Technè La science au service de l’histoire de l’art et de la préservation des biens culturels

45 | 2017 Bronzes grecs et romains : études récentes sur la statuaire antique

Sophie Descamps-Lequime et Benoît Mille (dir.)

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/techne/1213 DOI : 10.4000/techne.1213 ISSN : 2534-5168

Éditeur C2RMF

Édition imprimée Date de publication : 1 mai 2017 ISBN : 978-2-7118-6408-9 ISSN : 1254-7867

Référence électronique Sophie Descamps-Lequime et Benoît Mille (dir.), Technè, 45 | 2017, « Bronzes grecs et romains : études récentes sur la statuaire antique » [En ligne], mis en ligne le 19 décembre 2019, consulté le 05 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/techne/1213 ; DOI : https://doi.org/10.4000/techne.1213

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La revue Technè. La science au service de l’histoire de l’art et de la préservation des biens culturels est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modifcation 4.0 International. 1

SOMMAIRE

Éditorial Isabelle Pallot-Frossard

Progrès de la recherche sur la statuaire antique en bronze Introduction Sophie Descamps-Lequime et Benoît Mille

I. Originaux, répliques et pastiches : techniques d’élaboration et datation des grands bronzes grecs et romains (Journée d’études -C2RMF de 2013)

The Name of the Artist, the Fame of the Bronze and the Bane of Multiples Carol C. Mattusch

Termini ante quos: Bronze statuary from Late Hellenistic shipwrecks Polyxeni Bouyia

The Bronze Athlete from Ephesos: Archaeological Background and Aspects of Conservation Georg A. Plattner

The New York Sleeping Eros: A Hellenistic Statue and Its Ancient Restoration Seán Hemingway et Richard Stone

La lame de plomb découverte à l’intérieur de l’Apollon de Piombino Nathan Badoud

Pour une meilleure compréhension du procédé de soudage de la grande statuaire antique en bronze : analyses et modélisation expérimentale Aurélia Azéma, Daniel Chauveau, Gaëlle Porot, Florent Angelini et Benoît Mille

II. Études récentes

Les yeux d’Auguste et de Livie au musée du Louvre : une nouvelle technique antique identifiée Sophie Descamps-Lequime, Isabelle Biron et Juliette Langlois

Le dédicant Atespatus : un nom assuré Monique Dondin-Payre

Dorure et redorure de la statuaire antique en bronze : une nouvelle lecture de l’Apollon de Lillebonne Dominique Robcis, Sophie Descamps-Lequime, Nathalie Pingaud et Benoît Mille

Les bronzes noirs antiques – nouvelles observations et mécanismes de création Marc Aucouturier, François Mathis et Dominique Robcis

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III. Varia

Le guerrier de Saint-Maur (Oise). À la redécouverte d’une œuvre majeure de l’art gaulois Jenny Kaurin, Shéhérazade Bentouati, Clotilde Boust, Charlotte Hochart, Nicolas Mélard, Dominique Robcis et Richard Schuler

Étude interdisciplinaire des naïskoi du Musée d’Histoire de Marseille Apports à la connaissance de la sculpture massaliote de l’époque archaïque Nicolas Bouillon, Philippe Bromblet, Odile Guillon et Laura Rohaut

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Éditorial

Isabelle Pallot-Frossard

1 Le bronze est un matériau d’étude privilégié pour le C2RMF. Depuis plus de vingt ans, ses chercheurs n’ont de cesse de l’analyser au travers de son utilisation multiforme, dans la statuaire, depuis l’Antiquité jusqu’à l’époque moderne, dans les instruments de musique ou dans le mobilier, afin de mettre en lumière, grâce à une large gamme d’outils d’observation, d’imagerie et d’analyse, la composition des différents alliages, les sources d’approvisionnement en matières premières, les techniques de fonderie ou de martelage, d’assemblage, de finition, de réparure. Au cours des quatre dernières années ont été soutenues trois thèses de doctorat menées au sein du C2RMF1. Celle de Benoît Mille, l’un des deux pilotes de ce numéro avec Sophie Descamps-Lequime, opère la synthèse très attendue de vingt années de recherche sur la fonte à la cire perdue2. Ces travaux suivent les chemins classiques de l’archéométrie, associant l’exploitation des données textuelles, l’observation aiguë des œuvres, l’analyse des matériaux, ainsi que l’expérimentation directe des procédés et des matériaux mis en évidence.

2 Autour du vaste sujet des bronzes antiques, une fructueuse collaboration interdisciplinaire s’est établie depuis une quinzaine d’années, entre le C2RMF et le département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre, sur les techniques de fabrication de la grande statuaire grecque et romaine en bronze et les patines intentionnelles des œuvres métalliques. C’est dans ce cadre qu’a été créée et enrichie la base de données Héphaïstos, dont l’objectif est de décrire l’évolution spatio- temporelle de la technique de fabrication des grands bronzes, en se fondant à la fois sur le dépouillement d’une très vaste bibliographie et sur le rassemblement d’observations technologiques approfondies. Elle constitue une source précieuse d’information pour les chercheurs et autorise d’utiles confrontations et comparaisons fondées sur les sources solides de la littérature et des matériaux eux-mêmes.

3 Dans ce contexte, le volume 45 de la revue Technè vient publier les actes de la journée d’étude, organisée par le C2RMF et le musée du Louvre, et soutenue par l’Institut de Soudure, intitulée Originaux, répliques et pastiches. Techniques d’élaboration et datation des grands bronzes antiques, qui s’est tenue à Paris le 12 février 2013. Aux résultats de cette journée viennent s’adjoindre ceux d’études, encore inédites, portant sur une étonnante technique de fabrication des yeux, relevée sur les portraits d’Auguste et Livie, sur un

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témoignage de dorure et de redorure observées sur l’Apollon de Lillebonne, ou encore sur le surprenant guerrier gaulois en tôle de laiton chaudronnée de Saint-Maur. La lecture de ce numéro permet de montrer tout ce que l’étude des matériaux et des techniques peut apporter à la connaissance des bronzes antiques, depuis le commerce intensif dont ils ont été l’objet à l’époque romaine en raison de la forte demande des riches propriétaires, jusqu’à la pratique de la production en série à partir d’un même modèle très prisé des amateurs. On y comprend mieux que le choix du médium, marbre ou bronze, tient essentiellement au choix du commanditaire, et que l’on est souvent bien loin du cas classique de la « copie romaine en marbre d’un original grec en bronze disparu » qui figure sur tant de cartels de musées à travers le monde.

4 Je souhaite au lecteur une belle découverte des travaux pluridisciplinaires menés récemment sur les bronzes de l’Antiquité, en France, en Europe, comme aux États-Unis, et le plaisir de mieux comprendre comment ont été réalisés les quelques chefs-d'œuvre de la technique antique qui émaillent les pages de ce numéro.

NOTES

1. Aurélia Azéma, Les techniques de soudage de la grande statuaire antique en bronze : étude des paramètres thermiques et chimiques contrôlant le soudage par fusion au bronze liquide, thèse de doctorat en chimie physique et chimie analytique menée sous la direction de David Bourgarit, université Paris 6, 2013. Manon Castelle, Les techniques de fabrication de la grande statuaire en bronze 1540-1660 en France, thèse d’histoire de l’art et d’archéologie menée sous la direction de Chantal Grell et de David Bourgarit, université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, 2016. 2. Benoît Mille, D’une amulette en cuivre aux grandes statues de bronze : évolution des techniques de fonte à la cire perdue, de l’Indus à la Méditerranée, du 5e millénaire au 5 e siècle av. J.-C., thèse en préhistoire, protohistoire et géosciences menée sous la direction de Catherine Perlès et de Vincent Serneels, université de Nanterre, université de Fribourg, 2017.

AUTEUR

ISABELLE PALLOT-FROSSARD Conservateur général du patrimoine, directeur du Centre de recherche et de restauration des musées de France (isabelle.pallot-frossard[at]culture.gouv.fr).

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Progrès de la recherche sur la statuaire antique en bronze Introduction Advances in the research on ancient bronze statuary

Sophie Descamps-Lequime et Benoît Mille

Une journée d’études sur les grands bronzes antiques

1 L’exposition au musée du Louvre de l’Apoxyomène de Croatie (fig. 1), repéré en 1996 dans les profondeurs de la mer Adriatique au large de l’île de Lošinj, est à l’origine de l’organisation à Paris d’une journée d’études sur les techniques d’élaboration et la datation des grands bronzes antiques, en février 20131. Les actes de cette journée, à laquelle ont participé des spécialistes de Grèce, d’Autriche, des États-Unis d’Amérique, de Suisse, de Croatie et de France, sont présentés dans le volume 45 de Technè. Sans l’intérêt immédiat de Brigitte Bourgeois, conservateur général du patrimoine au C2RMF et éditrice de la revue, pour ce domaine de recherche, ils n’auraient pu être publiés. Nous tenons à l’en remercier très sincèrement2. Notre reconnaissance va également à Isabelle Pallot-Frossard, directrice du C2RMF, et au comité de rédaction pour avoir accepté la publication de la journée d’études dans la programmation de la revue. Certains intervenants ont présenté des synthèses sur la nature des grands bronzes préservés – originaux isolés, œuvres de série et surmoulages –, sur leurs relations avec les sources littéraires, sur leur production, sur leurs techniques, sur leur circulation, sur les indices objectifs qui fondent leur datation et sur la manière dont l’histoire de la sculpture antique s’est construite au gré des découvertes successives. D’autres ont préféré s’intéresser à des cas particuliers afin de mettre en lumière aussi bien l’existence de multiples que celle de restaurations antiques.

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Fig. 1. L’Apoxyomène de Croatie, exposé dans la Rotonde de Mars du musée du Louvre (23 novembre 2012-23 février 2013)

Époque hellénistique. H. 1,92 m © Musée du Louvre/A. Mongodin.

Des répliques antiques en bronze

2 La datation des grands bronzes grecs et romains repose en grande partie sur l’étude du contexte archéologique dans lequel ils ont été retrouvés et des moyens techniques mis en œuvre pour les fabriquer. La découverte de l’Apoxyomène de Croatie, remonté à la surface en 1999, est venue enrichir le dossier encore très ténu des statues de bronze qui doivent être considérées non comme des créations originales, mais comme des répliques antiques de prototypes disparus. Elle souligne que la démarche qui consistait à nécessairement considérer les quelques bronzes parvenus jusqu’à nous comme des originaux, par opposition aux copies bien plus nombreuses, sculptées dans le marbre et dans d’autres pierres, doit être nuancée : les multiples et les adaptations en bronze existaient aussi. Il est cependant très difficile d’apprécier l’ampleur d’un tel phénomène car ces répliques ont été fondues autant que les œuvres, également en bronze, dont elles déclinaient l’image. Encore faut-il les distinguer et pouvoir les dater. L’analyse stylistique n’est pas suffisante ; les études philologique et épigraphique non plus. Ces approches sont certes incontournables, mais ne peuvent à elles seules permettre d’établir si une statue de bronze est une création originale ou une réplique, et, quand il s’agit de dater l’œuvre en question, de faire la part entre les époques classique, hellénistique et impériale romaine. L’approche technologique et les analyses conduites en laboratoire sont également essentielles. Les conclusions les plus plausibles ne peuvent naître que de discussions collégiales entre historiens et historiens d’art,

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épigraphistes, physico-chimistes, radiologues et restaurateurs, fondées sur la mise en commun des connaissances et des interprétations de chacun.

Des œuvres rarement conservées

3 Les grands bronzes antiques, tant grecs que romains, sont extrêmement rares. On sait, grâce aux sources textuelles et aux indices archéologiques matériels, que des milliers de statues de bronze ornaient les sanctuaires comme les places publiques, les palais et les demeures de l’élite à partir de l’époque hellénistique, les thermes et les jardins romains. Mais, dans leur très grande majorité, ces œuvres n’ont pas survécu à l’Antiquité car elles ont été refondues pour recycler leur alliage. Les bronzes préservés ont échappé fortuitement à la refonte car ils n’étaient déjà plus visibles à la fin de l’Antiquité, soit parce qu’ils appartenaient à la cargaison de bateaux naufragés ou étaient des ex-voto endommagés et ensevelis sur place, soit parce qu’ils se trouvaient dans des constructions effondrées lors d’incendies ou de tremblements de terre. C’est la raison pour laquelle toute nouvelle mise au jour d’un grand bronze est saluée par la communauté scientifique comme un événement majeur pour l’histoire de la sculpture antique. Étant « brut de fouille » et avec la performance actuelle des examens disponibles, ce bronze peut bénéficier d’une étude fondamentale, durant et même après sa restauration. Les questions qui se posent concernent le lieu de sa fabrication, son attribution à un atelier, à un auteur ou à une école, sa date et sa qualité d’original ou de réplique antique. S’il est possible de répondre à l’une ou à plusieurs de ces questions, l’œuvre nouvellement introduite dans le petit corpus de la statuaire antique en bronze devient un jalon auquel confronter d’autres sculptures, parfois connues depuis quelques décennies, voire plusieurs siècles, mais qui, parce qu’elles ont pu subir plusieurs interventions modernes, livrent un message plus difficile à décrypter.

L’Apoxyomène de Croatie : une œuvre hellénistique

4 L’Apoxyomène de Croatie3 témoigne de la complexité des dossiers et de la nécessité de définir des critères objectifs afin de renforcer l’apport des données historiques et stylistiques, par l’association d’un cadre fondé sur une évolution technologique, à la fois diastratique et diachronique (fig. 1). La présence de l’Apoxyomène à Paris a conduit le C2RMF à compléter le dossier documentaire par une nouvelle couverture radiographique exhaustive de la statue (face et profil) et à effectuer des analyses de composition élémentaire par ICP-AES des différents alliages employés. Ces examens et analyses ont permis de mieux identifier les matériaux constitutifs, et d’aboutir à une meilleure compréhension des techniques de fonte, d’assemblage et de décor de la statue4 (voir aussi base Héphaïstos ci-après).

5 Retrouvé avec une plinthe non décorée sur la face postérieure, qui indique qu’il ornait, dans un second temps au moins, une niche ou était disposé le long d’un mur et était destiné par conséquent au décor d’une villa, de bâtiments publics – thermes ou gymnase – ou d’un jardin, l’Apoxyomène de Croatie renvoie stylistiquement au IVe siècle av. J.-C. Mais plusieurs détails techniques – la soudure en plateforme entre la tête et le cou ou la forme polygonale et les dimensions de certaines pièces de réparure qui dissimulent les défauts de la fonte après la coulée – imposent de descendre sa date et de le considérer non comme la création même de l’artiste, mais comme une réplique

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antique, un multiple de l’œuvre originelle disparue. Par ailleurs, la nouvelle campagne d’analyses par ICP-AES conduite au C2RMF a permis d’éclairer d’un jour nouveau la composition élémentaire de la statue : les résultats montrent définitivement que l’Apoxyomène de Croatie a été fabriqué à partir d’un bronze à fort taux de plomb (6,7 ± 1,9 % d’étain, 18,0 ± 4,0 % de plomb)5. Or cette composition n’est pas compatible avec une datation au IVe siècle av. J.-C. Lors du séjour de la statue au C2RMF, une attention toute particulière a été portée aux techniques de fabrication de la bouche. La nouvelle radiographie du profil de la tête a permis de vérifier que les lèvres en cuivre rouge non allié ne sont pas massives, comme on l’aurait attendu de la statue si elle avait été du IVe siècle av. J.-C., tel l’Éphèbe d’Anticythère (Athènes, Musée archéologique national)6. Elles sont incrustées à froid, indice d’une production postérieure7. Après la coulée, deux sillons de 4 mm de profondeur et de hauteur ont été incisés dans le bronze, tout le long des lèvres supérieure et inférieure. Les inserts en cuivre ont été incrustés dans ces sillons, puis martelés de façon à appliquer une feuille de cuivre d’environ 1 mm d’épaisseur qui recouvre l’intégralité de la surface des lèvres.

6 L’absence de contexte empêche de savoir quand la statue a été transportée. On ne peut déterminer précisément non plus quelle était sa destination et quelle était sa provenance. Mais des analyses au 14C ont permis de dater certains épisodes subis par l’œuvre, parmi lesquels une ou deux phases de restauration entre la seconde moitié du Ier siècle et le IIe siècle de notre ère. L’une de ces restaurations a été confirmée par les nouvelles analyses du métal, puisqu’il s’avère que la face postérieure non décorée de la plinthe est de même composition que le reste de la statue, tandis que les côtés et la partie antérieure, qui portent un décor, sont d’un alliage et de spectre d’impuretés différents de tout le reste, ce qui suggère une intervention majeure sur l’Apoxyomène de Croatie à une époque postérieure à la fabrication de la statue, mais toutefois durant le cours de sa « vie » antique. Enfin, les vestiges retrouvés à l’intérieur de la statue et leurs analyses 14C indiquent une possible période d’abandon, durant laquelle un petit rongeur a pu amasser de la nourriture dans la jambe droite et faire son nid dans l’avant-bras gauche. L’analyse au 14C d’un noyau de pêche mordu par le rongeur a conduit à dater le moment où l’athlète de bronze devait être couché sur le sol entre 110 av. J.-C. et 70 apr. J.-C., avec une forte probabilité vers 20 av. J.-C., donc avant la fin du Ier siècle av. J.-C. Tous les résultats convergent donc vers une information de la plus grande importance : tous les bronzes connus à ce jour ne sont pas nécessairement les œuvres d’origine mais peuvent être des répliques antiques des prototypes disparus et par ailleurs, il existait bien des surmoulages de bronze dès l’époque hellénistique8.

La base de données Héphaïstos

7 Lors de la journée d’études de 2013, nous avions évoqué le principe d’une base de données conçue comme un outil d’étude des techniques de fabrication des grands bronzes antiques, destiné à être partagé par la communauté scientifique concernée. Fondée sur un partenariat entre le Louvre et le C2RMF, elle est en cours de construction. L’étude d’un bronze antique impose, nous l’avons vu avec l’Apoxyomène de Croatie, de comprendre d’abord comment il a été fabriqué. L’analyse technologique est plus importante sans doute que dans d’autres domaines de la création artistique antique. Les spécialistes des bronzes le savent : sans cette approche totalement indépendante des autres, les risques d’erreurs sont majeurs. La base de données

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Héphaïstos est donc née de ce constat selon lequel on ne peut, pour une œuvre de bronze, aborder les questions de style et de datation sans avoir également rassemblé tous les indices et toutes les données matérielles qui permettent de suivre son élaboration depuis le modèle originel conçu par l’artiste. C’est dans ce sens que travaillent désormais tous les spécialistes des grands bronzes antiques, engagés dans cette voie par les premières études d’Edilberto Formigli sur les deux guerriers de Riace9. Les publications d’œuvres en bronze se présentent souvent comme des monographies très complètes mais indépendantes les unes des autres. La base de données Héphaïstos est en conséquence fondée sur le dépouillement le plus large possible des ouvrages ou articles qui traitent des statues de bronze. Soulignons ici que les dimensions importent assez peu car de très petits bronzes peuvent présenter parfois les mêmes caractéristiques techniques que la grande statuaire. Un critère simple a été retenu pour la sélection des bronzes, à savoir l’emploi du procédé de fonte en creux : l’œuvre peut donc aussi bien être une statuette.

8 La base de données repose sur l’établissement d’un système descriptif précis. Son objectif est de permettre l’étude de la variation spatio-temporelle des techniques de fabrication des grands bronzes antiques. La fiche Héphaïstos de l’Apoxyomène de Croatie illustre ici la base de données (fig. 2). Les fiches d’œuvres rassemblent dans une première partie les informations d’ordre archéologique (contexte de découverte), iconographique et stylistique (attribution, atelier) et la datation tirée de ces données. La précision et la fiabilité de la datation de l’œuvre sont des questions primordiales dans le contexte de la base Héphaïstos, puisque la portée des informations technologiques révélées par l’étude d’une statue particulière en dépend entièrement. Pour éviter l’écueil d’un raisonnement circulaire, elle s’appuie au maximum sur les données externes, et non sur la technique10. Dans une deuxième partie, tous les indices technologiques relevés sur la statue sont précisément et systématiquement décrits : nombre de pièces coulées séparément, épaisseur moyenne des parois, type de procédé de fonte à la cire perdue, traces du travail de la cire et du noyau, nature du dispositif de maintien du noyau, procédés d’assemblage, décor, réparure. Dans une dernière partie, la composition élémentaire de l’alliage est indiquée, ainsi que la liste des examens et analyses effectués en laboratoire. Deux tables liées complètent chaque fiche. La première rassemble l’intégralité des analyses élémentaires (report des résultats multiples lorsque plusieurs analyses ont été effectuées sur une statue, et transcription des éléments chimiques en impuretés et pas uniquement la composition de l’alliage). La seconde table rassemble les notices bibliographiques ayant permis de constituer chaque fiche Héphaïstos. Enfin, une sélection d’illustrations (neuf au maximum) accompagne chaque œuvre (fig. 3).

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Fig. 2. Exemple d’une fiche d’œuvre extraite de la base de données Héphaïstos : l’Apoxyomène de Croatie

Fig. 3. Illustrations accompagnant la fiche Héphaïstos de l’Apoxyomène de Croatie

(a) radiographie X, vue de face ; (b) radiographie X, vue de profil ; (c) soudure en plateforme de la tête sur le torse, vue de profil, (d) détail de la plateforme préparée pour le soudage côté torse, tête démontée ; (e) composition élémentaire du métal, diagramme binaire étain-plomb ; (f) composition élémentaire du métal, teneurs cumulées des principales impuretés. (a) et (b) : © C2RMF/E. Lambert et J. Marsac ; (c) à (f) : © C2RMF/B. Mille.

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9 La fiabilité de la base relève de la relecture des fiches à la fois par des historiens d’art et des spécialistes des techniques de la grande statuaire. Les données peuvent ensuite être exploitées pour déterminer quelle a pu être l’évolution des techniques de fabrication de la grande statuaire de bronze dans l’espace et dans le temps, et offrir à terme la possibilité d’une datation technologique des bronzes11, ainsi que des éléments qui permettront de conforter l’hypothèse d’un lieu de production12 (fig. 4).

Fig. 4. Relevé de synthèse des observations technologiques effectuées sur l’Apollon de Piombino

Les techniques mises en évidence écartent définitivement l’hypothèse d’une datation des VIe ou Ve siècles au profit de la période hellénistique (notamment l’alliage à fort taux de plomb et le type de soudure de la tête). Par ailleurs, le travail en fonderie a conduit à la production d’une œuvre presque exempte de défauts. Cette maîtrise tout à fait exceptionnelle pourrait être en relation avec l’origine rhodienne de la statue. © C2RMF/B. Mille.

10 Dans son état actuel, la base de données Héphaïstos implique donc un important effort de validation par la communauté scientifique. Certaines exploitations sont néanmoins d’ores et déjà possibles. À ce stade, la base compte 775 entrées et la proportion des œuvres analysées est non négligeable : la table « analyses élémentaires du métal » compte ainsi près d’un millier de résultats. Au prix d’un tri drastique, il est possible de conserver 165 grandes statues correctement datées comme références de composition élémentaire, ce qui permet de décrire pour la première fois sur près de 1000 ans l’évolution de la composition élémentaire des alliages de la grande statuaire antique (fig. 5). On constate ainsi que la composition des alliages était très soigneusement contrôlée : on ne connaît aucun grand bronze antique constitué à partir d’un alliage cuivre-zinc (laiton), alors que cet alliage est d’un emploi extrêmement fréquent pour la petite statuaire d’époque romaine et gallo-romaine. Cette volonté d’éviter délibérément le zinc suggère une motivation d’ordre technique (problèmes pendant le

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soudage en présence de zinc ?). On observe aussi que la teneur en étain diminue avec le temps. Cependant, le phénomène est extrêmement lent, et la dispersion est très importante. La teneur en étain ne peut donc pas être utilisée pour discuter de la chronologie d’une seule et unique statue. Enfin, le plomb ne dépasse jamais 5 % massique avant l’avènement de la période hellénistique (IIIe s. av. J.-C.). Pendant les époques hellénistique et romaine, les bronzes à faible, moyenne ou haute teneurs en plomb ont en revanche été utilisés sans distinction. Si la composition des alliages peut donc contribuer à la discussion sur la datation, elle ne sera probablement jamais un argument suffisant. D’autres critères, davantage liés aux techniques de coulée ou d’assemblage, semblent déjà constituer des marqueurs technologiques plus discriminants.

Fig. 5. Évolution de la composition des alliages de la grande statuaire grecque et romaine

(a) critères de sélection utilisés pour isoler une série d’analyses de référence à partir de la base de données Héphaïstos. (b) Évolution des teneurs en zinc, étain et plomb d’après les analyses de bronzes grecs et romains durant la période 700 av. J.-C.- 500 ap. J.-C. © C2RMF/B. Mille.

11 La base Héphaïstos s’est également révélée être un outil de comparaison particulièrement performant. L’un des organisateurs a récemment eu l’opportunité d’étudier les techniques de fabrication de la grande statuaire de bronze des royaumes sabéens (Yémen actuel), qui se trouve être contemporaine de celle des grands bronzes grecs et romains13. En première approche, les deux méthodes de fabrication partagent nombre de principes communs, dont en particulier les deux techniques les plus fondamentales : le procédé indirect de fonte à la cire perdue pour couler les statues en pièces séparées, et le soudage par fusion au bronze liquide pour assembler ces pièces. Les caractéristiques des statues sabéennes se prêtent sans difficulté à un enregistrement dans la base Héphaïstos, et nous avons ainsi renseigné une cinquantaine

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d’œuvres conservées dans les collections des musées du Yémen. Cela a ensuite permis de confronter dans le détail les techniques grecques et romaines aux techniques sudarabiques (tableau 1). Il a ainsi été montré que si les statues sudarabiques partageaient les deux principes qui forment la base de la fabrication des grandes statues grecques et romaines, tout ou presque différenciait les deux méthodes dans le détail de la mise en œuvre de ces techniques. Cela suggère un héritage technologique commun très ancien (Proche-Orient, Égypte ?), puis une évolution distincte de cet artisanat très spécialisé dans les deux grandes aires culturelles en question.

Tableau 1. Comparaison des méthodes de fabrication sudarabique/gréco-romaine pour la grande statuaire antique en bronze. La comparaison se fait sur la base de statues coulées en pièces séparées (coulées primaires), ensuite assemblées par un procédé de soudage par fusion au bronze liquide, d’après Mille, 2012.

Monde sabéen Monde grec puis romain

Premières grandes statues de bronze : vers 600 av. J.- Premières grandes statues de bronze : vers C. 550 av. J.-C.

Procédé indirect de fonte en creux à la cire Procédé indirect de fonte en creux à la cire perdue perdue

Soudage par fusion au bronze liquide Soudage par fusion au bronze liquide

Fréquent habillage du modèle en cire par des détails Profusion de détails ajoutés par un travail sculptés sur positif tout au long de la période de de la cire sur positif à la période du style production sévère ; beaucoup moins fréquent ensuite

Les défauts de coulée sont rares Les défauts de coulée sont très fréquents

Bronze à fort taux de plomb pendant toute la période Bronze binaire, puis bronze à fort taux de de production (-600 à +300) plomb (après -300), usage non systématique

Parois métalliques assez épaisses (6 à Parois métalliques très fines (1-3 mm), depuis -600 12 mm), diminuent fortement après -300 (2 jusque +300 à 4 mm)

Noyau creux aussi souvent que possible, Noyau plein. Retiré au moins partiellement systématiquement laissé dans la statue pour le soudage, toujours enlevé après -300

Préparation du soudage complexe nécessitant de Simple ajustage mécanique des bords à réserver des espaces à l’étape cire (anneaux), puis de joindre (cordon linéaire), éventuellement mettre en place un noyau intermédiaire en plâtre, complété par la découpe de demi-ovales en juste avant le soudage vis-à-vis (cuvettes)

Diverses formes, dont soudure en cordons Soudures en forme d’anneaux (période archaïque), ponctués de cuvettes / soudure en puis en cordons linéaires plateforme pour la tête et les jambes à partir de la période hellénistique

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Composition élémentaire du métal d’apport pour le Composition élémentaire du métal d’apport soudage ≠ Composition élémentaire du métal des pour le soudage = Composition élémentaire coulées primaires du métal des coulées primaires

De l’importance des techniques de soudage

12 Dès l’établissement du programme commun de recherche entre le département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du Louvre et le C2RMF sur les techniques de la grande statuaire métallique antique, nous avons souligné que les techniques de soudage jouent un rôle essentiel dans la fabrication des grands bronzes grecs et romains14. Entre 2010 et 2013, une thèse de doctorat de l’université Paris VI a permis des avancées considérables dans la compréhension des paramètres thermiques et chimiques associées à ces complexes opérations d’assemblage15 ; la journée d’études a été l’occasion d’exposer l’état d’avancement de ces recherches.

13 Par ailleurs, toujours dans le cadre de ce programme, une collaboration a été nouée avec l’Institut de Soudure : ont ainsi été produites les premières cartographies des zones soudées d’une statue antique par le biais de techniques ultrasonores très innovantes16. Ces techniques, en particulier la possibilité d’aboutir à de véritables tomographies ultrasonores, sont porteuses d’un grand avenir dans le domaine de la science des matériaux du patrimoine ; elles ont également été présentées par l’Institut de Soudure lors de la journée d’études. Soulignons enfin que l’Institut de Soudure s’est beaucoup investi dans l’organisation de cette journée, notamment en la personne de Daniel Chauveau, directeur de l’innovation ; ces quelques lignes sont la marque de notre reconnaissance pour cet important soutien.

Des études complémentaires

14 Plusieurs dossiers inédits, sur des bronzes gallo-romains conservés au musée du Louvre, ont été ajoutés aux actes de la journée d’études. Ils illustrent d’autres directions de recherche empruntées par le C2RMF : l’étude de la fabrication des yeux de deux petits bustes d’Auguste et de Livie, exhumés à Neuilly-le-Réal en 1816, a mis en évidence l’existence d’une technique insoupçonnée jusqu’alors, qui associait production verrière de luxe et travail du bronze ; celle de l’Apollon de Lillebonne, découvert en 1823, a apporté des éléments nouveaux sur les techniques de dorure des statues d’époque impériale romaine et confirmé que l’effigie divine a connu, quelques décennies seulement après son érection, une phase de redorure partielle parce qu’elle se dressait en plein air.

15 Il a été demandé enfin aux spécialistes des surfaces métalliques patinées intentionnellement dans l’Antiquité de faire le point sur la question des « bronzes et cuivres noirs » ou « bronzes de Corinthe » plus de vingt ans après les premières études. Si l’on sait désormais que les patines noires à base de cuprite renferment toujours une faible quantité d’or et/ou d’argent ajoutée volontairement, comment explique-t-on aujourd’hui, à la lumière des progrès réalisés sur les nanoparticules, le phénomène physique étrange, découvert empiriquement par les Anciens, qui conduit l’œil à voir une patine de couleur noire, alors que la cuprite est rouge ?

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BIBLIOGRAPHIE

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NOTES

1. L’Apoxyomène a été exposé au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre, du 23 novembre 2012 au 23 février 2013. La journée d’études « Originaux, répliques et pastiches : techniques d’élaboration et datation des grands bronzes antiques » a été organisée par S. Descamps et B. Mille, avec le soutien du musée du Louvre, du C2RMF et de l’Institut de Soudure. Elle a eu lieu le 12 février 2013. 2. Nous souhaitons également exprimer notre gratitude à Anne Terral, qui a assuré auprès de Brigitte Bourgeois l’assistance éditoriale de ce numéro de la revue Technè. 3. Voir en dernier lieu Daehner, 2015, avec la bibliographie antérieure. 4. Karniš Vidovič, Mille, 2015 ; Karniš Vidovič, Mille à paraître. 5. Karniš Vidovič, Mille à paraître. 6. Voir dans ce volume, la fig. 6 de l’article de Bouyia, p. 29. 7. Mentionnons toutefois les lèvres plaquées de l’Apollon Chatsworth, vers 460-450 av. J.-C., une « anomalie » justifiée par l’attribution de l’œuvre à un artiste chypriote (Bouquillon et al., 2006, p. 255-256). 8. Voir aussi dans ce volume les articles de Mattusch et Plattner. 9. Formigli, 1984. Mentionnons par exemple, à la suite de cette publication fondatrice, celles de Mattusch, 1996 ; Hemingway, 2004 ; Bouquillon et al., 2006 ; Schalles, Pelz, 2011 ; Mille et al., 2012. 10. La date est donnée sous la forme d’un intervalle (par exemple pour l’Apoxyomène de Croatie, entre -100 et 0). Nous attribuons aussi un critère de fiabilité – haute (datation absolue de la fabrication ; inscription épigraphique, iconographie ou style permettant un ancrage chronologique sans aucune ambiguïté possible) ; moyenne (données ne permettant pas de dater très précisément l’œuvre) ; basse (œuvre dont la datation est très discutée et/ou particulièrement difficile). 11. Formigli, 2012. 12. Sur ces questions de datation technologique et de lieu de production, voir aussi notre étude de l’Apollon de Piombino, Mille et Descamps-Lequime, à paraître, et l’article de N. Badoud dans ce volume. 13. Mille, 2012. 14. Bouquillon et al., 2006, p. 243-250. 15. Azéma, 2013. 16. Azéma et al., 2012.

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AUTEURS

SOPHIE DESCAMPS-LEQUIME Conservateur général du patrimoine, musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (sophie.descamps[at]louvre.fr).

BENOÎT MILLE Ingénieur d’étude, C2RMF et Préhistoire et Technologie, UMR 7055, Nanterre (benoit.mille[at]culture.gouv.fr).

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I. Originaux, répliques et pastiches : techniques d’élaboration et datation des grands bronzes grecs et romains (Journée d’études Louvre-C2RMF de 2013)

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The Name of the Artist, the Fame of the Bronze and the Bane of Multiples Le nom de l’artiste, la renommée du bronze et le fléau des copies

Carol C. Mattusch

1 Modern scholars have long considered large-scale classical bronzes to have been unique productions, only one having been produced to a single design, even though there are many small-scale bronzes that all would agree were produced in multiples, simply because they are decorative elements for such objects as vessel-handles and furniture-attachments. The problem with large bronzes is that very few of them have been discovered, and they have always been different – until recently.

Lysippos

2 The discovery of the Croatian Apoxyomenos in 1999 (fig. 1) led scholars to consult Pliny the Elder’s Natural History, book 34, in which he associates famous bronze statues with major Greek artists. Pliny reports that Lysippos, a bronze artist whose family-members were bronzeworkers, made 1 500 works, most of which were apparently generic statues of athletes, but Pliny specifically cites portraits of Alexander the Great and statues and groups representing Alexander’s friends and colleagues, a portrait of Sokrates, a tipsy flute-girl, a colossal Zeus, several statues of Herakles – both colossal and miniature, an Eros, Kairos (Opportunity), a Poseidon, and a destringens or Apoxyomenos (Natural History 34.62-64).

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Fig. 1. Croatian Apoxyomenos

Bronze, H. 192 cm, Republic of Croatia, Ministry of Culture. © L. Gamulin (Croatian Conservation Institute).

3 Modern scholars have identified some famous Greek bronzes in surviving marbles that appear to fit Pliny’s descriptions, and of which there are often multiple examples, serving as an indication of their popularity. Usually, these marble sculptures are from Roman contexts. There are few surviving Greek or Roman bronze statues, owing to the value of bronze as a reusable material.

4 Pliny describes a typical bronze by Lysippos as having a small head, carefully modeled hair, and a slender body, which makes each statue look taller than it actually is. He also explains that these statues have symmetria, a Greek word for which no word exists in Latin, and whose meaning is debated by modern scholars. Furthermore, statues by Lysippos have a subtlety in the surface, particularly in the details, whereas, he goes on, other artists’ statues are more quadrata, by which he evidently means more squared or more balanced (Natural History 34.65). These features ought to help us identify works that Lysippos designed, but they do not, because scholars’ differing interpretations of this passage are difficult to reconcile.

5 By the latter part of the 1st century B.C., the famous bronze Apoxyomenos by Lysippos had been brought to Rome, and Pliny writes that Marcus Agrippa had it installed in front of his baths. But Tiberius (ruled 14-37 A.D.) was so infatuated with the statue that he had it moved to his palace and placed in his bedroom, substituting some other unnamed statue at the Baths of Agrippa. The people objected, demanding that the Apoxyomenos be returned to them, and Tiberius had to relinquish the statue (Natural History 34.62).

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6 Gisela Richter observed: “A reproduction of this statue has long been recognized in the Apoxyomenos in the Vatican, for it seemed to bear out in a striking way the characteristics of Lysippos summed up by Pliny… But we can obtain no real conception of the beauty of the original from this indifferent marble copy1.” The marble Vatican Apoxyomenos, arms outstretched horizontally, is so far the only one of its kind, which would be peculiar for a statue-type that was very well-known (fig. 2). If it is indeed the type that was introduced by Lysippos, about which the literary testimonia had so much to report, why are there no other copies of this statue?

Fig. 2. Vatican Apoxyomenos

Museo Pio Clementino, marble, H. 205 cm. © C. Mattusch.

Griffins

7 Nobody has ever denied that protomes were produced in multiples, since six or eight of them were normally attached to a single vessel. A careful look at how three huge seventh- century-B.C. Orientalizing griffins’ heads were made reveals that they were all produced in the same workshop, even though they are now housed in three different museums – Olympia, the National Archaeological Museum in Athens, and the Metropolitan Museum of Art in New York2. In fact, all were said to have come from Olympia, but on no specific grounds. Despite significant variation in their states of preservation, the three griffin-heads look similar, they are all about the same size (25 to 28 cm in height), and they were all originally attached to separate, probably hammered necks3. A close look proves that they were all made by the same process and worked over with the same tools.

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8 It is not the lost wax process as it is practiced today. The models for the griffins consisted of matching pre-sized sets of wax slabs (fig. 3a, b). One formed the lower mandible; another the upper mandible. Two more slabs of wax attached vertically to the sides of the mandible were shaped into the head and joined at the crown. Holes were cut for the eyes. The griffins’ tongues were made from wax strips, while squat knobs and slender upright ears were rolled and cut into shape. Two punches of different sizes were used to mark the scales on each wax griffin: a small one for the area below the eyes; and a larger one for the rest of the head. Each of the completed waxes was stabilized by the addition of a clay core, and then covered with a clay investment mold for casting.

Fig. 3a. Computer-generated drawing of the wax slabs used to cast 3 large griffin protomes

From Carol C. Mattusch, “A Trio of Griffins from Olympia”, Hesperia 59, 1990: 549-60, pl. 91d. © Drawing by Avrim Katzman.

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Fig. 3b. Head of griffin from Olympia

Olympia Museum, B 145 and B 4315, bronze, preserved H. 27.8 cm. © D-DAI-ATH-Olympia 4963/E.-M. Czakó.

9 Because each griffin was produced individually from a set of wax slabs, each bronze is a little different from the others. But there is no doubt that they were produced as a group in one workshop at Olympia. The tripod caldron to which they were attached was a major dedication of the second half of the 7th century B.C.: it stood between 4.6 and 5.6 meters in height, that is, between two and a half and more than three times the height of a man4. So far, there is no additional evidence for making multiples by using matching groups of wax slabs. Lacking no other protomes of this size, we must conclude that this was an experiment, and that the process was designed specifically to produce these remarkably large griffins for what was surely an unusual commission.

The Bane of Multiples: Riace

10 The production of multiples from one basic model became the norm during the 6th century B.C., to judge from statuettes that have come to light in duplicates5. When the two Riace Bronzes were found off the coast of Calabria in 1972, they gave rise to intense speculation about their identities and origins. Scholars most frequently asked which famous artists had made them, picking names and dates from Book 34 of Pliny the Elder’s Natural History. Was it Onatas, Myron, Phidias, the school of Phidias, Polykleitos, or a follower of Polykleitos, or were the two statues perhaps made by different artists? Another commonly asked question was whether they represented heroes, or generals, or hoplitodromoi. Dates assigned to the two statues ranged from 460 to 450, or from 450 to 440, or to sometime between 100 B.C. and the reign of Hadrian in the 2nd century A.D. Some scholars believed that Statue A was made before 460, others preferred the

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decade between 460 and 450; Statue B, some argued, was made after 450, and others placed its manufacture between 440 and 430 B.C. Arguments were made for their having come from Athens, Olympia, Delphi or a South Italian city. Could they have been seen by Pausanias? The arguments were stylistic, bolstered by what the encyclopedist Pliny had to say from his first-century-A.D. perspective about bronzes that he also viewed as ancient works6.

11 Non-specialists looking at the Riace Bronzes tend to respond differently to the statues than do art historians, often noticing their similarities instead of their differences. The observations of non-specialists are in accord with some of the objective evidence derived from technical studies that were conducted on the statues. The measurements of Riace A and B match very closely, and the two statues have virtually identical profiles, contours, gestures and poses, though the feet of Statue A are slightly farther apart than the feet of Statue B. As Edilberto Formigli first argued, the evidence shows that both statues were derived from molds taken from the same basic model. They were individualized in the wax working-models, at which time the feet were positioned, surface modeling was enhanced, and curls for the hair and beards were designed and added in wax7. Vinzenz Brinkmann’s illustrations demonstrating his recent hypotheses about the Riace Bronzes reveal how colors and accessories might have been used to create variations between these two statues that were cast from the same basic model8, but these are theories that provide no definitive answers to the questions.

12 The Riace Bronzes are what might best be described as two editions of the same model, different enough to represent two individuals, but close enough in size and pose that they could have been placed on a single base as part of the same monument, if that were required. They could have been produced by different artisans in different workshops, or not. This interpretation did not sit well with those scholars who believed that Greek bronzes were produced as individual works and were not repeated. And the modern construction of chronology on the basis of style is also on shaky ground when we consider that a style, once introduced, lasted for as long as it was popular with buyers. Surely different workshops offered models of the same images, as was the case with marbles.

Two bronze herms, and a marble one

13 A herm of a turbaned Dionysos from the early first-century-B.C. Mahdia shipwreck matches a bronze herm in the Getty Museum (fig. 4-5), which was at first dismissed as an ancient replica of the Mahdia herm but of lesser quality, or as a modern forgery9. Their measurements are the same. The Mahdia herm’s surface is degraded by years in the sea, whereas the features of the Getty herm are still sharply defined, but one can see that they were not as carefully finished. It is a thin and even-walled casting, because little or no work was done on the wax before casting. The Mahdia head is thicker in some places than in others, because it was carefully detailed in the wax. A wreath was entwined with a more elaborate turban, and long corkscrew side-locks were added in front and in back. One additional feature on the Mahdia herm is a barely visible dotted inscription on the right boss reading: “Boëthos of Kalchedon made it.” The Getty herm has no inscription, but its left boss is missing, which may or may not have been inscribed.

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Fig. 4. Herm of Dionysos

Bronze, Los Angeles, J. Paul Getty Museum acc. 79.AB.138, H. 103 cm (without base). © Courtesy J. Paul Getty Museum.

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Fig. 5. Herm of Dionysos from the Mahdia shipwreck, inscribed by Boëthos as maker, late 2nd century

ca. 70 B.C., bronze, H. 103 cm, Tunis, Bardo Museum, inv. F 107. © Photo courtesy Rheinischen Landesmuseum Bonn, by H. Lilienthal.

14 Each herm was cast from a wax working-model that consisted of a head attached to a shaft made of joined rectangular slabs. On the Getty herm, those slabs were stabilized by vertical rods, one on the interior of each side of the shaft. The rods, probably sticks, burned out during casting. The two herms have the same basic alloy, each one containing a little cobalt, an unusual trace element for them to share. It is the cobalt – not the major components (Getty herm: ca. 70% copper, 17% lead; 13% tin; Mahdia herm: ca. 71% copper, 18% lead, 10.3% tin) that makes it likely that the two herms were cast from a single batch of metal in the same workshop, perhaps even during the lifetime of Boethos in the 2nd century B.C. But why is one herm so much more carefully produced than the other? Perhaps Boethos signed the wax that he himself had worked on, leaving another wax for technicians to cast just as it came out of the master molds to a less discerning client.

15 Many versions of the turbaned Dionysos have turned up throughout the classical world; they have been dated from the 2nd century B.C. onwards. There are terracottas, marbles, gems and reliefs. But only one example very closely matches the two bronze herms: an unfinished marble herm found built into a first-century-A.D. wall at Aphrodisias, in Turkey (fig. 6). The resemblance is startling, and the appearance of this unfinished work in Aphrodisias, known for its production of marble sculptures, is proof of the dissemination of models from one workshop to another, or of an artist’s release of his specific design to workshops producing works in different media.

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Fig. 6. Unfinished herm of Dionysos from South City Wall at Aphrodisias

1st century A.D., white marble, H. 35 cm, Aphrodisias Museum M.S.1.yy. © Photo courtesy of Kenneth Lapatin.

Piombino Apollo and Pompeii Apollo

16 Scholars once thought that the bronze statue from Piombino was Archaic or shortly post-Archaic, but they could not agree (fig. 7). When they looked at the lead tablets inside, they read that it was made by two Rhodians (either in Rhodes or in Italy) between the late 2nd century and the early 1st century B.C. New investigations of the statue have since been undertaken; and careful study of the lead tablets has narrowed down a date for the Piombino Apollo to the last quarter of the 2nd century B.C10. In 1977, a similar statue was found in Pompeii in 1977. That one too stands in the stiff frontal position of a traditional Archaic Greek kouros, except that they found a tray that he held on his outstretched arms11. To look at the two statues, we see that the basic model is the same; the differences are in superficial details, such as in the rendering of the hair and of the diadems. These individualizing features were added to the wax working-models, and the two bronzes are two editions of the same basic original model, showing the Hellenistic and Roman attraction to an archaizing Greek type. The measurements are quite different as well, perhaps suggesting the use of drawings as models, and possibly also production in two different workshops12. One statue found its home in Pompeii, where it may have been produced, whereas the other was being sent to a different location when it was jettisoned or the cargo-ship went down.

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Fig. 7. Piombino Apollo, bronze, Paris, musée du Louvre, inv. Br. 2, H. 117 cm; Pompeii Apollo, bronze, Paris, musée du Louvre, inv. no. 22924, H. 128 cm

© Photo courtesy of Kenneth Lapatin.

Pseudo-Seneca

17 There are more than forty surviving examples of the portrait-head of a wizened old man with unkempt hair; all but one of them are carved in marble13. All were evidently produced during the Roman period and most if not all were attached to herm-posts. The only surviving bronze version comes from the Villa dei Papiri at Herculaneum (fig. 8)14, whose owners, like the Greeks, clearly preferred bronzes over the marbles, in contrast to the usual Roman preference for marble. At what point the head was acquired for that villa’s collection is unknown. The objects in the collection were oriented towards Greece: only three portraits of Romans can be identified among the 65 bronzes from the villa, and three Roman portrait-statues among the 22 marbles.

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Fig. 8. Head of Pseudo-Seneca

Bronze, H. 33 cm, Naples National Archaeological Museum, inv. no. 5616. © Digital image courtesy of the Getty’s Open Content Program.

18 None of the heads has the name inscribed, and we do not yet know which important individual is represented, despite this portrait’s widespread popularity among the Romans. Johann Joachim Winckelmann called the old man Seneca, the name that had been applied in the late 16th century when the first example was found. Since then, scholars have identified the portrait-type as Aesop, Hesiod, Euripides, Aristophanes, Eratosthenes of Cyrene, Piso, Lucretius, or Philemon. Given the lack of consensus, today the portrait is usually named simply the Pseudo-Seneca, one of the few Roman identities that have been applied to the head.

19 Six heads of this man whom we do not know were found around the Bay of Naples; the one from the Villa dei Papiri is the best-known of all the heads, if only because it is made of bronze. Its material, which is so rare today, has led more than one scholar to refer to it as the best example of its type or even as the original from which all the marbles were copied. The study of ancient bronzes is no longer a purely art historical endeavor, however, and technical features of the bronze head reveal a different story. This Pseudo-Seneca is a thin even casting, a simple indirect lost-wax reproduction of its wax model. It does, however, display a few signs of careless workmanship: the forehead between the two central locks of hair is at a higher level than the rest of the forehead; there is a crudely finished repair in the lower right side of the forehead; and a curl is not clearly distinguished from the helix of the left ear. These features show that the details were not corrected or finished in the wax before casting, but that the head was cast just as it came out of the molds. Thus it appears to be an example of a rapidly produced version of a popular type; but it happens to be the only surviving example that was cast in bronze. The term “original” does not apply.

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Praxiteles and the Sauroktonos

20 Two bronze statues and a number of marbles represent a very young Apollo leaning on a tree, about to strike a lizard with a rock. Clearly it was a widely known statue in antiquity, and no doubt it made an excellent garden ornament. There is a small bronze version in the Albani collection in Rome15, and a larger bronze version is now in Cleveland. The latter is a thin even casting, with little or no evidence that any details were added to individualize the work in the wax working-model before casting. There is no way to know whether the bronze in Cleveland was the first bronze made after the model designed by Praxiteles16, whose works are better known today through marbles. Once a statue or a type existed, it could be repeated whenever there were buyers, and the buyer was – and still is – the one to choose the medium, whether a model by Praxiteles or one by Auguste Rodin. It is to the artist’s advantage to secure more than one buyer for a bronze taken from a particular model, because the more bronzes that are cast at one time, in a single edition, the lower the cost of production. Copies of a single three-dimensional model could be much more alike in measurements and details than those derived from two-dimensional models, and might also signify closer control over the finished versions by the artist who produced the model. If there were no intentional changes from the model, a series could be mass-produced, resulting in lesser cost of production and greater income for both the foundry and the designer.

Lysippos and the Other Apoxyomenos

21 Neither G. Richter nor P. Moreno mentions that there is another type of Apoxyomenos besides the marble statue in the Vatican17. But a full-size bronze statue with a scraper had been found in the Harbor Baths Gymnasium at Ephesos in 189618 (see in this volume fig. 1 in G. Plattner’s article). Since a second bronze one was pulled from the sea off the coast of Croatia near the island of Losinj in 1999 (fig. 1), the notion of a “Greek bronze original” has lost most of its remaining adherents19. There are several marble sculptures of the same type, a basanite example, and a few heads without bodies, including a bronze head in the Kimbell Art Museum, Fort Worth, Texas20. These numbers indicate that the statue was a popular and well-known type.

22 With respect to their production, all three bronze heads, Vienna, Croatia and Kimbell, were joined to the neck at the same angle, beneath the jaw and across the nape of the neck. All three heads are inclined forwards; they all have the conventional puffy ears of athletes; and they all wear the same distinctively swirling tight curls, short and bristly around the face, with thicker ringlets on the crown of the head. Some of the strands of hair and projecting curls of the bronzes were hand-carved in the wax working-models, resulting in three slightly different editions of the same basic model.

23 The notion that any Greek bronze was an “original” drove the discussion of the Riace bronzes, the focus being on identifying the differences between them rather than on finding their many similarities. The discovery of the Croatian Apoxyomenos contributes much to the recognition that popular statues were reproduced in multiple castings and “editions”. This is how Lysippos was able to make so many statues, and this is how he advanced the art of sculpture (Pliny, Natural History 34.65). At the same time, it is unprecedented to have three bronze examples of the same bronze, in

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addition to marble versions of the same statue. We can conclude that they are all likely to represent the Apoxyomenos designed by Lysippos. And we can now begin to see that the production of multiples in bronze was a long-standing tradition in the ancient world. Consideration of the surviving multiples may lead to our beginning to understand when and whether two- or three-dimensional models were used in ancient foundries.

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Ridgway B. Sismondo, 2016, response to Barr-Sharrar in BMCR.brynmawr.edu/2016/2016-02-47.

NOTES

1. Vatican Museo Pio Clementino: Richter, 1970, p. 225-226. 2. Olympia, inv. B 145 and B 4315; Athens, National Archaeological Museum, inv. 7582; New York, Metropolitan Museum of Art, inv. 1972.118.54. 3. They are the largest of the griffins in U. Jantzen’s group of monumental griffins: U. Jantzen 1955, p. 65-66. 4. Mattusch, 1990. 5. See, for example, Kyrieleis, 1990. 6. For a summary of the arguments, see Mattusch, 1988, p. 200-208. 7. Formigli, 1985, Formigli, 2003, p. 65-70. 8. Brinkmann, 2016. 9. For discussion, see Mattusch, 2014, p. 135-139. For the analyses, I am grateful to Gerhard Eggert, Staatliche Akademie der Bildende Kunst Stuttgart (Mahdia herm: XRF, AAS, NAA), and to Jerry Podany, J. Paul Getty Museum (Getty herm: EMPA) 10. See Mattusch, 1996, 139-140. More recently Power and Pathos 2015, 288-293, especially Sophie Descamps-Lequime 288-290; Badoud, 2010, 137-138; Badoud, 2015; and Badoud in this volume ; Mille and Descamps-Lequime forthcoming. 11. See Pappalardo, 2015, 329-330, 338. 12. The differences in measurements range from 1 mm to 3.5 cm, with the Pompeii Apollo being consistently the larger of the two. Positions also vary slightly. I thank Jens M. Daehner and Kenneth Lapatin for taking the measurements for me. 13. See Mattusch and Lie, 2005, p. 249-253. 14. Naples, National Archaeological Museum, inv. no. 5616. 15. Rome, Villa Albani, H. without base 96 cm. Bol 1989, p. 188-191. 16. Cleveland Museum of Art inv. 2004.30. H 1.5 m. Compare Bennett, 2013. 17. Richter, 1970, 225-226; Moreno, 1987, p. 133-140; Moreno, 1995, p. 196-205. 18. Vienna, Kunsthistorisches Museum. H 1.91 m. Oberleitner, 1978, p. 103-104. Power and Pathos, 272-273. 19. For this question, Ridgway, 2015, Barr-Sharrar, 2016, and Ridgway, 2016.

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20. Kimbell Art Museum AP 2000.03. H. with base 51 cm; weight 16.6 kg. First recorded in the collection of Bernardo Nani (1712-1761), Venice. See https://www.kimbellart.org/collection- object/head-athlete-apoxyomenos. Power and Pathos 276-277-281.

ABSTRACTS

The production of decorative bronzes in multiples was a long-standing tradition in the classical world, for small-scale works such as protomes for caldrons in the 7th century B.C., statuettes from the 6th century onwards, and fulcra for couches made in the Hellenistic and Roman periods. With the discovery of the Croatian Apoxyomenos, reproductive processes for large-scale statues can now be documented as well.

La fabrication de bronzes décoratifs à plusieurs exemplaires était une tradition ancienne dans le monde antique, pour des œuvres de petit format comme les protomés de chaudrons au VIIe siècle avant J.-C., les statuettes à partir du VIe siècle, et les appuis de banquettes aux époques hellénistique et romaine. La découverte de l’Apoxyomène de Croatie permet maintenant d’attester le recours à des procédés de reproduction pour des statues de grandes dimensions également.

INDEX

Mots-clés: Apoxyomène, griffon, hermès, Lysippe, copies, Piombino, Praxitèle, Pseudo-Sénèque, bronzes de Riace, sauroctone Keywords: Apoxyomenos, griffin, herm, Lysippos, multiples, Piombino, Praxiteles, Pseudo- Seneca, Riace Bronzes, Sauroktonos

AUTHOR

CAROL C. MATTUSCH Mathy Professor emerita, George Mason University (Mattusch[at]gmu.edu).

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Termini ante quos: Bronze statuary from Late Hellenistic shipwrecks Termini ante quos : la statuaire en bronze provenant d’épaves de l’Hellénistique tardif

Polyxeni Bouyia

Polyxeni Bouyia (1959-2013)

Polyxeni Bouyia (1959-2013)

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Polyxeni Bouyia, disparue quelques mois seulement après la journée d’études sur la datation des grands bronzes antiques en février 2013, avait accepté notre invitation malgré son état de santé fragile. Nous lui en avions été infiniment reconnaissants. Outre la très belle synthèse qu’elle avait présentée sur l’importance des épaves de la fin de l’époque hellénistique pour la chronologie de la statuaire métallique, elle avait participé avec rigueur et précision aux débats suscités par les différentes interventions et nous avions pu apprécier alors l’étendue de ses connaissances.

Polyxeni Bouyia s’intéressait aux institutions antiques, à l’épigraphie, à la numismatique, à la céramique, à l’architecture et à la topographie, de la Grèce centrale principalement. Elle avait assuré, de 1994 à 2007, la responsabilité de plusieurs fouilles de sauvetage de cimetières et d’anciens habitats de la Phthiotide et d’Athènes, comme archéologue d’État au Service archéologique grec. Directeur adjoint de la quatorzième Éphorie des Antiquités préhistoriques et classiques des préfectures de Phthiotide et d’Eurytanie (1995-2001) puis numismate au Musée numismatique d’Athènes (2001-2003), elle était entrée ensuite comme archéologue à la troisième Éphorie des Antiquités préhistoriques et classiques d’Athènes (2003-2007). Depuis 2007, elle était chargée de la collection des bronzes antiques au Musée national archéologique d’Athènes. Elle fut, auprès de Nikolaos Kaltsas, l’un des commissaires de la remarquable exposition sur l’épave d’Anticythère (The Antikythera Shipwreck: The ship – The Treasures – The Mechanism (Athens, National Archaeological Museum, April 2012- April 2013), Athènes 2012).

Ses travaux scientifiques illustrent bien la multiplicité de ses centres d’intérêt. Il est impossible de tous les citer ici. Notre sélection est nécessairement arbitraire. On mentionnera sa thèse de doctorat sur les ponts antiques de Grèce et de la côte d’Asie Mineure, publiée en 1996, et la même année, un article sur les ponts de bateaux. En 1998, elle présentait une communication sur les sites fortifiés de la Locride orientale ; en 2000, sur la céramique du cimetière hellénistique d’Echinos ; en 2001, sur un trésor monétaire hellénistique de Stylis en Grèce centrale ; en 2004, sur la collection d’intailles et de camées de Konstantin Karapanos ; en 2005, sur le mobilier céramique de la nécropole hellénistique de Narthakion ; en 2006, sur les sanctuaires de la Mère des dieux-Cybèle dans les villas urbaines athéniennes de l’époque romaine tardive ou encore en 2012, sur les divinités et sanctuaires dans la vallée du Spercheios.

Polyxeni Bouyia était une collègue accessible, positive, toujours réactive. Sa disparition prématurée nous a profondément frappés et nous ne savions pas comment honorer sa mémoire dans le cadre de ces actes, doutant de retrouver l’article auquel aurait dû aboutir sa communication parisienne. Or le texte qu’elle nous destinait nous attendait. Il était même entièrement rédigé et nous ne remercierons jamais assez sa sœur, Irène Bougia, pour son accueil, sa disponibilité et sa ténacité. Elle a exploré pour nous, avec les indices que nous lui avions donnés, les différents fichiers de l’ordinateur de Polyxeni. Et nous avons été tellement heureux lorsqu’elle nous a annoncé que l’article existait bien. Notre gratitude va également à Kalliopi Kritikakou, pour sa relecture du texte, ainsi qu’à Giorgos Kavvadias, collègue de Polyxeni alors qu’elle occupait son dernier poste au Musée national archéologique d’Athènes et à Moncef Ben Moussa, conservateur en

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chef du Musée national du Bardo à Tunis. Tous deux nous ont permis d’illustrer son article avec plusieurs photographies des bronzes d’Anticythère et de Mahdia, une manière collective de lui rendre ainsi hommage.

1 Of the 62 shipwrecks dating to the period ca. 150-50 B.C., only five (see Table 1) contain a cargo of bronze statuary and/or accessories1. Acquired as spoils of war or through voluntary or forcible exchange and intended for members of the Roman and Gaulish elite, the bronzes offer an insight into the popularity and circulation of particular works of art. The dates of these exceptional shipwrecks, obtained through examination of all the finds, offer a terminus ante quem for the date of manufacture of their bronze cargo.

Table 1. Late Hellenistic shipwrecks with artworks

No SHIPWRECK EQUIPMENT CARGO DATE

Amphorae of Brindisi and Kos, parts ca. Styra 6 Wood, nails, lead rings, 1 of bronze statues, parts of iron 130-50 tableware, stone basin (Greece) couches, tableware B.C.

Kalymnos 100-50 2 Bronze statues, amphorae of Knidos (Greece) B.C.

Lead ingots, 4 lead parts from anchors, millstones, pottery, Marble columns, marble architectural Mahdia 100-75 3 amphorae, human bones parts, bronze and marble statuary, B.C. (Tunisia) (fragments of bilge pump, and bronze couches lead sheathing)

Mortar with grindstone, lamp La of tin, wooden discs from a Amphorae Dr. IB, 3 Lam. 2, ca. 4 Fourmigue C kind of 2 Dr. 1A, bronze couches, bronze pots, 80-60 (France) infrastructure, plates of lamp holder B.C. Campanian B ware, coarse pots

Statuary of bronze and marble, Wooden planks, nails, bronze couches, glassware, pots of sounding weights, Megarian silver, pots of tin, amphorae of Antikythera bowls, black glazed cups, 75-50 5 Rhodes, Kos, Ephesos, Lam. 2, pottery, lamps, wine jugs (fragments of B.C. (Greece) silver and bronze coins of Pergamon lead sheathing and water pipes and Ephesos, bronze coins of Sicily, of bilge pump) the Mechanism

2 These maritime accidents (naufragia) occurred at a time when the inability to meet demand on the part of aristocrats and businessmen for works of art from the spoils of the Roman war machine intensified the then unprecedented practice of trading in such objects. As a result, there was a boom in the production of copies, transformations that often interpreted the original in a very free spirit, and of creations inspired by older periods2. The fullest set of serially-produced bronzes was carried by a ship which sank

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off Mahdia3, on the coast of Tunisia. Its cargo is comparable to that of the Antikythera shipwreck4 and, to a lesser extent, with that of the smaller Fourmigue C shipwreck5 off Cannes, on the French coast. Both the Mahdia and Fourmigue C ships are thought to have begun their journey from the Piraeus6, whereas the Antikythera freighter is thought to have set out from somewhere in the central-eastern Aegean area, such as Delos, Pergamon or Ephesos7. Since the procedure involved in the production of both large and small-scale bronzes is essentially the same, practices and manufacturing techniques that are evident in the bronzes of the wrecks can provide useful chronological criteria for dating bronze replicas. Furthermore, their subjects illustrate prevailing aesthetic trends and might also offer some help in dating the objects in question.

3 The cases of the statuary from Artemision (foundered in ca. 80 B.C.), Kalymnos (2nd-3rd quarter of 1st century B.C.), les Saintes-Maries-de-la-Mer (sunken in ca. 100 B.C.), and the Croatian coast (Apoxyomenos, dropped in the sea most probably in the 1st century B.C.) are more difficult to assess, since no shipwreck has been traced or at least raised (as in the case of the Artemision shipwreck). The famous Zeus or Poseidon (5th century B.C.) and the boy jockey with his horse (2nd century B.C.) off the Cape Artemision were collected together with items typically found on board (a bronze Chian coin with a boy rider on the obverse and a thyrsus in an ivy wreath on the reverse, an allegedly commemorative issue for the horse victory of a prominent person on the island, a lamp, worn West Slope cups and fragmentary Sigillata ware of the 2nd-1st century B.C., amphorae, iron and bronze nails, millstones, a grindstone and a lead anchor)8. In the 1920’s, wood from the ship was detected in situ. At least, one ship carrying a bronze equestrian statue, possibly rendering a Macedonian ruler of Bactria with the typical headdress (kausia)9, and a Knidian amphora was wrecked off the island of Kalymnos in the 2nd-3rd quarter of the 1st century B.C.10 The parts of the statue had been cast separately, as the left foot was detached from the body at the joint. A trawling off les Saintes-Maries-de-la-Mer brought to light a Hellenistic bronze statuette of a Satyr (51 cm high), amphorae and possibly column drums11.

4 Shipwreck Styra 6 (ca. 130-50 B.C.) carrying Brindisi and Koan amphorae, bronze statues, iron benches and terracotta tableware has not been published yet12. The Fourmigue C ship, which sank between ca. 80-60 B.C., had stored in her hold Dressel 1A, B and Lamboglia amphorae, bronze couches, a candelabrum, a bronze situla and pottery13. The couches are similar to those found on the Mahdia shipwreck.

5 The latter ship probably sank off Mahdia in the first quarter of the 1st century B.C.14 It contained a typically mixed cargo: columns, capitals, bases, kraters, candelabra, reliefs and inscriptions, statues (two male torsos, fragment of a youth, seven heads and busts), eight statuettes (four or five of Satyrs, two of Artemis and one of a seated boy) mainly of marble and a series of bronzes: a herm of Dionysos and a statue of a youth, figurines, fittings for furniture and vessels, candelabra, lamps, a brazier, couches, vases.

6 The marble sculptures of both the Mahdia and Antikythera15 shipwrecks were fashioned from pieces of Parian marble, which is not easily extractable in large blocks, and were joined together by means of wooden tenons or metal dowels. The Mahdia marble statues and statuettes have been assigned to Attic workshop/s16.

7 Most of the bronzes of both shipwrecks were cast in sections. An Attic provenance, even one from a single workshop, has been assumed for the Mahdia bronzes too17. Andreas Linfert advanced the idea that a production unit, such as that of the family of

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the sculptor Boethos, who signed the bronze Dionysiac herm and was first active on Delos and, after its destruction, in Athens, may have provided bronzes – couches included – found in the shipwreck (i.e. originals, older pieces, and replicas)18.

8 The classicizing statuette of Hermes (fig. 1, inv. no F 208, height 32 cm, height of base 10 cm), which is in any case a not common specimen of the early-1st century B.C. for this particular deity, was mounted on a bronze base of the same century, while its torso is filled with lead from the left shoulder downwards in an unparalleled fashion19. Stylistic criteria suggest that this work is to be associated with Delos20. On that island, statuettes of Hermes, who was worshiped with Lares Compitales as shown in the Delian wall paintings, decorated rich Late Hellenistic mansions21.

Fig. 1. Statuette of Hermes

Mahdia shipwreck, Tunis, Musée national du Bardo, inv. no F 208. © Exhib. Bonn, 1994 : Das Wrack. Der antike Schiffsfund von Mahdia, pl. 13.

9 A dining room or garden of a Roman villa would have been the ideal setting for the three dancing dwarfs, whose classicizing shiny surface and sharp garment folds are typical of the 1st century B.C.22 These figures are similar in terms of their forms and proportions, despite their reversed stances23. One female dancer (fig. 2, inv. no F 213) is a mirror-image of the man (fig. 3, inv. no F 215) and the ivy-crowned girl (inv. no F 214). They were produced by means of a single basic model and its reverse. The extensive deviations from the original were possible thanks to the use of a large amount of wax in the master molds. On them, the individual features were carved. As Carol Mattusch has rightly noted, the weight of the figurines (3.59 and 4.18 kg), which is disproportionate to their size (30-32 cm), confirms this argument.

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Fig. 2. Dancing female dwarf

Tunis, Musée national du Bardo, inv. no F 213. © Exhib. Bonn, 1994 : Das Wrack. Der antike Schiffsfund von Mahdia, pl. 16.

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Fig. 3. Dancing dwarf

Tunis, Musée national du Bardo, inv. no F 215. © Exhib. Bonn, 1994 : Das Wrack. Der antike Schiffsfund von Mahdia, pl. 17.

10 The two lamp-bearers, a winged androgynous Eros (fig. 4, inv. no F 216) and a Hermaphrodite (fig. 5, inv. no F 109), made around 100 B.C., came from one original model, as is shown by their measurements (height 49 cm) and poses. Modeling of, and alterations to the arms holding the torches, the addition of wings to the Eros, and of neck locks to the Hermaphrodite were executed on the wax models24. These pieces represent the evolution, in refined form, of the lychnouchoi which were produced somewhere in the eastern Mediterranean, probably Delos, for a short period25. This pair of figurines is reminiscent of the Hellenistic trend to use pairs of figures in the embellishment of Hellenistic houses26.

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Fig. 4. Lamp-bearer: winged Eros

Tunis, Musée national du Bardo, inv. no F 216. © Exhib. Bonn, 1994 : Das Wrack. Der antike Schiffsfund von Mahdia, pl. 20.

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Fig. 5. Lamp-bearer: Hermaphrodite

Tunis, Musée national du Bardo, inv. no F 109. © Exhib. Bonn, 1994 : Das Wrack. Der antike Schiffsfund von Mahdia, pl. 21.

11 The lamp-bearers, the figurines of a kithara-playing Eros, and of a hurrying Satyr have been regarded by scholars as appropriate to the triclinium of a villa27, since their grouping would have given artistic form to the idea of the presence of servants charged with seeing to lighting, music and the serving of food in this room. This room would also provide the perfect setting for the figurine of a standing actor (inv. no F 220) and of a seated actor (inv. no F 225) from the second half of the 2nd century B.C.

12 The pendant kithara-playing Eros (inv. no F 210, height 42 cm) shows stylistic and typological parallels with terracotta figurines of the 2nd century B.C. but differs technically and stylistically from the other bronzes of the shipwreck28. The large hurrying Satyr (inv. no F 209, height 35 cm), a work of the second half of the 2nd or the early-1st century B.C., very probably held a drinking cup29 which may have functioned as container for fruit or delicacies30. The two small Satyrs (inv. nos F 221 and F 222, height 20 cm) are in fact appendages of a candelabrum decorated with acanthus branches, a composition archaeologically unparalleled for the time31. Literary reference to them is found in Pliny, Historia Naturalis, 34.14: “lychnuchi pensiles in delubris aut arborum mala ferentium modo lucentes.” Despite the corrosion and certain variations between the two regarding their arm – one is playing the flute and the other is dancing –, the pair of Satyrs also seems to derive from a common original model. The standing comedian may have carried a platter with refined foodstuff, while the seated one may have served as a finial of a candelabrum, lamp or small table32.

13 Serial production, with variations executed on the waxes, is the main feature of the little bronzes and other equipment from the Mahdia shipwreck. The bronze appliqués – two masks of Old Father from New Comedy, originally decorative attachments located

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under the handles of a situla; three plaques with griffins and a krater fixed with nails to some piece of furniture; eight lion-griffins and four female panthers leaping in two different directions, respectively from a table and a bronze vessel; three Pan’s heads from the lip of a vessel; two mirror-reversed reclining hounds appropriate for a chariot or wagon decoration, and two swimming ducks fastened on thongs, ropes or fillet – were mass-produced from the same ur-mold33. The couches with cast busts at their ends34 with a repertory from the world of Artemis, the candelabra 35 and the bronze lamps36, and the brazier on rollers with the Satyr mask37 were likewise serially produced.

14 This manufacturing practice, i.e. the lost wax casting, appears for the first time in the Geometric period, but its technology relying on master-molds (indirect method) was refined, to reach a peak from the 2nd century B.C. onwards, in order to cater to the growing demands of Roman and other western aristocrats and businessmen38. The members of this milieu, steeped in the culture and refinement of the Greek world, strove to outdo each other in the opulence of the reception rooms of their houses. The abundance of imagery from the iconographic cycles of Dionysos and Aphrodite and the exotic or grotesque subjects in the statuary, furniture and vessels of the Mahdia shipwreck reveal that these works were destined for domestic leisure space.

15 If indeed the Getty herm, which is almost the twin of the Dionysiac herm from the shipwreck, signed by Boethos, is ancient, the Mahdia herm is then not unique39. Its shaft was formed employing the direct method, while the genitals and the arm bosses were modeled on wax sheets attached to the shaft. Use of the indirect method has been detected in the shaping of the head, where vent channels and lead segregation prove that the figure was cast upside down40. The technique of pounding patches of bronze in spots with casting flaws by applying an intermediate lead strip to the cavity was first noticed in the Mahdia herm41. The surprisingly similar composition of the alloys of both herms42 may offer another means for identifying workshops and putting together a chronology, as has been attempted in other cases. A data bank of alloys for replicas would prove to be very helpful.

16 The lessons learned from the study of the Mahdia finds is very instructive, when one turns to the Antikythera shipwreck (fig. 6), which is dated to the second quarter of the 1st century B.C.43 The goods transported by this vessel, albeit not yet recovered in their entirety, are more heterogeneous than those found in the Mahdia wreck44. We have original bronze statues such as those of the “Antikythera Youth” and the “Philosopher”, along with fragmentary limbs from other statues and attributes, 5 classicizing bronze statuettes, 36 statues of Parian marble, both larger and smaller than life-size, depicting gods, heroes and mortals, 3 bronze couches, pots of copper, silver, lead and tin, gold jewelry, 20 glass vessels, 29 amphorae from Rhodes, Kos and Ephesos, 47 lagynoi, fine red slipped tableware, 10 clay lamps, 36 cistophoric tetradrachms issued in Ephesos and Pergamon and 48 bronze coins, as well as the legendary Antikythera Mechanism itself. This collection, along with the fact that most of the statuary has been detached from where it originally stood and that the Mechanism is unique, suggests an act of pillage, rather than a commercial transaction, despite earlier suggestions that the presence of the marble statues would be consonant with mercantile activity (commission to a sculpture workshop or art dealer)45. Furthermore, the different profile, in terms of artistic evolution of the Antikythera statuary, when compared with the Mahdia finds, should be emphasized. In the Mahdia finds, the

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language of sculpture is in conformity with the Late Hellenistic idiom, whereas in the case of the Antikythera wreck, the Late Hellenistic style accentuates Classical forms of expression46.

Fig. 6. The “Philosopher of Antikythera” and the “Antikythera Youth”

A view of the Antikythera shipwreck’s exhibition at the National Archaeological Museum, Athens. © Hellenic Ministry of Culture and Sports/Archaeological Receipts Fund/Eirene Miari.

17 The marble statues from the Antikythera wreck are copies or variations of famous works of art from Classical antiquity, classicizing creations, works recalling productions of the Early and Middle Hellenistic periods, and originals of the Late Hellenistic period47. The high polish applied to the torso of the Antikythera young wrestler (inv. no 2773) is a typical feature from the Late Hellenistic period onwards48. The Antikythera Homeric heroes are novel creations of the 1st century B.C.49

18 The earliest of the bronze objects from the Antikythera shipwreck – the Youth (inv. no X 13396) – dates to the middle of the 4th century B.C. while the latest ones were created around 100 B.C.50 (fig. 10-11). To the cast bronze statue of the Philosopher (fig. 7) are assigned a head, hands and sandaled feet, and fragments of a himation. The statue is dated to ca. 230 B.C., or shortly after, and perhaps depicts the philosopher Bion the Borysthenite from Olbia51. The presence of fragments of arms from other similarly-sized bronze statues in gestures comparable to that of the Philosopher, and pieces of legs wearing identical leather sandals lead to the conclusion that they belonged to a group consisting of at least four honorary statues of philosophers, orators of state officials set in a public place (fig. 8-9)52. Variations are obvious in the rendering of the details, thanks to the freedom of the sculptor who enjoyed to make changes on the wax model. This technical procedure, necessary to differentiate the depicted personalities, cannot obscure the various contributions by the different artists involved. The thin walls of the Philosopher statue and of a hand from the same composition, which served to reduce weight and production costs, mark a technological advance and reveal the technique of a foundry with great confidence and skill53.

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Fig. 7. Head, hands, sandaled feet and fragments of the himation of the bronze statue of a Philosopher

Antikythera shipwreck, Athens, National Archaeological Museum, inv. nos X 13400, X 15105, X 15108, X 15091, X 15090, X 18932, X 15088. © Hellenic Ministry of Culture and Sports/Archaeological Receipts Fund/Eirene Miari.

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Fig. 8. Right sandaled foot of a bronze male statue, Antikythera shipwreck

Athens, National Archaeological Museum, inv. no X 15092. © Hellenic Ministry of Culture and Sports/Archaeological Receipts Fund/Kostas Xenikakis.

Fig. 9. Right arm of a bronze male statue, Antikythera shipwreck

Athens, National Archaeological Museum, inv. no X 15107. © Hellenic Ministry of Culture and Sports/Archaeological Receipts Fund/Kostas Xenikakis.

19 The five male statuettes between 24 and 50 cm in height from the Antikythera shipwreck show the use of separately cast limbs. They are assigned to the late 2nd century B.C.54 Four of them had inlaid irises in the eyes, and nipples on the chest. If the male statuette, with a chlamys over the left torso and arm, which echoes Polykleitan contraposto renders Hermes (fig. 10, inv. no X 13398), then the predilection for this specific divinity on behalf of the businessmen is apparent and understandable. Hermes (and herms), of course, was also dominant among the traditional household deities in

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the Hellenistic period55. It is noteworthy that the statuette of one of the youths (fig. 11, inv. no X 18957) rotated on a cylindrical base. The key to wind up the mechanism, which was set in a hole of the base, transferred movement by means of a dowel to the rotation mechanism. This fact is revealing of a new approach to art, which, stripped of its religious and votive connotations, is now envisaged as merely an object of admiration56. Thus this collection of five youths, for the most part athletes, were highly desirable, as finds from excavated Roman villas show, not so much for the ideals they incorporated, but rather for their contribution to the growing luxury of their owners57.

Fig. 10. Statuette of Hermes (?), Antikythera shipwreck

Athens, National Archaeological Museum, inv. no X 13398. © Hellenic Ministry of Culture and Sports/Archaeological Receipts Fund/Kostas Xenikakis.

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Fig. 11. Statuette of a youth, Antikythera shipwreck

Athens, National Archaeological Museum, inv. no X 18957. © Hellenic Ministry of Culture and Sports/Archaeological Receipts Fund/Kostas Xenikakis.

20 The eight copies of the Apoxyomenos so far known confirm the love for athletes’ statues and furnish ample and solid evidence for the practice of copying large scale statues, in both marble and basalt and in bronze. The Ephesos statue now in Vienna and the Athlete of Croatia are almost identical in their dimensions, posture and details58. The head at the Fort Worth Kimbell Art Museum displays close similarities to those of the two entirely restored statues. They are thought to derive from an original of around the middle of 4th century B.C. or a little earlier influenced by the post- Polykleitan school59, although their hairstyle can be found in later periods.

21 The Apoxyomenos, now in Vienna, had been placed in the gymnasium of Ephesos at the end of the 1st or early 2nd century A.D.60 Like its counterpart from Croatia61, it is made of several parts and its lips and nipples are executed in copper sheet. This practice, attested as early as the 5th century B.C., flourishes until the Early Imperial period62. The head is attached to the neck in the same way in both the Croatian youth and the head at Fort Worth, in a fashion characteristic of the 1st century B.C. and the Early Imperial period63. Both bronze statues of Apoxyomenos from Ephesos and Croatia have a close thickness of walls: 3-8 mm and 5-7 mm, respectively. There is a small proportion of lead in the alloy of the Croatian bronze64. This fact, together with the careful corrections of casting defects, the accurate soldering of the hips, and the bronze plinth of the base may indicate a product of Greek technology, in the view of N. Cambi65. V. Saladino, on the other hand, suggested that the large patches of irregular shape with convex surfaces give an indication of the date, but he thinks that the composition of the alloy is not a secure dating clue66.

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22 The Apoxyomenos of Croatia, a Hellenistic copy of the 2nd or 1st century B.C.67, was recovered from the sea off the island Lošinj. It was probably rejected in order to lighten and save the ship, which was sailing north to cities, such as Aquileia, Ravenna or Pula, or to a villa, such as that in the Verige Bay68. Only an arm of an anchor and amphora fragments were found in its vicinity. Uncertainties regarding its date might be clarified, at least at the lower limit, by a terminus ante quem that a shipwreck could furnish.

23 The merit of shipwreck contexts in offering information regarding the production date, and circulation of bronze statuary is not to be disregarded. As stressed above, various practices observed in the Late Hellenistic wrecks with art works may advance the discussion on replicas and their dating: • Lack or scarcity of original large scale bronzes among the luxury goods is a fact. • Replicas of large scale statues are made not only in stone but also in bronze. • The small bronzes are serially produced by means of the indirect lost wax technique. • Bronze bases could be used for both large and small scale statuary. • Statuettes decorating utensils in new ways or provided with rotating mechanism are a novelty. • Statues or busts of Athena and philosophers, sculpture inspired from the world of Dionysos and Aphrodite, as well as herms were coveted for libraries, gardens, reception rooms, and exercise areas, respectively. • Techniques for casting, welding, soldering, repair of flaws, workmanship, and, eventually, alloys, are sometimes very indicative in this field of inquiry, if combined with other parameters.

24 Thus, the sunken cargoes of the 1st century B.C., in particular, are extremely enlightening, for they reflect more vividly the current trends in art creation and its trade.

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NOTES

1. For the relevant entries, see Parker, 1992, passim and Gelsdorf, 1994, p. 761-766. 2. Saladino, 1998, p. 4. 3. Hellenkemper Salies, 1994, p. 17-18. 4. Exp. Athènes, 2012. 5. Baudoin, Liou, Long, 1994. 6. Baudoin, Liou, Long, 1994, p. 105. 7. Bouyia, 2012a, p. 38; Bouyia, 2012b, p. 290. 8. Wünsche, 1979, p. 77-111; Gelsdorf, 1994, p. 765, n° 41; Touratsoglou, 2011, p. 370-372. 9. Touratsoglou, 2011, p. 376, n. 14. 10. Koutsouflakis, 2007, p. 42-56. 11. Tchernia, 1969, p. 492; Parker, 1992, p. 377 n° 1012; Valaison, 1970, p. 179-185. 12. Information provided by the Ephorate of Underwater Antiquities. 13. Baudoin, Liou, Long, 1994, p. 31. 14. Baudoin, Liou, Long, 1994, p. 105. 15. Vlachogianni, 2012b, p. 40-41. 16. Hellenkemper Salies, 1994, p. 24. 17. Höckmann, 1994, p. 473. 18. Linfert, 1994, p. 835, 843. 19. Bronze objects from the Mahdia shipwreck are kept in the musée national du Bardo, Tunis (Tunisia). Höckmann, 1994, p. 469-472. 20. Höckmann, 1994, p. 473. 21. Höckmann, 1994, p. 475. 22. Pfisterer-Haas, 1994, p. 489-491. 23. Mattusch, 1994, p. 795-796. 24. Hiller, 1994, p. 515, 519; Mattusch, 1994, p. 795. 25. Hiller, 1994, p. 525.

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26. Hiller, 1994, p. 522. 27. Hiller, 1994, p. 527. 28. Böhm, 1994, p. 506-508. 29. Klages, 1994, p. 532-533. . 30. Hiller, 1994, p. 527; Bauchhenß-Thüriedl, 1994, p. 542. 31. Klages, 1994, p. 537; Naumann-Steckner, with T. Raeder and F. Willer, 1994, p. 631. 32. Bauchhenß-Thüriedl, 1994, p. 542, 546. 33. Barr-Sharrar, 1994a, p. 559-572. 34. Faust, 1994, p. 573-606. For fulcra with a protome of Artemis in the medallion, see Fuchs, 1963, p. 33 no 40; for those decorated with themes from the Aphrodite cycle, see Lilibaki-Akamati, 1979, p. 142. 35. Baratte, 1994, p. 607-628. 36. Barr-Sharrar, 1994b, p. 639-655. 37. Barr-Sharrar, 1994c, p. 657-661. 38. Mattusch, 1994, p. 798. 39. Mattusch, 1994, p. 796-797; and in this volume. 40. Willer, 1994, p. 959-963, 965 fig. 10, and colored table 33. 41. Willer, 1994, p. 968. 42. Mattusch, 1994, p. 796. 43. Exp. Athènes, 2012. 44. Bouyia, 2012c, p. 29-31. 45. Vlachogianni, 2012a, p. 70. 46. Hellenkemper Salies, 1994, p. 19; Himmelmann, 1994, p. 851-855. 47. Marble statues from the Antikythera shipwreck are kept in the National Archaeological Museum, Athens. Vlachogianni, 2012a, p. 72. 48. Vlachogianni, 2012b, p. 43. 49. Vlachogianni, 2012a, p. 68-70. 50. Bronze objects from the Antikythera shipwreck are kept in the National Archaeological Museum, Athens. Bouyia, 2012d, p. 48. 51. Vlachogianni, 2012a, p. 82-86, no 24 (inv. n os X 13400, X 15105, X 15108, X 15091, X 15090, X 18932, X 15088). 52. Vlachogianni, 2012a, p. 62-63, 86-88, nos 25-29, p. 90-91, nos 31-33. 53. Mattusch, 1996, p. 94, 169. 54. Vlachogianni, 2012a, p. 93-97, nos 38-42 (inv. nos X 13397, X 13398, X 13399, X 18957, X 18958). 55. Sharpe, 2006, p. 68. 56. Sharpe, 2006, p. 72. 57. Sharpe, 2006, p. 176. 58. Cambi, 2006, p. 24. 59. Michellucci, 2006, p. 19; Cambi 2006, p. 26-27; Saladino 2006, p. 40-41. 60. Vienna, Kunsthistorisches Museum/Ephesos Museum, inv. no VI 3168. Saladino, 2006, p. 35; Plattner, in this volume. 61. The Apoxyomen Museum, Mali Lošinj, Croatia. Saladino, 2006, p. 43. 62. Saladino, 2006, p. 47. 63. Saladino, 2006, p. 46-47. 64. Saladino, 2006, p. 42. 65. Cambi, 2006, p. 28. 66. Saladino, 2006, p. 46-47. 67. Cambi, 2006, p. 29. 68. Karniš et al., 2006, p. 74.

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ABSTRACTS

Five shipwrecks dated to ca. 150-50 B.C. comprised – among other commodities – bronze statuary. In a few other cases, fragmentary statues have been found out of context, as a result of pillage or, less often, of mercantile transactions. Bronzes were very popular to Roman and other western aristocrats and businessmen, since they were considered to be ideal for the ostentatious decoration of country and seaside villas. The bronze cargoes attest to the popularity and circulation of these particular works of art. The dates of these exceptional shipwrecks, obtained through examination of all the finds, offer a terminus ante quem for the date of manufacture of the bronzes they contained. Since the procedure involved in the production of both large and small- scale bronzes is essentially the same, practices and manufacturing techniques that are evident in the bronzes of the wrecks can provide useful chronological criteria for dating bronze replicas.

Cinq épaves datant de la période 150-50 avant J.-C. comportaient, parmi d’autres biens, de la statuaire en bronze. Dans quelques autres cas, des fragments de statues ayant fait l’objet de pillages ou, plus rarement, de transactions commerciales ont été trouvés hors contexte. Les bronzes étaient très en vogue auprès de l’élite aristocratique et des entrepreneurs de Rome et des contrées occidentales car ils étaient considérés comme l’idéal des fastes de la décoration des villas de campagne et de bord de mer. Les cargaisons de bronze témoignent de la faveur et de la circulation de ces œuvres d’art. La datation de ces épaves exceptionnelles, fondée sur l’examen de l’ensemble des trouvailles que le bateau transportait, offre un terminus ante quem pour la date de fabrication des bronzes qu’elles renferment. Étant donné que la production des bronzes de grand et de petit format repose essentiellement sur les mêmes procédés, l’étude des pratiques et des techniques de fabrication des bronzes provenant d’épaves peut donc fournir d’utiles critères chronologiques pour la datation des répliques de bronze.

INDEX

Mots-clés: épaves, Hellénistique tardif, statuaire en bronze, production de bronzes en série, techniques de fabrication, datation des répliques de bronze Keywords: Late Hellenistic shipwrecks, bronze statuary, serially-produced bronzes, manufacturing techniques, dating of ancient bronze replicas

AUTHOR

POLYXENI BOUYIA † Department of Bronzes Collection, National Archaeological Museum, Athens.

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The Bronze Athlete from Ephesos: Archaeological Background and Aspects of Conservation L’athlète en bronze d’Éphèse, contexte archéologique et éléments de restauration

Georg A. Plattner

Austrian Excavations in Ephesos

1 In the first years of the Austrian excavations in Ephesos, starting in 1895, the focus of the work was set on major public buildings as the Grand Theatre and the so called Harbour Baths, a spacious bath-gymnasium-complex from the late 1st century A.D. (fig. 2-3)1. Already in the second year, in 1896, the Austrian mission unearthed the palaestra of these baths, discovering a splendid marble hall with several sculptures and minor elements of architectural decoration2. Right in front of this marble hall in the south-west corner of the palaestra, 234 fragments of a life-size bronze sculpture were brought to light, a masterpiece of ancient art known since then as the Athlete or the “Schaber” from Ephesos (fig. 1)3.

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Fig. 1. Ephesian Athlete

Bronze, H. 192 cm, second half of 1st cent. A.D., Kunsthistorisches Museum Vienna, Collection of Greek and Roman Antiquities, inv. no. VI 3168. © Kunsthistorisches Museum Vienna.

Fig. 2. Ephesos, Harbour Baths around 1900, seen from north-east, in the background the Great Theatre

© Austrian Archaeological Institute.

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Fig. 3. Ephesos, overview plan, marked in red: find spot of the statue in the Harbour Baths

© Austrian Archaeological Institute.

2 Due to an Irade, an edict of Sultan Abdul Hamid II, some of the excavated finds could be chosen by the Austrian ambassador, Freiherr von Calice; these were sent to Vienna as a gift of the Sultan to the Austrian Emperor Franz Joseph I4. The Austrian Lloyd company brought the sculptures, architectural elements and small finds to Vienna in six transports until 1906. From 1907 onwards, a new law concerning the legal framework of preservation of antiquities, promoted by Osman Hamdi Bey, founder of the Istanbul Archaeological Museum, prohibited to take any archaeological heritage abroad. Today, most of the finds from Ephesos brought to Vienna are on display in the Ephesos Museum, which opened in 1978 in the former imperial palace of the Habsburg house in Vienna5.

The bronze athlete and its early conservation

3 As early as 1897, the fragments of the bronze athlete came to Vienna (fig. 4)6. The sculptor Wilhelm Sturm Jr. was commissioned to reconstruct the heavily damaged statue which he did in the first half of the year 1897. Later on, in 1901, he was appointed as conservator of the Antiquities Collection. Some passages of his report are cited in Benndorf’s publication7, mentioning that several fragments had to undergo a serious treatment of heating and annealing, cleaning the surface with dilute hydrochloric acid and reshaping. The single fragments were arranged in groups and fixed to brass strings with screws; an invoice from Sturm kept in the Museum’s archive mentions no less than 1 800 brass screws used in the conservation project! The single groups were mounted onto a “skeleton” consisting of three square iron bars (fig. 5). To

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close the gaps in the surface caused by missing fragments and to stabilize the entire construction, Sturm decided to fill the hollow statue with a special cement up to the level of the neck8. The visible surface of the cement was then modelled and painted, and the original bronze surface treated with wax and partly, presumably, given an artificial patina.

Fig. 4. The Athlete from Ephesos, head and shoulders before restoration

© Austrian Archaeological Institute.

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Fig. 5. Restoration of the statue by Wilhelm Sturm, 1897-1898

© Kunsthistorisches Museum Vienna.

4 Once restored, the statue went immediately on display in the first exhibition of “Fundstücke aus Ephesos” in the Theseus Temple in Vienna9. This temple is a reduced copy of the “Theseion” (Hephaistieion) in Athens, built by Pietro di Nobile in Vienna, in the years 1819-1823, to house the famous sculpture Theseus fighting the Minotaur from Antonio Canova. After transferring this sculpture to the main staircase of the Kunsthistorisches Museum in the 1880ies, the temporary exhibition of the first finds from the new excavation abroad was on display in this temple and was received with high interest (fig. 6).

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Fig. 6. Exhibition of finds from Ephesos in the “Theseus Tempel” in Vienna, 1901

© Kunsthistorisches Museum Vienna.

5 Very soon, it became clear that the humid environment in the temple, also caused by the spacious substructures, did severe harm to the bronze sculpture, which was removed only 10 years later. The composition of the cement probably accounted also for the problem as it contained a certain amount of hygroscopic chlorides.

6 The restoration technique and the approach to solve this complex three-dimensional puzzle gained international attention, as never before a task like this could be solved in a similar way. An official invitation from Athens reached Vienna, and Sturm went to Greece in 1901 to provide an expertise for the restoration of the Antikythera- sculptures10. However, as neither he wanted to stay for 6 months in Greece nor the sculptures could be taken abroad, he finally rejected the offer to work on this restoration in Athens.

The athlete type Ephesos-Florence

7 When reconstructing the Ephesian sculpture in 1897, one of the major tasks was to understand the statuary type and to find the position of every single fragment found in the excavation. Again, it must have been Otto Benndorf who provided the crucial knowledge, recognizing in the well-preserved, mostly undamaged head of the statue and its position on the quite well preserved shoulder/back-zone, a statuary type already known through a famous specimen kept at the Uffizi in Florence11. Today, this athlete is on display in the Galleria degli Uffizi with modern arms added, holding a jug in his hands. A plaster cast of this sculpture was commissioned and Wilhelm Sturm used it as a model for reshaping the Ephesian Athlete12.

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8 Nevertheless, it was not possible to determine the precise arm and leg position as well as the position of every single fragment of the upper part of the body due to the size and deformation of the fragments or even their loss. In the end, some 10 fragments only could not be given a precise location.

9 The original composition of both the Ephesian and Florentine statues was early understood as that of an athlete; that became particularly clear because of the short hair, slicked to the forehead, appearing wet from sweating. The statuary type was understood as a work of the (late) classical period and was connected to the Apoxyomenai, the scrapers, named in ancient literature as a work of Polycleitus and his successors (see below). The concentrated gaze at the hands seemed to favour this interpretation, so the Ephesian Athlete was reconstructed cleaning his left arm or, more precisely, the back of his left hand with a stlengis, a scraper13.

10 Almost at the same time, around 1900, a smaller-than-life-size sculpture found in 1896 in Frascati came to the Museum of Fine Arts in Boston14. The statue followed the same type as the athletes from Ephesos and Florence. The importance of this new find was that the hands were preserved. It became clear that the athlete was not scraping the back of his hand but rather cleaning the stlengis itself by using the thumb of his left hand15. Benndorf mentions this statue already in his publication of the Ephesian Athlete in 190616. However, it was too late to incorporate these details in the restoration of the bronze statue from Ephesos. So the right arm remained mounted in a quite disturbing and – finally – wrong angle to the body (fig. 7).

Fig. 7. Right shoulder of the Viennese athlete before correction in 1953

© Kunsthistorisches Museum Vienna.

11 Only half-a-century later, a major correction of the position of the right arm was undertaken. In 1948, the conservators took off the cement with which the right arm

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had been completed. In 1951, Karl Nieschlag was commissioned with the correction of the position, which required some serious interventions: the iron bar in the right arm could not be bent; it finally had to be cut off with a saw. With this correction, the fragments of the right shoulder and the upper right arm as well matched considerably better than before. Furthermore, the position of the arms corresponded much better with the turning of the head17.

12 During the course of the preparation of the installation of the Ephesos Museum in the “Neue Burg” in Vienna in the seventies, the athlete underwent another conservation treatment: Alois Heidel had to dismantle smaller parts of the statue; after reassembling them, he modeled the surface of some of the missing sections with synthetic resin. In that state, the Athlete has remained on display in the Ephesos Museum since 1978.

The setting of the statue within the Ephesian Gymnasium

13 To judge from the find spot of the Ephesian Athlete, it seemed that the statue was part of the sculptural program of the palaestra of the Harbour Baths18; statues of athletes – among which also a scraping athlete – are represented in a similar way, framed by columns and gables of a palaestra architecture, on several Campana reliefs, one of them from the first half of the 1st century A.D. in the Kunsthistorisches Museum in Vienna (fig. 8).

Fig. 8. Campana relief in Vienna showing statues in a palaestra

Clay, H. 40 cm, early 1st century A.D., Kunsthistorisches Museum Vienna, Collection of Greek and Roman Antiquities, inv. no. V 1895. © Kunsthistorisches Museum Vienna.

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14 Caused by one of the numerous earthquakes that struck Ephesos, the halls of the palaestra collapsed, probably already in the 3rd century A.D. The statue was thrown off its base and fell forwards as the feet were found closest, the head furthest away from the pedestal19. The bronze fragments were buried by the wooden roof construction and the brick tiles of the hall20. Eventually, the south-west corner was the only section of the palaestra which remained untouched after this earthquake, whereas the main area of the palaestra was probably first looted and later on, presumably in the 5th century A.D., became part of the late antique town, as shown by the surprisingly well preserved wealthy living houses recently unearthed21.

15 The south-west corner was not excavated, neither in antiquity nor in the earlier 19th century. Even John Turtle Wood, discoverer of the Artemision of Ephesos in 1869, working for the British Museum, refused to carry on excavations in this area, because the remnants of the roof and of the building structures obstructed the ongoing work22.

16 Otto Benndorf and his crew finally unearthed this south-west corner and found a solid masoned pedestal with bases and lower parts of pilasters, being part of a (mainly lost) aedicula, which once framed the statue (fig. 9). The socle and fragments of the pilasters remained in situ, the base was taken to Vienna. This base is profiled on three sides and bears an inscription on the front from which parts of 6 lines are readable (fig. 10)23. It mentions a Tiberius Claudius Frugianus as gymnasiarchos and a Tiberius Claudius [Aristion?] as grammateus, who is well-known as donator and builder in the late 1st century/beginning of 2nd century A.D. We owe the knowledge of these names and the readability of the few fragments to four other bases of the same type also found in the palaestra, naming the same officials and dedications of further sculptures, which have not survived24.

Fig. 9. Ephesos, Harbour Baths: excavations 1896-1897 in the south-west-corner of the palaestra

© Austrian Archaeological Institut (marked, the base of the athlete in situ).

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Fig. 10. Base found in the palaestra in Ephesos

Marble, H. 30 cm, late 1st century A.D., Kunsthistorisches Museum Vienna, Collection of Greek and Roman Antiquities, inv. no. III 1087. © Kunsthistorisches Museum Vienna.

17 Surprising and, in the end, misleading is the surface of the base: there are no holes nor even traces for or of fixing a sculpture on top of it. It is flat but not entirely even. Mentioning this fact, already Heberdey doubted that the base could have been used to bear a bronze sculpture, as the characteristic holes to fix the legs via lead poured into the feet were missing25.

18 In contrast, Frank Willer showed lately that, in the course of time, different techniques were used to fix bronze sculptures onto a base26. In Roman Imperial age, one of the methods consisted in fixing the statue to a metal panel or base rather than to the stone base itself; so in the end, the sculpture was “free standing” due to the enlarged platform27.

19 It is very uncommon to discover a bronze statue with its base, as in the case of the Ephesos athlete. Furthermore, statue and base are most probably from the same era. Taking into consideration the relatively short lifetime of this very corner of the Harbour Baths, this hypothesis seems likely: already in the 4th century A.D., the southern rooms adjacent to the palaestra were partly modified and reused in the new atrium thermarum Constantiniarum. It seems therefore that already in that time, the south-west corner of the palaestra was abandoned. So, the massive earthquakes which destroyed this part of the building might have been those of the later 3rd century A.D., recorded strikingly by the destruction of the famous Slope Houses of Ephesos28. Considering this, we envision a timespan of less than 200 years of “lifetime” for the base. Taking into consideration the technique and making of the bronze statue of the

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Athlete pointing to the late 1st/2nd century A.D., it is most likely that it is the very and the only statue ever positioned onto this base (fig. 11)29.

Fig. 11. Reconstruction of original position of the Athlete

© After Benndorf 1906, p. 185 fig. 131.

The archetype of the athlete

20 After assuming or, perhaps, wishing to have unearthed a “Greek original” in the first moment, scholars soon agreed that the Ephesian Athlete was a Roman sculpture. However, until today, there is still a vivid discussion aiming at proving whether the statue is rather a copy of a Greek original or a Roman creation.

21 The statuary type of the Ephesian Athlete is known today through various statues/ torsos30 and heads housed in different museums31. In small scale, two bronze statuettes follow this type32, but the statuette at the Louvre differs slightly as the head raises up and the athlete does not look down to his hands. Depictions of the statuary type are furthermore preserved on Campana Reliefs33 as well as on gems34, even on a statuary base from the Acropolis of Athens35.

22 Apart from early theories suggesting to identify the Ephesian Athlete as one of the two Greek original scrapers created by Daidalos from Sikyon that Pliny mentioned36, it became soon quite clear that the statue had to be dated in the Roman era. Already Benndorf named it an “excellent copy from early Roman times”37. The various authors differ widely in dating the original work, the range goes from the 4th century B.C. to the end of the 1st century A.D.

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23 Karin Moser von Filseck claims the Ephesian Athlete to be the link between Polykleitos and Lysippos38, while Dorothea Arnold thinks of the second generation after Polykleitos (370-365 B.C.), naming – again – Daidalos from Sikyon as a possible artist39. Werner Fuchs explains the type as part of the Argive-Sikyonian tradition influenced by Lysippos (340/30 B.C.). A. F. Stewart and Steven Lattimore think of a possible date of origin in the 3rd century B.C., among the followers of Lysippos40. Finally Erwin Pochmarski even proposes an Imperial original in Rome (in an eclectizing manner?) from which a direct copy was taken41.

The athlete from Lošinj

24 The discovery of the “twin” of the Ephesian Athlete, the Apoxyomenos from Mali Lošinj42, in 1996, turned the attention again also to the Ephesian Athlete43. For the first time, it is possible to compare two bronze statues of the same type found in completely different circumstances and even different regions of the Mediterranean. It also proves, finally, the correct reconstruction of the Ephesian Athlete. The technical aspects of both statues seem to be quite similar, which leads to the assumption that both statues are Roman Imperial, probably from the same decades. The mounting of the head is, for example, consistent in both sculptures with the characteristic V-shaped lower edge of the neck.

25 The overall impression, though, differs: the Ephesian athlete seems to be slightly more muscular. Of course, fixing 234 fragments together causes as many joints, perhaps “inflating” the chest to a certain degree. However, this is not enough to explain the differences.

26 It became possible to compare the sculptures standing next to each other during the exhibition Power and Pathos, organized by the Getty Museum in 2015, discussing and understanding issues of technique and style44.

Investigations and prospects

27 Last but not least, the necessity to transport the statue – and the risks involved – motivated a new and intensive investigation of the Ephesian Athlete. In the last years, the staff of the Collection of Greek and Roman Antiquities at the Kunsthistorisches Museum was concerned about the condition of the 100 year-old restoration and initiated a series of studies and thorough documentation of the surface of the bronze45. On the occasion of the exhibition “Die Griechische Klassik” in the Martin-Gropius-Bau, the Ephesian Athlete was taken to Berlin in 2002. Before its installation in the exhibition, the sculpture was brought to the Bundesanstalt für Materialforschung und – prüfung (BAM) where a series of x-ray photographs were taken (fig. 12). The images clearly show the iron bars from the first conservation work as well as the brass strings and the screws to fix the single fragments of ancient bronze to the “skeleton”.

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Fig. 12. X-ray-research at the Bundesanstalt für Materialforschung und –prüfung (BAM) Berlin in 2002

© Kunsthistorisches Museum Vienna.

28 Since 2012, several investigations, of a more limited scale, tried to evaluate the damage that old restoration materials (iron, hygroscopic cement) might have caused. A further series of x-ray images done by the TÜV Austria (Technischer Überwachungsverein) and chemical analyses of the cement46 show the surprisingly high quality and stability of Sturm’s reconstruction, more than hundred years after its assembling.

29 So, the focus of investigation was brought back to the ancient techniques of bronze casting and mounting the single elements as well as to art historical discussion. The possibility to see both Apoxyomenoi from Ephesos and Croatia side by side provided a new impact in understanding the style and iconography of these most famous sculptures. The focus of an ongoing research project in cooperation with the Getty Museum will be a review of the dating of the Greek original as well as of the Roman copies; furthermore it involves a comprehensive discussion of the “mechanisms of original and copy” in ancient Greek and Roman sculpture.

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NOTES

1. Benndorf, 1906, p. 181-184; Wohlers-Scharf, 1995, p. 79-83. 2. Benndorf, 1898, p. 64-69. 3. Benndorf, 1898, p. 66-67; Benndorf, 1906. 4. Wohlers-Scharf, 1995, p. 87-88 and 98-99; Oberleitner, 1978, p. 36; among precious gifts sent in return, the Sultan received Lippizaner horses. 5. Oberleitner, 1978, p. 7-10. 6. The annual report of the Collection of Greek and Roman Antiquities, former k.k. Münz- und Antikenkabinett, from 1897 contains a short report: “Die bedeutendste Schenkung an die Antikensammlung sind die von S.M. dem Sultan gewidmeten Ausgrabungen von Ephesus, welche die österreichische Expedition dort ergraben und nach Wien gebracht hat, darunter Teile einer überlebensgroßen bronzenen Athletenstatue, ein bronzenes Thymiaterion, Bruchstücke einer Bronzgruppe des Hercules mit den Kentauren, Säulenschäfte aus kostbarem Marmor, einige Skulpturen und eine große Menge von Fragmenten. Dieser Schenkung solle hier aus dem Grund gedacht werden, weil sie zu Beginn des Jahres 1897 nach Wien gelangt und die allerhöchste Annahme in diesem Jahr erfolgt ist. Die Zusammensetzung der Bruchstücke ist aber unterbrochen worden teils durch Abwarten, ob die im Herbst 1897 fortgesetzten Ausgrabungen noch fehlende Fragmente bringen möchten, teils durch das verzögerte Eintreffen eines Gipsabgusses der Florentiner Athletenstatue, die als Modell für die Zusammensetzung der Bruchstücke unseres bronzenen Athleten dienen soll. Die Marmorskulpturen scheinen der römischen Kaiserzeit anzugehören, während die Epoche der Entstehung der Bronzestatue noch einen Gegenstand der Erörterung in den Fachkreisen bildet.” (Zl. AS 9 from Jan. 28th 1898). 7. Benndorf, 1906, p. 186-188. 8. It appears to be a type of “Sorel-Cement”, a mortar based on magnesium chloride, which was widely used as restoration material in the beginning of the 20th century. 9. Schneider, 1901, p. 1-3.

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10. Svoronos, Barth, 1908, p. 15. Moraitou G., 2017, p. 240. 11. Mansuelli, 1958, p. 59-60, Cat. No. 36. 12. The cast is still kept in the collection of the Institute of Classical Archaeology, Vienna University; Pavese, 1999, compares accurately different dimensions and proportions of the Viennese and Florentine statue, the result – extensive analogy – comes not as a surprise knowing that Sturm used this copy. 13. For the first years of exhibition in the Theseus temple, a Roman strigilis kept in the Kunsthistorisches Museum was mounted into the right hand of the Athlete to clarify the movement for the visitors, cf. fig. 6. 14. Hartwig, 1901; Benndorf, 1906, p. 195-197; Comstock, Vermeule, 1976, p. 100-101, Cat. No. 155. 15. The Viennese reconstruction was already questioned by Hauser, 1902. 16. Benndorf, 1906, p. 195-197. 17. Eichler, 1953. 18. Benndorf, 1906, p. 185, fig. 131. 19. Heberdey, 1919, p. 250: “Der rechte Fuß lag etwa zwei bis drei Schritte Nordost vom Ädikulasockel entfernt, an ihn schlossen sich in gleicher Richtung und ungestörter Folge die übrigen Bruchstücke bis zu dem durch glückliche Verkeilung einiger großer Gebälkstücke und eine bei dem Fall entstandene Mulde im Fußboden vor stärkerem Schaden bewahrten Kopfe.” 20. Benndorf, 1898, p. 65-66; Benndorf, 1906, p. 184. 21. Pülz, 2010, p. 552-554. 22. Wood, 1877, p. 34-35. 23. Kunsthistorisches Museum, Inv. No. III 1087; Engelmann – Knibbe – Merckelbach, 1980, p. 89 No. 1128. 24. Engelmann – Knibbe – Merckelbach 1980, p. 89-90 No. 1129. 1129a-c; Benndorf, 1898, p. 65-66. 25. Heberdey, 1919. 26. Willer, 1996. 27. Willer, 1996, p. 362-370. 28. Ladstätter, 2002, p. 23-26. 29. George Niemann, architect and draftsman of the Austrian mission, reconstructed the aedicula from the few remaining parts. 30. Statues of the type Florence/Ephesos/Mali Lošinj: 1. Ephesos (Vienna, Kunsthistorisches Museum/Ephesos Museum, Inv. No. VI 3168) 2. Florence (Florence, Galleria degli Uffizi Inv. No. 1914/100; existing already under Cosimo I, in the Gallery since 1740; Mansuelli 1958, p. 59-60 Cat. No. 36) 3. Mali Lošinj (Mali Lošinj, Muzej Apoksiomena; Michelucci 2006) 4. Frascati (Boston, Museum of Fine Arts, Inv. No. 00.304; small scale; Comstock, Vermeule 1976, p. 100-101 No. 155) 5. Tivoli (Musei Vaticani Nr. 105, Braccio Nuovo, torso; Neudecker 1988, p. 236 No. 68,3 pl. 15,3) 6. Rome (Musei Vaticani, Mus. Chiaramonti Braccio Nuovo 99, Torso with head type Torino/ Braccio Nuovo; Arnold 1969, p. 270 No. K7; Neudecker 1988, p. 236 No. 68,4 pl. 15,2) 7. Castel Gandolfo (Villa Barberini/Castel Gandolfo No. 36405, Basalt; Liverani 1989, p. 59, No. 22) 8. Louvre (Musee du Louvre, Statue Borghese; Benndorf 1906, p. 200-201 fig. 153 ; Arnold 1969, p. 270, No. K8) 31. Heads of the type Florence/Ephesos/Mali Lošinj: 1. Kimbell Art Museum, Fort Worth (since 2000, before Senator Bernardo Nani [1712-1761], Venice. Lucien Guiraud [Hotel Drouot, Paris], sale June 14 and 15, 1956, no. 106 (as 16th century); Hans Calmann [1899-1982], London and Somerset; auction, Sotheby’s, New York, June 14, 2000, No. 60; Daehner-Lapatin, 2015, p. 276-277) 2. Eremitage Petersburg (Benndorf, 1906, p. 199, fig. 150-151; Arnold, 1969, p. 269-207 No. K2) 3. Museo Torlonia Rom (Götze, 1938, p. 226; Arnold, 1969, p. 270 No. K4; Gasparri, 1980, p. 166 No.

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86) 4. Head of statue in Musei Vaticani (Amelung, 1903, p. 114, No. 99) 5. New York (head of statue; Richter 1954, p. 110) 6. Bruxelles, Musée Royaux d’Art et d’Histoire (Cumon,t 1913, p. 10 fig. 5 = Hartwig 1901, p. 158 fig. 185) The Head Dresden No. 132 is no longer thought to follow the same type as Dörig 1965, p. 40 proposed; see now Vorster 2011. 32. Small scale Bronze statuettes: 1. Trier (Furtwängler, 1989, p. 9-11, fig. 5; Benndorf, 1906, p. 201, fig. 154) 2. Louvre (Br 4240, Charbonneaux 1941, p. 42 fig. 1; Arnold 1969, p. 166-167 pl. 21b) 33. Vienna, Kunsthistorisches Museum, inv. no. V 1895, cf. Hartwig 1903; for the type see Perry 1997, p. 42-45 with further examples; a Campana relief from the same type is also on display in the Louvre, inv. no. CA 1500. 34. Furtwängler, 1893, p. 470-471 fig. 78; Benndorf, 1906, p. 198-199, fig. 148-149. 35. Walter, 1923, p. 195-198, No. 401-401a. 36. Hauser, 1902. 37. Benndorf, 1906, p. 204. 38. Moser von Filseck, 1988, p. 111-120. 39. Arnold, 1969, p. 155-156. 269, No. 1; also Linfert 1990 includes the Ephesian Athlete in the group of Polykleitos’ school. 40. Lattimore, 1972; Stewart, 1978. 41. Pochmarski, 1988; Pochmarski, 1999; as a proof he mentions the unevenness of the surface of the Ephesian Athlete going back to tasselli, repair patches of the statue copied in Rome; however, due to the condition of the fragments when they were found and to the massive physical treatment they underwent when being restored, this observation does not convince. 42. Sanader, 1999; Michelucci, 2006. 43. As in the strict sense of the word, the athletes are not scraping themselves but rather are cleaning their scrapers, they are no more Apoxyomenoi but strigilis-cleaners, cf. Weber, 1999. 44. The Exhibition “Power and Pathos” curated by Jens Daehner and Kenneth Lapatin from the J. Paul Getty Museum had venues in Florence, Los Angeles and Washington, see Exhib. Florence- Los Angeles-Washington, 2015. 45. Kurt Gschwantler, Viktor Freyberger and Frank Willer made investigations, see Gschwantler 1995; over the last two years, Angelika Kathrein, Michael Loacker and Bettina Vak have been involved in the project together with the author. 46. The samples were taken and analysed by Jerry Podany and John Twilley, The Getty, and Martina Griesser and Václav Pitthard, Conservation Science Department of the Kunsthistorisches Museum Vienna.

ABSTRACTS

The Athlete from Ephesos, a Roman imperial copy of a Greek statuary type from the 4th century B.C., was found at the very end of the 19th century, in the first years of the Austrian excavation in Ephesos, when research was concentrated on the major imperial monuments. In the palaestra of the Harbor Baths, the statue was set up in an aedicula and was destroyed when an earthquake

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caused the collapse of the hall roof. Due to an agreement between the Ottoman Sultan Abdul Hamid II and the Austrian Emperor Franz Joseph I, the fragments could be taken to Vienna as a gift to the emperor’s collections. In Vienna, Wilhelm Sturm was commissioned with the restoration and conservation of the statue in 1897. The recomposition of the athlete took as a model the marble athlete kept at the Uffizi, in Florence, once the similarity of the statuary type of the Apoxyomenos had been recognized. The individual fragments were treated physically and chemically and were fixed on brass strings. Then groups of fragments were mounted onto iron bars in order to build the “back bone”. The entire statue was filled with cement in order to stabilize the structure and to close the gaps in the surface. A reevaluation of the condition of the Ephesian statue in cooperation with the Conservation Science Department of the Kunsthistorisches Museum and the Antiquities Conservation Department of the J. Paul Getty Museum, Malibu, California has shown the surprisingly good condition of the more than 100 year-old reconstruction.

La découverte de l’athlète d’Éphèse remonte aux premières années de fouilles autrichiennes à Éphèse, alors que les recherches se concentraient sur les principaux monuments impériaux. L’effondrement de la toiture, provoquée par un tremblement de terre, avait brisé la statue installée dans un édicule au sein de la palestre des thermes du port. Un accord entre le sultan ottoman Abdul Hamid II et l’empereur d’Autriche François-Joseph Ier permet de transporter les fragments à Vienne dans le cadre d’un don aux collections impériales. À Vienne, Wilhelm Sturm se voit confier la restauration de la statue. Il prend modèle sur la statue d’athlète conservée au musée des Offices, à Florence, en s’appuyant sur un rapprochement typologique. Chacun des fragments fait l’objet d’un traitement physique et chimique, avant d’être fixé sur des cordes de laiton. Les groupes de fragments ainsi constitués sont montés sur des barres de fer afin de construire un squelette. Du ciment coulé dans les interstices consolide l’ensemble et comble les lacunes en surface. Une réévaluation de l’état de la statue d’Éphèse, conduite par le laboratoire de conservation- restauration du Kunstorisches Museum de Vienne en collaboration avec le département de conservation-restauration des Antiquités du musée J. Paul Getty, Malibu, Californie, souligne la stabilité étonnante de la restauration effectuée voilà plus de cent ans.

INDEX

Mots-clés: Éphèse, Vienne, Apoxyomène, statues en bronze, restauration, fouilles Keywords: Ephesos, Vienna, Apoxyomenos, bronze sculpture, conservation, excavation

AUTHOR

GEORG A. PLATTNER Kunsthistorisches Museum Wien, Collection of Greek and Roman Antiquities/Ephesos Museum, Vienna, Austria (georg.plattner[at]khm.at).

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The New York Sleeping Eros: A Hellenistic Statue and Its Ancient Restoration L’Éros endormi de New York, une statue hellénistique et sa restauration antique

Seán Hemingway and Richard Stone

The Mythology and Iconography of Eros

1 The Bronze Statue of Sleeping Eros in the Metropolitan Museum of Art (fig. 1) belongs to a long tradition of Greek Eros sculptures and in many ways is a quiet but radical departure from them. Famous statues of Eros made by major Classical sculptors would have been known to the artist who created the Metropolitan’s bronze statue of Eros sleeping. Phidias and Alcamenes both created Eros statues although relatively little is known about what the sculptures looked like1. Skopas sculpted an Eros as part of a group of statues of Eros, Pothos (Longing) and Himeros (Yearning) that was set up at a sanctuary of Aphrodite at Megara2. Callistratus, De Statuis 3, described Praxiteles’s bronze Eros at Thespiae in Boeotia as marvelously life-like, a joyous archer with an ardent gaze, large wings and easy pose that made flight seem possible. The bronze Eros by Lysippos, made ca. 338-335 B.C., also dedicated to the god at Thespiae, represented the god as a winged youth stringing his bow (fig. 2). Eros, the archer, prepares to wound. It is a momentary pose that captures the god’s double nature: desire can bring happiness or it can destroy by unsettling wisdom.

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Fig. 1. Front view of Statue of Sleeping Eros, Greek, Hellenistic period, 3rd-2nd century B.C. Bronze

Length 85,4 cm. The Metropolitan Museum of Art, New York, Rogers Fund, 1943 (43.11.4). © The Metropolitan Museum of Art.

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Fig. 2. Statue of Eros Stringing his Bow, Roman copy of a Greek bronze statue by Lysippos of ca. 338-335 B.C.

Found at Hadrian’s Villa near Tivoli. Roman, Early Imperial period, 1st or early 2nd century A.D. Marble. The Capitoline Museums, Rome. © Vanni Archive/Art Resource, New York.

2 There were many different myths about the lineage of Eros and during the Classical period another myth of Eros began to take hold3. The primordial Eros was brought into the Olympian pantheon and became the child of Aphrodite and Ares, the god of war. The myth of Aphrodite and Ares’s love affair is known as early as Homer’s Odyssey, 8.266-369, though it does not mention Eros as a result of their union. Aphrodite and Ares are associated in regional Greek sanctuaries from at least the Archaic period4. However, the earliest mention of Eros in the myth of Aphrodite and Ares appears in a fragment attributed to the 5th century B.C. poet Simonides5. It was not until the 4th century B.C., especially in the Hellenistic period, that the myth became popular. While there are a few representations of Eros as a child in Classical art, it is not until the Hellenistic period that he is predominantly portrayed as a child, which is surely a visual counterpart to the myth of Aphrodite and Ares and its literary tradition. The Sleeping Eros, certainly among the most successful images of the god from the Hellenistic period, must have significantly reinforced the myth of the union of Ares and Aphrodite bearing Eros6.

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The Place of the New York Sleeping Eros in the Replica Series – Its Original Date of Manufacture and Provenance

3 The Metropolitan’s Sleeping Eros is the finest example of its kind. In a careful study of the representations of Sleeping Eros, Magdalene Söldner catalogued 349 examples dating from as early as the 3rd century B.C. to the 4th century A.D. The vast majority of the works in bronze, marble and terracotta are from the Roman Imperial period. Söldner identified eleven different variations of Sleeping Eros and the type associated with the Metropolitan’s bronze statue appears to be the earliest. There exist nearly forty replicas of this particular variant, which is known as the New York type after the Museum’s statue7. The Metropolitan’s statue has been considered the original or a Hellenistic original by Gisela Richter in an important article in the American Journal of Archaeology in 1943, and has been dated to between 250-150 B.C. 8 Many scholars generally agree with Richter’s assessment but often argue for different dates within the Hellenistic period9. Jean Marcadé, for example, dates it not later than the middle of the 3rd century B.C. citing similarities to the Barberini Faun especially its open composition and the torsion of its torso10. Magdalene Söldner argues for an even earlier date between 270-260 B.C.11 The naturalism of the Sleeping Eros compares with other Hellenistic sculptures of the 3rd or 2nd century B.C. such as the Baker Dancer and the prototype of the Old Market Woman known from a number of copies of the Early Imperial period, and sleep becomes a popular theme in large-scale sculptures during the first centuries of the Hellenistic period. Indeed, numerous scholars from Richter12 to Ridgway13 have made nuanced comparisons in an effort to narrow the date of the Metropolitan’s bronze statue of Sleeping Eros. The problem lies in the fact that there are relatively few securely dated Hellenistic sculptures and Hellenistic sculptors borrowed freely from the styles of previous periods. The precise dating of most Hellenistic sculptures is difficult unless the work is tied to a particular historical event14. Carol Mattusch cautions dating the Metropolitan’s statue precisely, suggesting that “we can only tentatively conclude that the Eros is no earlier in date than the Hellenistic period, and we can make no assumptions about how late it might be15.” Lucilla Burn, in her recent book on Hellenistic art, suggests that it could date to the Hellenistic or Roman period16. When the Metropolitan’s Sleeping Eros was installed in the new Hellenistic and Roman galleries in 2007, it was dated very broadly as a Hellenistic work or a particularly fine Roman copy of the Augustan period17. The technical analysis presented in this paper supports the identification of the Metropolitan’s statue as a Hellenistic work, and stylistic analysis only allows a broad date of the 3rd century or 2nd century B.C.

4 The Metropolitan Museum of Art acquired the Sleeping Eros in 1943 from the New York dealer Joseph Brummer, who had purchased it in Paris in 1930 from the Greek dealer E. Gelidakis. It is said to have come from the island of Rhodes. While it is not possible to confirm this provenance it is nonetheless worth considering. Rhodes was a famous place for bronze working in the Hellenistic period, home to one of the seven wonders of the ancient world; the Colossus, a giant Early Hellenistic bronze statue of the sun god Helios, towered over the harbor of its main town18. Recent excavations on Rhodes have unearthed evidence of Hellenistic bronze foundries, but there is very little extant large- scale bronze sculpture from that period on the island, which compares to the

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Metropolitan’s Sleeping Eros19. One of the few comparanda is a statue in the Antikensammlungen in Berlin known as the Praying Youth that is likely an Early Hellenistic work. It depicts an athlete, either a runner or jumper, who was victorious in the games20. In the Metropolitan’s collection, a very fine Early Imperial portrait statue of an aristocratic boy, also said to come from Rhodes, demonstrates that very high quality bronze sculpture continued to be made on Rhodes into the Augustan Age21.

Scientific and Technical Analysis

5 Gisela Richter offered some comments about how the Sleeping Eros was made but since the publication of her study, seventy years ago, practically no technical analysis had been done. The present study, utilizing X-radiography, chemical and metallographic analyses, non-destructive X-ray fluorescence analyses, and careful visual examination after new cleaning of parts of the interior presents a more accurate understanding of how the statue was made. Of particular importance is the discovery that a large section of the drapery appears to have been restored in antiquity, likely during the Roman Imperial period.

6 In antiquity, all known large-scale bronze statues were piece-cast and then the parts were typically welded together22. The statue of Sleeping Eros in the Metropolitan is no exception as it was cast in pieces that were then joined together. While burial accretions on the exterior of the statue were removed prior to its acquisition by the Museum, accretions on the interior were left in situ23. The statue is open at the bottom and as such offers unusual access to its interior (fig. 3). Careful visual examination combined with X-radiography and selective cleaning of the interior surface enabled the identification of all the cast sections of the statue and the locations of where the pieces were joined together. The statue, as it is preserved today, was made in seven pieces: head, body with left wing, left arm, right wing, left leg, right leg and the drapery (fig. 4)24. It is interesting to note that the seven separately cast sections are all roughly equal in size, giving, it would seem, a sense of the amount of metal preferred for a pour in the foundry that cast the statue. Ancient foundries needed to limit the size of the cast sections because of their limitations for melting and keeping molten large quantities of metal.

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Fig. 3. Underside of Statue of Sleeping Eros

The Metropolitan Museum of Art, New York, Rogers Fund, 1943 (43.11.4). © The Metropolitan Museum of Art.

Fig. 4. Drawing of Cast Sections of the Metropolitan’s Bronze Statue of Sleeping Eros and their alloys

Drawing by Allia Benner.

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7 The left arm of the statue is broken just above where it was joined in antiquity near the shoulder. Considerable excess metal visible on the interior near the break has a green patina and is likely remains of flow weld metal used to join the arm in antiquity. Since the statue is open at the bottom, it is in many ways like a deep relief (see fig. 3). Consequently, the founder had unusual access to the interior of the statue, enabling him to join the head, legs and right wing to the body from the inside instead of the outside as was more typically necessary. This condition helps to explain the economy of metal used in the joins of the statue. The head is attached only along part of the back of the neck by what must be a flow weld that has very little excess metal. Narrow gaps were left open on the underside of the chin and part of the back. The slightly rougher surface at the back of the neck may be an indication of this join on the exterior. After the recent cleaning, the excess metal of the flow weld join between the body and the left leg is clearly visible on the interior as is part of the edge of the two cast sections at the join. A similar join is visible on the right leg with less excess metal visible. Likewise, the location of the weld used to attach the top of the right wing and a second weld near the tip of the wing are clearly visible from the interior. The smooth splattered metal of the weld near the tip of the wing looks like it was poured from within and must have overflowed around the area of the join thus creating a broader bond on the interior.

8 The fact that most of the interior of the statue adheres closely to the form of its exterior is indicative of the indirect lost wax casting process25. However, an X- radiograph of the head shows that the fine curls of hair are solid and would thus have been worked in wax and then applied to the figure (fig. 5). This is individualized work that would have been unique to the sculpture.

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Fig. 5. X-radiograph of the head and upper body of the Metropolitan’s Bronze Statue of Sleeping Eros

Image courtesy The Metropolitan Museum of Art, The Sherman Fairchild Center for Objects Conservation, G&R 43.11.4. © The Metropolitan Museum of Art.

9 Square core pin holes are visible in X-radiographs and on the interior of the head, body, legs and drapery (fig. 6)26. Narrow fins around the pin holes on the interior indicate that the core pins were most likely heated and pushed through the wax model from the exterior. There also appears to be a plug in the proper left big toe, which may have been a place where core material was introduced (see fig. 6). During the cleaning of the interior body, two small fragments of the clay core were identified adhering to the interior, confirming that clay was used as the core material. However, small globules of metal on the interior of the drapery between the legs, visible in the X- radiograph, indicate that the core for this cast section was in a liquid state when it was poured into the mold and given their fineness likely indicate that plaster was used for the core of this section27. Similar hemispherical nodules caused by bubbles in liquid core material have been identified on a Late Hellenistic or Early Imperial statue of Artemis formerly in the collection of the Albright-Knox Art Gallery in Buffalo, New York28.

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Fig. 6. X-radiograph of the legs and lower drapery of the Metropolitan’s Bronze Statue of Sleeping Eros

Image courtesy The Metropolitan Museum of Art, The Sherman Fairchild Center for Objects Conservation, G&R 43.11.4. © The Metropolitan Museum of Art.

10 The bronze is a very fine casting that exhibits few flaws. A single hammered patch on the upper chest below his quiver strap is rectangular in shape and typical of ancient Greek bronze craftsmanship (fig. 7)29. An unusual technical feature is located on the interior of the torso near where the left arm was joined; it looks as though the sculptor made a repair in the wax.

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Fig. 7. Detail of hammered patch on upper chest of the Metropolitan’s Bronze Statue of Sleeping Eros

The Metropolitan Museum of Art, New York, Rogers Fund, 1943 (43.11.4). © The Metropolitan Museum of Art.

11 A horizontal groove cut into the lower wing, probably done after the statue was cast and pieced together, appears to be a mechanical join that was used to fit it onto its base (fig. 8)30. The base on which the figure is displayed today is modern. However, the finished cast edge evident on much of the underside of the statue and the groove (fig. 8) suggest that the original base was made of another material31. Stone is the most likely candidate as it would have added to the life-like appearance of the sculpture32. Chisel gashes along the interior of the proper left wing are another possible indication of the statue being fitted onto its base (fig. 9). Like the groove in the lower wing (fig. 8), the chiseling appears to be cold working on the bronze statue in the final stages of its preparation for display.

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Fig. 8. Detail of groove on underside of left wing for attachment of base

The Metropolitan Museum of Art, New York, Rogers Fund, 1943 (43.11.4). © The Metropolitan Museum of Art.

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Fig. 9. Detail of interior of upper left wing with chisel marks where metal was removed for attachment to base

The Metropolitan Museum of Art, New York, Rogers Fund, 1943 (43.11.4). © The Metropolitan Museum of Art.

12 There are only two other known large-scale bronze Sleeping Eros statues and they are much more fragmentary. The first is a head from Volubilis, the ancient capital of Mauretania, and now in the Rabat Archaeological Museum, Morocco. It probably dates to the 1st century A.D. Its original context is not known but it has been suggested that it may have been part of a sculpture that decorated a tomb33. The second example is a second-century A.D. reclining body of Eros with wings that comes from a Roman villa at Epiais Rhus France (Val d’Oise), now in the collection of the Louvre34. Although both examples were piece-cast by the lost wax method, they are stylistically and technically distinct from the Metropolitan’s statue. They exhibit a thick cast edge where the head joins the neck, which can be compared to other Late Hellenistic and Roman sculptures, such as the bronze sculptures of Hypnos in the British Museum and the collection of Shelby White and Leon Levy, the statue known as the Youth from Salamis, and the head of an athlete in the DeMenil Collection in Fort Worth35.

13 Seven samples were taken from various parts of the interior of the Metropolitan’s Sleeping Eros. These samples were subjected to quantitative analysis using energy dispersive and wavelength dispersive X-ray spectrometry in the scanning electron microscope (SEM-EDS/WDS) in order to determine the alloy compositions. The work was carried out by Mark Wypyski in The Metropolitan Museum of Art’s Department of Scientific Research. The chemical analyses from different parts of the statue revealed some surprising results (see Table 1). The samples fell into two categories. Most of the samples were typical tin bronzes with trace levels of impurities, and little or no lead, as is well represented in a polished metallographic section of sample number two taken from inside the head (fig. 10). The grain structure is clearly visible; the brighter areas

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represent the higher tin phases while the small white globules are traces of lead. However, two of the samples were leaded tin bronzes with a high concentration of lead, between 18-19%, as illustrated in sample number three, which came from the drapery between the legs36. In the metallographic section of this sample, all of the bright areas are mostly lead (fig. 11). Interestingly, the sample from the join between the head and body contained 2% more tin. This differentiation may represent a slightly more fluid alloy used to weld the two pieces together if the variation is not due to greater oxidation of the sample. Another sample from the join at the neck and a sample from the weld metal between the left leg and body did not register any significant differences from the alloy used to cast the head and body. Cast sections that were not sampled (the left arm, right wing, and left and right legs) were examined by means of a non-destructive X-ray fluorescence unit. All were found to be tin bronzes of a similar alloy to the head and body. Using the XRF unit, it was possible to identify clearly where the leaded drapery joins the unleaded drapery on the figure, which continues under much of the body at the back and demonstrates clearly that the drapery was part of the original composition. The join is also clear in an X-radiograph that distinguishes the more opaque leaded metal from the less opaque unleaded tin bronze. Even though the thickness of the bronze is consistent, the density of the lead appears more opaque in x- radiographs (fig. 12). The drapery may have been cast onto the figure since there is no clear evidence of excess metal from a weld except a spongy excrescence inside the left leg that flows from the join between the leg and drapery.

Table 1. Chemical analysis of seven samples from the Metropolitan’s Bronze Statue of Sleeping Eros (weight %)

Sample: Fe Ni Co Cu As Ag Sn Sb Pb

1. Welding Fin between head and neck 0.02 nd nd 87.7 nd 0.13 11.6 0.28 0.23

2. Head, left temple interior 0.06 nd nd 89.5 nd 0.12 9.7 0.30 0.35

3. Drapery, between legs 0.14 0.03 0.20 77.4 0.08 0.03 4.3 0.06 17.8

4. Body at groin interior 0.06 nd nd 89.5 nd 0.13 9.7 0.28 0.34

5. Weld metal joining head to wing 0.04 nd nd 88.7 nd 0.15 10.0 0.28 0.84

6. Left leg, excrescence from interior-join to 0.05 0.04 0.08 76.0 0.05 0.07 4.6 0.12 19.0 drapery

7. Weld metal from join of PL leg 0.06 nd nd 89.0 nd 0.16 10.1 0.30 0.33

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Fig. 10. Polished metallographic section of Sample 2 taken from the interior of the head. Magnification 800X

Image courtesy The Metropolitan Museum of Art, The Sherman Fairchild Center for Objects Conservation, G&R 43.11.4. © The Metropolitan Museum of Art.

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Fig. 11. Polished metallographic section of Sample 3 taken from the drapery between the legs

Magnification 800X. Image courtesy The Metropolitan Museum of Art, The Sherman Fairchild Center for Objects Conservation, G&R 43.11.4. © The Metropolitan Museum of Art.

Fig. 12. X-radiograph of the join in the drapery at the back of the statue by the left leg

Image courtesy The Metropolitan Museum of Art, The Sherman Fairchild Center for Objects Conservation, G&R 43.11.4. © The Metropolitan Museum of Art.

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14 The head, body and other parts of the figure are regular tin bronzes, typical for an ancient Greek bronze sculpture of the Hellenistic period, while the drapery between the legs contains high quantities of lead, more like what one would expect of an Imperial Roman bronze sculpture37. While it is necessary to be cautious when interpreting alloy results, this variation and the apparent difference in the kind of core material used between these cast sections require some explanation. The statue may have been damaged in antiquity and then repaired at a later date, possibly in Early Imperial times when large quantities of lead commonly were added to the alloys of large-scale sculptures.

Reconstructing the Missing Parts of the Sleeping Eros Statue

15 The Metropolitan’s statue of Sleeping Eros is remarkably well preserved (see fig. 1). It sits so well on its modern base and has become such an icon in and of itself that it is possible to forget that it lacks some parts. Besides the base, the left arm, several parts of the drapery, the quiver and bow are all missing. Careful examination of the statue in relation to other replicas from the series enables a fairly clear reconstruction of the missing parts. The closest copy to the Metropolitan’s statue is a marble statue in the Palazzo Clementino of the Capitoline Museums (fig. 13), which was found in Rome and is dated to the 2nd century A.D.38 Despite its later date, the Capitoline figure closely compares with the Metropolitan’s statue, particularly the position of the figure and the drapery on which the child god sleeps. However, notable differences include the hair style and the Capitoline Eros’s more dynamic wings with the quiver strapped to his back between them, which is a popular variant of the type39.

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Fig. 13. Statue of Sleeping Eros, Roman copy of a Hellenistic bronze statue of the 3rd or 2nd century B.C. Roman, Imperial period, 2nd century A.D.

Marble. Capitoline Museums, Rome. © Image courtesy of the Capitoline Museums, Rome.

16 Importantly, the well-preserved drapery between the legs of both statues is especially close (figs. 14-15). Both sculptures exhibit the same complex drapery pattern that must stem from the same prototype. The drapery of the Capitoline Sleeping Eros, however, is not as finely rendered. There are no press folds or fine selvage, nor is the knot at the corner preserved. Given the clear relationship between the existing drapery between the legs of the New York Sleeping Eros and the Sleeping Eros in the Palazzo Clementini, the other areas of drapery well-preserved on the Sleeping Eros in the Palazzo Clementini ought to provide a good indication of how to reconstruct the missing drapery of the New York Sleeping Eros. In fact, the line of drapery below the belly also corresponds closely. A small fragment of drapery on the front of the Metropolitan’s Sleeping Eros can be compared to the placement of drapery on the Sleeping Eros in the Palazzo Clementini, which has a mass of drapery folds below the head bunched like a pillow and hanging down over the missing rock. A few other replicas in the New York Sleeping Eros replica series also appear to copy this drapery although less exactly. These include a first-century A.D. marble statue of Sleeping Eros from Paphos on Cyprus and a marble statue in the Delphi Archaeological Museum, which is dated to the early 2nd century A.D. and was once used as a fountain40. The drapery scheme is also replicated in small-scale versions, like the first- or second-century A.D. bronze statuette in the Metropolitan’s collection41.

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Fig. 14. Detail of the drapery between the legs of the Metropolitan’s Bronze Statue of Sleeping Eros

The Metropolitan Museum of Art, New York, Rogers Fund, 1943 (43.11.4). © The Metropolitan Museum of Art.

Fig. 15. Detail of the drapery between the legs of the marble Capitoline Sleeping Eros in fig. 12

© S. Hemingway.

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17 The placement of the left arm of the Capitoline Sleeping Eros provides a clear picture of what the Metropolitan’s Sleeping Eros’s missing arm would have looked like although the quiver would have also been placed by the left arm. It is notable that the quiver strap crosses the front of the Metropolitan’s Sleeping Eros like the Capitoline Sleeping Eros but then differs. It does not continue between the wings to meet the quiver which instead was placed near the head42. The feather of an arrow preserved by the head of the New York Sleeping Eros makes clear that the quiver was originally open, a more complicated rendering since each arrow would have been sculpted individually43. The open quiver adds to the sense of immediacy in the bronze statue. His bow was in hand and the quiver ready for use when Eros fell asleep. An open quiver appears on a few other examples from the replica series such as an Early Imperial marble copy in the Residenzmuseum in Munich44.

18 What would the quiver of the Metropolitan’s Sleeping Eros have looked like? It may have been ornate with relief decoration as occurs in some figures of Eros, or it may well have been of a simpler design like the quiver of the Capitoline Sleeping Eros45. Although none of the other Sleeping Eros statues of the New York type preserve the quiver by the head like the one in the Metropolitan, in many of the examples the quiver is simply not preserved at all. There is a later type of Sleeping Eros, known as the Broadlands type, which also has the quiver placed off the body and near the head46.

19 Relatively few of the extant replicas of the New York type preserve their bows, but two statues in Roman collections give some sense of what the bow of the Metropolitan’s Sleeping Eros may have looked like and its general placement. A marble sculpture in the Vatican restored in the eighteenth century, although missing the right hand and central part of the bow, is preserved well enough to see that the bow lies just below the right hand, which may have grasped its lower part as it is now restored. In another Imperial copy in the Galleria Colonna in Rome, the bow lies on the ground near the rock and Eros’s hand is over the grip47. The Metropolitan’s Sleeping Eros would have had a similar small bow that matched the scale of its owner. In the Metropolitan’s statue, however, the bow appears to have slipped from Eros’s hand, coming to rest against the rock on which he is sleeping.

A New Genre: Representations of Sleep in Hellenistic Sculpture

20 Images of figures sleeping occur in small-scale sculptures and vase paintings of the Classical period. Especially popular at the time were scenes of sleeping maenads being approached by satyrs, such as depicted on an Attic red-figure lekythos attributed to Polion. The vase represents a naughty satyr peaking under the chiton of one sleeping maenad (fig. 16)48. There is a significant shift in the Hellenistic period, when artists began to explore various aspects of sleep in large-scale sculptures. These works were part of a trend in Hellenistic art that favored realism and new representations of cognitive thought ably expressed in portraits of historic individuals as well as mythological figures. A magnificent example is the Barberini Faun, which may well be an original Pergamene Greek sculpture of the 3rd or 2nd century B.C., if it is not a fine Roman copy49. It was found near Hadrian’s Mausoleum in Rome in the 17th century. As with the Sleeping Eros, the viewer becomes a voyeur in the scene, which here has strong Dionysian and sexual overtones. An intriguing recent interpretation identifies

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the sleeping satyr as the one that wily King Midas captured after it had drunk from a spring spiked with potent wine50. The satyr’s exposed pose and not completely restful sleep may foreshadow his imminent capture, and the channels conducting water through the rock on which he sits recreated the spring from which he drank. The work may have been commissioned by a Hellenistic king ruling over Phrygia, such as Antiochos IV Epiphanes, who may have wanted to be associated with Midas51.

Fig. 16. Squat lekythos with a satyr and a sleeping maenad, Greek, Attic, Classical period, red- figure, ca. 430-410 B.C.

Attributed to Polion. Height 20 cm. © Collection of Andrés A. Mata, New York.

21 Another major type of sleeping figure is the Sleeping Ariadne. The original is thought to be the work of a Pergamene artist dated to the 3rd or 2nd century B.C.52 Known from two large-scale marble copies and several variants, the most famous example is the statue in the Vatican, a Hadrianic copy found in Rome in 151253. The statue represents Ariadne in a troubled sleep, for when she wakes up she will find that her lover Theseus has abandoned her on the island of Naxos. The statue is also strongly within the Dionysian sphere as, according to the myth, Ariadne wakes to find the god Dionysos, who falls in love with her and takes her as his wife54.

22 Even more surprising is the Sleeping Hermaphrodite, thought to have first been produced in the 3rd or 2nd century B.C. and known in a number of marble copies55. Like the Barberini Faun, the Sleeping Ariadne and the Sleeping Eros, the Sleeping Hermaphrodite can stand alone and need not belong to a group. As with the Ariadne, he is in a troubled sleep indicated by the way he shifts his weight from one side to the other. Indeed, scholars have suggested that the ancient viewer may have initially believed that he was gazing upon a Sleeping Ariadne56. The Sleeping Hermaphrodite is

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highly erotic from one side, he looks like a beautiful woman, but from the other side he exposes his male genitalia. This theatrical dual presentation brings the viewer into the experience but with unexpected results. One scholar has identified the figure as the androgynous offspring of Zeus and Agdis, Agdistis, who so misbehaved that Dionysos eventually got him drunk and castrated him57.

23 Bernard Ashmole has noted similarities between the Sleeping Hermaphrodite and the Sleeping Eros copy in the Capitoline Museums in Rome and argued that they both represent works by the same sculptor, Polykles, mentioned by Pliny (NH 34.80) as the creator of a famous Hermaphrodite58. A significant part of Ashmole’s argument is based on the treatment of the hair, which differs for the Metropolitan’s Sleeping Eros, and many scholars have not found his argument convincing59. Nor is the attribution of the Sleeping Hermaphrodite type represented by the copy in the Palazzo Massimo to the Athenian sculptor Polykles certain since Pliny’s reference is just to a statue of a Hermaphrodite not a Sleeping Hermaphrodite and other statues of Hermaphrodites are known. Although the connection with Dionysos is not made explicit in the sculpture, Hermaphrodite is represented elsewhere in Dionysian revels and scholars often assert that this sculpture should be seen as assimilating into the Dionysian sphere60.

24 A spectacular monumental Late Hellenistic sculpture is the Blinding of Polyphemus from the of Tiberius at Sperlonga. Here the Cyclops, like the Barberini Faun, is shown in a deep drunken sleep, the dangers of which are apparent as Odysseus and his band prepare to blind him and escape from his cave. The sculpture was likely made for the Grotto and is dated to the end of the 1st century B.C.61 However, large-scale marble statues representing more than one scene from the Homeric cycle were part of the cargo of the Antikythera shipwreck, indicating that such monumental groups were being made already in the first half of the 1st century B.C.62

25 The varied sculptural monuments of sleeping figures from the Hellenistic period demonstrate that Greek artists were interested in exploring sleep as an altered state of consciousness – its different manifestations as well as its consequences. Like the Sleeping Eros, most of the statues appear to have been free-standing works that did not require additional sculptures. Arguably, the most successful of these Hellenistic representations was the Sleeping Eros, of which many more copies survive than of any other sleeping types. It is not possible to date any of these statues with precision, but it is tempting to see the Sleeping Eros as the earliest representation of this genre and, in spite of its charming conceit, it is also in many ways the most radical.

Interpretation in Light of Later Images of Eros Sleeping

26 The Sleeping Eros is different from other representations of sleeping figures since it represents a major deity. To be sure ancient Greeks believed that Sleep could conquer the gods – as in Homer’s Iliad, 8.27-32, where Hypnos has power even over Zeus. However, the gods were not often represented as asleep in Greek art. The original Sleeping Eros statue, which, in fact, may be the Metropolitan’s bronze sculpture, would have been considered at the time it was made, most likely sometime in the 3rd century B.C., a startling new and ingenious composition for a large-scale representation of the god of love. Eros is represented as sleeping in earlier small-scale works, such as a late fourth-century B.C. terracotta from a child’s tomb at Pella in northern Greece63. The

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inclusion of a Sleeping Eros terracotta statuette among other funerary objects interred with the dead occurs again in the Hellenistic period at Myrina in the 1st century B.C. (fig. 17). The Myrina Sleeping Eros statuette relates to the New York Sleeping Eros type – the Eros lies in a similar pose on a rock covered with drapery, yet it has quite a different feel. It includes a downturned torch, an attribute of Eros that has strong funerary connotations. It is apparent, therefore, that the Sleeping Eros as a metaphor of eternal sleep (death) and eternal love was utilized already in the Hellenistic period for burial offerings even though it was only in the Roman Imperial period that the Sleeping Eros became a popular tomb marker. The Hellenistic terracotta statuettes of Sleeping Eros placed in tombs represent a very different context from the large-scale statue since funerary monuments of the Hellenistic period were not typically made of bronze64.

Fig. 17. Statuette of Sleeping Eros from a tomb at Myrina

Greek, Late Hellenistic period, 1st century B.C. Terracotta. Musée du Louvre, Paris (Inv. MYR 123). © RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/Tony Querrec.

27 A small terracotta sculpture in the Metropolitan’s collection presents a very different image of Eros sleeping. It takes the conceit of depicting Eros as a sleeping baby and turns it on its head, a Hellenistic caricature of Eros as an old man. Here Eros is represented as ravaged by time with nothing of the purity of love and innocence evident in the Metropolitan’s bronze statue of Sleeping Eros. Rather, it seems to be a comical commentary on love grown old – a curmudgeon with a huge phallus inserted separately but now missing65.

28 There are a variety of possible contexts for a bronze statue like the Sleeping Eros in the Hellenistic period. It may have been set up in a public park, as is known to have existed on Rhodes in the Hellenistic period, or even in a royal garden66. To the modern viewer, the Metropolitan’s sculpture of Sleeping Eros may look decorative, but its large scale and high quality make a solely decorative function unlikely in the Hellenistic period. More likely, it is a religious sculpture that was dedicated at a sanctuary as an offering to the gods67. While there are not many major cult sanctuaries to Eros known in Greece,

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like the one at Thespiae in Boeotia, Eros was worshipped in conjunction with other deities, especially Aphrodite, and a statue of Eros could have been dedicated to her, as well as the god himself. Given the prevalence of the myth of Aphrodite as the mother of Eros in the Hellenistic period, a statue of Eros as a baby may have been seen as especially appropriate. Numerous small-scale terracotta votives representing Eros have been found in Greek sanctuaries. The Metropolitan’s Cesnola Collection includes terracotta statuettes of Eros from sanctuaries to Aphrodite, Apollo and Artemis on Cyprus68. Religious sculptures intended to delight the gods can appear decorative, especially if their original context is not known. For example, at first glance a Late Hellenistic marble statuette of Aphrodite riding a dolphin appears to be a decorative work but, in fact, it is an ex voto from the sanctuary of Poseidon on Thasos where Aphrodite was also worshipped69.

29 A particularly instructive comparison for the Sleeping Eros is the famous Aphrodite of Knidos by Praxiteles. Considered by Pliny the Elder (A.D. 23-79) to be the finest statue in the world, it was created as a religious work, a cult statue set up in a round temple at Knidos in the 4th century B.C. Highly innovative for its nude representation of the goddess, it is known in over three hundred sculptural copies and variants70. Like the Knidian Aphrodite, the Sleeping Eros originally would have been a religious image that became tremendously popular – adapted for a variety of public and private uses as images of religious devotion or decorative garden sculptures. The image of Sleeping Eros adapted well to the minor arts, which added to its widespread circulation. It appears, for example, as a decorative device on a Hellenistic gilt silver bowl of the 2nd century B.C.71

30 Another useful comparison is a remarkable bronze statue of a dancing satyr in Mazara del Vallo, Sicily72. Scholars disagree on its date but the sculpture is arguably a Greek bronze of the late 4th or 3rd century B.C., and was probably originally made as a dedication at a sanctuary73. Despite its wild ecstatic pose, the sculpture maintains a reverence that would have been essential to a religious work and its dedicator. This kind of dancing satyr also became a very popular type in later Hellenistic Dionysian and Roman Bacchic imagery74. The explicit sensuality of the Dancing Satyr of Mazara del Vallo compares with the bold religious sculptures by the seventeenth-century Roman master Gian Lorenzo Bernini such as the ecstasy of Beata Lodovica Albertoni in the church of San Francesco al Ripa and the ecstasy of Santa Teresa in Cornaro Chapel of Santa Maria della Vittoria, Rome75. Brilliant sculptors, who have to work within the confines of their commissions, still manage to create startlingly original compositions. Like the Knidian Aphrodite and the Dancing Satyr of Mazara del Vallo, the sculptor of the original Sleeping Eros created a bold new composition, but one that remained within the strictures of religious dedications.

31 The notion of art history was first introduced by Hellenistic Greeks. Its study was cultivated at great centers of learning, Alexandria and Pergamon, for example, established through the patronage of the Hellenistic kings, as well as at Athens. The sculptor of the original Sleeping Eros would have been well aware of statues of the god from earlier periods in Greek art. The contrast between Lysippos’s statue, where Eros is stringing his bow in preparation for action, and the Sleeping Eros may well have been intentional. Whereas references to Praxiteles’s statue of Eros emphasize the god’s ardent gaze, the sculptor of the Sleeping Eros achieved a masterpiece in which the eyes of the god are not even open.

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32 Love was a popular theme in bucolic poetry of the Hellenistic age. There are even several references in the Palatine Anthology to sleeping Eros statues, and the need for silence so as not to wake the child. An epigram by Statilius Flaccus, dated to the 1st century B.C. refers cautiously to a Sleeping Eros statue76. There is no doubt that most ancient viewers who came upon the Sleeping Eros statue would have immediately thought of the myth of Eros and Psyche, the personification of the human soul, whose story hinges upon a sleeping Eros. In fact, the myth may have been inspiration for the artist who conceived of the Sleeping Eros statue. The connection between Eros and Psyche can be traced back to the Classical philosopher Plato and his ideas on the human soul, as they are set out in Phaedrus, where Psyche acquires wings thanks to Eros. The two mythological beings represent the perfect union of divine love and the human soul. The earliest written account of the story of Eros and Psyche is that of Apulius in The Golden Ass, IV.28-VI.24, from the second half of the 2nd century A.D., although the tale is much older than that. In fact, the image of the child Sleeping Eros was sometimes adapted to illustrate Apulius’s account77. Interestingly, the myth of Cupid and Psyche is referenced explicitly in one variant of the New York Sleeping Eros type – an Early Imperial Roman marble statue in the Uffizi in Florence (fig. 18), in which a sleeping butterfly rests next to sleeping cupid78. The monument is thought to have been a tomb marker. Instead of a bow Cupid holds a bunch of poppy seed capsules in his left hand. Although the figure has sometimes been identified as Somnus or Sleep, the inclusion of the butterfly makes clear that it is Cupid.

Fig. 18. Statue of Sleeping Eros

Ex. Medici Collection. Roman, Imperial period, 2nd century A.D. Marble. Length 69 cm. Collection of the Uffizi Gallery, Florence (Inv. 1914 n. 392). © Scala/Art Resource, New York.

33 Of particular interest for understanding the ancient history of the Met’s Sleeping Eros statue are the new results of metallurgical and technical analyses, which indicate that

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the statue was repaired in antiquity. As there have been few detailed scientific analyses of the cast sections of ancient bronzes there are not many specific parallels to point to, although it is not surprising that such repairs were made in antiquity. The bronze statues of philosophers from the Antikythera shipwreck have some repairs that may have been made long after their initial creation. The statues are considered to be Early Hellenistic Greek works that were being transported from an eastern port such as Delos, Pergamon, or even Ephesos to the West in the 1st century B.C.79 More frequent are later variants of popular types like the bronze statue known as the Spinario in the Capitoline Museum in Rome whose body conforms closely to a Hellenistic prototype but whose hair and face reflect the Augustan period in which it was made80. If the Metropolitan’s Sleeping Eros was created in the 3rd or 2nd century B.C. and restored at a much later date, it may well have had more than one ancient context. It may have remained a dedication at a sanctuary, or it may have been removed from that context and entered a private or imperial collection of art. Thousands of major Greek sculptures were looted from sanctuaries and other civic spaces of Greek city-states during the Hellenistic period81. Romans paid tremendous sums for Greek sculptures and, at times, would go to extraordinary lengths to acquire them. In Cicero’s prosecution of Verres, the notorious Roman governor of Sicily, he notes that Verres stole a marble statue of Eros by Praxiteles from a Roman villa in Messana82. Cicero’s description of the villa of Gaius Heius of Messana and its rich collection of Greek sculptures, including some set up as private cult statues within shrines created in the home, give a sense of the wealth of such private Roman collections of Greek sculptures and their display. The Villa dei Papiri at Herculaneum is the best known example of an ancient Roman villa in which many of the sculptures in bronze and marble were recovered through excavation. A wide variety of Greek commemorative and votive sculptures appealed to the owner of the villa who incorporated them into decorative displays in many parts of his country estate83.

34 To judge from the number of replicas, the Sleeping Eros and its many adaptations and variations – as Sleeping Cupids and even Somnus, the Roman personification of sleep – were especially popular in the Roman Imperial period. Particularly notable are the wide variety of contexts in which these sculptures were displayed. As in the Hellenistic period, statues of Sleeping Eros continued to be offered as dedications at sanctuaries, but they also decorated Roman public baths, fountains and private villas. Two late epigrams added to the Palatine Anthology refer to a Sleeping Eros sculpture as part of a group with a satyr, which decorated a fountain, the sound of whose waters helped the child sleep84. Small-scale statuettes provided an alternative to those who could not afford or did not desire a large-scale statue. The pose of a Sleeping Eros could easily be adapted according to a client’s desires, such as a small-scale bronze statuette from Pompeii that likely decorated a private home85. Another small-scale marble excavated in a taverna at Ostia, the port city of Rome, surely served a decorative function86. The type was well-suited for funerary use and Sleeping Eros/Cupid sculptures became popular tomb monuments, especially those made for children87. The image was adapted for a wide variety of uses from its appearance in relief on sarcophagi, marble urns, and altars to mosaics, wall paintings, gold jewelry, terracotta lamps, and an array of other objects.

35 The recovery of ancient sculptures in the Italian Renaissance period, works such as the Laocoon found in the Roman emperor Nero’s Golden House in the early 16th century,

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inspired artists like to adapt classical styles to their own work. The Sleeping Eros was among the earliest types rediscovered and it is known that Michelangelo even made one, which he passed off as an ancient sculpture88. Sleeping Eros was the subject of numerous figural studies by Renaissance and Baroque artists in Italy who were looking to the classical tradition for inspiration. Undoubtedly, the most interesting later adaptation of the Sleeping Eros statue is Caravaggio’s Sleeping Cupid painted in Malta in 1608 and now in the Pitti Palace, Florence (fig. 19). It has been interpreted as an allegorical figure of the conquest of carnal passion. While the painting has been argued to be “a token of a great Platonic passion”, the dark pigments and Caravaggio’s representation of the child as a boy of the gutters may instead signify the death of love89. The figure’s pose clearly looks to the ancient type, which was also a popular subject in seventeenth-century Italian poetry90. The appearance and evocation of Caravaggio’s Sleeping Cupid could not be more different from the Metropolitan’s ancient bronze sculpture of the Sleeping Eros.

Fig. 19. Caravaggio (Michelangelo Merisi da) (1573-1610), Sleeping Cupid, 1608

Collection of the Pitti Palace, Florence. Photo by Nicola Lorusso. © Alinari/Art Resource, New York.

Conclusion

36 Like Caravaggio’s Sleeping Cupid, the Metropolitan’s Sleeping Eros would have looked incredibly life-like to the ancient viewer (fig. 1). Part of the success of the statue is the way the sleeping figure draws in the viewer to become a part of the scene as he or she looks down at this loveliest of heavenly creatures. They say that children look like angels when they sleep. The artist of the Sleeping Eros has captured that serenity and beauty. Remarkably enough, with its widespread usage in Roman times, the Sleeping Eros is likely to have been one of the major inspirations for the cherubs and putti that

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become so prevalent in Renaissance and later art. The sleep of the Metropolitan’s bronze Eros is not the troubled sleep of the Hermaphrodite or Sleeping Ariadne. The god of love is at peace and the pure innocence of love is clearly represented. Although the quiver around his neck and the presence of his bow allude to his ability to wound, it is not the side of Eros that wins out in this representation. While it is a most unusual representation for a deity, there is precedent for the notion of a sleeping Eros in the myth of Eros and Psyche. The sculpture became one of the most popular sculptural types in Roman times, displayed in baths and nymphaeums as part of fountains as well as in private villas, even tavernas and as funerary monuments.

37 Comparison of the Metropolitan’s Sleeping Eros with other extant examples of the New York type shows it to be a work apart – one of the highest quality. However, the other replicas enable us to restore in the mind’s eye the missing elements of the composition, notably the bow and quiver, the placement of the left arm and the missing drapery. The technical analysis proves the statue to be a tour de force of craftsmanship, expertly restored in antiquity, possibly after damages occurred to the drapery between the legs. The repairs may have been made as late as the Early Imperial period given the high lead content of the drapery. When the statue was first made in the Hellenistic period, probably in the 3rd century B.C., the Sleeping Eros was most likely a religious dedication set up at a sanctuary like the famous bronze Eros by Lysippos (see fig. 2) dedicated at Thespiae in Boeotia. In later times, it could have remained in its original location or been removed as a valuable antique Greek sculpture and displayed in a private setting such as a Roman villa. Seán Hemingway wishes to thank Thomas P. Campbell, Director, and Carlos A. Picón, Curator-in- Charge of the Department of Greek and Roman Art for their support; Richard Stone and Mark Wypyski for their sterling collaboration; and other colleagues at the Metropolitan Museum including Barbara Bridgers, Carrie Reborah Barratt, Lawrence Becker, Marco Leona, and Julie Zeftel. Part of the research for this essay was undertaken while I was the Metropolitan Museum of Art Visiting Curator at the American Academy in Rome. I am extremely grateful to Cynthia Hazen Polsky, whose generosity makes this fellowship possible and I am grateful to my colleagues at the American Academy in Rome. This research also resulted in the exhibition “Sleeping Eros” on view at the Metropolitan Museum, January 29-June 23, 2013. I am also thankful to the following individuals: Allia Benner, Sophie Descamps-Lequime, Carol C. Mattusch, Claudio Parisi Presicce, Brunilde S. Ridgway, and Andrew Stewart. I especially thank Colette C. Hemingway, who is the Psyche to my Eros, for her encouragement, thoughtful discussions and editing.

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NOTES

1. For the Eros statues of Phidias, Alcamenes and Praxiteles, see Corso 2004, p. 244-256; Pasquier, Martinez, 2007, p. 354-356.

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2. The group is mentioned by Pausanias (II.21). See Calcani, 2009, p. 48. 3. On the origins of Eros, see Breitenberger, 2007, p. 137-169. See also Hemingway, 2013, especially p. 30-32. 4. See Pirenne-Delforge, Pironti, 2011, p. 41-53, especially p. 46. 5. “you cruel child of guileful Aphrodite, whom she bore to… Ares.” Simonides, Fragment 575 (Campbell, 1991, p. 461). 6. See, for example, Kondolean, Segal, 2011, p. 64, catalogue number 40, p. 193. 7. Söldner (1986, p. 596-619, catalogue numbers. 3-38) catalogues 35 examples. Four more can be added to her list for the New York type: a Roman marble fountain statue in the Delphi Archaeological Museum; a large marble statuette of unknown provenance, dated to the 2nd century A.D., in the Athens National Archaeological Museum, inv. no. 5753 (Stampolidis, Tassoulas, 2009, p. 156-157, illustrated); a small marble statuette found in Rome in the Tiber River and likely dated to the first century A.D., Museo Nazionale Romano Terme di Diocletio; and an early Imperial small marble statue from a French Private Collection (Christie’s New York, 11 June 2003, Sale 1244, lot 168, illustrated). 8. Richter, 1943, p. 377. 9. See Mattusch, 1996, Classical Bronzes, p. 161-163, for a summary of the many different dates within the Hellenistic period assigned to the statue. 10. Marcadé, 1993, p. 482. 11. Söldner, 1986, p. 65. 12. Richter, 1943, p. 372-374. 13. Ridgway, 1990, p. 326-328. 14. Hemingway, 2004, p. 13. 15. Mattusch, 1996, Classical Bronzes, p. 165. On technical grounds alone, however, it would be highly unlikely for the statue to be dated any later than the 2nd century A.D. because large-scale Roman bronzes of the 3rd century A.D. and later tend to be much poorer castings with large quantities of lead in their alloys. 16. Burn, 2004, p. 148, fig. 85. 17. Picón, Mertens, Milleker et al., 2007, p. 451, no. 240; Hemingway, 2007, p. 50, fig. 1, p. 54-55. 18. On the Colossus, see Haynes, 1992, p. 121-128; Clayton, Price, 1989, p. 124-137; Smith, 1991, p. 242, fig. 303. 19. On the Hellenistic sculpture of Rhodes, see Merker, 1973; Machaira, 2011; Mattusch, 1998, p. 149-156. 20. See Zimmer, Hackländer, 1997; Gerlach, 2002, especially p. 16-27, figs. 1-2, 11. 21. Hemingway, Milleker, Stone, 2002, p. 200-207. 22. See Mattusch, 1996, The Fire of Hephaistos, p. 182-184, illustrated; see also Azema et al. in this volume. 23. See Richter, 1943, p. 371, fig. 7 for an image of the statue prior to cleaning. This work was carried out by the conservator Joseph Ternbach for Joseph Brummer. 24. Richter (1943, p. 370) only identified 5 of these sections. She had not noticed the joins in the legs. 25. The thickness of the bronze in the body is typically between 3-5 mm. In places such as the break in the thumb and the lower part of the upper left wing are considerably thicker. On the lost wax process and piece casting statuary, see Hemingway, 1996, p. 1-8; Hemingway, 2000, p. 37-46. 26. The chaplet hole in the head and abdomen are 3.4 mm x 3.4 mm. A second chaplet hole in the body near the left arm is 4.0 mm x 4.0 mm. The ones in the drapery and legs are of a similar size. 27. This part of the drapery still has a layer of burial accretion on its underside. 28. See Mattusch, 1996, The Fire of Hephaistos, p. 279, fig. 35n. 29. The hammered patch measures 12.3 mm x 10.5 mm. 30. The channel is 53.4 mm long and 5.1-5.5 mm wide.

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31. Mertens (1985, p. 52) also notes that the way the statue “was made shows that it had a separate base, most likely of stone”. 32. Hellenistic bronze sculptors were known to use other materials in their bronze sculptures to make them more lifelike. Smith (1991, p. 140) notes that marble bases in the form of rocks for Hellenistic bronze statues have been found on Delos and at Kamiros on Rhodes. 33. Bronze head of Sleeping Eros from Volubilis, Roman copy, 1st or 2nd c. A.D., Rabat Archaeological Museum, accession number Vol. 172. See Boube-Piccot, 1991, p. 58-59, illustrated. Not enough is preserved to attribute it to a specific type. 34. The body of the bronze Eros from Epiais-Rhus was first discovered in 1961 in a second- century A.D. Roman villa, see Piganiol, 1961, p. 295-297, fig. 20. Its wing came to light in a later salvage excavation at the site, see Fleury, 1977, p. 327-328, fig. 11. See also Söldner, 1986, p. 619-620, figs. 48-49. I am grateful to Sophie Descamps-Lequime for assisting me in examination of the bronze Eros from Epius-Rhus at the Louvre in 2009. 35. A particularly well-preserved example of Hypnos is the small statue in the collection of Shelby White and Leon Levy, New York. See Mattusch, 1996, Classical Bronzes, p. 151-160, esp. fig. 5.5; Mattusch, 1996, The Fire of Hephaistos, p. 244, fig. 27d. For the Salamis Youth, now in the Antikensammlungen, Berlin and dated to the Early Augustan period, see Heilmeyer, 1996, especially p. 43, pl. 8. For the head of an athlete in the DeMenil Collection, see Exhib., Άπ οξυομενος 2011, p. 4-37 with previous bibliography. Another bronze copy of the type was found off the coast of Croatia in 1999. Interestingly, it also exhibits the same joining technique for the head and has been dated to the 1st century B.C., see Michelucci, 2006, p. 42-43, 46-47, figs. 28-29. 36. The other high lead sample (sample 6) was taken from an excrescence on the interior of the left leg that is excess metal from the joining of the drapery to the left leg. 37. On the alloy of Hellenistic bronze sculptures, see Mille et al., 2012, fig 34; Hemingway, 2004, p. 149. For a compendium of analyses of Roman Imperial bronzes, see Lahusen, Formigli, 2001, p. 471-478. 38. Giustozzi, 2007, p. 47. 39. Although the naturalistic wings of the Metropolitan’s Sleeping Eros, which lie closed like a bird’s wings, are not as common as the Capitoline variant, there are other examples from the series as on a small statuette from the Tiber in the Museo Nazionale Romano, and on a first- century A.D. marble statue from Paphos, Cyprus. See Söldner, 1986, p. 606, catalogue number 18, fig. 18. 40. For the statue from Paphos, see Söldner, 1986, p. 606, catalogue number 18. For the statue from Delphi, see Marcadè, 1993, p. 475-484, figs. 1-2. 41. The pose is reversed and the drapery simplified. See Hemingway, 2002, p. 27, illustrated; Hemingway, 2004, p. 7-9, figs. 5-6. 42. A preliminary sketch line for the quiver strap is visible beneath the wing. It must be something like the under drawing or sketch lines that one sometimes sees on Greek vase paintings. Since this strap line would have been covered by the wing, it would not have been visible to the ancient viewer and so the artist left it there. 43. The golden tipped arrows of Eros were said to have dove feathers, while the lead tipped arrows had owl feathers. It is not possible to tell what type is represented in the fragment preserved by the god’s head. 44. See Söldner, 1986, p. 603-604, catalogue number 15, figs. 20-21. 45. An elaborate quiver appears on a Lysippan replica from Gabii in the collection of the Rome National Museum displayed in the Palazzo Massimo alle Terme, inv. no. 129185. See La Regina, 1998, p. 144-145, illustrated. 46. See Söldner, 1986, p. 65-75, especially the example in the Louvre, fig. 45, which also has the quiver open.

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47. Safarik, Zeri, 1990, p. 154-155, no. 85, illustrated. I am grateful to the Colonna family and their curator for enabling me to study this sculpture in the Galleria Colonna in February 2012. 48. On representations of sleeping figures in vase paintings from the Classical period, see McNally, 1985, especially p. 155-165. 49. Ridgway (1990, p. 313-318, pl. 157) also suggests it is a Roman work in a Hellenistic mode. 50. Sorbella, 2007, “A Satyr for Midas”, p. 219-248. 51. See Sorbella, 2007, “A Satyr for Midas”, p. 245. 52. See Ridgway, 1990, p. 330-332. 53. Haskell, Penny, 1981, p. 184-187. 54. See McNally, 1985, p. 152-192. 55. See Stafford, 1993, p. 11-112; Kondolean, Segal, 2011, p. 128-129, 204, no. 121. On the Roman copies and their significance for a Roman viewer, see Hemingway, 2006, “Roman Erotic Art”, p. 10. 56. See Smith, 1991, p. 133-134; Clayton, Price, 1989, p. 124-137. 57. Stewart, 1997, p. 230. 58. Ashmole, Beazley, 1932, p. 84; Ashmole, 1922, p. 244-247, fig. 10, pl. X. 59. See, for example, Hermary, Cassinatis, 1986, “Éros endormi”, LIMC, III.1, 1986, p. 916. 60. Pollitt (1986, p. 149) remains uncertain of the original statue’s significance, but suggests that it could have been a serious votive connected with a fertility cult. Although the conception of the Sleeping Hermaphrodite is very contrived, and the figure’s female body and face are idealized, at the root of the representation, which does not appear in Classical art, is an interest in realism, for actual Hermaphrodites certainly did exist in the classical world and would no doubt have fascinated Hellenistic artists who endeavored to represent the human body in its many different manifestations. 61. Other sculptures of sleeping figures from the Hellenistic period include a marble relief of a drunken Sleeping Herakles in the collection of the Bowdoin College Museum of Art (see Kondolean, Segal, 2011, p. 118, no. 100) and a female head from the Ludovisi Collection in Rome identified as Erinys, one of the Fates or Furies, sleeping on the tomb of Agamemnon. 62. See Vlachogianni, 2012, p. 69-70. 63. Descamps-Lequime, 2011, p. 546, catalogue no. 341, illustrated. See also Stampolidis, Tassoulas, 2009, p. 156, catalogue no. 125. The appearance of Eros as a tomb offering is linked to the cult of chthonic Aphrodite. See also Pandermalis, 2004, p. 102. 64. Hemingway, 2004, p. 17. 65. Hemingway, 2005, p. 38. 66. Söldner (1986, p. 291-305) suggests it may have been a fountain sculpture in a Dionysian park. On royal gardens in the Hellenistic period, which became increasingly elaborate and ornamental and sometimes included fountains and sculpture, see Bowe, 2010, p. 216-219. 67. It can be compared to other major dedications of bronze statues such as the famous charioteer from Delphi. See Mattusch, 1988, p. 127-135, fig. 6.6; Hauser, Finn, 1983, p. 20-31. 68. See The Metropolitan Museum of Art, New York, accession numbers 74.51.1595, 74.51.1598, 74.51.1597, 74.51.1599, 74.51.1709, 74.51.1741. 69. Vlachopoulos, 2006, p. 90-91, fig. 103. 70. Corso, 2007, p. 9-9-186, and for the list of 335 extant replicas p. 206-230. 71. See Christie’s 2012. p. 138, lot 288 illustrated, a gilt silver bowl whose central medallion has a baby Eros sleeping on a rosette. The motif occurs as early as the first quarter of the 4th century B.C. in a small terracotta (Bielefeld, 1952, p. 51, fig. 2) and must have circulated widely as it recurs in Gandharan jewelry of the 1st-2nd century A.D. See Proser, 2011: p. 91, no. 6. Eros was one of the deities whose image travelled East with Alexander the Great in the 4th century B.C. and which continued East as far as Central Asia influencing local arts. See Tanabe, 2003, p. 20. 72. See Petriaggi, 2003; Pasquier, Martinez, 2007, p. 284-291; Andreae, 2009, p. 7-80.

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73. Pasquier, Martinez (2007, 284) suggest 4th c. B.C. or 2nd-1st c. B.C. Andreae argues it is an original by Praxiteles of 4th c. B.C. Corso (2004, p. 170) dates it to the Early Hellenistic period. 74. See, for example, a Roman terracotta plaque with a dancing satyr and maenad, Augustan or Julio-Claudian period, ca. 28 B.C.-A.D. 68, in the collection of the Metropolitan Museum of Art, New York, Rogers Fund, 1912, accession number 12.232.8b. See Mertens, 1987, p. 109, catalogue number 79. 75. See Scribner, 1991, p. 118, pl. 38, p. 90-93, pl. 25. 76. See Richter, 1943, p. 372. 77. On the myth, see Rose, 1959, p. 286-287. C.S. Lewis wrote a particularly poignant version of the myth. See Lewis, 1956. 78. See Mansuelli, 1958, p. 140, fig. 110. 79. See Vlachogianni, 2012, p. 70, and see P. Bougia’s contribution in this volume. 80. See Exhib., The Spinario, 2005. See also La Rocca, Presicce, Lo Monaco, 2010, p. 302-303. 81. On the numerous examples of pillage of Greek works by Roman armies during wars of the Hellenistic period, see Pape, 1975, especially p. 6-26. See also Hemingway, 2004, p. 17, and Miles 2008. 82. See Corso, 2010, p. 88-103. 83. See Mattusch, 2005, especially p. 12-19. See also Zanker, 2008, p. 11-21. 84. Greek Anthology 9.586 and 9.587. 85. Söldner, 1986, p. 742, catalogue number 318, figs. 39-41. 86. Söldner, 1986, p. 606-607, catalogue number 19. This statuette was missing from the storerooms of the Ostia Archaeological Museum in March 2012. 87. See Sorbella, 2007, “Eros and the Lizard”, p. 353-370. 88. Unfortunately, his sculpture is lost today. See Norton, 1957, 251-257; Rubenstein, 1986, p. 257-259; Brown, 2002, p. 109-112, 160-172, 177-180, 475-477; Fusco, Corti, 2004, p. 41-52. 89. Posèq, 1990, p. 162. 90. Cropper, 1991, p. 199-201.

ABSTRACTS

The Bronze Statue of Sleeping Eros in the Metropolitan Museum has long been recognized as one of the finest bronze statues to survive from antiquity. It was first published by Gisela Richter as an original Hellenistic sculpture or very close replica dated between 250 and 150 B.C. Many subsequent scholars tend to agree with Richter’s assessment although not her precise dating. Others believe it to be a very fine Roman copy of one of the most popular sculptures ever made in Roman Imperial times known from hundreds of copies, variants and adaptations. This article presents a new assessment based on careful scientific and technical examinations of the statue itself and a close study of other existing sculptures of this type. The research supports Richter’s identification of the statue as a Hellenistic work, but also makes apparent that it was restored in antiquity, most likely in the Early Imperial period. Consideration of the cult and mythology of Eros, other major Late Classical and Hellenistic sculptures, as well as the different meanings of the Sleeping Eros in later periods, enable a more cogent understanding of the original display of the Metropolitan Museum’s bronze statue of Sleeping Eros and its significance in antiquity.

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L’Éros endormi conservé au Metropolitan Museum of Art est reconnu depuis longtemps parmi les plus beaux grands bronzes antiques parvenus jusqu’à nous. Gisela Richter, la première à l’avoir publié, le considérait comme un original de la période hellénistique ou une réplique fidèle, et le datait entre 250 et 150 av. J.-C. Depuis, de nombreux auteurs se sont accordés sur cette identification tout en ayant quelques divergences sur la datation. D’autres pensent qu’il s’agit d’une très bonne copie romaine d’une des sculptures les plus prisées de la période romaine impériale, connue par des centaines de copies, variantes et adaptations. Cet article présente une nouvelle évaluation fondée sur des examens scientifiques et techniques approfondis de la statue elle-même et sur une observation minutieuse d’autres sculptures du même type. Ces travaux tendent à confirmer l’hypothèse hellénistique avancée par Gisela Richter, mais révèlent également que la statue a fait l’objet d’une restauration dans l’Antiquité, sans doute au début de la période impériale. Le culte et la mythologie d’Éros, d’autres sculptures importantes de la période hellénistique et de l’Antiquité tardive, ainsi que les différentes significations de l’Éros endormi à des époques ultérieures éclairent notre compréhension de l’installation d’origine du bronze actuellement à New York et de ses enjeux dans l’Antiquité.

INDEX

Mots-clés: restauration antique, Aphrodite, Éros, dieu de l’Amour, sculptures en bronze hellénistiques Keywords: ancient repair, Aphrodite, Eros, god of love, Hellenistic bronze sculpture

AUTHORS

SEÁN HEMINGWAY Curator, Greek and Roman Art, The Metropolitan Museum of Art, New York, NY (sean.hemingway[at]metmuseum.org)

RICHARD STONE Conservator Emeritus, The Metropolitan Museum of Art, New York, NY.

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La lame de plomb découverte à l’intérieur de l’Apollon de Piombino The lead strip found inside the Apollo of Piombino

Nathan Badoud

NOTE DE L'AUTEUR

Pour des raisons de place, on ne trouvera ici qu’un bref aperçu d’une enquête entamée en 2007, dont les premiers résultats ont été exposés en février 2013 (pour partie aux Études grecques, pour partie lors du colloque dont les actes occupent le présent volume), avant de faire l’objet d’une notice préliminaire par S. Descamps-Lequime dans Exp. Florence-Los Angeles-Washington, 2015, p. 288-290. L’étude complète sera bientôt publiée. Je remercie Mélina Filimonos-Tsopotou, Maria Michailidou, à Rhodes, et Sophie Descamps-Lequime, au Louvre, de m’avoir donné accès aux documents qui m’intéressaient.

À Brunilde Sismondo Ridgway, pour le cinquantenaire d’un article mémorable.

Aperçu d’une controverse

1 En 1834, le Louvre faisait l’acquisition d’une statue en bronze découverte au large de Piombino, en Toscane (fig. 1). Sa configuration générale évoquait de près celle de l’Apollon Payne Knight1, réplique miniature de l’image du dieu que Canachos de Sicyone avait élevée à Didymes, à une date que l’on savait déjà antérieure à la destruction du sanctuaire par Xerxès, et que l’on situe aujourd’hui entre 499 et 4942. Toutefois, la sculpture du Louvre portait sur son pied gauche une inscription qui la présentait comme une « dîme à Athéna » (fig. 2). Or il paraissait inconcevable que la statue d’une divinité, Apollon, fût dédiée à une autre divinité, Athéna. Pour Désiré Raoul-Rochette, qui fut le premier à l’étudier de manière approfondie, la statue

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représentait donc un éphèbe, et remontait à l’époque archaïque. La paléographie de la dédicace semblait certes postérieure à cette époque, mais y avait-il lieu de tirer argument chronologique d’une « inscription à-peu-près unique dans son genre, et consistant en deux mots seulement, où la lettre A est répétée six fois3 » ?

Fig. 1. L’Apollon dit « de Piombino »

H. 115 cm, musée du Louvre, Br 2. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/Les frères Chuzeville.

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Fig. 2. La dédicace inscrite sur le pied gauche de la statue

Telle que reproduite pour le compte de D. Raoul-Rochette dans les Monumens inédits publiés par l’Institut de correspondance archéologique I, Rome, Paris, 1829-1833, pl. LIX.

2 Confrère et rival de Raoul-Rochette à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Jean-Antoine Letronne était précisément de cet avis. Le style de la statue, notamment le modelé du dos et le travail des articulations, l’incitait en effet à y reconnaître une œuvre d’imitation, que la paléographie de la dédicace l’amenait à dater du IIIe siècle avant J.-C. Cette même dédicace, en revanche, n’empêchait pas de considérer la statue comme un Apollon, puisque les Anciens avaient plus d’une fois dédié la statue d’un dieu à un autre dieu4.

3 Éphèbe archaïque ou Apollon archaïsant ? La controverse en était à ce stade encore embryonnaire lorsque la statue commença à se couvrir d’altérations dont rien ne paraissait pouvoir entraver la progression. L’un des sous-conservateurs du Louvre, Jean-Joseph Dubois, s’avisa cependant que la cause du phénomène devait être cherchée dans les sédiments marins restés piégés à l’intérieur du bronze. Il fut donc décidé de faire sortir par les orbites de la statue tout ce qui ne pouvait être extrait à travers le trou pratiqué dans le talon gauche. C’est alors, en août 1842, que les ouvriers du musée découvrirent, au milieu d’un agglomérat de sable et de gravier auquel se mêlaient les résidus de l’âme de la statue, trois fragments d’une lame de plomb portant des lettres grecques (un quatrième fragment similaire avait été malencontreusement détruit). Aussitôt informé, Letronne y reconnut la signature de deux sculpteurs, dont les noms n’étaient ni entièrement conservés ni même restituables, mais qu’il tint pour les auteurs de la statue (fig. 3) : [.]ηνόδο[τος --- καὶ ---]φῶν ‛Ρόδ[ι]ος ἐπόο[υν]. La paléographie de cette nouvelle inscription interdisait de la faire remonter au-delà du Ier siècle avant J.-C. : le bronze était donc bien une œuvre d’imitation, plus récente encore que la dédicace ne l’avait d’abord laissé supposer5.

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Fig. 3a, b et c. Les fragments de la lame de plomb découverts à l’intérieur de la statue

Tels que reproduits pour le compte de J.-A. Letronne dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres XV, Paris, 1845, p. 139 et 143.

4 Telles étaient les principales conclusions de la communication que Letronne lut devant l’Académie le 30 septembre 1842. Quatre mois plus tard, alors que cette communication était encore inédite, Eugène Piot faisait paraître un article retentissant dans le premier numéro du Cabinet de l’amateur et de l’antiquaire, dont il était le directeur : il y insinuait que la lame présentée à l’Académie était un faux, inspiré par une inscription conservée au Cabinet des médailles6. La rumeur enfla, et désigna bien vite Dubois comme l’auteur de la supercherie.

5 Piot fut menacé d’un procès en diffamation, Dubois exigea un droit de réponse qui lui fut refusé ; il fit donc paraître à son propre compte une défense bien maladroite, à laquelle son adversaire répondit par de nouvelles accusations7. Quant à Raoul-Rochette et à Letronne, ils développèrent sur plusieurs centaines de pages la controverse entamée huit ans plus tôt8, mais moururent au milieu du XIXe siècle sans que le débat ne fût tranché. Sur le plan social, Letronne fut incontestablement vainqueur : sa promotion à la tête de la Bibliothèque royale, qui fit de lui le supérieur hiérarchique de son rival – trop conservateur pour n’avoir rien à espérer de la Monarchie de Juillet et démis de ses fonctions aussitôt après la révolution de 1848 –, ne fut que l’une des étapes d’une très brillante carrière. Sur le plan scientifique, en revanche, l’avantage resta à Raoul-Rochette. On s’accorda en effet à regarder la statue comme un Apollon, mais on en fit une œuvre du VIe ou du Ve siècle avant J.-C., et ce d’autant plus facilement que la lame fut considérée comme perdue après avoir été déclarée fausse par la dernière personne à l’avoir examinée9.

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6 Il fallut attendre le milieu du XXe siècle pour que la thèse de Letronne connût un premier regain de faveur, rendu possible par l’oubli dans lequel était désormais tombée la figure sulfureuse de Dubois. En 1941, Sterling Dow déclarait ainsi ne voir aucune raison de douter de l’authenticité de la lame de plomb. Néanmoins convaincu de l’archaïsme de la statue, il proposait de l’attribuer aux auteurs d’une réparation antique10. En 1967, au terme d’une analyse stylistique très poussée, qui rejoignait sur plus d’un point celle de Letronne, Brunilde Sismondo Ridgway conclut que l’Apollon de Piombino ne pouvait appartenir ni à l’époque archaïque ni au style sévère. Dans son opinion – maintes fois réaffirmée jusqu’en 2016 –, il ne pouvait s’agir que d’une œuvre du Ier siècle avant J.-C., dont le style archaïsant était destiné à abuser les acheteurs du marché romain. Pour elle, les auteurs de la supercherie avaient revendiqué leur forfait en signant la lame de plomb cachée à l’intérieur de l’Apollon, mais s’étaient trahis en imitant imparfaitement l’écriture archaïque dans la dédicace apposée sur le pied de la statue11.

7 La thèse de Sismondo Ridgway fut loin d’emporter une adhésion immédiate12. En 1978, on découvrit cependant une statue très semblable à l’Apollon de Piombino dans la maison de C. Iulius Polybius à Pompéi, où elle était utilisée comme trapézophore13. Cette trouvaille remarquable a paru confirmer la thèse de Sismondo Ridgway, qui prévaut largement aujourd’hui14, certains épigraphistes ayant même cru pouvoir arguer de la lame de plomb pour dater la statue du début du Ier siècle après J.-C.15 Plusieurs savants continuent cependant à attribuer l’Apollon de Piombino aux VIe-Ve siècles16. Ni les uns ni les autres n’ont été en mesure d’établir l’origine de la statue, qui reste aujourd’hui imprécisément grecque quand elle n’est pas considérée comme étrusque.

8 L’étude des inscriptions et l’analyse de la controverse ayant opposé Letronne à Raoul- Rochette permettent non seulement de lever cette double aporie, mais aussi d’appréhender la fonction exacte de l’Apollon de Piombino, bien différente de celle qu’on lui prête aujourd’hui.

La dédicace inscrite sur le pied gauche de la statue

9 Le fil d’argent qui rehaussait la dédicace a en grande partie disparu, mais l’empreinte des lettres se distingue encore nettement sur deux lignes. Au-dessus de ces deux lignes, on en devine une troisième, aujourd’hui très abîmée. Adrien de Longpérier est parvenu à établir qu’elle portait le nom de Charidamos17, qui est donc l’auteur de la dédicace à Athéna : Χαρ̣ί̣δα̣µ̣ος̣ | Ἀθαναίαι̣ | δεκάταν (fig. 4-5).

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Fig. 4. La dédicace inscrite sur le pied gauche de la statue

D’après A. de Longpérier, Notice des bronzes antiques exposés dans les galeries du Musée impérial du Louvre (ancien fonds et Musée Napoléon III). Première partie, Paris, 1868, p. 16.

Fig. 5. État de la dédicace en 2014

© RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/Stéphane Maréchalle.

10 Sur le plan de la paléographie, la forme de l’epsilon, du kappa, du nu et du sigma, comme la taille réduite des lettres rondes, permettent de placer l’inscription entre 200 et 50 avant J.-C. ; l’absence d’apices s’explique par la technique employée, qui associait gravure et incrustation. L’écriture ne peut en aucun cas être définie comme « archaïsante » ou « pseudo-archaïque », et n’autorise donc pas à faire de la statue un faux antique. Du point de vue de la morphologie, la préservation du A long montre en revanche que le dédicant de la statue s’exprimait dans un dialecte du groupe occidental, ce qui laisse certes un grand nombre de possibilités, mais permet au moins d’exclure l’Attique et l’Ionie.

11 Si l’on considère maintenant la répartition des inscriptions mentionnant le nom de Charidamos, il s’avère que Rhodes fournit environ 30 % du corpus, bien plus qu’aucune autre cité, qu’aucune région même, du monde hellénophone. Or, dans la dédicace, Athéna est appelée Athanaia. Il s’agit là du vieux nom de la déesse, peu fréquent dans les inscriptions, si ce n’est, une nouvelle fois, à Rhodes, qui fournit à elle seule près de 70 % du corpus. À compter du IIIe siècle, la forme Athanaia n’est plus usitée qu’à Lindos, d’où elle disparaît après 115 avant J.-C.18

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12 Le dernier mot de l’inscription, dékata, est lui aussi digne d’intérêt, dans la mesure où le sanctuaire d’Athana Lindia a fourni une très riche série de dîmes offertes à la déesse, qui commence à l’époque archaïque pour s’achever, une nouvelle fois, au IIe siècle avant J.-C.19 Le même mot prouve en outre que la statue n’est pas une offrande ancienne dont Charidamos se serait contenté de renouveler la dédicace, comme cela se produisait parfois20, mais qu’elle a tout au contraire été fabriquée grâce aux gains qu’il avait réalisés dans une opération quelconque. À en juger par sa seule dédicace, l’Apollon de Piombino est donc une statue archaïsante produite à Rhodes au IIe siècle avant J.-C., et consacrée à Athana Lindia.

13 Letronne et Raoul-Rochette ont âprement débattu de l’usage de dédier ainsi (ou non) la statue d’un dieu à un autre dieu. Cet usage est aujourd’hui mieux compris, grâce notamment aux travaux de Brita Alroth, qui a forgé le concept de visiting god pour en rendre compte. L’historienne suédoise a en particulier montré que si certains dieux n’entretenaient aucune espèce de relation, d’autres se fréquentaient régulièrement. Elle se demandait à ce propos si Apollon n’était pas l’une des divinités les mieux représentées parmi les figurines de terre cuite dédiées à Athana Lindia21. L’identification des effigies, qu’elle considérait encore comme incertaine, et l’origine attribuée à l’Apollon de Piombino se renforcent désormais l’une l’autre.

La lame de plomb portant la signature des sculpteurs

14 Venons-en maintenant à la lame de plomb et à la polémique qui a entouré sa découverte. Le résumé qui en a été donné en 1967 montre à quel point celle-ci a été mal comprise : Dubois aurait été accusé d’avoir forgé le document pour jouer un tour à Letronne, mais ses fonctions et son âge au moment des faits le mettraient à l’abri de tout soupçon22. Tout au contraire, Dubois a été accusé d’avoir commis un faux pour servir les intérêts de Letronne dans ce qui est probablement la plus longue et la plus violente controverse qu’ait connue l’Académie, et son activité de faussaire ne fait absolument aucun doute, puisque lui-même l’a publiquement reconnue dans sa réponse au premier article de Piot. Dubois y assurait cependant que cette activité, limitée à quelques dessins frauduleusement vendus comme des copies de vases grecs, avait cessé depuis longtemps, et qu’il n’était pas l’auteur de la lame découverte dans l’Apollon23 ; faut-il le croire ?

15 L’étude de la correspondance de Piot24 montre que Raoul-Rochette et Charles Lenormant sont à l’origine des accusations lancées contre Dubois, à l’endroit duquel les deux conservateurs du Cabinet des médailles entretenaient, pour des raisons diverses, une animosité personnelle. Raoul-Rochette avait également été le protecteur d’Adrien de Longpérier, qui, devenu conservateur au Louvre, déclara la lame fausse et la fit retirer des vitrines du musée25. Le même Raoul-Rochette s’était cependant refusé à apporter publiquement son soutien à Piot lorsque celui-ci avait été pris à partie par Dubois et Letronne, se bornant à lui conseiller de retirer ses accusations s’il n’était pas en mesure de les étayer26.

16 Letronne, de son côté, avait bien vu que l’un des deux sculpteurs nommés dans l’inscription portait un nom en –phôn, et qu’il était originaire de Rhodes27. Or, compte tenu de l’état de la documentation au milieu du XIXe siècle, il était rigoureusement impossible de présumer l’origine rhodienne de l’Apollon trouvé au large de Piombino :

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Letronne lui-même ne l’a d’ailleurs jamais envisagée. En d’autres termes, la signature inscrite sur la lame de plomb confirme l’analyse de la dédicace, laquelle établit en retour l’authenticité du document découvert par Dubois et publié par Letronne.

17 L’examen matériel du document, longtemps considéré comme perdu, mais retrouvé à la faveur d’un récolement réalisé en 2009 – alors que je m’étais enquis de son sort –, permet d’aboutir indépendamment à la même conclusion, puisque les fragments présentent des concrétions qui recouvrent également le sillon des lettres de l’inscription (fig. 6a, b et c). La gravure de la lame est donc antérieure à l’immersion de la statue ; elle est bien antique, et ne peut plus être considérée comme l’œuvre d’un faussaire.

Fig. 6a, b et c. Les fragments de la lame de plomb, après restauration

Louvre, Br 2a-c. © Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais/ Hervé Lewandowski.

18 Le document n’en pose pas moins trois problèmes majeurs. Le premier, que Letronne s’est employé à relativiser, est celui de sa paléographie, qui a paru nettement plus récente que celle de la dédicace ; le deuxième, qu’il a laissé entièrement ouvert, est celui de sa restitution ; le troisième, qu’il a tout simplement dissimulé, est celui de sa morphologie, la forme ἐπόουν demeurant à ce jour un hapax.

19 D’un point de vue paléographique, les lettres, munies de grands apices, revêtent incontestablement un aspect tardif. Le nu et le pi ont des jambes égales ou presque, la barre du phi déborde en haut, le omikron et le oméga occupent toute la hauteur de la ligne ; surtout, le sigma affecte une forme carrée qui n’apparaît guère – à en juger par les publications – que dans une trentaine d’inscriptions rhodiennes, imputables, en règle générale, à l’époque impériale. La règle connaît certes au moins une exception, puisque le sigma carré est attesté à Lindos au IIe siècle (?) avant J.-C.28 : cela pourra

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sembler trop peu pour soutenir une datation de la lame à l’époque hellénistique, mais il ne faut pas perdre de vue que la gravure de la pierre, où le ciseau percute un matériau dur, n’a guère de rapport avec celle du plomb, où la pointe incise un matériau mou, comme c’était également le cas dans la gravure des matrices en argile destinées à être imprimées, après cuisson, sur les anses des amphores commerciales rhodiennes. Les timbres amphoriques qui, par centaines de milliers, témoignent de ce procédé d’écriture sont aujourd’hui assez précisément datés pour établir que le sigma carré, encore inconnu au IIIe siècle, a fait l’objet d’un usage discret, mais répété, tout au long du IIe siècle29. La lame de plomb peut donc appartenir à cette époque (et plutôt à sa fin), tout comme la dédicace.

20 Venons-en maintenant à l’établissement du texte. On se souvient que le deuxième sculpteur était originaire de Rhodes ; l’adjectif ʻPόδιος étant au singulier dans l’inscription, le premier sculpteur avait une origine différente. Tout en déclarant ne pas croire à l’authenticité de la lame, Raoul-Rochette est le premier à avoir suggéré d’y reconnaître Mènodotos de Tyr, qui n’était alors attesté que sur une base de statue découverte à Athènes30, mais dont Dow a justement fait observer qu’il appartenait en réalité à une dynastie de bronziers établie à Rhodes31. Une nouvelle analyse de cette dynastie, dont le savant américain a donné une reconstitution erronée (qui amena à placer la prétendue restauration de l’Apollon vers 56 av. J.-C.), permet aujourd’hui d’affirmer que Mènodotos de Tyr a déployé son activité au tournant des IIe et Ier siècles avant J.-C., spécialement sur l’acropole de Lindos32. Parmi les très nombreux artistes attestés dans l’épigraphie rhodienne, il est le seul à pouvoir être identifié au premier sculpteur mentionné sur la lame de plomb. Que dire alors de son associé ? Jusqu’à présent, on ne connaissait aucun artiste rhodien dont le nom se terminât en –phôn, ce qui ne pouvait que renforcer les soupçons de faux pesant sur la lame ; mais en examinant le fonds d’estampages constitué au moment de l’occupation italienne du Dodécanèse, j’ai eu la chance de découvrir une inscription inédite, dont il m’a ensuite été possible de retrouver l’original au musée de Rhodes33. Il s’agit d’une base sur laquelle apparaît la signature d’un sculpteur nommé Xénophôn fils de Pausanias, de Rhodes, que la paléographie autorise tout à fait à identifier au –phôn de Rhodes mentionné sur la lame de plomb. Il y a plus : le monument sculpté par Xénophôn a été offert à Peithô, la déesse de la persuasion érotique, puis politique. Or, dans tout le monde grec, on ne connaît qu’une seule autre dédicace à Peithô, associée cette fois à Hermès ; non seulement cette dédicace provient de Rhodes, mais elle a été signée par Charmolas et son frère Mènodotos de Tyr34. Nous pouvons donc reconnaître en Xénophôn de Rhodes et Mènodotos de Tyr deux artistes contemporains, et rétablir leurs noms sur la lame de plomb.

21 Ne reste alors plus qu’un seul mot à examiner dans notre inscription : le verbe que Letronne lisait ἐπόο[υν], et qu’il présentait comme un « imparfait attique ». La forme n’a toutefois rien d’attique, et constitue même un barbarisme que l’on aurait eu beau jeu d’attribuer à un faussaire ignorant du grec, comme l’était Dubois, si Letronne n’en avait pas dissimulé l’incongruité derrière son autorité de philologue, et cela sans s’inquiéter du fait que la dédicace était rédigée dans un dialecte différent35. En réalité, la quatrième lettre du verbe n’est pas un omikron, mais un iota, qui se distingue nettement sur la lame, et à droite duquel apparaît encore la haste d’un êta. Il faut donc lire et restituer : [Μ]ηνόδο|[τος Τύριος καì Ξενο]|φῶν ‛Pόδ[ι|]ος ἐποί̣η̣[σαν], « Mènodotos de Tyr et Xénophôn de Rhodes ont fait (la statue). »

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Un contexte singulier pour une pratique singulière

22 L’hypothèse d’une supercherie commise par Dubois écartée, comment expliquer qu’une lame de plomb portant la signature des auteurs de l’Apollon de Piombino ait été insérée dans la statue ? Letronne posait déjà la question : selon lui, les deux artistes, empêchés de signer la base destinée à accueillir l’ouvrage, ou craignant qu’il n’en fût un jour retiré, avaient recouru à ce procédé pour obtenir une « gloire à distance » lorsque sa destruction révélerait le plomb marqué à leurs noms36. Sismondo Ridgway et les archéologues qui considèrent avec elle l’Apollon de Piombino comme un faux antique ont imposé une explication légèrement différente : les deux sculpteurs, ne pouvant signer une œuvre qu’ils devaient faire passer pour archaïque, auraient ressenti le besoin d’affirmer leur paternité – ou leur fierté d’avoir dupé le client romain – d’une manière qui était destinée à demeurer indétectable37. Enfin, Margarete Bieber a suggéré que la lame pouvait avoir appartenu à une autre statue, et avoir été utilisée comme matériel de remplissage lors de la réparation de l’Apollon38.

23 Cette dernière hypothèse, qui se contente de déplacer le problème qu’elle entend résoudre, peut être immédiatement écartée, puisque l’Apollon n’a pas subi les dommages qu’elle suppose. Parce qu’elle est éminemment contradictoire, l’idée qu’il ait fallu détruire la statue pour attirer l’attention sur ses auteurs ne peut pas davantage être retenue. Malgré sa popularité, celle qui ferait de la lame une marque de l’orgueil de faussaires antiques est tout aussi insatisfaisante, la marque en question ayant été conçue pour demeurer inaperçue. Tout en se méprenant sur le rôle joué par les deux sculpteurs, dans lesquels il voyait les auteurs d’une réparation antique, Dow se demandait s’il ne fallait pas considérer la lame comme « a reminder to the god of their work39 ». C’est à n’en pas douter le début de la bonne explication : au même titre, par exemple, qu’une partie des décors sculptés dans l’architecture religieuse, la signature, dissimulée aux yeux des humains, ne peut valoir que pour la divinité à laquelle la statue a été consacrée. Or, on l’a vu, la dédicace gravée sur le pied de l’Apollon démontre que la statue a été conçue, non pour duper le client romain, mais comme une offrande à Athéna40. Les deux inscriptions s’éclairent donc mutuellement : un léger détour permettra de réaliser à quel point.

24 Dans un discours célèbre, prononcé à Rhodes sous le règne, semble-t-il, de Vespasien41, Dion Chrysostome a dénoncé une pratique qu’il jugeait impie, en s’appuyant sur des témoignages locaux pour la situer dans son évolution historique : à l’en croire, les Rhodiens avaient commencé par autoriser que l’on s’épargnât le coût de fabrication d’une statue honorifique (εἰκών) en en remployant une ancienne , si celle-ci était abîmée et désolidarisée de sa base ; cette mesure avait ensuite été étendue aux sculptures installées sur des bases anépigraphes, avant de finir par englober, à son époque, des œuvres conservant leur dédicace originelle42.

25 Quelques bases d’époque impériale (dont la plus ancienne remonte précisément au règne de Vespasien) présentent une regravure de la dédicace qui illustre la dernière phase du processus évoqué par l’orateur43. Plus en amont, un décret nous apprend que, confrontés à des difficultés financières, les Lindiens résolurent de mettre aux enchères le droit d’apposer une nouvelle dédicace sur les bases de statues honorifiques (ἀνδριάντες) dont l’inscription avait disparu ou était devenue inintelligible 44 : cela se passait en 22 après J.-C., époque qui marquait donc, à Lindos tout au moins, le début de

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la deuxième phase évoquée par Dion Chrysostome à propos de la ville de Rhodes. Continuons notre remontée : en 99 avant J.-C., la « Chronique de Lindos » se proposait de cataloguer les principales offrandes (ἀναθέματα) dont le temps, voire un accident, avait causé la ruine, ou rendu les dédicaces illisibles45. La décision de rédiger le catalogue des offrandes n’est pas mise en relation avec un quelconque remploi de leurs bases, qui ne semble avoir débuté qu’un siècle plus tard (car les statues honorifiques, consacrées aux dieux, étaient bien une catégorie d’offrandes, comme Dion Chrysostome le souligne pour mettre en relief le sacrilège commis par les Rhodiens46). Nous pourrions donc nous situer là dans la première phase décrite par l’orateur, celle où une statue-portrait désolidarisée de sa base pouvait être utilisée pour le compte d’un nouvel honorandus (et une effigie divine reconsacrée par un nouveau dédicant ?), ou un peu avant. Quoi qu’il en soit, l’existence d’offrandes inintelligibles était un sujet de préoccupation à l’endroit précis et au moment même où l’Apollon dit « de Piombino » venait d’être offert à Athéna. N’est-ce donc pas pour se prémunir contre l’usure du temps que Mènodotos et Xénophôn déposèrent leur signature dans la statue, et que Charidamos y fit graver sa dédicace ? Pour la divinité, les sculpteurs resteraient ainsi à jamais liés à leur ouvrage, et le commanditaire à son offrande.

De Lindos à Piombino

26 Déprédation ponctuelle, pillage ou achat : autant de manières d’expliquer que l’Apollon de Lindos ait été arraché à son sanctuaire. Au milieu du Ier siècle avant J.-C., le consul P. Lentulus revenait ainsi de Rhodes, et sans doute plus précisément Lindos, avec une tête signée par Charès, qu’il fit exposer sur le Capitole47 ; devenus maîtres de Rhodes en 42, les partisans de Brutus allèrent jusqu’à piller les sanctuaires de la cité48 ; en 22 après J.-C., le décret de Lindos déjà mentionné interdisait d’enlever toute statue au sanctuaire d’Athéna, sauf dérogation49... Le fait est que l’Apollon fut chargé dans un navire qui fit naufrage au large de Populonia, ville presque abandonnée depuis les guerres civiles50 et qui n’était donc pas, selon toute vraisemblance, sa destination finale. Aux yeux de ses nouveaux propriétaires, la statue devait acquérir une valeur nouvelle, purement ornementale, dont témoigne le lampadophore découvert dans la maison de C. Iulius Polybius à Pompéi ; avant d’être ainsi réunis en Italie, les deux Apollons avaient revêtu des fonctions différentes dans deux sociétés qui ne l’étaient pas moins.

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Willers D., 1975, Zu den Anfängen der archaistischen Plastik in Griechenland, Mitteilungen des Deutschen archaeologischen Instituts. Athenische Abteilung, suppl. 4.

Zagdoun M.-A., 1989, La sculpture archaïsante dans l’art hellénistique et dans l’art romain du Haut- Empire, Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome 269, De Boccard, Athènes, Paris.

Zagdoun M.-A., 2002, “Observations on Archaistic Bronzes of Apollo”, dans C. Mattusch et al. (eds), From the Parts to the Whole. Acts of the 13th International Bronze Congress, Held at Cambridge Massachusetts, May 28 – June 1, 1996. Journal of Roman Studies suppl. 39.2, p. 65-68.

ANNEXES

Abréviations épigraphiques

AER I Kontorini, V., 1983, Inscriptions inédites relatives à l’histoire et aux cultes de Rhodes au IIe et au Ier s. av. J.-C., Louvain-la-Neuve.

AER II Kontorini, V., 1989, Ἀνέκδοτες ἐπιγραφές Ρόδου ΙΙ, Athènes. Lindos Blinkenberg, Chr., 1941, Lindos. Fouilles de l’acropole (1902-1914) II. Inscriptions publiées […] avec un appendice contenant diverses autres inscriptions rhodiennes, Berlin, Copenhague. TRI Badoud, 2015, inscriptions.

NOTES

1. British Museum, inv. 1824,0405.1. 2. Strocka, 2002-2003, p. 93-98. 3. Raoul-Rochette, 1833, p. 193-210, 323 (citation p. 208). 4. Letronne, 1834, p. 198-232, 235-236. 5. Letronne, 1845, p. 128-176 (imprimé sous forme monographique en 1843). 6. Piot, 1842a, p. 481-486. 7. Dubois 1843; Piot, 1842b, p. 529-540. 8. Voir principalement Raoul-Rochette, 1847, p. 101-309 ; Letronne, 1844, p. 439-444 ; Letronne, 1848, p. 248-250. 9. Longpérier, 1868, p. 17 ; voir infra, p. 67. 10. Dow, 1941, p. 357-359. 11. Sismondo Ridgway, 1967, p. 43-75 ; cf. Sismondo Ridgway, 2004, p. 553 (réédition mise à jour d’une étude de 1992) ; BMCR 2016.02.47.

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12. Bieber, 1970, p. 87 ; Richter, 1970, p. 144-145 ; Lauter, 1971, p. 600 ; Willers, 1975, p. 17 ; Fuchs, 1976, p. 289 ; contra, Robertson, 1975, p. 560, 601. 13. Soprintendenza speciale per i Beni archeologici di Pompei, Ercolano e Stabia, inv. 22924. La notice de Lapatin, 2015, p. 292, fournit la dernière bibliographie sur cette œuvre. 14. Voir en dernier lieu, avec diverses nuances, Daehner, Lapatin dans Exp. Florence-Los Angeles- Washington, 2015, p. 32 ; Hallett, 2015, p. 127 ; Harris, 2015, p. 406 ; Hemingway, 2015, p. 69 ; Hurwit, 2015, p. 21 ; Lapatin, 2015, p. 292 ; Mattusch, 2015, p. 123, 124 ; Casement, 2016, p. 6. 15. Hallof, Kansteiner, 2015, p. 503-505. 16. Brendel, 1978, p. 306 ; Congdon, 1981, p. 61-62 ; Zagdoun, 1989, p. 147-148, 213 ; Kreikenbom, 1990, p. 38 ; Fuchs, 1993, p. 61-62 ; Treister, 1996, p. 60, 207 ; Zagdoun, 2002, p. 66-67 ; Vollkommer, 2004, p. 70. 17. Longpérier, A., 1868, p. 16. 18. Lindos 251, l. 4, fournit la dernière occurrence. Voir provisoirement Badoud 2015, p. 45. 19. Lindos 175 fournit la dernière occurrence ; la structure de l’inscription est presque celle de la dédicace inscrite sur le pied de l’Apollon de Piombino. 20. Voir infra, p. 70. 21. Alroth, 1989, p. 84. 22. Sismondo Ridgway 1967, p. 44, n. 12. 23. Dubois, 1843. 24. Institut de France, ms 2231. 25. Supra, p. 66. 26. Supra, n. 24. 27. Letronne, 1845, p. 143. 28. Lindos 617. 29. Voir par exemple Nilsson, 1909, p. 465, no 340.9 (193 av. J.-C.), et p. 362, no 33.10 (ca 116 av. J.- C.). 30. Voir désormais Badoud, Fincker, Moretti, 2016, p. 345-416 (base A). 31. Dow, 1941, p. 341-360. 32. Badoud, 2010, p. 125-143 ; Badoud, 2015, p. 304. 33. Badoud, 2015, p. 281, no 106. 34. AER I, 7. 35. Rossignol, 1850, p. 108-110, est le seul à avoir attiré l’attention sur ce problème, dont il arguait pour établir l’existence d’une falsification. 36. Letronne, 1845, p. 170. 37. Sismondo Ridgway 1967, p. 71 ; cf., en dernier lieu, Hemingway 2015, p. 69 ; Hurwit 2015, p. 21 ; Casement 2016, p. 6. 38. Bieber, 1970, p. 88. 39. Dow, 1941, p. 358. 40. Supra, p. 67-68. 41. Momigliano, 1951, p. 150-151. 42. D.Chr. 31.141. 43. AER II, 66 (règne de Vespasien) ; Lindos 447 (règne de Nerva) ; Lindos 427 ; Lindos 556-558. 44. TRI 27, l. 30-44. 45. Lindos 2 (nouvelle édition du décret dans TRI 24). Sur la signification de l’inscription, voir Bresson, 2006, p. 527-551. 46. D.Chr. 31.89. 47. Badoud, 2011, p. 118. 48. D.C. 47.33. 49. TRI 25, l. 40-44. 50. Strab. 5.2.6.

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RÉSUMÉS

L’Apollon de Piombino occupe une place de première importance dans l’histoire de l’art occidental, mais ni sa chronologie ni son origine, débattues depuis 1834, n’ont pu être établies. À ce double problème, le présent article propose une solution nouvelle, qui amène à reconsidérer la fonction de l’œuvre et la signification même de l’art archaïsant.

The Apollo of Piombino plays a foremost role in the history of Western art, yet neither its chronology nor its origin – much debated since 1834 – have been able to be established. The present paper proposes a new solution that prompts us to reconsider the function of the work and the very meaning of Archaistic art.

INDEX

Mots-clés : Apollon de Piombino, art archaïsant, sculpture en bronze, Rhodes Keywords : Apollo of Piombino, Archaistic art, bronze sculpture, Rhodes

AUTEUR

NATHAN BADOUD Professeur d’archéologie classique (Fonds national suisse/université de Fribourg) (nathan.badoud[at]unifr.ch).

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Pour une meilleure compréhension du procédé de soudage de la grande statuaire antique en bronze : analyses et modélisation expérimentale Towards a better understanding of the welding process used in Greek and Roman large bronze statuary: analyses and experimental modelling

Aurélia Azéma, Daniel Chauveau, Gaëlle Porot, Florent Angelini et Benoît Mille

Introduction

1 Dès le XIXe siècle, quelques observateurs clairvoyants avaient envisagé la possibilité que les grands bronzes antiques n’aient pas été coulés en un seul jet, mais fabriqués en pièces séparées assemblées par un procédé très efficace de soudage1. Les recherches du XXe siècle se sont en priorité focalisées sur l’étude technologique du moulage (procédé indirect de fonte à la cire perdue)2 et sur l’analyse chimique du bronze (éléments d’alliage et éléments en traces)3. L’étude des assemblages n’a vraiment vu le jour qu’au début des années 1970 avec les recherches pionnières de Steinberg4, confirmées dans les années 1980-1990 par les résultats obtenus sur les guerriers de Riace5, le dépôt de bronzes d’Augst6 et les grands bronzes des collections nord-américaines7.

2 Il a cependant fallu attendre le lancement d’un programme étudiant l’évolution des techniques de la grande statuaire métallique antique, piloté par le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France et le département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre, pour prendre la pleine mesure de l’importance des techniques de soudage dans la fabrication des grands bronzes. Avec l’étude du cheval de Neuvy-en-Sullias, il a par exemple été montré que la statue a été

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coulée en 20 pièces séparées puis soudées ; mises bout à bout, les soudures formeraient un cordon de plus de cinq mètres de longueur8. Pour les grands dauphins de Vienne, certaines soudures faites d’un seul tenant mesurent près d’un mètre de longueur9! Ce faisant, nous avons montré qu’il existe une grande variabilité dans la technique antique de soudage, pour la préparation du joint soudé comme pour la mise en œuvre de l’assemblage, faisant du procédé de soudage un marqueur chronologique et/ou régional de première importance. Une forme particulière de soudure dite en « plate-forme » a ainsi récemment été mise en évidence10. Cette modalité d’assemblage n’existe pas avant la période hellénistique, ce qui constitue un argument important pour ne pas attribuer l’Apoxyomène de Croatie au IVe siècle avant J.-C., ou l’Apollon de Piombino au Ve siècle avant J.-C.11 Une autre forme de soudure dite « en cuvettes » (voir ci-après) semble avoir joué une importance particulière dans la production des grands bronzes grecs puis romains : elle apparaît en effet dès la première moitié du Ve siècle avant J.-C, et s’est avérée tellement performante qu’elle sera utilisée jusqu’à la fin de la période romaine12. L’un des objectifs de cette recherche sur les techniques de soudage est de mettre en évidence l’évolution fine de l’utilisation du procédé « en cuvettes » ; les résultats obtenus sur ce point particulier sont pour la première fois présentés ici.

3 Dans cet article, nous donnerons tout d’abord l’état d’avancement de nos recherches dédiées à l’étude technologique et à la modélisation expérimentale des assemblages soudés. Nous nous attacherons ensuite à présenter une méthodologie d’étude des soudures et ses développements les plus récents, en particulier grâce aux dernières innovations en contrôle non destructif, qui sont détournées de leur vocation industrielle pour de nouvelles applications patrimoniales.

Approches mises en œuvre au C2RMF : quelles analyses pour quels apports ?

Problématique

4 Deux paramètres fondamentaux caractérisent une technique de soudage (ou de brasage) : la température de fusion du métal d’apport (inférieure, égale ou supérieure à celle du métal à assembler), et la nature de la source de chaleur employée. En découle le type de la liaison ainsi créé. Les auteurs qui ont abordé le sujet du soudage de la grande sculpture antique en bronze s’accordent tous sur le même principe de base : l’opération était réalisée en versant du bronze liquide (coulée secondaire) dans un espace aménagé entre les deux pièces à assembler (coulées primaires), afin d’assurer une continuité entre ces dernières13. La particularité de ce procédé réside donc dans le fait que le bronze versé joue un double rôle : il est à la fois le métal d’apport et la source de chaleur14.

5 Mais la description donnée ci-dessus reste trop succincte pour considérer que cette définition du soudage antique est complète. D’abord, il convient de préciser la composition du métal d’apport (non systématiquement déterminée dans les études) et le type de liaison créé (la proposition formulée n’est souvent fondée que sur des hypothèses). De plus, les études se cantonnent souvent à la description du résultat (la soudure), et non à la reconstruction d’un procédé (le soudage), ce qui ne permet pas d’appréhender les mécanismes en jeu ni le détail de leur mise en œuvre.

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Apport de l’étude technologique des statues

6 Des approches complémentaires sont requises pour tenter de répondre aux interrogations soulevées.

7 L’étude des soudures fait désormais partie intégrante de l’étude technologique d’une statue antique en bronze ; la méthodologie développée au C2RMF combine, à chaque fois que cela est possible, les techniques analytiques suivantes : • l’observation directe des parois externe et interne (si accès) est la plus simple à réaliser ; elle n’en est pas moins fondamentale car elle permet de repérer des indices des différentes étapes de fabrication des statues15. Ainsi, différences de corrosion, porosités, surépaisseur de métal peuvent indiquer la présence d’un assemblage (fig. 116). À noter qu’une ouverture, même très réduite, permet de glisser un endoscope pour inspecter l’intérieur d’une statue. • la radiographie, basée sur l’absorption différentielle par l’objet à contrôler de rayonnements ionisants (X, gamma), voire de particules (neutrons), permet de détecter les éventuelles hétérogénéités de la paroi de bronze des œuvres étudiées : sur- ou sous-épaisseur, porosités, inclusions, réparations17. La radiographie est la technique souvent la plus efficace pour mettre en évidence une soudure. Cette dernière est localisée grâce aux différences de densité, aux discontinuités des parois ou aux potentiels défauts d’assemblage. La technique vient en complément des informations obtenues par observations visuelles : nombre et tracé des assemblages, ce qui renseigne sur le plan de coulée des sculptures ; forme et dimension des assemblages, ce qui témoigne de l’étape de préparation des pièces avant soudage (fig. 1). • les techniques de contrôle par ultrasons mises au point dans l’industrie, notamment pour inspecter des soudures sur fontes et aciers (pipelines, cuves, etc.) constituent des méthodes d’analyses prometteuses pour l’étude des soudures antiques. Elles permettent d’accéder à une vision globale de l’ensemble des assemblages dans les trois dimensions, grâce à des instruments portables et n’émettant pas de rayonnements ionisants. Les premiers essais, dont nous rendons compte dans la partie Sondages par ultrasons : exploration d’un nouvel angle d’approche de cet article, ont été réalisés sur deux bronzes antiques, et sont extrêmement encourageants. Cela assure à terme des études plus faciles à mettre en place en environnement de musée (les rayonnements ionisants nécessitent la mise en place de zones d’exclusion parfois très contraignantes). • l’analyse élémentaire du métal permet de confronter la composition du métal des coulées primaires à celle du métal d’apport, et donc notamment de comparer les propriétés thermiques des deux alliages. Une collecte des données disponibles dans la littérature grâce à la base de données Hephaistos18, ajoutée aux résultats obtenus dans le cadre du programme conduit au C2RMF, converge vers ce constat : dans la majorité des cas, le métal d’apport (coulée secondaire) était élaboré de manière à avoir une température de fusion légèrement supérieure à celle du métal des coulées primaires19. Cette caractéristique est très importante, puisqu’elle exclut a priori un mécanisme de brasage (assemblage obtenu par diffusion de matière), et nous oriente résolument vers un mécanisme de soudage par fusion. • l’étude métallographique de la microstructure d’une zone d’assemblage est rarement envisageable, puisqu’elle nécessite un prélèvement conséquent (de l’ordre du centimètre). Néanmoins, dans les cas où une telle étude est possible20, les observations permettent de mieux caractériser le type de liaison obtenue. La prédominance d’un mécanisme de soudage par fusion a été confirmée : les bords des pièces à joindre (métal de base ou coulée primaire) ont été partiellement portés à l’état liquide, le métal ainsi fondu s’est mêlé au métal d’apport. L’ensemble, en refroidissant, a créé une liaison se caractérisant par une continuité de la matière (fig. 1). Certains exemples obligent néanmoins à nuancer l’établissement

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systématique d’une liaison via ce mécanisme21, mais il est en tout cas désormais certain que les fondeurs antiques cherchaient à obtenir des assemblages par soudage par fusion.

Fig. 1. Tableau illustrant diverses techniques d’analyses employées pour l’étude des assemblages soudés de la grande statuaire antique

De gauche à droite : Fig. 1a © A. Azéma. Fig. 1b © B. Mille. Fig. 1c © D. Bagault. Fig. 1d © T. Borel. Fig. 1e © A. Azéma. Fig. 1f © D. Bagault. Fig. 1g © T. Borel et A. Azéma. Fig. 1h © A. Azéma. Fig. 1i © A. Azéma et F. Angelini (Institut de Soudure). Fig. 1j © Institut de Soudure. Fig. 1k © Institut de Soudure. Dimensions des statues : Fig. 1a et 1i : Eros Epiais-Rhus, L. 63 cm. Fig. 1b : Gaulois captif d’Arles, H. 63,5 cm. Fig. 1c, d, e : Apollon d’Évreux, H. 69 cm. Fig. 1f, g : Fragment du dépôt de grands bronzes d’Évreux, L. 14 cm. © C2RMF/Institut de Soudure.

8 Au terme de nos caractérisations des procédés d’assemblage de la grande statuaire antique en bronze, nous proposons donc la dénomination « soudage par fusion au bronze liquide22 », qui permet de décrire à la fois le mécanisme de création de la liaison (« soudage par fusion »), ainsi que la source de chaleur impliquée (« bronze liquide »), en écho à la dénomination des procédés modernes telle que « soudage par fusion à l’arc électrique ».

Apport d’une modélisation expérimentale

9 Une définition du procédé de soudage antique est désormais donnée. Mais la question de la mise en œuvre demeure ouverte, en particulier en ce qui concerne le mode d’alimentation en métal d’apport et le contrôle du transfert de la chaleur. Plusieurs chercheurs ont réalisé des expérimentations en appliquant directement le principe de base décrit ci-dessus. Seulement, ces essais ont en majorité été réalisés « grandeur nature » avec pour objectif la reconstruction du procédé de fabrication d’une statue antique23. Ceci non seulement implique une mise en œuvre longue et complexe, mais la

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plupart du temps élude l’étude des mécanismes mêmes sous-tendant le soudage. Ainsi, le résultat principal de ces tests est qu’il est extrêmement difficile de réussir à souder par fusion toute la longueur du joint en une seule fois. Nous avons adopté une approche différente, en expérimentant le soudage par fusion au bronze liquide à échelle réduite, dans des conditions plus modélisantes. Cela rend alors possible la multiplication des essais, facilite la production de données plus fiables, et donne davantage de liberté dans le choix des paramètres à faire varier.

10 De tels essais ont été mis en œuvre grâce à la plateforme « haute température » aménagée au C2RMF24. Plus de 70 coulées expérimentales ont été effectuées. Chaque pièce à joindre a été modélisée par une éprouvette qui prend la forme d’une plaque de bronze de 50 x 25 mm et de 4 mm d’épaisseur. Un essai consiste à positionner deux éprouvettes côte à côte de manière à former un canal entre elles. L’ensemble est maintenu en place grâce à un montage adapté. Du métal en fusion est versé depuis l’une des extrémités du canal ; il s’écoule vers l’autre extrémité, puis tombe dans un bac de rétention. Après quelques secondes de circulation du métal liquide, lorsque l’opérateur estime que le transfert thermique est suffisant pour avoir porté les bords des pièces à la fusion, un bouchon est placé en sortie, ce qui permet au métal d’apport de complètement remplir le canal. La coulée est alors stoppée, l’ensemble refroidit et la zone soudée se solidifie. Composition de l’alliage, forme du canal, température de coulée du métal d’apport, température de préchauffage du métal de base, application ou non d’un flux sont autant de paramètres qui ont été testés d’une coulée à l’autre (fig. 2)25.

Fig. 2. Schéma du principe des essais de soudage par fusion au bronze liquide, réalisés au C2RMF, montrant les plaques à souder (jaune clair) et le métal d’apport (ocre) (a) et schéma en coupe transversale montrant le dispositif expérimental et les deux types de préparation au soudage testés (b)

© C2RMF/A. Azéma.

11 Les modélisations expérimentales que nous avons conduites ont pour la première fois permis d’expliciter une des principales difficultés à laquelle les fondeurs antiques ont été confrontés. Il s’avère en effet qu’il existe un fort gradient de température entre les deux extrémités du joint, qui fait que la solidification du métal d’apport (et donc la création éventuelle de la liaison) s’effectue dans le sens inverse de sa circulation : le métal se fige d’abord au plus loin de la zone d’entrée où, de fait, les échanges de chaleur avec le métal à souder sont moindres. Notons que ce n’est pas le cas des procédés modernes de soudage, où la source de chaleur se déplace le long du joint et la

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solidification du métal d’apport s’effectue donc dans le même sens. La conséquence de ce phénomène est que la soudure au bronze liquide est de moins en moins effective à mesure que l’on s’éloigne de la zone d’entrée du métal d’apport (fig. 3).

Fig. 3. Vues de dessus de deux éprouvettes expérimentales soudées par fusion au bronze liquide

À gauche, radiographie X ; à droite, coupe métallographique préparée dans le plan des éprouvettes (attaque chimique au perchlorure de fer). © C2RMF/T. Borel et A. Azéma.

12 Ainsi, il apparaît que le succès d’un assemblage soudé antique reposait principalement sur la maîtrise des gradients de température. Il fallait donc trouver un compromis entre deux effets contradictoires : transférer le plus efficacement possible la chaleur du métal d’apport suivant l’axe du joint – et donc disposer d’un métal d’apport suffisamment chaud, tout en limitant et en homogénéisant la diffusion latérale de la chaleur de façon à ce que les bords du canal ne fondent pas uniquement au niveau de la zone d’alimentation. Parmi les paramètres susceptibles d’influer sur la réussite du soudage, nous avons montré que la mouillabilité26 des surfaces, ainsi que la forme du joint peuvent améliorer significativement le rendement.

13 Il est facile d’améliorer la mouillabilité des surfaces à joindre. Cela favorise la circulation du métal d’apport dans le canal, tout en ralentissant le transfert de chaleur depuis le métal d’apport vers le métal de base. Il suffit d’isoler temporairement métal de base et métal d’apport par une substance, que nous nommons « flux ». L’éventail des substances ayant pu servir de flux est grand, nous en avons testé quelques-unes (poudre de malachite, poudre d’os, huiles…). Le flux doit posséder un coefficient d’échange de chaleur relativement faible, afin dans un premier temps de ralentir le transfert de chaleur et donc de favoriser le maintien à l’état liquide du métal d’apport pour que celui-ci circule d’un bout à l’autre de l’assemblage, ce qui homogénéise le transfert de chaleur sur la longueur du joint. Dans un deuxième temps, le flux doit se transformer ou disparaître pour que le bord des pièces à joindre, partiellement porté à fusion, et le métal d’apport puissent entrer en contact et se solidifier ensemble. Outre l’intérêt évident du recours à une telle substance, son utilisation a été mise en évidence sur plusieurs coupes métallographiques de soudures antiques27.

14 Le second paramètre est directement lié à la quantité de chaleur fournie. En jouant sur le rapport des surfaces à joindre (bords des pièces) avec le volume du joint rempli par le

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métal d’apport, il est possible de limiter le gradient thermique sur la longueur du joint. Plus ce rapport est faible, plus il sera facile d’obtenir un joint soudé de grande longueur. La manière d’agir sur ce paramètre est donc liée à la préparation au soudage. Plusieurs aménagements particuliers, observés sur les bronzes antiques, ont vraisemblablement été développés dans ce but : • la présence d’un fond métallique est déterminante : si le fond du canal est un matériau réfractaire (fig. 2a et 2b, en haut) le gradient longitudinal est fortement diminué, et le gradient latéral fortement augmenté, ce qui est donc très favorable au soudage. En revanche, si le fond du canal est métallique (fig. 2b, en bas), le positionnement des pièces est plus précis et ne nécessite pas la mise en place d’un réfractaire sous la soudure, mais le gradient longitudinal est beaucoup plus difficile à limiter. • une autre possibilité était d’élargir le joint afin d’y verser davantage de métal d’apport et donc augmenter la quantité de chaleur pouvant être mobilisée. Le système de cuvettes, si fréquemment observé sur les statues antiques, apparaît ainsi comme une manière de créer des « réservoirs » de chaleur répartis tout le long du joint soudé (fig. 4a, et voir plus loin le Gaulois captif d’Arles). On observe même dans certains cas que la soudure prend la forme d’une succession de cuvettes qui se touchent, et donc « ouvertes » sans véritable présence d’un cordon (fig. 4c). Il y a aussi un cas, jusqu’à présent uniquement observé sur des objets de la période romaine et gallo-romaine, et qui pose question : les cuvettes sont non communicantes tant le cordon inter-cuvettes est fin (fig. 4b)28. Cela veut-il dire que la soudure a été effectuée cuvette par cuvette ? • plusieurs indices laissent en fait penser que le soudage en cuvettes non communicantes était, au moins dans certains cas, également effectué en une seule et unique opération de coulée. L’astuce des fondeurs antiques aurait résidé dans la multiplication des entrées du métal d’apport, et donc l’alimentation et la communication des cuvettes par un système externe (fig. 5). Après élimination de ce système d’alimentation, on aboutissait à une soudure dont les cuvettes sont non communicantes via la paroi métallique (fig. 4b).

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Fig. 4. Typologie des préparations au soudage en cuvettes observées à ce jour sur la grande statuaire grecque et romaine en bronze

© C2RMF. Schémas : A. Azéma et B. Mille ; Photo D. Bagault [Azéma et al., 2013] ; Photo A. Steinberg [Steinberg, 1973] ; Photo A. Chauvet [Mille et Azéma, 2012].

Fig. 5. Schéma illustrant l’hypothèse de la multiplication des alimentations en métal d’apport pour le soudage de cuvettes « non communicantes »

© C2RMF/A. Azéma et B. Mille.

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15 Ainsi, la modélisation expérimentale du procédé de soudage par fusion au bronze liquide, en plus de pointer les difficultés surmontées par les fondeurs antiques, nous conduit à mieux comprendre les aménagements particuliers que nous observons sur les bronzes antiques. Reste maintenant à vérifier l’influence des paramètres-clés cités ci- dessus par la modélisation de joints de plus grande longueur sur des surfaces incurvées, voire même de se lancer dans une véritable reconstruction expérimentale, ce qui nécessitera alors la collaboration d’une fonderie d’art.

Sondages par ultrasons : exploration d’un nouvel angle d’approche

16 Quel que soit l’angle choisi pour la simulation expérimentale, l’étude directe des témoins matériels conservés sur les statues antiques reste primordiale. À cet effet, nous avons cherché à développer le panel d’outils pour révéler des indices de leur fabrication. Si radiographies et tomographies sont à ce jour les méthodes les plus satisfaisantes (voir ci-dessus), elles nécessitent le déplacement de l’objet au laboratoire ou le recours à du matériel portable dont la mise en œuvre peut-être très contraignante dans l’environnement muséal. Pour ce qui concerne les coupes métallographiques, elles ne sont pas seulement rarement envisageables ; leur observation ne permet pas de généraliser à l’ensemble des assemblages présents sur une statue (variation de la morphologie du joint suivant sa localisation sur la statue, fréquences des défauts). Ainsi, la mise en œuvre d’analyses par ultrasons apparaît comme une approche très prometteuse de l’étude des techniques antiques de soudage, étant à la fois globale et locale, pouvant fournir des données dans les trois dimensions de l’espace, restant complètement non invasive, et s’effectuant sans émission de rayonnements ionisants.

Une première application aux grands bronzes antiques

Principe du contrôle ultrasonore multi-éléments

17 Cette technique de CND (Contrôle Non Destructif) dérive de l’échographie médicale. Elle permet l’inspection de grandes surfaces ou longueurs soudées. Contrairement aux ultrasons classiques qui utilisent des transducteurs mono-élément, la technique ultrasonore multi-éléments (PAUT : Phased-Array Ultrasonic Testing) est basée sur l’exploitation d’éléments piézo-électriques de petites dimensions agencés en réseaux linéaires ou matriciels, de formes variées. Les éléments sont excités individuellement ou par groupe par une impulsion brève, envoyée à différents intervalles de temps, afin de générer dans le matériau à contrôler un train d’onde caractérisé par sa vitesse et sa direction de propagation, ainsi que sa répartition énergétique le long du parcours ultrasonore. Les électroniques permettant de piloter un traducteur multi-éléments sont en général dotées des fonctions fondamentales de contrôle de faisceau suivantes (fig. 6) : le balayage électronique, le balayage sectoriel, la déflexion électronique (a), la focalisation, laquelle peut être dynamique (b) et, plus rarement, l’atténuation des lobes latéraux (c).

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Fig. 6. Fonctions fondamentales de pilotage d’un traducteur multi-éléments

(a) déflexion électronique (base du S-scan), (b) focalisation électronique, (c) mesure par atténuation des lobes latéraux. © Institut de Soudure.

18 La figure 7 rappelle le principe de base utilisé lors du contrôle ultrasonore d’une paroi et indique les échos susceptibles d’être pris en compte.

Fig. 7. Principe de base du contrôle ultrasonore schématiquement appliqué ici sur une paroi courbe de bronze (en jaune) qui serait en contact avec un autre matériau, comme par exemple un noyau réfractaire (en gris)

– Le faisceau est formé et déplacé électroniquement. – Génération d'un écho sur la paroi de bronze (1). Note : # Les amplitudes des échos 1 et 2 dépendent de l’orientation de la paroi par rapport au faisceau et de l’impédance acoustique. ## Les échos 1 et 2 se répètent plusieurs fois. La mesure de temps à partir de laquelle la mesure d’épaisseur est déduite est effectuée entre l’écho 1 et sa première répétition. © Institut de Soudure.

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Exemple du Gaulois captif d’Arles

19 Nous rendons compte ici des principaux résultats d’une étude publiée récemment29. Les zones de soudure de la statue du Gaulois captif30 sont pour la plupart visibles à l’œil nu. Ainsi, l’objectif des examens par ultrasons n’était pas de les localiser, mais plutôt d’en donner une caractérisation morphologique en trois dimensions par combinaison de plusieurs types de balayages (linéaire et sectoriel). Plusieurs assemblages ont ainsi été sondés dont la soudure de la jambe droite, et celle du bras gauche.

20 Un premier examen a été réalisé dans la zone d’une cuvette de soudure située à l’arrière de la cuisse droite. Il en a résulté un C-scan temporel (fig. 8, à gauche) correspondant à une vue 2D plane (vue de dessus déroulée) représentant les variations d’épaisseur de la surface examinée (du vert au rouge, l’épaisseur varie de 6 mm à 14 mm). Cet examen a permis d’extraire des coupes transversales de cette zone et ainsi de visualiser avec précision le profil de la soudure (fig. 8, à droite), fournissant une morphologie précise dans les trois dimensions.

Fig. 8. Profilométrie ultrasonore d’une cuvette du Gaulois captif d’Arles

Coupe longitudinale en haut à droite, coupe transversale en bas à droite. © Institut de Soudure/C2RMF. À gauche : © Institut de Soudure/D. Kolin, G. Blaise, A. Azéma. À droite : © Institut de Soudure.

21 Dans le cadre d’un second examen, au niveau de la zone soudée à l’avant de la cuisse droite, des balayages sectoriels ont été effectués ; les résultats obtenus permettent de conclure que les cuvettes étaient vraisemblablement communicantes (fig. 4a).

22 Grâce aux examens réalisés, la préparation au soudage mise en œuvre par les fondeurs antiques sur la statue du Captif a été précisément décrite : les deux pièces à assembler étaient positionnées côte à côte tout en maintenant un espace vacant entre elles, ponctué de cuvettes destinées à recevoir le métal de soudure. Un système constitué de matériaux réfractaires a nécessairement été mis en place pour éviter les fuites de métal à l’intérieur de la statue. Si l’on compare ce procédé au soudage moderne, cette

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technique est assimilable au soudage sur latte31, la latte ayant pour fonction de canaliser le bain de soudure et en limiter la dissipation thermique.

Exemple de l’Apollon de Piombino

23 Quatre zones de l’Apollon de Piombino32 ont été sondées, préférentiellement au niveau des soudures en cuvettes identifiées lors des analyses et examens préalables33. Un exemple de cartographie ultrasonore réalisée en mode temporel (sans utilisation d’encodeur de déplacement mécanique) est présenté en figure 9. La cartographie a été réalisée sur une longueur de 100 mm au droit d’une zone présentant visuellement une soudure en cuvettes sur la face externe du bras droit (fig. 9).

Fig. 9. Repérage de la zone contrôlée depuis la face externe du bras droit de l’Apollon de Piombino

© Institut de Soudure.

24 Des coupes de type S-scan, représentant une vue de coupe issue du balayage angulaire du faisceau ultrasonore, présentées sur la figure 9, traduisent les variations de l’épaisseur du bras droit. Comme dans le cas du Gaulois captif, l’épaisseur de la cuvette s’est révélée plus importante que celle des pièces qu’elle assemble. En outre, il apparaît que la zone supposée de soudure en cuvettes présente une plus grande absorption aux ultrasons que la zone correspondant au métal de base, ce qui indique des structures métallurgiques différentes. Au-delà de la caractérisation des soudures, cette technique de cartographie ultrasonore a démontré son grand potentiel pour la réalisation d’une profilométrie des parois internes et la détection des défauts 34.

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Développement en cours et perspectives

25 Comme illustré dans les paragraphes précédents, la plupart des systèmes d’imagerie ultrasonore actuellement commercialisés ne délivrent pas l’image vraie du défaut, mais une représentation complexe qui nécessite une interprétation demandant une grande expérience.

26 C’est pourquoi l’Institut de Soudure a entrepris, avec le support de la BPI (Banque Publique d’Investissement), une étude ayant pour objet d’étudier et de réaliser un démonstrateur de système de tomographie ultrasonore capable de reconstruire de manière réaliste des indications ultrasonores, y compris sur des pièces de géométrie complexe comme c’est le cas pour la grande statuaire antique.

27 Ce système innovant exploite les dernières avancées technologiques d’algorithmes de reconstruction d’image. Ces algorithmes sont basés sur un principe de focalisation ultrasonore et d’inversion des données, dit TFM (Total Focusing Method)/FMC (Full Matrix Capture). D’une certaine manière, cela revient à obtenir une image où l’on focalise l’énergie ultrasonore en tout point.

28 Néanmoins, les signaux délivrés ne sont pas associés spatialement à l’objet examiné et ne donnent pas de représentation 3D de la zone d’examen. Le développement d’algorithmes de reconstruction 3D a donc été nécessaire. Un exemple de reconstruction obtenue avec le démonstrateur, effectuée par l’Institut de Soudure sur la soudure arasée d’un tube en acier de diamètre et d’épaisseur connus, est présenté en figure 10, ainsi qu’une coupe réalisée au droit du trait rouge. On comprend aisément tout l’intérêt d’un tel système pour examiner aussi les soudures des bronzes antiques.

Fig. 10. Tomographie ultrasonore d’une soudure

© Institut de Soudure.

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29 Reste la difficulté imposée par la géométrie des statues. Les sondes ultrasonores classiques sont rigides et les sabots sur lesquels elles sont fixées ont un rayon de courbure fixe, ne permettant pas une transmission optimale des ultrasons. Dans ce domaine, de nouveaux développements sont prometteurs. En effet, il existe aujourd’hui des sondes ultrasonores conformables qui permettraient d’assurer un couplage optimal dans presque toutes les parties d’une statue.

Conclusion

30 Dans le cadre du programme de recherche sur l’évolution des techniques de la grande statuaire antique en bronze, conduit par le C2RMF et le musée du Louvre, nous avons mis un accent particulier sur les techniques de soudage, et ces travaux ont fortement contribué à une meilleure compréhension des mécanismes impliqués. Un éventail de techniques d’analyse a été mis en œuvre et d’autres sont en développement pour tenir compte des limites déontologiques imposées par les objets du patrimoine, telles que la difficulté de prélever des échantillons de taille centimétrique pour la réalisation de coupes métallographiques. La complémentarité de ces techniques a permis de reconstruire progressivement la chaîne opératoire de ce procédé et d’identifier des variantes qui caractérisent des pratiques d’atelier différentes. Cela montre aussi que les techniques d’assemblage portent en germe un fort potentiel pour la discrimination selon des critères d’ordre géographiques ou chronologiques. Cependant, il est encore trop tôt pour se lancer dans une reconstitution de l’histoire du soudage, car le corpus de sculptures dont les assemblages ont été étudiés de manière approfondie demeure très insuffisant. Pour encourager la production de telles données, il conviendrait d’inciter à l’examen systématique des assemblages des sculptures selon une méthodologie spécifique. Une telle méthodologie sera d’autant plus opérante que sa mise en œuvre sera facile, et qu’elle permettra d’accéder à plusieurs niveaux de caractérisation des soudures. À ce titre, les techniques d’analyses dont les résultats peuvent faire l’objet de reconstruction 3D sont les plus prometteuses, qu’il s’agisse de tomographie X (technique appliquée en routine dans l’industrie, mais qui reste souvent inaccessible pour les objets du patrimoine), ou bien des derniers développements d’examens par ultrasons qui offrent d’intéressantes perspectives vers la réalisation de véritables tomographies ultrasonores à l’aide d’instruments portables sur le lieu même de conservation des œuvres.

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Document inédit

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NOTES

1. La meilleure description des soudures antiques est longtemps restée celle donnée par François Rever dans son étude de l’Apollon de Lillebonne ; Rever, 1824, p. 14-15. Pour une présentation générale de cette statue, voir Robcis et al., dans ce volume. 2. Synthèse des débats du XXe siècle sur les procédés de fonte dans Mattusch, 1988, p. 22-30. 3. Craddock, 1977, p. 103-123. 4. Steinberg, 1973, p. 103-138. 5. Bronzes de Riace, vers 460 av. J.-C. : statue A, inv. 12801, H. 198 cm et statue B, inv. 12802, H. 197 cm, Reggio di Calabria, Museo archeologico nazionale. Formigli, 1984, p. 107-142. 6. Janietz Schwarz, Rouiller, 1996 ; Janietz Schwarz, 2000. 7. Mattusch, 1996. 8. IIe siècle ap. J.-C., inv. A6286, Orléans, musée historique et archéologique, H. 105 cm, Mille, 2007, p. 264-265 ; Azéma, Mille, 2010, p. 20-22. 9. Mille, Robcis, 2012, p. 101-116. 10. Mille et al., 2012 11. Karnis, Mille, 2015, p. 97-105 ; voir Descamps-Lequime et Mille, dans ce volume ; Mille, Descamps-Lequime, à paraître. 12. Formigli, 1984, p. 107-142 ; Mille, 2007. 13. Steinberg, 1973, p. 103-138. 14. Azéma, 2013, p. 142-189. 15. Mille, Serneels, 2012, p. 104-107. 16. Azéma et al., 2012, p. 153-172 ; Mille, Robcis, 2009, p. 162-165. 17. Borel, 1995. 18. Voir Descamps-Lequime et Mille, dans ce volume. 19. Azéma, 2013, tableau 2.4 et p. 236-239. 20. Azéma, 2013, fig. 2.42. 21. Mille, 2007, p. 88-99 et p. 264-265 ; Mille, Azéma, 2012, p. 24-33. 22. Azéma et al., 2010, p. 20-22 ; Azéma et al., 2011, p. 71-80 ; Azéma, 2013, chap. 2, p. 103-189. 23. Peltz, 2010 ; Zimmer et al., 2011, p. 264-273 ; Peltz, Schalles, 2011. 24. Bourgarit, Thomas, 2011, p 8-16. 25. Azéma et al., 2011, p. 71-80. 26. La mouillabilité constitue la faculté pour une substance solide de recevoir un liquide en lui permettant de s’étaler sur la surface la plus grande possible ; Quéré, 2003. 27. Caumont et al., 2006, p. 173-195 ; Darblade-Audoin, Mille, 2008, p. 31-68. 28. Mille, 2007, p. 88-99 et p. 264-265. 29. Azéma et al., 2013, p. 477-486. 30. Gaulois captif d’Arles, Ier siècle av. J.-C., inv. Rho.2007.06.1963, H. 69 cm, Musée Départemental Arles Antique (MDAA). 31. Murry, 1994, p. M715-3. 32. Apollon de Piombino, dernier quart du IIe siècle av. J.-C ., inv. Br 2, H. 115 cm, musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines. Sur cette œuvre, voir également l’article de Nathan Badoud dans ce volume. 33. Mille, Descamps-Lequime, à paraître. 34. Angelini, 2014.

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RÉSUMÉS

Cet article présente l’avancement de nos recherches consacrées à l’étude technologique et à la modélisation expérimentale des assemblages soudés de la grande statuaire antique en bronze. La méthode adoptée et les résultats obtenus précisent le mécanisme de liaison, et conduisent à proposer une nouvelle dénomination du procédé : soudage par fusion au bronze liquide. Nous mettons aussi en évidence l’importance de la préparation au soudage, et une typologie de la forme des joints soudés est ébauchée. Nous présentons enfin les derniers développements des examens par ultrasons qui offrent à terme la perspective de tomographies à l’aide d’instruments portables sur le lieu même de conservation des œuvres.

This paper summarizes the progress made in our research on the technological study and experimental modelling of welded assemblages used in Greek and Roman large bronze statuary. The chosen method and results obtained clarify the binding mechanism and lead us to propose a new name for the process: flow fusion welding. We also demonstrate the importance of the preparation stage in welding and outline a typology of the shape of the welded joins. Lastly, we present the latest developments in ultrasonic testing, which, in the long run, envisage tomography with portable instruments being used in the actual place where works are held.

INDEX

Mots-clés : sculpture, bronze, Antiquité, soudage par fusion, contrôles non destructifs Keywords : sculpture, bronze, Antiquity, fusion welding, non-destructive testing

AUTEURS

AURÉLIA AZÉMA Ingénieur d’étude, LRMH, CRC, UMR 3224 (aurelia.azema[at]culture.gouv.fr).

DANIEL CHAUVEAU Directeur Innovation, expert senior en contrôle non destructif, Institut de Soudure Groupe, direction Innovation, Paris Nord 2 (d.chauveau[at]isgroupe.com).

GAËLLE POROT Responsable de projet CND de R&D, Institut de Soudure Groupe, Plateforme RDICND Yutz (g.framezelle[at]isgroupe.com).

FLORENT ANGELINI Institut de Soudure Groupe, IS Experts, Paris Nord 2 (florent.angelini[at]vale.com).

BENOÎT MILLE Ingénieur d’étude, C2RMF et Préhistoire et Technologie, UMR 7055, Nanterre (benoit.mille[at]culture.gouv.fr).

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II. Études récentes

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Les yeux d’Auguste et de Livie au musée du Louvre : une nouvelle technique antique identifiée The eyes of Augustus and Livia at the Louvre: a new Antique technique identified

Sophie Descamps-Lequime, Isabelle Biron et Juliette Langlois

Une authenticité discutée

1 Depuis leur exhumation fortuite le 7 mai 1816 et leur acquisition par le musée du Louvre en 1868 grâce à l’implication de Prosper Mérimée, qui n’avait pas hésité à se rendre à Londres alors qu’ils étaient sur le point d’être acquis par le British Museum, les deux petits portraits en bronze d’Auguste et de Livie ont divisé les spécialistes1. Peu d’œuvres ont suscité autant d’interrogations, certains auteurs les jugeant antiques et d’autres les considérant comme des faux à cause des conditions de leur découverte, de leur remarquable état de conservation et d’anomalies à la fois typologiques, stylistiques et épigraphiques (fig. 1-2). Les doutes émis à plusieurs reprises ont conduit à les maintenir en réserve durant de nombreuses décennies. Mais l’étude récente, menée au C2RMF dans le cadre de leur restauration, a permis de les réhabiliter2.

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Fig. 1. Portrait de Livie, Neuilly-le-Réal (Allier)

Paris, musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, Br 28. © Musée du Louvre et AFA/D. Lebée et C. Déambrosis.

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Fig. 2. Portrait d’Auguste, Neuilly-le-Réal (Allier)

Paris, musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, Br 29. © Musée du Louvre et AFA/D. Lebée et C. Déambrosis.

Circonstances de la découverte

2 Les deux bustes, hauts respectivement de 18,5 et 19 cm, ont été mis au jour à Neuilly-le- Réal par deux jeunes laboureurs, qui retournaient la terre d’un champ près d’une rivière3. Les bronzes gisaient à proximité l’un de l’autre, à une faible profondeur. Un tel contexte pouvait faire craindre une mise en scène destinée à abuser les contemporains de la trouvaille, à la manière de celle qui avait pu tromper le comte de Caylus en 1763 lors de la découverte à Chalon-sur-Saône d’un coffret contenant dix-huit statuettes de bronze, parmi lesquelles des œuvres antiques et modernes4. Il incitait à la prudence, d’autant plus que le lieu d’exhumation des bustes, le « Domaine des Guillemins », repérable sur le cadastre napoléonien, ne devait livrer par la suite aucun autre vestige antique.

3 Les circonstances de la découverte sont en effet connues. Elles ont été très précisément consignées par le notaire qui procéda à la vente des bustes le 29 mai 18165. Le procès- verbal décrit l’apparence des bronzes qui présentaient un état de conservation remarquable, à l’exception des deux yeux gauches : « tombé par morceaux sous la main de celui qui avait lavé la tête » pour l’œil de la figure féminine et « par morceaux au moindre contact » pour celui du personnage masculin6.

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Anomalies

4 Parmi les anomalies relevées figure la découpe polygonale des bustes, qui n’est pas documentée par ailleurs. Les portraits de petites dimensions en bronze présentent toujours un arrondi depuis le sternum jusqu’à la naissance des épaules, ce qu’illustrent par exemple un buste masculin anonyme et un portrait de femme âgée, conservés au musée du Louvre7. L’état de conservation des surfaces est également si remarquable que certains auteurs ont douté du caractère naturel de la patine vert sombre des épidermes et de sa formation au cours de siècles d’enfouissement. Les travaux en laboratoire ont montré toutefois que cette patine homogène n’était pas artificielle8. Les inscriptions votives, gravées dans la cire des modèles intermédiaires, avant la coulée, sur les parois verticales des bases circulaires, confirment quant à elles que les deux bustes formaient une paire. Elles sont cependant atypiques9.

5 On peut lire, pour le personnage masculin : CAESARI AVGUSTO ATESPATVS CRIXI FIL(ius) V(otum) S(olvit) L(ibens) M(erito) « À César Auguste, Atespatus fils de Crixus, a accompli son vœu de bon gré, comme il se doit. » Et pour le personnage féminin : LIVIAE AVGVSTAE ATESPATVS CRIXI FIL(ius) V(otum) S(olvit) L(ibens) M(erito) « À Livia Augusta, Atespatus fils de Crixus, a accompli son vœu de bon gré, comme il se doit. »

6 Les deux bronzes ont été consacrés par Atespatus, fils de Crixus, à Auguste et Livie, en remerciement de l’exaucement d'un vœu. La divinité qui a reçu ce vœu et l’a réalisé n'est pas mentionnée. Mais les dédicaces prêtent au couple impérial des titulatures – César Auguste et « Livia Augusta » – qui introduisent des incohérences chronologiques. Livie ne devint Augusta qu’à la mort d’Auguste en 14 après J.-C. L’empereur reçut alors le titre posthume de Divus : c’est donc ce titre qui aurait dû répondre à celui d’Augusta. On sait aussi que, pour respecter les dernières volontés de l’empereur qui avait spécifié dans son testament qu’il l’adoptait comme sa fille, Livie fut appelée Julie dès le début de son veuvage. Ainsi, la dénomination officielle de Livie, mère de l’empereur Tibère, fut, à partir de 14, Julia Augusta, et c’est plutôt cette titulature qui aurait dû apparaître dans l’inscription de Neuilly-le-Réal. Une nouvelle dédicace d’un Atespatus est apparue récemment sur une cruche consacrée à Mercure (voir encadré en fin d’article). Cette troisième occurrence confirme la présence du nom d’Atespatus dans la région.

Des bustes qui ne s’inscrivent pas aisément dans le corpus des portraits du couple impérial

7 L’impératrice est vêtue d’une tunique épaisse, qui lui couvre les épaules ; le buste d’Auguste est nu. La tête de Livie est plus ronde et plus petite que celle d’Auguste10. L’artiste a volontairement insisté sur les marques de l’âge tout en adoptant une coiffure qui se réfère aux portraits juvéniles des deux empereurs. Le visage d’Auguste est émacié. La peau, tendue sur les pommettes, souligne la maigreur du modèle. L’affaissement des chairs se manifeste par la présence de zones légèrement gonflées, ainsi à proximité des ailes du nez, et de cernes sous les yeux. Les rides sont profondes. Mais la chevelure, organisée depuis le sommet du crâne en ondes régulières de mèches

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incurvées vers la droite puis vers la gauche, et la disposition de la courte frange évoquent les portraits de jeunesse de l’empereur (type Louvre-Forbes)11.

8 Une même impression de décalage se dégage de l’analyse du buste de Livie. L’aspect vieillissant du modèle est souligné par un affaissement des chairs dans la zone des joues et par des poches sous les yeux. L’impératrice porte la coiffure de sa jeunesse, dite à nodus, une coiffure à la mode dans les dernières années de l’époque républicaine12. Le nodus correspond à la protubérance formée par la chevelure, qui a été tirée vers l’avant au-dessus du front puis nattée vers l’arrière jusqu’à un chignon bas (fig. 3). Les cheveux sont relevés en bandeaux sur les tempes et au-dessus des oreilles, qu’ils dissimulent en partie. Deux mèches incurvées, coulées séparément, s’échappent du chignon et retombent sur les épaules. La statue de Livie érigée à Rome en 35 avant J.-C. était coiffée du nodus (type dit de Marbury Hall )13. Cette coiffure raffinée, dont le camée Hague est sans doute le plus bel écho, était nattée non seulement sur le sommet de la tête, mais également autour du chignon14. Le buste de Neuilly-le-Réal se rapproche d’une version simplifiée de la coiffure à nodus, dont témoigne un autre type de portrait de Livie, dit du Fayoum15, sans doute créé dans les premières années de l’époque impériale. Ce second type est illustré également au Louvre par une tête en basalte de l’impératrice16. Les mèches parotides, plus rarement représentées, apparaissent sur un buste conservé à Copenhague17. On retrouve sur le bronze la forme aplatie du nodus du type du Fayoum et les petites mèches sinueuses, quoique plus longues, qui retombent sur le front, mais le traitement de la natte qui dissimule la raie médiane, les larges sillons qui parcourent la chevelure à l’arrière du crâne, l’ampleur des bandeaux au-dessus des tempes, la présence de mèches parotides et le caractère lâche du chignon sont autant d’indices d’une composition indépendante : toutes les anomalies, tous les éléments atypiques s’expliquent en fait si l’on accepte le principe d’un contexte provincial pour la commande. Dès l’an 9 avant J.-C., on observe à Rome, sur l’Ara Pacis Augustae, que l’impératrice adopte une coiffure à raie médiane18, mais certains exemplaires des portraits à nodus révèlent que le type du Fayoum a perduré, principalement dans les lieux éloignés des grands centres producteurs.

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Fig. 3. Portrait de Livie, détail de la chevelure au revers

© Musée du Louvre et AFA/D. Lebée et C. Déambrosis.

Techniques de fabrication des deux bustes : l’apport du laboratoire

Composition des bronzes et procédés de coulée

9 Les analyses physico-chimiques effectuées par spectrométrie d’absorption atomique au C2RMF par Loïc Hurtel confirment que les deux bustes, ainsi que leur base, ont été coulés dans un même alliage ternaire, contenant de 5 à 6 % de plomb et de 5 à 6 % d’étain, selon une composition qui n’est pas incompatible avec une origine gallo- romaine19.

10 Les radiographies réalisées par Thierry Borel permettent de comprendre la genèse des deux portraits qui, bien que d’apparence comparable et de même alliage cuivreux, élaborés très probablement dans le même atelier, ont été réalisés de manière totalement différente. Le buste d’Auguste est, d’après ses parois métalliques minces et régulières, une fonte à la cire perdue sur négatif (fig. 4). L’artiste a pris l’empreinte d’un portrait existant, proche du type Louvre-Forbes20. Il est intervenu sur le modèle intermédiaire en cire, pour vieillir Auguste et ajouter les oreilles. Le buste de Livie est, en revanche, une fonte à la cire perdue sur positif, reconnaissable à l’épaisseur importante et irrégulière des parois (fig. 5). L’artiste a donc nécessairement travaillé directement le modèle intermédiaire, en ajoutant et en modelant les éléments de cire sur une ébauche en terre réfractaire jusqu’à obtenir le portrait souhaité. Ne disposant pas d’un modèle initial en ronde-bosse, il s’est sans doute inspiré d’une effigie bidimensionnelle de l’impératrice – un portrait monétaire ou une gemme comme la

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cornaline du trésor de Petescia trouvé aux environs de Rome : l’impératrice y apparaît de trois quarts, coiffée, de manière naturaliste, du nodus et de mèches parotides. Mentionnons également le camée de verre conservé à Berlin, sur lequel Livie de profil est coiffée à la manière du type du Fayoum, avec une mèche échappée du chignon21.

Fig. 4. Radiographie de face du buste d’Auguste

Musée du Louvre, Br 29. © C2RMF/Th. Borel.

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Fig. 5. Radiographie de face du buste de Livie

Musée du Louvre, Br 28. © C2RMF/Th. Borel.

La fabrication des yeux

11 L’étude des yeux a apporté un argument décisif en faveur de l’authenticité des bustes. Si les yeux gauches étaient très altérés au moment de la découverte et n’ont pu être conservés, il n’en allait pas de même des yeux droits. Celui de Livie est déjà décrit en 1816 comme « à peine terni ». Le caractère antique des deux yeux préservés a été confirmé par l’analyse. Mais c’est surtout une technique insoupçonnée jusqu’alors, qui a été mise en évidence à l’occasion de la récente investigation22.

12 Il a été possible de déchausser l’œil droit de Livie afin de l’étudier plus facilement (fig. 6-7). Cela a permis de confirmer la présence d’une cloison à l’arrière de la cavité et de retrouver les restes d’un adhésif qui a pu être analysé lui aussi (fig. 8). Il a été démontré que, si les yeux de verre des deux bustes relèvent de la même technique de fabrication, ils apparaissent toutefois distincts.

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Fig. 6. Œil droit de Livie, verre blanc opaque et d’aspect noir

Musée du Louvre, Br 28 (largeur de l’œil environ 1 cm). © C2RMF/I. Biron.

Fig. 7. Revers de l’œil droit de Livie

Musée du Louvre, Br 28 (largeur de l’œil environ 1 cm). © C2RMF/I. Biron.

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Fig. 8. Détail des yeux de Livie

L’œil droit en verre a été déchaussé pour étude au C2RMF ; la cavité laisse apparaître le ciment de fixation de couleur sable. L’œil gauche est restauré, musée du Louvre, Br 28. © C2RMF/D. Bagault.

La fusion de poudres de verre

13 L’observation des yeux droits en verre de Livie et d’Auguste, à l’aide d’une loupe binoculaire, montre qu’ils ont été obtenus par le dépôt de poudres de verre dans un moule : du verre blanc opaque, correspondant à la cornée, est déposé sur le verre d’aspect noir placé au fond du moule, représentant l’iris. L’ensemble est alors introduit dans un four pour la fusion des poudres. La pupille est gravée dans le verre d’aspect noir. Cette gravure peut avoir été faite pendant la fabrication (dans le moule) ou bien par la suite, à froid, une fois les yeux réalisés. La surface du verre est dans les deux cas assez grumeleuse. Cette observation pourrait bien révéler l’état de surface des moules employés ou bien témoigner d’un début d’altération chimique en milieu d’enfouissement pour l’œil de Livie, dont la teneur en sodium du verre d’aspect noir est relativement faible.

14 L’usage de poudres de verre est attesté par la grande quantité de bulles de gaz à l’intérieur du verre blanc, ainsi que par les contours irréguliers des interfaces entre les verres colorés, ce qui est particulièrement net pour l’œil de Livie. En effet, le cordon de verre gris qui encercle l’iris présente des frontières avec le verre blanc tout à fait caractéristiques d’une juxtaposition de grains de poudre de verre tout juste fondus (fig. 9) – que l’on peut observer par exemple dans des émaux opaques du Moyen Âge23. D’après la forme des contours de ce liseré gris, la taille des grains de poudre employés pour l’œil de Livie peut même être estimée autour de 0,5 mm maximum.

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Fig. 9. Œil droit de Livie : détail de l’interface entre le verre blanc opaque et le verre d’aspect noir

Musée du Louvre, Br 28. © C2RMF/I. Biron.

Une facture différente entre les deux bustes

15 Les yeux se distinguent par deux points : • les moules employés ne sont pas identiques, car la surface de l’œil d’Auguste est plus bombée que celle de Livie. L’œil droit de Livie est peu épais (environ 3-4 mm). • deux verres colorés sont employés pour l’œil d’Auguste où le verre sombre jouxte directement le verre blanc opaque, tandis que trois verres colorés sont observés pour l’œil de Livie avec un cordon de verre gris présent à l’interface du verre d’aspect noir et du verre blanc opaque. Cette interface est volontaire. Il est donc probable que l’artiste, dans un souci de réalisme, ait voulu représenter le vieillissement naturel des yeux en accord avec l’âge de Livie. En effet, ce liseré de verre gris est trop large (entre 1 et 2 mm) et trop homogène pour correspondre à une inter-diffusion des verres blancs et d’aspect noir pendant la cuisson. Il s’agit bien d’un mélange délibéré de poudres de verre sombre et blanc déposé autour de l’iris. Ce mélange est confirmé par les analyses chimiques (voir tableau 1).

La nature des verres employés pour les yeux de Livie et d’Auguste

16 La surface des verres employés pour fabriquer les yeux des bustes de Livie et d’Auguste a été analysée par faisceau d’ions en mode PIXE et PIGE24 de façon non-destructive avec l’accélérateur de particules AGLAE du C2RMF25. Différents points d’analyse sont réalisés pour chaque verre coloré et les valeurs moyennes sont reportées, en pour cent massique d’oxydes, dans le tableau ci-joint (tableau 1). Les conditions expérimentales sont données en note26.

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Tableau 1. Compositions chimiques élémentaires des verres constituant les yeux droits de Livie et d’Auguste obtenues par faisceau d’ions et exprimées en pourcentage massique d’oxydes. Valeurs moyennes de plusieurs points d’analyse.

* analyse par PIGE et autres éléments par PIXE. © C2RMF/I. Biron.

Les verres blancs opaques

17 Les analyses montrent que la composition de ces verres, entre les deux yeux droits, est très proche, mais non identique. Ce sont des silicates sodo-calciques dont les sources sodiques sont d’origine minérale (natron), d’après les faibles teneurs en magnésium, en potassium et en phosphore du verre de base27. Ils sont colorés et opacifiés par la présence de petits cristaux d’antimoniates de calcium répartis dans la matrice vitreuse28. Si ces compositions présentent toutes les caractéristiques des verres romains, elles apparaissent cependant marginales au sein de cette production par leurs fortes teneurs en plomb de 7,3 et 9, 7 %. De telles concentrations ne sont observées que pour quelques types d’objets utilisant du verre blanc opaque. C’est le cas de la plupart des verres blancs opaques, décorant, selon la technique du camée (Roman cameo vessel glass), les verres de vaisselle bleus ou pourpres transparents produits entre le Ier siècle avant et le Ier siècle après J.-C. (la majorité entre 27 av. et 68 ap. J.-C.), comme le vase Portland du British Museum daté de la fin du Ier siècle avant J.-C.29 Ces compositions se retrouvent aussi dans quelques verres blancs millefiori ou mosaïqués (mosaic glass) datant de la période hellénistique (fin du IIIe à la fin du IIe siècle av. J.-C.) et de la période impériale (à partir du milieu du Ier siècle av. J.-C.)30.

18 Les teneurs en plomb dans ces verres varient de moins de 10 % à parfois plus de 20 %, mais se situent le plus souvent entre 10 et 15 %31. Si l’ajout de plomb dans un verre de base romain peut s’expliquer par la technique des camées, en rendant le verre plus facile à tailler ou en abaissant sa température de fusion32, il est en revanche plus difficile à comprendre pour les verres millefiori, comme pour les yeux de Livie et d’Auguste, à moins d’envisager leur fabrication dans des ateliers communs.

19 Cette production de verres colorés opaques décline au cours du Ier siècle pour les verres de vaisselle au profit des verres soufflés incolores ou colorés naturellement, mais se poursuit cependant dans les mosaïques33. Les verres des yeux de Livie et d’Auguste proviennent vraisemblablement d’ateliers de vaisselle et non pas d’ateliers de mosaïstes. En témoigne la similitude des compositions entre les verres blancs utilisés pour réaliser les yeux de Livie et d’Auguste et les verres de vaisselle colorés décorés de camées et de millefiori, alors que les verres blancs opaques des tesselles de mosaïque sont exempts de plomb. Ces verres blancs colorés et opacifiés à l’antimoine contenant de fortes teneurs en plomb n’apparaissent qu’au début de la période romaine – pour la majorité d’entre eux du Ier siècle avant J.-C. au Ier siècle après J.-C., – et ne semblent pas communs ensuite34.

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Les verres d’aspect noir

20 D’après les analyses, ces verres sont des silicates sodo-calciques dont les sources alcalines et les agents colorants diffèrent entre les deux bustes. L’apport de sodium provient de source minérale (natron) pour l’œil de Livie et probablement de source végétale (cendres de plantes) pour celui d’Auguste. Ce dernier contient en effet des teneurs relativement fortes en phosphore et en calcium, bien que celles en magnésium et potassium soient assez faibles. Par ailleurs, le verre gris de l’œil de Livie est également un silicate sodo-calcique dont les sources sodiques sont vraisemblablement issues de natron avec, sans doute, un faible apport de potassium (provenant de cendres ?).

21 Toujours d’après ces analyses, le verre d’aspect noir de Livie est coloré avec du fer (0,41 %), probablement à l’aide du complexe fer-soufre qui produit une couleur allant de l’ambre au marron foncé selon les conditions d’oxydo-réduction dans le bain lors de la fabrication35, alors que celui d’Auguste l’est avec du manganèse en forte teneur (10,59 %) dont la couleur est pourpre foncé. Le fort pouvoir colorant de ces éléments, auquel s’ajoute l’épaisseur du verre (en particulier pour Livie) donnent l’impression que ces verres noirs sont opaques, mais ils sont en réalité transparents. Le verre gris de Livie est un mélange de verre blanc opaque et de verre sombre colorés avec probablement du fer (0,63 %) et du manganèse (0,79 %).

22 Les verres d’aspect noir romains ont fait l’objet de recherches archéologiques36 et d’analyses chimiques37 depuis seulement une quinzaine d’années. Cette production assez marginale au sein des verres romains fut néanmoins largement diffusée au cœur de l’Empire et concerne essentiellement des verres de vaisselle et des bijoux. Les yeux de Livie et d’Auguste semblent particulièrement connectés à la production de vaisselle qui apparaît dans tout l’Empire vers 30 à 70-80 après J.-C.38 Ces verres de vaisselle réapparaissent ensuite au cours de deux périodes plus tardives, régionalement dans les provinces du nord-ouest (Gallia Belgica, Germania Inferior et superior) de 170-180 à 230-25039 et enfin de nouveau dans le sud-est de la Méditerranée au cours des IVe et Ve siècles40. Les bijoux sont quant à eux produits pendant toute l’époque impériale, mais deviennent très courants dans tout l’Empire à partir de la seconde moitié du IIe siècle41.

23 Quatre recettes principales sont recensées dans ces verres romains. Les deux qui furent employées jusqu’au milieu du IIe siècle sont proches de nos analyses des yeux, mais ne leur correspondent pas vraiment, tant par la nature des sources alcalines que par la concentration en élément colorant. Il s’agit : de verres au natron colorés au manganèse (2-4 %) de couleur pourpre foncé (recette 1) et de verres aux cendres de plantes ou avec un mélange de cendres et de natron colorés naturellement par le fer apporté par les sables (1-2 %) de couleur vert foncé (recette 2). À partir du milieu du IIe siècle, une nouvelle recette de verres au natron colorés avec de fortes teneurs en fer apparaît (5-10 %, voire plus) (recette 3), puis à la fin du IIIe siècle une autre très proche, mais employant des sables différents de couleur vert foncé (recette 4). Les verres au manganèse sont minoritaires par rapport aux autres au cours de cette période.

24 Bien que différent de ces recettes dominantes, le verre d’aspect noir de Livie correspond pourtant bien à une composition de verre romain. Dans l’important corpus de verres romains d’aspect noir qui a été jusqu’à présent analysé (autour de 400 échantillons), quelques-uns se démarquent en effet de cet ensemble avec l’usage de recettes différentes. Jusqu’au milieu du IIe siècle, certains verres sont en effet colorés

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avec du fer en faibles teneurs probablement par le complexe fer-soufre (couleur marron foncé) et d’autres avec des teneurs en cobalt et/ou en cuivre (couleur bleu- vert)42. La composition du verre d’aspect noir de Livie s’accorde bien avec certaines d’entre elles, qui sont des verres au natron contenant de faibles teneurs en fer comprises de 0,4 à 0,9 %43. En revanche, le verre d’Auguste se distingue de cet ensemble par sa très forte concentration en manganèse et par la présence de faibles teneurs en cuivre (0,48 %) et en cobalt (115 ppm), ainsi qu’en plomb (0,54 %), en antimoine (865 ppm) et en en étain (856 ppm). Ces derniers éléments impliqués dans les colorants (cuivre, cobalt), ou dans les opacifiants (plomb, antimoine et étain) révèlent l’emploi d’un mélange de verres de récupération.

25 Les analyses chimiques élémentaires des verres blancs opaques et d’aspect noir des yeux apportent un nouvel éclairage à notre connaissance des bustes. Elles permettent non seulement de situer la période de fabrication des yeux au cours du Ier siècle de notre ère (et probablement entre 30 et 7044), mais aussi de confirmer leur appartenance à la production verrière romaine. Elles soulignent également le caractère indépendant de la facture des yeux entre les bustes et nous aident à envisager leur réalisation par des artisans produisant des verres de vaisselle. Enfin, le caractère marginal de ces compositions illustre de nouveau les particularités de la production verrière romaine, réputée fort homogène.

Le mode de fixation des yeux

26 L’œil droit de Livie ayant été déposé, la restauratrice en charge de l’intervention a pu prélever l’adhésif original de fixation dans la cavité45 (fig. 8). Des analyses en GCMS (Gaz Chromatography – Mass Spectrometry) ont été réalisées afin d’identifier les constituants moléculaires caractéristiques de cet adhésif. Ces analyses permettent de déceler une gamme assez large de composés naturels utilisés dans le patrimoine (résines, cires, matières grasses animales ou végétales…) et particulièrement bien adaptés à l’analyse des matériaux cireux et résineux46.

27 La nature des esters palmitiques identifiés ainsi que leur répartition sont caractéristiques de la présence d’une cire d’abeille. En plus de ces composés, la cire d’abeille contient à l’origine une série de n-alcanes à nombre impair d’atomes de carbone (entre 23 et 33), parmi lesquels l’heptacosane (noté nC27), qui est le composé majoritaire et une série d’acides gras linéaires (de 24 à 34 atomes de carbone). Seule la série d’alcanes reste visible ici, à l’état de traces par rapport à la composition originelle de la cire d’abeille. Les acides gras linéaires ont, quant à eux, complètement disparu (fig. 10).

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Fig. 10. Analyse chromatographique de l’adhésif sous l’œil de Livie

© C2RMF/J. Langlois.

28 Ces deux phénomènes de perte des éléments les plus légers de la cire d’abeille sont fréquents pour des matériaux antiques et dépendent du contexte de conservation des vestiges archéologiques. Il s’agit d’une altération partielle de la composition native de la cire d’abeille. Ces phénomènes d’altération peuvent témoigner d’un processus de dégradation ou de migration en surface, puis de sublimation de ces composés, selon le contexte de leur conservation d’origine. Une hydrolyse partielle des esters est également visible de par la présence de traces d’esters à 36 et 38 atomes de carbone47.

29 La série de diacides linéaires, allant de 6 à 10 atomes de carbone (l’acide azélaique en C9, étant majoritaire), associée à la présence des acides palmitique, stéarique et oléique, témoigne, quant à elle, de la présence d’huile végétale siccative.

30 Les résultats obtenus sont caractéristiques d’une cire d’abeille altérée mêlée à une huile végétale siccative. Ces deux substances naturelles sont des matériaux disponibles et fréquemment utilisés dans l’Antiquité. Leur présence ici est donc compatible avec la période de fabrication des bustes, même si elles ont également été largement utilisées par la suite et le sont encore de nos jours.

Bilan de l’étude

La mise en évidence d’une nouvelle technique antique d’élaboration des yeux

31 On savait jusqu’à présent, par l’examen des bustes en bronze de petites dimensions de la fin de l’époque républicaine et des premières années de l’époque impériale, que les yeux pouvaient être rapportés en argent48. Ils pouvaient également être coulés directement avec la tête. Sur le portrait d’homme anonyme d’époque augustéenne, conservé au musée du Louvre (Br 21) et mentionné ci-dessus, c’est une cavité conique, ménagée au centre des yeux de bronze, une cavité peut-être conçue pour demeurer vide, qui donne la direction du regard49. Les yeux pouvaient aussi être fabriqués, comme ceux de la grande statuaire de bronze, par un artisan spécialisé, un faber

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oculariarius, dont le statut était comparable à celui d’un orfèvre à cause de la préciosité des matériaux utilisés. Les orbites, désormais vides, de plusieurs portraits témoignent non seulement de la fragilité du dispositif, mais aussi de l’avidité des pilleurs antiques50. Les yeux préservés de quelques grands bronzes confirment le raffinement extrême de telles compositions. Le globe oculaire en marbre, en ivoire ou en albâtre était évidé en son centre pour accueillir l’iris et la pupille, cerclés de verre, de métal ou d’un anneau de pierre. Pour permettre à la lumière de traverser la matière, l’iris était en verre coloré. Les exemplaires les plus remarquables datent des IVe et IIIe siècles avant notre ère. Vers 300 avant J.-C., les iris mordorés des yeux de Seuthès III, incrustés dans de l’albâtre, ont été obtenus en mêlant du fer à la poudre de verre ; les pupilles, du fer et du manganèse. Les iris sont cerclés d’un anneau, qui a été coloré en mêlant du cuivre et un peu de fer à la poudre de verre51. Peu avant 25 avant J.-C., l’iris vert de l’Auguste de Méroé, incrusté dans le globe oculaire en marbre, est constitué de plusieurs éléments de verre en forme de coins, qui sont juxtaposés52. Et c’est bien là ce qui distingue ces yeux partiellement en verre de ceux d’Auguste et de Livie. Pour les deux bustes du Louvre, il ne s’agit pas d’éléments indépendants, qui composent à la manière d’une mosaïque les différentes parties de l’œil. Aucune césure matérielle ne marque le passage entre la sclérotique blanche et les iris sombres. Les iris ont été fondus avec le globe oculaire dans un moule qui donne à l’œil une forme plus ou moins convexe ; les pupilles sont notées par un petit cercle incisé. L’identification, pour les yeux de portraits en bronze, de techniques verrières romaines de luxe – celle de la vaisselle colorée décorée de camées ; celles des verres millefiori et des bijoux – apporte un témoignage nouveau sur les liens qui devaient nécessairement exister entre ateliers et artisans producteurs d’objets précieux.

Une technique certainement loin d’être isolée

32 Cette technique, à la fois virtuose et exceptionnelle, a été identifiée, à la suite de l’étude des yeux d’Auguste et de Livie, sur un troisième bronze conservé au musée J. Paul Getty de Los Angeles : l’observation sous microscope des yeux de verre d’un portrait de jeune fille a confirmé en effet qu’ils avaient bien été fabriqués selon le même procédé (fig. 11)53. Par ailleurs, la cavité peu profonde de l’œil de Livie comporte, nous l’avons dit, une cloison fermée. Sans doute faut-il interpréter cette paroi verticale comme un indice nouveau, susceptible d’aider à repérer d’autres bronzes qui auraient pu bénéficier d’une technique comparable pour la fabrication de leurs yeux. Pouvait-elle être utilisée pour des bronzes de grandes dimensions ? C’est l’hypothèse formulée récemment à propos d’un Apollon et d’une Diane de Pompéi, qui présentent une telle fermeture au fond de leurs orbites54.

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Fig. 11. Buste de jeune fille

Los Angeles, the J. Paul Getty Museum, inv. 84.AB.59 © Courtesy of the J. Paul Getty Museum.

Un critère de datation

33 L’étude des yeux d’Auguste et de Livie permet d’apporter une réponse à la question longuement débattue de la datation des deux portraits, avant ou après la mort de l’empereur, et de lever les interrogations suscitées par la lecture de la titulature ambiguë du couple impérial. D’après les résultats des analyses du verre, les yeux d’Auguste et de Livie s’inscrivent dans une fourchette chronologique allant des environs de 30 à 70-80 ap. J.-C. L’insistance sur le caractère vieillissant des empereurs pourrait alors signifier que les bustes ont été produits au plus tôt dans les dernières années du règne de Tibère, fils de Livie et successeur d’Auguste. La confirmation de la nature des yeux de la jeune fille du Getty conforterait aussi l’hypothèse, formulée à partir de la coiffure, de sa datation à l’époque de Tibère.

34 Une question demeure ouverte, celle de la destination des deux portraits du Louvre. Ont-ils été déposés dans un laraire ou consacrés dans un temple ? La présence d’inscriptions votives, désormais authentifiées par la découverte récente d’une troisième dédicace mentionnant un Atespatus, irait plutôt dans le sens de la seconde hypothèse55. Quoi qu’il en soit, il s’agissait d’une démarche privée. Le dédicant des deux bustes était un notable indigène, qui n’avait pas la citoyenneté romaine, mais adhérait aux valeurs de Rome. Nous tenons à exprimer notre très sincère reconnaissance à Brigitte Bourgeois, qui nous a donné la possibilité de publier cet article. Nos remerciements vont également aux membres de l’équipe AGLAE – Claire Pacheco, Quentin Lemasson, Laurent Pichon et Brice Moignard – pour leur

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assistance technique lors des analyses du verre, ainsi qu’aux restauratrices Agnès Conin et Juliette Dupin.

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Document inédit

Letterlé F., 2004, Lettre datée du 26 mai 2004 dans le dossier des œuvres (musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, Br 28-29).

NOTES

1. Sur le rôle de Prosper Mérimée, voir Héron de Villefosse, 1907, p. 8-9. Sur les avis opposés des spécialistes, voir par exemple Bartman, 1999, p. 3, 195-196 (modernes) ; Lahusen, Formigli, 2001, p. 70-71 (antiques). 2. Paris, musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, Br 28 (Livie), Br 29 (Auguste) ; H. bustes 19 cm et 18,5 cm ; H. bases 3 cm. Restauration 2005-2006 : A. Conin, J. Dupin, Frœhner, 1873 ; De Ridder, 1913, p. 11, nos 28-29, pl. 5 ; Kersauson (de), 1986, nos 41-42, p. 94-97 ; Bartman, 1999, p. 3, 195-196 ; Lahusen, Formigli, 2001, nos 25-26, p. 70-73, 360-363, 462, 466, 467, 472, 473 ; Dahmen, 2001, nos 32-33, p. 23-26, 53, 155, 156 ; Descamps, 2007 ; 2008 ; Szewczyk, 2014. 3. Près de Moulin (Allier, France), CAG 03, 1989, n° 260, p. 124. Le ruisseau correspond à La Sonnante : Letterlé, 2004. 4. Rolley, 1979, p. 16 ; Avisseau-Broustet, 2002. 5. Acte notarié du 29 mai 1816. Bertrand, 1868-1869. Les bustes furent vendus à Pierre Saulnier, fils de la fermière des Guillemins, alors clerc de notaire à Moulins, puis cédés au propriétaire des lieux M. Girodet et restèrent dans sa famille plus de cinquante ans avant d’être vendus aux antiquaires parisiens Rollin et Feuardent (Frœhner 1973, p. 2), puis au Louvre en août 1868 avec l’accord de Napoléon III (nos d’entrée NIII 3253 et NIII 3254). 6. Les yeux gauches ont été restaurés avant l’entrée des bustes au Louvre en septembre 1868 : Frœhner, 1873, p. 5. 7. Respectivement Br 21 et Br 42. 8. Robbiola, Hurtel, 1995. L’historique des œuvres est inexact. 9. CIL XIII 1366. Sur le caractère honorifique des inscriptions, plutôt que témoignage d’une forme de culte impérial, voir Fishwick, 1991, p. 535 n. 363. 10. La hauteur depuis le menton jusqu’au sommet du crâne est de 10 cm pour Livie et de 11,5 cm pour Auguste. 11. Pour le type Louvre-Forbes, voir au musée du Louvre le portrait d’Auguste Ma 1280, possiblement daté de 29 av. J.-C. (Szewczyk, 2014, n° 32, p. 78). 12. Le premier témoignage de cette mode capillaire se trouve au revers d’un aureus de Marc Antoine, daté des années 40-39 avant J.-C., sur lequel on identifie le profil d’Octavia. Berlin, Münzkabinett, Bartman, 1999, p. 59, fig. 47. 13. Buste éponyme du type dit de Marbury Hall, conservé au musée de Liverpool, inv. 1988.116, Bartman, 1999, p. 64-67, 161-162, fig. 52-54, 143. 14. Bartman, 1999, p. 67, 190, fig. 55.

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15. D’après le buste éponyme découvert à Arsinoé et conservé à la Ny Carlsberg Glyptotek de Copenhague, inv. n° 1444, Johansen, 1994, n° 36, p. 96-97 (pas de mèches parotides) ; Bartman, 1999, p. 4-5, 74- 77, 174-175. 16. Paris, musée du Louvre, Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, Ma 1233. 17. Ny Carlsberg Glyptotek, inv. n° 748, Johansen, 1994, n° 35, p. 94-95 (mais présence d’une tresse qui entoure la tête). 18. Bartman, 1999, p. 90, fig. 75. 19. Lahusen, Formigli, 2001, p. 73, 472-473 (tableaux avec la composition élémentaire des bustes, d’après les analyses de L. Hurtel au C2RMF (C2RMF, dossier F218021, rapport n° Z1589, 1989), alors appelé Laboratoire de Recherche des Musées de France (LRMF), en % massique) : Buste d’Auguste : 0,005 Zn ; 6,0 Pb ; 5,04 Sn ; 0,02 As ; 0,326 Sb ; 0,004 Fe ; 0,146 Ag ; 0,038 Ni ; 0,053 Bi ; 0,0001 Co. Socle d’Auguste : 0,01 Zn ; 5,8 Pb ; 5,7 Sn ; 0,022 As ; 0,35 Sb ; 0,004 Fe ; 0,156 Ag ; 0,046 Ni ; 0,005 Bi ; 0,0006 Co. Buste de Livie : 0,011 Zn ; 5,2 Pb ; 5,7 Sn ; 0,014 As ; 0,332 Sb ; 0,004 Fe ; 0,086 Ag ; 0,043 Ni ; 0,005 Bi ; 0,0001 Co. Socle de Livie : 0,008 Zn ; 5,0 Pb ; 5,7 Sn ; 0,017 As ; 0,31 Sb ; 0,004 Fe ; 0,16 Ag ; 0,04 Ni ; 0,005 Bi ; 0,0008 Co. 20. Voir ci-dessus n. 11. 21. Bartman, 1999, p. 13, 187-188, fig. 11, 181. 22. Dossier C2RMF FZ18020, rapport n° 10635, Biron, Langlois, Bouquillon, Bagault, 2007. 23. Biron et al., 1995, 1998, 2015. 24. Respectivement émissions de rayons X et gamma induites par particules. 25. Trois détecteurs ont été utilisés en simultané (deux détecteurs de rayons X (Si(Li) – géométrie 45° et un de rayons gamma (HpGe) – géométrie avant à 45°) pour accéder à la composition complète et précise du verre. Les résultats ont été dépouillés avec le logiciel Gupix (Campbell et al., 2010) et calibrés avec des échantillons de verre de référence (standards Corning Brill A, B, C et D et BGIRA 4 et 5). 26. Calligaro et al., 1996, Dran et al., 2004. 27. Composition du verre sans l’ajout éventuel de colorant, d’opacifiant et de plomb. 28. L’opacification est produite par la taille des cristaux et la différence d’indice de réfraction entre ces derniers et la matrice. 29. Bimson et Freestone, 1988. 30. Gedzeviciute et al., 2009. 31. Bimson et Freestone, 1988. 32. Le verre blanc était déposé en couche sur le support du vase, puis taillé mécaniquement ensuite. 33. Freestone et Stapleton, 2015. 34. Freestone et Stapleton, 2015. 35. Plus les conditions sont réductrices dans le bain en fusion et dans l’atmosphère du four, plus la couleur sera sombre, Freestone et Stapleton, 2015, Ceglia et al., 2014, Biron et Chopinet, 2013. 36. Cosyns et Hanut, 2005, Cosyns 2009, Cosyns et Fontaine, 2009. 37. Cosyns et al., 2012, Cagno et al., 2013a et b, Ceglia et al., 2014, Cagno et al., 2014. 38. Cosyns et Fontaine, 2009. 39. Cosyns et Hanut, 2005, Cosyns et al., 2006. 40. Cosyns, 2011. 41. Cosyns, 2011. 42. Cagno et al., 2014. 43. Avec des teneurs en soufre cependant plus faibles (< 0,5 %).

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44. Dénominateur commun entre les périodes de production importantes des verres blancs et ceux d’aspect noirs. 45. Un deuxième micro-prélèvement a été réalisé afin d’identifier l’adhésif de l’œil original (œil droit) du buste d’Auguste. Ce prélèvement entrepris dans le coin droit de l’œil, sur une fine bordure où l’adhésif est débordant de l’incrustation de verre, est constitué d’une cire d’entretien de stéarine appliquée sur le buste. Les signaux obtenus, très concentrés en éléments constitutifs de ce matériau cireux, témoignent également de son caractère plus moderne (la stéarine est synthétisée au cours du XIXe siècle) et éliminent toute chance d’identifier l’adhésif original. 46. Colinart, 1987 ; Regert et al., 2005. 47. Regert et al., 2001. 48. Portrait d’homme, Vienne, Kunsthistorisches Museum, inv. VI 273, Lahusen, Formigli, 2001, n° 15, p. 52, 53, 350, 467, fig. 15.2, 15.4, 15 d, 23 (yeux rapportés en argent) et p. 462 (synthèse des différentes possibilités). 49. Portrait d’homme, musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, Br 21, ci-dessus p. 87 et n. 7 ; Lahusen, Formigli, 2001, n° 16, p. 53, 54, 350, 351, fig. 16.1, 16.2, 16.10, 16 a, 16 b, 16 d. 50. Portrait d’Auguste, Copenhague, Ny Carsberg Glyptotek, inv. 745, Lahusen, Formigli, 2001, n° 19, p. 61, 356, fig. 19.1, 19.2, 19 a, 19 b ; portrait de femme âgée, Paris, musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, Br 42, ci-dessus p. 87 et n. 7 ; Lahusen, Formigli, 2001, n° 79, p. 136-139, 378, fig. 79.1, 79.4, 79 a, 79 b. 51. Formigli, 2015, p. 10-12, fig. 20a-b, 22. 52. Lahusen, Formigli, 2001, p. 59, 355, 466 fig. 10-11, fig. 18. 14-15. 53. Malibu, The J. Paul Getty Museum, inv. 84. AB. 59, H. 16,5 cm ; Lahusen, Formigli, 2001, p. 95-96, fig. 44.1-4 ; Dahmen, 2001, p. 73 (époque de Tibère) ; site officiel du J. Paul Getty Museum avec bibliographie exhaustive : 25 B.C.-A.D. 25. Nous remercions très sincèrement David Saunders, Conservateur à la Villa Getty, d’avoir favorisé, à la demande de S. Descamps, l’étude sous microscope des yeux du petit buste. Que Jerry Podany, responsable du service de restauration à la Villa Getty, qui a conduit cet examen en présence de S. Descamps à l’automne 2013, trouve ici l’expression de notre reconnaissance. Il a confirmé l’utilisation du même procédé. Notons l’absence de cils pour ce portrait comme pour ceux de Neuilly-le-Réal. 54. Les deux statues présentent bien des cavités oculaires peu profondes, fermées à l’arrière par des cloisons fondues avec les têtes. Toutefois, le blanc des yeux conservés de la Diane est en os. Risser, Saunders, 2015, p. 90-91, fig. 13a-c. 55. Kaufmann-Heinimann, 2004, p. 249-250.

RÉSUMÉS

La collaboration entre le musée du Louvre et le C2RMF a permis de réhabiliter définitivement les portraits en bronze d’Auguste et de Livie, découverts à Neuilly-le-Réal (France, Allier) en 1816. L’étude a démontré que les anomalies à la fois typologiques, stylistiques et épigraphiques, constatées à plusieurs reprises, devaient être interprétées comme liées au contexte gallo-romain de création des deux bustes. Une nouvelle technique antique de fabrication des yeux (verres blancs opaques, verres d’aspect noir, sans césure entre les différentes couleurs) a été mise en évidence. Les analyses chimiques élémentaires confirment l’appartenance des yeux à la

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production verrière de luxe – vaisselle colorée décorée de camées, verres millefiori, bijoux –, probablement entre 30 et 70. Il est dès lors proposé de dater les deux ex-voto, consacrés par Atespatus, après la mort d’Auguste.

Discovered in Neuilly-le-Réal (Allier, France) in 1816, the bronze portraits of Augustus and Livia have been decisively rehabilitated as a result of a collaborative project undertaken by the Louvre and the C2RMF. Research has shown that the typological, stylistic and epigraphic anomalies, observed on several occasions, should be related to the Gallo-Roman context of the creation of the two busts. An unprecedented ancient technique in the manufacture of the eyes (opaque white glass, black-looking glass with no division between the different colours) came to light. Elementary chemical analysis confirmed that the eyes were produced using luxury glassmaking techniques – coloured glassware with cameo decoration, millefiori glassware, jewellery – probably between AD 30 and AD 70. The two ex-votos, dedicated by Atespatus, may thus be dated to after the death of Augustus.

INDEX

Keywords : portrait, Augustus, Livia, Atespatus, bronze, eyes, glass, adhesive, Roman imperial period, Neuilly-le-Réal Mots-clés : portrait, Auguste, Livie, Atespatus, bronze, yeux, verre, adhésif, romain impérial, Neuilly-le-Réal

AUTEURS

SOPHIE DESCAMPS-LEQUIME Conservateur général du patrimoine, musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (sophie.descamps[at]louvre.fr).

ISABELLE BIRON Ingénieur de recherche, C2RMF (isabelle.biron[at]culture.gouv.fr).

JULIETTE LANGLOIS Assistante ingénieure, C2RMF (juliette.langlois[at]culture.gouv.fr).

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Le dédicant Atespatus : un nom assuré The dedicator Atespatus: an attested name

Monique Dondin-Payre

1 L’authenticité du nom du dédicant des bustes impériaux a été mise en doute jusqu’à ce qu’une autre offrande, un vase en bronze de Saint-Ambroix-sur-Arnon (Cher), livre la même identité : Atespatus, indigène celtique.

2 Une des caractéristiques des deux bustes impériaux, qui est aussi l’un des éléments qui fit douter de leur authenticité, est l’onomastique du dédicant : « Atespatus, fils de Crixus1. » Or, si Crixus était attesté, il n’en allait pas de même pour Atespatus, nom inconnu par ailleurs. Il le resta pendant plus d’un siècle, jusqu’à ce que, en 2010, au sanctuaire de La Vallée, à Saint-Ambroix-sur-Arnon2, un puits comblé livre la seconde attestation. Un des vases (cruches ou œnochoés) inscrits, en bronze martelé, le porte en effet sans conteste. Son anse rapportée, partagée en deux chénisques, se termine par un médaillon figurant Apollon avec un carquois sur l’épaule droite, interprétation gauloise du modèle hellénistique (fig. 1). Elle porte trois motifs : un bouclier oblong posé derrière un casque surmonte la lyre et le masque au centre, au-dessus d’un bâton, peut- être celui qu’Apollon échangea contre la lyre d’Hermès. À la base du col, à l’amorce de la panse, à l’opposé de l’anse, court une inscription gravée en deux temps (fig. 2) : DEI MERCURI, « (propriété) du dieu Mercure », en caractères profondément creusés, puis, après un intervalle, un autre texte, très légèrement incisé, postérieurement : ATESPATV(S) (fig. 3), le nom du donateur qui a offert l’objet au dieu3. La mise en place du mot et la nature succincte de l’entaille ne laissent aucun doute sur le fait que ce nom a été ajouté en un second temps, après celui du dieu. Les deux attestations, les bustes et le vase, se confortent l’une l’autre : on a affaire dans les deux cas à un pérégrin (= un non-citoyen romain), un indigène d’origine celtique. Bien que les deux offrandes se placent dans la cité antique des Bituriges Cubes, et en dépit de l’homonymie, on ne saurait affirmer qu’il s’agit de la même personne.

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Fig. 1. Vase de Saint-Ambroix-sur-Arnon

© C. Cribellier.

Fig. 2. Détail du nom « Mercuri »

© C. Cribellier.

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Fig. 3. Détail du nom « Atespatus »

© B. Bertin.

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NOTES

1. CIL XIII, 1366. 2. Province d’Aquitaine, à la limite entre lesdépartements du Cher et de l’Indre, région Centre. Cribellier, 2014, p. 52.

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3. Le S final a disparu, parce qu’il était trop superficiellement marqué, ou parce que, trop près de l’anse, il a été effacé par sa soudure ou par la rouille. Voir Dondin-Payre, « Les vases du sanctuaire de La Vallée de Saint-Ambroix », ibid., p. 80.

AUTEUR

MONIQUE DONDIN-PAYRE Directeur de recherche, CNRS – UMR 8210, Paris (dondin_payre[at]club-internet.fr).

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Dorure et redorure de la statuaire antique en bronze : une nouvelle lecture de l’Apollon de Lillebonne Gilding and regilding of ancient bronze statuary: new observations on the Apollo from Lillebonne

Dominique Robcis, Sophie Descamps-Lequime, Nathalie Pingaud et Benoît Mille

Découverte de l’Apollon et premières interrogations

1 La trouvaille fortuite de l’Apollon (fig. 1)1, le 23 juillet 1823, par des ouvriers qui travaillaient sur un terrain appartenant à Guillaume Léonard Holley2, à quelque trois cents mètres à l’est des vestiges du théâtre romain de Lillebonne (l’antique Juliobona) et « à trois pieds seulement de la surface du champ3 », devait immédiatement susciter l’intérêt de la communauté scientifique, tant locale que parisienne et anglaise. Bien que lacunaire, l’œuvre frappa d’emblée par ses dimensions imposantes et par la dorure qui recouvrait son épiderme, au point que l’on crut que les fragments manquants avaient été fondus secrètement pour récupérer le métal précieux. Il n’en était rien, mais plusieurs morceaux isolés furent distribués et certains sacrifiés pour préciser la nature de la dorure et de l’alliage4. Dès la découverte de la statue, le fouilleur du théâtre, François Rever, avait procédé à un examen, dont il faut saluer la clairvoyance et la précision5. Le dessinateur Langlois se rendit sur place à la fin du mois d’août pour restituer l’apparence de la statue6 (fig. 2), et d’éminents spécialistes, tel le comte de Clarac, conservateur des antiques du Musée royal, s’arrêtèrent à Lillebonne : « En passant hier à Lillebonne j’ai vu avec grand plaisir une statue antique qui y a été découverte il y a deux mois […] Cette statue est de grande proportion […] La dorure en est superbe, très épaisse, ce qu’il est facile de voir sur la tranche des fragments. Elle est presque partout très bien conservée, et je ne doute pas qu’elle ne reparaisse avec tout son éclat, lorsqu’on aura enlevé le tartre et la croute (sic) qui recouvre certaines parties

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[…] les statues de bronze dorées de grandes dimensions sont de la plus grande rareté. Il me semble que l’on ne connaît de ce genre que les chevaux de Venise et encore la dorure n’existe-t-elle plus […]7. » Alphonse de Cailleux, secrétaire général des musées, fut officiellement autorisé le 29 octobre 1823 « à se transporter sur les lieux pour y examiner la statue […]8 ». Il fallait juger de l’importance de l’œuvre et estimer sa valeur. Holley souhaitait en effet céder le bronze au musée du Louvre, mais ses prétentions exorbitantes se heurtèrent rapidement à la réticence des autorités et aux jugements mitigés de certains. La statue ne correspondait pas aux critères qui fondaient alors l’histoire de l’art de l’Antiquité, de sorte que l’impression générale qui se dégageait de son étude n’était pas nécessairement favorable. C’est ce dont le sculpteur François- Joseph Bosio se fait l’écho dans une lettre datée du 5 janvier 1824 : « C’est un antique de la 4e classe, qui n’est ni bon, ni mauvais. La tête ne vaut pas grand-chose, la main gauche n’est pas d’ensemble9. » Le 31 octobre 1824, le vicomte de la Rochefoucault, chargé du département des Beaux-Arts au ministère de la Maison du roi, s’adressait au comte de Forbin, directeur des Musées royaux, lui demandant de s’adjoindre MM. de Clarac et Bosio afin d’établir un rapport qui devait porter notamment sur l’époque de la statue, sur son attribution à une sphère de production grecque ou romaine et sur la dorure : « La dorure qui la recouvre peut-elle être attribuée à l’Antiquité ? Ne doit-on pas la considérer plutôt comme ayant été faite après coup et dans le Moyen Âge, où ce procédé était plus usité que chez les Anciens10 ? » La statue était alors à Paris11. Elle y avait été mise en gage et fut acquise en 1825 par un Anglais, Samuel Woodburn, qui espérait la proposer au British Museum12. Ses espoirs furent déçus, après ceux de Holley, et ni l’un ni l’autre ne connurent de leur vivant le rapatriement de l’Apollon en France en 1853, pour son acquisition par le musée du Louvre. Le dossier était alors suivi par Adrien de Longpérier, nouveau conservateur des antiques du Louvre, parti à Londres négocier l’achat et contrôler les bonnes conditions du retour de l’œuvre à Paris : « Je ne sais si vous serez content de la statue », écrivait-il le 29 juillet 1853 au comte de Nieuwerkerke, directeur général des Musées impériaux, « elle a la jambe droite au-dessous du genou cassée et perdue. L’avant-bras droit manque également […] C’est un Apollon à coiffure féminine qui, sans être d’un style admirable, a cependant beaucoup de grandeur. La dorure du torse est encore assez vive, et il serait facile de la rendre encore plus apparente par un nettoyage. En somme, c’est un morceau extrêmement remarquable qui produira beaucoup d’effet dans le Musée et qu’il eût été très malheureux de laisser échapper, car les bronzes de cette dimension sont tout ce qu’il y a de plus rare13. »

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Fig. 1. L’Apollon de Lillebonne

Paris, musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, bronze doré, H. 1,94 m. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/Hervé Lewandowski.

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Fig. 2. Dessin de la statue, réalisé en août 1823 par Eugène Hyacinthe Langlois

Album de la Commission départementale des Antiquités de Seine-Maritime, Archives départementales de Seine-Maritime, 6 Fi 3, p. 22 (détail). © J.-P. Godais, Musée d’Art, Histoire et Archéologie, Ville d’Évreux, 2013.

Particularités techniques et interventions modernes sur la statue

Réparure

2 L’examen du « tronçon de la cuisse droite qui comprend la moitié du genou14 », indépendant au moment de la découverte, avait permis à François Rever de repérer une particularité technique, sans comparaison à l’époque, qu’il décrivit et illustra graphiquement dès 1823 : des lacunes liées à d’importants défauts de coulée avaient été comblées par des plaques découpées de manière irrégulière, maintenues à l’aide de rivets à tête ronde, et dans certains cas par des contre-plaques au revers15. L’objet de cette réparure était de masquer les défauts d’aspect consécutifs à la fabrication de la statue : porosités et lacunes formées en raison de dégagements gazeux lors de la coulée, trous laissés par les clous distanciateurs et les armatures utilisés pour maintenir le noyau dans le moule, soudure trop visible, etc. La technique est ici atypique car les plaquettes, de forme polygonale comme souvent à la période romaine, sont de très grande taille. Du fait de ces dimensions hors norme, les plaquettes de l’Apollon de Lillebonne ont nécessité pour leur fixation sur la statue la pose d’une multitude de rivets. La même technique a également été identifiée récemment sur le relief de grands dauphins dorés de Vienne (Isère)16 et sur les fragments d’une ou de plusieurs statues en bronze doré, mis au jour en 2008 à Horbourg-Wihr (Alsace)17. Si la répartition géographiquement limitée des occurrences se confirme à la lumière de nouvelles

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découvertes, une telle particularité pourrait être interprétée comme une signature gallo-romaine.

Restauration

3 Il est difficile de préciser la nature de l’intervention effectuée sur la statue durant son court premier séjour à Paris18. Nous savons en revanche qu’elle n’a pas été touchée à Londres, Woodburn ayant refusé les propositions qui lui ont été faites19. C’est à son arrivée au Louvre, à la fin de l’année 1853, qu’elle a subi une restauration importante pour son exposition au musée (introduction d’une armature interne fixée dans un socle polygonal, restitution en plâtre de la jambe droite sous le genou, comblements des lacunes au plâtre également). Des inquiétudes suscitées par l’instabilité de l’œuvre sur son socle ont conduit à une nouvelle intervention en 1942-1943. Il a fallu cependant attendre le démontage total de la statue, avant son traitement au Laboratoire d’archéologie des métaux à Jarville en 1974-1975, sous la direction d’Albert France- Lanord, pour comprendre les étapes antérieures et pallier le caractère sommaire des informations recueillies dans les archives20.

La statue de culte d’un sanctuaire gallo-romain

4 Apollon, divinité salutaire en Gaule, tenait une lyre dans la main gauche selon un schéma particulièrement prisé dans le Nord et le Centre-Est. L’effigie divine évoque par sa pondération et ses proportions générales l’influence des créations grecques du IVe siècle avant J.-C. sur le sol gaulois. L’équilibre approximatif de la figure, l’attache inorganique des membres à un torse étroit, la mollesse de la musculature et le caractère féminin de la coiffure comme des traits du visage témoignent toutefois d’une approche stylistique classicisante propre à la Gaule romaine, illustrée notamment par les Apollons du Vieil-Évreux et de Vaupoisson21, ainsi que par une statuette en bronze doré exhumée à Reichshoffen22. Le bronze a été produit au IIe siècle de notre ère, possiblement sous le règne d’Hadrien ou au début de l’époque antonine23. Lors de sa présentation temporaire au musée départemental de Rouen en 2015, dans le cadre de l’exposition sur Juliobona24, il est apparu en parfaite cohérence avec l’environnement artistique que lui offraient les vestiges du décor sculpté du théâtre, les stèles funéraires des nécropoles de Lillebonne et quelques sculptures. Dans une lettre datée du 10 février 1825, Holley évoquait les objets mis au jour sur son terrain après la découverte de l’Apollon. Les deux statuettes votives – l’une de Dispater-Sucellus et l’autre d’un dieu Lare – et une lampe à bec double ornée, sur le réservoir, d’un Amour chevauchant un dauphin ont été dessinées par Langlois25. La présence dans le dépôt d’une monnaie de bronze à l’effigie de Julia Domna date l’enfouissement postérieurement aux années 211-218. Le terrain Holley se trouvait sans doute à l’emplacement d’un sanctuaire dont l’effigie cultuelle était la statue d’Apollon26. Les motifs de l’ensevelissement du bronze nous échappent. Toutefois, l’état relativement complet de l’œuvre indique qu’elle n’a pas été détruite rituellement dans un contexte d’abandon de sanctuaire, mais qu’elle a plutôt été endommagée lors d’événements politiques puis enfouie pour sa préservation27.

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L’identification d’un fragment isolé et la question de la composition du bronze

5 La libéralité avec laquelle de petits fragments de la statue ont été distribués s’explique par le sentiment exprimé par François Rever, dès le 5 août 1823, dans une lettre au préfet : « Il y a beaucoup de petits fragments au raccordement desquels je tiens pour certain qu’il ne faut pas songer28. » Outre les sept petits morceaux de la statue parvenus en 1838 et 1840 au musée départemental des Antiquités de Rouen, cinq fragments ayant appartenu à François Rever ont été retrouvés en 1958 dans les réserves du musée d’Évreux et demandés pour le Louvre par Jean Charbonneaux, le conservateur en chef du département des Antiquités grecques et romaines du musée29. Ils ne sont pas localisés aujourd’hui. Un fragment a cependant été récemment identifié dans les réserves du musée. Il avait toute chance d’appartenir à la statue à cause d’une étiquette portant l’inscription « Bronze doré de la statue de l’Angleterre », une mention manuscrite vraisemblablement rédigée durant les années de séjour de l’Apollon à Londres (fig. 3)30.

Fig. 3. Apollon de Lillebonne, fragment isolé portant la mention manuscrite : « Bronze doré de la statue de l’Angleterre »

Musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, Br 37.1 © C2RMF/A. Chauvet.

6 Dès l’année de la découverte, François Rever sollicite de grands chimistes de l’époque et leur confie quelques fragments, dans le but de déterminer la composition du bronze, de décrire l’altération du métal et de discuter la technique de dorure. Il prend une part très active dans les discussions, n’oublions pas qu’il était le fondateur de l’école centrale de l’Eure, dans laquelle il enseignait la physique et l’histoire naturelle31. Les premières analyses sont effectuées en septembre 1823 par François Joseph Houtou

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Labillardière, professeur de chimie à l’université de Rouen, à partir de fragments que lui confie Rever. On devine dans la correspondance échangée qu’une véritable collaboration scientifique s’est engagée entre les deux hommes32 ; les résultats de ces analyses sont synthétisés par Houtou Labillardière dans une note annexée à la publication faite par Rever en 182433. D’autres analyses ont été effectuées en 1824 par Louis-Nicolas Vauquelin, vraisemblablement au laboratoire des essais de l’hôtel de la Monnaie de Paris où il occupait la place de chef du Bureau de garantie34. Un premier fragment de 7 g confié par Rever fut tout d’abord analysé, puis un morceau de 15 g remis par Holley, lui-même divisé en 6 parties qui ont été analysées séparément35.

7 Les deux chimistes s’accordent sur le fait que le métal de la statue est fortement corrodé, et décrivent ce que l’on désigne aujourd’hui comme une corrosion intergranulaire : « L’intérieur [c’est-à-dire le métal vu en coupe] avait une teinte brune- rougeâtre, analogue à celle du cinabre en masse, et présentait des points brillants dans quelques-unes de ses parties36. » Leurs analyses ont été effectuées par dosage gravimétrique, en isolant un à un les différents constituants de l’alliage. Tous deux mettent en évidence un bronze contenant un peu de plomb : 5 à 6 % d’étain et du plomb en quantité non mesurable selon Houtou Labillardière37, 8 % d’étain et 2 % de plomb selon Vauquelin38.

8 Depuis 1824, la statue n’a pas fait l’objet d’autres études de sa technique de fabrication, hormis la dorure (voir ci-après). Toutefois, lors de la restauration effectuée en 1974-1975, deux fragments ont été envoyés par Albert France-Lanord au C2RMF, alors Laboratoire de Recherche des Musées de France (LRMF), où ils ont été analysés par Jacques Françaix. Les analyses avaient alors livré un résultat totalement différent de celles faites au XIXe siècle, puisqu’un alliage cuivreux quaternaire avait été mis en évidence (Zn : 4,5 % ; Sn : 3,4 % ; Pb : 3,0 %)39. Nous avons déjà souligné ailleurs à quel point ce résultat était surprenant, faisant de l’Apollon de Lillebonne le seul grand bronze d’époque romaine allié au zinc40.

9 La redécouverte d’un fragment dans les réserves du musée du Louvre41 et les résultats contradictoires obtenus aux XIXe et XXe siècles rendaient indispensables la réalisation de nouvelles analyses. Nous avons pour cela procédé à des microprélèvements par forage (1 mm de diamètre, 5 à 10 mm de profondeur), directement sur la statue pour disposer de compositions de référence, ainsi que sur le fragment retrouvé afin de pouvoir tester l’hypothèse de son appartenance à l’œuvre. Au total, neuf analyses ont été effectuées : jambe gauche, bras gauche, bras droit, tête, corps (coulées primaires), une plaquette polygonale et un de ses rivets (réparure) ; et pour le fragment, dans la partie correspondant à la coulée primaire, et dans celle d’une coulée secondaire (soudure ou réparure). Comme nos illustres prédécesseurs, nous avons également fait face à la corrosion intergranulaire du métal, qui affecte en particulier les prélèvements effectués sur le bras gauche, sur la tête, et sur le fragment (coulée primaire).

10 L’analyse des prélèvements a été effectuée par spectrométrie d’émission atomique par torche à plasma à couplage inductif (ICP-AES : Inductively Coupled Plasma Atomic – Emission Spectroscopy) au C2RMF. Nous avons choisi cette technique étant donné sa grande précision (environ 5 %) et sa très grande sensibilité (autour du ppm dans le métal, c’est-à-dire capable de détecter des teneurs de l’ordre de 0,0001 %). Pour chaque prélèvement, les copeaux ont été mis en solution dans l’eau régale (mélange concentré d’acides chlorhydrique et nitrique permettant de dissoudre tous les métaux). Les solutions obtenues ont été nébulisées dans le plasma d’argon produit par l’ICP-AES, il

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en a résulté une émission atomique dans l’ultraviolet et le visible qui a été mesurée : 29 éléments chimiques ont ainsi été simultanément dosés42. Préalablement à l’analyse, tous les prélèvements ont été contrôlés à la loupe binoculaire et, le cas échéant, les produits non métalliques ont été écartés. Ce n’est toutefois pas le cas des trois prélèvements affectés par la corrosion intergranulaire, pour lesquels corrosion et métal sont si intimement mélangés que le tri n’est pas envisageable.

11 Les résultats obtenus montrent une belle homogénéité de composition (voir tableaux 1a et 1b). Les différentes coulées primaires (tête, jambe, corps, bras) ont toutes été effectuées avec le même alliage, un bronze faiblement chargé en étain, 4,1 % en moyenne (min : 3,2 %, max : 4,5 %), et renfermant un peu de plomb (3,2 % en moyenne, min. 1,5 % ; max. 5,8 %). Le fragment de la « statue de l’Angleterre » s’intègre parfaitement dans ce schéma (Sn : 4,1 % ; Pb : 1,6 %). On remarquera que les trois analyses affectées par la corrosion intergranulaire sont également ceux pour lesquels le plomb est aux plus faibles teneurs. Il semble donc que la corrosion intergranulaire de l’Apollon de Lillebonne affecte principalement le plomb ; un contrôle par réalisation d’une coupe métallographique permettrait de le confirmer et donnerait peut-être la clé de l’histoire particulière de l’altération de la statue. Les coulées secondaires d’assemblage (soudures) qui unissaient les différentes coulées primaires n’ont pas été prélevées. Grâce au fragment découvert en réserve, une coulée secondaire (réparure ou soudure) est toutefois documentée, elle montre que le même alliage a été utilisé. Il en va de même pour la grande plaquette de réparure polygonale. L’unité de composition est confirmée par l’examen du spectre d’impuretés : il est particulièrement homogène, avec environ 0,1 % d’antimoine et de fer, autour de 0,03 % d’argent et d’arsenic, et 0,015 % de nickel. Les rivets qui permettaient de maintenir les grandes plaquettes de réparure sont en revanche une notable exception, puisqu’ils sont faits en cuivre non allié. On observe de plus que ce cuivre renferme nettement moins d’impuretés. La même observation a été effectuée sur les grands dauphins de Vienne. L’intérêt de ce métal est évident pour la réalisation de rivets, le cuivre non allié est très plastique et s’écrase donc facilement au marteau pour constituer les têtes (arasées du côté extérieur). L’usage du cuivre non allié pose en revanche le problème de la couleur du métal : les rivets étaient beaucoup plus roses que la paroi de bronze. Cette technique de réparure n’est donc adaptée qu’aux bronzes destinés à être dorés.

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Tableau 1a. Analyse ICP-AES de la composition élémentaire des alliages à base de cuivre de l’Apollon de Lillebonne (résultats en % massique)

Tableau 1b. Analyse ICP-AES de la composition élémentaire des alliages à base de cuivre de l’Apollon de Lillebonne (résultats en ppm massique)

Les éléments systématiquement sous la limite de détection n’ont pas été reportés dans le tableau : Ba, Cd, Cr, Mg, Mo, Ti, V (< 1 ppm), G, U, W (< 20 ppm).

12 Les nouvelles analyses confirment ainsi toutes les informations du XIXe siècle : un cuivre faiblement allié à l’étain et au plomb est à la base de la fabrication de l’Apollon de Lillebonne. Nos analyses permettent d’approcher beaucoup plus précisément sa

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composition : 4 % d’étain et 3 à 6 % de plomb. La corrosion intergranulaire n’est pas généralisée, mais doit affecter une grande partie de la statue. La raison de cette altération particulière devra être recherchée. Par ailleurs, le fragment récemment découvert en réserve ne laisse aucun doute, il provient bien de la statue. En revanche, on est en droit de s’interroger sur le fragment qui avait été isolé et analysé en 1975.

L’étude de la dorure

Historique et contexte de l’étude

13 Les recherches menées ces dernières années au C2RMF sur les grands bronzes antiques ont permis des avancées importantes tant sur les techniques de fonte et d’assemblage43 que sur celles de la dorure et de la polychromie métallique44. L’usage préférentiel de la dorure à la feuille sans préparation à la période romaine est aujourd’hui bien établi45, mais il existe encore de nombreuses incertitudes sur les techniques de mise en œuvre, les modules des feuilles utilisées ou leurs épaisseurs.

14 Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, l’état de conservation exceptionnel de la dorure de l’Apollon avait frappé les esprits dès sa découverte. François Rever engagea lui-même des recherches : « La dissolution de deux petits fragments dans de l’acide nitrique, m’a fait obtenir, bien entières, les portions de feuilles d’or qui les recouvraient. […] un troisième fragment d’une plus grande surface […] m’a fourni neuf petites folioles de grandeurs différentes. […] ces folioles rangées les unes à côté des autres eussent couvert une surface presque triple de celle du fragment. La dorure de ce fragment que le hasard m’avait offert avait sans doute été réparée46. » Par ailleurs, on découvrait les diverses propriétés de l’électricité, dont le phénomène de corrosion galvanique. Examinant la statue, Houtou Labillardière en conclut que la corrosion si particulière du bronze avait été provoquée par le couplage galvanique avec l’or de la dorure47. Il en naquit une controverse avec Vauquelin, qui, ayant examiné d’autres bronzes antiques dorés dont, en particulier, les chevaux de Saint-Marc lors de leur restauration à la Monnaie de Paris, réfutait le fait qu’un couplage galvanique puisse avoir causé une telle corrosion48. Les interventions successives de restauration allaient cependant se focaliser essentiellement sur les possibilités de nettoyage de la dorure plutôt que sur ses caractéristiques.

15 Plusieurs études partielles avaient toutefois abordé cette question, mais sans en tirer de conclusions définitives. Lors de l’étude et de la restauration menée en 1974-1975 par le Laboratoire d’archéologie des métaux49, Albert France-Lanord avait ainsi réalisé plusieurs coupes métallographiques, dont deux comportent de la dorure – échantillon 129 (genou gauche) avec les micrographies MB 95-9 et MB 95-7 (fig. 4) et échantillon 132 non localisé, avec la micrographie MB 94-150. La micrographie MB 95-9 montre une coupe métallographique prise à un grossissement de 400 fois avec la légende « métal presque entièrement corrodé, à g. la feuille de dorure couverte de carbonates ». La micrographie MB 95-7 montre la même coupe métallographique, mais pour une autre zone prise à un grossissement de 400 fois avec la légende « même échantillon, en bas la couche d’or formée de 2 feuilles ». La micrographie MB 94-1 montre une coupe métallographique prise à un grossissement de 100 avec la légende « métal entièrement corrodé. Quelques points de métal libre. À gauche, la feuille d’or couverte de carbonates ». Il a donc bien été noté la présence dans un cas d’une couche d’or et, dans

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un autre, de deux feuilles distinctes, mais l’étude de la dorure n’a pas été approfondie. Il a surtout été question d’alliages et de phénomènes de corrosion. Ces coupes métallographiques ont été soigneusement conservées par le Laboratoire d’archéologie des métaux et ont pu être ré-exploitées à l’occasion de cette recherche complémentaire.

Fig. 4. Coupe métallographique de l’échantillon 129 (genou gauche) : micrographie MB 95-7

© LAM/A. France Lanord.

16 En 1990, dans le cadre d’une étude portant sur les dorures gallo-romaines et mérovingiennes51, Lucile Beck avait effectué des analyses à l’aide de l’accélérateur de particules AGLAE sur les fragments conservés à Rouen. Les analyses menées en PIXE (Particule Induced X-ray Emission) ont permis de donner une composition de la couche d’or, et celles en RBS (Rutherford Backscattering Spectrometry) une estimation de l’épaisseur de la feuille de l’ordre de 3 micromètres. Toutefois, les fragments analysés n’ayant pu être localisés sur l’Apollon et n’étant plus accessibles aujourd’hui, l’intégration de ces résultats dans une nouvelle étude s’avérait problématique.

17 En 2010, de nouvelles analyses ont été effectuées par Marc Aucouturier et Jacques Castaing, directement sur la statue, à l’aide d’un équipement portable de spectrométrie de fluorescence X. Les mesures, prises au niveau du torse, ont livré des épaisseurs de l’ordre de 3 micromètres également. Il était, là encore, difficile de préciser à quoi correspondaient réellement ces mesures même si les premières observations générales, conduites dans la salle d’exposition de l’œuvre, avaient conforté l’hypothèse d’une ou de plusieurs redorures antiques, sans toutefois pouvoir en cerner le périmètre avec certitude.

18 C’est à l’occasion de l’exposition organisée à Rouen en 201552 que la décision a été prise d’engager une étude spécifique portant sur la dorure de l’Apollon puisqu’aucune synthèse n’avait encore été établie et que les questionnements demeuraient nombreux. S’il était net que l’Apollon avait été effectivement doré à la feuille, la technique de mise en œuvre était difficile à appréhender : l’organisation du chevauchement des feuilles

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d’or semblait peu cohérente et on pouvait s’interroger sur la présence d’une ou de plusieurs redorures, antiques ou modernes (fig. 8). Cette étude a été l’occasion d’utiliser diverses techniques – examens des surfaces en microscopie numérique 3D (fig. 5-6) ; mesures d’épaisseur par des méthodes non destructives en spectrométrie de fluorescence X ; réinterprétation des anciennes coupes métallographiques avec polissage ionique préalable.

Fig. 5. La statue en cours d’examen en microscopie numérique 3D

© C2RMF/D. Robcis.

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Fig. 6. Stratigraphie en imagerie numérique du fragment Br 37.1

En brun rouge, le bronze corrodé, recouvert par la dorure, elle-même surmontée d’une fine couche brune et d’amas de produits verts de corrosion du cuivre (reconstruction en 3D de surface). © C2RMF/D. Robcis.

Fig. 7. Distribution des épaisseurs de dorure relevées sur la face antérieure de la statue en spectrométrie de fluorescence X (échelle micrométrique)

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Fig. 8. Traces de chevauchements de feuilles d’or au niveau du torse

© C2RMF/A. Maigret.

Observations préliminaires des états de surface

19 Sur le plan de l’aspect général, l’œuvre présente certaines caractéristiques d’altérations tout à fait spécifiques. On constate en effet des corrosions plus importantes dans la partie supérieure du corps. Elles concernent la tête, le dessus des épaules et de l’avant- bras gauche fléchi : dans ces zones, la dorure a presque entièrement disparu et les surfaces corrodées présentent un aspect très érodé proche de ceux que l’on connaît pour les bronzes du XIXe siècle exposés à l’extérieur. Les zones généralement les mieux préservées sur de telles œuvres sont celles en dévers. On retrouve ces caractéristiques ici, sur le cou, et les parties inférieures des bras ; le dos semble beaucoup mieux préservé. Ce constat irait dans le sens d’une présentation antique en extérieur, sans doute à l’aplomb d’un mur. Ce point est particulièrement important, puisque les dorures à la feuille sont assez fragiles et résistent mal aux intempéries. Il fallait donc envisager le renouvellement régulier d’une protection de surface. Cela pouvait être un argument en faveur de plusieurs redorures successives, d’autant que le climat normand de Lillebonne se caractérise par des précipitations assez abondantes.

20 Les états de surface observables aujourd’hui ont subi les effets des nettoyages opérés sur la dorure lors des précédentes restaurations. Les techniques de nettoyage alors utilisées n’ont été que très partiellement documentées. L’état initial de l’œuvre lors de sa découverte n’est pas connu, ce qui rend particulièrement difficiles l’étude de la dorure et la compréhension des phénomènes d’altérations.

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Les analyses d’épaisseurs en spectrométrie de fluorescence X

21 Afin d’estimer les épaisseurs et les éventuels chevauchements de feuilles – il fallait comprendre et vérifier la cohérence des réseaux –, une campagne d’analyses en spectrométrie de fluorescence X a été menée, avec plus de 100 points mesurés directement sur l’œuvre, sans prélèvements. Cette technique d’estimation des épaisseurs de revêtement en fonction du substrat est bien cernée par la littérature53 et des campagnes d’analyses précédentes conduites au C2RMF ont permis d’apprécier la corrélation entre les mesures effectuées à l’accélérateur en RBS et avec l’équipement de fluorescence X portable sur des standards d’or et sur des œuvres54. Il en était ressorti que les mesures par SFX sont corrélées à plus de 90 % à celles effectuées en RBS, au moins dans la gamme d’épaisseurs allant de 0,2 à 10 micromètres. Dans le cas présent, nous sommes partis d’une matrice cuivre sur laquelle nous avons simulé une couche de plomb avant la couche d’or : en effet, dans le cas de l’Apollon, il s’agit d’un alliage ternaire contenant des taux de plomb assez élevés en surface (de l’ordre de 8 % à 10 % massique) qui risquaient de fausser les estimations.

22 Dans un premier temps, des mesures ont été effectuées sur la sculpture couchée et se sont donc limitées à la partie antérieure du corps. Ont pu être distinguées deux familles d’épaisseurs clairement différenciées, avec une concentration spécifique aux alentours de 2,5 micromètres qui correspond aux zones analysées dans le centre des feuilles et une autre, plus diffuse autour de 3,5 micromètres pour les zones de chevauchement (fig. 7). Il faut toutefois préciser que les mesures ont été faites sur des surfaces dégradées, et donc qu’il s’agit d’épaisseurs a minima. D’autre part, dans le cas de phénomènes de redorure, il est évident que l’on ne mesure pas l’épaisseur d’une feuille, mais sans doute l’épaisseur de deux feuilles dégradées dans leur partie centrale. De plus, dans les zones de chevauchement associées aux bords de feuilles, on a pu mesurer l’équivalent de cinq épaisseurs. Il a donc fallu interpréter ces résultats avec d’autres techniques d’analyse. Néanmoins, on peut d’ores et déjà retenir cette différence relativement constante de l’ordre de 1 micromètre (± 0,2) entre les deux familles pour la partie antérieure.

Format des feuilles d’or et techniques de pose

23 Un relevé exhaustif, sur le torse et le ventre, des bandes en surface, assimilables à des zones de chevauchement, a permis de différencier deux formats de feuilles d’or, l’un de l’ordre de 11 cm au carré et l’autre de l’ordre de 9 cm. Ces observations de modules différents se sont confirmées dans les autres parties du corps. On remarque en outre que la largeur des zones de chevauchement est différente selon ces modules : de l’ordre de 10 mm dans le cas des feuilles de 11 cm, et de l’ordre de 5 mm dans l’autre cas. Il s’agit donc d’un système différent de mise en œuvre lors de la pose, confirmant l’hypothèse d’une redorure et précisant son périmètre.

24 Le système de pose des feuilles de grand format (11 cm) est très géométrique et régulier, orienté selon l’axe du corps. Le second système (9 cm), même s’il reste géométrique, est beaucoup moins régulier et est un peu désaxé par rapport au premier (fig. 9). Ce sont donc deux pratiques de pose des feuilles, bien différenciées par leur organisation spatiale et par la manière dont les chevauchements ont été opérés. À ce stade de l’étude, il n’était pas malheureusement pas possible de préciser quel système

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était antérieur à l’autre. Seule l’étude stratigraphique d’une zone où les deux couches de dorure étaient conservées pouvait permettre d’y répondre, mais cela impliquait un prélèvement.

Fig. 9. Relevé des zones de chevauchements au niveau du torse

En noir, le premier réseau de dorure et en rouge, le second, en bleu les éléments non résolus. © C2RMF/A. Maigret.

25 À ce stade, il convient de noter par ailleurs que la dorure du dos, bien mieux conservée, n’offrait qu’un seul réseau de feuilles correspondant au grand module de 11 cm55, marqué par de larges zones de chevauchement. Les mesures effectuées en fluorescence X ont confirmé que nous avions bien une seule épaisseur, de l’ordre de 1,3 micromètre pour les cœurs de feuille, et d’environ 2,5 micromètres pour les zones de chevauchements. Ces observations ont donc permis d’envisager une chronologie relative de la dorure : une première phase a vu la mise en œuvre de feuilles de grand format, se chevauchant de manière large, tandis qu’une deuxième phase, limitée à la partie antérieure de l’œuvre, a vu la pose de feuilles de plus petit format, moins épaisses et avec un chevauchement beaucoup moins important. Il y aurait donc eu une campagne de redorure in situ, limitée à la face avant, ce qui suppose que la partie postérieure n’était pas ou était peu accessible. Ces déductions sont venues renforcer l’hypothèse d’une présentation de la statue contre un élément architectural, déjà formulée lors de l’observation de la corrosion.

Nouvel examen des coupes métallographiques de 1975

26 À l’issue de ces constatations, deux des coupes métallographiques réalisées par Albert France-Lanord (échantillons 129 et 132) ont fait l’objet d’une nouvelle étude avec

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reprise du polissage par abrasion et utilisation d’une technique de préparation spécifique par polissage ionique, suivie d’observations en microscopie électronique à balayage classique et à effet de champ. Cette technique de préparation permet d’éviter les risques d’écrasement de la feuille d’or lors du polissage, ce qui peut conduire à une surestimation de l’épaisseur, voire même du nombre de feuilles, si le polissage écrase les feuilles au point de les réunir. C’est d’ailleurs ce qui a pu être observé dans ce cas.

27 À l’examen de la coupe de l’échantillon 129 correspondant au genou (fig. 4), donc sur la face antérieure de la statue, reprise en polissage classique (fig. 10), on observe la présence de quatre feuilles d’or au lieu des deux notées par Albert France-Lanord. Ces quatre feuilles n’appartiennent en fait qu’à deux campagnes de dorure : les deux premières feuilles correspondent à une zone de chevauchement de la dorure initiale, alors que celles en surface correspondent à la phase de redorure. Les mesures effectuées sur les deux premières feuilles présentent une épaisseur variant entre 1,8 µm et 2,5 µm. Les deux feuilles situées au-dessus oscillent entre 1 µm et 1,5 µm. Toutefois, comme il s’agit d’un polissage classique, les épaisseurs sont légèrement surestimées.

Fig. 10. Coupe métallographique MB 95-7 reprise en polissage classique

Observation en microscopie numérique 3D à un grossissement de 400 fois © C2RMF/D. Robcis.

28 Le même échantillon a ensuite fait l’objet d’une préparation spécifique en polissage ionique, examinée à un grossissement de 11 000 fois, dans le but de mieux cerner les épaisseurs. Dans la zone observée, différente de celle dont il vient d’être question, on distingue trois feuilles d’or, dont les deux premières sont à peu près similaires et mesurent entre 0,8 et 1, 2 micromètres (fig. 11). La dorure de surface est moins épaisse et beaucoup plus irrégulière, oscillant entre 0,5 et 1 micromètre. Nous sommes ici en

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présence d’une zone de chevauchement de la dorure initiale recouverte par la feuille de redorure.

Fig. 11. Coupe métallographique MB 95-7 reprise en polissage ionique

Observation en microscopie à effet de champ à un grossissement de 11 000 fois. © C2RMF/N. Pingaud.

29 Ces résultats viennent ainsi conforter les observations faites grâce aux relevés graphiques et aux mesures en spectrométrie de fluorescence X portable, mettant en évidence une première dorure relativement épaisse correspondant aux grands modules carrés de 11 centimètres, et une seconde, moins épaisse, correspondant aux petits module carrés de 9 centimètres, liée à la phase de redorure.

Conclusion

30 Dans la majorité des cas, les bronzes antiques érigés sur les places publiques et dans les sanctuaires n’étaient pas dorés. Il fallait tenter de préserver leur éclat et leur brillance en protégeant leur épiderme avec des substances huileuses et bitumineuses qui, si elles n’étaient pas périodiquement remplacées, modifiaient progressivement la teinte générale de l’alliage cuivreux56. Dorer un bronze était apparemment une manière antique de tenter de lui conserver l’apparence qui était la sienne au sortir de l’atelier57. Il est possible que la dorure ait elle-même reçu, dans le cas de l’Apollon, une protection de surface, cire ou vernis, car une fine couche brune a été observée sur l’épiderme en de nombreux endroits (fig. 12). Les analyses effectuées sur des prélèvements n’ont toutefois pas permis d’en préciser la nature58.

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Fig. 12. Fragment Br 37.1 : couche brune observée sur la surface de la dorure en microscopie numérique à un grossissement de 350 fois

© C2RMF/D. Robcis.

31 L’étude récente de l’Apollon démontre que cette statue de culte était très vraisemblablement exposée en plein air, contre un élément architectural, un mur peut- être ou une niche, qui protégeait son dos. Sa présentation n’a duré que durant quelques générations du IIe siècle de notre ère, un temps relativement court pendant lequel il a pourtant été redoré. Ce constat confirme l’importance accordée à l’entretien des œuvres jugées majeures59. Il faudrait vérifier sur d’autres bronzes dorés59 si cette pratique était exceptionnelle ou relativement courante. L’évolution des techniques d’examens et d’analyses, associée à celle des problématiques, a enrichi considérablement la connaissance technologique et historique de l’Apollon de Lillebonne. Cette étude confirme aussi que la compréhension d’un grand bronze antique repose nécessairement sur une approche collégiale.

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NOTES

1. Paris, musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, inv. Br 37 (NIII 65), H. 1,94 m. Manquent l’avant-bras droit, l’auriculaire gauche, la jambe droite sous le genou, la face interne du genou gauche, le talon gauche et le sexe. De grandes lacunes affectent également l’omoplate droite et le bas du dos à gauche (Duval 1978, fig. 5-9a). Sur la période allant de la découverte de l’Apollon à son entrée au Louvre, voir Duval, 1978, p. 265-267, 273-274 ; Tailliez, 1982 ; Dorion-Peyronnet, 2015. En sollicitant le prêt de l’Apollon à Rouen, Caroline Dorion-Peyronnet, commissaire en 2015 de l’exposition Lillebonne-Juliobona, nous a offert la possibilité de reprendre l’étude de la statue, laquelle a pu séjourner deux mois au C2RMF. Nous l’en remercions très sincèrement. 2. Il était le frère du maire de Lillebonne (lettres du comte de Clarac à M. de Cailleux et de Guillaume Léonard Holley au roi, Archives des musées nationaux, Pierrefitte, respectivement A6 1853, 30 septembre 1823 et A6 1824, 25 juillet 1833). 3. Lettre de Guillaume Chuinery à Alphonse de Cailleux, Archives des musées nationaux, Pierrefitte, A6 1853, 16 août 1823. 4. Dorion-Peyronnet, 2015, p. 20-24, fig. 11-12. Sur les fragments soumis en 1823 et 1824 à des analyses, voir notamment Rever, 1824, p. 20-24, 41-45 [Houtou La Billardière pour ces cinq dernières pages] et Vauquelin, 1824.

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5. Rever, 1824, p. 5-29. 6. Le 22 août, à la demande de la commission des Antiquités de la Seine-Inférieure lors de sa séance du 13 août (Duval, 1978, p. 265). 7. La lettre, datée du 26 septembre 1823, est adressée au comte de Forbin, directeur général des Musées royaux, Archives des musées nationaux, Pierrefitte, A6 1824. 8. Archives nationales, Pierrefitte, rapports au comte de Pradel pour l’année 1823, cote 0/3/1285. Que Mathilde Vauquelin, qui nous a signalé ce document, trouve ici l’expression de notre reconnaissance. Dans une lettre de synthèse des événements marquants depuis la découverte de la statue, établie par le comte de Forbin le 10 septembre 1833, il fut précisé que M. de Cailleux devait « tâcher d’entrer en négociation pour l’acquisition de la statue » et que de retour à Paris, il avait fait part au ministre de la Maison du roi « des prétentions exagérées du propriétaire », Archives des musées nationaux, Pierrefitte, A6 1824, 10 septembre 1833. 9. Archives des musées nationaux, Pierrefitte, A6 1853, 5 janvier 1824. Voir également Dorion- Peyronnet, 2015, p. 27. 10. Archives des musées nationaux, Pierrefitte, A6 1824, 31 octobre 1824. Dans une lettre du 11 novembre 1824 adressée à M. Holley, le vicomte de la Rochefoucault confirma qu’il renonçait à l’expertise, ayant suffisamment d’éléments pour juger du caractère inadéquat des offres (Archives nationales, Pierrefitte, fonds de la Maison du roi (monarchie de juillet, cote 0/3/1411), documents également signalés par Mathilde Vauquelin. 11. Dorion-Peyronnet, 2015, p. 27. 12. Duval, 1978, p. 273, British Museum Library, Original Papers 1826-1828, lettre de Samuel Woodburn, datée du 8 mars 1828 ; Dorion-Peyronnet, 2015, p. 28 n. 79. 13. Archives des musées nationaux, Pierrefitte, A6 1853, 29 juillet 1853. 14. Rever, 1824, p. 7. 15. Rever, 1824, p. 12-14, pl. II-III, après la p. 45, avec légendes développées, sans pagination ; Duval, 1978, p. 269-272, fig. 3-4 ; Dorion-Peyronnet, 2015, p. 21 fig. 9 (relevé original sur calque des plaques rivetées). Le « tronçon » comprend bien une partie du genou, comme indiqué sur le dessin de Langlois (fig. 2) et dans la lettre du comte de Clarac (ci-dessus n. 7). 16. http://c2rmf.fr/nos-activites/programmes-termines/les-grands-dauphins-de-vienne (consultée le 19 mai 2017) 17. Roth-Zehner, Le Martret, Bailliot, 2015, p. 118-120, fig. 2. Fragments de statue (s) monumentale (s) liés à un habitat dont l’apogée se situe entre la deuxième moitié du IIe siècle et le milieu du IIIe siècle, date de destruction de la zone. 18. Tailliez, 1982, p. 82 et n. 20 : d’après la lettre de Bosio (ci-dessus n. 13), un praticien du nom de Liri aurait travaillé sur l’œuvre durant 28 jours. L’œuvre a séjourné dans l’atelier du sculpteur Rutxhiel. Sur l’inquiétude de Rever quant à des restitutions abusives et sur la nature des interventions, voir Dorion-Peyronnet, 2015, p. 27-28 : on apprend par une lettre du 11 mai 1826, adressée à F. Rever par un certain Detonnaud, que la jambe manquante avait été remplacée par une jambe de cire. 19. Dans la lettre citée ci-dessus n. 12 : “I had thought of having it restored before having it brought to England, but having seen wax models of the proposed restoration which did not class with the stile (sic) of the art of the bronze I have now brought it to England as discovered.” Un dessin réalisé à Londres par J. G. Waller en 1853 (R. Smith, 1854 ; Duval, 1978, p. 274 ; Tailliez, 1982, p. 87, fig. 6) restitue la jambe et l’avant-bras droits sans ombres à la différence du sexe, traité comme le reste de la statue. Se pourrait-il qu’il ait été reconstitué à Paris avant le départ pour Londres ? Il s’agit d’une adjonction métallique, maintenue en place par un écrou en fer (Duval, 1978, p. 276). 20. La seule information sur l’intervention de 1853 se résume à la mention suivante d’Adrien de Longpérier : « Je vous prie de hâter le plus possible l’achèvement de la statue de bronze de Lillebonne et le placement de cette figure dans la salle des bronzes », Archives des musées

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nationaux, Pierrefitte, A6 1853, 15 novembre 1853. À l’exception de l’armature métallique interne, cette restauration demandée au responsable des marbriers a fait appel à du bois, des chiffons, du papier et du plâtre. Sur les différentes interventions, de 1853 à 1975, voir Duval, 1978, p. 274-283 : la figure 2 présente la statue après démontage en 1974 des parties restaurées. Plusieurs photographies, réalisées au Laboratoire d’archéologie des métaux, documentent l’existence d’une coulée de bronze effectuée au XIXe siècle (durant le premier séjour de la statue à Paris, avant son départ pour Londres ? En 1853 ?), pour compléter le genou gauche lacunaire, une coulée qui englobait des fragments antiques. Ces photographies sont conservées dans le dossier de l’œuvre au Louvre. 21. Lenormant, 1875 ; Espérandieu, 1911, n os 3063, 3216, p. 170-171, 263 ; Boucher, 1976, p. 129-131, 374, pl. 16. Sur le rapprochement des deux bronzes avec l’Apollon de Lillebonne, voir récemment Szewczyk 2013a, p. 20 ; Szewczyk, 2013b, p. 192, 196. 22. Schnitzler, 1995, n° 95, p. 87. 23. Zanker, 1974, n° 6, p. 103-104. 24. Exp. Rouen 2015. 25. Rever, 1821, p. 128-141, pl. III bis. Pour comprendre pourquoi des statuettes trouvées en 1824 apparaissent dans une publication de 1821, voir en particulier p. 130 : « J’avais envoyé depuis quelque temps à l’impression la dernière partie de mon Mémoire, lorsque j’appris que M. Holley venait de faire encore une découverte […]. Les deux figures […] proviennent du rejet même de la fosse d’où, l’année dernière, on exhuma la grande. » Espérandieu, Rolland, 1959, nos 9, 65, 183, p. 24, 44, 81, pl. II, XXVI, LV ; Rogeret, 1997, p. 384 fig. 377 ; Kaufmann-Heinimann, 1998, p. 252 : les deux statuettes ne sont pas localisées. La lampe est conservée au Römer-museum d’Augst. Dorion-Peyronnet, 2015, p. 26, 29 : une lettre de Langlois adressée à François Rever le 14 juillet 1825 évoque aussi par des dessins et des commentaires une tête de marbre mise au jour le mois précédent « à l’endroit où fut découvert (sic) la grande statue en bronze doré en 1823 ». Ce portrait pourrait être celui de l’empereur Caracalla. 26. Kaufmann-Heinimann, 1998, p. 200. 27. Sur des témoignages de destructions rituelles de statues de bronze, voir Azéma et al., 2012, Azéma et al. (sous presse) pour les sanctuaires du Vieil-Évreux et de Genainville, et Kaurin et al. dans ce volume pour le guerrier de Saint-Maur, démonté avant d’être enfoui. La dégradation de l’Apollon est peut-être à mettre en relation avec les événements politiques des années 193-197, qui aboutirent à la victoire définitive de Septime-Sévère sur les autres candidats qui briguaient le pouvoir impérial (Rogeret, 1997, p. 328). 28. Dorion-Peyronnet, 2015, p. 20-23. 29. Lettre du conservateur du musée d’Évreux, J. M. Moulin, dans le dossier de l’Apollon. Il y est écrit que les cinq fragments étaient accompagnés de la mention « Morceaux de la statue d’Apollon en bronze doré trouvée à Lillebonne. Coll. de Fr. Rever ». 30. Ce fragment a reçu le numéro d’inventaire Br 37.1. L. max : 9,4 cm , H. max. 5,1 cm. 31. Rever, 1802. 32. Houtou Labillardière à Rever, 15 septembre 1823 : « Je me rappelai l’expérience que vous avez faite en calcinant la matière avec du charbon et dans laquelle vous vîtes paraître des vapeurs blanches qui dénotaient la présence d’arsenic ou de zinc. J’ai répété les essais dans le but de retirer la substance volatile par la calcination, et je n’ai pu rien volatiliser », Archives départementales de l’Eure, 47J155_f°2549-2550. 33. Analyse de quelques fragmens du métal de la Statue de Lillebonne, par M. Houtou la Billardière; Professeur de Chimie à Rouen, dans Rever, 1824, p. 41-45. 34. Bret, 2000. 35. Vauquelin, 1824. 36. Houtou Labillardière dans Rever, 1824, p. 41. 37. Houtou Labillardière dans Rever, 1824, p. 42.

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38. Vauquelin, 1824, p. 398-399. Une note du Comte de Clarac rapporte l’épisode des analyses effectuées en 1823-1824, reprenant d’ailleurs de façon erronée les résultats obtenus par Houtou Labillardière et Vauquelin, mais ajoute surtout que des analyses ont été effectuées par J.-P.-J. D’Arcet. Ni la date ni la référence de cette troisième série d’analyses ne sont données, seuls les résultats sont reportés : « M. D’Arcet a obtenu 82.513 de cuivre, 9.196 d’étain, 6.896 de plomb et 1.270 de zinc, et en outre 0.082 d’or et 0.042 d’argent , qui n’étaient qu’accidentellement alliés au bronze. », Clarac, 1841, n. 2, p. 75-76. Les références à Clarac et D’Arcet nous ont été communiquées par Brigitte Bourgeois. Nous l’en remercions vivement. Sur la question des premières analyses chimiques d’œuvres antiques et les glorieux débuts de l’archéométrie française, voir Bourgeois, 2013. 39. Françaix, voir au C2RMF le dossier FZ1584, rapport n° Z527 du 25 août 1975, analyse par spectrométrie d’émission de quatre bronzes gallo-romains. 40. Mille et al., 2012, fig. 34. 41. Ci-dessus n. 30. 42. Pour plus de détails sur le protocole analytique par ICP-AES utilisé au C2RMF, consulter Bourgarit, Mille, 2003. 43. Voir par exemple Mille et al., 2012, sur les statues d’un enfant royal et d’Éros du Cap d’Agde. 44. Voir par exemple Aucouturier et al., 2004, pour la statue égyptienne de Karomama. 45. Oddy, 2012. 46. Rever, 1824, p. 20-22. 47. Houtou Labillardière, 1824. 48. Vauquelin, 1824. 49. France-Lanord, 1975. 50. Dans le dossier de l’œuvre au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, musée du Louvre. 51. Beck et al., 1991, p. 103-107. 52. Exp. Rouen, 2015. 53. Cesareo, 2009. 54. Aucouturier, 2016. 55. Sur l’apparence, l’entretien et l’assombrissement progressif des bronzes, voir en dernier lieu Descamps-Lequime, 2015, p. 152-153, 159-160. 56. Descamps-Lequime, 2006, p. 84. 57. La Niké retrouvée dans le Rhône à Arles présentait dans certaines zones un état de surface comparable qui n’a pu être préservé en totalité. Voir Aucouturier et al., 2016, p. 187. 58. Sur la question générale de l’entretien de la sculpture dans l’Antiquité, voir Bourgeois (dir.), 2014. 59. Mentionnons, parmi les grands bronzes dorés représentant des divinités, la tête d’une statue de culte d’Apollon (Sofia, IIe siècle, Institut archéologique national et musée, inv. 8483) ou une tête de Sulis-Minerve, découverte à Bath en 1727, qui a bien été redorée (Oddy et al. 1990, n° 31, p. 112, 118-120, fig. 10a-10b).

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RÉSUMÉS

L’Apollon de Lillebonne est, à ce jour, la plus grande sculpture de bronze représentant une divinité, découverte en Gaule romaine. Datée stylistiquement du IIe siècle de notre ère, la statue, qui figure un Apollon lyricine, provient de l’antique Juliobona (Lillebonne, Normandie). Divinité salutaire, il s’agit très vraisemblablement d’une statue de culte. Une première étude de laboratoire avait été menée lors d’une campagne de restauration en 1974-1975 sous la direction d’Albert France-Lanord. Une exploration scientifique complémentaire, conduite au C2RMF en 2015, a apporté des informations inédites sur le contexte de présentation de l’Apollon dans l’Antiquité. Elle a permis surtout de caractériser la technique de dorure du bronze et aussi de mettre en évidence une importante phase de redorure antique. L’étude de la dorure a fait appel à diverses techniques d’examens et d’analyses : métallographie, microscopie 3D, spectrométrie de fluorescence X, microscopie électronique à balayage et à effet de champ.

The Lillebonne Apollo is the largest bronze sculpture of a divinity found so far in Roman Gaul. Stylistically dating from the 2nd century AD, this statue of Apollo holding a lyre (now lost) was discovered in ancient Juliobona (present-day Lillebonne, Normandy, France). Given that Apollo was considered a salvation deity, this was very probably a cult statue. An initial laboratory study was conducted during the restoration of the sculpture in 1974-1975 under the direction of Albert France-Lanord. A complementary scientific investigation, carried out at the C2RMF in 2015, revealed new data about the context in which the Apollo was displayed in Antiquity. In particular, it identified the gilding technique used on the bronze and brought to light an important stage of ancient regilding. The study of the gilding involved diverse testing and analytical techniques: metallography, 3D digital microscopy, X-ray fluorescence, scanning electron microscope.

INDEX

Keywords : Apollo, Lillebonne, large statuary, bronze, gold leaf gilding, regilding, fettling, metallography, restoration, 3D digital microscopy, ion-beam polishing Mots-clés : Apollon, Lillebonne, grande statuaire, bronze, dorure à la feuille, redorure, réparure, métallographie, restauration, microscopie numérique 3D, polissage ionique

AUTEURS

DOMINIQUE ROBCIS Chef de travaux d’art, C2RMF (dominique.robcis[at]culture.gouv.fr).

SOPHIE DESCAMPS-LEQUIME Conservateur général du patrimoine, musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines (sophie.descamps[at]louvre.fr).

NATHALIE PINGAUD Assistante ingénieure, C2RMF (nathalie.pingaud[at]culture.gouv.fr).

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BENOÎT MILLE Ingénieur d’étude, C2RMF et Préhistoire et Technologie, UMR 7055, Nanterre (benoit.mille[at]culture.gouv.fr).

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Les bronzes noirs antiques – nouvelles observations et mécanismes de création Antique black bronzes; new observations and creative techniques

Marc Aucouturier, François Mathis et Dominique Robcis

Introduction

1 Le patinage intentionnel1 des bronzes, qui permet, grâce à un traitement chimique d’attaque de la surface, de modifier leur couleur, était pratiqué par les artisans bronziers dès l’Antiquité2. Cette technique a donné naissance à une qualité d’alliages appelée génériquement bronze noir. Connue en Égypte dès le Moyen Empire3, elle est également attestée dans le monde égéen et à l’époque romaine4. Sa pratique est aussi mentionnée en Chine, en Inde et surtout dans le Japon moderne (du XIVe siècle à nos jours) où elle est connue sous le nom de procédé nikomi shakushoku appliqué aux alliages shakudo5. Si les procédés utilisés au Japon (recettes de compositions des solutions, températures et temps de traitement) sont bien répertoriés6, les procédés de l’Antiquité sont en revanche très peu décrits et les documents existants ne sont pas suffisamment clairs pour être facilement interprétés. La première partie de cet article tentera de faire un point très résumé sur cet aspect historique. La définition scientifique du bronze noir ou du cuivre noir sera rappelée dans une deuxième partie, où seront brièvement résumées les descriptions données d’objets antiques en bronze intentionnellement patinés en noir. Nous tenterons également de comprendre

comment la patine de cuprite Cu2O (de couleur naturelle rouge) adopte une couleur noire ou bleu-noir grâce au choix des alliages. Puis sera relatée une nouvelle étude de bronze noir romain mis en évidence sur un paludamentum faisant partie des trouvailles de Volubilis (Maroc). Nous engagerons enfin une discussion fondée sur des résultats expérimentaux récents, sur les mécanismes chimiques et électrochimiques mis en jeu dans l’obtention de cette patine particulière, ainsi que sur les mécanismes physiques

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qui créent sa couleur si recherchée par les artisans et les artistes. Le présent article se limite aux époques antiques, sauf en ce qui concerne les reconstitutions en laboratoire. Il ne prend pas en compte l’élaboration de patines par les procédés modernes apparus à la Renaissance, souvent orientés vers l’emploi de revêtements organiques, sans que les procédés fondés sur une attaque chimique du métal aient complètement disparu7.

Considérations historiques, procédés connus et inconnus

2 Les origines du perfectionnement de la polychromie métallique au moyen de patines intentionnelles sont imprécises. Une publication récente8, émanant de spécialistes, fait l’analyse de textes anciens, rédigés par des alchimistes grecs, dans lesquels on peut trouver de nombreuses informations techniques sur ces procédés. Les travaux de Marcellin Berthelot9 et l’examen des Papyri de Leyde et de Stockholm, repris et complétés par Robert Halleux, sont des sources intéressantes10. Ces documents présentent de nombreuses recettes (compositions de bains d’attaque) et procédés de traitement des métaux, souvent pour les faire ressembler à l’or, mais la seule information à caractère technique sur l’obtention des bronzes noirs aurait été trouvée dans une transcription au XVe siècle de la version syriaque d’un manuscrit (incomplet) de Zosime, l’un des alchimistes grecs (IIIe siècle) ; la traduction a été discutée par des auteurs anglophones en 200111. La patine noire de ces bronzes est toujours obtenue par voie chimique, éventuellement accompagnée d’une étape thermique.

3 La plus ancienne œuvre connue de bronze patiné en noir est un petit crocodile conservé à Munich (fig. 1), daté du Moyen Empire égyptien (env. 2003-1786 avant notre ère)12. Les bronziers égyptiens ont ensuite produit beaucoup d’objets pour la plupart cultuels, dont un certain nombre est conservé au musée du Louvre13 et au British Museum14. Leurs dates de production s’échelonnent du Moyen Empire à l’époque Ptolémaïque. Signalons que la mention égyptienne Hsmn-Km retraduite en Hmty-Km, hiéroglyphe signifiant respectivement bronze noir et cuivre noir, apparaît dans les inscriptions dès la XVIIIe Dynastie (1550-1292 avant notre ère)15.

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Fig. 1. Objet égyptien en bronze noir : contrepoids de collier Sobek (Nouvel Empire)

Musée du Louvre, département des Antiquités égyptiennes, inv. E 11520. L. 18,75 cm. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/Hervé Lewandowski.

4 Le Sobek de la figure 1 constitue un exemple parmi la dizaine d’objets du département des Antiquités égyptiennes étudiés au C2RMF16.

5 La fabrication des bronzes noirs apparaît ensuite à Mycènes où ont été découvertes des dagues célèbres, incrustées de bronze noir, lui-même réincrusté de riches décors en or et argent. Ces dagues17, de fabrication probablement minoenne, datent du XVIe siècle avant notre ère.

6 En ce qui concerne la période grecque, l’existence d’objets pouvant être couverts de patine noire est rapportée par les textes18. On pense que le terme kyanos – traduit classiquement par bleu ou bleu noir – peut, lorsqu’il est utilisé pour un objet métallique, se rapporter à cette technique. Ainsi même un texte poétique comme la description du bouclier d’Achille par Homère devient compréhensible et plausible19. Malheureusement, à notre connaissance, il n’existe actuellement plus d’objets patinés datant de ces périodes qui soient susceptibles d’être analysés.

7 Pendant la période romaine, les bronzes noirs prennent, pense-t-on, le nom de bronzes de Corinthe, très prisés des élites. Il existe vraisemblablement beaucoup d’objets ou d’œuvres d’art décorés ou fabriqués avec cet alliage fameux à l’époque, cité par Pline l’Ancien dans son Histoire Naturelle20, ainsi que par plusieurs auteurs latins21. Parmi ces objets, l’un des plus anciens et des mieux connus, grâce à son étude approfondie au C2RMF, est l’encrier de Vaison-la-Romaine (fig. 2), conservé au musée du Louvre, département des AGER (inv. Bj 1950), daté avec précision du troisième quart du Ier siècle de notre ère22.

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Fig. 2. Objet romain orné d’incrustations en bronze de Corinthe : encrier de Vaison-la-Romaine (Ier siècle)

Musée du Louvre, département des AGER, inv. Bj 1950, H. 4,4 cm. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/Hervé Lewandowski.

8 Concernant les recettes permettant d’obtenir chimiquement la patine noire, seules sont connues celles utilisées pour les objets japonais en alliage shakudo, mais rien ne prouve qu’elles aient une parenté quelconque avec les recettes antiques. Faute d’informations précises sur les procédés et recettes antiques, et compte tenu des similitudes de compositions des alliages spécifiquement choisis par les artisans, similaires quelles que soient les périodes, ce sont ces recettes modernes qui sont employées par les chercheurs pour recréer des bronzes noirs dans le but de comprendre les mécanismes d’élaboration de la patine noire et ses propriétés physiques, comme nous le verrons plus loin.

Rappels sur la structure et la composition des patines noires

9 La thèse de François Mathis23 et quelques publications associées 24 résument bien la majorité des données scientifiques qui caractérisent les bronzes noirs antiques, ainsi que les moyens d’étude permettant d’acquérir ces données sur des objets de musées : les bronzes noirs sont obtenus à partir d’alliages de cuivre ou bien de cuivre non allié auxquels ont été ajoutées de petites quantités d’or et/ou d’argent. Les teneurs de ce ou ces éléments nécessaires sont faibles et ne dépassent jamais quelques pourcents. Les études permettent de donner une définition précise d’un bronze noir ou d’un cuivre noir : un bronze noir ou un cuivre noir est un alliage de cuivre ou un cuivre non allié comportant de faibles additions d’or et/ou d’argent, dont la surface a été intentionnellement

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traitée par voie chimique pour provoquer la formation d’une couche de cuprite (Cu2O) de couleur noire ou bleu foncé, couche qui contient des quantités non négligeables d’or et/ou d’argent. Ce qui caractérise la patine des bronzes noirs est donc la présence de cuprite de couleur noire, différente de la couleur rouge présentée par ce composé à l’état naturel.

10 À partir d’une telle définition, il est possible d’identifier sans risque d’erreur cette catégorie de patine à dominante noire grâce à une simple analyse élémentaire non- destructive (par fluorescence X par exemple), doublée obligatoirement d’une identification de la structure de la couche de patine, par exemple par diffraction de rayons X ou par spectrométrie Raman. Cette précision de définition et cette rigueur dans les moyens analytiques sont nécessaires pour tenter de décrire et de comprendre un usage de la patine chimique dans le monde antique. En effet, nos travaux ont mis en évidence, outre les bronzes noirs, des patines chimiques noires, au soufre, sur des alliages argent-cuivre (plaque à l’aurige, musée du Louvre, département des AGER, inv. Br 3447)25, une patine chimique rouge sur laiton (strigile romain, musée du Louvre, département des AGER, inv. Br 1582)26, et d’autres patines noires sur alliages cuivreux possiblement intentionnelles, obtenues par voie thermique et non chimique.

Observations récentes

Le paludamentum de Volubilis

11 Parmi les chefs-d’œuvre présentés au MUCEM lors de l’exposition Splendeurs de Volubilis ; Bronzes antiques du Maroc et de Méditerranée à Marseille, en mars 2014, figure un fragment de paludamentum (manteau de général ou d’empereur) en bronze ayant appartenu à une statue impériale, représentant peut-être l’empereur Caracalla (188-217). Cet objet exceptionnel, trouvé au cours des fouilles de Volubilis, est conservé au musée archéologique de Rabat27 (fig. 3). Il a été analysé par les auteurs du présent article dans les locaux du MUCEM quelques jours avant l’exposition28. Il comporte un décor très riche d’incrustations patinées en différentes couleurs. Il est décrit avec précision par les publications de C. Boube-Piccot29. La figure 4 montre une partie du schéma établi par cette auteure représentant l’ensemble du décor, assorti des commentaires qu’elle a faits par observation visuelle.

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Fig. 3. Paludamentum en bronze de Volubilis

Musée archéologique de Rabat (inv. PI 89.1.1.5), L. 88 cm © C2RMF/D. Robcis.

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Fig. 4. Partie supérieure du paludamentum de Volubilis

Détail du schéma établi par C. Boube-Piccot pour décrire les incrustations. © D’après C. Boube-Piccot, 1969.

12 D’après nos propres analyses, le corps de l’objet est une fonte à la cire perdue d’alliage cuivre-étain-plomb contenant de 7 à 15 % en masse d’étain et plus de 10 % de plomb.

13 C. Boube-Piccot a relevé la présence de cinq alliages d’incrustations : argent, cuivre rouge à patine noire, alliage de cuivre à patine jaune orangée, alliage de cuivre à patine olivâtre, laiton. Les analyses par XRF (fluorescence de rayons X) effectuées par nos soins montrent que l’alliage patiné en noir contient toujours de l’or et de l’argent, de l’arsenic mais pas d’étain (ce qui exclut une influence du substrat sur les analyses). L’analyse par spectroscopie Raman, que nous avons également menée, montre que la

patine est de la cuprite Cu2O. Il s’agit donc bien d’un cuivre noir, tel que l’avait pressenti C. Boube-Piccot par observation visuelle.

14 Nos analyses montrent que les incrustations blanches sont bien de l’argent, sans que l’on puisse donner plus de précision sur la teneur en cuivre et plomb du fait de l’influence du substrat sur les analyses. Les incrustations rouges à patine orangée et à patine olivâtre sont soit en cuivre non allié, soit en cuivre enrichi notablement de plomb sans que nous ayons pu confirmer les distinctions entre elles ni préciser la nature de la patine, sans doute intentionnelle. Les incrustations de laiton sont très lacunaires ; la teneur en zinc de ce laiton, 7,5 %, est sous-estimée, du fait de la dézincification due à la corrosion.

15 La figure 5 donne un exemple de détail. On y voit les chevrons de cuivre noir avec une patine partiellement lacunaire mais très bien conservée par endroits, telle qu’elle a été observée au moment des analyses. De plus, un examen attentif de la surface de l’alliage de base fait soupçonner la présence d’une patine générale pourpre, qui serait logique

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pour un paludamentum impérial. Il n’a malheureusement pas été possible de confirmer ce point en raison du mauvais état de la surface.

Fig. 5. Détail des incrustations du paludamentum de Volubilis

© C2RMF/D. Robcis.

16 Il est clair que cet objet extrêmement sophistiqué comportait des incrustations patinées intentionnellement, et en particulier des incrustations de cuivre noir. C’était un témoin important de la fabrication des bronzes noirs dans une période plus tardive que l’encrier de Vaison-la-Romaine et le seul exemple connu jusqu’à présent de l’utilisation de ces techniques sur un bronze monumental. De plus, l’observation des différentes couleurs, de la diversité de compositions des incrustations, probablement patinées intentionnellement même si cela n’a pas toujours été possible de le confirmer par les analyses, semblent indiquer pour cette époque (IIIe-IVe siècle ap. J.-C.) une pratique de la patine chimique plus fine et davantage aboutie, dans le but d’obtenir une polychromie métallique plus complexe que la simple quadrichromie observée sur l’encrier de Vaison-la-Romaine. Cette évolution technique et artistique avait également été constatée sur un autre objet sensiblement de la même époque étudié au C2RMF : la coupe de Césarée (musée du Louvre, département des AGER, inv Br 4391).

Reconstitutions de patine shakudo

17 Dans le but de tenter de comprendre les mécanismes de formation de la patine intentionnelle des bronzes noirs, nous avons engagé un programme de recréation expérimentale. Pour cela, il a fallu, faute de connaître les procédés antiques, utiliser les recettes bien connues d’obtention des patines d’alliages de type shakudo. Ces procédés ont permis de reconstituer la patine noire sur plusieurs alliages de synthèse

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représentatifs des bronzes antiques30. Neuf alliages de compositions proches de celles des objets égyptiens ou romains du Louvre ont été employés : quatre alliages Cu-4 % Au ; Cu-3 % Au-1 % Ag ; Cu-2 % Au-3 % Ag ; Cu-4 % Ag ; quatre alliages de même composition, mais contenant un ajout de 3 % d’arsenic et enfin un alliage témoin Cu-3 % As. Quatre solutions aqueuses ont été testées, toutes tirées de la littérature japonaise31. Le tableau 1 donne la liste des composants de ces solutions, utilisées à température voisine de l’ambiante. Dans ce tableau, l’ingrédient rokusho est une solution contenant de l’acétate de cuivre, du carbonate de calcium et de la soude.

Tableau 1. Composition qualitative des solutions de patinage utilisées

Acétate de Sulfate de Chlorure de Dénominations Rokusho Alun Sel Vinaigre cuivre cuivre sodium

Niage oui oui

Murakami oui oui oui

Su-tampan oui oui oui oui

Rokusho 4 oui oui oui

18 Toutes les patines, testées par diffraction de rayons X, sont constituées de cuprite Cu2O, sauf celles dues au bain su-tampan qui contiennent de fortes quantités de chlorure de cuivre. Les analyses par PIXE (émission X induite par particules) à l’accélérateur de particules32 indiquent toujours que la cuprite contient une quantité notable de métaux précieux originaires des alliages, et du soufre venant de la solution. Signalons que les patines de bronzes noirs antiques contiennent toujours du soufre, ce qui pourrait être une indication sur la composition des recettes de l’Antiquité. La spectrométrie RBS (rétrodiffusion élastique des particules Rutherford) à l’accélérateur de particules, utilisée pour mesurer l’épaisseur des patines, donne, en cas d’utilisation des trois solutions sans chlorure, 0,2 à 0,3 µm d’épaisseur. Le prolongement de la durée d’attaque au-delà de 30 minutes n’augmente pas l’épaisseur de la couche, effet sans doute associé à un défaut de conductibilité de l’oxyde. Les patines contiennent toujours un certain pourcentage de l’élément précieux or ou/et argent, en général enrichi par rapport au substrat. La présence d’arsenic diminue leur teneur en élément précieux et la concentration en argent est moins enrichie par rapport au substrat que celle en or. L’argent peut même être absent dans la patine si l’alliage contient de l’arsenic.

19 Ce dernier élément a une influence notable : en plus de sa concentration moins enrichie dans la patine, il favorise la formation rapide d’une couche plus homogène et plus épaisse. Cette influence est plusieurs fois mentionnée dans la littérature, en particulier pour le patinage des shakudo33, sans qu’aucune interprétation n’en soit donnée. La patine des alliages contenant de l’arsenic est nettement poreuse, ce qui pourrait expliquer sa plus grande épaisseur.

20 La couleur des patines varie à la fois avec la composition des alliages et celle des solutions utilisées tout en restant foncée. C’est, pour les conditions expérimentales utilisées ici, le patinage par la solution rokusho 4 qui donne les résultats les plus satisfaisants. L’aspect électrochimique de ces essais est discuté dans la partie suivante.

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Microstructure des patines reconstituées34

21 Pour aider à l’interprétation des causes de la coloration en noir des patines de bronzes contenant des éléments précieux or et/ou argent, un échantillon issu des reconstitutions mentionnées ci-dessus a été choisi pour observer au microscope électronique en transmission (MET) la microstructure de la patine. Il s’agit de l’alliage contenant 3 % d’or et 1 % d’argent, patiné par la solution murakami. Une lame mince transparente aux électrons (environ 500 nm) d’une coupe transverse a été obtenue par pulvérisation par les ions d’un canon très focalisé (FIB pour focused ion bombardment).

22 Les figures 6, 7 et 8 montrent quelques images obtenues par MET, ainsi qu’une analyse de nanoparticules utilisant la méthode EDS (spectrométrie d’émission X par dispersion en énergie). Des spectres de perte d’énergie des électrons (EELS) ont été utilisés pour identifier les phases. Ces figures démontrent sans ambiguïté la présence dans la patine de nanoparticules ellipsoïdales ayant une dimension de l’ordre ou inférieure à 5 nm. La microdiffraction des électrons et l’analyse EDS identifient ces particules à l’argent et/ ou l’or métallique ; la microdiffraction ne permet pas de différencier Au et Ag métalliques, mais l’analyse EDS montre bien la présence des deux éléments, simultanément semble-t-il, dans les particules. En dehors des nanoparticules, la couche

contient du cuivre, de la cuprite Cu2O et de la ténorite CuO. Les proportions de ces différentes phases varient en fonction de la distance au substrat. La présence des nanoparticules explique le fait que la cuprite prenne une couleur noire, comme nous allons l’exposer maintenant.

Fig. 6. Microscopie électronique en transmission d’un bronze noir

Nanoparticules noyées dans la cuprite. © EMAT, Anvers/E. Grieten.

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Fig. 7. Microscopie électronique en transmission d’un bronze noir

Nanoparticules noyées dans la cuprite. En insert : diagramme de diffraction électronique d’une particule d’or ou d’argent. © EMAT Anvers/E. Grieten.

Fig. 8. Spectre d’analyse STEM-EDS sur une nanoparticule métallique de bronze noir

© Document d’après EMAT Anvers/E. Grieten.

Discussion sur les mécanismes de formation et la couleur des patines

Électrochimie du patinage

23 Les solutions utilisées dans les recettes japonaises sont des solutions modérément oxydantes. Une étude électrochimique a pu être effectuée il y a quelques années par le laboratoire des Interfaces et des systèmes électrochimiques de l’université Paris-VI (LISE)35. Elle a été complétée par des mesures de pH dans le cadre des reconstitutions décrites au paragraphe précédent.

24 Si l’on examine le diagramme potentiel-pH du système cuivre-eau avec des ajouts de sulfate (diagramme de Pourbaix)36 (fig. 9) et si l’on y place le point correspondant au potentiel électrochimique et au pH mesurés pendant les expériences de patinage, on constate que ce point se place, grâce à la composition de la solution (ici le bain murakami), mais aussi grâce à la présence de l’or dans l’alliage, élément noble qui

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augmente le potentiel d’équilibre de l’alliage, à la limite qui sépare les domaines ++ d’existence des ions Cu du composé Cu4SO4(OH)6 et de la cuprite Cu 2O (croix sur la figure 9). Cette situation explique en particulier la présence d’un mélange de ténorite CuO et de cuprite dans la patine. Des mesures chrono-potentiométriques effectuées en condition de réduction confirment bien que la patine est constituée principalement de cuprite et permettent d’estimer l’épaisseur de la couche.

Fig. 9. Diagramme de Pourbaix potentiel-pH du cuivre en présence d’une solution aqueuse contenant du sulfate de cuivre

La croix indique la position du couple potentiel-pH du cuivre pendant le patinage. © D’après Pourbaix, 1966.

Mécanisme d’apparition de la couleur noire

25 Le comportement optique de nanoparticules métalliques dans une matrice diélectrique a fait l’objet d’études physiques nombreuses et très complètes37. Du fait de la faible taille de ces particules conductrices, il apparaît en surface de celles-ci, quand elles sont excitées par un rayonnement électromagnétique (la lumière), un effet de résonance en surface des électrons de conduction (surface plasmon resonance, SPR). Ceci a pour conséquence une forte absorption de la lumière visible dans une gamme limitée de longueurs d’onde. L’application de la théorie de Mie38 à un solide diélectrique comportant des nanoparticules métalliques soumises à la SPR donne des pics d’absorption de la lumière dont l’énergie (la longueur d’onde) dépend de la nature et de la composition des particules, et dont la largeur en énergie est liée à la taille de ces dernières. La figure 10 montre le cas de nanoparticules d’or noyées dans une alumine poreuse39. On y remarque que le pic d’absorption se situe à une énergie de 2,30 eV environ et que, pour une taille de nanoparticules d’or de 5 nm, la largeur du pic avoisine 0,4 eV.

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Fig. 10. Diagramme section efficace d’absorption-énergie des photons pour des nanoparticules d’or de différentes dimensions noyées dans une alumine poreuse

© D’après Cottancin, 2010.

26 On peut alors superposer les pics d’absorption SPR des nanoparticules d’argent ou d’or

présentes dans une patine de bronze noir au spectre d’absorption de la cuprite Cu2O obtenu dans la littérature40 (fig. 11). On y constate alors que la partie de basse énergie du spectre d’absorption de la cuprite, qui montre une absorption très faible – manifestation de sa couleur rouge –, est fortement occultée par les pics de Mie liés à la présence des nanoparticules, et ceci d’autant mieux que les particules sont petites. La couleur rouge a donc tendance à disparaître avec, comme conséquence, le noircissement de la patine, qui se trouve ainsi justifié.

Fig. 11. Reports de la courbe d’absorption lumineuse de la cuprite Cu2O sur les diagrammes de section efficace d’absorption de nanoparticules d’argent ou d’or

© Document M. Aucouturier d’après Cottancin, 2010.

27 Il reste à expliquer la raison de la présence de ces nanoparticules de métaux précieux au sein de la patine. Il faut pour cela faire encore appel à l’électrochimie : compte tenu

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du potentiel d’électrode pendant la formation de la patine, seul le cuivre s’oxyde préférentiellement, laissant sur place les atomes d’or et d’argent métalliques qui s’agglomèrent en nanoparticules, car la température basse ne leur permet pas de diffuser sur de grandes distances.

Conclusion

28 L’existence de bronzes patinés en noir par des procédés chimiques, attestée depuis la haute Antiquité, a fait l’objet d’un grand nombre de publications, fondées sur la description d’objets de musées ou d’incrustations sur ces objets. Mais il y a peu de travaux sur les phénomènes électrochimiques intervenant pendant l’opération de patinage ou sur les mécanismes optiques de la transformation colorée du rouge au noir

de la couche de cuprite Cu2O ainsi formée.

29 Le présent article apporte quelques éléments de réponse à ces deux questions. L’ajout de métaux précieux or et/ou argent dans l’alliage ainsi que la composition du bain de patinage créent des conditions électrochimiques propices à la formation préférentielle

d’une couche de cuprite Cu2O en surface. Nous avons par ailleurs confirmé que la perte de la couleur naturelle rouge de cette cuprite au profit d’une teinte noire ou bleu-noir s’explique assez bien par un effet dit surface plasmon resonance (SPR) à la surface des nanoparticules d’or et/ou d’argent présentes dans la couche de cuprite. L’étude faite par microscopie électronique en transmission a permis de préciser la taille de ces nanoparticules, inférieure ou égale à 5 nm. Grâce à la théorie de Mie, on sait qu’une taille aussi petite favorise l’étalement en énergie des pics d’absorption lumineuse, donc l’occultation de la couleur rouge de la cuprite.

30 Il reste quelques questions non encore résolues. Ainsi, le rôle incontestablement bénéfique de l’arsenic en addition dans les alliages reste incompris. Une autre propriété non expliquée est l’exceptionnelle stabilité dans le temps de la patine noire. Certains chercheurs font même état de sa capacité de régénération spontanée en cas de destruction accidentelle localisée (rayure)41 ! Enfin, faute de documents antiques fiables, nos études n’ont pas beaucoup fait progresser la connaissance des procédés de patinage et le degré de parenté de la ou les recettes antiques avec les recettes japonaises connues. Une collaboration étroite entre philologues, historiens des techniques et spécialistes des alchimistes grecs pourrait peut-être apporter des éléments de réponse. Outre les stagiaires mentionnées en notes, nous tenons à remercier Élisabeth Delange, conservateur en chef au département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre, et Sophie Descamps-Lequime, conservateur général au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines de ce même musée, qui ont mis à notre disposition les précieux objets du Louvre placés sous leur responsabilité, et ont amplement participé aux études scientifiques de ces objets, en les replaçant dans leur contexte historique et culturel. Nous tenons aussi à exprimer notre reconnaissance à l’équipe de l’accélérateur AGLAE qui nous a totalement secondés dans les analyses chimiques, en les personnes du regretté Joseph Salomon, à qui cet article est dédié, et de ses collègues Laurent Pichon et Brice Moignard, ainsi qu’à Michel Dubus pour son aide en diffraction des rayons X.

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NOTES

1. La différence entre patine « volontaire » et patine « naturelle » est bien discutée dans l’article de Techné (Aucouturier, 2003 – voir note 2). Pour répondre à une objection de lecteur anglophone, nous préférons désormais l’expression « patine intentionnelle », sachant que certaines patines intentionnelles sont obtenues par voie naturelle (toit de l’opéra Garnier ou de la basilique de Saint-Denis). 2. Aucouturier, 2003 ; Aucouturier, 2010 ; Craddock, 1993, p. 101-127. 3. Giumlia-Mair, 1996. 4. Descamps-Lequime, 2005. 5. Craddock, 1993, p. 101-127. 6. Murakami, 1993, voir note 2, p. 85-94. 7. Stone, 2010 ; Stone, 2011, p. 178-182 ; Hugues, 1991. 8. Viano et Martelli, 2016 ; et Conférences prononcées au workshop « Pour une approche interdisciplinaire de l’alchimie grecque : autour du verre, du cinabre et du bronze noir », en collaboration avec le C2RMF au Louvre et à la Maison de la Recherche, le 18-19 novembre 2009. 9. Berthelot, 1885 ; Berthelot, 1888-1889. 10. Halleux, 1981. 11. Hunter, 2002. 12. München Staatliches Museum, Ägyptisher Kunst, inv. AS 6080 ; Giumlia-Mair, 1996, voir note 3. 13. Mathis, 2009. 14. Craddock, 1993, p. 101-127. 15. Cooney, 1966 ; Giumlia-Mair, 1997. 16. Mathis, 2009. 17. Musée national archéologique d’Athènes (inv. NAMA 394) ; Demakopoulou, 1995. 18. Voir Dubel, 2006, p. 161-181 et les références ci-incluses ; S. Descamps-Lequime, 2006, ibid., p. 79-92. 19. Dubel, 2006, ibid. 20. Pline l’Ancien, NH 34.1 et NH 9.65. 21. Descamps-Lequime, 2015 ; Descamps-Lequime, 2005.

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22. Descamps-Lequime, 2005. 23. Mathis, 2005a. 24. Mathis, 2009, voir note 13 ; voir note 2. 25. Robcis, 2015. 26. Mathis, 2005b. 27. Exp. Marseille, 2014 [Marseille, MUCEM, 12 mars-25 août 2014] p. 114-117 ; Boube-Piccot, 2014, ibid., p. 35. 28. Nous remercions Clarisse Lebas, commissaire, qui a accepté, grâce à l’aimable intercession de Sophie Descamps-Lequime, conservateur général au musée du Louvre, de mettre cet objet à notre disposition pendant le temps des analyses faites sur place au MUCEM. 29. Boube-Piccot, 1966, p. 189-278 ; Boube-Piccot, 1969, p. 88-103 ; Boube-Piccot, 2014. 30. Nous sommes reconnaissants à Sophie Tirat qui a effectué ces essais dans le cadre d’un stage à l’université de Liège pour son Master de chimie de l’université Pierre-et-Marie-Curie de Paris. 31. Voir note 6. 32. Calligaro, 2004. 33. Craddock, 1993, voir note 2, p. 102 ; Giumlia-Mair, 2001. 34. Nous sommes très reconnaissants à Eva Grieten pour les observations effectuées au laboratoire EMAT de l’université d’Anvers, sous la direction du professeur Dominique Schryvers. 35. Nous sommes reconnaissants à Michel Keddam et Hisasi Takenouti du laboratoire LISE (Paris- VI), avec qui cette étude a été menée en collaboration dans le cadre du stage de Lucile Klein. Les résultats principaux en sont publiés dans Aucouturier, 2003 (voir note 2). 36. Pourbaix, 1966, p. 357. 37. Par exemple : Cottancin, 2010, p. 24-1 à 24-7. 38. Mie, 1908. 39. Voir note 37, p. 24-7. 40. Zouaghi, 1968. 41. A. Giumlia-Mair, communication personnelle, 2000.

RÉSUMÉS

Les bronzes noirs sont connus depuis le Moyen Empire égyptien ; leur existence est ensuite attestée à Mycènes, en Grèce et dans la Rome antique, puis au Japon à l’époque moderne. Il s’agit d’une technique de patinage volontaire des alliages du cuivre par des procédés chimiques dont seules les recettes japonaises sont connues. Après une courte introduction historique et quelques considérations sur la structure et la composition des patines de bronzes noirs, cet article fait état d’observations et de reconstitutions de laboratoire inédites. Il s’attache à proposer des interprétations électrochimique et physique sur les mécanismes de formation et les propriétés optiques des couches de patine noire caractéristiques des objets obtenus par ces procédés.

Black bronzes have been known to exist since the Middle Kingdom of Egypt: proof of their presence has been found in Mycenae, in Greece and in Ancient Rome, and, in the modern period, in Japan. The black surface was deliberately produced through a patination technique in which copper alloys were chemically treated. Only the Japanese formulas are known today. After a brief historical introduction and a few thoughts on the structure and composition of the black bronze patinas, the paper presents hitherto-unpublished observations and laboratory reconstructions. It

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seeks to propose physical and electrochemical interpretations of how the black patina was formed and the optical properties of the layered surfaces characteristic of the objects obtained through these processes.

INDEX

Keywords : patina, black bronze, Egyptian Antiquity, Roman Antiquity, electrochemistry, ion beam analysis, transmission electron microscopy Mots-clés : patine, bronze noir, Égypte, Grèce, Rome, Japon, électrochimie, analyse par faisceau d’ions, microscopie électronique en transmission

AUTEURS

MARC AUCOUTURIER Ancien directeur de recherche émérite au CNRS, ancien membre du C2RMF, CNRS UMR 171 (marc.aucouturier[at]wanadoo.fr).

FRANÇOIS MATHIS Chercheur archéomètre, Recherche et Prospection Archéologique (association sans but lucratif) (francois.mathis[at]gmail.com).

DOMINIQUE ROBCIS Chef de travaux d’art, C2RMF (dominique.robcis[at]culture.gouv.fr).

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III. Varia

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Le guerrier de Saint-Maur (Oise). À la redécouverte d’une œuvre majeure de l’art gaulois The warrior in Saint-Maur (Oise, France). Rediscovering a major Gallic artwork

Jenny Kaurin, Shéhérazade Bentouati, Clotilde Boust, Charlotte Hochart, Nicolas Mélard, Dominique Robcis et Richard Schuler

De la découverte à la restauration

1 La statue mise au jour sur la commune de Saint-Maur durant l’hiver 1983-1984 dans des conditions mal définies figure un personnage masculin, identifié par des cheveux courts, une barbe et une moustache, ainsi que par un équipement militaire composé d’un bouclier hexagonal et d’une cuirasse souple retenue à la taille par une large ceinture. Il porte également un torque à tampons massif au jonc orné de stries transversales. La coiffure est ordonnée en mèches parallèles tombant derrière la nuque et le visage est inexpressif (fig. 1a et b).

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Fig. 1a. La statue de guerrier de Saint-Maur, laiton et argent, milieu du Ier siècle av. J.-C. – premier quart du Ier siècle ap. J.-C., MUDO – Musée de l’Oise, n° inv. 85.16

© C2RMF/A. Chauvet.

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Fig. 1b. La statue de guerrier de Saint-Maur, laiton et argent, milieu du Ier siècle av. J.-C. – premier quart du Ier siècle ap. J.-C., H. 50 cm, MUDO – Musée de l’Oise, n° inv. 85.16

Vues de face, de dos, profil droit et profil gauche après la restauration menée en 2016. Sans échelle. © C2RMF/A. Chauvet.

2 Selon l’inventeur, elle fut trouvée démontée dans un coffre couvert par des tuiles. Les fouilles effectuées par la suite sur le site, occupé par un sanctuaire gaulois et gallo- romain déjà repéré au XIXe siècle, ne permirent pas de localiser précisément l’endroit de la trouvaille ni son contexte archéologique immédiat. La découverte ne fut officiellement déclarée à la direction des Antiquités de Picardie qu’en mai 1984. Son directeur, J.-L. Massy, ainsi que l’archéologue départemental de l’Oise, G.-P. Woimant, perçurent tout de suite le caractère exceptionnel de l’objet. Tous deux œuvrèrent avec M.-J. Salmon, conservateur du musée départemental de l’Oise, pour la faire entrer dans le domaine public. L’objet put être acheté par le département de l’Oise avec l’aide de l’État et rejoindre les collections du musée en février 1985.

3 Entretemps, le « Gaulois » était arrivé une première fois au musée pour être présenté à quelques spécialistes. La perplexité fut grande devant cet « unicum ». Certes, des comparaisons pouvaient être effectuées avec des « masques » réalisés en tôle d’alliage cuivreux trouvés dans des contextes gallo-romains1 et des représentations animales utilisant la même technique2, mais les figurations humaines en pied de ce type étaient totalement inconnues. De ce fait, les spécialistes français et étrangers amenés à se prononcer sur cette découverte furent peu nombreux à répondre, la plupart préférant un sage silence. Certains évoquèrent la possibilité d’une œuvre du Bas-Empire romain, voire plus récente, ou même d’un faux… D’autres plaidèrent pour l’authenticité d’une réalisation datant du début de la conquête romaine ; tous refusèrent l’idée d’une production effectuée lors de l’indépendance gauloise.

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4 Pour sortir de ces incertitudes, la première restauration qui se fit au service de restauration des musées classés et contrôlés fut accompagnée d’une analyse métallographique révélant l’emploi d’un laiton, alliage de cuivre et de zinc3. C’était alors le tout début des recherches de laboratoire pour les objets de ce type. Une étape délicate restait à franchir avant la présentation au public : celle du remontage de la statuette. Ce travail complexe fut mené durant l’année 1986 avec beaucoup d’ingéniosité par R. Coignard qui réalisa une contreforme en résine permettant la fixation de la vingtaine de coques composant la statue.

5 En 2016, une nouvelle campagne de restauration fut engagée à la suite de la constatation de la présence de corrosion active et de la dégradation de la protection de surface. Elle permit la dépose de toutes les pièces autorisant ainsi leur manipulation et leur réexamen complet. On s’interrogea alors sur les techniques employées pour la réalisation de l’œuvre et on engagea des recherches plus approfondies pour préciser sa datation. Au vu des progrès dont ont bénéficié les instruments de mesure ces dernières années, de nouvelles analyses en spectrométrie de fluorescence X4 ont été réalisées sur les éléments constitutifs de la statue. 31 mesures ont été produites, portant respectivement sur les tôles en alliage cuivreux, les yeux et les assemblages (fig. 2). Ensuite, le recours à l’imagerie scientifique a permis de compléter les informations apportées par la nouvelle campagne de photographie engagée à l’issue de la restauration. La caractérisation de la statue, de ses attributs et les techniques de fabrication ont été étudiées à l’aide d’outils tels que la microscopie numérique 3D5 et la numérisation 3D. En effet, la numérisation 3D des éléments constitutifs de la statue, réalisée grâce à un scanner à triangulation laser6, est une technique sans contact qui permet d’enregistrer les objets en volume avec une grande précision en terme de géométrie et de relief à échelle macroscopique (résolution d’environ 100 μm). L’objectif ici a été de fournir des visualisations nouvelles, supprimant la coloration naturelle de la surface, offrant ainsi un regard inédit sur le micro-relief de la statue et la mise en œuvre de ses différents éléments constitutifs.

Un chef-d’œuvre technique

6 La statue de Saint-Maur mesure 50 cm dans son état de conservation actuel. L’absence des pieds, perdus lors de la découverte, ne permet pas de restituer en toute exactitude sa hauteur initiale. Il s’agit d’une œuvre en tôle chaudronnée composée de 18 pièces, auxquelles s’ajoutent le bouclier ainsi que 15 pièces indéterminées et fragments de tôle découverts avec la statue, mais n’ayant pas pu être remontés – à l’exception d’une rondelle percée associée à la fixation du bouclier.

7 L’alliage utilisé est un laiton à haute teneur en zinc (environ 30 %). La très grande homogénéité de l’alliage et l’absence d’impuretés indiquent que le métal employé est de très grande qualité et qu’il n’est pas issu d’objets recyclés (fig. 2). Après découpe des différentes formes dans des plaques, les tôles ont été battues à froid, alternant recuits et écrouissages7, jusqu’à obtention des différentes coques8. Chacun des membres de la statue est constitué de deux coques qui s’ajustent bord à bord, en ménageant des interstices de plus ou moins 0,1 mm, à l’exception de la tête, dont les deux coques s’emboîtent légèrement (fig. 1b, 3). La ceinture est composée d’une bande de laiton dont les extrémités se rabattent l’une sur l’autre (fig. 1b). Le bouclier, enfin, a lui aussi été obtenu à partir d’une seule plaque de métal et sa mise en forme n’a pas nécessité un

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travail de martelage important9. Les détails de l’anatomie, tels que les doigts, la chevelure ou la barbe, ainsi que le traitement décoratif des éléments vestimentaires – ceinture, cuirasse, encolure – ont été réalisés au repoussé (fig. 5). Certains détails, tels que la barbe, sont repris par ciselure (fig. 4b). La précision du geste transparaît dans l’absence de repentirs et dans la régularité du travail. Lorsque l’on examine les reprises des détails par ciselure au microscope, on peut observer quelques entames plus profondes que le reste du tracé. Ces marques peuvent être interprétées comme un ajustement de la force des coups de ciseaux après un premier geste un peu trop puissant (fig. 4b).

Fig. 2. Localisation et résultats des analyses en spectrométrie de fluorescence X réalisées avant restauration

© C2RMF/A. Chauvet.

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Fig. 3. Mise en volume et assemblage des coques composant les membres de la statue : l’exemple du tronc où les coques s’ajustent bord à bord

(scan 3D © C2RMF/C. Hochart).

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Fig. 4. La tête

Vues de détail montrant le travail au repoussé des détails de l’anatomie et du torque (4a – cliché © C2RMF/A. Chauvet ; 4c – scan 3D © C2RMF/C. Hochart) avec reprise de la barbe par ciselure (4b – microscopie numérique 3D © C2RMF/D. Robcis).

Fig. 5. Mise en volume de la tôle et traitement au repoussé des doigts observés grâce au scan 3D et à la microscopie numérique 3D

(scan 3D © C2RMF/C. Hochart ; microscopie © C2RMF/D. Robcis).

8 Les différentes pièces constitutives de la statue étaient assemblées de façon permanente par des brasures tendres à l’étain (fig. 6). Ces traces de brasures sont localisées sur l’avers des coques, permettant la fixation des jambes à la partie inférieure de la cuirasse, des bras au tronc, de la ceinture sur le tronc et sur la partie inférieure de la cuirasse. Les contours des brasures sont nets et reproduisent ceux de l’élément supérieur. Des traces de brasures ont également été identifiées sur le revers des coques, à l’endroit des lignes de jointures entre deux coques : bras, jambes, tronc, partie inférieure de la cuirasse. La brasure simulait ainsi la continuité entre chaque pièce et

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l’interstice laissé entre les deux coques permettait une répartition homogène de l’alliage d’apport.

Fig. 6. Localisation des traces de brasure : l’exemple du bras droit où les traces sont localisées au niveau de la main et de l’épaule

(cliché © C2RMF/A. Chauvet ; microscopie © C2RMF/D. Robcis).

9 Les yeux résultent également d’un assemblage (fig. 7). Ils sont faits de tôles découpées en argent à 95 % (fig. 2). Ces tôles ont été travaillées par martelage et sont percées d’un trou figurant l’iris et la pupille. Elles ont été fixées par brasure directement sur la paroi interne du visage. D’importants débordements de brasure ont également été observés au-dessus de l’arcade sourcilière et sur le haut des pommettes, suggérant la présence originelle d’autres pièces rapportées destinées éventuellement à sécuriser les pupilles rapportées. Un examen au microscope numérique a démontré la présence d’un matériau de nature organique indéterminée à la périphérie des trous figurant l’iris et la pupille. Ces traces pourraient correspondre aux vestiges de pièces rapportées, aujourd’hui disparues, figurant l’iris et la pupille ou bien à un adhésif destiné à leur fixation. Cette observation vient confirmer les déclarations de l’inventeur qui affirma avoir vu, lors de la découverte, à l’emplacement des iris et des pupilles une matière rouge brunâtre pulvérulente qui s’est désagrégée lors du prélèvement10.

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Fig. 7. Traces de martelage et d’adhésif observées sur les yeux en microscopie numérique 3D

(cliché © C2RMF/A. Chauvet ; microscopie© C2RMF/D. Robcis).

Un objet support de pratiques rituelles

10 L’inventeur a affirmé avoir retrouvé la statue démontée dans une sorte de coffrage en tuiles au cœur du sanctuaire. L’absence de traces d’arrachement évidentes indique qu’un débrasage11 soigneux a été effectué afin de disloquer les différentes parties. Cette étape, parfaitement maîtrisée, a été facilitée par l’emploi des brasures à l’étain. Même en excluant les éléments dont la disparition procède d’une perte (pieds) ou d’une désagrégation depuis leur mise au jour (iris et pupilles), l’étude suggère que la statue a été déposée incomplète. En effet, des traces de brasures ont été observées sur l’avers des deux coques formant la main droite. Elles sont précisément situées entre le pouce et l’index. Sur la coque avant, les traces suivent une ligne légèrement oblique plus ou moins située entre les premières et deuxièmes phalanges. Sur la coque arrière, elles décrivent un arc de cercle entre le pouce et les autres doigts (fig. 6). Ces traces attestent la présence initiale d’un attribut en métal fixé par brasure aujourd’hui disparu. Le profil très net de la trace de brasure identifiée sur la coque arrière semble devoir être interprété comme le profil de l’élément rapporté. La statue portant à la main gauche un bouclier, il semble pertinent d’envisager dans la main droite une arme offensive, comme une lance ou une épée par exemple. De fait, le profil en arc de cercle de la trace de brasure apparaît particulièrement compatible avec celui d’un pommeau d’épée. De telles épées miniatures sont en effet connues en contexte de sanctuaire, dans les Ardennes12, non loin de Saint-Maur, rendant plausible cette hypothèse. Au vu du contexte de découverte, rien ne permet de déterminer si l’absence de cet attribut

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procède d’un acte volontaire ou plus prosaïquement d’une perte ou d’un non- prélèvement sur site au moment de la découverte.

11 La statue de guerrier de Saint-Maur n’est pas l’unique exemple de figure en tôle chaudronnée qui ait été découverte démontée. Ainsi, le chaudron de Gundestrup a été découvert entièrement démonté, les plaques ornées disposées dans le fond de la cuve13. De la même manière, les sangliers-enseignes de Neuvy-en-Sullias, de Soulac-sur-Mer14 et d’Ilonse15 ont été mis au jour démontés et désolidarisés de leur support. On peut également évoquer la découverte des carnyx de Tintignac, également démontés, dont les fragments ont été retrouvés mêlés aux autres objets composant le dépôt16.

Une pièce singulière dans l’art gaulois

12 L’absence de contexte stratigraphique n’autorise une attribution chronologique qu’à partir de critères stylistiques et/ou techniques. La statue de guerrier de Saint-Maur est une pièce unique qui ne trouve aucun parallèle direct. Toutefois, selon que l’on considère le thème iconographique, la manière dont il est traité ou bien encore la technique de fabrication de la pièce, il est possible de proposer une datation fiable. La figuration anthropomorphe reste particulièrement rare dans l’art celtique. Les représentations masculines sont donc peu nombreuses, qu’elles soient en tôle chaudronnée, en fonte ou en pierre. Parmi celles-ci, la figuration du guerrier apparaît comme un thème privilégié, dès le premier âge du Fer, suivant une iconographie très proche de celle de la statue de Saint-Maur.

13 L’attribut le plus pertinent pour discuter de l’attribution chronologique de la statue est sans aucun doute le bouclier (fig. 1b). Ce dernier présente de nombreuses similitudes (forme hexagonale, umbo matérialisé par un ombilic, dimensions) avec les boucliers miniatures découverts en sanctuaire, comme à Baâlon-Bouvellemont ou à Mouzon par exemple17. Les contextes d’enfouissement de ces boucliers miniatures sont pour l’essentiel datés dans une fourchette allant de la seconde moitié du Ier siècle avant J.-C. (La Tène D2b) au milieu du Ier siècle après J.-C. Cette datation peut être précisée grâce à celle des umbos circulaires de taille réelle. Ces umbos de boucliers réels proviennent majoritairement de sépultures où leur datation n’excède pas la fin de l’époque augustéenne18.

14 Cette proposition se trouve confirmée par l’attribution chronologique que l’on peut proposer pour les autres attributs de la statue. Ainsi, le guerrier est représenté avec une ceinture parfaitement ajustée au niveau de la taille, au cuir orné, et fermée par une boucle en D munie d’un ardillon. Ce type d’objet est caractéristique de l’équipement militaire romain, dès l’époque tardo-républicaine19 et durant le Haut-Empire 20. Les bossettes ornant la tôle de la ceinture évoquent sans aucun doute des petits clous décoratifs en alliage cuivreux. Cette même évocation se retrouve sur le ceinturon de la statue de guerrier en pierre de Vachères, datée du Ier siècle avant J.-C.21

15 La figure porte un torque à tampons particulièrement massif, qui se singularise par un décor de stries parallèles disposées en diagonale évoquant un jonc torsadé (fig. 4a et c). Le torque massif à tampons est un attribut que l’on retrouve sur une grande partie des statues anthropomorphes attribuées au Ier siècle avant J.-C., comme celles de Paule22 ou d’Euffigneix23 par exemple. Le jonc torsadé est une spécificité qui trouve peu de comparaisons, si ce n’est sur certaines figures humaines du chaudron de Gundestrup24,

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également attribué au Ier siècle avant J.-C. Ces représentations, par leur massivité et leur traitement ornemental, ne sont pas sans rappeler les torques en or découverts dans le dépôt de Snettisham25, une nouvelle fois datés du Ier siècle avant J.-C.

16 L’ensemble de ces éléments permet de proposer une attribution chronologique relativement précise au guerrier de Saint-Maur. Ils s’accordent sur une datation au cours du Ier siècle avant J.-C. Le bouclier et la ceinture sont les seuls attributs qui autorisent des comparaisons avec des contextes archéologiques datés par ailleurs. Sur la base du bouclier, qui apparaît comme le marqueur le plus précis, il est possible de resserrer la datation entre le milieu du Ier siècle avant J.-C. et le premier quart du Ier siècle après J.-C. Une attribution postérieure à cette date est peu vraisemblable.

Conclusion

17 Lors de la découverte du guerrier de Saint-Maur dans les années 1980, les analyses s’étaient concentrées sur deux aspects : la caractérisation des alliages utilisés et l’authenticité de l’œuvre. Les études pluridisciplinaires engagées en 2016 à l’occasion de sa nouvelle restauration ont permis de réinterroger cette œuvre emblématique de l’art celtique. De nouvelles mesures en spectrométrie de fluorescence X ont été réalisées, précisant la composition des alliages. La question de la technique de fabrication de l’œuvre, problématique jusqu’ici peu abordée, a guidé le réexamen complet des différents éléments constitutifs de la statue. L’imagerie scientifique a été fortement mobilisée dans cette perspective. La microscopie numérique 3D a permis l’identification de traces qui n’avaient jamais été observées, telles celles reconnues sur les yeux, et une caractérisation de celles laissées par les outils utilisés pour la fabrication de la statue. L’acquisition d’un modèle numérique pour chaque coque grâce au scan 3D s’est révélée d’une aide précieuse. En effet, le scan 3D rend possible une manipulation virtuelle des différents éléments constitutifs de la statue, sans risque pour les pièces originales particulièrement fragiles. De plus, cette technologie permet une lecture des surfaces inédite, où les produits de corrosion et les variations colorimétriques disparaissent pour donner accès à une appréhension directe des volumes. Ces images ont alimenté la réflexion sur la fabrication de la statue, mais ont surtout été essentielles pour la caractérisation de ses attributs.

18 La statue de guerrier de Saint-Maur témoigne d’une véritable maîtrise et d’une approche parfaitement réfléchie des techniques de déformations à froid, mais également d’une grande habileté dans l’emploi des assemblages thermiques. L’existence de multiples points d’assemblage fixés par des brasures à l’étain induit une méthode rigoureuse nécessitant différentes étapes devant être réalisées dans un ordre précis. Elle est un témoignage de l’excellence des artisans bronziers à la fin du Ier siècle avant J.-C. et au début du Ier siècle après J.-C. Le laiton employé est parfaitement adapté à la chaudronnerie et présente une certaine aptitude à la déformation à froid, autant de qualités qui étaient nécessaires à la création des différents éléments constitutifs de la statue. Cet alliage cuivreux reproduit par ailleurs l’apparence de l’or. Un polissage fin des surfaces, qui n’a malheureusement pas pu être observé du fait de l’hétérogénéité des surfaces corrodées, a pu augmenter l’éclat de la couleur jaune doré. Cette action aurait permis l’obtention d’une surface tendue et réfléchissante. L’emploi du laiton et de l’argent, associé à la couleur brun-rouge du matériau qui composait initialement les pupilles, confirme la réalisation d’une statue polychrome. Les jeux de contraste étaient

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concentrés au niveau des yeux, blanc et brun-rouge, se détachant sur la couleur jaune or du reste de la figure.

19 La démultiplication du nombre de pièces ne semble pas relever de contraintes techniques. En revanche, ce choix permet la fabrication d’une statue complexe donnant l’illusion d’un objet massif, tout en offrant l’avantage d’une certaine légèreté. La proximité technique constatée entre les sangliers-enseignes et la statue anthropomorphe de Saint-Maur permet d’envisager l’hypothèse selon laquelle la statue de guerrier était initialement fixée au bout d’une hampe, à l’instar des figures animales en tôle chaudronnée. L’inconvénient de ce type de réalisation reste une vulnérabilité plus marquée à l’écrasement, à moins qu’il ne faille imaginer la présence originelle d’une âme en bois qui, en l’état des recherches, n’est absolument pas avérée. La statue, une fois montée, devait être manipulée et conservée avec précaution afin de la préserver de toutes dégradations.

BIBLIOGRAPHIE

Caumont O., 2011, Dépôts votifs d’armes et d’équipements militaires dans le sanctuaire gaulois et gallo- romain des Flaviers à Mouzon (Ardennes), Monographie Instrumentum 39, Montagnac.

Duval P.-M., 2009, Les Celtes, Univers des formes, Gallimard, Paris.

Eluère C., 2004, L’art des Celtes, Citadelles et Mazenod, Paris.

Exp. Nîmes, 2013, Au fil de l’épée. Armes et guerriers en pays celte méditerranéen, [Exposition. Nîmes, musée archéologique, 2013], Bulletin de l’École antique de Nîmes n° 30, 2013.

Kaurin J., 2015, Recherches autour du métal : les assemblages funéraires trévires. Fin du IIIe siècle av. J.-C. – troisième quart du Ier siècle ap. J.-C., Éditions Universitaires de Dijon, Dijon.

Müller F., 2009, L’art des Celtes. 700 av. J.-C. – 700 ap. J.-C., Fonds Mercator, Bruxelles.

Olmsted G. S., 1979, The Gundestrup cauldron, Latomus 162, Bruxelles.

Poux M. (dir.) 2008, Sur les traces de César. Militaria tardo-républicains en contexte gaulois. Actes de la table ronde (17 octobre 2002), Bibracte 14, Glux-en-Glenne.

Unz C. et Deschler-Erb E., 1997, Katalog der Militaria aus Vindonissa. Militärische Funde, Pferdegeschirr und Jochteile bis 1976, Pro Vindonissa 14, Vindonissa.

Vial E., 2007, « Les figures animales », dans Exp. Orléans, 2007, Le cheval et la danseuse. A la redécouverte du trésor de Neuvy-en-Sullias, [Exposition, Orléans, musée des beaux-arts 2008], Somogy, Paris.

Woimant J.-P., 1986, « Beauvais, Musée départemental de l’Oise. La statuette d’un dieu-guerrier gaulois », La revue du Louvre et des Musées de France 4/5, p. 250-252.

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Document inédit

Hurtel L., 1985, Étude d’une statuette de guerrier appartenant au musée de Beauvais, dossier C2RMF FZ15526, rapport d’analyse n° Z1309, Paris.

NOTES

1. Par exemple : les découvertes de la forêt de Compiègne (Müller, 2009, p. 151). 2. Par exemple : les sangliers-enseignes de Neuvy-en-Sullias (Vial, 2007, p. 48-97). 3. Hurtel, 1985. L’intervention de restauration fut confiée à Marie-Emmanuelle Meyohas. 4. Équipement Niton XL3T 900, mode : electronic alloys, spot 8 mm 30 s, dépouillement des spectres sous NDT 8.2. 5. KH 8700 Hirox® avec optique REVO 35-2000 équipé d’un système d’éclairage axial/co-axial et d’un filtre polarisant. 6. Type Minolta Range® modèle 2009, post-traitement avec logiciel Géomagix®. 7. Action de battre le métal à froid ou à une température inférieure à sa température de recuit. 8. Hurtel, 1985. 9. Hurtel, 1985. 10. Woimant, 1986. 11. Action de séparer, en faisant fondre la brasure, deux pièces préalablement jointes par brasage. 12. Caumont, 2011. 13. Olmsted, 1979. 14. Vial, 2007, p. 48-97. 15. Vial, dans Exp. Nîmes, 2013, p. 356-368. 16. Maniquet, 2007. 17. Caumont, 2011. 18. Kaurin, 2015. 19. Poux (dir.), 2008. 20. Unz et Deschler-Erb, 1997. 21. Pernet et Rouzeau, dans Exp. Nîmes, 2013, p. 394-397. 22. Eluère, 2004, fig. 309. 23. Eluère, 2004, fig. 389. 24. Duval, 2009, fig. 238. 25. Eluère, 2004, fig. 353.

RÉSUMÉS

La figure de guerrier en tôle chaudronnée de Saint-Maur est l’un des rares exemples de sculpture anthropomorphe attribuable à la fin de l’époque gauloise ou au début de l’époque gallo-romaine. À l’occasion de sa restauration en 2016, de nouvelles observations et analyses (spectrométrie de fluorescence X, microscopie numérique 3D, scanner 3D) ont été menées par une équipe pluridisciplinaire. Elles ont apporté des résultats inédits sur les matériaux et les techniques mises

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en œuvre pour la réalisation et l’assemblage des différentes pièces composant la figure du guerrier, ainsi que pour la caractérisation de ses attributs. Elles ont également permis de restituer les traitements rituels subis par l’œuvre avant son enfouissement et d’affiner sa datation.

The statue of a warrior in Saint-Maur is one of the rare examples of anthropomorphic sculpture in sheet metal dating from the end of the Gallic period or the Early Roman Empire. During its restoration, undertaken by a multidisciplinary team, new observations were made. These analyses (X-ray fluorescence, 3D digital microscopy, 3D scans) provided unprecedented data concerning our knowledge of the materials, the techniques employed to make and assemble the different parts of the statue, as well as the type of attributes with which the warrior is equipped. They also enabled us to reconstitute the ritual treatments applied to the statue before it was buried.

INDEX

Mots-clés : statue, guerrier, gaulois, tôle chaudronnée, laiton Keywords : statue, warrior, Gallic, sheet metal, brass

AUTEURS

JENNY KAURIN Conservateur du patrimoine, DRAC-SRA Centre – Val de Loire, Umr 6298 artehis (jenny.kaurin[at]culture.gouv.fr).

SHÉHÉRAZADE BENTOUATI Restaurateur du patrimoine (echaraz[at]yahoo.fr).

CLOTILDE BOUST Responsable du groupe Imagerie, C2RMF (clotilde.boust[at]culture.gouv.fr).

CHARLOTTE HOCHART ingénieur informatique 3D, Chimie-Paris Tech. et C2RMF, projet PSL Pompei (charlotte.hochart[at]culture.gouv.fr).

NICOLAS MÉLARD Conservateur du patrimoine, C2RMF (nicolas.melard[at]culture.gouv.fr).

DOMINIQUE ROBCIS Chef de Travaux d’Art, département Restauration, C2RMF (dominique.robcis[at]culture.gouv.fr).

RICHARD SCHULER Conservateur du patrimoine, MUDO – Musée de l’Oise (richard.schuler[at]oise.fr).

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Étude interdisciplinaire des naïskoi du Musée d’Histoire de Marseille Apports à la connaissance de la sculpture massaliote de l’époque archaïque Interdisciplinary study of the naïskoi in the Museum of the History of Marseille: towards a better knowledge of the sculpture production in Marseille during the Archaic period

Nicolas Bouillon, Philippe Bromblet, Odile Guillon et Laura Rohaut

1 La cité grecque de Marseille a offert un ensemble exceptionnel de quarante-quatre petits édicules en calcaire, datés au plus tôt du troisième quart du VIe siècle avant J.-C., qui représentent chacun une divinité féminine, de style ionien archaïque, assise sur une banquette dans la niche d’un naïskos (« petit temple » ou « chapelle » en grec) (fig. 1). Mis au jour sous le sol de l’ancienne rue Négrel en 1863 et en 1946, ce matériel conservé au Musée d’Histoire de la ville a fait l’objet de nombreux commentaires et débats ayant principalement porté sur l’identité de la déesse1, mais ni la pierre, ni les restes de couleur n’avaient à ce jour fait l’objet d’analyses. Ainsi, s’agissait-il de proposer une étude scientifique approfondie, fondée sur l’apport inédit d’analyses des matériaux constitutifs, afin de porter un regard nouveau sur une collection anciennement trouvée. Les résultats de cette étude, menée entre 2012 et 2017 grâce à une collaboration interdisciplinaire, sont présentés ici2.

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Fig. 1. Vue générale des naïskoi exposés au Musée d’Histoire de Marseille

© O. Guillon.

Analyse pétrographique

2 Une étude pétrographique a été réalisée pour confirmer la nature et la provenance de la pierre constitutive des naïskoi. Les identifications précédentes, effectuées à l’œil nu, avaient déterminé un calcaire local de consistance relativement tendre, apparenté à la craie d’Allauch3, et plus récemment au calcaire de Saint-Victor4, dont des carrières antiques, datées de l’époque hellénistique (aujourd’hui inaccessibles), ont été localisées sous l’ancienne abbaye5.

Méthodologie

3 Cinq naïskoi ont été échantillonnés sur des plans de cassure peu visibles. Les fragments bruts ont d’abord été décrits sous la loupe binoculaire, puis des lames minces ont été confectionnées pour une analyse pétrographique au microscope optique polarisant. Les prélèvements ont été comparés, d’une part, à trois échantillons de référence de la lithothèque du CICRP, prélevés dans les cryptes médiévales de l’ancienne abbaye de Saint-Victor sur un front de taille du XIIe siècle et sur deux piliers du XIIe ou XIIIe siècle ; et d’autre part, à trois objets, datés des VIe et Ve siècles avant J.-C., conservés au Musée d’Histoire, et réputés être en calcaire de Saint-Victor (un chapiteau ionique, un bloc avec graffiti et un bloc inscrit).

Résultats

4 Les naïskoi ont été taillés dans un calcaire blanchâtre tendre à pâte fine (mudstone) parsemée parfois de quelques amas ferrugineux orangés. En lame mince, la roche montre une matrice calcitique finement cristallisée (micrite) rarement homogène. Elle

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forme soit une structure péloïdale avec des grains arrondis ou allongés, parfois anguleux, assemblés de manière plus ou moins compacte (fig. 2), soit une structure grumeleuse qui présente des amas micritiques ménageant des vides intergranulaires plus ou moins importants, remplis par une microsparite (fig. 3). Cette variation de texture existe sur le même échantillon sous la forme de passées millimétriques. La porosité vacuolaire (fenestrae) est faible ou nulle. Des fragments de microfossiles de gastéropodes et de crustacés à fine valve (ostracodes), caractéristiques d’un dépôt de milieu lacustre, sont inclus en quelques exemplaires dans cette matrice. Les grains de quartz sont rares et fin (< 0,2 mm).

Fig. 2. Microfaciès du naïskos inv. MHM 83.7.593 en lame mince (lumière polarisée, non analysée x 25)

Micrite à structure grumeleuse. © Ph. Bromblet.

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Fig. 3. Microfaciès du naïskos inv. MHM 83.7.592 en lame mince (lumière polarisée, non analysée x 25)

Micrite à structure péloïdale. © Ph. Bromblet.

5 Les échantillons de référence sont constitués d’un calcaire comparable, mais on note la présence de nombreux fragments algaires rosés dans la pierre du chapiteau ionique et de quelques characées (tiges en coupe de végétaux d’eau douce ou saumâtre) dans deux échantillons issus des cryptes médiévales (pilier et front de taille). Les nombreux traits communs à tous les échantillons indiquent qu’ils appartiennent à un même faciès calcaire lacustre ou palustre qui peut être assimilé au calcaire de Saint-Victor. Les différences minimes observées ne traduisent probablement que des petites variations latérales ou verticales des conditions de dépôt (profondeur, agitation, salinité…). Les études pétrographiques valident donc l’hypothèse déjà formulée sur l’origine locale de la pierre. Le calcaire de Saint-Victor appartient à la formation géologique des calcaires de l’Estaque d’âge Stampien (Oligocène inférieur)6. Deux faciès sont reportés : le plus courant est massif, le second, plus rare, est laminé. La hauteur des bancs est limitée à quelques dizaines de centimètres. Les sculptures sont toutes taillées dans des blocs homogènes, en délit, ce qui correspondrait effectivement à des hauteurs de banc limitées (20 à 30 cm au maximum).

Caractérisation des restes de polychromie

6 Onze naïskoi présentent des traces de peinture. L’examen visuel minutieux de chacune des pièces révèle que les couleurs subsistantes sont concentrées exclusivement sur la face antérieure des édicules. L’interprétation des photographies haute résolution effectuées sur les pièces sélectionnées pour l’étude confirme ces observations. La couleur majoritairement conservée est le rouge dont les traces apparaissent sur le

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cadre, dans le fond de la niche, sur le vêtement de la divinité (chitôn et voile), sur l’assise et le devant de la banquette où figure dans certains cas un décor de frange dans la partie supérieure (fig. 4). Deux types de peinture rouge ont été observés : l’un possède une teinte très ténue et un état de surface fin, l’autre possède une teinte plus franche et un aspect de surface plus granuleux (fig. 5 et 6). Des traces de couleur noire ont été observées sur le devant de la banquette d’un des naïskoi sur lequel subsiste également des restes très ténus de franges rouges. On peut également suspecter la présence de jaune dans cette même zone (fig. 7). Le bleu – semble-t-il observé au début du XXe siècle7 – n’a laissé aucune trace. On notera que lorsqu’ils étaient conservés au musée du château Borély, les naïskoi ont subi des arrosages fréquents d’eau javellisée lors des nettoyages des locaux8. Une campagne de consolidation de la pierre a été programmée dans les années 1960 et une partie des édicules a été traitée par un produit biocide dont nous ne connaissons que le nom MOS-monument9. Nous ignorons aujourd’hui quels ont été les effets sur les sculptures.

Fig. 4. Localisation des restes de peinture rouge sur le naïskos inv. MHM 83.7.18

Décor à franges triangulaires rouges décorant le bord supérieur de la face antérieure de la banquette, restes de peinture sur le vêtement du personnage au niveau des jambes et sur la bordure intérieure du cadre. Les photographies de détail A et B ont été modifiées en contraste et en saturation afin de mieux distinguer les vestiges de peinture. © O. Guillon.

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Fig. 5. Dessins de restitution des quatre décors de franges

© L. De Barbarin, 2017.

Fig. 6. Macrophotographies des restes de peinture rouge sur le naïskos inv. MHM 83.7.18 (à gauche – profil stratigraphique n° 1) et sur le naïskos inv. MHM 83.7.581 (à droite – profil stratigraphique n° 2)

Les restes de peinture rouge à droite présentent à l’œil nu une teinte légèrement plus vive et un aspect plus granuleux. © N. Bouillon.

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Fig. 7. Sur le naïskos inv. MHM. 83.7.588, restes de polychromie rouge dans le fond de la niche et sur la face antérieure de la banquette dans la partie supérieure (détail A) ; décor de franges peintes en rouge sur la face antérieure de la banquette dans la partie supérieure et restes de polychromie noire (et peut-être jaune ?) dans la partie inférieure (détail B)

© O. Guillon.

7 Les restes de peintures ne doivent pas être confondus avec les altérations colorées qui apparaissent sous la forme de croûtes, plus ou moins épaisses, ou de taches de couleur rouille. Leur localisation aléatoire en surface de zones cassées ou érodées et leur composition chimique permettent de les différencier10.

Méthodologie

8 Une étude documentaire, incluant la consultation des publications antérieures et des archives photographiques, a constitué un préalable nécessaire à l’étude matérielle. Dans un second temps, l’élaboration d’un relevé précis de l’ensemble des traces colorées a été complétée par un dossier d’imagerie scientifique (photographies en lumière directe et semi-rasante, dans l’infrarouge, sous ultraviolet) mettant en évidence certaines réactions spécifiques des matériaux en surface. Les acquisitions d’image ont été réalisées après un nettoyage superficiel des stèles qui a été mené dans le cadre du chantier des collections par Julia Greiner, restauratrice de sculptures, sous la conduite de Solange Rizoulières, conservateur. Ce nettoyage a principalement consisté à soigneusement dépoussiérer l’ensemble des stèles à l’aide d’un pinceau souple et d’un aspirateur. Quelques surfaces plus encrassées ont été nettoyées par microsablage (pression max 0,2 bar, poudre de silicate d’alumine, diamètre moyen 20 µm). L’identification des pigments et la caractérisation des techniques d’application ont été réalisées par des analyses non-destructives en micro-fluorescence X (MFX) et à partir des coupes stratigraphiques d’un nombre minimum de micro-prélèvements de peinture, effectués au scalpel en bordure de lacunes dans des zones peu visibles. Les

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cartographies X élémentaires au MEB/EDS ont permis d’identifier et de localiser les éléments chimiques constitutifs du support et des restes de peinture. L’utilisation de la micro-diffraction des rayons X a contribué à préciser la nature des phases minérales présentes dans certaines couches11. La micro-spectrométrie Raman a ciblé plus précisément les grains de pigments.

Résultats

9 Les premières analyses par MFX, effectuées in situ sur les pièces sélectionnées, ont permis de restreindre la palette de pigments à la gamme des oxydes de fer12 pour les restes de couleur rouge et possiblement jaune13. Les grains de pigments noirs observés sur un prélèvement ont été identifiés par MEB/EDS comme du noir de carbone en raison de l’absence de phosphore dans les grains analysés14.

10 À partir de l’analyse des coupes transversales de prélèvement, deux profils stratigraphiques différents ont été observés. Le premier présente, au-dessus du support calcaire, une première couche de faible épaisseur (environ 50 µm) majoritairement constituée d’argiles et contenant des grains de dolomite et de quartz. Les phases minérales muscovite et kaolinite identifiées par micro-diffraction des rayons X confirment la nature argileuse de ce qui pourrait être une couche de préparation brun clair à base de terre finement broyée. La couche colorée est constituée de pigments (ocre rouge et noir de carbone identifiés) mélangés à du gypse15 et à des grains de calcite (fig. 8 et fig. 9, profil n° 1). La répartition des particules colorées dans la matrice gypseuse laisse penser que le gypse a été utilisé comme liant hydraulique. Néanmoins, l’utilisation d’un liant organique ne peut être totalement exclue. Les analyses effectuées par CPG/SM ont révélé, dans un seul prélèvement de couleur, des traces de protéines, mais la très faible intensité du signal et l’absence d’acides aminés dans d’autres prélèvements du même type appellent à la prudence quant à cette hypothèse. Enfin, une fine couche plus pure en gypse et moins pigmentée s’est formée en surface. Cette couche ne résulte pas d’une contamination par le terrain d’enfouissement ou d’une néoformation liée au stockage des pièces à l’extérieur, car les naïskoi présentant le second profil stratigraphique n’en comportent pas. L’hypothèse d’une remobilisation en surface du liant gypseux de la couche sous-jacente colorée apparaît comme la plus probable.

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Fig. 8. Coupe stratigraphique d’un prélèvement de reste de polychromie noire

Mise en évidence du profil stratigraphique n° 1 sur le naïskos inv. MHM 83.7.588. On distingue 3 couches : 1. support de pierre calcaire en carbonate de calcium ; 2. couche préparatoire à base de terre argileuse contenant des grains de dolomite ; 3. couche de couleur gris foncé contenant du gypse et des grains de noir de carbone. © N. Bouillon.

Fig. 9. Coupes stratigraphiques des restes de peinture rouges

Mise en évidence des deux profils stratigraphiques au microscope optique et par cartographie X MEB/ EDS. Profil stratigraphique n° 1 du naïskos inv. MHM 83.7.18 en haut, profil stratigraphique n° 2 du naïskos inv. MHM 83.7.581 en bas. © N. Bouillon.

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11 Le deuxième profil stratigraphique montre une application de la couche colorée directement sur le support en pierre calcaire. Les restes de peinture de ce type sont uniquement de couleur rouge et sont constitués d’un mélange de carbonate de calcium et d’oxydes de fer dénué de gypse (fig. 9, profil n° 2). La très faible quantité d’oxyde de fer dans la couche colorée surprend pour des restes de couleur qui apparaissent pourtant avec une teinte rouge plus vive. La distribution de grains d’oxyde de fer qui ne sont pas co-localisés avec l’aluminium et le silicium en cartographie X élémentaire indique l’utilisation d’hématite pure dont certains grains ont pu être isolés et identifiés au microscope électronique à transmission16. La répartition des pigments dispersés dans une matrice carbonatée et la difficulté de distinguer l’interface entre le support pierre et la couche colorée plaideraient plutôt en faveur de l’utilisation d’une technique à fresque ou d’une technique mixte où les pigments seraient mélangés à un lait de chaux ou bien étalés sur un enduit sec ré-humidifié au lait de chaux.

Conclusion

12 Les naïskoi sont sculptés dans un calcaire qui s’apparente à celui de Saint-Victor. Toutefois, l’absence de traces d’une exploitation antérieure à l’époque hellénistique ne permet pas d’affirmer que les carrières anciennes se situaient à l’emplacement exact de la future église, ainsi on préférera parler d’un calcaire « de type » Saint-Victor, d’autant que la formation affleure dans une large zone au sud et au nord du massif urgonien de Notre-Dame-de-la-Garde et à Saint-Giniez17.

13 L’analyse des couches peintes s’avère particulièrement difficile en raison du caractère extrêmement ténu des vestiges conservés. L’absence de données sur la composition du sol d’enfouissement, la quasi-méconnaissance des conditions de conservation et de traitement au cours de l’histoire matérielle de la collection limitent la compréhension des modifications physico-chimiques – d’origine naturelle ou anthropique – qui sont intervenues en surface des sculptures, et compliquent ainsi l’interprétation des données. Néanmoins, il semble bien que deux techniques différentes aient été utilisées. L’emploi d’une couche de préparation argileuse et de gypse dans la couche colorée, observés sur deux naïskoi, trouve un parallèle à Marseille à la même période : des fragments d’enduits peints sur maçonnerie de briques de terre crue, datés entre 510 et 450 avant J.-C., découverts dans les fouilles du collège du Vieux-Port en 2005, ont fait l’objet de prélèvements dont l’analyse scientifique a montré que les pigments ont été mélangés à du gypse et appliqués sur une couche de préparation à base de terre et chaux18.

14 L’observation de deux profils stratigraphiques différents – qui ne coexistent pas sur un même objet – est d’autant plus surprenante qu’ils ont été identifiés sur des naïskoi qui appartiennent pourtant à un même type stylistique. La quasi absence d’éléments de comparaison – à l’inverse des études sur la statuaire grecque archaïque en marbre, les analyses scientifiques sur celles en calcaire sont rares – ne permet pas de tirer de conclusions probantes sur ces choix techniques. Toutefois, à l’époque archaïque, l’emploi de plusieurs techniques d’application sur un même objet ne semble pas inconnue : l’analyse des pigments prélevés sur un chapiteau hathorique en calcaire découvert à Amathonte (Chypre), daté du début du Ve siècle avant J.-C., a montré que seuls le bleu et le noir étaient appliqués sur une couche préparatoire (peut-être du lait

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de chaux), tandis que celle-ci n’a pas été identifiée sous le rouge, une ocre à base d’oxydes de fer mêlée à de l’argile19.

15 Alors que certaines données restent difficiles d’interprétation, l’ensemble de ces résultats apportent toutefois une meilleure connaissance, d’une part, de l’application de la couleur sur la sculpture grecque en calcaire, et d’autre part, de l’artisanat de la sculpture en pierre à Marseille à l’époque archaïque, dont les naïskoi sont, à ce jour, les seuls témoignages. Nous tenons à remercier le directeur du Musée d’Histoire de Marseille, L. Védrine, de nous avoir permis de mener à bien cette étude.

BIBLIOGRAPHIE

Clerc M., 1927, Massalia. Histoire de Marseille dans l’Antiquité des origines à la fin de l’empire romain d’Occident (476 ap. J.-C.), tome I. Des origines jusqu’au IIIe siècle av. J.-C., Marseille.

D’Ovidio A.-M., Bromblet Ph., 2012, « Les enduits peints du site archéologique du collège du Vieux-Port à Marseille (510-450 av. J.-C.) : étude des pigments », dans Fuchs M.-E., Monier F. (dir.), Les enduits peints en Gaule romaine : approches croisées. Actes du 23e séminaire de l’Association Française pour la Peinture Murale Antique, Paris, ENS (13-14 novembre 2009), Revue archéologique de l’Est, Dijon, p. 247-250.

Gaudon P., Nury D., Tréziny H., 2009, « Les calcaires de Saint-Victor et leur utilisation dans Marseille antique et médiévale », dans Fixot M., Pelletier J.-P., Saint-Victor de Marseille : étude archéologique et monumentale, Brepols, Turnhout, p. 9-16.

Hermary A., 2000, « Les naïskoi votifs de Marseille » dans Hermary A., Tréziny H. (dir.), Les cultes des cités phocéennes. Actes du colloque international Aix-en-Provence/Marseille, 4-5 juin 1999, Edisud, Aix-en-Provence, p. 119-133.

Rohaut L., 2017, Les naïskoi votifs de Marseille. Étude des édicules avec femme assise dans les cités phocéennes, ioniennes et éoliennes à l’époque archaïque, thèse de doctorat soutenue le 9 juin 2017 à l’université d’Aix-Marseille.

Schvoerer M., Lamothe V., Martinaud M., 1985, « Appendice II. Étude physique des pigments rouge, bleus et noir du chapiteau », BCH 109, p. 702-708.

NOTES

1. À ce propos, voir Hermary, 2000. 2. Cette collaboration a été mise en place dans le cadre de la thèse de doctorat de L. Rohaut, dans laquelle l’intégralité des résultats a été présentée (Rohaut, 2017). Les rapports d’analyse et le dossier d’imagerie scientifique sont disponibles au pôle scientifique du CICRP. 3. D’après J. Cantini, cité dans Clerc, 1927, voir Hermary, 2000, p. 120. 4. D’après R. Colomb en 1991, voir Hermary, 2000, p. 120. 5. Gaudon, Nury, Tréziny, 2009.

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6. Notice de la carte géologique 1/50000 BRGM n°1044, Aubagne-Marseille. 7. Clerc, 1927, p. 225. L’auteur fait mention de la présence de bleu et de rouge sur plusieurs exemplaires. 8. D’après les propos de J. Bouis, chargé de la restauration, recueillis lors d’un entretien en 1992 et retranscrits dans la maîtrise de M.-Fr. Pey-Rousset-Rouvière, soutenue la même année à l’Université de Provence. Voir Rohaut, 2017, p. 31. 9. Il s’agit d’un bactéricide et d’un anticryptogamique incolore à base de sels métalliques sans additifs chimiques.

10. Ces croûtes orange sont constituées de calcite, d’un oxyde de fer (probablement Fe 2O3), montrant un gradient de concentration décroissant de la surface vers l’intérieur. L’hypothèse envisagée est le dépôt/diffusion des oxydes en solution à travers la porosité de la pierre. La présence de whewellite (oxalate de calcium) détectée en micro-diffraction des rayons X caractérise ces altérations et indique une possible action de micro-organismes. 11. Les analyses par microdiffraction des rayons X ont été effectuées par Vasile Heresanu du CINAM (Centre Interdisciplinaire des Nanosciences de Marseille). 12. Absence de signal des éléments lourds à base de plomb (blanc de plomb, minium, litharge, massicot), de mercure (cinabre) ou d’arsenic (realgar, orpiment). 13. À l’inverse de l’hématite qui a pu être isolée et analysée au MET, la goethite n’a pu être identifiée de façon certaine. 14. Le phosphore entre dans la composition des noirs d’os et d’ivoire. 15. Co-localisation des éléments calcium et soufre dans les cartographies X des coupes stratigraphiques au MEB/EDS. 16. Les analyses par microscopie électronique à transmission ont été effectuées par Olivier Grauby du CINAM. 17. Cette position prudente s’est avérée judicieuse après la découverte récente, boulevard de la Corderie, d’une carrière de calcaire, de la 2e moitié ou de la fin du VIe s. av. J.-C. et du 1er quart du Ve s. av. J.-C. (fouilles préventives dirigées par Ph. Mellinand (INRAP) entre avril et juin 2017). Située en amont de l’abbaye, au pied du massif de la Garde, celle-ci relance la discussion sur la provenance de la pierre à l’époque archaïque et amène à reconsidérer l’hypothèse établie par les chercheurs qui consistent à localiser les carrières anciennes plus en avant de l’abbaye, au plus près du Lacydon. 18. Les analyses ont été effectuées en collaboration entre le CICRP, l’université de Provence Saint-Charles et le Service archéologique municipal-Atelier du Patrimoine de la ville de Marseille. Voir D’Ovidio, Bromblet, 2012. 19. L’étude a été faite par M. Schvoerer et son équipe au Centre de Recherches Interdisciplinaire d’Archéologie Analytique de Bordeaux : Schvoerer, Lamothe, Martinaud, 1985.

RÉSUMÉS

Le présent article expose les résultats des analyses pétrographiques et physico-chimiques menées sur les petits édicules archaïques en calcaire, pour certains peints, découverts au XIXe siècle à Marseille, grâce à une collaboration interdisciplinaire mise en place dans le cadre d’une étude archéologique.

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The present paper presents the results of petrographic and physico-chemical analyses carried out on small Archaic limestone aedicula – some of which were painted – discovered in Marseille in the 19th century. This interdisciplinary, collaborative project was set up within the framework of an archaeological study.

INDEX

Mots-clés : Naïskos, sculpture, période archaïque, Marseille, calcaire, polychromie Keywords : Naiskos, sculpture, Archaic period, Marseille, limestone, polychromy

AUTEURS

NICOLAS BOUILLON Ingénieur chimiste, Centre Interdisciplinaire de Conservation et Restauration du Patrimoine (nicolas.bouillon[at]cicrp.fr).

PHILIPPE BROMBLET Géologue, CICRP (philippe.bromblet[at]cicrp.fr).

ODILE GUILLON Photographe-radiologue, CICRP (odile.guillon[at]cicrp.fr).

LAURA ROHAUT Docteur en archéologie grecque, Aix-Marseille Université, UMR 7299 Centre Camille-Jullian (laura.rohaut[at]gmail.com).

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