LES M U SIC IEN S C ÉLÈB RES

P A R

ADO LPH E JULLIEN

B I OGRAPH IE ÊC Rl TI Q UE

ILLU S T R ÉE DE DOUZ E RE PRODUC T ION S H OR S T EX T E

PA RI S

L I B RA I RIE RE N O U A R D

H E N R I AU R E N S ED I T E U R L ,

° 6 R E D T R N O N V I , U E O U ( )

‘ T o us ro t s de t ra uc t i o n de re ro uc t o n e t a a t at o n d i d , p d i d d p i r s rv ur t o u s a s é e é s p o p y .

E RN E ST RE Y E R

LA V IE E T LA C ARRIÈ RE

l n la u Les Ita ie s e t les Allem ands aiment m si que , a

di t Reyer ; les F r ançai s n e la détestent pas . Et quelle ’ ’ autre pensée aurait pu venir à l espri t d un compositeur q ui avai t dû tellemen t attendre avan t de rallier les

r t ? ff suff ages de ses compa rio tes En e et , la carrière active de Reyer peu t se diviser en troi s péri odes bie n distinctes deux de travail et de production assez régu lière u ne - ; au tre , intermédiaire , de far niente forcé , qui ne fut pas la m oins longue e t penda nt laquelle il voyagea beaucoup p our tromper son impatience , car , en ce

’ — l éc riv ait temps là , comme il si plaisamment , en ce t - ue le s emps là plus q j amai s , musi ciens avaien t des loisirs , pour faire au tre chose que de la musi que . La m ’ pre ière période s étend de son arri vée à Pari s ,

’ 1 8 4 8 la ta tu e en , j usqu à la double appari tion de S

’ 1 8 6 1 d É ro strat e 1 862 la en , en ; la seconde va de repré se ntatio n de c e s deux ouvrage s à celle de Sig urd 1 8 8 4 1 8 8 4 1 892 en ; la dernière , enfin , de à , année

’ ’ alam b - où S m ô se rej oua à Pari s . C est durant celle ci qu il 6 E R N E S T R E Y E R aura pu donner toute sa mesure e t marquer sa place parmi les composi teurs illustres de son siè c le ; mais

’ ’ quel désespoir ç aura1 t été pour l artis te qui po rtait en

’ lui Sig urd et Sa la mmbô que de m ouri r à l â ge o ù tant

’ ’ ’ r v d au t es s en ont , vers la soixantaine , avan t d avoir

œ u vre s- là v pu faire j aillir ces de son cer eau , quelle

’ ’ perte ç aurait été p our l art mu sic al français si ces deux

lus partition s , qui comp ten t parm i les p belles que

’ v u no tre Opéra ai t j amai s rep résentées , n avaient pas le j o ur !

‘ R - É n Ernest eyer , de ses vrais noms Louis tien e 1 e r 1 8 2 3 Ernest Rey , étai t né à , le décembre , de parents qui étaien t trè s éloignés de le destiner à la musi que ; m ai s le bambi n avai t m arqué de très bonn e

’ c o mmu heure une vocation irrési stible , et dans l école

n r sixiè me ale de musi que , ou il étai t entré ve s la

année , il avai t été dis tingué par le directeur Barso tti au tant pour ses heureuses disposi tions que pour sa j e lie v oix de soprano : des récompenses répétées dans les

’ concours de l école avaien t témoigné de son beau z èle e t

’ ans o u r de ses efforts . A l âge de seize ses parents , p le

’ ’ l e nv o è re nt détourner de la musique , y auprès d un

M . F arre nc oncle maternel , Loui s , alors chef de la

’ comptabili té et la trésoreri e d Alger et qui devint plus

’ tard trésorier— payeur à C onstantine ; mais cet e i n eu t

Al er aucun résultat . Le j eune homme , à g comme a

Marseille , étai t uni quement occup é à noircir du papier ,

u et , si minces que f ssent alors ses connai ssances musi

c ale s il , produisai t tant et plus des morceaux de E R N ES T R E Y E R

n n salo , romances e t danses , coulaie t abondammen t de m sa plu e . Il composai t même une messe solennelle qui

’ ’ fut chantée dans la cathédrale d Alge r à l occasi on de

’ ’ duc d Aumale 1 8 4 7 l arrivée du , en , et dans laquelle on voulut bien découvrir une grande élévation de pen sées avec un senti ment vrai du style rehg1 e ux ‘ Il est resté dans les souvenirs de la famille qu a l ’ exemp le des écoliers qui veulent lire un roman en

’ cachette , ce mauvais employé recouvrait d un bordereau qui ne c hange ait j amàis le m orceau de musi que auquel

’ il travaillai t dès que l oncle F arre nc avai t lo - clos tourné ; du reste , avec un garçon de cette nature , poin t de ’ re c o mmandatio ns h i d o bj urgatio ns possibles autant

‘ ’

. Se n s absentant en emportai t le vent oncle , un j our ,

n lui pour une semai e ou deux , recom mande de soigner particulièrement son cheval et son pian o ; quand il

’ l im rév o ant revint , il trouva le cheval mort , p y neveu

’ l ayan t laissé dans une promenade mâcher des herbes v n énéneuses , e t le p i ano , tou t démonté , gisant comme u c v ada re au milieu du salon . Un autre de ses oncles ,

’ Ve rdilho n é e lui l oncle , tai t la bête noir de Reyer , qui j ouait des tours pendables et fi ni t cependan t par lui

’ ’ d le Sélam — o édier , peu t être en rais n de l aide qu il avai t reçue de lui pour faire exécuter son œuvre o u pour la

’ publier . C est aussi pendant son séj our à Alger que

’ ’ le e r y , épris des beaux yeux d une artiste d une compa

t a ! gnie chan ante qui faisai t le littor l , résolut d e

’ s e mbar uer et T q avec elle de la suivre à unis . Vaines

‘ ’ supplications de la famille de quoi s av ise alOrs sa 8 E R N E S T R E Y E R tanto ? Elle va trouver le capi taine du bateau sur lequel la troupe d ’ opéra avait pri s passage e t convient avec

’ ’ ’ le iu itif s e mbar e …. n r l qu on laissera g q , mai s qu au ’ m oment d arriver à Tuni s e t en vertu du droi t so uv e

’ d u n - à rai n capi taine de navire , celui ci le retiendra ’ ’ ’ d l e nferme ra bor , au besoin , j usqu à ce qu on ait levé

’ le — l ancre pour re tour , vingt quatre heures aprè s . La leçon é tai t dure e t le jeune homme n ’ eut pas envie de A quoi donc aurai t— il servi de re tenir

’ là- plus longtem ps bas ce t indi sci pliné , lorsque l idée lui vint d ’ aller tenter la fortune à ?

’ C e départ n eu t pas lieu sans pr o voquer des déchire

so h fi ls ments in times et la mère de Reyer , qui voyai t _£ a p artir sans ucune ressource , avait usé vainemen t de

’ tous les moyens pour le garder auprès d elle , à Alger .

’ e Aussi tô t qu il débarqua dans la capi tale , après la rê v

e 1 8 4 8 luti n de , le Jeune Reyer trouva un guide sérieux , une conseillère excellente en la personne de sa tante ,

‘“ la ianiste M F arre nc célèbre p , Louise (descendante des

C o e l du D yp , sœur sculp teur Auguste umont et femme

’ ’ ' ’ d Aristide F arre nc l édite ur a , de musique qui l on doit

Tréso r des ianiste s u le beau recueil du p ), laq elle , en plus des nombreuses leçons de piano qu ’ elle donnai t au C onservatoire e t dans le monde , écri vai t des com

’ p osi tions de musi qu e de chambre d une valeur très

' sérieuse , dans un style éminemmen t classique . En

’ m sa famille même te p s qu il rencontrai t ainsi , dans même ,

ré c i e use s une aide des plus p , le j eune Marseillais . ’ é alère r e i as échapp de la g administ ativ , n ava t p été long a

E R N E S T R E Y E R 1 1

av e c un se lier de solide ami tié Méry , autre enfan t de

C anne bière la , épri s comme lui des splendeurs de

’ i — l Or ent . u C el i ci , de son côté , allai t le mettre en rap

’ F o rt um o B p ort avec l auteur de , e t eyer , qui apportai t à ces Orientaux de Pari s com me un refle t du soleil

’ d Afri ue n q , eut bi e tôt fai t de trouver dans le cercle de

’ o a l l il t leurs relations un n yau d ami s , vec esque s res a

C o rme nin touj ours en excellents termes Loui s de , F du C am G . Maxi me p , us tave laubert , etc ; il se rép andi t

le vite dans m onde des artis tes et des peintres , j e ne d vou rai s pas dire de la bohème , où sa gaieté , son espri t

’ à l e mpo rte — pièce et ses j oyeuses farces le fai saien t

c — e n- t i re hercher com me un boute rain san s r val . C ’ est grâce à ces ami s de la première heure que Reyer du t de n ’être pas pri s au dépourvu lorsque l ’ oc

’ n s o firit casio a lui de débuter , so it au concert , soi t au ’ Tli é0 hile G théâtre , et si c est p autier qui rima p our lui

’ Sélam M a le poèm e oriental du , c est éry , associé beau ’ a Tli 0 li il é e G B . coup d autres , p autier , Paul ocage , e tc , q ui combina avec des élémen ts très divers le livre t de

’ M a ît re VVo lf ram : C es t encore Thé0 phile Gautier qui

’ a Sc é broda , l intention du j eune musi cien , le poétique

’ ’ b ac o u nta lâ nario du ballet de , e t c es t derechef Méry ,

- qui , après lui avoir proposé un opéra comique sur le ’ d É ro ïstra te suj et , repri t son li vret , de concert avec E milien Pacini , et le transforma en u n opéra sérieux dont les j ours furen t malheure u semen t com ptés . M ais

’ ‘ ’ ’ avant d en arriver la , le j eune homme , dès qu il s étai t f à s . ixé à Paris , avai t dû se livrer des besogne diverses En 1 2 E R N E S T R E Y E R même temp s qu ’ il poursui vai t ses études techni que s il ’ avec sa tante , no tai t , sous la dictée même de l auteur , la D musique des chansons de Pierre u pont , pour les quelles il rédigea plus tard une préface e t dont il mi t quelques — unes en musique ; il composai t des m élo dies et écrivai t des accompagnemen ts pour un recueil

° e uarante hanso ns anc ienn es xn X VIII de Q C , du au siècle ,

’ ’ qu on ne s atte ndra—it guère à trouver parm i les œuvres du célèbre composi teur . 5 1 8 50 Le avril , après un retard de quinze j ours sur la date annoncée e t en changean t ses troi s soli stes qui

e B arbe t B ussine M ll Do uv r furent finalemen t , e t y, Re yer p o uvait enfin affronter le grand public et faisai t

’ T - e a nt exécu ter au héâtre I talien , av c l ide de p are s ou d ’ amis généreux tel Berlioz a ses débuts son

- Sélam ode sym phonie du , o ù il avai t groupé di vers épi

’ so de s t de la vie arabe , qu il avai t vue de prè s pendan t environ dix ans . Ces cinq ou six tableaux , rès si m ples

’ c s é anc hait de fa ture , o ù p une i magination j uvénile , bien servi e par les souvenirs que le j eune homme avai t ’ d Afri ue rapportés q , reçuren t un assez bon accueil , non sans les restricti ons que la cri tique devai t forcément

le Sélam Désert six fai re en comparant au , de cinq ou

’ Ro e r ans antérieur , e t que y n avai t cependan t j amai s

- F D pu entendre . Il se sera di t peu t être que élicien avid

’ a n avai t pas osé être assez Ar be , écrivai t un aimable so n railleur , et voyan t que depuis quelques années

’ chameau errait à l aventure , la bride sur le col , il crut p ossible de le mon ter a son tour e t de nous ramener e n E R N E S T R E Y E R 1 3

’ ro u e us ne c p j q dans le cœur du pays , dont nous n avions ’ aperçu que les frontières , Au tant d articles ,

’ autant de complimen ts emprei nts d indulge nc e ; autant

o u de pointe s réserves de ce genre auxquelles Berlioz , déj à poussé par une vive sympathie vers ce j eune indé t pendant , répondi de la sorte dans un feuilleton qui for mait une suite de li tanies louangeuses J e louerai

’ ’ M . Reyer de n avoir em ployé qu ave c réserve les ins trume nts violents et les h armoni es violentes et les

. So n m odulations violentées orches tre est doux , rêveur ,

ais e berceur au tant que simple . M j louerai bi en davan

’ ' ’ ’ tage F élicien D avi d d e voir eu l espri t d écrire son

’ ’ Désert t d e n le premier car s il é ai t venu le secon , l ac

’ c userait à coup sur d av 0 1 r i mi té le Sélam

’ T i Sélam ro s ans plus tard , il étai t donné à l auteur du

’ d ab order la scène avec im peti t opéra - co mi que que le Théâtre - Lyri que représentai t le 2 0 m ai 1 85 4 et que

Bo e r y retirai t peu après , plutôt que de con sen tir à sup primer les chœurs . D e bon s chan teurs très e stimés en

— r l ce temps là , le baryton Lau en t e t Meillet , p us le t T - G énor allon et la basse comi que rignon , étaient chargés

’ M aitre Wo l ra m d interpréter les rôles de f , auquel dix e n douze littérateurs avaient successi vemen t colla

’ boré c est le musicien lui - m ême qui a dévoilé ce

Une deu me me au di tio n du Sélam av ai t li eu le me rc re di 1 7 av ril (à c e c nc ert- la b asse J unc a v e na t c hanter u n n o là , i e o uv e ll e mélo di e de Re er ui dev a t ê tre Ta nko le o nde ur e t le e nde ma n e y , q i f ) , l i j udi 1 8 , ’ dans une rande mat n e do nnée au J ard n d H iv e r le D se g i é i , é rt, de ’ ‘ F élic ien Dav d; u n n av a t as e c ut de u s n te m s f a t i q o i p xé é p i lo g p , i sai t rè s heureuse ment sa re ntré e dans le mo nde p ro voq ué e sans do u te ' ' ar a r t n l m p l pp a i io du Se a . 1 4 E RN E ST R E Y E R

secre t , sans toutefoi s les nommer tous et qui dut être i nspiré en pa rtie par la célèbre li thographie de Lemud représentan t j us tem en t maître Wolfram a son

orgue . Sur un li vre t on ne peut plus simple e t qui nous

’ conte l amour i navoué e t le sacrifice de maître W o l fram pour u ne j eune orpheline avec qui il a été élevé

’ mais qui , naturellemen t , n a de penchant que p our le

f F av ait éc rit bel o ficier rantz , le comp osi teur débutant

u ne a parti ti on tou te gr cieu se et pleine de sentiment ,

' Se la m déj à supérieure au , mai s un peu si mple , un peu

’ maigre et qu il jugea bon , plus tard , de renforcer par

’ ’ deux m orceaux d un accent plus sûr , d une ém otion T l lus f . e t p pro onde paraî t avoir é té , au demeuran , ’ B l avi s de erlioz qui , par un douloureux retour sur lui a e même , après avoir comparé la musiq ue une m aîtr sse

u souvent fausse , mais qui ne tromp e pas to j ours ,

: . B aj ou te C elle de M eyer , au moins , est juste e n ï ’ général et plaî t par la na ve té de ses allures , qui n on t . u rien de comm n avec la démarche tantôt affectée ,

tantô t dégingandée de la muse pari sienne . C e qui man

’ ’ ’

M . que à Re ver , c es t l habi tude d écrire , le procédé , le

l Ins titut . M mécanisme , le prix de ais ses mélodies on t

du du naturel , elles touchen t souvent , il y a cœur e t de l ’imagination là

’ ’ L Orie nt allai t s o uvrir de nouveau devan t Ro ye r

’ o lâ u AI ho nsc Sac unta . avec le grand balle t de , q p Royer

’ ’

l O éra l Etat lui . administrateur de p pour le comp te de ,

’ E rostra te promi t de j ouer , en remplacemen t d un don t E R N E S T R E Y E R 1 5

’ r e t s e ffra ait pa lai t le m usi cien don t y le directeur . Ce tte t a par ition , écrite assez rapidemen t sur le charm n t poèm e mimé que Théophile Gautier avai t extrai t du

h n C alida â fut e xéc u tée 1 4 1 8 58 drame i dou de ç , le juillet ’ t e t ob tint un succès trè s réel , d autan plus que les pas d ’ ’ étaien t supérieuremen t ansés par l é toile d alors ,

me - M F . errari s Par malheur , celle ci devant par tir p our

S - Pete rsbo ur n aint g , i terrompi t apres quatorze soirées

’ les représentations qui furent bien reprises l année sui

’ ’ e n 1 8 59 vante , mai , mais sans re trouver l élan qu elle s

’ s arrô tère nt avaien t perdu , car elles au chiffre to tal de

- 1 8 a v 60 . quatre , en Jules Janin , qui étai t alors _ ingt aux Débats i réservé , , le comp te rendu de s ballets , ava t si mplemen t trouvé ce tte pa rtition plein e de chan t sons , de guzlas , de gui ares e t de soleil mai s Berlioz ,

’ saisissant l occ asion d ’ en parler ason tour a la veille

me ’ M F o u du départ de errari s , p rtait sur l œ vre du j eune

m nt — m un u e e . il usicien j g plus explicite C e ballet , di t , avai t p our moi le charme de la musi que de M . Reyer

’ du de La par ti tion j eune maître n est pas , en effet ,

’ celles qu on croi t avoir entendues plusieurs centaine s de foi s . On y trouve , au con traire , un coloris de style ’

. So n t particulier , une sonori té nouvelle orches tre n es

’ ’ as arisien l éc o u tant dit p l éternel orchestre p ; en , on se

! o rc he s tré de prime abord Ah enfin , voici un au tre ;

’ ’ l instrume ntatio n ce n est pas de officielle , les timbres divers y son t i ngénieusement mariés en tre eux , les instruments de percussion n ’ y son t pas des in struments n de ersécutio n - e . p , ils vous crèven t pas le tympan 1 6 E R N ES T R E Y E R

’ Puis , voici de fréquen tes hardiesses d harm onie , de

a r fr îches m élodies bien t ouvées e t bien développées . T ’ fl ou t cela est j eune et souriant , c est vert e t euri .

so it lo ué ! D ieu nous sommes sorti s de la cui sine , n ous

dans le . entrons j ardin Il y fai t chaud , mai s cette cha leur es t celle du soleil ; ces senteurs sont les senteurs de la verdure e t de la respirons .

’ Dè s 1 8 59 de R l année , au cours laquelle eyer avai t é té

’ chargé de célébrer sur la scène de l Opéra la victoire de So lfc rino dans une cantate i mprovi sée par M é ry e t qui

2 7 2 9 la F avo rite se chanta les e t j uin au milieu de , les j ournaux annonçaien t que le Théâtre — Lyri que re prése n terait prochainemen t un grand ouvrage de l ’ auteur de

ac o unta lâ S ; mais , de remi se en rem ise , il aurai t bien

vit pu arriver que cet opéra ne j amais le j our si Reyer , i mpatien té des lenteurs du successeur de C arvalho ,

’ ’ n avai t fai t sommation au nouveau directeur de s e xéc u

’ e n ro ule au ter , j oignan t à cet exploit d huissier un gros de papier blanc qui représen tai t la partition , toute prête Rét à être j ouée . C harles y, pri s de peur , mi t immédiate men t e n répéti tion les parties déj à terminées qui dor

’ ’ maie nt sur son bureau , e t le direc teur e t l auteur n at tendirent pas le succès final pour se réconcilier dans un f éclat de rire . Elle ob tin t , en ef et , un très vif succè s

ta tue u e été cette S , dont le s j et , très p oétiqu , avai t puise par M ichel Carré et dans les M ille e t u ne uits è de F a ust N , un succ s comparable à celui et qui se prolongea pendant deux années .

T - E n effet , ce t ouvrage , j oué au héâtre Lyri que du bou M ÉLODIE AUTOGR APH E DE RE YE R

‘ - de Mat ur n R n e r (Vieill e c h anso n Po urq uo i ne m a imes vous ? Po ésie h i ég i )

2 0 E R N E S T R E Y E R de Berlioz , é tai t classé parmi les composi teurs avec qui

’ l on devai t comp ter .

t de é r C ependan t , un nouveau théâtre venai s difi e d F n à. u u sinon Pari s , moi ns presque en rance , à Bade ,

’ l Bénaz c t l im re sario théâtre pour equel , p enrichi par la

’ t de roulette e t qu on appelai si jus temen t le roi Bade , avai t dépensé bien près d ’ un milli on l ’ inauguration

’ i 1 2 officielle en étai t f xée à été de 8 6 . Pour cette solen nité B énaz e t avai t commandé un opéra - comique à B e r

e d r li z , qui venait tous les ans i iger la des festivals , et un

R de ne grand opéra à eyer , chacun ces ouvrages devant

’ se o ue r ue Béa j que deux fois par saison . C es t ainsi q

' t ric e e t B éne dict , de Berlioz , parut sur cette scène quasi

’ 6 l É ro st rate de R É ro st ra te royale , le août , e t eyer , ce t R 2 1 dont Alphonse oyer avai t eu peur , le du même mois , avec des chanteurs admirablemen t choisi s pour mettre

e s M ic ho t M m M arie cet ouvrage en valeur et Cazaux ,

Sax et Amélie F aivre . Le succès fut très grand ; comme le disai t finement un chroniqueur : Il étai t questi on

’ stat ue d une , et ce suj et a trop bien réussi une prem ière

’ ’ R s e m â fois à M . eyer pour qu il ne pre ss t pas de le trai ter d une seconde ; sa réci ive lui fai t , au reste , le plus grand t honneur . Elle lui valut , par surcroî , une distinction qu ’ on devai t très injustement lui reprocher par la sui te

’ t : re ine de d avoir accep ée la Augusta Prusse , qui assis

’ à se fi t tai t ce spectacle , présen ter l au teur , le compli

’ menta et lui fi t remettre , au commencement de l année

’ i n — su va te la de del Ai le . il , croix chevalier g rouge Pouvait donc prévoir dè s lo rs la guerre e t nos désastres de 1 8 70 E R N E S T R E Y E R 2 1

’ ’ De de l ce moment, l activi té Rever , qui n avai t p us

’ de se F l occasi on mani fester en rance , se tourn a du

’ cô té de Bade où le succès d E ro stra te e t aussi la proté e ’ 1 2 . 8 6 tion de Berlioz l avaien t mis en belle posture En ,

’ B éa tric e et Bénédic t t tout d abord , la reprise de é ai t a de M aitre Wo l ram do u te f de ccompagnée f , sans a i n

’ ’ dédommager l auteur de ce q u on ne rej ouait pas son

' ’ É ro strate 1 8 65 ; pui s en , il étai t chargé d organiser e t de diri ger dan s la salle de la C onversati on u n festival

il dé v ait H mne in ternati onal , p our lequel , écrire u n y du Rhin de s M sur vers de éry , son collaborateur habi

le s de u tuel pour besognes ce genre , car trois ans a p a ravant ce s deux Marseillai s avaient déj à produi t un e

’ ’ t t l Unio n des Art s au re can ate , en vue d une solennité

u s arti stiq e quelconque dan leur ville natale . Abstraction faite de la cantate qui lui avai t été commandée et qui t R ob int le succès réglementaire , eyer sut montrer dès lors quel était son éclec tisme en réunissant la les nom s de

Lito lff de G S Berlioz , de Gounod , de , linka , de chumann , de M de de Rossini , de eyerbeer , de Liszt , enfi n Wagner , qui il fai sai t exécu ter pour la premi ère foi s le prélude e t le finale de Tristan et Isez llt soudés ensemble pour orchestre ; en g roupan t la des œuvres capi tales de

’ r maîtres ent e lesquels il devai t faire , à. n en pas douter , t de no ables différences , m ais auxquels il croyai t j us te e t bon de rendre hommage par admiration ou par

’ : t reconnaissance or , Wagner n é ai t sûrement pas dans les seconds . M ai s les événements de 1 8 70 allaient le chasser pour 2 2 E R N E S T R E Y E R touj ours de ces pays allemands vers lesq uels il se sentai t

’ a ttiré par sympathie d arti ste et de ces belles régions de s

’ ’ V de l Alsac e osges e t , o ù le touri ste et l ami de la t nature aim ait à venir planter sa ente tous les ans . Au

’ débu t de la guerre , il h abitai t , comme il l a raconté lui méme de , une ferme dans la montagne , tout près Bel

’ ’ to u t l été m ont , où il pensai t devoi r séj ourner et d où il

’ t la de s dut bien ôt s éloigner , non sans avoir vu passer

de s do ute colporteurs suspects , espions sans , que les gen darmes françai s laissèren t tranquillemen t partir après avoir simplement retourné les poches de leurs vête

n é t le s bo tte s me ts exploré tiges de leurs , mai s sans

’ ‘ ‘ - a- le s aller trop loi n , par pudeur , c est dire la où faux voyageurs avaient dû cacher leurs plans et leurs papiers

t t de de secre s . Reyer , durant out le temps la guerre et

B la la C ommune , demeura à loi s , dans famille de son

’ Ble u B aül i camarade Alfred ( dans l ntimi té), avec lequel il devai t souvent parler de ce qui se serait peut être j oué sans le s c atastr0 phé s de 1 8 70 et dont ils atten

’ ’ 1 1 h i t et 0 . daic , l un et l au re , argent g re Après la guerre ,

ne se de il tin t pas retourner , sinon en terre allemande

le s V proprement dite , du moins en Alsace e t dans osges , ’ ’ comme pour leur dire adieu et c est alors qu il écrivai t li ’ ’ ne s , u ces g ému_ es J aime ces bons Alsaciens j ai voul

, ’ - le s revoir . Et si j e vous ai dit qu il y avai t peut être

de ue le s plus patriotisme dans les villes q dans villages ,

’ savez— vous a quoi c e la tient ? C est que dans le s chau mieres il est rentré depui s la guerre et même p endant la guerre beaucoup de soldats qui se sont crus trahi s ; E R N E S T R E Y E R 2 3

’ c est que sur ces m ontagnes qui sont de s forteresses

’ ’ n ue d aturelles , il n y avai t pas un canon ; c est q ans ces

’ ne v illages , il n y avai t pas un fusil . C eux qui di sen t pas : On nous a trahis ! disent : On ne nous a p as défendus !

‘ de ne Le théâtre Bade une fois fermé pour lui , il i ’ re stait plu s à Reyer q u à se débattre dans son propr e

’ de se pays , et la , quelque côté qu il tourn ât , en dépi t du

’ è de la tatu e d É ro strate u double succ s S et , il se he rtai t

de s o rte s partout à p fermées . Une seule fois , durant

’ ’ cette longue période d attente , il pu t croire qu il allai t

’ ' fixer la fo rtune . C étai t au lendemai n de la guerre et de

’ la le s de l O éra hâ te Commune ; arti stes p , réuni s à la

’ ’ en société sous la prési dence d H alanz ie r qui n é tai t pas

se s ris ue s le encore directeur à q et périls , exploitaient théâtre et cherchaient une p ièce qui ne coûtât pas tr0 p

É r strate r t . o É o s ra te cher à monter leur fut proposé , que

’ de s t 1 le directeur I aliens , Bag er , avait marqué l inten

’ t de 1 869 a i on j ouer en , époque o ù il fai sait chanter

e F idelio Mll K raü ss É ro strat e hâ te p ar , et , appri s à la ,

’ mise t entouré d une en scène rès insuffisan te , fut repré

’ al O éra le 1 6 1 8 7 1 de s sen té p , octobre , par artistes pleins in de b onne volonté , mai s très sensiblement férieurs aux

’le s de . B o s uin M J interprètes Bade M B ouhy , q , uli a Hi s

F ursc h. T son et out , alors , tourna con tre le compositeur ,

’ ’ et l hom mage qu il avai t fait de sa partition à la reine de

1 8 70 de e Prusse , hui t ans avant ; et le choix la tragédienn

le s Agar , compromi se dans la Commune , p our déclamer

’ r S i strophes en l honneu du sculp teur copas , et la parc 2 4 E R N E S T R E Y E R moni e dont avaien t fai t preuve le s arti stes associ é s . La presse , en général , fut très sévère e t des quolibets , pro venant méme de com posi teurs — cri tiques qui auraient pu

de montrer plus de clairvoyance , pluren t toutes parts sur

’ ’ J o uv in éc ri l ouvrage e t sur l auteur ; bien plus , , qui

’ au F i aro a vai t g , s ét n t m on tré , selon son habi tude ,

’ injuste autan t q ue prétentieux e t s étan t servi pour qua

’ Iifi e r V énus d une épithè te tirée du grec , dans laquelle

"e III H isso n crut voir une i nconvenance à son endroi t ,

— c riti e e du celle ci couru t chez le q u , le gifl ou moins fi t le ge ste en crian t : Tenez - vous pour giflé e t déclara ’ l qu elle ne j ouerai t pas le rô e une troisième fois , comm e

’ ’ ’ l e xi e r Se s l a re n l au teur aurai t pu g . cam arades pp v ère nt et le compositeur répondi t à ce t étrange procédé par un feuille to n qui est un m odèle de persifl age e t par

le ttre une , demeurée célèbre à la fois pour la dignité

’ ’ qu il y montrai t et p our la sévère leçon qu il adressait ,

de s à dans termes très mesurés , aux gens don t il avai t R se plaindre Messieurs , écrivai t eyer aux artistes 1 9 1 8 7 1 ’ le octobre , vous avez jugé convenable , d après le chi ffre de la recette produi te par la se c o nde re prése n

’ d É ro stra t e de de tation , fai re disparaître cet ouvrage

’ l affiche . C ela est sans précéden t au théâtre . Une pièce ,

’ c hute u e a m oins d une reten tissante , es t to jours j oué

’ n n t rois foi s . Je e m éto ne nullemen t q u e vous preniez

’ plus de souci de vos in térêts q ue de la réputation d un

’ affii é de compositeur , mais j e n en suis pas m oins g

’ voir de s artiste s com me vou s trai ter d une façon aussi

’ dédaigneuse une œuvre q ue le public n a pas accueillie E R N E S T R E Y E R 2 5

’ avec faveur , c es t vrai , mais que la cri ti que (cette cri tique honnête e t libre que je respecte e t a laquelle j e

’ ’ sui s fier d apparteni r) n a pas ab solumen t condamnée . Q uelques — uns de mes confrères on t vu dans É ro stra te une ten tative honorable ; cela me suffit e t , si mince ’ ’ a été ne m éc arte rai q u i t pour m oi le résultat ob tenu , j e

’ ’ jamais de la voi e q ue j ai sui vi e jusqu à présent et au bou t de satisfac laquelle , à défaut du succès , on trouve la

’ tion être res té un arti ste consciencieux et convaincu .

’ se e o sant a Il tint parole e t ren tra dans l ombre , pp

’ l indi fférence ou aux dédains des direc teurs de théâtre une philo sophie légèremen t gouailleuse s ’ il laissait parfoi s tomber de se s lèvres ou couler de sa plum e quelque b outade amère e t cinglante , il avait bientô t fai t de se reprendre e t de se renfermer dans une atti tude

’ in i méridio u n étante . c e réservée autant q q Aussi bien , nal exubérant e t nerveux au possible avai t ordonné sa

’ vie en sage . Habitué qu il avai t été de très b onne heure

c ause se et pour a con ten ter de peu , il avai t su

se s sur restreindre besoins , régler ses dépenses un mini

’ e t mum indispensable , n étant pas tourmenté , comme

’ du de tant d au tres , désir briller , par tan t de gagner de

’ ’ e l argent a tout prix , il menait l existence la plus simpl e t la moins dispendieuse qui se pût voir dans son peti t

’ rue de T - d Auv e r ne logement de la la our g , un véri table

’ il de perchoir , où s é tai t installé presque tout suite après son arri vée à Paris et où il demeurait encore a l ’ heure

’ de se s sa mort , au bou t d environ soixan te ans . Grâce à

’ de l O éra été fonctions biblio thécaire de p , qui lui avaient 2 6 E R N E S T R E Y E R

’ attribuées par le ministre à la fin de l E mpire e t qui

’ étaien t loin de - l abso rhe r ; grâce à ses feuilletons du

J o urna l des Déba ts il — il , sur lesquels peina , dit , pendant

de t t prè s ren e ans , comme avai t fai t Berlioz ; grâce à ces

c de deux sour es revenus , peu abondants , il est vrai ,

de 1 8 66 il mai s au moins réguliers , à partir , avait son

’ existence assurée et p ouvai t se dire avec certitude qu il

’ r de n en se ait jam ais rédui t à céder , pour un m orceau

de s de s pain , aux exigences pires ennemis compositeurs

le s virtuoses et les directeurs . Et pui s il avai t quand même une grande consolatio n

au milieu de s contre — temp s répétés qui entra vaien t sa Il carrière . avai t toujours eu la passion des voyage s et

’ c étai t pour lui une heure heureuse entre toutes q u e

’ ’ s e nfu ait c celle où il y de Pari s , haque année , dès qu ar m ’ le s . c o m e e rivaien t beaux j ours Il gagnai t alors , j l ai

’ lus t l Alsac e le s V F — N dit p hau , , ou osges , ou la orêt oire ,

’ ne ou plus tard , lorsqu il voulut plus retourner dans ces

’ le D de réfé pays qu il avai t connus françai s , auphiné , p

e t là de s rence Uriage , , seul ou avec ami s aussi bons

ue de t marcheurs q lui , il faisai t rès longues promenades ,

la a i il arpen tai t le pays en tout sens , canne la ma n , la

i e à ris u e de de p p la bouche , au q rencon trer parfoi s mauvai ses figu res ou de couc her dans de s auberges sus

e c te s n la F p , comme cela lui arriva j usteme t dans orê t

’ Noire . C étaient là de g randes sati sfactions pour le tou riste passi onné q ue fut to uj ours Reyer ; mais il y avai t ’ t d au res voyages à faire p our le musicien , il y avai t

’ d autres pay s a voir pour le j eune homme qui avai t tâté

2 8 E R N E S T R E Y E R

R r venu , eyer devai t rentrer à Pa is o ù il se remettai t à

- r de batailler la plume à la main , à frapper à la po te s

’ c t dire teurs qui le recevaien t ous d une façon charmante ,

’ mai s l éc o nduisaie nt de même . Il faut avoir connu

Reyer pendan t cette longue pé riode de vingt - trois

ta années , il fau t avoir vu comb ien , malgré son affec ti on de hilo s0 li ié p p e t ses plaisanteries railleuses , ce t artiste 1a souffrai t de ne pas pouvoir communiquer au public

’ le s le s inS iratio ns adorables mélodies , pui ssantes p qu il

’ sentait bouillonner dans sa tête il fau t l avoir vu alors ,

’ forcé de se contenter de quelque exécution d un frag

dé so n Si urd ment m alheureux g dans les concerts , pour

’ ’ se douter du coup qu il recevait c haq u e fo is q u undire c teur ce fut d ’ abord Emile Perrin après audi tion frag me ntaire mu s i u e 1 8 69 H alanz ie r de la q , en , puis , puis

’ Vauc o rhe il l éc artait en douceur o u refusai t nette ment de monter un ouvrage don t on di sai t chari tablemen t

’ ’ ’ ’ q u il n étai t qu un mythe et dont l auteur prêtai t à

’ rire avec la prétention qu il manifestai t de le faire e xé

’ ’ cuter tel qu il l aurai t conçu e t réali sé , sans rien sacri fie r dé cette œuvre bien - ai mée aux exigences de s directeurs ni aux goûts capricieux du public .

’ Heureusemen t qu il se t rou v a alors un hom me qui

’ r re rno n soutint Reyer du mieux qu il put le fai e , qui ta son courage e t le força à reprendre la plume pour

de s . bra v e écrire autre chose que articles C e fut ce , ce t

’ e xc e lle nt Pasde lo u p , à qui d autres musiciens illus tres ne sauraient mo ntrer une trop vi ve reconnaissance e t dont

’ ’ l auteur de Sig urd n e prononçai t j amai s le nom qu ave c E R N E S T R E Y E R 2 9

’ lus se u de s émotion , sans p so veni r querelles d un j our qui avaient pu éclater entre eux e t lui arracher quelqu e

Oli ! Pasde lo u cri de colère ce p , comme il es t bien

ar o rc he s tre ! fut Pasde lo u mené p son Oui , ce p qui , ’ n fé de s deva t l indif rence persi stante directeurs , procura

’ ’ à Reyer l occasion d entendre u n fragment consi dérable

i urd de B ru ne hild de son S g , la grande scène du réveil ,

me e M o n auz e t M C harte n— De me ur Sélimde la Sta q u j e , le t ue B ido n de s Tro ens à artha e v e t la y C g , inrent chanter 30 1 8 73 aux C oncerts Populaires , le mars ce fut encore

’ Pasde lo u de R ao p qui , p our réveiller l activi té eyer , fi t c ue il a de la M a de le ine au désert ar la mélodie , chantée p 1 4 M . Bouhy le di manche 2 2 mars 8 7 ; qui lui demanda

’ enfin d écrire exprès pour se s concerts une ouverture ’ ’ qui pût se placer ensui te en tête de Sig urd e t q u il s en

' ‘ Pasdelo u à so n ublic a L gageai t , lui p , à présenter p ou ’ v erture fut écri te par le composi teur ; la prom esse fut

’ te nue 1 4 1 875 par le chef d orchestre , à la date du mars ,

’ et l on sai t quelle carrière a fournie ce morceau , qui

’ as le o ur Pasde lo n aurai t peut être p vu j sans up . ’ C es t ég alement duran t cette péri ode , le 1 1 novem

’ 1 8 76 ue l Ac adémie B x bre , q Reyer fut admi s à des eau

ré é Arts , où il prenai t p ossessi on du fauteuil occupé p c “ d mm nt a ' e e p r Hector B erlioz et F élicien D avid ; Le hasard avai t bien fai t le s choses en lui réservant cette do uble a été v d s e successi on , lui qui avai t le fer ent i cipl

’ e t le chaleureuxdéfenseur de l auteur de la Damna

’ tion de F aust été l imitateur , à lui qui avai t , non pas , i C ’ l’ m ais le r val et ependant l ami de auteur du , Désert 30 E R N E S T R E Y E R

t Cette élection , arrivant à ce te heure et qui le met

à — tai t bien sa place , ne devait elle pas le consoler de ’ 1 8 7 2 V M F s être vu préférer , en , i ctor assé , e t rançois

’ 1 8 73 F Vo a e B azin en , oui , rançoi s Bazin , l auteur du y g

’ en hine n l Institut C , exac teme t com me , autrefois , avai t préféré C lapisso n à Berlioz ? Né venai t — elle pas réc o m

’ ’ penser l heureuse résoluti on qu il avai t prise , sep t ans

’ s e ffac er F D plus tôt , de devant élicien avid , lorsque celui

? ar ci avai t brigué le même honneur Oui , mais p ce recul

’ volontaire d abord , par ces deux défaites ensui te , Reyer

’ avai t perdu l occasion de goûter une de s plus douces

’ ’ joies qu il aurait pu ressen tir : celle d annoncer son succès à sa mère , qui étai t fixée à Marseille et suivai t auxie u se me nt le s ten tatives , dém arches et progrès du r comp osi teur . Elle venai t de m ouri lorsque son fils fut appelé à siéger sous la coupole du palais Mazarin 1 8 77 Deux ou troi s moi s plus tard , en février , Reyer

’ ’ entendi t enfin sonner l heure qu il appelai t de tous se s vœux et qu ’ il avait tant contribué à avancer le plus pos

trio m he do uble e xéc u sible , celle du p de B erlioz , par la tion de la Damnat io n de F aust aux C oncerts Pe pulaiœ s a ’ e t ceux du Châtelet . Ce n étai t pas encore la sanction

’ l a laudis se me nt de t suprême , pp universel ou te la foule ; mai s la réparation définitive étai t proche e t le s six audi

’ ’ ’ Re ye r ne porta j amai s d au tre c o stume ni d autre épé e d ac adémi c en ue c eu ue er r s de m u r r av a t c har so n fi dè e i q x q B lioz , p é o i , i g é l v al et de c hambre Sc hu mann de g arder av e c soi n po ur le s re met tre a ’ Re yer le jo ur o ù c el u i - c i e ntrerai t à l Institut e st— c e q ue la plac e de c et te e ui f ut suc c ess v e me nt c e e de e r z e t de Re e r ne ser t épé , q i ll B lio y , ai ’ as dans ue ue d ô t ub c ar e em e au mus e de l O éra ? p q lq ép p li , p x pl é p E R N E S T R E Y E R 3 1 tions de la Damna tion de F aust q ue M . C olonne put donner alors , aprè s celles qui avaient eu lieu peu aupa ’ rav ant Ro méo et J uliette de , étaien t l indice certain du revirement du p ublic et de la fo rtune prodigieuse q ui ’ - attendai t le chef d œ uv re du maître . Avec quelle j oie

’ Reyer ne salue - t- il pas cette glorieuse revanche d un

’ génie qu il avai t touj ours proclamé et défendu , lui qui , dè s dé B le lendemain de la mort erlioz , avait pri s la ’ plume afin de dire à ceux qui ne s en doutaient guère quelle perte infinimen t grande la musique venai t de faire ;

’ l arc hc t de Lito lff lui qui avai t pri s à côté p our conduire ,

‘ ’ l O éra de s F a p , ces concerts o ù le Menuet ollets e t la Valse de s Sylphes obtinrent pour la première fois un suc

è s u ne c qui allai t gagner de proche en proche , comme ! traînée de p oudre , à travers le monde musical E t lui

’ n av ait- il seul p as , un an après la di spari tion du maître ,

’ dirigé à l Opéra un grand festival terme cher à Ber li e z o ù les mêmes morceaux e t quelques au tres étaient exécutés devan t un public encore distrai t et clair

’ t ue de s semé , mai s sans soulever d autre manifesta ion q brav e s ? Enfin , deux ans après cette glorieuse appari tion

la Damna tio n de F a ust de aux C oncerts du Châtelet ,

’ ’ - n o r anisa l H i o dro me est ce que Reyer g pas à pp , avec

Viz entini — Albert un deuxième festival qui , celui là , fi t

’ courir tout Pari s au pon t de l AIma et dans lequel un

Si urd de s N de G fragment de g , le C ortège oces unther , se présentait m odestemen t sous le patronage et dan s le rayonnement de s œuvres de Berlioz ? Quelle distanc e parcourue en neuf années et quelle diff érence entre 32 E R N E S T R E Y E R

le s deux festivals commémoratifs de 1 8 70 et de 1 8 79 !

’ ’ L O éra- s e nric hissait de s p C omique , en tre temps , ’ dépouilles du Théâtre - Lyri qu e qui n avai t pas survécu

d 1 8 7 0 e t de la aux désastres e la guerre de C ommune , et de

’ même qu il avai t déj à insc rit à son répertoire les Drag o ns ’ ’ de Villars Ro méo et J uliet t e s a r0 rie r e t , ou qu il devai t pp p

lu s M ireille Philémo n et B a uc is de a la p tard et , même , ’ 1 8 73 s e m arait de M aître IVo l ram fin de novembre , il p / ’ que Reyer venai t d augmen ter de deux numéros un duo

’ VVo lfram ure pour Hélène e t , d une inspiration très p , et

une romance pour Wolfram , une i nvocation aux Larmes , ’ M t . . oute débordan te d une douleur amère Bouhy ,

’ qui n avait pas encore rencontré de rôle aussi favorable

’ t S ue à son talen , y faisait beaucoup applaudir , ainsi q

’ M " ° u d H é C hapuy , la fut re générale André , dans celui lè ne de C 0 é l de t se , a cô té pp e t Na han , qui montraien t

s F consciencieux , ans plus , dans rantz et Wilhelm . Cette

’ ’ s repri se , au demeurant , n eut q u un médiocre succè , car

’ itre Wo l ram 1 8 74 M a f disparaissait de l affiche avant . Ce théâtre é tai t alors sous la direction de C amille

de i urd de alammbo du Locle , le libre tti ste S g et S ;

’ C arvalho ui l avait re m lac é quelques années plus tard , , q p

’ comme directeur à la plac e Boieldieu e t qui n aimait

’ guère le s o u vrage s que d autres q ue lui - même avai en t fai t

’ ’ al o ri iné de o représenter g , eut cependant l idée rem nter

’ t atu e de la S et la reprise qu il fi t ce t ouvrage , transformé

- en opéra , ré pondi t peut être plus au secret désir du ’ d ’ directeur qu aux espérances e l auteur . Confiée à de s t T artistes qui , sauf un nouveau venu , le énor alazac . LE SÉ L AM

L t o ra e o r na e de C e st n Nante u o ur la ar n ( i h g phi igi l él i il p p titio ).

36 E R N E S T R E Y E R

’ t na A l epoque o ù Reyer écrivai t ces ligne s , c étai Hai

’ zier qui présidai t enco re aux destinées de l Opéra et il

’ ’ n y av ai t rien a attendre d un direc teu r que le s noms barbares de s perso nnages de Sig urd avaien t effrayé e t t ï à ’ d qui avai na vemen t demandé l auteur Hil a , ’ ! Hilda , com me c es t dur à prononcer P ourquoi pas plu tô t Bilda ? Es t - ce que j e — vous appelle B alanz ie r avai t riposté Reyer en rompan t de s pourparlers déso r

’ ’ ê — c d H a mai s i nutiles . Mai s qu tai t c que la propositi on

u de la zier , homme si mplement peu de culture , auprè s

’ de celle qu avai t bien osé formuler Emile Perrin , un

’ - - là de directeur artiste celui , puisqu il avai t fait la pein

’ r tr n de tu e , et qui ouvai t tout aturel demander a l au teur de récri re le rôle de Sigu rd pour voix de baryton à ’ t M F l . in ention de aure , exactement com me Ambroise

’ Thomas avai t fai t de celui d H amle t En faisan t de S ’ t igurd un baryton , répliquait l au eur , il fallai t faire

’ nécessairement de Gunther un ténor et ce n est pas seulement à cause du travail matériel q ue j e reculai devant cette manipulation . Et puis qui sai t si , le lende

’ ne de de m ai n , on m aurai t pas demandé faire Hagen , le farouche compagnon un travesti ?

’ Lo rsqu il étai t vaguemen t question de la représenta

’ t i urd le s 1 8 7 0 e n i on de S g dan s j ournaux d avant , par

‘na d s ri e e d F d . a e e M . e M M M M lait Vill ret , aure ou aurel , de Sasse et Gu e ymard— Lauters pour tenir le s principaux

fut r u r u e rôles , e t ce un g and bonheur po r Reye q son ’ été o ué t opéra n ait pas j à cet e époque , car au milieu des ouvrages qui faisaient alors florès et chanté par de s E R N E S T R E Y E R 37

' à t infi arti stes habitués une tou autre musique , il es t nime nt probable q ue Sig urd aurait dérou té le publi c autan t que le schanteurs et se ser ai t vi te effondré . Em ile

’ r n aurait- il ue Per in , dès lors , pas mérité q Reyer se

de - souvînt lui le j our où celui ci , dans un banquet orga nisé t B alanz ie r en son honneur , por a le toas t suivant a

H alanz ie r dire c tout in terloqué J e boi s a , j e boi s au

’ teur qui n a j amais rien fai t p our moi e t à qui j e ne dois rien du tou t ’ Vauc o rbe il le s n n ni Avec , négociatio s n avaie t été

- plus longues ni plus heureuses , ce direc teur musicien

’ n ayant même pas voulu prendre connai ssance de la

R e musi que de eyer . Il avai t consenti si mplem nt , en

1 8 8 3 re Le o u vé , à entend lire le poèm e par g , un lecteur ’ fort habile , en présence d un aréopage trié sur le vole t, à

de fi inv raise mblahle s ue ré la suite quoi , les dif cultés q p

t - o n de e éra sen ai t , disai t , la mi se sur pied ce t p , sans parler des quolibe ts q ue devait sûrem en t soulever dans

’ le public ce héros vierge de corps e t d âme firen t

urd f m reje ter Sig sans autre o r e de procès . Mais la Providence se manifest e alors à Reyer sous la figure t M des directeurs du théâ re de la onnaie , à Bruxelle s . Sto u mo n et C alabresi lui o ffrirent aussitô t de j ouer

se de le s t son opéra , firent fort surmonter tous obs acles m de mise atériels en scène , et présentèren t au comp osi

’ de B rune hild — teur pour le rôle , c est b ien eux qui la

’ l exi e a proposèrent et non lui qui g , une j eune

de chanteuse , récemment sortie du C onservatoire Pari s ,

, a vec un second prix de chant e t un deuxième accessit 38 E R N E S T R E Y E R

’ ’ d 0 éra d u tile s de M arie S p , qui avai t pri s leçons asse et ’ venait de débuter avec succès chez eux dans l Alic e de

o bert le Dia ble F aust les H u uen o ts é llc R , pui s dans et g

’ me M Ro se . r s appelai t C aron Ainsi se trouva scellée , pou l de ongues années , une heureuse association , j e pour rais presque dire une collaboration parfai te e ntre le compositeur qui rencontrai t inopinémen t l ’ artiste visi t blement prédestinée à i nterpré er sa musique , e t la chan t n se de s e se qui trouvai t , dès le début , en face œuvres les plus merveilleusem ent appropriées à sa nature . Q uelle belle soirée q ue celle du 7 j anvier 1 8 8 4 o ù

i le s surg t , en pleine lumière , une des création s plus

de musi ue de considérables la q française , o ù une artiste premier ordre trouva la pleine expansion de son rare

’ instinct dram ati que et se p osa d e mblée en grande tra

’ gédie nne lyri que ; quel succès qui se pro lo nge a j usq n au t à ’ prin emps e t repri t encore , la réouverture d automne ,

’ sans q u ait j amais diminué la faveur du public bruxe l

’ ’ lois ! Cependan t les directeurs de l Opéra (c étaient alors ‘ ilh d ’ . Ga ar Ritt e t M ), un peu confus d avoir laissé à échapper un ouvrage de cette valeur , pensaien t le ramener à Paris ils ne vo ulurent pas rester sous le coup du ridicule qui frappait leur prédécesseur et , la retraite de Sto umo n et Calabresi disloquan t la troupe de

’ ’ s e m re ssè re nt de , ils p d engager troi s s

me de - o se M u artistes là bas R Caron , Bosman , pl s

se t me sure de Gresse , e t rouvèren t vite en repré

i urd Brune hild inc o m a senter S g , en j oignant à cette p

u n rable , à ce tte excellente Hilda , à ce farouche Hagen E R N E S T R E Y E R 39

S ue S lac e . igurd tel q ellier , à la p de M Jourdain , d M e G . e . un unther comme M Lassalle , au lieu Devri s ,

‘ un grand — prê tre et une nourrice aussi solides que " ° Mll e D B érardi e t M re m la ant M . e s Richard , p ç Renaud e t

r de champ s , leu s camarades Bruxelle s .

’ C est le vendredi 1 2 j uin 1 8 8 5 que Sig urd e t M me C aron firent de com pagnie leur appari ti on sur la scène de notre Académ ie nati onale de musiq ue et de danse - , et remp ortèren t un succè s qui fut peut être encore plus vif alors pour l ’interprète que p our l ’ œuvre

- . f le elle même Il allai t , en effet , que public , tout de sui te conqui s par les adm irables dons de la chanteuse ,

’ ’ eût le temps de s ini tier aux grandes beautés d un

’ o u v rage sensiblement di fférent de ceux qu il avai t ace o n

’ ’ tumé nt C e tté se d e endre à Pari s . initiation , d ailleurs ,

i urd fit assez vi te et S g , en deux années de temps , pen dan t les deux années que Mme Caron passa alors à

’ l O éra de se p , atteignit près cinquante repré ntations ,

’ ue é sans q l auteur , qui s tai t éloigné dès le premier j our en raison des coupures pratiquées c o ntre son assenti

le s ment dans son œuvre , eût remis pieds au théâtre .

T bro u ille bro uille out a coup , une , absolument prévue

dire t il faut le , en rai son de relations rès tendues , de

le s de désaccords constants , éclate entre directeurs

’ l Opéra et leur nerveuse pensi onnaire qui repart pour

s Sto umo n re re Bruxelle e t Calabresi de leur côté , p naie nt bientô t la direction du theatre de la M onnaie e t

’ une ’ leur premier acte était de s attacher M C aron d une

’ f de l o ffrir ui ne façon définitive , a in pouvoir à Reyer q 4 0 E R N E S T R E Y E R

’ ‘ v m oulai t pas d autre artis te pour sa chère Sa la mbo .

“ me Sa lammbo se j o ue ra où sera M Caro n avai t- il

’ dit dès qu il avai t pu entrevoir le j ou r où serai t repré

’ sen té l e péra q u e F laubert lui avai t donné le droit exclu

de de s o n liv re sif tirer , un opéra dont le romancier

de n t avai t , sa propre main , tracé un pla passablemen

’ r r su r diffé en t du oman même , en comptant d abord

T G C atulle M héophile autier , puis sur endès p our le v e rsifier libre t , en accep tan t enfin le concours comme l e t c o mmé de ar is te poète C amille du Locle , indiqué p

Bo yer e t qui devai t , dans ce travail , se montrer beau

’ coup plus respectueux de l œuvre de F laubert q ue

— F laubert lui mêm e .

1 0 1 8 90 n — Le février , quelque vi gt cin q ans aprè s que

’ ‘ alammbo t t Reyer avai t commencé d y rêver , S é ai représen tée à Bruxelles avec quel succès pour le com po site ur et quel trio mphe pour son admirable i n ter

’ ’ 'me

rète fl . M p , c est ce qu il est super u de rappeler Caron

— 1e t qui , notons en passant , étai allée peu auparavant chanter la Sta t ue à Monte - C arlo av e c Vergné t e t _ i M . B ouhy , touchai t ici au po n t culminan t de sa car riè re elle se mon trai t i ncomp arable de simplici té

’ expressive et de pui ssance tragique dans la fille d H amil car et toute la salle tressaillai t d ’ une profonde émo tion quand tombai t de se s lèvres cet adieu mélancolique aux

d de colombes fugitives . Le gran retenti ssement cette œuvre et le trio mphe personnel de la chanteuse ouvriren t

’ les yeux aux maîtres de l Opéra de Pari s qui so uhai tè re nt de la voir rentrer chez eux ; le rac c e mmo de me nt

4 i E R N E S T R E Y E R

t avai t échappé à leurs prédécesseurs , et la représen ation de cet opéra , monté avec un luxe i ncomparable , avec u ne r ï de de ichesse inou e décors et costumes , fut donnée

e ’ le 1 6 1 892 M ll e a Paris mai ( D ufr ne , auparavan t , l avai t chanté au Théâ tre — des — Arts de ) le succès en fut consid é rab le et parut devoir récom penser le s directeurs

’ de s so mme s a- t— e m énormes , francs , di t , qu ils

’ n avaient pas crain t de débourser . La merveilleuse inté r

’ rétatio n de a n av ait amais été lus p C ron , qui j p

’ ' de d attitude s de de s belle chant , , jeux phy ionom ie ,

’ a tteignai t presque au s ublime . C étai t une Salammbô

’ a u re m la idé le e t telle que nulle , alors , n a rai t osé la p c e r é ntré le s t ; tous in erprètes de Bruxelles , deux seule

: M . é i V e r ne t u ment Renaud g , avaien t conservé le rs ’ m l d H amilc ar de Shahabari ue M . Saléz a rô es et , tandis q ,

de de o t S plein fougue et passi n , succédai à ellier dans

D . M athô M . S Narr H av as et , elmas a M entein dans ndi ’ . . . S e us M G Beyle a M Bouvet dans p . Au b out de l an

1 8 92 Sa lammbo - re ré née , com ptai t déj à quarante six p

’ u sc tations ; elle touche à cent cinquante auj ourd hui .

’ ” ’ L apparition de Sa lammbo marque le te rme de l ac ti v ité de R u t— il créatrice eyer , aussi bien po vai légiti me men t se reposer à près de soixante — dix ans ; mai s comme

’ il n étai t plus le voyageur déterminé , le marcheur

’ ’ l e fira ait intrépide d autrefois , et que Pari s y chaq ue se s ses t w à jour davantage avec b icyclettes , ram ays

se s de vapeur e t automob iles , il avai t pri s le parti se

’ F — 5 - réfugier l été dans la ranche C omté , Mouthier Haute

’ Pie rre le s ; l hiver , en Provence , au Lavandou , sur E R N E S T R E Y E R 4 5

’ bords de la mer aux flots bleus qui l avai t vu naîtr e Il ne passait guèr e plus de deux ou trois m oi s par an a a d ns la capitale , quand il la traversai t pour ller de

’ ’ ’ l de re traite s a une à l autre ces , e t c est lors seulemen t qu ’ il campait durant quelques semaines dans son

’ modeste appartemen t de la rue de la Tour - d Au ve rgne ; f dans ces petites pièces , si basses de pla ond , toutes

de liv re s de remplies et partitions , de souvenirs de

’ v o a e . u d Orie nt y g , de co ssins et de tapi s , o ù le soleil e ntrai t en m aître travers une j oli e Et à ’ ’ ce p endant , Reyer , l autom ne aussi bien qu au prin

’ ’ temps , ne pe nsai t q u à s enfuir de ce paradis hau t per ’ ha e . M c u s ché ai s q foi s aussi qu il passai t par Pari , même aprè s avoir déposé p our to uj ours la plume de c riti ue de v isite q , il ne manquait pas rendre une à la vieille mai son de la rue de s Prêtres - Saint - Germai n

’ l Auxe rro is de , de prendre part aux réuni ons amicales

’ se s jeunes confrères des Débats qui l e nto uraie nt de leur respect e t se plai saien t à recueillir le s propos touj ours

’ si amusants , d une b onne humeur si mordante , qui

m t se s to baien de lèvres .

’ Si R n de eyer , do nant à tant d autres un exemple

’ de r modestie , eu t le bon sen s s arrê ter quand il c ut

’ ’ ’ n avoir plus rien à dire ; s il aimai t à se gau sse r de s

’ i ndiscrets qui l inte rro ge aie nt sur se s travaux futurs et racontai t v olontiers aux interview ers le scénario de

’ cer tai n C ap u c in enc ha nté qu il assu rai t devoi r être

’ so n — d œ uv re se s chef , puis se réj ouissai t de voir ensui te

’ r d folles i nventions cou i r la presse , il étai t loin être 46 E R N E S T R E Y E R indifférent à ce qui se passai t dans le s théâtres lyriques et le sor t de ses premiers ouvrages le préoccupai t vi si 2 . E n 1 90 i r blem en t , il eut la satisfact on de voir rej oue

’ M a itre Wal/ ram à l Opéra- C omique avec le baryton

" 9 Delvo e M E re ams y e t y dans les principaux rôles , i t F M M . Gr v o Jahn e t dans rantz et Wilhelm , cette

date 7 reprise , en du février , fourni t seize représenta t c e du t ions puis , qui lui causer un plai sir plus

de sensible , la ville Marseille ayan t décidé de célébrer par de grandes fêtes le vingt- cinquiè me cen tenaire de

’ d É ro stra t e sa fondation , une représentati on solennelle

- T 1 6 1 8 99 . Là fut donnée au Grand héâtre , le octobre ,

’ d d u n ac c la ans sa ville natale , au milieu public aux

r e mations duquel il dut finir par se dérobe , l e maîtr pu t voir revivre celle de se s œuvres que la fortune avai t l’ le moins favori sée , e t entendre supérieurement in ter

me Ra n rétée . M u a s p par M Delmas e t Jeanne y, venu

de tout exprès Paris .

’ Une des plus grandes j oies qu il ressenti t en c e s dernières années e t qui le fi t tressaillir comme à l ’ heure

se s f ut de de de débuts , ce fai re ré péter sur la scène

’ ’ l O éra de la ta t ue p cette partition S , qu il pouvai t croire

’ ’ à j amais enterrée après l insuc c è s de l Opéra— Comi que ; 6 1 903 ne mais cette nouvelle épreuve , ten tée le mars , f t de u pas couronnée succès . Présentée dans un cadre

’ l éc rasait trop vaste e t qui , chantée par des artistes

“° M Ac kté M M . i D m B arte t , Af re , el as , , Laffi tte , don t M aucun , sauf . Delmas , ne dépassai t une m oyenne hono

’ — d Une de s rable , écoutée oreille distrai te par auditeurs E R N E S T R E Y E R 47

’ dont le siège é tai t fait d avance et qui refusaien t o bs ti

éme nt de se n , pour juger du méri te de ce tte œuvre ,

’ reporter à l époque où elle avai t é té écrite e t de cons tater combien elle étai t plus j eune e t plus v i vace q ue

’ h ta t ue tant d au tres m oins âgées , ce tte mal eureuse S

’ ne parut pas sur l affiche plus de dix fois e t le directeu r

’ ’ qui l avai t présentée avec un trè s grand luxe c étai t

M Gailhard se . vi t bien tô t forcé de la reléguer dans

’ le s . R u magasin s eyer , cependant , n avai t pas perd tout espoir de la voir se redresser un j our sur son piédes tal

’ de É rostrate un et même que pour , qu il avai t rêvé ’ de l O éra sur moment faire reprendre à p , il comp tai t le s bonnes di spositions de M . Albert C arré pour inscrire

’ ces deux o uvrag e s au répertoire de l Opéra - C omiq ue ’ ’ a où l un et l autre seraien t beaucoup mieux leur place .

t so n La dernière fois que j e le vi s , peu de j ours avan

’ m e ntre te nait de départ pour le Lavandou , il encore

’ un d ces proj ets , don t avenir prochain nous ira s ils

’ avaien t quelque base so lide ou si ce n étaient q ue rê ve s

de chiméri ques vieillard . ’ d 1 9 u 09 uste . un C est le soir j anvier , j moi s après t — n - smième ue r ê re entré dans sa quatre vi gt année , q Reye subi t le s premières attaq ue s de la cri se qui devai t

’ ’ l emporter : il rendit le dernier soupir danSl aprè s— m idi

’ 1 5 Se s u du j anvier . ob sèques f ren t d abord célébrées

1 7 to u au Lavandou , le dimanche , avec une s implici té ’ fl chante , au milieu d une nombreuse af uence de gens du

de s pays et pêcheurs , parmi le squels le m aître é tait trè populaire . Elles se renouvelèrent le lende main 5 Mar 4 8 E R N E S T R E Y E R

R v scille , o ù eyer de ai t ê tre inhumé , avec le grand appareil que comportai t le très haut grade du défun t

’ ’ la t dans Légion d honneur , avec oute la pompe d une

’ t émouvante cérémonie religieuse o ù l on exécu a , entre

de s autres m orceaux , un fragment du C onseil Anciens , de Salammbo au milieu du concours de tou te une ville q ui savai t qu elle venai t de perdre un de se s plus glo

’ D élo uc nts l rieux enfants . q adieux furen t a ors adressés

’ ’ à l émine nt e ntre se l hé u artiste , lesquels distinguaient d d lè h l e . e Na c e à a reuse improvisation M saluant , foi s comme directeur de s Déba ts et com me représentan t de

re sse r e n le s toute la p pa i sienne , celui qui avai t tous

’ ’ dons de l écrivain et du c ritiq u e l amour de la pe rfe c ’ ’ h tion sans parti pri s d école , la sincérité , l ent ousiasme

’ r t éclai é p our ce qui est beau , l indigna ion et la raillerie pour ce qui est médiocre et la vibran te allocu tion du

’ — — dE tat M . D sous secrétaire aux Beaux Arts , ujardi n

se t Beaumetz , qui ermi nai t ainsi Il fu t heureux

’ r d ho nne urs de celui qui , cha gé et gloire , pu descendre dans la paix éternelle avec la certi tude q ue son no m * ne

’ de périrai t pas , pui squ i l laissait , comme gardiens sa

le s imrh o rte lle s de i urd mémoire , deux figures S g et de

Salammbo

’ m h er de la L n d h nneur le 1 5 a û t 1 862 a r l Nom é c ev ali égio o o , p è s a ’ e resentat n de la Sta t ue a ar s a la v e e de c e e d E ro strate a r p io P i , ill ll ’ r r Si urd u s c mm n e r s d B ade ; pro mu offi c i e ap ès g , p i o a d u a l o c c a io n e l a m re r se ntat n de c e t ra rand- o f fic ier e n 1 8 99 Re er c entiè e p é io opé , g , y av a t été en u e t 1 906 e v au rade su rême de rand- c r ue i , j ill , él é g p g oix , q t rs seu e ment av a e nt atte nt av ant lui Verd G un d troi s c ompo si eu l i i i , o o ‘

Th mas . La re r se nta t n d E ro s tra te . S ade en 1 862 lui e t Ambroi se o p é io à , , ’ ’ ’ v a t v u c mme e l ai dit de rec e v r rdre de l Ai le r u e de a i al , o j , oi l o g o g , M Z }w 4rtt J 4 W W

N { g M V; F… ;

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v t t 7 / 7u w 4 w z â/ “ Q/ Z

LE TT RE AUTO GRAPH E DE RE YE R fl 872 )

Premi ere e ttre a re ss e ar lui à M . o e J u e l d é p Ad lph lli n .

52 E R N E S T R E Y E R tan t plus forte qu ’ elle s ’ étai t encore accrue au contact ’ f de Vt e be r de r bien aisant et Be lioz , ai t j amais subi

’ l influence de s deux g rands compositeurs de théâ tre que

t mo nde - là à out le musical , en ce temps , tendai t i mi ter e t

’ q ue Reyer adm irait tout au tant q ue d autres p ouvaient le

r t u n c o ns idé fai e , non sans maintenir en re eux écart

’ rable j e veux parler de l auteur de F a ust e t de celui

Tann/acc user de .

’ Le précieux do n mélodique e t la fraîcheur d in5 pira

’ ’ du tion , l i nstinct coloris de l orchestre e t même la

’ t vigueur d expression , qui nous frapperont plus ard

le s t R se dans œuvre s maî resses de eyer , découvren t en

’ e rme elam g dan s plus d un morceau du S . Certes , ce

’ son t de s pages encore très minces e t d une fac ture bien

rêle ue séré g que ces légères esquisses orientales , q la

de F athma nade pour voix ténor , tout dort e t les chants contrastés qui vont suivre dans le tableau de

ra z z ia la , entre les guerriers et les p asteurs , forment

r une opposition b ien rudimentaire , mais le m a ché qui se conclut en tre le s pillards e t les p illés M ille bo nd j e ux ! mille bo u dj o ux ! fai t déj à quelque peu p enser

la t a t ue aux scènes analogues de S , e t si la douce pas

f e de s rale pour ténor après le départ bandi ts , si la flot tante mélodie intituléé C hant du soir lai ssent deviner le

’ v n caractère rê eur et caressa t de l inspiration du maître , c ’ e st surtou t dans le grand m orceau de la C onjura

de s D ue tion j inns , q le j eûne musicien semble avoir

’ e de u donné la meilleur mesure son talent , d une coule r

t la Dhossa déj à bien ranchée . E t le tableau final de , E R N E S T R E Y E R 53 o ù la voix glapi ssante du muezzin appelle à la priere le s ’ i de n a pèler n s revenant la Mecque , puis s u i t leurs

’ ’ d allé re sse a e chants g , n étai t pas non plus une p g à

’ ’ si dédaigner , simple qu elle parai sse aujourd hui ; elle

’ ’ l re mie r o ur obtint , d ai leurs , dè s le p j , d assez nombreux

brav e s .

Si elam M a it re Wo l ram se tro uv e du S on passe à f , on

’ en face d une œuvre déj à moin s som maire , o ù ce qui

’ ’ u indi u é se n étai t q q auparavan t , développe e t prend

’ corps . L ouverture , la seule que Reyer ai t écri te ave c c elle de Sigurd e t q ui pèche également par excè s de lo n

de s gueur , renferm e détails agréables , comme le doux murmure de s violon s en m ouvement de v alse ou la large

’ ’ ’ ue l inv o c atio n l H ar mélodie du cor , qui n e st autre q à monie chan tée par Wolfram et ramenée ensui te sous les

e si tuations principales de ce peti t drame , d n t elle formera

. comme le nœud musical C e st une chose exquise ,

’ mu si ue ue d Hélè ne paroles et q , q la charmante romance ,

’ accompagnée d abord par les violons en sourdine , puis ’ par l harmonie ; mais lachanson de F rantz Maudi t

’ ’ ! d e n train soi t le ferrailleur a plus que d originali té . ’ t Les chœurs d hommes qui suiven t , rè s appréciés dans e ’ le temps p our leur franche galt , n on t pas perdu tout leur agrément ; le premier surtou t nous plaît encore par

’ l heureux contraste de s j o ye ux ap pels de s é tudiants avec

’ le s hrase s d H élè ne de \rVolfram e t p mélancoliques et ,

’ ’ si le duo d H élè ne et de F rantz renferme plus d un pas

i sage attrayant comme le gracieux solo de la jeune f lle ,

’ déj à entendu dans l ouverture , ou sa douce réponse à la ' 5 i E R N E S T R E Y E R

hrase I e lu de maî p passionnée de son cœur , la page tresse de c e tte peti te par ti tion dans sa forme première

’ ’ de W r étai t , à n en pas douter , l air entraînant olf am J ’ ai dit à toute la où se tradui t avec une

’ ’ singulière force d e xpansion la j oie de l amant qui se

figure être aimé . ‘ ’ de s Oui , ce ne sont la que promesses , c es t entendu ;

se o uv ra e s mai s déj à manifestent dans ce s g , très secon

de s m daires en somme , quali tés de nature telle ent vivace s

’ qu elles pourront se développe r par la sui te et atteindre

’ de n à leur maximum d inten sité , rayon ement , sans que

’ la personnali té de l auteur se laisse entamer le moins

n mu si ue du mo de . Et cela est si vrai ; cette q , par son t essence même e t par la façon dont elle est rai tée , accu sai t déj à une telle diff érence avec le s p ièces j ouées en

1 8 54 a t r M aitre IVo l ra m , av n ou ap ès / (elles é taien t

r signées de Pilati , Paul Henrion , P . Pascal , E . Gautie ,

’ ’

C la isso n . p , etc ) que l auteur , par la sui te , alors qu il sera d ans sa pleine maturité , pourra y aj outer deux mor ceaux tels que la célèbre invocation aux Larmes et le

' ’ ’ duo si touchant d H élè ne avec W olfram sans qu il se produise aucune dispâ ra te entre ces page s et le s préc é

de No n H alé v den tes , distantes plusieurs années . certes , y

’ ne se trompai t pas lors qu il écri vai t dès 1 8 54 à la Ga z ett e i l R . e music a le La p art de M . Ernest eyer est belle S

’ ’ l m le Dése rt Sé a n a pas fait oublier , il n en restera pas

’ moins comme une compositi on o ù l on tro u v e des idées t a riantes et fraîches , une ins rumentation riche de dét ils

’ M a itre Wo l ram piquants et i m prévus . Auj ourd hui , f E R N E S T R E Y E R 55

'

R . inau g ure heureusement la c arriè re tlw a trale de M . eyer

’ ’ J aime à pen ser qu il y a dans le jeun e auteur du Séla m

’ ’ et de M aître Wo lfram l avenir d un composi teur .

’ ’ L anc œ n T - i du a du T héâtre Lyr que boulev rd emple ,

M a it re Wo l ram celui o ù venai t de se j ouer f , celui don t

’ ’ on parle to uj ours quand on veu t dém ontrer l utilité d une

t mu si ue roisièm e scène consacrée à la q , représen ta

de 1 8 60 coup sur coup , autour , deux œuvre s qui tran c haient smguliè re me nt sur la masse grise e t terne des productions courantes et devaien t indiquer des ro u te s nouvelles à ceux q ui se traînaient machinalement dans

de musi u e F a ust 1 8 59 les chemins battus la q , en

la Sta t ue 1 8 6 1 . De a puis en ces deux ouvr ges , qui

’ v n a aient entre eux aucune parenté , mai s qui révélai en t une i ndividualité très di sti ncte chez chacun de s deux

fut n auteurs , le sort bie différent le second , qui rom p ai t encore plus q u e le premier avec le s formes généra

’ lemen t reçues e t d où tou te virtuosi té vocale étai t sév è

’ re sc rite e ut c harme rement p , d abord , grâce au des

’ de la a mélodies , couleur , et la force de l accen t drama

un de re rése n tique , succès plus marqué prè s soixan te p

t â c hiff re tions , ce qui étai t alors un considérable , e t ce

’ fut l au te ur lui - même qui dut en faire i nterrompre le

cours , tant elles étaient devenues médi ocres e t lâchées

’ ’

o u ne . o uvra e s us direction pleine d ineuri c L autre g , au

t de s l con raire , après commencements p us pénibles , avai t

’ n rencontré , pour le mainte ir sur l affiche et le défendre

u r t n a p è s du public , une cantatrice excep io nelle dont

’ ’ l amo dr- propre étai t en gagé dans l affaire e t qui employa 56 E R N E S T R E Y E R

de t fl tout son talen t virtuose , oute son in uence de femme du directeur à pousser cet opéra le plus loin possible

’ elle eut le bonheur d y réussir . M ai s supposon s un ins

me tant que ce fût M C arvalho qui eût chanté la Stat ue

’ ’ ’ e t qu elle eût fai t pour l Opéra de Reyer ce qu elle a fai t

de u e F aust pour celui Gounod , tandis q , au con traire ,

’ se s u aurai t é té abandonné à propres forces ; a j ourd hui ,

’ ce serai t la Sta tue qui brillerai t au répertoire de l Opéra

’ l O éra le s C omique ou de p , dont mélodies se chanteraient s se le s . dans tous les salons , j oueraien t sur tous piano Le public saurai t donc cet opéra par cœur e t ne dis tingue rait même plus les très rares passages qui peu vent dater , quelques allegros , par exemple , auxquels on

’ d émane r de peut reprocher trop directemen t Weber ,

’ ue tandis q , n ayant pas passé condamnation depuis m ne longte ps sur les banali tés e t les habiletés ; j e v oudrai s pas dire le s ficelles don t Gounod fai t lar

ne se t gement usage , ce m ême public contenterai t p eu

de rée nte ndant être pas sourire en , après quarante ans

de K le s de silence , la valse la ermesse e t vocali ses de ’ x S l ai r des Bij ou , et le chœur des oldats , san s p arler ’ d m d autres gen tillesses ej us e fa rines.

’ ’ Q uand de s gens qui s age no uillent devant F aust s of fusq ue nt de ce que la délicieuse romance de M argyane se e à la fontaine subdivise en s trophe s ou coupl ts , comme aussi le réci t qu ’elle fait par la sui te de sa visi te

’ au puits du désert et le s adieux qu elle adresse à Sélim

de é déli endormi , il convient leur demander , à ces jug s

i de s cats , si ce ne sont pas pare llement couplets que la E R N E S T R E Y E R 57

’ V ue Ro i de chanson du eau d or , q la com plain te du ’ Thu lé u e S fl i , q le peti t discours de iebel aux eurs qu l

de ue de M é histo hélè s vient cueillir , q la sérénade p p , ou

’ l hymne bachi que de F aus t dont on nous fai t grâc e

’ a u . ujourd hui , par bonhe r P our juger sainement une

’ œuvre comme la St a t ue e t Se rendre c o mpte de l audac e

’ ’ v de Dra qu il y a ai t à l écrire , il suffit la comparer aux

o ns de Villars g , qui peuven t comp ter parm i les meilleurs ’ — 1 8 56 Opéras comiques éclos vers ce tte époque , en ; qu on

c o ntre le fasse en conscience , sans parti pri s Maillart ,

R . sans idée préconçue en faveur de eyer , e t l on sera fixé

Mai s , san s m ême avoir recours à la moindre comparai

’ son , il paraît bien difficile qu un auditeur de bonne foi

’ dégagé de toute préoccu pation d école ou de rivali té

ne artistique , soi t pas sensible au charme poétique qui

’ dé a e de à de se g g cette œuvre , la grâce vaporeuse l i ns

’ piratio n mélodique ; qu il ne soi t pas frappé par la fine ss e

de s e et la légèreté scène s comiques , par la puissanc

’ d ac c e nt de s épi sodes dramatiques , par le vi f colori s

’ oriental de certai nes scènes q u on aurait tort de dédai

- u . g er Orientalisme de salon , ai j e lu quelque p art ; mai s

— cet orien tali sme là vaut bien , à coup sûr , celui de ’ B n les Ruines d Athènes de n eethoven da s , Weber da s

r n de D mi Obe o et Bizet dans ia leh .

M ille et une Nu its Cette histoire , empruntée aux e t dont Lesage et Do rne v al avaient déj à tiré une pièce

de F 1 7 2 0 ff pour le théâtre la oire en , dont Ho man fi t

’ - a de Nic o le ensuite un opéra com ique l intention , p our

’ l O éra- 1 802 a p C omique en , avai t été trè s gréablemen t 5 8 E R N E S T R E Y E R

a - a rrangée par M ichel Carré et J . B rbier en opéra féerie . Il

t t t a à musi ue t étai t e n ou cas rès f vorable la q , ce peti conte qui nous mo ntre le génie Amgiad arrachant a la paresse D f un jeune débauché de amas , en excitant sa soi des

’ ’ l a â t richesses par pp d une statue magnifique , contre laquelle il devra livrer au génie une charmante jeune

fille qu il va épouser a la Mecque , e t qui se trouve être , ’ l quand il la découvre , ce tte mêm e j eune fille qu i entrevi t un j our dans le désert e t don t il s ’ est ardem

u men t épri s , to j ours , bien entendu , par la volonté sou

v e raine Am iad. du bon g Ouvrez donc cette parti tion ,

’ vieille à peu près d u n demi — siècle et dites si le délicieux

’ c hœur de s F umeurs d 0 piu m r é uni s dans un café à

D rallie le s s re mier o ur amas , qui tous suffrage dès le p j ,

ue de de a perdu quoi q ce soi t son charme alangui , sa

’ le s d Am iad molle nonchalance , avec beaux réci ts g qui

’ le trave rsen t ; si le doux prélude d orchestre du deuxième

’ tableau et l e xq uise canti lène de M argyane a la fontaine

’ n ont pas toujours u- n rare accen t de mélancolie ; si la ' e n tré M ar ane Sélim première partie du duo gy e t , qui

hrase t de repose sur une p oute pleine tendresse , e t le

de la de chœur C aravane , coupé p ar la plainte anxieuse

M ar ane gy , ne son t pas encore bien gracieux , si enfin le

’ grand réci t de Sélim décrivant les merveilles qu il vient

’ de découvrir dans la cave rne n e st pas touj ours une de s

plus belles inspirations lyriques qui se puissent voir .

‘ ’ Quel heureux c o ntraste fo rme nt av e c cette pag e d une si lé è haute e nvolée les scène s si gaies , si comi ques , si g

’ remen t trai tées o ù le v ie ux K alo u m- Barouch c o nv ie ses

60 E R N E S T R E Y E R

’ l a ue de Opér de Re y er q se trom per avec B ize t e t Berlioz . E ntre deux parti tion s absolumen t contemporaines

’ ’ l une de la tat ue Erostra te ne e u l autre comm e S e t , il p

’ vai t guère y avoir de différence que celle résultan t d un livret plus ou moins heureux , servant plus ou moins ’ t ’ bien l inspirati on du musicie n e l avantage , à ce

t de la ta tue . point de vue , es t out du cô té S Avec ce mal

’ h r d É ro strate eu eux poème , ébauché par Méry , mais que

’ ’ S l e x Reyer , pour pouvoir s en ervir , avai t dû confier à

érie nc e de p dramatique Pacini , le musicien se trouvai t t en traîné à écrire deux actes forman t un vi olen contraste ,

’ 0 l mai s tr p uniformes chacun en son genre , au lieu qu i

’ n renco trât égalemen t répartie dans tou t l ouvrage , la ’ ’ varié té d ép isode s qui fai sai t l agrément de la Stat ue

Athénaïs La courtisane , dont la beauté e st célèbre dans

É hè Sé i milésie n Sc 0 as p , a serv de modèle au sculp teur p pour une statue de Vénus à laquelle tous le s Ephésie ns apporten t le tribut de leur admirati on elle es t aimée

’ s E ue du trè riche seigneur rostrate , mai s n ai me q le

d D l Sé S . Sur e e t a o u pauvre copas la prière iane , irritée j ’ de t voir ses autels délaissés au profi d une mortelle , la

l te bri én A h naïs ro nde éc a se V ùs M . t é foudre g , e t la de ilo

’ en tend se venger de la déesse et cherche qui l aide ra dans

u n son œuvre de destruction . 8 0 0 pas recule devan t

E de le s sacri lège , mais rostrate accepte braver dieux afin

’ ’ de gagner l amour de celle qu i l aime il me t le feu au D fl ’ temple de iane e t tandi s que tou t ambe et s écroule ,

’ Athénaïs se j ette au cou d Ero strate et le sui t dan s la

’ mort p our conquérir avec lui l i mmortali té . E R N E S T R E Y E R 61

Le premier acte , dans son ensemble , form e une i dylle

de s u exqui se . C hants prêtresses de Diane a xquels ré

’ ponden t lé S cantilènes plus suave s de s sui vantes d Athé

’ ïs de t - S na scènes endresse en tre celle ci e t copas , d où se détache la charmante invocati on du sculp teur à Vénu s l aM e et le dé icieux duettino Oui , nous iron s i tyl ne

’ d Athéna1 5 S adieux rêveurs a copas , sans oublier la

t E Athénaïs belle scène noc urne entre rostrate et , avec au loin le j oli chœur de s Oc éanide s protectri ces : autan t

’ t de de pages du our le plus gracieux , l inspiration la

u ne t plus pure , avec orches ration trè s p oéti que , et qu i

’ évoquen t merveil leusement le souvenir de l ancienne ’ ue e Grèce . Le second acte , au contraire , n est q violenc D ’E . t e et fureur ésespoir amoureux d rostra e , orgueilleus

’ ’ c o lè 1 e d Athénais lorsqu elle c hasse son amant sans c ou

’ ’ d Éro strate J o béis rage , intervention superbe , j e sui s

’ p rêt ! pacte d alliance entre le s deux cri minels q u e

S ne r r copas saurai t a racher au cou r oux du peuple , tout

u n est traité ici avec une force si ngulière , dans cres cendo vocal et instrumental qui suit et c o mmente à mer

’ ’ v e ille le s d a s ac c o rda tous progrè s du r me , mai s qu on i dans le temps à trouver e xc e ss f e t trop bruyant . Beau

dé t c o ntinue] coup brui t p our rien ; un rémolo , une agi ’ m tation stérile qui lai ssent l auditeur abasourdi , ai s non

convaincu disai t en 1 8 7 1 certain compositeur - criti que

qui devai t faire un bien autre tapage dans ses O péras . Ero strate étai t le premier ouvrage q ue Reyer se trouvât soumettre au jugemen t de se s confrères e n art

’ ou en c ritiq ue depuis qu il occupai t le rez— de - chaussée 62 E R N E S T R E Y E R

J o urnal des Déba ts de du , e t tou t sui te , i l put voir quelles belles inimi tiés il s e tait acquise s p ar ses juge ments enguirlandés et cepend an t si piquan ts ; tou t de f sui te , il put mesurer quelles pro ondes rancune s

’ av aient germé dans l espri t de ce rtains composi teurs

’ ’ dont les œuvres n avaient pas eu l he ur de lui plaire et qui le desserviren t de leur m ieux par la plum e e t par la

ue t t parole , afin de ruiner plus vi te un ouvrage q ou

’ contribuai t à perdre . Q ue l auteur retourne a u gen re

’ ’ d s ac c o mmo de t u tempéré , ont m ieux sa na ure ; q il re no nc e à chausser le cothurne de Gluck , légèrement

l u éculé par Berlioz , et dans eq el il n e saurait marcher

à son aise , écrivai t , pour conclure , celui qui se mon trai t alors le plus acharné c o ntre Reyer et qui su t faire

’ ensuite amende h onorable lo rsq u appro c ha pour lui

’ ’ de l Ins titut l heure se présenter à o ù , du res te , il ne

’ ’ M r d r r put jamai s en trer . ai s si l au teu É ost a t e avai t tout

’ de lieu dédaigner les quolibets répétés d un m usicien ,

’ ne oui , d un musicien de profession , qui maltrai tai t pas

l - là r moins Ber ioz en ce temp s , avec quelle émo tion econ

ne - il as o rtrait ue t de lai nai ssante du t p lire le p q traçai , tou

’ re o s d É rostra t e r j ours à p p , son ancien collabo ateur , son

T de re re ndre le ami , le grand héo qui venai t p harnais

” du c ritiq ue dans un j ourn al fondé ou plutô t ress usci té

’ A ! de t Th par rsène Houssaye Il a l inven ion , disai t éo

’ phile Gautier , de l originali té naturelle e t voulue , la

de é haine féroce du lieu com mun , la rengain , des

hrase s de s r thm p toutes faites , le sentimen t profond y e s exotiques et bizarres , une rare fraîcheur de m élodie , E R N E S T R E Y E R 6 3 un amour de so n art poussé j usqu a la passion e t au

e ntho u siasme n fanatisme , u n pour le beau que rie ne déc o urage et la résolution i mmuable de ne j amai s faire de concession au faux goût du public . En quelle anné e exactemen t Reyer commen ça - t— il a

’ ’ écrire la mu siq ue de Sig urd ? C est ce qu il serait bien

’ ’ de difficile dire , car contrairement à ce qu on croi t d ha ’ bitude a , à ce qu on peu t lire à peu près partout, il vai t t le travail facile , composai t rès vi te , dan s tout le feu de

’ l inS iratio n lui- ue p , e t j e tien s de m ême , p ar exemple , q ’ le s plus belles scènes du quatriè me acte n on t été écri te s

’ qu aprè s q ue la représentation de Sig urd à Bruxelles

’ fut été s chose déci dée . Qu il eût tenté depui s longtemp par un suj et q ue son ami lui avai t prop os é ap rès avoir lu la traduction de s Nibelung en par Lave

’ leye ; qu il ai t co mmencé à travailler sur le livret établi

de par Blau , e t surtout p ar du Locle en qualité p oète ,

’ l Annea u de ibe lun avant que le poème de N g , publié

’ 1 8 63 n e û t F n par Wagner en , péné tré en ra ce autre me nt q ue par une analyse sommaire et presqu e paro

’ ’ ’ dique , c est ce qui n est pas douteux puisqu il existe une correspondance e n tre du Locle et Reyer qui témo i gne de leurs communs efforts e t de s cri ses assez fré 1 8 66 quentes qui survenaient entre eux , puisque dès il é tait question de Sig urd pour succéder au Do n Carlo s

’ ’ de Verdi sur l affiche de l Opéra ; m ais il semble impo s ‘ de dire à o in il sible quel p t en étai t alors de son travail .

’ Sur c es deu x poi nts e ssenti e l s : date de l achè v e ment de Sig urd e t o ri ine du vre t r s e t dess n ar A fre d au Re er r tant g li p opo é i é p l Bl , y , épé 6 4 E R N E S T R E Y E R

’ Q ue l on consul te la curieuse correspondance q ue j e M M T de s viens de signaler e t dont . artial enco a donné

’ ’ rédi e l O éra fragmen ts dans les programmes qu il g pour p ,

’ ’ ’ e t l on verra que si Reyer avai t travaillé d abord d arrac he

de nt la 5 1 8 62 pied sur ce po è me , première trace remonte ,

’ ’ u 1 8 65 ce beau feu s étai t bien vi te attén é ; qu en , dans une

’ ’ le ttre d Italie a ux , o ù il dit avoir assisté fêtes en l honneur

D s alùé le b t lissait un de an te e t nouvel ab é Lisz , il g repro

’ c he assez doux à l adresse de son c o llabo rate ùr qui ne lui so uffi ait pl u s mo t de Sig urd Si vous ne me réveillez d ’ e te m s e fi nirai . pas temp s en p , j par m endormir Deux t années se passen encore et le composi teur , exaspéré par le s de - t promesses fallacieuses Perrin , en rendant peu t ê re

du aussi resp onsable Locle , neveu de Perri n , écri vai t de

t u nouvelles let re s q elque peu plus vi ves , o ù il disai t

’ ’ M a de d abord seule ambition , mon seul désir c e st term iner le plus tô t p ossible mapa rti tion et d attendre

’ r l occasion favo able , paisiblemen t assis sous ma ten te

de t i (un parasol japonais), o ù réelles sym pa h es e t des paroles encourageantes viennen t me trouver quelque

’ fois ; o ù il aj outai t u n peu plus tard Si j ai été

’ ’ plus affligé q u e surpri s d apprend re qu i l me fallai t

’ ’ à i urd à l O éra renoncer voir rep résen ter S g p , j e n e n ai

’ ‘ c e u m av a t t u urs dit a c nfi rm ar deu f s dans ses fe u q il i o j o , o é p x oi , il leto ns sur Sig urd (2 1 j u i n 1 88 5) e t Sala mmbo (2 9 mai q ue du ‘ Lo c l e av ai t é c rit le p oè me de Sig urd su r u n sc énario t rè s c o mple t d A1 fre d au e t de u s a a u t c e c On a b â t r s de c e t ra Bl , p i il j o é i i , à p opo opé , ’ u ne e nd d r ue e Ser t r s t m e me nt m n lé g e ap è s l aq ll il ai e é , c o plé t t er i é , ’ us de v n t ans dans mo n rtefeu e t and s u e éc riv is le dern er pl i g po ill , i q j i

ac te deu m s seu e ment avant la re r sentat n de ru e e s . V x oi l p é io B x ll oilà , ’ e ense un e int sur e ue n aura us eu de d sc uter. j p , p l q l il y pl li i

68 E R N E S T R E Y E R

’ r R allai t se heu ter à ichard W agner . Outre qu un pareil

été ï le i n sacrifice aurai t singulièrement héro que , musi c e

’ ’ ’ n a pas bc p mal jugé s il a pensé qu au - dessous de ce tte

’ n d u n n com posi tion colossale , émana t artiste dont ul pl ’ d que lui n avai t proclamé e t défendu le gran génie , il y avai t plac e p our une œuvre de di mensions beaucoup

m oindres , conçue dans un esprit , établie sur un plan

’ ’ tellement di fféren ts qu aucun parallèle sérieux n en po u

t r . t t se f e rmait vai ésulter En poursuivan son ravail , il

’ le s t d avance , il est vrai , héâtres des pavs allemands o ù

’ la Stat ue l avai t déj à fai t connaître ; mais qu y fai re ? A

’ u - la juger pour ce q elle es t par elle même , ce tte adap ta

du mv the d t tion française vieux scandi nave , éj à rè s

O ui dis tante des péras q avaient alors cours chez nous ,

E n était assez heureuse et prati quée avec i ntelligence .

’ ff dit e et , les auteurs , préoccupés , com me l a justemen t

M . r c o nsc r Hen i de C urzon , de faire une œuvre claire en vant a la fable sa couleur essen tiellemen t c he vale re sq ne

c ar r u n R ( un mé idional , latin tel que eyer devai t ê tre sédui t sur tout par le cô té en dehors e t brillant de ce héro s

’ u se r grand bataille r), sont bien gardés d y i ntrodui e l ’ élément myt hique e t fatal qui devai t dominer chez

W a n . u n se r g er En mot , ils sont inspi és beaucoup plus

’ ‘ de la légende pri mi ti ve de l E dda que du Nibelung e - N o t

’ sur lequel Wagner devai t s appuyer de préférence ; sauf

’ u t t ibelun e po r Hagen , qui es t sor i tou d une pièce du N g

’ ô t A , ils ont généralemen t gardé a leurs héros le carac

tè re ue rê te le o ri inal e q leur p mythe g , non sans quelqu s

re to uc he s ne qui sont nullemen t maladroi tes , comm e E R N E S T R E Y E R 69 celles qui con si stent à faire de la chasteté com plète e t

’ non plu s seulemen t de l i gnorance de la p o ur chez

S de igurd la condi tion sa victoire , ou a nous présenter une B rune hild s: moin déesse et plus fem me , moins

’ farouche et plus touchante q u e dans l E dda .

le s de s Au total , deux collaborateurs Reyer , fai an t

’ h n dé v e rsific a c acu leur travail , soi t d adap tation , soi t t o nt à ion , fourni leur ami u n poèm e q ui valai t infini

’ ment mieux que beaucoup d autres par la grandeur du

’ u d , e s s je t par la _ quali té vers e t aussi par l intérê t qui se dégage de cette fable hér0 1 q ue o ù les évé nemen ts

’ — il se précipitent sans j amai s laisser l action lan guir . Est nécessaire de rappeler à grands trai ts pour ceux qui pourraient encore le s ignorer le s principaux événemen ts de t ? se ce drame my hi que Au lever du rideau , tout pré

are a de G de s B ur o nde s p u bourg unther , roi g , p our le

’ f rê v e d e x lo its départ du che , un guerrier qui touj ours p nouveaux e t veut gagner les loin tains pays du Nord afi n de VValk rie B rune hild de délivrer la y , déchue sa divi ni té ,

ue h a ce q dit la légende , et qui doi t appartenir au éro s

“ ko bo lcls t qui la réveillera , en bravant elfes e t , en raver

’ lé S fl m san t . ammes au ilieu desquelles elle dor t d un S sommeil surnaturel . igurd , qui nourrit le même projet ,

d G n t ne u e vient éfier u ther , don la gloire laisse p as q

’ ’ de l inc o mmo der - - , mai s a pei ne a t il bu d un philtre

’ ’ u r u amoure x prépa é par la sorcière U ta , qu il n a pl s

’ ’

r. i d yeux que pour Hilda , sœur de Gunthe C es t a quo

- c ar l celle ci tendai t , e le avai t mis Uta , sa nourrice , dans la confidence de son penchant secre t ; ce q ui sim 7 0 E R N E S T R E Y E R

’ plifi é bien les choses et fai t que l accord es t vi te concl u e ntre le s — r S deux futurs beaux frè es igurd , qui rempli t

’ seul le s condi tions exigées pour ten ter l aven ture avec

B rune hild la succès , tirera de son som meil magi que e t

r ure G r liv era p à unther lequel , e n retour , lui donne a — f la m ain de sa sœu r Hilda . Sigurd délivre e fectivemen t B rune hild et Gunther tient également sa pro me sSe au

’ s ujet d H ilda ; les deux unions von t se célébrer e n

S - - la grand appareil , mai s à peine igurd a t il touché

’ main de B rune hild qu il se sen t violemmen t attiré vers

’ elle . Elle non plus ne saurai t résister à l élan qui la

’ ’ ’ o u sse d H ilda de p vers le héros , e t l époux et l épouse

’ ’ Gunther son t bien tô t unis l un à l autre par un mysté

’ rieux sen timen t d amour . Hilda le découvre ; par espri t

’ B rune hild ue S de vengeance , elle apprend à q c est igurd

’ ui livrée à G t q l a délivrée autrefoi s . puis un her . C ette rê vé

’ lation ne fai t q u ac c ro ître la passion de B rune hild qui

’ se t retourne vers celui qui , l ayan sauvée , es t son légitime époux de par la loi suprême des dieux ; mais G un ther veille , ayan t é té mis en défiance par le traître

e t laiSS é - Hagen , celui ci assassiner le héros vers qui cou

B hi Du mê m Valk rie rait rune ld. e c o up la V y es t frappée

de au cœur ; elle expire , e t Hilda , désespérée la mor t de S aide de igurd , appelle à son , afin détrôner Gunther ,

ue le farouche A ttila , roi des Huns , qui terminera ces q

’ relles de famille e t le s me ttra tous d accord en le s mas sacran t tous .

se A mesure que ce réci t déroule , exac temen t comme au lendemain de la première représentation de Sig urd E R N E S T R E Y E R 71

v à Bruxelles , mes souvenirs se ré eillent e t les impres sions que j e ressentis alors redeviennent au ssi nettes , aussi précises qu ’ elles le furen t durant cette soirée o ù se j ouai t une partie si importan te p our la mu siq ue fran

i . a se . ç Assurément , le premier acte avai t produi t b on effet sur un public b ien disp osé de tou te évidence e t tout prêt à fête r le compositeur français qui lui deman d t le s ai accueil ; certes strophes de la nourrice Uta , avec

te ndre la leur conclusion si , e t ballade chantée par Hagen ou la fière ap ostrophe de Sigurd à Gunther e t la noble réponse de ce dernier avaien t vivement frappé

’ ’ ’ l auditoire ; mai s c est seulemen t aprè s l inv o c atio n

’ de s prêtres d Odin et la préparation des guerriers aux

’ épreuves qu ils devront subir pour délivrer B rune hild

’ e se q u le succès dessina d une façon très nette . E t la no n représentation se poursui vi t ainsi , sans quelque s

‘ ’ fl à e t ottements , ç la , dans l attitude du public , selon ’ t qu il étai plus ou moins cap tivé , non sans quelques lon

’ ’ ue urs n g don t l auteur , assurémen t , avai t pas conscience e t ui q , cependant , faisaient un p eu traîner le spectacle xe mple le s scènes qui précédaien t e t suivaien t le

B rune hild de trms1 è me duo de e t Gunther , au acte ,

’ ’ avant q u on ne les eût sac rifiée s jusqu à ce que le succè s fut emp orté de haute l utte et tourn a au trio mphe

de F le aprè s le duo la ontaine , après cri de la Walkyri e supplian t son père de lui rendre son sommeil éternel e t mouran t du même coup qui vient de frapper Si gurd .

à c he v àlere s ne Ce poème , la fois féeri que e t q , o ù la passion la plus violente e t la tendresse la plus exquise E R N E S T R E Y E R

alternent avec les fêtes de c e s héros barbares e t le urs

’ d ardc ur u e élans guerrière , é tai t bien fai t po r perm e ttr a un com positeur du tempérament de Reyer de donne r toute sa me sure e t de rompre avec la fo rme de ’ ’ ’ l O péra q u e l on peut appeler l opéra a com partiments

r d t pour le remplace par le rame lyrique , en faisan agir de s personnages e t non plus seulement chanter des

’ ’ r vi tuoses . Certe s , ce n étai t pas la première foi s que l on

c e s brisai t la coupe obligée en airs , duos ou trios ; que

’ dénomi nations disparaissaien t d une parti tion , mai s

’ ’ j usqu alors c e s divisions n avaien t été suppri mées que

’ ’ ’ pour l œil l oreille le s percevai t encore e t l espri t en

. D i urd Sen souffrai t touj ours an s S g , il y a progrès très

de sible excep tion fai te quelques m orceaux en couplets ,

dans le ac te e t qui se trouven t surtout au début , premier .

à da te doiven t re monter une éloignée , abstraction fai te de quelques repri ses in tem pesti ves o u répétitions de

’ ’ vers d au tan t plus regre ttables qu elles font longueur ,

’ il semble b ien q ue l auteur ai t tendu a faire de chaque

u n m de acte tout plus ho ogène , évoluant avec plus

’ liberté que n en comp ortaien t le s coupes ou règles du

é r ue le s grand op ra f ançai s tel q tous composi teurs , sans G ’ à M oublier ounod , l avaien t trai té la sui te de eyerbeer

’ d H al év . e t y Reyer , j e le sai s , avec une modestie sans doute exagérée , a attribué à du Locle to ù t le mérite de

’ e - - c tte transformati on ce n es t pas lui même , di t il , mai s so n collaborateur qui a pro sc rit du poème le s cavatines e t

’ ’ — de les strettes à l i talienne ; c es t celui ci qui , au lieu le

de m d de s r composer orceaux étachés , que réci ts elie

7 6 E RN E ST R E Y E R

’ processi ons des druidesses , l en trée impétueuse des trois guerriers e t le doux souven ir donné par Sigurd a H ilda

r a avan t de cou ir au comb at , ins i que le réveil de la \Valkyrie pri sonnière et son cri de reconnaissance envers

’ son libérate ur enchan ten t les audi teurs comme a l ori gine . E t de meme , en sui te . le grand duo en tre Brune h t e ild e t Gun her , le cortèg triom phal des n oces de G t ’ S un her , in terrompu par l arrivée de igurd e t que tra verse le cri de terreur de B ru ne hild lorsque la na tu re , ’ entière protes te contre l union p roj e tée de Sigurd avec

r fi Hilda ; au de nier acte en n , le j oli chœur des femmes a

d B rune hild la fontaine , les ouloureuses angoi sses de ,

’ son duo enchan teur avec Sigurd p récédé de l ado rable phrase : Des présents de Gunther j e ne suis plus

’ parée e t son i nvocation suprême à la clémence ( l Odin voilà pour les passages qui fu ren t le plus applaudis dè s

’ ’ r s c c è s l o igine e t n ont pas vu di minuer leur u . M ’ d’ m ai s d autres fragments , tou t abord oi ns pri sés ,

’ son t a leu r tou r sortis de l ombre e t se son t imp osés au x

. e xe m suffrages des connaisseurs Au prem ier ac te , par

m a t r à la ple , le court ense ble , s uvage e t er ifian t fois ,

’ qui sui t le salut de Sigurd arriva nt chez Gunther n est pas m oins apprécié mai ntenant que le j oli quatuor des

’ envoyés d Attila quand on arri ve a le chanter j us te ; S G t au second , la scène o ù igurd , Hagen e t un her

’ décide n t lequel d entre eux tentera la conquête de la

’ \Valkyrie est écoutée ave c au ta nt d in térêt que les incanta tions des druidesses ou les belles mélop ées du

” ’ r r à g and prêtre . Au quat ième enfin , l attention se fixe E R N E S T R E Y E R " 7

’ — c c présen t sur des parties d ab ord peu goûtées , ne fût que le s malfaisan ts di scours par lesquels Hagen excite G t la j alousie de un her , ou m ême entièremen t sacrifiées

’ mme le c o duo des deux ri vales , une des pages les plus ’ t émouvan tes de tout l ouvrage , an t ce dialogue de haine ’ ’ r e t de défi est d une force e t d une gradation supe be , avec ce tte instrumenta ti on si riche et ces rappels de phrases ’ ff c . réta aractéri sti ques , de l e e t le plus pathétique Ainsi

’ ’ i o u r bli dans sa form e prem ère peu s en fau t , car l ai de B runehild reste enco re presque en entier sur le car

r n eau , tou t ce der ier acte est une longue successi on

’ de m orceaux de prem ie r ordre o n n en trouve pas t autant , bien souvent , au cours de ou t un opéra . J ’ avai s dû subir des c oupures quand on a donné

’ ” i urd à l O éra R r S ala mmbô S g p , a écri t eyer ; pou , ç a été ’ le contraire . Oui , mais avant d avoir à allonger ” Sa lanmz bo en écri van t les di verti ssements du tableau du

’ ’ été la camp , qui n on t pas , comme on l a di t , tirés de

t at ue r du S , e t en développan t la marche t i omphale der

u nier acte , il avai t fall mettre sur pied ce nouvel opéra

’ e t ce n avai t p as été une peti te affaire ; il avai t fallu aussi que Reyer se défendît énergi que men t contre ceux qui auraient voul u le supplan ter dans le droi t exclusi f que F laubert lui avai t attribué de me ttre Salammôô e n

’ du é é musique . Il n avai t reste t choi si que de seconde

’ ’ il - V main , comme l a raconté lui même , et c es t a erdi

’ ’ F a que laubert avai t pensé tou t d b ord , après qu on lui

’ ’ e ut dit ou q u il eut pensé qu il y avai t un trè s beau

’ ’ u d 0 éra à d e n s j e t p tirer de son roman , sous condi tion 78 E R N E S T R E Y E R

élaguer de nombreux épisodes . Le romancier avai t

u n m ême é tabli une ébauche de scénario , comme

’ e mbryon de livre t d op el‘ a tout a fait étrange et qui montre a quel point ce colosse , qui gueulai t si fort con tre la bê ti se du public e t les conventions qui lui

c hè re s - sont , partageait lui même ces i dées e t retombai t

’ dans ces conventi ons des qu il entreprenai t une besogne

’ qui ne lui é tai t pas familière et s éc artait de la forme

’ N av ait- il du . roman pur p as i maginé , dans le scénario q u ’ il es quissa e t que Théophile Gau tier devai t déve

u T e n lopper et versifier , de raj e nir aanach , de la poser

’ Salammbô M athô rivale de qui , elle , n aurai t pas aimé T ' de faire de cette aanach , ainsi transformée , une sorte de traît resse de mélodrame poignardan t a la fi n celui

’ e t de re sse rvirainsiau qu elle adore , public cette éternelle h ’ e istoire du héro s d op ra , du ténor pri s entre deux m fe mes , le soprano et le contral to , aimant j ustement

’ ’ ’ e n aimant u i c lle qui ne l aime pas , pas celle q l aime e t ne sortant de cette situation embarrassan te que par un trépas tou t a fai t opportun ?

Thé0 hile G p autier , cela va sans dire , disparut avan t

’ d avoir écrit une se ulé ligne du livre t de S a lammbô que F laubert le pressai t cependan t de mettre sur pied des ’ 1 864 ’ le moi s d avril , et c es t au gendre du poè te , à

atulle M e ndè s trè s de C , que le romancier , pressé voir

’ fi n s adre ssa liv re t de u is naître en cet opéra , p our bâtir le p

’ ’ ’

t . M M e ndè s long emps attendu ai s , s il s en occupa , ne s en

uè re F occupa g ; alors laubert, exaspéré , se fâcha tout

’ rouge e t pria le compositeur sur lequel son choix s était E R N E S T R E Y E R 79

fixé en second lieu , de décou vrir quelqu un qui pû t

de . R enfi n venir à b out ce malheureux poème eyer , sans hési ter , prononça le nom de du Locle , avec qu i ses dissen timents au suj et de Sig urd avaien t pri s fi n ’ ’ ce devai t être aux environs de 1 87 8 e t l un e t l autre attendaien t touj ours la représentation de leur premier F opéra ; laubert approuva le choix fai t par Reyer , indiqua à du Locle une sorte de canevas des scènes à

’ faire ; celui — ci se mi t à l œuvre e t peu de temp s aprè s ’ le comp osi teur recevai t de C apri , o ù du Locle s é tai t

’ retiré depuis sa déconfi ture comme directeur de l Opéra ' t Comique , deux fragments déj à presque erminés le

F estin des Mercenaires et la scène des C olombes . Cela

’ mit Reyer en goût , d autant m ieux que le poème entier

étai t bientô t achevé , et le s premiers morceaux de la par tition ne furen t pas longs à prendre forme sur le papier .

F déc o u Cependant laubert vint à m ourir ; dès lors , le ’ rage ment s em para du musicien qui cessa brusquemen t tout travail et j ura de ne se remettre à Sa lammlfô

’ r fi t— il qu après avoir vu j ouer Sigu d . Ainsi m ai s ’ - en tre temp s des appéti ts s étai en t éveillés , des ambitions

’ ’ s étaient fai t jour . En voyan t q u il parai ssai t avoir

’ à Sa lammbô i renoncé , d autres music ens avaien t pensé

’ ’ l la qu i s pourraien t s emparer de cette riche proie , e t

F ui nièce et héri tière de laubert , q avai t hâte , com me f R r le dit très inemen t eyer , de voir popularise Sala mmbô p ar le théâtre aurai t vi te accep té des p ro

positions qui pouvaien t être avan tageuses , si Reyer ,

’ n éût t le s averti de ce qui se préparai t , produi t à emp s 8 0 E R N E S T R E Y E R i papiers authen tique s q u é tablissaien t son droi t formel ,

’ n e ût t e exclusif, et fait avorter ce s beaux proj e s le livr t

’ ’ d opéra et le scénari o de balle t q u o n avai t fabriqués très

’ vi te à l in ten tion de Gevaert e t de Léo Delibes restèren t donc sans emploi .

’ t e C es ainsi que Rey r , après avoir dû travailler p our c Sa lammbô ette avec deux des ami s de sa jeunesse , comme les n oms réuni s de Gustave F laube rte t de Théo ' phile Gau tier auraie nt bie n fai t sur une affiche a côté du sien ! se trouva avoir perdu l ’ un e t l ’ au tre durant

’ ’ ’ a d car s e n cette attente d une tren t ine années , il ne écoula guère moi ns depui s le j our o ù F laube rt e t lui

’ scellèrent leur pacte de collabora tion jusqu à celui où cet ’

f ut t opéra , qui si long à venir au m onde , paru sur la

M à . u r e u scène de la onnaie , Bruxelles He eus ment , po r

’ lui q ue le libre ttiste qu il avai t proposé et f ai t ag réer à

F a t l ubert avai su dégager du roman , en sui van t parfois

- les i ndications de F laubert lui - même e t plus souven t e ncore en les négligeant , un dram e lyri qu e tout a fai t

’ propre à servir l imagination du compositeur et a pro

’ e r e v o q u l intérêt du spectat ur . Il y e st parvenu jus te men t e n rédui san t presque a rien les innombr ables tableaux de bataille ou de discussi ons poli ti ques qui tien t nen t une place énorme dans le livre , en découpan l e é délicatemen t , p our les re ier ntre eux , certains pi sodes q u i comp ten t à peine quelques pages dan s lé roman et

’ u i n q , présentés de la sorte , forme t un livret d opera

’ t b à a tr rès accepta le , en tout cas très supérieur tant d u es

’ ui c — d œ uv re e q ont été tirés de hefs littéraires . Révolt

St E R N E S T R E Y E R

’ ne l ign e riez ce rtainemen t pas) sur lesq u els du Locle a

t R f r bâ i son p oeme e t eyer édi i é sa pa ti tion .

’ ui a t t d Sa lammbô la C e q fr ppe avan ou t ans , c est c ouleu r religieuse don t le s princi paux épi sodes sont

’ ’ comme imprégnés ; c est l atmœ phè re en quelque so rte

’ lunai re o ù tou t le drame se déroule e t que l au teu r a si

’ bien su évoquer par deux mo tifs d un colo ri s trè s ac c e n

: u m T e rso nnifi c a tué cel i qui sy bolise la déesse ani t , p t r r e artha i ion de la Lune , p otectrice de la épublique g

Z aïm h m s té noi se , et celui qui caractéri se le p , le voile y r t ieux tou t constellé de blanches étoiles , dont la s atue

aux o urs de la déesse est revêtue et que le grand prê tre , j

de t . fête , présen e aux regards de la foule extasiée Au

t he ure use me n t ima inés e t do nt moyen de ces deux hèmes , g

’ si ni l auteur a su faire un emploi très j udicieux , très g

’ fic atif r , sans en abuse , l œuvre entière acquiert une

t t . u couleur , une uni é frappan es Et ce qui prouve a ssi n t dû combie le composi teur avai , sans en rien mani l n fester , réf échir sur les condi ti o s mêmes de son art

’ sur les progrès qui avaient pu se produire dans l ins tru

’ t Salammbô mentation moderne , c est que la p ar i tion de , ’ b vue d ensem le , est , je ne dirai pas plus puissante ni

i u rd . plus colorée que celle de S g , mai s de teintes plus

r n u d r va iées , de nua ces pl s élicates , de sono ités plus

- moelleuses . C e qui le démon tre enfin par de ssu s t o u t ’ R t c est que eyer a défini ivement rompu , dans cet

r t déter ouv age , avec les morceaux de forme ne temen t minée comm e il en avai t laissé plusieurs dans son pré

’ c éde nt o péra : nous di rai t- il encore cette fois - ci que E R N E S T R E Y E R 8 5

’ ’ r c est au p oè te , son collabo ateur , qu il est redevable de tt m t ce e transfor a ion plus complè te e t que , sans du Locle la concep tion de Sa lammbô serai t demeurée absolumen t pa reille a celle de Sig urd ?

’ Sa lammbô r t o , lo squ elle paru , ne p rov qua pas moins

’ d t i urd La de surprise ni admira i on que S g . surpri se e t

’ ’ l admirati on p rovinren t j u stement de ce que l auteur u ni quement préoccupé de la véri té scénique et se surveil

t r rè s * av ait re sc rit lan de t ès p , i ci co mplètem ent p les

c ha ué e rso nna e c t repri ses , les duos e t trios , q p g hantan exac tement com me il convient p our exp ri mer les sen ti

’ ments qui l anime nt ; de c e - que j usque dans la grande

Salammbô re c o n uie rt le scène de la ten te , o ù q voile sacré

T t M a thô mu de ani t et se laisse aller en re les bras de , le

’ sic ie n avai t si bien entrecoupé de cri s de guerre et d ap pels belli queux les religieuses extases de la jeune fille s les élan s passionnés du chef révolté , que nombre de gen , ’ é tonnés de ne pas trouver la le v rai duo qu ils atten

i nt s da e depui s le lever du rideau , se récrièrent en di an t

t tr que . cet te scène écourtée aurai dû avoir une bien au e ’ l impor tance . Elle es t déj à cependant d assez be les

’ ’ r n dimensions et d une force d exp essi on si gulière ,

’ ’ r i t t l enco e qu elle p ara sse c ourte , j us emen parce qu e le

’ marche touj ours e t ne s arrête j amai s pour perme ttre aux chanteurs de marie r le u rs voix dan s quelque suave

' m M athô - to mber de andante , pas mê e lorsque laisse ses

’ ’ lèvres —cet te adorable phrase d am our que d au tre s com l po site urs auraient ramenée à deux voix en a couron

’ ’ ’ ’ nant d u n bea u point d orgue au lieu d un g rand du o 8 0 E R N E S T R E Y E R

’ t là d amour , c e ait une véritable scène de drame en

’ ’ u m sique , e t c est ce dont le public parut d abord tout interloqué . R ’ été eyer a eu l audace , et il en a récom pensé , de ne ’ i ’ pas aborder de b iais le suj et qu il alla t trai ter , de s atta a quer hardi men t la figure principale du roman , en

n déc o ratif ]e rej eta t de parti pris le cô té puremen t , bric

’ ’ à - brac musical , si l on peu t dire , avec lequel d au tres n que lui auraien t cherché à nous donner le cha ge . En f ’ agissant ainsi , ils auraien t sacri ié le principal a l acees

’ so ire été , sûrs qu ils auraient de gagner les suffrages d ’ un public touj ours facile à séduire par de piquantes

’ ’ r combinaisons d o chestre ; lui , tout au contraire , s est souvenu du mo t de F laub ert reconnai ssant trop tard que le p iédestal étai t trop grand pour la s tatue et qu ’ il aurai t fallu cent page s de plus relati ves à Salammbô

’ r seulemen t D accord avec du Locle , il a considé é sur

’ tout le personnage de Salammbô et s y e s t direc temen t

’ attaqué ; dans l impossibili té où ils étaien t de transp orter à la scène et de traduire en musi que les prodigieuses et splendides descriptions de F laubert les deux au teurs ont tiré de préférence du roman les scenes où Salammbô

’ ’ figure et l on t ainsi reportée au premi er plan : n était- c c p as là ce que F laubert regrettai t de n ’ avoir pas

Salammbô Le passage le plus hardi de , celui où la ’ richesse et la chaleur de l inSpiration le di sputen t à la

e st …… do nc nouveau té de la form e , bien positi vemen t ce T duo de la ente , avec ces cri s de fureur e t ces élans de passi on , ces extases mysti que s et ces pâmoi sons amou E R N E S T R E Y E R 87

’ reu ses . Mais c est égalemen t un tableau superb e et digne de G luck , avec une orchestration au trem en t colorée et vi bran te , que la scène du C onseil des Anciens , o ù Hamil car se révolte à l ’ idée q ue sa fille ai t pu donner son cœur à un mercenaire , où il flagelle de sanglants repro ches les chefs avili s de C ar thage et leur im pose les plus

’ douloureux sacrifices avan t d acce pter le commandement

’ suprême . C est une création de maître que ce tableau du M h ’ temple de oloc , quoi qu en aient pu penser certaines gens qui auraient voulu appare mment qu ’ il n ’ y eût

’ q u e xaltatio n religieuse e t passi on amoureuse dan s ce tte fi trans guratio n musicale du rom an de F laubert . Pareilles

’ s a li u ent- ob servations ne pp q elles pas au premier acte , qui , avec sa bruyante orgie des mercenaires et leur

’ Gisc o n e révolte en face de , forme un tableau d une grand

’ puissance , o ù se trouven t d autres beautés que le chan t T ’ des prêtresses de ani t et la , superbe phrase d entrée de

‘ ’ Salammbô unanime m nf eä rééiée s , e pp dès l origi ne ; et le

” e ntr ° S e ndiu s M athô exe m dialogue précipité e p et , p ar ’ - il ple , n est pas aussi remarquable par la vi gueur des répli ques chantées que p ar la rudess e et la véri té des accompagnemen ts d ’orches tre ?

Sa lammbô i urd P our comme p our S g , ce furent ces

sur o rtè diverses pages si hardies e t si neuves , quo i p ren t tout d ’ abord les restri ction s de la cri tique et qu ’ on

’ aurai t vol on tiers raccourcies par ( I i ntelligentes cou

’ p ures s il avait pu ê tre question de couper quelqu e h chose avec un omme comme Reyer , dans une œuvre l mmbô M Sa a . telle que ai s , dès le premier j our , le 88 E R N E S T R E Y E R

t le r t public , tou public , les igno an s comme les connais

r fut scu s , les blasés com me les raffinés , enchanté par ce merveilleux deuxième acte o ù se déroulent les c éré

’ T r m onies nocturnes en l honneur de ani t , où la vie ge c Shahabarim e arthaginoi se vient confier à se s angoiss s ,

’ ses aspira tio ns vers la divi ni té qui l o bsè de e t se se n t tout en fiévrée en face du me rcenaire qui lui apparaît

c u n t de T . om me dieu , drap é dans le man eau ani t Cet

’ ’ acte , d une p oési e si grandiose e t tellemen t achevé d un bou t a l ’ autre est e t restera pour la généralité des audi

’ la l O éra teurs page maîtresse de p , ainsi que la scène

t rr de la e asse , habilemen t présentée par du Locle , o ù

Salammbô , fai sant le sacrifice de sa vie p our recon

‘ ’ r Z aim h r quéri le p , regarde avec mélancolie s enfui vers les rives siciliennes les blancs oiseaux qu ’ elle ne verra

. tt pas revenir Ce e rêveri e , ce soup ir , cette p hrase des

lo m mo t t C o bes , en un est une rouvaille adorable et qui r r t emue tous les coeu s ; mai s la fi n même de ce te scène ,

’ Salammbô r t T t o ù s incline avec eff oi devan anit , devan

’ la lune dont l appari tion dans le ci el e st saluée au loi n

’ ’ r d éc latante s f t- par des c i s de j oie e t fan ares , n es elle pas au moin s égale et ne couro nne — t- elle p as à souhai t t ? out ce tableau , délicieusement p oéti que e t charmeur

’ t u L au eur , du reste , avai t le sens inné de ces concl

' a r briè v e té e t sions si fr ppantes dans leu , au dernier a t r t e r c e , par exemple , ap ès cet e grande marche où R ye , t qui ne savait pas écrire , au dire de cer ains savants , combiné trois thèmes essentiels sans trop de mal a

’ r du S o d esse ; au momen t sacrifice , a l i nstant o ù alammb DEC O DE SIG E LAC AC T E 1 1 3 ° A A R U R D (L ) . , T BL E U

DÉ C O DE S ALAM M BÔ AS S AC 4 ° A LE A R (L A T ERR E), T E T B U

’ ’ D a rès le s a u rv l a p m q e tte s c o nse ée s à Opér .

93 E RN E S T R E Y E R

Pa ris au o urrie r ( le Paris Re vue ra m—a ise à la , C , a la f ,

’ — o r i Re vue e t Ga z e tt e m usic a le . N est c ê pas au C u r e r de

Pa ris r u Tannhæ user \Vie sbade n , ap ès avoir en tend à ,

’ 1 8 5 7 t tr s u r c e t en , qu il publiai un article è s élogieux

’ ra e t r t T ouv g , en même emp s qu il fou nissai a héophile

’ ’ G e r t — auti , j e tien s le fai de lui même quoiqu il s en

i t r défend t en public , les élémen s de celui que le g and

’ t - c ê à la Gaz et t e du o rd p oè te devai écrire , e t n e st pas N

’ qu il avai t donné des comptes rendus t rès favorables des conce rts que Richard Wagne r étai t venu diriger dans la salle des Italiens pour se faire connaître à Pari s ?

Sur t le chap itre de Wagner , Reyer , sans ê re aucune ment w agnérien de parti pri s et sans qu ’ on puisse

’ ’ t ne ' trouver race d imitati on dans sa musi que , s est jamais démen ti ce serait exagérer de dire qu ’ il fut

Tristan e t Ise ùlt jamais pleinement conquis par , quoi

’ ’ qu il n e û t Cer tainement pas répété par la sui te la plai

’ ’ s ante rie t r d qu il s é tai pe mise , aprè s avoir enten u le duo t simplemen j oué au piano par Lassen , quand il lui rendi t vi site a Wei mar ; mais il fut un des champi ons les plus déterminés de la représentation de Lo lz eng rin en F rance e t batailla tan t e t plus en toutes ci rcon s tances

’ — pou r que le chef d œ uvre pût se j ouer a Pari s . Lors

’ qu il entendi t pou r la premiè re foi s les M a îtres Ghan

’ t eu rs t t t e n , a Londres , lui qui n é ai j amais re ourné

r J o urna l pays allemands depuis la gue re , il envoya au des Déba ts une co rrespondance qui témoigne de sa sur prise e t de son émerveillemen t ; il me semble enc ore

’ ’ l entendre après qu il e ut assis té avec moi à la repré E R N E S T R E Y E R 93

u ie ried à sc tati on de S gf , Bruxelles , exprimer la pro

’ d t t tel fon e admira ion que lui causai un ouvrage , e t l on

n o n a se ns le s a souven t cité , sans en ex gérer le , lignes

’ finales de l articl e où il saluai t la lVa lkyrie tri e m

’ i d e t phan e en isant qu il n e lui restai t plus , a lui à

’ ’ u à x beaucoup d au tres , q jeter un regard douloureu à ’ à sur le passé , saluer l avenir e t tomber avec

’ grâce A uj ourd hui que Siegfried e t le Crépusc ule des Dieux m t , qui se blaien devoir provoquer la com pa

i urd raison la plus redoutable pour S g , se sont j oués a

’ Pari s , on peut voir qu il aurai t eu bien tort de se sui

— c e cider , fût avec grâce il y a heureusement place a B n hild notre Opéra pour deux Siegfried e t deux ru e .

Du 0 ù ' il j our se sen ti t sur un terrain solide , aux

Débats R éc ri , eyer pu t donner toute sa mesure comme

e t i - il vai n comme roniste . Avec quel plai sir ne fai sait

’ pas justice de tant de pauvretés musicales qui s étaL è ’ laient libremen t sur les sc ne s d o ù il étai t exclu , avec

’ quelle j oie ne cre v ait— il pas d un trai t acéré tous c e s

! c e s ballon s en baudruche Mais ces spirituelles saillies , ironies déguisées , ces ré ticences subi tes , ces compli

’ ’ men ts pi res que des critiques s i ls é taient d u n homme

’ ’ d esprit , n étaien t j amai s d un m échan t homme , et

‘ - là ceux même dont il se raillait le plus agréablement ,

de nt pour la grande j oie la galerie , ou n e sen taie pas ou faisaien t semblant de ne p as sentir le trai t q ui t m n les vi sai , pour ne pas a user dava tage les rieurs

t c ha Avec quel en housiasme , en revanche , avec quelle ’ f f t leur , s il ne pouvai t af irmer e t dé endre ses prê é 94 E RN E S T R E Y E R

- - renees par ses œuvres e t sur la scène , ne les a t il pas proclamées e t soutenues dan s le journal ? Ici m ê me a araît dans se ule me nt la pp tou t son lustre , non solidi té de convi ctions , mais aussi la hau teur de caractère e t la géné ro s ité R de cœur de eyer , car , p as un moment , malgré les ’i déceptions qu l put éprouver , m algré les déboires qui

’ ’ auraie n t u c he z lui d ai re ur ilne p laisser tant g , cessa d em u à ployer sa pl me défendre , à sou tenir , à p ousser en avant des composi teurs plu s j e une s que lui e t qui pouvaient lu i ’ barrer la route à le ur to ur; j amais il n hésita sans être trop payé de reconnai ssance — à se créer de futurs rivaux pour épargner a ceux qu ’ i l voyai t attendre et languir la

’ douleur d a ttendre et de languir aussi longtemps qu ’ il le

- S — Saë ns M as faisait lui même . Les Lalo , les aint , les G senet , les uiraud , les Godard , les C habrier e t bien

’ d autres encore lui duren t en ce temp s — là les e nc o ura

’ ge me nts les plus fl atte urs et l aide la plus co nstante ; avec quelle satisfacti on des plus sincères ce maître rail

’ leur ne salua - t— il p as en particulier l appari tion de

’ M arie — M a deleine du Ro i de Lah0 re l Arlésienne g et , de

’ armen amauna Ro i d Ys et de C , de N e t du

’ ’ ’ C est qu en réalité cet homme , qu on représentai t

défen e t qui se laissai t volon tiers représenter , pour se dre contre les indi screts , comme un bourru et un sau

’ vage , était foncièrement bon et d un dévouement absolu , non pas seulement p our ses ami s personnels , qui le chérissaient profondémen t, mai s aussi pour ceux de ses confrères qui lui paraissaient faire une besogne

’ - c e utile e t viser , n e fût qu un moment , au mêm e but E R N E S T R E Y E R 9 3

’ ’ ’ ’

s e ffo r ait . que lui , à l idéal si élevé qu il ç d attei ndre Il est vrai que la plupart de ceux - ci avaient pour réc o n fo rtant viatique ce prix de Rome ou cet enseignemen t ’ t offi ciel qui , s il ne donne ni le génie , n i même le alent , peut y suppléer parfoi s , par les camaraderies et les

’ ’ relations qu il a fai t naître , et que Reyer n avai t j amai s

’ rien eu de p areil . Il n importe , et tous les jeunes

’ - là - à — compositeurs de ce temps , c est dire ceux qui

i n â e attenda e t encore leur tour , quel que fût leur g , le saluaient si bien com me leur chef de file et leur défe n

’ ’ ur 4 8 76 è e se qu en , lorsqu il se présenta p our la troisi m

’ à l Institut e fois , ceux q ui auraien t pu prétendre au mêm honneur , car ils furen t nommés p eu après , se retirèren t

’ - mêmë respectueusement devant lui , comm e lui l avai t

F . de fai t devan t élicien Davi d Instinctivement , l auteur

’ M arie - M agdeleine et celui du Delag e sentiren t qu ils

’ devaient laisser la rou te libre au seul d entre eux tou s

’ n e û t o a qui jamai s fait de c ncessi on à rien ni personne ,

’ et cette double retraite , d ailleurs prudente , allait donner

’ t u à une significa i on p artic lière l élection de Reyer .

De S quelles habiletés de langage , de quelles piri tuelle s b o u tades n e dut - il pas user p our présenter à ses lecteurs des Opini ons aussi sub versives que celles qui tendaien t a faire apprécier de nouveaux composi teu rs ! méconnus , à faire admirer de vieux maîtres oubliés M ais son admi ration , parfois éclatai t avec une force o ù

ne é personne pouvai t se m prendre , et inspirait alors

’ au c ri tique des apostrophes semblables à celle q u il

’ lançai t dès le début de ses So uvenirs d Allemag ne 96 E R N E S T R E Y E R

‘ O r pieux thuriférai res des gloires du passé , oublie ez

t ro rnanti vous donc touj ours que les n ova eurs , que le s q ues de la veille de v iennen t les classiques du lendemain ?

Du de t W - o n vi vant Bee hoven e t de eber , ne leur opposait

’ M u pas ozart et Haydn , com me vous opp osez a j ourd hui V V e ber?… a Wagner e t a B erlioz, B eethoven et Les classiques ! les classi ques ! dites — vous ; tenons - nous — c n

! M W r r aux classiques ais agne et Be lioz , dans quelques

’ a t nnées d ici , seron des classi ques

’ C es So uv en irs d Allemag ne ont été publiés par Rever au M o nit e ur u nive rse l à la fi n de 1 8 64 son voyage

i 1 8 63 e n ava t eu lieu en e t , dè s les premieres pages ,

’ ’ discerne aisément combien l e 5 prit de l éc ri vain est à encore frappé de s coups qu i venaient , deux ans de F distance , de rabaisser la rance musicale le désastre

’ Ta nn/cæ user à l O éra 1 8 6 1 Tro e ns de p , en , et la chute des y

— 1 a rtha e T 8 63 . C g au héâtre Lyri que , en Les nom s de Wagner e t de B erlioz revi ennen t à chaque instant sous sa plume e t lui arrachent de généreuses protestation s contre l ’ humi liation que des spectateurs i ntolérants

’ d infli e r à venaient g a ces musiciens , les plus grands

sûr coup de leur époque , et que la p ostéri té ne devai t

’ lo rifi e r — i pas être longue a g . Il est des chutes , di t l. qui fon t plus pour la renom mée d ’un compositeur et qui prouven t plus en faveur de son talen t et de so n

. M génie que tels grands succès i nconte stés Aussi . Ri

’ - chard Wagner est il auj ourd hui , a Paris surtout , dou

o ur le s du blement célèbre p uns , il a la no toriété talent ;

n l . p our les autres , il a la notoriété du sca da e Reyer

1 00 E R N E S T RE Y E R

n ? ar M i ente due La musique écri te p . B zet pour

’ ' r l Arle sien ne — u le d ame de , comprend vingt q atre mor T ’ t ceaux . ous n on t pas la même i mp or ance , mais tous

’ son t trai tés avec un soi n extrême , e t c est un vrai régal

’ i fi n pour un mus cien d en tendre ces nes harmo ies , ces

’ ph rase s au contour élégant e t ces j olis dé tails d or

’ ' l Arle sie nne Allez entendre , j eunes musiciens qui ne donnez m ême que des espérances à vos pro fe s se urs s — , et v ou vous sentirez peut être encouragés e t plus ardents au travail quand vous verrez à quel degré

“ ’ année s a de talent est arrivé celui qui , il y a quelques t ’ peine , é ai t com me vous sur les bancs de l école .

‘ V o ilà certes une œuvre rem arquable ( M arie - M ayde ’ ’ leine d u n Si ), colori s charmant , d une forme ex quise . l ’ on n ’ y voit p oint partout e t au même degré le cachet

’ d une i ndivi duali té bien nettement accusée si e n quel ques p assages on peut trouver à reprendre a la sévéri té du du — e m d c style , moins n e saurai t deman er au ompo S ’ s ’ ’ siteur plus de avoir , plus d expérience dan l art d écrire ,

’ ’ plus de fi nesse e t d habile té dans le maniemen t de l or i lie s tre . o us Do n ésar d B z c N sommes lo n de C e a an . Le succès de populari té que M . Massene t avait rêvé avec

’ u l in ve n ce t ouvrage espagnol , dont la co leur locale et

’ tion mélodi que laissaient égalemen t à désirer , c est avec ’ ’ - M arie M ag dele ine qu il vient de l ob te nir . Voyez encore quel j oli p ortrai t de l ’ au teur le cri

° ti que des Déba ts i ntercale au milieu de son article sur

’ ’ le Ro i d Ys Pour être célèbre , il ne suffit pas d avoir écri t plusieurs belles œuv res ou une belle œuvre se u E RN E S T R E Y E R 1 0 1 lement il faut avoir son p ortrai t à la vitrine des pho t ra h . o e s g p , son buste a la devanture des magasin s de musique et son no m aux déplacemen ts e t v illégiatu re s

’ on m même quand ne se déplace pas . C ela es t n i difficile , ni i e bien coûteux , mai s cela est tou t a fait i nd spen sabl et le s r , pour musiciens surtout , la céléb i té es t a ce prix .

’ ’

u M . z Or , je crois que , jusq à présent , Lalo n avait pas asse

n . p ri s soi de sa renom mée Le mal peut se réparer . Il à : M est craindre pourtant que . Lalo , aprè s comme avant

’ ‘ le Ro i d Ys e e m r a , ne res t un artist odes te , indiffé ent la

art à. s réclame , absorbé dans son et se donnant lui san ’ — a e. rrière pensé C est ce qui , depui s bien des année s ’ t ’ déj à , m e l a fai aimer ; c est aussi ce qui a conservé à

’ so n c e c ac he t talen t de distinction , d élévation et de sin

’ c e ou r è éri t , le ca act re de l artiste se reflè te tout entier

d u ne e f Et , ans note évidem ment quelqu peu dif érente , o bservez comme il est si gnificatif ce dernier paragraph e

i le C id le C id du feu lleton sur Allez voir , allez voir ce magni fique spectacle , allez admirer la p o mp e de ce tte mi se

' ma nifi c e nc e de en scène , le luxe e t la g ces décors ; allez entendre cette exécuti on hors ligne confiée à de s artistes de premi er choix ; allez voir évoluer ces groupes de halleri ’ n e s une s o uant , le s j de l éventail , les autres de la gui tare , a a toutes pimpantes , gracieuse s et sourian t plaisir ; llez

’ e ntendre cet orchestre impeccable qu un chef vaillant

’ e e c nc us n us t uchante auss ue c e e de 1 . Qu ll o l io pl o i q ll l arti c l e de ’ ’ Re yer aprè s la mort de Lal a L habi t a p al mes v ertes n a p as été l du v r N é te ndu sur e c erc ue il p au re g and arti ste . o us i ro ns q uelq ue jo ur dépo se r sur sa tombe une c o uronne de 1 02 E R N E S T R E Y E R

condui t ; ces chœurs , phalange harmonieuse e t si admi rable me nt disciplinée ; allez charmer vos oreilles aux

’ mélodies i nspirées du j eune maître dont l auréo le de

’ à a l t l gloire , ch que œuvre nouvel e , scin il e d un éclat

’ nouveau ; allez e t ap plaudissez . J ai di t .

’ ’ C es t qu il suffi sai t a Reyer de quelques lignes impré

’ vues , d un seul paragraphe au m ilieu de dix ou douze colonnes pour laisser deviner le fond de sa pensée sous les éloges de commande auxquels le contraignaien t ses relations de toutes sortes . Exemple Le lecteur connaît

’ maintenant le livret du Tribut de Z a mo ra (j e croi s qu il ’ ’ ’ l n y a pas lieu de dire le poème) com me s il l avait u .

— e dé Que ne puis j , même par une analyse encore moins ! taillée , lui faire aussi bien connaître la p arti ti on Cette

- parti ti on , trè s volumineuse (elle a cinquante six pages

’ Po l e ue te là de plus que celle de y ), j e l ai devan t moi ,

’ o uverte encore à la page o ù sonne la fanfare de l hymn e

t a Debo u t ! en ants de l Ibérie à. fl na ion l f , la page où am K b oie le regard inspiré de Gabrielle rauss , o ù sa voix e t son ges te on t électri sé le public . Elle étai t tombée

n t e évanouie , à demi morte , la gra de ar i ste , l a grand

’ t la ragédienne , e t elle s es t relevée p our serrer m ain

du . maître , au bruit des frénétiques applaudissements

- à Mais est ce donc là , quan t la valeur purement musi

’ -le cale , poin t culminant de l œuvre Autre exemple , à prop os du bal le t de la Tempêt e Je rencontrai

M . Auber quelques j ours après la première représenta

la F ianc ée du ro i de Garbe ré o n tion de et, comme il p

’ ’ ‘ dai t à mes félicitations en m assurant que c était la son

1 03 E R N E S T R E Y E R ’ é m on t tress des couronnes de ro ses don t ils avaient , avec une i n tenti on que j e respecte , négligé de retirer

’ - les épine s . J e n ai tressé mo i même de tou tes sembla

’ bles e n mainte occasio n . Les pi qûre s n en sont pas tro p

e t se douloureuses cicatri sen t vi te . C e serai t un pauvre triomphateur que celui qui revi endrai t de la ba taille e scorté seulement par des j oueurs de flûte . Quel amu

’ san t souvenir de s répé titions d É ro st rat e n e pique — t — il

i urd M B alanz ie r pas dans so n comp te rendu de S g . aurai t été bien embarrassé d ’ indi quer ce qui faisai t lon gueur dan s un m orceau et de quel membre il convenait

’ ’ de l am u te r S as p . eulemen t il n aimai t p les i nciden ts d ’ i symphoni ques , trouvant san s oute qu ils ralent ssent

’ : ba ti la marche du drame , et ne s en cachai t pas Il les p sai t du nom généri que de ri tournelles . J e m e souviens

’ “ ’ t d É ro stra te Athénaïs qu à une des répéti i ons , é tant en

’ scène et un prélude d orchestre anno nçan t à la belle

’ ’ d E hè se l S s courtisane p arri vée de copa , le sculp teur

M V . B alanz ie r auquel éry a attribué la énus de Milo , M

’ s éc ria e n t ff , accompagnan son apos trophe de ce t e e t de canne qui lui é tait familier Mai s que fai t donc la chan teuse pe ndan t c e tte ri tournelle ? A qu e i j e répo n di s simplemen t Elle écoute la ri tournelle . C e fut

’ t d É ro st rate fi out . Le sort étai t prévu ; il devai t nir dans l ’ incendie que le tris te hé ros de la pièce avai t allumé

- m lui même . Une ri tournelle de plus ou de oins impor

’ tai t peu . E t quelle plus j olie fin d article que celle i maginée par le maître a l ’ occasion de la reprise de

’ M aitre Wo lfram Pascal l a di t le mo i est haïssable . RO S C ARON A SA A O PAR . LEON E D NS L MMB , M B ONN AT (1 897) “ art e nt à M Ro se C aro n App i .

1 08 E R N E S T R E Y E R

à e chan teur qui , destiné i nterpré ter les rôles de bass ,

’ est embarrassé de descendre aux profondeurs d un [a

’ ou même d un mi bémo l accidentels ? F allai t— il pas fa i re

' chan ter ce t envoyé du Pape e t le costumer com me u n troubadour de pendule ? Les concessions qu ’ a dû faire

— a n s M . Sain t S é s à certains artistes altérés de virtuo ité

’ - la M ais n on t p as été j usque . j e regre tte la suppression de

Certes , ses articles donnaien t beaucoup de mal à

’ Reyer , obligé qu il é tai t de biai ser , de louvoyer , de m a

’ nœ uv re r entre tan t de gens qu il voulai t bien égrati

’ o v if m e gn r , n on blesser au ; mai s aussi co m il s amu

t — sai aprè s coup des sous entendus , des éloges à double

’ n se s qu il avai t trouvés , et comme un sourire de satis faction glissait dans le clair regard de ses yeux , entre

’ e ff no n d ux b ou ées de tabac , lorsqu on lui montrait , pas

ses brutalement, mai s par une discrè te allusi on , que moindres fi ne sse s de style avaien t été comprises ! La Causticité de son espri t perçai t du reste autant dans sa t conversation que dans ses articles , e sa façon de p arler n ’étai t pas sans analogie avec sa façon d ’écrire qu ’il eû t quelque trait , quelque raillerie à lancer et i l sem blait chercher un moment , comme si le m ot i nci sif eût hésité au bout de sa langue aussi bien qu ’au bout de sa plume . A vec son air un peu somnolent et tout en bour

sa i e nul t rant p p , il é tait p romp t à la riposte et ne savai ’ mieux que lui tirer parti d une attaq ue pour frapper au bon endroi t, sans dévier .

’ i urd u n A l heure où S g , dont il était to j ours questio , E R N E S T R E Y E R 1 09

F ra n o ise de R2 muu o ur se trouvai t en ligne avec ç , p

’ ’ al O éra — un c o urriéris te h - il é arri ver p , avait pas jug sp i

’ ri tuel de dire que si l un des de ux composi te ur s avai t

de distribu tio n t è im o s des exigences r s légi times , mai s p à m ’ sibles satisfaire pour le m o ent , l au tre , excellen t

’ z diffi homme au fond , avai t un caractère asse cile , qui ren

’ dait un pe u tendus e t c o mme aigre —doux ses rapports avec

’ le directeur de l Opéra Reyer aussitô t de prendre sa plume e t de répondre au journali ste ébahi Grande es t ma surpri se de vous voir juger si sévèrement le carac tère de m on trè s honorable confrère M . Ambroise

u di Thomas . Q an t à mes exigences au suj et de la stri

’ u tio n Si urd e u b des rôles de g , j p i s vous affirmer qu elles

” ne vont pas au delà de s re sso urc e s de notre première p

' ale rie de scène lyri que , E t toute la g faire des

’ gorges chaudes , mai s non pas aux dépens de l auteur de

’ ’ i urd u ilfi t S g . C est une réponse du même genre q lors

’ ’ u deM ano n qu on lui rapporta certains propos de l a teur ,

’ se t de v ant W ne r e t rapetissan comme a plaisir . ag di san t

’ que nul ne pouvai t arri ver à la chevi lle d un tel

une colosse Mai s si , mai s si , reprit Reyer avec bien

v e illanc e . extrême , il yest Exactement comme au j our

m i t v è ui où certain co pos teur , rès sa ant , tr s célèbre et q lui di i urd devait beaucoup , ayant t brutalemen t de S g

’ ’ ’ ’ C e st e f C uat so us plei n d idé s , m ais c es t tu om me q ! Vo ilà ce qu’on ne dira j amais de ses ouvrage s ’ d sc ani T A o . M a riposta le c riti que en parlant homas , s

‘ S - S ë e s o senet , aint a ns , trois d ses plu chers c nfrère s

’ à l Institu t! 1 1 0 E R N E S T R E Y E R C es quelques ci tations ou répliques peuven t donner

’ a une i dée assez juste de la f çon d écrire .e t de parler de S il Reyer . ans faire aucun étalage de science , quand pre

’ l u nai t la plume , il excel ai t à lai sser devi ner q il goûtai t peu telle ou telle musique en la louan t presque sans

’ réserve , de même qu en racontant les poèmes les plus

’ a s ugrenus avec un sérieux im perturbable , il n en fai

sai t que mieux ressortir tou t le ridicule . San s jamais d ’ per re une belle humeur qui n étai t nullement forcée , il

’ n avai t pas son pareil , dans la discussion , pour retourner contre un adversaire l ’ arme dirigée con tre

’ lui- même e t savai t se servir de l antiphra se avec u ne

’ ’ souplesse et u ne dextérité merveilleuses . Qu o n l atta

’ q uâ t au point sensible e t la riposte n é tai t pas long ue à

Lui ui déte s venir , mai s touj ours infinimen t courtoise . q

as tai t j e ne dirai p le piano , mai s les pianos , e t se i t posai t volont ers en croquem itaine des pianis es , avec

’ t ui s e n suivre outes les plaisanteries q pouvaien t , il goûtai t peu qu ’on parlât de sa brusquerie toute m ili taire et de ses moustaches de sous - o ffic ier De

— ii général , passe encore , disai t en les caressan t de

plus belle . E t comme un de ses j eunes confrères , cer

’ à u tain j our , l avai t taquiné ce s j et , il lui rép ondi t vi te ,

’ avec un redoublement de poli tesse , en le félicitan t d être

à la fois un excellent pianiste e t un fort joli garçon . D m e ces ripos tes a ènes , de ces hi stoires parfois un peu . ’ marseillaises , des bonnes farces qu il avai t pu j ouer à quelque camarade au temps j oyeux de sa j eunesse ou

’ même plus tard , car la traditi on n en étai t pas perdue

1 1 2 E R N E S T R E Y E R

c re mie r o ur pour écrire ou pour omposer , dès le p j , ses préférence s e t ses tendances furen t toutes différente s de

c uiré naie nt alo rs dans le mo nde music al. M usic ie n elles q g ,

’ ’ ar t c est p l a fréquentation des grands maîtres , c es par

’ ’ ’ l étude de leurs chefs - d œ u v re qu il se form a lui - même a u et donna le plein essor ses facul tés créatrices ; cri ti q e ,

’ C est p our les faire connaître au publi c , p our les lui e ’ ’ fair admirer qu il écrivi t tant d articles chaleureux , o ù

’ ’

e. l ironie ne tenai t plus aucune plac Quoi d étonnant , dès

’ n l ors , , à ce q u un homme qui avait des visée s telleme t av ait do nné nouvelles , des convictions si solides , qui toute

d to u t so n d son a miration , cœur , à un maître aussi iscuté

’ que Berli oz , mais s était également senti porté , de pri me

W u abord , vers la musique de agner ; quoi de s rprenant à

’ ’ i n e ût ce qu un tel arti ste , allan t ains droi t devan t lui ,

’ ’ guè re rencontré tou t d abord q u indulge nc e indifférente

’ ’ ou dédairi mal dissimulé ; qu il ai t dû attendre jusqu à

’ soixan te ans passés tout comme Lalo , d ailleurs , qui e tai t également né en 1 82 3 pour parvenir à fixer sur à ’ u lui , forcer l attenti on du grand p bli c

’ ’ n o uv e aux u e s o bte C es t , en effet , de ces j g qu il allait

' ’ nir la ré comp en se de ses efforts . C e qu il y eut de

la fc arr1 e re c e d particulier dans de Reyer , et qui émontre

’ bien la puissance attractive de ses i nspirations , c est ’ u que le public , dès qu il p entendre ses œuvres , se lui a a tourna vers , se l iss , gagner à sa musi que si carac téristi u e nel q et si person le , alors que nombre de compo

' ’ ’ ’ site u rs o ur h e ae , qui sont auj d ui comm s ils n av i nt

! j amais , exis té , fai saien t dédaigneusemen t la moue et RE YER AU B AL C ON D E S A VI LL A D U L AVAN DOU (u n)

RE YER ASS IS D E V ANT S A MA ISON A M OUT IH Blt - H AUT E- I I E RRE (D OUBS) 8

1 1 6 E R N E S T R E Y E R

te à chni que comparable la leur , abusèrent tellemen t de cette cri tique e t crurent le terrasser en crian t par

’ ’ dO tié d u n dessus les toits que c é tai t un simple amateur ,

e mal certain tempéramen t dramatiqu , à cou p sûr , mai s dégrossi et a qui m anquai t le vern is de l ’ en seignement

Re ér t méthodique , officiel . Que y soi plus riche de sensi

’ bilité que de savoir et que les dons naturels l em po rtent

’ de beaucoup chez lui sur ceux qu on peu t acqué ri r par

’ ’ le travail , que la force d expression , l i nstinc t de la

’ du couleur , l intensi té sentiment , tou tes quali tés qui ne

’ s ac uièrent u q pas , dépassent i nfini men t dans ses œ vres les procédés de facture ou d ’ écri ture comme on

’ ’

. u dit auj ourd hui , c es t incontestable Il fa t accorder

’ ’ aussi qu en plus d un passage de ses meilleurs ouvrages se décèle une certaine lourdeur dans le maniemen t de

’ r r e m â te me nt dan s so no rités une l o ches tre , un ce tain p les , certaine malhabile té car le mot maladresse serai t

’ r re ndre è t op fort à , exécuter ce qu il a dans la p en sée ; m ais combien ces défauts comp ten t peu auprè s des

’ ’ dons supérieurs q u il avai t reçus du ciel , et , comme l a écri t un de ses biographes qui ne comp tai t sûrement pas parmi les m ieux disposés à son égard : Si son inv e n

u tion musicale eû t été plus égale e t pl s châtiée , aurait

’ d élan elle eu autant de saveur , chaleureux , de force ? persuasive Au fond , la véri té se trouve dans ce

’ j ugement d un au tre de ses j eunes confrères C e t homme — là ne fut peut - être pas assez grand musicien i pour écrire de la musi que sans dées , mai s il eut des i dées si originales et si fraîches qu ’il manquerai t E R N E S T R E Y E R 1 1 7

’ ’ quelque chose a l histoire de n otre art si l on. en pou

f i ur l m vai t e facer S g d e t Sa a m bô.

’ m dés détrac E t , par contre , co bien d œuvres signées t de eurs de Reyer , comb ien productions de ces gen s tou j ours prêts à noircir du pap ier p ourrai t - on rayer de s ’ annales de n os théâtre s ou de nos concerts sans qu il en résultât le m oindre vide dans l ’histoire de l ’ art musical

’ ’ ’ françai s ! C e s tl éterne lle q uerelle e t l éte rne lle j alo usie des t gens qui saven t et qui , out fiers de leur science en même

’ t s emps qu ils sont gâtés , trompé par elle , composen t ,

’ composent , comp osent touj ours comme d au tres écri vent ,

méc a écri ven t , écriven t sans relâche , par une habitude

’ so rte de nique qui devien t pour eux , avec l âge , une _

Si e besoin puremen t physi que . leur longu prati que e t leur connai ssance de toutes le s habiletés du métier

t u c leur procurent la possibili é de to j ours travailler , ave

’ ’

u - e l ill sion , qu eux seuls conservent,de jam ais se fati guer , co mbien leur fierté paraît vai ne aux yeux de ceux

’ ’ ui la e q jugen t d aprè s les résultats , n on d après somm de travail ou la difficulté vaincue , e t combien le dédain qu ’ ils affichent à l ’ égard de ceux qui sont de m oins

’ forts en thème qu eux- mêmes prête à rire Il en est

— n . S ie peut être de Reyer , a trè s b ie di t M Georges erv res , comme de Gluck et de Berlioz le rapprochemen t n ’ est f pas pour lui déplaire dont le s dé auts ont , plus que le s t m quali és , contribué à la for ati on de leur talent

’ c e et Reyer n aurai t sûrement pas appelé de jugement , lui t qui avai écri t certain j our , avec une ironie cin

’ glante à l adress e de ses détracteurs Vous aurez 1 1 8 E R N E S T R E Y E R

beau travailler , piocher , approfondir tous les secrets

’ h - d œ u vre t de votre art , étudier les c efs de tou es les

le u r . s s écoles , les procédés des maîtres , leur style , y ’ tè me e n av e z as , vous pénétrer de leur géni , si vous p été un savan t très j eune au débu t de vo tre carrière ,

’ vous ne le de vie ndre z j amais . Le s biographes vous G S citent comme exemples luck , pontini , Berlioz et plusieurs autres .

’ L apparition e t la vogue rapidement grandissante de

r l d d i u d c é e e R , S g formen t la _ voûte la carrière de eyer du car , j our au lendemain , ou , pour être plus exact ,

’ dans l espace de quelques mois , la situation de ce com ’ o site ur — - p de soixan te deux ans , j usque là peu connu de la mo difi a foule , se le plus heureusement du monde et ,

’ ’ ’ ’ u à lui s il l avai t voulu , il n aurai t tenu q de remplir nos théâtres lyri ques de ses œuvres . Les librettistes étaient nombreux qui gravi ssaien t les quatre é tages de son

u l i dans modeste logi s O se fai saien t recomma nder à u . l ’espoir qu ’ il consen tirai t à me ttre en musique quelque

de meinda— t- oh poème de leur façon ne me p as , vers

’ cette époque , de lui proposer d écrire une trilogie sur ? ’ N - apoléon C est alors , peut être , que Reyer montra

de le e n le plus fermeté , plus de sagesse ne sacri

fi ant i a rien , même en face du succès , des dée s qui av ien t constitué la règle de toute s a vie ; en con tinuant à ne travaillerque p our lui — même et sans nullemen t profi ter de la situation prépondéran te qui lui étai t fai te . Au lieu de gaspiller son in spiration en de menus Ouvrages qu ’ il

‘ faire o ue r O ù au rait v o ulu d aurai t pu j il , à con ition tou

1 2 0 E R N E S T R E Y E R

’ ’ ’ i d Ale este dec la et , tout en s nspirant de l auteur p our sa

’ mation si belle e t ses clairs dessins d orchestre , il bri

’ le sai t moule de l ancienne tragédi e , il en supprimai t les repos traditionnels e t créai t une œuvre o ù chaque acte

r déter fo mai t un tout complet , sans divi sions exac temen t

’ Ne - minées . pouvons nous donc pas ê tre surpri s qu une

œuvre de forme aussi sévère , aussi classique dans ses s grande lignes , ait cependant agi si puissammen t sur le

’ public , qui n y trouvait plus aucune des chatteries voca les ou orchestrales don t il es t si friand e t qui fut b ien con qui s uniquem ent p ar la force pénétrante de la m usi

’ ' aussifraîc he que , par la richesse d une inspirati on et pas

’ sio nnée que si elle a v ait j ailli d un cerveau de tren te ans ?

’ f r Mais c es t aussi que le public , indif é en t aux que

’ relles d écoles entre musicien s comme à celles q ui avaien t pu un moment diviser l ’ auteur e t certains direc

r teu s , également sourd de plus aux ergotages de la

’ Salammbo cri tique , avai t , d un élan naturel , pour

i urd re nd le in S u . e comme p our g , p j ustice aux qualités

le s m aîtresses qui distinguaient parti tions de Reyer . Le souffle puissant e t la hau te inspirati on qui règnen t

’ tout le long de ces opéras avaien t pu d abord s urprendre les amateurs qui n ’ é taient guère accou tum és à entendre t des œuvres de cette sincéri té , de cet e force , mai s ils n ’ avaient pas fai t longue résistance et l ’ on peut dire

’ hardimen t que la c onscience e t la conviction qui éc la ten t dans ces œuvres e t les fon t si di ff éren tes de tan t

’ d autres , furent les causes déterminan tes de leur succès d ’ rapi e e t décisif . E R N E S T R E Y E R

’ Te l fut le couronnemen t d une très belle carri ere o ù

’ ne l on sai t quoi louer le plus , des hautes facultés e t

’ a de la puiss nte personnalité de l auteur , ou de sa fer

de metê principes , de son dédain de la réclame e t de

’ la . chaleur de ses convicti ons Mai s , d ailleurs , tout ’

s e nc haîne . Si indé e n cela se tient et Reyer , musicien p

’ à u dant entre tous e t rebelle tout j oug d école , au lie de débuter par des œuvres qui ne répondaien t guère aux préférence s du public d ’ il y a déj à cinquante ou soixan te

’ — ans , s é tai t mi s à écrire simplemen t des opéras comi

’ les o ces de ques à la m ode du j our , s il avai t produi t N

J eanne tte M aî re Wo l ram le , par exemple , au lieu de t f ,

’ ' Ro man d E lvire la ta tue l É t o ile de M es au lieu de S , e t

’ sine Saco untalâ là au lieu de , il aurai t montré par qu il

étai t homme à sub ir les goû ts capricieux de la foule , qu ’il étai t un de ces musicien s qui tournent à tous les f vents , selon que la faveur du public souf le à droite ou

’ ’ ’ a gauche , e t il serai t , à l heure qu il est , confondu dans l ’ énorme masse des oubliés de la musi que o u de ceux

’ qui von t l être demai n .

’ Serai t— il donc vrai qu il y a une justice i mmanente ?

e Il est juste , en somme , il est équi table et conform au bo n droi t que ceux qui ont été faibles soient châtiés de leur faiblesse ; que ceux qui on t voulu grandir trop vi te déclinen t plus vite encore : que ceux qui on t voulu

’ triompher immédiate me nt ne j o uissent que d un triomphe

éphémère . A chacun selon se s œuvre s , dit le proverbe ; mais il convie ndrai t d ’aj outer selon ses œuvres e t ses

’ c as onvictions , car sans conviction solide il n est p 1 2 2 E R N E S T R E Y E R

’ ’

. d œuvre durable Une fois passé son caprice d un j our ,

le public fai t bon marché de ceux qui le flagornent ; il

' rése rve se s a e t so n les dédaigne , il suffr ges admiration

r définiti ve pour les créateurs qui ont su le domine , non

’ le fiatter , e t c es t ain si que presque toutes les produc

’ t - d œ u v re ions ayant acquis rang de chef , dans quelque

’ t i c o nt c o m branche que ce soi de l intell gen e humaine ,

me nc é r l a a fl par froisse m sse ottante du public , par

exci ter ses colère s ou ses railleries . Les créations que

’ tout le monde admire , e t du premier coup , n ont gê né rale me nt à pas une longue carrière parcourir , e t celles

’ n la seules qui furen t d abord discutées , iées même et t puis lentemen appréci ées , ont chance de se prolonger

à travers le temps . r ’ ’ Je me appelle avoir lu un j our , sous l au torité d un musicien qu ’ on disai t être t rè s savant e t presque contem

’ o rain R a lammbo p de eyer , ce j ugement sur l au teur de S

Reyer est un travailleur remarquable , un musico

v u n int lli graphe très sa ant , homme supérieuremen t e

’ gent , mais ce n es t pas un m usicien , car il lui a tou j ours fallu un effort considérable pour écrire sa musique

e t des recherches sans fin dans les biblio thèques . Je

s t O R ne connai rien de plus risible que ce te pinion eyer ,

’ ’ a n a l artiste l inspiratio j illissante , transformé en un rat

lui de b iblio thèque , qui ne connai ssai t même p as celle

’ de l O éra p don t i l avai t la garde Non , à la véri té , j e

rie n . de O ne connais plus saugrenu que cette pini on , si

’ ' n e st c e lle f e ar u n ce a fiché p composi teur , très jeune

’ - c celui là , omme l autre étai t passablement vieux , e t qui

1 2 4 E R N E S T R E Y E R

’ ’ — . Re e haut . M qu il lui a été donné d arri ver yer , disais j

’ a l hu un jour , il y a déj à bien longtemps , a ré gi contre m ili té dég radante des composi teurs à la mode envers le ’ b a u l pu lic , il a fai t honnêtement , cour ge semen t ce qu i

’ voulai t faire , et il l a bien fai t ; il sera récompensé de

t ar ce tte honnêteté artistique , tellemen rare à présent , p F un éclatan t succè s . inalem en t , le succè s es t venu ,

’ e t l au il est venu assez vi te , heureusement , p our que teur de Sig u rd e t de Sa la mmbô en ai t pu j oui r. Quelle différence entre lui e t tan t de composi teurs qui ont vu leur succès dimi nuer e t leur crédi t décroître à

’ m esure qu ils avançaient en â ge ; quelle différence et

’ ’ quelle leçon pour d autres , dans l avenir C A T A L O G UE

OE UV RE S P RIN C I PALE S DE RE Y E R

’ ’ M e sse po u r l arri v é e du duc d Au ma‘e à Al g e r ’

hœur des buve urs e t hœur des assie és a 4 v d h mme s . C C g , oi x o

Re c u e il de 1 0 c hanso ns anc i e nnes ha rmo ni sé e s . Le Selam s m h n e r e nta e e n 4 art e s de T h h e Gau t r , y p o i o i l p i éop il i e

’ Re e r n a a a a is à C o ns tant ne e t o rs u e so n o nc e F arre nc v f ut no y ll j m i l q l _ mmé , ‘ ’ il avai t déj à q ui tté l Algé rie La no te m ise e n tê te du Séla m e t d isant q ue l an

teur a vai t e té le témo m o c u a ire e t au r c u a re à C o ns tantine . de s sc è ne s d la l i l i , e ’ C o n urati o n de s D inns v se o nc aute ur des v e rs no n c e u de la u5 1 ue j j i d l , l i m q ' ’ e t c e s t o ur c e la u e e ac c o a ne a e e nt le o è e ub a a : t de p q ll mp g ég l m p m , p lié p , T héo p hil e Gau tie r.

M a ître Wo l ra m ra- c m u e en 1 ac te de M r f , opé o iq , é y

Sac o unla lâ ba e t- ant m me e n 2 ac t e s de T he h e Gaut e r , ll p o i , op il i

- La Sta tue ra c m ue e n 8 ac tes de M c he arr e t J . arb e r 1 8 6 1 , opé o iq . i l C é B i ( ) . ’ ha n t des a sans c hœ ur a 2 v d h mmes u r le drame de V c t r C p y , oix o , po i o Séjo u r les Vo lo nta ires de 1 8 1 4

Ero s tra te ra e n 2 ac te s de M r e t E . ac n , opé é y P i i ’ L H mne du Rhin c antate de M r y , é y ’ La M ade le ine a u dése rt s e d Ed . au sc ne ur v de basse , poé i Bl , è po oi x a v e c o rc he s tre

Si urd e é ra e n 1 ac te s de . du L c e e t A. au g , p C o l Bl ‘

S a la mmbo era e n 5 ac tes de . du L c e d a rè s F aubert (1 8 90 , Op C o l , p l )

M arc he tz i a ne u r rc hestre . g . po o ‘ Deu re c u e s l u n de 1 0 au tre de 2 0 m d e s c o m renant utre de s x il , l élo i , p , o m d e s s ar e s de s m rc e au d tac h s du Séla m de M aî tre Wo l élo i ép é , o x é é , '

ra m d É ros tra le de la Sta tue e tc . f , , ,

Tris tesse s e d E d. au , poé i Bl ’

L H o mme s e de M . Ge r e s e r , poé i o g Bo y

Tro is so nne ts mes de . du L c e , poè C o l

B I B L I O GRAP H I E

' i i de Russ t m i i n d . BRI NE \ U ( Al fre d) . M us q ues e e us c e s e F ranc e (Bi blio th ue har e nt e r èq C p i , i d ' E ’ e . L le e nde de S ur da ns l dda l o é CU R Z ON ( H nri de ) a g g ; p ra de Reyer . F i hba0 he r ( sc ,

‘ ’

Sa la mmbo le o ème e t l o éra . F isc hbac he r , p p ( , i h No u vea ux ro ls de music ens . F isc h a h 92 H u ue s . c e r 1 8 IM B ER T ( g ) p fi ( , ' ‘ 1 ° ° uLLi EN d he . M usic ie ns d a u o urd hu i 1 e t 2 s r e s . L bra r e de J ( A olp ) j , é i ( i i i ’ 2 t. l Art , 1 8 0 e

l . V IÈ 1tE Ge r e s . La M usz ue ra n a ise mo c erne G. H avar f s SE R S ( o g ) q f ç ( d il , T A B L E DE S I L L U ST RA T I ON S

2 R Y V S 1 6 l RE vE R \ E RS 1 886 8 a e o u e de la St t . E ER ER p q a ue , ’ a l é o u e de Si urd , p q g

‘ M ÉLO DI E AUT OC RAPRE DE RE \' E R (Vi e ill e c hanson P o urq u o i ne m ai ? me z - vo us … Poé si e de M athurin Ré gni er) LE SÈ LAM li tho g rap hi e o ri gi nal e de Cél e sti n Nanteuil po u r la p arti tio n

AC O UNT A A DE A E 1 8 0 8 . S ne fi na e . S 1 . A L O R N c è l LETT RE AUTOC RAPRE DE RE YER (1 8 72 ) p re miè re l e ttre adressé e p ar h e n lui a M . A dolp e J ulli

‘ “ LA S T AT UE AU T H ÉA 1 It E- LYRIQU E E N 1 8 61 M o nj auz e e t M " Bl an ° c he arett 8 élim e t M ar ane 3 ac te . LA A U B i ( g y ) , S T T E A ' PE E 1 9 03 M " ° A n A k t M tf r M r n t L O R A N 1 o c é e t . A e ( a g ya e e Sélim 1 M ac te ),

’ R Y A PARTS A E L A RUE E LA T - D AUVE RC N E E ER , D ANS SON S LON D D OU R

’ ODE A 1 8 8 6 …R r n Brun hild 5 ° ac te Sw ann .A E M se a e L R N o C o ( ) ,

’ PE S léz a e t M me R se ar n SALAMMBO A L O R A E N 1 8 a2 M . a o C o th e t Salammbô 5 ° ac te (M a ô ) ,

EC O D E Si C URD le lac e t DEC O E S ALAM RB O la terrasse D R ( ) R D ( ) , ’ ' d ap rè s le s maque ttes c o nserv é e s à l Opé ra

’ T RO i S C ARIC AT UB E S de C ham de Lu q ue (1 88 6) e t d H e n 1 rio t ( 8 9 0) s ur Re ye r.

me DA A r M . L n nnat M R OS E CA R ON NS SAL . MMBO p a éo Bo

RE YER AU B AL C ON DE SA V i LLA D U (VA R) . RE YER A SS IS ’ D V AN S A M AISON A M o uT H i E R- H E - l i E ii ii E D E T , AUT ( OUBS)