante : « Pensez vous devenir pêcheur professionnel comme les Vezo ? ». Plusieurs réponses et argumentations ont été obtenues. Sur les 10 Tanalana interrogés à Anakao, 8 ont répondu qu’ils ne sont pas des vrais pêcheurs, mais, des agro-éleveurs victimes de la sécheresse de plus en plus insupportable. Ils pratiquent la pêche car ils n’ont pas trouvé autre chose à faire. Ils ont même assuré qu’un jour, si le gouvernement malgache trouve quelque chose en faveur de leur ancienne activité, ils abandonneront définitivement la pêche, puisqu’en principe, ce n’est pas leur domaine. Seuls, les deux autres, soit 20% du nombre d’enquêtés nous ont répondu qu’ils resteront définitivement pêcheurs. Ces derniers sont entrain de subir le phénomène de vezoïsation des autres groupes. A Beheloka, 21 pêcheurs Tanalana sur les 28 rencontrés, soit 75% font de la pêche à titre provisoire, tandis qu’à Itampolo, 66,67%.

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Quant aux quatre pêcheurs Betsileo rencontrés dans la zone (un à Beheloka ; un à Itampolo et deux à Ambohibola), trois d’entre eux, soit 75%, ont dit que la pêche ne constituait pour eux qu’une sorte « d’activité d’attente » car en tant que migrants aventuriers, ils n’ont pas encore trouvé de la terre à cultiver. Ils ont quitté leur village d’origine à la recherche de nouveau terrain de culture au fait qu’actuellement, les paysans qui habitent les Hautes Terres malgaches sont confrontés au phénomène de surcharge de l’espace exploitable. Mais, peu de temps après leur arrivée dans la région, ils ont fini par se marier avec les femmes du village, c’est une alliance à la fois normale et stratégique. - D’une part, il s’agit d’un phénomène tout à fait naturel, puisque ce sont des aventuriers célibataires et comme tout le monde, ils peuvent être tombés amoureux de n’importe quelle femme, à n’importe quel endroit et à n’importe quel moment. - D’autre part, cette alliance peut être une pure et simple stratégie d’intégration sociale au sein de la communauté d’accueil, qu’un sentiment d’amour proprement dit. En tant qu’immigrants, ils ont certainement besoin de garantie sociale, reposant sur un système d’alliance relativement fort, leur permettant de s’installer tranquillement chez les groupes autochtones. Ensuite, ils doivent se débrouiller pour la survie de leurs petites familles. Ils sont obligés d’accompagner leurs beaux-pères ou beaux-frères à sortir en mer. Ils ont souligné que leur spécialité est l’agriculture, mais, pas la pêche maritime. Le temps de trouver un lopin de terre à cultiver et ils abandonneront les activités halieutiques. Le seul Betsileo, celui que nous avons rencontré à Itampolo voulait devenir un pêcheur professionnel, car il fait partie du groupement fondé par l’ONG ASSOS dans le village (Chapitre VII ). Il en est de même pour le cas d’un seul Antemoro qui habite à Ambohibola. C’est un intellectuel aventurier à qui, l’ONG a plus de confiance en lui qu’aux autres membres du groupement. Il est fortement intégré. … ou une activité complémentaire de l’agriculture ?

Comme nous l’avons vu, la plupart des pêcheurs non-Vezo du secteur sud du littoral mahafaly sont des agriculteurs pêcheurs. Cette dualité d’activité est à mettre en rapport avec les conditions du milieu naturel car, ce qui a créé le genre de vie, c’est le cadre géographique. La présence de delta du fleuve Linta a permis aux habitants de combiner la pêche avec le travail de la terre. Du fait de la forte sédimentation de la basse Linta, le fleuve présente aujourd’hui un régime d’écoulement souterrain pendant toute l’année, sauf exception, cas du passage d’un cyclone tropical. Toutefois, cette situation offre à la population locale, une nouvelle étendue de terrain de culture de type « baibo ». En tant que sol alluvial, très riche en limon, l’ancien lit du fleuve est particulièrement fertile et propice aux cultures vivrières, des tubercules ou d’autres espèces

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céréalières qui constituent la base alimentaire de la population du Sud malgache. Malgré la faible pluviosité de la région, sur ce terrain, les cultures n’en souffrent pas trop grâce à l’humidité qui reste en permanence sous le sol. A cela s’ajoute, l’abondance de la rosée qui se produit au petit matin. Les cultures se font sur les terrasses inondables de part et d’autre du fleuve. D’habitude, les paysans y cultivent du pois du cap « kabaro » ou d’autres plantes légumineuses. Les fonds sablo-limoneux sont dans la plupart des cas, réservés à la culture de la patate douce. Quant au champ de manioc, il se trouve souvent sur les terres un peu plus élevées. On y observe également des champs « vala », là où les paysans pratiquent la polyculture, du manioc associé à l’haricot ; du maïs ou d’autres céréales. Les cultures itinérantes sur brûlis sont rarement pratiquées. Face à la désertification catastrophique de la région, beaucoup de pêcheurs Mahafaly ou Tanalana implantés dans cette partie méridionale du littoral confirment que continuer dans l’activité de pêche tout en restant agro-éleveurs est un bon choix. Malgré le risque qu’elle constitue, la pêche pourrait leur assurer plus de garantie, en termes de survie. Les paysans se livrent à la pêche, surtout en saison sèche, en attendant la prochaine récolte. Le revenu journalier occasionné par les activités halieutiques a fortement amorti le choc de la période de soudure. En tant que telle, la pêche maritime est une activité de « secours ». Pendant la sécheresse catastrophique au début des années 1990 (S.O.S. Sud), plusieurs familles des pêcheurs occupant le secteur sud de ce littoral hébergèrent des réfugiés écologiques Tandroy et Mahafaly, durant une ou deux années. Ce fléau n’avait guère touché directement les pêcheurs professionnels Vezo. Voici un tableau qui montre nettement le gonflement temporaire de la taille du ménage de certains pêcheurs du secteur sud, pendant cette période.

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Tableau - 10 : Gonflement temporaire de la taille de ménage de certains pêcheurs d’Ambohibola, durant la sécheresse au début des années 90

N° du ménage T. M. A.V.S T.M. P. S Augmentation 1 6 9 +3 2 4 7 +3 3 6 10 +4 4 5 8 +3 5 3 7 +4 6 7 7 0 7 7 8 +1 8 3 4 +1 9 4 4 0 10 7 7 0 11 6 10 +4 12 5 7 +2 13 5 6 +1 14 4 4 0 15 4 6 +2 16 2 6 +4 17 7 7 0 18 6 8 +2 19 5 6 +1 20 6 6 0 TOTAL 102 138 36

T.M.A.V.S = Taille de ménage avant la sécheresse ; T.M.P.S = Taille de ménage pendant la sécheresse Source : J.P.RAHERINIRINA (1998-p.66)

D’après le tableau - 10 , la taille moyenne du ménage de pêcheurs de la zone d’étude était de l’ordre de 5,1 personnes (chiffre voisin de la moyenne nationale à l’époque). Elle augmenta jusqu’à 6,8 personnes pendant la sécheresse, soit une croissance de l’ordre de 33,33%. Toutefois, ce gonflement brusque de la taille du ménage n’a pas constitué pour autant de problème de charge chez les familles d’accueil. « Lors de notre enquête auprès de ces pêcheurs, tout le monde a affirmé que cette augmentation ne posait aucun problème. Il suffit ont-ils ajouté d’augmenter la quantité de prises journalières pour ravitailler convenablement ces réfugiés . » (C. F, Op.cit.p.67) Ainsi, dans le secteur sud du littoral étudié, la combinaison de l’agriculture et de la pêche en mer contribue beaucoup à l’amélioration des conditions de vie de la population locale.

III - : UNE SOCIETE BASEE SUR LES ACTIVITES HALIEUTIQUES

A la différence des villages d’agro-éleveurs observés dans le grand ensemble du Sud-ouest malgache, les communautés villageoises des pêcheurs sur ce littoral sont marquées par la cohabitation de plusieurs groupes, vivant dans une ambiance sociale relativement agréable.

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Selon ENGELVIN RP (1937-p.24) : « C’est une image en miniature de Babylone dans laquelle, on trouve des représentants des principales tribus malgaches. ». Une fois intégrée dans la communauté d’accueil, il n’est pas facile pour les observateurs non avisés de distinguer les immigrants des groupes fondateurs du village.

III – 1 : Une société à forte spécificité sociopolitique

Les villages de pêcheurs Vezo sur ce littoral révèlent très nettement une forme d’organisation sociopolitique traditionnelle : une société lignagère. Anakao, leur foyer principal dans la zone est fondé conjointement par trois principaux clans vezo : le « Sara » ; le « Tekaroke » et le « Tetsivoke ». Les Vezo « Sara » sont regroupés dans la partie sud du village, tandis que les deux autres occupent respectivement le centre et le nord du village. Ces trois clans se subdivisent chacun en trois lignages : Sara : (le Temaromainte be ; le Temaromainte malinike et le Tefanoto ) Tetsivoke : (le Tsivoke be ; le Tsivoke malinike et le Temarolava) Tekaroke : (le Tekaroke be ; le Tekaroke masay et le Temarofoty ) Les unités lignagères vezo paraissent souvent moins cohérentes et moins structurées que celles des groupes voisins, Masikoro, Mahafaly, Tanalana… Le modèle lignager vezo dominant est à peu près le suivant. Plusieurs petites unités de résidence appartenant à un même lignage, sous l’autorité d’un chef lignager (Mpitankazomanga ) résident en deux, trois ou quatre villages proches, dans un rayon d’une dizaine à une vingtaine de kilomètres. Il y a ainsi une seule unité cérémonielle dirigée par le « Mpitankazomanga », et plusieurs unités de production et de résidence moins bien délimitées, car elles peuvent communiquer entre elles, notamment pour certaines tâches, impliquant une entraide élargie. Les enfants vivant dans un village peuvent aussi, très bien, se rendre pour quelques jours ou quelques semaines, chez un oncle ou une tante du village voisin. On est loin de la situation masikoro ou mahafaly dans laquelle, l’unité cérémonielle est aussi une unité de production (unité de gestion du troupeau) et, à peu près, d’une unité de résidence. Dans un scénario assez fréquent, un lignage, qui a grandi sur place, peut se scinder sans que l’un des sous-groupes ne cherche à partir. C’est ce qui s’est produit, par exemple, à Sarodrano où les « Besakoa foty » se sont séparés des « Besakoa mainte ». Les deux sous- lignages issus de deux épouses différentes du fondateur se sentent à la fois proches descendants d’un même ancêtre masculin et, inégaux (le groupe issu de la première femme a plus de prestige que celui issu de la seconde femme). Toujours à Sardrano, les « Temangotsoke be » et les « Temangotsoke masay » se sont séparés, à la suite d’un litige.

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A Anakao, les « Tsivoke » (42) se sont scindés plus tard, à l’amiable, en « Tsivoke be », descendants d’un homme et « Tsivoke malinike », descendants d’une femme, donc moins prestigieux dans la logique généalogique malgache. Les « Tekaroke » se sont séparés en « Tekaroke be » et « Tekaroke masay », à la suite d’une dispute consécutive à un vol de bœufs. Ils étaient venus autrefois d’Andrangy (petit village actuellement non permanent qui se situe à 2km au sud d’Ankilimionga) où se trouve encore le tombeau de l’ancêtre fondateur. Ils sont dit-on, « ziva » des Masikoro, les vrais autochtones de la zone hors du littoral et au nord du territoire Tanalana. En tout état de cause, il est à noter l’extrême facilité avec laquelle s’est déroulée la scission en dehors de toute procédure contentieuse de longue durée. En fait, la dimension réduite des lignages vezo est certainement en rapport avec les nécessités techniques de la pêche. Les processus de production liés à la pêche n’impliquent généralement pas des formes élargies de coopération, sauf pour les grandes sennes de plage (voir chapitre - III). Les membres d’un petit lignage, par ailleurs plus facile à gérer, suffisent généralement à la plupart des tâches. III – 1 - 1 : Une hiérarchisation sociale peu poussée

On ne retrouve pas chez les Vezo, les traces encore actives d’un système de castes opposant, comme dans les autres groupes du Sud-ouest, des gens appartenant à des clans royaux ou nobles (les « Andrevola », chez les Masikoro, les « Maroserana » et les « Misara » chez les Sakalava, les « Zafimanely » chez les Bara) à des groupes d’anciens dépendants ou, même, à des clans « maudits »( les « Tambihy » ou les « Tsimodilahy » chez les Sakalava). Cette situation est probablement à mettre en rapport avec l’absence d’Etat qui n’a pas permis d’institutionnaliser avec rigueur les différences de statut. Il existe pourtant des hiérarchies bien réelles. Elles concernent le statut de fondateur, le degré de « vezoïté », ainsi qu’un ensemble diffus de critères déterminant le prestige local d’un groupe. 1 - Le ou les lignage(s) reconnu(s) comme fondateur(s) du village disposent d’un certain nombre de prérogatives. La plus importante est de disposer d’un droit de filtrer les nouvelles arrivées. Parmi d’autres prérogatives moins formelles, le « Mpitankazomanga » fondateur est particulièrement écouté dans les débats publics et, son avis fait souvent la décision. Un Projet qui souhaite intervenir dans un village ne peut en aucun cas, faire l’économie de plusieurs démarches auprès de ce personnage clé. Son éventuelle hostilité, surtout, si elle n’est pas clairement exprimée, pourrait être désastreuse pour l’avenir du Projet.

------(42) : Au début des années 1960, les Vezo « Sara » étaient lee plus nombreux. Aujourd’hui, les « Tsivoke » constituent le groupe le plus important. Ils seraient les fondateurs d’Anakao andriake (Anakao bas). Mais d’après R.BATTISTINI, ce sont les « Sara » qui sont arrivés les premiers. Lors de notre enquête sur le terrain, il a été constaté que chaque groupe se prétendant plus ancien que les autres pour renforcer sa légitimité, il est bien difficile de trancher en l’absence de généalogies détaillées.

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2 - Le degré de « vezoïté » se mesure à la généalogie (il faut être Vezo de père et de mère), mais aussi, aux qualités dans les performances halieutiques et, dans la maîtrise des techniques de navigation. Tous les jeunes Vezo cherchent à imiter les exploits des grands pêcheurs qui savent reconnaître la présence d’un banc à des détails imperceptibles à la surface de l’eau ou, ceux de navigateurs qui réalisent autrefois des prouesses devenues légendaires. 3 - Les autres critères locaux de prestige se limitaient autrefois à la compétence dans les activités halieutiques et dans le rôle tenu lors de la fondation du village. Ils sont plus nombreux aujourd’hui. Un lignage peut accumuler du prestige, pour de multiples autres raisons. C’est les cas, si l’un de ses membres a fait une carrière politique. S’il exerce de hautes responsabilités dans la fonction publique, si, après des séjours à l’étranger, il peut servir d’interlocuteur « vazaha » de passage au village. On voit aussi apparaître des personnages, qui, ayant réussi sur le plan économique (le plus souvent, grâce à la collecte de produits de la pêche), jouent un rôle peu différent de celui des « Mpanarivo » des villages d’agro-éleveurs. Ils ont une « clientèle » de villageois plus pauvres qui « dépendent » d’eux en échange des diverses faveurs (aide financière, prêt de petites sommes, soutien en cas de difficulté avec l’administration …). Même, si leur place généalogique n’est pas prééminente, ils sont devenus incontournables et, on ne peut guère se dispenser de leur avis.

III – 1 - 2 : Un intérêt monomaniaque apporté aux activités de pêche

« La mer est une nourrice généreuse aux ressources inépuisables. Elle offre ici quelques spécimens assez rares et forts curieux. » (ENGELVIN-1937-p.15) Toutes les activités autres que la pêche donnent l’impression d’être négligeables et sont effectivement négligées. Selon BATTISTINI : « La pêche est au centre des préoccupations des Vezo... » (Op.cit-p.113) L’emplacement des villages changeait autrefois, au gré des déplacements des bancs de « tovy » (43) et les alliances (matrimoniales ou « fatrdrà ») s’établissaient souvent, en fonction de judicieuses stratégies de pêche, permettant d’accéder aux zones les plus poissonneuses que nous verrons dans le chapitre suivant. Le respect à l’égard du chef de lignage s’exprimait par l’obligation de lui remettre sous forme de prémices ( lohahane ), les premiers résultats de la pêche ou une partie des prises effectuées, lors d’une expédition lointaine qu’il avait bénie.

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(43) : « tovy » ou « tove » veut dire petits poissons qui fréquentent le littoral vezo en bans nombreux, on les pêche avec des filets très fins avant de les faire sécher sur le sable. Ces poissons suivent des circuits de migration assez complexes qui incitent les pêcheurs à se déplacer à leur suite parfois loin de leurs bases. Certaines années, l’abondance exceptionnelle des « tove » aboutit à des pêches miraculeuses.

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Le dédain pour tout ce qui n’est pas la pêche faisait et fait encore partie des stéréotypes bien connus du comportement vezo. Un « bon » Vezo affiche une certaine désinvolture à l’égard de ses bœufs quand il en a (44 ). S’il faut des bœufs pour une cérémonie au village, les Vezo les achètent à leurs voisins Tanalana, en renonçant ostensiblement à tout marchandage. Ils acceptent ainsi de payer plus cher que le prix normal. Quant à l’agriculture, on s’y livre de façon discrète, si possible loin du regard de ses voisins, pour ne pas mériter le qualificatif de « Vezom-potaka » (Vezo de la boue), considéré comme insultant. Chacun, à Anakao entend montrer qu’il ne mérite pas (45) . Les petits garçons fabriquent des modèles réduits de pirogues dotées de petite voile à l’échelle. Ils jouent constamment avec, comme les enfants Tanalana on Masikoro jouent avec des bœufs en glaise et des esquisses de charrettes. Ils apprennent ainsi à tirer le meilleur parti des vents dominants… Ils savent bien nager sans que personne ne leur ait vraiment appris. Quand ils atteignent huit, neuf ou dix ans, la plus grande récompense est d’accompagner leur père ou leur oncle pour une première expédition en mer. Au temps où les tortues de mer abondaient encore, les quelques spécialistes de cette pêche sportive (46) , jouissaient d’un prestige particulier (nous verrons plus tard). On narrait complaisamment leurs exploits commémorés par les plus grandes carapaces déposées sur un autel particulier à l’est de leur case. On les suivait d’un regard admiratif, quand ils traversaient le village. Quant aux conteurs, ils ne cessent de rappeler les légendes de « l’ Ampela mananisa », la « femme aux ouies », qui serait l’ancêtre de tous les Vezo ou, les exploits de courageux piroguiers, qui ont su échapper aux pièges tendus par les puissances surnaturelles malfaisantes, vivant aux abords de certains récifs ou, répètent inlassablement les hauts faits de LARANTSE. Cet intérêt extrême porté aux choses de la mer n’a cependant pas conduit à créer des droits de propriété sur celle-ci et sur les zones de pêche. Chaque village, dispose seulement d’une zone privilégiée, qui n’est pas entièrement fermée aux autres, mais, qui ne peut être régulièrement utilisée par ces derniers. Des incidents peuvent surgir quand, en suivant un banc, les pêcheurs dépassent trop nettement la zone de pêche qui leur a été allouée. L’usage ne veut que le premier à avoir découvert un banc de poissons (souvent dit-on, à la suite des conseils du possédé « Vorombe ») dispose d’une priorité qui l’autorise à en faire bénéficier.

------(44) : Une étude réalisée par l’ERA CNRE/ORSTOM de Tuléar à Soalara Avaratra en 1985 avait montré la désinvolture avec laquelle avait été traité le troupeau du village. Laissée quasiment à l’abandon, les bœufs avaient fini par s’éparpiller dans la forêt voisine, échappant définitivement à leur légitime propriétaire (45) : Actuellement, cette attitude a beaucoup changé. On rencontre un certain nombre de Vezo, qui se livrent à l’agriculture. Selon J.M.HOERNER : « Une des évolutions les plus marquées des Vezo qui, aux activités de la mer, toujours prépondérantes, s’ajoutent des activités agropastorales » (46) : C’est un euphémisme. En effet, après avoir harponné la bête, le pêcheur plongeait luttait à bras de corps contre elle, avant de la terrasser

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Photo - 1 : Vu de face d’un tombeau vezo d’Anakao. A droite, un autre, en pleine construction.

Photo – 2 : Vu par derrière du même tombeau, en grand plan.

Si les tombeaux mahafaly ou tandroy sont remarquablement décorés des très baux dessins de zébus, des images de gros poissons vivant dans la mer qui bordent une magnifique plage, décorent ceux des pêcheurs Vezo. Cela nous révèle que ces derniers aspirent aux choses de la mer, jusqu’à la vie de l’au-delà.

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III – 1 - 3 : Intégration des immigrants dans la société vezo . Par rapport aux autres groupes du Sud-ouest, (notamment masikoro, sakalava et bara) l’intégration des immigrants dans les communautés villageoises vezo est beaucoup plus simple. En principe, on ne peut s’installer durablement dans un village vezo, sans avoir demandé l’autorisation du « Mpitankazomanga » du lignage fondateur et des autorités civiles. En général, l’autorisation d’installation est accordée après une cérémonie appelée localement

« titike » (47) , comportant le sacrifice d’un bœuf. La meilleure solution consiste même à établir une alliance formelle si elle n’existe pas déjà (mariage avec une femme de lignage, création d’un lien de fraternité de sang avec l’un des membres…), mais, ce n’est pas une condition absolue. L’accord porte généralement sur l’attribution d’un lieu dans le village, pour construire sa demeure et éventuellement, d’une zone pour les cultures ou les parcs. En échange, le nouveau venu est informé de son devoir de respecter les interdits communs et doit accepter une dépendance, souvent plus symbolique que réelle, à l’égard des fondateurs. Ce lien de dépendance n’a pas des implications économiques aussi fortes que, chez les agriculteurs masikora ou sakalava qui, eux doivent accepter pendant des années un statut proche de celui de métayage des fondateurs. A Anakao, comme dans d’autres villages vezo les plus proches de Toliara, plus oublieux des traditions sous l’influence de la société moderne, Chef Fokontany, représentant du pouvoir officiel tend s’arroger pour lui seul le droit de filtrer les nouveaux venus, ce qui provoque souvent des litiges car, les « Mpitankazomanga » fondateurs tiennent à leur privilège et ne sont pas prêts à l’abandonner à un personnage, même « officiel ».

III – 1 - 4 : Morphologie du village vezo

Jusqu'aux premières années du XXe siècle, les villages vezo étaient de petite dimension et, précaire. L’apparente stabilité de certains villages dont la présence à peu près sur le même site est attestée parfois pendant plusieurs siècles s’accompagnait d’une forte mobilité des individus. En général, le « Mpitankazomanga » du lignage fondateur restait sur place, pour conserver à son lignage, les avantages liés à son statut, tandis que les membres de son lignage se déplaçaient dans le cadre du fonctionnement normal de l’activité halieutique. La précarité de ces petits villages était compensée par la solidité du réseau social d’alliés qui entourait la plupart des villages.

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(47) : « Titike » signifie une grande réunion donnant lieu à un accord collectif, solennisé par la présence symbolique des ancêtres qui ont évoqué. A cette occasion, les nouveaux venus voulant l’autorisation de s’installer durablement au village doit prononcer à son encontre, une formule de malédiction à l’occasion de n’importe quelle trahison à la communauté villageoise

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Chaque lignage disposait dans un rayon de quelques kilomètres, un petit nombre d’alliés matrimoniaux et de « ziva ». Ces réseaux étaient systématiquement entretenus de façon à rester constamment opérationnels. Les autres lignages portant le même nom, mais, qui ne forment plus la même unité cérémonielle, depuis un processus d’essaimage plus ou moins ancien. Ces derniers continuent d’être des alliés préférentiels, mais les intermariages sont interdits car il y aurait inceste. L’unité villageoise ne doit être considérée comme un tout autonome. Pour apprécier le réseau social dans lequel est réellement inscrit un groupe vezo, il convient de prendre en considération les points suivants : Les autres segments du lignage qui se placent sous l’autorité d’un même « Mpitankazomanga ». Les « ziva » du lignage ; ce lien de parenté fictive est resté très opérationnel, tant que les partenaires ne résident pas, à plus d’une trentaine de kilomètres, l’un de l’autre. Les réseaux d’alliance matrimoniale ; une rapide approche généalogique des villages étudiés permet de faire l’hypothèse que chaque lignage cherche ses conjoints plutôt dans d’autres lignages vivant dans le village voisin. On constate ainsi une très forte interrelation des réseaux d’alliances, qui correspond assez peu, au découpage strictement villageois. En fait, chaque groupe a des alliances et des affinités très fortes dans d’autres villages. Ainsi ; la dimension d’un village vezo dépasse largement le cadre géographique qu’il occupe. Chaque village constitue, bien sûr, une véritable unité sociale, mais, sa cohésion interne est souvent plus fragile que celle, qui unit entre eux les alliés dispersés dans l’espace. En principe, il existe chez les Vezo, une organisation relativement nette de l’occupation lignagère de l’espace villageois. Le lignage fondateur occupe toujours le quartier sud. L’extension du village s’effectue du sud au nord, et l’occupation de l’espace villageois est fonction de l’ordre chronologique des autres groupes lignagers venus s’installer au village. La disposition des trois lignages principaux dans le village d’Anakao offre un bel exemple, illustrant clairement cette situation. En effet, les « Sara », considérés comme lignage pionnier, ont été implantés dans la partie sud. Les « Tsivoke », aujourd’hui les plus nombreux, mais, qui sont arrivés après les « Sara », s’enracinement dans le quartier central, tandis que les « Tekaroke », qui sont venus tardivement occupent la partie nord. Dans la zone, le « sud » est traditionnellement considéré comme la place la plus noble, dans l’organisation spatiale. Les habitants ne font jamais leur toilette au sud de leur village. Ils préfèrent aller au nord ou sur la plage un peu plus loin du village. Cette tradition est à mettre en relation avec l’adaptation aux conditions du vent dominant (vent du sud ou tiokatimo ).

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NORD

EST Tekaroke : 3è OUEST

Espace villageois Tsivoke : 2è

Sara : 1è

SUD

Figure - 14 : Disposition des principaux lignages dans un espace villageois vezo (l’exemple d’Anakao)

III – 2 : Le « Vorombe » et la pêche en mer

Photo – 3 : Une maisonnette pour les esprits « Vorombe » à Anakao (Cliché : l’auteur en 2005 )

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Alors que les agro éleveurs mettent l’élevage sous la protection spéciale et directe des ancêtres

(48), les Vezo placent la pêche en mer sous la protection des esprits « Vorombe ». Le « Vorombe » est une forme de possession caractéristique qu’on ne trouvait autrefois que chez les Vezo, en particulier, chez les Vezo « Sara ». Selon certains auteurs (CHAUDAT- 1993), il proviendrait du sud de Madagascar, peut-être, amené sur le littoral par des groupes mahafaly devenus pêcheurs. Les esprits possesseurs ne s’identifient généralement pas. Ils représentent les « ancêtres » de façon indéterminée. L’image du « grand oiseau » ( Vorombe ) semble se référer à l’æpyornis dont les premiers Vezo ont pu voir les derniers exemplaires vivants. Les îles sacrées de Nosy ve et de Nosy satra sont les lieux de résidence principale de ces esprits. Quand un possédé les attire sur le littoral, ils s’installent provisoirement (et symboliquement) dans un modèle réduit de maison vezo modernisée, sur pilotis, à l’Est de la case du possédé (voir Photo – 3). La présence de l’esprit est signalée par un petit drapeau malgache fixé sur la maquette. On demande une consultation à l’esprit, par le possédé interposé, pour guérir une maladie, résoudre un problème affectif, attirer la chance sur les activités de pêche, choisir les jours fastes et contrecarrer des attaques de sorcellerie… On consulte également les possédés « Vorombe »de façon détaillée. Par exemple, si on cherche à voir à tel jour est favorable pour telle entreprise (une pêche au grand large ; la construction d’une pirogue neuve ; un long voyage en mer…) ou fabriquer des talismans pour se protéger contre les naufrages …Cette fonction de sécurisation quotidienne de la population est très proche de celle de l’« Ombiasa » ou sorcier dans les autres sociétés du Sud-ouest malgache. La plupart des lignages importants ont au moins un possédé dans leurs rangs. Les possédés qui n’ont pas une renommée exceptionnelle ont pour clients, les membres de leur lignage, leurs alliés proches et leurs voisins. Mais les possédés importants peuvent avoir une clientèle dépassant largement le cadre du lignage, voire celui du village. Cette protection peut avoir une portée générale. Si les grandes cérémonies annuelles de « Vorombe » ont été correctement réalisées par le pêcheur et son lignage, tout ira bien pour lui et son groupe, dans toutes ses activités. Cela suppose qu’une partie significative des revenus est affectée au financement de ces cérémonies, qui sont ainsi considérées comme indispensables au bon fonctionnement du système.

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(48) : Selon les groupes d’agro-éleveurs, l’élevage est prospère si les ancêtres le veulent bien et, ils veulent bien si on leur a rendu hommage comme il convient lors des grandes cérémonies lignagères. C’est la pauvreté des cérémonies destinées à honorer les ancêtres, qui explique principalement les difficultés actuelles, en particulier la sécheresse et les différentes maladies qui frappent fréquemment s troupeaux

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Les « Sara » ont la réputation de devoir une partie de leurs succès halieutiques au fait qu’ils sont les « maîtres » du « Vorombe » et, qu’ils ont toujours à portée de main, assez d’argent liquide pour faire face à toute demande soudaine émanant des esprits.

. Les grandes cérémonies annuelles, comme le « fihisà bevata », sont vraiment spécifiques du « Vorombe » et, tendent de plus en plus à coïncider avec les rituels lignagers. Selon CHAUDAT. Ph. (1993-p.135) : « Le rituel lignager s’intègre dans le rituel de la possession Vorombe. En agissant ainsi, le chef de lignage légitime le pouvoir des esprits Vorombe et celui du possédé ». Ces cérémonies annuelles ont pour objet, de renouveler l’accord de paix et d’harmonie, entre les esprits et les vivants. Il en résulte une sorte de bénédiction collective pour tous les membres du lignage organisateur, valable jusqu’à la prochaine cérémonie. Le « fihisà bevata » a normalement lieu une fois par an, mais, en raison de la pauvreté générale, on le remplace de plus en plus par une cérémonie plus modeste, le « sorombe » .Le « fihisà » ou cérémonie constitue la clé de la prospérité. Plus il est grandiose, plus les esprits seront satisfaits et plus, ils favorisent le succès des pêcheurs du groupe organisateur.

Paradoxalement, les groupes les plus riches augmentent parfois leur richesse, grâce au « fihisà » car, les invités doivent apporter, en contribution aux frais d’organisation, une participation (le « enga »), qui prend généralement la forme d’un bœuf. Pour les groupes les plus prestigieux, qui attirent beaucoup d’invités, la valeur des « enga » reçus peut très bien dépasser largement la valeur des bœufs sacrifiés à cette occasion. C’est pour cela, en fait que ceux qui peuvent souvent organiser le « fihisà » voient leur condition de vie s’améliorer. Le pêcheur et sa femme doivent porter une attention particulière au respect des interdits chaque fois que le pêcheur se lance dans une entreprise dangereuse (aller au-delà de la barrière de récif, pêcher le requin, traverser un secteur fréquenté par les orques…) ou dont l’enjeu est important (expédition de longue durée dans un campement lointain). Si l’épouse était adultère pendant que l’époux affronte un danger, elle serait rendue responsable de sa mort. Dans tous les cas, le pêcheur ne doit pas s’embarquer, après avoir mangé de la viande de porc, il ne doit pas, non plus, en avoir à bord. Mais chaque sous-groupe, chaque individu a ses propres interdits permanents (le mouton pour les « Sara », le vendredi pour les « Besakoa »…) ou seulement temporaires (selon les instructions d’un possédé pour le temps d’une guérison ou d’une expédition risquée). En ce qui concerne le « Doany », il est moins fréquent que le « Vorombe » chez les Vezo. Autrefois, il était cependant rare de trouver un village, de pêcheurs qui ne possède pas au moins un possédé « Vorombe » ou « Doany », surtout, dans le secteur nord de notre zone d’étude.

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Actuellement (nous verrons plus loin), ceci commence à perdre peu à peu son importance dans les communautés de pêcheurs. La différence entre la possession « Doany » et la possession de type « Tromba », très fréquente dans tout le Sud-ouest, est peu perceptible pour les non-initiés. Les esprits « Doany » ne sont pas autochtones ; ils viennent généralement du Nord-ouest de Madagascar et s’identifient clairement dès que commence la possession. Il s’agit le plus souvent, d’un modeste souverain du nord-ouest ou, d’une personne décédée tragiquement, par noyade notamment. Les interdits imposés par les esprits « Doany » ne sont pas les mêmes que ceux, imposés par le « Vorombe ».Les possédés qui sont à la fois « Vorombe » et « Doany » ont localement beaucoup de prestiges car, la protection qu’ils peuvent donner aux villageois s’applique largement (cas du possédé résidant à Sarodrano) très connu jusqu’à Androka/Ambohibola. En première analyse, les possédés d’un même village n’apparaissent pas dans des rapports de rivalité dure. Bien au contraire, dans tous les cas observés, une collaboration entre possédés existe au niveau du village. Si l’un d’entre eux ne parvient pas à résoudre un problème, il n’hésite pas à demander l’aide de l’un de ses collègues. De même, tous les possédés d’un même lieu assistent ensemble aux grandes cérémonies appelées localement « fihisà be ». Ils donnent aussi l’impression d’une réelle unité de la profession. Mais, comment les pêcheurs vezo occupent-ils l’espace ?

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Chapitre - III

L’occupation de l’espace liée aux activités de pêche

« Comment les pêcheurs ont-ils occupé l’espace littoral ? »

Dans notre zone d’étude, les activités halieutiques ne sont pas régulières. Elles sont marquées par un souci constant d’adaptation à un milieu naturel difficile. Les Vezo sont avant tout, une peuplade particulièrement mobile. Selon G.GRANDIDIER : « …Les Vezo ne sont pas sédentaires. Rien ne les attachant aux lieux qu’ils habitent, ils se transportent volontiers, là où les appelle leur intérêt ou bien, ils s’en vont à l’aventure fuyant un danger, un maléfice, se trouvant heureux partout avec leurs pirogues, leurs voiles et leurs pagaies. C’est en réalité, la mer qui est leur patrie. » (Préface, ENGELVIN-1937). Dans ce chapitre sera montré le système des pêcheurs Vezo pour s’implantent sur l’espace littoral étudié suivant quatre grandes lignes : De leur site principal vers l’expansion spatiale des pêcheurs Vezo ; La naissance d’un deuxième noyau vezo dans le secteur sud ; L’implantation humaine dictée par la de pêche ; Vers la sédentarisation des pêcheurs sur le littoral mahafaly.

I - : DU SITE PRINCIPAL VERS L’EXPANSION SPATIALE

Anakao est le premier foyer des pêcheurs Vezo sur la zone. Les traditions semblent concorder sur ce point (49) . Ce village se développe rapidement, grâce à son site particulièrement favorable à l’installation humaine, mais aussi, à la pêche maritime. Il est bien protégé par le récif à caye de Nosy ve. C’est dans ce village qu’habitent le grand ancêtre ( raza ) Vezo « Sara ».

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(49) : Avant la colonisation, le premier établissement vezo sur le littoral mahafaly était Lanivato d’après R.BATTISTINI. Cette installation à Lanivato était éphémère car, les Vezo furent chassés par les Mahafaly et prirent la fuite vers le nord pour fonder le village d’Anakao.

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I – 1 : Mobilité ancienne et création des villages de pêcheurs sur le littoral

Comme il a été dit précédemment, les « Sara » ; les « Tsivoke » et les « Tekaroke » sont les lignages fondateurs du village d’Anakao ; tous des pêcheurs dont les pratiques de pêche n’étaient pas les mêmes. En effet, les « Sara » et les « Tsivoke » pratiquent toujours la pêche à la traîne dont le « lamatra » (cybium commersoni) constitue l’espèce la plus ciblée. D’après R.BATTISTINI, ils ont essaimé vers le sud, à la recherche des lieux propices à cette pêche. Au début, les gens ne pêchaient pas trop loin d’Anakao. Ils restaient dans les alentours de Nosy ve, pour revenir au village le soir. Plus tard, avec le développement de la commercialisation des produits de mer au début du XXe siècle, en particulier le « lamatra » séché ou salé commença l’expansion spatiale de la pêche vezo. Les groupes « Sara » et « Tsivoke » se dirigèrent progressivement vers le sud et furent à l’origine de la création de plusieurs villages permanents tout au long du littoral mahafaly (Maromena ; Befasy ; Beheloka et les autres villages satellites). La migration des pêcheurs Vezo s’est effectuée par étape, du nord jusqu’à Anakao d’abord, puis, de là vers le sud. Aujourd’hui, ces villages permanents deviennent chacun, un petit centre de production d’espèces de produits de mer généralement spécifiques. Ceci étant réalisé en fonction des conditions générales du milieu marin local. Par conséquent, Maromena est propice à la pêche aux pieuvres ( orita ) et aux crevettes, tandis que, Befasy et Beheloka, riches en poissons d’espèces diverses. Itampolo se spécialise de plus en plus à la pêche aux requins. Quant au groupe « Tekaroka », il pratiquait uniquement la pêche à pied à basse mer et la pêche collective à la senne. Il n’avait pas besoin de créer de nouveaux villages car il ne se déplaçait pas trop loin du village principal. A cette époque, la zone d’activité des « Tekaroke » se localisait uniquement entre Nosy satra et Soalara. Ils pêchaient aussi sur le récif à caye de Nosy ve pendant la période de grande marée basse ( tehake be ) et, quelques fois, ils vont jusqu’à Befasy. Plus tard, avec la démographie croissante et l’épuisement progressif de leurs zones de pêche dû à la sur exploitation, on observe maintenant la pêche à pied presque tout au long du rivage jusqu’à Androka, ainsi à leur tour, les « Tekaroka » se déplacent aussi.

84 Ces groupes fondateurs sont d’autant plus mobiles qu’ils ont créé des réseaux d’alliance complexe avec les autres groupes de pêcheurs, notamment les « Temangaro » et les

« Sakoandahy » (50) ; plusieurs camps de pêche sont ainsi établis le long du littoral dont la plupart sont actuellement devenues villages permanents, comme Efoetse ; Maromitilike ; Hoalave ; Itampolo et Lambetabe. A l’époque où R.BATTISTINI effectuait ses recherches dans la région, il avait déjà remarqué l’apogée du phénomène de transformation des « villages provisoires » ou campements en villages permanents. C’est déjà une forme de la dynamique de la pêche traditionnelle dans l’espace. I – 2 : Les nouveaux facteurs pour la création de villages permanents

Les mobiles qui ont poussé les pêcheurs à créer de nouveaux villages permanents changent avec le temps. Pendant la deuxième moitié des années 1990, la mobilité des pêcheurs s’effectuait généralement par un phénomène de déplacement du village permanent vers un autre site. Les cases en « vondro » (51) qui marquent les villages vezo ne sont pas difficiles à déplacer. Par exemple, beaucoup de petits villages satellites, anciennement implantés près de Beheloka sont entièrement ou en partie absorbés par ce dernier (Ambahivahy kele ; une grande partie de Beheloka haut). Les habitants sont attirés par le développement de l’infrastructure économique et sociale entrepris par le Projet FAO-Pêche dans ce village et, l’ouverture de la ligne de taxi- brousse, la « Translittorale » reliant Toliara – Androka, à partir de l’année 1998. Les paysans voulaient s’installer près d’un centre commercial local pour faciliter les échanges. Cet arrêt de la création de nouveaux villages sur le littoral mahafaly est en partie en rapport avec la pénurie des matériaux de construction à savoir les « vondro ». Aujourd’hui, surtout à partir de l’an 2000, le phénomène de transformation des « villages provisoires » en villages permanents réapparaît à nouveau, mais, pour d’autres raisons. Il s’agit d’un éclatement des gros villages comme ce qui s’est produit actuellement à Anakao. Dans l’ensemble, deux choses sont à l’origine de cette situation.

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(50) : Les « Temangaro » sont venus de Lovokampy (village tout près, entre Soalara et St Augustin), à la suite d’une scission conflictuelle. Le « Mpitankazomanga » est resté à Lovokampy, l’autre est venu à Anakao. Quelques-uns élevaient encore des bovins. En tant que pêcheurs, ils son connus pour leur mobilité. A Anakao, ils sont plus pêcheurs qu’éleveurs, mais, à Beheloka, plus éleveurs que pêcheurs. Les « Temangaro » sont « ziva » des « Tejoria » d’Ifaty, de Mangily et d’Amboroneoke. En ce qui concerne les « Sakoandahy », ils sont venus d’Ankilibe à Anakao pour y chercher des épouses. Ils sont aujourd’hui en conflit avec les «Tsivoke ». (51) : Plante marécageuse, servant des matériaux de construction des cases vezo, les plus courants dans la région

85 . D’une part, certaines familles mal à l’aise par le processus de la mutation sociale et économique qui s’opère très récemment dans le village sont parties vers d’autres sites. . D’autre part, l’abandon de gros villages est aussi lié à la recherche d’une nouvelle zone propice à la pêche des espèces bien déterminées. C’est le cas d’Ankilimiongana. Ce petit village se trouve sur le littoral, au sud d’Anakao, presque exactement en face de l’île de Nosy satra. Le nom du lieu-dit (« kily » et « mionga ») rappelle le souvenir d’un grand tamarinier, courbé par le vent du sud que l’on voyait de très loin et qui servait de point de repère. Ankilimionga, longtemps était un simple campement pour les pêcheurs qui suivaient les bancs de « tsitsike » (crevette) et de « kabily » (sardinelle, mulet à grandes écailles). La pêche de nuit au « kabily » à l’aide de filet de très petite maille y est particulièrement fructueuse. On y pratique aussi avec succès la pêche à la tortue qui est encore entourée de beaucoup d’interdits

(52) . Les « orita » (calmar ; Ou rite ; pieuvre) y sont aussi très abondantes. Le site d’Ankilimionga est excellent pour la pêche. Les récifs n’y reçoivent pas d’alluvions fluviales et, sont très poissonneux. Selon les pêcheurs locaux, la pêche en mer est largement plus rentable qu’à Anakao pourtant moins éloigné. Les premiers habitués saisonniers d’Ankilimionga venaient de Lovokampy, les autres de St Augustin, Anakao, Maromena… Ils viennent, séparés de leurs familles pour se consacrer jour et nuit à la pêche, en évitant toute dépense, puisqu’il n’y existe, ni épicerie, ni débit de boisons, ni aucune occasion de dépense… Cette vie plus austère qu’au village, sans autres activités que la pêche indique pour celui qui s’y livre, une forte volonté d’amélioration économique. L’initiative d’établir un village permanent est récente. Elle revient aux « Besakoa », les premiers à avoir amené leurs familles en février, de l’année 2000, quand ils construisirent trois cases. Leur exemple fut suivi par les « Temarofoty », les plus nombreux en 2002, avec treize cases, puis les « Temangaro » (onze cases), les « Temaromainty » (cinq cases) et, les « Tekaroke » (cinq cases). Une famille « Sakoandahy » était venue d’Ankilibe vers la moitié de l’année 2002. A cette époque, la plupart n’étaient toujours pas vraiment permanents. Ils venaient pour quelques semaines ou quelques mois. Mais, la durée du séjour était de plus en plus longue. La limite entre long séjour et installation définitive tend à devenir flou et, à partir de l’année 2004, les habitants ont commencé à s’installer définitivement.

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(52) : La tortue de mer (fano) fait partie actuellement des espèces protégées

86 Grâce à sa richesse particulièrement importante en ressources halieutiques, Ankilimionga dispose de la plus forte croissance démographique de notre zone d’étude. Depuis l’an 2000 jusqu’en 2004, il a connu une croissance démographique annuelle, toujours supérieure à 50%, d’après le tableau – 11.

Tableau - 11 : Une croissance démographique galopante d’Ankilimionga

Années 2000 2001 2002 2003 2004 Nb d’hab 23 51(109%) 89(87%) 138(72%) 208(70%)

Source : Enquête personnelle en 2005

Il s’agit d’une zone de pêche par excellence qui actuellement attire beaucoup les pêcheurs du secteur nord, pressés par la forte demande en produits de mer. De plus, le site d’Ankilimionga n’est pas éloigné d’Anakao, le centre commercial principal. On peut largement faire un aller et retour en une demi-journée en cas de besoin de faire un petit saut à Anakao. Pour le moment, la structuration sociale de l’ensemble reste faible, le nombre d’habitants est encore peu important et chacun s’installe où il veut. Les « fondateurs » ne prétendent pas encore user de leur antériorité pour limiter le droit d’installation de nouveaux venus en 2005. Il n’y a pas de « Vorombe » parmi les habitants à peu près permanents, seulement un possédé « Doany ». Si les processus d’implantation définitive continue comme on peut le prévoir, à Ankilimionga et, sans doute plus tard Andrangy petit village situé à 3km au sud d’Ankilimionga, ne vont pas tarder à se structurer comme des villages ordinaires, avec un noyau dur qui, à Ankilimionga, devrait se construire progressivement au tour de « Besakoa ». Comme ailleurs, ce noyau servira sans doute de base à l’autorité d’un petit nombre de notables lignagers. On peut aussi, dans ce cas prévoir l’arrivée de quelques possédés « Vorombe » en résidence définitive dont le rayonnement doit s’étendre avec le temps. Andrangy est aussi un ancien camp de pêche en pleine transformation comme village permanent, mais, son degré de mutation est moins poussé que celui d’Ankilimionga, peut-être, à cause de la distance. Il est constitué de cinq hameaux en partie non permanents, échelonnés sur un axe sud nord. Ces hameaux sont habités par des Tanalana d’Andranotoholy ; des « Tamboroneoke » de Toliara ; des Vezo « Tamby » de Soalara et des « Temaromainty » de Soalara. Comme Akilimionga, Andrangy est un site excellent pou la pêche et, aujourd’hui, plusieurs pêcheurs veulent y rester définitivement.

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II – CREATION D’UN DEUXIEME NOYAU VEZO DANS LE SECTEUR SUD

Les Vezo « Sara », par leur connaissance empirique forgée depuis longtemps ont bien maîtrisé les conditions de la pêche en mer. Bons navigateurs et, très à l’aise en mer, les Vezo « Sara » peuvent faire un long voyage durant plusieurs jours, sans escale. Selon Y.LAGON (1959) : « Les Vezo aiment la mer, la connaissent parfaitement » (cité par J.LHOERNER 1987, p.349). L’arrivée massive des Vezo « Sara » à Androka et Ambohibola, au début de la grande période de mobilité vers les années 1910 était liée à la pêche au « lamatra » et de la grande tortue, espèces qui restent encore abondantes dans le secteur méridional du littoral étudié. Ces « nomades marins » décidèrent de ne plus revenir à Anakao, leur village d’origine car, l’activité de pêche y était plus rentable dans leur nouvel espace. La préexistence d’un petit nombre de familles vezo, originaires de Manombo, implantées à Androka et Ambohibola, à l’époque pré coloniale (C. F, l’histoire d’une jeune fille vezo, qui se maria avec un roi mahafaly) facilite leur implantation dans le secteur. Leur fixation est d’autant plus possible puisqu’ils peuvent vendre sur place, une partie de leurs prises. Ainsi, ils ont constitué un nouveau noyau Vezo « Sara » sur la partie méridionale du littoral. Plus tard, les autres lignages ont suivi leur exemple. Une fois, bien installés dans le sud, ils n’ont plus voulu se rendre au grand « raza » (grand ancêtre) d’Anakao (53) . Toutes les cérémonies se font à un « Hazomanga » annexe, créé à Ambohibola. C’est un bel exemple d’une scission spontanée chez les Vezo, à cause de l’éloignement. Ce nouveau noyau d’Ambohibola se spécialisa d’abord, en parallèle avec la pêche aux grandes tortues, la pêche aux « lamatra » et aux burgaux. On raconte que les « lamatra » d’Ambohibola sont qualitativement meilleurs que ceux d’Anakao, peut-être, à cause de la nuance écologique du milieu marin. Plus tard, ils se sont livrés petit à petit à la pêche aux autres espèces (langoustes ; « zanga », concombre de mer ou autres…). Si les pêcheurs Vezo « Sara » de Lazaira de Soalara et d’Anakao font à la fois la pêche, le métier de passeur et de transport vers St Augustin et Toliara, ceux qui sont restés dans le sud mènent un genre de vie en harmonie avec la population autochtone. Ainsi, des réseaux d’alliances relativement complexes s’opèrent entre eux et, les groupes d’agro-éleveurs Tanalana et Mahafaly.

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(53) : Selon R.BATTISTINI : « La saison de pêche (d’août en novembre), une grande partie de la population d’Anakao est dispersée dans les multiples camps de pêche et, dans les villages secondaires dont, la population grossit alors considérablement. Pour le nouvel an, tout le monde se retrouve à Anakao… se rendre au grand raza » (Op.cit.p.109).

88 Il est dit qu’au début, on voyait très rarement des femmes Vezo, en particulier les « Sara » se marier avec les Mahafaly ou, autres groupes d’agro-éleveurs car, elles n’étaient pas habituées à travailler la terre. Par contre, les jeunes filles Mahafaly ou Tanalana ont depuis longtemps voulu être les femmes des pêcheurs Vezo, puisque ces derniers sont plus riches, grâce aux produits de pêche. D’ailleurs, par rapport aux autres groupes du Sud-ouest malgache, l’occupation quotidienne des femmes Vezo n’est pas tellement pénible, ce qui justifie encore les vœux de plusieurs jeunes filles, à tourner les yeux vers les jeunes célibataires Vezo pêcheurs. Les Vezo, en tant que nouveaux venus dans la région ont besoin d’une certaine garantie assez forte pour justifier leur implantation définitive sur place, car ces alliances leurs permettront d’accéder à un statut de « longo » (proches parents) ayant droit à l’occupation spatiale chez les autochtones. Les groupes d’agro-éleveurs Mahafaly ou Tanalana voulaient s’adapter aux activités halieutiques, à titre d’activités complémentaires de l’agriculture et de l’élevage. Parfois, on n’arrive plus aujourd’hui, à distinguer les agro-éleveurs pêcheurs de véritables pêcheurs Vezo, quand ils sont ensemble en mer.

III - : UNE IMPLANTATION HUMAINE DICTEE PAR L’ACTIVITE DE PÊCHE ET LES CONDITIONS NATURELLES

Dans le Sud-ouest malgache, ou le « nouveau Sahel », selon J.M.HOERNER, l’eau est le principal facteur de fixation de l’homme dans l’espace (54) , mais sur le littoral mahafaly, d’autres facteurs majeurs viennent s’y ajouter. Ainsi, un site quelconque est jugé « idéal », si les conditions naturelles permettent à l’homme, une implantation fixe ou provisoire car l’accès des pêcheurs au large ne pose pas trop de problème. Mis à part les conditions naturelles déterminantes pour l’implantation humaine dans l’espace, la présence d’une ou plusieurs passes au niveau du récif frangeant, la position à l’abri des vents dominants constitue les conditions déterminantes pour le choix d’un site villageois et pour le site d’Anakao, tous ces critères s’y retrouvent. Beaucoup de chercheurs ont remarqué qu’Anakao devient rapidement le village le plus important à cause de son site particulièrement favorable… Nul autre, sur l’ensemble du littoral mahafaly, ne pouvait mieux convenir à l’établissement de la capitale Sara.

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(54) : Dans le pays mahafaly ou tanalana, un site villageois est encore considéré comme habitable, s’il se trouve dans un rayon inférieur à 10km du point d’eau. Sur le littoral étudié, au-delà de 5km d’un point d’eau douce, les Vezo se sentent déjà mal à l’aise

89 Ce village se situe en face de plusieurs passes dont la plupart restent utilisables sans risque, pendant toute l’année. Ces dernières sont assez larges, profondes et bien à l’abri des grandes houles, grâce à la présence du récif à caye de Nosy ve au sud-ouest formant une barrière. Les pêcheurs du village peuvent aller à la pêche au large et, rentrer au village au moment voulu. C’est ainsi qu’Anakao était au début, le grand centre de la production de « lamatra », grâce au développement du commerce des produits de mer, vers les années 50 - 60. De plus, la présence d’un récif barrière continue sur une dizaine de kilomètre, limite considérablement l’action des grands déferlements sur l’ensemble de la zone de pêche, au niveau d’Anakao. A ces conditions du milieu marin très favorables aux activités de pêche s’ajoute, l’existence d’une nappe d’eau douce à faible profondeur, sous les sables du cordon littoral (C.F : Chapitre - I). En suite, ce village se trouve à une quarantaine de kilomètres au sud de la ville de Toliara, le grand centre de consommation de la région et, dans une direction, permettant aux pêcheurs et aux collecteurs, d’utiliser au mieux, l’alternance quotidienne des vents, pour la navigation à voile. Tout cela a fait du village d’Anakao un site exceptionnellement, favorable aux activités halieutiques. Plus, au sud, les sites de Maromena et de Befasy sont également liés à l’existence de deux passes ou « vavarano » dont la passe de Vatoabo pour Maromena et celle de Vatolalake pour Befasy, ces deux villages étaient au début, des « villages provisoires », mais sont devenus permanents grâce à des conditions naturelles favorables. Il en est de même pour le cas de Beheloka, en face de la passe de Beheloka et d’Asakoa ( Figure - 9). Le site villageois situé à l’abri des vents dominants facilite la sortie en haute mer. Les secteurs de plage situés sous le vent des récifs sont plus favorables à l’implantation humaine pour deux raisons. D’une part, parce qu’on y est à l’abri des vagues du chenal qui, pour être courtes n’en sont pas moins gênantes pour la mise à l’eau de pirogues (55) . D’autre part, étant situé à l’abri du vent dominant, le risque de destruction des cases est limité pour Anakao ; Befasy et Beheloka qui sont sous le vent des trois des récifs les plus importants de la côte. Efoetse ; Maromitilike ; Hoalave et Lanivato sont protégés par un récif frangeant de plusieurs dizaines de kilomètres, tandis que, Itampolo est abrité par l’avancée de la pointe d’Eromotse. Par contre, toutes les parties côtières dépourvues de récifs coralliens sont hostiles à l’implantation humaine.

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(55) : Les villages vezo sont situés en bordure de la mer, de plein pied sur la plage, pour pouvoir tirer la pirogue sur le haut de la plage, tout près de la case, pour une raison de sécurité .

90 Il faut noter qu’Itampolo n’est pas un village fondé par des pêcheurs Vezo. C’était au début un village de création Tanalana agro-éleveurs, mais plus tard, grâce à son site favorable aux activités de pêche, les Vezo ont fini par fonder un village annexe, à la place de l’ancien camp de pêche habituel : Itampolo andriake . Les sites des récifs offrent aux pêcheurs, non seulement des chenaux d’embarcation peu profond, propices à la pêche à pied, mais aussi, une grande possibilité de sortie au large, pour la pêche en haute mer. Les sites d’Androka ela et d’Ambohibola sont aussi en position favorable avec les conditions du milieu marin grâce à la présence des récifs coralliens et des passes. En définitive, le site des villages vezo de notre zone d’étude doivent remplir les trois conditions suivantes : Un endroit bien protégé par des récifs munis des passes, permettant sans trop de risque la sortie au large ; Une position à l’abri des risques de destruction des cases, sous l’action du vent dominant ; Un endroit pas trop éloigné d’un point d’eau douce. Sur cette partie littorale de l’île, la forme d’occupation spatiale évolue avec le temps. La migration temporaire vers le sud continue, mais, le voyage par étape se voit de plus en plus rare, car la plupart des anciens campements sont devenus des villages permanents. La migration temporaire s’effectue actuellement entre des villages permanents. Les pêcheurs migrateurs prennent directement un voyage sans escale, vers une direction précise. Cette situation est à l’origine du gonflement de l’effectif des habitants des villages d’accueil.

Tableau - 12 : Variation saisonnière du nombre d’habitants dans certains nouveaux villages permanents du littoral mahafaly. (Situation entre 2003-2005)

Saisons Efoetse Maromitilike Hoalave Lanivato Itampolo 01/2003 360 292 211 208 1259 09/2003 472 349 272 232 1420 Croissance 112 57 61 24 161 01/2005 371 299 220 215 1268 09/2005 486 361 287 261 1453 Sur plus 115 62 67 46 185 Source : Enquête personnelle en 2005.

D’après les pêcheurs locaux, la saison pluvieuse est moins favorable à la pêche. La capacité de prise journalière reste, toujours inférieure à la moyenne enregistrée durant la saison sèche. Ainsi, la plupart des pêcheurs migrateurs choisissent souvent de rentrer en fin d’année, ce qui explique en grande partie, la variation saisonnière du nombre d’habitants, enregistré dans

91 chaque communauté villageoise du littoral. D’habitude, ils ne rentrent pas tout ensemble, mais, par délégation organisée à tour de rôle, sauf, à l’occasion d’un évènement social important, nécessitant la présence de tous les membres de lignage organisateur (« fihisà bevata » ; la mort du chef de lignage ou autres cérémonies traditionnelles importantes.). Pour cette migration temporaire, la durée du séjour dans le village d’accueil est relativement variable. Mais, dans la plupart des cas, elle dépasse largement la limite de la saison de pêche car, il ne s’agit plus d’une occupation d’un « village provisoire » ou camp de pêche, mais plutôt d’une « deuxième résidence ». Souvent, nombreux ne rentrent pas, pendant deux ou trois ans consécutifs, car dans notre zone d’étude, la limite entre long séjour et migration définitive devient de plus en plus difficile à déterminer ; ainsi, la dualité du lieu de résidence y est devenue une chose courante. De ce fait, le recensement de la population n’est pas toujours facile à réaliser de façon fiable. Beaucoup de gens sont souvent enregistrés parmi les habitants de deux différents villages, parfois éloignés l’un de l’autre. Malgré l’important processus de transformation des campements en villages permanents observé dans la zone, il existe quelques « villages provisoires » qui restent encore des camps de pêche ; par exemple, le cas de Nosy manitse , une petite île formée par un récif à caye situé à une vingtaine de kilomètres au sud d’Ambohibola et, à la même latitude que Lavanono. Nosy manitse, depuis des années est un camp de pêche par excellence pour les pêcheurs du secteur méridional du littoral mahafaly. L’activité de pêche y est largement rentable, mais, sa transformation en village permanent pose un problème, non seulement à cause du vent, mais, surtout par l’absence de point d’eau, ce qui limite considérablement le séjour sur cet endroit pourtant très poissonneux. On y trouve toujours des pêcheurs pendant neuf ou dix mois sur douze, mais, le séjour continu ne semble pas possible, puisqu’on doit s’approvisionner en eau tous les trois jours. La durée du séjour sur la petite île dépend de la quantité de la demande croissante en produits de mer. En effet, de nombreux pêcheurs y reviennent plusieurs fois, pour satisfaire les besoins de clients.

Ainsi, on peut dire qu’aujourd’hui, le mode de fréquentation d’un camp de pêche a changé, non seulement dans la durée du séjour, mais aussi, en ce qui concerne le nombre d’aller et retour entre campement et village d’origine, durant une saison de pêche.

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Figure - 15 : Système Technique de migration actuelle des pêcheurs du littoral mahafaly

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IV - : VERS UNE SEDENTARISATION DES PÊCHEURS ?

Après avoir vécu pendant des années dans la mobilité, le début d’un processus de sédentarisation est aujourd’hui perceptible, chez les pêcheurs Vezo du littoral mahafaly. Il s’agit sans doute, d’une influence de la modernisation économique et sociale qui s’est opérée récemment sur la zone littorale. Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette situation mais, le plus important est un facteur d’ordre social, en particulier, la symbiose avec les groupes d’agro éleveurs.

Une forte symbiose entre les Vezo et les groupes d’agro-éleveurs

« Les vezo, avec le campement sous la voile tente, la pirogue passe partout et une forte propension à la sédentarisation par symbiose avec les groupes de cultivateurs. » (J.M.HOERNER, 1987-p.348).

Tout a commencé par le système de jumelage entre, villages d’agro éleveurs et camps de pêche vezo, signalé par R.BATTISTINI, au début de l’indépendance, lors de l’expansion vezo vers le sud. Nous savons que le groupe Vezo est une peuplade, ayant une base culturelle particulièrement souple qui peut s’adapter facilement aux autres groupes voisins. Certes, les unions matrimoniales avec les groupes d’agro éleveurs se sont multipliées, ce qui témoigne de la migration définitive du groupe Vezo dans la zone. Selon J.M.HORNER : « Les Vezo auraient même pu se fondre complètement dans la société agropastorale des groupes originaires de l’est » (Op.cit.p.132). Chose normale, à la suite d’une forte relation d’entente qui s’instaure entre les deux groupes, divers systèmes d’alliance (matrimoniale, serment du sang « fatidrà »ou tout simplement une relation d’amitié très proche de celle qui existe entre proches parents biologiques…). Bien sûr, une sorte d’échange d’expériences sur le système de production peut se produire spontanément, ce qui est à l’origine de la présence de plus en plus nombreux des pêcheurs très habiles notamment à Androka/Ambohibola, mais, qui se disent toujours non-Vezo et, inversement, des Vezo, qui se sont manifestement intéressés aux activités agricoles. Cette réciprocité qui se produit au niveau du système de production est l’expression de l’existence effective de « filongoa » (sentiment parental), reliant les deux groupes. Selon J.M.HOERNER à la page 131 : « Ainsi, dans le sud mahafaly, il existe des Vezo et des Mahafale pêcheurs que l’on appelle « Tandriake » et, non-Vezo ; les Masikoro, qui sont pêcheurs, ne se disent pas Vezo et ils ne sont surtout pas considérés comme tels par ceux-ci ».

94 Même chose pour le cas des Vezo. S’ils se décident aujourd’hui de participer aux travaux de la terre, c’est surtout pour confirmer aux yeux de tout le monde, qu’ils sont eux aussi « Tompotany » (propriétaires de la terre) à part entière, même, s’ils ne sont pas vraiment des bons agriculteurs. En principe, il n’y a pas de « Tompotany » sans terre. Autrement dit, le statut de « Tompotany » est justifié par la possession sur place ou, à l’intérieur du finage, d’une parcelle de terre (56) . La tendance vezo vers l’activité agricole est aussi un phénomène nouveau dans la zone. Personne avant J.M.HOERNER (1987) n’en a jamais signalé. Cela veut dire que ce changement n’apparaisse qu’à partir du moment où le phénomène de « filongoa » a pénétré de façon profonde et irréversible, chez les deux groupes alliés. Tous les renseignements recueillis montrent que cette situation a commencé vers la deuxième moitié des années 70, à partir de laquelle, le nombre d’enfants issus des couples mixtes (pères Vezo et mères Tanalana ou Mahafaly ou vice versa) a été assez important. Ils forment aujourd’hui une « nouvelle génération » différente de leurs parents, en ce qui concerne le système de production. En effet, ceux qui sont déjà adultes, dans la force de l’âge pratiquent à la fois la pêche et l’agriculture. C’est le cas de la plupart des habitants d’Androka/Ambohibola. Cette « nouvelle génération » se distingue en deux catégories. La première est ceux qui ont des pères Vezo et mères Tanalana ou Mahafaly se disent Vezo, après le « soronanake » (une cérémonie de l’enfant) (57) . Ainsi, ils sont plus pêcheurs qu’agriculteurs. Toutefois, certains d’entre eux suivent leurs oncles aux champs, pendant la saison de pluie et, finissent par obtenir un lopin de terre de culture chez les parents maternels. Dans ce cas, ils travaillent la terre à titre de passe temps et ne cherchent pas à se lancer dans un domaine qui n’est pas le leur. La deuxième catégorie concerne ceux, issus des unions entre des femmes Vezo des hommes du groupe d’agro-éleveurs. A l’inverse de la première catégorie, ils sont plus agriculteurs que pêcheurs et, malgré leur habilité à la pêche en mer, ils se disent toujours non-Vezo. La mer est leur deuxième domaine d’activité. Ils vont à la pêche, en attendant la saison de culture. Tout cela nous amène à dire que dans le contexte actuel, la participation active des pêcheurs vezo aux activités agricoles est un véritable témoin d’une pénétration profonde de ces derniers dans la société d’agro-éleveurs.

------(56) : C’est pour cela qu’en aucun cas, les Malgaches ne vendent jamais en totalité, leurs « Tanindrazana » (terre des ancêtres, qui s’est transmise par héritage). Celle-ci renferme non seulement une valeur sociale, mais aussi, morale. Quelqu’un qui a vendu son « Tanindrazana » a perdu totalement sa racine (son origine ). (57) : « Soronanake »est une pratique sociale traditionnelle, commune dans l’ensemble du Sud-ouest malgache. Il s’agit d’une cérémonie de l’enfant, qui permet au lignage du père, d’officialiser l’affiliation de l’enfant, dans son lignage paternel.

95 J.M.HOERNER voit les choses autrement en écrivant : « Ainsi, si ces pêcheurs ont édifié des Vala dans la plaine côtière mahafaly, c’est pour ne plus dépendre des agriculteurs et cesser de poursuivre avec eux l’échange traditionnel des produits de mer et de la terre. » (Op.cit.p.345). Puis, il a ajouté dans la même page que les Tanalana d’Ankiririsa (village situant à l’ouest du couloir d’Itomboina) consommaient désormais du poisson seulement une ou deux fois par semaine, alors qu’autrefois, c’était un aliment quotidien. En fait, les Tanalana implantés à proximité du couloir d’Itomboina se rendent compte effectivement que leur consommation en poisson diminue beaucoup. Toutefois, cette situation résulte plutôt d’une incidence conflictuelle entre ces deux groupes. Il s’agit d’une dispute consécutive à un vol de bœuf, qui se produit à la fin des années

70 (58) . Désormais, leur relation s’est détériorée. Mais, c’est tout à fait un cas exceptionnel. Au contraire, les Tanalana, ceux qui habitent les villages anciennement jumelés aux campements des pêcheurs Vezo d’autrefois mangent presque tous les jours, du poisson. Dans le contexte actuel où, la sécheresse limite considérablement la production agricole, les agriculteurs souffrent beaucoup du manque de nourriture surtout, en saison sèche. Heureusement, comme il a été dit précédemment, la saison sèche correspond à la période, pendant laquelle, la pêche en mer est favorable. Beaucoup de femmes Tanalana viennent quotidiennement et, sans gêne, chez les Vezo, uniquement pour demander du poisson nécessaire à la consommation familiale, même si elles n’ont rien à offrir en échange. Souvent, on observe aussi quelques familles, qui ne se nourrissent que du « hôsy » (viande de requin, cuisinée à la Vezo) offert gratuitement par les pêcheurs Vezo, pendant deux ou trois mois consécutifs. Ce rapport de dépendance n’aboutit jamais à une mauvaise relation de voisinage. Au contraire, le groupe Vezo trouve dans cette situation une très belle occasion de montrer aux agriculteurs qu’il a bien assimilé le sens du « filongoa » sur lequel repose la société. Il faut savoir que le groupe tanalana a particulièrement un esprit communautaire et solidaire. D’ailleurs, c’est la meilleure stratégie de survie dans le milieu rural, tant que les moyens de production restent encore archaïques et à faible productivité. En effet, s’il existe une chose, la plus regrettable dans la vie des Tanalana ou Mahafaly, c’est d’être exclu de la communauté.

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(58) : Le couloir d’Itomboina dispose une position stratégique, quant au vol de bœufs car, c’est la seule passe (kijo), que les voleurs puissent emprunter dans la zone. Dans l’ensemble du Sud-ouest malgache, la question de vol de bœufs affecte les différentes communautés villageoises se trouvant dans une position pareille .

96 C’est dans le pays tanalana ou mahafaly qu’on observe encore, de façon évidente, la souche de la principale base de la société malgache du proverbe : « Aleo very tsikalakam-bola, toy izay very tsikalakalam-pihavanana . », ce qui se traduit littéralement comme suit : « Mieux vaut perdre le support d’argent, que celui de la parenté ».

Cela suppose que, l’assurance sociale est plus importante que l’opulence matérielle (59) . R.BATTISTINI a déjà remarqué ce phénomène chez les Tanalana, lors de son passage dans la région, à la veille de l’indépendance en disant : « Il me fallut quelque temps pour comprendre que cette apparente indifférence à la misère et à la faim…, liée à l’intégration étroite de l’individu dans les cadres de rigide et protecteur du clan, du village, de la famille…Cette sécurité psychologique et sociale, compte plus pour l’individu qu’une sécurité matérielle . » (Op.cit.p.4)

Cette analyse nous permet de retenir une chose : Du moment où leur symbiose avec les groupes d’agriculteurs peu mobiles atteint un certain degré socialement irréversible, les Vezo ont commencé à se fixer, pas très loin de leurs groupes alliés. Il s’agit peut-être, d’une influence du groupe d’agro éleveurs, assimilée par le groupe de pêcheurs Vezo.

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(59) : « Ce qui nous a frappé lors de notre passage à Itampolo, c’est la solidarité au sein du village, qui se traduit par le secours apporté aux pauvres. C’est ainsi que les veuves et les orphelins sont généralement pris en charge par les groupes villageois. C’est un devoir pour les personnes aisées de venir en aide aux déshérités. Les membres sont donc fortement liés au groupe. L’individu ne cherche jamais à rompre avec son groupe, ni à s’en affranchir. Au contraire, le bonheur pour lui se réalise en une intégration plus ou moins totale au groupe villageois. Cette solidarité est importante, dans la mesure où elle est à la base d’une force, une énergie, capable de vaincre les obstacles. » (C.F. J.P.RAHERINIRINA, 1998-p.80)

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CONCLUSION

Parler du littoral mahafaly, en tant qu’espace occupé par les pêcheurs Vezo, nous pouvons retenir quelques idées essentielles. Cet espace littoral représente un cadre géographique, aux conditions naturelles particulièrement contraignantes. C’est la région la moins arrosée de l’île, avec un régime pluviométrique non seulement insuffisant, mais aussi très irrégulier, une densité hydrographique qui est relativement faible. Les rares points d’eau disponibles à la consommation humaine ne sont pas toujours tout à fait salubres. La plaine côtière, son arrière pays, est généralement formée par des sols sableux d’une capacité de rétention d’eau relativement faible et, peu favorable aux activités agricoles que pendant la courte saison pluvieuse caractéristique de la région. Les Vezo, un des groupes du Sud-ouest malgache sont des pêcheurs très mobiles. La mer est leur domaine et, le déplacement continuel est indispensable pour leur technique de pêche. Depuis environ un siècle, la migration vezo vers le sud touche le littoral mahafaly. Ces « nomades marins » ont amené avec eux leur mode d’occupation spatiale, dictée par les exigences des activités halieutiques. Au départ, la pêche en mer dans la zone était le monopole vezo, mais plus tard, pour de multiples raisons, leur exemple a été suivi par d’autres groupes voisins, d’où la confusion assez impressionnante de la définition du terme « Vezo ». Les uns pensent qu’il s’agit d’un mode de vie basé sur les activités halieutiques, tandis que les autres sont toujours persuadés que ce terme indique l’un des groupes ethniques qui constituent le peuple malgache. Leur symbiose avec les divers groupes d’agriculteurs entraîne les Vezo à la vie semi-sédentaire. La transformation des camps de pêche en villages permanents en est la preuve. Les maisons d’habitation se modernisent progressivement et, une forte complémentarité entre la pêche et l’activité agricole s’établit rapidement. Désormais, la vie sur le littoral mahafaly, notamment, dans le secteur méridional, est marquée par cette dualité du système de production.

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DEUXIEME PARTIE

LES INTERELATIONS ENTRE LA PÊCHE TRADITIONNELLE ET LE RÔLE DES O.N.G

Chapitre IV : Typologie de techniques de pêche traditionnelle vezo du littoral mahafaly

Chapitre V : Les efforts d’appui technique et d’encadrement des pêcheurs

Chapitre VI : Un système de mise en valeur des produits halieutiques en pleine mutation

99 INTREODUCTION

Depuis les temps les plus reculés jusqu’à notre époque, la navigation et la pêche ont été les utilisations les plus importantes de la mer par l’homme. Les recettes potentielles provenant des ressources marines, vivantes ou non, sont pour la plupart de la population côtière, le seul espoir d’atteindre un degré raisonnable de viabilité économique. Dans l’ensemble, chaque groupe a sa propre façon d’exploiter les ressources halieutiques. Souvent, il est observé que dans un même pays, il y a toujours un groupe plus particulièrement habile en mer que les autres. Ainsi, si au Ghana, les Fanti sont les meilleurs représentants de la pêche en pirogue la plus intense et, qui ont essaimé depuis des décennies sur l’ensemble des côtes de golfe de Guinée, apportant les techniques et les organisations, en général, supérieures à celles des autres groupes, sauf sans doute à celles des Wolof du Sénégal, (C.F CARRE François 1999, p.301). Dans l’ensemble de la côte Sud-ouest malgache, la pêche traditionnelle vezo prédomine pour le littoral mahafaly, celle ci présente plusieurs techniques plus ou moins simples et variables selon les lieux de pêche, mais aussi, suivant les espèces ciblées. En général, chaque village de pêcheurs dispose de deux grandes zones de pêche habituellement fréquentées par les pêcheurs locaux : le lagon et la zone à l’extérieur du récif. Bien sûr, les techniques de pêche et, les types d’engins utilisés par les pêcheurs locaux changent, d’une zone à l’autre. La pêche en haute mer est généralement le monopole du groupe Vezo et ceux qui sont déjà « vezoïsés », en termes de performance en pêche maritime, tandis que les zones à proximité de la côte sont dans la plupart des cas, le domaine des pêcheurs mixtes, composés des apprentis ; de « nouveaux migrants » et enfants qui ne sont pas encore capable que de seconder leurs pères à la pêche au large. Ils sont dans la plupart des cas, accompagnés de leur mère. Ce « partage spontané »de zones d’influence fait déjà partie de l’adaptation humaine aux conditions naturelles et, de l’importance accordée aux activités halieutiques. Dans notre zone d’étude, les pêcheurs mieux équipés s’intéressent plus à la pêche au large, tandis que les autres ne peuvent pas y aller, faute de moyen. Auparavant, les pêcheurs de cette partie littorale utilisaient des engins de pêche rudimentaires et, à faible productivité. La capacité de production par pêcheur était assez limitée. Les communautés menaient une vie très simple presque sans souci, dans une société assez primitive mais, heureuse.

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Plus tard, les engins de pêche s’améliorent et donnent naissance au changement progressif de l’économie ; ceci s’est accéléré à partir des années 90, date où différentes O.N.G (Organisation Non Gouvernementale) ont commencé à intervenir, pour le développement des communautés de pêcheurs. Désormais, la population littorale a vu ses conditions d’existences s’améliorer, la tendance vers l’économie moderne est ressentie. L’économie de marché se développe peu à peu au détriment de l’économie de l’autosubsistance. Ainsi, la deuxième partie de notre travail portera sur un système de production basé sur la pêche maritime, sa dynamique sous l’impulsion des O.N.G. Elle comportera i trois chapitres sur les quatrième, cinquième et sixième chapitre. Cette seconde partie commence par l’explication de différentes techniques de pêche vezo et leur évolution dans le temps. Cela nous conduira à l’analyse des actions des O.N.G, dans l’objectif d’améliorer les conditions de vie de la population côtière. Elle se termine par une étude de la mise en valeur des produits halieutiques et, la mutation économique qui va en découler.

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Chapitre - IV

Typologie de techniques de pêche traditionnelle vezo du littoral mahafaly.

Nous avons maintenant une plus grande connaissance du littoral mahafaly en tant qu’espace occupé par des pêcheurs Vezo sur leur cadre de vie. Dans ce chapitre, nous parlerons de la technique de la pêche vezo, sous l’angle de son adaptation complète aux conditions du milieu marin qui portera sur trois sous chapitres : 1 - mettre en lumière, la spécificité du calendrier de pêche vezo et de sa diversité dans l’espace. 2 - montrer la technique de pêche en pirogue et, les engins nécessaires à l’opération. 3 - expliquer la technique de pêche à pied et tout ce qui est indispensable à cette technique.

I – : SPECIFICITE DU CALANDRIER DE PÊCHE DANS LA ZONE

La pêche traditionnelle vezo est un véritable mode de vie en rapport très étroit avec le milieu marin. C’est une forme de civilisation de la population côtière malgache. En tant que telle, elle présente beaucoup de spécificités, aussi bien, dans sa pratique que, dans son rythme saisonnier. La pêche piroguière qui s’observe sur l’ensemble de la côte orientale de Madagascar est loin d’être analogue avec la pêche vezo. Cette différence s’explique en grande partie par l’adaptation aux conditions générales du milieu littoral. Celle-ci se voit très nettement au niveau de la technique de pêche et, des engins utilisés par les pêcheurs. La pirogue de pêche utilisée sur le littoral Est de l’île est dans la plupart des cas, sans balancier ( molanga ). Selon la constatation des experts auprès du Projet PNUD/FAO/MGA/85/014 : « La diversité de l’environnement sur toute la longueur de la côte malgache entraîne l’utilisation d’une grande variété d’engins et différentes méthodes de pêche ». (60) De plus, à cause de l’absence de récif corallien et la présence en permanence des grands déferlements pendant toute l’année, les pêcheurs de la côte Est ne peuvent pas pratiquer la pêche à pied, ce qui n’est pas le cas dans notre zone d’étude. Mais ce qui est commun partout, les activités maritimes suivent pour tous les cas un calendrier assez précis.

------(60) : Document de la FAO, intitulé : « PÊCHE et AQUACULTURE à MADAGASCAR », p.42

102 Par exemple, les Fanti du Ghana, suivent leur propre calendrier de pêche, déterminé par les le rythme saisonnier (61) . Selon F.CARRE.

I – 1 : Le rythme saisonnier des activités de pêche

Sur ce littoral, les pêcheurs vont toujours à la pêche, sauf, pendant le moment défavorable à la sortie en mer (mer agitée, mauvais état du vent ou passage très rare d’un cyclone tropical). Dans la plupart des cas, ces jours néfastes ne durent qu’une semaine au maximum et l’activité de pêche reprend comme d’habitude. Toutefois, les activités halieutiques n’ont pas le même rythme au cours de l’année, la pêche maritime est limitée pendant la saison pluvieuse « litsake », de mi-décembre à mi-mars. La capacité de production journalière diminue considérablement, mais les pêcheurs continuent toujours de travailler, ne serait ce que pour satisfaire la consommation familiale. Les Vezo ont l’habitude de consommer quotidiennement du poisson frais. Ils supportent mal, la vie qui ne leur permet pas d’avoir lors du repas du jour, un plat de poisson frais. Il semble que cette habitude alimentaire soit commune à l’ensemble des populations vivant sur les côtes. Dans son ouvrage cité en référence ci-dessus, F.CARRE a remarqué la même chose chez les pêcheurs des côtes occidentales de l’Afrique noire : « A la saison des pluies, le poisson s’éloigne des côtes, la barre (vague) est plus violente, alors, les sorties en mer se font rares et les pêcheurs se tournent vers la lagune avec des pirogues plus petites, pour en tirer au moins leur alimentation quotidienne. ». Du mois d’avril en mai, saison de transition ou « fararano », c’est la période de la pêche à pied, au filet et à la ligne dans la zone des récifs à proximité des habitations. Durant la saison fraîche ou « asotsy », de juin à la première moitié de décembre, les lieux de la pêche sont beaucoup plus éloignés : camps de pêche, côtes situées loin des villages et réputées poissonneuses. En général, l’état de la mer est assez favorable aux activités halieutiques et, la baisse de la température moyenne pendant cette période permet de mieux conserver les produits de la pêche. Néanmoins, une certaine variation spatiale de l’emploi du temps a été remarquée sur l’ensemble du littoral étudié.

------(61) : « Après le début de la saison des pluies, et quand se manifestent les upwellings devant le Ghana et la Côte d’Ivoire, les Fanti commencent leur grande saison de pêche pour les sardinelles rondes, qui culmine d’août en octobre. Après un peu d’accalmie, il y en aura une seconde, de décembre à fin mars, pour la sardinelle plate et l’ethmalose. Les activités cessent progressivement dans le courant d’avril. » ( F.CARRE p.301).

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I – 2 : La variation spatiale du rythme de l’activité de pêche

Comme il a été vu précédemment, la diversité des origines de pêcheurs indique que le métier de pêcheur attire de nombreuses personnes extérieures du fait des avantages directs et des possibilités d’emplois toujours disponibles dans ce secteur. En saison de pluie, les pêcheurs agriculteurs du secteur sud vont rarement à la pêche, ils profitent de la courte saison culturale de la région pour s’occuper de leurs champs de culture. Par contre, les « vrais » Vezo, ayant une tradition de pêche continuent d’aller à la pêche, malgré le risque à courir et la baisse de la rentabilité. Lors du départ à la pêche au large, les pêcheurs Vezo, surtout les « Sara »font toujours le geste symbolique de prendre un peu de sable sous l’eau et le jeter sur la terre ferme. C’est une manière de conjurer le sort et de manifester leur désir de rentrer sains et saufs. Ils n’ont jamais oublié d’emporter leurs amulettes de protection, avant d’aller à la pêche aux requins, une pêche qui s’effectue toujours au large. L’observation des deux périodes d’activités de pêcheurs ci-dessous révèle qu’en saison pluvieuse, les agro pêcheurs donnent la priorité aux travaux des champs de culture et ne vont pas à la pèche qu’à la fin de la journée, tandis que les pêcheurs Vezo partent en mer car la pêche fait partie de leur quotidien. Il est dit que ces professionnels de la mer se sentent mal à l’aise de ne pouvoir utiliser leurs pirogues, à cause du mauvais temps. Si par hasard, ils doivent rester au village pendant toute la journée, ils sortent en mer la nuit.

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Figure - 16 : Calendrier de pêche pour les pêcheurs Vezo

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Figure - 17 : Calendrier des activités des agro-pêcheurs Tanalana

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II : LES PRATIQUES DE PÊCHE EN PIROGUE

Comme il a été signalé auparavant, la pêche maritime vezo se divise en pêche à la pirogue et la pêche à pied.

Photo – 4 : Une pirogue tirée sur la plage à Beheloka (Cliché : l’auteur en 2005)

II – 1 Un outil indispensable : la pirogue

La pirogue joue un rôle très important dans la vie de pêcheurs Vezo, elle se trouve au centre de leurs activités quotidiennes. C’est aussi le seul moyen de déplacement des communautés de pêcheurs installées sur l’ensemble du littoral. Elle est également indispensable pour exercer la pêche, mais aussi, pour rendre visite à un voisin. Selon J.M.HOERNER : « Si la pirogue laka est utilisée fréquemment pour le transport, elle sert bien entendu pour la pêche à proximité de la côte et au large, voire très loin des villages d’origine pendant la saison sèche asotse . » (Op.cit, p.350).

Tableau - 13 : Caractéristiques de pirogues vezo

Types de pirogue Laka mpamita Laka mpihaza Pirogue de transport Utilisation Gros pélagiques Petits pélagiques Taille 2,5 à 3,5m 4 à 5,5m Plus de 6m Personnes embarquées 1 à 2 2 à 4 5 à 8 Charges potentielles 200 à 350kg 400 à 550kg Plus de 600kg Prix monoxyle 70000Mga 75000 à 90000Mga 95000à 110000Mga Prix pirogue 90000Mga 95000à 11000Mga 130000à150000Mga

Source : Enquête personnelle en 2005

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Figure - 18 : Une pirogue Vezo (d’aprè Ibramdjee – 1984)

Les pirogues sont de dimensions variables, en fonction de l’utilisation et de la zone d’exploitation. Il en existe trois types: la pirogue de pêche au large ( laka mpaminta ) ; la pirogue de pêche au lagon ( laka mpihaza ) et, la pirogue de transport (laka be ). Leurs caractéristiques sont présentées dans le tableau – 13. La plupart des pirogues vezo sont monoxyles, c’est à dire, faites dans un seul tronc creusé à l’herminette. Des planches transversales, avec un trou pour le mât sont ajoutées pour renforcer la solidité et permettre aux pêcheurs ou aux voyageurs à bord, de s’asseoir au sec.

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Actuellement, des pêcheurs plus riches ou des associations de pêcheurs soutenus par les O.N.G travaillant dans la zone rajoutent un moteur en trouant la poupe de la pirogue ou, en la sectionnant. Des barres latérales en planches sont insérées de manière à empêcher la pirogue de prendre l’eau et à accrocher le moteur. En général, la durée de vie d’une pirogue dépasse rarement 4ans. Aujourd’hui, beaucoup de pêcheurs du littoral, surtout ceux du secteur sud, se plaignent de la hausse rapide du prix du monoxyle ( roka )

Tableau - 14: Evolution du prix de monoxyle entre 1985 – 2005

Taille 1985 1990 1995 2000 2005 3m 3500Mga 8000Mga 12000Mga 20000Mga 60000Mga 5m 6000Mga 10000Mga 15000Mga 28000Mga 75000Mga

7m 8000Mga 12000Mga 18000Mga 30000Mga 85000Mga 8m 10000Mga 14000Mga 20000Mga 32000Mga 95000Mga

Source : Enquête personnelle en 2005

La fabrication du monoxyle a lieu chez le Masikoro ou en Ibara sur les bords du fleuve Mangoky . Cependant, du fait de la surexploitation liée à la demande croissante, les beaux arbres « farafatse » (Euphorbiacée Givotia madagascariensis ) se raréfient de plus en plus, ce qui est à l’origine de la montée du prix de monoxyle. A cela s’ajoute le problème d’insécurité qui marque cette principale zone d’exploitation de « farafatse ». A la page 351 de ce même ouvrage, J.M.HOERNER a résumé la situation de la manière suivante : « La difficulté de trouver des farafatse et l’insécurité relative actuelle de cette région remet en cause cet approvisionnement qui remonte aux années 30, lorsque les Vezo ont découvert la forêt galerie du Mangoky en transportant le tabac des planteurs de Beroroha. Les pirogues sont donc devenues onéreuses. ». C’est ainsi qu’a commencé le phénomène de fabrication de pirogue à partir des matériaux de récupération (épaves d’anciennes pirogues abandonnées), qui se généralise presque partout sur l’ensemble du littoral mahafaly. Nous n’avons pas de chiffres exacts précisant le nombre de pirogues ainsi fabriquées, mais une chose est certaine, dans l’ensemble, le taux de pirogues toutes neuves diminue progressivement au profit de celui de pirogues retapées. Toutefois, ces dernières n’auront plus qu’une durée de vie très réduite : 18mois au maximum, selon les pêcheurs locaux.

109 Quelle que soit la taille, les pirogues vezo portent toujours une peinture noire (goudron) dans sa partie inférieure pour la protection de la coque et pour marquer la charge potentielle de la pirogue. Les pirogues vezo sont également conçues pour tenir en équilibre sur mer par la présence d’un balancier ou « fagnary ».

II – 2 : Les différentes techniques de pêche en pirogue

En général, quatre techniques de pêche vezo nécessitent l’utilisation de la pirogue : la pêche de la grande tortue la pêche à la ligne et à la traîne la pêche au filet la plongée sous-marine 1 - Dans la région, la pêche de la grande tortue ( fano ) à connu actuellement un grand déclin, surtout dans le secteur méridional. Cette pêche n’intéresse plus la plupart des pêcheurs locaux car l’espèce ne fait pas partie légalement des produits de mer commercialisables et, n’en a jamais été, depuis le début. La viande de tortue de mer est destinée uniquement à la consommation familiale. Dans ce cas, elle n’apporte aucun avantage pécuniaire, or dans le contexte actuel, l’activité de pêche en mer se tourne de plus en plus vers l’économie de marché. Cette pêche ne constitue plus l’objet d’une opération de pêche. La capture de tortue de mer ne se produit plus que de façon occasionnelle, c’est à dire, au moment où les pêcheurs en rencontrent une dans leur passage. Or c’était autrefois une pêche héroïque. Elle nécessite une véritable habilité et, dans ce cas, ce n’était pas une affaire de pêcheurs débutants. (C.F : R. BATTISTINI –1964-b p.120) Selon la tradition, la consommation de la viande de « fano » s’accompagne toujours de rite particulier, des mœurs ancestrales, pour remercier le « Zanahary » (62) , qui a assuré l’opération et la sécurité des pêcheurs durant le moment où ils étaient en pleine mer. Ce rite se déroule dans un endroit choisi près de la case d’habitation. En principe, son exercice renferme plusieurs phases (63). Malheureusement, durant nos séjours sur le terrain, nous n’avons pas eu l’occasion pour assister à cette cérémonie. Il est à signaler qu’il est strictement interdit pour une femme qui, dans la période de sa règle, de monter à bord d’une pirogue de pêche, en particulier le « laka mpamita ».

------(62) : C’est un terme malgache pour désigner l’être d’au-delà, y compris les mortes. (63) : Dans l’ensemble, l’exercice de ce rite a beaucoup changé. Du fait de la mutation sociale et économique en pleine marche, il ne se voit plus que de façon très rare dans les principaux villages sur littoral mahafaly.

110 Si par hasard, cet interdit n’a pas été respecté, le propriétaire de la pirogue doit organiser dans l’immédiat une sorte de purification. Il s’agit d’un sacrifice d’un coq de couleur rouge. Le sang du coq doit être versé dans un récipient spécial dans lequel, il y a déjà un métal d’argent. Puis, un vieillard (en principe le chef de lignage) prononce une formule traditionnelle, destinée à la demande du pardon auprès du « Zanahary » en versant trois cuillères de ce sang du coq dans la pirogue. Ce rite de purification s’appelle localement « hifikifike ». Toutefois, du fait de la défaillance de contrôle apporté à la gestion des ressources marines, le phénomène de la pêche de la tortue de mer réapparaît récemment à nouveau, en particulier à Anakao, malgré le texte officiel. Au village, il y a deux familles qui se spécialisent dans la vente de viande de « fano ». Elles fournissent même les petits bars du quartier à Toliara ville. Comme pour les autres activités halieutiques, il existe dans la famille une sorte de partage des taches. Le père de famille assure la capture journalière de tortue de mer, en utilisant des matériels modernes comme masque et fusils spéciaux, tandis que la femme s’occupe de la vente auprès des villageois et des clients en provenance de Toliara. D’après la femme avec qui, nous avons enquêtée, c’est une activité intéressante car, la plupart des habitants de la région apprécient beaucoup ce produit (64) 2 - Sur l’ensemble du littoral mahafaly, la pêche à la ligne a connu une évolution remarquable. Au temps de la grande mobilité d’avant les années 70, la pêche à la traîne était destinée uniquement à la capture de « lamatra ». D’après R.BATTISTINI, le « lamatra » est un poisson de la famille de scombridae , de forme allongée comme tous les grands Carnassiers de cette famille. Il peut mesurer jusqu’à 1,20m de long et peser une quinzaine de kilos. Pendant la saison chaude, cette espèce de poisson se concentre dans les eaux littorales pour assurer l’accouplement. Selon G.Petit (1930) : « La plupart des individus examinés en novembre étaient sur le point de pondre. La ponte se prolongeait jusqu’au janvier, mois, à partir duquel, le lamatra disparaît progressivement des eaux littorales. » (Cité par R.BATTISTINI, 1964-b, p.122). Dans les années 60 – 70, affirme un vieillard d’Anakao, il n’était pas rare d’observer un pêcheur qui rentrait le soir, avec une trentaine de « lamatra », après une seule opération de pêche. Aujourd’hui, au contraire, cette espèce se raréfie dans les zones de pêche habituelles et, un pêcheur a du mal à réaliser une capture de deux ou trois individus dans la journée.

------(64) : Une étude récente effectuée par une jeune doctorante française en anthropologie a montré que la vente de la viande de « fano » ou tortue de mer procure mensuellement à la famille un revenu largement important, évalué à 150 Euros, contre 35 seulement en moyenne pour les autres pêcheurs du village.

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Photo –5 : Fusil de pêche (Cliché : l’auteur en 2005)

Ce phénomène est à mettre en relation avec le changement climatique qui marque ce dernier siècle, cette espèce migre vers d’autres milieux pélagiques qui lui convient le mieux. En effet, le modèle climatique actuel a favorisé généralement le réchauffement des eaux de mer, ce qui provoque la perturbation d’anciennes zones de pêche dans le monde (65). Cette donnée concerne la mer du nord, mais il n’est pas impossible que le même phénomène se produise aussi dans notre zone d’étude et, la rareté de « lamatra » constatée actuellement en est la preuve. Peut- être, ce poisson fait partie d’espèces plus sensibles et plus vulnérables à ce changement écologique du milieu marin. Au cours de ces deux dernières décennies, la pêche à la ligne a pris un essor remarquable sur l’ensemble du littoral mahafaly. La technique évolue avec la modernisation des engins de pêche et permet aux pêcheurs locaux d’améliorer progressivement le rendement qui sera vu au chapitre suivant.

------(65) : Une étude récente de la mer du nord a donné les résultats suivants : « Cette région a subi une augmentation de température de 0,6°C entre 1962 et 2001. Les scientifiques ont analysé les registres de captures des poissons réalisées par les navires de recherche entre 1977 et 2001. Etudiant plus précisément 36 espèces, ils ont découvert que 13 d’entre elles, dont la morue en fait partie, s’étaient déplacées vers les zones plus septentrionales en effectuant à cette occasion un voyage vers le Nord de 48 à 403km, selon les espèces. Six autres dont le carrelet et la raie fleurie n’ont pas bougé en latitude, mais se sont enfoncées plus profondément dans les eaux. D’une manière générale, les chercheurs ont constaté que la taille des poissons « migrateurs » avait diminué, et qu’ils devenaient adultes plus tôt. Ces résultats montrent que le changement climatique a déjà produit des effets observables sur la distribution des poissons marins. Ils nous donnent une idée de la réponse des espèces à un réchauffement plus important précisant les scientifiques. Les modèles climatiques soulignent en effet que la température de surface de la mer du nord devait augmenter de 0,5 à 1°C d’ici à 2080. Face à ces perspectives, on peut craindre que des poissons commerciaux tels que les merlans bleus et les sébastes aient complètement disparus de la mer du nord en 2050, tandis qu’en 2080, le Tacana conimun aura étendu son aire plus au nord et pris une extension et pris une extension considérable, estiment les chercheurs. Un petit degré de plus a perturbé le milieu et entraîné une réorganisation complète de l’écosystème marin, car cette mer est carrefour biologique, explique GREGORY Beau Grand . » (C.F : CHRISTIANE G. 2005 : Fuyant le réchauffement, les poissons de la mer du nord s’en vont vers le froid . In « LE MONDE », du 22 mai 2005, p. 12

112 Il est à signaler que la pêche à la ligne n’exige que des matériels très simples comme un fil, un crochet et un lest. Avec ces trois éléments, il est possible de travailler. Dans notre zone d’étude existent deux grands types de ligne : la ligne flottante et la ligne de fond. Toutefois, il existe de nombreuses variantes locales selon le milieu marin et suivant les espèces ciblées. La ligne flottante a besoin d’un flotteur pour tenir l’appât à une profondeur voulue. C’est une technique de capture des poissons de surface. Elle permet aux jeunes garçons de s’habituer à l’activité de pêche, en capturant des poissons de petite taille. La pêche à la ligne flottante se fait souvent dans le lagon ou dans les eaux peu profondes. Elle n’a pas nécessairement besoin de pirogue, surtout, quand il s’agit d’une pêche à proximité de la côte. Dans le secteur septentrional à partir de Beheloka, les conditions générales du littoral restent presque toujours, favorables à cette pratique de pêche par la présence des récifs relativement complexes et développés. Dans la plupart des cas, la ligne flottante a besoin d’une canne à pêche, habituellement en tige de roseau. Les pêcheurs eux-mêmes choisissent les fils (nylon) et les hameçons qu’ils utilisent (de calibre 14,15 ou 16 les plus faibles). Un bout de fil est attaché à la pointe de la canne, l’autre à l’hameçon, avec un lest de plomb, juste au-dessus du nœud. Un flotteur amovible permet de déterminer la chute. Un morceau de cher de pieuvre pêchée sur les récifs sert d’appât. Actuellement, la ligne flottante évolue car la plupart des pêcheurs sur ce littoral adoptent un nouveau système, en utilisant un gros bouchon de couleur vive, bien visible de loin (Palangre à grande pélagique ). Il s’agit d’une grande boule spéciale (aujourd’hui disponible dans les magasins des Indo-pakistanais à Toliara) à laquelle est fixé un bout de fil nylon très résistant d’environ 100m. Avec ce nouveau système, la pêche à la ligne flottante peut s’exercer au large, ce qui est actuellement à l’origine du développement de la pêche au requin à Itampolo. L’intérêt de cette nouvelle technique est, qu’un seul pêcheur arrive à utiliser plusieurs lignes flottantes à la fois, augmentant la chance de réussite à chaque opération de pêche. A Itampolo, la « palangre à grande pélagique » est spécialement réservée à la pêche aux requins. Il s’agit de lignes dormantes que l’on relève le matin. De grand matin et profitant de la brise de terre matinale, les pêcheurs d’Itampolo sortent au large, deux par deux, à bord d’une pirogue légère, équipée de différents harpons pour voir le piège laissé en mer pendant toute la nuit. Lorsque la capture est énorme (plus de 30kg), le pêcheur introduit dans sa gueule, un autre crochet de retenu, pour renforcer l’hameçon déjà accroché dans sa gorge. Il s’agit d’un gros hameçon à manche longue d’environ 1,2m, tout en métal très dur. Cet engin s’appelle

113 localement « fikavitsy ». Ce dernier est relié à la pirogue par une cordelette relativement résistante de 2m de longueur. Ainsi retenu par ces deux types de crochets à la fois, les pêcheurs le harponnent à plusieurs reprises avec de « voloso » (harpon dépourvu de crochet de rétention) jusqu’à ce que le requin soit complètement épuisé. En cas de capture d’un gros requin, l’intervention des autres piroguiers est très indispensable.

Figure - 19 : Ligne flottante introduite par le Projet F.A.O – Pêche (Palangre à grande pélagique)

Figure - 20 : Un crochet de retenu « fikavitsy »

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De plus, la ligne de traîne a évolué par la vulgarisation de la « turlutte ». C’est une nouvelle technique introduite par le Projet F.AO – Pêche qui sera vu plus tard, destinée à la pêche aux calmars. Il s’agit d’un engin de pêche, en forme imitant une grosse crevette de couleur vive pouvant attirer l’attention de l’espèce ciblée et, muni de deux couronnes de crochets en acier inoxydables. Elle est conçue pour être traînée par une pirogue légère, monoplace à vitesse lente.

Photo - 6 : Une turlutte, un engin de pêche vulgarisé par le Projet F.A.O.- Pêche (Cliché : l’auteur en 2005)

Figure - 21 : Une ligne de traîne moderne : la « turlutte »

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Figure - 22: Ligne de traîne associée à une ligne de fond

Comme son nom l’indique, la ligne de fond est conçue pour capturer les poissons en profondeur. Une grande partie de l’engin se place de façon verticale. Le pêcheur a besoin d’une tige de roseau pour lui servir de canne à pêche. On utilise souvent un fil nylon de plus de 40m, auquel sont fixés graduellement plusieurs hameçons assez résistants, afin de maximaliser la capture, en cas de passage d’un banc de poisson. Aujourd’hui, on observe presque partout sur l’ensemble du littoral, en particulier à Beheloka, des lignes de fond dormantes, ayant plus d’une vingtaine d’hameçons, montés en épi avec des bras d’un mètre environ : la « Palangrotte ». Elles sont lestées de gros coquillage à

116 une extrémité et, appâtées avec des morceaux de cher de pieuvre ou des petits poissons choisis suivant l’espèce ciblée. L’autre bout du fil est attaché à un gros flotteur. C’est une nouvelle technique introduite dans la région, par le Projet F.A.O – Pêche, à partir des années 90. Elle permet d’améliorer le rendement de la pêche. A Beheloka comme à Itampolo, la « palangrotte » est particulièrement appréciée par les pêcheurs locaux.

Figure - 23: Ligne de fond dormante a plusieurs hameçons (La Palangrotte)

3 - La pêche au filet est communément pratiquée par les pêcheurs sur l’ensemble du littoral sud-ouest de la grande île. Dans la plupart des cas, ce sont eux-mêmes, qui confectionnent leurs propres filets. D’après nos interlocuteurs, la nature et la qualité de filets utilisés dans la zone ont connu beaucoup d’évolutions. Au début, il n’y avait que de filets en « Satra » (Besmarkia nobilis). Ensuite, les pêcheurs locaux ont inventé le filet en « hafotse » (Domeya rotunda). Il est dit que la durée de

117 vie de filet en « Satra » ne dépasse pas deux mois, tandis que celle en « hafotse » peut aller jusqu’à cinq mois. Depuis les années 50, 1956 pour certains, les pêcheurs ont appris à utiliser les fibres contenues dans des vieux pneus, récupérées patiemment par les femmes de pêcheurs. Les hommes s’occupent de la confection proprement dite, quand ils ne vont pas à la pêche. Le filet ainsi fabriqué est beaucoup plus solide que ceux d’autrefois fabriqués à partir des fibres végétales et la durée de vie dépasse souvent un an. Tous les habitants du littoral trouvent que le filet dérivé des fibres de pneus est plus résistant que celui en fils de coton, vendu dans les magasins des « karany » (Indo-pakistanais) à Toliara. Vers 1958, un « Antemoro » (groupe ethnique de la Région Vatovay Fitovinany), qui s’est marié avec une femme Vezo d’Anakao, a étonné tous les villageois en pêchant avec une pirogue sans balancier ( molanga ) et, en étant semble-t-il, le premier à utiliser un filet en nylon. Le succès de filet en nylon ne s’est d’ailleurs pas démenti par la suite, grâce à sa nature, transparente dans l’eau et, peu remarquée par les poissons. L’attribution de tels filets par le Projet F.A.O-Pêche et les autres organismes de développement a provoqué un réel engouement. Aujourd’hui, le filet en nylon semble supplanter définitivement ceux fabriqués en fibres de vieux pneus. D’habitude, les flotteurs ( tantava ) sont constitués par des plaquettes de bois léger bien taillés. Leur dimension est fonction de la longueur du filet ou de la dimension de mailles. Mais, aujourd’hui, la plupart des pêcheurs de la région utilisent des flotteurs modernes qui sont fixés à la corde supérieure à raison d’un flotteur tous les 10 ou 15cm, suivant la taille du filet. A défaut de plombs, des coquillages bien préparés en forme arrondie jouent le rôle de lestage. Ils sont enfilés sur la corde inférieure. Sur le littoral mahafaly, il existe différentes sortes de filet, selon la longueur, la chute et la dimension de mailles. Cette variété de filet est fonction de la capture envisagée. Le« jarifa » est un filet spécial pour la capture de requin, un filet de taille importante dont la dimension de mailles peut atteindre 15cm x 15cm, souvent fabriqué en fils de coton ou en fibres de vieux pneus, mais à cause de la grandeur de la maille, le « jarifa » a toujours besoin d’une certaine réparation après chaque opération de pêche, surtout, lorsqu’on vient de capturer un gros requin. A partir des années 90, un autre type de grand filet : le « Z.Z », a été vulgarisé dans la zone, par le Projet F.A.O-Pêche. C’est un terme relatif au GTZ ou Gesellschaft für Technische Zuzammenarbeit , un Projet allemand qui avait entrepris la vulgarisation de ce modèle de filet sur l’ensemble des côtes occidentales de l’île, en particulier sur les côtes nord-ouest, au début des années 90. Il s’agit d’une sorte de filet destiné à la capture des gros poissons de grande pélagique. Il est réservé pour la pêche au large, un filet de grande taille, analogue au « jarifa »,

118 pouvant atteindre une longueur de 300m, et ne peut être manié par une seule personne. Selon les pêcheurs locaux, le « Z.Z » est l’engin de pêche le plus rentable, utilisé actuellement sur l’ensemble du littoral mahafaly. Les jeunes garçons et les pêcheurs débutants se servent souvent des petits filets de 20 à 30m, pour la pêche dans le lagon ou sur la bordure externe du récif frangeant. Ils capturent les poissons de taille moyenne. Quant à la pêche à la senne de rivage, elle est pratiquée par beaucoup de pêcheurs dont ceux qui habitent le secteur nord. Autrefois, c’était une technique très appréciée par les pêcheurs locaux (avant les années 80 pour certains interlocuteurs). D’après le chef de lignage du groupe « Sara » d’Anakao, le groupe « Tekaroke » a été exceptionnellement habile à cette technique de pêche. Selon R.BATTISTINI : « … Ce sont incontestablement les Tekaroke qui sont les grands spécialistes de la pêche au filet. » (O p. cit. P.126). A cette époque, a-t-il souligné, avec un long filet de plus de 200m, les « Tekaroke » pratiquaient la pêche collective, à laquelle participaient plus de 15 pirogues et une quarantaine d’hommes. Cette technique de pêche exige beaucoup d’hommes pour le halage du filet. A Anakao, il existe encore deux sennes, l’une de 180m et l’autre de 220. En général, les sennes de plage habituellement utilisées sont constituées par un assemblage de plusieurs petits filets. Elle est maniée par une cinquantaine de pêcheurs car, l’équipe doit être divisée en deux : une partie en pirogue et l’autre, à pied. La pêche collective nécessite une véritable organisation. C’est une technique de pêche, rappelant celle qu’on observe sur les côtes occidentales de l’Afrique. Selon DOUMENGE, (1963) : « L’envergure de leurs opérations suppose une organisation en compagnies, qui rassemblent jusqu’à 25 hommes sous l’autorité d’un chef de pêche. Elles sont souvent subdivisées en deux groupes qui sortent en mer à tour de rôle. Les Fanti sont des spécialistes des filets, droits ou encerclant » (Cité par F.CARRE-2000, p.301) Pour cette pratique de pêche collective vezo, toutes les pirogues doivent se disperser dans le chenal, bien avant la basse mer, pour repérer le point où s’abritent beaucoup de poissons. Lorsqu’une concentration de poissons a été repérée, les pêcheurs préviennent le chef d’équipe. La pêche à la senne de plage a besoin d’un chef, la seule personne qui tient le commandement et organise toutes actions au cours de l’opération. Dans la plupart des cas, c’est le propriétaire de la senne qui joue le rôle du chef d’équipe. Il ne participe pas réellement à l’opération proprement dite mais, il se tient débout sur une place où toute l’équipe puisse l’observer. La technique consiste à tirer les poissons encerclés sur la plage. L’autre partie de l’équipe reste à terre avec une des ralingues latérales du filet, le reste est embarqué dans la pirogue qui va effectuer un demi-cercle, tout en mouillant le filet.

119 Les piroguiers s’approchent lentement en respectant les instructions du chef d’équipe. Si certains poissons tentent de s’échapper dans une mauvaise direction, tout le monde frappe les plats bords avec la rame. L’ambiance règne entre eux. A la fin du circuit, l’autre ralingue est remise à la seconde équipe et le halage peut commencer. Le banc de poissons se trouve encerclé dans un ovale d’une trentaine de mètres. La longueur du filet récupéré dans le rétrécissement du bouclage renforce l’encerclement. Ainsi, les poissons sont au moins trois fois entourés par le filet. La durée de l’opération est fonction de la taille de la senne et de la quantité de prise. Dans notre zone d’étude, il y a également des petites et moyennes sennes qui servent souvent pour la capture des sardinelles, elles ne sont utilisées que lors du passage assez rare de banc de « tovy ». Actuellement, à partir des années 80, la pêche collective a perdu petit à petit son importance dans la région car les pêcheurs locaux s’intéressent plus à la pêche individuelle ou familiale. Un vieillard du groupe « Tekaroke » qui habite à Anakao nous a raconté que dans les années 60, son groupe disposait trois grands filets réservés à la pêche collective. A cette époque, les « Tekaroke » se lançaient à la pêche à la senne du rivage au moins une journée sur deux. Aujourd’hui, et avec l’unique senne de plage qui lui reste, ce groupe ne pratique plus la pêche collective que de façon occasionnelle, lors de la veille d’une grande cérémonie traditionnelle. A cette occasion, les pêcheurs locaux, en particulier les « Tekaroke » organisent souvent une pêche à la senne de rivage, non seulement, pour mieux supporter la charge nécessaire à la cérémonie, mais aussi, pour manifester la volonté d’être ensemble dans le même groupe. Cette occasion leur permet de revivre le passé et témoigner sincèrement d’une nostalgie de l’ambiance qui y règne car, pendant l’opération de pêche, on raconte beaucoup de blagues qui amusent tout le monde. Il semble qu’aujourd’hui, la pêche collective ait gardé de plus en plus son caractère social qu’économique. Ce phénomène est non seulement fonction de la mutation sociale et économique actuellement observée dans la région, mais aussi, d’une demande croissante en produits de mer. Beaucoup d’espèces actuellement commercialisables sont capturées de façon individuelle, car la plupart d’entre elles ont une valeur commerciale assez élevée comme les : langouste, poulpe, calmar, concombre de mer, requin, surtout pour les ailerons…. Pour les pêcheurs locaux du secteur septentrional du littoral étudié, la pêche individuelle par unité de production familiale est beaucoup plus rentable que la pêche collective. Deux facteurs expliquent cette situation :

120 - Depuis la deuxième moitié des années 90, la surexploitation de zones de pêche a été remarquée par les pêcheurs et qui se manifeste par la diminution progressive de la capacité de production par opération de pêche. Ces derniers ont pris conscience qu’il vaut mieux travailler un peu plus éloigné de la côte, or cette technique de pêche ne peut s’appliquer au large. De plus, à cause du changement des conditions écologique du milieu marin au lagon par l’exploitation des algues marines (66) , les anciennes zones de pêche à la senne au rivage se transforment actuellement en milieux favorables à la pêche nocturne pour la capture de crevette ou d’autres produits destinés à la fabrication de provende. - L’effet du progrès technique et de l’amélioration des engins de pêche mis à la disposition des pêcheurs locaux sont considérés parmi les principaux facteurs du déclin de la pêche à la senne de rivage sur cette partie littorale de l’île. Certes, par la vulgarisation des cordes et filets nylons dans l’ensemble du littoral sud-ouest de Madagascar à partir de la deuxième moitié des années 80 (67) , la pêche individuelle a connu brusquement une grande rentabilité suffisante pour soulever l’enthousiasme des pêcheurs locaux. Désormais, ils ont commencé à remettre en cause, l’efficacité du système d’exploitation collective des ressources halieutiques. Ils se rendent compte qu’ils n’ont pas toujours besoin d’être ensemble pour réussir convenablement l’activité de pêche (68 ). Au total, il semble qu’il y ait un rapport étroit entre amélioration des moyens de production par les engins de pêche et la tendance vers « l’individualisme », dans le système d’exploitation des produits halieutiques. La capture de crevette peut être effectuée par une très petite unité de production familiale. Il va de soi que l’évolution actuelle de la pêche traditionnelle sur le littoral mahafaly s’effectue au détriment d’une forme collective de l’exploitation des ressources marines. Du fait du développement et l’accroissement des Hôtels – Restaurants de qualité touristique dans la ville de Toliara, la pêche à la crevette trouve actuellement un grand essor. Elle intéresse un grand nombre de pêcheurs dont ceux qui habitent le secteur nord. La capture de crevette fait partie également d’une pêche au filet et se pratique la nuit entre 21heures à 03heures du matin. Les pêcheurs se servent du filet à maille très réduite, appelé localement « Tarikaly » ou encore « arato mostikera », ce qui veut dire « filet moustiquaire ».

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(66) : L’exploitation des algues marines favorisée par la BIOMAD a modifié considérablement les conditions écologiques du milieu marin (notamment le lagon) déjà perturbé par la prolifération de vedettes et de pirogues à moteur. (67) : Pour soutenir logistique ment les pêcheurs locaux, le service de la pêche de Toliara s’est engagé depuis la deuxième moitié des années 80, à fournir des engins de pêche de type moderne (cordes nylons, hameçons …) (68) : D’ailleurs, dans la pêche collective, c’est le propriétaire de la senne qui joue le rôle du chef d’équipe. Entant que tel, on lui doit, selon la règle habituelle en vigueur, le 25% de la quantité totale de prise. C’est la seule personne, la plus favorisée de l’équipe.

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Pour cette pêche, l’utilisation de pirogue est indispensable pour le déplacement vers l’endroit choisi car, la pêche proprement dite s’effectue à pied, par avec trois personnes uniquement. Autre fait, les pêcheurs Vezo d’Itampolo sont composés généralement par des Vezo originaires du St Augustin ( Anantsono ) et d’Anakao. Les « Tanantsono » sont ceux qui viennent de St Augustin et, les originaires d’Anakao les « Tanakao ». Ces deux groupes de pêcheurs Vezo n’ont pas les mêmes techniques de pêche. Les« Tanakao » ont comme principal engin de pêche, le filet qu’ils manient avec habileté. Cette habitude technique est à mettre en rapport avec les conditions générales du milieu marin de leur village d’origine, caractérisées par la présence des récifs coralliens relativement développés, sous une étendue marine peu profonde et bien protégée par l’île de Nosy ve. L’alternance des marées haute et basse favorise la pêche au filet. Les « Tanakao » sont les premiers pêcheurs Vezo qui s’installent définitivement à Itampolo, vers le début des années 70. Ils ont pratiqué la pêche au filet dans le lagon. Le site d’Itampolo, bien protégé par un récif en forme d’arc crée un véritable lagon, favorable à la pêche au filet. Après quelques années, les « Tanantsono » y viennent étant au contraire, plus à l’aise avec la pêche à la ligne ou à la traîne. A St Augustin, la plupart des zones de pêche habituellement fréquentées par les pêcheurs locaux ne permettent pas toujours l’utilisation du filet, quand les « Tanantsono » sont arrivés à Itampolo, ils ont gardé leur technique habituelle, ne constituant pas de concurrents pour les activités de pêche des « Tanakao » dans le lagon En définitive, il y a un partage spontané des zones de pêche entre les deux groupes de pêcheurs Vezo. La pêche dans le lagon est le monopole des « Tanakao » par la pratique de pêche au filet, tandis que les « Tanatsono » font la pêche au large, armés de plusieurs lignes de traîne et de différents harpons. Aujourd’hui, les « Tanantsono » sont les grands spécialistes de la pêche au requin à Itampolo

4 - La pêche en mouillage est pratiquée dans les parties les plus profondes du chenal d’embarcation, là où s’abritent beaucoup de poissons d’espèces variées. Cette technique de pêche exige des plongeurs la pirogue pour se déplacer vers l’endroit favorable et le transport des matériels nécessaires à l’opération. Sur place, ils fixent la pirogue à l’aide d’un fil à plomb et déposent leurs matériels à bord. Ils s’installent sur les gros massifs de corail qui se trouvent dans le chenal car, il est très dangereux d’aller à l’extérieur du récif à cause du requin. Les pêcheurs plongent (« mihirike ») jusqu’à 5 ou 6m de profondeur, armés de harpons spéciaux ( Figure - 24). La première plongée est destinée à repérer le poisson dans la cave, puis on remonte pour reprendre le souffle, la seconde fois, le pêcheur porte à la main,

122 deux harpons sans crochet de retenue « Voloso » afin de faciliter le tir de plusieurs coups de harpon dans le corps du poisson ciblé. Le nombre de coups de harpon est bien sûr, fonction de la taille et la puissance du poisson attaqué. Il arrive très souvent souligne notre interlocuteur que, le harponneur plonge à plusieurs reprises pour attaquer un seul poisson de taille importante. Dans ce cas, il faudrait qu’un harpon reste dans le corps du poisson entre deux plongées successives. Lorsque l’animal ne bouge plus, le pêcheur utilise un autre harpon pourvu de crochet de retenue (« Manambaitse ») pour tirer la capture vers la pirogue. Le Cabot ou « Lovo » constitue généralement l’espèce la plus souvent pêchée de cette manière, mais, cela n’empêche pas de s’attaquer aux autres espèces dans les parages. La pêche aux grosses langoustes bleues s’effectue également de la même technique. En tant que descendant d’une sirène « Ampela mananisa » (C.F : origine légendaire du groupe Vezo « Sara »), ce groupe prétend d’être exceptionnellement habile à la pêche en mouillage et, se dit d’être capable de rester sous l’eau pendant une durée incroyablement longue. Dans l’ensemble, la pêche en mouillage reste techniquement traditionnelle. Toutefois, on y observe actuellement certains pêcheurs mieux équipés qui utilisent une sorte de fusil spécial, pouvant jouer le rôle des harpons. Aujourd’hui à Anakao, ce type d’engin de pêche est utilisé pour la pêche à la tortue de mer. C’est un engin en forme de revolver à long canon, muni de fer de lance pourvu de crochet de retenue (Voir Photo – 5) . Ce fer de lance est relié au « fusil » par une cordelette de deux ou trois mètres au maximum. Ce matériel moderne facilite considérablement la pêche en mouillage, affirment les grands spécialistes de la capture de langouste d’Ambohibola. Avec ce matériel, un seul tir suffit pour capturer une langouste, quelle que soit la taille et, après une seule plongée, le pêcheur remonte en surface avec cinq ou six grosses langoustes bleues. Dans le secteur sud de ce littoral, la pêche au concombre de mer s’effectue également en mouillage, dans le chenal peu profond, mais cette fois ci, les pêcheurs n’ont pas besoin ni harpons, ni fusil. Ils ont comme matériels essentiels, un masque et une sorte de sac spécial en nylon très souple et très léger, avec une dimension de maille de l’ordre de1 à 2cm pour le transport des produits collectés en une seule plongée. Certes la pêche au concombre de mer est une activité récente pour les pêcheurs du littoral mahafaly, du fait de l’absence de débouché, mais aujourd’hui, ce type de produit de mer commence à intéresser certains pêcheurs locaux. Depuis 2001, trois petits collecteurs, originaires de Nosy Be se sont installés à Ambohibola. Leur présence dans ce village a donné naissance à la pêche au concombre de mer dans la région. Plus tard, d’autres collecteurs de Fort Dauphin y viennent régulièrement, ce qui favorise l’essor de cette pêche dans le secteur. En fait, il ne s’agit pas ici d’une véritable pêche car, les pêcheurs ne font que ramasser les produits restant immobiles sous l’eau.

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Figure - 24 : Principaux types de harpons utilisés par les pêcheurs

III - LA PÊCHE A PIED, UNE TECHNIQUE EN IMPORTANCE CROISSANTE

La pêche à pied est pratiquée dans la partie peu profonde du chenal. Durant la grande marée basse ( Tehake ), cette zone est envahie par des femmes, enfants et même, des hommes. Il s’agit d’une activité mixte. Chacun porte à la main, un harpon pourvu de crochet de retenue et un petit panier accroché au dos. Ils cherchent des poissons bloqués dans les diverses cavités, après le retrait de la mer, surtout, des pieuvres « orita » qui s’abritent sous les blocs de corail. Grâce à la présence d’une plature corallienne caractérisant le secteur septentrional de la zone d’étude, la pêche à pied se développe beaucoup, à partir de la latitude de Beheloka vers le nord. Les enfants harponnent les poissons de petite taille, se trouvant dans les mares. C’est en participant à la pêche à pied que les enfants débutent leur carrière de pêche.

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Les hommes, et en particulier les pêcheurs débutants ou ceux qui n’ont pas de pirogue, tendent des pièges sur le bord extérieur du récif, au début de la marée montante. Ces pêcheurs ramassent en même temps, des coquillages à vendre aux touristes étrangers à Anakao et à Toliara.

Il est dit qu’autrefois, la pêche aux burgaux (69) était plus courante aux environs d’Anakao. Cette espèce de coquillage se raréfie à cause de sa surexploitation. A l’époque, les habitants pêchaient les burgaux dans l’herbier et, sur la plate-forme de corail mort. Actuellement, ils se sont réfugiés sur la bordure extérieure toujours immergée et battue par les grands déferlements, leur collecte devient difficile et dangereuse. A partir de la deuxième moitié des années 90 et, du fait de la demande croissante en produits de mer d’espèce variée, la pêche à pied gagne de plus en plus en importance dans l’activité des pêcheurs locaux. Le nombre de pêcheurs qui pratique cette technique de pêche augmente, surtout depuis l’année 2004, date où la COPEFRITO (Compagnie de Pêche Frigorifique de Toliara) a commencé à travailler dans la région car, la plupart de produits qui l’intéresse sont capturés de cette façon. A partir de l’année 2000 et, du problème de l’acquisition de pirogue, certains pêcheurs se contentent uniquement de la pêche à pied. Dans le contexte actuel, rareté de poisson dans le lagon et l’ouverture sur place du marché de poisson frais à espèces diverses, cette technique permet un revenu comparable à celui obtenu avec la pêche au large. D’après les pêcheurs locaux, il arrive très souvent à Anakao que la pêche à pied rapporte plus de revenu journalier à la famille que la pêche en pirogue car, cette technique a permis aux pêcheurs de capturer toutes les espèces qu’ils rencontrent au cours d’une opération de pêche. Il est assez rare, d’observer un pêcheur qui rentre bredouille, après une sortie en mer pour la pêche à pied. A Beheloka, selon le chef Fokontany (en 2005), la vente de pieuvres peut souvent assurer à elle seule, plus de la moitié du revenu journalier d’une famille de pêcheur, lors de la de grande marée basse. Aujourd’hui, au lieu de rester assises à l’ombre comme d’habitude, la plupart des femmes Vezo se lancent à la pêche à pied, tandis que leurs maris partent au large. Souvent, une femme de pêcheur réalise en moyenne, plus de 45% de revenu familial à Anakao et à Beheloka.

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(69) : Ce sont des coquillages Gastéropodes, utilisés pour la fabrication de bouton.

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La production de pieuvres a augmenté rapidement. Si autrefois, cette pêche ne jouait qu’un rôle négligeable dans la vie économique des pêcheurs locaux, elle occupe actuellement une grande place (Il y a environ 20ans, les produits de la pêche à pied étaient en grande partie, destinés uniquement à la consommation familiale).

Au total, on peut dire que l’activité de pêche en mer sur le littoral mahafaly reste techniquement traditionnelle mais, la vulgarisation progressive des engins plus modernes permet aux pêcheurs locaux d’augmenter leur capacité de production par opération de pêche.

Tout cela nous amène à l’analyse des actions des ONG sur les communautés de pêcheurs du littoral mahafaly.

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Chapitre V

Les efforts d’appui technique et d’encadrement des pêcheurs

Depuis longtemps, la productivité halieutique du pays demeurait largement inférieure à la production potentielle. Au début des années 90, elle était estimée à 104000 tonnes, mais, d’après la F.A.O., ce chiffre pourrait être multiplié par trois, étant donné la grande potentialité halieutique de la grande île. Devant cette situation, la Direction de la Pêche et de l’Aquaculture (D.P.A.) multiplie les actions pour promouvoir et dynamiser le secteur de la pêche et de l’aquaculture. L’expérience vécue fait comprendre aux divers responsables qu’il est préférable de collaborer avec les Organisations Non Gouvernementales (O.N.G), qu’elles soient nationales ou internationales, en particulier, les organismes de développement travaillant avec les Nations Unies. Ainsi, au début des années 90, le littoral mahafaly participe aux actions de développement rural soutenues par différents intervenants dont les plus importants sont le Projet FAO – Pêche qui s’est réalisé en trois phases (PNUD/FAO/MAG/92/004 - PNUD/FAO/MAG/97/002 et PNUD/FAO/MAG/97/008) et, a pris fin en 2001 et le Projet P.S.D.R (Programme pour le Soutien de Développement Rural). Ces programmes ont pour objectif commun, l’amélioration des conditions de vie des habitants sur l’ensemble du littoral Sud-ouest, en mettant l’accent sur le développement des activités halieutiques. Ce cinquième chapitre indique les caractéristiques des appuis techniques et de l’encadrement des pêcheurs sur le littoral mahafaly. Il est constitué de trois grandes lignes: 1- Les actions de développement du Projet FAO – Pêche, dans le domaine de la pêche traditionnelle ; 2- Par une pêche artisanale, soutenue par le P.S.D.R ; 3- Le FIMIMANO ( Fikambanana Miaro sy Mampandroso an’i Nosy ve ), un modèle de gestion locale des ressources halieutiques soutenues des O.N.G.

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I – LES ACTIONS DE DEVELOPPEMNT ENTREPRISES PAR LE PROJET F.A.O – PÊCHE CHEZ LES COMMUNAUTES DES PÊCHEURS

Tableau - 15 : Composante pêche dans le Sud-ouest malgache

Partenaires PNUD et FDHA en collaboration avec la F.A.O Objectif Augmentation durable de la production RPPMED : des revenus des pêcheurs du littoral sud Réduction de de Madagascar Pauvreté et Promotion des Modes d’Existence Durables Projet PNUD/FAO/MAG/92/004 PNUD/FAO/MAG/97/002 PNUD/FAO/MAG/97/008 Réalisation Phase I : 1994-1996 Phase II : 1997-1998 Phase III : 1999-2001 Zones d’intervention Zone sud : Soalara –Zone nord : Manombo –Zones nord et sud : et Anakao – Maromena –Fetsitiky Andevo er Extension Zone nord Behloka – Itampolo –Zone sud – Extension àTsiandamba Androka/Ambohibola Morondava et Taolagnaro Tsifota Fiherenamasay Approche Approche intégrée à petite échelle Approche programme En même temps développer les activités techniques Programme tout en essayant de trouver des solutions aux du gouvernement dans problèmes quotidiens de la vie des villages le cadre du PNLCP avec plusieurs composantes Volets Social, Economique et Technique Technique Problèmes Manque d’infrastructures : pistes Techniques étroites, écoles, marchés rudimentaires Conséquences Conditions de vie détériorées Faible production Solutions Instruction de dossier et recherche de Vulgarisation partenaire pour le financement des infrastructures des techniques de Participation villageoise dans la réalisation pêche des activités (pistes, ponts, dispensaires…) Vulgarisation Identification de Activités Génératrices de de technologie Revenus (A.G.R) : couture de voiles de traitement et Valorisation de sous-produits coquillages de valorisation colliers, décoration… des produits Aides aux associations féminines (mareyeuses) Mise en place Mise en place de l’A.D.P par village d’un Expérimentation approche intégrée et système participative en relation étroite avec les pêcheurs d’approvisionnement de Beheloka en matériels de pêche Initiation aux petits crédits (vente location) Résultats Bonne approche au niveau développement du village entraînant des changements ; tant au niveau technique de pêche, de traitement et de valorisation des captures qu’au niveau amélioration des conditions de vie en général des communautés

Source : Composante Pêche Toliara 2001

128 L’intervention du Projet F.A.O – Pêche sur l’ensemble du littoral mahafaly a duré 8ans (1994 – 2001). Son objectif principal est d’améliorer les conditions d’existence des habitants du littoral, tout en augmentant de façon durable la capacité de production et leur revenu. Dans ce cadre, les actions du Projet ont été axées sur la vulgarisation des matériels de pêche modernes et surtout, l’appui technique des pêcheurs locaux pour professionnaliser progressivement les activités de la pêche traditionnelle dans la zone.

I – 1 : Les appuis matériels

Durant son intervention dans la région, le Projet F.A.O – Pêche n’a pas cessé de vulgariser des nouveaux engins de pêche simples, plus efficaces mais qui sont à la portée des pêcheurs locaux (prix abordables et facile à manier), et cela, pour assurer l’accroissement des (CPUE/S) ou

Capture par Unité d’Effort par Sortie (70) . Il s’agit surtout des Turluttes, des Palangrottes, des Palangres à grands pélagiques et des lignes de traîne modernisées. Leurs spécificités seront montrées au tableau - 16 Tableau - 16 : Caractéristiques des nouveaux engins de pêche vulgarisés par le Projet F.A.O -Pêche dans l’ensemble du littoral sud-ouest malgache

Engins Caractéristiques Capture Entretien Ligne de traîne Actionnée par un seul homme. Prédateurs/ chasseurs- Rinçage à l’eau douce Traînée en surface par lamobiles : Thon, Dorade,pour l a ligne, à l’huile de pirogue, a une vitesse de 3 à 4Coryphène, Carangue,foie de requin pour nœuds. Thazard, Orphie. l’hameçon et, stockage à Armée d’un harpon muni d’un l’abri du soleil du matériel leurre Palangrottes Actionnée par un seul homme - Poissons de fonds Armée de plusieurs hameçons Lethrinidae, Lutjanidae, Serranidae. Palangres à grands- Composé d’un orin principal,- Grand pélagique : Marlins,-Vérification des câbles pélagiques lesté d’une ligne mèreVoiliers, Dorade, Coryphène,émerillon et du cordage supportant deux avançons etThons, Requins de temps en temps armée de deux hameçons fixés sur l’orin Turlutte Munie de deux couronnes de - Calmars - Rinçage à l’eau douce crochets en acier inoxydable en forme imitant une grosse crevette de couleur vive Tractée par un seul homme à vitesse lente

Source : S.I.R.P.R.H. de Toliara en 2005

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(70) : L’effort de pêche est une évaluation quantifiée de l’ensemble des moyens techniques et humains pendant une période donnée pour exercer une opération de pêche

129 Il est évident dans ce tableau -16 que, la plupart des engins de pêche, nouvellement introduits dans la zone sont destinés à promouvoir la pêche individuelle (actionnés par un seul homme), ce qui fait que l’amélioration des moyens de production mis à la disposition des pêcheurs locaux tend vers la réduction progressive de l’unité de production. Par conséquent, il va de soi que, dans le contexte actuel, la modernisation des engins de pêche sur le littoral sud-ouest malgache remet indirectement en cause, la pratique de la pêche collective. Le mode d’approvisionnement en matériels de pêche aux pêcheurs locaux s’est déroulé de la façon suivante.

PROJET Matériels de pêche selon les commandes Vendus au village par un Commande vendeur Engin de pêche choisi par les Achat pêcheurs

Recouvrement par mois FOURNISSEUR

Figure - 25 : Système d’approvisionnement en matériels de pêche (71)

Le Projet F.A.O – Pêche s’occupe de la recherche des matériels, auprès des fournisseurs à Toliara ou à Antananarivo, selon le principe mis en œuvre. Ces matériels sont achetés au village, avec des prix majorés de 25% par pièce. Les 25% de majoration sont repartis de la façon suivante : - 10% sont donnés au vendeur, à titre de motivation. - 10%, versés à la caisse villageoise. - 5%, réservés au frais de transport. Le tableau – 17 montre les prix des objets vendus couramment dans différents points de vente de l’ensemble de la zone d’intervention du Projet F.A.O – Pêche.

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(71) : Après la fin du Projet, la Direction Régionale de la Pêche l’a remplacé et, ce système fonctionne toujours

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Tableau - 17 : Prix des matériels de pêche et gestion du bénéfice (en MGA) (Situation en 2005)

Nature Qualité Recouvrement Prix aux 10% au 10% : caisse5% : Frais de pêcheurs vendeur villageoise transport locaux. - Filet (100m) 3doigts 18750 25000 2500 2500 1250 2,5doigts 10250 27000 2doigts 25800 34400 2700 2700 1350 1,5doigts 27300 36400 3440 3440 1720

3640 3640 1820

- Corde nylon0,30mm 600 800 80 80 40 pour réparation0,35mm de filet (100m) 0,40mm 900 1200 120 120 60 0,45mm 1050 1400 140 140 70

1200 1600 160 160 80 - Corde nylon0,50mm 1350 1800 180 180 90 pour la pêche en0,60mm ligne (100m) 1,60mm 1800 2400 240 240 120 1,80mm 5250 7000 700 700 350

6750 9000 900 900 450 - Hameçon (r1è catégories 750 1000 100 100 10 par pièce) 2è 3è 4è 450 600 60 60 30 225 300 30 30 15 52,5 70 7 7 3,5

Source : Cahier d’enregistrement du responsable de la vente des matériels de pêche à Beheloka.

Dans la plupart des cas, c’est le chef du Fokontany, (pour le chef lieu de Fokontany) ou le comité du Fokontany, le représentant de l’administration pour un simple village, qui s’occupe de la vente de ces objets auprès des villageois, car les agents administratifs sont censés avoir un certain sens d’organisation plus ou moins acceptable pour mener à bien cette fonction. De plus, ce sont des gens connus et connaissent les membres de leur circonscription respective. Cette activité ne leur gène pas du tout. Au contraire, elle leur permet de gagner une autre source de revenu journalier non négligeable. D’après la responsable du point de vente à Beheloka (le chef du Fokontany en personne), il gagne (uniquement pour de la vente des matériels de pêche) au minimum 100000MGA par mois (situation en 2005). Il s’agit d’un revenu complémentaire, en plus de ce qu’il gagne habituellement de la pêche. Ses clients constituent les habitants du village, mais aussi les pêcheurs habitant les petits villages satellites.

131 Suivant le principe adopté, la vente de matériels de pêche est parfaitement compatible avec l’activité de pêche. Selon la règle du jeu (une tradition, loin d’être mise en cause par la population littorale), le vendeur a le plein droit d’imposer ou d’organiser à sa guise, son emploi du temps que les villageois acceptent sans difficulté, car le vendeur est lui même pêcheur et, ce qu’il propose ne perturbe pas l’organisation préétablie. Par exemple, les habitants de Beheloka ne viennent pas acheter des outils de pêche que pendant les heures de pause (entre midi à 15heures), après la sortie en mer de la matinée. Quant aux autres clients, ils ne viennent pas à Beheloka que le lundi, en profitant du jour du marché hebdomadaire. Or, selon la tradition, le lundi est le jour de congé pour la plupart des pêcheurs sur l’ensemble du littoral mahafaly. Ce nouveau système d’acquisition de matériels de pêche répond bien aux besoins immédiats des pêcheurs locaux, il leur permet de consacrer plus de temps à la pêche. De plus, il a été accordé une mesure incitative pour les pêcheurs locaux en facilitant le paiement par les pêcheurs ce dont ils ont besoins par le système de crédit remboursable en un mois au maximum, une mesure acceptée par la société des pêcheurs car chaque membre agit au principe de « filongoa » (bonne moralité) limitant tout acte pouvant entraîner le « havoa », c’est à dire la « malédiction », chose à éviter avant d’exercer la pêche au large. Certes, les pêcheurs Vezo sont dans la plupart des cas, honnêtes, caractère lié sans doute, à la croyance, face à leur activité quotidienne à grand risque. Cette nouvelle initiative facilite beaucoup l’acquisition de matériels et, les pêcheurs peuvent s’en procurer, même s’ils n’ont pas encore assez de l’argent disponible. Elle convient au bon fonctionnement de l’activité de pêche dans la région et, crée chez les pêcheurs locaux, un esprit entrepreneur basé sur la nécessité du système de crédit dans les activités économiques. Par ce système, le pêcheur est responsable d’une amélioration de son niveau de vie. Avant l’arrivée du Projet, les pêcheurs adoptaient le système d’approvisionnement par délégation. La mission à Toliara s’effectuait à tour de rôle, afin de limiter les frais de déplacement et la perte de temps pour plusieurs personnes. Il arrive que le tour de mission dure de 3 à 4 ans consécutifs, suivant l’avis du groupe associé. D’après notre interlocuteur, ce système a parfois suscité une certaine méfiance des communautés des pêcheurs, car certains d’entre eux se réfèrent aux anciens prix des objets lors de leur dernier passage à Toliara, deux ou trois ans auparavant, ce qui a pu compromettre la relation de confiance réciproque, base de la société vezo sur le littoral mahafaly. Mais il n’en est plus de même avec ce nouveau système d’acquisition de matériels. Le système a été souvent complété occasionnellement par la distribution gratuite des filets, organisée par les politiciens, lors de différentes campagnes électorales importantes (élections

132 présidentielle et législative), quoi que cela ne concerne souvent que les gros villages au nombre important d’électeurs potentiels comme : Anakao, Beheloka, Itampolo et Androka/Ambohibola. Pour Madagascar, la chance d’un politicien dans les diverses compétitions électorales auxquelles, il va se présenter dépend entièrement de ce qu’il a offert gratuitement aux électeurs. Du fait de la pauvreté peut-être, la plupart des électeurs votent, non pas pour ce qu’il en est digne et répond au profil requis, mais pour celui qui a réalisé la meilleure offre.

I – 2 : Les encadrements techniques

L’encadrement technique de la population littorale et la responsabilisation des pêcheurs locaux font partie de la grande priorité du programme d’action du Projet F.A.O. – Pêche sur le littoral sud-ouest. Il s’agit essentiellement de la vulgarisation de nouvelles techniques de traitement des produits de mer, avant la commercialisation, ainsi que de la professionnalisation des activités de la pêche maritime traditionnelle.

I – 2 – 1 : Techniques de conservation des produits de pêche : le soleil ; le feu et le sel

« Le poisson est une des denrées les plus périssables et de tout temps, on a cherché à retarder sa détérioration à le rendre plus facile à transporter, plus attractif … » (Projet F.A.O. – Pêche, 1994 – Toliara)

Le séchage, le fumage et le salage sont des méthodes de conservation très rependues sur l’ensemble du littoral sud-ouest, car elles ne nécessitent pas de matériel important, contrairement à la mise en boîte ou à la congélation. Certes, les longues campagnes de pêche exigent que les produits soient conservés avant le retour au village. Le traitement des produits doit avoir lieu tout de suite après capture sous peine de tout perdre. D’après les pêcheurs locaux, le fumage est la méthode la plus pratique car traditionnellement, une seule nuit suffit pour diminuer l’humidité de la chair des poissons. Dans cette technique, il existe deux systèmes : Le premier système consiste à déposer les produits sur un grillage placé soigneusement au-dessus du feu. Les poisons sont recouverts de toiles pour qu’ils puissent conserver suffisamment de chaleur. Le deuxième est le système de brochettes plantées tout au tour d’un feu bien réchauffé par des bois durs. C’est le système de fumage le plus simple et le plus apprécié par les pêcheurs locaux. Il n’exige que des matériels assez simples.

133 En principe, on utilise du bois sans odeur particulière à la combustion. Le dosage du feu et de la fumée doit conduire le poisson à être bien noir et sec, sans traces de brûlure ni de décomposition.

Photo - 7 : Technique de fumage traditionnel à Beheloka. Cliché : l’auteur en 2005

Photo - 8 : Pratique du fumage traditionnel pour les poissons de petite taille à Beheloka. Cliché : l’auteur en 2005

Pour le poisson gras, la technique consiste à vider et à l’ouvrir par le dos avant de le laisser à l’ombre pendant deux jours, pour assurer la fermentation. Ensuite, sans salage, il est mis à sécher pendant quatre jours. Le séchage est aussi très pratiqué tout au long du littoral mahafaly. Le poisson vidé est ouvert par le dos et abondamment salé, avant d’être mis à sécher au soleil sur des étales ou même au sol sur des sacs de toile ou natte. Les gros poissons sont pressés par piétinement, avant d’être étalés sur les claies. D’habitude, la crevette, le « Tovy » et le « Kabily » sont séchés sans subir le salage. (Les crevettes séchées sont vendues en l’état mais pas en poudre comme dans d’autres pays de l’Afrique).

134 Les étapes de la procédure de traitement des produits varient suivant la technique adoptée, indiqué dans le tableau - 18.

Tableau – 18 : Les différentes procédures de traitement des poissons

Etapes Fumage Salage Séchage 1ère Éviscération Eviscération Eviscération 2èm Lavage Rinçage Lavage 3èm Découpage Salage Découpage 4èm Salage (facultatif) Rinçage Rinçage 5èm Egouttage Egouttage Egouttage 6èm Fumage Séchage Séchage 7èm Refroidissement Stockage Stockage 8èm Stockage - -

Source : Enquête personnelle en 2004.

Dans la technique de fumage, on enregistre 8 étapes d’opérations contre 7 seulement pour le salage et le séchage.

Figure - 26 : Préparation des poissons sur une tablette (D’après le Projet F.A.O.-Pêche) Source : www.fao.org/docrep/fields/364469.htm

1 - Le fumoir de type Chorkor , vulgarisé par le Projet F.A.O. – Pêche marque une grande évolution de la technique de fumage des poissons. Il s’agit d’un petit édifice construit en brique, analogue au système d’un petit four à charbon, mais ici, les bois de chauffe servent de combustion. (C.F : Figure - 26 ). Pendant le fumage, le système consiste à faire sécher par la chaleur du feu les poissons qui s’imprègnent des composants chimiques de la fumée. Les saveurs obtenues dépendent du type de poisson et de la durée de l’opération. Ce fumoir moderne permet aux pêcheurs locaux d’obtenir une meilleure qualité de poissons fumés car, les produits sont plutôt braisés ou grillés que fumés. D’après les habitants de la zone, les poissons préparés par cette nouvelle technique de fumage coûtent plus chers que ceux de la pratique traditionnelle, malgré leur prix, ils ne sont pas difficiles à vendre, car cette

135 qualité appelée localement « fia fomoara », c’est à dire « poisson de fumoir » est la plus recherchée par les clients. Les pêcheurs locaux, en particulier ceux qui habitent à Beheloka (village pilote du Projet F.A.O – Pêche) apprécient beaucoup cette nouvelle technique, car le fumoir moderne permet aux pêcheurs locaux d’accélérer l’opération de traitement de produits après la capture. Ainsi, on arrive à traiter sans trop de difficulté une grande quantité de poisson dans un délai relativement réduit. D’après les pêcheurs à Beheloka, le fumoir moderne permet de traiter plus de 15kg de poissons frais en 3heures, contre 8 à 9heurs par la technique traditionnelle. Ainsi, le gain de temps est évalué à 3 fois plus vite pour le fumoir moderne. De plus, cette nouvelle technique limite le risque d’avoir trop de déchet au cours de l’opération de fumage. Selon le chef de Fokontany de Beheloka, la proportion de déchet par le système traditionnel peut aller jusqu’à 10% de la quantité totale. Le cas se produit souvent lors d’un traitement d’une grande quantité de poissons, à cause de la fatigue par des produits trop brûlés qui donnent un goût particulièrement amer qui diminue leur valeur commerciale. Mais avec le fumoir de type Chorkor , le risque est moindre. Le fumoir est constitué de 4 ou 5 étages et on change chaque fois la place de ces étages, suivant l’état de produits et leur besoin en chaleur. L’étage supérieur est muni d’un couvercle pour garder la chaleur. Techniquement, chacun de ces étages mobiles est appelé « clé de fumoir ». Il s’agit d’une tablette sur laquelle sont disposés soigneusement les poissons ; le fond de ces tablettes est fait en grillage spécial 2 - Le traitement de poisson par salage ou par séchage n’a pas beaucoup changé. Le Projet F.A.O.- Pêche a fait exprès de ne pas faire trop d’effort pour mieux orienter les pêcheurs locaux à adopter davantage le traitement par fumage. D’après l’explication du premier responsable du Projet, le fumage est le système le plus intéressant, car il permet de mieux préserver l’hygiène alimentaire des produits, ce qui n’est pas le cas pour la méthode de séchage en plein air, surtout dans une zone caractérisée par l’abondance du vent. A cause de la poussière occasionnée par le vent, le risque de contamination des produits est sans doute, assez élevé, pendant le séchage. Mais comme il s’agit de méthodes simples et pratiques, elles sont dans notre zone, loin d’être abandonnées. « Dans les régions tropicales, la méthode de séchage la plus courante consiste simplement à exposer le poisson à l’action conjuguée du soleil et du vent. C’est aussi la moins coûteuse et qui convient aux populations à faible revenu) ». (F.A.O., Toliara, 1991).

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Figure - 27 : Fumoir, type Chorkor, vulgarisé par le Projet F.A.O – Pêche

Source : www.fao.org/docrep/fields/384469.htm

Figure – 28 : Clé de fumoir

Source : www.fao.org/docrep/fieds/384469.htm

De façon générale, les conditions climatiques du littoral mahafaly permettent parfaitement cette méthode de traitement des produits de mer par une température assez élevée, avec beaucoup de vents et une durée d’ensoleillement toujours supérieure à 10heures sur 24. D’après le renseignement fourni par l’équipe de l’I.H.S.M. de Toliara, le poisson d’eau de mer ou d’eau douce a une teneur en eau d’environ 60 à 80% qu’il faut ramener à 10 ou à 25% après le séchage. Bien sûr, le séchage diminue la teneur en eau par le phénomène d’évaporation et le poids du produit. Il prolonge la durée de la conservation, préserve la qualité nutritive des aliments et, réduit le risque de contamination par moisissure toxique. Ainsi, pour que l’hygiène alimentaire soit mieux préservée, le dit Projet a encouragé les pêcheurs locaux à adopter le système de séchage sur claie.

137 3 - En ce qui concerne le salage, le Projet n’a pas fait grand chose à part la multiplication du nombre de bacs à salage mis à la disposition des pêcheurs locaux. Le salage est aussi un système très simple permettant de conserver parfaitement les produits. Le système consiste à mettre en œuvre le principe actif du sel dans la conservation du produit animal. Lors du salage, la chair du poisson se déshydrate partiellement et s’imprègne de sel. Beaucoup de biologistes affirment que la pénétration rapide du sel est nécessaire pour assurer la bonne conservation des produits halieutiques au cours du traitement et, cette méthode ne constitue aucun risque sur la qualité nutritive du poisson traité. D’habitude, les pêcheurs de notre zone traitent les gros poissons par le système de salage. Il faut ajouter que le Projet F.A.O. – Pêche a apporté à la population littorale, une certaine amélioration en ce qui concerne la préservation de l’hygiène pour la conservation des produits par cuisson, il a vulgarisé le bocal hermétique, un type de récipient spécial et plus efficace en termes d’hygiène. Dans les petits villages plus éloignés, beaucoup de familles utilisent encore de grosse marmite pour la conservation. Le principe consiste à cuire le poisson dans l’eau ou dans la saumure, ce qui permet de le conserver à court terme : deux ou trois jours seulement pour le poisson cuit avec de l’eau et plusieurs mois, quand on utilise la saumure. Mais d’après les pêcheurs locaux, il est préférable d’adopter la technique de conservation à l’huile, c’est à dire, faire cuire à feu doux les poisons immergés dans l’huile de requin, jusqu’au ramollissement des arêtes sous pression ou non. Cette méthode nécessite une hygiène particulièrement correcte et des emballages appropriés : bocaux hermétiques. Le traitement de produits de mer par cuisson est un système anciennement connu dans la région, mais, il n’intéresse guère les habitants déjà habitués à consommer des poissons frais. Les poissons issus de cette technique de conservation sont le plus souvent, destinés à la consommation familiale. Mais, très récemment, dans les gros villages assez animés comme Anakao, Beheloka et Itampolo, cette semi-conserve commence à être vendue dans les petits bars.

Figure - 29 : Séchage sur le sable Figure - 30 : Séchage sur claie

Source : www.fao.org/docrep/fields/384469.htm

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Figure -31 : Bac à salage pour poissons salés séchés

Source : www.fao.org/docrep/fields/384469.htm

Figure -32 : Bocaux hermétiques

Source : www.fao.org/docrep/fields/384469.htm

Bref, par déshydratation des produits après traitement, on peut obtenir des poissons fumés, des poissons salés séchés ou des poissons séchés. Cette variante est fonction de la méthode de traitement adoptée. Il est à noter ici que la technique de traitement de poisson n’est pas pratiquée pour en augmenter sa valeur ajoutée, mais, juste pour transformer l’état des produits frais qui ne peuvent pas être écoulés à temps

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Photo - 9: - Au premier plan : un bac à salage en bois de l’Association F.I.P.A.V.O à Itampolo - Au second plan : une claie pour séchage de poissons. Cliché : l’auteur en 2005.

I – 2 – 2 : Un effort destiné à la promotion féminine

Dans la société vezo, les femmes sont traditionnellement plus disponibles (72) . A part le ménage dont elles s’occupent quotidiennement la plupart de temps, les femmes ne font que s’asseoir sous l’ombrage à côté de cases, une place permettant une très belle vue sur la mer, pour attendre patiemment le retour de leurs maris. Elles se mettent en petit groupe de 5 ou 6 personnes, et discutent des choses souvent banales et peu importantes pour rire et s’amuser (Photo - 10). Par rapport aux femmes d’agro-éleveurs, leurs voisines, l’occupation quotidienne des femmes Vezo n’est guère pénible. « Au début, on voyait rarement des femmes Vezo Sara se marier avec les Mahafaly, car elles n’étaient pas habituées à travailler la terre. De plus, l’occupation des femmes dans la société vezo n’est pas très pénible. En effet, devenir femme de pêcheur était à l’époque une chose souhaitable . » (C.F : J.P. RAHERINIRINA-1998, p.61).

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(72) : Actuellement, les choses ont beaucoup changé. Le rôle des femmes dans la vie quotidienne ne cesse pas d’augmenter, ce que nous nous verrons dans le Chapitre VII.

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Cette situation convient parfaitement à la promotion féminine envisagée par le Projet F.A.O. – Pêche pour les communautés de pêcheurs de ce littoral. Dès son intervention à Beheloka au début de l’année 1994, le Projet à mis en place un centre d’alphabétisation dont les femmes des pêcheurs ont été le principal public cible. Comme la plupart des cas observés des pays sous-développés, sur le littoral mahafaly, tous les renseignements mis à notre disposition confirment que le phénomène d’analphabétisme concerne plus les femmes que les hommes. Avant l’année 1994, selon le Maire de la Commune

Rurale de Beheloka (73) , plus de 90% des femmes de pêcheurs du village ne savaient ni lire ni écrire. Traditionnellement, dans la société vezo, comme dans d’autres sociétés du grand ensemble du Sud-ouest malgache, les femmes ont très peu accès à l’instruction ou à la formation car, dans ce système de production, les femmes analphabètes ne constituent guère un véritable obstacle à la bonne marche de l’activité, étant donné que leur rôle n’est guère primordial. Dans les communautés de pêcheurs, être analphabète ne gène pas trop les femmes. Au contraire, elles trouvent cette situation comme étant une réalité sociale normale, qu’il faut accepter.

Photo - 10 : Un petit groupe de femmes de pêcheurs Vezo, assises sous un ombrage à Itampolo. Cliché : l’auteur en 2005

D’ailleurs, les actions pour l’instruction ou la formation des femmes ont été peu nombreuses dans le Sud-ouest malgache, peut-être, du fait de la tradition de placer les femmes dans une position marginale au sein de la société et, ceci limite beaucoup la participation effective des femmes au développement.

------(73) : Celui qui était à la tête de la Commue Rurale de Beheloka, entre 2003 et 2007 .

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C’est dans un tel contexte que la promotion féminine trouve sa raison d’être sur le littoral mahafaly. A Beheloka, un bâtiment en dur a été construit par le Projet pour servir de centre d’alphabétisation de femmes et un local pour la promotion féminine envisagée. L’établissement comprend deux salles de taille moyenne. Au départ, il n’y avait qu’une seule institutrice qui s’occupait de l’alphabétisation et de la formation féminine, car l’effectif des apprenantes était peu élevé. Le premier cahier d’enregistrement mis à notre disposition a montré qu’au début, le nombre d’apprenantes tournait au tour de 6 à 9 femmes dont leur assiduité n’était pas tout à fait exemplaire. A l’époque, la formation professionnelle consistait en une formation ménagère de base, mettant l’accent sur les techniques de la cuisine, car l’objectif état clair : que les femmes vivant sur cet espace littoral sachent avant tout, cuisinier de façon variée, tous les produits locaux de la région. Deux ans plus tard, en 1997, il y eu 5 nouvelles institutrices au centre. L’ancienne formatrice rentre à Toliara et ne revient plus. Ces nouvelles institutrices prennent le relais, mais, elles ne s’occupent que de l’alphabétisation en laissant tomber la formation technique déjà commencée par l’ancienne responsable. D’ailleurs, la formation technique n’est pas leur domaine. Ce sont de véritables institutrices bien formées par l’O.N.G. « Aide et Action » (74) , pour la technique de l’alphabétisation, avant d’être formées aussi par le Service de la Population à Toliara en matière de communication. . A ce stade, l’effectif des apprenantes a considérablement augmenté jusqu’à 71 femmes reparties en deux niveaux : « A » et « B ». Le niveau « A » était le groupe des débutantes et, dans niveau « B » se trouvait réunies toutes les femmes, qui savaient lire et écrire sans trop de difficulté. L’activité scolaire dure à peu près deux heures par séance et, s’effectue trois fois par semaine, tous les mardis, jeudis et samedis, à partir de 9heures. Cet emploi du temps ne constitue guère de perturbation sur le rythme de la vie quotidienne des femmes, car il a été établi d’après leur proposition. A chaque séance, les 5 institutrices sont toujours présentes et, elles s’organisent à tour de rôle. Les unes travaillent tandis que les autres observent pour s’assurer de l’efficacité et de la rentabilité de l’activité.

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(74) : C’est une O.N.G. française qui s’occupe des infrastructures scolaires de base et de quelques appuis techniques pour la lutte contre l’analphabétisme. Elle a commencé son intervention dans le Sud-ouest malgache en 1991, et elle est encore là jusqu’à ce jour .

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A part les avantages sociaux que le Projet F.A.O – Pêche leur a accordé, ces institutrices sont aussi payées en nature. Elles sont engagées par un contrat de type « Travail contre vivre » (1kg de maïs par tête et par séance). Cela ne les gêne guère car elles sont toutes les cinq, recrutées parmi les villageois. Comme les autres femmes du village, elles ont pu encore entre temps s’occuper de leurs activités habituelles. Ces sont des diplômées du village, ayant chacune le B.E.P.C . (75) . Vers la fin de l’année 1997, deux autres formatrices arrivent au village pour assurer la reprise de la formation professionnelle délaissée entre temps. Mais cette fois ci, ces formatrices ont été régies par un statut particulier. Ces sont des fonctionnaires qui touchent un salaire mensuel mais, durant une certaine période, elles ont travaillé pour le compte du Projet F.A.O.- Pêche, par négociation avec le Ministère tutelle. Ces sont des personnels du Ministère de la Population qui sont au village, uniquement pour ce travail. La formation technique a lieu deux fois par semaine, tous les mercredis et dimanches après midi, à partir de 15heures jusqu’à 17heures ; la durée de la séance étant fonction de l’exigence de l’activité prévue dans le programme et de l’enthousiasme des apprenantes. Ce nouvel emploi du temps correspond également aux heures creuses pour les femmes de pêcheurs. Cette fois ci, la formation concernait la technique de la cuisine ou du ménage, mais aussi, la confection de divers objets dérivés des différentes matières locales en abondance, dans la région. Par exemple, confection des bijoux, des paniers de formes diverses à partir des coquillages… A Itampolo, le Projet faisait la même chose, mais l’accent était surtout mis sur la formation technique artisanale. Selon le chef Fokontany d’Itampolo, il y eu plus d’une quarantaine de femmes qui sont associées pour former un petit établissement artisanal au village. Le Projet F.A.O. – Pêche s’occupe de l’appui technique et matériel. Il a mis à la disposition de l’établissement, une quinzaine de machines à coudre et a engagé deux formatrices expérimentées en matière de formation professionnelle et d’animation rurale, pour assurer le bon encadrement des membres. Le programme d’activité technique est axé sur la confection de voiles d’embarcation, un objet indispensable à la vie quotidienne vezo ; la technique de coupe et couture et la confection de divers objets d’usage courant comme natte, chapeau, panier spécial pour la pêche à pied (« haro »)…etc.

------(75) : Deuxième diplôme officiel après le C.E.P.E., obtenu après avoir terminé avec succès le Collège d’Enseignement Secondaire. C’est aussi le diplôme exigé avant d’entrer en classe de seconde .

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L’atelier est ouvert 5jours sur 7, du lundi au vendredi après midi. Le samedi étant réservé pour la collecte des produits bruts nécessaires à la confection des objets à envisager la semaine suivante. Pour cette tâche, les membres associés s’organisent en équipe et le nombre de groupe est souvent fonction de la diversité des objets de collecte. Par exemple, une équipe s’occupe de la collecte de « vondro » ou autres produits nécessaires à la confection de natte, tandis que les autres sont à la recherche des coquillages pour la fabrication des bijoux …etc. Au début, tout marchait bien, mais, du fait de l’absence fréquente des encadreuses pour de raison sanitaire, les membres ont perdu progressivement l’assiduité, la situation s’est achevée par la fermeture de l’établissement, quand l’intervention du Projet toucha à sa fin.

I – 2 – 3 : Vers une professionnalisation des pêcheurs locaux ?

Parallèlement à la promotion féminine, la professionnalisation des pêcheurs locaux est parmi les missions fondamentales du Projet F.A.O.- Pêche sur l’ensemble du littoral Sud- ouest. Transformer de façon progressive les pêcheurs en « un petit manager » dans l’activité de pêche a été la finalité de l’action du Projet pour que la pêche en mer soit la base principale de l’amélioration du niveau de vie de la population littorale. Les pêcheurs Vezo sont dépensiers et réputés depuis longtemps, par leur caractère peu avare. Ce ne sont pas du tout du genre paysan qui a beaucoup de souci sur le lendemain. Ils n’ont pas hésité à engager une dépense folle, uniquement pour un simple plaisir passager. Ce comportement vient certainement du fait que leur revenu se produit jour après jour. « Amaray andro hafa koa », c’est à dire, « demain, un autre jour » est une expression très courante et, souvent prononcée par les pêcheurs Vezo, après avoir dilapidé tous ce qu’ils viennent de gagner dans la journée. C’est sans doute une expression révélatrice de la façon dont ces derniers gèrent leurs propres argents. Ayant une habitude peu orientée vers un avenir meilleur, le Projet F.A.O.- Pêche trouve que l’encadrement de pêcheurs locaux fait partie de la priorité absolue dans le programme de développement intégré. C’est ainsi qu’il a persuadé chaque famille de pêcheur à utiliser d’abord, une sorte de journal simplifié dans lequel ont été figurés seulement les principaux chapitres indispensables. Voici un modèle journal utilisé par les pêcheurs suivant l’instruction des encadreurs technique du Projet.

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Tableau - 19 : Un journal de pêcheur

Date Quantité de prise Recette Dépense Gain Observation … … … … … …

Source : Enquête personnelle en 2004.

Par ce principe, le pêcheur apprend à constituer son propre capital (76) une condition sine qua non pour accéder au monde des affaires, lui a permettant de connaître sa capacité de production et d’envisager un projet pour une amélioration de son niveau de vie. Suivant les conseils donnés aux pêcheurs, la recette journalière sera repartie en trois : 1 - 50% : versé à la caisse destinée au capital financier 2 - 30% : réservés aux besoins quotidiens de la famille 3 - 20% : pour les dépenses imprévues.

Ce nouveau système de gestion du revenu au jour le jour a amélioré leur niveau de vie et a motivé à augmenter la mise en valeur de leur capture. Tout cela pourrait aboutir à un changement de mentalité sur le méfait du gaspillage et chaque individu prendra progressivement conscience, d’être le principal responsable d’une amélioration de son propre niveau de vie. D’après le Projet F.A.O – Pêche, ce problème de gestion de revenu doit être acquis avant que les pêcheurs ne voient l’importance de l’accès au système de crédit pour la perspective d’un développement économique durable. L’expérience vécue dans l’ensemble du Sud – ouest malgache a montré que le recours au système de crédit ne peut se poursuivre tant que les pêcheurs locaux n’aient une certaine aptitude en matière de gestion de revenus et la constitution progressive du capital (77). A priori, cette deuxième phase d’encadrement dans la région est possible dans les villages pilotes du Projet (Anakao, Beheloka, Itampolo et Androka/Ambohibola).

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(76) : Le terme « capital » peut avoir un sens technique. Il désigne l’ensemble des moyens de production durables grâce auxquels, une entreprise ou une société accroît l’efficacité du travail de ses membres. Il peut avoir aussi un sens comptable. Il s’agit des apports en argent ou en nature (bâtiments, terrain…etc.) qu’un particulier ou l’ensemble des associés qui sont propriétaires de l’entreprise ont fournis à cette dernière pour en devenir propriétaire .

(77) : C’était le fond du problème rencontré par le VOLA MAHASOA, ( un organisme de micro finance français, qui a travaillé dans une grande partie du Sud-ouest malgache depuis le début des années 90) vers la fin des années 90 dans le pays masikoro. Cet organisme a du mal à s’en sortir car la plupart des paysans qu’il a appuyés ne sont pas à mesure de rembourser leur dette. D’après le renseignement fourni par le responsable de cette micro finance, un certain nombre de litiges a dû être porté au niveau du tribunal. Or, selon la tradition sociale, qui est encore loin d’être abandonnée chez les masikoro, le recours au tribunal pour une affaire conflictuelle marque la coupure définitive de la notion de « filongoa » (parenté) entre les deux parties. Une éventuelle réconciliation semble impossible. Résultat, durant un bon nombre d’années, le VOLA MAHASOA était mal vu par les paysans .

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La plupart des pêcheurs possèdent leur propre épargne pour assurer des apports bénéficiaires, une condition indispensable à la mise en œuvre d’un système de crédit. Malheureusement, cette deuxième phase d’encadrement a été à peine abordée, quand l’intervention du Projet F.A.O.- Pêche dans la zone a pris fin. A Beheloka comme à Itampolo, le Projet a déjà commencé la formation de pêcheurs pour la constitution de dossiers nécessaires pour obtenir un financement auprès d’une banque ou d’autre organisme de micro finance. Parallèlement, le Projet a fait comprendre aux pêcheurs locaux qu’un développement économique durable demande une grande ouverture du marché par la recherche de débouchés, l’identification des produits les plus recherchés par les clients potentiels... etc. Ainsi, en 1999, le Projet a organisé un voyage de reconnaissance jusqu’à Antananarivo, avec 5 pêcheurs, représentants des habitants de Beheloka et, 5 autres, d’Itampolo. De ce voyage d’orientation, l’objectif a été de leur montrer le fonctionnement de système d’une économie moderne. De retour au village, ils peuvent jouer le rôle des petits opérateurs économiques, aptes à collaborer avec tout organisme de développement

II – VERS UNE PÊCHE ARTISANALE SOUTENUE PAR LE PROJET P.S.D.R

Le P.S.D.R. ou Projet de Soutien au Développement Rural est un organisme de développement financé par la Banque Mondiale. Il s’agit d’un programme d’appui sectoriel destiné à la mise en place des moyens permettant à la population rurale de prendre en main son propre développement. D’une façon générale, il intervient dans les domaines de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche traditionnelle. Il s’occupe de la mise en place des diverses infrastructures de base, indispensables pour l’amélioration des conditions de vie des différentes communautés rurales, et organise en groupement la population intéressée, pour constituer une nouvelle forme d’unité de production plus efficace et assez crédible. Le P.S.D.R. a commencé son intervention dans le Sud-ouest malgache à partir de l’année 2000, mais sa première action dans le domaine de la pêche traditionnelle sur le littoral mahafaly date de l’année 2003. En 2004, lors de notre entretien avec le premier responsable du P.S.D.R. de Toliara, il a affirmé que les efforts de développement rural déployés dans la plupart des pays du tiers- monde imposent une forte cohérence, entre la gestion des ressources internes et l’utilisation des apports extérieurs.

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Le meilleur moyen d’assurer cette nécessaire cohérence est de situer de plus en plus les interventions des O.N.G ou d’autres intervenants, dans le cadre d’appui à des politiques sectorielles pour les trois raisons suivantes : Primo, une telle conception permet d’assurer une meilleure adéquation des actions communautaires aux objectifs sectoriels prioritaires, définis par chacune des populations cibles, agro éleveurs ou pêcheurs. Secondo, l’appui à des politiques sectorielles permet de faire intervenir, à côté des projets d’investissement, les formes d’aide les plus diverses (formation, assistance technique, aide à la maintenance…etc.) Tercio, un tel appui permet que chaque action, au-delà de ses mérites propres, soit davantage appréciée en fonction de son apport à la réussite de cette politique sectorielle, soit ainsi assurée d’un impact économique maximum. Ainsi, à Madagascar, comme dans d’autres pays en développement où travaille le P.S.R.R., cet organisme agit conformément à ce principe de base. Dans le domaine de la pêche, l’intervention du P.S.D.R. sur le littoral mahafaly s’effectue par l’intermédiaire de deux partenaires stratégiques à savoir le C.O.U.T. ( Cellule des Océanographes de l’ Université de Toliara ) et, l’A.S.S.O.S. ou bien, ( Action Socio Sanitaire et d’O rganisation de Secours ). Ces petites O.N.G travaillent sous forme de sous-traitance, avec le P.S.D.R.

P.S.D.R .

A.S.S.O.S C.O.U.T

Pêcheurs locaux

Figure - 33: Structure du système d’intervention du P.S.D.R. dans le domaine de la pêche traditionnelle du littoral Sud-ouest

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Une sorte de partage des zones d’intervention se présente entre ces deux partenaires stratégiques. La C.O.U.T s’occupe du secteur nord jusqu’à Beheloka, tandis que l’A.S.S.O.S, de là, jusqu’à Androka/Ambohibola. Suivant la structure du système schématisé ci dessus, le P.S.D.R n’intervient pas directement, mais par l’intermédiaire de ses partenaires stratégiques qui assurent la création d’une nouvelle forme d’unité de production plus élargie, chez les pêcheurs. Il s’agit d’une organisation sous forme d’association ou groupement légal des pêcheurs vivant dans un même village (78) . Organisation et gestion ne sont pas des éléments nouveaux dans le monde rural. Il est tout à fait normal car ils se regroupent pour s’assurer la plus grande sécurité dans tout le domaine. Selon A.ODHIAMBO : « L’individualisme chez les êtres humains ne fait surface que lorsque le groupe a donné aux individus suffisamment d’assurance pour faire cavalier seul . » (In . Le Courrier n°99- septembre – octobre, 1986), ce qui explique le principe d’intervention d’un type d’association adopté par le P.S.D.R.D’ailleurs, c’est la condition exigée par la plupart de bailleurs de fond qui soutiennent les pays sous-développés. Beaucoup d’auteurs ont remarqué que, c’est dans les communautés qui n’ont pas développé pleinement leurs technologies que le sens collectif et l’esprit communautaire soient le plus marqués. Au total, une amélioration durable des conditions de vie des pêcheurs est l’objectif de l’action du P.S.D.R. sur ce littoral. Il agit de trois objectifs spécifiques : Objectif spécifique – 1 : Contribuer à la revitalisation de l’économie des pêcheurs. Objectif spécifique –2 : Accroître de façon durable, la productivité et les revenus des petits pêcheurs. Objectif spécifique –3 : Diversifier le lieu de pêche, afin de réduire la pression qui s’exerce sur l’écosystème récifal

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(78) : « Equipement en matériels de pêche maritime artisanat » est l’intitulé du sous-projet mis en place par le P.S.D.R. à travers ses partenaires stratégiques, dans diverses communautés de pêcheurs

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Tableau - 20 : Récapitulation des objectifs et activités d’un sous-projet

Objectifs spécifiques Objectif spécifique 1 Objectif spécifique 2 Objectif spécifique 3 Résultats attendus - Augmentation des Accroissement de Alternance de lieu de revenus manière durable, la pêche - Réduction de la productivité - Augmentation de la pauvreté taille des individus capturés Préservation des stocks de juvéniles Activités à réaliser Formation en gestion Equipement en Sensibilisation et financière (épargne) matériels de pêche aux formation pou normes l’interdiction de la pêche des petits poissons

Source : C.O.U.T. – Toliara en 2004

Ce tableau montre que le programme d’action du P.S.D.R. est une continuation du Projet F.A.O. – Pêche dans les communautés des pêcheurs. Grâce à l’impact des actions faites par le Projet précédant, les pêcheurs habitant dans les zones d’intervention du P.S.D.R. ont compris que leur système de production traditionnel a besoin d’un certain changement et la réticence face à la modernité n’est plus un grand obstacle pour les actions de développement envisagées dans les communautés villageoises. Comme tout programme d’action de développement en milieu rural, ce sous-projet a été appliqué phase par phase, dans le tableau - 21.

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Tableau – 21 : Les différentes phases d’actions d’un sous-projet

Composante du Projet Phases Etapes du travail Activités prévues Exécution du Projet Phase préparatoire Création Révision du de l’association statut, règlement intérieur Réunion villageoise Détermination du sousExplication projet concernant l’apport bénéficiaire Détermination des matériels nécessaires Phase de construction Installation Achat ou d’un magasin construction d’une maison Phase d’exploitation Préparation Achat des matériels des matériels de pêche Capture de poisson Pêche au-delà du et d’autres produits récif corallien de mer Utilisation de moteur hors bord Utilisation de filet Z.Z Utilisation de fusil de pêche Vente directe Aux collecteurs des produits Aux mareyeurs Vente indirecte Préparation de des produits la marchandise Déshydratation Renforcement Reconnaissance Plongée (en apnée) de capacité sur l’importance de des la zone récifale encadreurs accompagnés des pêcheurs locaux Phase d’exécution I.E.C.(Information, Formation Education sur et Communication) l’épargne, l’environnement et la gestion de ressources halieutiques Phase d’évaluation Estimation des Suivie et évaluation zones sensibles, vis de l’association à vis du sous projet et par rapport à ses états initiaux

Source : C.O.U.T. – Toliara en 2004

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En principe, ce sous projet ne dure que 8 mois, mais il peut être prolongé jusqu’à 12 mois, le cas échéant. L’intervention par l’intermédiaire des partenaires stratégiques marque l’originalité de la technique d’approche adoptée par le P.S.D.R, ce qui permet d’obtenir dans un délai très réduit, la quasi-totalité des renseignements socio-économique nécessaires à la bonne marche de l’action de développement. Ainsi, suivant la méthode participative adoptée par ses partenaires stratégiques, l’action débute par une descente sur le terrain des consultants, afin d’obtenir par dialogue libre, le consentement des groupes bénéficiaires.

II – 1 : Des soutiens matériels et financiers

Toujours dans le cadre d’un accroissement du niveau de vie économique des pêcheurs locaux, le sous-projet compte sur la capture des poissons de grande taille de haute valeur marchande. Le système se traduit par un changement des zones de pêche. Les pêcheurs locaux abandonnent le lagon pour aller au large. A l’extérieur du récif, ils réalisent une forte capacité de prise. De plus, le nombre de ceux qui exploitent cette zone est largement inférieur à ceux qui restent à proximité de la côte, par manque de moyens, étant donné que ce changement du milieu d’exploitation nécessite l’utilisation des moyens matériels spécifiques ; embarcation et divers matériels de pêche. Aussi, les soutiens matériel et financier font partie de la ligne de priorité dans le programme d’action du P.S.D.R. pour la pêche traditionnelle du littoral Sud- ouest malgache. L’exemple du budget d’un sous-projet dénommé « VOMBOTSY » (79) le montre dans le tableau - 22

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(79) : Le sous projet « VOMBOTSY » ne fait pas partie de notre zone d’étude, car il se trouve dans la Commune Rurale de Manombo sud, mais, comme il s’agit d’un sous projet fondé par un partenaire stratégique du P.S.D.R, la COUT, il présente parfaitement le caractère, analogue avec ceux qui sont implantés sur le littoral mahafaly .

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Tableau – 22 : Budget du sous-projet « VOMBOTSY » (en MGA)

Poste du budget Unité Quantité Prix Montant Apport don bénéficiaire MATERIETS/EQUIPEMENTS filet Z.Z 2 450000 900000 00 900000 Moteur 2 3000000 6000000 00 6000000 hors bord Fusil de pêche 2 79000 158000 00 158000 Caisse à 1 92000 92000 00 92000 polystyrène G.M Caisse à 2 50000 100000 00 100000 polystyrène P.M - - Pirogue de 2 400000 800000 00 8m - Magasin 1 448000 448000 00 de stockage de 4mx3m - Frais 252000 00 de transport Frais 1250000 de l’encadrement de la COUT Formation technique, gestion et environnement Suivie et encadrement Déplacement Fonctionnement de la COUT TOTAL 725000 1500000 8500000

Source : C.O.U.T. – Toliara en 2004

Le montant total pour le financement de ce sous-projet est de l’ordre de 10.000000MGA. L’apport bénéficiaire n’atteint que 1.500000MGA seulement, soit 15% de la valeur totale, et le P.S.D.R. supporte le reste (8.500000MGA, qui représente le 85% de l’ensemble de la charge financière).

D’autres rubriques peuvent s’ajouter dans le budget le cas échéant.

152 Du fait de l’influence du vent du sud, la mer est plus agitée dans le secteur sud. La plupart des sous-projets sur cette partie du littoral, en particulier ceux qui sont contrôlés par l’A.S.S.O.S. ont toujours besoin chacun, de gilets de sauvetage. Par exemple, l’Association K.O.P.A (Koperativa Panjono Ambohibola ) dispose six (06) gilets offerts par le P.S.D.R. De plus, à cause de l’éloignement, tous les sous-projets créés sur ce secteur ont besoin respectivement d’un congélateur et d’un groupe électrogène. Tout cela fait la différence entre le caractère budgétaire que présente les sous projets contrôlés par la C.O.U.T et ceux qui sont encadrés par l’A.S.S.O.S. Ces derniers ont plus besoin de matériels. A part les différents articles constituant l’apport bénéficiaire pour la création d’un sous-projet, voici un exemple de liste de matériels que le P.S.D.R. a dû ajouter pour l’Association F.I.PA.V.O. ( Fikambanan’ny Panjono Vonona ), un sous projet contrôlé par l’A.S.S.O.S à Itampolo : - Filet Z.Z - Moteur hors bord - Fusil de pêche - Caisse à polystyrène G.M - Caisse à polystyrène P.M - Palangre - Groupe électrogène - Congélateur - Gilets de sauvetage. Source : Enquête auprès du président de l’Association à Itampolo en 2004. Au total, la valeur du financement pour le démarrage de la F.I.P.A.V.O., est portée jusqu’à plus de 55%, par rapport à celle que le P.S.D.R. a accordé à chacun des sous projets fondés dans le secteur nord. La coopérative de pêcheurs d’Ambohibola (K.O.P.A) est la plus organisée de tous les sous-projets fondés par l’A.S.S.O.S sur ce littoral. Elle regroupe 14 membres dont 12 sont des pêcheurs proprement dits, et les deux autres s’occupent de l’administration. Ces 12 pêcheurs sont repartis en quatre équipes de trois personnes, et suivant leur organisation, deux équipes partent en même temps tandis que les deux autres se reposent. Cette organisation pour la sortie en mer à tour de rôle est adoptée suivant la proposition des membres adhérents et, cet emploi du temps permet parfaitement à l’équipe du P.S.D.R de bien mener ses actions dans les communautés de pêcheurs.

Les équipes qui restent au village suivent diverses formations prévues dans le programme, tandis que les autres sont à la pêche, et vice versa.

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Photo – 11 : Un filet Z.Z. offert par le P.S.D.R. à l’association F.I.P.A.V.O. à Itampolo Cliché : l’auteur en 2005

Photo - 12 : Une équipe de la K.O.P.A, prête à partir à la pêche au large. Cliché : l’auteur en 2005

Photo - 13 : Un congélateur offert par le P.S.D.R., dans un magasin de la F.I.P.A.V.O à Itampolo. Cliché : l’auteur en 2004

II – 2 : L’effort d’encadrement technique pour un développement durable

154 En général, l’encadrement technique organisé en faveur des divers groupements concerne la création d’épargne et la préservation de l’environnement côtier. 1 – Pour la création d’épargne, les deux partenaires stratégiques qui travaillent avec le P.S.D.R. ont chacun sa propre méthode. Les Associations sous le contrôle de la C.O.U.T. gèrent la valeur de leurs captures de la manière suivante : - 50% sont divisées entre tous les membres. - 25% sont réservées uniquement pour ceux qui font effectivement la pêche. - 25% restant seront versées à la caisse de l’Association. Le quart de la valeur de la mise à terre par sortie en mer seulement est destiné à la constitution de l’épargne pour le compte de l’Association. Par contre, chez les Associations fondées par l’A.S.S.O.S., les pêcheurs membres doivent verser à la caisse, la moitié de la valeur totale de la capture. L’autre moitié est gardée par l’équipe qui a réalisé la pêche. A chaque sortie en mer, l’équipe de pêcheurs doit mettre dans les trois cahiers d’enregistrement disponibles auprès du magasinier, les renseignements nécessaires à la bonne marche de l’Association. Ils contiennent différents renseignements sur : * Cahier de matériels (heures, état et nombre) * Cahier de production (quantité de prise) * Cahier de gestion (valeur de ce qu’on doit verser à la caisse). 2 - Concernant la préservation de l’environnement, la sensibilisation est de faire comprendre aux pêcheurs que l’écosystème récifal constitue l’habitat des poissons, leur principale zone de recherche de nourriture (pêche et collecte d’autres produits de mer) et des ressources qui procurent de revenus indispensables à la communauté villageoise. Aussi, sa dégradation va – t

– elle créer des problèmes regrettables à la vie quotidienne (80). Les sous-projets du secteur nord ont besoin davantage d’une gestion des ressources naturelles et la préservation du milieu marin, car leurs zones de pêche ont beaucoup de récifs qui abritent diverses espèces juvéniles. Aussi, la C.O.U.T. a établi pour chaque sous-projet un plan de gestion environnementale ( Tableau – 23).

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(80) : En 2004, le premier responsable de la C.O.U.T. à Toliara affirme que toute expérience faites jusqu’à présent a montre que la croissance de corail est de l’ordre de 1cm tous les 100ans

Tableau - 23 : Un modèle de plan de gestion environnementale établie par la C.O.U.T.

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Mesures Travaux Estimation du Timing Responsables d’atténuation environnementau coût d’exécution d’exécution x correspondant Education de Reconnaissance L’Association et l’Association sur du milieu récifal le spécialiste en l’emploi et suivie des biodiversité l’importance du plongées avec récif l’Association

Formation sur la Vérification de Formateur gestion des moteur hydrocarbures déversés dans la mer Formation des Pratique directe C.O.U.T. conducteurs de sur la zone pirogue, vis à vis touchée des coraux vivants Augmentation des Mode de gestion C.O.U.T. produits, des de ressources poissons et maritimes développement du marché

Source : C.O.U.T. – Toliara en 2004

La C.O.U.T. a prévu dans différents sous projets des mesures d’atténuation environnementale qui seront récapitulées dans le tableau – 24.

Tableau - 24 : Mesures d’atténuation environnementale

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Impacts négatifs Mesures d’atténuation Indicateurs Le filet peut détruire lesMettre en place des programmesMembre de l’association et coraux éducatifs destinés à informer lesautres ménages sont vivant dans la partie moins pêcheurs de l’ampleur deinformés profonde dommages ainsi que de mesures et des solutions

Pollution engendrée par la Mettre en place des programmes Les membres de fuite d’huile et d’éducation publique qui l’Association savent éviter le d’hydrocarbure et par explique comment gérer les huiles déversement de l’huile le déversement des eaux les hydrocarbures et les poissons de cale L’hélice d’un moteur Formation sur la conduite d’une 1 à 3 marins capables peut détruire les corauxPirogue à moteur. arrivent à former les autres pendant la basse mer Sensibilisation sur la corrélation membres de l’Association Positive entre les coraux vivants Et les poissons Capture par hasard Etablir un « Dina » (81) Application de « Dina » d’espèces protégées ou rares Obligeant quiconque à relâcher Pour les membres de Les espèces protégées l’Association Capture des gros poissons Surveiller les gros poissons Les membres de qui peuvent porte une toxiques(Enlever la tête, l’Association connaissent toxine branchies et les appareils les organes toxiques digestifs, surtout pendant la saison chaude

Source : C.O.U.T. – Toliara en 2004

III - : UN MODELE DE GESTION LOCALE DES RESSOURCES HALIEUTIQUES, SOUTENU PAR DES O.N.G : LA « FI.MI.MA.NO . »

La F.I.M.I.M.A.N.O. ( Fikambanana Miaro sy Mampandroso an’i Nosy ve ), c’est à dire « Association pour la protection et le progrès de Nosy ve », a vu le jour à Anakao, le 12 octobre 1998. Elle a été créée pour essayer de résoudre les problèmes des conflits d’usage qui se produisent entre pêcheurs et opérateurs touristiques d’une part, et entre pêcheurs locaux eux- mêmes d’autre part.

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(81) : Le « Dina » est un terme très courant à Madagascar, qui exprime une convention collective entre les membres d’une communauté villageoise ou régionale. Il devrait être intégralement par les membres sous peine de sanction souvent très sévère déjà précisée dans le texte constituant le « Dina ».

157 Cette Association regroupe au départ, 06 villages voisins les plus proches de Nosy ve tels qu’Anakao haut et bas, Lovokampy, Soalara haut et bas, ainsi que St Augustin. Sarodrano, le 7ème village vient s’ajouter plus tard. Selon le système d’administration convenu, tous les villages membres ont chacun un représentant parmi les membres du bureau. Ces représentants doivent être chef Fokontany ou chef quartier de leur village respectif. Ce sont donc des autorités légales locales et par conséquent, des personnages écoutés par les communautés villageoises qui dirigent l’Association. La FI.MI.MA.NO. est bien encadrée et soutenue par diverses O.N.G.

III – 1 : Justification de la protection de Nosy ve

« L’île de Nosy ve joue un rôle social et économique important pour les communautés villageoises de la région de Tuléar, et en particulier pour la population côtière de la zone environnante…, l’îlot constitue une réserve de protéines animales (mollusques, céphalopodes, oursins, divers poissons…), une source de revenus par les produits marins exportés (divers coquillages, trépangs…) et le tourisme ».

(D. ANDRIANAMBININA). (82)

Cette citation révèle l’avantage social et économique que la population environnante peut obtenir de l’île de Nosy ve. La ceinture de récifs qui entoure l’île et lieu dit « aquarium – nord » a subi la sur pêche par l’insuffisance de la conscientisation et la croissance démographique. Certaines espèces sont devenues rares et la destruction partielle du milieu récifal a commencé à se faire sentir. A Anakao, la capacité de production journalière par pêcheur baisse de façon catastrophique. Si, dans la deuxième moitié des années 80, elle variait entre 30 à 35kg de poissons, à partir de l’année1997, un pêcheur a du mal à capturer 2kg dans la journée. D’après le Directeur de l’IHSM, plus de 50% des récifs coralliens de Nosy ve ont été depuis l’année 1998 en phase de destruction, du fait de l’action anthropique sur l’écosystème récifal. La même année, l’étude biologique faite par l’O.N.G Frontier a montré qu’à cause de la chasse excessive, Nosy ve n’abritait plus que 5 unités de Phaéton (83) seulement.

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(82) : Communication sur le thème « Un nouvel apport dans la gouvernance locale des ressources naturelles : le cas des aires protégées volontaires » ; Séminaire organisé par le C3EDM, le 17, 18 et 19 septembre 2002 – DEGS – Université d’Antananarivo (83) : Le Phaéton ruricanda est une espèce d’oiseau, avec deux rectrices rouges, et appelé localement « Vorompano ».

158 La situation étant alarmante, la création d’une telle Association n’est rien d’autre qu’une réaction villageoise à ce problème. Il s’agit d’une association des usagers qui collabore avec différents organismes en particulier le S.A.G.E. (Service d’Appui à la Gestion de l’Environnement) (84). La mise en place d’une gestion durable des ressources naturelles et la sauvegarde des éléments de la biodiversité de Nosy ve justifient la raison d’être de la F.I.M.I.M.A.N.O.

III – 2 : Une forte collaboration avec différentes O.N.G.

La C.T.A/E.M.C. (Cellule Technique d’Appui de l’Environnement Marin et Côtier), la « Frontier » (une O.N.G. anglaise) et le S.A.G.E. soutiennent conjointement la F.I.M.I.M.A.N.O. dans la réalisation de ses objectifs. Un « Dina » a été établi pour servir à l’Association, un outil de base lui permettant de mettre en place une gestion rationnelle des ressources naturelles. Il constitue 12 articles repartis en deux grands chapitres : Premier Chapitre : Sur la mer qui entoure Nosy ve et le récif, sont interdits :

Art. 1 : - d’utiliser les poisons (85) pour la pêche ; Art. 2 : - de retourner les blocs de récif ; Art. 3 : - d’utiliser les techniques de pêche tendant à détruire le récif ; Art. 4 : - de pêcher les dauphins ; Art. 5 : - de pêcher les tortues ; Art. 6 : - de mouiller aux alentours de l’île, la nuit, sans autorisation au préalable ; Art. 7 : - de pêcher dans l’ « aquarium nord » de Nosy ve.

Deuxième Chapitre : Sur le Nosy ve, sont interdits :

Art. 8 : l’apport de chien et tout produit concernant la viande porcine (et dérivés) ; Art. 9 : la chasse et prélèvement d’animaux protégés ; Art. 10 : de couper des plantes ou des arbres ; Art. 11 : de camper sur l’îlot ; Art. 12 : pour les touristes d’aller visiter le Nosy ve, sans être accompagnée par un guide local.

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(84) : C’est une Association à but non lucratif dotée d’une équipe pluridisciplinaire et qui vise à promouvoir le développement durable, par la bonne gouvernance et la gestion des ressources naturelles. (85) : Le poison ou « fagnamo » est obtenu à partir du latex de l’euphorbia Stenoclada, versé dans la mer et les poissons empoisonnés émergent en surface .

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Tout cela, sous peine d’une amande de l’ordre de10000MGA. Mais la pénalisation sur le non- respect de l’article 6 et l’article 7 coûte chacun, 20000MGA d’amande versée immédiatement à la caisse de l’Association. (C.F : Convention sociale pour la gestion de Nosy ve , le 27 avril 1999.)

Selon son statut, l’Association dispose de quatre sources de financement : 1 - Dons divers ; 2 - Des sommes procurées par les touristes voulant visiter la Nosy ve ; 3 - Les amandes issues des infractions prévues dans le « Dina » 4 - Autres activités. Toutes dépenses, autres que pour le fonctionnement de l’Association et les travaux faits dans l’exécution des programmes prévus au préalable ne sont pas permises. Après la création de l’Association, les membres, assistés par leurs partenaires passent tout de suite à l’action. La délimitation de la zone protégée, le reboisement de Nosy ve et la dératisation font partie de la priorité absolue figurée dans le programme. Les partenaires de l’Association y interviennent chacun, dans un domaine spécifique. L’O.N.G. « Frontier » s’occupait du recensement des Phaétons. Ces travaux avaient duré trois années (1998 – 2000). Durant sont intervention sur le terrain, cette O.N.G anglaise a versé, à la caisse de l’Association, une somme de 50.000MGA par mois. La CTA/EMC, avec la collaboration de l’équipe de l’I.H.S.M. de Toliara assure tout ce qui est étude du milieu marin (récif et biodiversité). Le S.A.G.E., le principal responsable d’assistance permanente de la FI.MI.MA.NO s’occupe non seulement du financement de l’aménagement de Nosy ve, mais aussi de tout ce qui est encadrement technique de la population locale. Cet organisme travaille avec la F.A.O. et, depuis l’année 2003, il a payé un gestionnaire au poste de travail à Anakao, pour la gestion financière de l’Association.

Nations P.N.U.D F.A.O S.A.G.E FI.MI.MA.NO Unies . . .

Figure - 34 : Système de financement extérieur de la FI.MI.MA.NO .

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A la fin de notre étude sur ce cinquième chapitre, nous pouvons constater que l’activité de pêche traditionnelle sur le littoral mahafaly évolue beaucoup. Les engins de pêche s’améliorent, et les pêcheurs locaux commencent à comprendre le sens d’une exploitation rationnelle des ressources naturelles. Les actions des O.N.G dont l’intervention des intervenants rattachés à l’O.N.U. à savoir le Projet F.A.O.- Pêche et le P.S.D.R, constituent les principaux facteurs de ce changement. Néanmoins, le développement récent des techniques modernes n’a pas fait disparaître complètement, les aspects traditionnels de l’exploitation de la mer. Mais, cet effort de modernisation apporté à la technique de pêche en mer aura un impact considérable sur la vie économique du littoral mahafaly, que nous allons essayer d’analyser dans le chapitre suivant.

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Chapitre - VI

Un système de mise en valeur des produits de mer en pleine mutation

Comme toutes autres civilisations sociale et économique, le système de mise en valeur des produits de mer sur cette partie littorale de l’île a connu une certaine évolution. Au début, c’était une économie assez figée à caractère d’autosubsistance, mais aujourd’hui, du fait de multiples facteurs, la tendance vers l’économie de marché s’est imposée rapidement.

I - : A L’ORIGINE, UNE ECONOMIE DE SUBSISTANCE

« L’autarcie économique villageoise à peu près complète y est la règle, tant sur la frange littorale mahafaly et tandroy la plus peuplée, que dans l’intérieur . »

(R.BATTISTINI – 1964-b, p.1)

Depuis longtemps jusqu’à très récemment, le développement de l’économie de pêche sur notre zone d’étude a stagné. Le problème d’enclavement et l’absence de véritables centres d’échange sont à la base de cette situation. Les pêcheurs locaux se replient sur eux-mêmes. Ce phénomène a un grand inconvénient sur la production et le système d’échange.

I – 1 : Une production de pêche localement excédentaire dans l’ancien temps

Au début, à cause de l’archaïsme des moyens matériels, les pêcheurs locaux ne pouvaient pas réaliser une grande quantité de mise à terre, or tous les renseignements mis à notre disposition confirment qu’autrefois, cette partie littorale constituait une zone de pêche assez poissonneuse et largement sous exploitée. Mais, du fait du problème de débouché, la production est excédentaire et les produits de la pêche sont peu acheminés vers les grands de centres de consommation. Aussi, les produits de pêche ont été faiblement valorisés. Pour le secteur sud, Ampanihy est le seul centre de consommation le plus proche d’Androka/Ambohibola, la principale zone de production, or, ces deux localités sont reliées par une route particulièrement caillouteuse, faisant peur aux automobilistes. La charrette est restée le seul moyen de transport disponible pour l’acheminement de marchandise, mais à très faible tonnage (86), donc peu efficace, au cas d’une croissance soudaine de la demande.

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(86) : Le tonnage d’une charrette habituellement utilisée dans la région varie entre 350 à 400kg .

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Par sa lenteur, elle entraîne une perte de temps assez considérable et un gonflement du coût d’exploitation commercial. Par exemple, en saison sèche, il faut au moins, une nuit et une journée entière pour faire le trajet de 92km en charrette, la situation étant encore pire en saison de pluie. La location d’une charrette très chère est peu accessible à la masse. A l’époque, c’est un des facteurs majeurs qui a limité la pénétration massive des petits collecteurs des produits de mer dans les différentes zones de production du littoral. Le frais de transport varie selon la saison et le degré de relation entre le locataire et le propriétaire de la charrette. En période pluvieuse, le prix monte considérablement, pouvant aller jusqu’au triple du normal, car le voyage devient onéreux et la durée du trajet est prolongé. A l’époque, c’est le moment durant lequel, la zone littorale est demeurée en marge de toute dynamique économique qui se réalise à l’intérieur du pays.

Tableau - 25 : Location de charrette Ampanihy-Androka entre 1980 – 2000 (en MGA)

Saisons 1980 - 1984 1985 - 1989 1990 - 1994 1995 - 2000 Saison sèche 3000 6000 12.000 20.000 Saison de pluie 8500 16.000 30.000 60.000

Source : Enquête personnelle en 2004

D’après l’explication du chef de lignage du groupe Vezo « Sara » d’Ambohibola, l’augmentation des frais de transport dans le temps est en grande parie fonction de la hausse du prix des pièces pour la fabrication de la charrette (bandage, axes…) et de l’état dégradé de la piste. A partir de l’année 1990, a-t-il ajouté, aucune charrette n’échappe à un entretien très onéreux, après un voyage en aller retour entre ces deux localités. Beheloka et Anakao peuvent utiliser la pirogue pour le transport de marchandise vers à Toliara mais, le voyage est parfois dangereux. Pour le cas d’Itampolo, le transport par voie maritime est très dangereux. Ce village, éloigné de Toliara demande plusieurs jours de voyage, de plus, l’absence de récif corallien entre Lanivato (au nord) et Itampolo a rendu plus dangereux le voyage en pirogue, à cause des grands déferlements (C.F : Chapitre I – II – 1). L’évacuation des produits vers Ejeda a connu le même problème que celui d’Androka/Ambohibola vers Ampanihy. Tous ces problèmes ont obligé les pêcheurs de l’époque à limiter leur production journalière. Selon le chef du lignage du groupe « Tekaroke » d’Anakao, la plupart des prises journalières

163 jusqu’à la fin des années 50 ont été destinées à la consommation familiale ou à l’échange, contre des produits agricoles auprès des agro éleveurs par système de troc. Moins d’un tiers de la quantité de mise à terre seulement ont été préparés pour être vendus auprès des collecteurs patentés qui étaient encore assez rares. Selon R.BATTISTINI : « En principe, il faut posséder une patente pour pouvoir saler le poisson. Cinq petits commerçants …sont possesseurs de cette patente . » (Op.cit.- p.123) A l’époque, l’aspect d’une économie de subsistance quasiment complète a caractérisé la majeure partie du littoral mahafaly. Les produits de la pêche sont faiblement mis en valeur et du fait de la rareté des collecteurs par rapport au nombre croissant des pêcheurs, la production était localement excédentaire. La loi de l’offre et de la demande s’est imposé car, les pêcheurs locaux se sont trouvés dans l’obligation de vendre à bas prix les produits au profit des collecteurs et R.BATTISTINI a écrit: « Un lamatra salé de taille moyenne coûte 500f (somme qui correspond à 100MGA), il est acheté au pêcheur sur les lieux de pêche antre 75f (15MGA) et 150f (30MGA) par les commerçants patentés . » (O.p.cit.p.125). A ce problème de prix s’est ajouté l’irrégularité de leur passage chez les pêcheurs. A l’époque, souligne notre interlocuteur, du fait du problème de transport et leur nombre largement insuffisant par rapport à l’étendue de leur zone d’action, plusieurs villages de pêcheurs sont restés en marge de leurs circuits durant deux ou trois mois consécutifs (87). Ainsi, on peut dire qu’à l’époque, la commercialisation des produits de pêche était assez difficile à tel point où le système de troc a trouvé sa raison d’être dans la majeure partie du littoral. I – 2 : La dualité du système d’échange

Dans une région enclavée comme le cas de la frange côtière mahafaly, le troc est le système d’échange le plus commode et apprécié par les habitants étant donné qu’il permet le contact direct entre producteurs et consommateurs locaux. Cette occasion favorise également la mise en place d’une relation de voisinage appréciable basée sur un rapport d’intérêt réciproque dont la pratique dépasse largement le cadre purement économique de la société paysanne. Dans différentes communautés du littoral, il y a beaucoup d’alliances sociales nées de la pratique du troc. En 2004, nous avons mené une petite enquête à Maromitilike et Lambetabe , deux petits villages de pêcheurs où le système de troc tient encore une grande place dans la vie quotidienne. Le résultat est montré dans le tableau – 26.

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(87) : Au début, la pratique de pêche traditionnelle Vezo a favorisé la dispersion d’habita sur le long du littoral. Il en résulte que plusieurs communautés se trouvent à l’écart de tous circuits commerciaux possibles .

164 Tableau - 26 : Les différentes alliances sociales nées de la pratique quotidienne du système de troc entre les années 70 – 90 A Maromitilike et à Lambetabe

Villages MAROMITILIKE LAMBETABE Années 1970 - 79 1980 - 89 1990 -99 1970 -79 1980 - 89 1990 - 99 Nombre M 13 11 08 15 14 08 d’alliances NTM 16 18 24 18 21 24 SS 06 05 04 08 06 03 NTSS 07 09 06 09 09 05

Source : Enquête personnelle en 2004.

M : Mariage ; NTM : Nombre Total de Mariages ; SS : Serment du Sang ; NTSS : Nombre Total de Serment du Sang.

Le tableau – 26 montre que l’impact social de la pratique de troc a été très poussé lors des années 70 et 80. Il s’affaiblit peu à peu par le développement du système d ‘échange commercial lié au désenclavement de la zone. La pratique de troc par les pêcheurs Vezo est probablement sous l’influence du groupe tanalana à la suite de la symbiose entre les deux groupes car, les Vezo sont certainement le premier groupe du Sud-ouest malgache connaissant le rapport commercial avec les étrangers à l’époque de la traite à St Augustin (88). D’après R.BATTISTINI, dans le secteur nord du littoral, le phénomène de jumelage des villages vezo /tanalana fait partie d’une initiative tanalana. Les agro éleveurs ont voulu être plus proche de pêcheurs Vezo, pour entretenir avec eux, un nouveau réseau d’échange. L’antériorité des villages d’Anakao bas (village des pêcheurs) par rapport à celui d’Anakao haut (village d’agro éleveurs) en est la preuve. Par contre, dans le secteur sud, les pêcheurs Vezo ont besoin d’être à côté des agro éleveurs, leur unique fournisseur des produits vivriers et des matériaux de construction de cases. Ce sont les Vezo qui ont dû s’adapter aux habitudes tanalana. Les documents obtenus confirment la postériorité de tous les villages vezo par rapport à leurs partenaires respectifs.

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(88) : Tous les historiens travaillant sur l’histoire de la grande île confirment dans leurs rapports qu, ce sont les traitants, en particulier, les « Antalaotra » qui ont introduit pour la première fois, le système d’échange commercial à Madagascar, et les zones côtières étaient d’abord les plus concernées.

165 Tableau – 27 : L’équivalence entre produits de mer et produits agricoles dans le système de troc (Situation en 2004 )

MAROMITILIKE LANIVATO LAMBETABE P.F 1kg 1kg 1kg P.A MS : 3kg Maïs : 5gb P.D : 2,5kg Ms : 2kg Maïs : 4gb P.D :1,5kg MS : 3,5kg Maïs : 8gb P.D : 3kg

Source : Enquête personnelle en 2004.

P.F : Poisson frais ; P.A : Produits Agricoles ; MS : Manioc Séché : gb : gobelet ; P.D Patate

Douce Certes, les chiffres indiquant le poids de poissons frais mentionnés sur ce tableau sont loin d’être exhaustifs. Les habitants de la région ont toujours l’habitude d’arrondir les choses, surtout, quand il s’agit d’un modeste surplus, dans le domaine d’échange. Cette tolérance varie entre 1 à 450g de produit mis en échange dans le système de troc. Par exemple, 1,45kg de produit local est arrondi à 1kg seulement, et 1,95kg est ramené sans aucun risque d’objection à 1,5kg. Mais tout cela n’est pas un vol, c’est tout à fait normal et accepté sans difficulté entre amis. Cette situation témoigne le genre de vie simple que les habitants de la région ont mené. Cependant, ces données chiffrées montrent la variation spatiale de l’ampleur de la pratique de troc dans la région. A Lanivato, le village le plus éloigné et le plus enclavé, la valeur de poisson frais dans un rapport d’équivalence en produits locaux est assez réduite. Par contre, à Lambetabe, elle monte un peu plus, non seulement du fait de la présence sur place et en permanence d’un collecteur, mais aussi, par sa situation à proximité du delta du LINTA, une zone de culture vivrière par excellence.Avant la deuxième moitié des années 90, le poisson frais ne tenait qu’une place secondaire dans le commerce effectué sur l’ensemble du littoral.

Dans la plupart des villages de pêcheurs, sauf Anakao et Soalara (89) le poisson frais est moins cher que le poisson séché car, à l’époque, le circuit commercial n’était pas encore très complexe.

Intérieur Pêcheurs Collecteurs patentés Expédition

Extérieur Mareyeurs Marché local

CONSOMMATEURS

Figure - 35 : Circuit commercial des produits halieutiques avant la deuxième moitié des années 90

166 Le scénario d’ascension économique et sociale était très simple. L’argent obtenu par une pêche abondante était destiné à l’achat des engins de pêche (pirogues, filets, harpons…) qui sont loués aux villageois démunis, selon le système rappelant le métayage. Autrement dit, la finalité des activités de la pêche n’avait pas débordé le cadre initial de la filière. Mais, du fait des multiples facteurs et très récemment, un changement remarquable s’est produit dans le domaine économique et social.

II - : LA TENDANCE VERS UNE ECONOMIE DE MARCHE

Sur le littoral mahafaly, à partir de la première moitié des années 90, l’activité de la pêche traditionnelle Vezo a montré un certain aspect d’une économie moderne, après avoir longtemps stagné. Les engins de pêche se modernisent, les pêcheurs changent progressivement de partenaires commerciaux, ce qui leur a permis d’accéder un peu plus au monde des affaires. Le système de troc s’efface, sauf exception et, la commercialisation du poisson frais est devenu moins difficile. Dans la plupart des cas, chaque village permanent du littoral devient non seulement un petit centre de collecte de produits halieutiques, mais aussi un petit point de distribution de P.P.N. (Produits de Première Nécessité) délocalisé en brousse. Dans l’ensemble, le niveau de vie des habitants s’améliore et, la finalité des activités de la pêche se modifie peu à peu, ce qui explique la naissance d’une nouvelle structure commerciale. Trois facteurs sont à l’origine de ce changement : la croissance de la capacité de production par pêcheur ; l’ouverture de la « Translittorale » et la mise en place du marché du poisson frais.

II – 1 : Une production croissante et de plus en plus diversifiée

La croissance de production observée dans notre zone d’étude a été fonction de l’augmentation de l’effort de pêche liée à l’accroissement de plus en plus rapide de la demande.

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(89) : Les poissons frais font partie déjà des principaux produits commercialisables à Anakao et à Soalara depuis les années 60, du fait de leur situation pas très loin de Toliara. La demande croissante en produits vivriers du St Augustin a fait du Soalara, un grand centre de production des poissons frais, par rapport aux autres villages. De plus, la croissance des activités touristiques à Anakao a rendu possible la vente des poissons frais sur place .

167 Tableau - 28 : Evolution de la situation de pêcherie traditionnelle sur le littoral mahafaly. (Entre 1996 – 2005)

Sites Nombre Nombre F.M Z.Z S M L de pêcheurs de pirogues 1996 2005 1996 2005 1996 2005 1996 2005 1996 2005 1996 2005 1996 2005

A 580 1750 485 980 520 1552 0 26 3 2 420 820 1201 3410

B 175 236 88 142 160 222 0 8 0 0 96 121 240 410

C 96 213 58 101 56 101 0 6 0 0 21 56 142 320

D 320 458 142 222 315 492 0 6 2 1 112 210 813 1982

Source : Enquête personnelle dans le dernier quart de l’année 2005.

F.M : Filet maillant ; Z.Z : Filet à grande maille ; S : Seine de plage ; M : Filet moustiquaire ; L : Ligne. A: Anakao, B: Beheloka, C: Itampolo; D : Androka/Ambohibola. Le nombre de pêcheurs mentionné dans le tableau - 28 ne concerne que les hommes adultes de plus de 18ans quoique dans la zone, les femmes et les enfants participent également à la pêche. Ces données chiffrées ont montré que par rapport à nos trois autres sites d’étude, le nombre de pêcheurs d’Anakao se multiplie plus rapidement. Anakao étant l’un des sites touristiques les plus importants de la région se situe pas très loin de la capitale régionale. Ce village exerce une forte polarisation de la population environnante, ce qui explique en grande partie le rythme contrasté de l’accroissement du nombre de pêcheurs observé dans l’ensemble de la zone d’étude. Dans les autres sites d’observation, seuls la croissance naturelle et la migration des anciens agro éleveurs de l’intérieur constituent les principaux facteurs de l’augmentation en nombre de pêcheurs locaux. En 1996, 1171 pêcheurs étaient enregistrés sur l’ensemble du littoral mahafaly. Ce chiffre monte jusqu’à 2657 en 2005, c’est à dire, une augmentation dépassant le double en10ans. Ce gonflement en effectif de pêcheurs a entraîné une croissance considérable de la production, d’autant plus que ces derniers utilisent dans l’ensemble, des engins de pêche de plus en plus moderne, permettant d’améliorer la productivité. De plus, ces matériels sont non seulement plus efficaces, mais, leur nombre a augmenté au même rythme que celui des pêcheurs.

168 D’après le chef Fokontany de Beheloka, la capacité de production réalisée par les pêcheurs a augmenté considérablement grâce à l’utilisation du filet Z.Z, car la zone de pêche au-delà du récif reste encore assez poissonneuse. La même remarque a été observée dans les trois autres sites. Le premier responsable de la C.O.U.T de Toliara a souligné que cet engin de pêche a permis aux pêcheurs locaux de capturer journalière ment, jusqu’à 300kg de poisson de haute valeur marchande, d’où la croissance de la quantité de produits réservés à la vente. Tableau - 29 : Evolution de la capacité de production journalière suivant la modernisation des engins de pêche

Sites Capacité de production journalière par pêcheur (en kg) Epoque du Epoque du filet Epoque du filet Ere du filet Z.Z filet végétal en coton ou en en nylon fibre de pneus QT QRV QT QRV QT QRV QT QRV Anakao 6 à 7 3 à 4 8 à 10 5 à 8 15 à 18 12 à 15 30 à 40 28 à 38 Beheloka 6 à 7 3 à 4 9 à 11 6 à 9 18 à 20 15 à 17 35 à 45 32 à 42 Itampolo 8 à 9 4 à 5 15 à 20 10 à 15 20 à 30 15 à 25 40 à 50 38 à 48 Androka/A 10 à 15 7 à 12 20 à 25 18 à 23 25 à 35 22 à 32 50 à 60 45 à 55 mbohibola Source : Enquête personnelle en 2004.

QT : Quantité totale ; QRV : Quantité réservée à la vente.

D’après le tableau - 29 , la capacité de production par pêcheur monte suivant la qualité de filet mis à la disposition de pêcheurs locaux. Autrefois, la perte de temps liée à la fréquente réparation du filet limitait la capacité de production par pêcheur, mais la situation s’est améliorée dès que les pêcheurs locaux ont utilisé des filets plus résistants (en coton ou en fibre de vieux pneus). Actuellement, la croissance de la capacité de production continue à s’améliorer, grâce à la vulgarisation du « Z.Z ». Cet engin de pêche est conçu pour la capture des poissons de taille importante et de haute valeur marchande. Ces données chiffrées nous indiquent également que par rapport au nord, la mer du secteur sud du littoral mahafaly est plus poissonneuse. Deux hypothèses peuvent être à l’origine de ce contraste. Premièrement, comme il a été vu dans le chapitre III, l’occupation de cet espace littoral par les pêcheurs Vezo s’est effectuée du nord au sud et, tout a commencé par la création du village d’Anakao, leur capitale dans la région. Dans ce cas, il est certain que les zones de pêche du secteur nord ont été densément exploitées. Par contre, les autres sites dans le secteur méridional, tardivement occupés sont moins exploités et plus riche en produits halieutiques

169 Deuxièmement, l’influence du milieu écologique de la mer pourrait avoir sa part dans l’explication de ce phénomène. Du fait de l’absence de barrière continentale au sud de la grande île, le milieu marin du secteur méridional est fortement influencé par le flux des eaux froides en saison sèche. Voici un passage d’un document de la F.A.O. : « On connaissait l’abondance du poisson dans les eaux froides où il se nourrit d’un plancton particulièrement dense : les eaux de Terre Neuve semblaient contenir des réserves inépuisables ». (C.F : F.A.O., 1994 - Recueil de données – non paginé) (90). La demande de plus en plus pressante en produits de mer a donné aux pêcheurs, plus de motivation à produire davantage.

Tableau – 30 : Evolution de la production de la pêche maritime traditionnelle à Madagascar entre 2001 – 2003 (en tonne)

Produits ANNEES 2001 2002 2003 2004 Crevettes 3450 3450 3500 - Crabes 1347 1428 1430 - Langoustes 359 402 405 - Trépangs 851 708 805 - Algues 5045 2909 3000 - Poissons 55000 55000 55500 - Autres 4500 13025 13030 - TOTAL 70552 76922 77670 -

Source : Service des Statistiques – Antananarivo (D.I.S.E. / M.A.E.P.).

Le désenclavement récent de la région a favorisé l’évacuation de l’ensemble des produits locaux. Selon J.M.REJELA : « Sous une double impulsion (l’explosion démographique et l’extension de l’aire de commercialisation des produits halieutiques), la demande a fortement augmenté. Cette population à croissance rapide de 2,7% dans l’ensemble constitue une masse importante de consommateurs potentiels qu’il faudra essayer de satisfaire . » (M.REJELA – 1993, p.377). Voici un autre tableau qui montre l’évolution rapide de la population malgache.

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(90) : Tous les spécialistes en matière de pêche maritime ont aujourd’hui signalé qu’à cause du réchauffement progressif de l’atmosphère, les principales, zones de pêche de l’Atlantique Nord se sont déplacées plus au nord. A juste titre, l’article de Christiane. G. (2005), est particulièrement évocateur : « Fuyant le réchauffement les poissons de la mer du Nord s’en vont vers le froid. » (C.F. Le Monde, du 22 mai 2005, p.9).

170 Tableau - 31 : Evolution de la population malgache de 1989 à 2005 (en milliers d’habitants )

Populations ANNEES 1989 1995 2000 2005 Population urbaine 2327 3147 4050 5212 Population rurale 8571 9910 10842 11751 Population totale 10898 13057 14896 16963

Source : A.RABETSITONTA - 1989, mais repris par M.N.REJELA – 1993, p.377.

D’après A.RABETSITONTA, la population urbaine s’accroît plus vite que la population rurale (5,13% contre 1,92%), or le milieu urbain constitue le grand foyer de consommateurs. La polarisation de la ville de Toliara s’est amplifiée de plus en plus, notamment, depuis ces trois dernières décennies. A cause de la sécheresse intense qui a frappé l’Extrême Sud de l’île, les paysans vulnérables ont migré vers Toliara. Ils ont fini par créer un véritable aspect de ruralité qui caractérise cette ville. Selon B.KOTO : « Toliara polarise son arrière pays et l’Extrême Sud malgache, Mahafaly et Androy. Ainsi, l’exode rural est devenu le facteur principal du peuplement de la ville . » (B.KOTO – 1991) D’après J.M.HOERNER en 1988, la ville Toliara a une croissance démographique exceptionnelle de l’ordre de 8% par an, résultant d’un excédent naturel de 2% et solde migratoire nettement positif de 6% (cité par B.KOTO – 1991, p.161). Dans son étude, ce dernier a souligné que près de 46% de la population de la ville sont « Mahafaly » (situation en 1987), et les 4/5 de ces « Mahafaly »sont originaires d’Itampolo, Androka et Ampanihy, d’après l’auteur, ces sont des gens habitués à consommer quotidiennement du poisson, qui vont gonfler l’effectif de citadins à Toliara. Dans ce cas, le phénomène d’exode rural ne fait qu’amplifier la croissance des besoins en produits halieutiques de la capitale du Sud - ouest de la grande île. De plus, la diversification d’espèces commercialisables (ailerons de requin, algue marine, concombre de mer …) a rendu plus intéressante les activités halieutiques de la zone. Plusieurs pêcheurs d’aujourd’hui ont prolongé jusqu’à deux fois leur journée de travail normal

(91) pour satisfaire la demande croissante en produits de mer de diverses espèces. La pêche nocturne est devenue courante partout, sur le littoral mahafaly. A partir de la fin des années 90, la pêche aux produits de mer, destinés à la fabrication de provende a gagné une place de plus en plus importante dans les activités de pêcheurs habitant le secteur nord de notre zone d’étude. Cette nouvelle demande est certainement liée au développement récent de l’élevage porcin à Toliara et sa banlieue voire les autres régions de l’île.

------(91) : De façon générale, la journée du travail de pêcheur dans notre zone d’étude dure 4heures de temps

171

Tableau - 32 : Evolution de la production d’espèces de poisson destinée à la fabrication de provende entre 2000 et 2004 (en kg de produits séchés)

Sites ANNEES 2000 2001 2002 2003 2004 Anakao 1750 1820 2500 2800 3200 Ankilimiongana 00 950 1200 1650 2100 Maromena 1200 1625 1750 2100 2500 Beheloka 00 00 00 00 00 TOTAL 2950 4395 5450 6550 7800

Source : Cahiers d’enregistrement par Fokontany, compétés par des enquêtes personnelles.

Les chiffres mentionnés au tableau - 32 sont largement inférieurs à la réalité, car dans le grand ensemble du Sud-ouest malgache, les opérateurs économiques n’ont jamais déclaré que ce qu’ils n’arrivent pas à cacher, et cela, afin de limiter la taxe qu’ils devaient normalement payer auprès du responsable compétent. Malgré tout, ces données ont permis de comprendre l’importance de la place tenue par cette activité dans la vie de pêcheurs d’aujourd’hui. De ce fait, une compétition entre la capture des produits destinés à l’alimentation des animaux et la pêche aux poissons pour la consommation humaine s’est engagée notamment dans les villages peu éloigné de Toliara. A Anakao, on enregistre plusieurs dizaines de pêcheurs (dont la plupart sont du groupe non vezo) qui réservent la pêche nocturne, uniquement pour ce type de pêche. Leur nombre ne cesse pas d’augmenter, car dans une large mesure, il s’agit d’une réponse paysanne au problème de surexploitation de leur ancienne zone de pêche dans le lagon. Avec l’utilisation de filet moustiquaire, la pêche aux petits poissons à provende y reste toujours rentable (92).

II – 2 : L’OUVERTURE DE LA « TRANSLITTORALE » en 1998

L’enthousiasme a été encore plus évident chez les pêcheurs locaux dès l’ouverture de la « Translittorale » en 1998. Le nombre de collecteurs et de mareyeurs se multiplie rapidement, car les pêcheurs locaux y trouvent une plus grande ouverture du marché de poissons. Ils ont désormais deux possibilités : vendre leurs produits sur place auprès des opérateurs ou bien, se rendre directement au marché de Toliara, en empruntant la « Translittorale ».

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(92) : Actuellement, la plupart des pêcheurs d’ Ankilibe,( un village de pêcheurs situant à 7km au sud de Toliara par route et mois par mer), ont mis comme activité principale, la pêche aux poissons de provende

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Photo - 14 : Un taxi brousse de la « Translittorale »en arrêt de détente pour les voyageurs. Cliché : l’auteur en 2005.

Au départ, cette ligne de taxi brousse était composée de trois camions aménagés en transport commun, faisant un aller et retour entre Toliara et Androka par semaine. Le départ de Toliara étant le mercredi vers 15 heures et, l’arrivée à Androka, le lendemain après-midi. Le départ d’Androka pour le retour, le vendredi vers 16heures, à la fin de la journée du marché hebdomadaire local. Aujourd’hui, un autocar de 50 places, plus confortable remplace deux de ces camions. Ce système de transport est le véritable agent de désenclavement de la zone, voire même, la plaine côtière tout entière. Le transport des produits halieutiques vers les grands centres de consommation est régulièrement assuré partout dans la zone littorale. D’après les pêcheurs locaux, le rythme de passage de taxi-brousse dans le village leur convient très bien car, ils ont assez du temps pour la préparation de marchandise à écouler au prochain passage de la ligne. Dans ce nouveau système de commercialisation de produits de mer, les pêcheurs locaux commencent à changer de partenaires commerciaux. Les échanges avec leurs voisins agro éleveurs, par le système de troc ne se réalisent plus qu’occasionnellement. Les pêcheurs ont cessé de dépendre uniquement des agro éleveurs de la plaine côtière pour leur approvisionnement en produits agricoles. Ils ont opté pour se ravitailler directement à Toliara où ils peuvent acheter tout ce qu’ils veulent. Il va de soi que les pêcheurs de la zone entretiennent de plus en plus de relation commerciale avec les habitants de la ville de Toliara. C’est un nouvel horizon en termes d’échange, au lieu de se cantonner le plus souvent à des échanges économiques relativement restreints. Par ailleurs, les autres petits collecteurs des produits de mer s’occupent non seulement de l’achat des produits spécifiques (aileron de requin, concombre de mer, langouste ou autres) mais aussi, de la vente de divers articles qui ne s’achètent d’habitude qu’en ville (médicaments, articles vestimentaires, boissons de fabrication industrielle) auprès des villageois. Dans ce cas,

173 ils jouent un double rôle : acheteurs des produits halieutiques et fournisseurs des produits d’origine urbaine à la fois, mais souvent, les pêcheurs locaux achètent ces produits au prix exorbitant du double au triple du prix normal du produit. Ce commerce à double sens convient bien les deux parties car, d’un côté, les opérateurs économiques trouvent dans ce système, une grande opportunité leur permettant de réduire le frais d’exploitation, car pendant leurs séjours sur le terrain, ils vendent leurs produits et d’autre côté, les pêcheurs locaux peuvent obtenir sur place ce dont ils ont besoin.

Depuis l’ouverture de l’exploitation du saphir d’Ilakaka (93) la demande en produit de mer a doublé et, le phénomène de collecte de poissons à « frire » s’intéresse à la zone. C’est une activité très rentable, notamment pour les collecteurs débutants qui préfèrent s’investir dans ce domaine, car les poissons frits sont non seulement conservables, mais constituent aussi une très forte valeur ajoutée. D’après certains collecteurs amateurs d’Itampolo, cette activité leur permet de gagner jusqu’à 400% de bénéfice net à Ilakaka. C’est une bonne affaire, mais aussi un nouveau débouché des poissons frais pour les pêcheurs locaux. Sur du littoral mahafaly ont été enregistrés quatre principaux centres de collecte de poissons à « frire » : Ankilimionga ; Maromena ; Beheloka et Itampolo. Trois collecteurs à Ankilimionga sont mieux organisés que ceux qui travaillent dans les autres sites. Ils ne viennent pas en même temps au village pour deux raisons. D’une part, afin d’éviter le risque de concurrence entre eux, et d’autre part, ce système assure aux pêcheurs locaux, un débouché permanent pour les poissons frais. Le premier arrive au village tous les samedis après midi, pour y rester travailler pendant trois jours. Il part le mardi matin, en pirogue jusqu’à St Augustin et en taxi brousse de St Augustin – Toliara et Toliara – Ilakaka. Le second vient le lundi, et part le jeudi matin et enfin, le troisième, du mercredi jusqu’au samedi matin.

------(93) : Un petit village au début, mais devenu rapidement un centre urbain à très forte polarisation grâce au saphir. L’exploitation de saphir a commencé à partir de l’année 1998, date à laquelle, la fameuse « Translittorale »a été ouverte. Ce village se situe sur la RN-7,entre Sakaraha et Ranohira.

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Tableau - 33 : Calendrier de travail entre les trois collecteurs de poissons à frire d’Ankilimionga

Collect L M M J V S D eurs 1è 2è

Source : Enquête personnelle en 2005.

Il arrive souvent que le chevauchement se produise pour des raisons imprévues, mais ils s’arrangent entre eux. Ces collecteurs ont besoin de main d’œuvre salariée pour la préparation des poissons. Au village, il y a neuf femmes qui travaillent pour eux, avec un salaire journalier de 2000MGA (situation en 2005). Ces femmes sont reparties en trois équipes de trois, à raison d’une équipe par collecteur. Elles travaillent suivant ce calendrier, c’est à dire, chaque équipe est engagée pendant trois jours sur sept.

Pour cette activité, chaque collecteur a besoin d’une quantité de poissons frais variable entre 70 à 80kg, achetée auprès des pêcheurs à 700MGA le kilo. Au total à Ankilimionga, la collecte de poissons à « frire » permet aux pêcheurs locaux d’écouler 210 à 240kg de poissons frais par semaine. En ce qui concerne les trois autres sites de collecte, le système de travail est entièrement déterminé par le rythme des taxis-brousse de la « Tranlittorale ». Tous les collecteurs viennent le même jour (jeudi), et partent ensemble le lendemain soir, profitant du retour du taxi-brousse. Dans ce cas, ils ont dû signer des contrats auprès des sous collecteurs qui restent de façon permanente au village. Ces derniers assurent non seulement, la collecte des produits frais auprès des pêcheurs locaux, mais aussi, la préparation de ces poissons à « frire ». A leur arrivée, les collecteurs n’ont qu’à emballer la marchandise, payer leurs sous collecteurs selon le contrat et repartent à Ilakaka.

175

Centre de consommation

(Ilakaka)

Collecteurs de poissons à « frire »

Sous-collecteur Sous-collecteur Sous-collecteur

Pêcheurs locaux

Figure – 36 : Système de collecte de poisons à « frire »

Source : Enquête personnelle en 2005

Le nombre de collecteurs de poissons à « frire » augmente également.

Tableau - 34 : Croissance de l’effectif de collecteurs de poissons à « frire » sur le littoral mahafaly (situation entre 1999 – 2005)

Sites ANNEES 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 Ankilimionga 00 00 00 00 01 03 03 Maromena 00 02 02 03 03 06 06 Beheloka 03 04 05 06 07 09 09 Itampolo 03 03 04 06 06 07 07 TOTAL 06 09 11 15 17 25 25

Source : Cahiers d’enregistrement par Fokontany complétés par des enquêtes personnelle en 2005

176

43°30’E 44°00’E 44°30°E

Figure - 37 : Principaux centres de production de poissons à frire du littoral (situation en 2005)

177 D’après le tableau - 34 , la présence de collecteurs de poissons à « frire » a commencé tardivement à Ankilimionga. L’occupation permanente de ce village par les pêcheurs locaux date de l’année 2001. Selon un collecteur que nous avons rencontré à Beheloka, l’effectif des opérateurs qui s’intéressent à cette activité croît très lentement, mais leurs chiffres d’affaire suivent le même rythme que la demande.

II – 3 : La grande possibilité pour le marché de poissons frais

L’évolution du commerce de produits de mer s’accélère à partir de l’année 2004, où la CO.PE.PRI.TO. (Compagnie de Pêche Frigorifique de Toliara) a commencé à travailler dans la zone. Celle-ci s’occupe de la collecte de produits de mer d’espèces diverses à l’état frais. Désormais, la majeure partie de produits vendus sur le littoral mahafaly est vendue sur place, à l’état frais. Les pêcheurs locaux n’ont plus besoin des fumoirs vulgarisés par le Projet F.A.O – Pêche ( Figure - 26 ). Dès le début, la CO.PE.FRI.TO a mis en place plusieurs petits centres de collecte dans la plupart des villages permanents de la zone littorale. Chaque localité étant sous la responsabilité d’un sous-collecteur, choisi parmi les villageois. La société dispose d’un camion tout terrain ( Photo - 16 ), assurant la navette entre Soalara et Ambohibola. Ce véhicule dépose à chaque point de collecte, une certaine quantité de glace venant de Toliara et, transportée par bateau jusqu’à Soalara, pour assurer deux jours de collecte. Le ramassage des produits s’effectue le lendemain qui sont acheminés au retour par bateau de Soalara jusqu’à Toliara. D’après le principal responsable de collecte auprès de la société, le littoral mahafaly fournit à lui seul, 8 tonnes de produits frais par jour, soit 80% de la capacité de collecte journalière de la CO.PE.FRI.TO. (10tonnes /jour, situation en 200

Tableau - 35 : Prix des produits frais par espèce et par kg (en MGA, situation en 2005)

Espèces collectées Prix auprès desPrix auprès des sousMotivation des sous pêcheurs collecteurs collecteurs -Langouste 4000 5000 1000 -Poulpe 800 1000 200 -Calmar 1300 1500 200 -Poissons divers 500 600 100

Source : Enquête personnelle en 2005

44°00’E 44°30’E

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Figure - 38 : Différents centres de collecte de la CO.PE.FRI.TO sur le littoral mahafaly (Situation en 2005)

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Photo - 15 : Un fumoir moderne délaissé en ruine à Beheloka. Cliché : l’auteur en 2005

Photo - 16 : Un camion tout terrain de la CO.PE.FRI.TO, pour le ramassage des produits collectés et la livraison de glace avec une grosse glacière à bord. Cliché : l’auteur en 2005

La présence des sous collecteurs dans les villages permanents du littoral assure aux pêcheurs locaux des revenus journaliers. Le niveau de vie des habitants s’améliore, car ils ne leur manquent presque plus rien du nécessaire quotidien. Les chiffres mentionnés au tableau sont souvent variables. Effectivement, nous observons sur l’ensemble de notre zone d’étude, une forte variation spatio-temporelle du prix des produits frais. En période pluvieuse, la CO.PE.FRI.TO est le seul collecteur qui reste en permanence dans la zone. Les autres opérateurs n’y viennent plus que de façon épisodique. Dans ce cas, cette société est temporellement le maître du marché. Elle fixe le prix, et les pêcheurs n’ont plus le choix. Par contre, une forte bataille sur le prix des produits s’est engagée entre elle et les autres collecteurs au cours de la saison sèche. D’après le premier responsable de collecte de la société CO.PE.FRI.TO, la compétition entre opérateurs est de plus en plus forte dans le

180 secteur III (94), là où le nombre de collecteurs croît rapidement. Cette situation entraîne non seulement la montée du prix des produits auprès des pêcheurs producteurs, mais surtout, la réduction de la quantité potentielle de collecte par opérateur. L’impact de la concurrence concerne notamment le prix de langouste. Certes, vers la moitié de l’année 2005, moment où la SO.I.E.T ou « Société Import-export Tahiry » a étendu jusqu’ici, son aire de collecte, un kilo de langouste coûte 6000MGA contre 4000MGA auparavant. Plus tard, l’arrivée des Sociétés MADAPÊCHE et Martin Pêcheur de Fort Dauphin a porté le prix de ce produit entre 7000 à 7500MGA, à partir du dernier quart de l’année. Cela pose un problème au niveau de la prévision et le devis estimatif établi préalablement par des opérateurs. Au début de l’année 2004, la CO.PE.FRI.TO parvenait à collecter, uniquement dans le secteur III, au moins 800kg de langoustes, tous les deux jours. L’année suivante, cette quantité potentielle baisse à 250kg par voyage. Lors de notre fin de mission sur le terrain, les collecteurs travaillant dans la zone ont envisagé un accord relatif à la réglementation du prix de langouste, mais c’est un échec. Dans le secteur II, ce genre de problème n’est pas tellement évident, car à part les collecteurs de poissons à « frire », l’achat de produits frais reste le monopole de la CO.PE.FRI.TO. Toutefois, cette grande possibilité de commercialisation de poissons frais ne fait pas disparaître complètement dans la zone, la vente de poissons fumés. A Beheloka, certains pêcheurs réservent encore une grande partie de leurs prises pour

être vendue en état fumé car, à partir de l’année 2002 (95) , le prix des poissons séchés a monté et actuellement, il atteint le double de celui de poissons frais. Dans la plupart des cas, ce sont les pêcheurs voulant financier un certain projet plus important, la modernisation de maison d’habitation, épicerie, meubles de salon… préfèrent écouler leurs produits aux collecteurs de poissons séchés. Avec 1kg de poissons frais, on peut obtenir une brochette de poissons fumés, « kitsoake », vendus à 1000MGA, auprès des petits collecteurs qui viennent de Betioky et d’Andranovory. Ces derniers viennent régulièrement au village tous les jeudis, en empruntant la « Translittorale ». Selon le chef Fokontany, un seul

------(94) : Pour faciliter son organisation de travail, la CO.PE.FRI.TO a divisé sa zone d’action (notre zone d’étude aussi) en 3 secteurs suivant : - Secteur I : de Soalara à Beheloka - Secteur II : de Besambay à Beheloka - Secteur III : D’Itampolo à Ambohibola (95) : Une année marquée par la crise politique particulièrement catastrophique à Madagascar, ce qui a paralysé énormément l’économie du pays. L’acheminement de marchandise devenait très difficile. Les opérateurs n’avaient plus le courage à s’investir que dans la collecte des produits conservables

181 pêcheur de Beheloka arrive sans difficulté à écouler auprès de ces opérateurs 70 à 80 « kitsoake » par semaine, ce qui lui rapporte une grosse somme allant de 70.000 à 80.000MGA d’un seul coup. Mais, cela n’empêche pas la vente de produit frais, lorsqu’un besoin immédiat d’argent liquide se produit dans la famille. Nous tenons à rappeler ici, qu’avant l’ouverture du commerce de poissons frais, la déshydratation de produits de mer n’était pas une opération que les pêcheurs producteurs devaient effectuer afin d’augmenter la valeur ajoutée de la marchandise, mais juste pour assurer la conservation de produits jusqu’à leur destination. Ainsi, au village, ni les collecteurs de poissons à « frire », ni les amateurs de poissons fumés ne constituent guère des concurrents redoutables pour la CO.PE.FRI.TO puisque ces opérateurs ne cherchent d’autres produits que du poisson. De plus, leur capacité de collecte reste relativement faible par rapport à la production potentielle des pêcheurs locaux. A partir de l’année 2004, selon le Maire de la Commune Rurale de Beheloka, plus de 80% de l’ensemble de la production villageoise sont vendues à l’état frais auprès de la CO.PE.FRI.TO. Dans le secteur - I, ce sont les piroguiers en provenance de Toliara qui constituent les véritables concurrents de la Société. Leur nombre ne cesse pas d’augmenter (96), ce qui explique en grande partie la montée du prix des produits frais à Soalara et à Anakao. Mais, selon les circonstances, on observe dans le secteur I, une forte oscillation du prix de produits halieutiques. Au moment où il y a beaucoup de collecteurs qui arrivent dans un même village de pêcheurs, le prix de produits par espèce monte jusqu’au double de ce qui est figuré au tableau - 35 , et cela, entre 10heures et à 14heures 30. Après leur départ, tout redevient normal. Malgré tout, la CO.PE.FRI.TO a déjà gagné la confiance des pêcheurs locaux et, d’après le premier responsable de collecte, l’activité de la Société dans la zone marche généralement comme prévue. Grâce à sa stratégie d’intégration depuis le début, la CO.PE.FRI.TO a aujourd’hui entretenu une profonde relation agréable, avec les communautés de pêcheurs sur l’ensemble du littoral mahafaly. Certes, dès son implantation dans la zone, la Société a mis dans son programme d’activité annuelle, le soutien matériel aux pêcheurs locaux. Chaque année, elle distribue par pêcheur producteur (à titre de cadeau de bonne année et de présentation de vœux de la part de la Société), une bobine de fil nylon, pour la confection de filet, un grillage pour servir au stock de langoustes et, un gant.

------(96) : La proximité de Toliara favorise l’activité de collecte de produits de mer dans le secteur I. Cette situation explique en grande partie la prolifération rapide des petits collecteurs patentés ou non, qui gênent considérablement la CO.PE.FRI.TO dans ce secteur.

182 La distribution de ces engins de pêche s’effectue dans tous les centres de collecte sur le littoral. En principe, les pêcheurs ayant droit à cette dotation en matériel sont ceux qui sont résidents au village ou les habitants des petits villages satellites.

Au total, nous pouvons admettre qu’à partir de l’intervention des différents collecteurs dans la zone, le littoral mahafaly figure parmi les zones génératrices de devises de la grande île, en ce qui concerne les produits halieutiques. Ce processus économique aboutit à la naissance d’une nouvelle structure commerciale.

II – 4 : Une nouvelle structure commerciale des produits de mer

La CO.PE.FRI.TO est la plus importante Société d’exportation de produits halieutiques de la zone. Elle réserve la majeure partie de sa collecte pour le commerce extérieur, là où la valeur marchande des produits est largement élevée. L’Europe, le Japon, l’île Maurice et la Réunion constituent les principales destinations de son exportation. D’après le premier responsable du commerce auprès de cette Société, la grande partie de ses exportations est destinée à l’Europe et au Japon, c’est à dire, vers les pays économiquement puissants. Ce choix de partenaires commerciaux s’explique pour deux raisons. D’une part, ces pays ont toujours les meilleures offres de prix des devises de très haute valeur de convertibilité (97) et, d’autre part, le marché des produits halieutiques est encore loin d’être saturé et la plupart des habitants ont un niveau de vie relativement élevé. De plus, trop soucieux de leur état de santé, certains consommateurs résidents dans les pays riches estiment aujourd’hui que les poissons d’origine tropicale ne constituent aucun risque de contamination favorisée par la pollution de la mer, surtout, quand il s’agit des espèces de poissons ne vivant pas très loin de la côte. C’est pourquoi, la production de la pêche traditionnelle trouve toujours une large potentialité de marché dans les pays industriels (98).

Toutefois, une certaine quantité de la collecte est réservée pour fournir régulièrement le marché intérieur. Une partie est vendue dans la ville de Toliara, dans les différentes poissonneries implantées partout en divers endroits. D’autres parties sont expédiées à Fianarantsoa, Antsirabe ou Antananarivo, par le biais des voitures frigorifiques en quête de complément de chargement.

------(97) : A propos du prix de produits dans différents pays partenaires, le responsable n’a pas pu nous donner des chiffres, car cela fait partie du secret professionnel qu’il faudrait garder, a-t-il souligné. Il en est de même, pour la quantité de ses exportations par pays. Mais, ce qui est certain, la Société accorde toujours la priorité au pays qui propose les meilleurs prix . (98) : C.F : Emission Documentaire sur T.V.M. du 23 février 2006, vers à 11heures 15minutes .

183 D’après ce responsable commercial de la dite Société, il s’agit surtout, d’espèces de poissons à très faible valeur marchande, en termes d’exportation, qu’il faudrait liquider à temps, afin d’avoir dans la chambre froide, plus de place disponible pour les autres espèces de haute qualité qui vont arriver. De ce développement du commerce des produits de mer, la structure et le circuit commercial ont beaucoup changé. La tendance vers l’exportation a fortement modifié l’organisation de la commercialisation des produits halieutiques sur cet espace littoral. Elle présente actuellement une structure commerciale de type moderne, caractérisée à la fois par plusieurs étapes d’intermédiaires, faisant disparaître petit à petit, le contact direct entre pêcheurs producteurs - consommateurs dans le système d’échange et la mise en place d’une relation très étroite entre les trois secteurs d’activité (secteur primaire : la pêche, secteur secondaire : la transformation pour conservation et le secteur tertiaire : la distribution). Cela suppose un circuit commercial assez long et, accompagné de multiples ventes de services, jouant les maillons entre ces trois secteurs d’activité. Selon Y.MORY (2004, p. 10): « Les produits de la pêche suivent un circuit commercial souvent à plusieurs intermédiaires entre le pêcheur et le consommateur. Le temps de stockage et du transport est long, les produits étant soumis pendant cette durée au risque de dégradation ».

Sous- Collecteurs Extérieur collecteur

Pêcheurs Marché Expédition local

Mareyeur Hôtel Intérieur s Restaurants de Toliara

Figure - 39 : Un nouveau circuit commercial pour les produits de mer

Les pêcheurs constituent le point de départ des produits halieutiques acheminés vers les consommateurs nationaux et internationaux. Mais, nous avons remarqué une certaine différence entre le circuit de produits frais et celui de poissons transformés.

184

Consommate urs de type 1

Pêcheurs Consommate urs de type 2 Détaillants Mareyeurs Consommate urs de type 3 Collecteurs

Détaillants Consommate ur de type 4

Figure - 40 : Circuit commercial des produits frais

Type 1 : c’est le type de circuit qui se localise principalement au niveau du village de pêcheurs, le produit coûte moins cher car il n’y a pas d’intermédiaire. Type 2 et 3 : Le circuit qui se produit dans les villages de pêcheurs à proximité des grands centres de consommation. Les mareyeurs s’occupent eux-mêmes, de la vente de produits au marché ou bien, ils vont livrer leurs produits aux détaillants de Toliara, le prix au consommateur augmente. Type 4 : Les opérateurs se déplacent par camion ou par vedette pour la collecte au village de pêcheurs, le prix au consommateur peut aller jusqu’au double du prix d’achat auprès du pêcheur.

185

Consommate urs de type 1 Pêcheurs Détaillants Consommate urs de type 2

Mareyeurs Consommate urs de type 3 Collecteurs Exportateurs

Grossistes Consommate hors localité urs de type 4

Consommate urs de type 5

Figure - 41 : Circuit commercial des produits transformés

Type 1 : Une vente directe par les femmes de pêcheurs. Type 2 : Les mareyeurs livrent les produits aux détaillants locaux. Type 3 : Les femmes de pêcheurs qui travaillent avec les autres mareyeurs. Types 4 et 5 : Les mareyeurs (notamment les épiciers du village) servent d’intermédiaires, entre les collecteurs et les pêcheurs, et vendent les produits transformés. Il est à noter que le prix de poisson au consommateur augmente avec le nombre des intermédiaires intégrés dans le circuit commercial.

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CONCLUSION

Sur la deuxième partie de cette recherche, nous pouvons retenir plusieurs résultats. L’activité de la pêche traditionnelle maritime sur le littoral mahafaly a beaucoup changé. Dans l’ensemble, elle ne présente plus tout à fait le même visage qu’hier. Les moyens de production se modernisent, la capacité de production par pêcheur s’améliore, les pêcheurs locaux se professionnalisent de façon progressive, le troc s’efface rapidement au profit d’un autre système d’échange plus moderne. La forme de l’économie de marché a commencé à se dessiner presque partout dans les diverses communautés villageoises sur l’ensemble de la zone littorale. Cette mutation assez remarquable est le résultat de la combinaison de trois principaux facteurs : - L’impact des actions de développement intégré entrepris par le Projet F.A.O- Pêche dans les années 90, un programme qui précède l’intervention du P.S.D.R. dans le domaine de la pêche traditionnelle maritime. - Le désenclavement de cette zone littorale, par le biais de l’ouverture de la « Translittorale », une ligne de taxi-brousse reliant régulièrement Toliara et Androka. - L’arrivée des collecteurs, en particulier, la CO.PE.FRI.TO, une Société d’envergure internationale qui, grâce à son intervention assez récente dans la zone, les pêcheurs locaux ont trouvé un large marché pour le commerce des poissons frais. Néanmoins, le développement récent des techniques modernes n’a pas fait disparaître les aspects traditionnels de la pratique de pêche de la zone. La plupart des pêcheurs utilisent encore leurs frêles embarcations. Ils n’ont pas encore montré un grand enthousiasme sur l’utilisation d’un moteur sur leur pirogue de pêche.

Le bilan des actions des intervenants sur l’ensemble du littoral en question nous permettra de mieux comprendre la situation actuelle.

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TROISIEME PARTIE

BILAN ET PERSPECTIVE DE DEVELOPPEMENT DURABLE DU LITTORAL MAHAFALY

Chapitre VII : Un grand progrès sur les conditions d’existence des habitants du littoral

Chapitre VIII : La difficile marche vers le développement durable de la société des pêcheurs du littoral mahafaly

Chapitre IX : Suggestion pour des solutions à envisager pour l’avenir de la société vezo

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INTRODUCTION

« Porter un jugement aussi hâtif sans procéder à une analyse plus approfondie serait sans doute tout à fait injuste et ne nous permettrait guère de progresser. Pour être juste, il faut parler de succès et de déception à la fois et ajuter que de nouveaux problèmes sont apparus, qui appellent les solutions nouvelles . »

(S.H. 1991) (99)

Cette citation revient à juste titre, sur notre manière de voir les choses. Face aux effets controversés des appuis des O.N.G, il nous semble très important d’établir un certain bilan, pour mieux comprendre les impacts socio-économiques de ces actions, avant d’envisager d’autres mesures d’orientation plus prometteuses. Ainsi, la troisième partie de ce travail comportera trois chapitres assez significatifs. - Le chapitre VII, décrit les apports des O.N.G sur l’amélioration des conditions d’existence des habitants du littoral, par le développement économique qui en est résulté ainsi que le changement considérable observé au niveau social. - Le chapitre VIII indique les obstacles qui ont limité le progrès des activités productives dont la pêche en mer, ce qui nous fournira des éléments d’explication sur la persistance des principaux aspects du sous-développement régional observés sur l’ensemble de la zone d’étude, malgré les efforts réalisés par les O.N.G. - Enfin, le chapitre IX est réservé à l’esquisse de solutions envisageables d’une nouvelle orientation vers un avenir meilleur des habitants de cette partie de littorale du Sud – ouest malgache.

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(99) : C.F, S.H. (1991) : « Tirer les leçons du passé », in Le COURRIER n°125, janvier- février 1991, PP. 88-90, p.88 .

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Chapitre - VII

Un grand progrès sur les conditions d’existence des habitants du littoral

Tout d’abord, il faut reconnaître que les actions des O.N.G contribuent beaucoup à la mutation socio-économique observée actuellement sur le littoral mahafaly, dans le domaine de l’activité de la pêche maritime traditionnelle. Certes, grâce à leurs divers apports, l’histoire sociale et économique des habitants sur l’ensemble du littoral Sud-ouest malgache a connu un grand tournant. Les pêcheurs locaux voient leurs conditions d’existence s’améliorer, car il s’agit ici d’un appui de développement intégré aussi, l’espace littoral devient de plus en plus attractif. Nous commencerons par analyser les facteurs favorables au progrès de développement réalisé dans la zone.

I - : LES FACTEURS FAVORABLES AUX PROGES DE DEVELOPPEMENT RURAL

D’une façon générale, deux facteurs ont facilité la réalisation des objectifs des O.N.G sur le littoral mahafaly à savoir : - la facilité d’adaptation de la société vezo - le caractère simple et peu exigeant de la pêche maritime traditionnelle.

I – 1 : La grande adaptabilité de la société vezo

Par rapport aux autres groupes vivant dans le grand ensemble du Sud-ouest malgache, la forte capacité d’adaptation à toutes les circonstances identifie le groupe vezo. Ce phénomène a beaucoup frappé tous les chercheurs connaissant cette population, entre autres, R.BATTISTINI (1964) ; B.KOECHLIN (1975) ; J.M.HOERNER (1987) ; M.N.REJELA (1993) ; J.P.RAHERINIRINA (1998), et chacun a réservé un passage assez long pour en parler. Dans l’ensemble, cette identité vezo s’est manifestée d’une part, par sa base culturelle assez souple et accueillante et d’autre part, par son remarquable dynamisme, quand il s’agit d’une activité productive. 1 - La société vezo a depuis longtemps manifesté une grande faculté particulièrement réceptive aux innovations techniques, surtout, quand celles-ci sont liées aux activités halieutiques.

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On voit souvent l’origine de ce trait culturel grâce à la longue expérience des contacts avec les étrangers que les Vezo ont eu l’occasion d’accumuler dès le XVIe siècle, en accueillant les navires européens pratiquant la traite d’esclave. Ils se sont ainsi familiarisés de façon plus précoce que leurs voisins, aux modes de vie et techniques contrastant avec l’aspect inaltérable des systèmes de production pastoraux de l’Ouest. En tout état de cause, le système de production vezo n’à pas de caractéristiques définitivement fixées. Les techniques ne cessent de changer. Les enquêtes effectuées dans beaucoup de villages de pêcheurs de la zone nous ont mis sur la trace de nombreuses innovations techniques, entre autres la pénétration de la grande senne de plage dans la zone, pour la pêche collective aux « mulets , Mugil Sp » ou « Antendro », et la transmission rapide de la technique de manipulation de la grande pirogue à voile dans toutes les communautés vezo. Sur la technique de navigation, l’innovation d’un habitant de Soalara a laissé un souvenir inoubliable chez les habitants du littoral mahafaly. Il aurait mis au point une technique permettant de manier les voiles sur les grandes pirogues lourdement chargées de marchandises. Cette technique se serait rapidement transmise jusqu’aux environs de Morondava où, elle est parvenue récemment. (Information de R.ASTUTI-1991). De plus, les Vezo se sont beaucoup métissés tant au sens culturel du terme (agro pasteurs ou chasseurs cueilleurs devenus pêcheurs) qu’au sens biologique (types physiques manifestement afro indonésiens ou vazaha malgaches…). Cela prouve que ce groupe peut se fondre facilement dans n’importe quels autres groupes, y compris les étrangers. Selon N.M.REJELA « La société vezo aux mœurs souples, a accepté dans son sein de nouveaux arrivants provenant des ethnies et des clans voisins . » (Op.cit.p.403). Dans l’ensemble, les Vezo n’ont pas beaucoup d’interdits dans leurs mœurs, et cela permet aux autres groupes d’établir avec eux, un réseau d’alliances diverses. Selon J.M.HOERNER « Il est vrai que plus de 50% de ce groupe, souvent très métissé quand il est à Tuléar, serait urbanisé tandis que, le dialecte vezo est devenu la langue parlée du Sud . ». (Op.cit.p.348). Cette culture toujours prête à accueillir des nouveautés caractérisant le groupe vezo contribue au succès des actions de développement rural menées dans la zone. Il n’y a pas de véritable contradiction entre leur culture traditionnelle et les activités nouvelles ; bien au contraire, une partie significative des revenus issus d’activités innovantes contribue souvent aux dépenses cérémonielles liées au « Vorombe ». Même les personnes les plus conservateurs de la société ne peuvent voir que d’un œil favorable les activités capables d’apporter de l’aisance au fonctionnement de ce culte de continuité avec le passé ancestral. 2 - Les Vezo sont connus aussi pour la rapidité de leur adaptation à de nouvelles tâches.

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Dans la zone, notamment à Anakao, on a pu noter leur excellente adaptation à des activités entièrement nouvelles, non directement liées à la pêche comme le tourisme, l’hôtellerie, le commerce. La pluri activité est une constante chez les vezo, en particulier les femmes. Les femmes n’accompagnent jamais les hommes dans leurs pirogues pour les activités de pêche, mais, en dehors des activités strictement ménagères, elles se livrent à de multiples tâches qui les occupent pratiquement tout le jour ; cependant, par rapport aux femmes des agro éleveurs elles ne sont pas tellement prises à temps complet, les plus importantes étant aussi liées activités halieutiques. Quand les hommes reviennent de la pêche, elles font le tri des poissons et des crevettes, sélectionnent ceux et celles qui seront vendus aux collecteurs ou au marché local. En principe, ce sont les femmes qui procèdent au séchage ou fumage du poisson. Elles ont aussi la tâche parfois lourde de porter les poissons au marché, ce qui suppose des déplacements longs à pieds si le point de vente est très éloigné, avec des charges qui peuvent

être lourdes, comme avant l’arrivée de la CO.PE.FRI.TO. (100). A marée basse, aidées de leurs enfants, les femmes se déplacent à pied sur le récif, pour capturer poulpes et calmars… Elles vont chercher le bois de chauffe pour leurs besoins domestiques ou à vendre au marché qui se voit souvent à Itampolo. Beaucoup font de la vannerie pour leur famille ou pour la vente. En fait, la pluri activité vezo sous-entend souvent activité féminine. Il semblerait que le dynamisme fait partie de la culture vezo. Les adaptations les plus insolites caractérisent parfois le comportement de Vezo dont l’opportunisme et la débrouillardise sont réputés (101). Tous les bons connaisseurs de ce groupe de pêcheurs ont souligné l’aptitude de ces derniers à chercher les ressources, là où elles se trouvent, y compris dans l’agriculture, malgré le dédain culturel qui entoure cette activité réservée aux « Vezom-potake » (Vezo de la boue). Malgré la spécialisation maritime des Vezo, ils n’hésitent pas si cela est rentable, à pêcher en eau douce comme dans le lac « Tsivalaka », près de Mahabo Morondava.

------(100) : C.F : E. FAUROUX, J.P.RAHERINIRINA, P. RABEMAHAFALY (2002) : Faisabilité socio-économique de la conchyliculture dans la région de Toliara – IHSM – Toliara (101) : Au début des années 90, aux environs de Morondava, des chalutiers japonais pêchaient la crevette avec des filets qui ramenaient, non seulement des crevettes, mais à peu près tout ce qu’il y avait de vivant dans leur zone de pêche. Les Vezo de Betania et d’Avaradrova (ban lieux de Morondava), au lieu d’aller pêcher directement, avaient pris l’habitude de troquer ces poissons excédentaires contre des cigarettes, des alcools, divers produits locaux et même…des prostituées. Pendant quelques mois, on put voir ainsi les femmes Vezo se rendre au marché de Morondava portant sur leur tête, de gros poissons congelés, directement sortis des congélateurs japonais

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De même, les Vezo qui vivent dans les villages bordant la forêt « mikea » située entre Manombo et Morombe, malgré la crainte qu’ils éprouvent à l’égard du mystérieux monde forestier où l’on se perd, et risque de contrarier un esprit malfaisant, de rencontrer un animal mythique, recourent constamment aux produits de cueillette, soit après un troc avec les

« Mikea » (102). J.M.HOERNER a été lui aussi, frappé par ce dynamisme vezo (103). Les Vezo ont manifestement besoin des revenus complémentaires en raison de difficultés de tous ordres qu’ils sont en train d’affronter. Parmi ces difficultés, la baisse progressive des produits de la pêche est la plus grave. Les pêcheurs locaux sont conscients que la pêche ne suffit plus à assurer le niveau de revenus comme socialement nécessaire, si elle reste toujours dans ces conditions habituellement archaïques. Avant l’arrivée du Projet F.A.O.- Pêche dans la zone, les villageois manifestaient beaucoup d’imaginations et de courages, n’hésitant pas à entreprendre des déplacements lointains et dangereux pour des missions de pêche de plusieurs mois, comportant de longs séjours dans des « campements » précaires sans confort le plus rudimentaire et privés de toute vie sociale et affective normale, alors qu’ils ont aimé par-dessus tout la vie qu’ils ont menée dans leur village. Sur le littoral, une pêche développée est sans aucun doute préférable à toute autre activité halieutique impliquant des déplacements lointains.

I – 2 : Le renforcement des acquis traditionnels

1 - Dans l’ensemble, il ne s’agit pas ici d’une introduction des choses tout à fait étrangères aux pêcheurs locaux, mais, d’un renforcement ou d’une amélioration de ce qu’ils ont déjà connu depuis longtemps. 2 - Les vezo aiment vivre chez eux, en forte symbiose avec la mer. L’exploitation des ressources halieutiques fait partie de leur vie et, malgré leur grande capacité d’adaptation à la pluri activité, l’amour de la pêche reste toujours vivace.

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.(102) : Peuplade occupant l’arrière pays du littoral vezo (103) : « Cette diversification des activités a également conduit ces Vezo, à pratiquer le transport de différents produits, voire des personnes, et même à ouvrir des épiceries là où, justement, les Indo pakistanais (Karana) ne sont pas installés, faute de produits agricoles réellement spéculatifs à collecter… Cette aptitude à profiter au mieux de la pénétration de l’économie monétaire, pour récente qu’elle soit, se traduit aussi dans les mentalités . » (J.M.HOERNER –1987, p.349)

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Tableau – 36 : Les divers aspects des changements apportés aux activités de pêche traditionnelle Dénomination Caractéristiques traditionnelles Caractéristiques modernisées Matériels a)Engins de pêche a)Engins de pêche Ligne de traîne munie Ligne de traîne armée d’un simple hameçon d’un hameçon muni Ligne de fond simple d’un leurre Ligne flottante traditionnelle auLigne de traîne associée flotteur à une ligne de fond peu visible de loin Palangrotte Harpon « Manambaitse », pour Palangre à la pêche au calmar grands pélagiques Filet à fibre de coton Turlutte b) Embarcation Filet nylon Pirogue à voile Filet ZZ b) Embarcation Pirogue à moteur Technique a)Conservation a)Conservation d’exploitation économique des produits de mer des produits de mer Fumage direct à feu de bisUtilisation de fumoir d’échauffe Utilisation de bac à salage Salage traditionnel Séchage soigné Séchage simple b) Mise en valeur b) Mise en valeur desdes produits de pêche produits de pêche Commercialisation organisée et Commercialisation peu ouverte dans une aire de plus en rentable et assez fermée plus élargie c) Finalité de c) Finalité de l’économie l’économie Economie de subsistance Economie de marché

Encadrement social a)Aspect culturel a)Aspect culturel Scolarisation, une affaire desAlphabétisation des adultes enfants b) Aspect associatif b) Aspect associatif Groupement professionnel Dans le cadre lignager

Source : Enquête personnelle en 2005

Les communautés vezo présentent aussi un grand potentiel associatif et, ne sont pas tout à fait étrangères à la méthode d’approche basée sur le système de groupement. D’ailleurs, la solidarité dans toutes les circonstances est un réflexe commun à toutes les sociétés traditionnelles.

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Selon M.VAN DE VELDE (1985) : « Les membres de la famille traditionnelle africaine avaient autrefois coutume de vivre et de travailler en communauté parce que telle était leur conception de la vie et qu’ainsi, ils consolidaient les liens, qui unissaient pour pouvoir mieux faire face aux difficultés rencontrées, aux caprices du temps et à la soudaineté de la maladie, aux ravages causés par les animaux sauvages, et parfois à l’ennemi, ainsi qu’aux cycles de la vie et de la mort. » (Op.cit.p.63) Il est constaté dans tous les villages permanents du littoral, des associations qui se manifestent suivant les circonstances. Il s’agit des associations de type traditionnel, généralement lignagères, mais, dans la plupart des cas, elles concernent tous les villageois, du fait de l’existence des divers réseaux d’alliances, reliant les uns aux autres. Par exemple, une association des jeunes du village intervient pour aider les villageois frappés par un deuil pour le ramassage des pierres pour le tombeau, les veillées mortuaires, transport du défunt…etc. L’association des femmes, dirigée par la femme du détenteur de « Hazomanga » s’occupe de la préparation du repas et l’association des hommes adultes dont le chef de lignage se trouve souvent à la tête, s’occupe de tout ce qui est organisation, non seulement sur la cérémonie funéraire mais surtout, pour soutenir la famille éplorée dans les besoins futurs. Le respect de la discipline fait aussi partie de la culture vezo. Ce sont des personnes qui ont l’habitude d’agir conformément aux conseils ou aux instructions qui leur sont données, lorsque ceux-ci conditionnent la réussite de ce qu’ils ont entrain d’entreprendre. La pratique de « lohahane » ou prémices de la pêche ou de l’agriculture, apportées par les pêcheurs débutants à leurs parents ou à leur détenteur de « Hazomanga » par les gens partis pêcher au loin, quand ils reviennent à leur village avec une production fructueuse, devient un réflexe habituel chez les Vezo. Cet événement étant à la fois assimilé comme un symbole de gratitude envers les parents par la bénédiction qu’ils ont accordée et, une sorte de geste pour le renouvellement de cette bénédiction pour les jours à venir. Le « lohahane » est de valeur relative, suivant les possibilités du donneur. Il faut souligner également que les Vezo sont particulièrement francs, honnêtes et dans la plupart des cas, fidèles à leurs paroles (104). Cette attitude contribue beaucoup au succès de la campagne de sensibilisation organisée dans la zone.

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(104) : D’après leur croyance, l’esprit « Vorombe » qui habite la mer, leur « champs d’action » a horreur de la malhonnêteté et de l’infidélité de toute sorte, sous peine d’une malchance répétée dans tout ce qu’on fait dans la vie. Localement, on appelle cela, « bokavinta ». La rareté de rupture de mariage chez les Vezo est probablement liée à cette mentalité. En effet, le divorce fait partie d’une conduite déshonorante à leur égard .

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Les Vezo peuvent aussi s’organiser facilement, quand ils ont un objectif précis à atteindre, peut-être, une habitude héritée de l’ancienne technique de pêche collective. Dans la pratique de la pêche collective, le succès de l’opération dépend entièrement de l’organisation et le respect de la consigne donnée par le chef d’équipe. C’est peut-être aussi un réflexe né d’une expérience de longue date dans laquelle, la moindre erreur ou, un manque d’attention sur un signe de danger qui risque de se produire, surtout au cours d’une pêche au large pourrait être dangereux pour la vie. Ces qualités assez réceptives du groupe vezo ont été favorables à la réalisation des actions des O.N.G dans notre zone d’étude. C’est ainsi que les conditions de vie des habitants s’améliorent progressivement.

II : UNE GRANDE AMELIORATION DES CONDITIONS DE VIE DE LA POPULATION DU LITTORAL

Du fait de la rentabilisation de l’activité de pêche, de l’amélioration du traitement des produits et de la valorisation croissante des captures, les conditions de vie des communautés de pêcheurs s’améliorent. La plupart des gros villages sur l’ensemble du littoral sont de plus en plus animés, les habitants changent progressivement leur comportement et, la finalité des activités de pêche en mer s’est modifiée.

II – 1 : Des communautés villageoises de plus en plus animées

La majorité des villages vezo sur ce littoral sont de plus en plus animés. Cette situation provient de la délocalisation d’un certain nombre de fonctions urbaines au profit des communautés rurales, ce qui a beaucoup limité le phénomène d’exode rural (105). Par conséquent, le littoral mahafaly, autrefois réputé répulsif se transforme en une zone assez attractive. L’activité commerciale se développe rapidement, et aujourd’hui, cette partie du littoral malgache attire beaucoup d’opérateurs économiques. Son désenclavement assez récent lui a conféré la qualité d’une zone commerciale par excellence. Actuellement, Anakao, Beheloka, Itampolo et Androka/Ambohibola sont inondés par de produits d’origine urbaine. La diversification des activités rémunératrices s’est intensifiée également. A Beheloka, la vente d’eau potable est devenue l’une des activités principales, faisant vivre trois familles (106)

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(105) : La plupart des chercheurs travaillant dans les pays du Tiers-monde trouvent que la délocalisation d’un certain nombre de fonctions urbaines figure parmi les solutions efficaces pour la lutte contre le phénomène d’exode rural. 106) : Dans l’ensemble, on enregistre à Beheloka 5 fournisseurs d’eau potable dont 3 professionnels, qui ne font que puiser de l’eau à vendre au village. Ils pratiquent occasionnellement la pêche en mer. Les deux autres ont toujours donné la priorité à la pêche, et n’exerce la vente d’eau que pendant le moment défavorable à la pêche.

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D’après l’ancien gardien du local du Projet F.A.O – Pêche qui est le grand fournisseur d’eau potable du village, l’approvisionnement en eau du village lui a rapporté plus d’argent que la pêche proprement dite, ce nouveau marché permettant un revenu journalier en croissance permanente. C’est une très bonne affaire, car la demande augmente avec le nombre des habitants, et à partir de l’intervention du Projet F.A.O – Pêche dans la zone, ce village a attiré beaucoup d’habitants. Très récemment, presque tous les villageois ont pris l’habitude de se procurer de l’eau potable (107). Cette dépense est figurée dans le budget familial. Cela ne gène du tout les habitants car, leur pouvoir d’achat est maintenant en pleine croissance. En 2005, l’eau coûte au village 420MGA le seau de 20litres et, 4200MGA le fût de 200litres. Le fournisseur d’eau arrive à écouler par jour 4fûts en moyenne, ce qui lui rapporte la somme de 16800MGA, soit, un revenu mensuel de l’ordre de 504000MGA, un chiffre proche du salaire d’un fonctionnaire d’Etat de cadre supérieur à Madagascar.

Dans l’ensemble, les trois principaux fournisseurs ont vendu chaque jour, 9 fûts (108).

Photo - 17 : Commerce d’eau potable à Beheloka. L’ex-gardien de la F.A.O et sa femme viennent de puiser de l’eau à vendre au village. Cliché : l’auteur en 2005

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(107) : A Beheloka, le point d’eau douce le plus proche se trouve à 7km au nord du village (Ampasinabo). Dès le début de son intervention dans ce village, le Projet F.A.O – Pêche a offert aux habitants des matériels, leur permettant de s’approvisionner en eau potable. Il s’agit de 3 charrettes ; 8beufs ; 2pirogues et 2citernes. Ces matériels ont été mis sous la responsabilité de quatre personnes, désignées par les villageois. Ces gens s’occupent alors de l’approvisionnement en eau potable, vendue à bas prix auprès des villageois : 2000MGA/100litres contre 2400, chez les autres fournisseurs privés (situation en 2002). Aujourd’hui, ces matériels ne fonctionnent plus. (108) : De façon générale, les habitants ont besoin de l’eau potable, juste pour la cuisson et pour leur servir de l’eau à boire .

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Photo - 18 : Des patates douces en provenance de Toliara, vendues au marché de Beheloka. Des femmes des agro éleveurs viennent pour s’en procurer. Cliché : l’auteur en 2005

Le commerce des produits locaux (manioc, riz, maïs, et autres céréales) se multiplient rapidement. D’après certains « Mpanao kinanga » (109) que nous avons rencontrés dans la zone, le littoral mahafaly est actuellement devenu une zone favorable aux activités commerciales plus particulièrement de denrées alimentaires car, les habitants n’ont jamais manqué d’argent. Les pêcheurs locaux voient leur pouvoir d’achat en pleine croissance, et n’hésitent plus à acheter ce dont ils ont besoin. Même en saison sèche, les agro éleveurs des villages voisins viennent à leur tour, chez les pêcheurs pour s’approvisionner en denrées d’origine agricole, en provenance de Toliara. Aujourd’hui, on est en présence d’une situation inverse, sur le rapport de dépendance entre les villages vezo et tanalana en produits alimentaires (110).

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(109) : « Mpanao kinanga » signifie ceux qui pratiquent le petit commerce de proximité incluant de multiples petits trafics portant sur des chiffres d’affaire souvent minuscules, qui proviennent cependant à dégager, parfois, des profits significatifs. De façon générale, les « Mpanao kinanga » s’occupent du commerce des produits alimentaires d’origine agricole. (110) : Rappelons qu’autrefois, les agro éleveurs de la pleine côtière mahafaly assuraient le ravitaillement des pêcheurs Vezo en produits agricoles. C’était l’une des raisons principales qui expliquent le fameux système de jumelage des villages de pêcheurs/agro éleveurs, signalé par R.BATTISTINI, au début de l’indépendance.

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Photo - 19 : - Le marché hebdomadaire d’Androka Au premier plan à droite, des sacs du riz et du maïs. - Au second plan, les charrettes des agro éleveurs en provenance de petits villages de la plaine côtière. Cliché : l’auteur en 2005.

Dans le domaine de loisirs, il est à noter une grande évolution. A partir de l’année 2004, la plupart des chefs lieux de Fokontany du littoral ont leur équipe de football, et les rencontres inter Fokontany ont été souvent organisées pour célébrer la fête nationale du 26 juin et la fête de Pâque (111). De ce fait, rares sont actuellement les jeunes du littoral qui ne se connaissent pas. Aussi, une relation d’amitié fraternelle s’établit spontanément entre eux, ce qui se traduit par un sentiment de confiance réciproque solide. Il en résulte un nouveau réseau d’alliance d’origine sportive qui vient s’ajouter au sein de la société vezo, qui renforce davantage les liens sociaux préexistants. En 2005, le Maire de la Commune Rurale d’Anakao a souligné que dans l’ensemble, les jeunes de la région ont plus confiance pour cette nouvelle forme d’alliance qu’aux systèmes habituels. L’expérience vécue montre qu’une relation d’amitié par le sport est plus sincère et fiable chez les jeunes. Ces derniers se mobilisent davantage dans la zone et, se sentent toujours chez eux dans n’importe quel village là où habitent leurs amis sportifs. Cette mobilité inter villageoise s’accompagne des échanges d’expériences et d’informations pouvant favoriser l’amélioration progressive du savoir-faire des individus. A la fin du match, les joueurs et les spectateurs se réunissent souvent pour discuter du prochain match. C’est aussi une occasion pour certaines personnes de parler affaire avec les autres villageois qui viennent assister au match. La rencontre sportive se déroule toujours dans un climat d’ambiance agréable. Il s’agit d’une sorte de défoulement collectif, permettant aux habitants de différents villages de parler de plaisanteries diverses pouvant dissimuler la monotonie de leur rythme de vie quotidienne. Tout le monde adore ce moment là et, la fête se termine souvent par une soirée dansante, symbolisant la forte amitié qui relie les uns aux autres.

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Au total, les pêcheurs locaux commencent à comprendre la nécessité du loisir. Beaucoup de parents ont volontairement soutenu moralement et logistiquement les équipes sportives du village. A partir de l’ouverture de la « Translittorale », nombreux sont les gens de Toliara qui vont chez les pêcheurs vezo, uniquement pour y organiser régulièrement des séances de vidéo. Certains d’entre eux ont décidé de ne plus repartir et ont fini par fonder des salles de spectacles dans leur village d’accueil.

-- A Anakao, il y a trois salles de vidéo, une à Beheloka, deux à Itampolo et une à Androka/Ambohibola en situation en 2005. Souvent, ces salles de loisir sont ouvertes vert la fin de la journée. Les séances de film commencent un peu plus tôt tous les dimanches après midi. Dans l’ensemble, les habitants du littoral mahafaly s’intéressent particulièrement aux films vidéo. Il n’est pas rare de rencontrer dans la région, des groupes de personnes qui effectuent plus de deux heures de marche, uniquement pour une séance de film dans d’autres villages, du fait de l’arrivée massive des gens des petits villages satellites, le nombre d’habitants dans tous les gros villages du littoral a gonflé subitement toutes les soirées. Plusieurs petits commerces à caractère informel naissent là où il y a une salle de vidéo. D’habitude, une séance de film a comme prélude, une variété musicale malgache d’une demi-heure, durant la vente de billet d’entrée, ce qui influence beaucoup les jeunes, et donne naissance à des petits groupes artistiques locaux dans les gros villages du littoral. Ils n’ont pas encore à leur disposition que des instruments rudimentaires, rarement électrifiés, mais à Anakao, ces artistes attirent beaucoup de touristes étrangers. Leur rythme musical très original et hors du commun, parfois combiné aux battements réguliers de la mer au cours de la marée montante, leur façon de chanter et de danser dépaysent profondément ces derniers. Depuis l’année 2001, il y a une discothèque à Anakao, ouverte tous les samedis, à partir de 21heures. Ainsi, il peut être admis que les impacts des actions des O.N.G combinés au désenclavement de la zone ont précipité l’évolution des communautés de pêcheurs du littoral mahafaly. La société vezo a beaucoup changé et a marqué un changement de comportement.

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(111) : Dans la plupart des cas, ce sont les opérateurs ou les agents des O.N.Gs ou bien encore, l’instituteur du village jouent le rôle de manager dans l’animation des activités sportives, et cela, pour deux raisons. D’une part, il s’agit d’une stratégie d’intégration sociale très rapide et très efficace aussi pour ces gens considérés comme migrants. D’autre part, pour ne pas se sentir trop dépayser, ces derniers cherchent une sorte de refuge dans le domaine de sport .

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II – 2 : Un changement de comportement

Le résultat des actions des O.N.G se voit également dans le domaine socio culturel car la vie sociale se modernise. Dans l’ensemble, le nombre d’analphabètes par village baisse considérablement chez les adultes et la scolarisation des enfants retrouve sa grande motivation. 1 - D’une façon générale, les communautés de pêcheurs du littoral mahafaly ont pris conscience de l’importance de l’éducation. A partir de l’an 2000, toutes les autorités locales de la région ont constaté l’engouement de la population, quand il s’agit d’une activité relative à l’éducation. Le gonflement de l’effectif des enfants scolarisés et des adultes instruits par village est la preuve. Pour mieux comprendre la situation, voici une étude comparative entre les données chiffrées (112) avancées par le Projet MADIO en 1997 année du début des actions sociales faites par le Projet F.A.O – Pêche dans la zone et la situation en 2003 (113). Les tableaux- 37 montrent l’évolution de la scolarité et de l’éducation de la population littorale.

Tableaux- 37 : Evolution de la scolarité de la population du littoral mahafaly en 1997 et en 2003

A : POPULATION DE 11 A 20ANS (en %) Allant encore à l’école de 11 G F à 14ans 1997 2003 1997 2003 43,7 66 79,2 89,5 Allant toujours à l’école de 26,1 45 25,0 35 15 à 16ans De 17 à 22ans n’ayant pas 77,8 43,5 79,7 55,5 dépassé la classe de 7è

------(112) : Dans ses études en 1997, le Projet MADIO a souligné que le niveau d’instruction assez bas qui caractérise la population littorale est un grand handicap pour l’introduction de nouvelles techniques de production ou l’apprentissage de la gestion de l’exploitation agricole à l –heur de grand changement économique. (113) : Données à partir des études effectuées à Anakao, Beheloka, Itampolo, et, Androka/Ambohibola.

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B : MAITRISE DE LA LECTURE ET DE L’ECRITURE DE LA POPULATION DE PLUS DE 15ANS (en%) Savoir lire H F 1997 2003 1997 2003 31,4 70,9 37,6 79,2 Savoir lire avec difficulté 5,4 3,7 5,3 2,9 Ne pas savoir lire 63,2 26,2 57,1 17,9 TOTAL 100% 100% 100% 100% Savoir écrire 30,8 70,2 37,3 78,5 Savoir écrire avec difficulté 5,7 3,9 5,3 3,1 Ne pas savoir écrire 63,5 25,9 57,4 18,4 TOTAL 100% 100% 100% 100%

C : SCOLARITE DE LA POPULATION DE 18 A 38ANS (en%) N’ayant pas du tout fréquenté H F l’école primaire 1997 2003 1997 2003 43,1 29,7 54,4 31,1 N’ayant pas dépassé la classe de 9è 34,6 21,0 32,0 17,% N’ayant pas dépassé le CEPEE 64,3 47,8 72,7 45,9

D: RAISONS POUR LA NON FREQUENTATION DE L'ECOLE DE 6 A 14 ANS (en %) G F 1997 2003 1997 2003 trop jeune d'après la famille 24,3 2,6 35,8 3,5 sans intérêt pour la famille 50 13,7 33,6 10,8

coût de scolarité trop élevé 2,3 0 3,7 1,7 école trop éloignée 12,5 2,2 21,6 3,1 Autres (114) 10,9 1,5 5,3 80,9 TOTAL 100% 100% 100% 100%

Source : Projet MADIO et enquête personnelle en 2004, dans nos quatre principaux sites d’étude (Anakao, Beheloka, Itampolo et Androka/Ambohibola.

De ces 4 tableaux montrent quatre principaux points relatifs aux impacts socio culturels des actions des O.N.G dans la région. Le tableau « A » montre la grande motivation des jeunes pour la scolarisation. Le « B » présente la réduction du taux d’analphabète chez les adultes. « C », le progrès d’une grande amélioration du niveau d’instruction des adultes « D » nous renseigne sur la croissance du taux de fréquentation de l’école pour les enfants scolarisables.

------(114) : Niveau d’étude suffisant, besoin de la main d’œuvre pour la pêche, besoin de revenu complémentaire, échec scolaire, grossesse ou mariage, handicap ou maladie, mauvais état de l’école, absence d’instituteur, conflit inter clanique

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Il est observé une évolution importante sur la scolarité de filles, ce qui est un véritable renversement de tendance, car autrefois, les filles étaient moins favorisées que les garçons sur l’accès à l’école. Deux choses sont à l’origine de cette situation. Premièrement, dans ce contexte socio économique en pleine mutation, les habitants du littoral ont commencé à comprendre que le rôle des femmes dans cette société en pleine modernisation nécessite absolument un certain niveau d’instruction, une condition exigée par le monde des affaires. Ils ont envoyé leurs filles à l’école, tant qu’elles sont encore jeunes. Deuxièmement, dans les communautés de pêcheurs vezo, les jeunes filles d’âge scolaire ne participent que très peu aux activités familiales. Elles sont donc plus disponibles pour l’activité scolaire. Par contre, les garçons accompagnent souvent leurs pères pour la pêche au large.

Le nombre des femmes instruites est assez élevé à Beheloka, notamment à Beheloka bas, là où la promotion féminine était fortement soutenue. En 2005, ce village compte 182 femmes âgées de plus de 20ans. 144 d’entre elles savent lire et écrire sans trop de difficulté, soit 79,22% du nombre total. Les 38 autres sont analphabètes soit les 20,88% qui est largement inférieur à la moyenne nationale, 64,7% dans le milieu rural. D’après le Maire de la dite Commune Rurale, au début des années 90, les femmes instruites ne représentaient que les 21% du total (115), mais en une dizaine d’années, ce taux atteint 79,22%, un des meilleurs résultats de la lutte contre l’analphabétisme à Madagascar. De même à Beheloka, la plupart des femmes analphabètes sont des migrantes issues du groupe d’agro éleveurs Tanalana ou Mahafaly, qui se sont mariées avec des pêcheurs Vezo du village. Le registre du dit Fokontany a montré que les 29 femmes analphabètes sur les 38 enregistrées sont venues au village à partir de l’année 2001, date où les actions du Projet F.A.O.- Pêche sur l’ensemble du littoral Sud-ouest malgache ont pris fin. Ces dernières constituent le groupe des femmes les plus défavorisées du village en termes d’éducation, car elles n’ont pas pu profiter de l’appui apporté par le Projet. Dans l’ensemble, le nombre d’enfants qui fréquentent l’école a fortement augmenté. Le recrutement massif des enseignants organisé par le Ministère de l’Education Nationale (116), en 2001 a été fait juste au moment où le Projet F.A.O. –Pêche est arrivé a la fin de ses programmes d’activités. Dans le domaine de l’éducation, l’intervention du Ministère tutelle est arrivée à temps et il a pris le relais

(115) : L’archive de l’ancien Président du Fokontany de Beheloka bas concernant l’élection présidentielle portant ZAFY Albert au pouvoir en février 1993 a montré que dans les 167 électeurs inscrits, 91, soit 54.49% du totale avec la carte d’identité nationale portant les empruntes digitale a la place d’une signature, ce qui marque sans doute, un taux d’analphabétisme encore élevé. (116) : A cette époque, ce Ministère était appelé « Ministère de l’Enseignement Secondaire et de l’Education de Base » (MINESEB).

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A partir de l’année 2002, plusieurs écoles sur le littoral mahafaly ont bien fonctionnées car, les enseignants ont été engagés par contrat auprès du Ministère et leurs postes de travail sont devenus « viables » grâce à l’ouverture de la « Translittorale ». Chaque Fokontany dispose d’une école primaire et d’un enseignant au moins. Ainsi, les pêcheurs locaux ont toujours avec eux, quelqu’un d’instruit avec qui, ils peuvent parler ou discuter en cas de besoin. Malgré le problème du chômage qui sévit dans le pays tout entier, les parents d’élèves ont bien compris l’importance de l’éducation. D’après le Directeur de l’EPP ou Ecole Primaire Publique d’Itampolo, avant l’année scolaire 2001-2002, l’effectif des élèves inscrits à l’école primaire varie entre 150 à 180.Mais à partir de l’année scolaire suivante, ce nombre a dépassé le double (117) en 2004. Parallèlement au gonflement de l’effectif des enfants scolarisés, il y a une augmentation du taux de réussite à l’examen CEPE : 50% en 2003 et 68 % en 2004. Ce résultat est presque analogue sur l’ensemble du littoral mahafaly Pour cette dernière décennie, selon le Directeur de l’EPP d’Anakao, le nombre d’enfants scolarisables allant à la pêche dans la matinée baisse considérablement, étant retenus à l’école sauf, en période de marée basse ou « Tehaky be ».Pour de raison d’ordre pratique, les écoles primaires de la zone littorale adoptent le système« d’heure continue », et ne fonctionnent qu’en matinée seulement. Ainsi, la composition des pêcheurs change au cours de la journée. La matinée, elle est généralement formée par des adultes et, l’après midi, si le temps reste toujours favorable à la pêche, les enfants viennent s’y ajouter. Pour l’enseignement secondaire, notre zone d’étude ne dispose que deux C.E.G (Collège d’Enseignement Secondaire) dont, l’un à Itampolo et l’autre, à Androka. Il n’y en a pas encore à Beheloka et à Anakao en 2005. La création du C.E.G. d’Itampolo date de l’année 1981 mais longtemps, l’absence d’enseignant par le gel de recrutement de fonctionnaires durant la deuxième moitié de la IIè République malgache a découragé les élèves d’où sa fermeture en 1990 et sa réouverture seulement en 2002. D’après le chef d’établissement, aucun cas d’abandon n’a été observé depuis ces deux années de fonctionnement en 2004, les élèves sont assidus et le taux de réussite par classe n’a jamais été inferieur à 85%.

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(117) : Pour le cas d’Itampolo, l’action du PAM (Programme Alimentaire Mondial) par le biais de la cantine scolaire a beaucoup encouragé les enfants à fréquenter l’école.

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Lors de notre séjour au village, nous avons pu discuter individuellement avec tous les élèves de la classe de 5éme. De ce sondage, nous avons constaté leur désir de continuer jusqu’au BACC au moins. Dans l’entretien, nos discutions tournaient autour de la question suivante : « Qu’est ce que tu voudrais faire dans la vie quand tu seras grand ? » Les réponses obtenues ont indiqué que: - 5 voudraient devenir enseignants au lycée. - 4, médecin ou infirmier au moins - 7 ont été passionnés du métier du chef de projet de développement rural - 3, chef d’entreprise. Ces réponses semblent assez révélatrices de l’efficacité de la contribution des O.N.G dans le cadre du développement social. Autrefois, les activités éducatives avaient stagné dans la zone, ce n’était pas parce que la population restait insensible à la scolarisation mais, les conditions n’étaient pas du tout favorable. Au contraire, le Vezo est manifestement le groupe le plus dynamique de l’ensemble du Sud-ouest malgache quant aux activités intellectuelles (118 ). Apparemment, l’analyse du fonctionnement du CEG d’Androka donne l’impression d’avoir observé le cas contraire à celui d’Itampolo. Cet établissement n’a jamais été fermé, mais il est toujours en difficulté par l’insuffisance des enseignants et la faiblesse de l’effectif des élèves. Ainsi, malgré l’effort du Ministère tutelle, la redynamisation du CEG d’Androka est loin d’être réelle. Dans cette dernière décennie souligne de Directeur en 2004, l’effectif total des inscrits dans le registre de l’établissement a toujours tourné autour d’une trentaine d’élèves. Pour l’année scolaire 2003-2004, on a enregistré 29élèves dont - 15 en classe de 6 ème ; - 09 en 5 ème ; - 05 en classe de 4 ème . Il n’y en a pas de classe de 3ème , car les élèves ont toujours préféré préparer leur BEPC à Ampanihy. Les habitants d’Androka et ses villages satellites ne s’intéressent guère aux activités éducatives très poussées. Leur enthousiasme en est assez exemplaire par la présence de plus en plus nombreuse d’élèves originaires de la Commune Rurale d’Androka, qui vont suivre leurs études à Ampanihy.

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(118) : Selon R.BATTISTINI et J.M.HOERNER (1986) :« Cette ouverture des Vezo sur la vie économique moderne s’est aussi traduite par la constitution d’une véritable élite régionale, à l’Université, dans les entreprises commerciales de Tuléar, dans l’administration (40% du secteur administratif de la nouvelle usine SUMATEX de Tuléar)

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Tableau - 38 : Croissance du nombre des élèves originaires de la Commune Rurale d’Androka, inscrits au Lycée d’Ampanihy les années Scolaires 2000/2001 et 2003/2004

Classes 2000/2001 2001/2002 2002/2003 2003/2004 Seconde 08 12 15 21 Première 07 08 11 13 Terminale 09 13 14 17 TOTAL 24 33 40 51

Source : Cahier de renseignement des élèves au lycée d’Ampanihy en 2004.

Les parents ont l’habitude d’envoyer leurs enfants poursuivre leurs études à Ampanihy, là où d’après eux, la qualité de l’enseignement secondaire est meilleure, ce qui explique que l’effectif des élèves fréquentant le CEG d’Androka est faible et stationnaire. Dans la plupart des cas, les enfants les plus jeunes ont été chacun confié à la famille d’accueil. Souvent, un membre de la famille proche ou éloignée réside à Ampanihy. Les plus grands peuvent louer une maison, leur permettant de vivre en cohabitation en un petit groupe de deux ou trois par habitat pour qu’ils puissent s’entraider étant séparée de leurs parents. Grâce à la présence de plusieurs voitures commerciales faisant la navette entre ces deux localités, l’approvisionnement des enfants ne pose plus beaucoup de problèmes. L’EPP d’Androka date de la Première République. Elle marchait bien mais, à partir de l’an 2000, elle a été concurrencée par une autre école. Une école primaire privée de la Mission Catholique vient de s’installer récemment au village. C’est un établissement de type moderne au point de vue infrastructure et surtout, dans le domaine didactique. Il est combiné à un internat, disponible pour une quarantaine de jeunes filles dont la pension est de l’ordre de 25000MGA par mois et, l’écolage, 3000MGA. Ce frais de scolarité est largement à la portée des parents d’élèves. Aujourd’hui, une course à l’éducation des enfants s’est engagée dans les communautés de pêcheurs, c’est un grand changement de mentalité de leur part. De même, le fait d’avoir inscrit ses enfants dans cet établissement scolaire moderne est un signe de prestige social dans les communautés des pêcheurs. Ainsi, malgré l’existence d’un établissement scolaire gratuit, installé depuis longtemps au village, les gens se précipitent vers l’école privée payante, pouvant garantir à leurs enfants, une meilleure base éducative et c’est une nouvelle mentalité qu’on s’observe rarement dans le milieu rural malgache. D’après la Sœur Directrice, son établissement a dû refuser plus de la moitié du total des nouvelles demandes d’inscription pour l’année scolaire 2003/2004, d’une part, car la capacité d’accueil est pour le moment très réduite et d’autre part, du fait du respect de la norme

207 didactique de l’établissement. Il s’agit d’une école d’expression française et, entant que telle, elle est plus fiable à l’égard des parents (119), pour permettre aux élèves d’envisager un meilleur avenir. Les pêcheurs locaux aiment voir leurs enfants parlant sans trop de difficulté avec des touristes étrangers ou responsables de service socio économique qui ont séjourné dans le village. A priori, il est difficile d’affirmer que les O.N.G sont le seul facteur de la dynamique des activités éducatives sur l’ensemble du littoral mahafaly mais, une chose est certaine ; l’intervention des O.N.G dans la zone a fait comprendre aux pêcheurs locaux que leur niveau d’instruction assez bas se trouve au centre de leurs problèmes économiques et sociaux. C’est aussi leur grand handicap qui a limité leur épanouissement vers d’autres horizons dans le processus d’une amélioration des conditions d’existence. Cette prise de conscience se raffermit, quand l’ouverture vers le monde « extérieur » s’est imposée à partir du désenclavement de la région. Désormais, la vie sociale sur l’ensemble du littoral mahafaly est tournée vers la modernisation.

2 - A part ce remarquable enthousiasme sur l’éducation, les habitants ont montré aussi une grande volonté à agir de façon moderne. D’après la remarque de tous les responsables de développement travaillant dans la zone, les pêcheurs locaux ont commencé à abandonner peu à peu, toutes pratiques sociales pouvant gêner la bonne marche de la mutation socio économique actuelle, en accordant aux femmes, plus de considération dans tous les domaines. Dans le contexte actuel, la croyance au « Vorombe » s’est ébranlée ; les possédés voient leur influence sociale décliner. La plupart des paysans se rendent compte que leur conseil va souvent à l’encontre du processus du changement actuellement irréversible. La participation de femmes à la vie économique augmente progressivement et aujourd’hui, la mère de famille est devenue une véritable actrice économique à part entière. Dans la plupart des cas, les femmes de pêcheurs Vezo ont cessé d’être considérées parmi la population inactive, car leur contribution au revenu familial augmente de plus en plus. L’arrivée massive des opérateurs travaillant dans la filière pêche aboutit à la création de beaucoup d’emplois pour la population côtière féminine. De ce fait, les femmes accèdent actuellement à un certain niveau de considération dans la vie sociale. Elles commencent à être

écoutées dans la société. Elles ont même droit de parole, lors de l’assemblée générale

------(119) : D’habitude, le niveau d’un intellectuel malgache est manifestement mesuré en fonction de sa capacité à s’exprimer en français. D’une façon générale ;une personne ’instruite, mais qui n’a pas bien maîtrisé le français n’est pas toujours aperçue entant que telle, dans toutes les communautés à Madagascar. Est-ce encre une des séquelles coloniales ?

208 organisée au village,un phénomène très rare en milieu rural pour l’ensemble du Sud-ouest malgache. Ce qui nous amène à dire que cette dynamique économique de la pêche a permis aux femmes de trouver la place qu’elles méritent dans la vie du village. (C.F :

J.P.RAHERINIRINA-2012). Par ailleurs, le niveau d’instruction et de la réussite dans la vie économique deviennent maintenant les principaux critères de la considération sociale chez les pêcheurs Vezo du littoral mahafaly. Le pouvoir traditionnel tend à être dépassé par le pouvoir économique, en termes d’influence sociale. Les résultats des élections du chef Fokontany dans les quatre principaux villages de la zone d’étude, l’année 2003 confirment cette hypothèse. En effet, à Anakao, un jeune intellectuel de 33ans (licencié en gestion) est élu à la tête du Fokontany , pourtant, c’est un migrant originaire de Toliara. Il est arrivé au village, en 1997 et, s’est marié avec une fille Vezo, de lignage « Tekaroke » (120), il était un simple mareyeur mais, depuis 2002, grâce à son dynamisme, son ascension économique a étonné les villageois. Désormais, il fait partie des collecteurs des produits de mer, utilisant des pirogues à moteur. En 2005, le premier responsable de la collecte auprès de la CO.PE.FRI.TO a souligné que le nom de ce jeune opérateur est figuré sur la liste des principaux concurrents de la société dans la zone. A Beheloka, le choix des électeurs est tombé sur le plus instruit des notables du village. D’après le Maire de la dite Commune Rurale, son comportement justifié par son succès dans la vie a conduit ce chef Fokontany au pouvoir. C’est le seul pêcheur du village, parlant assez bien le français. De plus, il est le premier villageois qui arrive à bâtir une maison en dure et assez moderne. Dans la zone, habiter une maison en dur est devenu aujourd’hui un grand prestige social pour deux raisons. D’une part, c’est une situation justifiant la réussite dans la vie, et d’autre part, la maison en dure prouve une certaine aptitude à gérer de façon intelligente tout ce qu’on vient de gagner. Par conséquent, la finalité des activités de la pêche se modifie et l’aspect général du village change aussi.

------(120) : Dans sa situation sociale, il est normalement aperçu dans une position d’un « jaloko », c'est-à-dire, un homme qui vit aux crochets de sa femme car, il vient habiter le village de son épouse. Traditionnellement, en particulier dans le milieu rural malgache, cette position défavorise énormément un individu en termes de considération sociale. Mais ici, il est aperçu comme un autre personnage modèle. Il semble que cette situation est masquée par son remarquable dynamisme qu’il affiche dans son village d’accueil. Cela marque aussi un changement de mentalité de la part des habitants.

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II – 3 : Une nouvelle orientation de la finalité de l’activité de pêche

Actuellement, les communautés vezo sur l’ensemble du littoral mahafaly sont confrontées à un nouveau contexte socio économique conduisant les pêcheurs locaux à une modification de la finalité de l’activité de pêche. Ce phénomène se manifeste, non seulement, dans le cadre de l’aspect général de l’ascension économique habituelle, mais surtout, au niveau de la modernisation progressive de la maison d’habitation. Cela donne aux villages de pêcheurs vezo d’aujourd’hui, un nouvel aspect symbolisant la mutation vers une autre société (121)

1 - Dans le secteur nord de notre zone d’étude, à Anakao, la finalité de l’activité de pêche a beaucoup changé. Un nouvel aspect d’ascension économique commence à se faire sentir. Tous les pêcheurs ont conscience du fait que la pêche restera toujours leur activité de base. Mais, ils savent que désormais, elle ne permettra plus de s’enrichir durablement, à cause du déséquilibre de plus en plus grand entre le nombre de pêcheurs et les ressources halieutiques disponibles. Autrefois, la pratique économique était simple. L’argent obtenu par une pêche abondante permettait d’acquérir plus de matériel à savoir pirogues, filets, harpons loués aux villageois démunis selon des formes rappelant le métayage. On faisait la collecte des produits qui étaient revendus ensuite au marché de Toliara ou aux gros collecteurs de la ville et les bénéfices permettaient parfois d’élargir l’aire d’intervention vers plusieurs villages voisins. Aujourd’hui, le scénario dominant s’est modifié. Il s’intègre désormais dans la nécessité d’obtenir des revenus complémentaires des activités autres que la pêche, plus particulièrement des revenus provenant du tourisme. Quand les revenus de la pêche le permettent, on commence à s’investir dans un petit commerce de type « épi- bar » (bar épicerie). Si l’affaire prospère, l’investissement s’oriente vers une activité plus importante à savoir un restaurant gargote pour la clientèle malgache auquel, on adjoint éventuellement deux ou trois bungalows qui pourront attirer quelques touristes « sac à dos ». Si l’affaire continue à prospérer, l’Hôtel Restaurant est amélioré pour une clientèle de touriste « Vazaha ». A ce stade, la pirogue à moteur est indispensable, non seulement pour le service des touristes, mais aussi pour le transport vers Toliara (C.F : J.P.RAHERINIRINA – 2012).

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(121) : Dans un contexte pareil, il nous semble très difficile d’affirmer que les actions des O.N.G sont particulièrement responsables de ce grand changement car, toute dynamique socio économique dans le monde rural est dans la plupart des cas, le résultat d’une combinaison de multiples facteurs dont une proportion non négligeable échappe souvent au contrôle de chercheurs. Mais malgré tout, une chose est certaine. Grâce aux appuis techniques et matériels faits par les O.N.G, l’activité de pêche en mer se rentabilise considérablement, ce qui permet aux pêcheurs locaux de constituer leurs propre s capitaux .

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Epi bar PÊCHE

EN Restaurant gargote + 2 ou 3 MER bungalows

Hôtel Restaurant + pirogue à moteur

Figure - 44 : Le système de processus d’ascension économique et sociale actuelle .

Source: J.P.RAHERINIRINA (2012)

Ce processus d’ascension économique vezo passe souvent par un changement esthétique de la maison d’habitation, ce qui donne l’impression d’un début d’une sédentarisation effective de pêcheurs Vezo, dans leur activité habituelle. 2 - Récemment, la tendance vers l’amélioration architecturale des maisons d’habitation se généralise sur l’ensemble du littoral mahafaly. Ce phénomène est beaucoup plus évident dans les gros villages. A côté des cases de type traditionnel se trouvent bâties des constructions plus modernes, ce qui forme en tout, un ensemble relativement hétérogène. Ce nouvel aspect montre actuellement l’évolution des villages de pêcheurs Vezo de la zone. La présence des maisons de type moderne n’y est pas un phénomène nouveau (C.F : R.BATTISTINI – 1964-b.p.58), mais autrefois, elles appartenaient presque exclusivement à une petite couche sociale la plus privilégiée (chefs de lignages, possédés « Vorombe » et épiciers). L’habitat moderne n’était pas l’affaire de la masse. Aujourd’hui au contraire, une compétition pour la modernisation des maisons s’opère dans toutes les communautés de pêcheurs du littoral. Elle figure parmi les préoccupations majeures des habitants. Le nombre de construction moderne augmente ainsi rapidement. Les cases traditionnelles identifiant autrefois le village vezo commencent à disparaître au profit d’une autre forme plus moderne. Si elles persistent encore quelque part dans les gros villages, elles appartiennent généralement aux jeunes célibataires ou nouveaux mariés sur le point de démarrer dans la vie. Elles peuvent être également des constructions faites par des pêcheurs nouvellement intégrés dans la communauté villageoise.

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La modernisation des maisons d’habitation montre aussi les étapes de l’ascension économique et sociale d’une famille. De manière générale, elle obéit à un processus assez précis montré à la Figure – 45.

Case de type traditionnel et entièrement végétal

Maison en planche et en toiture métallique ou entièrement en tôle (mur et toit )

Maison en dur, à deux ou trois pièces

Maison en dur, à quatre ou cinq pièces

Figure - 45 : Processus de modernisation des maisons d’habitation

Source : Enquête personnelle en 2005

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Photo -20 : Processus de la modernisation des maisons d’habitation à Beheloka. - Au premier plan à gauche, une maison en dur en pleine construction et à droite, une autre déjà habitée, en partie en planche et en tôle. - Au second plan, une case de type traditionnel, tout en matériaux Végétaux. Elle est déjà vétuste. Cliché : L’auteur en 2005

Photo - 21 : Maison en dur de trois pièces d’un jeune pêcheur nouvellement élu chef Fokontany à Ambohibola. Cliahé : L’auteur en 2005

Photo -22 : Maison en dur de quatre pièces appartient au chef Fokontany de Behehoka. Cliché : L’auteur en 2005.

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Figure - 46 : Carte présentant l’effort de modernisation des maisons d’habitation

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Tableau - 39 : Rythme de la modernisation des maisons d’habitation du littoral

Années Type de Anakao Beheloka Itampolo And/Bola TOTAL case Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % 1996 CT 478 59,6 101 52,61 199 66,78 108 55,1 886 59,55 MP 157 19,58 39 20,31 58 19,46 47 23,98 301 20,23 MT 122 15,21 31 16,15 27 9,06 33 16,84 213 14,31 MD 45 5,61 21 10,94 14 4,7 8 4,08 88 5,91 TOTAL 802 100 192 100 298 100 196 100 1488 100 2005 CT 342 30,54 92 32,17 148 36,1 90 31,81 672 32,01

MP 274 24,46 86 30,07 112 27,32 102 36,04 574 27,35 MT 368 32,86 83 29,02 131 31,95 63 22,26 645 30,73

MD 136 12,14 25 8,74 19 4,63 28 9,99 208 9,91 1120 100 286 100 410 100 283 100 2099 100 TOTAL

Source : Enquête personnelle en 2005 CT : Case traditionnelle MP : Maison en planche MT : Maison en tôle tout entière MD : Maison en dur Nb : Nombre And/Bola : Androka/Ambohibo Le tableau – 39 montre l’évolution esthétique des maisons d’habitation observée dans les villages de pêcheurs Vezo du littoral mahafaly. En 1996, les cases de type traditionnel dominaient encore à 59.55% du total. A l’époque, ces villages conservaient leur originalité. Mais aujourd’hui au contraire, on assiste à une situation inverse. Le nombre de maisons de type moderne l’emporte dans toutes les communautés villageoises, les plus importantes. Les cases traditionnelles de type vezo ne représentent plus que les 32.01% du total. Cela nous conduit à penser que le début de la sédentarisation effective de pêcheurs Vezo s’amorce actuellement. La disparition progressive des cases semi-provisoires, témoin de leur propre mode de vie itinérante presque partout dans la zone en est la preuve. Cela signifie aussi que les pêcheurs Vezo du littoral mahafaly sont entrain de passer vers une

autre société (122). Malgré tout, les actions des ONG dans la zone ont rencontré beaucoup d’obstacles, qui s’est manifesté dans différents domaines et limite le développement durable prévu pour la société des pêcheurs sur l’ensemble du littoral sud-ouest malgache.

------(122) : Une société en pleine mutation. Cette modernisation des cases nous amène à dire que les pêcheurs Vezo de notre zone ont manifesté une grande tendance à la sédentarisation.

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Chapitre - VIII

La difficile marche vers un développement durable de la société des pêcheurs du littoral mahafaly

« Le constat général dans toutes les régions de Madagascar est le sous-équipement généralisé, la précarité du cadre de vie d’une grande partie de la population et l’absence d’articulation entre zones urbaines et zones rurales, en raison notamment du sous- équipement, de la défectuosité voire de l’inexistence d’infrastructures sanitaires, éducatives et socioculturelles. De même pour certaines régions, des difficultés d’accès à l’eau potable et plus généralement à l’eau, du fait de la sécheresse, de la dégradation des routes et pistes de dessert constituent des facteurs aggravant la détérioration des conditions de vie des populations surtout en milieu rural » (Stratégie Nationale de Lutte contre la pauvreté – 1999 – P.18 – 19 ).

Ce passage résume en grande partie les conditions dans lesquelles les habitants du littoral mahafaly vivent jour après jour. Des carences sur le plan des besoins élémentaires sont nombreuses et, le changement socio-économique, lié à son ouverture au reste de l’île n’a pas du tout rendu heureuse la populaTion côtière. La pénétration démesurée de la civilisation urbaine dans la zone entraine souvent des conséquences fâcheuses au sein de la société Vezo. L’organisation sociale traditionnelle a du mal à rester face à ce phénomène de choc culturel relativement rigoureux. Le chapitre se propose de décrire les différents obstacles limitant la marche vers le développement de la société des pêcheurs de la zone d’étude. Il comporte trois grands points : Des multiples facteurs de blocage interne Une grande faiblesse des appuis en faveur d’un développement durable Plus de changement qu’un développement. Le schéma suivant présente de façon rapide les rouages de blocage du progrès sur le littoral.

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Manque de créativité professionnelle Faible accès à la contraception

Des adules Prédominance Des enfants peu éduqués de sorcellerie vulnérables

Insuffisance Rareté Des enfants d’information d’église rarement vaccinés

Prédominance Insuffisance d’analphabétisme d’animation

Insuffisance d’enseignants et d’écoles Inégalité de droit entre homme et femme

Région hostile Trop attaché aux fonctionnaires à la tradition de l’Etat

Enclavement Problème d’eau potable

Figure – 47 : Arbre de problèmes de développement de la société des pêcheurs du littoral mahafaly

Source : Enquête personnelle en 2004

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I - LES MULTIPLES FACTEURS DE BLOCAGE INTERNE

Dans l’ensemble, le littoral mahafaly figure parmi les régions de Madagascar où les principaux caractères de sous-développement régional persistent de façon assez remarquable. (C.F projet MADIO – 1997). Ceux-ci se voient non seulement au niveau socio-économique, mais surtout dans le domaine de l’infrastructure de base, la plupart des communautés des pêcheurs présentent encore beaucoup d’aspects d’une société fortement traditionnelle dans leur façon d’agir, et la population côtière continue d’être à la merci des conditions naturelles contraignantes.

I – 1 - : La pesanteur des facteurs socioculturels au changement

La prédominance du taux d’analphabète observé chez les adultes, l’incompatibilité de certaines traditions à l’exigence de la mutation socio-économique récemment commencée sur le littoral mahafaly forment un noyau dur qui freine à bien de progrès. Tout cela est à mettre en rapport avec le passé lointain.

I – 1 – 1 : Blocage de la tradition « …, les traditions et les cultures peuvent favoriser l’organisation de la vie sociale dans les villages…. Il arrive cependant que dans beaucoup de cas, les traditions et les cultures constituent des freins et des blocages au progrès … » (Stratégie Nationale de Lutte contre la pauvreté – 1999 - P.23). Dans notre zone d’étude, les traditions constituent beaucoup d’inconvénients, en termes de progrès. Elles favorisent la diminution de la productivité et contrecarrent les efforts déployés pour le développement. Dans chaque village, les habitants forment un ensemble cohérent. Cependant, l’hétérogénéité sociale se manifeste de plus en plus à partir du moment où des actions de développement intégré ont été effectuées chez les communautés des pêcheurs. La « vezoïsation » des groupes d’agro éleveurs n’est pas totale. Elle se limite uniquement au niveau du système d’exploitation de la mer mais, dans d’autres domaines, surtout socioculturel, chaque groupe conserve ses habitudes originelles. Par l’enquête en 2005, la plupart des villages d’agro éleveurs anciennement jumelés à ceux des pêcheurs locaux voient progressivement leur nombre d’habitants diminuer.

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Les pêcheurs non Vezo gardent toujours leurs biens dans leurs villages d’origine (123) . Cette dualité de village a rendu beaucoup plus lourde l’occupation des femmes Tanalana déjà victimes des coutumes ancestrales dont la plupart portent atteinte à leur droit, un groupe où l’organisation sociale place les femmes au même rang que le serviteur (124). Ce comportement est flagrant chez les agro éleveurs pêcheurs du secteur sud du littoral mahafaly, d’Androka/Ambohibola. Dans le vaste delta toujours humide de la Linta, les femmes sont déjà surchargées de diverses opérations jusqu’à la vente des produits agricoles et elles sont aussi les pourvoyeuses de nourriture. En plus, c’est la mère de famille qui élève les enfants et tient la maison. L’occupation quotidienne des femmes Tanalana est trop lourde de sorte qu’elles ne trouvent plus le temps de se reposer. Cette situation constitue l’un des obstacles majeurs empêchant le véritable dynamisme socio-économique dans l’ensemble du Sud-ouest malgache. Selon l’observation de la FAO « Les femmes des zones rurales produisent au moins 50% des denrées alimentaires mondiales…. Dans certaines parties de l’Afrique, elles assurent jusqu’à 90% des approvisionnements alimentaires ruraux. Beaucoup d’entre elles sont le soutien essentiel ou unique de la famille dans certaines région en développement » (C.F Recueil de données de la FAO – Tuléar 1994 – P.102) Ainsi, à cause de leur journée très longue et assez fatigante, ces femmes n’ont pas pu bénéficié de la promotion féminine organisée sur l’ensemble du littorale Mahafaly, pourtant, elles font partie de la population cible. C’est ainsi qu’Ambohibola, l’association des femmes créée par la FAO n’à jamais été fonctionnelle.

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(123) : A Anakao haut , 36 chefs de famille sur 51 (ce qui représentent les 70,59%) s’occupent des activités halieutiques dans la majeure partie de l’année en laissant leurs femmes gérer toutes seules, tous les biens familiaux 45 ménages sur les 67, soit les 67,16% de trouvent à Beheloka Ambony dans le cas pareil . Le village d’Efoetsy Andriaka s’est agrandi au détriment de celui d’Efoetsy Tanalana. A Efoetsy Andriaka, le nombre des agro éleveurs Tanalana devenus pêcheurs l’emporte sur celui des vrais Vezo (33 ménages sur 52, soit 63,46% du total). Ainsi, la tradition Tanalana prédomine aujourd’hui dans ce village, pourtant toujours comme étant un village Vezo. Il en est de même pour le cas du village de Maromitilika Andriaka et celui de Hoalave. A Itampolo, la situation est à peu près équilibrée. Les groupes des pêcheurs non vezo d’Androka/Ambohibola restent toujours fidèles à leurs habitudes culturelles . (124) considérées toujours comme un élément social le plus défavorisé de la société, la situation de femme Tanalana ne correspond pas à la contribution qu’elles apportent à la société. Depuis leur enfance, elles n’étaient pas considérées du même ordre que les garçons. Dans la famille. Elles n’ont pas le droit à l’héritage puisque les filles sont destinées pour les autres familles après le mariage. Arrivée dans la nouvelle famille, la situation devient encore pire car la femme dans le foyer se tient une place voisine à un serviteur, prête a servir à tout moment son mari. Souvent, on n’a pas besoin son avis dans la prise de décision. Les femmes sont aussi considérées comme une usine de fabrication de bébé. Elles sont plus souvent mal nourries que les hommes, alors qu’elles produisent la moyenne partie des produits alimentaires. D’après le Chef du CSB II d’Androka en 2004, la malnutrition est très fréquente chez les jeunes filles et chez les femmes enceintes et allaitantes du groupe non-Vezo. Lorsque la nourriture se fait rare, avant la récolte par exemple ou pendant la période de sécheresse », les tâches des femmes augmentent sans qu’elles bénéficient pour autant d’un accroissement correspondant de leur raison alimentaire, ce qui peut entraîner de graves pertes de poids chez les femmes enceintes et allai

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Les femmes Tanalana sont très dociles. Elles acceptent sans murmure leur sort. Leur courage et leur bonne volonté à affronter la rigueur de la vie surprennent souvent les visiteurs non avisés. Le visage souriant et plein de bonne humeur dément la souffrance qu’on leur fait subir. Cette mentalité de soumission vient en grande partie de la tradition indiquant que les filles sont moins importantes dans la famille. Ce phénomène est profondément ancré dans leur esprit à tel point qu’il est considéré comme une chose normale. La répartition des aliments au sein de la famille reflète le sentiment que les hommes sont toujours prioritaires. Bien souvent, les hommes mangent les premiers, les femmes et les enfants prennent ce qui reste. A partir de l’an 2000, le Ministère de l’Education Nationale a toujours mis dans son programme d’action, une étude cas par cas sur le problème d’abandon scolaire. Les résultats obtenus ont montré que ce taux est encore très élevé à Madagascar, en particulier dans le milieu rural. Du fait de la tradition, beaucoup d’enfants, en particulier les filles n’ont pas du tout accès à la scolarisation. Chez les groupes de pécheurs non-Vezo de la zone, l’éducation des filles continue encore d’être considérée comme accessoire, surtout dans les familles pauvres ou très traditionalistes. Elle est souvent sacrifiée au profit d’autres projets familiaux que les parents jugent « plus intéressant », en particulier les hommes. Parfois même à l’école, il y a des instituteurs qui invitent plus ou moins directement leurs élèves filles de ne pas fournir des efforts excessifs, attendu qu’il y a quelque part un homme qui les attend (125). Par ailleurs, un grand nombre de pécheurs Vezo se trouvent aujourd’hui dans l’obligation de respecter l’essentiel de la tradition Tanalana pourtant la plupart font souvent obstacle au progrès récemment commencé dans la région (126) .

I – 1 -2 : Un taux d’analphabétisme encore élevé chez les adultes Le taux d’analphabète continue d’être assez important chez eux, sinon leur niveau d’instruction reste trop bas pour favoriser un véritable changement irréversible (127).

------(125) : Renseignement fournit par le chef ZAP (Zone d’Administration Pédagogique) d’Androka en 2004 (126) : Dans le Sud et le Sud-ouest de Madagascar, le rite funéraire est particulièrement important surtout chez les agro éleveurs (127) Dans la société de pêcheurs Vezo (nous l’avons vu) toute sorte de pouvoir appartient exclusivement aux personnes âgées, or dans l’ensemble, c’est la catégorie de la population la moins instruite de la communauté. La plupart des Chefs de lignages de la zone littorale sont analphabètes, pourtant ils jouent un rôle très important dans la prise de décision.

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Photo –23 : Une femme de pêcheur non Vezo qui travaille sur un champ du delta de la LINTA Cliché : l’auteur en 2005

Tableau – 40 : Un niveau d’instruction encore bas chez les pêcheurs adultes de plus de 20 ans

Niveau ANAKAO BEHELOKA ITAMPOLO ANDROKA TOTAL d’instr. AMBOHIBOLA

Analp. Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % 221 25,46 61 27,2 87 22,77 79 34,65 448 26,32 Niv. ne 454 52,3 148 66,1 249 65,18 117 51,32 968 56,87 dépassant pas l’ école primaire Niv. 152 17,52 12 5,36 42 11 30 13,15 236 13,87 second- aire inférieur au bacc

Niv. 41 4,72 3 1,34 4 1,05 2 0,88 50 2,94 Universi- taire TOTAL 868 100 224 100 382 100 228 100 1702 100

Source : Enquête personnelle en 2004 D’après le tableau - 40 , 83,19% du nombre total des pêcheurs adultes habitant les 4 principaux sites d’étude de la zone ont le niveau d’instruction ne dépassant pas l’école primaire. Deux grands facteurs sont à l’origine de ce phénomène.

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222 Premièrement, le littoral mahafaly était jusqu’en 1998 figuré parmi les zones les plus enclavées de la grande île, une zone considérée longtemps comme un véritable lieu d’affectation disciplinaire pour les fonctionnaires indisciplinés et désobéissants (128). Lors de notre séjour sur terrain en 2004, beaucoup de notables de la région nous ont raconté que pendant leur enfance, durant leur âge scolaire, les activités scolaires ont été tellement peu encourageantes. Du fait de l’enclavement régional, les instituteurs travaillant dans la zone se rendent compte qu’ils échappent presque complètement au contrôle de leur supérieur pour l’inspection et n’ont aucune hésitation de ne pas faire cours pour le moindre prétexte. De plus, du fait du problème de transport et d’éloignement, ils abandonnent leurs postes de travail au moins dix jours par mois pour aller percevoir leur salaire à Toliara, à Betioky ou à Ampanihy (129) . A l’époque, la plupart des écoles primaires publiques sur le littoral mahafaly n’arrivaient jamais à terminer la moitié du programme prévu pour une année scolaire, et de ce fait, le mauvais résultat y était chronique jusqu’à l’année 2000. Tout ceci explique en grande partie la fermeture de plusieurs écoles primaires de la zone pendant les années 1980, selon le renseignement fourni par le chef ZAP d’Itampolo en 2004. En outre, la politique éducative adoptée pendant la Deuxième République n’était pas tellement prometteuse. Beaucoup d’observateurs nationaux d’aujourd’hui trouvent que la Deuxième République avait une grande responsabilité sur le manque de considération quasiment généralisé à l’égard de l’enseignement à Madagascar (130) . Deuxièmement, le phénomène de chômage lié au gel de recrutement des fonctionnaires d’Etat pendant une longue période depuis le début des années 80 jusqu’à la fin des années 90 a entraîné une conséquence psychologique relativement fâcheuse chez beaucoup de malgaches. Il se trouve que le fait d’avoir un diplôme, ne permettait plus aux jeunes d’assurer un meilleur avenir. Toutefois, pour le cas des habitants du littoral mahafaly, d’autre explication s’y ajoute . A l’époque, les parents envoyaient leurs enfants à l’école, non pas dans l’intention de préparer ces derniers à devenir fonctionnaire, mais uniquement pour apprendre à lire et

------(128) : Sachons qu’à Madagascar, il y a une mauvaise habitude de la part de l’administration en utilisant le système d’affectation disciplinaire pour sanctionner les fonctionnaires désobéissants. Dans la plupart des cas, les zones enclavées sont administrativement synonymes des lieux d’affectation disciplinaire. Mais, en fait, ce n’est pas une solution. Au contraire, cela va aggraver la situation aussi bien pour la région que pour les fonctionnaires à punir car plus ils s’éloignent, plus ils s’échappent au contrôle de leur supérieur. (129) : Selon le chef Fokontany d’Itampolo, la situation étant pire presque partout dans la circonscription communale, notamment pendant la saison pluvieuse car les enseignants ont perçu leur salaire à Ampanihy, et il fallait au moins une semaine pour l’aller et retour sans compter les 4 ou 5 jours d’attente auprès de la perception (130) : « Depuis le début des années 80, le système de l’enseignement public se dégrade aux niveaux du primaire et du secondaire. Les taux d’inscription sont en baisse dans le primaire. Le taux brut de scolarisation primaire est tombé de 142% en 1980 à 83% en 1993-1994. Le secteur souffre principalement d’un rétrécissement progressif de l’accès à l’enseignement, d’un manque d’efficacité et de qualité, et d’une médiocrité des résultats obtenus. Sur le plan purement quantitatif, les effectifs ont diminué à tous les niveaux entre 1980 et le début des années 90. Dans le primaire, plus d’un tiers des élèves redoublent chaque année et moins de 30% atteignent la cinquième année d’études. Ces résultats sont parmi les plus faibles constatés en Afrique Subsaharienne » (CF. SNLCP – 1999 p. 19)

223 écrire (niveau qu’ils jugeaient nécessaire leur permettant de mener à bien l’activité de la pêche traditionnelle). A cette époque, il n’y avait pas beaucoup de fonctionnaires à part les instituteurs. Or, dans la plupart des cas, ces derniers ne jouaient pas tellement le rôle de personnage modèle dans les communautés des pêcheurs (131). Par conséquent, tout le monde ne pensait qu’à une chose : devenir un bon pêcheur très célèbre, capable de réaliser un grand exploit hors du commun et d’ailleurs, c’est ce que les parents souhaitaient le plus pour leurs enfants. Selon B.RAZAFIMPAHANANA (1973 ; P16) « Les paysans se seraient fait un monde taillé à leur mesure et ils sont contents de vivre dans cet univers ». La quasi-totalité des pêcheurs adultes d’aujourd’hui sont de cette génération. Autrement dit la plupart des communautés des pêcheurs Vezo sur le grand ensemble du littoral mahafaly sont traditionnellement dirigés des personnages peu instruits. Dans l’ensemble, il n’y a que les 16,81% des pêcheurs adultes qui ont le bagage intellectuel dépassant le niveau primaire. Cette situation n’est pas tellement favorable au développement rural. Selon la constatation de nombreux chercheurs tiers-mondistes, il est beaucoup plus facile de s’entretenir avec les paysans qui n’ont jamais mis un pied à l’école qu’aux autres dont le niveau d’instruction ne va pas au-delà de la cinquième année d’études primaires. A ce niveau, les paysans sont devenus plus réticents en termes de progrès ou de modernisation technique et souvent, leur ignorance se transforme facilement à une sorte de méfiance et parfois difficile à gérer dans un bref délai envers tout ce qui vient de l’extérieur, par rapport à leur vécu. Parfois même, ils détestent tout ce qui nécessite du papier à savoir : signature, prise de nom ou des notes…, car d’après eux, ceci ne met pas en sécurité leur vie, vis-à-vis du « Fanjakana » ou de l’administration dans le sens large du terme (132). En 2004, les actions de l’ASSOS dans le secteur sud du littoral mahafaly ont rencontré ce problème. A Ambohibola, l’ONG ASSOS a crée quatre groupements de pêcheurs à savoir : JAPAY, SOAKOLOKOLO, KOPA et FITAHIA. Les deux premiers sont dissous avant d’être fonctionnels tandis que les deux autres ne marchent pas tout à fait comme prévu. La démission collective de tous les membres sauf les deux présidents, est à l’origine de la disparition de JAPAY et de SOAKOLOKOLO. Cet incident s’est produit juste après la signature de l’accusé de réception des matériels modernes mis à leur disposition et les matériels restent entre les mains des deux présidents, les seuls membres ayant un certain niveau d’instruction acceptable.

------(131) Comme nous avons déjà signalé tout à l’heure, la plupart de ces enseignants arrivent dans la région par affectation disciplinaire. On raconte que dans l’ensemble, ils affichent un sentiment d’hostilité envers tout ce qui est de la région. Ils étaient même peu intégrés dans les communautés d’accueil, ce qui a défavorisé énormément l’image de fonctionnaire à l’égard des paysans (132) La peur de « Fanjakana » est commune chez les paysans malgaches. Dommage, ils considèrent l’administration comme une sorte de répression souvent effroyable. Ce sentiment désagréable est à mettre en rapport envers le passé colonial, mais qui s’éternise du fait du comportement abusif des agents de tournée (en particulier les gendarmes et les personnels des Eaux et Forets) à leur égard

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Le chef de JAPAY a fait louer aux touristes à son propre compte, les deux pirogues à moteur, mises à la disposition du groupement et il a engagé quatre villageois d’Androka /Ambohibola pour servir comme guides. Ainsi, on peut dire que l’action de développement de la pêche traditionnelle menée à Ambohibola a échoué. Elle a aboutit à la création d’une sorte de bourgeoise rurale au sein de la communauté des pêcheurs. Les deux autres groupements ont continué d’exister mais, leur fonctionnement va de plus en plus mal. KOPA était au début composé de 14 éléments et en 2004, il n’y a que les quatre membres de bureau qui restent tandis que le groupement FITAHIA a perdu tout d’un coup plus de la moitié de ses membres (8/14). Or, d’après le chef du groupement KOPA, ce nouveau système de production de type coopératif a parfaitement obtenu le consentement de tous les pêcheurs locaux avant d’être mis en place dans la communauté villageoise. L’expérience nous fait croire que les paysans ne sont jamais sincères et les pêcheurs Vezo sur littoral mahafaly ne faisant pas exception. Ce qu’ils disent n’est pas certainement conforme à ce qu’ils ont au fond du cœur. D’habitude, ils sont manifestement d’accord à tout ce qu’on leur a proposé devant le responsable de l’animation rurale, le « mpizaka » leur représentant prononce un discours officiel de routine exprimant l’approbation parfaite de l’ensemble de la communauté. Selon E.FAUROUX : « Dans l’ensemble, les paysans malgaches ont une culture de non-dit ». (133) Effectivement, le manque de sincérité marque les paysans malgaches. Ce caractère fait partie des principaux problèmes faisant obstacle à la réussite des actions de développement entrepris dans le milieu rural selon B. RAZAFIMPAHANANA « Les paysans seraient, disent les techniciens, des gens à l’esprit borné,…. On leur demande s’ils sont convaincus de la supériorité de la technique nouvelle sur leur technique traditionnelle. Il y en a qui osent nier l’évidence. Si parfois ils se disent persuadés, ils n’adopteront pas pour autant la nouvelle technique qu’on leur présente. Leur esprit étroit ne leur permet pas de comprendre leurs intérêts. » (Op. Cit. P. 15). Quoi qu’il en soit, une chose est certaine ; le système coopératif n’a pas encore convaincu les pêcheurs du littoral mahafaly. Il est beaucoup très tôt pour espérer un bon résultat en ce qui concerne le changement de système de production halieutique habituel (134).

------(133) : communication d’E.FAUROUX lors d’un séminaire organisé par le C3EAM le 17-18-19 septembre 2002-DEGS-U- Antananarivo (134) comme nous avons déjà vu, les pêcheurs Vezo sont une peuplade qui mène un genre de vie particulièrement simple et pleine de liberté. Or le principe du système de type groupement porte atteinte à cette ambiance socio-économique originale. En effet, ce nouveau système de production halieutique constitue beaucoup de règles à suivre, et exige trop souvent des signatures auprès du magasinier. Les pêcheurs locaux supportent mal un tel changement brusque

225 D’après le responsable de suivi évaluation auprès de l’ASSOS au cours de l’année 2004, le niveau d’instruction proche de l’analphabétisme de la quasi-totalité des membres est un obstacle majeur pour la mise en place du système d’éducation coopérative et de formation professionnelle. Les coopératives ont aussi des problèmes d’adaptation de l’offre de la production à la demande au point de vue qualitatif, par suite d’une méconnaissance de la clientèle et des marchés potentiels. Les populations concernées par l’action coopérative de la zone appartiennent souvent aux groupes des pêcheurs les plus défavorisés et n’ont que des moyens financiers très limités. La mise en commun de ces moyens n’est pas toujours acceptée de gaieté de cœur par les membres adhérents, ce qui a rendu difficile la constitution d’un capital social aussi modeste soit-il. Il semble que les notables (135) , les seuls personnages privilégiés dans la structure sociale traditionnelle s’opposent indirectement à toute tendance vers le changement, de plus, la mauvaise habitude, telle que « le plaisir de gaspiller pour rien » caractérisant les pêcheurs Vezo est loin d’être abandonnée. Cela se voit de façon très nette partout dans les communautés villageoises du littoral. Habituellement, le produit de la pêche peut avoir trois types d’utilisations : l’autoconsommation directe du pêcheur et sa famille, la vente pour acquérir les biens de première nécessité et l’accumulation de surplus monétaires destinés à alimenter une réserve dans laquelle on peut puiser à tout moment, pour les cérémonies traditionnelles indispensables. Au-delà de ces besoins essentiels, les pêcheurs Vezo attachent peu d’intérêt à leurs éventuels surplus monétaires, la plupart d’entre eux ne semblent pas avoir de stratégie précise d’utilisation de ces surplus, à la différence des Mahafaly et des Masikoro, qui transforment systématiquement en bœufs ou en chèvres tous leurs excédents monétaires. Les Vezo se sentent autorisés à dilapider les surplus d’une manière choquant souvent les non Vezo et surtout leurs voisins Masikoro dont la culture valorise davantage l’avarice si elle est tournée vers l’acquisition de bœufs.

(135) : Les notables traditionnels (Chef de lignage, Mpizaka, olobe ou les anciens…) tiennent encore un influence sociale particulièrement dans la zone, (notamment dans le secteur sud le nombre des pêcheurs non Vezo est très important). Rien n’est possible dans la communauté sans avoir obtenu leur accord. .

226 Le gaspillage des Vezo qui viennent de réaliser une pêche abondante, dans l’éprit de « drala mafana » (136) n’est pas sans rappeler à un degré moindre, celui des mineurs d’Ilakaka qui viennent de trouver des saphirs : l’argent est dilapidé en volumineuses radiocassettes, en vêtements ostentatoires, en consommation exagérée de boissons alcoolisées offertes avec une générosité proche de l’inconscience…

I – 2 : Des infrastructures de base largement insuffisantes

Par rapport aux autres régions de la grande île, le littoral mahafaly présente beaucoup de retards, au point de vue des infrastructures sociale et économique de base. Malgré son désenclavement, les conditions générales de transport routier ne sont pas satisfaisantes. Le problème d’eau potable continue d’être le principal signe d’identification régionale et à cause de l’érosion éolienne, la plupart des habitants vivent quotidiennement sous l’emprise de l’ensablement de l’espace conquis. I – 2 -1 : Le mauvais état des voies de communication « Les routes sont les artères de développement de l’Afrique. Il est difficile d’imaginer comment des économies florissantes peuvent se constituer si ces artères se bloquent » (J.B.H.THOIMPSON 1991 – « Entretien routier : Des réseaux soumis à forte pression », PP. 67-68, in Le Courrier N°125 janv.- fév. P.68) Dans l’ensemble de la frange côtière mahafaly, le problème de transport figure parmi les principaux facteurs faisant obstacle à son développement. Il en résulte que l’acheminement des produits halieutiques vers le reste de l’île ne semble pas facile aussi bien pour les pêcheurs locaux que pour les collecteurs. Ce phénomène limite considérablement le prix des produits de pêche auprès des producteurs à savoir les pêcheurs.

Le problème de transport routier se résulte: de l’insuffisance et le mauvais état des réseaux routiers du coût de transport relativement élevé

des surcharges inévitables, car ces trois phénomènes sont intimement liés .

------(136) : Dans las populations rurales malgaches, l’idée est très rependue selon laquelle, il faut gaspiller au plus vite l’argent acquis en trop grande quantité ou trop facilement. Les Sakalava ou les migrants Tandroy qui ont gagné cent fois plus que prévues en vendant leur récolte de maïs, les Masikoro qui ont beaucoup gagné avec le coton se sentent tenus de gaspiller l’argent. C’est sans doute, en vertu du syllogisme qui veut qu’une chance excessive ne puisse qu’être compensée que par une malchance équivalente. En annulant les revenus fournis par la chance, on annule le risque de malchance. Ainsi, les Vezo, après une pêche exceptionnelle étonnent souvent les observateurs par des dépenses aberrantes

227 La route qui relie la région littorale au reste du pays est constellée de nids de poules et des cailloux, entre autre les routes reliant Androka - Ampanihy et Itampolo - Ejeda (137) . Cela réduit considérablement la vitesse des véhicules, augmente leur usure et rend les trajets pénibles pour les voyageurs. Quelques tronçons de la route ont une couche de surface en latérite ou en terre et sont impraticables en saison des pluies. (Janvier - mars). D’autres sont mal drainés et ne possèdent aucun fossé, donc inondés en période de pluie. Les ponts même s’ils ne sont pas nombreux dans la région sont étroits et en mauvais état. Ils constituent non seulement un obstacle à la fluidité du trafic, mais aussi dangereux pour les automobilistes. Dans l’ensemble, trois grands facteurs expliquent l’insuffisance et le sous- développement des réseaux de transport dans le grand ensemble du Sud-ouest malgache. La première chose qui vient à l’esprit est sans doute le schéma colonial des grandes voies de communication de la grande île. Rappelons que les premières routes et voies ferrées sont localisées dans la partie orientale du pays, là où se concentrent les grandes exploitations coloniales. Le deuxième facteur à invoquer tient à la nature et à la répartition géographique des investissements en matière de transport. Depuis l’indépendance, des crédits importants ont été affectés au secteur des transports à Madagascar, mais la répartition géographique n’a pas abouti à la mise en place d’un réseau national efficace (138) . Ainsi, le plan national de développement actuel s’est attaché d’abord à renforcer le schéma colonial qui, dès le départ avait délaissé des vastes zones. Le troisième élément d’explication, qui est peut-être le plus important est le déclin économique actuel de la nation malgache. Ce problème empêche bien sûr les autorités de réparer et d’entretenir certaines de ces routes qui comptent parmi les plus dégradées. Selon J.B.H THOMPSON « Dès lors que les nids de poule sont là, l’entretien a déjà accumulé du retard, ce qui porte préjudice aux véhicules, réduit la sécurité sur les routes et provoque une croissance exponentielle des coûts de réparation » (Op.cit-p.68). Il est indéniable qu’une bonne infrastructure routière est une base Essentielle du développement économique. C’est pourquoi, les projets de construction routière ont toujours figuré au premier plan des programmes de développement presque partout dans les pays sous développés, malheureusement à Madagascar pour de raison

------(137) : A cause sa détérioration, La route reliant Itampolo – Ejeda est devenu impraticable depuis le début des années 1990. (138) C.F cours donné par René RANDRIAMBAO aux étudiants en Géographique - Niveau E – l’année Universitaire 1995- 1996 sur le module intitulé « Géographique de Transport » - Université d’Antananarivo.

228 politique, on a en général moins insisté sur l’entretien comme condition préalable au soutien du développement économique. Les réseaux routiers sont en très mauvais état, l’entretien n’ayant pas été assuré au fur et à mesure des détériorations provoquées par des facteurs humains et naturels. D’après l’explication fournie par le premier responsable des Travaux Publics de Toliara en 2004, beaucoup de facteurs sont à l’origine de cette situation dont les plus importants sont les suivants. - D’abord, dans l’ensemble de la grande île, le taux de croissance du flux de trafic sur des routes construites selon des normes anciennes a été plus élevé que prévu, ce qui a entraîné la détérioration rapide de la route. Ce phénomène est étroitement lié à la demande croissante en volume de trafic. Les charges par essieu ont également augmenté plus rapidement qu’on ne l’escomptait et les niveaux de surcharge par essieu ne sont pas suffisamment contrôlés. Ce problème survient très fréquemment sur les tronçons (Andranovory - Betioky et Androka - Ampanihy), et en saison de pluie, la circulation est presque bloquée durant trois mois consécutifs, ce qui isole la région au reste de l’île. De telle situation a engendré des retards inévitables sur l’évacuation des produits dont une grande partie a ainsi été perdue, appauvrissant encore les pêcheurs. L’arrivée de la société COPEFRITO a pallié à ce problème - Ensuite, les ressources disponibles sont largement insuffisantes et ce problème est aggravé par la préférence donnée à la construction de nouvelles routes. A Madagascar comme dans d’autre pays de l’Afrique Noire, l’intérêt politique passe souvent avant l’intérêt national. Il arrive très souvent a-t-il souligné que malgré l’insistance des divers responsables des réseaux routiers, le gouvernement n’a pas fait face au problème en temps utile pour le limiter, et cela, pour une simple raison dont nous en sommes certains : les travaux d’entretien sont moins prestigieux que ceux de la construction. Aujourd’hui, les autorités essayent de remédier la situation, mais il s’agit d’une tâche lourde et de longue haleine qui aura des répercussions politiques institutionnelles et financières. Ainsi, tout ceci explique la hausse du coût de transport dans l’ensemble du littoral mahafaly. Même si la région fournit l’essentiel de produits de mer consommés dans la majeure partie de la Haute Terre malgache, cet approvisionnement serait nettement moins coûteux si l’état des routes était satisfaisant et praticable pendant toute l’année.

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Tableau - 41 : Coût de transport élevé dans l’ensemble du littoral mahafaly : (Situation en 2004 en MGA)

sur la frange côtière dans d'autres parties du Nature de données mahafaly Sud-ouest (R.N° 7)

coût moyen du transport / voyageur / km 180 MGA 100 MGA coût moyen du transport d'un sac de mais par voyageur / km 80 MGA 50 MGA

Durée moyenne du transport par voyageur / km 3 mn 1 mn

Source : Enquête personnelle en 2004 (139)

En fait, il n’est pas difficile de comprendre la hausse du coût de transport routier dans la région . - D’abord, la durée de vie des véhicules qui sillonnent les routes rudimentaires de la région est inférieure à celle des voitures circulant ailleurs dans de meilleures conditions. La durée d’amortissement du capital investi dans les véhicules de la région est beaucoup plus courte que dans d’autres parties de l’île. - Ensuite, l’entretien des véhicules coûte plus cher en raison de la fréquence des révisions et échanges de pièces rendues nécessaires par le mauvais état de la route. D’après le premier responsable de la Translittorale en 2004, la plupart des transporteurs travaillant dans l’ensemble du Sud-ouest malgache ont du mal à accroître leur activité parce qu’il est souvent difficile d’accéder au crédit, les taux d’intérêt étant par ailleurs écrasants. La fréquence de pannes de véhicule liée au mauvais état de la route et la surcharge tue l’incitation à un crédit. Le risque pour le problème de remboursement devient plus grand. La situation est encore pire pour le cas de la Translittorale . Les normes de sécurité suscitent également une préoccupation particulière, car les routes créent souvent des conditions dangereuses, alors que la surcharge de l’auto - car contribue inévitablement à l’usure du matériel. De plus, l’âge des véhicules utilisés au service de transport commun dans la région dépasse souvent 10 ans, puisqu’il ne s’agit pas des voitures achetées toutes neuves, mais des bonnes occasions de France ou de Belgique. Plus le véhicule est vieux, plus les pannes sont fréquentes donc le coût d’exploitation augmente.

------(139) : ce tableau est établi à partir de la comparaison des coûts du transport entre Toliara -Sakaraha d’une part et de Beheloka -Androka d’autre part .

230 Les transporteurs ont dû accorder la surcharge de voiture, malgré l’importance du problème qu’elle en résulte pour deux raisons (140) : Premièrement, par rapport à la demande, le nombre de véhicule de transport en service de la Translittorale est largement insuffisant, or compte tenu du niveau de vie général de leurs clientèles, les transporteurs ne peuvent pas augmenter le tarif au même ordre que le rythme de la croissance rapide de prix des pièces d’auto. Ils doivent maintenir les frais de transport aux prix abordables. Ainsi, au lieu d’argumenter le tarif, ils préfèrent la surcharge pour compenser le déficit probable (141) Deuxièmement, cette mauvaise condition de transport rend essentiellement indispensable l’entretien fréquent de véhicules ce qui limite le nombre de voyage, à une seule fois par semaine. Le nombre de voyageurs de la semaine s’accumule et les autocars sont devenus surchargés de façon souvent insupportable. On ne peut pas faire autrement, car rater leur passage coûte une autre semaine d’attente pour les passagers. Ainsi, la qualité de service s’est détériorée de plus en plus et, les transporteurs font l’objet de critique sévère de la part du public et des hommes politiques avides de popularité permanente. Dans un même taxi-brousse on observe toujours un surnombre jamais inférieur à 15 personnes, situation anormale à l’égard de la police de la route. .Une modeste somme de la part de conducteur suffit pour gagner son indulgence ; « pratique routière » très courante à Madagascar et actuellement, elle est devenue une tradition dans le rapport entre police de la route et conducteur de camion ou de transport en commun (142) . Or tous les véhicules de transport circulant dans notre zone d’étude ont chacun un poids cumulé supérieur à 12 tonnes ce qui favorise certainement une détérioration très importante sur la route. Au total, on est en présence d’un cercle vicieux qui met en évidence le problème de transport dans la région

------(140) : La surcharge des autos – car conçus pour 45 personnes et qui en transportent 60 à 70 abîme sans doute le système de transmission du véhicule, sa suspension et ses pneus et contribue à son vieillissement rapide (141) : Le tarif de transport Toliara -Androka n’a pas été révisé depuis l’année 2000 en dépit de l’augmentation des coûts d’autres intrants destinés aux véhicules. (142) A. CAPITANIO (1991-p.60) : « La recherche a montré que la relation entre les charges par essieu et les dégâts qu’elles occasionnent aux routes est exponentielle. Ainsi, une charge par essieu de 10 tonnes provoque 10.000fois plus de dégâts qu’une charge par essieu d’une tonne, et si l’on passe de 10 à 12 tonnes, on provoque plus du double de dommages. Or, l’essieu de 10 tonnes est 2,3 fois plus destructives en progression exponentielle que l’essieu standard de 7,2 tonnes »

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Mauvais état de la route

Surcharge des véhicules de transport Coût de trans port élevé

Nombre de voyage très limité

Figure - 49 : Problème de transport sur le littoral mahafaly : Source : L’auteur en 2012

I – 2 – 2 : L’insuffisance d’eau potable et le problème d’ensablement

- Très souvent, les meilleurs sites de pêche ne se trouvent pas forcement à la proximité d’un point d’eau douce, ce qui est le cas de la plupart des villages permanents dans le secteur Nord du littoral étudié. Par exemple Anakao, la capitale Vezo dans la zone, site qui a particulièrement fasciné les fondateurs grâce à ses meilleures conditions de pêche. Le village se trouve malheureusement au-dessus d’une nappe phréatique importante saumâtre (cf. :Chap. I, p.32 et Fig. 6-7 p.33). Malgré les efforts du Projet PNUD sur la construction de puits, les villageois souffrent encore du manque d’eau potable. D’après le médecin responsable du Centre de Santé de Base de Beheloka, les eaux de l’ensemble du littoral mahafaly ne sont pas du tout assez bonnes pour la santé humaine (143) . Leur utilisation doit être précédée d’un traitement spécial et adéquat, si non le risque des maux de ventre ou d’appendicite (144 ) demeure important dans la région. « Faites attention pour les eaux à boire » est une formule standard dans toutes les recommandations destinées aux voyageurs voulant y séjourner. Ainsi, actuellement, le littoral mahafaly n’est pas du tout disponible pour accueillir tous les investisseurs ou autres acteurs potentiels de développement qui ne sont pas prêts à affronter le problème de manque d’eau de la zone.

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(143) : La quantité de chlorures par litre d’eau de ces puits est supérieure à 5g. Les villageois sont obligés de s’en servir car le point d’eau douce le plus proche se trouve à 8 km (fleuve ONILAHY). Même cas pour les habitants de Beheloka. Du fait de l’éloignement (à 7km au nord du village), l’accès à l’eau potable est une lutte quotidienne. Ainsi, par manque de possibilité financière assez suffisante, beaucoup de villageois notamment ceux qui habitent Beheloka haut demeurent souvent privés d’eau potable. Mais ici, il nous semble difficile d’avancer des données chiffrées précisant la consommation d’eau potable par famille, car chaque ménage à sa propre façon de gérer ce qu’il dispose. Effectivement, cela n’est pas impossible à faire, mais, l’enquête nécessite certainement beaucoup trop de temps. Selon REMY (C) 1970 « Le chercheur dont également savoir arrêter une enquête à partir d’un certain seuil d’analyse, toute donnée supplémentaire exige qu’on lui consacre un temps qui peut être hors de proportion avec l’intérêt du résultat obtenu » (144) : En principe, il s’agit d’un dépôt des excédents de calcaire que contient l’eau habituellement consommée, et qui a subit un phénomène de solidification en fil de temps, ce qui entraîne l’inflammation de l’appendice. A ce niveau, la situation est devenue une véritable maladie mortelle. L’intervention chirurgicale d’urgence est nécessaire pour éviter la péritonite . A Androka vao, le PNUD a construit pour les habitants, un peut à côté de l’hôpital. C’est très dangereux car le risque de contamination de l’eau est relativement considérable, notamment en cas de passage d’eau maladie contagieuse

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Photo - 24 : Une forme de puits artificiel utilisé par les habitants d’Anakao, il y a 3 femmes qui sont entrain de puiser de l’eau Cliche : l’auteur en 2004

Photo – 25 : Androka ela, vu de loin, la proie d’un phénomène d’ensablement intense. Au premier plan : un champ de dunes vives placé dans le sud du village, sur la direction du vent dominant du Sud Cliché : l’auteur en 2004

- L’ensablement de l’espace vécu est une autre contrainte qui gêne beaucoup les habitants du littoral. Au début, ce problème concernait surtout les agro éleveurs occupant l’arrière pays. Tous les chercheurs connaissant la région ont affirmé que la désertification concerne davantage les champs abandonnés, car il n’y a pas de culture qui protège l’espace contre l’ensablement (cf. Chap. I, p.28). Aujourd’hui, la plupart des villages des pêcheurs du littoral se trouvent progressivement confrontés à ce fléau. Le cas d’Androka ela est le plus spectaculaire. Tout a commencé par l’ensablement du lit mineur du fleuve LINTA. Dans ce village, le désensablement de maisons d’habitation figure parmi les principales occupations quotidiennes des villageois, sous peinte d’être enseveli vif à l’intérieur. Tous les matins, le chef Fokontany d’Androka ela sort par la fenêtre pour enlever le sable bloquant l’ouverture

233 de la porte. Il met au moins dix minutes de travail pour que sa famille puisse sortir à son tour. De ce fait, les villageois ne sont pas en sécurité surtout en cas d’alerte qui se produit pendant la nuit, en particulier en cas d’incendie du village ou autre circonstance nécessitant l’abandon immédiat de la maison. C’est l’une des principales raisons qui poussent certains habitants à quitter ce site initial. Actuellement, ce village est en voie de disparition. Ce problème commence à se faire sentir dans d’autres villages des pêcheurs notamment à Itampolo, Beheloka et Anakao. (cf. Chap.- I,p.29) A ces différents facteurs de blocage interne s’y ajoutent la grande faiblesse d’appui au développement.

II - : UN GRAND PROBLEME METHODOLOGIQUE DE LAPART DES O.N.G

Les efforts des ONG ont rencontré plusieurs problèmes méthodologiques. Les actions de développement trop précipitées, l’insuffisance de la connaissance sur le milieu paysan et la quasi-absence des équipes d’appui technique suffisamment intégrées dans les communautés villageoises sont les principales lacunes méthodologiques connues par les ONG travaillant dans la zone. Souvent, certains dirigeants ou techniciens dans un pays économiquement retardé comme Madagascar estiment qu’un développement rapide est indispensable. Il faut aller très vite pour que le retard qui existe entre population et revenu n’aille pas en augmentant. D’ailleurs, dans le monde d’aujourd’hui, nous vivons dans une culture de la vitesse, de la hâte. Le rejet de la lenteur est vivement prononcé dans nos sociétés. La solution proposée à tout ce qu’on fait c’est d’accélérer encore plus. Avec le culte de la vitesse, nous devenons particulièrement obsédés par le résultat et de nos jours, tout homme d’action a tendance à agir de telle sorte qu’il vienne à bout de son objectif dans le meilleur délai. Toutefois, la plupart des spécialistes en sciences humaines, en particuliers les ruralistes ont remarqué que la masse paysanne oppose parfois à cette volonté de développement très rapide. Selon B. RAZANAMPAHANAMA (1972) « La réticence manifestée par les paysans devant quelques actions de développement vient de l’impatience manifestée par les responsables devant le sous – adoption immédiate d’une technique présentée à la masse paysanne. En effet, des paysans avant de prendre une décision définitive concernant une technique nouvelle qu’on lui présente, hésitent, pèsent le pour et le contre, prend conseil auprès des anciens… » (Op. Cit. – P. 20). Peut-être, trop influencé par le fameux slogan de la dernière phase de la Troisième République malgache ; « Développement rapide et durable », le projet, PSDR a voulu atteindre son objectif, dans un délai très bref (8 mois). D’après le premier responsable de l’ONG – COUT en 2004, la durée d’exécution définie par le PSDR est largement insuffisante par rapport aux objectifs à atteindre par différents objectifs spécifiques. Il a souligné que le succès de chaque sous- projet dépend essentiellement de l’éducation. Or l’activité éducative est un travail de longue haleine.

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Le projet PSDR dépend directement du financement de la Banque Mondiale, il agit non seulement pour le développement proprement dit, mais aussi pour assurer la pérennisation du financement car ceci dépend beaucoup du résultat souvent justifié par des chiffres. Si le bilan d’activité durant une période convenue est parfaitement positive, la Banque Mondiale restera le principal bailleur de fond de toutes activités entreprises par le projet. A Madagascar comme dans beaucoup d’autres pays de l’Afrique Noire, la plupart des projets, ONG financés par des bailleurs de fond étrangers ont réservé plus d’attention au financement qu’a l’adéquation des méthodes mises en œuvre (145) . Parfois, cela se traduit par une sorte de pression sur la masse paysanne. A long ou moyen terme, une telle action aboutit toujours à un échec. En tout cas, en agissant ainsi, souvent certains détails sont négligés pourtant très nécessaires à la bonne marche des activités envisagées dans la communauté. Concernant l’insuffisance de la connaissance du milieu, surtout le milieu social, ce problème est à la base de l’échec de l’intervention de l’ASSOS dans le secteur sud du littoral. Il semble que cette nouvelle organisation en groupement va à l’inverse de la structure sociale traditionnelle préétablie. Les groupements FITAHIA et KOPA, créés à Androka/Ambohibola en ont beaucoup souffert. Trop soucieuse de l’efficacité des sous – projets qu’elle a voulu mettre en place dans la communauté des pêcheurs, l’équipe d’appui technique auprès de l’ASSOS s’est contentée de considérer uniquement le niveau d’instruction comme critère de base pour la constitution des membres de bureau, tout en oubliant de consulter les chefs de lignages fondateurs. De ce fait, le choix de l’équipe technique tombe dans la plupart des cas sur des individus dont le statut social ne leur permet pas d’exercer la fonction de dirigeant dans la communauté, tandis que d’autres individus traditionnellement respectables n’ont pas rempli le critère requis. Sachons que dans le secteur méridional où le groupe Mahafaly Tanalana tient la majeure partie des habitants, le statut de dynastie compte beaucoup dans la société. Chaque communauté rurale dans le monde sous-développé est fondée sur une structure de base particulièrement originale. Elle détermine essentiellement toutes les organisations sociales et économiques de l’ensemble de la communauté. Tous les techniciens voulant travailler dans le milieu rural doivent d’abord maîtriser et respecter le fonctionnement traditionnel et spécifique de la communauté bénéficiaire, ce qui manque pour l’équipe d’appui technique de l’ONG - ASSOS à Androka/Ambohibola.

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(145) : Dans l’ensemble, les bailleurs de fond étrangers ou internationaux sont trop théoriques dans la conception de développement menée dans les pays sous-développés comme Madagascar, surtout quand il s’agit d’un appui au développement rural. De ce fait, plusieurs Projets /ONG travaillant avec eux ont du mal à mettre en œuvre leurs exigences par rapport à l’objectif prévu ils ont toujours voulu voir dans les rapports d’activités des résultats observables à l’aide des indices quantités. Ainsi bousculés leurs partenaires commettent parfois, des erreurs méthodologiques assez difficiles à réparer

235

Beaucoup de chercheurs connaissant le grand ensemble du Sud-ouest malgache ont remarqué que dans le milieu rural, les notables, les anciens, les détenteurs du pouvoir local, bien qu’ils ne soient pas toujours âgés et conservateurs se montrent assez souvent hostiles aux innovations proposées. Cela tient fréquemment au fait que les promoteurs des innovations n’ont pas toujours conscience de la véritable importance sociale, souvent peu apparente, des vrais détenteurs du pouvoir. On oublie généralement de s’adresser à eux autrement que lors de réunions « participatives » au cours desquelles beaucoup d’anciens restent volontairement effacés derrière les plus jeunes, habitués au dialogue avec des citadins ou des « vazaha ». Leur mise à l’écart de fait les rend hostiles ou méfiants à l’égard de l’innovation proposée. Ils emploient alors leur influence qui reste la plupart du temps considérable pour dissuader les gens placés sous leur autorité de participer franchement au projet. Ce phénomène est presque commun partout dans le milieu rural malgache. Le projet FAO – pêche a rencontré le même problème lors de son appui à la promotion féminine dans la zone. L’équipe d’encadrement technique n’a pas été très bien informée sur le fait que les communautés des pêcheurs du littoral constituent généralement des groupes différents dont les traditions sont essentiellement opposées. Ils vivent en cohabitation en tant que pêcheurs, unifiés par la prédominance des activités halieutiques, mais ils n’ont pas du tout les mêmes habitudes culturelles, or dans l’exécution du projet, l’équipe technique ne tient pas compte de cette réalité sociale. Vu l’occupation quotidienne des femmes non-Vezo, il ne sera pas facile d’ajouter d’autre chose dans leur emploi du temps, (voir Figure – 50 ). C’est pourquoi les efforts pour la promotion féminine ont été en échec, dans le secteur sud du littoral où la majorité des habitants sont du groupe non -Vezo. De plus, traiter les pêcheurs locaux comme de grands enfants à éduquer en classe est une grosse erreur commise par les vulgarisateurs des techniques modernes qui se sont succédés dans la zone. Qui dit vulgarisation dit éducation et, quand on parle d’éducation, la plupart des paysans pensent qu’il ne s’agit pas de chose d’adulte. Or dans la méthode adoptée par ces intervenants, les responsables d’animation agissent comme des enseignants de l’école primaire. Ils traitent les pêcheurs comme leurs élèves qui ne font qu’imiter le modèle proposé pour que ces derniers puissent accéder à une société plus moderne. Peut- être, c’est la seule façon pour réussir rapidement, mais, dans notre zone d’étude, agir ainsi est une grave erreur. Beaucoup de gens, en particulier les pêcheurs du groupe non – Vezo ne supportent pas toujours d’être considérés comme des enfants qui ne sont pas encore aptes à agir à leur profit.

236 Cette erreur méthodologique vient aussi de l’insuffisance de connaissance de base sur les communautés des pêcheurs locaux (146).

Légende : 1 : préparation du petit déjeuner ; 2 : temps libre ; 3 : puiser de l’eau ; 4 : chercher du bois de chauffe ; 5 : préparer le déjeuner ; 6 : s’occuper du produit de pêche ; 7 : faire d’autres activités ménagères ou sociales ; 8 : travailler le champ ; 9 : préparer le dîner ; 10 : compte rendu de la journée auprès du chef de famille ; 11 : préparation pou r le lendemain ; 12 : dormir

Figure - 50 : Emploi du temps d’une femme de pêcheur non Vezo

Source : enquête personnelle en 2005

Rappelons que notre zone d’étude fait partie du territoire tanalana qui form e un groupe non négligeable dans chaque village de pêcheurs sur le littoral du secteur sud.

------(146) De façon gén érale, l’erreur méthodologique commise par ces différents intervenants vient essentiellement de la forte tentation à standardiser la méthode d’approche adoptée partout, dans l’ensemble du littoral Sud – Ouest de l’île, de l’île. Pourtant, beaucoup de l’ens emble de différences notables existe entre les communautés des pêcheurs sur le littoral Vezo proprement dit et celles de notre zone d’étude. C’est pourquoi d’après le premier responsable du service de Pêche de Toliara en 2004, les bilans des activités effe ctués dans les deux zones ne sont pas toujours les mêmes. Comme nous avons déjà vu tout à l’heure, les femmes des pêcheurs non vezo ne sont jamais disponibles .

237 Dans son pays, le Tanalana est un groupe réputé par son caractère révolté et n’accepte facilement toute autorité qu’on lui fait subir (147) . Cette mentalité est à mettre en rapport avec son passé lointain. « …Tanalana, c’est une peuplade d’apparence assez rude, des fois mal conçue comme xénophobe, car, sans une structure de royauté, elle devrait toujours garder son territoire et son indépendance » (C F. PCD – ITAMPOLO – 2003 – P. 12). Ainsi, même s’ils sont devenus pêcheurs à part entière, ils gardent toujours cette mentalité peu obéissante, et voient dans la vulgarisation des nouvelles techniques une image de domination. Cela détermine en partie, leur rapport avec les techniciens. Enfin, il faut y ajouter que des personnels d’appui technique ont des problèmes d’intégration aux communautés villageoises, c’est aussi un autre handicap limitant la réussite des actions de développement effectuées sur le littoral mahafaly. Deux choses sont à l’origine de cette situation. Premièrement, la plupart de ces techniciens ne sont pas originaires de la région et ils supportent mal les conditions de vie sur le littoral par le problème de manque d’eau. Ils ont toujours essayé de limiter au plus court le délai de leur séjour sur terrain. Ces visites semi- passagères dans les communautés des pêcheurs locaux ne leur permettent pas d’établir une relation de confiance assez forte avec les villageois, or ceci est une des conditions indispensables pour le succès de toute action de développement entreprise en milieu rural. Deuxièmement, un grand nombre de personnels des ONG en particulier ceux qui s’occupent de l’encadrement des paysans sur terrain sont manifestement peu motivés. Très souvent à Madagascar, comme dans d’autres pays de l’Afrique Noire, une forme d’organisation de type ONG ou association n’est qu’un aspect de chômage déguisé surtout, quand elle ne fonctionne que par un système de sous-traitance. C’est exactement le cas pour l’ONG. COUT. Cette ONG est issue d’une organisation des étudiants océanographes de niveau supérieur au sein de l’IHSM. La plupart de ses membres sont dans l’attente d’une décision relative à la demande d’emploi déposée auprès du Ministère de la Fonction Publique ou d’autres Organismes intéressants, et à chaque sortie sur terrain, tout le monde se presse de rentrer à Toliara dans l’espoir de trouver à la maison, un petit courrier indiquant la réponse à leur demande d’emploi. Pour eux, le fait d’être personnel de l’ONG de ce genre n’est qu’une situation provisoire et éphémère. Ils restent là jusqu'à ce qu’ils trouvent quelque chose plus intéressante, leur permettant de garantir une situation plus stable (148).

------(147) Il a été dit que les Tanalana sont particulièrement désobéissants et ne supportent pas être sous – ordre de quelqu’un d’autre. Beaucoup d’opérateurs économiques de Toliara refusent d’emboucher ces gents tant qu’ils ont encore d’autre choix. (148) Les membres des ONG – COUT ne sont pas bien payés. (Voir tableau- 22 )

238 En fait, l’ONG n’est pas du tout leur priorité dans la vie et, malgré leur conscience professionnelle, beaucoup d’entre eux ne trouvent aucune motivation suffisante pour s’intégrer de façon approfondie dans les communautés des pêcheurs qu’ils abandonnent du jour au lendemain. A cela s’ajoute l’insuffisance des moyens matériels nécessaires mis à la disposition des ONG, en particulier, l’absence de voiture ou de moto – cross qui limite la mobilité de l’équipe chargée de l’encadrement technique auprès des pêcheurs. Ni l’ASSOS, ni la COUT ne dispose d’aucun moyen de transport motorisé pourtant indispensable étant donné l’éloignement de leurs zones d’intervention. Notre analyse nous révèle que le Gouvernement malgache a aussi sa part de responsabilité sur ce bilan décevant : manque d’information et de connaissance sur la réalité surtout, en ce qui concerne les régions reculées comme le cas de notre zone d’étude, difficultés dans la gestion de ressources et du budget de l’Etat, priorité donnée à l’appareil d’Etat et aux grands projets. Prisonnier du court terme, il n’a pas toujours réussi à définir une politique régionale et plus adéquate et à s’y tenir. Beaucoup de citoyens ont constaté que le Gouvernement malgache a manifesté une politique peu encline à la coopération régionale, peu sensible à la nécessité et à l’importance des échanges qui favorisent la complémentarité entre régions voisines ou entre pays voisins. Il a souvent cherché des modèles et des relations privilégiées avec des puissants partenaires plutôt que de chercher en lui-même, dans son territoire, dans sa culture, dans son voisinage et dans ces ressources humaines les facteurs déterminants de son avenir. De ce fait, les ONG ne sont pas bien assistées pour la réalisation de leurs programmes d’appui au développement sectoriel.

Tout cela constitue les principaux facteurs limitant du succès des ONG dans leurs actions sur l’ensemble du littoral mahafaly, or le service public chargé du développement de la pêche se trouve lui aussi dans une difficulté de plus en plus grave.

III : PLUS DE CHANGEMENT QUE DE DEVELOPPEMENT

L’indéniable mutation socio-économique qui s’est engagé actuellement sur le littoral mahafaly ne manque pas d’inconvénient. La société Vezo d’aujourd’hui est en crise. Elle se trouve confrontée à un choc culturel relativement fâcheux. Ceci se manifeste au niveau de budgets familiaux et par la perte progressive de son identité culturelle.

239 III – 1 : La grande modification de budgets familiaux

Dans l’ensemble, les budgets familiaux observés actuellement chez les pêcheurs Vezo ne présentent plus tout à fait le même visage qu’hier. Tableau – 42 : Type de budget familial :

Situation avant les années 90 Situation actuelle Besoins alimentaires besoins alimentaires Besoins vestimentaires Besoins vestimentaires Equipement de pêche Equipement de pêche Cérémonies traditionnelles prioritaires Confort en pleine croissance Loisirs en pleine croissance Cérémonie traditionnelle en déclin

Source : Enquête personnelle en 2005.

Le tableau - 42 montre qu’aujourd’hui, deux nouvelles rubriques viennent s’ajouter aux budgets familiaux habituels. Les conforts et loisirs figurent parmi les besoins indispensables à tous ménages des pêcheurs sur l’ensemble du littoral mahafaly, et c’est un signe de la pénétration de la culture urbaine. Depuis son ouverture vers le monde urbain plus particulièrement la ville de Toliara, la société vezo n’échappe plus à toutes les conséquences qui en résultent. Elle se trouve de plus en plus confrontée à l’influence démesurée de la civilisation urbaine. Parfois, celle-ci se traduit par un choc culturel très important surtout chez les jeunes. Ces derniers dépensent des sommes importantes pour les achats vestimentaires qui pèsent très lourd sur les budgets familiaux En outre, l’alcoolisme commence à se répandre largement dans les communautés des pêcheurs. En fin d’après midi, il n’est pas rare d’observer dans beaucoup de villages, des jeunes pêcheurs qui se réunissent dans un petit bar local et boivent ensemble de boissons alcoolisées d’origine industrielle, tout en dansant. Souvent, chaque petit bar du coin est animé par radiocassette qui marche à plein volume. Aujourd’hui, les pêcheurs locaux ne s’intéressent plus aux boissons alcoolisées de fabrication locale ( Toaka gasy ), qu’à l’occasion d’une cérémonie traditionnelle. Selon eux, la qualité de boisson n’est plus à la mode et les Tanalana agro – éleveurs, anciens fournisseurs de « Toaka gasy » en subissent le contrecoup pour leur source d’argent. (C F JP. RAHERINIRINA – 2012). Cette assimilation de la culture urbaine crée chez eux une sorte de nouveaux besoins quotidiens modifiant la destination du budget familial par radiocassette, meubles de salon…etc., qui augmentent les soucis d’argent par un envahissement des marchandises d’origine urbaine dans la zone. Dans le contexte actuel, « tout pour l’argent » devient le mot

240 d’ordre et, le développement du commerce des produits halieutiques constitue un grand inconvénient au niveau du régime alimentaire des habitants. A cause d’un besoin davantage d’argent, la qualité de poissons réservée à la consommation familiale baisse au profit de la vente, ou bien elle n’est plus constituée que des poissons de basse qualité ou de faible valeur nutritive. Parfois, sous l’influence croissante de la civilisation urbaine, l’originalité du groupe Vezo s’efface peu à peu.

III - 2 : Une perte progressive de l’identité culturelle vezo

Du fait de l’assimilation croissante de la culture urbaine, l’identité culturelle vezo se détériore. L’ordre social traditionnel voit son importance diminuer dans la société ; le pouvoir traditionnel commence à être dépassé par le pouvoir économique en termes d’influence sociale et le culte de « Vorombe » décline. Il semblerait que le groupe Vezo commence à perdre son originalité. Dans les communautés villageoises fortement influencées par la modernité, en particulier à Anakao, le respect des personnes âgées n’est plus exemplaire. Les jeunes d’aujourd’hui commencent à négliger la nécessité d’avoir consulté les « olobe » (les notables) avant d’agir, pourtant c’est la coutume qui détermine l’ordre social traditionnel. Ainsi, dans le cas de conflit entre deux individus ou des groupes d’individus différents, certaines personnes préfèrent actuellement saisir directement la justice, au lieu de faire appel à un arbitrage auprès du chef de lignage (149). Il est certain que le nombre de recours à la justice pour des litiges peu importants augmente, malheureusement nous n’en avons pas des chiffres exacts. A Anakao, il y a l’apparition du phénomène de prostitution où beaucoup de jeunes filles acceptent facilement de coucher avec un homme uniquement pour payer un billet d’entrée à une séance de film vidéo. C’est ainsi que les jeunes adolescentes viennent grossir le rang des ménages sans pères de famille (150). Certaines d’entre elles ne savent pas exactement à quoi s’attendre quand elles ont des relations sexuelles, ni ce qui veut dire devenir enceinte. Elles ne font apparemment pas toujours le lien entre les rapports sexuels et la maternité Lors de notre enquête sur le terrain, plusieurs adolescentes de 13 à 17 ans disent avoir été choquées ou surprises lorsqu’elles ont découvert qu’elles étaient enceintes, même si elles n’avaient pas eu recours à la contraception.

------(149). Le recours à la justice marque la coupure totale de toute sorte de relation agréable en deux adversaires. Dans ce Stade, il n’y aura plus de réconciliation possible qu’après deux ou trois générations successives. Cela est commun partout dans le monde rural du grand ensemble du Sud-ouest malgache (150) Cette situation est à mettre en rapport avec l’absence de cours d’éducation sexuelle dans l’enseignement primaire et secondaire. Elle se solde par des grossesses précoces, dès les premières expériences sexuelles .

241 D’une manière ou d’une autre, les jeunes mères célibataires s’en remettent complètement aux hommes surtout, quand leurs parents ou amis ne peuvent plus les prendre en charge. A Anakao, un village touristique, le cas se multiplie rapidement. Nombreuses sont des femmes célibataires sans emploi stable et à bout de ressources qui se voient contraintes pour pouvoir se nourrir, se vêtir, de recourir à la seule autre ressource qu’elles disposent à savoir leur corps et se prostituent pour survivre. D’ailleurs d’après elles, c’est la seule façon pour devenir un jour, la femme de « Vazaha » D’une façon générale, la structure du pouvoir traditionnel ne se voit plus clairement qu’à l’occasion d’une cérémonie traditionnelle. Beaucoup de voyageurs ou d’opérateurs voulant séjourner pendant quelques semaines au village n’ont plus besoin de se présenter auprès du chef de lignage après avoir visé leurs carnets de passeport au bureau de l’autorité légale : le chef Fokontany ou le Maire de la commune rurale sur place. En ce qui concerne le déclin du culte de Vorombe, le « Fihisà bevata », la grande cérémonie du Vorombe qui devait normalement se tenir une fois par an impliquant le sacrifice de plusieurs bœufs ne se voit plus presque partout sur le littoral mahafaly dès l’année 2000 (C. f. J-P RAHERINIRINA 2012). Il va de soi que le groupe Vezo commence à perdre son identité culturelle (151). Actuellement, cette situation aboutit à une conséquence sociale relativement fâcheuse. Le phénomène de divorce devient plus fréquent dans les communautés des pêcheurs. En principe, la culture Vezo basée sur la pêche en mer est peu favorable à la séparation de couple, car ceci s’accompagne d’une forte croyance à la force surnaturelle (CF. Chapitre II- III – 2) . Les pêcheurs Vezo croient que l’esprit « Vorombe » veille sur ceux qui ont manifesté une bonne conduite envers la société en particulier la famille, et n’hésite pas non plus de punir ceux qui font du mal par exprès. Quant à la femme du pêcheur, elle est aussi responsable du succès de l’opération de pêche et la sécurité de son mari en pleine mer. Selon la croyance confirmée par le possède « Vorombe », il est strictement interdit à la femme de tromper son mari, surtout pendant le moment où celui-ci est encore à la pêche, car les rapports de respect et de confiance réciproque renforcent l’amour qui relie le couple.

------(151) La pénétration progressive du christianisme dans la zone est en partie responsable de l’ébranlement de la croyance à l’esprit Vorombe chez le groupe Vezo

242 Rappelons que le groupe Vezo est réputé par son caractère particulièrement pacifique et très sympathique. Cette attitude est à mettre en rapport avec la dite croyance et, l’ébranlement de celle-ci va compromettre cette agréable atmosphère sociale préétablie.

Au total, il faut dire que beaucoup de facteurs empêchent le véritable progrès des conditions de vie de la population sur le littoral mahafaly, néanmoins, ces obstacles ne sont pas impossibles à surmonter

243

Chapitre - IX

Suggestions pour des solutions à envisager pour l’avenir de la société vezo

« Un paysan qui ne participe pas directement à l’orientation de son existence à la gestion de sa vie économique, sociale, culturelle etc., se démobilise » (Claude PAVARD 1986 : « structures rurales, agents de développement », in Le COURRIER n° 99 - pp – 91 – 92- p. 92)

L’analyse des principaux facteurs de blocage du développement de la société de pêcheurs du littoral mahafaly nous a permis de dégager des solutions envisageables. Comme l’indique notre fameux « arbre des solutions » (Figure – 51), lorsqu’une communauté se sent responsable d’un problème, elle fait des efforts pour le résoudre, crée des moyens et des plans d’opération ou des stratégies, s’organise et répartit les tâches en fonction du caractère, du tempérament et de la compétence de chaque membre. Plusieurs experts en développement rural affirment que l’autodétermination contraint à l’autoformation. Cette présentation graphique de la situation en perspective révèle aussi que l’action psychologique de la maîtrise de soi sur tous aboutit aux activités réfléchies issues d’un esprit rationnel, ce qui entraîne la naissance et entretien d’une conscience professionnelle aiguë. Ainsi, des résultats de plus en plus améliorés s’ensuivent inéluctablement. Une certaine quiétude naît par la suite et, la communauté commence à aimer son territoire. Une très bonne volonté pour la préservation de l’environnement se voit de façon remarquable dans le comportement de chaque individu, et l’unité de groupe s’affirme, s’achemine vers une prise de conscience collective qui, si tout s’agence bien, (à long terme) entraîne ipso facto l’unité régionale. Tout cela débouchera sans aucun doute à un développement durable. Toutefois, décrire tous les éléments nécessaires à la solution d’un problème est une chose, mais organiser ces éléments pour constituer un outil efficace et durable en est une autre. Pour le cas du littoral mahafaly, on ne doit plus se contenter de recherche des techniques ou de choisir des spéculations. Il convient de penser à un système qui serait capable de l’intégrer.

244 Ce système doit être conçu en fonction des contraintes du milieu naturel (cf. Chap. I, p30 à 50), du milieu social et cultuel (cf. Chap. II, p.53 à 83), technologique et économique (cf. Chap. IV, p.108 à 128), politique et administratif. Ce dernier chapitre se propose d’avancer une sorte de démarche permettant d’atteindre ce changement en perspective. Il comportera deux grands axes d’idée : - Le premier démontrera la grande priorité à accorder au développement humain. Le développement envisagé pour l’ensemble du littoral mahafaly est proposée d’après la présentation graphique ci-dessous, comme un processus à réduire la pauvreté, l’ignorance et les mauvaises habitudes des habitants. Dans ce cas, le processus doit nécessairement tenir compte au départ du niveau de compétence et de l’expérience de la population considérée. Le second parlera de la nécessité d’un changement progressif du système d’exploitation des ressources halieutiques en faveur d’une coopérative de pêche, un système plus prometteur. La mise en œuvre d’un tel processus exige une nouvelle stratégie de réorientation des capacités et des aptitudes de la population locale, afin d’utiliser son énergie de manière plus efficace. Cela suppose entre autres une mobilisation des forces collectives de production de la population locale.

.I - : PREMIEREMENT : LA GRANDE PRIORITE EST A ACCORDER AU DEVELOPPEMENT HUMAIN

« Le modèle de développement et le croissance qu’exige la réduction de la pauvreté à Madagascar intègre le principe de développement humain durable… la participation de chaque individu et d’une juste répartition des fruits de la connaissance qui en résulte ainsi que de l’amélioration des conditions vie de l’ensemble des couches de la population » (Stratégie Nationale de Lutte Contre la Pauvreté. Art. 97 – P. 21). Le bilan des activités de développement entreprises dans la zone a montré que dans l’ensemble, les habitants du littoral mahafaly ne sont pas encore suffisamment préparés pour un changement d’un système de production plus moderne. Par conséquent, leur participation active dans les appuis au développement destinés à leur faveur n’est pas très évidente.

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Vers une meilleure Condition d’existence

Exemplarité Efforts

Unité de la communauté Recherche de créativité régionale

Unité de la Organisation communauté villageoise

Communauté Autodétermination Amour du territoire responsable

Formation ou auto Conscience de la formation communauté

Self - contrôle Résultats améliorés

Activités réfléchies Conscience

Education des professionnelle habitants

Figure – 51 : Arbre des solutions envisageables

Un dicton africain, plus précisément sénégalais dit que « On ne peut en même temps procurer à l’homme la femme à marier et lui fournir le toit pour l’accueillir ». Le problème socioéconomique de notre zone d’étude s’apparente à cet adage populaire. Selon Lucien PAGMI .1990 : « Le développement est moins une affaire de ressources naturelles ou financières qu’une question de capacité d’organisation et de saine gestion des moyens dont on dispose de quelque provenance qu’ils soient ».

246 Ainsi, entant que facteur fondamental du développement, l’éducation de la population est absolument prioritaire,

I – 1 : Renforcer l’appui à l’éducation de la population du littoral

« La simple implantation d’un centre qui attire les capitaux désireux de s’investir dans les équipements industriels, si indispensable qu’elle soit pour l’expansion économique future ne sert pas de catalyseur susceptible de transformer une société esclave de tradition en une société moderne. Pour que ceci se réalise, il faudra nécessairement une transformation sociale complète, une métamorphose massive des habitudes, une réorientation des valeurs relatives au temps, aux conditions de vie, à l’argent et au travail » (Robert. L. HEILBRONER 1968 – Le Grand Essor P. 40) I – 1 – 1 : Améliorer l’accès des enfants à l’éducation primaire

Quant au problème de l’éducation qui marque notre zone, il convient en premier lieu d’améliorer l’accès des enfants, filles et garçons à l’éducation primaire à travers la réhabilitation et la construction d’école répondant aux normes de qualité, afin de réduire les disparités géographiques. Seule l’éducation permettra à la communauté des pêcheurs de lutter contre l’habitude culturelle défavorable à la promotion de l’égalité des genres. Cet effort nécessite la conjugaison de bonnes volontés effectives entre les entités concernées dont les Ministères de l’Education Nationale et de la Population, les collectivités décentralisées et les communautés intéressées. A ce propos, le Rapport National sur le Développement Humain de Madagascar, édité en 2003 avança une suggestion tout à fait convenable et applicable dans l’ensemble du littoral mahafaly (152). Il est ensuite nécessaire d’envisager de mesures incitatives en faveur de ceux qui ont manifesté un grand enthousiasme sur l’éducation des enfants. Par exemple, offrir des cadeaux de valeur pouvant stimuler l’ambition publique pour qu’une véritable course à l’éducation des enfants s’opère dans chaque communauté villageoise.

------(152) « …, la loi relative à l’obligation pour les parents de scolariser leurs progénitures jusqu’à l’âge de 14 ans permet de prévenir les déperditions scolaires et pourrait être appliquée en responsabilisant les communautés villageoises par l’application des « dina ». On pourrait suggérer que le montant des amendes à payer soit dissuasif et qu’il soit proportionnel à la durée de la non scolarisation (nombre de mois) pour éviter les inscriptions fictives en début d’année scolaire. En outre, les obstacles entravant l’inscription des élèves à l’école doivent être éliminés. L présentation d’un bulletin de naissance lors de l’inscription scolaire ne doit pas être obligatoire. Par contre on pourrait demander aux parents de régulariser l’enregistrement de leurs enfants au cours de l’année scolaire De même, le ministère de l’éducation par le biais des CISCO, en collaboration avec le ministère doit effectuer régulièrement des inspections pour s’assurer de l’effectivité des mesures.( C. f Madagascar RNAH – 2003 –P. 146 )

247 Il est préférable d’organiser la cérémonie de remise de prime à l’occasion d’une grande journée officiellement célébrée chaque année, comme la rentrée solennelle, la journée des écoles…etc., en présence de toutes autorités administratives concernées afin que cet effort d’encouragement prenne un caractère officiel, plus honorable à l’égard de la communauté tout entière. Les cadeaux à offrir aux parents exemplaires doivent être des engins de pêche plus moderne. Cette initiative peut avoir deux grands avantages. D’une part, par cette mesure incitative, les pêcheurs locaux comprennent tout de suite, la liaison étroite entre leur investissement à l’éducation des enfants et l’amélioration de leur niveau de vie. Comme il a été déjà vu, la patience des pêcheurs Vezo n’est pas tout à fait exemplaire, ils n’ont pas l’habitude d’attendre longtemps le fruit de leur labeur (153) . D’autre part, l’ONG responsable ou le Service de pêche trouvera dans cette initiative, une bonne occasion de vulgariser plus facilement les nouveaux engins de pêche modernes et plus efficaces assurant aux pêcheurs locaux d’améliorer la rentabilité des leurs activités. Par conséquent, les parents d’élèves récompensés peuvent jouer un rôle pilote dans leur village respectif, qui va susciter l’engouement des tous les villageois à l’égard d’une modernisation de moyen de production. La conséquence est à souligner : un changement irréversible de la mentalité de l’ensemble des pêcheurs locaux, condition nécessaire pour un véritable développement durable. Dans le cadre de ces actions, il est important de soutenir la scolarisation des enfants issus de familles pauvres par des mesures favorables à leur égard en offrant de bourses d’études, de fournitures scolaires, exemption de frais de scolarité…etc., afin de maintenir ces élèves le plus longtemps possible, dans le système scolaire et de les aider à gravir les différents cycles. On peut également appliquer le même système à tous les élèves méritants pour encourager les élèves à parfaire leur scolarité (C. f. Madagascar RNDH 2003). Dans ce cadre, il s’agit de mettre en œuvre des programmes d’actions destinés à la scolarisation primaire des jeunes filles, et que les cursus d’enseignement soient essentiellement adaptés aux réalités régionales. L’objectif étant de préparer à l’avance les jeunes filles d’aujourd’hui pour devenir ultérieurement des femmes instruites, favorables à toutes actions de développement envisageables. « Il a été montré que les enfants des femmes instruites ont plus de chance que les autres d’échapper à la pauvreté…la non scolarisation des femmes favorise donc la transmission intergénérationnelle de la pauvreté » (Op. Cit. - P. 146)

------(153). Rappelons que l’éducation des enfants est un effort de longue haleine. Il faudrait attendre patiemment au moins une décennie avant que le résultat économique des efforts investisses là-dessus n’arrive. C’est pourquoi, dans le milieu rural, les parents en sont manifestement peu motivés.

248 Toutefois, tout cela ne pourrait jamais se réaliser sans une mesure d’incitation adéquate accordée à tous les personnels administratifs désignés à travailler dans cette zone littorale.

I – 1 – 2 : Encourager le départ des fonctionnaires de l’Etat pour travailler sur l’ensemble du littoral mahafaly

Comme il a été dit, le littoral mahafaly est considéré depuis longtemps comme un foyer d’affectation disciplinaire, et il faudrait trouver les moyens permettant de renverser cette situation. Cela suppose une volonté politique de la part de l’administration. Sur ce point, notre suggestion consiste à encourager les fonctionnaires qui veulent travailler sur le littoral mahafaly par des avantages appréciables d’éloignement. Par cette perspective, le littoral mahafaly deviendra certainement une zone d’affectation intéressant les personnels administratifs voulant gagner une majoration de gains. Ils seront plus courageux pour affronter la rigueur des conditions naturelles caractérisant leur poste respectif, tout en acceptant sans se plaindre les conditions du travail particulièrement difficile auxquelles ils doivent y faire face, car ce sont eux-mêmes qui ont choisi d’être là. Autrement dit, cette initiative permettra d’attirer un grand nombre de fonctionnaires, non seulement courageux, mais surtout, manifestement animés par une conscience professionnelle assez poussée. Le problème d’insuffisance d’enseignants sera sans doute résolu (154) , ce qui permettra d’espérer une augmentation rapide du taux de scolarisation. Pour encourager les enseignants à parfaire leur travail, il est envisageable une sorte de récompense particulière destinée à tous ceux qui ont manifesté une grande performance dans leur travail par les résultats des examens, la diminution du taux d’abandon, l’amélioration du niveau général des élèves…etc. Tous les personnels enseignants de l’ensemble de la zone littorale doivent être au courant de l’existence de cette offre dès le début de l’année scolaire, afin de stimuler leur volonté à améliorer en termes d’efficacité, leur système de travail. Pour l’enseignement primaire, la récompense promise sera offerte publiquement aux meilleurs enseignants par commune. Par exemple, chaque année quatre enseignants modèles obtiennent des récompenses. La cérémonie de l’offre de prime se déroule le même jour que celle que nous avons proposée pour les parents d’élèves modèles. De préférence, la récompense promise ne doit pas être une somme d’argent, mais plutôt une bourse de stage à Antananarivo pendant les vacances ou bien même à l’extérieur comme à la Réunion, pourquoi pas.

------(154) Dans le contexte actuel, où le salaire des fonctionnaires ne permet plus à offrir à ces derniers qu’une condition de vie de plus en plus misérable, nous sommes particulièrement certains que le littoral mahafaly deviendra le centre de rendez-vous de plusieurs fonctionnaires. A ce moment là, le problème résoudre sera l’excès des personnels enseignants.

249 Le nombre de trophées remportés doit avoir un grand effet au niveau de l’avancement de grade de l’intéressé. Cette mesure entraînera deux grands avantages : D’une part, elle va déclencher une véritable « compétition professionnelle » entre tous les enseignants travaillant dans la zone tout entière, donnant naissance à une culture d’excellence et d’élitisme professionnel. Ce changement de mentalité se manifestera par une conscience professionnelle de plus en plus solide. Tout cela tendra vers une amélioration spontanée des résultats scolaire et de la qualité de l’enseignement sur l’ensemble du littoral mahafaly. Les enseignants travaillant dans une ambiance d’effort continu dicté par un remarquable autocontrôle facilitera la tâche des inspecteurs responsables de la dite zone. D’autre part, ce changement de mentalité manifestement observé chez les enseignants constituera pour les élèves un véritable levier très efficace, leur permettant de réaliser au maximum performance dans leurs activités scolaires. Nous espérons qu’avec une telle mesure, le domaine de l’enseignement longtemps négligé partout sur la grande île retrouvera progressivement dans la zone, sa dignité qu’il mérite et, cette profession cessera d’être considérée comme étant un autre aspect de chômage déguisé. De plus, l’intégration de l’éducation sanitaire des enfants dans le programme scolaire est essentiellement indispensable pour qu’il y ait véritablement un développement humain. La santé joue un rôle relativement déterminant dans le rendement scolaire des enfants. A ce propos, citons un petit passage dans le RNDH : « En outre la relation entre l’éducation et la santé est interdépendante puisque le rendement scolaire des enfants est aussi conditionné par leur état de santé. L’éducation sanitaire devrait commencer dès les classes du niveau primaire et faire partie des matières à enseigner tous les ans à partir de la classe préparatoire » (Op. – cit. p. 149) Pour l’enseignement secondaire, on peut également utiliser le même système, afin d’assurer une bonne continuité des efforts déjà entamés depuis les classes primaires. A ce niveau, il nous semble nécessaire d’insérer dans le programme officiel, l’éducation sexuelle dès la classe de 6éme. L’objectif est de préparer dès leur adolescence ces « futurs parents » à comprendre l’importance du planning familial d’une part, et de comprendre la relation entre la santé et la sexualité d’autre part. Tout ce qui a été vu concerne la redynamisation de l’éducation des enfants et des adolescents. Mais que peut – on faire dans l’immédiat pour les adultes ?

250 I – 1 – 3 : Renforcer le volet Education/Formation professionnelle dans les programmes d’activité des ONG

« Le développement se fera avec la participation active des femmes ou il ne se fera pas » (M. VAN DE VELDE – 1985) Tout effort de développement rural n’aboutit jamais à un résultat satisfaisant, tant qu’un grand nombre de la population, notamment les femmes n’a pas accès à l’éducation, formation, à cause d’une influence des stéréotypes et des normes culturelles défavorables à la promotion de l’égalité des genres. Tel est donc ce qu’on peut retenir sur le fond de problème rencontré par les ONG travaillant dans la zone. Il convient ici de procéder à un système éducatif spécifique pour lequel, tout le monde pourrait en bénéficier. Il a été reconnu que, beaucoup de femmes seront condamnées à vivre en marge de toute possibilité de développement si on n’arrive pas à trouver quelque chose pouvant leur donner plus de chance aux actions de développement. D’après l’analyse de l’Unicef, si les femmes sont repoussées en marge de la société comme elles le sont actuellement dans une bonne partie du monde en développement, l’humanité est condamnée à souffrir. Et pas seulement la moitié féminine de l’humanité, puisque ceux qui sont abaissés entraînent nécessairement l’autre moitié avec eux. (C. f Rapport International de l’Unicef – 2003. Toutes les expériences vécues partout dans le monde ont montré que les inégalités de genre peuvent contribuer au renforcement de la pauvreté ou à l’émergence d’autres formes de misère populaire.Selon N. MANDELA : « Les discriminations engendrent beaucoup de contraintes – limitant énormément les capacités individuelles » (155) Ainsi, dans notre zone d’étude, la question de droit de la femme ne doit pas être considérée comme un problème secondaire du développement auquel, il n’y aurait lieu de s’attaquer qu’une fois le progrès économique assuré. C’est une question qui est au centre du problème global que constitue le développement. Chez le groupe non Vezo notamment, la mère de famille assure presque entièrement le bon fonctionnement de la vie familiale : nourrir les enfants, s’occuper de leur santé et de l’éducation…etc. Ainsi, nos propositions d’actions intègrent à la fois la lutte contre la discrimination selon le genre et celle contre la pauvreté en s’attaquant aux contraintes sociales et en offrant aux femmes les conditions nécessaires permettant de renforcer leurs potentialités économiques (156).

------(155) Traduction française d’un petit passage du premier discours officiel prononcé par N MANDELA à Pretoria, après sa libération en 1989, rapporté par le courrier N° 134 – 1989 – P. (.156) : Ces propositions font partie des suggestions avancées dans Madagascar RNDH – 2003, et dans ce cas, elles peuvent être appliquées au niveau national.

251 Il est donc strictement recommandé ici de prendre les mesures nécessaires et spécifiques, pour faire participer effectivement les femmes au développement, ainsi que pour réorienter leurs activités afin de mieux les atteindre. Dans cette perspective, le premier objectif des ONG sera de trouver des moyens permettant à toutes les femmes des pêcheurs d’obtenir une disponibilité suffisante pour des activités destinées à la promotion féminine organisées dans leurs communautés. Mais que faire ? Dans le contexte actuel, rétablir un meilleur rapport de confiance entre les intervenants (ONG) et la population locale par le biais d’une action concrète est essentiellement nécessaire. Par exemple, il convient d’envisager une campagne de vulgarisation des nouvelles cuisinières simples, et pouvant être fabriquées localement au profit de la population locale. Il s’agit de foyer amélioré permettant d’augmenter d’environ trois fois l’efficacité du combustible et de gagner beaucoup de temps disponible pour d’autres activités plus rentables, (Education/Formation). En Afrique Noire, notamment dans les pays d’Afrique sub-saharienne où la recherche de bois de chauffe est de plus en plus difficile, la vulgarisation de foyer amélioré depuis le début des années 90 a considérablement changé la vie des habitants dans le milieu rural. Au Ghana, l’introduction de cuisinières simples de fabrication locale représenterait par famille une économie annuelle de 200 journées par homme d’un dur labeur. (C.F : Emission Documentaire à la T.V.M., le 11/03/08 vers à 10heures 15mn). L’expérience vécue en Afrique Noire depuis deux décennies a démontré qu’une moindre modernisation technologique apportée à l’appareil ménager suffit pour changer énormément la vie dans le milieu rural. Ce phénomène figure parmi les principaux facteurs qui favorisent la réalisation de projets destinés à l’amélioration des conditions d’existence des paysans. A priori, nous ne voyons aucun inconvénient d’envisager la même chose sur l’ensemble du littoral mahafaly. Pour prendre un exemple simple dans notre zone d’étude, nous pouvons évoquer le cas des habitants d’Itampolo qui consacrent par an, plus de 180 journées de travail humain, travail de femme en général à rassembler des bois de chauffe pour faire cuire la nourriture à la famille en une journée sur deux. Comme ils déboisent au tour d’eux, ils sont obligés d’aller de plus en plus loin et de consacrer de plus en plus de temps pour trouver de nouvelles coupes et pour transporter le bois coupé qui est ensuite brûlé dans le foyer souvent en plein air.

252 On peut espérer qu’avec ce système de foyer, la population locale économiserait annuellement environ 120 journées par mère de famille, d’un travail assez pénible et avec le temps ainsi économisé, les ONG pourraient intervenir de façon efficace et permanente. Le premier avantage de cette économie d’énergie humaine dans la lutte quotidienne pour la survie est d’ouvrir la voie d’une nouvelle utilisation plus rentable de cette énergie. D’ailleurs, c’était le premier objectif visé dans cette initiative. La meilleure façon de l’utiliser serait avant tout de l’orienter vers des tâches éducatives pour apprendre à la population locale comment mieux vivre, en comprenant mieux et en respectant les règles de base en matière d’hygiène sur l’exploitation rationnelle des ressources naturelles et d’alimentation

Photo 26 : Des femmes qui viennent de chercher du bois de chauffe à Itampolo. Cliché : l’auteur en 2OO5

Figure - 52 : Utilisation schématique d’une nouvelle cuisinière vulgarisée en Afrique noire, mais envisageable pour le littoral mahafaly

Source : A TIBERGHIEN – 1984. In Le Courrier N° 83 P. 87

253 Pour assurer l’efficacité de cette nouvelle cuisinière, il faudrait que le bois de chauffe soit poussé plus à l’intérieur. Selon Michel RINGUET : « C’est la connaissance qui est nécessaire, beaucoup plus que les machines ou les matériels coûteux » (157). Il est incontestable que le soutien accru apporté aux femmes dans le domaine d’éducation/formation contribue beaucoup à modifier leur façon de penser et de voir les choses. D’ailleurs, plus les femmes sont instruites, moins elles ont d’enfant, car elles sont plus enclines à pratiquer le contrôle des naissances et à fonder leur famille plus tard. De plus, l’introduction de ce foyer amélioré s’inscrit dans le cadre de la gestion de l’environnement, étant donné que la consommation en bois de chauffe diminuerait considérablement. Diffuser une nouvelle technologie dans le milieu rural n’est pas chose facile, surtout lorsqu’elle se heurte à des siècles de traditions établies. Toutefois, les économies de bois de chauffe que permet ce foyer amélioré seront tellement grandes et son confort d’utilisation si évident qu’il faudrait souhaiter qu’il entre au plus tôt possible dans toutes les cuisines des habitants de la zone. Cette région doit coûte que coûte arrêter la destruction dramatique de sa couverture végétale. La vulgarisation de ce nouveau système de foyer amélioré dans la zone doit être précédée d’une forte campagne de sensibilisation destinée à faire comprendre aux habitants locaux l’importance et l’avantage obtenu en l’utilisant dans la vie quotidienne. Elle doit avoir lieu chaque jour du marché hebdomadaire dans les chefs lieu de Commune Rurale, l’objectif est de montrer publiquement, l’efficacité de ce nouveau système de cuisinière . En agissant ainsi, l’information est plus vite véhiculée partout dans la région, étant donné que le jour du marché permet l’échange d’informations inter villageoises. Beaucoup de chercheurs ont constaté que la mise à la disposition et en circulation d’informations technologiques auprès des sociétés se trouvant hors de circuits de communication est une démarche de base pour favoriser le développement et l’appropriation de la technologie. Selon G. CROMBRUGGHE (1983) P.65 : « C’est par l’information que les sociétés prennent conscience de l’existence d’alternatives technologiques». La campagne de sensibilisation et d’information ne doit pas s’arrêter avant que l’enthousiasme de la population locale ne soit pas manifestement évident.

(157) Communication de M. RINGUET – vice recteur à l’Enseignement et à la Recherche – Université de Québec à Rimouski – Emission Documentaire – TVM le 16/09/2007 à 15 heures .

254 Dans cette condition, la vulgarisation proprement dite ne se heurtera pas à aucune réticence de la part des habitants, et ce sont eux-mêmes qui réclameront le changement radical de leur technologie habituelle, ce qui marquera un début d’un développement effectif. Mais pour mieux encourager les habitants locaux à abandonner leur vieux système de foyer habituel, il convient d’accorder une certaine faveur à tous ceux qui sont manifestement intéressés à ce changement technologique. Par exemple, une offre d’engin de pêche plus moderne et à prix réduit en faveur de tous ceux qui se procurent d’un foyer amélioré auprès du vulgarisateur, dans les trois premiers mois, ceci entrainerait un esprit d’émulation pour l’acquisition de matériels modernes. Cette mesure incitative se manifeste comme étant une arme à double tranchant. Elle permet à la fois d’accélérer la vulgarisation du nouveau système de cuisinière, tout en favorisant la croissance de produits de pêche par famille. La pénétration de la nouvelle technologie dans la zone se traduit par une création de plusieurs nouveaux emplois chez les communautés des pêcheurs. Mais il convient de souligner que lorsqu’une société ne domine pas la technologie qu’elle utilise, c’est elle qui est dominée par cette technologie et par ceux qui la maîtrisent. Il importe que la population locale connaisse et évalue clairement ses propres forces pour trouver parmi les alternatives techniques existantes, celles qui lui conviennent le mieux et qu’elle peut maîtriser. Dans ce cas, les ONG doivent former un certain nombre de jeunes issus des différents villages sur le littoral, tout en mettant à leur disposition, les moyens nécessaires qui leurs permettent de fonder un modeste atelier de fabrication des foyers améliorés dans leur village respectif. Il est préférable si les ONG s’occupent d’abord de la vulgarisation proprement dite jusqu'à ce que les techniques de fabrication et d’entretien soient parfaitement transmises à la population locale. Toujours dans le cadre de la préparation d’un meilleur avenir pour les femmes des pêcheurs, il convient également d’envisager la redynamisation des activités artisanales que le projet FAO pêche avait déjà entamées dans la région. Les groupes des femmes ainsi constitués n’auront pour premier objectif d’introduire du travail salarié, mais plutôt de modifier profondément la situation des tous les membres par la conscientisation, la formation et l’organisation professionnelle. De préférence, ces actions seront menées par des animatrices sociales malgaches bien motivées, ayant une très bonne capacité de communication et éventuellement une ou deux coopérantes étrangères. L’appui technique du Centre National de l’Artisanat Malgache (CENAM) sera indispensable.

255 Les activités artisanales convenables aux femmes des pêcheurs locaux seront celles qui fabriquent des objets spécifiques à partir des matières premières locales, et pas très difficiles à trouver (158) . Les membres du groupe doivent être en même temps conseillés dans le domaine de commercialisation, de la comptabilité et de l’alphabétisation notamment pour celles qui en ont besoin encore et de la santé. D’abord, ces groupes seront nés des nécessités de la vie quotidienne dans le village, ils répondent à l’obligation urgente d’accroître les revenus familiaux ainsi qu’aux besoins d’éducation et de communication sociale. Il s’agit d’examiner ici dans quelle mesure ces femmes réunies dans ces groupes peuvent atteindre leurs objectifs et quelle est l’importance de la rentabilité pour leur avenir ? Le rôle des ONG consiste essentiellement à encadrer les groupes pour qu’ils y aient un sens aigu de responsabilité, capable de bâtir ensemble un avenir meilleur. Les membres doivent aussi recevoir dans les groupes une formation professionnelle appliquée et continue dont elles contribuent à déterminer le rythme et le niveau technique à mettre en œuvre. Etant donné que ces groupes travaillent en utilisant les matières locales, la formation doit s’accompagner d’une initiation a l’environnement puisque ce sont les femmes elles-mêmes qui cherchent ce dont elles ont besoin dans la nature car, elles choisissent aussi la qualité de matériaux convenables à leurs activités. Autrement dit, ces femmes apprennent à découvrir elles-mêmes, les richesses de leur environnement. Ce processus va les permettre de connaître de plus en plus leur milieu physique tout en comprenant le rapport qui existe entre ceci et leurs activités quotidiennes. Tout cela se traduit par une grande volonté à la gestion rationnelle des ressources naturelles disponibles dans leur zone d’influence. Conjointement à toute activité éducative prévue dans le programme, des cours d’éducation sanitaire au sens le plus large du terme doivent être donnés aux groupes de femmes, en particulier un programme en matière d’hygiène et de médecine préventive, planning familial et éducation sexuelle, initiation à la puériculture en favorisant tout particulièrement les médicaments locaux traditionnels.

Dans ce cas, ces femmes seront les seules à connaître l’utilisation des plantes médicinales dans leur territoire et elles seront donc à la fois enseignantes et élèves dans la promotion de la médecine traditionnelle. Cela s’inscrit actuellement dans le cadre de la politique du Ministère de la santé publique malgache.

------(158) La disponibilité et la maîtrise des fournitures sont cruciales et indispensables. Des problèmes peuvent se poser s’il y a déjà une demande concurrente pour certaines des matières comme c’était le cas dans le projet de Savonnerie au Ghana et en Tanzanie au début des années 80. Ces projets ne pouvaient pas toujours obtenir les livraisons d’huile lorsque celles-ci étaient nécessaires pour produire de l’huile de table

256

En agissant ainsi, il est permis d’espérer que l’éducation et la libération de l’énergie humaine consécutive à la suppression des tâches ingrates chez la population villageoise ne font qu’améliorer radicalement la qualité de la vie. Elles dégagent aussi un potentiel inutilisé qui peut servir à augmenter la production. Il faudrait seulement que la technologie habituelle soit légèrement améliorée

Meilleure condition de vie familiale

Changement de mentalité

Accès à la promotion féminine

Disponibilité des femmes

Utilisation de foyer amélioré

Figure – 53 : Rapport entre l’utilisation de foyer amélioré et possibilité de développement humain

En ce qui concerne la santé publique, malgré les efforts du Ministère tutelle au cours de ces deux dernières décennies, l’état de santé de la grande majorité de la population est loin d’être satisfaisant, notamment celui des habitants qui se trouvent dans les zones les plus enclavées et les plus éloignées de l’île dont le littoral mahafaly en fait partie. De toute évidence, la question de santé publique est parmi les priorités dans la Stratégie Nationale de Lutte Contre la pauvreté, étant donné qu’aucun développement n’est possible tant que la santé des habitants laisse à désirer. « Des individus en bonne santé et disposant un bon niveau d’instruction sont économiquement plus performants » (C f Madagascar RNDH – 2003). Dans cette zone, tous les chefs lieux de Commune Rurale disposent respectivement un centre de santé de base (CSB-II), mais du fait de leur disparité géographique, la plupart des habitants se trouvent en marge, en termes de soin sanitaire. De plus, comme les autres services publics de la zone, ces centres de santé de base souffrent eux aussi du problème d’insuffisance de personnel.

257 Il n’y a pas de sage femme, le médecin s’occupe à la fois du soin public et du rôle de sage femme (159). Ainsi, l’administration doit trouver une solution adéquate permettant d’attirer l’attention des sages femmes à travailler là bas. Il est aussi envisageable de mettre en œuvre le même système que nous avons déjà proposé dans le domaine de l’éducation par le dédoublement de salaire accordé à tous les personnels de la Santé Publique qui accepteraient de travailler dans la zone. Parallèlement à cet effort d’encouragement des personnels médicaux, l’accès aux services de santé doit être amélioré. A ce propos, ce fameux RNDH a déjà proposé une solution qui est à priori, efficace et parfaitement envisageable pour le cas du littoral mahafaly (160), tout en favorisant l’accès des pauvres et des personnes âgées aux services de santé de base par la réduction du coût de soins aux pauvres qui sont manifestement vulnérables et aux femmes, en particulier les femmes des pêcheurs non – Vezo, puisqu’en général, ces dernières ne disposent pas de revenu personnel, à cause de leur statut très proche de celui d’une esclave . Cela suppose d’une part, la mise à la disposition de tous les habitants du littoral mahafaly des médicaments essentiels à un coût accessible en favorisant la décentralisation des structures de distribution, d’autre part, l’amélioration des conditions nutritionnelles des femmes et des enfants par la fourniture d’apports nutritionnelles à travers les cantines scolaires, centre de santé de base… Toutefois, cet effort d’amélioration de la santé publique n’aboutira jamais à un résultat satisfaisant tant que les habitants locaux vivent toujours dans une condition où l’accès à l’eau potable laisse à désirer et l’administration doit en trouver une solution durable. Nous pensons qu’il n’est pas impossible pour le Ministère tutelle de satisfaire le besoin en eau potable de la population littorale puisque cette zone n’est pas un SAHARA et d’ailleurs, beaucoup d’études géologiques (C. f chap. I, p.33) confirment qu’en fait, ce n’est pas l’eau qui manque dans la région mais, son exploitation reste largement au-dessus de la capacité technique de la population locale.

------(159) Cette situation pose un grand problème à l’égard de la population locale car selon la tradition partout dans l’ensemble du Sud – ouest Malgache, il est strictement interdit (fady) pour une femme d’être assistée par un homme au moment de l’accouchement et encore plus de se faire accoucher par un homme. Cela explique en grande partie la forte proportion des accouchements effectués hors structure sanitaire, qui aboutit sans doute a un taux de mortalité maternelle élevé, enregistré sur l’ensemble du littoral mahafaly. (160) Afin de réduire les disparités géographiques et d’assurer l’égalité d’accès et de traitement des femmes et des hommes dans les soins de santé, un accroissement significatif du budget alloué à la santé pour l’amélioration de l’accès aux services de santé par la construction et réhabilitation des centres de santé et pour l’achat des médicaments et consommables médicaux paraît une priorité pour Madagascar. Etant donné la faible capacité budgétaire de l’Etat et l’insuffisance de son personnel médicale et paramédicale un partenariat avec les prestataires (ONG, Organismes religieux ) doit être envisagé afin d’assurer un taux de couverture maximale des zones défavorisées : dans les endroits ou les prestataires privée sont déjà présents, il serait probablement préférable de le renforcer et de concentré les investissements là où les services de santé (publics ou privées) font réellement défaut (C.F Op. Cit. p.148)

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Le Gouvernement malgache doit résoudre ce problème une bonne fois pour toute en mettant en place une infrastructure permanente par le biais d’un partenaire habile en la matière. Les efforts de forage entrepris par le PNUD dans la région ne sont pas vains mais, la plupart de ces forages restent inutilisables à la consommation humaine non seulement à cause de leur disparité géographique par rapport aux sites villageois mais surtout du fait de la mauvaise qualité des eaux qui en proviennent. La plupart des eaux exploitables dans notre zone d’étude ont besoin d’un traitement spécial avant d’être utilisées, ce qui veut dire que satisfaire le besoin en eau potable à la population locale ne s’arrête pas seulement au niveau de la multiplication de forages auprès des toutes les communautés villageoises de la zone, mais il va aussi jusqu’à la purification de ces eaux. Mais en attendant une solution durable et adéquate, il convient d’abord de prévoir une mesure provisoire en adoptant le système de filtrage d’eau conçu par le GRET (161) au début des années 80 ( Figure - 54)

Figure – 54 : Comment obtenir de l’eau propre ? Un exemple de fiche GRET

Source : J.L. VIELAJUS (1984). P.73

------(161) GRET : Groupe de Recherche et d’Echange Technologique créé en 1976 en France, par une petite équipe d’anciens coopérants et de spécialistes du développement rural. Dès le départ, le GRET a choisi de mener un travail concret tendant à promouvoir des alternatives au développement autocentré reposant notamment sur des savoir-faire populaires ou sur des technologies appropriées aux besoins des pays du Tiers Monde et à certains besoins français, et appropriables par les communautés concernées. Un « Vazaha » propriétaire d’un hôtel à Beheloka a déjà adopté à son profit ce système de filtrage.

259 Ce système de purification d’eau n’est pas difficile à réaliser, il suffit d’installer tous les éléments nécessaires suivant ce schéma. I – 1 – 4 : Mettre en place un système d’information et de documentation accessible à la masse.

La mise en place d’un système d’information et de documentation adéquate est aussi nécessaire. Dans ce domaine, notre proposition consiste à créer une sorte de halld’information au niveau de ces quatre chefs lieu de Commune rurale. Il s’agit d’un système rappelant celui du SATIS (Socially Appropriate Technologie

International Information Services) (162) . Ce Hall d’information doit être bâti à côté de la place du marché pour qu’il soit facilement accessible à tous les habitants. Dans cette région, il y a un vaste « besoin de savoir ». Le « besoin de dire » est également ressenti dans de nombreuses communautés des pêcheurs qui comprennent vaguement la valeur du partage mutuel de l’information ; des expériences ; des ressources techniques, financières et surtout humaines. Il est donc nécessaire d’aider ces groupes à partager leurs informations d’une manière aussi large et efficace que possible, en fonction de leurs capacités. Dans ce système, le principe essentiel est que l’information, son organisation, son échange et sa diffusion constitue un facteur vital du développement. Ce réseau comportera trois domaines d’activités importantes à savoir. la promotion de l’accès à l’information et son échange la diffusion de l’information et de la technologie les guides des ressources. Dans le premier domaine, la démarche à suivre peut être plus intéressante et mieux efficace si l’ONG qui s’occupe de ce système d’information utilise une sorte de projection de film approprié ou bien, une série de bande dessinée portant le thème voulu, de sorte que l’information serait parfaitement transmise. Dans le milieu rural, il est beaucoup plus facile de convaincre les paysans par des choses visibles ou par une expérience vécue que par un raisonnement théorique abstrait. C’est pourquoi, la plupart des vulgarisateurs d’aujourd’hui adoptent la méthode participative, quand il s’agit d’une intervention pour le développement rural. Ces Halls d’informations doivent être munis d’un grand tableau d’affichage auquel seront figurées les informations agréablement illustrées et facilement compréhensibles.

------(162) Conçu initialement au début des années 70 en Europe comme moyen de communication entre les groupes en faveur de la technologie approprié du Nord, SATIS a été légalement crée sous la forme d’une organisation internationale non gouvernementale en avril 1982 à Dakar au Sénégal avec des membres provenant principalement du Tiers Monde. Le travail du SATIS dans l’appropriation de la technologie se transforme en succès dont le facteur clé a été l’information.

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. L’un des principes essentiels de l’approche est de promouvoir la coopération et les activités conjointes fondées sur des centres d’intérêt divers, c'est-à-dire, faire sortir les communautés des pêcheurs de leur solide « coquille », en leur mettant en communication avec le reste du pays. Dans ce cas, le travail pour la mise en œuvre de la promotion de l’accès a l’information et son échange, peut être reparti en trois catégories.

1 - Les activités portant directement sur les projets en liaison avec d’autres agences locales pour la mise en œuvre d’un large éventail de services d’appuis en faveur des paysans défavorisés. 2 - Recherche et développement sur les technologies appropriables en collaboration avec les collectivités et les entreprises qui les demandent 3 - Activités de conseil, d’interconnexion et d’intermédiaire, étant donné que ce système joue le rôle de liens et de point de référence entre les « demandeurs »et les « fournisseurs » de ressources financières, technologiques, humaines et organisationnelles (163). Dans le second domaine, la collaboration avec les écoles primaires publiques est une des méthodes plus efficaces pour la diffusion d’information en milieu rural. Souvent, les élèves ont le plaisir de raconter à leurs parents tout ce qui s’est passé à l’école. Ainsi, il est très important d’informer préalablement les écoliers sur l’objet de la séance de sensibilisation envisagée pendant le prochain jour du marché. Dans ce cas, les gens vont au marché, pas uniquement pour vendre des produits ou acheter ce dont ils ont besoin dans la vie quotidienne, mais surtout pour s’informer sur ce que leurs enfants disent. C’est ainsi que se forme chez les paysans, un esprit curieux ce qui se transforme peu à peu à une sorte de dynamisme et un comportement avide de changement. Il convient d’offrir une large gamme de technologies appropriables aux habitants locaux, pour qu’ils puissent choisir celle qui est la plus appropriée à leur situation et à leur besoin particulier (164). En ce qui concerne le guide des ressources :

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(163). Ce service de liaison peut s’établir entre des groupes séparés de plusieurs kilomètres, voire plusieurs milliers de kilomètres. Ce travail consiste également à démontrer aux décideurs et aux planificateurs qui s’occupent de la politique de développement la viabilité des activités visant à approprier la technologie pour que les décisions nécessaires puissent être prises en matière de politique nationale d’éducation, de formation, d’investissement rural, de mesures fiscales pour les entreprises locales dans le domaine de la technologie appropriée. (164) : Toutefois, l’expérience vécue dans beaucoup de pays du Tiers Monde a montré que même une large éventail de technologies est offerte, il n’est malgré tout pas certain que ce soit la plus appropriée qui soit choisie et appliquée. L’organisme chargé de l’appui technique devrait tenir compte de la préférence locale. Dans le milieu rural malgache, nombreux sont les vestiges abandonnés de projets prometteurs imposés d’en haut par des autorités qui normalement se préoccupent de l’intérêt supérieur des populations locales.

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D’une part, il s’agit d’un programme destiné à réunir et à publier les informations relatives aux ressources disponibles pour appropriation de la technologie dans chaque région de l’île, voire même dans d’autres pays présentant une situation similaire à celle de Madagascar. Ces guides doivent être présentés de façon très simple et accessible à la compréhension de l’ensemble des habitants. D’autre part, ces documents comporteront une sorte de renseignements énumérant les personnes, les services ou agences, les financements disponibles et accessibles, les sources d’informations ou autres renseignements nécessaires sur les développements socio- économique et technologique envisageables en faveur de la population littorale. L’intérêt avec cette méthode est que les gens n’auront plus besoin d’aller en ville (Toliara) pour être au courant de toutes les possibilités permettant d’améliorer leur condition d’existence, étant donné qu’il s’agit ici d’un système d’information et d’action décentralisée. A part de tout cela, il est absolument nécessaire pour la zone littorale de disposer d’une infrastructure de communication permanente.

I – 2 : La nécessité de désenclavement de la région par des voies de communication permanentes

Il s’agit surtout d’organiser un programme destiné d’une part, à assurer le désenclavement effectif de cette partie littorale de l’île, et d’autre part, à mettre en place, un système de télécommunication permanent (réseaux téléphoniques) reliant la région avec le reste du monde. I –2 - 1 Une nécessité absolue d’un désenclavement effectif de la zone littorale.

« Le développement matériel de l’Afrique pourrait se résumer en un mot : le transport ». (Lord LUGARD, un des premiers administrateurs coloniaux britanniques). (165)

La densité, l’orientation et la qualité du réseau de transport sont des facteurs d’une importance capitale qui détermine le développement socio-économique d’une région. Le transport est un élément vital dans l’accélération du processus de développement. Comme il a été vu dans le chapitre précédant, le problème porte surtout sur la faible capacité et le coût très exorbitant du transport terrestre dans la région. Cette situation limite les activités paysannes et contraigne le développement de la région pourtant prometteuse.

------(165) : C’est ce qu’il affirmait en 1922d’après ce qu’écrit L. EGUNJOB dans son article intitulé « Transport routier et sous- développement dans la région du Nord de l’Oyo au Nigeria », in Le Courrier n°125 – janvier – février 1991, PP.80-82. p.80. D’autres auteurs ont fait l’écho de cette affirmation et ont décrit les axes routiers comme la trame du système national qui facilite la circulation des marchandises, des services, des personnes et des idées.

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Il est donc nécessaire d’envisager d’abord, la remise en état de toutes les routes carrossables qui existent dans l’ensemble de cette frange côtière, avant de penser à des nouvelles créations, en commençant par la réhabilitation des axes routiers qui restent actuellement impraticables, afin de redonner un nouvel élan aux activités rurales potentielles et dépendantes de ces routes. Par exemple, la réhabilitation de la route reliant Itampolo et Ejeda (restant impraticable depuis plus de 20ans) permettra la fluidité rapide des marchandises entre ces deux localités dont leur vocation économique respective est tout à fait différente. La remise en état de ce raccourci entraînera un avantage considérable au niveau du prix des produits (166). Il en est de même pour le cas du tronçon entre Anakao et St. Augustin, en s’assurant le bon fonctionnement du bac déjà mis en place au niveau de l’embouchure de l’Onilahy vers le dernier quart des années 90, mais qui n’a jamais été fonctionnel à cause de l’absence de la sécurité dans son usage. 1 : Justification de l’intérêt accordé à l’amélioration des infrastructures routières dans la région Selon le renseignement émis par le ministère des Travaux Publics en 2005, toutes les données techniques nécessaires portent à croire que le bitumage de toutes les routes existant sur l’ensemble du territoire malgache est envisageable. Le gisement de houille de Bemolanga dans les Régions de Melaky et Boeny a une capacité de réserve largement suffisante pour la réalisation de ce grand projet. D’après l’analyse du Directeur Régional des Travaux Publics de Toliara en 2005, le projet de construction des routes bitumées n’aura pas d’effets écologiques redoutables, puisque les routes seront construites sur les tracés existants, à l’exception des quelques corrections mineures de certaines courbes. L’écoulement des eaux de pluie en saison humide sera plus rapide, mais absorbé par le système de drainage amélioré. Le trafic ne provoquera plus de poussière, ce qui représente sur le plan local un avantage du point de vue écologique. Et, si cela va se réaliser, il est préférable de prioriser toutes les zones actuellement enclavées comme le littoral mahafaly, afin de donner une véritable signification théorique et pratique au concept de « région », une politique de développement, récemment entamée à Madagascar.

------(166) : Au lieu de faire un détour d’environ 300km, (en passant par Beheloka et Betioky), ce raccourci permettra de réduire à 75km, la distance qui sépare ces deux chefs lieu de Commune Rurale .

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De toute évidence, cette démarche présentera l’avantage de faire admettre les particularités, les problèmes, les besoins et toutes les potentialités que disposent chaque région, et permettra d’évaluer la nature et le degré de la participation de chaque région dans l’élaboration du produit national, ce qui permet de dire que le rôle de l’infrastructure de transport routier dans les liaisons entre le littoral mahafaly et le reste de l’île sera considéré sur deux plans différents mais, interdépendants : constituer des liens interrégionaux et créer des nouvelles formes de liens interrégionaux, suivant les besoins des habitants. Ainsi, l’effet de l’action de désenclavement effectif de la zone débordera largement son cadre géographique régional . En outre, tous les spécialistes de développement trouvent que le transport routier est fondamental pour l’économie régionale voire nationale. Aucun véritable progrès n’est possible sans passer par un grand effort destiné à l’amélioration des infrastructures routières. La route, malgré son insuffisance assez remarquable, assure la plus grande partie de la circulation des marchandises dans notre zone d’étude car, le transport routier est plus souple par rapport aux autres modes de transport, et il peut être aussi assuré, certes avec moins d’efficacité, même lorsque l’infrastructure laisse à désirer. Par contre, un petit affaissement ou autre forme d’anomalie d’une voie ferrée ou piste d’atterrissage suffit pour empêcher toute circulation jusqu’à l’exécution des réparations. C’est pourquoi, les routes représentent l’élément principal du réseau de transport et ne pourront jamais être détrônées par les autres modes de transport, surtout, dans les pays en développement comme Madagascar.

2 : La faisabilité et gestion des infrastructures routières

L’action de désenclavement effectif du littoral mahafaly n’est pas une chose irréalisable. C’est une question de volonté. Il suffit d’entretenir une collaboration étroite avec le F.E.R. (Fond d’Entretien Routier) pour que la réhabilitation de toutes les routes traversant l’ensemble de la région se réalise dans le meilleur délai. En principe, cet organisme d’appui financier permet d’impliquer et de responsabiliser toutes les communautés bénéficiaires à la réalisation des travaux d’entretien (167) . Ainsi, la région doit établir un système pouvant garantir le maintien du niveau de réhabilitation des infrastructures de transport, c’est à dire, créer un mécanisme destiné à protéger les investissements accordés à la réhabilitation de routes en appliquant un règlement sur le poids autorisé.

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(167) : Le F.E.R. n’exige qu’un apport bénéficiaire de l’ordre de 10% du coût total pour intervenir

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En agissant ainsi, toutes les tentations de surcharge seront écartées. A part des contrôles plus stricts, on peut également examiner progressivement la possibilité d’introduire des droits de passage à la « frontière régionale », calculés en fonction du poids réel des chargements. La somme ainsi obtenue doit être consacrée à la réhabilitation des routes pour servir les apports bénéficiaires exigés par le F.E.R. Il convient aussi d’établir un mécanisme destiné à la perception effective des droits d’usage de la route et de prévoir des crédits suffisants et réguliers, réservés à cet effet. Toutefois, ce dernier volet semble difficile à mettre en œuvre pourtant plus efficace, étant donné qu’il permet d’impliquer directement les usagers de la route. Bien sûr, la tentation d’affecter ces ressources pour d’autres fins pourrait survenir à tout moment, mais, il faut réserver cela uniquement pour assurer la pérennisation de la route. La participation financière des pêcheurs locaux pour la constitution de fond destiné à la réhabilitation des routes est aussi nécessaire, ne serait ce qu’une simple contribution symbolique de sorte qu’ils soient mieux impliqués dans les efforts de développement déployés dans leur propre région. Par exemple, on peut retenir 50MGA/kg des produits de pêche vendus auprès des collecteurs. Pour mieux saisir l’adéquation de ce système, calculons la somme probablement perçue uniquement à partir des produits de pêche vendus auprès de la CO.PE.FRI.TO ; en moyenne, cette société collecte journalière ment 8 tonnes des produits de mer sur le littoral mahafaly donc, avec ce système, les clients de la dite société pourraient assurer à eux seuls, une contribution de l’ordre de 400.000MGA par jour, soit 12.000.000MGA par mois ou 96.000.000MGA/an, pendant les 8mois, qui constituent annuellement la véritable saison de pêche dans notre zone. Quant aux collecteurs, ils seront eux aussi dans l’obligation de participer de la même façon que les pêcheurs. Dans ce cas, on pourrait obtenir annuellement une somme largement supérieure à 192.000.000MGA. C’est très intéressant pour payer le 10% du frais d’entretien auprès du F.E.R. Enfin, dans la mesure où les routes constituent une source de revenus régionaux, des crédits annuels suffisants, destinés à l’entretien des routes doivent être l’une des priorités absolues du Ministère des Travaux Publics, afin d’assurer un flux constant de revenus à long terme. I – 2 - 2 : La grande nécessité d’une installation de réseaux téléphoniques dans la région.

Dans le contexte actuel où l’histoire de l’humanité doit être confrontée au phénomène de la mondialisation irréversible, la nécessité d’une bonne maîtrise des systèmes de communication moderne s’impose à toutes les sociétés.

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Dans les zones où les réseaux de transport ne sont pas tout à fait satisfaisants, le rôle tenu par la télécommunication, notamment le téléphone portable est de plus en plus important. Ce dernier permet à ses usagers de dominer facilement les problèmes de distance et du temps ; deux facteurs fondamentaux empêchant le bon fonctionnement des activités entreprises dans les zones éloignées. Une bonne couverture en réseaux téléphoniques de l’ensemble du littoral mahafaly est nécessaire pour son véritable progrès. Avec une telle infrastructure, les techniciens et, investisseurs nationaux ou étrangers auront plus de courage à travailler dans la zone et peu à peu, cet espace littoral mahafaly se transformera en une nouvelle destination touristique très importante du Sud-ouest malgache (168). Les chefs d’entreprises travaillant à l’étranger n’auront plus d’hésitation à passer leurs vacances dans la zone, car de là, ils peuvent contrôler facilement et à tout moment leurs activités. Tout cela aboutira à l’amélioration du niveau de vie des habitants locaux.

I – 3 : Rentabiliser le système d’exploitation des ressources halieutiques habituelles

La rentabilisation du système d’exploitation des ressources halieutiques suppose d’une part, l’augmentation quantitative et qualitative des mises à terre, et d’autre part, l’amélioration de la mise en valeur de ces produits, ce qui entraîne l’augmentation remarquable du niveau de vie des pêcheurs locaux. Mais que faire ? 1 – 3 - 1 Améliorer progressivement la production de la pêche

L’augmentation de la production halieutique fait partie d’une priorité absolue à Madagascar, non seulement pour satisfaire la demande de plus en plus pressante, mais surtout, pour faire face au problème de l’insuffisance nutritionnelle actuellement généralisé à l’échelle nationale (169). Selon REJELA. M « Actuellement la cherté des denrées alimentaires, en l’occurrence la viande trouve une solution partielle avec la consommation de plus en plus généralisé des produits marins souvent considérés comme l’aliment du pauvre. En effet le poisson est moins cher que la viande » (C. f. op. Cit. p.384) Jusqu’à maintenant, tout, porte à croire qu’une introduction rapide d’un nouveau système de production ne marche pas dans la zone. Il vaut mieux commencer par le renforcement de l’efficacité du système habituel, tout en modernisant progressivement les engins de pêche.

------(168) : Le littoral mahafaly dispose les plus grandes dunes côtières de l’île, ce qui pourraient attirer beaucoup de visiteurs, en particulier les touristes étrangers qui sont passionnés par le paysage de dunes. C’est aussi dans cette zone qu’on observe les plus belles plages extratropicales de la grande île. (169) Cette situation est à mettre en rapport avec la baisse du niveau de vie générale de la population malgache. La plupart des malgaches sont aujourd’hui dans l’obligation de changer leurs habitudes alimentaires en réduisant dans le minimum possible la consommation de viande, pourtant, c’était autrefois la principale source de protéine d’origine animale pour la population malgache

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Nous estimons également qu’il faut attendre la maturité des enfants actuellement scolarisés pour qu’il y ait développement estimable et durable à la fois. Dans cette perspective, il est nécessaire de faciliter les conditions d’acquisition des engins de capture et du matériel de pêche.

A ce propos, nous partageons cette idée avec REJELA.M. (1993) (170), mais, seulement, nous voulons y ajouter quelque précision sur le rôle que les ONG doivent jouer dans ce domaine. Avec leur possibilité, les pêcheurs locaux ne sont pas encore en mesure de s’approprier des engins de capture et de matériel de pêche leur permettant de conquérir sans trop de risque, des nouvelles zones de pêche plus intéressantes au large. Ils ont besoin de l’appui des ONG pour l’approvisionnement de matériels plus performants, l’utilisation et l’entretien. La conquête de nouvelles zones de pêche au large nécessite des embarcations plus performantes, et d’après REJELA, l’utilisation de pirogue à moteur est surtout indispensable. Cependant, du fait de la hausse du prix du carburant, la motorisation des embarcations est reléguée au second plan. Il vaut mieux de remplacer en coques plastiques, toutes les pirogues en bois. Ces embarcations modernes doivent être dotées de gilets de sauvetage au nombre variable, selon leur taille et leur capacité respective. D’ailleurs, à cause de la raréfaction des bons bois, liée à leur surexploitation, la plupart des embarcations utilisées par les pêcheurs locaux ne sont plus en bon état, en termes de sécurité en mer. Parallèlement à cette modernisation d’embarcation, il faut renforcer le système de vulgarisation du fameux filet « Z.Z », cet engin est non seulement apprécié par les pêcheurs locaux, mais il permet aussi d’augmenter la qualité de la production en termes de valeur marchande, étant donné qu’il ne capture que les poissons dont le poids respectif est largement supérieur à 1 kg. Selon BRUNDTLAND cité par Loïc CHAUVEAU (2002 – p.177) : « il est urgent d’inventer une croissance qui ne pénalise pas les générations futures ». Ainsi, la vulgarisation de ce type de filet est très importante dans la mesure où il permettra aux pêcheurs locaux de ne réaliser qu’une exploitation rationnelle des ressources halieutiques disponibles.

------(170) : Selon REJELA.M « Beaucoup de solutions peuvent être adoptées : L’exonération des taxes douanières sur les produits par la mise sur pied d’ateliers spécialement conçus pour la fabrication et la confection d’embarcations ou d’engins de capture, la fabrication sur place d’embarcations plus performantes, pouvant être dotés de moteur hors bord ou in bord.

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Les pêcheurs locaux doivent être incités à produire d’avantage en appliquant la technique de création de capitale familiale qu’ils ont déjà appris par le Projet FAO-Pêche. De plus, la multiplication des Dispositifs de Concentrations de Poissons ou DCP, (un système rappelant les Payao philippins) tout au long du littoral est aussi une solution envisageable, car elle permettra d’augmenter durablement la production de poisson de mer. Mais un système d’encadrement permanent en est essentiellement nécessaire (171). On peut envisager également la mise en place du CCP (Capture et Culture de Post larve), un système qui consiste à revaloriser le lagon en ressources de crustacées. Cette nouvelle technique trouve un grand succès dans les zones de pêche de la Nouvelle Calédonie (CF : Emission « Documentaire », TVM le 19/02/11, vers à 10heures 45 ). Tout cela n’aboutira pas à une véritable augmentation du niveau de vie des pêcheurs sans être accompagné d’un effort destiné à l’amélioration du commerce des produits de pêche.

I – 3 - 2 : Améliorer le système de commercialisation des produits de pêche

La présence de plusieurs sociétés de pêche dans une zone de production favorise le développement des produits issus de la pêche traditionnelle, étant donné que ces sociétés sont mieux équipées et capables de réaliser rapidement la collecte partout sur l’ensemble du littoral. Par conséquent, le nombre d’intermédiaires baisse, une compétition au niveau du prix de produits de pêche se déclenche et, les pêcheurs locaux trouvent une grande motivation pour réaliser le maximum de mises à terre. L’effectif pléthorique des mareyeurs n’est pas favorable pour le développement des activités de pêche dans la mesure où cela pourrait décourager les pêcheurs et rend beaucoup plus cher le prix aux consommateurs. Selon REJELA. M (1993-p.391): « la pléthore d’intermédiaire lèse le consommateur qui, au bout du rouleau, est obligé de payer en plus du prix réel du poisson, …. Cette exploitation de l’homme par l’homme est très flagrante lorsque le mareyeur revend les produits marins à un deuxième acquéreur sur le lieu de débarquement même. » (172).

------(171) Le DCP est un système déjà connu par les pêcheurs locaux depuis la fin des années 80, mais la plupart des habitants sur le littorale mahafaly n’ont pas tellement compris l’avantage qui en résulte. Ils ne voient souvent que son effet gênant à la circulation des pirogues dans le lagon. Au début des années 90, REJELA. M. a déjà signalé cette attitude des pêcheurs locaux envers ce système en disant : « à Toliara, la Station Marine et l’UFSH ont mis en place un module expérimental des Dispositifs de Concentrations de Poissons basé sur le même principe que les Payo philippins. L’expérience réalisée dans la baie de St – Augustin n’a pas encore porté ses fruits et elle n’a pas été comprise par les pêcheurs qui arrachaient les bouées servant le repère et coupaient les fils pour d’autre usage (op. Cit. P. 388) (172) : Il n’est pas rare de rencontrer sur les plages de débarquement des produits de pêche de la zone (notamment à Anakao et à Beheloka) des mareyeurs qui revendent tout de suite, sous les jeux des pêcheurs, à de prix doublé les poissons qu’ils viennent d’acheter sur place .

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Cela veut dire qu’un système de commerce des produits halieutiques au nombre très réduit d’intermédiaires convient mieux aux pêcheurs locaux.

Ainsi, il est intéressant d’encourager les sociétés de pêche à investir de façon permanente sur le littoral mahafaly.

Figure – 55 : Dispositifs de Concentrations de Poissons (DCP)

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II - : DEUXIEMEMENT : LE CHANGEMENT PROGRESSIF DU SYSTEME DE PRODUCTION VERS UNE FORME DE « COOPERATIVE DE PÊCHE »

« La coopérative figure parmi les plus structurées des formes nombreuses qui peuvent prendre les structures rurales.» (Peter-John MEYNELL - 1986) (173)

Toutes les expériences vécues dans le monde en développement confirment que la forme d’organisation de type « coopérative de pêche », forme d’organisation très proche des groupements des pêcheurs fondés par les partenaires stratégiques du P.S.D.R. dans l’ensemble du Sud-ouest malgache est à priori, le meilleur système pouvant assurer un développement de petite pêcherie de même ordre que celle qu’on observe sur le littoral mahafaly. Le terme « coopérative » signifie généralement une structure organisée formellement et bien définie par des lois spécifiques du pays, mais il existe plusieurs associations et des groupements des pêcheurs constitués moins formellement. Les coopératives de pêche ont probablement eu autant de succès que n’importe quelle autre organisation et, demeurent la structure formelle la plus cohérente à adopter par les pêcheurs, quand ceux-ci sont prêts à assurer un formalisme quelconque. Dans ce cas, cette forme d’organisation paysanne ne marchera pas dans une communauté où la plupart des habitants se trouvent à un niveau d’instruction proche d’un analphabète comme il est actuellement le cas dans notre zone d’étude. C’est la raison pour laquelle, notre proposition ou recommandation se tourne plutôt vers le développement humain avant de passer à un tel changement de système de production, il vaut mieux de ne pas précipiter les choses. Sur l’ensemble du littoral Sud-ouest malgache, on a souvent fondé des « coopératives » sans avoir pris le temps nécessaire pour faire passer les idées aux responsables. La « coopérative » (groupement) est constituée afin de canaliser l’aide et les fonds publics, mais les principes sous – jacents ne sont pas assimilés par les pêcheurs de telle sorte que leur motivation n’a rien à voir avec le mouvement coopératif.

Toutefois, notre proposition sur la redynamisation des groupements à vocation coopérative de pêche n’aura pas de sens, sans avoir justifié son intérêt, tout en précisant ses limites.

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(173) : Cet auteur est un consultant indépendant qui travaille dans le domaine des petites pêcheries dans les pays en développement et les institutions concernées. Il a écrit en 1986 un article intitulé « une structure formelle parmi d’autres : les coopératives de pêche », disponible In Recueil des données de la FAO 1991 – Toliara.

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II – 1 : Les perspectives attendues des coopératives de pêche

« Les coopératives de pêche sont en général, constituées pour assurer une fonction ou surmonter un problème que l’action individuelle prendrait moins bien en charge ». (P.J.MEYNELL.1986) Dans beaucoup de pays, notamment dans le monde en développement, la pêche est un secteur dans lequel, les groupements de type coopératif sont appelés à jouer un rôle de premier plan, car ils permettent aux petits pêcheurs de se mobiliser et apporter des solutions concertées à leurs problèmes communs. En outre, ils contribuent à résoudre beaucoup de problèmes de crédit, de stockage, de formation…etc., qui peuvent se poser aux pêcheurs isolés. Les pêcheurs locaux peuvent constituer toutes sortes d’associations, même informelles ou des plus élaborées comportant des statuts et des règlements intérieurs. Indépendamment du terme retenu pour désigner l’association, ce qui compte, c’est la volonté (174) , de produire en commun, profiter du groupement pour obtenir un certain nombre de biens de services à moindre frais ou bien même, un service impossible à recevoir autrement (175) . Les coopératives de pêche envisageables dans la zone peuvent jouer un double rôle : économique et social. II - 1- 1 : Avantages économiques d’une coopérative de pêche .

Le système d’organisation des pêcheurs permet de procurer des intérêts économiques aux membres, dans la mesure où il remplit un besoin pouvant favoriser une source de revenu qui, à son tour, peut faire marcher l’activité. Lorsqu’une coopérative de pêche atteint un certain niveau de développement, les services qu’elle apporte sont nombreux. Par exemple, en groupant les achats de fournitures pour la pêche qui correspond à la majeure partie des coûts de production, on obtiendra des prix avantageux ou prix de gros, ce qui va aussi réduire le coût de fonctionnement .

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(174) L’histoire de coopérative des pêches date des premières années du XXème siècle, et a pris naissance dans des pays tels que la Grande Bretagne, France, la Norvège, le Canada et l’Australie. Au japon, des associations de pêcheurs s’étaient au départ formées bien plus tôt, dans le but de contrôler l’accès aux territoires de pêche. Elles se sont maintenant transformées en l’une des plus puissantes associations de coopératives de pêche dans le monde (175) Suivant la politique de développement actuellement en vogue, la plupart des organismes nationaux ou internationaux ne soutiennent financièrement ou logistiquement que des organisations communautaires de type associatif fondées pour un objectif précis et d’intérêt commun .

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A partir d’un certain stade de développement, les coopératives de pêche peuvent s’occuper de plusieurs maillons de la chaîne suivant leur capacité débutant par la production primaire, de la capture de poissons aux services communautaires et sociaux en passant par la manutention, la transformation, la commercialisation, les fournitures pour la pêche et les ateliers de réparation et voire le crédit et l’assurance. Dans ce cas, ce système d’organisation débouchera sur deux grands avantages : D’une part, il permet d’empêcher l’intervention de plusieurs intermédiaires dans la filière, ce qui va permettre de ramener le prix de poisson à un niveau accessible par la majorité de consommateurs malgaches, ce qui signifie qu’avec ces « entreprises de pêche », le commerce des produits de mer aura une forte potentialité sur la clientèle dans le marché intérieur. D’autre part, les coopératives de pêche entraînent une création d’emploi, aussi bien pour les hommes que pour les femmes. Ainsi, le problème de l’inégalité d’accessibilité aux activités rémunératrices entre les hommes et les femmes trouvera une solution partielle dans cette forme d’organisation de type coopératif. . II – 1 - 2 : Les avantages dans le cadre social.

En tant que cellules de production regroupant plusieurs individus, les coopératives de pêche créent chez les adhérents un esprit d’équipe, condition indispensable pour le succès de toute action de développement communautaire, plusieurs sortes d’apprentissages nécessaires à la bonne marche de la coopérative peuvent être organisés par des formations diverses sur la santé et planning familial, protection de l’environnement ou encore des programmes d’animation culturelle. Face à la surexploitation des zones de pêche habituelles, une gestion assurant le maintien du rendement et d’accès contrôlé à ces ressources serait prise en charge par les coopératives. Enfin, une collaboration étroite avec les ONG compétentes est vivement recommandée Toutefois, le succès de la coopérative de pêche a une certaine limite.

II – 2 : Les limites de la coopérative de pêche

Les fonctions économique et sociale de la coopérative sont interdépendantes, et si l’une ou l’autre fait défaut, la coopérative échoue. Si cette dernière est fondée sur une appréciation inexacte de sa viabilité économique, elle sera toujours confrontée à des difficultés, même si elle ne meurt pas complètement. Sa viabilité dépend entièrement du nombre des adhérents qui fournissent le capital de départ

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d’une part, et d’autre part, de la dynamique des activités du groupe assurant aux membres, des croissants avantages. Dans cette structure, la viabilité sociale est aussi un facteur très important. L’expérience vécue dans plusieurs pays du monde a montré que lorsque la base financière semble fragile, l’association est très vulnérable. La moindre tension sociale suffit pour la faire chuter, même, si la coopérative est fondée sur une base financière assez solide, son succès dépend principalement de l’engagement des membres et de leurs motivations à travailler à l’intérieur de la structure. Evidemment, si la coopérative perd l’appui de ses adhérents, elle échouera. Les pêcheurs, en tant que membres et propriétaire sentent rapidement si la société a perdu son objectif initial et n’arrive plus à répondre leurs besoins. Dans ce cas, ils peuvent saborder très facilement leur propre association par des moyens divers surtout, en ne remboursant pas les prêts, ne payant plus les cotisations, en vendant leur poisson en dehors de la coopérative et en n’assistant plus aux réunions…etc. Ainsi, il est vivement recommandé de trouver le meilleur moyen permettant de maintenir en permanence l’enthousiasme des membres. Il semble également très important de mentionner que la viabilité sociale d’une coopérative de ce genre dépend aussi de ceux qui ne sont pas membres. Lorsque ces derniers se sentent menacer, soit économiquement, puisque la coopérative a réduit le pouvoir de l’intermédiaire, soit politiquement, car les associations de type coopératif peuvent être vues comme faisant partie, d’un mouvement populaire déjà organisé et qui a reçu beaucoup de sensibilisations qui peuvent aboutir à une prise de conscience collective vis-à-vis d’une injustice subi par la communauté rurale. Ces gens là peuvent agir de façon à détruire la coopérative par des possibilités diverses, par exemple, des pressions financières et sociales plus intenses que dans d’autres communautés plus isolées afin de décourager les membres. Il est à noter que l’implication des pouvoirs publics peut être une raison majeure de succès ou d’échec. Selon P.J MEYNELL : «Lorsque l’intervention du gouvernement est trop évidente ou se marque par un contrôle excessif, les coopératives peuvent étouffer». (Op. Cit. P 80). Mais l’un des facteurs permettant d’assurer le succès économique et social sont la direction et la gestion. Il semble paradoxal qu’une coopérative ait besoin d’un directeur, mais l’évidence montre que sans une bonne direction qui agit dans le sens des principes coopératifs, bien peu serait réalisé. Il s’agit de prévoir une solution pour faire face au problème de la rareté d’un bon gestionnaire, une contrainte majeure pour une coopérative de pêche de ce type. Certes, les

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petites pêcheries ne gagnent pas une grosse somme, et les coopératives ne sont pas toujours en mesure de payer des gestionnaires de qualité, surtout au début de leur fonctionnement. Or, c’est précisément le moment où il leur faut absolument une bonne gestion. Dans ces cas, on peut envisager deux possibilités : Premièrement, tout ce qui concerne la gestion, doit être pris en charge par l’ONG responsable de l’encadrement, et cela, jusqu’au moment où la coopérative peut accéder à une autonomie complète. Deuxièmement, le Gouvernement ou l’administration compétente doit subventionner le démarrage de la coopérative de pêche en payant le traitement des responsables. Néanmoins, si la politique et l’aide publique ne sont pas très claires ou si elles sont intermittentes ou bien même, troublées par de fréquents changements de personnel, comme il est actuellement le cas pour toutes les branches administratives à Madagascar, cela augmentera certainement les risques d’échec. Par ailleurs, l’électrification de l’ensemble du littoral mahafaly est à mettre dans la liste des priorités. L’évidence montre qu’aucun véritable développement durable n’est possible sans avoir disposé d’une source d’énergie électrique suffisante. Mais ici, les sources d’énergie autre que le pétrole seront assez prometteuses, car une région éloignée comme le littoral mahafaly ne peut pas se permettre de payer de façon satisfaisante, le prix sans cesse croissant du pétrole. De nombreux experts venus dans la région ont indiqué que le grand ensemble du Sud– ouest malgache, en particulier cette partie littorale étudiée peut tirer utilement partie du soleil, de même que du vent ( Tiokantimo ) pour la production d’énergie. Dans la zone, l’énergie électrique est essentiellement nécessaire, non seulement pour l’éclairage public, la production de glace, la télécommunication, mais aussi pour faire marcher tous les matériels informatiques indispensables, pour soutenir un véritable développement de la région. Bien sûr, ce projet n’est pas facile à réaliser, surtout au point de vue financement, mais, avec la politique de décentralisation effective, actuellement adoptée par l’Etat malgache, l’autorité locale qui est le chef de Région peut négocier avec des partenaires étrangers. D’ailleurs, cela fait partie de son rôle, en tant que responsable régional. Toutefois, tous les efforts destinés à un développement socio-économique sain et durable ne doivent pas être dissociés de la Gestion Intégrée des Zones Côtières.

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Il est absolument nécessaire de mettre en œuvre la GIZC déjà élaborée par le Groupe de Travail et de Réflexion (GTR) de la composante EMC (Environnement Marin et Côtier) dans les années 1990, mais qui reste jusqu'à présent, peu appliquée sur les côtes malgaches (176). Suivant la définition avancée par le GESAMP (Group of Experts on the Scientific Aspects of Marine Environment Protection) en 1996, il s’agit d’un processus continue et dynamique rapprochant les intérêts du Gouvernement et des communautés, de la science et de la gestion, des acteurs économiques et du public, par l’élaboration et la mise en œuvre du plan de gestion intégrée pour la protection et le développement des ressources et des éco socio systèmes côtiers (Annexe – VIII )

III – : TROSIEMEMENT : FAVORISER L’EFFICACITE DES ACTIONS DES ONG

Nous estimons que le Gouvernement malgache n’a pratiquement pas d’autre moyen de diversifier les responsabilités institutionnelles en encourageant les collectivités locales. Jusqu'à présent, la politique générale n’a pas été parfaitement favorable à ces institutions, de sorte que beaucoup de gens ont perdu tout intérêt et toute motivation pour participer au programme de développement, et qu’ils n’ont aucun moyen de s’exprimer à ce sujet. La réalisation des investissements d’un rythme lent en début du projet doit être précédée d’une période plus ou moins longue pendant laquelle, encadrement et population peuvent avoir des contacts approfondis pour créer un climat de confiance réciproque qui assurera une prise en compte réelle du projet par la population. Les objectifs à atteindre et les moyens à mettre en œuvre pour les obtenir doivent être souples pour pouvoir prendre en compte rapidement les résultats d’une évaluation permanente. Dans ce cas, l’encadrement doit fournir à la fois la réponse technique aux problèmes qui se posent aux producteurs pêcheurs et artisans, le soutien à l’organisation professionnelle de ceux-ci et l’appui à la gestion. En outre ; un plan doit être conçu pour réduire et réaffecter une partie des ressources publiques en faveur des ONG. Par ailleurs ; il faut absolument trouver les voies d’un dialogue politique entre les promoteurs de ressources extérieures et les décideurs locaux, car ce dialogue politique dépasse largement le simple marchandage ou le simple débat technique sur les programmes d’actions de développement à financer. Les communautés bénéficiaires ou du moins, leurs représentants

------(176) D’après la définition émise par le GTR, l’espace côtier est caractérisé par l’interface entre terre et mer, où rentrent en jeu les caractéristiques et les dynamiques particulières des différents milieux, ainsi que les modes d’usage et régimes de droits de propriété qui résultent des interactions entre deux grands ensemble terrestre et marin. (Cf. document d’orientation pour une politique national de développement durable des zones côtières de Madagascar – 2001- p.13)

275 déterminent principalement leurs priorités. Ils définissent l’utilisation de leur propre ressource et celles que les intervenants mettent contractuellement à leur disposition. Mais ces derniers engagent avec le pouvoir légal décentralisé et les habitants, une sorte de dialogue portant d’une part, sur l’efficacité des politiques qu’ils leurs demandent de soutenir et d’autre part, sur la pertinence de celles-ci à l’égard des objectifs généraux de la politique communautaire de développement à Madagascar. Dans ce cas, l’apport des ONG doit avoir pour objet, le soutien de politiques librement choisies par les paysans, politique visant un développement autonome et durable de l’économie et l’épanouissement de la société. En accord avec les ONG et suivant un scénario prévisionnel, les paysans bénéficiaires ont identifié les difficultés qu’ils risquent de rencontrer dans la mise en œuvre de cette politique. Les ONG s’engagent à leur porter leur concours pour que ces problèmes puissent être surmontés et que la politique définie sera poursuivie. Elles s’engagent également à donner à leur système d’intervention un caractère de flexibilité et de rapidité qui permet de faire face à la réalité d’une politique en devenir. Dans ce contexte, ces dernières doivent réexaminer avec les paysans, les moyens qu’elles disposent pour assurer une meilleure efficacité. Toute conditionnalité doit être réservée car la permanence de ce soutien sera la continuité de l’effort des habitants bénéficiaires dans la direction qu’ils ont eux-mêmes fixée. Avec un tel effort, le soutien au développement ne sera plus plaqué sur une réalité qui lui demeure étrangère. Il tendra plutôt à s’insérer dans la logique d’une politique de développement effectif et durable.

Nous espérons que le gouvernement veuille bien donner suite à cette proposition car dans sa politique d’aujourd’hui, du moins selon les discours officiels prononcés partout en toute occasion, l’Etat malgache accordera plus d’appui aux paysans qui constituent encore les ¾ de la population totale de Madagascar.

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CONCLUSION

Au cours de la deuxième moitié des années 90, le littoral mahafaly participe aux actions de développement intégré réalisées par les ONG. Ces dernières ont essentiellement axé leurs appuis sur la pêche traditionnelle. Il en est résulté beaucoup de changements, aussi bien au niveau économique que social. L’autarcie économique se métamorphose peu à peu en une économie de marché et le commerce de poisson frais ne pose plus de problème aux pêcheurs locaux. La pêche en mer reste techniquement traditionnelle, mais, les engins de pêche se modernisent peu à peu. Les pêcheurs sont de plus en plus motivés et la finalité de l’activité de pêche se modifie. Il suffit de les soutenir matériellement pour qu’ils puissent aller sans trop de risque à la pêche au large. Le rôle de femmes dans les activités productives augmente et les habitants montrent généralement une grande motivation quant à l’éducation des enfants. Il est difficile à l’heure actuelle de prévoir l’aboutissement des changements en cours. Mais, il est clair dans notre esprit que l’amélioration des conditions de vie des habitants devra certainement s’accompagner d’un progrès dans le cadre socioculturel. Toutefois, cette mutation se réalise au détriment de l’identité vezo. Le groupe a perdu progressivement ses racines. Aujourd’hui, les villages des pêcheurs vezo n’ont plus tout à fait leur originalité. Cette peuplade, autrefois heureuse se trouve actuellement confrontée à d’autres genres de vie plus complexes. Quant au bilan des actions des ONG dans la zone, il semble que les résultats obtenus ne sont pas entièrement satisfaisants, dans certains domaines d’activités, ces dernières ont rencontré beaucoup de difficultés d’ordre technique. L’amélioration à long terme de la situation économique et socio politique des femmes est indispensable. Mais, cela ne sera pas réalisable si leurs activités rétribuées ne peuvent être conciliées aux tâches particulièrement liées à la condition féminine. Seule, l’éducation est la clé du processus de réduction du caractère pénible de leur tâche. Il faut dire aussi que le littoral mahafaly doit se développer selon ses propres critères. La crise qu’il traverse actuellement n’est pas simplement imputable à des facteurs tels que l’enclavement et l’inefficacité des intervenants car jusqu'à maintenant, la région a été obligée de progresser selon un système d’appui limitant la participation effective de la population locale. L’enjeu est avant tout aux mains des habitants. Les leaders locaux se préparent peu à peu bien que très lentement à entrer dans la course, cependant, les intervenants sont-ils prêts à ajuster leurs stratégies au souhait de la population locale?

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CONCLUSION GENERALE

A la fin de ce travail, il faut dire que toute conclusion sur une étude sociale et économique en milieu rural ne peut revêtir qu’un caractère purement provisoire car, certains facteurs plus ou moins déterminants échappent souvent au contrôle des chercheurs. Malgré tout, une chose est certaine. L’analyse de tous les éléments de cet ouvrage nous permettra de mieux comprendre la vie des habitants du littoral mahafaly, aussi bien, dans leur cadre géographique particulièrement contraignant que dans leurs perspectives d’avenir. De tout temps, le littoral mahafaly a été considéré comme un paisible paradis tropical. Mais, derrière cette image superficielle, la vie dans la région est fortement tributaire d’un environnement très fragile, caractérisé par une grande vulnérabilité face aux catastrophes naturelles, en particulier la désertification intense et le problème d’eau potable. La prédominance d’un vent du sud crée un paysage de dunes sur le littoral, elle provoque aussi l’ensablement de l’espace villageois et des terrains de culture. C’était autrefois, une région oubliée, peu connue et réputée par son degré d’enclavement. Mais actuellement, la situation a évolué. Le littoral mahafaly, devenu maintenant un pays de pêcheurs est l’expression de la mobilité qui marque la technique de pêche vezo. A part ce groupe spécialiste de la pêche en mer, d’autres groupes de pêcheurs dépendent aussi, à des degrés divers de l’agriculture et de l’élevage, même si le chef de famille est pêcheur à temps plein, sa femme et ses enfants veillent sur les champs de culture. Le comportement peu xénophobe du groupe vezo, traditionnellement exogame favorise la migration des gens de l’intérieur vers le littoral. Les Tanalana ; Mahafaly ; Masikoro et Tandroy, victimes d’une sécheresse catastrophique se dirigent vers le littoral, pour devenir plus tard, des pêcheurs au même titre que les Vezo. La pêche maritime parfois combinée avec l’élevage et l’agriculture module un peu leur mode de vie. Ainsi, la participation active des autres groupes à la pêche vezo suscite aujourd’hui une vive discussion à propos de la définition du terme « Vezo ». Il est vrai qu’en milieu rural malgache, il n’existe plus, sinon très difficile de trouver un groupe que l’on aurait pu décrire comme une tribu au sens d’un groupe consanguin placé sous l’autorité d’un leader traditionnel, d’un chef possédant son territoire et appliquant son système politique.

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Par contre, il existe depuis longtemps sur le littoral mahafaly, des groupes unis et qui ont une identité propre dépassant cette définition. On est donc en présence d’un nouveau concept de la tribu consistant en nouveaux groupements de personnes qui se sont déplacées et habitent la même zone. Ils ont commencé, grâce à leurs contacts, à partager les attributs fondamentaux de la culture, notamment le système de production basé sur l’exploitation des ressources halieutiques, ainsi que le dialecte, en vue d’une plus large communication. D’ailleurs, l’intégration dans notre zone d’étude n’est pas difficile à faire. Il suffit d’être « famille de la mer » et partage la vie quotidienne avec les pêcheurs. Ainsi, on peut dire que la tribu cesse d’être une simple unité ethnique et devient une organisation rurale géographique à but spécifique. C’est à ce titre que toutes les personnes qui pratiquent des activités halieutiques et qui ont manifestement maîtrisé la pêche en mer acceptent souvent d’être appelés « Vezo ». Nous estimons qu’en adoptant ce nom, les habitants du littoral mahafaly s’intègrent dans une même entité culturelle plus vaste, dépassant les limites des entités ethniques plus restreintes d’autrefois. De même, l’accroissement du nombre de mariages entre ethnies différentes a crée le besoin de donner une nouvelle définition de la « tribu ». Toutefois, il existe presque partout sur cette zone littorale, certains habitants qui maintiennent leur statut d’origine comme les tribus Mahafaly, Masikoro, Tanalana, Tandroy…. Ils reconnaissent également leur chef et respectent certaines règles et tabous comme principes directeurs de leur comportement, même si ceux-ci ont plus un caractère local et géographique qu’ethnique. Ignorer cette réalité conduirait à une erreur souvent grave et difficile à réparer. L’intervention des ONG dans la zone a accéléré le changement socio-économique chez les pêcheurs locaux. Grâce à ces actions de développement, les conditions d’existence de la population côtière s’améliorent et la société vezo s’intègre peu à peu au reste du pays. Il va de soi que l’assimilation du mode de vie moderne dirige ces « enfants de la mer » à se tourner de plus en plus vers « l’espace terrestre ». La forte propension à la sédentarisation observée presque partout sur cette partie littorale est l’expression de la mutation de la société vezo. Dans la zone, les ONG arrivent à transformer l’autarcie économique en une économie de marché, mais du fait de multiples facteurs, elles ne sont pas du tout en mesure de changer l’aspect traditionnel de la technique de pêche en mer. Aussi, elles ne sont pas suffisamment assistées par le Gouvernement malgache dans leurs actions. Plusieurs facteurs internes font également obstacle à la réussite des appuis effectués dans la zone, en l’occurrence la présence du taux d’analphabétisme élevé chez les paysans ou encore leur niveau d’instruction généralement assez bas, ainsi que l’attachement très fort à la

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tradition. Il semble que le dynamisme, caractéristique du groupe vezo tombe partiellement dans l’impasse, à partir du moment où la symbiose avec le groupe d’agro-éleveurs atteigne un certain niveau. Cependant, si les ONG n’étaient pas présentes dans la région aux côtés de leurs partenaires locaux, la situation aurait été sans doute plus catastrophique. Si l’on considère le développement comme un processus pour améliorer les conditions d’existence humaines, celui-ci devrait tenir compte au départ du niveau de compétence et de l’expérience de la population considérée. Toutefois, il s’agit là, d’une entreprise complexe et de longue haleine, qui nécessite un renforcement des organisations locales traditionnelles et des méthodes de production. La mise en œuvre d’une telle démarche exige de nouvelles stratégies de réorientation des capacités et des aptitudes de la population locale, d’utiliser ses actions de façon plus efficace. Le sort de la société des pêcheurs réside d’une part, dans le refus de la fatalité comme explication universelle du sous développement et d’autre part, dans la volonté de rompre avec sa « vocation historique » de « berceau » de fonctionnaires indisciplinés du reste de l’île, une organisation hérité depuis le début de l’indépendance, mais, qui n’a jamais été remise en cause par les élites malgaches.

Au total, on peut dire que les ONG peuvent contribuer à un développement durable de la société de pêcheurs dans la mesure où leurs appuis sur l’activité de la pêche se basent d’une part, sur l’éducation de la population côtière et d’autre part, sur la formation professionnelle et la responsabilisation des habitants pour un avenir meilleur

En fait, ces travaux de recherche sont destinés pour contribuer à une meilleure compréhension de l’approche socio-économique qui devrait systématiquement faire partie du processus envisageable d’un développement durable des communautés de pêcheurs. Ils représentent un outil assez simple, mais, utilisés de façon appropriée, ils peuvent certainement présenter des avantages sur le plan de l’efficacité économique à long terme. Nous avons à espérer que cette approche pourrait être appliquée dans tous secteurs moteurs du développement de la région. Mais, une question qui se pose : « est – il possible d’espérer un développement durable de la vie sur le littoral sans avoir procéder à une stratégie adéquate de lutte contre la désertification de l’arrière pays ? »

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284 II. Les facteurs écologiques (01. Les facteurs abiotiques. 02. Le couvert végétal. 03. Le couvert animal. 04. Les incidences écologiques des contacts de groupes III. Les comportements… 03. Tableau des activités en rapport avec la nature et la surnature par saisons et coefficients de marées…05. Morphologie externe de l’embarcation vezo au cours des principaux moments de son existence…07.Budget annuel d’une famille nucléaire. (1975b). Note d’ethno-technologie sur l’habitation permanente vezo. ASEMI, VI,n°2- 3, 3-24. (1984). Une communauté de semi-nomades marins de Madagascar : processus historique et changements irréversible de l’écosystème vezo. In GUNDA B. ed. The fishing culture of the world . Budapest, e. Acad. Sciences Hongrie, pp 745-776 KOTO B. (1991). Vers la mahafalisation de la ville de Toliara ? In AOMBE n°3, pp. 61-63 LAGOIN Y. (1959). La pêche côtière malgache dans la région de Tuléar. Bull. de Madagascar n° 153, Tananarive, pp. 95-106 LANGLOIS M. et RAHERINIRINA J.P. (2002). La mâitrise de l’espace et modes de valorisation des ressources du plateau De “Belomotse” et dans la vallée de l’Onilahy; la Sakondry et la Linta.IRD Antananarivo, 180p. LAROCHE J.,FAUROUX E.,RABENEVANANA MW.,RALIJAONA C.,RAZANOELIOA J (1992). Analyse comparative de la pêche artisanale dans les villes côtières du Sud- ouest de Madagascar (Tuléar, Morombe, Morondava), Tuléar, 132p LAVONDES H. (1967). Bekoropoka, quelques aspects de la vie familiale et sociale d’un village malgache. Mouton, Paris, 191p. LEBIGRE JM. (1990). Les marais maritimes du Gabon et de Madagascar. 3 tomes, thèse d’Etat, Univ. Michel de MONTAGNE, Bordeaux-III, 651p (1997). Les marais à mangrove du Sud-ouest de Madagascar, des palétuviers et des hommes au pays des épines. Centre de Recherche sur les Espaces Tropicaux. Coll. Iles et archipels n°23, pp. 135-163 LESSARD L. (1969). Etude des ressources en eaux souterraines à Madagascar. Rapport BRGM, Tananarive, 12p. LLERES B. (1986a). La pêche piroguière maritime au Sénégal : son évolution, son introduction dans l’économie de marché. 2 tomes, thèse d’Etat, Univ. De Bordeaux-III, 636p. (1986b). La pêche maritime, un moteur de l’économie sénégalaise, II (1). Afrique contemporaine. Paris , La Documentation Française, vol. 25, n°137, pp56-74 LOTTE-SCHOMERUS G. (1971). Les Mahafaly : Introduction à leur culture matérielle. Tananarive, Rev. Taloha, Univ. De Madagascar, pp. 81-86 LUGARD L. (1991). Transport routier et sous-développement dans la région du Nord de Oyo au Nigeria. In Le COURRIER n° 125, janv.- fév . pp.80-82 MARIKANDIA L. M. (1981). Contribution à la connaissance des Vezo Sarodrano. Aspects du peuplement et organisation sociale. CUR Tuléar, mém. maîtrise histoire, 310p. (1. Conscience et connaissance du milieu naturel. 2. Ampela manan’isa , ancêtre des Vezo. 3. Les Raza de Sarodrano. 4. Hazomanga et organisation socioculturelle). (1988). Contribution à la connaissance des Vezo du Sud-ouest de Madagascar : histoire et société de l’espace littoral du Fiherena au XVIIe et au XIXe siècles. Univ. Paris I, UER Histoire, th. Doct. 3èC., 481p.

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289

ANNEXES

290

ANNEXE - I

Exemple de questionnaires sur la pêche

I. Les captures par unité d’effort par sortie (CPUE/S en kg)

Mois J F M A M J J A S O N D Total Mode de pêche Pêche CPUE/S à la ligne Nb Pêche au filet CPUE/S maillant Nb

Nb : nombre de sortie par mois

II. Les captures par unité d’effort par sortie par pêcheurs (CPUE/S/P en kg)

Mois J F M A M J J A S O N D Total Mode de pêche Pêche CPUE/S/P à la ligne Pêche au filet CPUE/S/P maillant

III.Situation des pêcheries traditionnelles sur le littoral mahafaly

Sites Nbre de pêcheurs Nbre de pirogues FM L S M Anakao Beheloka Itampolo Androka

FM : Filet maillant L : Ligne M : Moustiquaire S : Seine de plage

IV. Répartition de sites de pêche sur les récifs coralliens

Lieux de pêche Profondeur en mètre Distance par rapport Espèces capturées à la côte selon les aires de répartition

291

V. Taux de fréquentation des différentes zones de pêche

Lieux de pêche Nombre de sortie Pourcentage

VI. Effort de pêche et durée de sortie par jour et par mois

Mois J F M A M J J A S O N D Désignations Durée Effort

Durée : en heures de pêche Effort : nombre de pirogues sorties par jour et par mois

VII. Caractéristiques des engins de pêche et classification des techniques de pêche

Types d’engins Longueur (en mètre) Maille de filet Nature Technique (active ou passive) Lignes Filet maillant Seine de plage Moustiquaire Harpon

VIII. Prix de la matière brute et de l’embarcation

Zone d’approvisionnement Pirogue pré-détaillée Pirogue finie

IX. Variation de prix de produit de pêche dans l’année (en MGA par kg)

Mois J F M A M J J A S O N D Espèces Poisson frais Poisson séché

292

Source : Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (1992)

293

Source : Politique Nationale des zones côtières du 07/05/01, p. 34

294

ANNEXE – IV

Les principaux écosystèmes marins et côtiers malgaches

Les principaux écosystèmes côtiers et marins que l’on rencontre à Madagascar sont :

- Du côté terrestre, les écosystèmes forestiers qui sont les mangroves et les forêts littorales et les zones humides littorales où l’on distingue les lagunes, les lacs et les marécages. - Du côté marin, les écosystèmes coralliens qui sont associés à d’autres écosystèmes comme les herbiers de Phanérogames marins

Les mangroves, connues sous le nom « honko » en malgache, sont des formations forestières qui se développent sur les rivages marais chauds, aux eaux saumâtres, non battus par les vagues, dans la zone de balancement des marées. Ce sont des formations que l’on rencontre au niveau des estuaires et aux endroits où l’o peut trouver des résurgences d’eau douce. Elles occupent 320 000 ha dont 98% sur la côte ouest. Les mangroves malgaches les plus importantes sont celles de Mahajamba, Bombetoka, Mahavavy, Loza, Tsiribihina, Mangoky. Les Mangroves malgaches sont composées de huit espèces d’arbres appelées communément des palétuviers et héberge une importante faune de poissons, crustacés, coquillages et d’oiseaux rares.

Le rôle écologique des mangroves est fondamental puisqu’elles constituent une zone de frayère pour de nombreuses espèces animales (crevettes) et une zone de nidification d’oiseaux. Les mangroves constituent également une protection du littoral contre l’érosion marine par la présence des palétuviers fixateurs de sol. Enfin, elles représentent une protection pour le large et en particulier les récifs coralliens contre les pollutions venant de l’intérieur des terres. Les mangroves fournissent des ressources diverses comme le bois de chauffe et de construction, les poissons et les crustacés (crabes), le set et un lieu de pâturage pour le bétail.

Les forêts littorales se développent en arrière des mangroves, des plages, au niveau de certaines zones marécageuses ou directement au bord de la mer et se rencontrent aussi bien sur le littoral oriental qu’occidental. Elles n’occupent plus qu’une très faible superficie du fait des très fortes pressions anthropiques qu’elles subissent. Elles sont caractérisées par une très riche biodiversité floristique et faunistique avec un taux d’endémicité très élevé (plus de 85% d’espèces végétales endémiques par exemple). Le rôle écologique des forêts littorales est la fixation des sols et la lutte contre l’érosion, la prévention des inondations, le recyclage des matières organiques. Elles représentent également un habitat pour de nombreuses espèces de la faune. Les ressources qu’apportent les forêts littorales sont multiples : bois de chauffe et bois d’œuvre, plantes médicinales et aromatique, flore et faune vivants, plantes alimentaires, miel et autres produits secondaires.

Les zones humides sont reparties le long du littoral malgache. On peut citer sur la côte est le complexe du canal de Pangalane. Sur la côte ouest, les zones humides sont représentées par des pleins d’eau plus ou moins temporaires (« ranovory »). La biodiversité de cet écosystème, est peu connue alors qu’il s’agit d’un écosystème hautement menacé (défrichement pour les besoins de la riziculture, pollutions diverses, envahissement par les plantes introduites, assèchement, sur pêche, etc.…). Au point de vue écologique, il s’agit d’un écosystème qui assure la régulation du mouvement des eaux, la protection contre les inondations. C’est aussi le lieu de nidification d’oiseaux et de frayère pour les espèces aquatiques. Les ressources que l’on peut en extraire sont du poisson, du gibier et des plantes artisanales.

295

Les plages et les dunes représentent un autre type d’écosystème que l’on rencontre sur les côtes malgaches. Au point de vue écologique, on peut citer leur rôle dans la prévention contre l’érosion. Certaines plages constituent le lieu de ponte de certaines tortues marines. Enfin, les plages représentent une ressource certaine dans le fait où le tourisme balnéaire trouve sa raison d’être principalement grâce à l’existence des plages.

Les récifs coralliens se développent dans les eaux chaudes et claires, aérées et pauvres en éléments nutritifs. Il s’agit d’un écosystème d’eaux peu profondes, formé de squelette de carbonate de calcium des coraux. Le polype constitue l’organisme vivant du corail/ Les récifs coralliens s’étendent sur une longueur totale d’environ 150km avec une largeur variable. Ils sont fortement associés aux mangroves et sont surtout localisés sur la côte ouest de Madagascar. Le grand récif de Tuléar constitue le deuxième plus grand récif corallien au niveau mondial après la grande barrière de corail d’Australie. Madagascar aurait la faune corallienne la plus riche de l’Océan Indien et renfermerait au moins 60 genres de coraux. Le rôle écologique des récifs coralliens est multiple : zone d’alimentation, de refuge et d’élevage des jeunes pour les poissons et les invertébrés, réduction de la houle permettant le développement des mangroves, création de sable et de sédiments nécessaires à la croissance des prairies marines et des mangroves, protection contre l’érosion côtière, formation des petites îles des atolls et des baies. Les ressources provenant des récifs coralliens sont très variées comme les poissons, coquillages, trépangs, poulpes, algue. La possibilité de faire de la plongée sous-marine au niveau des récifs constitue également une ressource non négligeable.

(C.F : Politique Nationale des Zones Côtières du 07/05/01, p. 36 )

296

ANNEXE – V

Cadre et aménagements juridiques pour la zone côtière d’autres pays

Les cadres et aménagements juridiques des autres pays varient considérablement en fonction de leurs traditions juridiques et contextes particuliers. Malgré cette diversité, il y a des similarités, surtout au sein des pays partageant les mêmes traditions juridiques (coutumier, romain, germanique etc.…)

La définition d’une bande côtière à contrôler dont la largeur peut varier est une approche populaire. En Europe, le Portugal est le seul à avoir défini une bande côtière large (3km) avec un système de planification intégrée.

Plusieurs pays trouvent que la situation juridique de la zone côtière est tellement évoluée et complexe qu’ils préfèrent adopter une approche volontariste.

L’exemple des Etats Unis, qui dispose de l’expérience la plus avancée en matière de GIZC, démontre l’importance de la flexibilité dans une structure fédérale. Une définition large de la zone côtière au niveau fédéral permet aux Etats de fixer leur propre définition en fonction de leur situation géographique. Dès lors que loi de la zone côtière des E.U spécifie les objectifs de la politique fédérale de GIZC, au lieu de forcer les Etats à mettre en place des programmes, le gouvernement fédéral offre des motivations tels que des dons et son engagement à respecter les programmes agréés.

En Australie, le gouvernement adopte une politique nationale non légale et motive la participation des Etats par l’offre de financements et d’autres initiatives. La Nouvelle Zélande est exceptionnelle en ayant adopté la GIZC dans une réforme fondamentale du droit de gestion des ressources naturelles, mais la loi souligne le principe important que la zone côtière fait partie d’un environnement plus large et qu’elle ne doive pas être considérée de manière isolée. Cette question se pose à Madagascar au vu de la tendance qui se dégage de la mise en place d’une gestion régionale.

(C.F : Politique Nationale des Zones Côtières )

297

Source : Journal Le Monde du 06 juin 1984

298

Source : KASPERZYK Z.W., RANDRIAMIARISOA N. (1990)

299

ANNEXE – VIII

Gestion Intégrée des Zones Côtières (GIZC)

C’est un concept largement utilisé dans le monde. C’est aussi la démarche privilégiée permettant d’accéder au développement durable des zones côtières. Mais, à Madagascar, le GTR (Groupe de Travail et de Réflexion) a précisé le contenu de cette politique selon quatre grandes orientations suivantes :

1 - La promotion de la Gestion Intégrée des Zones Côtières. Elle implique, dans un processus de planification participative, l’intégration de tous les domaines d’action, de tous les secteurs et de tous les niveaux administratifs concernés. Elle est pluridisciplinaire par essence et ne doit en aucun cas être considérée comme relevant de la seule dimension « environnement ».

2 - La promotion de la participation de tous pour une meilleure législation. Elle faisant en sorte que tous les acteurs, du niveau national vers le niveau local et vis versa aient la possibilité de participer d’une manière ou d’une autre aux différents stades du processus d’élaboration de la politique afin de susciter la plus large appropriation possible et aussi un meilleur engagement de tous dans la mise en œuvre de cette politique.

3 - L’intégration de la science et des savoir-faire au service de la gestion . Que ce soit au niveau national ou international, les modes d’exploitation de leurs ressources est considérable. Cette connaissance et le savoir-faire qui en découle sont mis aux services de la gestion par l’intégration d’un large éventail d’instruments, concernant aussi bien les domaines, juridique, économique et social que les nombreuses sources d’informations, les solutions technologiques ou encore, la recherche.

4 - La promotion d’une politique adaptative, ne fermant aucune porte pour l’avenir. Afin d’être plus efficace possible, la politique doit être flexible dans le temps et dans l’espace, en donnant la priorité aux problèmes nationaux les plus cruciaux et en s’adaptant aux spécificités locales. Cette politique adaptative est générée selon un processus en boucle incluant la formulation d’un programme/plan, sa mise en œuvre, l’évaluation de ces résultats, et si nécessaire, la révision de son contenu en termes d’objectif et d’action.

A priori, la GIZC semble assez prometteuse étant donné que les milieux marin et côtier sont riches mais fragiles. Beaucoup d’experts ont souligné que le système littoral et côtier est un système naturel complexe, siège de nombreuse interaction : lieu de rencontre entre la terre et la mer ; eau douce et eau salée. C’est aussi un lieu de dynamique où marées, courants, vents et vagues ne cessent de refaçonner le littoral. C’est un lieu riche en diversité de milieux tels que les récifs, les herbiers, les mangroves, les plages, les dunes, les cours d’eau. C’est également un lieu aux formes de vie très diverses, baleines, tortues, poissons, langoustes, oiseaux et tout un ensemble de plantes littorales regroupées en autant d’écosystèmes différents. C’est donc un véritable patrimoine national qui appartient à tous et qui supporte beaucoup d’activités. Mais, un patrimoine dont les ressources ne sont pas illimitées, elles-mêmes, vulnérable à la surexploitation et à la dégradation. Bien géré, il peut cependant offrir d’énormes opportunités pour le développement futur de cette zone tout entière. Selon le GTR : « Les ressources naturelles et les usagers que l’homme en fait partie, sont interdépendants. Ces usagers influent les uns sur les autres et finalement sur les bénéfices générés par les ressources côtières ». (C.F : PNZC. 2001, p.14 )

300

ANNEXE – IX

Quelques données sur les systèmes dunaires

Selon l’équipe du PNUD,( 2003, p. 87) :« le type de Didiéracée pousse bien sur les terrains calcaires qui constitue un élément majeur du bush du plateau . » Compte tenu de cette remarque, on peut admettre que dans la plane côtière, la présence en abondance de cette espèce floristique par endroit est un signe d’identification des sols riches en calcaire, mais d’une capacité de rétention d’eau assez réduite. Elle a remarque dans ses images satellitaires, un autre sous- ensemble de terrain. Il se distingue par une teinte intermédiaire, entre les alluvions et les dunes. Sa nature pédologique et texturale vient certainement du mélange à diverses proportions du fait des recouvrements successifs des matériaux dunaires Karimboliens et d’autres matériaux exogènes. Ces alluvions sont principalement les sables roux issus des sols de décalcification du plateau. Dans la plaine côtière, deux zones de cette texture ont été repérées : La première est celle qui forme un vaste auréole au tour des dépôts alluvionnaires issus des vallées fossiles de la région d’Antsirafaly. La seconde zone est observée sous forme d’une large bande, entre le village d’Ankilimivony et le lac Tsimanampetsotse. Ce type de terrain couvre partiellement les argiles rouges du couloir d’Itomboina. Pour la Grande Dune, ce massif est entièrement entaillé par des nombreuses ravines assez profondes, ramifiées à intervalles régulières. Du côté occidental, ces ravines débouchent dans des dépressions fermées derrières les cordons dunaires Karimboliens. A cause de l’érosion, on observe des dépôts gréso-sableux de piémont en contrebas de ce massif. Ce nouvel édifice rend difficile les délimitations précises de la Grande Dune. En effet, la transition avec les terrains gréseux du système Karimbolien n’est pas évidente pour deus raisons. D’une part, elle se trouve dans une position sous-jacente, par rapport aux dépôts gréso-sableux issus de l’altération de la Grande Dune et, d’autre part, le mélange de ces matériaux avec ceux du système Karimbolien a pu être remanié et éventuellement grésifié ensemble. Selon AUROUZE(1959) « La délimitation des amas dunaires Tatsimien est difficile, à partir des images satellitaires seules, et les limites proposées sur la carte ne sont qu’indicatives, basées notamment sur les anciens travaux.» Dans ce cas, la Grande Dune n’est pas le type de terrain à vocation agricole. Par contre, les dépôts gréso-sableux de piémont se trouvant de part et d’autre de ce massif gréseux offre à la population locale, un terrain de cultures vivrières par excéllence, malgré sa dimension assez réduite.

301

ANNEXE - X

Licences de pêche et permis de collecte

1. Décrets et articles relatifs aux ressources halieutiques.

1.1. Décret n°97-1455 du 18/12/97

REPOBLIKAN’I MADAGASIKARA Tanindrazana – Fahafahana - Famaririnana ********

MINISTERE DE LA PÊCHE ET DES RESSOURCES HALIEUTIQUES ------

DECRET N° 97 - 1455 Portant organisation générale des activités de collecte des produits halieutiques d’origine marine

LE PREMIER MINISTRE, CHEF DU GOUVERNEMENT

Vu la Constitution du 18 septembre 1992, Vu la loi Constitutionnelle n°95-001 du 13 octobre 1995, portant révision des articles 53, 61, 74, 75, 90, 91 et 94 de la Constitution du 18 septembre 1992, Vu l’ordonnance n°93-022 du 4 mai 1993, portant réglementation de la pêche et de l’aquaculture, Vu le Décret n°62-213 du 18 mai 1962 réglementant le contrôle de la salubrité et des conditions de conservation des produits de la mer d’origine animale destinée à la consommation, Vu le Décret n°62-665 du 27 décembre 1962 portant modification des articles 6 et 7 du Décret n°62-213 du 18 mai 1962 réglementant le contrôle de la salubrité et des conditions de conservation des produits de mer d’origine animale destinés à la consommation, Vu le Décret n°94-112 du 18 février 1994, portant organisation générale des activités de la pêche maritime, Vu le Décret n°97-128 du 21 février 1997, portant nomination du Premier Ministre, chef du Gouvernement, Vu le décret n°97-129 du 27 février 1997, portant nomination des membres du Gouvernement, Vu le Décret n° 97-218 du 27 mars 1997, fixant les attributions du Ministre de la pêche et des Ressources Halieutiques ainsi que l’organisation générale de son Ministère, Sur le rapport du Ministre de la Pêche et des Ressources Halieutiques, En conseil de Gouvernement, DECRETE TITRE - I : DISPOSITIONS GENERALES

Article –1 : Le présent Décret a pour objet de définir et de préciser les principes et orientations fixés par l’ordonnance n°93-o33 de la 04/05/93 portante réglementation générale de la pêche et de l’aquaculture.

302

Article – 2 : Les dispositions du présent Décret ne concernent pas le trépang ou holothurie qui fera l’objet de textes réglementaires particuliers. Article – 3 : Le Ministre chargé de la pêche et des Ressources Halieutiques, est chargé d’appliquer et de compléter par voie d’arrêté les dispositions du présent Décret. Article – 4 : Les dispositions de l’arrêté n°4796/90 du 16 août 1990 sont et demeurent abrogées. Les détenteurs de l’autorisation délivrée dans le cadre dudit Arrêté doivent régulariser leur situation selon les nouvelles dispositions du présent décret dans les six mois qui suivent sa publication.

TITRE – II : DEFINITIONS

Article – 5 : Au sens du présent Décret, les activités de collecte comprennent l’achat à l’intérieur d’une zone de collecte et/ou la transformation et/ou la conservation et/ou le conditionnement et/ou le transport des produits halieutiques, en vue de les revendre sur le marché. Ets appelé « zone de collecte » une circonscription administrative ayant une façade maritime et dont la limite géographique est assimilée à celle d’un Fivondronana rattaché à un Faritany donné. Les zones de collecte correspondent aux lieux d’origine des produits collectés. Les activités de collecte n’incluent ni la pêche ou la capture directe par quelque moyen qu’il soit, ni la cueillette des espèces animales ou végétales dans le milieu aquatique. Article – 6 : Est appelé « collecteur » toute personne physique ou morale exerçant les activités définies à l’article 5 du présent Décret. Article – 7 : Est appelé « mareyeur », toute personne physique effectuant uniquement des opérations d’achat et de vente des produits halieutiques à l’intérieur d’une seule zone de collecte. Tout mareyeur doit posséder une carte individuelle délivrée par le chef de service décentralisé de la Pêche et de l’Aquaculture et visée par les Autorités administratives du lieu où se trouve sa zone de collecte. Article – 8 : Est appelé « poissonnerie », tout établissement de vente au détail des produits halieutiques à l’intérieur du territoire de la République de Madagascar. Article – 9 : Est appelé « exportateur des produits halieutiques », toute personne physique ou morale effectuant le négoce ou la vente des produits halieutiques sur le marché extérieur. Tout « exportateur de produits halieutiques » doit posséder une carte individuelle délivrée par le Directeur de la Pêche.

TITRE – III : REGIME DES AUTORISATIONS DE COLLECTE

Article – 10 : Les activités de collecte définies à l’article 5 du présent Décret doivent faire, au préalable, l’objet d’une autorisation écrite du Ministère chargé de la Pêche et des Ressources Halieutiques et des Autorités Administratives de la zone (ou des) zones de collecte concernée(s). Il ne peut être délivré qu’une seule autorisation par personne physique ou morale par Faritany. L’ouverture d’une « poissonnerie » est soumise à l’autorisation préalable du chef de Service Inter régional de la Pêche et des Ressources Halieutiques du lieu où se trouve l’établissement de vente. Article – 11 : L’autorisation visée à l’article 10 ci-dessus doit faire l’objet de délivrance de permis de collecte précisant en particulier le nom de la personne mandatée à faire la collecte la (ou les) espèce (s) cible(s) et une seule zone de collecte parmi celle (s) mentionnée(s) dans l’autorisation. Toute autorisation de collecte donne droit à son titulaire à la délivrance de cinq permis de collecte au maximum. Un permis n’est valable que dans une seule zone de collecte parmi celles mentionnées dans l’autorisation, la validité du permis et des cartes est de un an renouvelable. Toute autorisation qui n’a pas été suivie d’une délivrance de permis de collecte dans les six mois à compter de sa date de signature devient caduque. Les modalités de

303 délivrance et de renouvellement du permis de collecte ainsi que les cartes du « mareyeur » et « d’exportateur des produits halieutiques », sont fixés par voie d’arrêté.

Article – 12 : L’octroi d’un permis de collecte est subordonné au paiement d’une redevance annuelle déterminée selon l’espèce cible, la zone de collecte et la catégorie des moyens mis en œuvres pour la collecte. L’exercice de l’activité de mareyeur et d’exportateur est soumis également au paiement préalable d’une redevance annuelle forfaitaire.

TITRE – IV : OBLIGATION DU COLLECTEUR, DU MAREYEUR ET DES EXPORTATEURS DE PRODUITS HALIEUTIQUES

Article – 13 : Le collecteur et le mareyeur doivent, dans ses activités, assister techniquement les pêcheurs dans sa zone d’action et les aider à se ravitailler en matériels ou en produits consommables et engins de pêche. L’exportateur des produits halieutiques doit impérativement présenter un certificat d’origine intérieure avant de pouvoir se faire délivrer un certificat d’origine pour l’exportation des produits. Le mareyeur ne peut pas vendre qu’à l’intérieur de la zone de collecte dans laquelle il a été autorisé. Article – 14 : Le collecteur, le mareyeur et l’exportateur des produits halieutiques doivent en outre observer et veiller au respect de la période de fermeture de la pêche et de collecte décidée par l’administration des pêches, des textes législatifs et réglementaires en vigueur notamment ceux en matière d’exploitation des produits halieutiques et de normes sanitaires et d’hygiène tant sur le plan national qu’international. Ils sont tenus également de fournir à l’administration de pêche de chaque circonscription concernée, les statistiques mensuelles d’achat et de vente des produits réalisés. Article – 15 : L’inobservation des dispositions stipulées dans le présent Décret, fera l’objet d’une lettre d’avertissement de la part du Ministre chargé de la Pêche et des Ressources Halieutiques, et en cas de récidive, le Ministre procèdera au retrait de l’autorisation, du permis et des cartes sans que les concernés puissent prétendre à aucun dédommagement ni remboursement des redevances. Article – 16 : Les infractions en matière de collecte des produits halieutiques seront constatées, poursuivies et réprimées conformément aux dispositions de la réglementation en vigueur, notamment celles prévues au titre VII de l’ordonnance n°93-022 du 04/05/93 portant réglementation de la pêche et de l’Aquaculture ainsi que l’Arrêté interministériel n°567/96 du 16/02/96 instituant le Comité de contrôle des activités de Pêche et de l’Aquaculture. Article – 17 : En raison de son urgence et conformément aux dispositions de l’article 4 de l’ordonnance n°62-041 du 19/09/62 relative aux dispositions générales de droit interne et de droit international privé, le présent Décret entre en vigueur dès qu’il aura reçu une publication suffisante, notamment par les émissions radiodiffusées ou par affichages, indépendamment de son insertion au Journal Officiel de la République. Article – 18 : Le Ministre de la Pêche et des Ressources Halieutiques, le Vice Premier Ministre chargé des Finances et de l’Economie, le Vice Premier Ministre chargé de la Décentralisation et du budget, le Ministre du Commerce et de la consommation, le Ministre de l’Elevage, le Ministre de l’Intérieur, le Ministre de la justice, le Secrétaire d’Etat auprès du Ministère de l’Intérieur chargé de la Sécurité Publique, le Secrétaire d’Etat auprès du Ministère des Forces Armées chargé de la Gendarmerie sont chargés en ce qui concerne de l’application du présent Décret qui sera enregistré et publié au Journal Officiel de la République

Fait à Antananarivo, le 18 décembre 1997.

304

Par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement,

Pascal RAKOTOMAVO

Le Vice Premier Ministre Le Vice Premier Ministre Chargé des Finances et de l’Economie, chargé de la Décentralisation et du Budget p.i.

Pierrot RAJAONARIVELO Pierrot RAJAONARIVELO

Le Ministre de la Pêche et des Le Ministre de l’Elevage Ressources Halieutiques

Houssene ABDALLAH Capitaine de Corvette NDRIANASOLO

Le Ministre du Commerce et de Le Ministre de l’Intérieur la consommation, p.i.

Boniface LEVELO Cl Jean Jacques RASOLONDRAIBE

Le Ministre de la Justice Le Secrétaire d’Etat auprès du Ministre de l’Intérieur chargé de la Sécurité Publique

Anaclet IMBIKI Ben Marofo AZALY

Le Secrétaire d’Etat auprès du Ministre Des Forces Armées chargé de la Gendarmerie

Jean Paul BORY

Pour ampliation conforme Antananarivo, le 30 mars 1998

LE SECRETAIRE GENERAL ADJOINT DU GOUVERNEMENT

Honoré Etienne RALALAHARISON

a. Arrêté interministériel n°9235/98

305

REPOBLIKAN’I MADAGASCARA Taanindrazana- Fahafahana- Fandrosoana

MINISTERE DES FINANCES ET DE L’ECONOMIE ------MINISTERE DE LA PÊCHE ET DES RESSOURCES HALIEUTIQUES ------

DECRET N° 9235/98 Portant fixation des redevances en matière de Collecte des produits halieutiques d’origine marine

LE PREMIER MINISTRE, MINISTRE DES FINANCES ET DE L’ECONOMIE,

LE MINISTRE DE LA PÊCHE ET DES RESSOURCES HALIEUTIQUES,

Vu la Constitution, Vu l’ordonnance n°93-022 du 04/05/93, portant réglementation de la pêche et de l’aquaculture, Vu le Décret n°94-701 du 08/11/94 fixant les modalités de gestion du compte de commerce n°92-24 intitulé fonds de développement halieutique et aquicole, Vu le Décret n°97-1455 du 18/12/97, portant organisation générale des activités de collecte des produits halieutiques d’origine marine,

ARRETENT

Article – 1 : Conformément à l’article 12 du Décret n°97-1455 du 18/12/97, la délivrance d’un permis de collecte donne lieu à la perception des redevances. Article – 2 : Le permis de collecte ne peut être délivré sans la présentation d’une quittance attestant le paiement de la totalité de la redevance due 15jours au plus tard avant début de toute campagne et de documents certifiés comportant tous les éléments ayant servi de base au calcul de ladite redevance notamment la(ou les) zone(s) de collecte, le (ou les) produits cibles(s). Article – 3 : Toute année commencée est due. Le retrait de permis ne peut donner lieu en aucun cas au remboursement de la tranche correspondante à la période de validité non expirée. Article – 4 : Conformément à l’article 12 du Décret n°97-1455 du 18/12/97, le calcul du montant de la redevance applicable sur les opérations de collecte des produits halieutiques est fixé en fonction du nombre de zones ou régions d’action, des espèces cibles suivant la formule :

R= [ P (S 1 + S 2 + …. + S n ] 100.000

R : Le montant de la redevance payé en FMG P : Le nombre de zones ou régions autorisées dans le permis de collecte délivré. S : l’indice spécifique pour chaque type de produits collectés. Indices par espèce cible :

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* Ailerons de requins 5 * Algues 1 * Bichiques 1 * Calmars 3 * Chevaquines 1 * Civelles 5 * Coquillages 4 * Crabes 5 * Crevettes 6 * Langoustes 6 * Poissons 2 * Poulpes 3 * Trépangs 6

Les indices ainsi que les différents paramètres sont révisables annuellement

Article – 5 : Les redevances à payer par le mareyeur et l’exportateur seront fixées ultérieurement. Article – 6 : Les redevances sont payables en franc malagasy (FMG) par chèque certifié libellé au nom de monsieur LE PAYEUR GENERAL D’ANTANANRIVO avec mention « FONDS DE DEVELOPPEMENT HALIEUTIQUE ET AQUICOLE ». Ce dernier devant adresser un état mensuel de la situation de ces Fonds selon les modalités prévues par le Décret n°97-701 du 08/11/94. Article – 7 : Toute infraction aux dispositions du présent arrêté sera poursuivie suivant les dispositions de l’article 15 et 16 du Décret n°97-1455 du 18/12/97. Article – 8 : En raison de l’urgence et conformément aux dispositions de l’article 4 de l’ordonnance n°62-041 du 19/09/62 relatives aux dispositions générales de droit interne et international privé, le présent arrêté entre immédiatement en vigueur dès qu’il aura reçu une publication suffisante, notamment par émission radiodiffusée ou par voie d’affichage indépendamment de son insertion au Journal Officiel de la République de Madagascar.

Fait à Antananarivo, le 27/10/98

LE PREMIER MNISTRE, LE MINISTRE DE LA MINISTRE DES FINANCES PÊCHEET DES RESSOURCES ET DE L’ECONOMIE, HALIEUTIQUES,

Tantely ANDRIANARIVO Houssene ABDALLAH

1.3 Arrêté interministériel n° 1372/2000

307

REPOBLIKAN’I MADAGASIKARA Tanidrazana-Fahafahana-Fandrosoana ------

MINISTERE DES FINANCES ET DE L’ECONOMIE ------MINISTRE DE LA PÊCHE ET DES RESSOURCES HALIEUTIQUES ------

Arrêté interministériel n° 1372/2000 Modifiant et complétant certaines dispositions de l’arrêté n°5558/97 de la 18/06/97 portante fixation des redevances en matière de pêche des produits halieutiques et abrogeant l’arrêté n° 0500/99 du 18 janvier 1999

Le Ministre des Finances et de l’Economie, Le Ministre de la Pêche et des Ressources Halieutiques

Vu la Constitution du 18 septembre 1992, Vu l’ordonnance n°93-022 du 4 mai 1993, portant réglementation de la pêche et de l’aquaculture, Vu le Décret n094-112 du 18 février 1994, portant organisation générale des activités de la pêche maritime, Vu le Décret n°99-291 de la 26/04/99 portant réorganisation du Fonds de Développement halieutique et aquicole, Vu l’arrêté interministériel n° 9235/98 portant fixation des redevances en matière de collecte des produits halieutiques d’origine marine, Vu les résultats de consultation sue les redevances du 10 février 2000.

ARRETENT

Article – 1 : Pour la pêche industrielle de crevettes côtières, quatre types de licences sont instaurés : Licence du type A : Licence permettant de pêcher dans les zones maritimes comprises entre le Cap St Sébastien au nord et la pointe d’Angodoka au sud ; Licence du type B : Licence permettant de pêcher dans les zones maritimes comprises entre la pointe d’Angodoka au nord et le Phare Katsepy au sud ; Licence du type C : Licence permettant de pêcher dans les zones maritimes comprises entre le Phare Katsepy au nord et Morombe au sud Licence du type D : Licence permettant de pêcher dans les zones de la côte Est de Madagascar.

Article – 2 : L’article 6 de l’arrêté interministériel n°5558/97 du 18/06/97 est remplacé comme suit :

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Le Coefficient de Détermination des Droits de Licence (CDDL) est fixé par type de produits cibles et par type de licences comme suit : * Thon idés et espèces assimilées 0,15 DTS

* Crevettes côtières : navire industriel ayant une licence du type A 0,55304921 DTS navire industriel ayant une licence du type B 0,55304921 DTS navire industriel ayant une licence du type C 0,501450005 DTS navire industriel ayant une licence du type D 0,23237253114 DTS navire artisanal inférieur ou égal à 50CV 0,320291703 DTS

* Autres crustacées 0,10 DTS

* Poissons de chalut 0,10 DTS

* Autres 0,04 DTS

Pour les navires d’appui ou de collecte, ce coefficient est uniformément fixé à 0,08 DTS

Ces coefficients sont révisables.

Article – 3 : Pour les redevances de la campagne 2000, la valeur du DTS pour la formule est fixée à un taux égal à 9000FMG.

Article – 4 : En raison de l’urgence et conformément aux dispositions de l’article 4 de l’ordonnance n°62-041 du 09/09/62 relative aux dispositions générales de droit interne et international privé, le présent arrêté entre immédiatement en vigueur dès qu’il aura une publication suffisante, notamment par radiodiffusée ou par voie d’affichage indépendamment de son insertion au Journal Officiel de la République de Madagascar.

Fait à Antananarivo, le 27/10/98

LE MINISTRE DES FINANCES LE MINISTRE DE LA PÊCHE ET DE L’ECONOMIE ET DES RESSOURCES HALIEUTIQUES,

Tantely ANDRIANARIVO Houssene ABDALLAH

309

ANNEXE – XI

Coefficient de conversion des ressources halieutiques

PRODUITS COEFFICIENT POISSONS COGELES 1,1 POISSONS FUMES 3,9 POISSONS SECHES 2,5 POISSONS ETETES SALES SECHES 2 POISSONS EVISCERES FUMES 1,2 POISSONS EVISCERES CONGELES 4,35 POISSONS EVISCERES SECHES 2,8 POISSONS ETETES EVISCERES CONGELES 1,85 POISSONS ETETES EVISCERES FUMES – FILETS DE POISSON 6,5 POISSONS ETETES EVISCERES SECHES 4,5 CREVETTES DECORTIQUEES CUITES 6,5 CREVETTES CONGELEES CUITES 1,1 CREVETTES CRUES CONGELEES 1,1 CREVETTES ETETES CRUES CONGELEES 1,7 CREVETTES ETETES CUITES CONGELEES 1,7 CREVETTES SECHES DECORTIQUEES 6,1 CREVETTES DECORTIQUEES 6,1 CREVETTES DECORTIQUEES CONGELEES 6,7 CRABES MORCEAUX CONGELEES 2,2 CRABES DECORTIQUEES CONGELEES 6,1 LANGOUSTES CONGELES 1,1 LANGOUSTES ETETES CONGELEES 3,03 LANGOUSTES QUEUES CUITES CONGELEES 3,33 LANGOUSTES ENTIERES CUITES CONGELEES 1,21 TETES DE LANGOUSTES 4,24 TREPAGS BOUILLIS SECHES 3,28 ALGUES ROUGES SECHEES 4,88 MOLLUSQUES SECHEES 4 MOLLUSQUES EVISCIRES CONGELEES 1,21 MOLLUSQUES EVISCERES 1,1 CHEVAQUINES SECHEES – CARDINES 2,2 FILETS DE CALMAR 3

Source : Rapport d’activités de la Circonscription Pêche Toliara, 2004

310

ANNEXE – XII

Visas de conformité

1. Modèle pour les exportations

REPOBLIKAN’I MADAGASIKARA Tanindrazana-Fahafahana-Fandrosoana ------MAEP ------VISA DE CONFORMITE SG SRPRH Relatif aux produits halieutiques destinés à l’exploitation

N°____03/MAEP/SG /DGDRH/DRDR62/SRP62/VISA/EXT

1 – IDENTIFICATION DES PRODUITS

Espèce Nom scientifique Présentation Conservation Quantités Valeur

2 – PROVENANCE DES PRODUITS

Nom et adresse de N°Agrément N° et date N° et date N°visa de l’établissement CEE d’autorisation d’autorisation conformité Collecte/pêche aquaculture intérieure

3 – DESTINATION DES PRODUITS

Lieu d’exploitation Date d’expédition Lieu et pays de Nom et adresse de destination destination

Je soussigné (nom et qualité)……………………………………………………………… Atteste par la présente que les produits désignés ci-dessus sont conformes aux législations spécifiques de la pêche (taille, période d’ouverture, autorisation, espèce…)

Fait à Toliara, le ………………..

311

2. Modèle pour les expéditions intérieures

VISA DE CONFORMITE

Relatif aux produits de la mer et d’eau douce, destinés à l’exportation et vente locale

N°____03/MAEP/SG/DGDRH/DRDR62/SRP62

Espèces Présentation Conservation Quantité(en kg) Valeur(en FMG)

ORIGINE DES PRODUITS : NOMBRE DE COLIS : NOM ET ADRESSE DE L’EXPEDITEUR : NOM ET ADRESSE DU DESTINATAIRE : MOYEN DE TRANSPORT : DATE D’EXPEDITION :

Je soussigné………………………………………………………………………. Atteste par la présente que les produits ci-dessus sont conformes aux législations spécifiques de la pêche

Fait à Toliara, le ……………..

312

ANNEXE – XIII

Fiche de collecte et de commercialisation

1. Modèle en version française

FICHE DE COLLECTE ************: SOCIETE QUANTITE : EN KG MOIS VALEUR : EN FMG

PRODUITS ACHAT SUR PLACE COLLECTE SUR LES LIEUX DE PRODUCTION QUANTITE PRIX /KG QUANTITE PRIX/KG LIEU DE COLLECTE

FICHE DE COMMERCIALISATION **************

SOCIETE QUANTITE : EN KG MOIS VALEUR : EN FMG

PRODUITS VENTE LOCALE VENTE INTERREGIONALE VENTE A L’EXPORTATION A TOLIARA QUANTI VALE QUANTIT VALE DESTIN QUANTIT VALE DESTIN TE UR E UR ATION E UR ATION

2. modèle en version malagasy

Nom et adresse de l’établissement TATITRA VOLANA : MARS 2004

DATY FANAGONAM -BOKATRA (1) FIVAROTANA (2) Karazana Lanjany Vidiny Toerana Karazany Lanjany Vidiny Toerana (3) (4) (5) nividiana nandefas na azy ana azy (6) (7) 20/03/04 Calmars 74 8000 Beheloka Calmars 200 914060 Beheloka entiers entiers

74 8000 200 914060 TOTAL

L’intéressé

1 : Collecte 2 : Vente 3 : Espèces 4 : Poids 5 : Prix 6 : Lieu d’achat 7 : Lieu de vente

313

ANNEXE – XIV

LOI N°96 -030 DU 14 AOUT 1997

PORTANT REGIME PARTICULIER DES ONG A MADAGASCAR

(J.O. n° 2463 du 10.11.97, p.2198)

Article – 1- La présente loi définit l’Organisation Non Gouvernementale (ONG), les conditions de sa constitution, de son fonctionnement et de sa dissolution.

TITRE PREMIER DES DISPOSITIONS GENERALES CHAPITRE PREMIER De la définition

Art. 2 - L’ONG au sens de la présente loi est un groupement de personnes physiques ou morales, autonomes, privé, structuré, légalement déclarée et agrée, à but non lucrative à vocation humanitaire, exerçant de façon professionnelle et permanente des activités à caractère caritatif, socio- économique, socio-éducatif et culturel sous forme de prestations de services en vue du développement humain durable, de l’auto promotion de la communauté ainsi que de la protection de l’environnement.

Elle exerce ses activités suivant le principe du bénévolat, avec impartialité, sans discrimination de race, de religion ou d’appartenance politique. Elle dispose de ressources humaines, matérielles et financières pour ses interventions.

Art. 3 - Toute ONG fondée sur une cause ou un objet illicite, contraire aux lois et aux bonnes mœurs ou dont les activités constituent une menace pour l’ordre et la sécurité publique ou pour l’unité nationale est, nulle et de nul effet.

Art. 4 - L’inexistence des objectifs mentionnés à l’article 2 ci-dessus peut, être soulevée d’office par toute personne ou groupement, juridiquement capable et intéressé.

Art. 5 - L’ONG possède la personnalité civile et exerce ses actions dans les secteurs de son choix et de ses objectifs.

314

CHAPITRE II De la déclaration d’existence, de l’agrément et de la publicité

SECTION I De la déclaration d’existence

Art. 6 - L’ONG doit être déclarée par les soins de ses fondateurs. La déclaration sera déposée en triple exemplaire aux bureaux du Département ou de la Région dans lequel elle a son siège social.

Elle fera connaître sa dénomination, le siège de ses établissements et les noms, prénoms, profession et domicile de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration ou de sa direction.

Il en sera délivré récépissé.

Trois exemplaires dactylographiés des statuts de l’ONG seront joints à cette déclaration.

SECTION II De l’agrément

Art. 7 - L’ONG doit être agréée dans les conditions ci-après:

- la demande d’agrément est déposée aux bureaux du Département ou de la Région d’implantation de son siège social. Il lui en sera délivré récépissé.

- la demande est transmise au Comité départemental ou régional bipartite, réunissant des représentants de l’Etat et des ONG, et dont la composition et le fonctionnement seront fixes par décret;

- ce Comité dispose d’un délai maximum d’un mois à partir de la date de dépôt pour instruire la demande et statuer;

- le représentant de l’Etat auprès du Département ou de la Région constate par arrêté la décision du Comité départemental ou régional bipartite dans un délai maximum d’un mois.

- En aucun cas, ledit arrêté ne doit être pris au-delà d’un délai de deux mois à partir de la date de dépôt du dossier par l’ONG auprès du Comité départemental ou régional bipartite.

Art. 8 - A peine d’irrecevabilité, le dossier de demande d’agrément doit comprendre : - une demande écrite adressée au représentant de l’Etat auprès du Département ou de la Région;

315

- un exemplaire dactylographié des statuts de l’ONG

- une fiche de renseignements indiquant les noms des membres fondateurs et des principaux dirigeants de l’ONG

- une documentation sur le programme d’activités ainsi que les moyens dont dispose l’ONG

- le récépissé de déclaration d’existence prévu à l’article 6 ci-dessus.

Art. 9 - Le retrait d’agrément est prononcé par arrêté du représentant de l’Etat auprès du département ou de la Région après avis du Comité départemental ou régional bipartite, l’ONG concernée étant entendue, dans les cas suivants:

- lorsque des irrégularités graves ont été constatées dans la gestion de ses projets ou de ses programmes;

- lorsque les activités de l’ONG ne correspondent plus aux buts et objectifs définis par ses statuts;

- lorsque les activités de l’ONG constituent une menace pour l’ordre et la sécurité publique ou pour l’unité nationale.

Art. 10 - La décision de retrait est notifiée à l’ONG intéressée.

Elle met fin, dès sa notification, aux avantages, et facilités de toutes natures dont celle-ci a pu bénéficier et lui fait perdre sa qualité d’ONG.

SECTION III De la publicité

Art. 11 - Il est tenu aux bureaux du Département ou de la Région un registre spécial où sont consignés les renseignements suivants, fournis par l’ONG :

- dénomination et siège de l’ONG; - noms, prénoms, profession, domicile des directeurs et administrateurs de l’ONG; - date du dépôt de la déclaration d’existence; - date de l’arrêté d’agrément; - objectif de l’ONG; - changements survenus dans l’administration et la direction de l’ONG et modifications apportées à ses statuts; - modifications ou changements se rapportant au siège social, dénomination ou objet de l’ONG. Les mentions de ce registre ne sont opposables aux tiers qu’à partir de leur inscription.

316 Un arrêté d’application fixera le modèle de ce registre qui est à la disposition du public.

Art. 12 - Une copie de l’arrêté d’agrément, sera transmise, par les soins du représentant de l’Etat, auprès du Département ou de la Région au ministère chargé des Relations avec les ONG et publiée au Journal officiel de la République de Madagascar.

CHAPITRE III De l’organisation et du fonctionnement

Art. 13 - L’ONG est dotée :

- d’un organe de décision et de délibération: Assemblée générale; - d’un organe d’orientation et de suivi : Conseil d’administration; - d’un organe d’exécution: Comité directeur ou direction; - d’un organe de contrôle : Commissariat aux comptes. Les statuts et règlement intérieur déterminent le mode de fonctionnement de ces structures. Nul ne peut cumuler les fonctions d’exécution et de contrôle prévues dans ces organes. Les fonctions au sein de l’ONG sont gratuites. Néanmoins, les membres peuvent être remboursés des frais qu’ils ont engagés à l’occasion des missions et services effectués pour le compte de l’ONG.

Art. 14 - Sauf dérogation expresse accordée par le Comité départemental ou régional bipartite, nul ne peut exercer la fonction d’administration, de direction ou de gestion d’une ONG ni disposer du pouvoir de signer pour son compte : - s’il a fait l’objet d’une condamnation à Madagascar ou à l’étranger soit : a .Pour crime de droit commun; b. Pour faux et usage de faux en écritures privées ou de commerce; c. Pour vol, escroquerie ou abus de confiance; d. Pour violation des articles 418 à 420 du Code pénal; e. Pour détournement de deniers publics et extorsion de fonds; f. Pour recel d’objets obtenus à la suite des infractions prévues aux alinéas d et e; g. Pour tentative ou complicité de toutes les infractions citées ci-dessus

- s’il a fait l’objet d’une destitution de fonctions par décision de Justice ;

- s’il a été déclaré en faillite.

Art. 15 - Toute ONG peut ester en justice.

Elle peut acquérir ou aliéner à titre onéreux, posséder et administrer:

317 - les cotisations de ses membres ou les sommes au moyen desquelles ces cotisations ont été recouvrées; - les locaux destinés à l’administration de l’ONG et à ses réunions; - les immeubles nécessaires aux buts qu’elle se propose; - les aides matérielles et financières en provenance d’autres organismes; - les dons et legs de meubles et immeubles; - toutes autres ressources licites, dont les fruits de ses activités.

Art. 16 - L’ONG peut, dans les limites définies par ses statuts et règlement intérieur, gérer ses propres fonds, les utiliser, en bon père de famille, pour le paiement des salaires, indemnités ou primes du personnel travaillant pour l’objet du groupement ainsi que pour le règlement des charges permanentes et des frais divers de gestion. L’ONG est autorisée à constituer une dotation pour réserves.

Art. 17 - L’ONG est tenue de dresser annuellement un rapport moral et financier.

Une synthèse de ce rapport, dont la forme sera fixée réglementairement, est adressée au Comité départemental ou régional bipartite, au représentant de l’Etat auprès du Département ou de la Région et au ministère chargé des Relations avec les ONG. L’ONG est tenue, à la fin de chaque exercice, d’établir un plan d’opérations détaillé pour l’exercice suivant. Copie de ce plan est adressée aux mêmes autorités.

CHAPITRE IV Des dispositions fiscales et douanières

Art. 18 - Tout employé, représentant ou agent salarié d’une ONG effectuant à Madagascar un travail rémunéré doit payer l’impôt sur les revenus, sauf existence de convention fiscale particulière.

Art. 19 - En ce qui concerne les droits et taxes divers frappant les marchandises et matériels importés par l’ONG exerçant des activités non lucratives, les dispositions de la loi des Finances en vigueur seront appliquées.

Art. 20 - Dans tous les cas, l’ONG peut bénéficier, à sa demande, de tous les avantages fiscaux et douaniers prévus par la législation fiscale et douanière en vigueur à Madagascar.

TITRE II DES DISPOSITIONS DIVERSES

CHAPITRE PREMIER Des regroupements d’ONG

Section I Du Conseil national d’ONG

318 Art. 21 - Il est créé au niveau national un Conseil national des ONG.

Art. 22 - Il sert de lieu de concertation nationale sur toutes les questions relatives aux ONG.

Art. 23 - Il est composé de représentants des Conseils de Départements et des Conseils régionaux. Toutefois, les représentants volontaires des ONG peuvent y participer à titre d’observateurs.

SECTION II Des Conseils régionaux d’ONG

Art. 24 - Il est créé dans chaque région un Conseil régional des ONG.

Art. 25 - Il a pour mission de promouvoir la coopération entre les ONG, d’entretenir de bonnes relations avec les institutions étatiques et de défendre les intérêts des ONG auprès des organismes concernés. Il désigne ses représentants au Conseil national des ONG.

Art. 26 - Il est composé de représentants de toutes les ONG ayant leur siège et/ou opérant dans la circonscription administrative concernée. La désignation des membres est nominative.

SECTION III Des conseils départementaux d’ONG

Art. 27 - Il est créé dans chaque Département un conseil départemental des ONGs dont le rôle est de:

- désigner les représentants des ONG auprès du Comité bipartite départemental; - désigner les représentants des ONG auprès du Conseil régional; - désigner les représentants des ONG auprès du Conseil national.

Art. 28 - Il est composé des représentants de toutes les ONG ayant leur siège et/ou opérant dans le département concerné. La désignation des membres est nominative.

SECTION IV Des collectifs d’ONG

Art. 29 - Des collectifs d’ONG peuvent se former librement sur tout le territoire national et sous l’appellation de leur choix.

Leurs rôles et objectifs seront définis statutairement. Ils peuvent notamment: - se prêter à toutes formes de sollicitation qui viendraient de leurs membres : appui technique, formation, information, recherche de financement, démarches administratives; - se constituer en réseau d’informations de leurs membres, du public, du Gouvernement, des organismes privés ou publics internationaux sur les

319 activités des membres, les financements obtenus, les projets exécutés et ceux en cours d’exécution.

- faciliter la concertation entre les ONG membres d’une part, entre les ONG membres et les Organismes Gouvernementaux d’autre part; - œuvrer à la coordination et à la rationalisation des activités des ONG membres en vue de parvenir à une meilleure efficacité.

Art.30 - En se conformant aux dispositions des articles 6 à 8 ci-dessus, ils bénéficient du statut d’ONG.

CHAPITRE II Du contentieux

Art. 31 - Après épuisement de toutes les voies de recours amiables et hiérarchiques, les litiges nés de l’octroi et du retrait d’agrément seront portés devant la juridiction administrative du siège de l’ONG.

Art. 32 - Les litiges nés à l’occasion du fonctionnement interne seront portés devant la Tribunal civil du siège de l’ONG.

CHAPITRE III De la mutation des associations en ONG

Art. 33 - L’Association qui poursuit déjà les objectifs visés à l’article 2 peut se transformer en ONG en se conformant aux dispositions statutaires ou sur décision prise en Assemblée générale extraordinaire, et en respectant la procédure prévue par les articles 6 à 8 ci-dessus. Dans ce cas, le patrimoine de l’association est dévolu à la nouvelle ONG.

CHAPITRE IV De la dissolution

Art. 34 - L’ONG peut être dissoute par : - la volonté des trois-quarts au moins de ses membres; - disposition statutaire; - décision administrative ou de justice.

Art. 35 - En cas de dissolution volontaire ou statutaire, les biens de l’ONG seront dévolus, après apurement du passif, conformément aux statuts ou à la décision de dissolution.

Art. 36 - En cas de dissolution par voie judiciaire ou administrative, la dévolution des biens sera réglée par la décision qui l’a prononcée.

CHAPITRE V Des ONG étrangères

Art. 37 - Sauf dispositions contraires prévues par les conventions internationales, aucune ONG étrangère ou agence de représentation d’ONG étrangère ne peut se former à Madagascar sans l’autorisation préalable du Ministre de l’Intérieur et après avis du Ministre des Affaires étrangères.

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Art. 38 - Sont réputés ONG étrangères, quelle que soit la forme sous laquelle ils peuvent éventuellement se dissimuler, les groupements présentant les caractéristiques d’une ONG, qui ont leur siège à l’étranger, ou qui, ayant leur siège à Madagascar, sont dirigés en fait par un ou plusieurs étrangers, ou sont composés soit d’administrateurs en majorité étrangère, soit du quart au moins de membres étrangers.

Art. 39 - Sauf conventions particulières, les dispositions de la présente loi s’appliquent aux ONG étrangères.

CHAPITRE VI Des dispositions transitoires

Art. 40 - En attendant la constitution d’ONG au sens de la présente loi, les Associations légalement constituées répondant aux critères définis à l’article 2 ci-dessus, ayant au moins deux années d’existence et établies dans la circonscription départementale ou régionale concernée, se réunissent en Conseil départemental ou régional provisoire, pour désigner leurs représentants devant siéger au sein du Comité départemental ou régional bipartite prévu par l’article 7 ci-dessus.

CHAPITRE VII Des dispositions finales

Art. 41 - Tout agrément octroyé en violation de la présente loi, sera considérée comme de nul effet.

Art. 42 - Des décrets seront pris en tant que de besoin pour l’application de la présente loi.

Art 43- La présente loi sera publiée au Journal Officiel de la République.

Elle sera exécutée comme loi de l’Etat.

Antananarivo, le 14 août 1997

Didier RATSIRAKA

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ANNEXE – XV

GLOSSAIRE DES TERMES VERNACULAIRES CITES DANS LE TEXTE

Abo : haut, élancé. Akao : filao (Casuerina equisetifolia) ; à l’origine du nom du village d’Anakao Akio : requin. Alafaly : cérémonie simple au cours de laquelle quelqu’un reçoit la bénédiction de son chef de lignage ou d’un vieux notable ; le sacrifice d’une chèvre peut suffire, mais des gens aisés sacrifient plutôt, dans ce cas, un bœuf castré et donnent une petite somme d’argent (2000 à 4000MGA) à la personne qui donne sa bénédiction. Amboho , ambohone, amboho riake : (racine voho = dos) = littéralement « le dos de la mer », la haute mer au-delà du récif, au-delà des brisants, en eau profonde, partie familière de la haute mer, qui s’oppose à celle de lagon. Ampala : brise de mer. Ampela : femme . mamañisa (« la femme qui a des ouïes de poisson) : ancêtre féminin mythique de tous les Vezo, la mère de Bibirano , l’ancêtre masculin mythique des Vezo, la « mère sirène » . manañoh y : sirène . tovo : jeune fille célibataire, caractérisée par une grande liberté de mœurs avant son mariage ; ses parents lui construisent une petite case afin qu’elle puisse accueillir discrètement des compagnons épisodique pour la nuit. Ampotake : de la boue, de l’intérieur, à l’opposition de andriake. Andovo : vent du SE, qui souffle le matin, considéré comme dangereux car il pousse vers le large. Andriba : zone de hauts-fonds coralliens ; s’oppose à ambohone (la haute mer) et à antrone (le lagon) Andro : jour faly : jour interdit (notamment pour effectuer des cérémonies lignagères), raty : jour néfaste, donc généralement interdit, tsara : jour faste, favorable pour un objectif précis, déterminé par l’ ombiasa (devin) Anenjehe : unité de mesure spéciale pour évaluer la longueur d’une senne de plage (environ 80 à 100m de longueur). Angata : coquillages utilisés par les Vezo pour servir de lest sur les filets. Angisy : calmar ; dans la zone, l’ angisy est souvent utilisé comme appât pour la pêche à la ligne. Anjiake (voir riake ) : au bord de la mer, du côté de la mer par opposition à antanety ou la mer près du rivage par opposition à ambohone . Anjomba (ou Romba ) : en général, espace sacré ; dans le cas particulier du Vorombe , espace rituel qui prend la forme d’une maison miniature montée sur 4 pilotis, toujours à l’est de la case où habite le possédé qui y range le matériel cérémoniel (talismans, brûle-parfums, bols, assiettes…). Une petite table au sud de l’ Anjomba est destinée aux ancêtres lignagers. L’ensemble est entouré d’une palissade pour marquer la séparation avec le monde profane. Toujours à l’est de la case du possédé. Antety(e) : l’intérieur des terres par opposition à Anjiake , le littoral, le rivage, le bord de mer. Antrone : le lagon (entre la plage et la barrière récifale). Asale : fumer (poisson). Asara : saison des pluies (été). Asotry ou asotse : saison sèche (hiver).

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Atehèna ou atihèna : fraternité de sang, lien de parenté fictive établi entre 2 personnes après une brève cérémonie. Ce lien est très fort. Ailleurs à Madagascar, on dit plutôt fatidrà Ava : sarclage. Balahazo : manioc. Balahazo maike : manioc séché. Balahazo le’e : manioc frais Beangata : senne de plage ou senne tournante, généralement confectionnée à l’aide de fils tirés de vieux pneus et munis à la base de lest fait de coquillages « angata » Betampe : coquillage, turbo. Bibiandrano (« la bête de l’eau ») : l’un des personnages mythiques (avec Ampela manañisa ) qui seraient à l’origine du peuple vezo. Dina : convention collective entre les membres d’un même village ou de plusieurs villages voisins ou même d’une région. Pour les vols de bœufs, notamment, l’application de ces conventions est contrôlée par l’Etat. Quand ces conventions sont établies hors du contrôle de l’Etat, on emploie plutôt le terme titike . Dina et titike sont applicables après accord collectif solennel se terminant par le sacrifice d’un ou plusieurs bœufs. Après une invocation aux ancêtres, tous les participants mangent ensemble la viande du (des) bœuf(s). Ils se sentent dès lors responsables de l’application du traité sous le regard sévère des ancêtres. Doany : forme de possession qui s’ajoute, parfois, au Vorombe . Le possédé accueillant ces 2 types de possession est particulièrement respecté. Les esprits Doany viennent généralement du nord-ouest de Madagascar. Il s’agit souvent de souverains issus de cette région. Les interdits du Doany sont généralement différents de ceux du Vorombe . Drala ou vola : argent, numéraire, en général Drala mafana : argent chaud, qui est dangereux, dont l’irruption subite met en danger celui qui l’a gagné (il a eu trop de chance, en compensation il aura trop de malchance). Drala raike : un ariary = cinq francs. Drala taratasy : billet de banque. Enga : il s’agit de l’ensemble des prestations (en nature ou en monnaie) offertes à l’organisateur par les personnes invitées à une cérémonie lignagère. L’organisateur note ces prestations sur un cahier spécial de façon à pouvoir rendre de façon adéquate quand l’invité sera devenu à son tour organisateur. On emploie aussi le même terme pour designer une amende au sein de la vie sociale (réparation d’une faut pas très grave). Enga lolo : rite funéraire caractéristique des groupes mahafaly et tanalana. Famata ou Samata : Euphorbiaceé (essence forestière du Sud-Ouest malgache) Fandeo : mariage traditionnel chez les Vezo et chez la plupart des groupes du Sud-Ouest (on utilise parfois le français « mariazy »). Ce n’est pas une cérémonie très solennelle. Toute l’importance de l’union apparaît lors du sorontroke pour la première grossesse de l’épouse et pour le soron’anake à la naissance de l’enfant. Fagnare : balancier d’une pirogue. Faly : interdit. Fanjakà : l’Administration, le pouvoir au sens large. Raham-panjakana : une affaire de l’Administration. L’expression s’accompagne souvent de l’idée qu’il s’agit d’une tâche imposée par les autorités qui n’implique donc qu’une adhésion formelle sans aucune spontanéité ; les villageois ne se sentent pas vraiment concernés. Fano (Chelonia midas ) : tortue de mer. Au temps où les tortues étaient plus nombreuses, il y avait dans chaque village un ou plusieurs spécialistes de la pêche à la tortue. Devant leurs cases figuraient leurs trophées exposés auprès d’un autel. Le nombre de ces autels semble aujourd’hui en forte diminution. Farafatse : euphorbiacée ( Givotia madagascariensis ) utilisée pour la fabrication des coques de pirogues. Sa raréfaction actuelle est ressentie comme un drame qui oblige les pêcheurs de la zone étudiée à le chercher loin au nord, aux environs d’Ifaty ou même dans le pays bara.

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Farao (surnommé « tompondrano », le maître de l’eau) : orque( ?). Considéré comme très dangereux. Quand on le croise, on doit cesser de pagayer et retenir son souffle pour ne pas attirer son attention. Le Farao est considéré comme l’exécuteur des hautes œuvres de Zanahary contre les pêcheurs qui ont accumulé du « havoa ». Il peut renverser leur pirogue, les charger sur son dos, et foncer vers le rivage avant de les projeter violemment sut le rivage. Fasy : sable. Fia : poisson . Fia sira : poisson salé . Fia venja : poisson séché Fihisà bevata : grande cérémonie du Vorombe qui devrait normalement se tenir une fois par an et qui implique le sacrifice de plusieurs bœufs. La pauvreté générale oblige souvent à la remplacer par le Sorombe moins coûteux. La réussite du Fihisà bevata est la condition de la prospérité à venir car la satisfaction des ancêtres en dépend. Fivelomampo : activité quotidienne. Fivoriampokonolo : réunion de tous les villageois. Fôsa : saison chaude entre le mois de septembre et novembre. Geba : Sardinella , sardine banche. Hafotse : ecorce d’un arbre à fibres ou écorce de baobab dont on faisait autrefois des cordes de médiocre qualité. Les vezo s’en servaient et s’en servent encore quand ils n’ont pas de filets en nylon – pour leurs filets (cas actuellement très rare). Harato ou arato : filet de pêche. Hasy : sacré (voir Masy ). Hatsake : Culture itinérante sur brûlis ( tavy sur la côte-Est) Havoa : malédiction causée par une faute commise contre les règles de vie et de morale, imposées par les ancêtres. La malédiction peut frapper le coupable ou n’importe lequel des membres de famille ou même de son lignage. Elle peut être immédiate ou différée, mais elle finira toujours par arriver. . fangalan-kavoa : rituel de levée de havoa , pour rétablir l’ordre social de façon à ce que la sanction conséquence du havoa, ne cause pas l’échec d’une cérémonie ou d’une entreprise risquée. Hazomalañe (Hernandia voyroni, hernandiacées, littéralement « bois puant ») : bois préféré pour construction des balanciers des pirogues, pour les cercueils et le bois des croix tombales. Il répand une odeur forte qui peut incommoder, mais éloigne les insectes. A défaut, on utilise le romy . Hazomanga : poteau cérémoniel. Chez les Vezo, comme chez les Sakalava, il n’existe généralement plus de poteau cérémoniel, mais seulement des hazomboto (littéralement « poteau pénis ») qui commémorent les circoncisions des enfants du lignage. Le Mpitankazomanga (le détenteur du poteau cérémoniel) ne détient en fait que divers objets cérémoniels que l’on décrit aussi sous le nom de hazomanga . Il s’agit d’ustensiles sacrés abrités dans l’ Anjomba (cf : Mpitankazomanga ). Hetà : bois de chauffe ou espèce de bois. Hifikifike : petite cérémonie de purification ou de réparation après une faute sérieuse mais pas impordonnable (bagarre dans laquelle l’un des combattants a été blessé, inceste, faute à l’égard d’un Ancien…). C’est aussi le nom du bœuf que l’un des époux remet à l’autre pour effacer une faute qu’il a commise à son égard (un adultère par exemple). Hosy : manière de préparer le requin (hosin’akio) on fait d’abord cuire à l’eau la chair, puis on fait fondre le foie dans la poêle ; on fait revenir la chair coupée en petits morceaux avec l’huile du foie. Hozatse (voir ozatse). Ilo : pêche de nuit avec une lampe ou un feu, peut se pratiquer à pied pour ramasser des zanga . Isa (voir Ampela manañisa ), isam-pia : ouïes de poisson, branchies. Jala : autre façon d’écrire drala (voir ce mot).

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Jarifa : filet spécial pour la pêche à la tortue de mer / pour les requins. Kabary : discours, peut aussi avoir le sens de réunion au cours de laquelle on parle beaucoup. Kabily : sardinelle, mulet à grandes écailles. Kapoaka : unité de mesure correspondant au volume d’une boîte de lait Nestlé. Karany : les indo-pakistanais. Katekista : responsable ou assistant du pasteur dans une église chrétienne. Kijoamanta : Harpon à 4 pointes, réservé à la pêche collective. Kily : Tamarinier, ( Tamarindicus indica ), grand arbre à l’ombre épaisse dont les graines huileuses sont comestibles. Kilibory : tamarinier nain. Kinanga : petit commerce de proximité incluant de multiples petits trafics portant sur de chiffres d’affaire souvent minuscule qui parviennent cependant à dégager, parfois, des profits significatifs. Kitsele : estrade érigée pour le possédé Vorombe lors des cérémonies annuelles. Koko : les esprits (de la forêt, des ancêtres, rôdant autour des tombeaux…) Kokolampo ; esprits venus de l’Androy qui présentent plusieurs points communs avec Les esprits liés au Vorombe (maisons miniature pour accueillir des esprits qui, eux-aussi, viennent du sud…). Kokondrano : esprit de l’eau qui hantent les abords de la falaise séparant Sarodrano de St Augustin. Konko : la mangrove. Laka : pirogue. Laka mpaminta : pirogue pour la pêche à la ligne. Laka mpihaza : pirogue pour la pêche au filet. Lamatra : Cybium commersioni , espèce de poisson de haute valeur commerciale. Lamera ou lamaïra : Anguille de mer. Lay : voiles de boutre ou de pirogue, tentes dressée sur la plage en utilisant la voile. Lemberano ou leme rano : état de la mer calme, surtout pendant la période intermédiaire entre marées haute et basse, les mortes eaux. Litsake : saison des pluies. Lohahane : prémices de la pêche (ou de l’agriculture) ; apportés par les pêcheurs débutants à leurs parents (de 10 000 à 40 000 MGA) ou à leur Mpitankazomanga par les gens partis pêcher au loin quand ils reviennent à leur village de départ avec une production fructueuse. Lohariake : « la tête de la mer », là où les vagues déferlent sur le récif. Lolo : tombeau Lolo raike : un seul tombeau, synonyme de forte homogénéité d’un groupe dépendant pour ses cérémonies lignagères d’un seul tombeau. Longo : parent (avec un certain degré d’imprécision) ou parenté symbolique étendue à des non-parents avec lesquels on a des bonnes et durables relations. Lovo : Cabot, espèce de poisson. Mahafaly : Groupe éthique originaire des Districts d’Ampanihy et de Betioky Makarakara : toile de moustiquaire, aux mailles extrêmement fines, qui servent à pêcher les petites crevettes. Les pêcheurs reconnaissent eux-mêmes que les makarakara détruisent l’environnement en ne laissant absolument rien passer. Manambaitse : harpon à ardillon pour la pêche à la pieuvre. Mañary : palissandre (Dalbergia sp., fabacées), arbre de haute taille aux multiples usages magiques ; le bois est utilisé pour la fabrication des pagaies. Manadrake : encercler l’endroit où se trouve le poisson avec un long filet,(terme utilisé pendant l’opération de pêche collective). Mananjake : technique de pêche (le barrage) qui consiste à placer le filet en travers des chenaux. Mandara ou manamo : technique de pêche consistant à utiliser un produit enivrant ( la résine du laro )

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Manirike : plongée en apnée. Certains Vezo, parmi les Sarà notamment, prétendent être capables de rester plusieurs dizaines de minutes, voire plusieurs heures sous l’eau en apnée. Manjotso : dans la possession tromba, action de convoquer un esprit afin d’avoir une explication à propos d’un évènement donné. Mantsa : technique de pêche dans laquelle un fil supportant des hameçons est fixé à un poteau. Masay : cadet (pour 2 frères, pour 2 sœurs ou pour 2 épouses) par opposition à Raoke . Masy : sacré (voir l’expression raza masy « ancêtre sacré », employée pour la « sirène venue de Fort Dauphin en janvier 2002) Mifitake : s’installer définitivement. Mihake : pêche à pied. Mihaza : pêcher au filet avec pirogue. Mihirike : plongée sous-marine pour pêcher les poissons cachés dans les caves en profondeur. Mitata : prononcer les formules de bénédiction. Molanga : pirogue sans balancier. Molene : vent doux qui provoque une mer calme. Moly : moule (directement traduit du français). Mpanarivo : le riche (littéralement « le propriétaire de mille têtes de bœufs ») Mpilongo : les gens qui ont entre eux des relations de Longo. Mpisambinampela : descendants de 2 sœurs, ils ne peuvent se marier entre eux, l’inceste serait considéré comme très sévère. Mpisoro : chef de lignage qui est le seul habilité de prononcer les formules traditionnelles à toute circonstance. Mpitankazomanga : le chef du lignage, détenteur symbolique du hazomanga . Mpizaka : personne sage dont l’habilité à dénouer des conflits ou à faire face à des interlocuteurs non villageois s’est manifestée maintes fois. Ce peut être, mais pas forcement, le Mpitankazomanga ou une personne âgée. Les Mpizaka ont à connaître des conflits qui n’ont pu être réglés au sein d’un lignage ou au sein de deux lignages différents en litige. Si l’intervention du Mpizaka ne suffit pas, le litige doit être présenté au chef Fokontany. Mpiziva (voir Ziva ) : parent à plaisanterie. Ndrenanahare, Ndranahare, Zanahare : Dieu créateur, force amont de la Surnature. Olobe : notables du village ; personnes âgées à qui, il faut consulter avant de prendre une décision importante Ombiasa : devin- guérisseur avec parfois (très discrètement) un rôle de sorcier. Médiateur entre les forces de la Surnature et les humains. Souvent bon connaisseur des vertus médicinales des plantes locales. Il sait interpréter les rêves ( nofy ) qui sont inspirés par les ancêtres défunts. Il connaît les destins ( vinta ) et sait pratiquer la divination par les graines (sikily ) Orita : calmar, ourite, pieuvre. Ozatse ou hozatse : nerf, tendon, muscle du cou de la tortue, qu’il est interdit de couper au moment de sa capture. Pepe : sardine blanche ou hareng à bande bleue. Petake : manière de cuisinier le maïs pour qu’il soit plus vite cuit. Raketa : Cactées ; les raketa gasy à épines (Opuntia dillenii) ont été remplacés en grande partie par les raketa vazaha inermes (Opuntia inermis). Rano : l’eau. . Ranohariva : (littéralement « l’eau de l’après-midi »), terme employé pour dire que L’eau s’écarte de la plage, qu’elle « rente chez elle ». Par opposition à rano maray , («l’eau du matin »). . Rano maike : marée basse. . Rano maray : l’eau du matin. . Rano moly : début de la marée basse. . Rano soro : début de la marée haute.

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Ranovory : point d’eau pour le bétail. Raoke : voir Masay. Raza : à la fois, les ancêtres lignagers, les esprits Vorombe, les ancêtres tout court… Interférences de façon à ne pas encourir leur mécontentement dont on a tout à craindre. Riake : la mer. (Voir loha riake) Proverbe : Bara nahita riake : aussi étonné qu’un Bar qui voit la mer Roelela : harpon à deux pointes, pourvues de crochet de retenu Roka : bois mort apportés par les crues de fleuve, ce qui est à l’origine du nom du village d’Androka, « littéralement : là où il y a de roka », puisque le site primitif du village se trouve au niveau de l’embouchure du fleuve Linta. Rombo : battements des mains pour marquer le rythme de la musique dans les cérémonies de possession ; ils sont indispensables à la descente des esprits. Saba : cuivre Saba mavo (« de couleur jaune ») : laiton Saba mena (« de couleur rouge ») : bronze, sert à confectionner des bracelets protecteurs, en cas de besoin, on trempe le bracelet dans l’eau, le Mpisoro (ou le chef du lignage) bénit alors l’assistance avec cette eau. Le bracelet sert aussi à éloigner les mauvais esprits. Sagary : type de vent d’est qui souffle très fort pendant une courte durée. Sarà : lignage Vezo qui prétend comme le vrai Vezo descendant de l’ Ampela manañisa. Il est aussi parmi les 3 lignages fondateurs du village d’Anakao, la capitale vezo sur le littoral mahafaly. Saragna : site de débarquement. Sario : technique de pêche consistant à harponner les poissons non emmaillés. Sarondavake : technique de pêche qui consiste à entourer le récif à l’aide d’un petit filet. Sarotse : difficile Satra (Bismarckia nobilis) : palmier satra ; l’épine de satra servait autrefois d’hameçon. Savatse : circoncision. Sokake : tortue terrestre ( Testudo radiata ). Sokay : chaux obtenue à partir de coquillages ramassés sur le littoral. Soro : cérémonie traditionnelle Soro harea : cérémonie de la richesse ; par exemple quand on revient d’une mission de pêche au loin qui a duré plusieurs mois, si elle a été couronnée de succès. Sorombe : cérémonie Vorombe qui doit avoir lieu au moins une fois par an. Avec la généralisation d’une relative pauvreté, on peut se contenter de sacrifier une chèvre (voir Fihisà bevata ). Sorombola : cérémonie de remerciement, si, à la fin de l’année, on estime que la période a été favorable (synonyme de soro harea ). Soronanake : «cérémonie de l’enfant » qui permet au lignage du père d’officialiser l’affiliation de l’enfant dans son lignage paternel. Soron’arete : cérémonie pour guérir une maladie. Sorontao : grande cérémonie annuelle lignagère qui permet de renouveler l’emprise morale du chef de lignage sur son groupe de parenté. On emploie aussi le mêmetermepour indiquer la cérémonie traditionnelle pour que l’année se déroule de façon normale. Sorontroke : « cérémonie du ventre », qui permet à l’époux, lors de la première grossesse de son épouse, de « réserver », sous le contrôle des ancêtres, tous les enfantqui naîtront de ce « ventre » ; même si les époux se séparent, les nouveaux enfants continueront à être affiliés au lignage du père du premier enfant, tant qu’un nouveau sorontroke n’a pas été organisé par un autre conjoint.

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Tahitahy : technique de pêche qui consiste à placer le filet dans un lieu de pêche choisi au hasard. Taly : câble, corde, ficelle. Talirano : ligne de pêche (le fil est désormais, de plus en plus souvent, en nylon). Tanalana : sous-groupe éthique mahafaly qui occupe la plaine côtière. Tanambezo : village vezo Tandriake : ensemble de groupes du littoral mahafaly vivant en partie de la pêche. Tane : terre, sol. Tane enta : sol limoneux sableux durcis. Tane ilike : sables purs sur argiles ou limons. Tane loapasy : limons sur sables purs. Tane varake : limons sableux salés. Tane vilo ou tane gonka : limons sableux. Tanindraza : région d’origine, terre des ancêtres. Tantava : flotteur de filet. Tarike : lignage ou segment de lignage. Tata (mitata ) : bénédiction (bénir). Tehake : marée basse ( ?). Tekaroke(a) : lignage vezo, parmi les 3 fondateurs du village d’Anakao. Terake : naître. Teza : harpon spécial pour la pêche de la grande tortue. Tihy : natte (vannerie). Tiokantimo ou tsiokantimo : vent du sud qui souffle surtout en fin de matinée ; considéré comme le symbole de la ville de Toliara. Tioke ou tsioke : vent. Titike : grande réunion donnant lieu à un accord collectif, solennisé par la présence symbolique des ancêtres qui ont été invoqués. A cette occasion, on sacrifie un bœuf que l’on mange en commun. Toka : un, seul. Tokobe telo : « les 3 grandes pierres du foyer » ; symbole de l’alliance entre les 3 grands lignages mahafaly qui n’ont jamais accepté de se soumettre à l’autorité de l’envahisseur merina : les Temitongoa , les Tevondroñe , les Temilahehe . Avant de fuir vers le littoral sud, ils ont organisé une grande cérémonie autour de ce foyer. Leur alliance est effective aujourd’hui encore. L’ensemble de ces 3 lignages est appelé Tanalana. Les Tokobe telo constituent l’un de groupes de pression les plus importants à Toliara, notamment sur le plan du pouvoir politique. Toly : arrivé Toly soa : saine et sauve (après accouchement). Tompo : maître, propriétaire Tompodrano : maître de l’eau Tompmpaly : maître, propriétaire des interdits Tompontanà : fondateur du village. Tompotany : maître de la terre, originaire de la région, autochtone. Tove ou tovy : petits poissons qui fréquentent le littoral sud-ouest malgache en bancs nombreux, on les pêche avec des filets très fins avant de les faire sécher sur le sable. Ces poissons suivent des circuits de migration assez complexe qui incitent les pêcheurs à se déplacer à leur suite parfois loin de leur base. Certaines années, l’abondance exceptionnelle des tove aboutit à des pêches miraculeuses qui frappent les mémoires. Tratro : état de la mer calme. Tromba : forme de possession très répandue sur le littoral ouest, probablement en provenance de l’Afrique de l’est via les Comores et le Nord-Ouest de Madagascar. Tsako : maïs. Tsako le’e : maïs frais. Tsako maike : maïs séché

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Tsitsike : crevette. Tsivoky : l’un des lignages fondateurs du village d’Anakao. Valaza : type de vent fort qui est très dangereux pour les navigateurs. Varapohe : Vent du nord qui souffle très fort. Varatraza : vent d’est qui souffle plutôt le matin. Vatoara : récif. Vavarano : les passes qui font communiquer le lagon avec la haute mer à travers la barrière récifale. Vazaha : européen, blanc ; par extension, tous ceux qui ne sont pas originaires de la région et, notamment, les Merina et les agents malgaches du Fanjakana. Vilo (ou « sofin’aombe ») : marques d’oreilles. Vinta : ligne de pêche, destin de naissance. Volana : mois. Volam-paharoe : mois de février et une partie du mois de mars. Volam-pahavalo : mois de septembre. Voloso : harpon dépourvu de crochet de retenu. Vondro : plate marécageuse couramment utilisée pour la confection des cases provisoires dans. Vorombe : forme de possession caractéristique du pays vezo et, plus particulièrement, des Vezo Sarà . Serait en provenance du sud malgache, peut-être de groupe mahafaly. Chez les Vezo Sarà , il existe au moins un possédé par lignage important. Les possédés les plus prestigieux peuvent avoir une clientèle dépassant largement le cadre du lignage, voire celui du village. On consulte le possédé pour guérir mais aussi pour favoriser les activités de pêche, pour choisir les jours fastes, pour faire obstacle aux attaques de sorcellerie… les camps de pêche ou dans les petits villages vezo. Vorovoro : goélettes au bout desquelles on dispose des herbes en signe de propriété ou pour déterminer le terroir contre les immigrants. Vovo : puits. Zanahary : Dieu Créateur, la force située en amont de toutes les autres forces de la Surnature. Zanga : concombre de mer, holoturie. Ziva : parenté à plaisanterie, lien de parenté fictive et d’alliance qui unit deux groupes (deux lignages, deux clans, voire deux groupes ethniques). L’obligation de solidarité imposée par le Ziva est très forte, mais elle suppose, entre les partenaires, l’obligation de changer des insultes qui peuvent être grossière et donneraient lieu à d’immédiates représailles dans tout autre contexte. Zomba : petite maison en réduction utilisée dans le culte Vorombe pour abriter les esprits et les ustensiles cérémoniels.

329 Liste des figures

Figure 01 : Localisation du littoral mahafaly Page 11 Figure 02 : Le territoire tanalana Page 15 : Hypothèse sur la structure profonde de la bande côtière et Figure 03 positionnement de faille bordière du plateau Page 25 Figure 04 : Croquis morphologique la plaine côtière mahafaly Page 26 Figure 05 : Coupes schématiques et hypothétiques de la bande côtière Page 27 : Schéma du fonctionnement hydrologique dans le nord de la Figure 06 bande côtière Page 33 : Schéma du fonctionnement hydrologique dans le sud de la Figure 07 bande côtière Page 33 Figure 08 : Répartition spatiale des récifs coralliens du littoral mahafaly Page 35 : Croquis de la disposition de récif corallien par rapport aux deux Figure 09 zones de pêche Page 37 Figure 10 : Des récifs coralliens aux multiples passes du secteur nord Page 39 Figure 11 : Variations mensuelles des pluies entre 1951-1980 Page 45 Figure 12 : Régime pluviométrique du littoral mahafaly Page 48 Figure 13 : Présentation cartographique des pêcheurs non-vezo par localité Page 62 : Disposition des principaux lignages dans un espace villageois Figure 14 vezo Page 78 : Système technique de migration actuelle des pêcheurs sur le Figure 15 littoral mahafaly Page 92 Figure 16 : Calendrier de pêche pour les pêcheurs vezo Page 104 Figure 17 : Calendrier des activités des agro-pêcheurs tanalana Page 105 Figure 18 : Une pirogue vezo Page 107 Figure 19 : Ligne flottante introduite par le Projet FAO – Pêche Page 113 Figure 20 : Un cochet de retenu « fikavitse » Page 113 Figure 21 : Une ligne de traîne moderne : la turlutte Page 114 Figure 22 : Ligne de traîne associée à une ligne de fond Page 115 Figure 23 : Ligne de fond dormante à plusieurs hameçons Page 116 Figure 24 : Principaux types de harpons utilisés par les pêcheurs Page 123 Figure 25 : Système d’approvisionnement en matériels de pêche Page 129 Figure 26 : Préparation des poissons sur une tablette Page 134 Figure 27 : Fumoir, type chorkor vulgarisé par le Projet FAO-Pêche Page 136 Figure 28 : Clé de fumoir Page 136 Figure 29 : Séchage sur le sable Page 136 Figure 30 : Séchage sur claie Page 137 Figure 31 : Bac à salage pour poissons salés séchés Page 138 Figure 32 : Bocaux hermétiques Page138 : Structure du système d’intervention du P.S.D.R. dans le Figure 33 domaine de la pêche traditionnelle du littoral sud-ouest Page 146 Figure 34 : Système de financement extérieur de la FI.MI.MA.NO Page 159 : Circuit commercial des produits halieutiques avant la deuxième Figure 35 moitié des années1990 Page 165 Figure 36 : Système de collecte de poissons à « frire » Page 175 : Principaux centres de production de poissons à « frire » du Figure 37 littoral mahafaly Page 176 : Différents centres de collecte de la CO.PE.FR.TO. sur le littoral Figure 38 Mahafaly Page 178 Figure 39 : Un nouveau circuit commercial pour les produits de mer Page 183 Figure 40 : Circuit commercial des produits frais Page 184 Figure 41 : Circuit commercial des produits transformés Page 185

Figure 42 : Présentation graphique de l’évolution de la scolarité des jeunes

330 de 11 à 22ans Page 203 : Présentation graphique de l’évolution de la scolarité des adultes Figure 43 de 18 à 38ans Page 203 : Système d’un processus d’ascension économique et sociale Figure 44 actuelle Page 210 Figure 45 : Processus de modernisation des maisons d’habitation Page 211 : Carte présentant l’effort de la modernisation des maisons Figure 46 d’habitation Page 213 : Arbre de problèmes de développement de la société des Figure 47 pêcheurs du littoral mahafaly Page 216 Figure 48 : Des pêcheurs adultes au niveau d’instruction assez bas Page 221 Figure 49 : Problème de transport sur le littoral mahafaly Page 231 Figure 50 : Emploi du temps d’une femme de pêcheur non-vezo Page 236 Figure 51 : Arbre des solutions envisageables Page 245 Figure 52 : Utilisation schématique d’une nouvelle cuisinière Page 252 : Rapport entre l’utilisation de foyer amélioré et possibilité de Figure 53 développement humain Page 256 Figure 54 : Comment obtenir de l’eau propre ? Page 258 Figure 55 : Dispositif de Concentration de Poissons (DCP) Page 268

331 Liste des tableaux

Tableau 01 : Pluies annuelles sur le littoral mahafaly Page 42 Tableau 02 : Moyennes mensuelles des pluies entre 1951-1980 Page 43 Tableau 03 : Répartition spatiale des pluies saisonnières entre 1951-1980 Page 46

Tableau 04 : Répartition spatiale du nombre de jours de pluie dans l’année Page 46 : La variation moyenne de température sur 30ans (1951-1980) à Tableau 05 la station d’Androka Page 47 : Nombre de ménages pêcheurs dans les quatre sites Tableau 06 d’observation Page 50 : Ménages de pêcheurs non-vezo sur l’ensemble du littoral Tableau 07 mahafaly Page 59 : Ménages d’immigrants devenus pêcheurs par rapport au Tableau 08 nombre total des pêcheurs non-vezo Page 60 : Evolution de la migration due au problème foncier entre Tableau 09 1995-2005 Page 65 : Gonflement temporaire de la taille de ménage de certains Tableau 10 pêcheurs d’Ambohimanambola durant la sécheresse au début des années 1990 Page 70 Tableau 11 : Une croissance démographique galopante d’’Ankilimionga Page 86 : Variation saisonnière du nombre d’habitants dans certains Tableau 12 nouveaux villages permanents du littoral mahafaly Page 90 Tableau 13 : Caractéristique de pirogue vezo Page 106 Tableau 14 : Evolution du prix de monoxyle entre 1985-2005 Page 108 Tableau 15 : Composante pêche dans le Sud-ouest malgache Page 127 : Caractéristiques des nouveaux engins de pêche vulgarisés par Tableau 16 le Projet FAO – Pêche dans l’ensemble du Sud-ouest malgache Page 128 Tableau 17 : Prix des matériels de pêche et gestion du bénéfice. Page 130 Tableau 18 : Les différentes procédures de traitement de poissons Page 134 Tableau 19 : Un journal de pêcheur Page 144 Tableau 20 : Récapitulation des objectifs et activités d’un sous-projet Page 148 Tableau 21 : Les différentes phases d’action d’un sous-projet Page 149 Tableau 22 : Budget du sous-projet « VOMBOTSY » Page 151 : Un modèle de plan de gestion environnementale établie par le Tableau 23 C.O.U.T Page 155 Tableau 24 : Mesures d’atténuation environnementales Page 156 Tableau 25 : Location de charrette Ampanihy – Androka entre 1980-2000 Page 162 : Les différentes sortes d’alliance sociales nées de la pratique Tableau 26 quotidienne du système de troc entre les années 70-90 Page 164 : L’équivalence entre produits de mer et produits agricoles dans Tableau 27 le système de troc Page 165 : Evolution de la situation de pêcherie traditionnelle sur le Tableau 28 littoral mahafaly Page 167 : Evolution de la capacité de production journalière suivant la Tableau 29 modernisation des engins de pêche Page 168 : Evolution de la production de la pêche maritime traditionnelle Tableau 30 à Madagascar entre 2001-2003 Page 169

Tableau 31 : Evolution de la population malgache de 1999 à 2005 Page 170 : Evolution de la production d’espèces de poisson destinées à la Tableau 32 Fabrication de provende entre 2000-2004 Page 171 : Calendrier de travail entre les trois collecteurs de poissons à Tableau 33 « frire » d’Ankilimionga Page 174

332 : Croissance de l’effectif de collecteurs de poissons à « frire » Tableau 34 sur le littoral mahafaly Page 174 Tableau 35 : Prix des produits frais par espèce et par Kg Page 177 : Les divers aspectes des changements apportés aux activités de Tableau 36 pêche traditionnelle Page 193

Tableau 37 : Evolution de la scolarité de la population du littoral mahafaly Page 200 : Croissance du nombre des élèves originaires de la Commune Tableau 38 Rurale d’Androka, inscrits au lycée d’Ampanihy les années scolaires 2000/2001 et 2003/2004 Page 206 : Rythme de la modernisation des maisons d’habitation sur le Tableau 39 littoral mahafaly Page 214 : Un niveau d’instruction encore bas chez les pêcheurs adultes Tableau 40 de plus de 20 ans Page 220 Tableau 41 : Coût de transport élevé dans l’ensemble du littoral mahafaly Page 229 Tableau 42 : Type de budgets familiaux Page 239

333

Table des photographies

Photo 01 : Vu de face d’un tombeau vezo d’Anakao Page 75 Photo 02 : Vu par derrière du même tombeau Page 75 Photo 03 : Une maisonnette pour les esprits « Vorombe » à Anakao Page 78 Photo 04 : Une pirogue tirée sur la plage à Beheloka Page 106 Photo 05 : Fusil de pêche Page 111 Photo 06 : Une turlutte, un engin de pêche vulgarisé par le Projet FAO – Pêche Page 114 Photo 07 : Technique de fumage traditionnel à Beheloka Page 133 : Pratique de fumage traditionnel pour les poissons de petite taille à Photo 08 Beheloka Page 133 : Un bac à salage en bois et une claie pour séchage de poissons à Photo 09 Itampolo Page 139 : Un petit groupe de femmes de pêcheurs vezo assises sous un ombrage Photo 10 à Itampolo Page 140 : Un filet ZZ offert par le P.S.D.R. à l’association FI.PI.A.VO. à Photo 11 Itampolo Page 153 : Une équipe de la K.O.P.A, prête à partir à la pêche au large à Photo 12 Ambohibola Page 153 : Un congélateur offert par le P.S.D.R. dans le magasin de la Photo 13 F.I.P.A.V.O. à Itampolo Page 153 : Un taxi-brousse de la « Tranlittorale » en arrêt de détente pour Les Photo 14 voyageurs Page 172 Photo 15 : Un fumoir moderne délaissé en ruine à Beheloka Page 179 Photo 16 : Un camion tout terrain de la CO.PE.FRI.TO Page 179 Photo 17 : Commerce d’eau potable à Beheloka Page 196 : Patates douces en provenance de Toliara, vendues au marché de Photo 18 Beheloka Page 197 Photo 19 : Le marché hebdomadaire d’Androka Page 198 Photo 20 : Processus de la modernisation des maisons d’habitation à Beheloka Page 212 : Maison en dure de trois pièces d’un jeune pêcheur et nouvellement élu Photo 21 chef Fokontany d’Ambohibola Page 212 : Maison en dure de quatre pièces appartient au chef Fokontany de Photo 22 Beheloka Page 212 : Une femme de pêcheur non-vezo qui travaille sur un champ du delta Photo 23 de la LINTA Page 220 Photo 24 : Une forme de puits artificiel à Anakao Page 232 : Androka ela, vu de loin, la proie d’un phénomène d’ensablement Photo 25 Intense Page 232 Photo 26 : Des femmes qui viennent de chercher du bois de chauffe à Itampolo Page 252

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Liste des ANNEXES

ANNEXE – I : Exemple de questionnaires sur la pêche Page 290 ANNEXE– II : Profils côte avec toues délimitations correspondantes aux différentes lois et conventions internationales signées par Madagascar Page 292 ANNEXE – III : Les différents aspects du système côtier Page 293 ANNEXE – IV : Les principaux écosystèmes marins et côtiers malgaches Page 294 ANNEXE – V : Cadre et aménagements juridiques pour la zone d’autres Page 296 pays ANNEXE – VI : Captures par grandes zones de pêche en 1982 Page 297 ANNEXE – VII : Les grandes zones de pêche et densités de peuplement à Madagascar Page 298 ANNEXE– VIII : G estion Intégrée des Zones Côtières ( GIZC ) Page 299 ANNEXE – IX : Quelques données sur les systèmes dunaires Page 300 ANNEXE – X : Licences de pêche et permis de collecte Page 301 ANNEXE – XI : Coefficient de conversion des ressources halieutiques Page 309 ANNEXE – XII : Visas de conformité Page 310 ANNEXE – XIII : Fiche de collecte et de commercialisation Page 312 ANNEXE – XIV : Loi sur les ONG Page 313 ANNEXE – XV : Glossaires des termes vernaculaires cités dans le texte Page 321

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Table des photographies

Photo 01 : Vu de face d’un tombeau vezo d’Anakao Page 75 Photo 02 : Vu par derrière du même tombeau Page 75 Photo 03 : Une maisonnette pour les esprits « Voroombe » à Anakao Page 78 Photo 04 : Une pirogue tirée sur la plage à Beheloka Page 106 Photo 05 : Fusil de pêche Page 111 Photo 06 : Une turlutte, un engin de pêche vulgarisé par le Projet FAO – Pêche Page 114 Photo 07 : Technique de fumage traditionnel à Beheloka Page 133 : Pratique de fumage traditionnel pour les poissons de petite taille à Photo 08 Beheloka Page 133 : Un bac à salage en bois et une claie pour séchage de poissons à Photo 09 Itampolo Page 139 : Un petit groupe de femmes de pêcheurs vezo assises sous un ombrage Photo 10 à Itampolo Page 140 : Un filet ZZ offert par le P.S.D.R. à l’association FI.PI.A.VO. à Photo 11 Itampolo Page 153 : Une équipe de la K.O.P.A, prête à partir à la pêche au large à Photo 12 Ambohibola Page 153 : Un congélateur offert par le P.S.D.R. dans le magasin de la Photo 13 F.I.P.A.V.O. à Itampolo Page 153 : Un taxi-brousse de la « Tranlittorale » en arrêt de détente pour Les Photo 14 voyageurs Page 172 Photo 15 : Un fumoir moderne délaissé en ruine à Beheloka Page 179 Photo 16 : Un camion tout terrain de la CO.PE.FRI.TO Page 179 Photo 17 : Commerce d’eau potable à Beheloka Page 196 : Patates douces en provenance de Toliara, vendues au marché de Photo 18 Beheloka Page 197 Photo 19 : Le marché hebdomadaire d’Androka Page 198 Photo 20 : Processus de la modernisation des maisons d’habitation à Beheloka Page 212 : Maison en dure de trois pièces d’un jeune pêcheur et nouvellement élu Photo 21 chef Fokontany d’Ambohibola Page 212 : Maison en dure de quatre pièces appartient au chef Fokontany de Photo 22 Beheloka Page 212 : Une femme de pêcheur non-vezo qui travaille sur un champ du delta Photo 23 de la LINTA Page 220 Photo 24 : Une forme de puits artificiel à Anakao Page 232 : Androka ela, vu de loin, la proie d’un phénomène d’ensablement Photo 25 Intense Page 232 Photo 26 : Des femmes qui viennent de chercher du bois de chauffe à Itampolo Page 252

336 Table des matières

RESUME Page 04 ABSTRACT Page 05 SOMMAIRE Page 06 AVANT-PROPOS Page 07 INTRODUCTION GENERALE Page 12 PROBLEMATIQUE Page 16 OBJECTIFS Page 16 METHODE DE RECHERCHE Page 17 PRESENTATION DES RESULTATS Page 19

Première Partie

L’HOMME ET LES MILIEUX NATURELS Page 20 INTROCTION Page 21 Chapitre – I Page 22 Un milieu naturel contraignant quoique, favorable aux activités de pêche maritime traditionnelle Page 22 I – UN PAYSAGE NATUREL SPECIFIQUE Page 22 I – 1 : Présence d’un paysage naturel particulier Page 22 I – 2 : Les différents types de terrains sableux de la plaine côtière mahafaly Page 24 1 – Deux types de formation de surface : les dépressions et les sols de Décalcification Page 25 2 – Des formations alluvionnaires Page 28 3 – Les différents systèmes dunaires Page 29 I – 3 : Une densité hydrographique assez réduite Page 30 I – 4 : Des nappes littorales liées à des niveaux variés des couches Imperméables Page 31 II – UN LITTORAL AUX RECIFS CORALLIENS DIVERS Page34 II – 1 : Les caractères discontinus des récifs coralliens du secteur méridional Page 36 II – 2 : Secteur septentrional : un ensemble corelliens bien Page 38 développé II – 3 : Les petites îles : récifs à caye Page 41 III : UN CLIMAT A LONGUE SAISON SECHE Page 42 1 – Une pluviométrie annuelle faible Page 42 2 – Une forte variation des pluies Page 43 III – 1 : Une température toujours élevée Page 47 III – 1 : Le vent et ses conséquences Page 49 Chapitre – II Page 50 Des pêcheurs réunis pour les activités halieutiques Page 50 I – LES VEZO, LE PRINCIPAL GROUPE DE PÊCHEURS Page 50 I – 1 : La formation du groupe vezo Page 51 1 – 2 : Problème de définition du terme « vezo » Page 56 Un mode de vie… Page 56 … ou un groupe ethnique comme tant d’autres Page 58 II – LES PÊCHEURS NON -VEZO Page 59 II – 1 : De l’activité agropastorale à la pêche maritime Page 60 1 – Les activités halieutiques : de l’argent rapide et facile ? Page 60 2 - Un espace non approprié, ouvert à tout le monde : la mer Page 64

337 II – 2 : Des groupes d’agriculteurs-pêcheurs non-vezo du secteur méridional Page 66 II – 3 : Place de la pêche en mer pour les groupes non-vezo Page 67 La pêche maritime, une activité temporaire…. Page 67 … ou une activité complémentaire à l’agriculture ? Page 68 III – UNE SOCIETE BASEE SUR LES ACTIVITES HALIE UTIQUES Page70 III – 1 : Une société à forte spécificité sociopolitique Page 71 III – 1 – 1 : Une hiérarchie sociale peu poussée Page 72 III – 1 – 2 : Un intérêt monomaniaque apporté aux activités de pêche Page 73 III – 1 – 3 : Intégration des immigrants dans la société vezo Page 76 III – 1 – 4 : Morphologie du village vezo Page 76 III – 2 : Le « Vorombe » et la pêche en mer Page 78 Chapitre – III Page 82 L’occupation de l’espace liée aux activités de pêche Page 82 I – DE SITE PRINCIPAL VERS L’EXPANSION Page 82 SPATIALE ……..……... I – 1 : Mobilité ancienne et création des villages pêcheurs sur le littoral Page 83 I - 2 : Les nouveaux facteurs pour la création de village permanents Page 84 II – CREATION D’UN DEUXIEME NOYAU VEZO DANS LE SECTEUR SUD Page 87 III – UNE IMPLANTATION HUMAINE DICTEE PAR L’ACTIVITE DE PÊCHE ET LES CONDITIONS NATURELLES Page 88 IV – VERS UNE SEDENTARISATION DES PÊCHEURS ? Page 93 IV – 1 : Une forte symbiose entre les Vezo et les groupes d’agro-éleveurs Page 93 CONCLUSION Page 97 Deuxième Partie LES INTERELATIONS ENTRE LA PÊCHE TRADITIONNELLE ET LES O.N.G Page 98 INTRODUCTION Page 99 Chapitre – IV Page 101 Typologie de technique de la pêche traditionnelle vezo du littoral mahafaly Page 101 I – SPECIFICITE DU CALANDRIER DE PÊCHE DANS LA ZONE Page 101 I – 1 : Le rythme saisonnier des activités de pêche Page 102 I – 2 : La variation spatiale du rythme de l’activité de pêche Page 103 II – LES PRATIQUES DE PÊCHE EN PIROGUE Page 106 II – 1 : Un outil indispensable : la pirogue Page 106 II – 2 : Les différentes techniques de pêche en pirogue Page 109 III – LA PÊCHE A PIED, UNE TECHNIQUE EN IMPORTANCE CROISSANTE Page 123 Chapitre – V Page 126 Les efforts d’appui technique et d’encadrement des pêcheurs Page 126 I – LES ACTIONS DE DEVELO PPEMENT ENTREPRISES PAR LE PROJET FAO – PÊCHE CHEZ LES COMMUNAUTES DES PÊCHEURS Page 127 I – 1 : Les appuis matériels .Page 128 I – 2 : Les encadrements techniques Page 132 I – 2 – 1 : Techniques de conservation des produits de pêche : le soleil le feu et le sel Page 132

338 I – 2- 2 : Un effort destiné à la promotion féminine Page 139 I – 2 – 3 : Vers une professionnalisation des pêcheurs locaux ? Page 143 II – VERS UNE PÊCH E ARTISANALE SOTENUE PAR LE PROJET P.S.D.R Page 145 II – 1 : Des soutiens matériels et financiers Page 150 II – 2 : L’effort d’encadrement technique pour un développement durable Page 154 III – UN MODELE D E GESTION LOCALE DES RESSOURCES HALIEUTIQUES, SOUTENU PAR DES O.N.G : LA« FI.MI.MA.NO » Page 156 III – 1 : Justification de la protection de Nosy ve Page 157 III – 2 : Une forte collaboration avec différentes O.N.G Page 158 Chapitre – VI Page 161 Un système de mise en valeur des produits de mer en pleine mutation Page 161 I – A L’ORIGINE, UNE ECONOMIE DE SUBSISTANCE Page 161 I – 1 : Une production de pêche localement excédentaire dans l’ancien temps Page 161 I – 2 : La dualité du système d’échange Page 163 II – LA TENDANCE VERS UNE ECONOMIE DE MARCHE Page 166 II – 1 : Une production croissante et de plus en plus diversifiée Page 166 II – 2 : L’ouverture de la « Translittorale » en 1998 Page 171 II – 3 : La grande possibilité pour le marché de poissons frais Page 177 II – 4 : Une nouvelle structure commerciale des produits de mer Page 182 CONCLUSION Page 186 Troisième Partie Page 187 BILAN ET PERSPECTIVE DE DEVELOPPEMENT DURABLE DU LITTORAL MAHAFALY Page 187 INTRODUCTION Page 188 Chapitre – VII Page 189 Un grand progrès des conditions d’existence des habitants du littoral Page 189 I – LES FACTEURS FAVORABLES AUX PROGRES DE DEVELOPPEMENT RURAL Page 189 I – 1 : La grande adaptabilité de la société vezo Page 189 I – 2 : Le renforcement des acquis traditionnels . Page 192 II – UNE GRANDE AMELIORATION DES CONDITIONS DE VIE DE LA POPULATION DU LITTORAL Page 195 II – 1 : Des communautés villageoises de plus en plus animées Page 195 II – 2 : Un changement de comportement Page 200 II – 3 : Une nouvelle orientation de la finalité de l’activité de pêche Page 209 Chapitre – VIII Page 215 La difficile marche vers un développement durable de la société des pêcheurs du littoral mahafaly Page 215 I – LES MULTIPLES FACTEURS DE BLOCAGE INTERNE Page 217 I – 1 : La pesanteur des facteurs socioculturels au changement Page 217 I - 1-1 – Blocage de la tradition Page 217 I – 1-2 – Un taux d’analphabétisme encore élevé chez les adultes Page 219 I – 2 : des infrastructures de base largement insuffisante Page 226 I – 2-1 – Le mauvais état des voies de communication Page 226 I – 2-2 – L’insuffisance d’eau potable et le problème d’ensablement Page 231 II – UN GRAND PROBLEME METHODOLOGIQUE DE LA PART

339 DES O.N.G. Page 233 III – PLUS DE CHANGEMENT QUE DE DEVELOPPEMENT Page 238 III – 1 : La grande modification de budgets familiaux Page 239 III – 2 : Une perte progressive de l’identité culturelle vezo Page 240 Chapitre – IX Page 243 Suggestions pour des solutions à envisager pour l’avenir de la société vezo Page 243 I – Premièrement : UNE GRAND E PRIORITE EST ACCORDEE AU DEVELOPPEMENT HUMAIN Page 244 I – 1 : Renforcer l’appui à l’éducation de la population du littoral Page 246 I – 1- 1 : Améliorer l’accès des enfants à l’éducation primaire Page 246 I – 1- 2 : Encourager le départ des fonctionnaires de l’Etat pour travailler sur l’ensemble du littoral mahafaly Page 248 I – 1- 3 : Renforcer le volet Education/formation professionnelle dans les programmes d’activité des O.N.G Page 250 I – 1- 4 : Mettre en place un système d’information et de documentation accessible à la masse Page 259 I – 2 : La nécessité de désenclavement de la région par des voies de communication permanentes Page 261 I – 2 – 1 : Une nécessité absolue d’un désenclavement effectif de la zone littoral Page 261 1 : Justification de l’intérêt accordé à l’amélioration des infrastructures routières dans la région Page 262 2 : La faisabilité et gestion des infrastructures routières Page 263 I – 2- 2 : La grande nécessité d’une installation de réseaux téléphoniques dans la région Page 264 I – 3 : Rentabiliser le système d’expl oitation des ressources halieutiques habituelles Page 265 I – 3 - 1 : Améliorer progressivement la production de la pêche Page 265 I -3- 2 : Améliorer le système de commercialisation des produits de pêche Page 267 II – Deuxièmement : LE CHANGEMENT PROGRESSIF DU SYSTEME DE PRODUCTION VERS UNE FORME DE « COOPERATIVE DE PÊCHE Page 269 II – 1 : Les perspectives attendues des « coopératives de pêche » Page 270 II – 1 – 1 : Avantage économique d’une coopérative de pêche Page 270 II - 1 - 2 – Les avantages dans le cadre social Page 271 II – 2 : Les limites de la « coopérative de pêche » Page 271 III –Troisièmement : FAVORISER L’EFFICACITE DES ACTIONS DES O.N.G. Page 274 CONCLUSION CONCLUSION GENERALE Page 277 BILIOGRAPHIE Page 280 ANNEXES Page 289 TABLE DES FIGURES Page 329 LISTE DES TABLEAUX Page 331 LISTE DES ANNEXES Page 334 TABLE DES PHOTOGRAPHIES Page 335 TABLE DES MATIERES Page 336