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Mémoire et Cinéma Isabelle Durin, violon Michaël Ertzscheid, piano 1 Thème : La Liste de Schindler / Schindler’s List 3:49 John Williams 2 Oyfn Pripetshik, La Liste de Schindler / Schindler’s List 4:22 Mark Warshawsky 3 Thème : La Vie est Belle / La Vita è Bella 3 :36 Nicola Piovani © Tentacoli Ediz. Mus 4 Yiddish Mame 5:15 Musique Traditionnelle / Arr. Dov Seltzer 5 Yidl mitn Fidl 3:08 Abe Ellstein 6 Un Violon sur le Toit / Fiddler on The Roof 4:25 Jerry Bock / Arr. John Williams 7 Ah ! Si j’étais Riche ! / If I Were a Rich Man ! Un Violon sur le Toit / Fiddler on The Roof 3:02 John Williams © EMHA Publishing 8 Papa, Can You Hear Me ?, Yentl 5:01 Michel Legrand / Arr. John Williams Paroles d’Alan Bergman & Marylin Bergman © EMI April Music Inc / Emanuel Music / D Sharp Productions Ltd Avec l’aimable autorisation d’EMI Music Publishing France 9 A Piece of Sky, Yentl 4:12 Michel Legrand © EMI April Music Inc / Emanuel Music / D Sharp Productions Ltd Avec l’aimable autorisation d’EMI Music Publishing France 10 Thème : La Passante du Sans-Souci 3.34 Georges Delerue © EMI Music Publishing France/ Edition Hortensia SARL 11 Le Concerto de l’Adieu, La Rafle 9:22 Georges Delerue 12 Thème : La Vie Devant Soi 2:43 Philippe Sarde © EMI Music Publishing France/ Alouettes Editions SARL 13 Suite : Le Journal d’Anne Frank / Diary of Anne Frank 6:23 Alfred Newman © EMI Robbins catalog Inc Avec l’aimable autorisation d’EMI Catalogue Partnership France 14 Suite : Exodus 3:33 Ernest Gold © Warner Chappell Music France 15 Suite : Les Insurgés / Defiance 6:33 James Newton Howard © Big Fig Music Arrangements : Isabelle Durin et Michaël Ertzscheid : 3, 4, 5, 8, 9, 10, 12, 13, 14, 15 Isabelle Durin, Michaël Ertzscheid, Artur Banaskiewicz : 7 Depuis que Michaël et moi avons enregistré le triptyque de La Liste de Schindler dans notre précédent album « Romantisme hébraïque », mon engouement pour le cinéma et les musiques de film n’a cessé de croître. L’idée de réunir sous la forme d’une anthologie une sélection de musiques de films, ancrées dans la mémoire collective, s’est ainsi naturellement imposée à moi. Ici, les mélodies sont fortes, attachantes, et l’arrangement pour violon et piano nous semblait apporter une plus-value, un autre sens à la partition originale et rendre ces mélodies plus sobres et plus intimes. Par ces arrangements, nous redéfinissons l’espace sonore, nous modifions, il est vrai, l’écoute originelle du spectateur, ce qui ne l’empêche cependant pas de garder à l’esprit les images associées à chaque musique. Le violon tient ici le même rôle que le chant (présent du reste dans certaines BO comme Yentl, Fiddler on The Roof, Yidl mitn Fidl) : par la mélodie et son pouvoir suggestif, il parvient à capter les esprits, car dans nos schémas de pensée occidentale mais aussi dans une tradition juive séculaire, le violon, la mélodie et l’émotion sont intimement associés. Musique de film et mélodie sont inextricablement liées ; plus qu’un habillage sonore, cette dernière distille tout au long d’un film son parfum évocateur, raconte une histoire indicible, sous-jacente et le timbre si particulier du violon renforce son pouvoir émotionnel. Mais la puissance d’une musique de film est avant tout la rencontre d’un réalisateur avec un compositeur, une sorte d’alter-ego (Steven Spielberg/John Williams, Roberto Benigni/Nicola Piovani), leurs esprits féconds se reconnaissant d’emblée pour fusionner et recréer cette alchimie mystérieuse qui lie deux êtres et donne naissance à un chef d’œuvre. L’authenticité qui se dégage de ce tandem, déclenche alors en nous une émotion, fait vibrer par sympathie toutes les cordes sonores et visuelles et agit alors en synergie dans un procédé quasi synestésique. La mélodie, comme élément sensoriel plus que rationnel, renvoie en effet à notre propre sensibilité, accentue le discours du réalisateur et amplifie sa pertinence et son impact. A fortiori, si le film porte sur un sujet sensible et douloureux, comme la Shoah et la Seconde Guerre Mondiale, dont nous avons quelques exemples ici (Le Journal d’Anne Frank, Defiance/Les Insurgés, La Passante du Sans- Souci, La Liste de Schindler, La Vie est Belle), l’émotion du spectateur en sera exacerbée. De même que nous parlions de synergie entre l’image et le son, nous avons affaire ici à un « accordage » affectif, grâce à la musique, entre le spectateur et le film. Les films, comme l’art en général, tendent à décrire l’innommable pour devenir, eux aussi, passeurs de mémoire, non dans un désir d’objectivité pure, de reconstitution méthodique (les documentaires s’en chargent), mais dans un besoin de sublimation à l’effet cathartique, ùo poésie, lyrisme et allégorie sont les étendards d’une humanité que l’ont voudrait voir retrouvée. L’œuvre d’art devient plus mémorielle qu’historique. Dans La Liste de Schindler, le duo Spielberg/Williams n’a pas voulu tomber dans les excès larmoyants et mélodramatiques. John Williams (1932- ) a utilisé le violon de Itzhak Perlman, tout en retenue, et justement, le sujet de la Shoah lui imposa alors une sobriété qui ne faisait pas forcément partie de son vocabulaire musical. Il lui avait été difficile d’accepter la proposition de Spielberg lorsque celui-ci lui projeta les images du film, tant il ressortit bouleversé : « tu as besoin d’un meilleur compositeur que moi pour un tel film » ; ce qui ne l’empêcha pas de recevoir l’Oscar de la meilleure musique en 1994. Le réalisateur désirait inclure également à la bande originale du filmOyfn Pripetschik que lui chantait sa grand- mère, chanson écrite en yiddish par Marc Warshawsky (1848-1907) : « combien de larmes se trouvent dans ces lettres et combien de pleurs » ; elle est l’évocation de l’apprentissage de la Torah par les enfants ainsi que la transmission de la tradition juive de génération en génération. Dans le film, elle suit les pas de la petite fille au manteau rouge, errant dans le ghetto de Cracovie en pleine liquidation. La musique, si douce et quasi naïve, symbolisant le monde de l’enfance, contraste avec le mal absolu, le bruit des balles ; elle, avance, ne semblant pas se rendre compte de l’horreur, épargnée miraculeusement par les tirs qui résonnent et éclatent tout derrière elle ; ce n’est pas un hasard si Spielberg utilise ce thème à ce moment précis où la seule couleur du film est représentée par ce petit manteau, symbole du sang versé des enfants, de leur innocence (et celui de notre monde) perdue. C’est aussi la prise de conscience d’Oscar Schindler (focus du regard), assistant à la scène et impuissant (pour le moment). Comment fictionner l’Holocauste ? Quel regard peut-on porter sur l’Horreur ? Quel film sera capable de recréer, comprendre avec justesse, respect et humilité, sans vulgarité, les affres et les douleurs de millions d’hommes et de femmes ? Et si l’on pouvait conjurer la mort par l’humour ? C’est le pari fou et audacieux que Roberto Benigni s’est lancé en réalisant La Vie est Belle (1997, Oscar de la meilleure musique en 1999), « non un film comique, mais le film d’un comique sur la tragédie de l’Holocauste », davantage une fable ou une allégorie qu’un film historique. Il prend un risque en mettant le rire au centre de son film, mais celui-ci s’avère être salvateur, pour son héros, Guido, pour son fils, Giosué et accessoirement pour le spectateur lui-même ; en servant de bouclier, il préserve l’innocence de son fils face à l’absurde, à l’inintelligible. Nicola Piovani s’en fait l’écho en composant une musique qui agit tel un baume, contrepoint lumineux, enlevé et réconfortant comme une chanson napolitaine. D’autres films utilisent des chansons populaires, commeYiddish Mame (1930), rendu célèbre par Sophie Tucker en 1928. De même que la petite fille incarne la perte de notre humanité, la mère symbolise implicitement un sentiment de nostalgie du « vieux monde », celui que les juifs ashkénazes laissaient derrière eux, émigrant vers les Etats-Unis (nouvelle terre promise) à la fin du 19ème siècle, mais s’accrochant à leurs traditions, ciment d’une communauté frileuse à s’assimiler à la société américaine. Sidney M. Goldin s’aperçut de l’énorme potentiel économique que constituait la masse des immigrants qui ne parlaient que le yiddish. Tourner dans cette langue, c’était toucher un public potentiel de dix millions de gens qui ne connaissaient que partiellement, pour la plupart, la langue anglaise. Sur ce même plan, Yidl mitn fidl, film musical de 1936 tourné en Pologne, est dans le droit fil de ce mouvement : réalisé par Joseph Green, lui-même émigré aux Etats-Unis en 1924, le film est le porte drapeau d’un cinéma yiddish en plein âge d’or, incluant non seulement les codes de la comédie musicale américaine mais aussi puisant dans les ressources du théâtre yiddish, les usages et coutumes de la vie juive des Shtetls d’Europe de l’Est, ce qui donne à l’image l’impression d’un document quasi ethnographique. La musique de Abe Ellstein (1907-1963) reprend en effet des mélodies populaires yiddish connues à l’époque, ce qui contribua au succès énorme du film. Autre film (et également immense succès : 3 Oscars en 1972 dont celui de la meilleure musique de film) ùo les traditions juives prédominent, c’est bien évidemment Fiddler on The Roof, film musical de 1971, réalisé par Norman Jewison, musique de Jerry Bock (1928-2010), adaptation de la comédie musicale éponyme de Broadway de 1964.