Les techniques d’élimination des doubles impositions Internationales dans la réglementation fiscale marocaine

AIT OUAKRIM Jalal Université Hassan 1er- Settat

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Les techniques d’élimination des doubles impositions Internationales dans la réglementation fiscale marocaine

Résumé :

La double imposition internationale a été, et est toujours, la première des préoccupations des investisseurs engagés dans les affaires internationales. L’Etat marocain a mis en place des mesures variées qui visent l’élimination de cette double imposition.

Le présent article tente d’appréhender les éléments à l’origine de l’apparition des situations de la double imposition internationale au Maroc, et de cerner les différentes techniques de l’élimination de la double imposition que l’on retrouve aussi bien dans le droit interne marocain, que dans les conventions fiscales conclues par le Maroc.

Abstract:

Double taxation is the major challenge facing investors who are involved in international business. Morocco has put in place various measures aiming to provide international relief.

Our research attempts to understand the factors that lead to the emergence of situations of international double taxation in Morocco, and to identify the different techniques for the elimination of double taxation that can be found either in the Moroccan law, or in the tax treaties signed by Morocco.

Mots clés :

Droit fiscal international, droit interne marocain, double imposition internationale, élimination de la double imposition, conventions fiscales internationales.

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INTRODUCTION

La problématique de la fiscalisation des bénéfices réalisés à l’étranger se trouve au premier plan des préoccupations des investisseurs engagés dans les affaires à l’international. En effet, le niveau de rendement de telles affaires dépend largement des régimes fiscaux qui leurs sont appliqués au niveau des Etats où les dits bénéfices ont été réalisés, mais aussi au niveau des Etats où les personnes concernées sont installées. La problématique de la double imposition internationale s’impose alors comme le souci majeur desdits investisseurs.

Depuis très longtemps, les Etats ont pris conscience du fait qu’il est de leur intérêt de faire des efforts pour résoudre le problème de la double imposition internationale. En effet, en agissant d’une telle manière, les Etats peuvent, d’un côté, inciter les investissements étrangers à venir s’installer chez eux, et de l’autre côté, encourager les sociétés locales à conquérir des marchés extérieurs.

En vue d’éliminer la double imposition internationale, un Etat peut mettre en place des mesures dites « unilatérales » : Il s’agit ici de règles de droit interne qui prennent la forme d’exonérations, de crédits d’impôts étrangers ou même de régimes spéciaux d’imposition. Ces mesures qui sont faciles à mettre en place, du fait qu’ils ne dépendent de la volonté de l’Etat en question, s’avèrent par contre très coûteuses étant donné que le sacrifice fiscal est entièrement pris en charge par l’Etat concerné. Dans la pratique, les Etats préfèrent le plus souvent se lier entre eux par des conventions fiscales internationales afin de contribuer ensemble dans l’effort de l’élimination des doubles impositions ; le sacrifice fiscal est alors partagé.

Durant les dix dernières années, de grands changements ont été introduit dans la réglementation fiscale marocaine s’agissant de l’imposition des affaires internationales au Maroc. Ces changements ont concerné principalement la territorialité de l’impôt, les exonérations, les taux d’imposition, les régimes dérogatoires et les prix de transfert. La dernière grande nouveauté a été l’institution en 2019 du crédit d’impôt étranger pour les sociétés.

Dans le présent article, nous allons nous pencher sur le sujet de l’élimination de la double imposition internationale dans la réglementation fiscale marocaine.

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Ainsi, et dans un premier temps, Il s’agira d’identifier les causes de la double imposition internationale en se basant sur l’étude des règles de la territorialité de l’impôt au Maroc ; notre étude portera sur les règles d’imposition des bénéfices et revenus aussi bien des personnes morales que des personnes physiques.

Ensuite, et dans un deuxième temps, nous allons nous consacrer à l’examen des techniques d’élimination de la double imposition internationale que l’on retrouve dans le droit interne marocain et dans les conventions fiscales internationales signées par le Maroc.

I. Appréhension de la double imposition internationale

Dans la pratique, il ne peut y avoir de double imposition internationale que lorsqu’une personne réalise des opérations internationales. Une opération internationale est toute opération qui est faite par un résident d’un Etat sur le territoire d’un autre Etat, ou avec un résident d’un autre Etat.

La question qui se pose est alors de savoir quel est l’Etat qui est en droit d’appliquer l’impôt aux bénéfices qui se dégagent de ces opérations. Deux Etats sont ici concernés : d’un côté, l’Etat de la résidence et, de l’autre côté, l’Etat de la source. Dans les faits, il est très courant que l’impôt soit appliqué dans les deux Etats en même temps, d’où le problème de la double imposition internationale.

D’une façon générale, on parle de double imposition internationale à chaque fois qu’un même bénéfice ou revenu est soumis à l’impôt dans plus d’un Etat.

A noter, à ce stade, que l’impôt dont il s’agit ici est l’impôt sur les bénéfices et revenus des personnes : Au Maroc, c’est soit « l’impôt sur les sociétés » quand il s’agit de l’imposition d’une personne morale, soit « l’impôt sur le revenu » quand il s’agit de l’imposition d’une personne physique.

Les notions de l’« Etat de la source » et de l’« Etat de la résidence » sont des notions fondamentales dans l’application des réglementations fiscales nationales ; d’où l’intérêt de les définir :

L’expression « Etat de la source » désigne l’Etat dans lequel un revenu donné prend naissance soit parce que l’activité génératrice du revenu y est exercée ; soit parce que le bien qui produit

52 le revenu en question y est situé ; soit parce que le débiteur du revenu y est domicilié ; soit, enfin, parce qu’un établissement stable y est constitué1.

L’expression « Etat de la résidence » désigne l’Etat où une personne est considérée comme « résidente » au sens de la loi fiscale dudit Etat. Dans le cas des personnes morales, l’Etat de la résidence est généralement l’Etat où la personne en question dispose du lieu de son siège social. Mais, il peut également s’agir de l’Etat où une société dispose de son siège de direction effective. Dans le cas des personnes physiques, les réglementations fiscales prévoient des critères divers, comme le lieu d’habitation habituel, la durée de séjour, ou même la nationalité dans certains cas.

Dans ce qui suit, nous allons commencer par définir le concept de « double imposition internationale » et distinguer entre ses deux formes, pour ensuite se consacrer à cerner les éléments qui sont à l’origine de l’apparition de cette double imposition.

1. Définitions et typologie de la double imposition internationale

Dans la pratique, on distingue entre deux types de double imposition internationale : la double imposition « juridique » et la double imposition « économique ».

1.1. La double imposition juridique

Il y a double imposition juridique lorsqu’un contribuable se trouve atteint, au titre d’un même revenu et, au titre d’une même période, par des impôts de nature comparable appliqués par deux ou plusieurs Etats dans des conditions telles que la charge fiscale globale que ce contribuable supporte s’avère supérieure à celle qui résulterait de l’intervention, dans des conditions de droit commun, d’une seule souveraineté fiscale2.

Selon l’OCDE, la double imposition juridique internationale peut être définie d’une manière générale comme l’application d’impôts comparables dans deux ou plusieurs Etats au même contribuable, pour le même fait générateur et pour des périodes identiques3.

Il peut y avoir double imposition juridique dans deux cas, essentiellement :

➢ Le premier cas : Un même contribuable est assujetti à l’impôt pour le même revenu dans deux Etats en raison de sa résidence. Il s’agit ici d’un conflit de double résidence fiscale.

1 J. Ait Ouakrim, « Etude et appréciation critique du système d’imposition des affaires internationales au Maroc », Thèse de doctorat, Université Hassan II, Casablanca, 2010. 2 Habib Ayadi, « Droit fiscal international », Centre de publication universitaire 2001 - p 106 3 OCDE (2008), « Commentaires du modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune ».

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De façon générale, quand une personne est considérée comme ‘fiscalement’ résidente dans un Etat donné, le dit Etat se donne le droit de soumettre à l’impôt l’ensemble des revenus de la personne en question quel qu’en soit la source.

Les situations de « double résidence fiscale » se rencontrent le plus souvent dans le cas des personnes physiques, mais elles peuvent également concerner les personnes morales. En effet, pour définir la résidence d’une société, les Etats utilisent aussi bien la notion du « lieu de siège social » que celle du « siège de direction effective ». Ainsi, une société peut avoir son siège social dans un Etat ; elle est alors dite résidente dans cet Etat au regard du critère du lieu d’établissement. Mais, cette société peut en même temps avoir son siège de direction effective dans un autre Etat ; auquel cas ce deuxième Etat peut également la considérer comme résidente sur son territoire : la société en question se trouve ainsi « résidente fiscale » dans les deux Etats en même temps.

➢ Le deuxième cas : Une personne résidente d’un Etat perçoit des revenus provenant d’un autre Etat. Cette personne est alors soumise à l’impôt dans l’Etat du lieu de sa résidence, mais elle est également assujettie à l’impôt dans l’Etat de la source de ses revenus ; d’où la double imposition du même revenu. 1.2. La double imposition économique

La double imposition économique est définie par le comité des affaires fiscales de l’OCDE comme la situation dans laquelle deux personnes différentes sont imposées au titre d’un même revenu ou d’une même fortune. Plus généralement, une double imposition économique internationale apparaît lorsque l’imposition d’un contribuable dans un Etat fait double emploi avec l’imposition d’un autre contribuable lié au premier mais dans un autre Etat.

L’exemple classique de la double imposition économique est celui où une société est soumise à l’impôt sur un bénéfice qu’elle a réalisé ; et ensuite ce même bénéfice quand il est mis en distribution est soumis à l’impôt une deuxième fois entre les mains de l’actionnaire.

Un autre exemple de la double imposition économique est celui où une société qui est résidente d’un Etat donné subit un redressement d’imposition en matière de prix de transfert pour un bénéfice qui a été soumis à l’impôt entre les mains d’une autre société basée dans un autre Etat.

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1.3. L’intérêt de la distinction entre les deux types de la double imposition internationale

Distinguer entre la double imposition juridique et la double imposition économique est d’un intérêt majeur, car c'est la première qui est principalement visée par les mesures de l’élimination de la double imposition internationale.

Une raison logique à cela en est que la double imposition juridique est plus préjudiciable pour les contribuables que la double imposition économique. En effet, dans le cas de la double imposition juridique, c’est une même personne qui doit supporter doublement l’impôt sur le même bénéfice qu’elle aura réalisé, alors que dans la double imposition économique, il s’agit de deux impôts qui sont supportés par deux personnes différentes ; le poids de la double imposition étant moins lourd dans ce dernier cas.

A préciser, toutefois, qu’il existe des cas où les Etats adoptent des mesures qui visent l’élimination de la double imposition économique. On peut citer à ce titre l’exemple de la technique de l’ajustement corrélatif qui est prévue par l’article 9 des modèles de conventions fiscales internationales.

2. Les causes de la double imposition internationale

Dans ce qui suit, nous allons examiner les règles de territorialité de l’impôt au Maroc pour mettre la main sur les causes de la double imposition des bénéfices et revenus au Maroc.

Nous allons, tout d’abord, traiter le cas des personnes « résidentes » au Maroc pour déterminer si les bénéfices réalisés à l’étranger par lesdites personnes sont assujettis à l’impôt marocain. Et ensuite, nous examinerons le cas des personnes « non résidentes » au Maroc pour vérifier si les revenus de source marocaine que lesdites personnes réalisent au Maroc sont soumis à l’impôt au Maroc.

Dans les deux cas, notre but est de démontrer que c’est la mise en œuvre des règles de territorialité de l’impôt qui est à l’origine des situations de double imposition au Maroc.

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2.1. L’imposition des revenus réalisés à l’étranger par les personnes résidentes au Maroc

2.1.1. En matière de l’impôt sur les sociétés

La règle de territorialité de l’impôt sur les sociétés au Maroc est énoncée dans l’article 5 du code général des impôts. Cet article dispose que : « I- Les sociétés, qu’elles aient ou non un siège au Maroc, sont imposables à raison de l’ensemble des produits, bénéfices et revenus :

- se rapportant aux biens qu’elles possèdent, à l’activité qu’elles exercent et aux opérations lucratives qu’elles réalisent au Maroc, même à titre occasionnel ;

- dont le droit d’imposition est attribué au Maroc en vertu des conventions tendant à éviter la double imposition en matière d’impôts sur le revenu.

II- Les sociétés n'ayant pas leur siège au Maroc, appelées sociétés non-résidentes dans la suite du présent code sont, en outre, imposables à raison des produits bruts énumérés à l’article 15 ci-dessous qu'elles perçoivent en contrepartie de travaux qu'elles exécutent ou de services qu'elles rendent, soit pour le compte de leurs propres succursales ou leurs établissements au Maroc, soit pour le compte de personnes physiques ou morales indépendantes, domiciliés ou exerçant une activité au Maroc.

Toutefois, les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables lorsque les travaux sont exécutés ou les services sont rendus au Maroc par une succursale ou un établissement au Maroc de la société non résidente, sans intervention du siège étranger. Les rémunérations perçues à ce titre sont comprises dans le résultat fiscal de la succursale ou de l'établissement qui est, dans ce cas, imposé comme une société de droit marocain. »

Sauf application des dispositions des conventions fiscales internationales signées par le Maroc, la mise en œuvre pratique de la règle de territorialité énoncée ci-dessus implique que les sociétés marocaines4 sont imposables au Maroc sur l’ensemble de leurs bénéfices, produits et revenus, qu’ils soient de « source marocaine » ou de « source étrangère » ; à l’exception de certains bénéfices précis et qui sont réalisés à l’étranger.

4 Une société est dite « marocaine » quand elle a son siège social au Maroc ; c’est une société qui est résidente au Maroc.

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En effet, la doctrine administrative5 considère que les bénéfices qu’une société marocaine réalise à l'étranger ne sont pas imposables à l'impôt sur les sociétés, lorsqu’ils sont :

➢ réalisés par l’intermédiaire d’un établissement situé à l’étranger ; ou encore ➢ réalisés dans le cadre d'un cycle commercial complet d'opérations faites à l’étranger.

L’administration fiscale marocaine précise également que les travaux immobiliers et de montage effectués à l'étranger ne sont pas imposables au Maroc6.

Ainsi, en dehors de ces trois cas, tous les autres bénéfices réalisés à l’étranger par une société marocaine se retrouvent dans le champ d’application de l’impôt au Maroc.

Il est judicieux de noter, à cet égard, que la doctrine administrative marocaine au sujet de la mise en œuvre de la règle de territorialité de l’impôt sur les sociétés a légèrement évolué. En effet, l’administration fiscale considérait aussi que les bénéfices qu’une société marocaine réalise à l’étranger par l’intermédiaire de représentants n'ayant pas de personnalité distincte de la société sont à exclure du champ d’application de l’impôt7. On ne retrouve plus cette notion de « représentant à l’étranger n’ayant pas de personnalité distincte de la société »8 dans la circulaire 717 qui a été produite par l’administration fiscale marocaine par la suite de l’adoption en 2006 au Maroc du Code général des impôts.

Sur la base de ce qui précède, on peut conclure que lorsqu’une société résidente au Maroc réalise des bénéfices à l’étranger, et à l’exception des bénéfices cités plus haut et exclus du champ d’application de l’impôt, lesdits bénéfices se trouvent inclus dans la base de calcul de l’impôt au Maroc. Cet assujettissement à l’impôt au Maroc est, par conséquent, de nature à créer une situation de double imposition internationale « juridique » à chaque fois que les mêmes bénéfices sont soumis à un impôt sur les bénéfices dans l’Etat d’où ils proviennent (Etat de la source).

2.1.2. En matière de l’impôt sur le revenu

Pour l’application de l’impôt aux revenus des personnes physiques, c’est l’article 23 du code général des impôts qui énonce la règle de territorialité. Cet article dispose que :

« I- Sont assujetties à l’impôt sur le revenu :

5 Note circulaire 717 de l’administration fiscale marocaine relative au code général des impôts, Livre premier, p 33. 6 Note circulaire 717, op. cit. p 32. 7 Note circulaire pour l’application des dispositions de la loi 24-86 relative à l’impôt sur les sociétés, 1987, p 12. 8 Dans le domaine de la fiscalité internationale, on utilise souvent la notion de « représentant dépendant » pour désigner le cas de « représentant n’ayant pas de personnalité distincte de la société »

57 a) les personnes physiques qui ont au Maroc leur domicile fiscal, à raison de l’ensemble de leurs revenus et profits, de source marocaine et étrangère ; b) les personnes physiques qui n’ont pas au Maroc leur domicile fiscal, à raison de l’ensemble de leurs revenus et profits de source marocaine ; c) les personnes, ayant ou non leur domicile fiscal au Maroc, qui réalisent des bénéfices ou perçoivent des revenus dont le droit d’imposition est attribué au Maroc en vertu des conventions tendant à éviter la double imposition en matière d’impôts sur le revenu.

….. ».

Il ressort de la lecture de cet article que lorsqu’une personne physique dispose de sa « résidence fiscale » au Maroc, cette personne a une obligation fiscale mondiale. Ainsi, et en plus des revenus de « source marocaine », les revenus que cette personne réalise à l’étranger rentrent également dans le champ d’application de l’impôt au Maroc.

On peut, dès lors, conclure que l’application de l’impôt au Maroc aux revenus de source étrangère d’une personne physique résidente est de nature à faire aboutir à une situation de double imposition internationale « juridique » à chaque fois que les mêmes revenus subissent un impôt de même nature dans l’Etat d’où ils proviennent (Etat de la source).

2.2. L’imposition des revenus réalisés au Maroc par les non-résidents

Il est des cas où une personne non-résidente au Maroc réalise des bénéfices de source marocaine. On se demande alors si cette personne est assujettie à l’impôt au Maroc au titre desdits bénéfices, alors que les mêmes bénéfices sont susceptibles d’être également taxés dans l’Etat où la personne en question est résidente.

2.2.1. En matière de l’impôt sur les sociétés

D’après l’article 5 du code général des impôts, une société non résidente, qu’on appelle également « société étrangère » est soumise à l’impôt sur les sociétés au Maroc à raison des produits, bénéfices ou revenus de source marocaine qu’elle réalise suite à : o la possession de biens au Maroc ; o l'exercice d'une activité au Maroc ; o la réalisation d'opérations lucratives occasionnelles au Maroc ;

58 o la réalisation de produits bruts perçus en contrepartie de l'exécution de travaux ou services, au profit de personnes résidentes ou exerçant une activité au Maroc.

Nous constatons ici que le législateur marocain adopte une conception large de la notion de la source pour soumettre les sociétés étrangères à l’impôt au Maroc. L’étude de la loi fiscale marocaine et de la doctrine administrative en la matière nous enseigne que seuls échappent à l’imposition au Maroc les bénéfices qu’une société étrangère réalise suite à une opération d’exportation de biens vers le Maroc et seulement lorsque ladite exportation est réalisée en dehors de l’intervention d’un représentant dépendant au Maroc.

Partant de ce qui précède, il nous paraît dès lors évident que si une société non résidente est soumise à l’impôt dans son Etat de résidence sur la base de bénéfices de « source marocaine », alors l’assujettissement de tels bénéfices à l’impôt sur les sociétés au Maroc aura pour effet de créer une situation de double imposition juridique des bénéfices en question.

2.2.2. En matière de l’impôt sur le revenu

Selon l’article 23-I-b du code général des impôts, une personne physique non résidente au Maroc est assujettie à l’impôt à raison de l’ensemble de ses revenus et profits de source marocaine.

Dans ce cas, le lieu de résidence de la personne physique ne compte pas ; il suffit que la personne en question ait acquis un revenu au Maroc pour que l’impôt s’applique. Il va donc de soi que dans le cas où la personne concernée est assujettie à l’impôt dans l’Etat de sa résidence au titre des revenus réalisés au Maroc, l’application de l’impôt marocain va créer une situation de double imposition internationale juridique.

2.3. Le renvoi au droit conventionnel pour l’application de l’impôt au Maroc

La loi de finances pour l’année budgétaire 2005 a étendu le champ d’application de l’impôt marocain pour atteindre les bénéfices et revenus dont le droit d’imposition est attribué au Maroc en vertu d’une convention de non double imposition. Nous retrouvons ce renvoi aux conventions fiscales internationales dans les articles 5 et 23 que nous avons cité plus haut.

D’après l’administration fiscale marocaine, cet élargissement du champ d’application de l’impôt à des revenus que le droit interne marocain ne permettait pas jusqu’alors d’appréhender avait été fait dans le but d’harmoniser le droit fiscal interne avec le droit conventionnel. La consultation de la note circulaire relative à la loi de finances précitée nous

59 enseigne que les bénéfices que le législateur visait à soumettre à l’impôt par ledit changement sont à titre d’exemple les bénéfices provenant de l’exploitation en trafic international de navires ou d’aéronefs et réalisés par des sociétés dont le siège de direction effective se situe au Maroc9.

Notons, à cet égard, que cette notion de « siège de direction effective » 10 est inséré dans les conventions fiscales internationales pour déterminer l’Etat de la résidence d’une personne.

Pour ce qui concerne notre sujet, nous nous limiterons à constater à ce stade que l’extension de la territorialité de l’impôt marocain accentue le risque de double imposition internationale « juridique » au Maroc.

II. L’élimination de la double imposition internationale en droit marocain

Les mesures que peut prendre un Etat en vue d’éliminer, ou tout au moins, d’atténuer la double imposition internationale sont de deux types : D’un côté, un Etat peut insérer dans son droit interne des mesures spécifiques qu’il est le seul à contrôler et dont il supporte à lui seul le coût. Et de l’autre côté, un Etat peut conclure des conventions fiscales internationales avec d’autres Etats en vue de collaborer conjointement pour réduire l’effet de la double imposition.

Il est question, dans ce qui suit, d’étudier le droit interne marocain et les conventions conclues par le Maroc pour examiner comment se fait l’élimination de la double imposition internationale.

1. Les mesures de droit interne marocain pour l’élimination de la double imposition internationale

Nous pouvons classer les mesures de droit interne marocain qui visent l’élimination de la double imposition internationale en trois catégories :

• les exonérations ;

• les crédits d’impôt ; et enfin

• les régimes spéciaux d’imposition.

9 Note circulaire n° 715 relative aux dispositions fiscales de la loi de finances n°26-04 pour l’année budgétaire 2005. 10 D’après l’OCDE, le « siège de direction effective » est adopté comme critère de préférence pour les personnes autres que les personnes physiques. Le siège de direction effective y est défini comme le lieu où sont prises, quant au fond, les décisions clés sur le plan de la gestion et sur le plan commercial qui sont nécessaires pour la conduite des activités de l’entité dans son ensemble. OCDE (2008), « Commentaires du modèle de convention fiscale », parag 24.

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Nous allons étudier en détail chacune de ces trois catégories de mesures, pour examiner comment ils s’appliquent dans le cas aussi bien des résidents que des non-résidents.

1.1. Les exonérations d’impôt

Le droit interne marocain prévoit des exonérations qui permettent à certains contribuables de se dispenser du paiement de l’impôt dans des situations spécifiques. Certaines de ces exonérations concernent les bénéfices et revenus des personnes morales et des personnes physiques et elles permettent donc à ces personnes d’éviter d’être doublement imposées.

1.1.1. En matière de l’impôt sur les sociétés

Le code général des impôts dans son article 6 prévoit bon nombre d’exonérations qui s’appliquent dans le cas des sociétés engagées dans les affaires à l’international.

A. Concernant les sociétés résidentes :

Le code général des impôts prévoit une seule et unique exonération qui bénéficie aux sociétés marocaines réalisant des bénéfices à l’étranger. Il s’agit de l’exonération des dividendes et autres produits de participation similaires de source étrangère.

Cette exonération est prévue par l’article 6-I-C-1° du code général des impôts et elle est assez récente, puisqu’elle n’a été introduite qu’en 200811.

B. Concernant les sociétés non-résidentes :

A l’opposé du cas des sociétés marocaines, les sociétés étrangères qui réalisent des bénéfices au Maroc peuvent bénéficier d’un grand nombre d’exonérations que nous citons ci-dessous12. Sont, en effet, exonérés : a. les plus-values réalisées par les sociétés non-résidentes suite des cessions de valeurs mobilières cotées à la bourse des valeurs du Maroc, à l’exclusion de celles résultant de la cession des titres des sociétés à prépondérance immobilière. b. les dividendes distribués par les banques Offshore à leurs actionnaires13 ; c. les dividendes distribués par les sociétés holding offshore à leurs actionnaires, au prorata du chiffre d’affaires offshore14 ;

11 Loi de finances n° 38-07 pour l’année budgétaire 2008. 12 Cette liste d’exonérations est établie sur la base des dispositions fiscales applicables à partir du 1er janvier 2019, et elle n’est pas exhaustive. 13 Exonération abrogée par la loi de finances 80-18 pour l’année budgétaire 2019.

61 d. Les dividendes et autres produits de participations similaires versés, mis à la disposition ou inscrits en compte des non-résidents par les sociétés installées dans les zones franches d'exportation et provenant d'activités exercées dans lesdites zones; e. Les bénéfices et les dividendes distribués par les titulaires d'une concession d'exploitation des gisements d'hydrocarbures ; f. les produits des actions appartenant à la Banque Européenne d'Investissements, suite aux financements accordés par celle-ci au bénéfice d'investisseurs marocains et européens dans le cadre de programmes approuvés par le gouvernement. g. Les intérêts perçus par les sociétés non résidentes au titre des prêts consentis à l’État ou garantis par lui , des dépôts en devises ou en dirhams convertibles, des prêts octroyés en devises pour une durée égale ou supérieure à dix ans, et des prêts octroyés en devises par la Banque Européenne d’Investissement. h. Les droits de location et les rémunérations analogues afférents à l’affrètement, la location et la maintenance d’aéronefs affectés au transport international. i. Les bénéfices réalisés par le titulaire ou, le cas échéant, chacun des co-titulaires de toute concession d'exploitation des gisements d'hydrocarbures15. j. Les plus-values mobilières nettes de source étrangère réalisées par les sociétés ayant le statut Casablanca Finance City16.

Notons que certaines des exonérations précitées ne sont pas exclusives aux sociétés non- résidentes, mais elles sont citées sous ce titre car dans le cas des dites sociétés les exonérations en question permettent d’éviter la double imposition internationale.

1.1.2. En matière de l’impôt sur le revenu

Le code général des impôts prévoit également des exonérations qui bénéficient aux personnes physiques aussi bien résidentes que non résidentes ; des exonérations qui permettent d’éliminer ou tout au moins d’atténuer les effets de la double imposition internationale sur lesdites personnes. Dans le cas de l’impôt sur le revenu, ces exonérations sont moins nombreuses qu’en matière de l’impôt sur les sociétés.

A. Concernant les personnes physiques résidentes :

14 Exonération abrogée par la loi de finances 80-18 pour l’année budgétaire 2019. 15 La durée d’exonération est limitée à dix années à compter de la date de mise en production régulière de toute concession d'exploitation. 16 La durée d’exonération est limitée à cinq années, à compter du premier exercice d’octroi du statut « CFC ».

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L’article 24-1° du code général des impôts exonère de l’IR les ambassadeurs et agents diplomatiques, les consuls et agents consulaires de nationalité étrangère, pour leurs revenus de source étrangère, dans la mesure où les pays qu'ils représentent concèdent le même avantage aux ambassadeurs et agents diplomatiques, consuls et agents consulaires marocains.

Le deuxième paragraphe du même article 24 exonère de l’IR les personnes résidentes pour les produits qui leur sont versés en contrepartie de l'usage ou du droit à usage de droits d'auteur sur les œuvres littéraires, artistiques ou scientifiques. La loi ne précise pas l’origine des revenus exonérés, ce qui signifie que ladite exonération s’appliquerait aux dits revenus quand ils sont de source étrangère.

B. Concernant les personnes physiques non résidentes :

La loi fiscale marocaine ne prévoit pas d’exonérations pour les personnes physiques non résidentes qui réaliseraient des revenus de source marocaine.

1.2. Les crédits d’impôt étranger

Par définition, les crédits d’impôt étranger concernant seulement les personnes résidentes au Maroc et qui auraient réalisé des bénéfices ou revenus de source étrangère. Nous allons traiter, dans ce qui suit, deux cas : celui des personnes morales, et ensuite celui des personnes physiques.

1.2.1. Concernant les personnes morales résidentes

Une grande nouveauté introduite par la loi de finances pour l’année budgétaire de 2019 consiste en l’institution de crédit d’impôt étranger profitant aux sociétés marocaines qui réalisent des bénéfices à l’étranger. L’article 19-bis du Code général des impôts dispose, en effet, que :

« Lorsque les produits, bénéfices et revenus prévus aux articles 4 et 8 ci-dessus de source étrangère ont été soumis à un impôt sur les sociétés dans le pays de la source avec lequel le Maroc a conclu une convention tendant à éviter la double imposition en matière d’impôt sur les sociétés, l’impôt étranger, dont le paiement est justifié par la société, est imputable sur l’impôt sur les sociétés dû au Maroc, dans la limite de la fraction dudit impôt correspondant aux produits, bénéfices et revenus étrangers.

Si les produits, bénéfices et revenus précités ont bénéficié d'une exonération dans le pays de la source avec lequel le Maroc a conclu une convention tendant à éviter la double imposition

63 prévoyant d’accorder un crédit d’impôt au titre de l’impôt qui aurait été dû en l’absence d’exonération, celle-ci vaut paiement.

….. »

Cette nouvelle disposition constitue certainement une grande avancée en matière de l’élimination des doubles impositions au Maroc.

1.2.2. Concernant les personnes physiques résidentes

Contrairement au cas des personnes morales, la possibilité de l’imputation de l’impôt étranger dans le cas des personnes physiques existe dans la loi fiscale marocaine depuis que l’impôt sur le revenu a été institué au Maroc17.

Actuellement, c’est le code général des impôts dans son article 77 qui donne le droit aux personnes physiques résidentes d’imputer l’impôt étranger qu’ils auraient supporté sur l’impôt dû au Maroc au titre des revenus de source étrangère. Le même article pose toutefois les conditions et limites suivantes :

✓ Le revenu de source étrangère doit provenir d’un pays ayant conclu une convention de non double imposition avec le Maroc ; ✓ C’est le montant brut du revenu en question qui sert de base de calcul de l’impôt au Maroc ; ✓ Le montant de l’impôt étranger à imputer est plafonné au montant dû au Maroc sur le même revenu.

1.3. Les régimes spéciaux d’imposition

A côté des exonérations et de la possibilité d’imputation de l’impôt étranger, le dispositif fiscal marocain prévoit également des régimes « spéciaux » favorables qui servent à alléger la charge fiscale de certaines sociétés qui réalisent des affaires à l’international. Donc, si la double imposition n’est pas éliminée, son effet est néanmoins atténué.

A. En matière de l’impôt sur les sociétés

Plusieurs régimes « dérogatoires » sont prévus par le code général des impôts. Ces régimes profitent soit à des sociétés résidentes qui réalisent des bénéfices à l’étranger, ou bien à des

17 On retrouve la disposition concernant l’imputation d’impôt étranger dans l’article 98 de la loi n° 17-89 promulguée par le Dahir n° 1-89-116 du 21 novembre 1989 et relative à l'impôt général sur le revenu. Ensuite, la même disposition a été reprise dans l’article 79 du Livre d’assiette et de recouvrement qui a été introduit en 2006. Ces deux textes de loi ont été abrogés.

64 sociétés non résidentes qui font des affaires au Maroc. Le but ici n’est pas de détailler les modalités d’application de ces régimes, mais juste de signaler leur existence.

Les régimes actuellement applicables sont les suivants :

✓ Le régime optionnel des sociétés non-résidentes adjudicataires de marchés de travaux, de construction ou de montage ; ✓ Le régime des sociétés installées dans les zones franches d’exportation ; et ✓ Le régime des sociétés ayant le statut « CFC ».

Trois autres régimes qui s’appliquaient jusqu’en 2018 ont été abrogés par la loi de finances pour l’année budgétaire 2019. Nous les citons ici pour l’intérêt de la présentation. Il s’agit des régimes suivants :

✓ Le régime des centres de coordination ; ✓ Le régime des banques offshore ; et ✓ Le régime sociétés holding offshore.

B. En matière de l’impôt sur le revenu

Concernant les personnes physiques, nous n’avons pu relever qu’un seul régime que nous considérons comme « spécial » et utile dans l’atténuation de la double imposition.

Ce régime concerne les personnes physiques résidentes et titulaires de pensions de retraite ou d’ayant cause de source étrangère. L’article 76 du code général des impôts prévoit que les dites personnes, sous conditions précises, bénéficient d’une réduction égale à 80% du montant de l'impôt dû au titre de leur pension.

2. Les techniques d’élimination des doubles impositions dans les conventions fiscales internationales

Malgré l’intérêt indéniable des mesures de droit interne, il n’en demeure pas moins que les conventions fiscales internationales sont le principal outil en matière de l’élimination des doubles impositions internationales. Ces conventions expriment la volonté des Etats contractants à développer les courants de leurs échanges bilatéraux en concédant une partie de leurs attributions d’imposition respectives.

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Le réseau conventionnel marocain est actuellement constitué d’une cinquantaine de conventions fiscales signées et en vigueur ; ce réseau qui s’enrichit chaque année d’une ou de deux nouvelles conventions.

Nous allons, dans un premier temps, commencer par rappeler brièvement comment se fait l’élimination de la double imposition dans une convention fiscale. Ensuite, et dans un deuxième temps, nous allons examiner les principales conventions conclues par le Maroc pour savoir quelles sont les principales techniques d’élimination des doubles impositions qui sont adoptées dans ces conventions.

2.1. Rappel du mode opératoire des conventions fiscales

En vue d’éliminer les doubles impositions, les conventions fiscales opèrent globalement de la même façon. Ainsi, et dans un premier temps, une catégorie de revenus se voit exclusivement soumise à l’impôt par l’un ou l’autre des deux Etats contractants. Ensuite, pour les autres revenus, il est prévu des méthodes alternatives d’élimination des doubles impositions au cas où les dits revenus sont imposables dans les deux Etats simultanément.

A. L’octroi du droit exclusif d’imposition à l’un des Etats contractants

Dans certains cas, le pouvoir d’imposition d’un revenu donné est attribué à titre exclusif soit à l’Etat de la résidence, soit à l’Etat de la source. La double imposition du même revenu est par conséquent évitée, puisqu’un Etat seulement est autorisé à soumettre ledit revenu à l’impôt.

Lorsque dans une convention, il est employé l’expression « Ne sont imposables que », celle-ci signifie qu’il y a « exclusivité ». A titre d’exemple, l’article 7 de la convention Maroco- Canadienne dispose que « Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce ou n'ait exercé son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé…. »

B. Les méthodes d’élimination des doubles impositions au cas où un même revenu se trouve assujetti à l’impôt dans les deux Etats contractants

A l’inverse du cas précédent, lorsque la convention dispose que des revenus donnés « sont imposables » dans un Etat, cela signifie que les dits revenus peuvent être imposés dans cet Etat si la législation de cet Etat le permet. Mais, dans ce cas, rien n’empêche l’autre Etat

66 d’appliquer l’impôt aux mêmes revenus, puisque la convention n’accorde pas l’exclusivité d’imposition au premier Etat.

Ceci étant dit, la convention doit prévoir une disposition parallèle pour l’élimination de la double imposition éventuelle qui apparaitrait dans le cas où l’autre Etat venait à imposer les mêmes revenus.

Généralement, et pour traiter cette situation, les conventions fiscales prévoient deux grandes méthodes de l’élimination des doubles impositions : la méthode de l’exonération et la méthode de l’imputation. Et chacune de ces méthodes contient elle-même des sous-variantes.

Notons à ce niveau que ces méthodes d’élimination des doubles impositions se différencient non seulement par la technique de leur mise en œuvre, mais également par le degré de leur efficacité dans l'effacement de la double imposition.

Les méthodes conventionnelles d’élimination des doubles impositions sont les suivantes :

1°. La méthode de l’exonération intégrale : Cette méthode consiste à interdire à l’Etat de la résidence de soumettre à l’impôt des revenus qui ont déjà été imposés dans l’Etat de la source.

Simple d’application, cette méthode présente, néanmoins, un inconvénient majeur pour l’Etat de la résidence : le bénéficiaire du revenu échappe en partie à la progressivité de l’impôt, quand il est appliqué un barème progressif.

2°. La méthode de l’exonération avec progressivité (dite aussi méthode du « taux effectif ») : Dans ce cas, il est tenu compte des revenus exonérés pour le calcul du taux d’imposition applicable aux revenus imposables au niveau de l’Etat de résidence. Il ne s’agit pas de réimposer les revenus déjà soumis à l’impôt dans l’autre Etat, mais de maintenir les effets de la progressivité du barème de l’impôt.

3°. La méthode de l’imputation intégrale : Dans ce cas, le crédit d’impôt étranger est déduit totalement de l’impôt de l’Etat de résidence. Cette méthode est peu suivie car elle peut s’avérer pénalisante pour l’Etat de la résidence.

4°. La méthode de l’imputation ordinaire (ou partielle) : C’est la méthode la plus généralement appliquée. Dans ce cas, l’imputation est plafonnée au montant de l’impôt qui serait dû dans l’Etat de la résidence, en raison des revenus de source étrangère, en l’absence de convention.

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5°. La méthode d’imputation d’un crédit pour impôt fictif : Cette méthode permet à un contribuable de bénéficier d’un crédit d’impôt dans l’Etat de sa résidence, même si aucun impôt n’a été prélevé par l’Etat de la source.

C. L’élimination de la double imposition en cas de redressement de prix de transfert

La règle générale veut que les conventions fiscales ne visent que l’élimination des doubles impositions « juridiques », mais il existe un cas de double imposition économique qui est également traité dans les conventions fiscales.

En effet, il est des fois inséré dans les conventions fiscales la technique dite « de l’ajustement corrélatif » qui vise l’élimination de la double imposition dans le cas des redressements en matière des prix de transfert. On retrouve cette technique dans le dernier paragraphe de l’article 9 des modèles de conventions fiscales internationales.

2.2. La pratique conventionnelle marocaine

Les méthodes de l’élimination des doubles impositions que nous retrouvons le plus souvent dans les conventions fiscales internationales conclues par le Maroc sont : la méthode de l’imputation ordinaire et la méthode de l’exonération avec progressivité.

A titre d’exemple, nous retrouvons ces techniques dans les conventions que le Maroc a conclu avec l’Allemagne, la Belgique, le Canada, la Chine et la France.

Rappelons, à ce niveau, que cette méthode peut laisser subsister des éléments de double imposition lorsque l’impôt payé dans l’Etat de la source est supérieure à l’impôt théorique dû dans l’Etat de la résidence.

Aussi, il est souvent inséré dans les conventions fiscales signées par le Maroc une clause qui permet aux sociétés étrangères de bénéficier dans leurs pays de résidence de l’imputation pour impôt fictif lorsque les bénéfices qu’ils réalisent au Maroc sont exonérés d’impôt en application d’une disposition de droit interne marocain relative à l’encouragement des investissements. Mais, cet avantage est limité dans la plupart des cas aux investissements qui s’inscrivent dans le cadre des projets de développement économique du Maroc.

A titre d’exemple, nous retrouvons la technique de l’imputation pour impôt fictif dans les conventions conclues avec les Etats suivants : le Danemark, la Suisse et l’Ukraine.

Enfin, et s’il est vrai que toutes les conventions conclues par le Maroc prévoient la rectification des bases d’imposition des entreprises dépendantes lorsqu’il s’avère que ces entreprises ont traité entre elles à des conditions de prix qui s’écartent des prix de marché, il

68 faut noter, cependant, que rares sont les conventions qui prévoient la clause de l’ajustement corrélatif. Ces conventions qui font l’exception sont, notamment, celles conclues avec le Portugal, la Pologne, le Danemark, la Bulgarie ou encore la Finlande (convention révisée). Les conventions avec les Emirats Arabes Unis, le Bahrayn et l’inde disposent tout simplement qu’en cas de redressement de prix de transfert par un Etat, l’autre Etat doit trouver une « solution adéquate » au montant de l’impôt qui aurait été payé en double.

Mais, paraît-il que cette clause de l’ajustement corrélatif est maintenant insérée automatiquement dans toutes les nouvelles conventions conclues par le Maroc (ou révisées).

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CONCLUSION La mise en œuvre des règles de territorialité de l’impôt marocain est à l’origine des situations de double imposition internationale que rencontrent les personnes engagées dans les affaires internationales au Maroc.

Les personnes résidentes qui réalisent des bénéfices de source étrangère, comme les personnes non résidentes qui réalisent des bénéfices de source marocaine se trouvent dans la majorité des cas en situation de double imposition internationale. D’où la nécessité de chercher les solutions à ce problème.

Le droit interne marocain contient nombre de dispositions qui permettent d’éliminer, ou tout au moins, d’atténuer la double imposition internationale. Les éléments clés que nous devons souligner à ce niveau sont comme suit :

* La majorité des exonérations prévues par le code général des impôts sont destinées aux sociétés non-résidentes. Il est alors légitime de se demander si cette situation n’est pas de nature à affaiblir les sociétés marocaines face à leurs concurrents étrangers.

* Le système d’imputation d’impôt étranger qui est censé profiter aux personnes résidentes se retrouve, à notre avis, avec peu d’intérêt vu les conditions qui accompagnent son application.

Les conventions fiscales internationales conclues par le Maroc apportent, en théorie, une protection supplémentaire contre la double imposition. Mais, en réalité, la mise en œuvre des dispositions de ces conventions pose nombre de problèmes pratiques. Nous en citons quelques-uns :

* Sérieux problèmes d’interprétation des dispositions conventionnelles, surtout en l’absence de notes circulaires de l’administration fiscale marocaine qui expliquent les modalités d’application desdites conventions.

* Les méthodes adoptées par les dites conventions ne permettent pas d’effacer totalement la double imposition ; au meilleur des cas, elles permettent juste d’en atténuer les effets.

En définitive, nous pensons que le dispositif marocain de l’élimination des doubles impositions internationales demeure assez intéressant. Des efforts restent à faire, toutefois, pour améliorer l’attractivité fiscale du Maroc comme destination des investissements étrangers, et également pour encourager les sociétés marocaines à se développer au-delà des frontières du Maroc.

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