[Date] LA FEMME ALGERIENNE DANS LE COMBAT POUR L’INDEPENDANCE

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BELAHSENE BALI

GUERILLA ET CONTRE GUERILLA EN ALGERIE 1954-1962

Avec la collaboration de :

KAZI AOUAL KEMAL EDDINE

2019

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Table des matières

 Introduction  Chapitre I : - la contre guérilla, une guerre protéiforme - les caractéristiques de la guérilla menée en Algérie - la parole aux armes - la guérilla et ses modes d’action - la lutte intérieure - la contre guérilla de 1954-1958 - chronologie 1956-1957 - le dernier quart d’heure  Chapitre II - les moyens de lutte contre la révolution - les missions militaires des SAS - la SAS - le role des communes mixtes - l’attaque du siège de la commune mixte de - l’emploi des supplétifs dans contre guérilla - chronologie 1958-1959  Chapitre III - évolution politique et militaire - l’ALN selon le colonel Boubnider - la guérilla - Une embuscade ALN - Le combat des maquisards - Les combats de l’ALN (1956) - L’enlèvement des soldats français du poste de - Trois jours de manifestations à - La guérilla : stratégies et tactiques de combat - Le Moudjahed - La vie au maquis - Le camp d’Angad - Les techniques de la guérilla - La grève des huit jours : l’attaque du train 29 janvier 1957 - Les fidas - La construction des pejeros

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- Abane Ramdane et la stratégie militaire - La femme Algérienne dans le combat pour l’indépendance  Chapitre IV - les zones interdites - approvisionnement en armes par la voie maritime - historique des barrages minés électrifié - le barrage de barbelé - dans les barbelés - Mortels barrages - Traversées périlleuses - Incidences du barrage miné électrifié - Instructions relatives aux mines  Chapitre V - la répression - les tortures - la qui torture - le centre de torture de Saf Saf et son python - ratissage  Chapitre VI - A propos de pacification - Les violences de la guerre d’Algérie - La bleuite - L’armement des troupes françaises - Armement livré au FLN - Conférence de presse de la délégation extérieure du FLN - Situation militaire d’après l’Etat Major de l’ALN - Attentas commis à Tlemcen : Mai et Juin 1957 - Les exploits de l’ALN en Wilaya V - Point de vue - Chronologie 1960-1962  Conclusion  Bibliographie  Photos  L’auteur et son œuvre

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Introduction

A travers les siècles, les contrées et les civilisations existe un thème récurrent qui à influé sur le destin historique de nombreux peuples ; c’est le thème de la lutte du petit contre le grand, du faible contre le fort, de la mouche contre le lion, de David contre Goliath. Les références ne manquent pas à travers les époques ; le peuple espagnol contre les forces d’occupation de Bonaparte, la résistance mexicaine contre l’armée Napoléonienne, les grecs contre l’invincible armada Perse, les luttes berbères contre toutes les invasions étrangères… Autant d’exemples de combats victorieux des peuples contre des forces disproportionnées, qui finirent toujours par être vaincues grâce à l’application d’une tactique de combat connue historiquement sous le nom de « guérilla ». Les combattants de la révolution algérienne, riches de leur expérience séculaire de résistance, ne furent pas les derniers à mettre en pratique cette forme de lutte armée, face aux forces de l’armée coloniale, appliquant des techniques de harcèlement, de coups de main et d’attaques surprise, palliant ainsi au déséquilibre des forces en présence sur le terrain.

La déclaration du 1er novembre 1954, diffusée en même temps que le déclenchement de l’insurrection armée, ne souffre dans son énoncé aucune ambiguïté. Les buts sont clairement définis et énoncés, l’objectif fixé étant l’accession à l’indépendance du pays par tous les moyens politiques et militaires. Cette déclaration n’était que l’aboutissement de très longues années de lutte contre l’indu occupant français.

D’un coté, une armée moderne et bien équipée, rompue aux différentes formes de guerre et bénéficiant du soutien logistique des forces de l’OTAN ; une armée aux traditions anciennes, épaulée par une marine, une aviation, une artillerie et des blindés, enfin bref, une armée sur puissante et sur équipée, encadrée par une pléthore d’officiers et des dizaines

6 d’Etats Majors, disposant de troupes spécialisées, parachutistes et légionnaires, toutes plus aguerries les unes que les autres, sans oublier les supplétifs, harkas, GMPS, etc. De l’autre côté, des bandes disparates, très faiblement armées et équipées, agissant de manière autonome sous les ordres d’un encadrement inexpérimenté et à la stratégie intuitive plus que militaire. A l’évidence, il était clair au départ que de « simples opérations de police » allaient tambour battant annihiler ces groupes de « hors la loi », et que l’affaire allait être réglée en deux coups de cuillère à pot. Mais en réalité, sur le terrain, ces bandes dépenaillées allaient très vite faire la preuve de leur efficacité et de leurs capacités d’adaptation, tenant en échec un ennemi dix fois plus puissant. Ce qui au départ pouvait être considéré comme une révolte aux actions éparses et inefficaces se mua rapidement en une véritable révolution impliquant toute la population, sous la direction d’une armée de mieux en mieux équipée et encadrée par des officiers expérimentés, souvent issus des rangs ennemis, qu’ils avaient déserté avec armes et bagages. La stratégie de la guerre de libération nationale était basée sur la guérilla, car les forces ennemies étaient nettement supérieures en moyens et en effectifs. C’est ainsi que, même avec des moyens limités, on pouvait affronter un ennemi puissant. La guérilla (« petite guerre » en espagnol) est une forme de combat qui tend à battre l’ennemi par la pratique des embuscades, les moudjahidine disparaissant rapidement après leur attaque surprise avant que l’ennemi ne se reprenne et réagisse. Cette forme de combat exigeait toutefois toute une logistique concernant l’armement et les munitions aussi bien que les moyens de communication, l’habillement, les réserves de vivres et les postes médicaux, sans oublier les moyens de transport (mulets, ânes, chevaux et chameaux). La tactique de la guérilla visait deux buts essentiels, à savoir la destruction des objectifs fixes (routes, ponts, gares de triages, centrales électriques, domaines des colons…) d’une part, et le harcèlement de tous les objectifs mobiles, véhicules, personnalités, troupes au repos et salles de spectacle. L’action de harcèlement devait empêcher tous mouvements de l’ennemi, n’attaquant que si l’objectif était payant. Dès que celui-ci se ressaisissait ou recevait de renforts, la dispersion était immédiate. Cette tactique ne demandait que de faibles moyens, ses principaux atouts étant les renseignements, la surprise, la rapidité, la précision et le repli.

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L’ancienne stratégie numide demeure la force principale des moudjahidin ; attaques de postes ou de patrouilles militaires français, puis retraite et disparition dans les grottes de la montagne ou absorption dans les douars au milieu des fellah. Sur le terrain, les Français ne sont pas adaptés à cette guerre : les tirailleurs effectuent de longs déplacements en colonnes ; les blindés restent en attente des journées entières pour cerner les mechtas suspectes, le plus souvent sans succès ; les parachutistes intimident les fellah mais ne rencontrent pas les moudjahidin. Il y eut cependant quelques accrochages au premier semestre. De grandes opérations militaires sont lancées par l’armée française dans les Aurès Nemencha en janvier 1955 mais, faute de résultats, les soldats s’installent et quadrillent la région. Les militants de la ville ont ravitaillé les maquis et suivi de près l’évolution de l’ALN… … puis à partir de la fin de 1955 des groupes de 20 à 25 hommes s’instalèrent dans les djebels et par la suite dans les villages et dans les villes. Le FLN, l’ALN et les Moussebiline étaient partout, dès septembre 1956 entièrement structurée. Les premières attaques ont été dirigées contre les colons car ceux-ci avaient formé des milices et étaient armés… … un autre aspect de la guerre doit être souligné, celui de la guerre souterraine. Il y avait en effet dans les Nemencha des abris de l’époque romaine et des grottes, que l’ALN avait fait aménager pour cacher le ravitaillement. Les abris romains comportaient des chambres communiquant entre elles horizontalement et verticalement par des passages étroits. Des cheminées d’aération couvertes par de grosses pierres qui les camouflaient permettaient une difficile aération. Ces grottes et ces abris existaient partout dans les Aurès et les Nemencha. Les moudjahidin en construisirent d’autres. Des moudjahidin purent s’y cacher et échapper à l’ennemi, d’autres y trouvèrent la mort. L’idée d’être surpris et enterré dans ces grottes hanta l’esprit de plus d’un moudjahid et Bouhara parle du syndrome des grottes…

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Deux peuples coexistant sur la même terre !!

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Bref aperçu du peuplement de l’Algérie à la veille de la révolution

Si l’on considère la longue histoire de l’Algérie s’étalant sur des siècles, la guerre de libération conclue par l’indépendance et le recouvrement de la liberté n’a été qu’une courte période de sept années et demi. Partie intégrante de l’Afrique du Nord antique, territoire central du Maghreb musulman à l’époque médiévale, acquerrant des structures étatiques au cours des temps Modernes, subissant la colonisation française, l’Algérie n’a jamais cessé, au cours de son histoire, de mener le combat contre les envahisseurs étrangers. Cette constante résistance a forgé au cours des siècles les caractéristiques essentielles de l’identité algérienne, à savoir l’attachement à la terre et à la liberté, la défense par les armes et une stratégie élaborée depuis les guerriers Numides jusqu’aux combattants d’Abdelkader, sans oublier les constants sursauts de violence émaillant l’histoire du pays depuis 1830 jusqu’au 1er Novembre 1954. Il était évident, bien avant cette date, que la puissance coloniale française avait « raté son coup » en Algérie, échouant dans son projet d’en faire une colonie de peuplement dans laquelle l’émigration massive d’européens aurait équilibré la balance démographique avec les indigènes. L’échec de cette politique a eu pour résultat que, à un contre huit, les « pieds noirs » sont nettement minoritaires par rapport aux masses musulmanes en permanente fermentation. Et ces dites masses ne peuvent espérer un avenir meilleur, car la réalité est celle d’une société coloniale sur le terreau de laquelle les sentiments nationaux ne pouvaient que prospérer. 1- les pieds noirs : D’où viennent-ils ? Juste après la prise d’Alger en 1830, un courant migratoire installe en terre algérienne des européens venus de France, mais aussi de tout le bassin méditerranéen, et même d’Allemagne et de Suisse, de sorte qu’en 1886, il y a en Algérie 220 000 Français et 203 000 européens étrangers, qui bénéficieront pour la plupart de la naturalisation octroyée par la loi du 26 juin 1889. A cette population doivent être ajoutés quelques 130 000 juifs bénéficiaires de la loi « Crémieux ». A la veille de 1954, deux critères principaux distinguent les pieds noirs de la masse des « indigènes » : leur statut politique et le niveau de leur revenus. De ces deux critères, les français d’Algérie ont tiré une position dominante par rapport à la population autochtone.

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Cependant, contrairement aux idées reçues, les français d’Algérie ne constituent pas une population de « colons » ni de « gros colons ». L’agriculture n’occupe que 9.1% de la population active pieds noirs, mais en revanche 6385 gros propriétaires détiennent plus de 87% du total des terres « françaises » d’Algérie. Le poids du groupe social représenté par les quelques grandes fortunes foncières et mobilières, renforcé par le développement économique, est d’autant plus considérable qu’il concentre l’essentiel des principaux mandats politiques de la colonie. Mais malgré cela, les pieds noirs ne forment pas une communauté unie, et les différences d’origines ethnique, sociale, et culturelle, sont caractéristiques de l’absence d’un véritable sentiment communautaire qui ne se matérialise que dans l’opposition aux « arabes ». Quant aux juifs, qui ont accédé à la nationalité française en octobre 1870, avec l’adoption des « décrets Crémieux », ils sont présents en Algérie bien avant la conquête arabe. La plupart restent attachés à leur culture berbère, d’autant plus qu’ils n’ont pas toujours été considérés comme français par la population de souche européenne. Ils subissent un anti-sémitisme larvé qui revêt parfois des aspects d’une extrême violence. D’ailleurs, la population européenne ne proteste pas contre la législation anti- sémite de Vichy. 2-les indigènes : La quasi-totalité des algériens musulmans appartient aux couches les plus pauvres de la population dont les deux tiers vivent dans une extrême misère. La société musulmane s’est littéralement effondrée face au développement de la colonisation, et sa décadence s’accéléra encore après 1870. Dispersées et privées de leurs chefs, les grandes familles végétèrent et s’appauvrirent, et l’aristocratie traditionnelle, dans l’incapacité de s’adapter, semble avoir totalement disparu. Seules survécurent quelques familles maraboutiques et quelques dynasties patriarcales du sud. L’infime bourgeoisie traditionnelle des cités, avec ses lettrés, ses commerçants et ses cadis, subit le même sort sous le choc colonial, et l’artisanat traditionnel vola en éclat, ne subsistant que dans quelques centres historiques comme Constantine et Tlemcen, ou ailleurs sous forme de fabrication familiale. La paysannerie, quant à elle, fut victime d’une dépossession foncière continue encore accrue par les ventes des fellahs ruinés. Sa paupérisation évidente, d’une ampleur insoupçonnable fut dénoncée sous le terme de « clochardisation », encore accentuée par une sédentarisation forcée.

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Principalement rurale, la population musulmane se compose majoritairement d’une masse de petits propriétaires confinés dans les zones les plus déshéritées, ainsi que de « Khemmas » et d’ouvriers agricoles ne trouvant à travailler qu’une centaine de jours par an. Plus encore, cette situation est aggravée par une formidable explosion démographique, la population dont il faut assurer la subsistance augmentant de 200 000 habitants entre 1948 et 1954. La spoliation du domaine cultivable au bénéfice des colons va ainsi nourrir un exode rural massif au lendemain de la seconde guerre mondiale, les musulmans constituant les trois quarts de la population urbaine le plus souvent entassée dans des bidonvilles à la périphérie des agglomérations. Et c’est là, où le chômage est massif, que vont se développer les ferments de la contestation qui débouchera sur ce que d’aucuns définiront comme les « événements », mettant des années à reconnaître comme la guerre d’Algérie, qui durera près de huit ans et se soldera par l’accession du pays à l’indépendance.

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Images ordinaires de la misère des campagnes

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La jeunesse indigène face à l’enseignement dans le système colonial

Parmi les barrières imaginées par le pouvoir colonial pour empêcher les « indigènes » d’avoir accès au progrès social et à la culture, la plus importante était celle dressée au niveau de l’enseignement. La scolarité était un luxe que peu d’algériens pouvaient se permettre, et quand bien même ils y accédaient, de sévères barrages leur étaient opposés pour éliminer le plus grand nombre. Les enfants de la ville, les garçons seulement, accédaient à l’école et leurs études s’arrêtaient au certificat d’études indigène. Les enfants des privilégiés, ceux de la petite bourgeoisie indigène avaient le droit de passer le certificat de fin d’études européen. Un concours d’accès en 6ème était instauré pour pouvoir s’inscrire au secondaire, il constituait pour l’indigène un véritable barrage. Cependant, très peu d’enfants de cette petite bourgeoisie, grâce à leur travail assidu, arrivaient à passer au travers de ces filtres ségrégationnistes. Le baccalauréat constituait une autre preuve de racisme, la note de Français au dessous de 5 étant éliminatoire. Une fois ce diplôme acquis, les jeunes bacheliers n’avaient pas le droit d’accéder à toutes les branches (ils pouvaient prétendre être instituteurs pour le bled, avocats, médecins, pharmaciens et c’est tout) Par contre toutes les filières scientifiques étaient permises à la communauté européenne, composée d’Israélites, de Français, d’Italiens, d’Espagnols…

Quand à la langue Arabe, considérée comme langue étrangère, elle ne bénéficiait que de 2 heures hebdomadaires au primaire, dispensées par un « moudares » formé dans ce but. Et lorsque les élèves réussissaient à atteindre le cours moyen 2ème année, seuls quelques uns pouvaient passer un sévère examen de 6ème, véritable barrage sélectif qui laissait 90% d’entre eux sur le pas de la porte, leur interdisant l’accès au lycée. La plupart se retrouvaient dans la rue après l’examen de fin d’études primaires, dès l’âge de 14 ou 15 ans. Pour le système colonial, il fallait à tout prix maintenir la jeunesse dans un état de total illettrisme en lui interdisant au maximum l’accès à la connaissance.

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Parallèlement à l’enseignement public, le système colonial avait créé les « lycées franco-musulmans », au nombre de trois pour tout le territoire algérien, à Alger, Constantine, et Tlemcen. Ces lycées avaient été créés pour la formation de cadres destinés à l’encadrement exclusif des indigènes dans les domaines de la justice, de l’enseignement coranique, de la littérature Arabe… les élèves y suivaient en parallèle les deux enseignements en Arabe et en Français, et la fin des études était sanctionnée par un diplôme de niveau plus ou moins égal à celui du baccalauréat. Le pouvoir colonial tolérait en parallèle les activités des écoles créées et gérées par l’association des Oulemas sur tout le territoire national. Tlemcen, première capitale historique du Maghreb musulman, ne pouvait se soustraire à son rôle essentiel de métropole des savoirs culturel et religieux, et de creuset du sentiment national. Sa vocation de lutte pour la sauvegarde de nos valeurs face à l’influence de la puissance coloniale nécessitait la création de structures répondant à ses objectifs. La création de Dar El Hadith fut l’aboutissement logique d’un processus initié bien avant 1937, entre autre par Djemiat El Oulema, au sein de laquelle militaient Ben Badis et El Ibrahimi, aux côtés de bien d’autres. Le 17 Février 1936 furent achetés à un certain Benichou un dépôt de grain et un terrain y attenant situés rue Pomaria. Ce terrain servira d’assise à la construction de « Dar El Hadith », qui sera inaugurée le 27 Septembre 1937. Le discours inaugural sera prononcé par Cheikh Abdelhamid Ben Badis, au nom de la Djemia Islamia Tilimsania. L’école sera dirigée par Cheikh El Ibrahimi, membre éminent de Djemiat El Oulema : emigré au Hidjaz en 1911, il réside à la Mecque où il poursuit des études islamiques, avant de rejoindre Damas en 1916. Il y vivra pendant 4 ans. De 1911 à 1920, date de son retour au pays, il sera en relation permanente avec tout ce que le monde islamique compte de personnalités religieuses et scientifiques. De 1937 à 1942, l’Ecole et ses dirigeants vivront de nombreuses vicissitudes, d’interdiction en fermeture et d’exils en mutations. Malgré cela, elle s’épanouira notamment à partir de la fin du deuxième conflit mondial, sous la direction entre autres de Mohamed Salah Ramadane (1946-1953) et grâce à des équipes de professeurs qui ont marqué des générations d’élèves (Baba Ahmed, Melouka, Benyelles…). Initialement réservée aux élèves de sexe masculin, l’Ecole fut agrandie par une extension recevant les élèves filles sous le nom de « Madrassat Aïcha Oum El Mouminine ». Elle fut la première de son genre en Algérie.

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En 1952 l’Ecole Dar El Hadith obtint 35 admis au diplôme de fin d’études, soit un tiers du total national. Avant le déclenchement de la Révolution Nationale, l’Ecole comptait 1 800 élèves répartis en 3 différentes sections : -Les élèves poursuivant un cycle normal pendant la journée. -Les élèves suivant des cours des écoles françaises pendant la journée, et poursuivant les cours de la Medersa en fin d’après-midi. -Les élèves adultes, enfin, poursuivant les cours du soir. Elle ouvrit en outre des sections dans toute la région de Tlemcen : Sebdou, Aïn Ghoraba, , , Béni Saf… Concurremment à cette vocation pédagogique, Dar El Hadith participait à toutes les manifestations religieuses et culturelles, maintenant des relations permanentes avec les Universités Religieuses de l’ensemble du Monde Arabe. Ses équipes pédagogiques ont laissé un souvenir prestigieux et concouru par leur enseignement à la formation de nombreuses élites à même de participer efficacement à la construction du pays.

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De l’objectivité à travers les archives

Dans le cadre des activités commémoratives du 50e anniversaire du déclenchement de la lutte de libération nationale, le cercle culturel Igelfan (Ferhat Ramdane) avait organisé, du 18 Octobre 2004, une série de conférences, débats et tables rondes. J’avais été invité à y participer, plus précisément à présenter une exposition de photos sur la Révolution et à organiser des séances de dédicaces de mes deux premiers livres, « Mémoires d’un jeune combattant de l’ALN » (Editions El Achraf, Beyrouth) et « le rescapé de la ligne Morice » (Casbah Editions Alger. Lors des débats suivant chacune de mes conférences, et quel qu’en soit le sujet, il y avait toujours un ou plusieurs intervenants pour mettre sur le tapis un thème semblant obséder une grande partie du public. Les questions qui revenaient à chaque fois concernaient le Colonel Amirouche, héros incontesté et chef de la Wilaya III, et tournaient autour des conditions de son décès et de l’hypothétique trahison dont il avait été l’objet. Bien entendu, ma réponse était à chaque fois la même à savoir que, ayant participé à la Révolution dans la Wilaya V, je n’avais aucune connaissance particulière des événements survenus dans la Wilaya III – Défricher ce champ de recherches aurait dû être du domaine de ceux ayant combattu et survécu aux événements de cette Wilaya et ayant côtoyé le Colonel Amirouche. Je n’ai pas connu la kabylie jusquà ce jour mais j’ai eu par contre la chance de connaître plusieur frères Kabylie au maquis… nous avons combattu cote à cote au sein de la wilaya V et je peux même vous citer quelques uns comme Abdelhamid BENEDINE, AIT Hamouda ou encore Djaber Si Sadek qui ont marquer leur passage à l’Ouest du pays. Ils étaient nombreux dans les rangs de l’ALN et beaucoup parmi eux sont allés jusqu’au sacrifice suprême. A cette occasion, je tiens à saluer très respectueusement leur mémoire ainsi que celle des valeureux chefs et aux responsables de l’ALN FLN, entre autres le colonel AMirouche le Colonel Mohand Oul Hadj et Krim Belkacem. Depuis cette date, les mêmes questions sont souvent revenues lors de discutions et de débats sur la Révolution, tant à Tlemcen qu’à Alger, et j’ai aussi eu l’occasion d’avoir accès à des ouvrages et documents sur le Colonel Amirouche. Peu à peu, insidieusement, je me suis laissé impressionner par le caractère particulier de cet incontestable héros et par son parcours hors de commun.

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On a beaucoup et diversement écrit sur son intransigeance face au complot de la « Bleuite », sur sa prétendue méfiance face aux « intellectuels » et sur les circonstances réelles de sa mort en compagnie de Si Haouas. La partialité et le caractère passionnel de certains des écrits que j’ai eu l’occasion de lire m’ont peu à peu incité à apporter à mon tour une pierre à l’édifice historique érigé à ce héros national. Je me sentais d’autant plus concerné qu’il m’avait été donné de subir moi-même les foudres de la suspicion de la part de mes supérieurs hiérarchiques, suspicion qui avait failli

provoquer ma condamnation à mort. (voir la relation de cet événement dans mon livre « Héros anonymes de la Wilaya 5 », Chapitre : les feuilles tamponnées). Je savais donc de quoi il en retournait. Pour ce faire, je me suis basé autant sur les ouvrages concernant Amirouche que sur les archives françaises auxquelles j’ai pu avoir accès. En particulier, « les dossiers secrets de l’Algérie » de Claude Paillet, m’ont révélé un nombre considérable de renseignements restés dans l’ombre depuis le déclenchement de la lutte armée. 1954-2014, 60 années après, nous nous heurtions toujours aux mêmes difficultés dans l’écriture objective de notre histoire nationale, que beaucoup d’intervenants aux motivations douteuses cherchent toujours à biaiser. A travers la documentation que j’ai pu récupérer (archives, témoignages, etc…), je me suis efforcé de retracer le parcours de Amirouche, « homme d’état », à la brillante intelligence. Dans son exercice de chef de la Wilaya III, son sens inné de la stratégie a posé de sérieux problèmes aux Etats Majors Français, à tel point que des instructions spéciales ont été transmises aux officiers pour le combattre efficacement, d’autant que cette wilaya constituait une cible cardinale pour l’ennemi. Dans les pages qui suivent, je me suis donc efforcé de présenter, « sans haine ni passion », une portait aussi complet que possible du héros national AIT HAMOUDA, colonel Amirouche, à travers les différents documents qui m’ont inspiré et dont les références sont citées en fin d’ouvrage. J’ose espérer que le présent ouvrage sera de quelque utilité aux lecteurs, et plus particulièrement aux jeunes générations, qui manquent cruellement de références historiques fiables.

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Peu nombreux sont les historiens ayant fait des recherches approfondies à partir des archives françaises déclassifiées en 1992, ce qui implique que nos connaissances sur notre période de notre histoire restent incomplètes, carences qui se répercutent sur les manuels scolaires dans lesquels les divergences d’opinions deviennent la règle. La relation des événements de la révolution algérienne nécessite une mobilisation totale pour des recherches objectives basées sur des archives tant françaises que nationales mises à la disposition des historiens.

Les archives du 2ème bureau de l’armée française conservent une grande partie des documents du FLN-ALN récupérés sur le terrain lors des accrochages. Selon Mohamed Teguia, historien algérien qui aborde les affaires militaires, il semblerait que les archives nationales ne sont pas ouvertes. D’après Mohamed Harbi, qui a lui-même fait une compilation de tous les documents qu’il a pu consister, seuls Réda Malek et Benyoucef Benkhedda ont pu accédé aux archives officiels de l’Algérie.

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De l’importance des archives

D’un côté –le côté français- nous avons une surabondance de documents émanant des divers organismes officiels, depuis les E.M et les ministères de la Défense et de l’Intérieur, en haut de la pyramide, jusqu’aux plus lointaines gendarmeries du bled, mairies, commissariats et sous préfectures. Ce foisonnement est encore accentué par la déclassification de nombreux documents confidentiels ou classés secrets et leur mise à la disposition du public en général et des historiens en particulier. L’exploitation de ces sources, procès Verbaux, comptes rendus, Rapports divers, etc. permet à ces derniers d’appréhender objectivement les évènements. La France étant renommée pour son sens de la bureaucratie, chaque organisme, administration ou service est tenu de rapporter par écrit toutes les activités le concernant. Les évènements sont classés et commentés au jour le jour quelle que soit leur importance. « Les paroles s’envolent, les écrits restent », telle est la devise s’appliquant à toutes les archives, ce qui nous a permis d’avoir un éclairage plus réaliste sur de nombreux évènements prêtant à différentes interprétations parfois partisanes. Il en a été ainsi des morts des colonels Amirouche et Lotfi, ou encore la vérité sur « la bleuite » et « Mellouza ». Cette abondance de sources et leur mise à la disposition de tous, organisée selon des méthodes de classement objectives, nous permet d’appréhender la réalité des évènements. D’un autre côté –le côté Algérien- il est clair que les choses se présentent sous un jour tout à fait différent. Les groupes de combattants ayant engagé la lutte le 1er novembre 1954 n’avaient –à- de très rares exceptions près- aucune idée de ce que pouvaient être des archives, ne disposant en outre ni de locaux ni de personnels qualifiés pour les tâches d’archivage. Lorsqu’un djoundi était –pour peu qu’il sache lire et écrire- désigné au poste de secrétaire, il était chargé de classer sommairement les différents documents et correspondances dans un cartable, une malle ou un simple sac confié à sa responsabilité. Ne disposant d’aucune base ni d’aucun local adéquat où il aurait pu les entreposer, il était obligé de les transporter partout au gré des déplacements du groupe. Et s’il avait le malheur d’être tué ou fait prisonnier, « les archives » dont il avait la charge tombaient inévitablement aux mains de l’ennemi, ce qui pouvait avoir des conséquences catastrophiques.

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Ce n’est que plus tard, avec le développement et l’organisation des bases de l’ALN au Maroc et en Tunisie, que l’on assista à l’installation d’une administration disposant l’infrastructures et de personnels après à prendre en charge les tâches administratives d’archivage. Mais il n’en demeure pas moins que le combattant de l’intérieur, plus concerné par la lutte quotidienne pour la survie, ne se souciaient guère des archives et correspondances éventuellement placés sous sa responsabilité. Lorsqu’un groupe de combattants était acculé par l’ennemi, le premier souci était de détruire toute trace écrite et d’éviter qu’un quelconque document tombe entre les mains de l’ennemi, avec les conséquences catastrophique que cela pouvait entraîner. Moi-même, alors que j’assumais les fonctions de secrétaire du groupe dirigé par Si Salah, fus dans l’obligation, lors d’un ratissage dans la banlieue de Tlemcen, d’enterrer au pied d’un arbre toutes les archives dont j’étais responsable. Et il n’est pas impossible que, plus de 60 ans après, l’en puisse les retrouver à l’endroit même où je les avais cachés. J’ai estimé qu’il était indispensable d’apporter ces quelques clarifications sur l’importance des archives et leur impact pour une vision claire et objective des événements.

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Chronologie 1954-1955

23/3/1954 Création du Comité Révolutionnaire pour l'Unité et l'Action (C.R.U.A.) 28/3/1954 Le Secrétaire Général du M.T.L.D. remet son mandat à Messali Hadj et suit le Comité Central. 5/4/1954 Défaite de l'armée française à DIEN-BIEN-PHU au Vietnam - la plupart de cette armée est transférée à Sidi-Bel-Abbès, en Algérie. 25/6/1954 Réunion du Comité des vingt-deux (22) au Clos Salembier à Alger. La décision est prise de préparer le déclenchement de la révolution armée. En même temps, un Comité des cinq (5) est élu, dont la plupart rescapés de l'O.A., sont recherchés par les autorités françaises. 10/7/1954 Une conférence nationale du M.T.L.D. est organisée par le comité central à Alger - Elle n'aboutit à aucun résultat fructueux. 14-16/7/1954 Congrès du M.T.L.D. à HONU en Belgique. L'éclatement du M.T.L.D. et l'exclusion des membres du Comité Central y sont décidés. 13-16/8/1954 Le Congrès des Centralistes du M.T.L.D. à ALGER délivre le quitus au Comité Central 22-24/10/1954 Répartition des tâches entre les participants à la réunion du Comité des Vingt-deux, découpage de l'Algérie en 5 zones (wilayate), fixant le ler Novembre 1954 date d'insurrection. 1/11/1954 Déclenchement de la révolution armée, les attentats en Algérie, naissance du Front et de l'Armée de Libération Nationale, proclamation du 1er Novembre 1954" : l'Etat algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques". Premières opérations militaires sur tout le territoire algérien. 5/ 11/ 1954 Dissolution du M.T.L.D. 6/11/1954 Création des partisans du Mouvement National Algérien (M.N.A.) par Messali El-Hadj 12/2/1955 Jacques Soustelle est nommé Gouverneur Général de l'Algérie. 8/7/1955 Fondation de l'Union Générale des Etudiants Musulmans Algériens (U.G.E.M.A.) à Paris. 16/7/1955

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La plupart des membres du Comité Central du M.T.L.D. décident de rejoindre le F.L.N. et de dissoudre cette instance. 20/8/1955 Organisation des opérations militaires de l’A.L.N. contre l'armée coloniale dans le nord- constantinois. 30/8/1955 Etat d'urgence dans toute l'Algérie. 9/1955 Mise en structure clandestine des "combattants de la libération" par le Parti Communiste Algérien.

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CHAPITRE I :

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Afin de permettre au lecteur d’avoir une vision la plus nette possible sur le déroulement des opérations de la guerre d’Algérie, nous avons eu recours à quelques uns des rapports émanent des instances militaires et des états majors français, extraits des archives déclassifiées et mises à la disposition du public, ce qui permettra aux lecteurs d’avoir accès des renseignements objectifs et aux éventuels historiens d’utiliser des documents dignes de confiance, hors tous parti pris ou démagogie. A l’opposé, le nombre très réduit de témoignages écrits émanent d’anciens moudjahidine, reste très imprécis sur les bilans des opérations.

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La contre guérilla, une guerre protéiforme (aux multiples aspects)

Lorsque le brasier algérien s'enflamme à la fin de l'année 1954, les unités françaises qui participent aux premières opérations de maintien de l'ordre sortent à peine, pour une majorité d'entre elles, du long et dramatique conflit d'Indochine. Ce sont donc des hommes marqués par leur douloureuse expérience indochinoise qui doivent affronter, en Algérie, une rébellion dont l'ampleur et la dimension militaire ne sont en rien comparables à celles de la guerre menée contre le Viêt-minh dans la péninsule indochinoise.

En effet, le Viét-minh mit à profit les nombreuses difficultés rencontrées par 1a France lors de son retour dans ses colonies asiatiques et bénéficia d'une large complicité nipponne pour se préparer aux combats futurs contre l’armée française. Enfin, à partir d'octobre 1949, il obtint l'aide massive de la Chine communiste, alors que le Corps Expéditionnaire d'Extrême Orient devait compter avec une puissante opposition en France contre "la sale guerre''.

Ainsi, le théâtre indochinois devint rapidement un conflit localisé, où les formes du combat restèrent traditionnelles malgré les nombreux aspects originaux d'une guerre révolutionnaire. Si la bataille de Dien Bien Phu scella la perte politique de l'Indochine française, elle apparut aux yeux de nombreux officiers du corps expéditionnaire comme une défaite, dont les conséquences diplomatiques et politiques étaient disproportionnées par rapport à la réalité militaire.

L'abandon des camarades de combat indochinois et des populations acquises à la France, les milliers de morts, le lot cruel de souffrances, de dangers et de fatigue endurés, faisaient de la perte de l'Indochine française, une blessure tragique dans le cœur de nombreux officiers et sous-officiers.

Aussi lorsque les unités et les cadres, arrivant d’Indochine, entament les premières opérations en Algérie, les leçons chèrement acquises quelques mois auparavant sont-elles mises en pratique. Mais cet héritage est ambigu : malgré certaines ressemblances idéologiques entre les deux rébellions qui se renforceront tout au long du conflit, les rebelles du F.L.N. sont privés, initialement, d'un soutien populaire comparable à celui dont avait bénéficié le Viet-minh. Faute de cette assise le Front est condamné à une révolte traditionnelle mais le commandement français projette déjà la situation politico-militaire

27 de la guerre révolutionnaire indochinoise sur le théâtre algérien et engage un combat inadapté à la taille, à la doctrine initiale et à la tactique de son adversaire. Cependant l'Algérie n’est pas l'Indochine cl l'armée française doit finalement trouver une réponse spécifique à un conflit original.

L'INDOCHINE : UN HERITAGE AMBIGU

Après la nuit sanglante de la Toussaint, le commandement français est rapidement conduit à s'interroger sur cette rébellion dont les contours sont flous. En effet, l'extrême faiblesse militaire des rebelles (leurs effectifs sont évalués à 700 hommes), leur armement hétéroclite, l'émiettement de leurs actions constituent paradoxalement leur seul atout face à une armée française forte de plus de 50 000 soldats dont une partie des cadres est arrivée directement d'Indochine.

Le commandement français rencontre ainsi de grandes difficultés pour théoriser son adversaire dont les modes d'action, la stratégie et la tactique semblent échapper à toute logique. Face à toutes ces inconnues, la tentation est grande de plaquer les schémas indochinois sur la réalité algérienne et d'appliquer des méthodes qui ont fait leur preuve sur le théâtre asiatique. Pendant la première année de rébellion, le Haut Commandement français a tendance à donner aux rebelles algériens une logique révolutionnaire et une pensée dialectique qui en réalité leur font défaut. En projetant sur le conflit algérien les principes de la guerre révolutionnaire tels que Hô-Chi-Minh les avait adaptés, il précède de beaucoup les capacités doctrinales du F.L.N. Mais l'expérience indochinoise enseigne que la guerre subversive a pour objet principal la population dont l'endoctrinement est assuré par la propagande dont l'impact est important à cause des liens ethniques et culturels existant entre celle-ci et les rebelles. La terreur imposée aux autochtones partisans de la France est l’autre volet de l'action psychologique que mène tout mouvement subversif. Grâce à l'aide implicite de la population, il tente de recruter des combattants et d'implanter une organisation politico- administrative pour étendre son influence et récolter des fonds. Il recherche ensuite une base territoriale pour concrétiser l'existence politique de la rébellion et légitimer son action vis-à-vis de l'opinion internationale. Contre cette forme de lutte, l'un des facteurs essentiels, est l'usage cohérent, dans le cadre du maintien de l'ordre, des forces armées dont la mission consiste à contrôler le territoire, tout en sachant que la seule réponse possible et réaliste à une rébellion à son

28 stade initial se trouve dans une action politique et sociale. Ainsi, 1'armée française met- elle en place un dispositif territorial très lourd, immobilisant une grande partie des unités pour contrôler la population, empêcher le développement, de la terreur destinée à imposer la “loi du silence'' et lutter efficacement contre l'implantation de l'organisation politico- administrative rebelle. Au lieu le pourchasser les faibles bandes partout où elles se sont manifestées, en particulier dans les Aurès, avec le maximum de forces pour les anéantir, 1'armée française se dilue dans l'immensité de l'espace algérien dès février 1955. Des centaines de postes sont donc créés. Mais ces postes, au lieu de s'ouvrir vers l'extérieur, peuvent par une tendance naturelle, se refermer sur eux-mêmes. Pour lutter contre ce phénomène et apprendre aux unités de secteur la réalité de la guerre subversive et les méthodes à appliquer pour la vaincre, des anciens cadres d’Indochine faits prisonniers par le Viet-minh et baptisés « officiers itinérants » entament une instruction spécifique, notamment en Kabylie. Le contrôle en surface, dont léchéc avait été patent au Nord Vietnam avait rencontré certains succès au Sud. La politique de pacification conduite en Cochinchine démontrait l’efficacité de ce schéma allié aux opérations de ratissage et de fouilles. Celles-ci effectuées par les unités de secteurs, avaient pour but de découvrir les unités rebelles et les caches d'armes. Aussi, selon l'exemple du Sud Vietnam en s'appuyant sur une partie notable de la population algérienne, le contrôle en surface, dont la première étape est constituée par le contrôle des axes et la défense des points sensibles, apparaît aux yeux du commandement français comme la condition fondamentale de la réussite de la pacification et la première réponse à la guerre subversive. En Indochine, la défense des points sensibles dont la protection avait posé tant de problèmes et dont la responsabilité était confiée à un officier général, s’organisait dans un schéma relativement statique autour des postes où les populations civiles autochtones vivaient dans le secteur compliquaient la tâche des défenseurs. Aussi furent-elles évacuées lorsque les possibilités techniques ou psychologiques le permettaient. En Algérie, la protection des points sensibles et celle des populations sont donc logiquement prioritaires d’autant que le contexte socio-politique du territoire l’exige tout comme le combat contre la terreur aveugle dans le cadre de la deuxième phase de la guerre révolutionnaire que livre, pense-t-on, le FLN ? aussi, en dehors des secteurs proprement dits, est-il créé des zones de contrôle renforcé, d’isolement ou interdites, où la circulation ou le simple stationnement sont réglementés ou prohibés afin de contrôler les zones de parcours de l’adversaire et protéger les points sensibles. Ainsi, le Constantinois, l’un des

29 berceaux originels de la rébellion, lieu privilégié des premières confrontations entre forces de maintien de l’ordre et FLN, est rapidement organisé en zones opérationnelles correspondant à « un ensemble géographique, humain et politique, dont les moyens sont variables », en secteurs dont les effectifs sont de l’ordre de deux régiments à une division, en sous-secteurs correspondant à un régiment ou à un groupement mobile et enfin en quartiers possédant un ou deux bataillons. LE CONSTAT D’ECHEC Lorsque la rébellion a commencé à dépasser les possibilités d’action des forces de police, l’engagement massif de l’armée contre les faibles bandes de rebelles donne à l’insurrection un impact inversement proportionnel à ses capacités militaires sur le terrain. Il eût donc fallu proscrire les grandes opérations de ratissage et de bouclage ou les reconnaissances offensives, procédés qui ont été pourtant systématiquement adoptés en Algérie où le commandement a appliqué les méthodes de la fin de la guerre d’Indochine conte un adversaire peu nombreux et mal armé qui échappe facilement à ces manœuvres et mène une guérilla ancestrale.

Dans un rapport en1958, le colonel Trinquier n'hésitera pas à condamner sans appel ces schémas tactiques : « le résultat inéluctable de cette carence, c'est que nous opposons à nos adversaires une armée inadaptée, une tactique et des procédés combats incapables d'acculer notre adversaire à la défaite, car c’est un fait en Indochine, malgré une supériorité manifeste en matériel moderne et en effectifs nous avons été battus... En Afrique du Nord, malgré les précédents revers, nous employons encore la même armée, et à peu de chose près une tactique et des procédés de combat analogues. Nous persistons au cours d'opérations multiples toujours les tenter de saisir un adversaire qui nous échappe... Notre appareil militaire fait donc penser à un marteau pilon qui tenterait d'écraser une mouche et qui inlassablement renouvellerait sa tentative » Cette tactique sera ensuite condamnée officiellement. Une note du commandement en chef des Forces en Algérie signée par le général Challe l'énonce très clairement : depuis longtemps, l’expérience à montré que la combinaison bouclage-ratissage effectuée à priori est totalement inefficace. La tactique de dispersion et de refus du combat adoptée par les rebelles, les difficultés du terrain dans les zones où les bandes se réfugient condamnent définitivement un tel procédé ».

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Ainsi, l'expérience presque obsédante de l’Indochine prime dans la réalisation concrète sur le terrain de la réponse française à cette nouvelle guerre subversive. La lutte contre le terrorisme passe par la protection des biens et des personnes dans le cadre d'une défense globale interdisant, par manque d'effectifs la traque des bandes rebelles. La primauté du commandement opérationnel s’affirme donc dans le cadre d'une guerre subversive. Le cours de tactique générale de l’Ecole de guerre de professe : « La hiérarchie territoriale conduit la pacification ،ou la subversion à tous les échelons jusqu’au plus bas. Elle seule connait la mission à remplir et l'idée de manœuvre dans leur ensemble. Il s'ensuit qu'une autorité ne détenant q’un commandement partiel, (opérationnel par exemple) ne peut arguer d'une question de rang ou de préséance pour prendre le pas sur la hiérarchie territoriale et imposer son point de vue »... Mais de nombreuses unités de secteurs souffrent d'un manque chronique de cadres. Les compagnies sont commandées par de très jeunes officiers dont c'est la première expérience. Ils doivent faire face. Intégrant des paramètres parfois contradictoires tout en effectuant leur apprentissage du commandement en secteur opérationnel en essayant d’assimiler les leçons indochinoises de leurs anciens. En fait, pour eux, comme pour leurs chefs, il s’agit d’appréhender avec un nouveau regard la situation spécifique engendrée par la rébellion algérienne. En effet, malgré le renforcement des effectifs, les choix tactiques reposant sur le modèle théorique de la guerre subversive telle que l’armée française l’a connue dans les rizières privilégient l’aspect défensif au détriment des modes d’action offensifs. Ce choix détermine en fait les rapports de force dans le djebel et permet aux bandes rebelles de mener une guerre où l’adversaire leur abandonne délibérément l’initiative. Pourtant, certaines opérations menées par la 10e DP. Donnent d’excellents résultats et permettent de faire subir de lourdes pertes aux rebelles chez qui les parachutistes vont devenir une véritable hantise. Ces actions menées avec des unités manœuvrières montrent l’exemple de la tactique à employer pour anéantir les bandes rebelles. De même, le développement des unités autochtones, un des enseignements indochinois, contitue un des vecteurs possibles de la victoire militaire. LA CROISEE DES CHEMINS Le développement spectaculaire du FLN pendant les deux premières années des événements pose le problème de l’adaptation de la réponse des responsables politiques et militaires de la France pendant cette phase cruciale du conflit alors que dans le même

31 temps la nature politique et subversive de ce mouvement de rébellion se modifie et se précise doctrinalement. Le FLN tente, en effet deux ans après le début de la rébellion, lors du congrès de la Soummam du 20 Août 1956, d’adapter les leçons de la guerre révolutionnaire au théâtre algérien et de théoriser son action. Le combat en Algérie sera avant tout politique et propagandiste tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, notamment grâce à l’appui des nationalistes arabes de l’Egypte de Nasser ou de la Tunisie Bourguiba. Sur le terrain des combats, la réussite initiale du F.L.N. semble plus tenir de l'inadaptation des méthodes employées contre lui que de sa capacité réelle à affronter l’armée française. Le prestige des combattants rebelles doit beaucoup à la comparaison entre la disproportion des effectifs rebelles et ceux des forces de l'ordre. Ainsi, de 57 000 hommes au moment de la nuit de la Toussaint, les forces françaises passent à 73 500 au 1er janvier 1955, puis un an plus tard, à 180 000... Pendant cette période, les pertes des forces de l'ordre s'élèvent en 1954 à 29 tués et 62 blessés pour 76 tués et 254 prisonniers chez le F.L.N. En 1955, les pertes françaises se montent à 347 tués et 1374 blessés contre 2 820 tués et 1814 prisonniers adverses. Même si les pertes des rebelles sont comparativement plus lourdes, leur faible ampleur permet au F.L.N. de grossir ses rangs et corollairement d'augmenter sa présence militaire dans le bled. Cette influence croissante des fellaghas, dont l'attitude guerrière contraste souvent avec le débraillé de certaines unités de rappelés, concourt à renforcer l'image d'une France impuissante à résoudre les problèmes causés par cette guérilla. La montée en puissance du F.L.N. forme le tournant historique du 20 août 1955 où, dans une quarantaine de localités du Constantinois, les manifestations voulues délibérément sanglantes par les rebelles, se produisent, l’étendue، de ce mouvement et son assise populaire constitue un avertissement sérieux. 1’Algérie vient de basculer dans un autre type de conflit ،qui à terme deviendra guerre civile. Cependant l'Armée française peut utiliser désormais son expérience indochinoise tempérée par une meilleure connaissance de la spécificité algérienne et mener un combat de contre guérilla contre un ennemi dont les caractéristiques idéologiques et militaires correspondent en grande partie à la conceptualisation qu'en a fait le Commandement à la genèse du conflit. Le développement idéologique du F.L.N. L’accroissement de son assise populaire et l'adoption plus délibérée des méthodes de la guerre subversive par les rebelles gomment dans les faits, peu à peu le décalage entre les mesures initiales prises par l’armée française

32 et la réalité première du F.L.N. Le conflit entre désormais dans une phase classique d'une guerre de libération nationale sous l’égide d'un mouvement totalitaire dont le but est de gagner le soutien populaire de gré ou de force. Le règlement T.T.A. 123 bis, consacré aux opérations de contre-guérilla dans le cadre du maintien de l'ordre en A F.N., approuvé le 24 août 1956. Démontre l’approfondissement de l'analyse de l'adversaire : « l’action rebelle est à la fois moderne et traditionnelle. Moderne, le processus de la rébellion fellagha l’est à coup sûr. C'est l’application intégrale de la technique marxiste de la guerre révolutionnaire. Traditionaliste, le fellagha ne l'est pas moins. Il suffit de citer : L'appel à guerre la sainte... la façon "fugitive" de combattre des rebelles, restes fidèles à la tradition ancestrale du guerrier arabe, l'égorgement rituel fréquent de l'adversaire, le système tribal destiné à rendre la justice et a percevoir les impôts que les chefs fellagha mettent en place dans les régions contrôlées par leurs bandes ». L'ennemi est appréhendé maintenant dans sa totalité et surtout dans son originalité. Il est d’abord un combattant arabe parfaitement adapté à la guérilla dont les modes d'actions initiaux sont traditionnels. Un document intéressant saisi sur un rebelle, un règlement à l’usage de « ceux qui veulent entreprendre la guerre sainte contre un ennemi implacable et fort » donne les méthodes de combat à utiliser contre les forces de l’ordre : « le premier objectif de la guérilla est la démoralisation de l’ennemi…la surprise est le plus important de ces facteurs. Le but à atteindre est de porter des coups à l’ennemi dans des endroits où ils ne s’attend pas à être attaqué… les partisans agissent de préférence de nuit… le principe directeur de toute opération, c’est frappe et fuis ».

Extraits de « introduction à l’étude des archives de l’Algérie »

Service historique de l’Armée de Terre

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Les Djounoud de Amirouche à l'heure de la prière, au repos dans la forêt de l'Akfadou

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Les caractéristiques de la guérilla menée en Algérie

Pour mener à bien les opérations de guérilla, la géographie particulière de l’Algérie offre un terrain d’opération parfaitement adapté au format adopté par les forces rebelles, lesquelles se fondent littéralement dans l’ensemble et s’y déplacent « comme poisson dans l’eau », pour paraphraser Mao Tsé Tong. Outre la conjugaison des données géographiques et humaines remarquables en Algérie, il faut ajouter le soutien non négligeable dont a pu bénéficier la rébellion à ses frontières. De là, un certain nombre d’enseignements peuvent déjà être tirés.

Les terrains d’action privilégiés

L’espace dans la guérilla

Avec le temps, l’espace est une donnée fondamentale pour qui pratique la guérilla Contrairement à un conflit classique où le nombre et la qualité des équipements peuvent faire la différence sur le terrain, ils ne remportent pas la décision dans une entreprise de guérilla. Au contraire, elle se caractérise par la clandestinité, la rusticité ou encore la rapidité de ses éléments et leur capacité à s’évanouir une fois leurs opérations menées pour ne plus laisser de prise aux autorités chargées de la protection de la population. De cette manière, « la contre-guérilla n’est pas une affaire de quantité ni même de qualité mais davantage une question de méthode »

La nature du terrain d’opération est fondamentale dans la mesure où sa configuration peut offrir plus ou moins de possibilités aux rebelles de s'esquiver, de se faire discrets pour reconstituer leurs forces à l’abri et organiser à nouveau les opérations, en inscrivant de cette manière leur action dans la durée plutôt qu’en recherchant la victoire immédiate. La petite guerre est avant tout une question d’usure : morale, physique, matérielle, politique, psychologique... d’engager les hostilités ».

Plus que l’étendue, c’est la nature du terrain et sa capacité à servir les besoins des rebelles en caches qui sont déterminantes Pour ces raisons, les zones boisées, montagneuses ou encore désertiques sont autant d'environnements particulièrement propices à la mise en œuvre d'une guérilla Un tel avantage géographique oblige l'armée menant la contre-guérilla à engager un effectif important afin de contrôler au plus près ces

35 zones. Pour autant, le nombre n’est pas gage d’efficacité en raison du fait que la démesure des espaces autorise une mobilité plus grande, plus discrète et en réaction rapide au mouvement des troupes adverses. Les zones urbaines, quant à elles, sont le terreau de la guérilla car elles abritent la population, seule susceptible de porter le mouvement rebelle en le nourrissant, l’armant et l’abritant (que la complicité soit passive ou active). La nature du terrain algérien

La lecture d’une carte géographique de l’Algérie conduit à un constat immédiat, Le pays, d’une superficie totale de 2 381 741 km2, est divisé en deux ensembles parfaitement distincts : l’espace désertique du Sahara qui couvre les 3/4 du territoire algérien et la bande côtière, au nord, où se concentrent des variations de reliefs et de végétation considérables. Il est inutile ici de détailler l’espace saharien dans la mesure où le théâtre des opérations durant la guerre d’Algérie s’est très largement concentré sur le nord du pays. La raison principale à cela étant que le climat et la géographie désertiques ne pouvaient permettre un rendement efficace dans les déplacements, ni assurer des caches viables à long terme : conservation difficile des vivres et difficulté d'approvisionnement en eau, variations importantes de température, conditions difficiles d'entretien du matériel etc.... Dans la partie occidentale de l’Algérie, l’Atlas Tellien se dresse face à la Méditerranée tandis que l’Atlas Saharienfait rempart au Sahara Entre les deux, se trouvent aussi bien des plaines que de hauts plateaux (la Vallée du Chélif, la Plaine de Sétif, la Vallée du Hodna…) Comme particularité physique, il est possible de souligner le chott, « dépression fermée des régions arides, souvent d’origine éolienne et dont le fond est occupé par une sebkramarécage salé parfois asséché. Eu égard à la suite de l’étude, il est nécessaire de s’intéresser de plus près à certains ensembles montagneux en raison de l’importance qu'ils tiennent dans le développement et l’ancrage de la rébellion, comme dans la conduite des opérations de contre-guérilla. Dans la partie orientale de l’Algérie, les montagnes de Kabylie et de l’Aurès ont connu les premières heures de la rébellion ainsi que les moments les plus durs de la contre-guérilla, offrant un terrain favorable aux rebelles, difficile à contrôler et riche en abris naturels.

La Kabylie des Babors est une « région montagneuse de l’Atlas Tellien Constantinois, culminant à 2004 m » (le Babor). Une documentation de 1’état-major interarmées la présente comme la « montagne la plus arrosée d’Algérie » et composée

36 d’une « végétation forestière dense »difficile à parcourir du fait de l’absence de routes comme de pistes. La chaîne des Babors est composée de « rochers calcaires à versants très abrupts, avec grottes, fissures, éboulis » et faite de « dénivellations considérables de 300 à 1 500 m avec vallées profondes, souvent en gorges, et très rares replats ».

La Grande Kabylie« région montagneuse dominée au sud par le Djurdjura, chaîne la plus haute et la plus continue du Tell Algérien », présente des caractéristiques assez similaires Les pluies y sontimportantes et régulières, exception faite de la période estivale Les caractéristiques principales des chaînes montagneuses la composant sont d’être une succession de « crêtes calcaires dentelées, rochers escarpés et murailles abruptes avec grottes nombreuses». Le massif central kabyle est un « pays de longues crêtes effilées » s’élevant entre 700 et 1000 m. Les plaines et dépressions intérieures présentent une « topographie de collines molles, dénudées, au sol argileux, fortement érodées par de petits ravins » Si la Grande Kabylie est de pénétration plus aisée que la Kabylie des Babors par l’existence de pistes desservant les villages des plaines, la chaîne du Djudjura et la forêt d’Akfadou à l'extrémité orientale de la chaîne littorale sont particulièrement dures à pénétrer. « La végétation constitue surtout un obstacle dans la chaîne littorale (forêts à sous-bois dense), les nombreux arbres dispersés dans les champs offrent presque partout des possibilités de camouflage ». La chaîne de montagne la plus emblématique de la guerre d’Algérie demeure l'Aurès, «région montagneuse du Sud algérien la plus originale par son relief et ses populations » Elle comporte les sommets les plus élevés d’Algérie (2 328 m au Chélia) De façon assez symbolique, cette chaîne de montagne était appelée le « Bouclier Aurès » à l’époque de l’empire romain, traduisant toute la complexité de pénétration de ce rempart naturel. La description qui en est faite par le 3eme Bureau de l’état-major interarmées (E M I) révèle assez bien ce sentiment ancien : « une partie Nord, élevée, boisée et d’aspect méditerranéen, avec d'importantes grottes et un enneigement prolongé, une partie sud, saharienne, avec boisements forestiers clairs, oueds encaissés en canyons profonds et grottes de plus faibles dimensions que dans le Nord ». La partie orientale de l'Algérie présente ainsi toutes les caractéristiques fondamentales pour être un terrain favorable aux actions de guérilla : difficulté de pénétration, rudesse climatique (sirocco, enneigement, températures extrêmes en été), grande variété de végétation (steppes, forêts denses, maquis, chotts, ergs ...), caractères

37 physiques favorables à la discrétion (régions calcaires propices à la formation de grottes...) etc. Autant de données que les forces terrestres ne peuvent ignorer en s’engageant dans la région, dans la mesure où elles pèsent sur l’organisation des effectifs, des matériels et de la tactique opposée Ceci est d’autant plus vrai que le format adopté par les forces rebelles tient autant compte de la configuration du terrain d’opération, et des avantages qu’ils peuvent en retirer, que des réalités factuelles d’un mouvement naissant, à savoir les moyens et les effectifs souvent limités.

Cahier de la recherche doctrinale

L’emploi des forces terrestres dans les missions de stabilisation en Algérie

Ministère de la défense

République française

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« La parole aux armes »

D’abord surprises par la simultanéité et l’étendue des manifestations de violence rebelles, les forces de l’ordre ont ensuite des difficultés pour s’adapter à un adversaire qui suit les enseignements hérités d’Abdelkader et veut « rester insaisissable, ne pas livrer de bataille rangée à un adversaire supérieur en hommes et en armement, attendre l’heure propice pour frapper, se disperser et disparaître (…) ». il faut donc combattre des hors la loi disséminés sur l’ensemble du territoire, utilisant dans toute la mesure du possible les avantages d’un terrain au relief parfois tourmenté. « C’est la période où l’armée française subit l’adversaire ». Face à une guerre de guérilla qu’elle a connue en Indochine, mais qu’elle ne maîtrise pas encore.

La protection géographique

Confrontées à un « ennemi », dont les principaux caractères viennent d’être énoncés, les forces de l’ordre sont amenées à concevoir un système de protection adapté à leur mission, et à limiter les possibilités d’actions rebelles contre les personnes et les biens, c’est ainsi que dès février 1955 se met progressivement en place un « quadrillage », dont la vocation première est l’occupation, de la plus large possible, de 2 400 000km² du territoire algérien. Sur le terrain, cela se concrétise par l’installation de « petits postes militaires, occupés et surveillés en permanence », tels les « bordjs » (fortins) installés en Kabylie par le général Randon sous le second Empire. Cette protection des personnes et des biens, ainsi que « la garde et la défense locale des communications et bâtiments d’intérêt publics » sont confiées aux unités Territoriales et aux Compagnies rurales et de défense en surface, à vocation essentiellement statique (même si ces dernières sont susceptibles d’effectuer des patrouilles à court rayon). Des bataillons de protection sont quant à eux « les éléments dynamiques de la défense en surface », dans la mesure où ils assurent « la défense mobile du secteur dans lequel ils sont implantés ». La mise en place du quadrillage connaît cependant quelques difficultés. « La défense en surface sur les vastes étendues et avec une population terrorisée par l’adversaire, exige des moyens considérables [en effectif] pour simultanément garnir le pays d’un quadrillage suffisant et avoir à portée les moyens mobiles d’intervention nécessaire », estime le général Cherrière. Et ce alors même que la composante humaine de

39 cette trame comprend « des unités peu nombreuses et de valeur irrégulière », « C’est une armée diurne face à une guérilla nocturne, qui doit être partout en même temps, disséminée aux quatre coins ». Qui plus est, le caractère impératif du quadrillage réduit nécessairement les unités disponibles pour les opérations de nature dynamique, lesquelles ne peuvent pas, par conséquent, participer à des actions prolongées. L’autre volet de la protection géographique concerne l’application au terrain d’une formule de sectorisation. Outre un premier aspect qui est celui d’une Algérie découpée en trois divisions militaires en 1956( Alger, , et Constantine) et subdivisée en zones divisionnaires, secteurs, sous-secteurs et quartiers, le second est plus spécifique et passe par la mise en place de « zones ». c’est ainsi que, s’inscrivant dans la finalité du contrôle du terrain, le territoire est organisé en « zones de contrôle renforcé », dans lesquelles l’activité locale est sévèrement restreinte (par exemple avec l’institution d’un couvre-feu, ou de règles strictes imposées aux habitants –interdiction de circulation sur certains itinéraires, autorisation préalable de circulation…) . Il est interdit aux habitants de sortir et aux civils en général de pénétrer dans les « zones d’isolement ». Aucune présence n’est tolérée dans les « zones interdites », l’emploi des feux sur tout mouvement de personnes y étant systématique. Parallèlement à ces zones de contrôle sont érigées des « zones de pacification » dans les centres fertiles et fort peuplés, dans lesquels appelés (à partir de 1956, ef. Supra) et réservistes sont concentrés. Les « zones d’opérations » sont quant à elles pensées comme des terrains de chasse dans lesquels les unités françaises agissent directement contre les fellaghas. Quelles sont donc les formes et les moyens d’action en ces temps d’apprentissage ?

Les mesures opérationnelles

Les parades adoptées sur le terrain contre un adversaire dilué et de caractère rustique et manœuvrier, prennent plusieurs formes. Il faut essayer de l’accrocher, puis de le réduire, alors même qu’il évolue dans son élément. Les rebelles tirent parti de leur connaissance des djebels aux reliefs accidentés, ainsi que d’une population qui, au moins en partie, ne leur est pas foncièrement hostile. Le combat doit être mené contre un « ennemi » qui se veut invisible, et a fortiori insaisissable. « On se contente de parer les coups en aveugle ».

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Les opérations sont en fait des mesures de police, tant en milieu urbain que dans le bled. L’un des procédés utilisés, et que l’on retrouvera tout au long de ces années de conflit, est celui du « ratissage » mené par des forces de l’ordre encore « maladroites, lourdes, inadaptées ». Il est tout d’abord établi un « bouclage » sur une zone déterminée « par des unités motorisées ou mécanisées ». des groupements ratissent ensuite cette zone en progressant l’un vers l’autre et occupent « successivement, suivant un horaire rigide, une série d’objectifs nettement définis sur le terrain » le P.C. du commandant se situe à une vingtaine de Km du lieu de l’opération. De telles manœuvres, qualifiées parfois de « grandioses et éléphantesques » nécessitent un effectif important et « excluent en fait la surprise ». Les résultats obtenus ne sont pas toujours encourageants : l’opération menée le 13 septembre 1955 dans l’arrondissement de Philippeville permet de découvrir quatre fusils et de vérifier l’identités de 250 personnes. Mais, comble de malchance, le car Collo-Tamalous est attaqué le même jour à proximité. A l’inverse, l’opération « Djenad » effectuée en octobre 1956 en Kabylie est beaucoup plus fructueuse pour les forces armées et permet la mise hors combat d’une bande rebelle. Le général Lorillot estime cependant que « la seule forme vraiment payante d’opérations est la nomadisation d’unités allégées, opérant offensivement ou chassant à l’affût, et se déplaçant de nuit », le commandement se situant à l’échelon du secteur. Ces unités vivent sur le terrain, sous la tente, changeant fréquemment de bivouac et ne conservant « dans leur zone d’actions qu’un point d’amarrage en dur destiné au P.C. et aux éléments de transmissions indispensables » l’on recherche donc les bandes rebelles pour les accrocher et les réduire. Le Colonel Ducournau et ses troupes arpentent les Aurès dès Novembre 1954, de même que le Colonel Bigeard avec le 3e R.P.C. sillonne le massif de l’Edough d’octobre à décembre 1955, ou le Constantinois de décembre 1955 à février 1956. Les opérations, montées sur renseignements ou de façon inopinée, peuvent être considérées comme étant de détails par leur défaut d’envergure. De courte durée, décidées par l’autorité civile ou en réaction à une manifestation adverse, elles ont en définitive un caractère de riposte aux actions rebelles. Même si « l’accrochage des bandes adverses est l’objectif n°1 des forces d’interventions », ces actions n’empêchent cependant pas, souvent les fellaghas de profiter du départ des troupes françaises pour reprendre le contrôle des villages, douars, mechtas visités par les représentant de l’ordre.

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De telles opérations impliquant fluidité et vélocité, exigent des moyens de transport adaptés à la rugosité du relief algérien. Il importe donc d’améliorer les voies de communication du territoire. Accroître la mobilité des unités devient un leitmotiv, et l’emploi de la troisième dimension tend à s’imposer progressivement, c’est ainsi que l’état major pense au parachutage de troupes « en prévention de troubles et pour intimider les populations de certaines zones sensibles ». Des largages sont effectués fin mars 1955 dans le Constantinois et début avril de la même année dans les deux autres départements ; leur « impact psychologique sur la population est incontestable », mais il entraînent « surtout des chevilles foulées ». Cette procédure ne survit cependant pas longtemps à l’utilisation de l’hélicoptère, dont l’efficacité se révèle « non seulement au cours des accrochages, par la mise en place de détachements sur les arrières des rebelles mais aussi pour l’attaque rapprochée des rebelles installés dans des grottes ». Fin 1954, l’armée ne dispose que d’un seul appareil loué à une entreprise privée ; puis les hélicoptères sont uniquement réservés aux évacuations sanitaires –tant en raison de leur rareté quantitative que de celle des pièces e rechange. En mars 1955, la 10e Région militaire n’en dispose que de trois, ce chiffre passant à huit en mai, à dix huit en août, à trente et un en février 1956… le sommet de Chelia voit la première utilisation tactique d’hélicoptères H-19 en juin 1955, date à laquelle s’ouvre l’ère des opérations héliportées en Algérie. La directive du 15 mars 1956 prévoit ainsi de « déclencher des opérations aéroterrestres et héliportées au rythme souhaitable de une par quinzaine dans chaque zone opérationnelle sans sacrifier au « maillage ».

Extraits de « Introduction à l’étude des archives de l’Algérie » service historique de l’armée de terre.

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La guérilla et ses modes d’action

Un mouvement révolutionnaire se définit par son caractère éminemment subversif, que l’on peut découper en cinq grandes phases successives :  La publicité pour alerter ou exciter l’opinion locale, nationale et internationale.  Le terrorisme, afin de soumettre les « traîtres » et tous ceux qui seraient tentés de les rejoindre, et également d’obtenir la complicité passive du reste de la population par l’instauration d’une « loi de silence ».  L’exploitation de ce silence pour obtenir de certaines franges de la population une complicité active et grossir les rangs de la rébellion.  L’exploitation de la phase précédente par la mise en place d’un appareil politico administratif parallèle et concurrent du système politico administratif légal, ainsi que le renforcement de l’emprise de la rébellion sur les populations encore indécises.  La création d’un gouvernement « officiel » disposant de tous les attributs régaliens et d’une représentation internationale. Une fois la dernière phase atteinte, un nouvel engrenage entre un jeu, renforçant la première phase jusqu’à l’avènement d’un état reconnu à l’intérieur de ses frontières et par la communauté internationale. Dans le cas algérien, la troisième phase n’a jamais été complète. Cependant, la rébellion n’a jamais quitté la lutte, et, au contraire, à porté le fer et le feu sur un champ de bataille : la population dans son ensemble et chaque individu en particulier. Cette subversion s’est montrée constante dans le temps et dans l’espace, devenant ainsi la règle même du combat mené par la guérilla. 1- la subversion, corollaire de toute formes de guérilla du fait de l’absence de limite dans les moyens de la cause révolutionnaire, la violence est érigée en principe directeur de l’action subversive, aussi bien à l’égard des populations civiles que des adversaires militaires de la rébellion. Il devient alors extrêmement difficile à une armée conventionnelle d’en arrêter le cours. Si, selon l’enseignement de Mao, « le révolutionnaire doit être au sein de la population comme un poisson dans l’eau », c’est que la population remplace le territoire dans la

43 guerre subversive. Pour les forces subversives, le soutien de la population est essentiel, et paraît même un préalable à toute action armée. - la population, à la source de toute guerre subversive Pour les rebelles, obtenir le soutien des populations est un principe fondamental ; il s’agit de gagner à sa cause un nombre suffisant de « partisans » pour pouvoir commencer la lutte. Ces recrutements forment le premier noyau d’une organisation politique et administrative, la matrice à partir de laquelle peuvent se penser les actions subversives à venir. Cette organisation s’inspire des schémas élaborés par les Soviétiques. Un bureau directeur, un conseil (soviet, en russe) central, sert de centre d’impulsion pour l’idéologie à répandre, tant auprès de ses propres membres que dans les mouvements politiques concurrents, ou au sein de la population qu’il convient de gagner à sa cause. Ensuite, une véritable hiérarchie se met en place, qui régit les affaires politiques et administratives et/ou les affaires militaires. Elle se répartit sur l’ensemble du territoire, lui aussi découpé selon la hiérarchie choisie. Le recrutement des partisans se fait lors de réunions clandestines, par l’intermédiaire de syndicats et partis politiques, notamment le FLN, mais aussi le Parti Communiste Algérien, dans l’ensemble qui nous intéresse. Cependant les activités syndicales ou militantes ne suffisent pas à constituer un corps de troupe destiné à remporter militairement la victoire. La faiblesse du recrutement, de l’armement et la présence des unités françaises invitent les rebelles du FLN à prendre le maquis et à lutter dans la clandestinité et la subversion. A la différence du Viet-minh, capable de se structurer en armée régulière, la rébellion ne dispose pas des moyens en hommes ou en matériels pour agir pareillement. Et les katibas, unités plus ou moins régulières, furent plus sûrement balayées que les unités moins volumineuses de la guérilla. Afin de palier le manque de soutien initial des populations civiles, la rébellion durcit plus encore la subversion.

- La population, sujette aux influences extérieures

Il est courant que les populations soient manipulées par des éléments extérieurs dans les guerres révolutionnaires. L’Union soviétique n’est pas née de la seule volonté d’un prolétariat russe aux contours mal définis, puisque les révolutions de Petrograd ont été permises par le soutien actif de l’Allemagne de Guillaume II, ramenant Lénine exilé. Pendant le conflit algérien, il en va de même. La pression de l’URSS encourageant tous les mouvements révolutionnaires d’inspiration marxiste-léniniste, l’appui de l’Egypte, avec le colonel NASSER en apôtre du panarabisme, le Maroc et la Tunisie désirant le départ des

44 français pour des raisons idéologiques raciales et religieuses, mais également les Nations-Unies prônant le droit absolu des peuples à disposer d’eux-mêmes, ont eu de réels impacts tant sur la population civile et la rébellion en Algérie, que sur les habitants de la métropole. Aussi l’Armée française savait que son action psychologique serait de facto enrayée par les médias et jeux diplomatiques internationaux. Sous cette contrainte majeure, officiers et soldats agissent sous un regard critique et n’ont pas toute liberté d’action. C’est d’autant plus vrai en ville, où les milieux intellectuels, facultés, centres religieux ou autres sont également à même de diffuser les messages idéologiques provenant de l’extérieur. Les propagandes tant officielles que rebelles trouvent dans la masse des échos favorables. Cet état de fait a pour conséquence directe de limiter la marge de manœuvre politique de la contre guérilla : toutes les actions entreprises doivent être mesurées et ne peuvent être qu’une réaction aux actions psychologiques entreprises par l’ennemi. Corollaire de ce constat, l’action des forces armées, matérielle ou psychologique, n’est donc pas limitée dans l’espace. Elle se mène partout où se trouve la rébellion, et la rébellion est partout. Non qu’elle soit située en tout point du territoire ou que ses partisans soient doués d’ubiquité, mais parcequ’elle est susceptible de ressurgir partout là où elle n’a pas été définitivement éradiquée. Seule l’élimination totale du système politico-militaire de l’ennemi peut conduire à la victoire dans une telle guerre. Or, cette tâche n’est pas du seul ressort des forces armées. En tout état de cause, les seules opérations de combat sont insuffisantes si elles ne s’accompagnent pas d’actions psychologiques. En cela, on peut s’inspirer de l’exemple des troupes américaines et sud-coréennes et de leurs actions de contre guérilla, alors que la Corée menaçait de basculer totalement dans le bloc communiste. - La population, objet de pressions internes Mais la population n’est pas seulement le vivier dans lequel peuvent se recruter les partisans. Son appui est essentiel notamment en ce qui concerne les aspects logistiques de la lutte armée. On considère souvent, par hypothèse, qu’il est aisé pour une armée classique de se fournir en munitions, vivres et autres, et de trouver des aires de casernement et de repos. Il en va autrement pour la guérilla. Dans le meilleur des cas, elle bénéficie de la générosité de ses partisans au sein de la population civile, qui lui fournissent une partie du ravitaillement nécessaire. Il existe aussi la possibilité d’acheter les vivres. C’est d’ailleurs la solution de loin la plus discrète tant qu’elle correspond au volume de commerce normal d’un village, ou d’un, quartier dans les grandes villes. Néanmoins, elle requiert évidemment des moyens

45 financiers conséquents qui alors ne peuvent être utilisés pour l’achat d’armes et de munitions à l’étranger par exemple. Cela ne s’avère pas une solution des plus rentables. Autre possibilité, le vol, rendu plus aisé dans les villes grâce à la dilution des populations, mais qui ne peut être répété systématiquement. Enfin, et cela reste l’hypothèse la plus répandue, la guérilla procède à des réquisitions forcées, rackets et pillages systématiques, évidemment dans les zones où les forces armées sont les moins présentes. Lors du conflit algérien, le FLN met en place très tôt dans le conflit un système de « collecte de fonds ». Souvent, les guérilleros prennent également leur temps de repos dans les zones de pillage. C’est par les abus et les pressions diverses exercés sur les populations civiles que la rébellion parvient à un niveau de préparation suffisant pour mener la lutte contre les forces armées. La dissymétrie constatée au départ est donc à relativiser.

1er juin 1958. Le général de Gaulle est investi par l’Assemblée nationale française qui reconduit les pouvoirs spéciaux en Algérie. Au cours de ses quatre voyages dans ce pays, de juin à octobre 1958, le nouveau président affriole les foules en prétendant définir une nouvelle politique algérienne : transformer la « colonie rebelle » en « d'authentiques départements français » d’outre-mer. Dans la stratégie qu’il développe, domine apparemment l’idée d’intégration de l’Algérie à la France. Ainsi, après avoir rassuré les Européens par son célèbre et énigmatique « Je vous ai compris ! », de Gaulle décide d’accorder la pleine citoyenneté et les droits politiques aux musulmans (sic).

Le FLN, quant à lui, pour démontrer l’impossibilité de cette politique d’intégration, et afin d’affirmer l’unité nationale algérienne, crée en septembre 1958, un gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), mais laisse la porte ouverte à la négociation. Pendant un an, de septembre 1958 à septembre 1959, de Gaulle joue le jeu de l’intégration par la séduction, avec le vaste plan de développement économique et social de l’Algérie, annoncé dans son discours du 3 octobre 1958, à Constantine. Mais ce plan s’accompagne, intempestivement, de l’effort de guerre français en vue de réduire l’ALN. Le général de Gaulle a offert aux « rebelles » la « paix des braves » cependant que le général Challe – nommé commandant en chef des forces armées en Algérie, le 12 décembre 1958 – était chargé, par de vastes offensives, de les obliger à céder. Dans le

46 même temps, un contrôle étroit des populations civiles musulmanes est organisé, par leur regroupement dans des camps installés aux abords des postes militaires français.

Cahier de la recherche doctrinale

Vaincre une guérilla ?

Le cas français en Algérie

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La lutte intérieure

Malgré les difficultés qu’elles subissent à l'est et les conséquences qui en découlent, les comme par exemple à Saida ; où ؛ unités rebelles se montrent à l’intérieur parfois combatives « les fells sont les rois, tendent des embuscades, harcèlent les postes » Les missions visant à détruire les bandes se succèdent inlassablement de semaine en semaine : 149 opérations mettent en jeu la valeur de 234 bataillons entre les 18 et 24 mai 1958 ou encore 120 opérations et 210 bataillons entre les 16 et 21 juin. Les opérations menées sur le terrain ne sont cependant pas toujours d'une efficacité absolue, puisque « trop rapides, elles laissent intactes les organisations politiques, base de tout le système. Ainsi est-il toujours facile aux bandes de survivre ou de se reconstituer ». Constatant« des réussites partielles ou même des semi-échecs » en cette matière “souterraine”, le commandement prescrit en janvier 1958 la création par zone d'une unité spécialisée dans la contre-guérilla et la guerre révolutionnaire. Rustiques et résistantes par nature, ayant un effectif compris entre 60 et 80 hommes, leur but est d'exécuter « des coups de main sur certains points détermines, arrivant inopinément dansles villages, cherchant à se renseigner au maximum sur les activités F.L.N., procédant à l'arrestation ou à l’élimination des éléments H.L.L. Se créant des intelligences et des amitiés (...) éclatant si nécessaire en petits éléments pouvant aller jusqu’à l'équipe de trois, puis se regroupant (...) en juillet 1958, quatre compagnies de ce type sont utilisables pour chacun des Corps d'armée, elles préfigurent en fait les commandos de chasse créés en 1959. « La perte de l’emprise rebelle sur les populations » est néanmoins mesurable : Malgré les mots d’ordre reçus, et au contraire des mêmes journées de 1957, les 7, 8 et 9 mai 1958 – dates anniversaire de la rébellion de 1945- se déroulent sans manifestation importante et d’envergure de la part de l’A.L.N. Le plan Challe A l’aube de 1959, les combats changent de physionomie. Constatant les « soixante- quinze manières de faire la guerre » au sein d’une Algérie fractionnée en soixante-quinze secteurs, critiquant des opérations généralement exécutées au petit bonheur et sans coordination

48 d’ensemble, le général Challe nouvellement arrivé en 10e Région Militaire n’entend plus laisser au FLN « ni le djebel, ni la nuit ». La réalisation de cet objectif passe par un effort principal porté successivement d’ouest en est du territoire. Le but de cette manœuvre est de réduire des éléments rebelles fuyant le contact et repliés dans des zones refuges depuis le début de l’année 1958. Pour ce faire, un ajustement tactique des unités françaises est mis au point, de manière à calquer leur activité opérationnelle au mieux de la configuration de leurs adversaires comme du terrain.

Un nouveau type d’unités

Le plan Challe repose notamment sur la création de « commandos de chasse ». Ces unités légères et spéciales sont constituées à partir d’unités élémentaires existantes : les officiers sont volontaires pour y servir, choisissent leurs cadres, lesquels recrutent à leur tour les soldats. Dépendantes hiérarchiquement des commandants de secteur, leur mission est de nature particulière : elles doivent dans la mesure du possible « coller aux katibas, qu’elles se déplacent dans les zones refuges ou que, se fractionnant, elles cherchent asile dans la population ». Il s’agit donc pour le commandement de mener une véritable « chasse à courre », de « réduire progressivement la zone de liberté d’action » des bandes rebelles, de les suivre et de les accrocher en visant non leur anéantissement total, mais plutôt leur asphyxie.

Ces unités nomadisent pour une durée de deux semaines au maximum, et ne sont pas astreintes à demeurer dans leur zone originelle d'implantation. Elles ne sont dont pas liées à un territoire spécifique comme celles de quadrillage, mais sont adaptées à un élément adverse bien déterminé, et bénéficient de caches de ravitaillement. L'action des commandos de chasse vise à porter l'insécurité de tous les instants chez l'adversaire, par l'élimination de “choufs'', d'agents de liaison ou de petits détachements rebelles. Lorsqu'une katiba ou un fort élément sont repérés ou accrochent sérieusement des unités françaises, des moyens radio adéquats lui permettent de demander l'appui de l'artillerie, de l'A.L.A.T. ou de l'aviation. Les rebelles découverts sont “marqués'' puis localisés sur le terrain au moyen de panneaux visibles d’en haut et permettant un éventuel “straffing". Créés dans le principe fin décembre 1958, les commandos de chasse font leurs débuts opérationnels le 15 février de l’année suivante. Au 1er avril 1959, 74 unités de ce

49 type sont constituées et 10 sont en voie de l’être. Ils comprennent entre 25 et 40% de Français de souche nord-africaine, leur encadrement étant en majorité d’origine européenne.

Extraits de « introduction à l’étude des archives de l’Algérie » Service historique de l’Armée de Terre

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Les limites du quadrillage

Le quadrillage réclame un effectif considérable pour couvrir un territoire de la surface de l’Algérie. Il semble impossible aujourd'hui d'atteindre, dans les missions de stabilisation, des effectifs à hauteur de ceux qui ont été dégagés pendant la guerre d’Algérie. A moins d'un règlement rapide de la situation, il parait difficile de maintenir un haut niveau d'engagement, que ce soit en termes humains, politiques, financièrs ou mêmes techniques. En outre, le quadrillage est un dispositif purement statique, devant maintenir les choses en l’état. Il parait difficile de cette manière de réduire la rébellion s'il n'y a pas de mouvement en dehors des postes contrôlés. La mise en place de zones interdites, hors quadrillage, ne peut être, dans le cadre d’une guerre révolutionnaire, qu’une solution dangereuse dans la mesure où elles forment des ilots subversifs où les rebelles conservent la main Ce n'est pas une solution durable ou une tactique capable de contrer les modes d'actions de la guérilla.

Dans ce cadre, les opérations de ratissage, qui ont pour but d'encercler et de détruire les rebelles d’une région sont bien souvent menées en réaction à un acte de guérilla. Or, preuve a été faite de son inefficacité. Ici encore, il est bon de retranscrire une expérience pour illustrer les limites de la tactique déployée entre 1954 et 1958. Le lieutenant Giraud relate ainsi une opération vécue par Etienne Anthérieu : L'opération commença par une conférence entre trois colonels d’infanterie, Cavalerie, Artillerie (une opération vraiment interarmes) réunis dans une roulotte P.C. devant des cartes à grande échelle, couvertes de flèches et de haricots multicolores. Nous avons fait le quadrillage de la zone d’action. dirent-ils, voici les axes de pénétration, les zones de recueil, les points de passage, obligé.... Les escadrons blindés progressent par-là, les bataillons tenteront le bouclage par ici. Un beau « kriegspiel » d'école de guerre, d'un classicisme parfait...nous avons rejoint sur le terrain un régiment de Hussards, récemment arrivé de France avec des E.B.R. tout neufs, magnifiques. A droite, un djebel en pente douce, absolument truffé de mechtas et de thalwegs. A gauche une vaste plaine de pâturages et de cultures…De toute évidence des milliers de paysans vivaient habituellement là. Pas un seul n'est visible.

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De loin en loin, une Compagnie découvrait dans un gourbi quelque vielle femme impotente, un aveugle ou un infirme. Aucun d’eux ne savait rien, n’avait rien vu,rien entendu. Il demeurait qu’aux flancs de ces montagnes, en bordure de ces plaines, les escadrons et les bataillons se déployaient selon les principes d’une guerre atomique. Les autos-canons, dressant leurs 75 établis pour percer les blindages, cheminaient avec effort sur les chemins de mulets. Les fantassins, chargés d'autant d’armes qu'il en aurait fallu pour résister à un assaut en rangs serrés, progressaient de rochers en rochers, chassant devant eux des troupeaux de chèvres noires. Tel se déroula, jusque tard dans la nuit, ce « ratissage ». Des 150 rebelles annoncés, on n’en ratissa pas un seul» Le quadrillage et les opérations de bouclage-ratissage sont éprouvants autant pour le soldat que pour les matériels. Les bagages, tels qu’ils sont mis en place jusque 1958 (sans qu’ils n'aient de cesse de s’améliorer en raison du travail permanent du Génie), ne permettent pas à eux seuls une victoire décisive sur une rébellion. En revanche, il semble, à la lumière de l'exemple algérien, que ce soit un préalable utile sinon nécessaire à la reprise en main.

Cahier de la recherche doctrinale

L’emploi des forces terrestres dans les missions de stabilisation en Algérie

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UNE IMAGE DU PLAN CHALLE

… il poursuit son voyage par une visite au secteur de Casseigne, morceau du Darha où a eu lieu, la tentative poussée de pacification qui, on se le rappelle, inspira le point de départ du plan Challe. Avant le début de l’action pilote, les rebelles disposaient de plusieurs katibas, de 250 soldats réguliers, de 200 armes de guerre, et d’une masse de djounouds et de moussebiline armés de 300 fusils de Chasse. La totalité de la population musulmane dépendait de l'O.P.A. Lors de la visite du général de Gaulle, le nombre des rebelles est tombé à une vingtaine et encore leur action tient-elle plus du banditisme que de la politique. Ce qui a permis de dégager au bénéfice des Réserves Générales les deux tiers du personnel militaire. Cette action n’a été permise que par un respect constant des règles de pacification énoncées par le général Challe et dont on se rappelle qu’elles distinguaient nettement l’action psychologique en surface et l’action psychologique en profondeur. Aucun douar ne fut mis en état d’auto défense sans avoir passé par les phases successives d’engagement à nos côtés prévus par les directives. Au total, 96 douars furent pourtant armés, totalisant 900 fusils, c'est-à-dire une puissance trois fois supérieure à celle des auxiliaires du F.L.N. au début de l’expérience. Ce fut certainement le général Challe qui tint à montrer cette réussite à de Gaulle, non pour en tirer gloire, mais parce qu'elle constituait la preuve palpable que les théories professées par les colonels sur la guerre subversive n’étaient pas ce que l’on disait à Paris et atteignaient efficacement la réalité algérienne.

DOSSIER SECRET DE L’ALGERIE

Par : Claude Paillat

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La contre guérilla de 1954 à 1958 : protéger

Très naturellement, face à un coup porté, la réaction la plus naturelle est de lever le bouclier pour le contrer. Les forces françaises en Algérie n’échappent pas à cette simple logique. Les difficultés immédiates qui se présentent à elles vont définir dans un premier temps le type de réponse apportée. Très largement sur la défensive, elles mettent en place le quadrillage du territoire afin de subvenir à l’immédiat besoin de protection. Insuffisant pour permettre une victoire réelle sur une rébellion ou une guerre de type révolutionnaire, ce quadrillage doit néanmoins permettre d'assurer l’assise sécuritaire minimale pour ensuite reprendre la main

Les difficultés immédiates

Définir la menace : préalable à la parade

Soixante-dix attentats sont perpétrés sur le territoire algérien le1ernovembre 1954. S'ils sont réprouvés en grande majorité en Oranie et dans l’Algérois, la Grande Kabylie se montre autrement plus favorable. René Bail estime ainsi que « les indigènes, pour divers motifs variant de la conviction politique jusqu’à la crainte de représailles, soutiennent les rebelles dont le nombre ne dépasse pas la centaine d’hommes armés ».De même. l’Aurès est préoccupante dans la mesure où les rebelles sont armés, renseignés et aidés par la population. Ces attentats surviennent dans un contexte de paix sur le territoire français. Le président du Conseil Pierre Mendès-France déclare ainsi le 12 novembre 1954, devant l'Assemblée nationale : « On ne transige pas lorsqu’il s’agit de défendre la paix intérieure de la nation, l’unité, l’intégrité de la République française Ils sont français depuis longtemps d’une manière irrévocable. Entre elle l’Algérie] et la métropole, il n’y a pas de sécession concevable [...] plusieurs députés ont fait des rapprochements entre la politique française et la Tunisie. J’affirme qu'aucune comparaison n’est plus fausse, plus dangereuse. Ici. c’est la France ! » Dans cette optique, les réponses aux actes terroristes de la Toussaint 1954, telles qu’elles doivent être apportées, s’apparentent à des opérations de police. Ce n’est pas une réaction sans fondement. La région où se déroulent les évènements a déjà été sujette à des révoltes ponctuelles de plus ou moins grande envergure. Le général Dupont de Dinechin le rappelle. En 1871, une révolte kabyle embrase le Nord Constantinois. Une seconde survient au sein des tribus de Berbères chaouias, dans le massif de l’Aurès, en 1916. Celle qui éclate à Sétif le 8 mai

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1945, et qui embrase à nouveau le Nord Constantinois, lui paraît être plus inquiétante dans la mesure où elle est le fait de mouvements nationalistes soutenus pendant la guerre par l’Allemagne, qui voyait là l’occasion d’affaiblir la France, et après la guerre par ceux qui dénoncent le colonialisme français. Suite à la répression menée contre la révolte de Sétif, le général Duval écrit dans son rapport au commandement : « Je vous ai donné la paix pour dix ans. Mais il ne faut pas se leurrer. Tout doit changer en Algérie». Les actes terroristes de 1954 lui ont donné raison. Témoignant des premières hésitations quant à leur qualification, le général Cherière écrit ainsi que « les suites immédiates de 1’insurrection font d’abord croire qu’on se trouve en face d’un soulèvement tribal analogue à ceux qui jalonnent notre histoire nord-africaine ; il est donc admis qu’il suffit pour l’armée de réduire les tribus dissidentes bien localisées, mettant en œuvre des effectifs très faibles et sans grand appui matériel de l'étranger, et pour les polices de maintenir l’ordre ailleurs. C’est sur ces bases que se poursuit le rétablissement de l’ordre dans l’hiver 1954-1955 ». L’emploi des forces terrestres qui va être fait dans les premiers temps en Algérie repose donc sur cette appréciation hésitante de la situation, sur la prise de conscience tardive du caractère véritable de la lutte armée qui s'installe sur ce territoire, ce qui conditionne des délais de réponse plus longs, profitables à la logique de la guérilla.

L’inadaptation des forces en présence en 1954

« Four faire face à la subversion en Algérie, la France a dû courir au plus urgent : tenter d’abord le rétablissement de l’ordre». René Bail, dresse un bilan de l’état des forces à l’époque des évènements : il comptabilise ainsi environ 2 500 gradés et gendarmes. 8 escadrons de gendarmerie mobile. Ce qui fait un total d’environ 55 000 hommes, dont moins de 12 000 stationnent dans le Constantinois qui est la zone principale d’agitation, répartis ainsi : - 3 bataillons de zouaves - 3 régiments de tirailleurs - I régiment de parachutistes - 1 bataillon d’infanterie du dépôt de la Légion étrangère - 4 régiments de cavalerie blindée - 1 escadron de spahis Selon lui, la moitié seulement est opérationnelle « et encore, pour le combat classique sur un théâtre européen /.../ les seules troupes qui auraient pu neutraliser les bandes rebelles sont encore en Indochine». Si la guerre d’indépendance indochinoise prend fin en 1954, il reste que le retour des unités en Europe suppose des retards importants En conséquence de quoi,

55 l’action contre les rebelles se résume dans un premier temps à la protection des points sensibles, des personnes et des biens, tandis que les « organismes de Police ou Unités Militaires [s’efforcent] de mettre la main sur les terroristes et de les empêcher de nuire».. La pression de ces forces offre un répit immédiat semblant conforter l’idée d’une révolte comme il y en a eu d’autres, mais la reconstitution constante des forces du F.L.N, dans le terrain favorable qu’est l’Aurès et grâce à l’appui croissant des aides extérieures, viennent rapidement infirmer ce sentiment. La conclusion de la grande majorité de la documentation portant sur cette période de la guerre d'Algérie revient à dire que les forces en place étaient très largement inadaptées. A ce titre, le lieutenant Giraud souligne que les missions dans lesquelles sont engagées les unités précitées en Algérie « sont bien loin d’être comparables à celles d’une guerre atomique et ni les A.M X, ni les chars E B.R.Panhard ne sont d’un grand secours pour rétablir le contact avec la population d’autre part ces unités ont été mises sur pied pour lutter contre un ennemi disposant de chars, d’aviation et d’engins atomiques ; elles sont beaucoup trop lourdes, organiquement et matériellement pour poursuivre des bandes rebelles remarquables par leur légèreté ». Un document d’analyse, plusieurs fois cité bien que ne disposant pas de références précises, mais qu’il semble néanmoins possible de dater aux alentours de 1958, donne une appréciation assez juste de la situation initiale en Algérie : il est « inutile de souligner l’inadaptation patente de la majorité des Unités d'active ou de réserve, instruites pour appartenir au Corps de Bataille européen, et destinées à se battre sur le continent, à la Guerre Subversive sur un territoire de reliefs et de climats si différents. /.../ Ce qui a manqué dès le départ, c'est la connaissance de la population, surtout une doctrine et des techniques d'actions inspirées, élaborées et voulues par un organe unique de direction ». Le document, très complet, soumet un certain nombre de conclusions tendant à prouver qu’un travail intense de réflexion a été mené dès les premiers temps de la guerre d’Algérie, afin de résoudre les difficultés rencontrées. Cahier de la recherche doctrinale

L’emploi des forces terrestres dans les missions de stabilisation en Algérie

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Chronologie 1956-1957

8/3/1956 Indépendance du Maroc. 1/2/1956 Robert Lacoste succède à Jacques Soustelle comme Gouverneur Général de l’Algérie. 24/2/1956 Création de l'Union Générale des Travailleurs Algériens (U.G.T.A) 4/1956 Le 2e Congrès de l'UGEMA à Paris décide le ralliement au F.L.N. 22/4/1956 Ferhat ABBAS, Ahmed Francis, responsables de l’U.D.M.A.

"Ahmed Tawfik Al-Madani, responsable de l'A.U.M.A, rejoignent l'Egypte où ils proclament publiquement, devant la presse mondiale, leur ralliement au F.L.N.- A.L.N. 19/5/1956 Grève générale illimitée des cours. L’UGEMA invite les étudiants algériens à l'intérieur et à l'extérieur de l'Algérie à rejoindre le maquis. 20/8/1956

Réunion de certains responsables politico-militaires du F.L.N.-A.L.N. dans la vallée de la Soummam. Ce congrès a défini les structures politico-militaires de la révolution algérienne. En même temps, il a créé un Conseil National de la Révolution Algérienne (C.N.R.A.), organe législatif de la révolution, et un Comité de Coordination et d'Exécution (C.C.E.), organe exécutif du C.N.R.A., enfin le découpage du territoire national en 5 wilayas et la structuration de l'A.L.N. sur toute l'Algérie, et adopte la plate-forme politique du F.L.N.

22/10/1956 Arraisonnement de l'avion de la délégation de l'extérieur du F.L.N. par l'armée française, transportant de Rabat vers Tunis (Ahmed Ben Bella, Mohamed Boudiaf, Hocine Ait-Ahmed, Mohamed Khider et Mustapha Lachraf).

28/1/- 3/2/1957 Grève générale de 8 jours qui est massivement observée par la population algérienne à l'occasion de la tenue de la session de l'ONU et pour informer l'opinion mondiale du caractère politique de la guerre de libération nationale. Cette grève a été suivie d'action militaire dans la capitale (ALGER) qui subit la loi spéciale des parachutistes français.

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Vu ces circonstances, le C.C.E. a été obligé de quitter le territoire national et de continuer sa mission en exil. 20-28/8/1957 Deuxième réunion du C.N.R.A. au Caire. Remaniement du C.C.E. dont l'effectif est porté de 5 à 14 membres, et les 5 responsables du F.L.N., prisonniers sont désignés membres du C.C.E. La primauté du politique sur le militaire et de l'intérieur sur l'extérieur est récusée.

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Le dernier quart d’heure

Nous sommes en 1957. Tandis que le socialiste Guy Mollet recommandait, à qui voulait l'entendre, son illustre trilogie « cessez-le-feu, élections, négociations », que le « dernier quart-d’heure » de Robert Lacoste - un autre syndiqué authentique - était garanti publiquement, et que le gouvernement de la Quatrième république méditait singulièrement le démembrement de la colonie, le pays continuait à vivre le mal de la répression. Il vivait au rythme des démonstrations aériennes, des provocations meurtrières, des ratissages, des arrestations massives, des assassinats, de la torture, de la guillotine et … autres compositions infernales des chantres de l’Algérie française. Les colonialistes n’ont négligé, ainsi, aucun moyen pour tenter d’étouffer la révolution algérienne. Dans ce contexte, les parachutistes de Massu - pourtant chargés de « rétablir l’ordre » - ont été les plus acharnés. Ils se sont transformés, très tôt, en d’ignobles tortionnaires du peuple, un peuple accusé seulement d’aimer sa liberté et décidé à la défendre chèrement. Les nombreuses offensives qu’ils organisaient chaque jour, visaient à frapper manifestement toute la population (combattante et civile sans distinction). Ils espéraient, par ces manœuvres bassement vengeresses, miner les rangs de l’armée de libération nationale et l'écarter de la masse qui l’entretenait.

Mais c’était sans compter avec la foi et le courage de ce peuple algérien qui n’était pas fait pour plier devant l’ennemi ! Structuré dans les rangs du FLN – dans les villes comme dans les campagnes – il résistait et continuait à animer les réseaux clandestins de la résistance et à soutenir l’action conjuguée des fidaiyînes et des moudjahidines. Il a été, dès le début, le support essentiel de ce glaive tranchant de la révolution qu’a été l’ALN. Ni les stratagèmes démoniaques de l’ennemi, ni le poids démesuré de ses troupes, ni même l’effrayant arsenal de l’OTAN, employé par cette « plus monstrueuse des armées coloniales du vingtième siècle », ne réussirent jamais à l’intimider ou à réfréner sa farouche détermination.

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CHAPITRE II

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Dans la détection des caches, les harkis étaient les plus redoutables dépisteurs, ceux que les moudjahidine entendaient arriver avec engoisse. comme eux les harkis connaissaient parfaitement le terrain

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Les moyens de lutte contre la révolution

L’installation dans le conflit (1956-1958) « Je serai satisfait lorsque nos troupes auront, grâce à leur nombre, repris l'initiative des opérations et que le rebelle, actuellement chasseur, sera redevenu normalement gibier », affirme en mars 1956 le Secrétaire d'Etat aux Forces armées au commandant de la 10è Région Militaire. Cette année Ià, en effet, marque une étape importante dans l'histoire opérationnelle des événements d'Algérie. Des décisions prises tant au niveau national qu'à l'échelon local militent dans le sens de la pleine installation de la France dans le conflit d'outre-Méditerranée. Cette prétention à l'adoption d'une attitude offensive répond pour partie aux divers aspects de la conjoncture politique internationale. Outre la session de l'O.N.U. devant s'ouvrir en novembre et l'internationalisation du conflit algérien, la crise de Suez, liée directement aux événements d'Algérie par le soutien fourni par l'Égypte de Nasser au F.L.N. et par l'envoi massif d'unités stationnées en Algérie, se solde par une atteinte durable à l'image de la France auprès des populations européenne et musulmane. Ce sont autant de facteurs - non exhaustifs - qui incitent les gouvernants nationaux à conduire une politique davantage belliciste.

Localement, l'année 1956 marque également un tournant pour la rébellion dans la mesure où elle couvre désormais l'ensemble du territoire algérien. La première forme de riposte, « émiettement passif» des forces armées françaises, donne de plus en plus la preuve d'une mauvaise adaptation. Il faut donc leur permettre de dépasser leur immobilisme et le doubler d'une capacité dynamique plus franche.

L'accroissement des effectifs. Les unités d'active Certes, le gouvernement n'attend pas si longtemps pour octroyer les troupes toujours réclamées par le commandement de la 10è Région Militaire. L'insuffisance quantitative des effectifs est dans un premier temps comblée par l'arrivée en Algérie d'unités "de l'extérieur". C'est ainsi que, de 58 000 hommes fin novembre 1954, leur nombre se porte à 100 000 en juin 1955 et à 186 000 en février 1956. Ces renforts sont composés d'unités aguerries revenant d'Indochine, comme les 3e régiment étranger d'infanterie, 13è demi-brigade de

63 légion étrangère, 1er bataillon étranger de parachutistes, ou encore régiment d'infanterie coloniale du Maroc débarquant à Oran en avril 1956. D'autres encore sont acheminées d'Allemagne ou de l'Est de la France, telles, par exemple, les 11è et 14e divisions d'infanterie (ayant, entre-temps, séjourné en Tunisie), les 2e et 4e divisions d'infanterie motorisées, la 5e division blindée ou la 7e division mécanique rapide, cette dernière faisant mouvement vers l'Algérie en avril 1956.

La volonté de parfaire l'étanchéité des frontières algériennes conduit également à un renforcement des effectifs à l'est et à l'ouest du territoire. La construction de barrages s'accompagne ainsi, en juin 1957, du transfert d'unités venant du Maroc (6e R.P.C., ler bataillon du 3e régiment (l'artillerie...) afin de surveiller le versant occidental algérien. A l'est, la 11è D.I. est articulée en groupements mobiles superposés au dispositif déjà mis en place de la 2e D.I.M. Elle opère donc entre les deux lignes parallèles. représentées par la frontière algéro-tunisienne et l'axe Bône-Tébessa. Ainsi, en juin 1957, 38 bataillons sont affectés à la défense (les limites ouest du territoire, 29 à celle de la frontière tunisienne, soit une couverture des 3 500 kilomètres formant la lisière du territoire algérien.

Les appelés Dès février 1955, le gouvernement Edgar Faure rappelle des disponibles pour servir en Algérie; d'autres le sont par la suite en 1956. Les appelés indigènes, quant à eux, participent aux opérations militaires dès les premiers moments de l'insurrection.

Toutefois, le gouvernement présidé par Guy Mollet affiche en 1956 sa volonté politique d'entrer de plein fouet dans la guerre. Cette démarche se réalise concrètement par l'adoption de la loi du 16 mars : l'Exécutif français se voit accorder des pouvoirs spéciaux pour régler les affaires en Algérie. C'est ainsi que le contingent de métropole y est transporté, dans la mesure où l'article 5 du texte précité autorise le gouvernement à prendre toutes les mesures qu'il juge nécessaires au maintien de l'ordre. Par la suite, les appelés sont maintenus au service au-delà de sa durée légale Les fractions 1954/1 à 1961/2 du contingent passeront en moyenne vingt-cinq mois sous les drapeaux.

Le plan "Marguerite'' prévoit un renfort « de 7 000 hommes (le groupe Français de souche instruits » en 10e Région Militaire pour le début du mois d'avril 1956. Or, la présence du contingent en Algérie peut poser quelque difficulté, résidant notamment dans «

64 une très nette différence de valeur (...) entre les différentes catégories d'unités » - c'est-à-dire celles composées de militaires d'active ou d'appelés. La conséquence en est une certaine spécialisation des unités dans les missions : « les meilleures chassent les bandes, les moins bonnes protègent les personnes et les biens ». Cela n'est pas, cependant, sans induire quelques inconvénients ; « des unités qui au contraire auraient besoin (l'action » sont entretenues « dans des missions statiques, souvent ingrates et peu formatrices »

Les forces supplétives La guerre d'Indochine apporte à l'année française certains enseignements. C'est ainsi que, parmi d'autres, il est répondu au principe selon lequel « les meilleures troupes de contre-guérilla sont à base d'autochtones, et que l'idée de développer des unités de supplétifs fait son chemin. En avril 1956, une circulaire du Ministre résidant en Algérie fixe les règles de création, d'organisation et d'armement des "harkas", dont la mission est « de participer activement aux opérations de maintien de l'ordre ». Leur implantation perdurera tout au long du conflit algérien, leur nombre passant par exemple de 1700 en novembre 1957 à 3000 en février 1958. Il est également possible d'y ajouter les "maghzen" (forces légères permanentes à la disposition des officiers des affaires algériennes) et les gardes d'autodéfense qui sont levées et équipées dans les villages pour y être utilisées en tant qu'éléments de protection locale. Les G.A.D. ne sont en principe pas rétribuées, au contraire des premières. Certains fellaghas retournés peuvent également faire partie d'unités régulières, telle la 5è compagnie du 3e R.P.C.

Les moyens supplémentaires L'accroissement des effectifs accompagnant l'intensification des combats implique également des moyens matériels supplémentaires. En ce sens, deux angles d'approche peuvent être dégagés : celui des matériels proprement dits et celui de la mise en place de barrages aux confins du territoire algérien.

Les matériels La supériorité tactique de l'hélicoptère étant affirmée, le nombre des appareils mis en service opérationnel s'accroît : 35 en août 1956, 67 fin novembre de la même année, 160 en juin 1957... L'utilisation de la troisième dimension ne se résume cependant pas aux actions de transport. L'Aviation légère de l'armée de terre et l'Armée de l'air participent efficacement au soutien tactique des unités au sol. En premier lieu, ses missions

65 d'observation sont menées au profit des troupes en progression ou au combat. Les aéronefs ont aussi une vocation offensive par le mitraillage et le bombardement d'unités rebelles. La configuration du terrain altérant l'efficacité des bombes ou autres roquettes, l'utilisation du napalm - dénommé "bidons spéciaux" - est officiellement autorisée en mai 1957.

Les combats au sol entraînent de nouveaux besoins. Des matériels français relèvent à partir de 1957 les véhicules d'origine américaine à leur limite d'usure dans certaines unités : camionnettes Renault, camion Simca tout-terrain, Citroên ou Simca¬Ford de cinq tonnes... L'E.B.R. tend à se substituer à l'automitrailleuse. Dès 1956, les armements anciens, tels les fusils de 8 mm ou les pistolets-mitrailleurs MAS 38, sont remplacés progressivement par des équipements individuels plus récents. Dans le même ordre d'idée, certaines unités spécialisées dans le combat de nuit sont dotées de carabines équipées d'un dispositif infrarouge en avril 1958.

La volonté de rendement individuel accru se traduit également par une réorganisation à l'échelon divisionnaire, telle celle de la 7e D.M.R., « conçue [à l'origine] pour manœuvrer sur les vastes espaces d'un théâtre occidental contre un adversaire puissamment motorisé et blindé». il est donc bien tenté de répondre le mieux possible à des troupes rebelles disposant encore et toujours d'une « infrastructure politique et logistique puissante, dispersée et tentaculaire, animant des bandes à faible effectif dont la qualité majeure est la fluidité ».

La nouvelle ligne Maginot Très tôt, la Tunisie et le Maroc jouent un rôle important dans l'aide à la rébellion algérienne. C'est ainsi que des caravanes d'armement sont chargées d'approvisionner les "katibas" combattant à l'intérieur. De même, les recrues que fait le F.L.N. en Algérie sont acheminées en convois aux frontières extérieures, instruites dans des camps d'entraînement, et reviennent affronter les forces de l'ordre dans les djebels.

L'Etat-major vise par conséquent à imperméabiliser ces frontières de toute infiltration, de façon à isoler la rébellion. Le mouvement insurrectionnel devrait alors subir une suffocation progressive.

Confier un tel objectif à la sagacité humaine uniquement relève de la gageure : la frontière marocaine est longue de 1350 km et celle de l'Est a un tracé de 1140 km. Leur

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étanchéité passe donc par la construction d'obstacles "en dur". Après un premier essai réalisé sous la forme d'un réseau électrifié aux confins algéro-marocains courant 1956, le commandement décide en 1957 l'édification de deux barrages aux limites est et ouest de l'Algérie, sans cesse perfectionnés jusqu'en 1960. Il ne s'agit pas à proprement parler de véritables "lignes Maginot", mais de réseaux de barbelés et de lignes électrifiées dont la majeure partie est posée fin septembre 1957. Des zones interdites s'étendent entre la frontière et le barrage ; des batteries de radars COTAL - pouvant détecter un homme isolé à 15 km et un groupe à 40 - équipent les deux limites septentrionales du territoire fin mai 19579. En certains endroits, radars et canons sont couplés de manière à opposer à toute franchissement des feux d'artillerie meurtriers, sinon dissuasifs. Cette recherche d'impénétrabilité est enfin renforcée par la pose de mines; fin avril 1958, 913 000 de ces engins sont enterrés à la frontière est, 420 000 à celle de l'ouest, et 409 000 dans les monts des Ksours.

L'ampleur matérielle et technique d'un tel dispositif n'affranchit cependant pas de toute présence humaine. L'intégrité des frontières repose sur une combinaison d'instruments à vocation dissuasive, de détection et d'alarme, et de moyens en effectifs considérables, puisque 80 000 soldats y sont postés. Ainsi des patrouilles circulent- elles tout au long de la piste qui jouxte la barrière, chargées de prévenir a priori tout passage rebelle. Les troupes du F.L.N., lorsqu'elles parviennent à franchir ces "no man's land" - et cela leur deviendra graduellement ardu -, sont pourchassées à l'intérieur du territoire par les unités de secteur. D'autres unités, dites "de chasse libre" et composées de parachutistes ou de légionnaires, ont pour mission d'intercepter « les groupes rebelles importants et suivis par les troupes de secteur ». Enfin, dans le sud algérien, le système de protection consiste quant à lui en « des ouvrages fortifiés, des aérodromes, des pistes et des bases opérationnelles. ».

La croisée des chemins Le développement spectaculaire du F.L.N. pendant les deux premières années des "événements" pose le problème de l'adaptation de la réponse des responsables politiques et militaires de la France pendant cette phase cruciale du conflit alors que dans le même temps la nature politique et subversive de ce mouvement de rébellion se modifie et se précise doctrinalement. Le F.L.N. tente, en effet deux ans après le début de la rébellion, lors du congrès de la Soummam du 20 août 1956, d’adapter les leçons de la guerre révolutionnaire au théâtre algérien et de théoriser son action. Le combat en Algérie sera avant tout politique

67 et propagandiste tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, notamment grâce à l'appui des nationalistes arabes de l'Egypte de Nasser ou de la Tunisie de Bourguiba.

Sur le terrain des combats, la réussite initiale du F.L.N. semble plus tenir de l'inadaptation des méthodes employées contre lui que de sa capacité réelle à affronter l'armée française. Le prestige des combattants rebelles doit beaucoup à la comparaison entre la disproportion des effectifs rebelles et ceux des forces de l'ordre. Ainsi, de 57000 hommes au moment de la nuit de la Toussaint, les forces françaises passent à 73500 au 1er janvier 1955, puis un an plus tard, à 180000. Pendant cette période, les pertes des forces de l'ordre s'élèvent en 1954 à 29 tués et 62 blessés pour 76 tués et 254 prisonniers chez le F.L.N. En 1955, les pertes françaises se montent à 347 tués et 1374 blessés contre 2820 tués et 1814 prisonniers adverses. Même si les pertes des rebelles s'ont comparativement plus lourdes, leur faible ampleur permet au F.L.N. de grossir ses rangs et corollairement d'augmenter sa présence militaire dans le bled. Cette influence croissante des fellagha, dont l'attitude guerrière contraste souvent avec le débraillé de certaines unités de rappelés, concourt à renforcer l'image d'une France impuissante à résoudre les problèmes causés par cette guérilla.

La montée en puissance du F.L.N. permet le tournant historique du 20 août 1955 où, dans une quarantaine de localités du Constantinois, des manifestations voulues délibérément sanglantes par les rebelles, se produisent. L'étendue de ce mouvement et son assise populaire constituent un avertissement sérieux. L'Algérie vient de basculer dans un autre type de conflit qui à terme deviendra guerre civile. Cependant l'Armée française peut utiliser désormais son expérience indochinoise tempérée par une meilleure connaissance de la spécificité algérienne et mener un combat de contre- guérilla contre un ennemi dont les caractéristiques idéologiques et militaires correspondent en grande partie à la conceptualisation qu'en a fait le Commandement à la genèse du conflit. Le développement idéologique du F.L.N., l'accroissement de son assise populaire et l'adoption plus délibérée des méthodes de la guerre subversive par les rebelles gomment dans les faits, peu à peu, le décalage entre les mesures initiales prises par l'armée française et la réalité première du F.L.N. Le conflit entre désormais dans une phase classique d'une guerre de libération nationale sous l'égide d'un mouvement totalitaire dont le but est de gagner le soutien populaire de gré ou de force.

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Le règlement T.T.A. 123 bis, consacré aux opérations de contre-guérilla dans le cadre du maintien de l'ordre en A.F.N., approuvé le 24 août 1956, démontre l'approfondissement de l'analyse de l'adversaire : « L'action rebelle est à la fois moderne et traditionnelle. Moderne, le processus de la rébellion fellagha l'est à coup sûr. C'est l'application intégrale de la technique marxiste de la guerre révolutionnaire. Traditionaliste, le fellagha ne l'est pas moins. Il suffit de citer : L'appel à la guerre sainte... la façon 'fugitive" de combattre des rebelles, restés fidèles à la tradition ancestrale du guerrier arabe, l'égorgement rituel fréquent de l'adversaire, le système tribal destiné à rendre la justice et à percevoir les impôts que les chefs fellagha mettent en place dans les régions contrôlées par leurs bandes». Le vocabulaire de la guerre révolutionnaire est totalement absent dans ce texte. Les schémas tactiques sont d'une extrême simplicité. La référence à la "guerre sainte" tente de rattacher le combat du F.L.N. à la traditionnelle et emblématique lutte entre le monde musulman et le monde chrétien. Parallèlement, le F.L.N. se définit lui-même comme un organisme politique fonctionnant "sous les règles du centralisme démocratique" comme tous les partis d'inspiration communiste. Il s'arroge le droit d'être le seul représentant légitime du peuple algérien et il s'est fixé lui-même la charge de mener après l'indépendance algérienne, le peuple sur le chemin de la Révolution.

(Service Historique de l’Armée de terre, République Française 1992) extraits

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Des bureaux Indigènes aux SAS

La création des SAS résulte d’un constat d’échec exprimé dans le Guide de l'Officier des Affaires Algériennes : « la rébellion n'aurait sans doute pas éclaté, ou aurait été promptement réduite, si elle n’avait trouvé un terrain préparé par certaines insuffisances de notre part. - Sous-équipement de certaines régions rurales (en chemins de pénétration, travaux d'hydraulique, écoles, logements, etc.) ; - Sous administration des mêmes régions [...] - Perte du contact [...) - Méconnaissance de données concrètes à l’évolution des esprits en milieu musulman » Pour remédier à toutes ces déficiences, le Gouvernement décide de créer un corps spécifique chargé de « rétablir l'ordre et la paix non pas contre la population musulmane, mais pour elle et avec elle »... Le 26 septembre 1955 est ainsi créé le Service des Affaires Algériennes par Jacques Soustelle. Le nouveau gouverneur général de l’Algérie nommé Pierre Mendes France le 26 janvier de la même année. Il venait de prendre conscience lors d’une tournée dans les Aurès, la Kabylie et l’Algérois de la sous-administration de l’Algérie et le manque de connaissances du terrain, indispensables à toute opération militaire. Il confie au général Parlange le soin de mettre en place une mission pilote dans les Aurès pour résoudre ces problèmes. Dans son rapport du 22 juillet 1955. Le général confie que « la conquête matérielle doit s‘accompagner de la conquête des âmes. Malheur aux maîtres de l’Afrique qui ne le comprendront pas ! - L'historien Stéphane Gsell, en rappelant cette vérité, nous trace le programme à définir et à réaliser pour remédier aux différentes causes du malaise qui nous préoccupe actuellement. Pour conquérir les âmes, il faut d’abord multiplier les contacts avec les populations.Il faut parler un langage simple et dépouillé et il faut parler le même langage. C'est à dire qu'on ne doit plus voir deux administrateurs seulement pour contrôler un territoire de 70 000 habitants comme l’Aurès, sous équipé, cloisonné par le relief, déchiré par les luttes des soff, travaillé par les propagandes anti-françaises ». L’histoire des SAS commence

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Pourtant, les SAS ne sont pas une invention du milieu du XXe siècle. Elles sont les héritières des Bureaux Arabes créés en avril 1833 par le général. Trèzel, et confiés au général Lamoriciére. Ces Bureaux avaient pour mission de rester en liaison avec la population indigène, de contrôler les tribus, tout en menant un travail de police, d'inspection, judiciaire et administratif. Elles sont aussi héritières des Affaires Algériennes du Maroc issues du service de renseignement de l'Etat Major du corps de débarquement de Casablanca en 1907. Le lieutenant d'Andoque ne se trompe pas lorsqu’il écrit que les SAS étaient «le royaume des Marocains, des officiers supérieurs des affaires indigènes appelés au secours dès le soulèvement par une administration désemparée. Ils avaient fondé les AA dans l'esprit de leurs corps : les spécialistes de l'Islam populaire descendaient de Lyautey ». Elles se voulaient « un corps d'officiers qui n’avaient d'équivalent nulle part parce qu'ils s’étaient fixé la mission extravagante de faire connaissance avec la civilisation du peuple chez qui ils vivaient. Les officiers des AAl parlaient les langues du Maroc, avaient appris soit histoire, celle de ses tribus, leurs coutumes, leurs croyances, leurs réflexes ». L'héritage de ces 120 années d'expérience se manifeste de manière frappante dans l'insigne adopté par les SAS. Ce dernier est en effet composé du Khendjar syrien, de la croix du sud et de la koumia. Les SAS se réclament donc du savoir-faire des troupes du Levant, des affaires sahariennes, des Affaires Indigènes mais aussi des Goums.

Composition d’une SAS.

L’arrêté du 26 septembre 1955 portant création des SAS explique en son article 4 les missions des officiers SAS : « ils sont destinés à assurer toutes missions d'encadrement et de renforcement des personnels des unités administratives et des collectivités locales. Ils peuvent, à cet effet, se voir investis des Jonctions identiques à celles normalement exercées par les administrateurs des services civils ».Les officiers SAS disposent donc de pouvoirs militaires, mais aussi civils. Le décret du 8 juillet 1957 leur confère «la qualité d'officier de police judiciaire ». Cette dernière attribution n’est pas générale, mais dévolue aux officiers choisis par décision individuelle, après avis du procureur général. D'un point de vue institutionnel, la SAS se compose :

- D’un officier, chef de la SAS - D'un adjoint (en généra!, un sous-officier, ou un civil contractuel)

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- De trois « attachés des Affaires Algériennes » (civils contractuels) Un secrétaire comptable Un secrétaire interprète Un radio. Parfois, si les conditions de vie et de sécurité le permettent, d'une ou plusieurs auxiliaires féminines du Service des Affaires Algériennes, provenant des personnels féminins de 1'Armée et chargées de l’action sociale auprès des familles musulmanes de la circonscription d’un détachement de protection appelé « Makhzen » recruté par les soins du chef de la SAS, dont l’effectif varie de 30 à 50 hommes d'origine européenne ou musulmane. La réalité du terrain est bien différente de la théorie.... Et les officiers SAS doivent parfois recruter eux-mêmes leur personnel, comme en témoigne le capitaine Cunibile, chef de la SAS à Maginot entre 1956 et 1957 : «la SAS n’a pas de secrétaire, pas de dactylo, des locaux dans une ferme vétuste. Je recrute par voie de presse un Européen et sa femme pour le travail de secrétaire et dactylo » pour le capitaine Leussier, le recrutement des personnels civils est douteux, «j’ai bénéficié d'un repris de justice et d'un sympathisant FLN ». Les SAS sont confiées à des militaires, pourquoi ? Cette question peut paraître anodine, mais ne l'est pas. Pourquoi en effet, choisir des militaires créer des écoles ? Pour gérer des mairies ? Des professionnels de l’administration ne seraient-ils plus aptes ? Pourquoi des militaires pour renouer le contact avec les populations ? Des spécialistes de la communication ne seraient-ils pas plus expérimentés ? La vision d’un uniforme, d'armes, peut constituer un obstacle à ce dialogue. Pourquoi en effet, choisir des militaires qui « sont venus à ce Service sans formation préalable, certains « [ayant] été jetés, à leur corps défendant dans un monde nouveau dont ils ont tout à apprendre ».plusieurs facteurs expliquent ce choix :

. Le sens des responsabilité, la faculté d'adaptation, l'esprit d’initiative propres aux officiera de 1’armée française. Afrique. Maghreb, Indochine... Les troupes coloniales ont un passé et une tradition d’ouverture vers les populations, un savoir-faire, une expérience transmise sans réel programme. . La mission particulière de la pacification, qui implique le maintien de l’ordre, et donc, des connaissances tactiques militaires. La disponibilité des armées : 1’armée a constitué un corps de volontaires sur ordre. « Par suite de l'effectif insuffisant du Corps des Administrateurs des services civils de l’Algérie

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(chargés des communes mixtes) et des difficultés éprouvées pour recruter rapidement du personnel civil d'autorité, il est fait appel à l’armée ». Extraits de « Cahier de la recherche Doctrinale » Ministère Français de la Défense Les sections administratives spécialisée en Algérie : un outil pour la stabilisation

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Les missions militaires des SAS :

Maintenir l’ordre : La deuxième mission militaire essentielle des SAS touche au maintien de l’ordre. Certes, on sait que la terminologie employée à l'époque désigne le conflit dans son ensemble comme une succession d'opérations de maintien de l’ordre. Sur le terrain, ce maintien de l’ordre est confié aux unités qui quadrillent le territoire. Les SAS participent à cette mission. Cependant, de par l’originalité de leurs instructions, ce que l’on qualifie d’opération de police prend avec eux une autre tournure, où les aspects militaires le cèdent souvent aux nécessités civiles. Pourtant, les SAS ont une mission militaire non négligeable. Le délégué du gouvernement Delouvrier la précise en septembre 1959 : « Contrairement à ce qu’on pourrait penser, avec les progrès de la pacification, la mission militaire des SAS s’accroît en ce sens qu’au fur et mesure que la pacification s'étendra, il deviendra de plus en plus nécessaire de remplacer l'actuel quadrillage militaire par un autre, celui des SAS. ». Cela explique la multiplication des SAS dans le cours du premier semestre 1959. Immédiatement après le début du plan Challe, les créations de SAS se succèdent : dès qu’une zone apparaît libérée de la rébellion, une SAS s’installe tandis que la plupart des unités combattantes s’éloignent vers les espaces dont il faut s’assurer du contrôle. Cette progression repousse le FLN aux franges, tandis que les SAS essaient d’assurer la présence durable de la France dans les douars. La figure de l’officier symbolise encore la réalité militaire du conflit : le chef de SAS a aussi vocation à maintenir la paix.

Les moyens militaires

Ici, il ne sera fait mention que des moyens militaires destinés à renforcer l'action du chef de SAS au sein de son territoire. Nous aborderons dans le point prochain la question des troupes supplétives et du maghzen.

Le plan Challe met en place des quartiers de pacification, où sont affectés des bataillons de pacification. Ces quartiers intègrent les SAS dans leur dispositif. Certains officiers SAS deviennent même commandants de quartier, c’est-à-dire qu’ils cumulent les

74 responsabilités â la fois militaires et civiles. Le cas est cependant rare. D’une façon générale, l’officier SAS ressortit à un commandant de quartier, trouve généralement à peu de distance le soutien d’une troupe (souvent de l’effectif d’une compagnie). Mais parfois, dans le cas que l’on nomme les SAS renforcées, l'autonomie de l’officier est plus grande, ce qui lui permet de contrôler et quadriller son territoire. La situation nécessite d’ailleurs une présence militaire. Le capitaine Leussier raconte qu’un poste tenu par le 139e régiment d’infanterie fut saisi par les rebelles, lesquels enlevèrent quelques déserteurs musulmans et égorgèrent huit appelés. Dans la nuit du 28 au 29 juillet 1961, dans le secteur d’Orléansville, un chef SAS est assassiné avec plusieurs de ses hommes. Le rapport qui est fait sur cette affaire précise : «Ce poste isolé était implanté depuis le printemps 1960 dans le douar Ouled Ziad. La population n’avait pas jusqu’à présent fait preuve d'activités pro-FLN et semblait tranquille. Le poste aux ordres d’un SLT SAS comprenait un détachement de sauvegarde de 3 dragons (fournis par le poste militaire voisin du 1e escadron du 25erégiment de dragons) et une garnison de 14 moghzanis. Il dépendait de la SAS de Malakoff, Il semble que le bordj soit tombé après une trahison interne.» La composition des bataillons de secteurs est à la charge de l’autorité militaire. La réorganisation du commandement territorial est permise après les premiers succès emportés.

D’une façon générale, un bataillon de secteur se compose :

- D'un état-major de secteur avec une compagnie de commandement - De deux à trois compagnies de support destinées à soutenir les SAS du secteur - D’un commando de secteur à 4 sections de combat

À Mascara, le bataillon de secteur (156e bataillon d’infanterie) dispose de deux compagnies pour cinq SAS. A Palikao, le I/62e RA doit confier à sa 1ère compagnie le soutien des trois SAS autour de Dombasle, tandis que la2e compagnie appuie les deux SAS du secteur d’El Bordj. À Mostaganem. Chaque compagnie du 11/93e RI supporte trois SAS (Bled Touria et Tedeles). Il s'agit de compagnies renforcées. Les tableaux des effectifs et des dotations précisent par exemple que la CSQP, du 1/62e RA chargée des SAS de Dombasle est à 4 officiers subalternes, 31 sous-officiers et 123 soldats. Au sein de ce dispositif, le commandement ajoute des commandos de secteurs, dont le rôle est de « faire la chasse » aux rebelles. Formés de ralliés, parfois d’anciens fellaghas, ou de harkis, ces commandos s’illustrent par leur méthode souvent expéditive. Leur recrutement est

75 parfois lié au succès local d’un chef de SAS. Le capitaine Cunibile obtient ainsi le ralliement du«colonel » Si Chérif ancien sergent- chef déserteur de l'année française, en juillet 1957. L’année suivante, réarmée et reformée, sa bande « fera des dégâts considérables dans le FLN »

La mission confiée aux SAS

D’une façon générale, la plupart des officiers SAS interrogés évoquent surtout leurs activités sociales, administratives ou politiques. Il existe une volonté de se démarquer de leurs camarades qui combattaient dans le djebel ; ce n’est pas là un effort de distinction entre les uns et les autres, mais deux façons de mener un même combat.

Leur tâche essentielle reste du domaine du renseignement mais on leur permet une mission de police rurale et de surveillance du bon ordre civil » par ailleurs, « le chef de secteur peut requérir un magzhen, sans toutefois que soit compromise la défense de la SAS. La responsabilité confiée aux SAS est une tentative qui tend très vite se généraliser. Le général Massu constate ainsi : Certains officiers SAS se sont vus en outre confier la responsabilité entière du maintien de l'ordre sur les territoires des communes dépendant de leur autorité. Cette initiative encore exceptionnelle correspond parfaitement aux désirs du commandement qui étudié l'extension de pareilles mesures à toutes les communes débarrassées du banditisme terroriste.” Ces tâches sont plus proches du travail de police, y compris des meurs, que de la répression militaire, bien que le danger soit toujours présent.

Une note du général Pasteur vise à développer et encourager les SAS renforcées dans ce cadre. Ces SAS comprennent toujours une équipe administrative, une équipe de renseignement ainsi que quatre sections de maintien de l’ordre. Cela appartient à la volonté de Challe de constituer avec le quartier de pacification une cellule de base de l’organisation militaire, s'étendant sous la forme d'un canevas continu jusqu'à occuper tout le territoire. Le rôle essentiel est le contrôle du secteur qu’il soit rural ou urbain. Le général de Fouquault, commandant la 12e division d’infanterie, articule le secteur autour de Tlemcen en donnant aux trois SAS et à la SAU (section administrative urbaine) qui la composent le rôle « de plus petite unité militaire » coiffée et soutenue par des unités renforcées qui peuvent leur apporter un soutien rapide. Le maillage confié aux SAS précise que la sécurité de Tlemcen « repose sur le contrôle étroit de la ville et de ses abords mais aussi sur la maîtrise de la ceinture (agricole) qui l'entoure »...

76 La pratique essentielle reste les patrouilles. D’Andoque y attache beaucoup d’importance : « Il ne servait à rien d’être maîtres du jour si nous ne l'étions aussi de la nuit. (...) Comment aurions nous pu prétendre vaincre si nous leur [au FLNJ avions abandonné ces heures entre le coucher et le lever du soleil pendant lesquelles ils auraient défait tout ce que nous aurions fait du lever du soleil à son coucher ? »Les embuscades se multiplient, et les résultats sont assez satisfaisants, comme en témoigne la notice d'information du 1/12eRAAMA. Entre le 25 décembre 1959 et le 25 décembre I960, le bataillon saisit 11 pistolets-mitrailleurs, IS fusils de guerre, 47 fusils de chasse, 15 revolvers. 20 pistolets automatiques. Dans le même temps, le bataillon tue 47 « fells », en capture 161, et en rallie 2. En fait de maintien de l’ordre, les SAS jouent surtout sur leur contact avec la population. La présence d’unités pour les appuyer sert à la fois de dissuasion et de renfort dans les tâches du quotidien. D’Andoque se rappelle avec humour les artilleurs anti-aériens qui s’ennuyaient à mourir dans leurs cantonnements, ne retrouvant leur gaieté que lorsque le chef de la SAS les convie â œuvrer pour le bien commun en creusant un puits ou en prenant la pioche du bâtisseur… Les SAS et le bon emploi des troupes supplétives :

Se protéger : du bon emploi des troupes supplétives :

Dura les pays où elle a exercé sa souveraineté, la France a engagé dans ses armées, comme soldats de métier, conscrits ou supplétifs, des ressortissants des populations locales. ». Dès le début de la conquête de l'Algérie, on trouve aux côtés des soldats français des unités de zouaves (créées en octobre 1830), et à partir de 1834 sont organisées les premières unités de spahis. Dans les années 1840 sont formés les régiments de tirailleurs dont le modèle s'exporte au fur et à mesure des conquêtes coloniales (en Afrique noire et en Indochine). .Avec l'institution de la conscription en Algérie en 1912, l'effort militaire demandé aux populations indigènes s'accentue. Les deux conflits mondiaux de 1914- 1918 et 1939- 1945, où les troupes coloniales s'illustrent, se traduisent par des pertes très lourdes." Quand éclate le conflit en 1954, près de 37 000 musulmans servent dans 1’armée française, au sein des régiments de tirailleurs, de spahis ou dans les compagnies méharistes. Ces troupes apparaissent dans une large part attentistes. Il existe certains cas de désertion, surtout quand il s'avère que le FLN soumet les familles à des représailles, mais dans l'ensemble, selon les commandants d'unités et la confiance accordée à ces Français de souche nord-africaine (FSNA), ils servent avec honneur.

77 Aux côtés de ces troupes régulières, le gouvernement décide d’augmenter le recrutement de supplétifs parmi les anciens combattants et militaires. C’est le sens de la directive du gouverneur général qui décide, à partir de la fin 1954, de la mise en place de 34 groupes mobiles de protection rurale rebaptisés Groupes mobiles de sécurité (GMS) en mars 1958. Le but de ces GMS est de veiller au maintien de l’ordre. Mais d’autres unités apparaissent bien vite. Dans les villages se constituent des groupes d’autodéfense (GAD) généralement spontanés et destinés à la sécurité rapprochée. Bientôt, avec l’essor des SAS, naissent les magzhzen, qui veillent essentiellement à la protection de la SAS. Selon la situation de cette dernière, le maghzenest plus ou moins important, comprenant en moyenne entre 20et 50combattants. Le capitaine Guy Vincent dispose ainsi de 40 combattants dont une douzaine à cheval dans la SAS de Magenta. Le commissaire de l’Air G.Jourden n’en a que 25à Loudalounze (arrondissement de Cherchell) tandis que le capitaine Leussier commande 150moghzanisà Mekla... La montée en puissance des maghzen est attestée puisqu’à la fin 1957,près de 16000moghzanisassurent la sécurité des 606SAS. Certains chefs de SAS recrutent aussi des harkas, c’est-à-dire des troupes mobiles. Leur existence est officialisée en février 1956, initialement destinées à des opérations déterminées, ces harkas prennent un rôle croissant et deviennent un maillon essentiel de la lutte contre l’ALN.

Recrutement et avantages des maghzen et harkas

Pour comprendre le rôle des troupes supplétives, il est important de revenir sur les motivations qui entraînent les FSNA à adhérer à un camp ou à un autre au cours du conflit : Une adhésion idéologique : cette adhésion concerne autant les combattants moudjahid que certains éléments engagés dans l’armée française. D’un côté, on trouve un intérêt pour les idées d’indépendance, tandis que les autres restent attachés au drapeau qu’ils ont servi sur les champs de bataille français. - Les circonstances : il s’agit là de la raison principale. Certains des chefs de l’ALN sont d'anciens sous-officiers de 1’armée française qui l’ont quittée suite â des difficultés personnelles. D'autres rejoignent les harkas pour échapper aux exactions du FLN. La plupart semble guidé par des motivations plus prosaïques : la pauvreté,l'espoir d'accéder à une promotion sociale, les rivalités de clans et de familles, et le goût des armes à feu peuvent décider de l’engagement.

78 Dans un premier temps surgissent les groupes d’autodéfense « qui, pour se protéger des exactions rebelles, demandèrent quelques armes individuelles permettant aux hommes d'assurer eux-mêmes leur sécurité de façon travailler et vivre en paix (...) capables d'attaquer et de pourchasser vigoureusement les rebelles et de défendre leurs familles et leurs biens »avec les multiplications des SAS, ces GAD ont tendance à se transformer en maghzen destinés à, assurer la sécurité de la SAS et des déplacements de son chef.

Les premiers chefs de SAS ont la tâche de recruter leur maghzen. Nicolas d’Andoque qui hérite « d’une unité de bonne qualité, solide et efficace » ne perd pas un temps précieux à se « renseigner longuement et soigneusement sur les antécédents et les familles des nouvelles recrues ». Pourtant un tel travail de renseignement est essentiel pour assurer le succès de la SAS :

« Recrutés dans la population parmi laquelle son chef devait évoluer, les mokhaznis pouvaient lui être d’un grand secours, comme ils pouvaient le desservir et entraver son action

[...] Le recrutement d'un mokhazni devait principalement éviter d'éveiller les Jalousies d'éventuels candidats qui s’estimeraient repoussés et travailleraient dès lors contre le recruteur Issus de la population, ils constituaient les liens très sûrs entre celle-ci et le chef de la SAS. Ils étaient les intermédiaires multiples et permanents entre la misère et la France. ».

Les moghaznis sont engagés par des contrats renouvelables de 6 â 12 mois, ce qui leur assure une solde et de multiples avantages, non négligeables dans des régions souvent très pauvres. Ainsi, ils ont droit aux allocations familiales, â la sécurité sociale, â des congés annuels, à un logement prioritaire, â des indemnités de déplacement... Cependant, bien qu'ils soient vêtus de treillis et coiffés d'un calot rouge, ils n'appartiennent pas à 1’armée directement puisque leur solde est versée par le ministère de l'Algérie. Pour l'anecdote, ils n'ont pas droit aux cigarettes de troupe ni â la franchise militaire pour leurs envois postaux.

79 Missions et valeur militaire

Bien que dans un premier temps, ces groupes de supplétifs aient essentiellement une vocation défensive, ils trouvent selon la personnalité de leur commandant d'autres rôles plus opérationnels. Certains deviennent de vrais groupes de combat. Le lieutenant Bienfait, chef de la SAS de Harraza, témoigne ainsi de l'efficacité de son maghzen de 50 combattants : « Trois d’entre eux seront tués au combat, onze seront blessés et dix-huit citations leur seront attribuées. » La politique des grands chefs militaires oscille d'ailleurs entre ces deux pôles. Faut-il ou non faire confiance aux troupes supplétives dans des actions opérationnelles ? A partir de la fin 1957, des tentatives timides sont faites d'opérations intégrant à la fois des unités d’active avec à leur côté, des harkas et des maghzen. C'est le cas dans les Aurés où des opérations de ratissage éliminent une bonne partie des rebelles présents. Fin 1958, une note de service ordonne d’ « intégrer les harkas dans des unités régulières pour la lutte contre les bandes et l'O.PA, ou en commandos légers dans des actions indépendantes mais éviter de leur confier des missions statiques ou d’autodéfense dans lesquelles elles .sont plus vulnérables à la pression rebelle (...). Le recrutement local doit porter sur des éléments sûrs, notamment ceux qui ont été victimes d’exaction rebelle dont la famille est facilement contrôlable. »

Cependant, à l’échelon local, des difficultés existent entre les différentes autorités à l’œuvre : quand le chef de SAS est aussi chef de secteur, il n’y a aucun problème. Mais qu’il y ait dans sa zone un officier de corps de troupe, et les frictions peuvent naître de deux visions opposées. C’est ce que pense le général Gouraud, commandant la 27e DI A : « L’officier de corps de troupe peut trouver chez l'officier SAS un élément qui freine son action et qui lui parait orienté vers la protection de la population plus que vers la chasse aux rebelles. » Il est pourtant indubitable que les chefs de SAS concourent à la lutte contre le FLN et l’ALN. D’Andoque s’étend ainsi sur les patrouilles nocturnes, où les moghaznis affirment leur connaissance du terrain et des passages empruntés par les rebelles. Lorsqu’il prend la SAS de Pirette, en janvier 1957, le capitaine Charrié Marsaines mène une offensive contre les éléments infiltrés dans sa zone. En octobre 1958, il rédige un bilan opérationnel dans lequel il met en avant les réussites de sa SAS : plus de 200 sorties, 12 cellules détruites ou démantelées. 20 à 30 rebelles tués, 10 blessés certains. 44 prisonniers, 43 armes récupérées. Par leurs connaissances, les harkis servent aussi d'informateurs efficaces : ainsi, un document

80 d’août 1960 rapporte la capture de terroristes à Tébessa suite aux renseignements donnés par deux harkis démissionnaires qui avaient été approchés par des rebelles d’une bande spécialisée dans le terrorisme urbain. Cela ne va pas sans des pertes. Les officiers SAS sont la cible d’embuscades et d'attaques terroristes. Le danger est partout présent ; le capitaine Abolivier apprendra par la suite que lors d’une visite dans un douar, il est passé à quelques mètres d'un chef rebelle prêt à lui tirer dessus. Et dans certains wilayas, les buts de guerre portent clairement qu’il faut supprimer les chefs de SAS dont l’activité civile et militaire menace les succès de la rébellion. Avec l’arrivée de De Gaulle au pouvoir, et les premières négociations avec le FLN, la situation évolue. Les harkis sentent désormais que leur sort n’est plus assuré. L’attentisme de certains devient une franche hostilité à la France, tandis que les rapports sur le moral des troupes alertent les autorités sur l’augmentation de la désertion. C’est ce que pense le chef de la SAS de Wagram fin novembre 1961 « D'une manière générale, la population musulmane semble s'écarter de nous. Beaucoup voient la victoire du FLN et préfèrent pencher de son côté plutôt que de risquer d’être l’objet de représailles ultérieures On ne fait plus de confidences, et si l'on s'adresse à la SAS, ce n'est généralement que pour demander des secours.» D’Andoque remarque l'inquiétude qui croit chez ses hommes : « Le 16 février [1961], un moghazni du makhzen de Bir Bahir Chergui déserta avec son MAS 36. C’était la première fois qu'un fait pareil se produisait dans la SAS. Le sens était clair. Le moghazni n’avait pas voulu finir en holocauste à l'Algérie algérienne. Je me trouvai incapable de l'en blâmer. » Ce même état d'esprit se retrouve chez d'autres officiers SAS. Le capitaine Berthault regrette de ne pas avoir dit à ses hommes à son départ en septembre 1961 : « C’est fini, les gars ! Abandonnez ! Donnez des gages à la rébellion ! » Pour lutter contre la désertion, la seule réaction des autorités militaires tient à limiter l’armement des maghzen...". On sait ce qu’il adviendra au départ de l’armée, dans le second semestre 1962... En résumé, le recrutement,l’armement, la tenue et l’emploi des troupes supplétives visent à assurer à l’échelon local la défense par les habitants de leurs biens et de leurs familles. La présence des officiers SAS se traduit essentiellement par .encadrement dont ils font preuve. Confier à des autochtones leur propre défense permet de libérer des troupes supplémentaires pour de grandes opérations et responsabilise les habitants en leur donnant le sentiment d'être pleinement associé à la défense de leur terre. De plus, par la connaissance du terrain qu’ils possèdent, les actions qu’ils mènent sont souvent payantes, et se traduisent par la suppression

81 des bandes rebelles. Cela explique en partie que dès la fin du plan Challe, la mission des chefs de SAS évolue vers une dominante civile, le FLN ayant perdu l’essentiel de ses moyens militaires.

Extraits de « Cahier de la recherche Doctrinale » Ministère Français de la Défense Les sections administratives spécialisée en Algérie : un outil pour la stabilisation

82 (La SAS (Section administrative ،spécialisée

était dirigée par un officier assisté d١un adjoint Sous-officier; elle était pourvue de 3 - attachés des Affaires algériennes (un secrétaire comptable, un secrétaire interprète, un technicien de radio) et de quelques auxiliaires femmes si les conditions locales le permettent. Une trentaine de Mokhazni assuraient la surveillance autour de la SAS.

L’officier SAS dépendait, pour les affaires civiles, du Sous-préfet et avait des contacts permanents avec le chef de compagnie toute proche ou le chef du poste militaire pour toutes les affaires de sécurité et de travail psychologique. Le nombre des SAS est allé en augmentant: Gregor Mathias ’ qui a publié un livre en la matière donne le chiffre de 700 SAS à mai i960; le nombre était de 30 en septembre 1955. Cela confirme la volonté de quadrillage du pays et d'encadrement de la population.

A travers leur mission d'état civil, les SAS prenaient contact avec la population, notamment avec les anciens combattants, cherchaient le renseignement; les laissez-passer obligatoires qu'elles donnaient, les rations alimentaires qu'elles distribuaient, les soins qu'elles organisaient, tout cela constituait des moyens pour obtenir les renseignements nécessaires, pour diffuser la propagande de démoralisation organisée par l'Armée française et pour faire *voter» la population dans les mascarades électorales montées par les autorités coloniales pour faire croire à un changement avec la participation des Algériens. Les familles regroupées et coupées de leurs terres, sont placées dans une situation de dépendance vis-à-vis de la SAS pour survivre; par manque d’enseignants, leurs enfants reçoivent les cours des militaires détachés; les femmes musulmanes se voyaient encadrées par des adjointes sanitaires et sociales, auxiliaires mises à la disposition de certaines SAS (à mai i960 il y avait 300 cercles féminins au niveau des SAS). Evidemment, les familles algériennes n’étaient pas dupes devant ce «remue-ménage» intéressé ; elles ne demandaient qu’une chose : revenir à leurs terres.

٠A la page 87 et portant le n°1 H. 2032 donne le Le rapport signalé par Gregor Mathias chiffre de 1.500.ooo personnes regroupées et placées sous l’emprise des SAS.

Celles-ci ont organisé des groupes d’auto-défense d'une vingtaine de membres chacun (1198 groupes en décembre 1961) mais les désertions et les disparitions d’armes étaient nombreuses car l’idée de «mobilisation pour la France» était totalement absente.

83 Les SAS et les SAU à travers leurs relations permanentes avec l’Armée française, la DST (Direction de la surveillance du territoire), la police et l’administration constituaient en fait des outils précieux pour l’arsenal de répression utilisé par les autorités coloniales.

Extraits de La Révolution Algérienne

Du 1er Novembre 1954

Par : Dr Boualem Benhamouda

84 Le rôle des communes mixtes

… A partir de ce bâtiment situé, répétons-le, en plein centre ville de Tlemcen, « l’Administrateur » dirigeait un territoire très vaste qui regroupait toute la région de Sebdou, de Sebra et de !! Cela peut donner, à priori, une idée du fonctionnement de ce service trop éloigné des « administrés » et qui n’était pas destiné, on le devine aisément, à la satisfaction des besoins de ces populations !! Ce fonctionnaire donc, pour ceux qui n’ont pas connu « La haute mission civilisatrice de la France en Algérie », était doté de tous les pouvoirs et c’est ainsi qu’il était investi des fonctions de maire, de Juge et même de… Chef de la police !! Pour réussir sa « mission » il s’appuyait sur une escouade de « Cadres Indigènes » que l’on affublait du titre de Bachagha au burnous rouge, « d’Aghas » dotés de burnous bleus et enfin de « Caïds » qui eux n’avaient droit qu’à un burnous blanc ! Savante combinaison des réminiscences de la période ottomane en Algérie et de la « haute symbolique » du drapeau tricolore français ainsi réparti sur le dos de ces suppôts de l’Administration coloniale, haïs et vomis par la population locale qui souffrait de leur turpitude et de leur excès de zèle… Ils seront, d’ailleurs, les cibles prioritaires des maquisards qui n’hésitaient pas à abattre ces tyrans… Leurs seules « qualités », si toutefois ils en avaient une, étaient leur servilité au service de l’Administrateur (appelé par les Algériens « El Hakem » ) et surtout leur bestialité et leur férocité à l’encontre de leurs coreligionnaires en matière de brimades, d’impôts et de taxes qu’ils étaient chargés de prélever et de collecter. Ces vaillants agents du colonialisme, barbus et moustachus à souhait, arborant avec fierté et ostensiblement des décorations de l’armée d’occupation (des séries de médailles « méritées » pour services rendus à la mère patrie française) avaient bien sûr, à leur solde des agents d’exécution dénommés « Mokhaznis » qui parcouraient les campagnes à cheval… Ces cavaliers ont été, les ancêtres de ceux que l’on appelait pendant « les événements d’Algérie » les GMPR (Groupement Mobile de Police Rurale) appellation que les paysans ont déformée en « Jeanpierre »… Cette frange de la population a fourni, plus tard, l’essentiel des « Harkis », ces supplétifs qui ont renié leur patrie et qui ont pris fait et cause pour la France colonialiste ! Ces agents faisaient régner l’ordre colonial dans les douars et les dachras (Hameaux) par l’usage de la cravache et toutes sortes de brimades et d’injustice que devaient supporter les

85 populations livrées à leur triste sort : ne pas se tenir debout ou ne pas saluer l’une de ces « autorités » à son passage, ne pas crier à haute et intelligible voix « vive la France » et c’était une bastonnade gratuite, une humiliation de trop !! Ainsi, ce fameux Administrateur avait pour objectifs essentiels et prioritaires la liquidation et la récupération des terres aussi bien privées que celles sous le régime de « Arch » qu’il cédait ensuite aux colons européens par le biais des services des impôts… Une spoliation !! Chargé de la police aussi, l’Administrateur se devait, en toutes circonstances, faire la chasse aux éléments jugés subversifs, entendez par là les nationalistes, les syndicalistes s’il en existait encore, en un mot, tous ceux qui étaient taxés d’anti-français et ce, particulièrement à la veille de chaque échéance électorale… Et quelle farce que ces élections organisées par le système colonial !! Que ce soit pour les « Municipales » ou pour « l’Assemblée Algérienne » de l’époque peuplée surtout de « BENI OUI-OUI », support de l’ordre colonial, le trucage et le bourrage des urnes étaient de règle et les résultats connus d’avance, ce qui a fini par donner naissance à la fameuse expression « Elections à la Naegelen » !! Le renseignement était une tâche essentielle et vitale pour les services de répression. Aussi était-il devenu nécessaire, voire indispensable, impératif pour l’organisation FLN- ALN naissante de détruire le fichier de l’état civil.

86

L’attaque du siège de la commune mixte de Sebdou

Avant d’entamer l’écriture de ce chapitre, nous nous sommes déplacés sur certains sites comme l’ancienne base arrière du Commando à Sidi Otmane. L’émotion était à son comble à la vue de cette maison qui, tombée en ruines actuellement, a abrité durant des mois le Commando de Si Brahim et Si Salah chef du 2ème groupe des moudjahidines. Nous nous sommes rendus également à la rue Abdelmalek Ramdan (ex Rue Tedeschi). Dans cette rue de Tlemcen se trouvait le siège de cette fameuse commune mixte de Sebdou (par opposition à une commune de plein exercice dotée d’un exécutif comme par exemple Tlemcen, ville plus importante) : c’était une bâtisse complètement anonyme, mais visiblement retapée avec plus ou moins de bonheur par la personne qui a acheté ces lieux. A partir de ce bâtiment situé, répétons-le, en plein centre ville de Tlemcen , « l’Administrateur » dirigeait un territoire très vaste qui regroupait toute la région de Sebdou, de Sebra et de Remchi !! Cela peut donner, à priori, une idée du fonctionnement de ce service trop éloigné des « administrés » et qui n’était pas destiné, on le devine aisément, à la satisfaction des besoins de ces populations !! Ce fonctionnaire donc, pour ceux qui n’ont pas connu « La haute mission civilisatrice de la France en Algérie », était doté de tous les pouvoirs et c’est ainsi qu’il était investi des fonctions de maire, de Juge et même de… Chef de la police !! Pour réussir sa « mission » il s’appuyait sur une escouade de « Cadres Indigènes » que l’on affublait du titre de Bachagha au burnous rouge, « d’Aghas » dotés de burnous bleus et enfin de « Caïds » qui eux n’avaient droit qu’à un burnous blanc ! Savante combinaison des réminiscences de la période ottomane en Algérie et de la « haute symbolique » du drapeau tricolore français ainsi réparti sur le dos de ces suppôts de l’Administration coloniale, haïs et vomis par la population locale qui souffrait de leur turpitude et de leur excès de zèle… Ils seront, d’ailleurs, les cibles prioritaires des maquisards qui n’hésitaient pas à abattre ces tyrans… Leurs seules « qualités », si toutefois ils en avaient une, étaient leur servilité au service de l’Administrateur (appelé par les Algériens « El Hakem » ) et surtout leur bestialité et leur férocité à l’encontre de leurs coreligionnaires en matière de brimades, d’impôts et de

87 taxes qu’ils étaient chargés de prélever et de collecter. Ces vaillants agents du colonialisme, barbus et moustachus à souhait, arborant avec fierté et ostensiblement des décorations de l’armée d’occupation (des séries de médailles « méritées » pour services rendus à la mère patrie française) avaient bien sûr, à leur solde des agents d’exécution dénommés « Mokhaznis » qui parcouraient les campagnes à cheval… Ces cavaliers ont été, les ancêtres de ceux que l’on appelait pendant « les événements d’Algérie » les GMPR (Groupement Mobile de Police Rurale) appellation que les paysans ont déformée en « Jeanpierre »… Cette frange de la population a fourni, plus tard, l’essentiel des « Harkis », ces supplétifs qui ont renié leur patrie et qui ont pris fait et cause pour la France colonialiste ! Ces agents faisaient régner l’ordre colonial dans les douars et les dachras (Hameaux) par l’usage de la cravache et toutes sortes de brimades et d’injustice que devaient supporter les populations livrées à leur triste sort : ne pas se tenir debout ou ne pas saluer l’une de ces « autorités » à son passage, ne pas crier à haute et intelligible voix « vive la France » et c’était une bastonnade gratuite, une humiliation de trop !! Ainsi, ce fameux Administrateur avait pour objectifs essentiels et prioritaires la liquidation et la récupération des terres aussi bien privées que celles sous le régime de « Arch » qu’il cédait ensuite aux colons européens par le biais des services des impôts… Une spoliation !! De cette bâtisse, éloignée de 200m du siége de la sous préfecture de l’époque, cet Administrateur « régnait, gérait et dirigeait » cette commune mixte extrêmement étendue !! Et pourquoi tout ce long développement à propos de la commune mixte de Sebdou ? se demandera le lecteur. Tout simplement pour le sensibiliser à l’importance de la cible visée, cette administration qui était chargée, entre autres activités, de la tenue du fichier de l’état civil. Le renseignement était une tâche essentielle et vitale pour les services de répression. Aussi était-il devenu nécessaire, voire indispensable, impératif pour l’organisation FLN- ALN naissante de détruire le fichier de l’état civil. L’attaque eut lieu un soir de Décembre 1955. y participera, entre autres, EL OUCHEDI BOUMEDIENE qui avait à ce moment là, le statut de « Fidaï » et c’est un des agents de liaison que l’on appelait « Ittissal » qui a piloté le groupe pour ce raid couronné de succès ! cette action n’a pu réussir que grâce à la complicité, et ici, il faut leur rendre un vibrant hommage, de militants qui étaient « Mokhaznis » par nécessité et non par conviction et qui, de ce fait, s’adonnaient à un double jeu, tels les 2 frères LAAYOUNI et

88 BOUDJEMÂA et les deux cousins BENDAHMANE… C’est ainsi que le groupe de partisans pénétra dans les locaux sans encombre et surtout sans éveiller les soupçons des habitants de ce quartier peuplé d’Européens : ce qui, en soi, était déjà une prouesse. Cette action audacieuse qui sera relatée dans l’organe central du FLN « El Moudjahid » et que nous reproduisons « in-extenso » un peu plus loin, a permis : a) La destruction complète et définitive de l’état civil de la commune de Sebdou. b) La récupération de l’armement qui s’y trouvait. Cet armement hétéroclite et souvent vétuste permettra au commando de s’équiper un tant soit peu et d’envisager pour l’avenir, des actions plus décisives et plus spectaculaires. c) La prise d’un butin constitué de quatre machines à écrire ainsi que d’une ronéo qui seront d’un appoint considérable pour les actions de propagande de l’organisation clandestine (tracts et diverses correspondances…). d) La saisie (et là c’est un détail peut être négligeable mais ô combien savoureux) d’une quantité de drapeaux français remis plus tard aux Djounouds pour… le nettoyage de leurs chaussures ou de leurs armes !!

Tout ce matériel a été embarqué sur les deux véhicules de service de type « Renault » appelé « Prairie » qui servaient de moyens de transport aux Mokhaznis affectés à ce poste. Les machines à écrire ainsi que la ronéo ont été déchargées au village de Mililia dans les environs d’Hennaya, les armes distribuées immédiatement aux différents éléments tandis que les véhicules ont été abandonnés beaucoup plus loin après avoir été incendiés… Le groupe s’est alors replié dans la proche banlieue de Tlemcen, plus exactement à Feddan-Sebaâ, chez les frères Baba. La mission achevée avec succès, Brahim, c'est-à-dire Dghine donna à Ouchedi Boumédiene son nom de guerre « Abderrezak » qu’il garda pendant toute la durée de la lutte armée et bien après l’indépendance… Cet épisode de la lutte armée, ou plus exactement de la naissance de ce qu’il est convenu d’appeler maintenant « Commando Si Brahim » est reproduit, comme annoncé auparavant, dans la collection en 03 volumes de l’organe central du FLN « El Moudjahed » (Tome I, sous la rubrique « Exploits de l’ALN El Moudjahid n°2, page 25) comme suit : « Raid contre le bureau de l’Administration de la commune mixte de Sebdou en plein centre de Tlemcen : Un important armement est récupéré de même qu’une machine duplicateur et 4 machines à écrire, des documents secrets ont été confisqués par des éléments qui avant de se retirer, incendièrent les lieux et les véhicules de la commune mixte.

89 L’armement saisi à cette occasion comportait 07 mitraillettes, 15 fusils LEBEL, 3000 balles de 9mm, 200 balles de 8mm, 7 pistolets automatiques et des équipements, ceintures Etc. » Cette attaque, en plein centre de la ville de Tlemcen, à quelques encablures seulement de la sous-préfecture et des locaux de la Gendarmerie nationale française dans une ville-garnisson aux multiples casernes, cette attaque, donc, a eu un grand retentissement et frappa les esprits des habitants en dépit des efforts maladroits et embarrassés de l’Administration coloniale qui tenait à minimiser les dégâts. Les commentaires au sein de la population européenne étaient emprunts de peur et de crainte devant l’audace de ces « bandits de grand chemin », ces fellaga. Quant à la population algérienne, il est tout à fait inutile de dire la fierté et la joie que cette opération a suscitées en eux. Mieux encore, aucune victime n’est à déplorer puisque aucun coup de feu n’a été tiré. Ce qui contredit la propagande française qui taxait les partisans de « tueurs » et « d’égorgeurs ». En somme, une opération réglée comme du papier à musique, une véritable action, digne d’un … Commando militaire. Cette action sera l’acte de naissance du Commando Si brahim qui, au-delà des actions individuelles et ciblées que nous relaterons un peu plus tard, va alors envisager de passer à un stade supérieur, à des opérations d’envergure qui susciteront, auprès de la population Tlemcénienne, admiration et respect. L’attaque qui a visé le siège de la Commune mixte de Sebdou n’a pas fini de faire parler d’elle ! En effet la nouvelle s’est propagée, telle une traînée de poudre, à travers toute la région et les gens, admiratifs ou dubitatifs, se lancent dans des commentaires sans fin… sur la hardiesse et la rapidité d’exécution de cet exploit au cours duquel il n’a été dénombré aucune victime, ni d’un côté ni de l’autre, et surtout il n’a été signalé aucune arrestation !! Comme par miracle, les auteurs se sont évanouis dans la nature et les services de sécurité n’ont pu retrouver leurs traces… Evanouis dans la nature ? Oui et c’est le cas de le dire, les éléments qui ont participé à cette action, observant, à la lettre, les fermes et strictes instructions de leurs supérieurs, ont regagné, comme nous l’avons vu leur base de repli chez les BABA à « Fedan Sebaâ : ce n’est qu’une question d’organisation et de respect des consignes sur lesquelles l’ALN ne transigeait guère… car si un des participants ne rejoignait pas le « Merkez » ou base dans les délais prévus après un acte quelconque planifié par le Chef, ce dernier prenait immédiatement des mesures de substitution : il y allait de la sécurité de tous !!!

90 Devant la nécessité de renforcer les mesures préventives de sécurité, le Commandement de l’ALN avait décidé de multiplier le nombre de « Péjèro », ces abris souterrains où l’on étouffait à cause de l’humidité et du manque d’oxygène, mais qui s’étaient révélés comme des étapes nécessaires dans le domaine de la protection des partisans… Leur construction et leur installation étaient devenues une obligation de première urgence pour la relance du « FIDA » et le transfert des réfugiés vers le Maroc… Citadins et maquisards furent de la sorte engagés dans cette opération d’envergure et, en peu de temps, de nombreux gîtes clandestins, disséminés dans toute la banlieue de Tlemcen, furent réalisés dans la stricte application des mesures de sécurité et de discrétion, de manière à offrir toutes les garanties possibles aux fugitifs… L’important transit des passagers, autant que les pénibles conditions de séjour dans ces cachettes furent inévitablement à l’origine d’un mouvement intense de va-et-vient, ce qui ne manqua pas, malheureusement, d’attirer l’attention de l’occupant français, et ce qui devait arriver arriva… La plupart de ces maisons (bases) qui abritaient nos Djounouds ont été dynamitées par l’armée française. Parfois, l’ennemi découvrait une, deux, parfois trois casemates (Péjéro où les commandos trouvaient refuge) lors de dénonciations, de perquisition ou de ratissages, voire d’encerclements impromptus… Néanmoins, ces cachettes ont sauvé des milliers de Moudjahidines ou de réfugiés recherchés par la police coloniale. Cela n’a pas, hélas, toujours réussi… surtout lorsque les traîtres et les indicateurs s’y mêlaient … Mettons cela sur le compte de la fatalité… Dans son dernier livre « le rescapé de la ligne Morice » page 297 Mr BALI Bellahcène relate la tuerie de 31 éléments FLN-ALN enfumés dans trois « péjéros » à Sidi-Daoudi à Tlemcen en Octobre 1957. La révolution était faite de sacrifices et de fidélité, citons par devoir de mémoire et de reconnaissance envers ceux qui ont partagé nos souffrances et nos joies, nos peurs et nos espoirs, les « bases » les plus fréquentées par l’ALN durant cette période des années 1955- 1957 et que l’on nous excuse si l’on n’est pas exhaustif !!!

« MERKEZ » - « Bases » de repli des Commandos après chaque action Tlemcen Lieu de situation Nom du Propriétaire FEDAN SEBAA Les frères BABA Abdelkader et Mohamed FEDAN SEBAA BNOSMAN Abdallah et Abderrahmane SIDI BOUMEDIENE AZZOUZ Moulay Boumédiène

91 MANSOURAH- BENI BOUBLENE Famille BENYELLES SIDI ABDALLAH BOUYAKOUB Tedjini-Mahmoud et Mohamed SIDI ABDALLAH MECIFI Salah SIDI DAOUDI HADJ AMARA Dentiste Maâze SIDI OTHMANE GHEZLAOUI Bendidjelloul OUZIDANE HOCINE Garde champêtre AIN EL HOUTZ BALI Abdelhamid Garde champêtre SAF-SAF MEDJADJI SAF-SAF BAROUDI

Bali Belahsene « Le colonel Lotfi » éditions Bibliothèque Nationale, Alger

92 L’emploi des supplétifs dans la contre guérilla

Le terme « Harkis » est devenu un terme générique désignant tous les « musulmans

d’Algérie » qui ont eu un comportement pro-français pendant la guerre d’Algérie. Il englobe tous les supplétifs de l’armée française (Harkis, Moghzanis, GMS) ,les officiers musulmans, les

notables (Caïds, Bachaghas), l’élite francisée et les civils constitués en GAD (groupement d’Auto -défense).

Cette hétérogénéité sociale explique la diversité des motivations d’engagement, celle-ci allant de la conviction politique de fidélité à la France jusqu’au simple appât du gain et aux

rivalités personnelles ou tribales.

Quand éclatent les évènements du 1er novembre 1954, la plupart des unités nord-africaines de l’armée française se trouvent encore en Indochine, et le recours aux supplétifs destinés à les renforcer s’avère inévitable, ce qui entraîne la formation de différentes catégories de troupes ; Groupements Mobiles de Protection Rurale (GMPR), Maghzens, Groupes d’Autodéfense (GAD), Goumiers, Groupements Mobiles de Sécurité (GMS), et surtout les Harkas. La même année 1956, l’existence des Harkas est officialisée le 8 juillet par le Général Lorillot, qui prescrit leur création dans chaque secteur. C’est ainsi que dans l’Aurès, la tribu des Touaba fournit plus de 500 supplétifs, alors que dans l’Ouarsenis, le bachagha Boualem arme 300 hommes des Béni Boudouane. De nombreux engagements sont enregistrés en 1957, et dans son rapport sur le moral de cette année, le général Salan se félicite du quadruplement des effectifs Harkis, qui sont passés de 4000 à 17000. En février 1958, les commandants de corps d’Armée sont unanimes à estimer que les Harkas sont l’instrument principal de la pacification, et le 4 Août de la même année, un comité inter-ministeriel fixe les effectifs à 30 000 harkis, puis à 33 000 début décembre. Puis la « Directive N°1 » préconise une « utilisation massive des FSNA, les meilleurs chasseurs de Fellaghas » ; et porte les effectifs à un potentiel de 60 000. Dans ce cadre, les commandos de chasse sont crées la même année 1959, ayant- pour mission de « coller » aux Katibas avec l’appuis des forces terrestres et aériennes. Ces commandos, 74 en 1959 puis 160 l’année suivante, ont un effectif de 6 à 7000 harkis, équipés de fusils semi automatiques.

93 Pour en revenir aux supplétifs, les échelons du commandement en Algérie font d’avantage confiance aux Harkis qu’aux appelés en raison de leur volontariat et de leur recrutement local. Le général Crépin propose donc que les effectifs Harkis soient portés à 62 000, considérant que ce sont des auxiliaires directs du combattant régulier, grâce à sa rusticité, sa connaissance de l’adversaire et ses liens avec la population.

94 Chronologie 1958-1959

Janvier 1958 Dissolution de l'UGEMA par le gouvernement français à Paris. 8/2/1958 Bombardement de Sakiet Sidi-Youcef (TUNISIE) par 1'aviation française Avril 1958 Le C.C.E. crée le commandement opérationnel militaire (C.O.M.) avec deux branches établies respectivement aux frontières Est et Ouest. 13/5/1958 Les chefs de 1'armée française en Algérie font appel au général de Gaulle pour assurer le pouvoir politico-militaire en France et en Algérie. 1° Juin 1958 Investiture de de Gaulle par 1'assemblée nationale française 25/8/1958 Actions armées du F.L.N. dans tout le territoire français (attentats et sabotage) 19/9/1958 Constitution du premier gouvernement provisoire de la république algérienne (G.P.R.A.) ; le C.C.E. cède la place au G.P.R.A. dont la présidence est confiée à Ferhat Abbas, tandis que le ministère des forces armées est attribué à Krim Belkacem. 1/10/1958 Le G.P.R.A. a créé deux états-majors : L’état-major Est est confié au colonel Said M’hamedi L’état-major Ouest est confié au colonel Houari Boumediene Novembre 1958 Un complot dit "des colonels" qui aurait été insufflé par des officiers de la wilaya et de la base de 1’Est, qui visaient à destituer le G.P.R.A. et à prendre la direction de la révolution Algérienne, est éventé. 6-12/12/1958 Réunion interwilayas au nord-constantinois entre les représentants des wilaya I, III, IV et VI, au cours de laquelle il a été décidé :

95 - de créer une commission inter-wilayas de sécurité, contre l'infiltration d'agents français des renseignements, algériens et étrangers, dans les rangs du F.L.N. A.L.N., au maquis. - de demander au G.P.R.A. l'armement nécessaire à la poursuite du combat - le retour des cadres - l'implantation des appareils dirigeants de la révolution à l'intérieur de l'Algérie. Cette mission a été confiée aux colonels Haouas et Amirouche, mais ils sont décédés dans un accrochage avec l'armée française. Mars 1959 Un tribunal présidé par le colonel Houari Boumediene a jugé les auteurs du complot dit "des colonels". Ont été condamnés à mort : les colonels Lamouri et Nouadra, les autres officiers ont été mutés à la wilaya V puis à la zone Sud. Eté-Automne 1959 Une réunion secrète a regroupé dix colonels de l 'A.L.N. en Tunisie : Abdelhafid Boussouf, Lakhdar Bentobal, Belkacem Krim, (G.P.R.A) Hadj Lakhdar, wilaya 1, Ali Kafi, wilaya II, Mohamed Yacourene SAID, Wilaya III, Slimane Dhiles, wilaya IV, Dghine Ben Ali (Lotfi) Wilaya V, Saïd Mohamedi, commandant de l’A.L.N. Front Est, Houari Boumediene commandant le Front Ouest. Ces officiers tiennent 3 mois et 20 jours de débats pour le remaniement d'un nouveau C.N.R.A. 16/9/1959

Discours de De Gaulle sur I 'autodétermination 4/12/1959

Rébellion du capital Zoubir à la frontière Ouest (région de Sidi Djaber, Sidi Boubker). Il a été jugé et condamné à mort par un tribunal militaire de la révolution, suite à la mésentente avec certains dirigeants de la révolution dans la région.

16/12/1959 - 2/1/1960

Une crise grave a conduit le G.P.R.A. à l'impasse : le C.N.R.A. se réunit à TRIPOLI (LIBYE) et décide de substituer au ministère des forces armées un comité interministériel de la guerre (C.I.G.). Ce comité dispose, en plus du colonel Abdelhafid (G.P.R.A) d'un état-major général de L'A.L.N., dont le commandement est confié au colonel Houari Boumediene. Auparavant, la tentative de Benkhedda, qui visait à transférer la direction effective de la révolution en Algérie, et à réduire le G.P.R.A. au rang d’une simple délégation à l'extérieur, a échoué.

Décembre 1959

Création du M.A.L.G

96 1er juin 1958. Le général de Gaulle est investi par l’Assemblée nationale française qui reconduit les pouvoirs spéciaux en Algérie. Au cours de ses quatre voyages dans ce pays, de juin à octobre 1958, le nouveau président affriole les foules en prétendant définir une nouvelle politique algérienne : transformer la « colonie rebelle » en « d'authentiques départements français » d’outre-mer. Dans la stratégie qu’il développe, domine apparemment l’idée d’intégration de l’Algérie à la France. Ainsi, après avoir rassuré les Européens par son célèbre et énigmatique « Je vous ai compris ! », de Gaulle décide d’accorder la pleine citoyenneté et les droits politiques aux musulmans (sic).

Le FLN, quant à lui, pour démontrer l’impossibilité de cette politique d’intégration, et afin d’affirmer l’unité nationale algérienne, crée en septembre 1958, un gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), mais laisse la porte ouverte à la négociation. Pendant un an, de septembre 1958 à septembre 1959, de Gaulle joue le jeu de l’intégration par la séduction, avec le vaste plan de développement économique et social de l’Algérie, annoncé dans son discours du 3 octobre 1958, à Constantine. Mais ce plan s’accompagne, intempestivement, de l’effort de guerre français en vue de réduire l’ALN. Le général de Gaulle a offert aux « rebelles » la « paix des braves » cependant que le général Challe – nommé commandant en chef des forces armées en Algérie, le 12 décembre 1958 – était chargé, par de vastes offensives, de les obliger à céder. Dans le même temps, un contrôle étroit des populations civiles musulmanes est organisé, par leur regroupement dans des camps installés aux abords des postes militaires français.

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Chapitre III

98 99

Evolution politique et militaire

La constitution et l’installation de bases de l’A.L.N à l’extérieur de l’Algérie, en Tunisie et au Maroc, sont dues initialement aux besoins en armement des Moudjahidine de l’intérieur.

En mars 1955, les responsables F.L.N de la Wilaya 5 s’installent à Nador, au Maroc, avec le soutien de l’Armée de Libération Marocaine. Le 29 mars de la même année, le bateau Dina, en provenance d’Alexandrie et ayant appartenu à la princesse de Jordanie, accosta le Rif Marocain, chargé de plus de 21 tonnes d’armes et de munitions. A son bord se trouvait aussi un groupe de jeunes étudiants algériens venant d’Egypte pour participer à la lutte, parmi lesquels se trouvaient Mohamed Boukherouba (le futur Houari Boumediene), Abdelkader Bouchentouf, Boucif Larfaoui, Ahmed El Mouggari (Si Sadek), Si Ali, Djillali Zenati, Si M’hamed, tous sous le Commandement de Nadir Bouzar.

Dès le 19 septembre est créée à une commission chargée de mettre en place un réseau de cellules couvrant toutes les villes marocaines, et d’organiser des hôpitaux et des centres de repos, et le 27 septembre 1955, un appel à la mobilisation générale est lancé, provoquant un afflux massif de volontaires dans les régions frontalières de l’Ouest, de à Sebdou. Sous le commandement très rigoureux de Boussouf, à partir du P.C. installé à Oujda, la Wilaya 5 est très bien structurée, ainsi que le ravitaillement des Wilayas 4,5 et 6. Sa rigueur n’ira d’ailleurs pas sans provoquer les critiques de certains responsables.

Bien encadrées, parfaitement équipées et organisées, les forces de l’A.L.N avaient le plus souvent l’initiative dans les Monts de Tlemcen, avec des effectifs considérables et sous le commandement de chefs valeureux. Dès le début de la lutte, Larbi Ben Mhidi, à la tête de la Wilaya d’Oran et secondé par Boussouf, Benalla et Fortas, avait pris la décision d’équiper et renforcer les secteurs de l’intérieur en hommes et en matériel, par le biais d’unités spécialisées appelées « Colonnes de Pénétration », vers le Sud et l’Est de l’Oranie. La presque totalité (80% environ) de l’armement débarqué du « Dina » fut ainsi expédiée vers l’intérieur, sous bonne escorte, encadrée par des anciens d’Indochine expérimentés, déserteurs de l’armée française. Toutes les régions furent ainsi renforcées en hommes et en équipements, sous la direction de responsables ayant fait leurs preuves, tels que Faradj, El Bouzidi, El Yamani, Nacer, Merbah, Lotfi et bien d’autres.

100 La région de Tlemcen, point de départ de toutes les « Colonnes de Pénétration », devint rapidement un centre névralgique, surtout après deux évènements importants qui allaient provoquer un bénéfique afflux de cadres jeunes et instruits : l’assassinat du docteur Ben zerdjeb et la Grève Nationale des Etudiants.

Ainsi l’A.L.N, renforça son implantation dans toutes les régions au relief accidenté. Les Moudjahidine étaient maîtres du terrain, contrôlant tous les axes routiers, dressant des embuscades meurtrières au cours desquelles d’importants lots d’armement étaient récupérés, qui permirent d’équiper rapidement les moussebbiline qui nous suivaient et n’espéraient que cela : MAS 36, MAT 49, FM 24/29 Garand, carabines 45 et mitraillettes Thomson.

Quelques mois plus tard, dans le cadre des activités du M.A.L.G, Boussouf s’attela à un objectif primordial : consolider la logistique. Dès le mois d’août 1956, il organise les transmissions et le renseignement, avec le perfectionnement des écoutes des réseaux ennemis. Il accroît l’efficacité de la coordination des informations entre les unités opérationnelles et le Commandement tant à l’intérieur de l’Algérie qu’à l’étranger. Des centres de formation sont implantés à Oujda, Nador et Tetouan, alors que ceux plus précisément militaires sont disséminés tout le long de la frontière et baptisés « Marakiz ». C’est dans deux d’entre eux que j’ai personnellement suivi ma formation : le premier, situé à Angad, était dirigé par Ba Amar. Quant au second, il fut inauguré au mois de mars 1957 à Berkane. Occupant une situation stratégique dans une vallée encaissée au pied du Tafoughalet, il était dirigé par Arbaoui Abdellah (dit Nehru), secondé par Sadek. Je passais en leur compagnie plus de 3 mois de septembre à novembre 1957. L’inauguration de ce centre fut postérieure à l’installation de Boumediene, assisté de Boussouf, au P.C. de la Wilaya 5 à Oujda, et ce après la disparition de Ben Mhidi.

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Assis : Colonel Sadek. Debout : Colonels Salah et Boumediene.

L’Etat Majors à Oujda lors d’une réunion

102

L’ALN selon le colonel Boubnider

Au plan de l'organisation de l’ALN, il y avait en 1954 un certain nombre de principes. Le premier et le plus important c'était celui qui faisait de l'ALN une armée de volontaires et non de professionnels, engagée dans une guerre de nerfs et d'usure. Il ne s'agissait pas de faire, une guerre de type classique mais d'appliquer des directive d'un manuel qui avait été fait du temps de l'OS par les anciens qui avaient fait l’Indochine. Notre djoundi n'était pas un militaire spécialisé qui reçoit des ordres et ne fait qu'appliquer les directives et les commandements. Notre djoundi faisait tout. Il se prenait lui-même en charge, portait de l'aide à son corps d'armée, les combattants et au peuple. Il faisait véritablement tout, c'était cela une armée populaire selon notre conception. .Notre djoundi n'était pas exigeant, s'il trouvait de la nourriture, il se nourrissait, sinon il se sustentait avec n'importe quoi y compris en mangeant de l'herbe, un morceau de galette avec de l'eau et du sel. Du fait de notre formation première, notre ligne de conduite et notre principe de vie et de combat consistaient à ne compter que sur nos propres forces et sur nous-mêmes. Et c'est ce qui a permis, notre djoundi de s'adapter, la nature et au terrain de lutte et de les dominer. Autre aspect cardinal dans notre formation et dans nos principes, c'était les relations entre l'ALN et les masses de notre peuple qui étaient il dominante paysannes, composées de gens vivant en zones rurales, visage découvert, les femmes travaillant aux champs, etc. Depuis le début et prévoyant les faiblesses potentielles, nous avions particulièrement insisté sur le fait que le djoundi devait impérativement et scrupuleusement respecter profondément la personnes, les biens et la dignité des gens du peuple. Pendant les sept années que dura la Révolution, nous n'avons connu d'incidents qu'une vingtaine de fois en tout et pour tout. Sinon jamais il n'y a eu d'accrocs entre le peuple et les djounoud. Les gens du peuple avaient tellement confiance en nous que le paysan pouvait laisser sa famille, sa femme comme ses filles avec les djounoud sans aucune crainte Voilà encore un point capital à rappeler. Dès le début, nous disions au djoundi qui arrivait au maquis que le respect du peuple était une condition indispensable pour faire triompher la révolution, sinon notre combat était voué à l'échec. Et notre détermination a été dès le départ mise en pratique. A la première erreur, la sanction appropriée était appliquée, ce qui avait fait comprendre qu'il ne fallait pas plaisanter avec les équations. Notre conviction que la victoire était conditionnée par la confiance que le peuple pouvait nous accorder nous avait permis de rester fermes et tenaces. Il y avait

103 beaucoup d'allégations, et cela dure encore, selon lesquelles nous aurions commis des exactions, assassiné des gens du peuple. C’est totalement faux. Nous n'avons commis aucune exaction contre le peuple, comme le prétend Harbi qui accuse les djounoud d'avoir été des sanguinaires. Il y avait une complémentarité total entre 1'ALN et le peuple, et c'est bien cette osmose et cette adéquation qui ont permis à la Révolution de triompher. Témoignage de Salah Boubnider, Le Guerre de Libération vue de l'intérieur, PP. 28-29. Et l’Algérie se libéra 1954-1962 Mahfoud Kaddache

104 La guérilla

Nous avions affaire à un ennemi super équipé, surarmé. Les batailles, ce n’était pas nous qui les recherchions ; elles nous étaient imposées. En revanche, nous opposions les techniques les plus éprouvées de la guérilla, c'est-à-dire une combinaison d’action et de dispersion rapides. Face à l’armée française qu’il ne fallait surtout pas sous-estimer, nous n’avions pas d’autre alternative. Ce qui nous a causé le maximum de pertes, ce n’était pas les accrochages ou les opérations terrestres, c’était les bombardements et l’action de l’aviation, particulièrement à partir de 1959, après l’arrivée de De Gaulle au pouvoir et de Challe, lequel était un général de l’armée de l’air et, en tant que tel, a copieusement utilisé les hélicoptères. Je l’ai encore répété récemment, les français nous ont fait beaucoup de mal avec les commandos de chasse et les hélicoptères. Les commandos de chasse avaient une mission de tête chercheuse qui, dès qu’elle nous avait repérés, communiquait nos positions aux hélicoptères qui entraient alors en action et déversaient contre nous des renforts considérables. Les commandos étaient composés de parachutistes, des troupes d’élite. Ils se sont d’ailleurs rapidement adaptés à notre stratégie et se sont mis à sortir de nuit pour nous harceler parfois même en occupant des crêtes et nous y attendant pour nous tomber dessus par surprise. Souvent, nous avions beau scruter le terrain aux jumelles, nous ne distinguions rien de suspect. Terrés, ils pouvaient rester immobiles toute une journée, sans nourriture, tout comme nous le faisions nous-mêmes et, dès que nous sortions à découvert, nous foncions tout droit dans leur embuscade. Bien sûr, ils tiraient profit des renseignements obtenus auprès des ralliés qui leur indiquaient les routes, les lieux de passage… Des gens ont parlé de zones libérées. C’est de la blague. Il n’y avait que des zones interdites et particulièrement surveillées. Avant 1959, il y avait, comme on dit, des journées de repos dans le programme des compagnies, réservées à la coiffure, etc. après 1959, c’était la guerre totale, sans répit. L’ennemi avait changé la tactique, renforcé les postes militaires et plus rien ne bougeait.

A vrai dire, les opérations de guérilla, embuscades et autres, que nous ne montions qu’une fois assurés du maximum de chance de les réussir. Il nous arrivait tout de même fréquemment de tomber dans des embuscades lors du repli, et là, l’issue de la bataille était

105 loin d’être assurée. Nous gagnions parfois, d’autres fois nous laissions un grand nombre des notres sur le terrain. Et nous ne disposions pas de bases de repli.

Témoignage du Colonel Youcef Khatib, in Benferhat et Maougal, Deux héros parlent, pp72-73

106 Une embuscade ALN

Ainsi, nous nous dirigeâmes de Zbar-Bar jusqu’à 5 km de Tablat. C’est à Oum Zoubia que nous fixâmes l’embuscade. A cet endroit, un pont fortifié en grosses pierres enjambe un oued généralement à sec qui serpente dans la vallée. Légèrement en retrait du pont, au dessus d’un coude de la route, se dresse une colline escarpée de buissons et d’arbres rabougris. Si Lakhdar prend la tête d’une section : Cheikh Messaoud, Taleb des Ouled Mihoub, un combattant plein d’allant qui ne parle pas un mot de français et se bat comme un lion a pour mission de bloquer l’arrière du convoi annoncé avec sa section. La troisième Ferka, celle que je commande, s’échelonne au milieu, mes hommes se camouflent entre les moindres replis du terrain, se coulent dans les plus minces anfractuosités de la colline… nous avons le soleil dans le dos et l’on ne peut nous apercevoir de la route. C’est la première grande embuscade à laquelle je participe et j’attends fébrilement la minute de vérité. Une demi heure a peine après notre arrivée, j’entends le ronronnement des moteurs. Un nuage de poussière, le convoi surgit, filant sur la route. Une jeep devance les autres véhicules où sont assis sur des banquettes des officiers frais émoulus de Saint Cyr visitant le pays, des soldats démobilisés et des permissionnaires descendant sur Alger. Le vent plie comme une canne à pèche l’antenne de radio de la jeep qui me frôle presque. Des visages entrevus. Fusils entre leurs cuisses, les Saint Cyriens regardent le paysage. La gorge sèche, je serre la crosse de mon PM. Une rafale tirée par Lakhdar stoppe la jeep qui, dans un crissement de pneus, fait une embardée et bouche la route. Le foulard du pilote est rouge. Le ciel est rouge. L’air empeste la poudre. La colline n’est plus qu’une détonation monstrueuse où s’enchevêtrent l’aboiement rauque des mitrailleuses, les hurlements déments des hommes touchés, le claquement des fusils… les français répliquent, mais trop tard. Sept, huit minutes de combat. Pas plus. Je viens de vivre l’éternité. Un silence lourd s’abat sur Oum Zoubia. Le convoi a été anéanti. Les corps des militaires, dépouillés de leurs armes, jonchent la route autour des camions. Nous décrochons, courbés sous le poids des munitions, des caisses de vivres, des baluchons emplis d’uniformes. Des blindés et l’aviation, que la radio a eut le temps d’alerter interviennent au moment où nous franchissons une crête. Les balles de 12.7 égratignent le rocher, déchiquètent les feuilles. Déjà nous glissons dans les talwegs comme l’eau de pluie…

107 Le lendemain, nous étions loin, mais en représailles, des avions bombardèrent le secteur, écrabouillant le Souk Etlala de Diour, la dechra zwatna ; à l’heure du marché, détruisant plusieurs villages. Les civils, comme à l’accoutumée, payèrent très cher l’embuscade d’Oum Zoubia. L’armée et administration française surent vite à qui elles avaient affaire. Un tract du FLN, rédigé par le colonel Si Sadek qui ne respecta pas le cloisonnement, leur apprit que le nom de guerre de Zerari Rabah, l’évadé de Tablat, était Azzedine, l’auteur de l’embuscade.

Commandant Azzedine, « On nous appelait Fellaghas. »

108 Le combat des maquisards

L’unité principale de l’ALN est la Katiba –équivalent d’une compagnie légère-, qui peut atteindre 100 hommes, ou la section, d’une trentaine d’hommes. Elle mène une existence dans le territoire qui est son domaine, et qu’elle connaît à fond pour le parcourir en tout sens. La solidarité est celle des combattants engagés sans esprit de retour pour la durée du conflit, affrontés sans cesse aux mêmes dangers et aux mêmes privations, quel que soient leur grade ou leur emploi : l’officier n’est pas moins spartiate que le djoundi (soldat) ; le secrétaire, l’infirmier, le radio s’il y en a un, font le coup de feu. Ce n’est pas le rituel militaire qui fait la cohésion. Le lien qui unit les moudjahid (combattants) est celui du sang versé, de la cause servie, du danger qui habite leur existence. C’est aussi l’emprise d’une discipline dont la sanction est peut-être la mort –par exemple-, pour un attentat aux mœurs ou pour une arme détériorée. C’est encore le fonds commun à ces hommes qui presque tous sont des ruraux, frustres, depuis toujours entraînés à une vie dure. Chacun porte sa ration de semoule ou de couscous ; l’huile, les pois chiches, les oignons entrent autant que possible dans le menu quotidien, ainsi que le sucre et le café ; mais la viande de mouton et les fruits frais n’apparaissent que rarement. L’infirmier n’a pas toujours les médicaments nécessaires aux malades et aux blessés. Si le combat est une épreuve, la marche ne l’est guère pour un montagnard, un paysan. Devenu soldat, il est chaussé par l’ALN de ces brodequins légers de grosse toile à semelle de caoutchouc, connus sous le nom de Pataugas. Son équipement est réduit au minimum. Pas de rechange. Rien ne compte plus que l’arme et les munitions, si ce n’est quelques vivres et une éventuelle couverture. Les déplacements de l’unité sont plus ou moins constants. Il s’agit d’abord pour elle d’être présente en tout lieu, à intervalles assez proches pour garder la population sous l’impression de sa force. L’action proprement offensive exige toujours de la katiba (ou de la section) qu’elle se déplace clandestinement et rapidement d’un point à un autre, aussi éloigné que possible, car, en matière de guérilla, rien ne vaut que la surprise. C'est-à-dire que les marches, sauf en forêts, se font pour une bonne part de nuit, qu’elles empruntes les crêtes, les fonds d’Oueds, au mieux les sentiers de chèvres, et que le gîte alors s’organise à la belle étoile. A l’improviste, un poste de SAS sera harcelé au mortier ; un autocar rural sera attaqué et brûlé. Ou bien une embuscade, soignement montée au détour d’une piste, attendra patiemment le convoi militaire donné comme probable par les informateurs du voisinage : une mine de fabrication artisanale, camouflée sous la poussière, fera sauter un véhicule, bloquant la queue du convoi, déclenchant

109 la mitraillade, puis l’assaut. En tout temps, le souci du responsable de l’ALN est d’échapper à la surprise que constituerait la rencontre imprévue de l’adversaire en force, ou le survol de son unité en plein découvert. A cet égard, les conditions d’existence pour l’ALN diffèrent sensiblement selon l’époque considérée et suivant les régions. Dans tel ou tel massif montagneux, chaotique, ou boisé, ou peu pénétré encore par l’armée française, une unité de l’ALN aura ses cantonnements, ordinairement multiples, tantôt dans des abris creusés dans le sol, tantôt dans une mechta plus ou moins dépeuplée : entre deux déplacements ou coups de main, elle y trouvera le repos, avec un relatif bien-être. Dans cette guerre de maquis, le monde ordinaire se referme pour le combattant, sans autre issue que la mort ou la paix finale. Ce sont dans les années 1956 - 1957 que l’ALN (qui compte 60 000 hommes environ) remporte ses plus importants succès contre les troupes de l’armée française grâce, essentiellement, au ravitaillement en armes en provenance du Maroc et de la Tunisie. Il en sera autrement après la construction des « barrages », aux frontières tunisienne et marocaine.

Algérie Histoire contemporaine 1830-1988 BENJAMIN STORA

110 Album photographique de la guérilla

Figure 1 :les fida de Tlemcen: Mesli Mohamed; Bali Belahsène; Abi Ayad Mahmoud; Meziane Mohamed

Djamal Benosman

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Bali Belahsène à Sidi Abdellah, Tlemcen 1956

De gauche à droite : M.Sabi, B.Bali, M.Hebri 1957 à Sidi Tahar

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De gauche à droite : Ziane Abdel Hamid, Bali Bellahsène et Kader 1ère zone, 2ème région, secteur III – Tlemcen.

De gauche à droite :Bendidjelloul, Hebri.M, Bali.B, et Sabri.M en 1957 à Tlemcen

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Boussof ET LOTFI : Sortie de promotion le : 27/11/1957 à la ferme Belhadj Berkane (Maroc).

Franchissement du barrage de barbelés : une formation sur le tas

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L’instructeur Bali B. dit Réda et ses stagiaires – Béchar 1958 –

L’instructeur Bali B. explique comment piéger et désamorcer une mine – Béchar 1958 –

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Stagiaires à l’œuvre dans les barbelés

Une victime des barbelés

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Les fruits des ratissages de la « pacification »

117 LES COMBATS DE L’ALN (1956)

Après les offensives moudjahidin masses rurales du constantinois, l’ALN va mener de rudes combats. L’action révolutionnaire s’étend dans plusieurs régions en particulier dans l’Ouarsenis et l’Oranie… devant la stratégie des moudjahidin, l’armée française se retourne contre les populations- tout algérien est considéré comme un moudjahid- et s’adapte à la guerre révolutionnaire… … LES MOUDJAHIDIN Un hymne national était nécessaire pour galvaniser les militants… Benkhedda Chargea Rebbah Lakhdar de trouver un auteur possible, en l’occurrence l’ancien militant nationaliste, le poète Moufdi Zakaria. Ce dernier accepta et quelques jours après, l’hymne était prêt et enregistré… … le moudjahid est favorisé par sa connaissance du terrain et robustesse naturelle ; à la marche il surclasse le fantassin français, des sections de l’ALN arrivent à parcourir de nuit 10 à 20 km. Le moudjahid supporte la faim et la soif et peut se contenter d’un morceau de galette. Le rural, surtout, en a l’habitude. L’essentiel dans la guerre révolutionnaire que mène le moudjahid est de porter de coups à l’ennemi mais aussi d’échapper à sa surveillance et de ne pas affronter avec ses faibles moyens les forces et les armements puissants. Le plus dur est la guerre qui lui est menée par l’hélicoptère, spécialisée dans la liaison et l’observation, l’envoi en quelques minutes de renforts sur les sommets les plus inaccessibles. C’est dans les djebels, là où règne le moudjahid que le combat est le plus âpre, le plus héroïque, là où les affrontements sont les plus égaux, un homme face à un homme. Devant un ennemi le plus souvent invisible, l’armée française en arrive à considérer tout algérien comme un djoundi. Ainsi se venge-t-elle sur les populations des mechta, brûle des gourbis, abat le bétail ou le vole, ne fait pas de prisonniers, n’hésite pas à mitrailler les suspects et les fuyards. Des tirailleurs algériens, surtout des sous-officiers, désertent. Certains ayant fait l’Indochine font bénéficier l’ALN de leur expérience et des armes qu’ils ont emporté avec eux. LES COMBATS

Dans le centre

118 Dans l’Algérois, les moudjahidine du commando Ali Khodja attaquent plusieurs fermes de la région de Palestro. Le 25 février 1956, ils mitraillent un car à Sakamody sur la route de Tablat, faisant des victimes civiles. Le 18 mai, le groupe d’Ali Khodja tend, dans les gorges de Palestro, une embuscade à une section de près de 20 hommes, l’anéantit et se disperse. Sept bataillons partent à la recherche du commando, abattent cinquante montagnards du douar Amal. Le gébéral Massu, qui dirige les opérations, n’arrive à éliminer qu’une section du commando réfugiée dans une grotte. Ali Khodja réussit à sauver les trois autres qui restent introuvables. Cette affaire de Palestro eut un grand retentissement aussi bien en algérie qu’en France. Les combats les plus durs ont lieu dans le Constantinois. Il y a en moyenne 100 à 150 victimes par mois durant le 1er trimestre 1956, obligeant l’armée française à multiplier les ratissages. Une grande opération poursuite à lieu après la désertion de près de 150 tirailleurs algériens stationnés dans la région de Souk Ahras… … de nombreuses unités ratissent sans grands résultats la presque île de Collo où l’ALN reste maîtresse du terrain. Dans une embuscade montée par les moudjahidin près du poste de Djeurf dans les Aurès, les soldats transportés par deux camions militaires sont presque tous abattus… durant le mois de janvier 1956, 112 civils sont tués, 42 écoles et 42 habitations sont incendiées, 34 voies ferrées, 58 fermes, 53 ponts et 172 lignes téléphoniques sont sabotées. Les moudjahidin récupèrent en moyenne 50 armes par mois au cours des quatre premiers mois de 1956.

Dans l’Oranie C’est au milieu de l’année 1956 que se développe l’action révolutionnaire en Oranie. En septembre, une cargaison d’armes est débarquée dans une crique du Maroc oriental, des pistolets mitrailleurs et fusils mitrailleurs sont acheminés vers l’Oranais. Les français sont obligés d’évacuer les régions faiblement peuplées, créant ainsi des zones interdites et de renforcer les contrôles et la surveillance de la circulation dans les zones riches. De nombreuses opérations se déroulent dans les autres régions dites « zones d’opérations » où les moudjahidin circulent librement. Les effectifs du FLN augmentent, la population est sérieusement encadrée. En octobre, des attaques sont lancées par les moudjahidines à Marnia, Tlemcen et , 10 000 soldats ratissent le massif des Traras sans grands résultats. L’ALN réussit à détruire le poste de Sebabna, attaqué par 150 maquisards renforcés par 150 deserteurs, et à prendre la presque totalité de l’armement de l’ennemi. Un autre combat a lieu au milieu de l’année le long de la route Tiaret- Laghouat. Deux Katiba et deux commando de la wilaya VI

119 tendent une embuscade à une section française : la bataille dure 22 jours, les pertes sont sensiblement les mêmes. Devant l’arrivée des renforts français, chasseurs à pied, compagnies sahariennes, gendarmerie motorisée et hélicoptères, les moudjahidin se retirent sur Djelfa et se dispersent. L’ALN a ainsi révélé au cours de l’année 1956 sa présence sur le terrain oranais. L’enlèvement des soldats français Du poste de Sidi Abdelli

Suite à la spectaculaire désertion avec armes et bagages de 24 soldats algériens enrôlés dans l’armée française en 1955 (affaire MTO) orchestrée par les combattants Abdellah Larbaoui dit Nehrou, Hadj Bendiboun, Larbi Ben Amar, Mustapha Chiali dit Réda, une action similaire et non des moindres a été programmée et exécutée quelques mois plus tard dans la caserne de Sidi Abdelli, une commune située à une trentaine de kilomètres de Tlemcen. Cette opération qui a vu l’enlèvement de plusieurs soldats Français et la récupération d’un lot d’armement a sonné le glas de l’administration coloniale qui a essuyé, de ce fait, un sérieux revers. L’audace et la clairvoyance avec lesquelles a été menée cette opération ont manifestement ébranlé la horde soldatesque française. En effet, tout est parti quand Mansour, un agent civil du FLN résidant dans la localité d’ (Sidi Abdelli), a été chargé de prendre contact avec un groupe de militaires algériens enrôlés dans l’armée française. Cette première démarche fut jugée nécessaire pour la fiabilité de l’entreprise… Avec une habilité déconcertante, Mansour est arrivé à gagner la confiance de deux éléments du groupe. Les liens entre eux se sont resserrés davantage après que Mansour leur ait adressé des invitations et affiché à leur égard une entière disponibilité… Un jour, les sentant assez sensibilisés, il leur fit part de l’opération envisagée et des objectifs visés par le FLN à l’intérieur même de la caserne d’El Fehoul (Sidi Abdelli): procéder à l’enlèvement de soldats français et s’emparer d’un lot d’armement et de munitions. Les interlocuteurs de Mansour ont immédiatement souscrit à ce projet. Dans les semaines qui suivirent une stratégie été mise en place par Nehru qui a tenu à diriger cette opération.

120 Après avoir établi une liaison avec les agents du FLN, l’itinéraire vers le théâtre des opérations a été tracé. Feu Mostefa BOULENOUAR a décrit, comme suit, le déroulement de cette expédition : « Le commando de Si Brahim (Colonel Lotfi) renforcé par les éléments du groupe s’est mis en branle en traversant des champs d’agrumes, des plantations de vignoble et des collines au relief complètement tourmenté. Le trajet vers El Fehoul (Sidi Abdelli) a nécessité plus de 5 heures de marche, bien pénible mais nous n’avons rencontré aucun obstacle majeur. Nous avons observé une halte chez un certain Lahcen pour nous reposer et passer la nuit. Le Merkez est situé à la lisière d’une forêt dense. Mansour, l’agent de liaison est venu nous voir le lendemain à la première heure. Il était accompagné, pour la circonstance, du chef de groupe. En bon patriote, Mansour nous fila de précieuses informations sur : 1- le nombre de soldats se trouvant dans la caserne, c'est-à-dire les effectifs, 2- le type et la quantité d’armement de cette unité, 3- les horaires de la relève des deux postes de garde. Des renseignements de valeur pour ce genre d’opération car, selon l’adage populaire « un homme averti en vaut deux ». Outre ces éléments d’information, le chef du groupe nous confia que les 38 Algériens qui sont enrôlés sous la bannière française sont prêts à déserter la caserne à l’exception d’un seul. Le travail psychologique de Mansour, après plusieurs mois de sensibilisation a donné ses fruits. Le récalcitrant sera neutralisé une fois l’offensive lancée. L’heure de l’attaque est fixée à 1h du matin. Cet horaire coïncide avec la relève de la garde qui sera assurée à ce moment là par deux Algériens acquis à la cause. Toutes les dispositions sont prises pour assurer une réussite à cette action. Le lendemain, après une marche de prés de 50 minutes, nous nous sommes planqués dans les feuillages d’une rangée de platanes, dans un endroit bien embusqué en attendant le signal de l’attaque. Il était 1 heure précise quand la section qui se trouvait sous la conduite de Nehru s’est infiltrée dans la caserne par la porte de secours laissée ouverte conformément aux consignes données par Mansour. Cette issue a facilité l’accès au groupe qui a pénétré facilement dans le dortoir N°02 où se trouvaient 20 soldats français plongés dans un profond sommeil. Ils furent réveillés, l’un après l’autre, pour être ligotés et dirigés, vers un coin du dortoir. Encore sous l’effet du sommeil, ils n’ont manifesté aucune résistance. Puis très vite, ils réalisèrent qu’ils étaient braqués par leurs camarades de chambrée les deux autres dortoirs étaient occupés par les soldats algériens déjà sur le pied de guerre, prêts à suivre les consignes des résistants. Parallèlement à cette action, un autre groupe de résistants, s’est dirigé vers la poudrière pour

121 se saisir d’un lot important d’armes et de munitions. Ainsi l’effet de surprise a été décisif, l’opération menée dans un silence religieux, semblait chronométrée. L’ordre a été donné par le responsable Nehru pour se replier. Le dispositif mis en place par les deux stratèges consistait à contourner la route ralliant directement le Maroc. Déplacer les soldats prisonniers et convoyer les lots d’armement dans un environnement hostile était loin d’être une sinécure. On prit brusquement conscience de la difficulté à mener à bon port cette manœuvre. Il fallait trouver des axes de contournement pour échapper à l’armée coloniale et éviter surtout d’être repéré. C’est ainsi que, chargé d’une manœuvre de diversion, un groupe de 11 Moudjahidines prit la direction de , tirant de temps à autre quelques coups de feu et ciblant même sur son passage une ferme de colons, signalant de la sorte bruyamment sa position… Nehru décida d’emprunter un itinéraire opposé menant à Aïn Fezza puis Terny, Ouled Hammou, Sabra, (Ex Turin) pour entrer ensuite au Maroc avec les prisonniers. Avant d’atteindre Sabra, l’on s’aperçut que l’un des déserteurs balisait notre trajet en semant les cartouches de son pistolet 11/43. Confondu de trahison, il fut condamné, exécuté sur le champ et enterré… L’exemple était édifiant. Les responsables du FLN à Oujda, informés, attendaient avec impatience la remise de ces prisonniers pour les présenter à l’opinion internationale et s’en servir éventuellement comme monnaie d’échange ! C’est à travers des collines et des montagnes au relief escarpé et tourmenté que le convoi humain s’est mis en marche. Nous nous déplacions souvent de nuit avec des éclaireurs bien loin devant et dans toutes les localités et les groupements d’habitations que nous avons traversés, un accueil chaleureux et dantesque nous a été réservé « La révolution capable d’une telle prouesse, se portait bien » estimaient les habitants des zones visitées. Le trajet de Sidi Abdelli vers les limites de la bande frontalière a duré prés de 10 jours. Sans encombre la petite troupe avançait régulièrement, et ce, grâce à la perspicacité, à l’expérience et à la connaissance du terrain des différents « Ittissal » (agents de liaison) qui se relayaient tout au long du parcours, pour nous amener à bon port… Mais malheureusement, au niveau de Ghar Belghafer près de Sabra, un avion « mouchard » Français avait repéré le mouvement du groupe. Le « Pipers » effectuait des survols en rase motte. Excités et pressés de toucher au but, nous nous sommes engagés, par inadvertance, en terrain découvert… C’était une zone, semi steppique, dégarnie, agressive, qui n’offrait aucune possibilité d’échapper au « Pipers ».

122 L’alerte a sûrement été donnée, et l’encerclement de notre troupe était presque imminent. Cette situation, bien inconfortable, a conduit Néhrou à ordonner, à contre cœur, l’exécution de tous les prisonniers enlevés de la caserne pour pouvoir prendre la fuite à travers les quelques buissons. « A la guerre comme à la guerre » et chaque camp devait infliger le maximum de pertes au camp adverse, soupira-t-il... Et là, le groupe, délesté de son fardeau, a pu affronter une compagnie ennemie. Des tirs nourris crépitaient de plusieurs endroits à la fois. Cet échange de coups de feu a duré plus de deux heurs. C’est à 21 heures seulement que nos hommes sont arrivés à se frayer un passage et à échapper à l’encerclement qui se dessinait. 8 heures après grâce à la connaissance du terrain et après avoir puisé dans toute ses ressources, tout le groupe s’est retrouvé non loin des fils de fer barbelés de Touisset-Boubekeur au Maroc, enfin à l’abri. La déception était immense. Cependant cette opération a eu un impact considérable et marqua un tournant dans la lutte armée. Elle désarçonna encore une fois l’armée coloniale qui a essuyé un deuxième échec après celui de l’affaire de la MTO. Malgré la fatigue et les risques encourus, la fierté était visible sur les visages de tous les éléments du groupe qui avaient le sentiment d’avoir accompli l’essentiel de leur mission. Bali Belahsene, Editions : Bibliothèque Nationale, Alger

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Trois jours e manifestations à Tlemcen La mort du Docteur Benzerdjeb

Pour comprendre et suivre l’évolution et l’essor de la lutte armée à Tlemcen et dans sa région, il faut se référer à un événement majeur qui s’est produit dans cette localité. En effet, il s’agit de la mort du Docteur Benaouda Benzerdjeb arrêté par la police française le 07 janvier 1956. Selon la version du préfet Lambert, préfet d’Oran (Cf le journal l’Echo d’Oran du 17 janvier 1956 Annexe I), après son « interrogatoire » le Docteur reconnut avoir acheté un duplicateur auprès d’un imprimeur d’Oran qui l’identifia lors d’une confrontation. Toujours selon cette version, le suspect aurait remis cet appareil (d’une importance capitale pour l’époque) à l’organisation du FLN à Sebdou, admettant par la même qu’il était un chef important de l’organisation politico- administrative de l’organisation clandestine qu’il fournissait, de manière régulière, en pansements et en médicaments »… La suite du compte rendu est de même veine et l’on sent que tout ce récit est « cousu de fil blanc », les forces répressives tentant, tant bien que mal, de « justifier » la mort de ce Chahid « abattu d’une rafale, car n’ayant pas obtempéré aux sommations d’usage». N’est-ce pas là le parfait scénario de la sinistre « corvée de bois » ? (les gens étaient abattus froidement et l’on justifiait cela par une « tentative de fuite »). A propos de la fameuse ronéo, son achat, son acheminement, sa remise à l’ALN, une version inédite est avancée par Monsieur Lachachi Omar qui cite des dates, des noms de témoins décédés ou encore vivants et résidant à Oran… Elle mérite, peut-être, d’être exploitée et approfondie… Revenons à la mort du Docteur «abattu»… La vérité est tout autre et plus horrible car ce praticien a rendu l’âme après avoir été torturé d’une manière inouïe... Les résultats de la contre autopsie pratiquée par le Docteur Allal ne laissaient planer aucun doute à ce sujet !! D’ailleurs, et toujours selon les sources préfectorales, ce serait cette contre autopsie réclamée par la famille qui aurait retardé les obsèques du Chahid au 17 puis reportées au 18 au matin… Ces obsèques avaient mis en alerte la population tlemcenienne qui voulait rendre un dernier hommage à ce martyr… C’est ainsi que jeunes et vieux se sont dirigés vers le cimetière musulman de Sidi Senouci dès 12h30 pour attendre le convoi funèbre… Mais en

124 vain, le sous-Préfet Bonhomme en a décidé autrement et a pris la décision « sage » de reporter l’enterrement au lendemain et dans la « stricte intimité ». La population, disciplinée au début, et, toute à l’idée de participer simplement à l’enterrement d’un fils de Tlemcen, ne voyant pas arriver la dépouille du docteur, commença à manifester des signes d’énervement car des policiers casqués et armés avaient été dépêchés aux abords immédiats du cimetière… La foule grossissait à vue d’œil et déjà, à l’initiative de quelques meneurs, les premiers cris et slogans hostiles aux policiers, commençaient à fuser ici et là… Ces derniers, se conformant aux ordres qui leur ont certainement été donnés, pour ne pas envenimer la situation, pour ne pas « ajouter de l’huile sur le feu », ne répondaient pas, pour l’instant, aux provocations et aux insultes, se contentant de garder leurs positions… Spectacle étonnant et insolite aux yeux et aux oreilles de nombreux jeunes particulièrement des collégiens et des Médersiens qui, spontanément ont déserté cet après midi les bancs de leurs établissements… Les clameurs devenaient de plus en plus fortes et précises, drainant encore davantage de badauds … Les policiers, complètement affolés et traités d’assassin, appréhendaient ce face à face qui pouvait, à tout instant, dégénérer… Les manifestants, « sentant » que l’enterrement n’aurait pas lieu dans cette atmosphère, laissèrent éclater leur colère et les slogans anti-Français furent lancés à la face des agents de l’ordre, impassibles… Entre temps les renforts de gardes mobiles, dont la caserne n’était pas éloignée du lieu de la manifestation, arrivèrent sur place… La tension ne faisait que croître et la nervosité des policiers devenait manifeste… De l’autre côté, la rumeur avait atteint tous les quartiers de la ville et des groupes de jeunes continuaient à affluer et à converger vers le cimetière… Délaissant un instant ce face à face à haut risque, tous les manifestants pénètrent à l’intérieur du cimetière. Un cercle impressionnant est formé sur l’emplacement où se fait habituellement la prière sur les morts. On y trouve des fonctionnaires, des employés, des commerçants, des chômeurs, des étudiants… Des discours, glorifiant le Docteur Benzerdjeb et toutes les victimes de la répression colonialiste furent prononcés… C’est là qu’il fut demandé de ne plus fumer, prémisse d’un boycott économique de certains articles français… La rage, longtemps contenue, explosa et, contrairement aux récits officiels, la foule, spontanément, commença à se déverser à l’extérieur du cimetière pour prendre la direction de la ville… (Annexe II). Les choses ont dégénéré lorsque les premiers rangs de manifestants sont arrivés à hauteur de l’oued de la Metchkana, plus exactement au niveau de

125 l’actuel hôtel Albert 1er (Hôtel Agadir) et que les CRS et les gardes mobiles les ont chargés à coup de crosse de mousquetons et de matraques caoutchoutées… Le choc fut féroce : les coups pleuvaient sur les manifestants qui scandaient de plus belle « Liberté ! Indépendance ! Vive le FLN ». La foule se dispersa, refluant vers la Metchekana ou empruntant des terrains vagues ainsi que les ruelles du quartier R’hiba pour déboucher et se reformer dans la rue Bel Abbès menant au centre ville. La masse, blessée dans son amour propre, s’en prit aux vitrines des magasins tenus par des européens, mais, fait remarquable, aucun civil ne fut molesté par ces éléments qui furent de nouveau, dispersés par d’importantes forces arrivées par camions. Un autre groupe s’est formé au Méchouar et s’apprêtait à longer la rue de France pour déboucher sur la place d’Alger… Mais les forces de l’ordre, présentes partout ce jour là, bloquèrent l’accès à cette place au niveau de la pharmacie Klingler (actuellement Bendimered). Face à ce cordon de policiers et de CRS, les jeunes bifurquèrent par la ruelle donnant sur la mosquée Sidi Brahim… Seul, un Israélite du nom de Hammou Chtété, un pauvre bougre aux cheveux crépus, un mordu de football, traînant continuellement dans les stades, se croyant couvert par une « immunité » de part sa religion et sa nationalité, osa s’aventurer dans la rue de France… Les agents de l’ordre, ravis de l’aubaine, sautèrent sur lui à 5 ou 6 et le rouèrent de coups, tandis qu’il hurlait à qui voulait l’entendre. « Arrêtez ! Arrêtez ! je ne suis pas un arabe ! je ne suis pas un arabe » ! Le malheureux, rencontré, quelques jours plus tard, était méconnaissable. Le visage tuméfié, il se plaignait de partout et se déplaçait avec mille et une difficultés. Quelques côtes fêlées et des contusions sur tout le corps, voilà quelqu’un qui se souviendra sûrement de la lutte de libération de l’Algérie… Le couvre feu imposé (Annexe II) et l’obscurité aidant, la ville reprit son calme, un tant soit peu…, mais dès le lendemain matin, des bagarres, de véritables batailles rangées éclatèrent au Collège de Slane entre élèves algériens et français ! L’intervention de certains professeurs « français métropolitains », comme on se plaisait à les qualifier pour les distinguer, finit par calmer les esprits et les ardeurs des uns et des autres… Parmi ces enseignants qui ont su conserver à la France des valeurs, humaines, nous citerons MM. BOURGUIGNON, MINE, TORRES, épaulés dans cette action par un jeune professeur algérien d’histoire-géographie sorti frais émoulu de la prestigieuse SORBONNE. Il s’agit de Monsieur INAL Sid Ahmed, connu pour son militantisme au sein du Parti Communiste Algérien et qui jouissait auprès des collégiens arabes, d’un grand prestige, tant pour ses qualités pédagogiques que pour son autorité morale incontestable au vu de ses positions hautement patriotiques. C’est ce jeune professeur qui a réussi à créer la jonction

126 entre les Médersiens (les F.M. c'est-à-dire les étudiants du lycée Franco-Musulman) et les collégiens « De Slane »… Les rapports entre ces deux catégories d’élèves n’étaient pas toujours des plus cordiaux mais souvent emprunts de méfiance réciproque, voire de mépris… C’est ainsi que, pendant qu’en ville des groupes se reformaient ici et là, pourchassés par la police, Monsieur INAL, à la tête des élèves de la Médersa rangés deux par deux dans un silence impressionnant, se pointa devant le collège de Slane : immédiatement tous leurs camarades de Slane quittèrent leur établissement et se mélangèrent aux FM. Instant inoubliable : résolument, Mr INAL en tête, aidé de quelques élèves plus âgés, toute cette masse s’engagea dans la rue de France (aujourd’hui rue de l’Indépendance) où les attendait un impressionnant service d’ordre à la hauteur de la pharmacie Triqui et de la grande mosquée de Tlemcen. Le heurt avec les CRS et gardes mobiles fut terrible car les policiers, tenant leurs mousquetons par le canon, s’en servaient comme de gourdins, traçant des moulinets impressionnants et s’abattant à l’aveuglette sur les corps frêles des jeunes manifestants dont plusieurs furent sérieusement blessés… D’autres furent interpellés, ce qui obligea les restants à se disperser à travers les ruelles avoisinantes et à chercher refuge dans les maisons « mauresques » de la ville basse… La répression fut féroce et impitoyable mais elle n’a pu dissuader la population de manifester et d’essayer à chaque occasion, de se regrouper en divers points de la ville et en particulier au niveau du cimetière musulman… Le couvre-feu fut avancé à 16h (Annexe II) et la ville quadrillée par des militaires arrivés en hâte : on voyait partout des chars, des half-tracks , des camions bourrés de CRS, gendarmes, gardes mobiles ou soldats casqués et armés jusqu’aux dents. Pendant 03 jours, Tlemcen connut, bien avant d’autres villes d’Algérie, des scènes inoubliables et des manifestations grandioses en faveur de la liberté et de l’indépendance du pays, préfigurant celles qui se sont déroulées à Alger en 1960 !! (Annexe III). L’assassinat du Docteur BENZEDJEB a soudé la population tlemcènienne autour de son organisation du FLN… Elle a permis de jeter les ponts entre toutes les catégories sociales… Dans ce cadre, la jonction réalisée par l’action du professeur INAL entre élèves de la Medersa et ceux du Collège de Slane allait permettre la constitution de nouvelles cellules clandestines pour les actions armées en milieu urbain ou encore pour l’activité politico-administrative : collecte d’argent, impression et diffusion de tracts, propagande et collecte de renseignements… En effet, une véritable prise de conscience politique à l’échelle d’une ville, d’une région, s’est opérée…Le Dr Benzerdjeb n’était pas mort en vain…Sa mort a plongé le

127 pouvoir dans un profond désarroi : expulsion de professeurs « métropolitains » jugés trop libéraux, arrestation d’intellectuels assignation à résidence, bref toute la panoplie aveugle des mesures de rétorsion qui a amené beaucoup de collégiens et de médersiens à rejoindre les maquis… En février 1956, le Professeur INAL disparut du collège de Slane et « monta » au maquis où il mourut, après avoir été blessé et arrêté dans les monts des Béni-Slissen, dans la région de Sidi-Bel-Abbès. Il fut torturé de manière bestiale et son corps carbonisé par la soldatesque française…La mémoire de ces héros Benzedjeb et Inal est encore vivace et respectée…Leur engagement et leur sacrifice incitèrent de nombreux jeunes à s’engager d’une manière irrévocable dans la lutte armée… Ces manifestations populaires de janvier 1956 donnèrent à la révolution algérienne un essor prodigieux, une impulsion insoupçonnable et des jeunes comme Bénali DGHINE et tant d’autres, qui vont se distinguer dans la lutte armée, appelée à connaître une intensité soutenue… La population apportera, en dépit de la répression féroce et aveugle des forces colonialistes, son soutien sans faille au mouvement de libération et d’émancipation de notre peuple tout entier… sous la houlette du FLN !!

128 La guérilla: Stratégies et tactiques de combat

Programmes d’enseignement dans les centres d'instruction d'A.L.N. ( type )

Nous faisons ici un résumé de quelques cours sur la guérilla, suivis pendant la révolution algérienne.

La stratégie de la guerre de libération nationale était basée sur la guérilla car la révolution algérienne ne pouvait faire face à un ennemi supérieur en moyens et en effectif.

L'apprentissage du système de la guérilla était obligatoire dès le début de l'intégration de l'élément dans les rangs de la Révolution.

Le proverbe dit " qu'un homme averti en vaut deux cela veut dire qu'en cas d’incapacité des moyens et des forces en présence pour faire face à l'ennemi ou si pendant notre préparation, l'ennemi venait à découvrir notre intention d'installation, tout n’était pas perdu pour autant, et qu'il ne fallait pas penser qu'il ne nous restait plus qu'à se rendre. Bien au contraire, la guerre nous avis appris qu'elle était basée plus particulièrement sur la tactique que sur les moyens et la force.

C’est ainsi que même avec des moyens assez limités, on pouvait livrer bataille à un ennemi puissant en novembre et en moyens, et ce en pratiquant la tactique de guérilla.

La " guérilla " est un mot espagnol qui veut dire " petite guerre", qui tend à battre l'ennemi par surprise, rapidité et efficacité, par embuscades Les guérilleros doivent disparaître dès que l'ennemi se reprend et réagit.

A/ -Le choix du P C. delà Mintaka

Critères d'une Mintaka ( zone ):

a/ Du point de vue géographique, la Mintaka devait être la plus étendue possible, elle devait se situer dans un terrain montagneux, couvert et assez accidenté afin de rendre impossible une offensive ennemie, à l'arme. Cela permettait de diviser l'ennemi et de le battre plus facilement. La Mintaka devait avoir des eaux potables et suffisantes pour les besoins de la vie

b/ La Mintaka (P.C.) devait assurer l'entière sécurité de la population, et celle-ci devait

129 être du côté des guérilleros. De plus, deux bureaux, un de renseignements et un autre de propagande étaient nécessaires et leur implantation indispensable tant parmi les cellules F.L.N. que dans les rangs ennemis.

Le premier entretenait les renseignements intérieurs, surveillait tous les mouvements de la population avec l’extérieur ainsi que son état moral.

Le deuxième s'occupait d’entretenir les bonnes relations de fraternité et de relancer le moral de la population, en particulier des chefs et meneurs

d - La défensive :

La connaissance parfaite de la Mintaka était obligatoire et indispensable pour chacun djouni ainsi que son organisation, la division et la répartition des postes à chaque équipe, points stratégique, postes d'observation , surveillance étroite des débouchés et des endroits les plus douteux, l'établissement de pièges et systèmes d'alerte dans les endroits vulnérables, création de sorties et soutiens de repli avec cachettes et pièges, enfin la surveillance des terrains de parachutage et des côtes de débarquement.

B/ - Les moyens de la Guérilla

La guérilla exigeait que tout Mintaka doive avoir un bon armement léger, en bon état de fonctionnement, une réserve suffisante de munitions, un atelier de réparation des armes et de fabrication d'explosifs. Elle exigeait aussi des moyens de transport, tels des mulets, des ânes des chevaux, des chameaux, ainsi que des porteurs.

Elle exigeait des moyens de communication, radios, transmissions (téléphone portatif, talkie-walkie...) des agents de transmission, es coureurs, ainsi que les moyens de signalisation, des baromètres, des moyens de pharmacie et des cartes d’état-major.

Une équipe spéciale sous la direction du PC, s’occupait du ravitaillement de la Mintaka qui devait posséder une réserve d'armement et de munitions, d'habillement, de chaussures Pataugas, des réserves en vivres et en eau, et enfin, l’organisation d'un refuge assez éloigné des routes, inacceptable et défendable, bien organisé et bien camouflé.

a/- Un service de renseignements du F.L.N. - A.L.N.

Un service de renseignements compétent à l’intérieur des villes, campagnes, et dans les rangs de l'ennemi contrôlait les mouvements ennemi, c’est-à-dire le mouvement des gares de

130 chargement et de déchargement, l'arrivée et sortie des trains, leur nature, les ports, le mouvement de camps d'aviation, le contrôle des routes, des sorties et entrées de toutes natures. Ainsi que les casernements, les stationnements de blindés ou véhicules, le déplacement des personnalités militaires et politiques locales ou de passage.

Ce réseau de renseignements était militaire, physiques et morales surtout dans la branche de l'espionnage et liée directement avec le P.C. de la Mintaka il était attaché.1

b/- Des hommes aguerris, rompus à la tactique de harcèlement :

Eléments conscient de la valeur de la lutte qu’ils aient, à savoir : arracher la victoire par la volonté de dieu, quel qu'en soit le prix.

Actifs dans leur tâche, travailleurs, se donnant de toute leur volonté, dans l'accomplissement de leur responsabilité et de leur devoir, rapides dans l'exécution des ordres.

Alerte, dynamiques dans leur action, attaquant avec rapidité, invulnérable et souple, courageux pour faire face à l’ennemi, ne craignant rien sauf le retour sous le joug, la bassesse, la misère et le déshonneur de la colonisation.

- Agressifs dans leurs attaques, ne connaissant aucun répit sauf la victoire ou la mort

Les guérilleros (mouharibine) devaient être formés en équipes organisées, chacune commandée par un chef L’équipe devaient être animée d’un esprit de solidarité. Chaque guérillero devrait largement contribuer au renforcement des liens qui unissaient l'équipe en montrant l'exemple par l'effacement et pour le bien de la collectivité et par la contribution totale de ce que demandait la lutte

Chaque guérillero devait ainsi être animé par l'esprit de fraternité en se privant soi- même pour donner à l'autre, en protégeant l'autre, au risque de sa vie.

Les guérilleros (mouharibine) devaient être tous d'un même avis et être totalement disciplinés envers le chef qui lui-même était désigné pour remplir cette responsabilité et exécuter à la lettre tous les ordres reçus ou conçus pour lui, quels qu’ils soient, sans objection.

Enfin, chaque guérillero devait mesurer les conséquences d'une faute commise dans le devoir et que la faute était collective .

131 c - El-Mouharibe (guérilleros )

La tactique d'El Mouharibe (guérilleros) consistait à harceler l'ennemi malgré son importance et sa force sur le terrain, le diviser, le démoraliser et enfin le battre Elle exigeait donc une grande connaissance de la lutte qu'il engageait

Pour cela, chaque Mouharibe (guérilleros), du chef jusqu'à l'homme de base (djoundi ou Moussabel) devait dès le départ être conscient de la tâche qui l'attendait afin de se préparer au mieux face à sa destinée.

Avoir un moral d'acier cela voulait dire avoir la conscience du devoir, de la liberté, préférer mourir plutôt que d'abandonner et accepter le déshonneur et la défaite. Cela voulait dire aussi supporter les souffrances des maladies, des blessures, de la faim, de la soif, supporter la durée temporaire de la lutte

Le guérilleros devait se débrouiller lui-même sans attendre d'être instruit. Chaque guérilleros devait contribuer à renforcer le moral des autres Mouharibine (guérilleros).

Chaque Mouharibe devait se préparer à la nouvelle vie à laquelle il était appelé, il devait oublier le luxe de la vie. Il fallait qu’il s'habitue à la vie dure et isolée, aux rigueurs de la montagne du Sahara, à la chaleur du soleil, au froid de l'hiver qu'il allait rencontrer dans la lutte, et pouvoir résister à tout cela avec facilité.

El-Mouharibe (guérilleros ) devait être actif; il devait pouvoir aller chercher et trouver sa proie, son principal but; il devait être agressif, n'avoir aucune pitié, sinon c'était lui qui servirait de proie à l'ennemi; il devait être rapide dans l'attaque, comme l'éclair, saisissant l'ennemi par surprise sans lui laisser le temps de se ressaisir; il devait être aussi précis dans son attaque, ne manquant jamais sa cible II devait être mouvant dans l'attaque, c’est-à-dire se déplacer avec souplesse et invulnérabilité

Enfin, El-Mouharibe se devait d'être insaisissable, disparaissant au moment voulu par des sentiers repli connus de lui seul, sans laisser derrière lui de trace pouvant guider l'ennemi à son emplacement.

d/ -El-Kaïd (le Chef)

El-Kaïd ou EI-Messoul (le chef ou responsable) du F L.N - A.L.N. au niveau de la base au sommet était le moteur de la révolution. C'est lui qui devait l'alimenter et l'entraîner par

132 l'exemple d'un vrai croyant aux actes, par son attitude révolutionnaire, par l'exemple du travail et de la volonté, en surveillant étroitement son équipe et en lui apportant l'aide et le réconfort nécessaire dans les moments et les circonstances difficiles. C’est de l'état de conscience et de la force morale d'El-Kaid (le Chef) que dépendait demain la meilleure réussite.

Pour cela, le Kaïd devait ne pas être une remorque mais au contraire devait constamment éduquer ses hommes et les améliorer de plus en plus en force morale et en courage.

Il devait les faire patienter dans la durée de l'action, les encourager et les soulager contre les souffrances des maladies, des blessures et la faim, l'isolement, le rationnement du ravitaillement.

Le Kaid devait beaucoup se méfier de la routine qui mène vers le laisser aller et la catastrophe, il devait donc constamment surveiller et améliorer l'attitude de ses hommes en leur préparent toujours soit de l'action, soit de l'occupation fructueuse.

Dans son attitude, le Kaïd devait être assez modeste, sans orgueil qui d’ailleurs ne s’accorde pas avec notre religion. Il devait également être autoritaire. Le travail bien progresser, il devait être prévoyant afin de ne pas être pris au dépourvu en sachant parer avec rapidité à toutes les éventualités et n’attendre de récompense que de Dieu le tout puissant son seul but était de réaliser la victoire et l'indépendance avec effacement de ses péchés, en mourant avec honneur pour la cause de Dieu et gagner le paradis

C/ - Les conditions générales de la guérilla

La tactique de la guérilla se distinguait sous deux formes :

1- forme de destruction des objectifs fixes

2-forme de harcèlement des objectifs mobiles

a / - Les principaux objectifs fixes étaient : les routes, les chemins de fer, les champs d'aviation, les gares de triage, les ports, les centrales électriques, les postes, les ateliers de fabrique ou de réparation, les dépôts de combustibles, les ponts, les tunnels, etc....

b/ - La tactique de harcèlement visait particulièrement à démoraliser l’ennemi en attaquant par surprise sur son terrain et disparaître.

133 Elle visait les objectifs mobiles, soit : des chars en stationnement ou véhicules, les postes isolés, les personnalités politico-militaires locales ou en déplacement, des troupes en repos d'exercice ou en repos de ville, les salies de spectacles, particulièrement pendant les fêtes, les lieux animés ainsi que tout ennemi isolé ou aventureux, attaquant l’ennemi dans les haltes de repos ou au moment des repas, après la fatigue de retour d’un ratissage ou d'un combat ou d'une longue marche exténuante.

D/ - Les conditions particulières -

Quand les meilleures conditions de préparation et de formation étaient atteintes, et que l'heure du déclenchement arrivait, les Mouharibine (guérilleros) devaient, par l'instruction et la connaissance qu’ils avaient reçues, former des hommes qui leur étaient désignés, les étoffer, leur fournir les armes qu’ils recevaient et enfin gagnait le maquis.

a/ - La tactique de harcèlement :

L'action de harcèlement devait envelopper tous les mouvements de l'ennemi, diviser en empêchant son regroupement, en détruisant, et en emportant biens et prisonniers de marque. Enfin dégager une unité amie prise dans un encerclement ennemi.

b/ - Particularités :

N’attaquer un ennemi que si l’objectif était payant. Si l’ennemi se reprenait et réagissait, l'objectif n'était plus payant, la dispersion par des itinéraires connus était donc indispensable, puisque la tactique de harcèlement ne demandait que de faibles moyens en hommes et en armes, son facteur principal reposant sur la surprise, la rapidité, la précision et le repli.

E/- Principes particuliers d’une attaque -

Les principes d'attaque d'un objectif quelconque demandaient une étude approfondie, une préparation méthodique et intelligente, afin de réduire tout risque et doubler de réussite.

a / Un réseau de renseignements sûrs et rapides reliés au terrain ennemi jusqu'au P C. de la Mintaka pour signaler toutes les sorties ennemies.

1) La direction qu'il empruntait

2) La nature de l'ennemi

134 3) Le nombre

4) L'allure approximative qu’il employait

5) Sa protection, sa défense et éclairage avancé.

b/ Après que le PC eut été en possession de renseignement sur, il devait choisir l'emplacement de l'attaque ainsi que l'heure approximative suivant l'allure. Le Raid (chef) devait faire venir ses hommes avant l'heure de l'arrivée de l'ennemi afin de placer les hommes donnant à chacun son poste et rôle s'assurant du principe de surprise et attendre la venue de l'ennemi .

d La discipline du feu était commandée, l'attaque devait être rapide et agressive.

d/ Le Caïd devait être souple dans son commandement et devant les circonstances inattendues, il devait rectifier sa position ou la signaler à une autre unité déjà avertie .

d Particularités :

Après l'attaque, si l'opération avait réussi et que l'ennemi avait été en déroute, il fallait continuer et achever la récupération des armes et biens . Si au contraire il se reprenait et réagissait l'objectif n'était plus payant, il fallait lui causer le plus de pertes possibles dès le début et se replier sur l'ordre du Raid dans les conditions étudiées à l'avance ; ainsi l'opération pouvait se reproduire une deuxième fois dans les conditions étudiées.

- Cantonnement el construction de Kanial (cases) -

Les conditions de campement des unités d'A.L.N. en guérilla devaient réunir deux conditions.

-1) la sécurité et la protection

–2) la salubrité et l'hygiène

a/ La sécurité des merkez (le camp) était la condition première de tout campement. Le merkez devait être loin des routes et des importants points d'eau connus, camouflés au mieux par la nature, à l'intérieur de toute Mintaka (zone) et au besoin par un camouflage artificiel Pendant le jour, bannir les fumées et les éclats, pendant la nuit les feux et les lumières Les armes devaient de même être camouflées.

135 b/La protection :

Il devait y avoir des postes de guet avancés, des points de défense élevés et dominant le terrain, des installations de pièges, des mines et un déclenchement d'alerte dans les couvertures avancées et vulnérables. Le merkez devait être retranché, protégé et organisé contre toute attaque ennemie de terre ou par air. Enfin, éviter les labyrinthes de pistes venant au P.C. du Merkez

c/ La salubrité et l'hygiène d'un campement :

La salubrité était la condition de santé des Mouharibine (guérilleros).

Le merkez devait être éloigné des eaux stagnantes et des marécages1. Le campement devait être sur un emplacement aéré et situé près d'un pont d’eau saine et suffisante pour la consommation et la vie au merkez ; celui-ci devait donc être soigneusement propre et sain.

d/ - La construction des Kaniat (cases) - e/ La sécurité :

L'installation des casemates, des gourbis et des khimates (tentes) devait être éloigné les unes des autres afin de réduire au maximum les dangers aériens Elles devaient en plus de cela être soigneusement camouflées soit par la nature, soit artificiellement. Un emplacement était aménagé spécialement pour remplir les obligations religieuses.

f/L'hygiène :

Les kazmet devaient être assez propres, arrosées et balayées quotidiennement, elles devaient être assez éclairées par une ouverture, conditions de santé des djounoud.

g/ La vie du merkez était organisée méthodiquement : les levers les couchers ainsi que les heures de travail. La vie dans le merkez devait être constamment animée, de l'instruction aux armes à la tactique militaire, à la culture, aux sciences, conférences, cours, réunions, en un mot elle devait être composée de travaux fructueux. La culture devait être expérimentée et encouragée.

h/ Particularités :

Le merkez devait comprendre un approvisionnement en vivres, en armes et munitions. Une unité s'occupait de la garde, des liaisons avec la population de la région pour le ravitaillement et les renseignements sur la région, sur l'ennemi et ses collaborateurs, enfin le

136 ou les kaid, étaient responsables de la vie quotidienne du merkez. Ils devaient avoir l'œil sur tout : instruction, moral, réunions diverses, progressions.

Pendant les sorties, le merkez devait être gardé par des unités bien années et camouflées qui devaient être prudentes, pour éviter toute attaque éventuelle.

G/- Les différentes marches -

a/ Marche en montagne : la marche en montagne devait être exécutée en file indienne, protégée aux flancs et à l'avant par des éclaireurs avancés et armés de préférence de mitraillettes pour déceler toute surprise ennemie et préserver le gros de l'équipe d'un danger meurtrier.

En montagne, celui qui découvrait son adversaire le premier était le vainqueur. La marche devait se faire en silence et en écoute. Les o£dres ou autre se faisait par signaux soit sonores, soit visuels.

Dans les longs trajets, la marche était coupée par des haltes, ou des repos surveillés

b/ Les haltes étaient faites pour reprendre du souffle ou se désaltérer, elles n'étaient que d'une durée de 10 à 15 minutes ; dans le deuxième cas on points d'eau, il fallait se méfier et s'assurer qu'ils n'étaient pas gardés ou empoisonnés par l'ennemi.

Il fallait aussi se méfier des rives, lors de traversée des cours d'eau. Enfin, pendant les haltes rien n'était déchargé, les hommes devaient rester sur leurs gardes et surveiller les endroits éventuels .

c/ Les repos étaient faits pendant une durée d'une nuit ou d'une journée. Le Kaid ou responsable d'unité choisissait un emplacement camouflé et lui permettant de voir à l’horizon tout mouvement. Il devait désigner l’emplacement des guetteurs et les relever toutes les deux heures.

Les hommes pouvaient se débarrasser de leurs bagages Chacun devait avoir ses armes et son bagage à portée de main et parer à toute éventualité. Il fallait éviter les feux et les lumières pendant la nuit, ainsi que les fumées et les éclats pendant le jour. Ne rien causer à lanature du terrain, et avant de repartir, s’assurer d'avoir effacé toute trace de campement de manière à ce que rien ne puisse guider l'ennemi.

d/ Si le méritez était attaqué pendant la nuit, il fallait éviter la réplique afin de ne pas

137 signaler la position exacte du merkez. U fallait gagner les retranchements ou postes préparés à la rampe dès l'alerte et couper toute infiltration possible en attendant le lever du jour.

Si l'ennemi était en nombre et prenait possession du merkez, il fallait se disperser dans la nuit, soit individuellement, soit par groupe et gagner la forêt et les rochers, ensuite se diriger vers les points de rassemblement en attendant les ordres

H/-Marche sur la roule -

La marche se faisait en bordure de la route et en file indienne à intervalles assez espacés pour éviter les balles perforantes ainsi que les à-coudes. La marche devait être silencieuse; l'homme de tête surveillait l'avant, en éclaireur, les suivants gardait les flancs, le premier le flanc de droite, le deuxième le flanc de gauche, et ainsi de suite le dernier homme surveillant l'arrière

Si la route était bordée d'une haie de buisson ou de barrières quelconques, des éclaireurs étaient avancés et devaient marcher à l'intérieur, pour déceler tout ennemi sur les routes dangereuses, des éclaireurs devaient devancer les équipes et découvrir les débouchés et tout obstacle.

Si l'ennemi attaquait du côté gauche, il fallait se jeter du côté droit, et vice-versa, et réagir en élargissant les ailes pour éviter l'encerclement et envelopper les mouvements de l'ennemi.

Traversée d’un carrefour :

Il fallait être deux hommes, s’installer dans les deux coins de l'angle de la route transversale et surveillait tout ennemi éventuel La route devait être traversée un par un ou deux par deux au pas de course et en courbe, l'arme pointée face au danger.

a/ - Traversée d'un pont -

Si le pont était assez long et large, il était traversé par groupe de 5 à 6 personne, dans le cas contraire, il était traversé par l ou 2 personnes.

La progression se faisait sous la protection des feux qui surveillaient les flancs et l'avant Le trajet s'exécutait au pas de course, en position courbée. ,

En cas de tir ennemi, il fallait se coucher à plat ventre et réagir en attendant les ordres

138 du Kaid, les respecter, soit pour retourner, ou bien progresser en rampant.

b/ - Traversée des cours d'eau -

Il fallait se méfier des mines et pièges, si le cours d'eau n'était pas profond et dangereux, dans le cas contraire, relier les deux rives à l'aide d'une corde, traverser soit à l'aide de rideaux exécutés sommairement sur place, soit par canots gonflables ou branches d'arbres ou en établissement un pont à l'aide d'un arbre. Si celui-ci se trouvait sur la berge, le mesurer et l'abattre du côté de la berge. Mohamed Guentari, Organisation politico-administrative et militaire De la révolution algérienne de 1954-1962 OPU, Alger

139 Le Moudjahed Profil psychologique du jeune combattant

Au départ, la composante humaine de l’A.L.N. était loin d’être homogène, les volontaires rejoignant les maquis étant dissemblables sur de nombreux points : origine régionale, origine sociale, niveau d’instruction, parcours militant, pour ne citer que les principaux. Seuls l’âge et les motivations pouvaient être considérés comme des critères communs à tous. De cette masse hétérogène, les formateurs de l’A.L.N. devaient créer un groupe homogène et sans faille, apte à résister aux conditions morales et matérielles les plus impitoyables.

Car en effet, les jeunes moudjahidine étaient appelés à mener une existence très rude, vivant comme des loups des mois durant, loin des leurs, sevrés de l’affection familiale, de l’amour conjugal et de la tendresse filiale. Leur sens moral était totalement dévié, leurs valeurs avaient profondément évolué et tout en eux, corps et esprit, vivaient tendu vers un but : la guerre. Tuer l’ennemi ou le traitre désigné comme tels était très valorisant, procurant gloire et considération auprès des compagnons. Cela s’accompagnait de surcroît pour certains du plaisir trouble et pervers de tuer et voir couler le sang.

La guérilla est une forme de lutte impitoyable, et il est certain que le but recherché par nos chefs était de transformer les jeunes agneaux que nous étions, à peine sortis de l’adolescence, en combattants farouches, coureurs de bois et de montagnes, infatigables, obéissant aveuglément aux ordres, même les plus absurdes. Toutefois, il n’était pas question de dépasser les limites extrêmes physiques et mentales des combattants, car cela risquait de les faire basculer dans l’inhumanité et la sauvagerie. Ce n’était pas le but visé, d’autant plus qu’au maquis, le manque de distractions, la vie en vase clos et l’absence de permissions de détente ne faisaient qu’aggraver la tension ambiante.

Et lorsque l’un d’entre nous avait par miracle la chance inouïe de se retrouver au Maroc pour une raison ou pour une autre, il était totalement dépaysé dans un monde qui lui était absolument étranger, et se croyait transporté au paradis des guerriers.

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Si Tahar et un groupe de combattants

Evolution politique et militaire La constitution et l’installation de bases de l’A.L.N à l’extérieur de l’Algérie, en Tunisie et au Maroc, sont dues initialement aux besoins en armement des Moudjahidine de l’intérieur.

En mars 1955, les responsables F.L.N de la Wilaya 5 s’installent à Nador, au Maroc, avec le soutien de l’Armée de Libération Marocaine. Le 29 mars de la même année, le bateau Dina, en provenance d’Alexandrie et ayant appartenu à la princesse de Jordanie, accosta le Rif Marocain, chargé de plus de 21 tonnes d’armes et de munitions. A son bord se trouvait aussi un groupe de jeunes étudiants algériens venant d’Egypte pour participer à la lutte, parmi lesquels se trouvaient Mohamed Boukherouba (le futur Houari Boumediene), Abdelkader Bouchentouf, Boucif Larfaoui, Ahmed El Mouggari (Si Sadek), Si Ali, Djillali Zenati, Si M’hamed, tous sous le Commandement de Nadir Bouzar.

Dès le 19 septembre est créée à Oujda une commission chargée de mettre en place un réseau de cellules couvrant toutes les villes marocaines, et d’organiser des hôpitaux et des centres de repos, et le 27 septembre 1955, un appel à la mobilisation générale est lancé, provoquant un afflux massif de volontaires dans les régions frontalières de l’Ouest, de Ghazaouet à Sebdou. Sous le commandement très rigoureux de Boussouf, à partir du P.C. installé à Oujda, la Wilaya 5 est très bien structurée, ainsi que le ravitaillement des Wilayas 4,5 et 6. Sa rigueur n’ira d’ailleurs pas sans provoquer les critiques de certains responsables.

Bien encadrées, parfaitement équipées et organisées, les forces de l’A.L.N avaient le plus souvent l’initiative dans les Monts de Tlemcen, avec des effectifs considérables et sous le commandement de chefs valeureux. Dès le début de la lutte, Larbi Ben Mhidi, à la tête de la Wilaya d’Oran et secondé par Boussouf, Benalla et Fortas, avait pris la décision d’équiper et renforcer les secteurs de l’intérieur en hommes et en matériel, par le biais d’unités spécialisées

141 appelées « Colonnes de Pénétration », vers le Sud et l’Est de l’Oranie. La presque totalité (80% environ) de l’armement débarqué du « Dina » fut ainsi expédiée vers l’intérieur, sous bonne escorte, encadrée par des anciens d’Indochine expérimentés, déserteurs de l’armée française. Toutes les régions furent ainsi renforcées en hommes et en équipements, sous la direction de responsables ayant fait leurs preuves, tels que Faradj, El Bouzidi, El Yamani, Nacer, Merbah, Lotfi et bien d’autres.

La région de Tlemcen, point de départ de toutes les « Colonnes de Pénétration », devint rapidement un centre névralgique, surtout après deux évènements importants qui allaient provoquer un bénéfique afflux de cadres jeunes et instruits : l’assassinat du docteur Ben zerdjeb et la Grève Nationale des Etudiants.

Ainsi l’A.L.N, renforça son implantation dans toutes les régions au relief accidenté. Les Moudjahidine étaient maîtres du terrain, contrôlant tous les axes routiers, dressant des embuscades meurtrières au cours desquelles d’importants lots d’armement étaient récupérés, qui permirent d’équiper rapidement les moussebbiline qui nous suivaient et n’espéraient que cela : MAS 36, MAT 49, FM 24/29 Garand, carabines 45 et mitraillettes Thomson.

Quelques mois plus tard, dans le cadre des activités du M.A.L.G, Boussouf s’attela à un objectif primordial : consolider la logistique. Dès le mois d’août 1956, il organise les transmissions et le renseignement, avec le perfectionnement des écoutes des réseaux ennemis. Il accroît l’efficacité de la coordination des informations entre les unités opérationnelles et le Commandement tant à l’intérieur de l’Algérie qu’à l’étranger. Des centres de formation sont implantés à Oujda, Nador et Tetouan, alors que ceux plus précisément militaires sont disséminés tout le long de la frontière et baptisés « Marakiz ».

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La vie au maquis

Il y a des historiens pour parler des événements décisifs qui ont fait l’Algérie indépendante. Mais il nous manque une référence sur la vie quotidienne dans les maquis. Notre vie n’était pas faite uniquement de batailles. Le plus grand ennemi que nous devions affronter était souvent dans les conditions de notre vie quotidienne. En rejoignant la Révolution, je savais qu'un changement radical allait s'opérer dans ma vie. Elle ne ressemblera plus à celle que j'avais vécue, dans une famille très tranquille et une société aux mœurs très polies. Je devais, évidemment, mener la vie dure des moudjahidine dans le maquis installé aux alentours du village d'El-Eubad à l'est de Tlemcen où j'atterris. Notre lieu d'habitation était une masure située près d'une grotte sise non loin du mausolée de Sidi Tahar1. Cette vétuste pièce de vingt mètres carrés nous abritait pendant la nuit. Nous dormions sur des nattes à même le sol, et nos sacs à dos nous servaient d'oreillers. Nous devions assurer chacun, un tour de garde selon un planning dressé par le commandement. De ce fait, il arrivait à chacun de nous de ne dormir que quatre heures par nuit. Deux villageois d'El-Eubad nous apportaient, chaque soir, notre repas, Plus tard, je sus que Si Salah Hamadouche remettait régulièrement de l'argent, à une dame du village qui nous préparait le manger. Nous avions de l'eau à profusion, puisque notre logis était situé près d'un bassin d'eau qui servait pour nous laver, et pour étancher notre soif. Parfois des familles d'El-Eubad nous invitaient à partager leur repas. Je n'oublierai jamais les moments passés chez Moulay Boumediene, chez M'hammed et Tedjini Bouyacoub et aussi chez les Medjadji dont la maison fut détruite en 1958 par l’armée française; leur père fut torturé parce qu'ils hébergeaient des moudjahidine. Tout autour de Tlemcen, les propriétés des patriotes accueillaient d'autres chefs comme Toubib, Major Khedim et des sections entières de djounoud. Nous avons déjà cité celle des Bendi Djelloul. Du coté de Saf-Saf la famille des hadj Amara abritait régulièrement quelques djounoud, et les aidait accomplir leur noble tâche. A Feddan Sbaa les familles Benosmane ont hébergé un grand nombre de nos valeureux combattants. Elles paieront à cause de cela un lourd

1. Sidi Tahar était le Moqadem de la confrérie Tijania à Tlemcen et il joua un rôle dans la résistance aux français au 19ème siècle.

143 tribut à la Guerre de libération nationale. Abderrahmane dit Dahmane Benosmane, ses trois fils et un neveu furent fusillés un jour par les militaires français, par mesure de représailles, à la suite d'un accrochage entre une unité de l'ALN et les soldats français. Au sud-ouest de la ville, à Beni Boubléne près de Mansourah, la famille Benyellès s'illustra par son active participation à l'hébergement des djounoud. Elle mit à la disposition de l'ALN une grande partie des jardins situés sur les hauteurs de la propriété. D'autres lieux sis à Aïn El-Houtz et Ouezidane servaient de lieux d'accueil pour nos combattants. Ainsi, la participation au combat des familles tlemcéniennes possédant des terres agricoles, était très importante. Ces vaillantes familles offraient aux combattants le logis, la nourriture et la possibilité de s'entraîner sur leurs terres, et aussi de s'y réfugier et s'y cacher au moment des grandes offensives de l'armée française. C'est sur ces terres qu'étaient creusés les fameux «pajéros» servant de caches, de jour, à nos moudjahidine, comme nous l'avons relaté. Cependant, malgré l'aide précieuse des familles qui avaient mis leurs enfants, leurs femmes et tous leurs biens, au service de la patrie, la vie n'était pas facile pour nos djounoud. Ils dormaient le plus souvent, avec leurs tenues. Il leur arrivait de ne pas enlever leurs chaussures pendant des mois, surtout lorsqu'ils étaient contraints de se déplacer sans cesse. Il faut rappeler que la nature même de la guerre menée contre les troupes françaises -la guérilla- les obligeait à changer fréquemment de place. Ils ne devaient jamais séjourner pendant longtemps au même endroit, afin d'éviter d'être localisés par l’ennemi. Nous avons déjà dit que Antar avait interdit à nos djounoud de continuer de séjourner dans la propriété des Bendi Djelloul pour ne pas être repérés. Les familles qui nous accueillaient couraient de très gros risques. Les propriétaires et les membres de leurs familles étaient arrêtés, torturés, abattus ou emprisonnés et leurs maisons étaient souvent détruites, leurs récoltes brûlées, et leur cheptel saisi par les forces coloniales lorsqu'elles apprenaient que les propriétaires hébergeaient les moudjahidine. Aussi, ceux-ci ne pouvaient rester longtemps dans un même lieu. Nous avons relaté, aussi, les conséquences de l’arrestation de Tounsi qui sous les affres de la torture avait révèlé aux soldats français, les endroits où étaient creusés des pajéros dans la propriété des Bendi Djelloul. Grand nombre de moudjahidine furent surpris dans leurs caches et tués par les forces coloniales. Ainsi, l'engagement des familles tlemcéniennes comportait de gros risques pour elles et pour leurs biens. Enfin rien n'était facile. Quand un moudjahid était malade ou blessé, les médecins et les médicaments n'étaient pas toujours disponibles. Lorsque je fus blessé lors du déraillement

144 du train, à El Ourit, j'eus droit à une seule injection de pénicilline, ensuite je soignai ma plaie à l'aide de teinture d'iode seulement(1). Je n'avais pas le choix, pourtant ma blessure était grave, une balle ayant traversé mon corps. Pour la petite histoire, je signale que lorsque j'étais à l'intérieur d'un pajéro à la suite de ma blessure, mon cousin A. Benchekra commença à se gratter et je vis sur son corps et ses cheveux des poux énormes ; il me dit en prenant avec ses doigts l'un d'eux: - "Bah! Celui-ci est encore petit, je ne me débarrasserai de lui que lorsqu'il sera plus grand". Il le remit à l'intérieur de sa chemise. Un exemple édifiant de ce qu’endurait le djoundi. Cependant, je connus les moments les plus pénibles lors de notre périple jusqu'à Oujda(2). Poursuivis sans discontinuité par l'armée française depuis notre départ, nous n'avons rien mangé pendant trois jours. Imaginez cela! Une personne qui marche pendant plus de quarante kilomètres par jour, et ne mange rien pendant soixante-douze heures ! C’est là qu’on découvre que le corps humain possède des capacités insoupçonnables. Je n'oublierai pas, comme je l'ai relaté ailleurs, que j'ai dû manger de l'herbe en compagnie de mon cousin Abdelkrim Benchekra. La souffrance corporelle s'ajoutait lors de cette marche, à la pénible douleur morale causée par l'hécatombe de la plupart de nos compagnons. Les souffrances éprouvées dans la VIIIème zone, au sud du Maroc, étaient d'une autre nature. Je n'arrivais pas à supporter le climat chaud et sec de la région surtout quand il y avait des vents de sable. Dans ce désert, la vie était particulièrement dure. Là-bas point de maisons ; les habitants étaient des nomades. Nous nous déplacions fréquemment, nous étions tenus de transporter notre nourriture ou plus précisément ce qui nous servait de repas. J'ai déjà parlé du pain dit "Mella" que nous pétrissions nous même et le soir, nous mangions soit des lentilles, soit des haricots ou des pâtes cuites à l'eau seulement. Une fois par semaine, car c'était un luxe, on nous permettait de partager une boîte de thon de cinq kilogrammes entre douze soldats, ce qui contribuait à équilibrer quelque peu notre alimentation. Pour laver notre "ferraille" qui nous servait d'ustensiles, nous utilisions soit de la terre sèche, soit du charbon pilé et cela à défaut de savon. Les rares fois où nous lavions nos habits, nous utilisions à la place du savon, un produit naturel ramassé dans les arbres : c'étaient des petites boules dont nous utilisions seulement l’écorce que nous faisions bouillir. Elle dégageait un liquide visqueux qui remplaçait le savon. Plus tard, je sus qu'on appelait cet arbre "sapindus". Dans le désert, le climat était insupportable : le matin, il faisait très chaud tandis que les nuits étaient très fraîches. Cette grande différence de température me causait personnellement beaucoup de désagrément, surtout que je n'étais pas préparé à affronter ce genre de climat. A

145 cause du froid, nos pieds étaient toujours enflés et les gerçures nous faisaient beaucoup souffrir. Par ailleurs, nous n'étions pas à l'abri des scorpions qui pullulaient partout dans la région. Ces bestioles sont dangereuses; leurs piqûres sont mortelles. En outre, nous ne disposions pas du sérum nécessaire pour traiter les éventuelles lésions. Il fallait être vigilant à tout moment et en tout lieu. Quand on était piqué, il fallait commencer par faire un garrot à proximité de l'endroit de la piqûre et par la suite faire une saignée. Cette technique permettait de limiter les dégâts mais n'était pas un remède définitif. Les conditions étaient partout très difficiles, mais les maquis présentaient des différences en raison du relief, du climat, de l’adhésion de la population et de l'aide qu'elle apportait aux combattants. A Tlemcen par exemple, les populations proches de nos caches nous ont grandement facilité la tâche. Par contre, au sud marocain où je fus affecté, les choses étaient différentes du fait de l'isolement et de l'hostilité de la nature et ce, malgré le soutien de la population marocaine à notre lutte. Ces deux éléments ont rendu notre tâche encore plus difficile. Je ne peux m'étendre sur tous les aspects de la vie dans le maquis. J’espère que les exemples que je viens de rapporter donneront une idée sur les souffrances endurées par les combattants, et qu’ils mettront aussi en valeur les sacrifices consentis par les familles qui ont mis leurs enfants et leurs biens au service de la Cause. Il y a sûrement eu des situations plus délicates encore que la mienne dans d'autres maquis situés dans le reste du pays. Cela ne confirmera qu'une chose, à savoir que nos djounoud, ceux qui sont tombés au champ d'honneur comme ceux qui sont restés vivants, ne menaient pas la belle vie et que seul le sacrifice de tous nos combattants, efficacement soutenus par la population, nous permit d'obtenir la victoire, et de chasser l'ennemi de la terre de nos ancêtres. La liberté n'a pas de prix.

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LE CAMP D'ANGAD

Affecté à Angad, à 5 Km d'Oujda, non loin de la frontière algérienne, je rejoignis ce centre de formation de I'ALN le 15 juillet 1957.

C'était une bâtisse d'environ 15m sur 10, comprenant 3 chambres de 6m sur une cuisine de 3m sur 4 et une grande cour en terre battue. 50 stagiaires vivaient dans ce centre, disposant en tout et pour tout d'une seule fosse d'aisance en guise de W.C, isolés de tout contact avec l'extérieur.

L’homme qui dirigeait ce centre d'une main de fer était originaire de Ghazaouet. Agé d'environ 40 ans, il était de grande taille, maigre et d'aspect sévère, ne souriant qu'en de très rares occasions.

Dés quatre heures du matin, tous les stagiaires devaient être dans la cour, et il n'avait aucune pitié pour les retardataires qu'il réveillait à coups de crosse afin qu'ils rejoignent leurs compagnons pour les exercices matinaux.

Nous utilisions cette cour d'environ 10 m sur 10 pour le parcours du combattant et tous les mouvements de l' «ordre serré». La poussière soulevée par activités recouvrait tout le centre, formant une épaisse couche, gênant encore plus ceux qui ne réussissaient pas à suivre la cadence accélérée de la course, harcelés à coups de crosse par Ba Amar.

Cet exercice matinal durait une demi-heure, suivie de 10 mn de repos, à la fin desquelles Ba Amar me remettait une enveloppe contenant des passages du règlement intérieur de I'ALN, sur deux feuilles pliées en quatre. Quotidiennement, ce règlement devait être lu en longue française puis traduit en longue Arabe à des stagiaires illettrés pour la plupart.

A cinq heures, nous étions gratifiés d'un semblant de café noir servi dans un quart en acier et accompagné d'un morceau de pain rassis de la veille.

Puis, à partir de six heures, nous nous retrouvions dans l'une des chambres, assis à même le sol sur des nattes en alfa, pour suivre les cours théoriques de Ba Amar sur la guérilla «Harb El Isabat». Ces cours étaient dispensés oralement, selon la méthode des écoles

147 coraniques : les stagiaires devaient répéter après l'instructeur, phrase après phrase plusieurs fois de suite, jusqu'à parfaitement assimiler la leçon.

C'était la seule méthode applicable à des adultes illettrés, mais habités par une forte volonté d'apprendre.

A la fin des cours théoriques, un repas au menu peu varié (riz, pâtes ou pommes de terre) nous était servi, suivi de la sieste obligatoire imposée par la canicule, le thermomètre atteignant les 40°.

Nous étions censés dormir pour récupérer, mais c'était compter sans l'espièglerie de Cherami Madjid, qui, n'arrivant généralement pas à trouver le sommeil, entreprenait de nous taquiner pour que nous partagions son insomnie.

L'une de ses blagues préférées était d'attendre que nous soyons profondément endormis, choisissant ce moment pour appeler : « Hadj, Hadj ! Est-ce que tu dors ? » Réveillant automatiquement le pauvre malheureux qui grommelait en réponse « Oui, je dors ! ». « Alors continue ! »concluait facétieusement Madjid.

Ou encore, il glissait entre les orteils des stagiaires endormis des prises de tabac auquel il mettait ensuite le feu, provoquant le réveil affolé des dormeurs ressentant la chaleur soudaine et intense.

Ainsi, s'écoulait la vie dans ce centre, une vie rude rythmée par les durs entrainements physiques et les cours théoriques. Mais cette rudesse était tempérée par un fort esprit de solidarité et de camaraderie et une profonde joie de vivre, car nous étions tous jeunes et pleins d'espoir en l'avenir.

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Credo du Moudjahed appris au camp d’entrainement d’Angad

حرب العصابات هذذذذذ غذذذذذل ذذذذذ ل يتنفذذب لسّ رذذل دعّ ذذ دسذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذذسه

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نرع ل م ع عّ سسئ : التحرك، التفوق، التجمع، الهجوم على العدو نرع ل م ع عّ سسئ : تقوية المادة والفكر والعلم العسكري نرع ل م ع عّ سسئ : الخروج من المكان عن تنظيم المريرة، العشاشة، والزرابة، والزرادة، والهدامة عّم سه عّمت : ج. د دعّرط لس أ مل

149 Angad, la fin du stage

Le 15 août 1957 s’acheva le stage de formation d’Angad, mais sa clôture officielle se fit le 18 en présence de Djaber, qui s’était déplacé à cet effet pour la proclamation des affectations des quelques soixante stagiaires.

Durant un tête à tête de plus de 30 minutes, Djaber me confirma que Benchekra Abdelkrim, Yousfi Mohamed et moi-même avions été proposés pour une formation en Egypte dans l’aviation. Mais en attendant les formalités et nos passeports, nous étions provisoirement affectés au centre de formation de Belhadj, situé dans une ferme des environs de Berkane, à une trentaine de km d’Oujda.

La joie que je ressentis à cette nouvelle fut malheureusement assombrie par les décès qu’il m’annonça, les larmes aux yeux : entre la mi-juillet et la mi-août, les rangs des maquis avaient subi une véritable hécatombe à laquelle j’avais échappé de justesse grâce à mon affectation au Maroc. Les 3 responsables du secteur de Tlemcen, à savoir mon cousin Benchekra Sid Ahmed dit Si Khaled, responsable religieux, Khedim Ali dit Major, responsable politique et Hamadouche Boumediene dit Si Salah, ainsi que Briksi, le secrétaire qui m’avait remplacé le 2 juillet pour tomber au combat le 14 août, à peine 44 jours après.

Ils avaient été suivis de près par le moussebbel Laribi Okacha, ainsi que Ghezlaoui Abdesslam, Ben Achour Mohamed, Moulay Ahmed, Sayah Mustapha dit El Ournidi, Tayeb le graisseur et Chelda Boulenouar.

L’annonce des décès de tant de compagnons de lutte m’attrista au plus haut point, mais ne fit que renforcer mes convictions.

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De gauche à droite : debout : Abi Ayad.M, Sabi.M, Hebri.M, Youcefi.A,Benchekra.A. Assis : Abdel Kader, Madjid Chirani et Mesli.M.

Fin de ratissage

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Les techniques de la guérilla

Une fois le lieu choisi, l’embuscade est dressée, le plus souvent de nuit ou en fin de journée, pour bénéficier de l’obscurité lors du repli, sans être repérés par l’aviation, en se faufilant à travers les broussailles. L’approche se fait en général par des pelotons de 11 ou des sections de 33 moudjahidine. Les commandos font mouvement en colonne plutôt qu’en ligne ou en essaim. Les hommes respectent scrupuleusement un intervalle de 5 mètres, afin de limiter les dégâts en cas d’embuscade adverse. De nuit et par temps couvert, cette distance suffit à peine pour distinguer la silhouette fantomatique du camarade qui nous précède, aussi la vigilance est-elle à son comble. Quant aux éclaireurs de pointe, chargés de la lourde responsabilité de guider leurs compagnons dans une totale obscurité, ce sont en général des moussebbiline de la région choisis parmi les meilleurs, ayant développé des qualités exceptionnelles les prédisposant à cette mission particulière.

Le commando est appelé à réaliser des attaques ou des coups de main contre l’ennemi, suivis d’un repli immédiat, selon les règles de la guérilla, qui préconisaient d’autre part les actions de nuit favorisant le repli et la dispersion rapides. C’était la manière la plus efficace d’échapper à un ennemi plus puissant, et de s’éloigner le plus possible vers des refuges sûrs. Au cours des ces replis opérés immédiatement après l’action, les commandos sont amenés à franchir des distances souvent importantes, de 20 à 40 km et plus, en terrain accidenté, franchissant des ravins ou des oueds, tantôt courant, tantôt marchant, lestés de leurs armes et de leurs prises de guerre, le tout en un temps le plus court possible, pour se mettre à l’abri avant le lever du jour.

Cet abri, cantonnement de fortune, est choisi et aménagé en fonction de l’environnement. L’idéal est la Mechta isolée, en raison des facilités qu’elle peut procurer. Mais le plus souvent, c’est le djebel, où l’on choisit un emplacement stratégique naturellement protégé par le relief. On y installe un campement bien camouflé, protégé par une ceinture de défenses légères mais efficaces. La proximité d’une source ou d’un oued est toujours recherchée pour la satisfaction des besoins en eau (toilette, cuisine, ablutions, …etc.) Le cantonnement, aussi idéal soit-il, ne sera utilisé qu’une fois, pour une durée n’excédant pas trois jours.

Ainsi, toujours dans la précarité, toujours en mouvement, constamment sur le qui - vive, manquant le plus souvent du strict minimum, dans une insécurité permanente, le commando est pleinement conscient qu’il ne peut compter que sur lui-même et son armement. Il doit savoir gérer ses forces physiques aussi bien que ses munitions, qui sont limitées, car en

152 cas d’accrochage, il ne peut espérer ni renfort ni secours. Paradoxalement, ce sont ces faiblesses apparentes et cet état de constante vigilance qui décuplent ses aptitudes de combattant, et font de lui un adversaire redouté par l’ennemi.

A partir de ces bases éphémères, le commando doit effectuer un maximum d’actions offensives, embuscades, attaques contre des postes militaires, raids contre des objectifs stratégiques. L’on procède d’abord à une reconnaissance précise avec l’aide de civils chargés des missions de surveillance et de renseignement. La somme de cette préparation initiale sera soumise alors aux chefs : plus les délais entre la phase de préparation et celle de réalisation seront courts, plus l’action décidée aura de chances de réussir avec un maximum d’efficacité, la rapidité et le nombre restreint d’attaquants étant des facteurs supplémentaires de succès. Telle était la mission de commando, mettant en permanence sa vie en péril pour le triomphe de sa cause.

Peu en réchapperont, Paix à leurs âmes.

׃ Additifs

- La katiba. - le Fellagha. - Guerre sainte et action psychologique.

La Katiba

Dans son rapport : « l’emploi des forces terrestres dans les missions de stabilisation en Algérie », le General Français Maurice Challe définit la katiba comme suit :

Ce qui caractérise en premier lieu la rébellion algérienne, c’est son extrême fluidité, sa capacité à agir en un point et à s’évanouir ensuite dans l’environnement immédiat. Pour ce faire, seule une organisation des bandes rebelles en petites formations est envisageable. A l’inverse de l’Indochine qui avait réussi à organiser des divisions, la rébellion algérienne en reste au stade de la compagnie (Katiba). A ses débuts, elle est composée essentiellement de bandes, armées de fusils de chasse, sans uniformes, comptabilisant de 30 à 50 hommes.

Puis, le F.L.N a progressivement constitué des Katiba de 100 à 120 hommes, dotés d’un uniforme minimal, de « 6 à 8 armes collectives, une vingtaine de pistolets mitrailleurs, une quarantaine de fusils de guerre [et] un nombre équivalent de fusils de chasse », à mesure des succès enregistrés par le processus de pourrissement mené par les actions de subversion.

153 Dans la logique de la guerre révolutionnaire, telle que décrite précédemment dans la définition donnée par Mao Tsé Tong, l’armée révolutionnaire se constitue progressivement en partant de rien jusqu’à atteindre le format d’une véritable armée régulière. Le General Maurice Challe souligne la même logique dans son expérience en Algérie, lorsqu’il analyse l’évolution des événements en 1958 :

« L’été passe, les combats sont durs car les bandes fellaghas se sont constituées en compagnies ou Katiba ; il y a des amorces de bataillons ou failek. C’est le processus de la guerre révolutionnaire. C’est ainsi que petit à petit on forme une armée nationale ». Les failek qui se constituent sont généralement composés d’environs trois Katiba.

Les qualités des Katiba peuvent être résumées de cette manière : « grâce à leur faiblesse numérique, à leur légèreté, à leur rusticité et à leur connaissance du pays, elles disparaissent pour gagner des retraites sûres que la population, complice volontaire ou involontaire, se gardera bien de dévoiler ». On retrouve par ailleurs dans cette appréciation l’importance du terrain, pourvoyeur de caches et retraites, et le processus subversif à l’égard de la population.

Le fellagha

Le Général Maurice Challe décrit de la manière qui suit le combattant que les forces terrestres ont dû affronter : « un homme très endurant et frugal, capable de se déplacer à une vitesse considérable quand il connaissait très bien la région où il combattait. Sa vitesse dans les djebels était deux à trois fois supérieure à celle de nos meilleurs éléments. Hors de son terrain de chasse, il était encore l’égal de nos meilleures troupes. Chez lui, dans sa zone de parcours, il était renseigné sur nos déplacements beaucoup plus vite que nous l’étions sur les siens. Il refusait systématiquement le combat car ses buts étaient avant tout de peser sur la population et de durer et pour les deux raisons précédentes, vitesse plus grande et renseignement plus rapide, il était difficile de le forcer à combattre ».

Guerre sainte et action psychologique

L’Islam jouait un grand rôle dans la motivation du combattant algérien. Nos propagandistes n’étaient pas écoutés lorsqu’ils faisaient référence au nationalisme, mais ils soulevaient l’enthousiasme général, notamment chez les plus âgés, dès qu’ils évoquaient le Djihad au nom de l’Islam.

154 « Voilà 100 ans que nous attendons ce moment ! El Djihad fi sabil Allah oua fi sabil El Watan »

La motivation religieuse était extraordinairement mobilisatrice surtout qu’elle faisait référence à la notion de sacrifice du Chahid face à l’ennemi mécréant.

Le rôle des oulema a été très déterminant dans la prise de conscience de la conception même de la nation. Ceux-ci ont notamment combattu l’obscurantisme des « Marabouts » et autres « Walia » encouragés et parfois créés de toutes pièces par les autorités françaises, et ce dans le but de maintenir le peuple dans l’ignorance et la superstition, notamment dans les campagnes.

La structure socio-religieuse mise en place par l’association d’Oulemas a été capable de se maintenir et de se développer, mobilisant à travers ses enseignements un maximum de gens contre l’occupant.

Le nationalisme algérien s’est mobilisé en grande partie autour du religieux, d’autant plus que l’Islam est mobilisateur, pour inculquer aux militants la discipline dans l’ordre révolutionnaire.

155 La grève des huit jours L'attaque du train : le 29 janvier 1957

Tlemcen, train sortant du tunnel, traversant le Pont des Cascades Comme nous venons de le voir, l'assassinat du Docteur Benaouda Benzerdjeb provoqua l'indignation de la population de Tlemcen qui, piquée au vif par la mort du fils d'une famille connue, réagit en s'engageant d'une manière franche aux cotés des fidaïs et du FLN, malgré les représailles de l'occupant français qui s'acharnait sur les familles ayant un membre au maquis, en enlevant et tuant les parents ou d'autres proches. Lorsque les jeunes Abderezak Bekhti, Ghomari et Abdellah Benblal rejoignirent le maquis ; les parents des deux premiers ont été sauvagement assassinés par la "Main rouge", organisation clandestine formée de policiers et de civils français ayant commis de nombreux assassinats, et provoqué de nombreuses disparitions de civils algériens. Quant à Benblal père, il n'eut la vie sauve que grâce à des amis qui l'informèrent à temps, et lui conseillèrent de prendre la fuite vers le Maroc. Une décision fut prise. En janvier 1957 : Salah, le Chef des Commandos de Tlemcen me demanda de lui lire un message provenant du Commandant Djaber, Chef de zone. En tant que secrétaire je lui lus le contenu de la missive : «Une grève générale de huit jours a été annoncée par le FLN/ALN. A tous les Algériens de faire grève en signe de protestation contre la féroce répression dont la population est victime et pour montrer au monde entier leur adhésion à la lutte menée par le FLN/ALN. Pour marquer l’événement, je vous demande le plus grand retentissement par des actions multiples de Fidas et Commandos durant cette semaine de grève. Stop et fin» Il va sans dire, que le mot d'ordre de grève fut suivi par la totalité de la population sauf quelques rares exceptions comme le refus d’un instituteur de l'école de la gare à Tlemcen, M.

156 Fardheb, de faire grève. Il fut tué par le FLN, pour servir d'exemple. Pourtant c’était un homme extraordinaire, hélas… Parmi les actions qui devaient accompagner cette grève générale de huit jours, il y eut l'attaque d'un train. J'y pris part d'une manière active. En ce jour, la grève était à son deuxième jour. Les soldats français utilisèrent partout la force pour obliger les Algériens à rejoindre leurs lieux de travail. Ils faisaient sortir sans ménagement les gens de chez eux. Les coups de crosse pleuvaient sur eux. Les rideaux des magasins qui étaient fermés furent arrachés, les marchandises éparpillées et subtilisées par les soldats notamment ceux de la Légion Etrangère ainsi que par les civils européens. Quant à nous, et sous le commandement de Si Salah, nous changeâmes de refuge pour des raisons de sécurité. Nous nous installâmes près des Cascades d'El-Ourit, à sept kilomètres à l'est de Tlemcen. Ce refuge était une vaste demeure appartenant à Azzoug Boumédiène, responsable civil du quartier El-Eubad2. De cette vaste bâtisse on avait une vue magnifique sur les cascades ; ainsi on pouvait voir ce qui se passait entre les monts dominant les cascades. En ce jour de Janvier 1957, un grand calme régnait à l'intérieur du logis qui nous abritait. Si Salah nettoyait son arme : soudain un sifflement strident se fit entendre, c'était le train de seize heures qui passait. Si Salah nous fixa du regard et dit: «Tiens, tiens, le train ne suit pas le mot d’ordre de grève ». - Cela est vrai, rétorqua Mostefa Bounouar qui ajouta : Nous avons huit kilos de plastic, pourquoi ne pas tenter un sabotage demain à la même heure? - Bien pensé, répondit Si Salah qui ordonna à Si Boumédiène de faire venir les explosifs ainsi que les instruments nécessaires à une telle opération. Le lendemain, c'est-à-dire le 29 Janvier 1957, nos valeureux hommes s'attelèrent à leur tâche. Je me chargeais d’enlever les pierres pour faire passer le fil relié au détonateur, en prenant grand soin de les remettre chacune à sa place et cela, pour ne pas attirer l'attention de la patrouille qui effectuait une ronde toutes les heures. Tandis que Mostefa assurait la garde, j'enfonçai l'explosif sous la traverse en bois reliant les deux rails ; un détonateur fut mis en place par Bounouar ; le tout fut supervisé par notre artificier Yahia Benyahia. Le travail achevé, nous retournâmes à notre refuge. Le lendemain, Si Boumédiène alla sur les lieux pour s’assurer que le travail ne présentait pas de lacunes. Il prit soin de nettoyer les rails à l'aide

2. Ce brave patriote avait mis sa maison à la disposition des maquisards. Victime de la délation, nous avons retrouvé son corps au fond d'un puits où il fut jeté après avoir été tué sauvagement par les Français. Rappelons que Si Boumédiène : était chef de village (Karya) désigné par le FLN.

157 d'une brosse pour enlever toute trace de notre passage. Si Salah constata cependant que l’emplacement choisi était à découvert. En cas de riposte ennemie nous serions en danger, mais il était trop tard pour changer de position. En retard sur l’horaire, le train n’arriva qu’un quart d'heure après. Ayant laissé passer les cinq premiers wagons qui transportaient comme d'habitude des civils, l’artificier Benyahia Yahia appuya sur la dynamo afin d'atteindre les deux derniers wagons remplis de militaires. Les wagons déraillèrent l'un après l'autre, mais pas dans le sens espéré par nous puisqu'ils ne sont pas tombés dans le ravin comme nous le souhaitions. Au lieu de prendre la fuite, je m'attardais à récupérer la dynamo tandis que des soldats nous tiraient dessus. Une balle vint se loger dans mon épaule droite. J'eus le souffle coupé, mais je réalisai vite que la balle avait traversé mon épaule ressortant par le dos. Bounouar vint à mon secours, et courageusement il me porta sur son dos. Quelques instants après, je perdis connaissance. Je revins à moi au fond d'un creux que mes camarades avaient pris le soin de couvrir avec des roseaux et de l'herbe. J'entendais la voix des soldats français furetant dans tous les coins pour essayer de nous mettre la main dessus. Une alerte générale fut donnée, et des renforts conséquents encerclèrent les lieux de l'incident. Quant à moi, je ne pouvais pas bouger, et ne possédais qu’une grenade pour me défendre. Le lendemain, à quatre heures du matin, j'entendis des pas se diriger vers ma cache ; j'eus une peur bleue, puis je poussai un soupir de soulagement : c'étaient les nôtres qui venaient me secourir. Ils me chargèrent sur un baudet, et m'emmenèrent au camp où un infirmier me fit une injection de pénicilline. Ma blessure allait m'handicaper sérieusement pendant tout un mois. Après une longue marche, nous arrivâmes à Saf-Saf. A un moment, une silhouette portant une djellaba noire apparut: c'était Abdeslam Bendi Djelloul. Il nous salua et me voyant blessé, il s'enquit de mon état et nous demanda de le suivre. Quand nous nous arrêtâmes, une dalle s'ouvrit et on me glissa à l'intérieur du pajéro. Un jeune homme me prodigua les premiers soins, je le reconnus, c'était KhodjaBach l'infirmier du docteur Baba Ahmed de Tlemcen, qui m'aida beaucoup en ce moment critique. Il me soigna, me donna à manger et m'encouragea. Puis une silhouette familière s'approcha de moi, c'était Sid-Ahmed Benchekra, mon cousin qui me donna des nouvelles de ma famille. Il me dit que mon père était en fuite. Quant à moi je ne pourrai plus mettre les pieds chez moi. Désormais, la ville m'était interdite, car des avis de recherche me concernant étaient placardés un peu partout, sur les murs de Tlemcen. Quoique très inquiet du sort de ma famille, et souffrant toujours de ma blessure, je n'oublierai jamais la gentillesse de Saïd Bendi Djelloul et de sa femme qui me furent d'un très grand réconfort physique et moral, en ces douloureuses circonstances. Ils avaient tout fait pour

158 me soulager et me revigorer physiquement et moralement. Ces braves gens ont su trouver les gestes et les paroles qu'il fallait pour me consoler, et m'encourager à supporter les épreuves que je vivais. La grève des huit jours a été une démonstration de mobilisation de vaste envergure des Algériens derrière le FLN. Villes et villages d’Algérie manifestaient d’une manière spectaculaire le sentiment de leur force et de leur cohésion. Le 4 février, la grève des huit jours prit fin. Commença alors le débat à l’ONU sur «l’affaire Algérienne». Une résolution est adoptée à l’unanimité des 77 votants qui reconnaît implicitement le droit du peuple algérien à l’indépendance. Je peux dire que l’ouverture du deuxième front Fida dans les villes avait porté ses fruits. Avant, les militaires des postes environnants dormaient le jour pour pouvoir patrouiller la nuit. Les actions du Fida les ont obligés à effectuer continuellement des rafles et des contrôles d’identité. De retour, la nuit, la fatigue et le stress avaient raison d’eux. Ils ne sortaient plus la nuit sauf en cas d’accrochages. Nos combattants trouvaient le terrain libre pour circuler et entreprendre leurs actions de sabotage sans risque de tomber dans des embuscades. Le Commandant Djaber avait ainsi prouvé son génie et ses grandes qualités de stratège hors pair. Nous travaillions aussi sur l’inné de notre peuple, en mobilisant les masses au nom du référentiel religieux. C’est ainsi que Djaber avait ordonné une action d’envergure en plein mois de Ramadhan, le mois qui a vu le triomphe du Prophète Mohammed (SLPP) et des premiers Musulmans lors de la bataille sacrée de Badr, dont parle le Saint Coran.

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Peur et terreur Rafle opérée par l’armée française le 29 janvier 1957 (grève des huit jours)

160 Le Fidai

Le Fidai pouvait être de l’un ou l’autre sexe, jeune volontaire et dynamique, pouvant revêtir différentes identités et être à même de détecter les mouvements de l’ennemi et de ses collaborateurs. Les fidai était constitués en plusieurs groupes de trois hommes, sous le commandement d’un responsable du FLN. Le chef de groupe était responsable de trois cellules de fida, chacune est responsable d’un ou plusieurs quartiers. La planification des opérations était du ressort du chef de la cellule, qui devait aussi selectionner les recrues et tester leur aptitude au combat. Dans les agglomerations de plus ou moins grande importance, les fida constituaient une véritable armée secrète dotée d’armes légères, de grenades et d’explosifs, les grandes villes telles Alger, Constantine ou Oran, baptisées « zones Autonomes » planifiaient, organisaient et menaient leurs propres opérations ; alors que, dans les centres de moindre importance, ces mêmes opérations étaient soumises à l’autorité de l’ALN. Les fida avaient pour objectifs les postes de police et de gendarmerie, ainsi que tous les centres d’activité et les fermes de colons, de même qu’ils étaient chargés d’exécuter les éléments ennemis, les agents de renseignement et les collaborateurs avérés. L’organisation devait rester secrète, aussi lorsque l’identité d’un fida était dévoilée et connue de l’ennemi, il était immédiatement exfiltré vers le maquis. Au cas où un élément était fait prisonnier, il devait absolument résister à la torture au minimum 24 à 48h, pour donner le temps à l’organisation de prendre ses dispositions. L’insécurité que faisaient régner les fida obligeait les autorités françaises un nombre de plus en plus important de soldats au niveau des villes, ce qui avait permis de diminuer la pression sur les moudjahidine au niveau des maquis dans les régions montagneuses et difficiles d’accès. Ref : « organisation politico-administrative et militaire de la révolution algérienne de 1954 à 1962 » du DR Mohamed Guentari, office des publications universitaires, Ben Aknoun (Alger).

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Le moussebel Comme son nom l’indique, cet adjoint civil homme ou femme, militant du FLN, était toujours près à se sacrifier pour la libération du pays. Sans être astreint aux tâches dévolues aux moudjahed, il devait subir un entraînement militaire au moins 2 fois par semaine. Ces exercices militaires étaient : l’entraînement aux opérations telles que l’encerclement et l’attaque des postes ennemis, les sabotages et embuscades, la destruction des barrages électrifiés, et l’observation des troupes ennemies. Le moussebel était chargé également de l’approvisionnement des troupes combattantes. Dix éléments étaient commandés par un Caporal, et cinq par un djoundi Major. Au bout de trois mois, il était intégré au sein de l’ALN, avec les mêmes droits et devoirs que les djoundi. Le Merkez Cette appellation désignait aussi bien le responsable d’un camp ou d’un centre d’entraînement que le lieu du campement lui-même. Ce responsable, généralement militant du FLN, avait la lourde tâche de la gestion du camp, notamment l’approvisionnement qui variait en fonction du nombre de moudjahidine et de la durée du séjour. EL Mouttassil L’agent de liaison -mouttassil- maintenait le contact permanent entre la ville et la compagne, collectant et transmettant les renseignements qui pouvaient être utiles à l’ALN.

162 Révolution urbaine et grève des huit jours à Alger

La « révolution urbaine » prit à Alger plusieurs formes attentats individuels ciblés au pistolet et à la mitraillette, et cela dès novembre 1954, actes de sabotage, grèves en particulier celle des huit jours, et bombes touchant fatalement des civils, créant une psychose de peur et de haine. Toutes ces formes de lutte furent accomplies par une avant-garde révolutionnaire, celle des fidas, « ceux qui se dévouent à la cause ». En réaction, les forces françaises se livrèrent à des arrestations, des encerclements des quartiers musulmans et à des tortures. Le tout annonçant la « Bataille d'Alger de 1957 ». Les préludes Les attentats avaient commencé dès le 1er Novembre. Abane, à son arrivée à Alger, estima qu'il fallait les redoubler. Un attentat à Alger, disait-il, fait plus de tapage médiatique qu'une opération militaire passée sous silence dans un maquis. Des chefs fidas vont émerger et les généraliser : Yacef Saâdi dans la Casbah, Bouchafa et Fetal dans les autres quartiers musulmans. Le 5 juillet 1955, commémoration du cent vingt-cinquième anniversaire de la perte d'Alger, plusieurs miliciens européens sont abattus. Des bombes explosent dans deux cinémas, des attentats visent des messalistes. Ali la Pointe traque les gens du milieu ayant des accointances avec la police. La loi du FLN s'impose, les quartiers musulmans sont pratiquement indépendants. Ni la police ni l'armée n'osent s'y aventurer. À la suite d'un attentat réussi contre un officier, place du Gouvernement, en juin 1956, on fait appel à l'armée. 5 000 soldats, 1 500 policiers et gendarmes encerclent la Casbah, perquisitionnent pratiquement toutes les maisons et enferment des milliers de personnes au stade de Saint- Eugène. On ne retint qu'une cinquantaine de suspects et on ne trouva que quelques armes. Piètre résultat pour une si grande opération. Une série de faits et d'événements ont précédé la Bataille d'Alger. Le 19 juin 1956 ont été guillotinés les patriotes Zabana et Ferradji provoquant les réactions indignées des prisonniers et de la population. Abane avait annoncé des représailles sévères pour chaque FLN guillotiné. Aussi, durant les quatre jours qui suivirent, près d'une cinquantaine de Pieds noirs étaient abattus. Le 10 août des contre- terroristes européens déposèrent une bombe dans la Casbah, rue de Thébes, l'explosion détruisit quatre maisons et fit près de soixante-dix morts. La police n'arrêta aucun coupable. Le FLN décida de changer la méthode : les attentats au pistolet ou même à la mitraillette ne suffisaient plus, il fallait utiliser des bombes. La zone autonome profitait d'un laboratoire tenu par une équipe communiste qui fabriquait des explosifs et d'un autre à la Scala où l'on montait

163 des bombes. Malgré la découverte du premier et l'explosion accidentelle du second, le FLN disposait encore de nombreux lieux de stockage de bombes. Dans la Casbah, l'étudiant en chimie Abderrahmane Taleb a installé impasse de la Grenade, un nouveau laboratoire de fabrication de bombes. Taleb avait contacté le FLN en mars 1955. Envoyé au maquis par AhcèneLaskri, il avait, avec des moyens rudimentaires, fabriqué toutes sortes d'explosifs. De retour à Alger en août 1955, on le chargea de fabriquer des bombes. Taleb fut aidé par toute une équipe : MarsaliAbdelghani, Bouchouchi Mustapha, Kouache Rachid, Ladjali Abdelkader, Beroudouane Ali, Debbih Cherif et Kechida Abdallah. La première bombe fut fabriquée le 21 août 1956. Le 30 septembre, trois jeunes filles, Sarnia Lakhdari, Zohra Drif et Djamila Bouhired, déposèrent des bombes que leur remit Taleb aux cafés « Milk-Bar » et « Cafétéria », et au Maurétania, comptoir d'Air France. Les attentats reprennent, des bombes explosent rue Villegaignon et boulevard Carnot; le maire de Boufarik, Amédée Froger, président de l'inter fédération des maires d'Algérie est abattu. Non par le FLN affirme Yacef, par son fils militant témoigne un père de famille. Ce qui est sûr, c'est la vengeance des Pieds noirs qui le jour des obsèques (30 décembre 1956) lynchent tous les Musulmans rencontrés (400 morts environ). De leur côté, les communistes avait tenté d'organiser des commandos, l'un d'eux avait chargé Fernand Yveton de faire sauter l'usine à gaz, mais il s'y prend maladroitement (la bombe n'éclate pas) et se fait arrêter (14 novembre 1956). Torturé, il avoue qu'une autre bombe doit sauter en ville. La police finira par la retrouver. Yveton sera torturé à nouveau avant d'être condamné à mort et guillotiné. Le 28 novembre, le FLN voulant venger l'enlèvement et la mort d'un militant, Chaouch, fait exploser trois bombes rue Villegaignon et boulevard Carnot. Une semaine plus tard, l'armée entoure la Casbah et les quartiers musulmans par des réseaux de barbelés. L'année 1956 s'achève, les fidas ont organisé cent vingt attentats, la police et l'armée n'ont ni arrêté les chefs de la zone autonome cachés dans la Casbah, ni découvert le siège du CCE qui se trouvait dans la villa d'Ouamara Mohammed dit Rachid, en plein quartier européen, 133, boulevard du Telemly. L'armée n'a trouvé qu'une solution : isoler les Musulmans de la Casbah en dressant des réseaux de barbelés autour de leur médina afin de les surveiller et les contrôler.

Les fidas ne sont pas restés inactifs : des bombes sont posées dans les cafés « L'Otomatic », « La Cafétéria », « Le Coq hardi », par des jeunes filles, Djamila, Zoubi da, Danièle Minne et Zahia Kerfallah. Bombe incendiaire au Monoprix de Belcourt, grenades Idans un café à Blida, attaque d'un car à Affre ville, colons abattus à Bofarik, Douéra, Desaix, Oued et Alleg... Des bombes éclatent, le 12 novembre, dans un autobus, au Monoprix de Maison-Carrée, à la gare d'Hussein- Dey. 164 LES FIDAS

Les débuts de 1957 sont marqués par deux faits importants : la grève des huit jours et ce qu'on appelé la Bataille d'Alger. Les fidas, militants révolutionnaires sont décidés, rompus à la clandestinité, équipés de quelques armes individuelles mais surtout de dangereuses bombes artisanales. Leur objectif est d'abattre des Musulmans jugés traîtres ou rivaux du FLN et des Français considérés suppôts du colonialisme, en faisant exploser des bombes dans les lieux fréquentés par ces derniers. C'est la seule forme de combat dans les villes, imposée par la conjoncture. Lutte horrible, les fidas s'en rendent compte, des innocents meurent, mais telle est la fatalité révolutionnaire. Les chefs ayant cloisonné l'organisation, le secret et la discipline en sont les règles principales. Les structures sont variées et complexes : laboratoire de fabrication des bombes, ateliers fournissant les carcasses en fonte, montant les détonateurs, équipes chargées de rechercher les complicités, de déterminer les cibles, d'aménager les relais, de régler les bombes, de les poser... Les masses algériennes acquises aux résistants, suivent leur S combat. Des jeunes renforcent leurs rangs et, chose extraordinaire, I des jeunes filles se révèlent de courageuses fidas dans une société peu habituée aux exploits féminins). Le peuple aide, cache, nourrit les fidas ; il supporte la répression, vivant suivant les circonstances, tantôt dans un climat de peur suite aux perquisitions, aux rafles, aux arrestations et aux tortures, tantôt dans l'exaltation de la foi et de l'héroïsme.

165 La construction des péjeros

Pendant la Guerre de libération, les moyens de lutte contre l'occupant étaient dérisoires, par rapport aux moyens et à l'arsenal de guerre imposant déployé par l'armée coloniale. Pour palier à ce déséquilibre, nos valeureux djounoud ont dû user de ruses et de stratagèmes pour combattre avec succès les forces coloniales. Les péjéros, terme passant pour être d'origine espagnole, sont des abris souterrains ayant joué un rôle important tout au long de la guerre et dans toutes les régions du pays. Ils ont servi de caches d'armes, mais ont abrité aussi les moudjahidine (combattants) surtout pendant la journée. Pour leur construction, on devait observer certaines règles: il fallait un endroit à proximité d'un grand arbre, celui-ci étant creusé pour servir d'aération. En outre nous choisissions de creuser non loin d'un ruisseau, d'un oued ou d'une rigole, afin que l'eau emporte la terre fraîchement enlevée. Si elle restait sur place, l'ennemi pouvait facilement déceler nos abris. Nous creusions un carré d'un mètre vingt de côté sur une profondeur de deux mètres cinquante qu'on élargissait par le bas. A la fin, on camouflait l'endroit par des touffes d'herbes et de la terre sèche. En outre, nous saupoudrions d'épices les alentours pour empêcher les chiens des policiers ou des militaires de découvrir les abris. Les péjéros pouvaient abriter jusqu'à trente personnes mais, pour limiter les risques, nous nous y terrions par groupes de cinq personnes seulement. Nous ne pouvions sortir de ces abris que la nuit: un civil se chargeait de nous ouvrir la dalle camouflée par de la terre et de l'herbe sèche. Ces caches nous ont sauvés plusieurs fois de massacres certains, surtout lors des encerclements et des ratissages effectués par l'armée française. Lors de l'encerclement du maquis de Sidi Tahar et d'El-Eubad, à l'est de Tlemcen, par l'armée française le (14 Août 1957), qui a vu la mort de Hamadouche alias Si Salah, de nombreux moudjahidine, comme Salah Mecifi et plusieurs de ses compagnons, n'ont dû leur salut qu'à ces abris souterrains. De tout temps, Si Salah s'est refusé à se cacher à l'intérieur de ces abris. Il disait qu'il ne voulait pas finir asphyxié. L'arrestation de Fethallah Bouhsira, alias Tounsi, permit à l'armée française, comme nous le verrons au chapitre consacré à la valeureuse famille des Bendi Djelloul, de retrouver beaucoup d'abris. Les soldats, après avoir soulevé les dalles, lançaient des grenades ou des bouteilles Molotov tuant de nombreux moudjahidine se trouvant à l'intérieur de ces caches souterraines. Il en fut ainsi chez les Bendi Djelloul et ailleurs. Le commandant Djaber lui-même en fut victime.

166 Il est indéniable que ces péjéros, qui se trouvaient un peu partout dans les jardins entourant la ville de Tlemcen, ont permis à nos combattants de se cacher parfois pendant plusieurs jours, pour pouvoir par la suite se préparer et déclencher des opérations. Ils ont servi aussi d'infirmerie où l’on pouvait soigner les blessés en plein jour, chose qui aurait été impossible dans un autre endroit. Signalons que certains propriétaires de jardins ont gardé jusqu'à nos jours dans les environs de Tlemcen, quelques péjéros dans leur état originel, afin de montrer aux jeunes d'aujourd'hui, les conditions dans lesquelles vivaient nos valeureux moudjahidine.

Bali Belahsene, Mémoires d’un jeune combattant de l’ALN

167 Abane Ramdhane et la stratégie militaire de la guerre de libération nationale

… La réalité du terrain devait rapidement prouver que la stratégie militaire imposée par Abane Ramdane ne pouvait déboucher que sur la décimation de l'ALN. L’installation par l'ennemi d'un barrage électrifié et fortifié aux frontières de l'Est et de l'Ouest, à partir de février 1957, ne fit que rendre encore plus évident le caractère mortel de cette stratégie. La mise en œuvre de cette stratégie à travers toutes les wilayas du pays dans les premiers mois de 1957 aboutit à l'accroissement des pertes humaines et matérielles au sein de l'ALN. Une illustration des effets de cette stratégie peut être donnée par les évènements qui se déroulèrent dans la zone Il, wilaya V, après sa mise en œuvre. Le fait est qu'en mars 1957, après l'assassinat de Larbi BenM'hidi, qui avait eu lieu le 4 du même mois, Abdelhafid Boussouf, passé colonel commandant la wilaya V, décida de mettre en application les recommandations de Abane Ramdhane, et donné l’ordre au commandant de zone de constituer des katibas de 120 hommes en moyenne avec les sections d'une quarantaine de jounoud, qui étaient les structures adoptées jusqu'à cette période. Le capitaine Rachid, (de son vrai nom Mosteghanemi Rachid, ancien mineur en France et maître d'école coranique dans la région des Djabala) qui commandait alors la zone Il de cette wilaya (couvrant les Beni Khaled, les Beni Abed, les Beni-Mnir, , Msirda. Djabala, le mont Fillaoucène et Nédroma) créa 3 katibas avec les quelque quatre cents hommes de sa zone. Cette nouvelle structure était complètement en place début avril. Mais l'équipement mis à la disposition de ces nouveaux regroupements n'avait pas suivi, rendant la nouvelle organisation militaire quelque peu inefficace: l'armement était disparate, essentiellement des armes légères de toutes marques et de toutes origines, utilisant des munitions de toutes dimensions, rendant quasi impossible l'approvisionnement cohérent en munitions. Cette disparité de l'armement constituait un handicap mortel, maintenant que l'ALN voulait passer, suivant la doctrine militaire de Abane Ramdane, à l'affrontement direct avec l'ennemi; les jounoud disposaient d'armes légères de tous types et de tous âges, depuis le chassepot français datant d'avant la Première Guerre mondiale, en passant par le MAS 36 de l'entre deux guerres mondiales, le BSA anglais du début du vingtième siècle, le fusil Garant américain et la carabine légère américaine datant de la Seconde Guerre mondiale, le Mauser allemand de l'entre deux guerres, fabriqué en Tchécoslovaquie, des fusils de chasse sans grande efficacité pour les combats intenses, peut-être quelques Stati italiens récupérés des

168 dépôts de l'armée italienne en Libye; chacune de ces armes avait son propre calibre de munitions, et l'armée la plus sophistiquée aurait été incapable de concevoir, avec les techniques informatiques ultramodernes actuelles, un système d'approvisionnement adéquat en munitions de cet armement hétéroclite. En termes d'armes à tir rapide, mitraillettes, fusils mitrailleurs et mitrailleuses armes destinées à accroître la puissance de feu disponible en cas de combat violent, c'était le même niveau de disparité, associé à la rareté: quelques MAT 49 récupérés sur l'ennemi, deux à trois mitraillettes Thomson Marines américaines, quelques MP 34 allemands reçus début 1957, une mitrailleuse Lewis modèle 1911, calibre 7.62 avec chargeur cylindrique, lourde de 13 kg, se bloquant quand elle chauffait, c'est-à-dire quand on avait le plus besoin d'elle, un fusil mitrailleur BREN de conception tchèque et de fabrication anglaise, un MG34 allemand, tous deux pesant 12 kg, l'une et l'autre, utilisant des chargeurs à rubans, un fusil mitrailleur BAR belge, la seule arme lourde pouvant être considérée comme de l'artillerie, était un mortier anglais de 5 pouces pour lequel il n'y avait plus de munitions. Quant à l'équipement de transmission, il consistait en un RCA marine américain destiné à l'équipement des bateaux de plaisance: son transport exigeait la mobilisation de deux mulets, puisqu'il était alimenté par deux grandes batteries de camions elles-mêmes chargées par un chargeur fonctionnant à l'essence et pesant dans les 20 kg. C'était là donc l'armée régulière de l'ALN : elle ne faisait pas le poids devant la puissance de feu et les effectifs de l’armée coloniale, dotée d’armement de tous calibres normalisé, ayant en nombre appréciable des mortiers et des canons de campagne, des véhicules blindés de tous types, sans problème d'approvisionnement, capable de mobiliser une force de frappe aérienne et héliportée efficace contre les regroupements de I'ALN, faisant intervenir même la grosse artillerie de la marine dans les régions côtières. Face à cette armada, la seule supériorité dont disposait l'ALN était le courage de ses jounoud et la mobilisation de la population. La bataille de Fillaoucène devait donner, de manière catégorique, la preuve de l'ineptie de la stratégie militaire de Abane Ramdane. Entre le 9 et le 19 avril 1957, les trois katibas de l'ALN, composées de quelque trois cent soixante jounoud, et coordonnées par un certain Tétouan, ancien caporal de l'armée d'occupation, qui avait déserté l'année précédente du poste de Bab el-Assa, se fortifièrent dans le djebel Fillaouacène, dans l'attente d'une attaque ennemie: Tétouan, qui avait reçu sa formation et son expérience militaire dans les rizières indochinoises, pensait pouvoir infliger à l'ennemi le type de défaite qu'il avait subi de la main des révolutionnaires vietnamiens.

169 Les tirailleurs algériens n'étaient que de la chair à canon pour leurs commandants qui les jetaient à la mort sans hésitation, ni remords: et Tétouan, qui avait déjà passé une année dans l'ALN, n'arrivait pas à se débarrasser de la tournure d'esprit qui lui avait été inculquée par ses anciens supérieurs. Bien qu'il lui ait été vivement conseillé de renoncer à provoquer l'ennemi et lui permettre, ainsi, de mobiliser sa puissance de feu, Tétouan insista qu'il pouvait l'emporter sur les troupes ennemies les mieux équipées. Accusé de mollesse par son adjoint militaire Si Mahmoud, de son vrai nom Abdallah Arbaoui, ancien enfant de troupe qui avait fait sa formation à l'école d'infanterie de Cherchell, puis avait pris part à des combats en Indochine, le capitaine Rachid laissa faire Tétouan, mais il retira une katiba du Djebel Fillaoucène et alla, par prudence, se réfugier dans le Djebel Trara, avec son adjoint politique nouvellement arrivé, Mohammed Ziani, dit si Belkacem, ancien instituteur au Maroc (ce dernier devait être, avec deux de ses compagnons, victime d'une trahison dans la région de Msirda, le 11 juillet 1957, et tué avec eux dans une cache par l'ennemi, sans avoir la possibilité ni de tirer une balle ni de lancer une grenade). Le 20 avril 1957, le deuxième bataillon du 5ème régiment de tirailleurs sénégalais, conduit par un certain commandant Aussudre, appuyé par un bataillon du 5ème régiment étranger d'infanterie, stationné à Maghnia, et d'autres troupes ennemies, dont des commandos de la DBFM (demi brigade de fusiliers marins) stationnée à Ghazaouet et ses environs, (et dont Jacques Chirac avait fait partie) soit en tout un effectif d'au moins mille soldats ennemis, furent envoyés pour déloger les deux katibas. Le combat commença à l'avantage de l'ALN, qui avait ouvert le feu sans attendre l'attaque ennemie. L’aviation d'appui au sol fut appelée et les avions de fabrication canadienne T6, armés de deux mitrailleuses et d'un lance-roquettes, se ruèrent sur les jounoud. Un avion de bombardement B26, pouvant lancer des bombes d'une tonne huit cents, fut appelé également à la rescousse; les deux canons 155 stationnés dans le poste militaire de Ouled Hasna (connu également sous le nom de Ain el-Kebira) intervinrent également contre les deux katibas. Le combat dura quatre jours et s'étendit de l'autre côté de la l'ancienne route de Tlemcen à Nédroma jusqu'à Oued el Sbaâ où la katiba dans laquelle je me trouvais fut accrochée, perdit 8 jounoud et eut 12 blessés ; moi-même ne dus la vie sauve qu'au fait qu'un obus de mortier ennemi tomba près sans exploser! Tétouan et une soixantaine de jounoud perdirent la vie à Fillaoucène même; une cinquantaine furent blessés et évacués vers un hôpital de fortune installé dans une grotte du djebel Sidi Sofiane, où ceux atteints de blessures graves moururent rapidement faute de soins, le seul infirmier dont disposait la zone ayant été tué au cours de la bataille, sans compter l'absence quasi-totale de médicaments.

170 L'ALN n'aurait jamais dû accepter ce combat qu'elle n'était nullement forcée de provoquer ou d'accepter, car cela n'avait aucun sens sur le plan militaire et était perdu d'avance, car il ne changeait rien à la situation militaire dans la zone frontière avec le Maroc ou dans la wilaya V, à moins, évidemment, que l'on ne considère que l'objectif de la guerre de Libération fût d’avoir autant de «chouhada» que possible, ce qui est le comble de l'absurdité militaire. Après cette bataille, le capitaine Rachid eut le bon sens de dissoudre la katiba qui était restée intacte et de retourner à l'ancienne stratégie fondée sur de petites unités, ce qui évita à la zone V l'annihilation totale par l'ennemi! La bataille de Fillaoucène, un haut fait d'armes, dont on ne peut être que fier, constitua, néanmoins, un exemple particulièrement tragique du non-sens militaire qui découlait de la stratégie erronée de Abane Ramdane. En conclusion, il ne s'agit nullement de porter le blâme de cette triste et inutile bataille sur Tétouan, qui y perdit la vie, ni sur les jounoud, qui firent preuve d'un courage hors du commun, mais sur une stratégie mal pensée et que, dans des conditions d'intendance et de logistique optimales, il était impossible de mettre en pratique à l'intérieur du pays; l'une des conséquences de ce cette stratégie, fut la création de l'armée des frontières.

(« Le Quotidien d’Oran » 24 août 2008 : extraits)

171 La femme Algérienne dans le combat pour l’indépendance

On estime à 11 000 le nombre de femmes qui ont participé de manière officielle à la guerre de libération nationale aux côtés du FLN, d’après les archives du ministère de la Guerre algérien. La répartition s’effectue entre 18% de militaires basées dans les maquis et les réseaux de guérilla urbaine et 82% de civiles chargées essentiellement de l’intendance de guerre. L’apport des femmes s’est avéré efficace en raison du type de guerre en présence en Algérie : dans les maquis et dans les centres urbains. Elles investissent les fonctions de collectrices de fonds, d’argents de renseignements ou de liaisons, d’infirmières et d’éducatrices ou propagandistes des populations civiles au contact des maquis. L’immense majorité est infirmière, cantinière et éducatrice de la population civile au contact des maquis. Leur participation a contribué à assurer l’intendance et la logistique de la lutte armée sans laquelle la révolution algérienne aurait été rapidement asphyxiée. L’armée française constate à la fin des années cinquante la gêne que constitue la participation des Algérienne à la lutte pour l’indépendance. Un commandant du corps d’armée de Constantine écrit à propos d’u dossier sur l’organisation du corps d’armée de Constantine découvert sur le corps d’un agent politique du FLN mort : « Indépendamment du rôle d’infirmière dans les hôpitaux et hors des hôpitaux qu’il a dévolu aux moudjahidate, le commandement rebelle entend utiliser également ces dernières en qualité de chargées de mission auprès de la femme algérienne sur le plan politique et social : elles doivent expliquer aux femmes algériennes ce que sont l’ALN et le FLN et les buts de la révolution algérienne. La circulaire fait apparaître que les femmes combattantes sont appelées à devenir plus que des infirmières, de véritables agents politiques du FLN. La présence de femmes dans les rangs rebelles à été signalée à plusieurs reprises sur le territoire de la wilaya II. La part est grandissante des femmes engagées dans les activités rebelles. » Le général Pacquette, commandant la 13e division d’infanterie et les secteurs du sud- Oranais dit en 1960 : « l’aide apportée par les femmes à la rébellion constitue à n’en pas douter un obstacle de plus en plus sérieux sinon nouveau dans notre lutte contre l’infrastructure rebelle. »

Parti de cette constatation, l’armée met en place une stratégie pour contrer la participation des femmes à la lutte nationaliste. L’opération de séduction des femmes

172 algériennes mise en place par les états majors de l’armée française va radicalement à l’encontre des exactions qui ont pu être commises contre les populations civiles féminines. En revanche, il n’y a pas eu de différences dans le traitement des agents du FLN et de l’ALN de sexes masculin ou féminin : 14% des moudjahidate furent arrêtées, emprisonnées ou connurent des violences. Des femmes dans la guerre d’Algérie

Les maquisardes : Sur les quelques 2000 algériennes qui ont rejoint le maquis, la plus grande part avait moins de 30ans, et les 50% n’atteignaient pas la vingtaine. Elles ont vécu seules ou en petits groupes au milieu de leurs compagnons de lutte, en dépit des interdits de la société traditionnelle, bravant le froid, la faim, les marches forcées et les accrochages meurtriers. Elles ont été affectées à différentes tâches auprès de la population civile féminine, donnant des conseils d’hygiène et se chargeant de la cuisine, tout en prodiguant des soins. Les infirmières maquisardes, particulièrement utiles, ont souvent tenu seules des infirmeries de compagne, organisant la vie communautaire des combattant blessés, soignant avec très peu de médicaments, opérant dans des conditions extrêmes et s’occupant du transfert des blessés lorsqu’il s’imposait. La plupart n’étaient pas armées, sans que cela correspond à un quelconque interdit, étant plutôt la conséquence de la rareté des armes. Souvent d’abord mal acceptées, elles ont su s’imposer comme égales à leurs frères de combat. Au cours de la lutte, 10% des maquisardes ont été arrêtées et 20% ont été tuées. Les villageoises Elles sont très nombreuses à s’être engagées dans la lutte, essentiellement en assurant le ravitaillement et l’hébergement des combattants. Se déplacer sur de très longues distances pour assurer des liaisons, cuisiner quotidiennement pour des dizaines de djounoud, voilà bien des tâches épuisantes qui ne figurent pas comme faits de guerre. Pourtant, elles ont joué un rôle essentiel, encourrant les mêmes dangers que les autres combattants. Arrêtées, torturées le plus souvent, enfermées dans des camps, elles restent dans l’anonymat. Mariées, mères de famille, elles souffrent doublement de la guerre qui les blesse dans leur chair, et leur enlève mari et enfant. Combattantes inconnues, ces héroïnes disparaissent l’une après l’autre, et la mort les fait plonger irrémédiablement dans l’oubli.

173 La guérilla urbaine et la bataille d’Alger En zone urbaine, le rôle des combattantes est primordial parce qu’elles se fondent naturellement dans la population civile, ayant une plus grande facilité de mouvement que les hommes. Elles assurent l’hébergement et les liaisons, fort le guet, repèrent les cibles éventuelles et participent aux attentas. Durant la bataille d’Alger, le quadrillage par 30 000 militaires de la capitale paralysa totalement les quelques 500 hommes armés du FLN. C’est alors que les femmes prirent la relève, les deux tiers des attentas à la bombe ont été effectués par des combattantes et, fait exceptionnel, des femmes ont même participé à la direction de la guérilla. La moitié de ces militantes ont été arrêtées (50.8%) et ont subi de lourdes peines d’emprisonnement après avoir été pour la plupart torturées. Et puis il y a toutes ces femmes dont la vie a brutalement basculé à la suite de la mort, de l’arrestation, du départ au maquis d’un mari ou d’un fils qui était souvent leur seul soutien. Elles qui n’étaient jamais sorties seules affrontent brutalement un univers inconnu et horrible, arrivant à prendre en charge leur famille et à soutenir le combattant en prison ou au maquis…

174 Baya, Zohra, Fatma et les autres… (D’après Khaled Lemnaouar, journaliste) La révolution algérienne de Novembre 1954 souleva tout un peuple valeureux et digne. Et ce, dans toutes ces composantes. Hormis les renégats qui avaient renié leur partie par trahison par intérêt ou par dépit, les autres tous les autres s’étaient pleinement engagés dans lalutte pour la liberté, chacun selon l’âge, la force et les moyens. Dans cet affrontement sans merci, la femme occupa une place importante et mena sa révolution avec un esprit de sacrifice sans égal. Et au même titre que les hommes, elles furet de farouches partisanes. Guemat Baya, Lagha Zohra et Tahir Fatma, parmi bien d’autres, étaient de celles-là… Nous sommes en 1959. C’est un après-midi ensoleillé du mois d’août. L’opération jumelle (opération de ratissage à grande échelle dont le but était la liquidation de la révolution dans les wilaya I, II, et IV) est lancée depuis quelques semaines déjà. Et ce jour-là, depuis plusieurs heures, un grand accrochage entre l’armée française et l’ALN fait rage dans la montagne d’Ait Aissa. Dans le feu de l’action, un combattant, Salah n’Tkitount, est touché. Il a reçu une balle dans la cuisse gauche. Le sang commence à couler abondamment et une vive douleur fait grimacer le blessé. Au prix d’un effort intolérable, il réussit à se traîner en clopinant jusqu’au refuge des Ait Aidali, tandis que les bombardements et les crépitements de mitraillettes emplissent l’espace alentour. A bout de forces, le moudjahid est sur le point de tomber et de perdre connaissance. Soudain, sorties de nulle part, trois femmes accourent vers le blessé. Hâtivement, deux d’entre elles le soutiennent par les aisselles. La troisième saisit le fusil, un mass 36, et défait la cartouchière. Entre souffles courts, la plus âgée rassure l’homme : «courage, courage ! Nous allons te conduire en lieu sûr pour te faire soigner. » Piment rouge Les gestes rapides des trois femmes sont volontaires et parfaitement coordonnés, comme si elles répétaient cette action pour la énième fois. Dans leurs têtes, elles revoient l’itinéraire détourné, plusieurs fois emprunté, menant vers Archit massif montagneux assurant une complète sécurité. Pendant que deux des femmes remplissent la fonction de béquilles en aidant le blessé à marcher sur une seule jambe, l’autre part en éclaireur en devançant le petit groupe de quelques dizaines de mètres. Ils marchent dans les fourrés de broussailles depuis plusieurs minutes quand, aux environs du lieudit Tagoussimte, la femme de reconnaissance revient précipitamment sur ses pas pour alerter ses camarades. Une patrouille de soldats est dans les parages immédiats ! Avec une extraordinaire rapidité, insoupçonnables chez les êtres du sexe faible, les trois femmes s’affairent comme un seul homme. Un tas de bois coupé et rangé là par un bûcheron, dans l’attente d’être transporté dans un autre lieu, offre une cachette idéale pour le blessé. Quant à l’arme et à la cartouchière, elles sont enterrées en quelques secondes à quatre ou cinq mètres plus loin. En petites foulées. Une des femmes fait le tour du périmètre en saupoudrant le sol avec du tabac à priser et du piment rouge en poudre, celui à saveur très forte qui brûle la bouche. Ce condiment a été préalablement mélangé à de la cendre grise pour ternir sa couleur écarlate qui pourrait éveiller l’attention des soldats. Ces substances pulvérisées que les partisanes avaient toujours sur elles sont destinées à annihiler le flair des chiens de piste. Le détachement passe à une faible distance de la cachette sans soupçonner outre mesure la présence des résistants sui retiennent leur souffle. Dix minutes plus tard, l’arme et les munitions récupérées, Salah n’Tkitount et les trois femmes reprennent le chemin caillouteux qui les conduit à une sorte de casemate où les premiers soins sont prodigués au blessé. A l’heure du crépuscule, des combattants transportent le blessé à des dos de mulet vers les profondeurs du maquis, dans ce lieu inaccessible appelé Achrit. Fin de mission pour les trois valeureuses femmes. Par leur bravoure et leur détermination, combien ces partisanes ont-elles sauvé de vies ? Ces vies précieuses qui continueront, comme celle de Salah n’Tkitount, à intensifier la lutte pour l’indépendance. Sans ces créatures humaines, ces mères, épouses, sœurs, filles, ces femmes simples et admirables, pétries par le limon de la patrie, la révolution pourrait-elles triompher ? Assurément non. Mais la révolution a triomphé ! Un peu, beaucoup grâce à elles. 175 Chapitre IV

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177 Les zones interdites

Les zones interdites furent créées de deux manières : soit à chaud, lorsd’opérations militaires dans des régions jugées « pourries» par I’A.L.N. et le F.L.N., et dont la population était considérée comme acquise à ces derniers ; l’évacuation se faisait sur-le-champ, on ne donnait aucun délai àla population, qui n’avait que le temps de se faire un baluchon, puis la (oules) dechras (hameaux) étaient rasées après leur évacuation. Si cette évacuation survient à la suite d’un accrochage avec une unité de IA.L.N, dansles dechra, beaucoup de civils seront exécutés, avant que ses habitants n’ensoient chassés, on décrète par la suite que la zone est interdite, on tireraà vue sur tout ce qui y bouge. La deuxième méthode consiste à préparer l’opération zone interdite» dans les états-majors, qui, après avoir relevédans certaines régions un nombre important d’actions de I’A.L.N., les considèrent comme des zones refuges ou zones contrôlées par le F.L.N., et sur le papier, font un tracé entourant le territoire concerné ; un avertissement et un court délai sont alors donnés à la population qui n’aura souvent jamais le temps, ni le désir de quitter les lieux. C’est alors sous les tirs d’artillerie ou dc l’aviation que s’effectuera la destruction des agglomérations rurales visées. Dès le 21 novembre 1954 « Apparaissent les zones dites de « sécurité », qui seront les premières zones de regroupement » C’est effectivement dès les premières semaines de combat que se font, dans le feu de l’action, Iesévacuations forcées de plusieurs dechras de l’Aurès et des Nememecha. Les zones interdites suivront l’implantation de l‘A.L.N., et se développeront avec elles. Chaque fois que l’armée française ne peut plus circulersans risque dans un massif montagneux ou une région boisée, elle lesclassera dans la nomenclature des zones interdites. Au fil de la guerre, ceszones s’étendront Considérablement, elles toucheront pratiquement toutesles régions accidentées, toutes les forêts et une grande partie des steppes de hautes plaines ou le nomadisme sera très réduit. L’Atlas Tellien et l’Atlas Saharien deviendront, en dehors des villes importantes ou des grosbourgs qui s’y trouvent, d’immenses zones interdites. Le long des frontièresEst et Ouest on Constituera un glacis vidé dc la population et traversé parles barrages électrifiés et fortifies. Le Sahara sera aussi une zone interditeinfinie, où seuls les grands axes routiers et les centres de regroupementscontrôlés échapperont à cette règle implacable.

178 Cela touchera un nombre très important de paysans. Pour prendre unexemple, la seule zone interdite du Nord-Constantinois (Collo, El Milia, Taher) comptera 600.000 personnes, qui seront contraintes, soit à allercroupir dans les centres de regroupement soit à se réfugier en Tunisieou dans les villes qui verront gonfler rapidement leur population par la constitution d’habitations lépreuses dans la ceinture du centre urbain, oupar l’entassement de nombreuses familles dans des logements de parentscitadins. La création des zones interdites occasionnera un déplacement despopulations rurales, jusqu’ici jamais atteint. On a vu que ces déplacementss’effectueront dans trois directions : les centres de regroupements, les villes,les pays frontaliers (Tunisie e Maroc). Certains groupes de population, chassés de leurs demeures, errentpendant quelque temps dans les maquis, sans aucune subsistance, puis reviennent à leurs dechras, Ces dechras, considérées par l’armée françaisecomme interdites seront, lors d’opérations terrestres ou aériennes, totalement écrasées sous les bombes ou les obus, pour peu qu’on y remarqueune manifestation de vie par l’entretien des petits potagers ou d’autrescultures. Les populations de ces dechras prennent le soin de s’enfuir àl’annonce d’un ratissage ou d’un survol aérien. De guerre lasse, de vieillards, des femmes et des enfants suivront IA.L.N, dans ses déplacements,pour ne pas se retrouver dans un camp de regroupement. 11 y aura uneaide réciproque, I’A.L.N. prenant en charge cette population recevra d’euxdes services multiples : confection de caches, préparation de la nourriture,guet et liaison. .. Les centres de regroupements sont situés généralement autour d’unposte militaire et entourés de barbelés, au à l’intérieur des barrages électrifiés, le long des frontières, toujours près d’un poste militaire fortifié. Certains centres de regroupements ont été constitués à la hâte ; dansle cas où une population est chassée brutalement et d’une manière imprévisible, elle devra se débrouiller pour se construire des cahutes ou des abrisde fortune près du poste militaire qui lui a été désigné pour la surveillerou, pour employer l’euphémisme des officiers français, « la protéger». Les centres préparés plus méthodiquement, S’ils permettent un regroupement moins dramatique (si l’on peut employer ce terme, car il n’y a pasde regroupement qui ne soit une tragédie pour ceux qui en sont l’objet),n’offrent que des conditions d’existence épouvantables. Les personnes qu’on a arrachées à leurs demeures, laissant en fricheleurs terres pendant que l’armée française s’emparait de leurs animauxd’élevage ou des bêtes de somme, vont désormais vivre de l’aumône administrative dans une promiscuité néfaste à leur santé.

179 Le 15 avril 1959, un rapport établi par une Commission d’enquête, àla demande de Paul Delouvrier, Délégué général du gouvernement françaisen Algérie, est rendu public. Ce rapport constate que : « On distingue les regroupements « spontanés » (effectués rapidement pour permettre un « bouclage, ou le nettoyage. » d’une zone) et volontaire (opérés en quelque sorte à « froid » en l’absence d’opération de grande ampleur, après parfois construction de mechtas). (…). Est difficile de chiffrer avec exactitude le nombre des regroupés... Les centres hébergent en moyenne un peu plus de 800 personnes, soit 100 à 150 familles. Le nombre des hommes est très inférieur à celui des femmes, particulièrement lorsqu’il s’agit des classes mobilisables. La proportion d’enfants est fort élevée (neuf cents enfants sur mille deux cents personnes dans uncentre particulièrement misérable)... Tout déplacement de population entraîne une amputation toujours sensible, parfois totale, des moyens d’existence des ¡intéressés ». Les conditions d’existence dans ces centres sont d’une médiocrité telle qu’on peut les appeler sans exagération «camp de concentration ». Avec les miradors, les barbelés, la vie dans ces camps, c’est la famine, le manque de soins et d’espace vital. Le même rapport écrit, à propos de la mortalité dans ces camps : « Aucune statistique de mortalité n’est évidemment disponible. Toutefois, certaine constatations ont été faites. Dans un village où neuf cents enfantsont été recensés, II en meurt près d’un par jour (Vallée de la Soummam. Un village de l’Ouarsenis rassemble mille cent personnes, dont près de six cents enfants. Il en est mort un (deux ans) au moment précis du passage de l’enquêteur : l’officier S.A.S. remarqua que c’était le troisième en quatre jours … Le souséquipement médical ne se permet pas de faire des enquêtes précises en la matière. Il ne semble pas d’ailleurs que l’effort doive porter en priorité sur la situation sanitaire, mais bien sur la situation économique: dans un cas des plus tragiques rencontrés, un rapport médical précise que l’étai physiologique général de la population est tel que les médicaments n’agissent plus ». N’était-ce pas le cas de ceux qui ont connu d’autres camps de concentration de sinistre mémoire? Le mime rapport souligne que le regroupe ment brise les circuits économiques et que les fellahs atteints dans leurs revenus le sont aussi dans leur dignité : « Ils sont placés vis-à-vis du commandement et du chef dc S.A.S., dans un état de dépendance totale. Plus rien n’est à attendre de leur initiative ».

180 Des centaines de milliers de regroupés ne disposent d’aucune ressource, les autres reçoivent par intermittence de maigres rations se limitant à 11 kilos d’orge par adulte et par mois, les enfants n’entrant pas dans cette catégorie de «privilégiés ». Mais ils recevront plus régulièrement la «bonne parole de l’officier dc la S.A.S. ou des équipes spéciales du service d’Action psychologique, pour les détourner des « rebelles », leurs fils qui sont dans ¡e maquis. Mais en vain, au sein de cette population parquée dans d’immondes ghettos, le F.LN. et l’A.L.N. parviendront à créer des cellules, à implanter l’organisation, à avoir des abris, à côté de la guérite dans laquelle une sentinelle monte une garde «vigilante ». Ainsi, « le poisson qu’on a voulu priver de son eau » nage toujours au sein de cette population vivant pourtant dans une misère indicible. Les femmes requises dans ces camps pour laver le linge, Les tenues de combat des militaires français, en faisant passer un nombre appréciable dc I’A.L.N. En juillet 1959, on comptait deux millions de personnes déplacées : les regroupements ont affecté 500.000 personnes au cours de l’été 1958 ; les camps de regroupés rassemblaient plus d’un million de personnes au début de 1959. Six mois après. Dans le département de Tlemcen, le quart de la population totale a été regroupé: 100.000 civils sur 400000. Dans la plaine de Bône, 110.000 personnes sont parquées ; 94.000 dans la région de St-Charles (Constantinois); 49.000 dans la région de Sétif ; 40.000 dans la région de Batna ; et cela au cours des années 1957 et 1958 seulement 600.000 Algériens ruraux sont allés dans les villes pour échapper aux exactions : 200.000 à Alger, plus de 100.000 à Constantine, 50.000 1 Oran, 22.000 à Médéa (qui n’avait que 18.000 habitants avant la guerre). 45.000 à Bône, 20.000 à Mostaganem, 15.000 à Bougie. Dans les villes, ils tombent sous la coupe des SAU. (Sections Administratives Urbaines), remplissant les mêmes fonctions d’endoctrinement et de propagande que ¡es SAS, 250.000 Algériens, frontaliers pour la plupart, ont fui la répression en se réfugiant en Tunisie (150.000) et au Maroc (100.000). On peut mesurer avec ces chiffres de 1959, la dislocation de l’économie que cela entraîne, ainsi que la misère qui en résulte. -Le lundi 21 mars 1960, à Alger le colonel Boutier, porte-parole du général Chille, dressaitcomme un bilan de victoire les résultats de l’opération « Pierres précieuses » depuis septembre dernier, au cours de l’opération « Pierres précieuses » qui se déroule dans le Nord-Constantinois, 80.000 personnes qui résidaient dans les zones interdites ont été regroupées.. Cite EI Moudjahid ajoutant:

181 « En avril 1959, M. Delouvrier déclarait, dans une circulaire officielle : Au cours des derniers mois, plusieurs centaines de milliers de personnes ont été déplacées. Aujourd’hui, la population des camps de regroupement est évaluée à plus d’un million de personnes... Les moyen dont nous disposons ne permettent plus désormais de taire face aux besoins essentiels d’assistance el d’équipement, la situation de nouveaux regroupés poserait des problèmes pratiquement insolubles ». Ce qui n’empêche pas les regroupements de continuer à se faire, comme l’indique plus haut la déclaration faite en mars 1960 par le colonel Boutier. Lors des grandes opérations offensives de ChalIe, le processus va s’accentuer. « Le peuple algérien connaît aujourd’hui une véritable diaspora. Les déplacements de population, contraints ou volontaires, ont pris des proportions gigantesques... La transformation de l’espace de vie exige une transformation globale de la conduite. (Les déplacés) ne partagent le plus souvent que leurs misères et leur désenchantement... » En 1961, on estime à 2600 le nombre de centres de regroupements. La direction de ces centres est confiée au général Parlange qui reconnaît lui-même la précarité de la situation des regroupés: « désagrégation de la famille, progrès de la clochardisation. » « On en est arrivé à des centres de regroupements monstrueux (jusqu’à 6.000 personnes par village dans l’Ouarsenis à la suite des opérations militaires de 1960 ». Un parachutiste pas tendre du tout pour les Algériens, « tous hors-la-loi», en vient pourtant à écrire ces lignes: On rencontre de moins en moins (en 1957 - TM) de ces paysans que l’on surprenait dans les villages effondrés et laborieusement ratissés. Il en reste cependant. Et c’est sous n’importe quel prétexte que ces malheureux payent, et durement, pour leurs frères absents qui ne se déplacent plus, eux, que les armes à la main ! Arrêté, rudoyés, affamés. Relâchés, rattrapés et de nouveau malmenés, pratiquement sans interruption depuis trois ans ces pauvres gens ne s’en cramponnent pas moins aux morceaux de leurs villages en lambeaux ! (...) Une immense région interdite depuis quelques semaines nous est donnée I charge. Il s’agit d’aller si tous les villages y ont bien été évacués et quel est au kilomètre carré le pourcentage de fellagha. Tout homme appréhendé doit être exécuté dans les cinq minutes. Nous naviguons parmi les écoulements des villages décomposés comme à travers des banquises. Les pierres retournent aux pierres … »

182 Lorsque les campagnes seront vidées de leur population et que lescentres de regroupements soumettront cette population au martellementincessant des théoriciens de la guerre «moderne», on pourrait croire, selon leurs concepts, que la partie est gagnée. Mais la vie démentira toutes leurs élucubrations. Dans les villes comme dans les campagnes la «prise en main» que préconisent les « spécialistes » de la guerre psychologique, ne sera atteinte que dans l’imagination de ses promoteurs, qui, en fait, auront recours la coercition pour chaque acte qu’ils voudront faire accomplir en leur faveur par la population algérienne, qu’il s’agisse d’élections, de fraternisation, de «réceptions», ou autres manifestations de «sympathie». Au contraire, ces méthodes inhumaines, contraires aux lois internationales et à la morale, ne feront que souder, chaque jour un peu plus, les Algériens entre eux dans le combat libérateur. On examinera plus longuement cette méthode de guerre plus loin. Notons que le résultat qu’elle obtient concrètement, ce n’est pas la domestication, ou le «contrôle» de la population algérienne, mais une désarticulation plus grande de la société qui l’était déjà par 124 ans de colonisation, avec une réduction accrue, comme jamais, de ses moyens d’existence ou de sa simple survie. Il ne faudrait pas oublier que les zones interdites et les regroupements de population sont aussi le signe d’une incapacité d’administrer de grands espaces et un grand nombre d’A1gériens. Lorsqu’on examinera la question des zones libérées ou non par le F.L.N., il conviendra de se rappeler cet aveu d’impuissance de l’administration coloniale, de ne plus pouvoir envoyer ses caïds, ses gardes champêtres ou ses gardes forestiers, ses percepteurs d’impôts ou ses juges et ses policiers sur de grandes étendues du territoire algérien qu’elle ne peut plus contrôler que par les chars d’assaut, l’aviation et les troupes, et seulement pendant la durée de leur présence sur les lieux, encore que cette présence ne va pas sans se traduire par des pertes sensibles parmi les forces françaises. Il est évident que J’A.L.N. a beaucoup souffert de cc vide que l’on a fait autour d’elle, mais elle y trouvera la parade, comme elle le fera devant chaque nouvel obstacle. C’est I’A.L.N. qui prendra en charge unepartie de la population chassée de ses terres, tout en s’appuyant sur la fraction en mesure de lui apporter son aide. Le bilan de ce bouleversement du monde rural se présente ainsi: « En 1960, le nombre des algériens regroupés atteignait 2.175.000, soit un quart de la population totale. Si, outre les regroupements, on prend en compte l’exode vers les villes, on peut estimer à trois millions au moins, c’est-à-dire la moitié de la population rurale, le

183 nombre des individus qui, en 1960, se trouvaient hors de leur résidence coutumière ce déplacement de population est parmi les brutaux qu’ait connu l’histoire ». Extrait de « L’Algérie en guerre », par Mohamed Teguia

184 Approvisionnement en armes par la voie maritime

La voie maritime a été utilisée pour faire rentrer les armes en Algérie car elle était plus rapide que la voie terrestre, quelques opérations ont été réussies comme celle du Yatch royal jordanien Dina qui débarqua des armes à Nador au Maroc et un groupe de moudjahidine parmi lesquels Mohamed Boukharouba (futur chef de la Wv, de l’Etat Major Général de l’ALN et futur président de la République). Cependant, Abdelmajid Bouzbid nous informe que la voie maritime a été abandonnée très tôt ; sur 10 bateaux affrétés, écrit-il, pour le transport de l’armement lourd et des explosifs, 7 ont été arraisonnés de 1956 à 1961. Toutefois M’hemmed Yousfi nous apprend qu’en novembre 1961, le navire « Le Bulgaria » a pu décharger au port de Tanger (à l’insu du plan de contrôle de la méditerranée mis en place par les services de renseignements français) 2.500 tonnes d’armements acheté par le FLN ; elles furent acheminées vers les frontières maroco-algériennes. « L’armement, depuis le mois de mai 1961, comprend, en plus des armes légères, des armes lourdes. Vous savez que 2.850 tonnes de matériel et munitions ont été débarquées par trois cargos étrangers et mises, aussitôt, à la disposition des différents bataillons. » Les prises les plus spectaculaires furent celles de l’Athos, arraisonné au Nord du Nador (Maroc), le 16 octobre 1956 et contenant 2.500 fusils anglais (Aimfield et Hown), 39 mitrailleuses, 50 fusils-mitrailleurs Bren, 250 pistolets-mitrailleurs Beretta, 72 mortiers avec 5.000 obus correspondant, 500 grenades à fusil et plus d’un million de cartouches, etc. Le 18 janvier 1958, le Slovenija bateau yougoslave est arraisonné, il transportait des armes fournies par la Tchécoslovaquie, la cargaison comprenait 4.000 fusils Mauser, 2.500pistolet- mitrailleurs, 200 mitrailleuses, 48/ bazookas, 15 mortiers, 330 bengalores (longs tubes bourrés d’explosifs destinés à faire sauter les barbelés et les mines) ; les munitions comprenaient 2.300.000 cartouches, 6.000 obus de mortiers, 2.000 fusées de bazookas totalisant un poids de 148 tonnes. Le Lidice, cargo tchécoslovaque, fut arraisonné le 7 avril 1959 au large de Casablanca, il transportait 581 tonne d’armement comprenant : 12.000 fusils Mauser, 2.000 mitrailleuses M.G., 12 millions de cartouches, notamment.

185

Historique des barrages-minés électrifiés des frontières est-ouest de l’Algérie

De 1954 à 1962, le gouvernement français s’est inspiré de la fameuse Ligne Maginot pour installer les lignes et barrages minés électrifiés sur les frontières Est-Ouest de l’Algérie. Le projet, initialement présenté par le ministre de la défense de l’époque, Mr Morice,est passé plus tard à la postérité sous les noms de Lignes Morice et Challe.

1- Première phase des grands chantiers des lignes minées électrifiées fin1957 eut lieu le lancement des chantiers à l’Est et à l’Ouest, à partir des zones Nord et Sud, la jonction se faisant au fur et à mesure de l’achèvement des travaux qui nécessitèrent d’énormes moyens financiers :

 Implantation des poteaux métalliques sur des blocs de béton.

 Minage des terrains.

 Mise en place des fils barbelés.

 Electrification et mise en place des postes et appareils de contrôle.

Pour ce qui est de la longueur totale des lignes installées, elle peut se calculer en milliers de kilomètres, la largeur du réseau variant de 8 à 12 mètres truffé de mines posées en quinconce selon une densité d’une centaine sur 150 mètres carrés.

Le tout renforcé par des miradors, de l’artillerie lourde, des P.C opérationnels et des camps fortifiés, sans oublier les talus hauts de plusieurs mètres élevés dans le but de protéger les installations militaires.

Les différents types de mines étaient de redoutables engins de mort difficilement détectables et placés aux lieux supposés de passage des moudjahidine.

Un contrôle rigoureux était exercé sur les réseaux électrifiés de franchissement, ce qui permettait l’intervention immédiate et efficace de l’aviation et de l’artillerie, qui pilonnaient impitoyablement les brèches ouvertes avec de faibles moyens (cisailles, bangalores, T.N.T) par les commandos spécialisés de l’ALN.

2- Les risques encourus par les djounoud

Les redoutables moyens mis en place par l’armée française ne laissaient plus aux combattants de l’ALN que le choix de leur mort :griller sur le réseau électrifié, sauter sur

186 une mine, être déchiquetés par des éclats d’obus ou des balles de 12,7 tirées par les mitrailleuses des avions…les années 1958-59 furent catastrophiques pour les commandos de l’ALN, dont 80 pour cent périrent dans des tentatives de passage inexorablement vouées à l’échec.

3- Les jardins de l’enfer

De larges zones interdites semées d’embuches diaboliques, de mines échelonnées en profondeur sur trois étages, d’obus piégés dont l’allumage était commandé par de simples fils de fer, pieux d’apparence inoffensive reliés à des charges explosives habilement dissimulées, et enfin des mines éclairantes déclenchées par un allumeur de mine anti-personnel.

La mine éclairante bondissante, à parachute, est munie d’une charge propulsive qui lui permet de s’élever à une centaine de mètres, hauteur à laquelle la charge éclairante s’allume et le parachute se déplie, sa durée d’éclairage est d’une minute sur un rayon maximum de 300 mètres.

Il y’avait aussi les chevalets métalliques garnis de barbelés et branchés sur un courant de 6000 Volts. Sans oublier les ingénieux enchevêtrements de mines, que les combattants de l’ALN avaient baptisés « Les Champs Elysées », et qui explosaient en série au plus léger frôlement d’un piquet métallique…

4- Après l’indépendance, les mines continuèrent à tuer

Les mines continuèrent à tuer le long des frontières, augmentant le nombre de victimes de la guerre d’indépendance. Des enfants, des femmes, des vieillards innocents, mais aussi des djounoud, sous officiers et officiers des unités de déminage de l’A.N .P que j’ai eu l’honneur de commander. Beaucoup sont morts au cours de cette noble mission, et d’autres, amputés, sont restés handicapés à vie.

Les mines les plus grosses, bondissantes anti-groupes et obus piégés, sont celles dont l’action est la plus limitée dans le temps, en raison de leur emballage périssable et de la détérioration de leur système de mise à feu. Par contre les mines anti-personnel, avec leur emballage plastique, sont quasiment éternelles et peuvent tuer des dizaines d’années après.

Lorsque l’armée française s’est retirée en 1962, elle ne s’est pas inquiétée de remettre aux autorités militaires algériennes les plans des zones minées avec les emplacements des pièges explosifs, qui couvraient les deux cotés du barrage électrifié. De plus, la terre est vivante. Les imperceptibles secousses sismiques, les crues, les fortes pluies, les affaissements et

187 autres phénomènes naturels ont fait que nombre de mines se sont déplacées, continuant à semer la mort là ou l’on s’y attend le moins…

Le quotidien "El-Watan" du jeudi 5 avril 2012.

(Extraits de « Les barrages de la mort 1957-1959, le front oublié »

de Amar Boudjelal, Colonel de l’ANP à la retraite)

188

LE BARRAGE DE BARBELES Témoignage de l’auteur

A travers les monts de Asfour, Tlemcen, Sebdou et Sidi djilali, séparant l’Algérie du Maroc, l’on distingue nettement un réseau de fils de fer barbelés se déroulant à l’infini : c’est la fameuse ligne Pedron, du nom de son concepteur ; large d’une dizaine de mètres, elle a été érigée pour faire échec au passage des éléments de l’ALN, et aussi pour couper toutes les voies de ravitaillements et de repli. Cet obstacle électromécanique était une pièce maîtresse du dispositif militaire français qui devait assurer l’étanchéité des frontières, privant ainsi la révolution algérienne de ses ressources en armements et en hommes. Dans l’esprit des stratèges français, ce bouclage était la solution parfaite pour faire obstacle à la guérilla, en la privant de ses sources extérieures d’approvisionnement.

L’une des caractéristiques de cette guérilla était l’aptitude des moudjahidine à se fondre dans une nature complice. Il fallait donc, pour l’armée française, mettre en place une structure permanente, facile à construire et à modeler, et surtout capable de dissuader l’ennemi, contrôler ses mouvements par les déplacements des troupes et par l’amélioration des communications. Vu le rôle qui lui était dévolu, le barrage devenait un véritable champ d’expérimentations technologiques qui ira en s’améliorant tout au long du conflit, pour faire face à un ennemi de plus en plus puissant et efficace.

Le long de la frontière, le relief est fortement contrasté, depuis la bordure maritime au Nord, jusqu’à , au Sud, sur environ 140 kilomètres. Près des deux tiers de ce parcours sont plutôt escarpés. On y rencontre d’abord l’extrémité de la chaîne côtière des Traras, plus au sud de la trouée de Maghnia, et le massif des Monts de Tlemcen qui, avec les impressionnants monts de Mechamiche, culminent à près de 1600 m. On tombe ensuite rapidement sur les avant-corps de la grande steppe des hauts plateaux, beaucoup plus sobres, mais où l’altitude est toujours supérieure à mille mètres : c’est le territoire des communautés pastorales qui nomadisent sur la « mer d’alfa ». Ces accidents géographiques influaient sur l’agencement du barrage, bien différent du Nord au Sud.

Dans sa partie nord, qui longe d’assez près la frontière à environ 10 kilomètres, la nature du terrain a permis de distendre le dispositif de surveillance et de le renforcer par des postes très rapprochés d’artillerie. Par contre, sur les hauts plateaux, les postes vont s’espacer et s’écarter de la frontière en direction du Sud-Est jusqu’à hauteur de Mecheria. A partir de ce point, la haie barbelée protège aussi le grand axe reliant Oran à Bechar. Elle s’infléchit alors

189 en direction du Sud Ouest par Aїn Sefra, tout en longeant de nouveau la frontière algéro- marocaine.

Malgré ce dispositif, les frontières restent perméables aux incursions de l’ALN, qui échappent à tous les systèmes de repérage et à toute possibilité d’interception. Ainsi, en janvier 1957, un réseau électrifié est mis en service. Il comprend deux haies à quatre fils conducteurs aménagées entre deux réseaux de barbelés d’une profondeur d’une dizaine de mètres chacun. Ils sont renforcés de mines éclairantes qui permettent aux mortiers et à l’artillerie d’intervenir en cas de besoin. Les moudjahidine effectuant quotidiennement des coupures nocturnes dans le réseau, les premières mines antipersonnel y sont placées en mars de la même année. Plus tard, le barrage reçut d’autres perfectionnements destinés à accroître son efficience, tels les radars de guidage des avions en vol ou encore ceux de surveillance au sol.

Pourtant, même cet équipement de très haute sensibilité s’avérera inefficace à contrer les passages des unités combattantes, spécialement entraînées dans ce but, et dont la fréquence ira en augmentant jusqu’en avril 1958. En effet dans les régions au relief accidenté, ce réseau de surveillance s’avéra assez peu performant. Il démontra par contre sa pleine efficacité dans les zones plates ou désertiques où il permettait d’alerter longtemps à l’avance les unités d’interception. Malgré cela, elles arrivaient le plus souvent trop tard, ne trouvant que le vide en face d’elles. Encore une fois, la clôture électrifiée va être améliorée : la tension va être redressée à 2500 volts le jour et 5000 volts la nuit, ce qui permettra la localisation instantanée de toute coupure. Cette grille foudroyante bordée de barbelés est doublée à faible distance d’un lacis de pré alerte miné. Toute la nuit, de puissants projecteurs restent allumés, et sporadiquement, des phares D.C.A d’une portée supérieure à quatorze kilomètres projettent leurs faisceaux lumineux dans le no man’s land qui longe la frontière. A la moindre alerte, l’artillerie tire des obus éclairants tandis que des avions «lucioles » larguent leurs bombes à effet identique.

Dès octobre 1957, des procédures encore plus sévères sont établies, concernant les mesures de veille : institution de patrouilles mobiles dans les zones d’ombre, balayages de projecteurs de part et d’autre des barbelés à intervalles irréguliers, postes de contrôle, toutes mesures destinées à augmenter l’efficacité dans la définition des armes d’appui(artillerie), le choix des véhicules et les moyens de liaison, ainsi que la désignation des gradés de quart, des guetteurs et autres personnels d’intervention. En février 1958, seront instituées les « zones interdites » le long de la frontière. Des douars entiers seront rasés et leurs occupants

190 déportés, parqués dans des « villages de regroupement », misérables ghettos ceinturés de barbelés et de postes de contrôle. Cette opération avait pour objectif de couper la révolution de ses bases populaires.

Dès les débuts, les forces de l’ALN s’efforceront de causer le maximum de dommages au barrage, aux unités qui le défendaient et aux systèmes de surveillance de toutes sortes. De nombreux commandos spécialisés seront formés à des techniques de franchissement mises au point et corrigées progressivement. L’on s’efforcera en même temps de démythifier le barrage dans l’esprit des djounoud. Ils seront soumis de jour comme de nuit à des exercices d’observation et de reconnaissance des obstacles, et seront associés à des actions nocturnes de sabotage et à des opérations de franchissement, d’abord sur des éléments reconstitués, puis sur des barrières réelles, afin de les accoutumer et les préparer aux traversées du réseau barbelé.

Djounoud en action

Confrontés aux difficultés grandissantes, certains responsables militaires de l’ALN avaient reproché à Krim Belkacem, alors chef du département de guerre, d’avoir sous-estimé le danger de ce rideau mortel. De même, le commandement avait été pris au dépourvu par la création du no man’s land et des zones interdites le long de la frontière. L’accélération des travaux de ces ouvrages, auxquels furent employés des prisonniers militaires et civils, a posé d’insurmontables problèmes au commandement de l’ALN.

Les éclaireurs ont enduré les pires souffrances et payé un lourd tribut pour franchir cet obstacle, et leurs cadavres accrochés aux barbelés électrifiés affectaient sérieusement

191 le moral des combattants. Diverses stratégies de franchissement ont été expérimentées en vain, les Katibate échouant le plus souvent dans leurs tentatives de franchissement en force, au prix de très grosses pertes en vies humaines. Ces échecs successifs portaient de durs coups à l’enthousiasme des combattants, et contribuaient à créer un malaise et des crises larvées dans les rangs de l’armée et de ses instances de commandement.

192

DANS LES BARBELES " عخ ه فق ، دخس جه زي " « Celui qui entame une traversée du réseau de barbelés est considéré comme mort, et il ne renaît qu’une fois cette traversée réussie »

Témoignage de l’auteur

Le stage de formation dont j’avais bénéficié à la ferme Belhadj, située à Berkane, m’avait appris, en théorie, uniquement comment effectuer une traversée sur la ligne barbelée. Une autre épreuve m’attendait : je devais faire passer des camarades, mais cette fois, à travers un réseau réel de barbelés minés.

C’est ainsi qu’en novembre 1957, Kaïd Ahmed, alias Capitaine Slimane, me chargea de faire passer le chef de zone Abdelouahab et son escorte, à travers le point de passage piégé, entre Figuig et Béni-Ounif. Un réseau de barbelés et un terrain semé de mines distants de 5 km de la ville chérifienne, séparaient les deux localités. Deux heures avant le départ vers l’Algérie, une équipe de surveillance fut installée à différents points stratégiques du parcours. Les moussebiline cumulaient diverses fonctions : gardiens, agents de liaison, agents de renseignements, etc… Un mot de passe fut communiqué juste avant le départ. Le parcours de Figuig à la ligne barbelée se déroula sans incident et dura un peu plus d’une heure. A ce moment, ma montre indiquait 22 H 46. La lune, à son second quartier, permettait une excellente visibilité. Les djounoud se camouflèrent, à 200 m de l’obstacle et attendirent, pendant que deux groupes de trois, désignés par avance se positionnaient de chaque côté de la piste, à environ 400 mètres. Ils étaient chargés de placer 2 mines à pression antichar à droite et à gauche pour assurer nos arrières lors du retrait.

C’était à moi de jouer. Délesté de mon fusil belge et de ma djellaba, je ne gardais qu’un pistolet de 9mm, une grenade quadrillée anglaise et une baïonnette. J’entamais une lente et prudente progression, abordant le champ de mines jusqu’à un mètre de la ligne, suivi de deux stagiaires munis de cisailles. Nous avancions à la queue leu leu, pliés en deux. J’auscultais soigneusement le sol à l’aide de la baïonnette, mettant les pieds là où elle ne rencontrait aucune résistance, suivi par les stagiaires qui posaient leurs pieds exactement dans l’empreinte des miens. Mètre

193 après mètre, je déblayais le terrain pour arriver aux barbelés, m’assurant qu’aucune mine n’était disposée à l’entrée du passage.

Arrivés au premier rang de barbelés, c’était la phase de cisaillement durant laquelle j’étais assisté par les stagiaires : d’abord, maintenir des deux côtés le fil de fer à l’aide de pinces isolantes avant de le sectionner. Ensuite, le fil sectionné doit être détendu et accroché à un autre fil, en évitant surtout son retour en force qui aurait eu pour effet de déclencher les mines bondissantes et les fusées éclairantes placées à la base de chaque piquet. Ce qui aurait eu pour effet de signaler notre présence et notre position avec précision.

Une victime des barbelés

Je devais répéter cette opération de fil en fil, jusqu’au fil sous tension, les stagiaires me passant les outils à chaque étape.

A ce moment, je pouvais soit creuser un boyau sous la ligne, soit couper les barbelés. Dans le deuxième cas, je devais au préalable placer les deux pinces isolantes avant de cisailler le fil, évitant ainsi la coupure de courant qui aurait signalé notre présence au poste militaire voisin.

L’opération se répète de fil en fil jusqu’au deuxième rang de barbelés, et la même procédure est entamée. Chaque mine repérée hors du passage déjà signalé est marquée par un brin de coton au fur et à mesure de la progression.

194 Je continue ainsi jusqu’à l’arrivée en territoire algérien, et je signale notre présence aux djounoud par le mot de passe répété selon les instructions à trois reprises. Nos hommes arrivent alors en file indienne et entament calmement la traversée du terrain balisé et sécurisé par nos soins, suivant à la lettre les consignes pour éviter toute erreur qui pourrait être lourde de conséquences.

A titre d’exemple, lors de la traversée d’un boyau creusé sous la ligne de haute tension, un moussebel, au lieu de continuer à ramper au plus près du sol, leva brusquement la tête, heurtant du visage le fil le plus bas. La puissante décharge électrique de 3000 voltes qui suivit, le souda littéralement aux barbelés auxquels il resta accroché sans que nous puissions rien faire pour le détacher. Il nous fut même impossible de lui desserrer les mâchoires.

Au cours de ces missions, et à chaque passage, je récupère de 20 à 25 mines à pression que je dévisse au fur et à mesure, séparant l’allumeur du détonateur que je conserve dans les poches de ma vareuse. Ensuite, je place la mine nue, c’est-à-dire désamorcée, dans la musette que je porte, accrochée à mes épaules. Dans ma fonction, je n’ai droit qu’à une erreur : celle qui me coûtera la vie. Bien sûr, la peur m’accompagne à chaque passage mais j’arrive à la surmonter en récitant, à chaque fois, une prière composée de : «Au nom de Dieu, le Clément et le Miséricordieux, il n’y a de Dieu que Dieu et Mohammed est Son Envoyé » et enfin, le verset du Trône. Cela me permettait de retrouver ma sérénité. Lors d’une permission, ma mère m’avait confié un talisman et ma jeune sœur, dans son amour naïf, avait écrit sur une feuille de son cahier d’écolière des amulettes dont je ne me suis jamais séparé.

La nécessité faisant loi, j’en arrivais à faire preuve d’une très grande ingéniosité dans la fabrication de mines artisanales anti-char, en utilisant des pièces de mines personnelles à encrier insérées dans des petites caisses en bois. Leur système de mise à feu était déclenché par le poids du véhicule qui les écrasait.

En plus de la formation, c’est dans la pratique que j’ai perfectionné mon métier de démineur. Au cours de mes différentes traversées, j’ai eu deux incidents. Le premier eut lieu au cours de l’une de mes premières missions: Le stagiaire qui m’accompagnait laissa le fil sectionné se détendre brutalement, dégoupillant au passage une mine bondissante. Je fus légèrement blessé au pied gauche alors que le stagiaire Abdelhak fut gravement atteint. Comme nous n’étions qu’à la première rangée de barbelés, nous pûmes nous replier avant l’arrivée d’une « herse ». Lors de ce qui devait être ma dernière mission, alors que j’avais ouvert le passage, un vieux moussebel s’accrocha la djellaba. Essayant de se dégager, il tira brusquement sur le barbelé qui fit dégoupiller deux mines bondissantes et une fusée éclairante.

195 Le signal fut ainsi donné au poste militaire et trois minutes après, des sunlights éclairants s’allumèrent et de puissants projecteurs furent orientés vers nous. Immédiatement une pluie d’obus de mortier s’abattit sur nos positions, tuant un djoundi et blessant deux civils laissés sur place. Trois autres civils et moi-même avons été touchés par des éclats. Le sifflement des balles et les explosions des obus faisaient un vacarme assourdissant. Blessé au tibia de ma jambe droite, je fus transporté par mes deux stagiaires jusqu’au territoire marocain où je fus hospitalisé pendant plus de deux mois.

Les obstacles extraordinaires de la Ligne Morice n’ont jamais empêché l’ALN de traverser les frontières dans les deux sens, bien que nos pertes fussent parfois très lourdes. Lors de mon passage à la VIIIème zone, sous le pseudonyme l’instructeur Réda, j’ai formé plus de deux cents djounoud sur le réseau barbelé et ses obstacles. Après plusieurs années, c’est avec une grande émotion que j’ai retrouvé d’anciens élèves ainsi que les lieux de mes passages lors de la commémoration de la mort du Colonel Lotfi à Béchar le 27 mars 2008.

196 Liste des stagiaires démineurs :

Nom R Nom et Gra R Grade et Prénoms égion Prénoms de égion OKBA Aspira LAZRAGUE Chef 3 2 Mohamed nt Ahmed de groupe BENYAKH Chef BENAROUS Chef 1 4 LEF Lazrag de Section SI Aissa de groupe BEGGA Chef BENYEKHL Chef 1 4 Omar Ben Said de groupe EF Mohamed de groupe Gui BELLAHC Chef BEN 1 de 4 ENE Mohamed de groupe MOUSSA Abdou frontières Gui STAIBIB Chef ALLOUSSE 2 de 4 Ghoti de groupe BenMohamed frontières Gui BADAOUI Guide BENAISSA 3 de 2 Boudjamaa frontières Kamel frontières Gui M’HAMDI Djound BENAMAR 1 de 1 Abdelkader i A Hocine frontières STADJI Djound ZOUICHA Djo 2 1 Ahmed i Ahmed undi BACHIR Djound BELLAHCE Djo 1 1 Mustapha i NE Mohamed undi SENOUCI Djound LARADJI Djo 1 1 Miloud i Mohamed undi AFFI Djound SBILI Djo 2 1 Benaouda i Abdelkader undi BELBACHI Djound BEKRI Djo 1 2 R Boucetta i Benkhetou undi MOKHTA Djound HAMMAD Djo 1 1 RI Mohamed i Mohamed undi SEGAT Djound LARABI Djo 1 2 Sofiane i Ahmed undi SEBAH Djound SEBAA Djo 2 1 Abderrahmane i Ahmed undi CHERGUI Djound BELKHEIR Djo 1 1 Lakhdar i Abdelkader undi KHATOU Djound BENSALIM Chef 2 1 Abdelkader i Ali Merkez

197 BENYAKO Djound SEBAA N. 1 1 UB Kaddour i Boutkhil Stagiaire BEN EDDI Chef KHOLKHAL N. 1 1 Boufeldja de Section Said Stagiaire LATRACH Djound Djo 1 KAZI Larbi 1 E Mohamed i undi MEZIANE N. DJELLAT Djo 1 2 Boukhalfa Stagiaire Brahim undi FELLAH Djound RAHMANI Djo 2 1 MESSAOUD i Abdelkader undi KHEBIZ Chef BOUSOUAR Djo 4 1 Amara de groupe Ahmed undi HAMMADI Chef CHIB Djo 1 1 Kouider de groupe Mohamed undi DLIMI Chef AMICHA Djo 2 1 Tayeb de groupe Benamar undi ZAHZOUH Chef BELGHIT Djo 2 1 Hamza de groupe Abdelghani undi BENADIL Djound BENMOKH Djo 1 1 Djelloul i TAR Abdelghani undi ASSOUFI Djound BENBAKHT Djo 1 1 Mohamed i I Hamza undi TADJ Djound KHALID Djo 1 1 Mohamed i Benkamel undi DIDI Djound BENADDI Djo 1 1 Moussa i Boufeldja undi DIAB Djound FERHAT Chef 1 4 Mohamed i Amar de Section Chef Djo BOUAMAR SI-ALLAL Cie 4 undi 1 A Abderrahmane Timimoun LARBI N. SELLES Ben Djo 1 4 Benbouziane Stagiaire Dada undi BENMOH N. M’HAMED Djo 1 1 AMED Bachir Stagiaire BELARBI undi BENMOH Djound SAID OULD Djo 1 1 AMED Tayeb i AHMED undi BENCHIK Djound BENSAID Djo 1 4 H Abdelkader i Mohamed undi SAID OUL Djound DJAKANI Djo 4 1 AISSA i Mohamed undi

198 Ahmed Djound Djo SELLEM Ould i 1 undi 4 Benaissa MOUMEME BENAISSA Djound BENTALEB Djo 4 1 AMAR i M’Hamed undi CHEIKH Djound BENABDEL Djo 1 1 Benamar i LAH Oul Salah undi BENMOH Djound Mohamed Gui 1 1 AMED Lakhdar i Ouild Belhadj de convoi BENDINA Djound 4 Aek i

Mines bondissantes

Barrages barbelés, vue aérienne

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Mortels barrages Témoignage de l’auteur

La traversée du barrage se faisait toujours de nuit, ce qui ajoutait encore à la terreur ressentie par les Moudjahidine, car la mort subite pouvait être provoquée par leur propre action. Qu’il s’agisse d’une mine-encrier, d’une mine anti-personnelle ou d’une mine plus grosse, la seule différence résidait dans la rapidité de la mort.

L’armée française avait truffé de dizaines de millions de mines les deux zones frontières à l’est et à l’ouest, sur des centaines de kilomètres, depuis les redoutables mines bondissantes jusqu’aux très efficaces mines-encriers. Ces barrages, larges parfois de plusieurs kilomètres, étaient d’autant plus terrifiants qu’ils étaient renforcés de radars capables de repérer le moindre mouvement à très grande distance, indiquant la position et le sens de la marche de l’ennemi, et rendant illusoire la protection de la nuit. Ces radars permettaient de préparer les attaques en diversifiant les interventions : les blindés étaient appuyés par les mortiers de 120mm et les mitrailleuses lourdes, sous l’éclairage cru des projecteurs, et les cananx lourds de 155mm, dont les obus éclataient trois à quatre secondes avant de percuter le sol, achevant la besogne de mort.

Nul à ce jour ne pourrait préciser le nombre de combattants ayant fini dans les barrages, vidés de leur sang et hurlant de douleur dans une totale et désespérante solitude.

Au mois de juillet 1960, le premier ordre opérationnel d’offensive sur les barrages est donné : harcèlement, attaques de commandos de l’ALN et embuscades durant tout le mois de juillet 1960 sans aucun répit. 30 jours de combat où les unités de l’ALN sont tenues de ramener des prisonniers ennemis et récupérer des armes, des munitions, des équipements militaires : jumelles, radios etc…. A défaut de ramener des piquets, poteaux barbelés qui seront remis aux commandants des trois zones opérationnelles à titre de preuves des déroulements des combats sur les barrages minés électrifiés. La nouvelle réorganisation de l’Armée de Libération Nationale a donné une unité à une armée de 12.000 hommes à la frontière Est, 5000 hommes à la frontière Ouest qui, selon les prévisions établies par l’état- major général de l’ALN serait doublée dans quelques mois. Il fallait préparer l’avenir des combats à mener et à conduire contre les troupes ennemies sur les frontières Est-Ouest et à l’intérieur du pays. Effectivement, la mobilisation a été décrétée par l’état –major général de

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l’ALN. L’été 1960 d’août à septembre, l’ordre d’appel à la mobilisation à été lancé au peuple algérien, aux jeunes particulièrement, ceux de 18 à 30 ans afin qu’ils rejoignent les rangs de l’Armée de Libération Nationale pour renforcer les unités de l’ALN. Le peuple algérien a répondu à l’appel de mobilisation. Les effectifs de l’ALN ont atteint 25.000 hommes à la frontière Est et 12.000 Ouest. Avec les nouveaux renforts, l’état major était conscient de la nécessité de passer à l’offensive et d’engager des actions de grande envergure contre l’ennemi : harcèlement, attaques, embuscades, coups de mains des commandos.

De vraies batailles rangées sont engagées contre un ennemi nettement supérieur en nombre. Plus de 250.000 soldats et de puissants moyens de guerre sur les deux frontières. L’état-major de l’ALN a réussi tous les plans d’offensive, permettant aux 6 wilayas en attirant un maximum de troupes françaises sur les frontières, dégarnissant ainsi l’intérieur en diminuant la pression sur les maquis des différentes régions.

201 TRAVERSEES PERILLEUSES : Port Say (Marsat Ben Mhidi)-Boubker Touisset (Maroc)

A la fin de 1957,presque toutes les traversées dans cette zone étaient vouées à l’échec pour les raisons suivantes : 1- la pose par l’ennemi d’une double ligne de barbelés. 2- l’instalation de postes militaires à intervales réguliers n’excedant pas 10km et facilitant les encerclements dès le déclenchement de l’alarme. 3- la création du périmètre de zones interdites rendant impossible la traversée dans le sens Maroc-Algérie. Par contre entre Touisset-Berguem-Tamedrara-Figuig-Bechar, les traversées étaient relativement aisées jusqu’à la fin 1958, date à laquelle le quadrillage militaire français se fit draconien. Durant la période de 1957 à Aout 1958 j’avais éffectué avec des Djounouds plusieurs traversées par Figuig-Béni Ounif, à savoir sur une distance d’environ 5km. Par contre la traversée vers Béchar, plus au sud, dépassée les 20km sur un terrain difficile entre deux postes militaires français.il nous fallait plus de 6h pour effectuer l’aller- retour et une heure pour la traversée. Le retour s’effectuait souvent à l’aube, moment ou l’on pouvait facilement être repéré. Cette traversée présentait tant de difficultés que mon cousin et adjoint Benchekra Abdelkrim, pesant plus de 90kg et les pieds plats, ne pouvait plus supporter les grandes marches et avait demandé en mai 1958 sa mutation à Boubker. Lors de mes diverses missions au maquis, la relève était assurée par mes adjoints, 7 stagiaires du centre d’instructions de Berkane : les cinq premiers stagiaires instructeurs de mines de la première promotion (novembre 1957) du centre d’instruction de Berkane ont été affecter par l’état major pour assurer la formation de nouveaux stagiaires sous le terrain et assurer aussi les traversées du barrage dans les deux sens (Maroc-Algérie et Algérie-Maroc). Ces stagiaires, dont quatre sont mort en mission étaient : Benchekra Abdelkrim né en 1935 tombé au champ d’honneur en 1958 Youssfi Mohamed : né en 1937 tombé au champ d’honneur en 1959 Kerrar Belkacem : né en 1939 tombé au champ d’honneur en 1958 Derrar Abderrahmane : né en 1938 tombé au champ d’honneur en 1958 Le cinquième et seul rescapé n’étant autre que moi_même : Belahcene Bali Le plus agé n’avait que 23 ans.

202 La frontière Algéro-marocaine, longue de 1350km, avait été rendue totalement étanche après la pose des barages minés electrifiés et des différents moyens de destruction par l’armée française, tels que décrit dans les précédants chapitres. Plus de 100.000 soldats français sont postaient à la frontière et les des patrouilles circulent sans arrêt tout le long de la piste jouxtant la barrière. En 1959 et 1960, les djounoud chevronnés de la Wilaya5 ont tenté sans succès plusieurs traversées, n’arrivant pas à franchir ce « No Man’s land ».

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Incidences du barrage miné electrifié sur le moral des troupes de l’ALN : (Témoignage vécu de l’auteur)

« La nouvelle ligne Maginot -Extrait de : »Introduction des archives de l’Algérie » (service historique de l’armée de terre, République Française 1992)

Très tôt, la Tunisie et le Maroc jouent un rôle important dans l'aide à la rébellion algérienne. C'est ainsi que des caravanes d'armement Sont chargées d'approvisionner les "katibas" combattant à l'intérieur. De même, les recrues que fait le F.L.N. en Algérie sont acheminées en convois aux frontières extérieures, instruites dans des camps d'entraînement, et reviennent affronter les forces de l'ordre dans les djebels.

L'Etat-major vise par conséquent à imperméabiliser ces frontières de toute infiltration, de façon à isoler la rébellion. Le mouvement insurrectionnel devrait alors subir une suffocation progressive.

Confier un tel objectif à la sagacité humaine uniquement relève de la gageure : la frontière marocaine est longue de 1350 km et celle de l'Est a un tracé de 1140 km. Leur étanchéité passe donc par la construction d'obstacles "en dur". Après un premier essai réalisé sous la forme d'un réseau électrifié aux confins algéro-marocains courant 1956, le commandement décide en 1957 l'édification de deux barrages aux limites est et ouest de l'Algérie, sans cesse perfectionnés jusqu'en 1960. Il ne s'agit pas à proprement parler de véritables "lignes Maginot", mais de réseaux de barbelés et de lignes électrifiées dont la majeure partie est posée fin septembre 1957. Des zones interdites s'étendent entre la frontière et le barrage ; des batteries de radars COTAL - pouvant détecter un homme isolé à 15 km et un groupe à 40 - équipent les deux limites septentrionales du territoire fin mai 19579. En certains endroits, radars et canons sont couplés de manière à opposer à toute franchissement des feux d'artillerie meurtriers, sinon dissuasifs. Cette recherche d'impénétrabilité est enfin renforcée par la pose de mines; fin avril 1958, 913 000 de ces engins sont enterrés à la frontière est, 420 000 à celle de l'ouest, et 409 000 dans les monts des Ksours.

L'ampleur matérielle et technique d'un tel dispositif n'affranchit cependant pas de toute présence humaine. L'intégrité des frontières repose sur une combinaison d'instruments à vocation dissuasive, de détection et d'alarme, et de moyens en effectifs considérables,

204 puisque 80 000 soldats y sont postés. Ainsi des patrouilles circulent- elles tout au long de la piste qui jouxte la barrière, chargées de prévenir a priori tout passage rebelle. Les troupes du F.L.N., lorsqu'elles parviennent à franchir ces "no man's land" - et cela leur deviendra graduellement ardu -, sont pourchassées à l'intérieur du territoire par les unités de secteur. D'autres unités, dites "de chasse libre" et composées de parachutistes ou de légionnaires, ont pour mission d'intercepter « les groupes rebelles importants et suivis par les troupes de secteur ». Enfin, dans le sud algérien, le système de protection consiste quant à lui en « des ouvrages fortifiés, des aérodromes, des pistes et des bases opérationnelles. ».

Pénurie d’armes et de munitions La diversité des armes aux mains de l’ALN, et les différents calibres de munitions posait souvent un problème de compaptibilté. Plus de 50٪ des armes furent entérrées dans l’attente d’une dotation qui n’arrivait que rarement vu les difficultés que rencontraient nos djounouds pour traverser les frontières. La traversée des frontières : Pour nos troupes, le problème ne se posait pas lors de la traversée dans le sens Algérie-éxtérieur ( Maroc ou Tunisie). C’est dans l’autre sens que nos djounouds, après avoir cisaillé les barbelés, se retrouvaient dans une zone interdite d’une profondeur dépassant parfois les 100km tout le long de la frontière, 7 heures de marche de nuit nous était insuffisante pour dépasser les 40 km en terrain favorable et souvent moins en terrain montagneux. Cette marche était rendue encore plus difficile du fait des postes militaires rapprochés qui permettaient à l’armée française d’intervenir plus rapidement. Dès que les traces de cisaillement signalant une pénétration des katiba de l’ALN étaient repérées, une poursuite sans relache s’organisait, facilitée par les vols de reconaissance et l’intervention rapide des troupes aéroportées (principalement légionnaires et parachutistes). Des accrochages durant parfois jusqu’à 10 heures se soldaient par de lourdes pertes du côté français mais entraînaient la destruction irrémédiable des Katibas décimées 8 fois sur 10. le succés tout relatif de nos opérations de traversée était très dépendant du terrain et de l’heure, le moment le plus favorable étant bien entendu l’obscurité nocturne. Influence sur le moral : Les maquis, démoralisés par les difficultés grandissantes rencontrées par le ravitaillement en armes et munitions, imputent leurs échecs aux Etats Majors de l’éxterieur, les accusant d’incompétence et de se complaire dans une vie facile et corrompue.

205 Les conséquences de cette situation ne vont pas tarder à se faire ressentir dramatiquement avec les exemplaires disparition du colonel Lotfi à l’ouest et du colonel Amirouche à l’est.

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Instructions relatives aux mines posées par l’armée française

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CHAPITRE V

211 La répression

1956 – 1957 : une année charnière de ce que l’on se refusait encore à appeler la « guerre d’Algérie », où sont guillotinés notoirement les premiers condamnés du FLN, … où est lancé officieusement l’emploi systématique de la torture.

Dés le 12 mars 1956, en effet, la loi sur les « pouvoirs spéciaux », votée par le gouvernement français, signe un blanc-seing au pouvoir exécutif aux fins de « rétablir l’ordre » en Algérie et étend considérablement les pouvoirs de la justice militaire. Le texte officiel est cosigné par François Mitterrand, garde des sceaux auprès du Président Guy Mollet, président du Conseil socialiste du gouvernement du Front républicain. Les décrets le seront aussi : le ministre de la justice - qui connaît pourtant les outrances de l’armée - vient de confier aux militaires l’exercice de la justice pénale.

Le 7 janvier 1957, Robert Lacoste, le ministre résidant en Algérie, concède tous les pouvoirs de police au général Massu, alors commandant de la 10ème division parachutiste qui revenait de Suez. Celui-ci fait appel au général Paul Aussaresses qui met en place son tristement célèbre « escadron de la mort ».

Un autre façonnier de cette hostilité épouvantable et stupide, le capitaine Léger crée, sous les auspices du colonel Godard, son réseau de « bleus de chauffe », composé de « retournés » qui s’infiltrent dans les rangs de la résistance algérienne pour tenter de la casser.

Le colonel Trinquier met en place son « dispositif de protection urbaine » (l’inquiétant DPU) qui contrôle étroitement la population musulmane.

En conséquence, la pratique de la torture s’intensifie et sera développée dans de véritables « usines » par des détachements spécialisés : les DOP.

Au moment même où le tribunal français instruisait, à grands débours de faconde et de déclarations, le procès d’Oradour-sur-Glane, la « Gestapo française » se distinguait par l’usage des mêmes formules contre les Algériens, sans aucune réserve.

De leur côté, les parachutistes, ces troupes spécialisées qui représentaient « l’élite » de l’Algérie française, se sont particulièrement illustrés dans cette lutte contre une population sans défense. Ils rassemblaient dans leurs classes l’insultante plèbe, la bourbe coloniale et tous les ivoirins en mal de belligérance. Réduits au rôle de policiers politiques,

212 les adeptes de cette cohue de condottieri traduisent leur chauvinisme raciste de « l'indigène » en se livrant à des arrestations en masse, à des supplices infernaux, à des exécutions sommaires qui ne manqueront pas de susciter de vives critiques, même dans l’opinion de certains français.

Ainsi, nombre de responsables politiques, tels P. Mendès France, Alain Savary et autres - encore que favorables à l’Algérie française mais sincèrement choqués par « le traitement réservé aux individus appréhendés par les diverses autorités investies des pouvoirs de police » - n’hésitent pas à claquer la porte de leur gouvernement.

Le 24 mars 1957, Paul Teigten, secrétaire général de la préfecture d’Alger, présente à son tour sa démission : il déclare « avoir reconnu sur certains assignés à résidence les traces profondes des sévices ou des tortures qu’il y a quatorze ans, il subissait personnellement dans les caves de la Gestapo à Nancy »…3

Le 16 avril de la même année, Jean Reliquet, procureur général d’Alger écrit à son ministre : « j’ai l’honneur de vous faire parvenir ci-joint copies des déclarations faites par les nommés (…) détenus à la prison civile d’Alger sous l’inculpation d’atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat, (…) qui se plaignent d’avoir été victimes de sévices graves de la part de certains militaires des troupes parachutistes. (…) Des renseignements officieux qui me sont parvenus, il résulte que les sévices infligés par certains militaires aux personnes appréhendées – sans distinction de race ni de sexe – auraient été relativement fréquents. Ils sont toujours sensiblement les mêmes : application de courant électrique, supplice de l’eau et, parfois, pendaison par les mains »4.

L’armée française, maintes fois célébrée dans les discours du général de Gaulle, est vue d’un tout autre œil même par certains soldats français qui osent dire ou écrire ce qu’ils en pensent.

A l’état-major de la 27ème DIA à Tizi-Ouzou, un commandant avancera : « on devrait trouver une autre formule pour la corvée de bois, au lieu de : A été abattu en essayant de s’enfuir, car ça va finir par sembler suspect en haut-lieu ».

3 P. Eveno & J. Planchais ( La guerre d’Algérie, Laphomic, Alger, 1990 ). 4 Cité dans le mémoire de DEA de Sandrine Reliquet, IEP 1989.

213 Un autre soldat (le caporal R. du 2ème BEP) écrira : « S’il existe un jour un nouveau tribunal de Nuremberg, nous serons tous condamnés : des Oradour, nous en faisons tous les jours ».5

Les confessions de ces fonctionnaires et militaires français n’auront, du reste, aucun écho près de leurs gouvernements qui savent tout. Les généraux, méprisants, se contenteront d’en prendre acte poliment mais ne s’en encombreront guère dans la poursuite de leurs forfaits6. Quant aux civils, ils préfèreront se placer des points auprès de leurs supérieurs et de ce fait préserver leur avenir politique7.

Dans ce contexte monstrueux de « l’accentuation de l’effort policier » provoquée par l’establishment militaire français et les « partisans à tout prix » de l’Algérie française qui semblait perdre de vue – sous le prétexte fallacieux de l’efficacité immédiate – les

valeurs morales qui ont fait jusque-là la grandeur de la civilisation française, une autre guerre se profilait derrière la guerre : plus immonde, plus mortelle ; celle que livraient les membres de la sinistre « Main rouge » contre la population musulmane civile.

D’une xénophobie violente, cette société secrète était essentiellement dirigée contre les militants du FLN et leurs familles ou partisans, partout où cela lui semblait nécessaire.

Pour l’Histoire, il sera de bonne justice de rappeler que celui qui inventa le mythe de cette organisation génocidaire - qui ne l’enviait d’ailleurs en rien au notoire Ku Klux Klan sud-africain - est Paul Grossin, un général né en Algérie en 1901 et chef du SDECE en 1957. Il se souvint d’un petit groupe de français de Tunis qui s’était révélée sous le substantif accusateur de « main rouge » au début des années 50 et s’en inspira pour monter toute l’organisation.

La « main rouge » servira singulièrement à dissimuler l’action homicide des services spéciaux français, placés sous la direction de Constantin Melnik et sous la responsabilité directe de Michel Debré, Premier ministre de l’époque. Depuis lors, il n’est pas surprenant qu’elle regroupe en son sein des commandos légers et manœuvriers recrutés dans les « sources » les plus diverses, mais unis par leur délire aveugle à perpétuer une guerre développant chaque jour - et avec plus de douleur - ses conséquences absurdes. Elle puise

5 H. Keramane (La pacification, LA CITE, 1960). 6 J. Reliquet assure qu’entre janvier 1957 et mai 1958, 1509 condamnations à mort ont été prononcées à Alger. 7 Franz-Olivier Giesbert ( François Mitterrand. Une vie, Le Seuil, 1996 ).

214 dans les milieux pieds-noirs et enrôle des territoriaux, des légionnaires, des parachutistes à l’esprit pervers et cruel, qui vont chercher la raison de leurs crimes en prétendant « venger » la « déroute » de leur « noble cause » par des moyens infects et vandales.

Tout le monde sait notamment de quelles abominations, de quelles épouvantes et de quelles démences s’accompagnaient les actions de ces faiseurs de mal, habillés de noir, la tête enfoncée dans des cagoules noires et chaussés de hautes bottes tout aussi noires que leurs abjections. Leurs opérations qui s’effectuaient toujours de

nuit, engagèrent le pays dans un cycle infernal de terrorisme et de représailles dans lequel il était bien difficile de retrouver les échos de cette France héroïque, « patronne et témoin de la liberté dans le monde ».

Pour saisir toute l’horreur de la répression qui s’abattit sur la population musulmane - désarmée, traquée, humiliée, assassinée - il faut revenir à cette longue liste de martyrs retrouvés les lendemains de leur kidnapping dans des champs voisins, le corps criblé de balles et atrocement mutilé ou bien encore pendus haut et court. Les détails les plus nombreux ont été donnés par les rares témoins rescapés de cet enfer, sur les sauvageries commises à l’encontre des pauvres victimes et qui répugneraient même à l’esprit le plus immoral et le plus démoniaque.

215 Les tortures :

Mais à côté de cela, il faut que je vous parle longuement des tortures, 4 sous-officiers et 10 officiers avec une section de rappelés s’en chargent ; motif : c’est le seul moyen d’obtenir des renseignements. Au camp de Tablat, il y a en moyenne 150 suspects internés que l’on questionne. - courant de magnéto aux parties et aux oreilles (AD 1). - Station au soleil dans une cage grillagée (AD 1). - Stat on nu, à cheval sur un bâton, pieds et mains liées (AD 1). - Coups de nerfs de bœuf (AD 1). - Coups de la porte : on coince la main et on appuie (GNLP-GSL).

Un suspect, qui devait être emmené à Alger, est resté à Tablat toute une nuit. Les pieds liés à un arbre et le dos reposant sur des rouleaux de barbelés ; comme boissons on lui a donné de l’eau où on avait trempé du linge sale. D’autre part, deux de mes meilleurs amis restés à Seriet ont vu le colonel et deux commandant du 14e RCP qui questionnait, assistés de paras, les arabes qu’on leur amenait et qui étaient classés « suspects ». - courant de magnéto sur un homme que l’on arrose pour que « cela prenne bien ». - coups de bâton de 20cm, de diamètre sur tout le corps. - Couteau que l’on enfonce petit à petit dans la chair. - Un prisonnier ensanglanté est resté étendu nu un jour et une nuit sur la terre. - Un suspect balancé dans le vide depuis un hélicoptère (200m de haut). - Tous les « suspects » torturés ont été emmenés par les paras qui les ont liquidés.

Nous sommes loin de la pacification pour laquelle nous avions été rappelés : nous sommes désespérés de voir jusqu’à quel point peut s’abaisser la nature humaine et de voir des français employer des procédés qui relèvent de la barbarie nazie. Extraits de « Algérie 1954-1962 LA torture en question » Le dossier de Jean Muller D’après : Malika El Korso

216 La France qui torture Dans la police et l’armée française d’Algérie, l’humiliation et la torture sont fortement recommandées lors des INTERROGATOIRES de prisonniers. Devant l’inefficacité de ces méthodes la plupart de politiques ferment les yeux.

QUAND A-T-ON TORTURE? Depuis le tout début. Dès 1830. Les militaires français exercent une violence inouie à l’encontre des «indigènes ». Le « bicot». pense-t-on, ne comprend que la force. Un siècle plus tard. pour réprimer les milieux nationalistes émergents. La violence reste de mise dans les bureaux de la police. La situation empire après les attentais perpétrés en novembre 1954 par le FLN. Coup d’envoi du soulèvement algérien. Des suspects sont arrêtés. Pour les faire parler, tous les services de police et de gendarmerie ont plus ou moins utilisé, au cours de leurs interrogatoires, les coups, la baignoire. Le tuyau d’eau et l’électricité, révèle Roger Wuillaume, un inspecteur général de I ‘administration, dans son rapport de mars 1955. Ce n’est encore que le commencement, En janvier 1957, le général Massu, commandant de la 10e division de parachutistes, reçoit les pleins pouvoirs pour «pacifier» Alger. Massu décide d’en finir avec le FLN. Par tous les moyens, le 7 janvier, il déclenche la bataille d’Alger, lance 8000 paras et zouaves dans La Casbah, « fourmilière » de près de 5000 militants nationalistes. Arrêtés massivement les suspects subissent des interrogatoires « très poussés » Grâce aux informations obtenues, les paras remontent les réseaux, débusquent les chefs et démantèlent l’action nationaliste. Les résultats encouragent l’escalade dans toute l’Algérie. La torture est passée du stade artisanal au stade «industriel» elle devient un système organisé, un simple outil de guerre, dépouillé de sa charge émotionnelle. Quand le général De Gaulle revient au pouvoir en 1958, le politique reprend l’ascendant sur le militaire, sans faire cesser totalement les exactions. La situation ne s’améliore qu’en 1960 avec les perspectives de paix Mais des «excès, sévices ou irrégularités graves persistent jusqu’à la fin du conflit, en 1962. Il reste aujourd’hui impossible d’évaluer le nombre total de personnes torturées. Le nombre de victimes: Les soldats om pour règle de ne pas laisser de traces définitives sur le corps Du prisonnier Dans le cas contraire, celui-ci généralement exécuté. La disparition du prisonnier et souvent maquillée en évasion. Durant la seule bataille d’Alger, 3024 personnes auraient « disparu selon Paul Teitgen, alors secrétaire général de la police d’Alger, qui démissionne pour protester contre ces pratiques.

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Les bourreaux On les trouve dans les rangs de la police et notamment dans les services de la DST (Direction de la sécurité du territoire). Puis la torture s’installe dans les habitudes de l’armée jusqu’à devenir une véritable institution. Les officiers, de renseignements OR) en sont les spécialistes. Mais tout soldat, même appelé du contingent, peut être amené à torturer un prisonnier ou à l’exécuter lors d’une «corvée de bois». À partir de 1957, ce sont les DOP (détachements opérationnels de protection). Unités semi clandestines de l’armée spécialisées dans le renseignement et détachées partout en Algérie, qui furent les acteurs essentiels de la barbarie organisée. Les victimes En premier lieu. Les fellaghas ou combattants nationalistes algériens. Mais très vite, tout civil suspecté de les soutenir - c’est-à-dire tout le monde — peut être arrêté, interrogé et torturé. Femmes et adolescents compris. En particulier à partir de la bataille d’Alger 1957), lorsqu’on j découvre l’importance du rôle des Algériennes dans le terrorisme. Certains cas deviendront emblématiques. Celui de Djamila Boupacha jeune militante du FLN qui. Accusée d’avoir transporté des bombes. Fut torturée el violée en 1960. Des Français sympathisants de la cause FLN, comme Henri Alleg, turent également confrontés aux méthodes musclées des militaires. Enlevé el torturé par les parachutistes en juin 1957. Maurice Audin, jeune assistant de mathématiques, membre du Parti communiste algérien, n’a jamais été revu vivant. QUI SAIT? QUI COUVRE? Les politiques Dès le début de la guerre, le gouvernement français est informe des exactions. In mars 1955, par le rapport Wuillaurne remis à Jacques Soustelle, gouverneur général de l’Algérie. Neuf mois plus tard. Jean Maire, directeur de la Sûreté nationale. Prévient directement Edgar Faure, président du Conseil. Le Comité international de la Croix-Rouge ClCR) et le Comité international contre les régimes concentrationnaires (CICRC) alertent également le gouvernement à plusieurs reprises après avoir constaté de visu les traces de nombreux sévices corporels. Mais le mot « torture n’a quasiment jamais prononcé par la France officielle. A l’exception de Pierre Mendès France qui dénonce, en février 1955. « Les horribles excès auxquels il faut mettre fin rapidement », tous les chefs de gouvernement qui se succèdent préfèrent se taire. Guy Mollet, au pouvoir en 1956-1957, opte en particulier

218 pour l’hypocrisie et le mensonge, couvre les exactions et dupe l’opinion publique en affirmant donner des ordres pour y mettre fin et puni les coupables. Les militaires : Aucun ordre écrit n’autorise explicitement l’usage de la torture. Mais des directives incitent les soldats à l’employer. Des officiers de renseignements notamment, on attend surtout des résultats, suggérant la méthode mais la laissant à leur appréciation. Pour ces actes de guerre comme pour les autres, les gradés assument leur rôle de chef, et la hiérarchie couvre ses hommes. De toute façon, chercher à savoir exactement qui a fait quoi est peine perdue étant donné la structure décentralisée des services de renseignements et l’éclatement des troupes sur le territoire.

COMMENT JUSTIFIE-T-ON CES PRATIQUES ? Par leur efficacité, disent les militaires. Ils font une guerre d’un genre nouveau, opposant une armée régulière à des bandes rebelles pratiquant un terrorisme d’une violence inouïe. Dans ces circonstances exceptionnelles, la torture est donc d’abord légitimée par une « cruelle nécessité », explique le général Massu. Elle vise à « éviter des drames cent fois plus atroces dont seraient victimes des innocents ». et ce grâce aux informations que l’on obtient des prisonniers. Coûte que coûte … « faire souffrir n’est pas « torturer » - quelles que soient l’acuité, la durée et la douleur- pour autant qu’on n’a pas le choix, pour autant que cette douleur est proportionnée au but que l’on doit atteindre », affirme même le père Delarue, aumônier parachutiste, mis en avant par l’armée pour soutenir son raisonnement. Enfin, la révolte algérienne est aussi pour les militaires à la cause directe de la mort de leurs camarades et de l’horreur terroriste quotidienne à Alger. Appliquer la loi du talion semble alors presque normal. Pour balayer les derniers scrupules et persuader l’opinion, les militaires puis les responsables politiques se font un devoir de faire connaître les horreurs du FLN. Quand les fellaghas massacrent plus de 300 habitants du village de Melouza, le ministre résident en Algérie, Robert Lacoste, prie immédiatement les journalistes de se rendre sur place, leur fournissant même des hélicoptères. Le journal Le Populaire, organe de presse de la SFIO, le parti de Guy Mollet, s’applique aussi quotidiennement à donner un large écho aux massacres imputés au FLN. « Je pense que les militaires français obligés d’utilisre la torture pour vaincre le terrorisme ont été des enfants de chœur par rapport à l’usage qu’en ont fait les fellaghas », persistera le général Massu.

219 LES METHODES HABITUELLES Il y a cinq méthodes principales. Souvent employées de manière combinée après la mise à nu systématique de la victime. Les coups : Entrée en matière. Notamment lors de la fouille des villages ou lors d’arrestations. La baignoire : Asphyxie temporaire de la victime maintenue tête sous l’eau. Ou le tuyau d’eau: on déverse de l’eau par un tuyau enfoncé dans la bouche de la victime jusqu’à suffocation. L’électricité : ou «gégène », la plus répandue Sur les parties les plus sensibles du corps. On place des électrodes reliées ù une génératrice que le tortionnaire actionne la manivelle La pendaison : La victime est suspendue en l’air par les poignets maintenus dans le dos jusqu’à ce que ses épaules et ses omoplates se disloquent. Le viol : Le plus souvent avec des objets morceaux de bois ou bouteilles. BARBARIE ORGANISEE : Des centres de « transit et de triage » sont ouverts en périphérie d’Alger. Les violences sont aussi pratiquées à Alger même, dans les locaux de la DST, à la villa Sesini, et dans plusieurs résidences du quartier d’El Biar. La ferme Ameziane, à Constantine, et la savonnerie Thiar, à Blida, aménagées en véritables centres de torture, sont parmi les lieux de pires exactions.

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Le centre de torture de Saf-Saf et son python

Lorsqu’on évoque, à Tlemcen, la caserne militaire d’observation et de tortures de Saf-Saf, l’image qui vient brusquement s’imposer à l’esprit des citoyens reste incontestablement celle de l’univers de l’horreur : c’était un lieu où les tortures, les sévices corporels, la flétrissure étaient quotidiennement pratiqués par les tortionnaires issus, ironie du sort, du pays de la déclaration universelle des droits de l’homme, signataire aussi de la convention de Genève.

Combien de civils et de militaires détenus dans cette sinistre caserne ont subi les pires supplices ! Où étaient ces organisations internationales de la défense des droits de l’homme pendant que l’ordre colonial broyait sans retenue de l’Algérien ?

La caserne militaire d’observation et de torture de Saf-Saf était située à 5 Km au Nord de Tlemcen, au milieu d’une plaine et de champs agricoles. Son commandement était confié à un militaire du grade de Colonel et son encadrement était en majorité constitué de légionnaires Japonais, Sénégalais et de Harkis. Cette faune de supplétifs était pleinement engagée dans les exactions et ne lésinait point sur les moyens pour exceller dans l’art de torturer les pensionnaires du CMOT.

D’une capacité de 500 prisonniers, cette caserne, première du genre dans la région, était destinée à accueillir ceux qui étaient pris l’arme à la main (PAM) et ceux qui étaient internés par les militaires (PIM). Sa seule évocation provoquait chez les citoyens une peur bleue. Tous les prisonniers militaires ou civils subissaient des interrogatoires des plus musclés. Les tortionnaires étaient autorisés à utiliser tous les moyens pour agir et devaient être performants ; tenailles, tronçonneuses, électricité et toutes les autres exactions que la morale réprouve et ne permet pas d’évoquer.

Ces méthodes d’un autre âge, si elles produisaient un effet sur certains sujets, par contre chez la majorité de nos valeureux combattants, elles n’avaient fait que renforcer leur détermination et leur sacrifice. Pour cette catégorie de résistants, les aveux leur étaient arrachés par un autre moyen. En effet, le détenu était dirigé dans une autre zone de la caserne, quasiment isolée. Là est encagé un énorme python apprivoisé et dressé par un gros Vietnamien. Cet asiatique, tatoué sur le bras, parlait un français complètement cassé et n’avait d’autre besogne que de livrer les détenus à ce

221 monstre. Ce gros serpent mesurait près de sept mètres de long, pesait plus de 80 Kgs et était capable d’avaler un canard vivant. Il était placé dans une cage et ingurgitait quotidiennement de grandes quantités d’omelettes. Il obéissait à tous les ordres du gros Vietnamien qui passait le plus clair de son temps à picorer dans des assiettes de frites. A la vue de ce mastodonte, nombreux sont les prisonniers qui « lâchaient le morceau », d’autres par contre, plus téméraires, refusaient carrément d’abdiquer. Ces derniers étaient introduits, l’un après l’autre, dans la cage du reptile. Aussitôt, dans un mouvement prodigieux, l’animal s’enroule sur le malheureux prisonnier et l’étouffe de sa puissante étreinte. Nombreux sont les détenus qui passaient aux aveux alors que d’autres, mus par une grande opiniâtreté, mouraient étouffés.

Selon certains témoignages, des centaines de civils et de militaires sont passés de vie à trépas, écrabouillés par le reptile. Pendant plus de deux ans, ce python a semé la terreur. Ce moyen de torture peu commun a constitué un réel motif de préoccupation pour la Direction du FLN à l’échelle locale.

Cette perception s’est accentuée davantage en 1957 lorsqu’un Moussabel, qui était également agent de liaison du FLN, a été arrêté en possession de deux lettres portant les timbres humides de l’ALN et du FLN et destinées à Hamadouche Aït Salah, Chef du Commandos de Tlemcen. Après son arrestation, ce Moussabel fut dirigé illico presto vers la caserne de Saf-Saf pour l’interrogatoire d’usage et éventuellement des séances de torture en cas de refus de collaboration. Et inéluctablement, il fut dirigé vers la cage du python où il fut d’abord accueilli pour la circonstance par le Vietnamien. Quelques instants après, et ne pouvant supporter ce dur supplice, il avait fini par avouer que les deux missives provenaient d’un certain Hocine exerçant la fonction de garde champêtre à Ouzidane. Sur la base de ces renseignements, les forces coloniales n’ont pas mis beaucoup de temps pour cueillir Hocine et lui faire subir un traitement similaire à celui vécu par le Moussabel. Cette arrestation fut par la suite suivie par une perquisition au domicile du garde champêtre. Là, les soldats ont réussi à découvrir, dissimulés dans les profondeurs du puits, des chargeurs, des munitions et des effets vestimentaires pour militaires. Ce malheureux fut exécuté au moyen de la dynamite au fonds du même puits. Le châtiment lui fut administré afin de servir d’exemple pour ceux qui seraient tentés de collaborer avec le FLN…

Ce reptile est devenu ainsi un obstacle pour la Direction du FLN qui désirait, à tout prix, le supprimer. Cette idée hanta alors tous les esprits : il fallait coûte que coûte le neutraliser. C’est ainsi qu’un plan a été bien concocté par un certain Zitouni, moudjahed détenu dans le camp de SAf-Saf. Avec la connivence d’une femme de charge du Colonel Chef de la caserne, une algérienne acquise

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à la cause, il mit en place un stratagème. Ce dernier consiste à glisser le souffre, qui se trouvait sur les bouts des allumettes, dans l’omelette servie quotidiennement au python.

Quinze jours sont passés et le python se dressait toujours dans sa cage, mais il perdait progressivement de sa vivacité, et ses étreintes sur les détenus n’avaient plus aucun effet.

Au vingtième jour lorsque le gros Vietnamien s’est approché de la cage pour lui servir un canard, le python ne manifesta aucun réflexe. Ce comportement intrigua le maître. Sans attendre, il pénétra dans la cage et secoua le reptile. Mais sa surprise fût grande quand il découvrit avec stupéfaction que le python n’était plus qu’un mauvais souvenir. Une perte qui a rendu fou de rage le Colonel, Chef de la Caserne, accusant le Vietnamien de négligence. Il fallait sans attendre songer à un autre moyen de pression pour agir efficacement sur les détenus qui croupissaient dans cet enfer…

Bali Belahsene, Colonel Lotfi Bibliothèque Nationale, Alger

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Ratissage

Ce qui arrive la vitesse d’abord avec laquelle les soldats défoncent les portes et armes au poing entrent dans les maisons, si basses, si sombres, le temps pour les yeux de s’habituer et de ne trouver au fond des pièces que quelques femmes et des vieillards, parfois des enfants.

Pas un homme valide.

Les soldats envahissent le village et courent en criant, ils crient pour se donner du courage, pour faire peur, comme les râles, des souffles, alors les vieilles lâchent les paniers qu’elles sont en train de tresser et regardent les jeunes hommes et s’étonnent de ce qu’avec des armes dans les mains on dirait que ce sont eux qui ont peur.

Ils sont en colère, ils crient,

Dehors !

Dehors !

Et dans les maisons ils agrippent les gens par les bras, tirent les vêtements,

Sortez ! Dehors !

Et les femmes posent les paniers. Elles se lèvent. Elles laissent les métiers à tisser, elles sortent, les vieux sortent, ils ne savent pas pourquoi et leur lenteur s’accorde mal à l’obéissance, aux mains levées à plat sur les têtes et les pointes des fusils mitrailleurs qui les poussent vers le centre du village.

Les enfants avancent eux aussi et lèvent les yeux vers les soldats, leurs visages font des grimaces, ils se retirent, la peur les retirent de pleurer.

Des enfants crient devant la porte d’une maison. Ils restent immobiles, deux petits, debout, ils crient jusqu’à ce qu’une femme vienne les chercher et les emmener avec elle s’asseoir sur la place, serrés, tous, les voisins, les amis, les autres la famille, tous pourvu qu’ils soient femmes, vieux, enfants, tous blottis les uns contre les autres à hauteur des jambes des soldats, avec la pointe des canons qui danse devant leurs yeux et la poussière étouffante et chaude, épaisse, blanche et qui brouille les yeux et les odeurs et donne un goût sec farineux dans la bouche.

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Des poules traversent la place en caquetant et s’agitent dans la poussière et des chiens aboient, on entend des chèvres, et les portes qu’on fracasse, des cris de femmes, quelques femmes enfermées ou cachées, des femmes jeunes avec des couleurs vives, les tissus rouge, bleu, jaune, elles résistent, il faut les pousser, qu’on les pousse avec les pointes des armes et il faut qu’on gueule,

Putain, avance !

Qu’on les ramène alors sur la palace,

Allez !

Plus violement que les vieux parce qu’elles savent quelques chose, elles savent où sont les hommes.

Où ils sont, les hommes ?

Personne ne trouve les hommes.

Les vieux ne parlent pas plus et restent muets- seules les bouches édentées vibrent et clapotent et crachouilles quelques chose, ou tremblent comme les doigts accrochés sur les cannes auxquelles ils se retiennent. Sinon le regard ne dit rien, rien, pas même l’étonnement. Pas même la colère, rien. Un calme, une résignation, rien, la patience, peut-être. Certains parmi eux ont vu les corps après les bombardements au napalm –les petits tas noirs des corps carbonisés et des membres intacts, d’autres ont eu le sexe fendu par la gégène, ils ont échappé à la mort par miracle, ils ont vu des soldats tuer des hommes à coup de pierre et des filles de douze ans s’abandonner à eux sans pleurer ; alors maintenant ils n’ont pas peur et ils attendent, ils ont la patience pour eux.

Le lieutenant parle avec Abdelmalik, l’un des deux harkis. Maintenant il gueule de toutes ses forces contre ces salopes qui ne veulent pas parler, qu’on va faire parler, il faudra bien qu’elles parlent, elles ou les vieux,

Eh merde, qu’elles parlent,

Et pendant qu’il crie et crache et d’un revers de manche éponge son front, on continue à fouiller les maisons et à forcer les caches, les portes, encore, quelques-unes, des maisons un peu en retrait, et de l’intérieur qu’on entend qu’on brise, renverse, des poules s’enfuient, des chèvres détalent, on se dit que dans les jarres qu’on éventre il y aura des armes et on ne trouve que du blé qui se répand sur le sol comme de la poudre ou du sable entre doigts dans les nuages de poussière jaune.

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Février veut entrer dans l’une des dernières maisons et la porte ne s’ouvre pas. Elle résiste. A trois ou quatre on va finir par la faire céder. Et dedans il y a une femme et un vieil aveugle qui sursaute la porte cède et laisse entrer des flots de lumière et les soldats qui tout de suite imaginent que le vieux est aveugle parce qu’il est le seul à ne pas tourner le visage vers eux.

Mais ce n’est pas vers lui qu’on approche. Ni vers la femme, qui est peut-être la fille de l’aveugle, mais vers les deux enfants, presque plus des enfants, une fille et un garçon, quatorze ou quinze ans, pas encore l’âge d’un fellouze.

Qu’est-ce qu’on en sait que c’est pas un fell, qu’est-ce qu’on en sait, les gars, ce que c’est ?

Qu’es-ce que t’es ?

Dis-le, ce que t’es.

On t’a posé une question.

Tu parle pas français ? non, tu comprend pas ?

L’adolescent ne dit rien, il recule légèrement, un pas, à peine, et il regarde les soldats les uns après les autres.

Il fait un signe pour dire qu’il ne comprend pas, il lève les bras et veut les mettre sur la tête, puis se ravise, les rabaisse le long de son corps, puis, en arabe, il dit des mots que personne ne comprend. On sent, on devine ce qu’il veut dire. Il doit dire qu’il ne comprend pas et qu’il ne sait pas ce qu’on lui demande, alors que ses yeux disent seulement qu’il est terrorisé et la peur, il va essayer de la calmer en regardant sa mère et sa sœur, en regardant le vieux. Personne ne semble comprendre ce qu’il dit.

Où tu cache les des armes ?

Où tu cache des armes, dis-le.

La première fois qu’on le frappe il ne bronche pas, à la peine s’il cligne les yeux. Sa voix tremble, c’est tout, pour dire qu’il ne comprend pas ou qu’il ne cache rien, ou quoi, d’autres mots, impossibles à déchiffrer.

Les armes ? Où elles sont, dis-le. Il les regarde et ne répond pas.

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Où est-ce qu’ils se planquent ? Non, il fait signe que non. Où ça, tu le sais. Dis-le. Il agite la tête pour dire non. Les fells, t’en sais rien ?

Ils sont deux soldats très près de lui et lui lancent des petites claques du bout des doigts, sur le crâne, derrière la tête, dans la nuque.

Les armes, où elles sont ?

Il ferme les yeux, les yeux clignent. On entend le bruit sec des claques. Le garçon reste droit. Il retire sa respiration. On entend les claques de plus en plus fortes sur les joues, sur les yeux, sur le front, il fronce les sourcils, on voit le tressaillement des muscles des mâchoires et il retire son souffle, il fait le geste de ne pas savoir, il dit non d’un mouvement sec, nerveux, comme un spasme. Il recule d’un pas. Il écarte les mains et met les bras en l’air. On le fouille et on ne trouve rien sous les vêtements que le tremblement de tout son corps et la sueur froide dans la nuque qui la tient rigide, et dès qu’on ne le frappe plus il a les yeux grands ouverts et son souffle soulève sa poitrine et il respire très fort, par le nez, la bouche entrouverte.

Dehors on entend _ on écoute _ encore des portes qu’on force à coups de pieds. On entend les jarres jetées à terre qui se fracassent contre le sol. Et des enfants, des bébés qui pleurent. Et des chiens qui aboient. Puis un coup de feu. On sursaute. Des chèvres. Un chien, quelqu’un a abattu un chien. Et on fouille l’adolescent. Puis les autres. Puis quelqu’un tâte la djellaba de la fille. Puis la fille regarde sa mère alors que ses cheveux s’échappent du foulard que le soldat fait glisser, ses cheveux, ils se dénouent et tombent sur ses épaules. Puis elle ouvre la bouche comme pour dire la surprise. Elle ferme les poings. Puis le soldat s’attarde en fouillant en tâtant les seins, longuement, et Mouret et Février regardent ça sans rien à dire. Puis Février approche de la fille, l’autre soldat se pousse, Févier touche la djellaba et s’arrête lorsque la fille pousse un léger cri, presque rien, avant de se réfugier dans le silence, là où sa colère doit se tenir à l’écart elle sait et se répète qu’il faut garder son sang froid, surtout qu’elle n’éclate pas, sa colère, qu’elle ne hurle pas, elle, il ne faut pas qu’elle hurle, qu’elle les insulte, il faut attendre, il faut se taire.

Mouret regarde Février et fait signe de laisser tomber.

Février se détourne et revient vers le garçon,

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Tu ne veux rien dire ?

Tu ne veux pas parler ? On va t’obliger à parler, tu sais qu’on peut t’obliger, tu le sais ?

Il approche, il hésite. Il regarde le garçon dans les yeux puis crache à côté de lui. Il regarde le garçon une nouvelle fois, comme s’il voulait lui dire quelque chose, ou le comprendre, ou sonder son silence, sa peur, et saisir quelque chose, y lire les aveux, des secrets ; et il regarde le vieux et la femme, mais là, il ne voit que des peaux fripées et bruinées, et chez l’homme un regard aussi mort que la jeunesse.

Alors Février a presque peur et son regard enfin s’arrête sur la jeune fille. D’une main elle retient le haut de sa djellaba, de l’autre elle essaie de retenir ses cheveux. Elle ne fixe pas le regard de Février ni celui des autres. On oblige le garçon à mettre ses deux mains à plat sur son crâne. Il pleur, en silence, simplement les larmes embuent ses yeux et coulent sur les joues. Il n’y a aucune révolte ni colère dans son expression. L’aveugle ne bouge absolument pas et la mère non plus, à peine détourne-t-elle le vissage, baisse-t-elle un peu les yeux. Le garçon, lui, a les yeux grands ouverts sur les hommes des yeux ouverts et brillants comme s’ils reflétaient une hallucination.

Et toujours du dehors on entend les pleurs des bébés, un autre chien qui aboie, les plaintes des femmes, et puis cette odeur de brûlé qui se répand, les pleurs des femmes, et les lamentations sur la place qui planent aussi dans l’odeur acide, âcre, de la fumée noire, l’odeur, la fumée qui s’infiltre et pique bientôt les narines et les yeux.

Les hommes vont repartir. Ils vont sortir. Février hésite et il regarde la fille, elle le sent, les autres aussi le sentent, les soldats aussi. Mouret lui donne un coup sur l’épaule.

Allez, viens.

Ils sortent. Ils sont sur le pas de la porte lorsque Nivelle se retourne, sans prévenir, d’un mouvement sec et mécanique sans réfléchir on dirait il revient sur ses pas, quelques foulées, le corps raide ; il fait quelques mètres et prend son pistolet dans son ceinturon et sans regarder sans réfléchir droit devant s’approche du garçon et lui tire une balle dans la tête.

Des Hommes (roman) de Laurent Mauvignier, Editions de Minuit, septembre 2009, extraits.

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CHAPITRE VI

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A propos de pacification

En septembre 1956, monsieur Robert Lacoste déclarait sans l’ombre d’un doute : « Nous avons maintenant tous les moyens de pacifier l’Algérie, et j’entends aller vite afin de ne pas laisser davantage les populations dans la crainte et l’incertitude ». Dans la réalité cette « pacification » s’apparentait souvent au génocide, et « rassurer les populations » signifiait en fait les terroriser et les parquer dans des villages de regroupement, soumis à la brutalité des « Harkas » et autre G.M.P.R. Dans le journal de la révolution « El Moudjahid », Abdelhamid, Commissaire politique de L’A.L.N, nous présente le véritable visage de la pacification. LA « PACIFICATION » EST UNE GRANDE ESCROQUERIE Pour Abdelhamid, commissaire politique, la « pacification » est une des plus grandes escroqueries de l’histoire, par laquelle la France essaie de justifier la guerre barbare qu’elle mène contre le peuple algérien. « Il suffit de vivre en Algérie quelques jours parmi les populations musulmanes, d’assister aux ratissages, de voir les mechtas incendiées, les hommes fusillés, pour comprendre l’horreur de cet abus de confiance que la France commet et veut faire avaliser par le monde qui l’observe et l’humanité qui la juge. Des faits précis d’atroce répression, on les trouve par milliers dans toutes les parties de l’Algérie. Seulement il faut être assez honnête pour bien vouloir les voir et les dénoncer. C’est cette honnêteté qui a toujours fait défaut aux journalistes venus en Algérie ; l’exception est d’une rareté remarquable. La quasi-totalité de la presse française, la radio et le cinéma s’acharnent, par une propagande intense et soutenue, à dénaturer la lutte héroïque que mène le peuple algérien unanime contre des forces rétrogrades, mille fois supérieures en nombre et en armement. Cependant cette propagande menée tambour battant et qui se veut convaincante ne peut résister au jugement sain et impartial. Elle s’écroule vite comme un colosse aux pieds d’argile. Car aucun homme logique ne peut admettre qu’une poignée d’hommes puisse tenir en échec une armée de six cents mille hommes, si cette « poignée » n’était pas soutenue, encouragée par cette force irrésistible qu’est le peuple quand il est uni et fermement décidé à vivre libre. Ce qu’il faut voir, ce qu’il faut dénoncer par tous les moyens, c’est cette répression indigne de tous les principes moraux, cette répression que la France veut rendre sympathique en l’enjolivant de mots « pacification » et « communauté franco-musulmane », et qui est hideuse dans sa réalité. Prenons à tout hasard une partie du territoire algérien et voyons le bilan des activités des forces françaises.

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Dans la région de Mekira, par exemple, la forêt de Bou-Mahni a été complètement incendiée, de même que la belle forêt de Sidi- Ali- Bounab. La furie des colonialistes s’est acharnée sur les arbres fruitiers et les oliviers. Des vergers tout entiers ont été brulés. Quant aux exécutions sommaires, elles sont devenues tellement fréquentes qu’elles sont entrées dans le cadre normal des activités « pacificatrices ». Chaque ratissage, chaque patrouille, a sa part de civils tués. La dechra ou la ville enterre ses morts et la presse française et la radio annoncent : « tant de rebelles abattus ». Le 3 août à Bou-Mahni, trois Algériens civils ont été exécutés sommairement, et leurs corps jetés dans la forêt qui brûlait. A Aït- Khercha (commune de Mirabeau), quatre Algériens ont été amenés en plein centre de la dechra après une détention de trois mois. Ils furent fusillés devant toute la population, rassemblée de force pour assister à cet horrible spectacle. Le 5 septembre, les nommés Agoune Slimane, Boukhari Larbi, Rezouk Mouloud, Rezouk Ahmed, Akoulich Ahmed ont été fusillés devant la population. Ils avaient été libérés de prison, la veille de leur exécution. L’exécution de prisonniers s’est répétée en plusieurs endroits. A Sidi-Ali-Bounab, trois d’entre eux ont été ramenés de la ville et fusillés. Le nommé Ali M’hamed, malade, a été tué dans son lit. A Boudhar (commune de Ménerville), à la suite d’un accrochage, les Français ont incendié la quasi-totalité du village. Quatre habitants, dont une femme, ont été assassinés; les maisons furent bombardées et mitraillées sans avertissements. Ne trouvant pas d’hommes dans le village, les colonialistes ont violé deux jeunes filles. Le village hier plein de vie, est maintenant désert, les maisons calcinées ; même les cactus n’ont pas échappé au feu. Voilà quelques aspects de la « pacification ». Quand on pense que, partout en Algérie, le même scénario se produit chaque jour, on ne peut nier que la France cherche à exterminer le peuple algérien. Au milieu du sang et du feu, la France cynique cherche à rallier les Algériens qu’elle a meurtris dans leur chair et leurs biens. Dans la région en question, elle a armé 17 hommes. Ces derniers, dès qu’ils ont reçu les armes, sont entrés dans l’Armée de Libération Nationale. Dans cette lutte implacable, le peuple algérien a montré des qualités qui forcent l’admiration du monde entier. Son courage et son esprit de sacrifice sont sublimes. Malheureusement, obligé de se battre contre un ennemi possédant de grands moyens, il n’a pas trouvé parmi les journalistes –à part quelques exceptions- le soutien assidu et désintéressé que mérite la noblesse de sa lutte. Bien des exploits mis sous silence ou dénaturés, resteront aujourd’hui dans l’ombre. Le côté révolutionnaire de la lutte algérienne est complètement ignoré par eux : ils ne veulent pas reconnaître encore que notre combat ne se limite pas seulement à l’action militaire en vue de libérer le pays, qu’il s’agit en premier lieu d’une révolution totale, aussi bien dans le domaine psychologique, que dans le domaine social et économique. Une Algérie et un peuple algérien nouveaux se sont formés ».

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Les violences de la guerre d’Algérie

La guerre est par essence source de violence. Dans notre guerre de libération les violences se sont manifestées dans les deux camps. Il y a eu les violences révolutionnaires et les violences coloniales. Il n’y a pas eu de « guerre propre » sauf quelques rares fois dans les djebels ou sur les frontières. La vision objective des deux violences permet de comparer leur nature, d’apprécier les tentatives de justification ou de condamnation.

1- LES VIOLENCES REVOLUTIONNAIRES

La politique de domination coloniale a empêché l’expression des revendications politiques des nationalistes modérés et indépendantistes. Ni libertés, ni droits, mais truquages électoraux et répressions. Que reste-il alors au peuple comme moyens pour s’opposer au système colonial et faire aboutir ses revendications ? Le nationalisme algérien n’a trouvé, après plus d’un demi siècle de luttes politiques pacifiques, que la résistance armée et sa concrétisation, le 1er novembre 1954. malgré les déclarations du FLN affirmant que la lutte libératrice n’était pas un Djihad islamique, il y avait au niveau des masses populaires, surtout rurales, un sentiment religieux qui a été, autant que les abus coloniaux, moteur du soulèvement. Ne disposant pas de grands moyens militaires, les militants algériens n’avaient comme recours que la violence révolutionnaire. Aussi dès le début une question s’est posée à eux. Avec quels moyens combattre les forces policières et militaires des colonisateurs ? C’était folie d’affronter ouvertement les tanks, les mitrailleuses et les avions d’une grande puissance. Militairement, il n y avait aucune comparaison entre les forces du FLN et celles des autorités coloniales. Seul moyen possible, attaquer les symboles du système colonial et les hommes qui le représentaient : postes militaires, commissariats, sièges d’institutions publiques, fermes de colons. Il s’agissait de troubler « l’ordre colonial » dans ses différents aspects : forces militaires et policières, mesures de répression, contrôle de la population, manœuvres psychologiques. La guerre de libération peut être considérée comme un soulèvement de toute une population autochtone contre la souveraineté de la puissance coloniale. Il ne s’agit pas d’un conflit entre deux armées classiques.

234

La guérilla FLN visait par la terreur l’élimination des hommes qui soutenaient ou représentaient le système colonial. C’était un terrorisme bien ciblé devant amener la renonciation à la coopération et à la compromission avec le colonialisme. C’était aussi créer l’insécurité pour les agents de l’ordre colonial. Le terrorisme généralisé montrait par la terreur l’impossibilité pour la puissance coloniale d’assurer son maintien et sa sécurité. La guerre de libération a commencé par des attentats fauchant des représentants de l’ordre colonial et détruisant ses institutions. il y eut malheureusement des victimes innocentes, l’attentat contre l’orchestre du Casino de la corniche à Alger en est un exemple. Les bombes en 1957 en sont un autre. Mais n’oublions pas les provocations policières et administratives, l’attentat de la Rue de Thebes dans la Casbah d’Alger par des policiers, et la continuation des exécutions capitales malgré l’accord officieux entre Germaine Tillon et Yacef Saadi. Il y eut des soldats prisonniers tués, d’autres jugés et exécutés. Leur nombre, une dizaine ou deux dans le 1er cas, moins d’une dizaine dans le second cas. Les violences s’exercèrent aussi contre des Algériens réticents à soutenir la Révolution, à payer des cotisations, et contre les collaborateurs du pouvoir colonial jugés traîtres à leur véritable patrie. On a beaucoup écrit sur les harkis et sur les violences qui se sont exercées contre eux. On oublie souvent les comportements de certains d’entre eux dans les villages et même dans quelques grandes villes de France. Ont peut rappeler le sort réservé par l’opinion publique et la justice française aux français qui ont collaboré avec l’Allemagne nazie. Qui a finalement abandonné à leur triste sort ces harkis en 1962 ? On est passé à une forme de guerre plus classique lorsque l’ALN, au début de 1956 et lors de la bataille des frontières aligna des groupes réguliers de 150 à 200 djoundi. Encore que le nombre total des hommes de l’ALN, loin de celui des effectifs de l’armée française, tournait autour de 20 000.

2- LES VIOLENCES COLONIALES

A la violence des algériens, les français ont répondu par des opérations policières et par la suite militaires, les actions étant surtout répressives. Ces actions rappelaient singulièrement les premières mesures du fameux « Code de l’indigénat » : arrestations, bastonnades, tortures, tribunaux d’exception et emprisonnements, toutes formes de répression qui furent subies par les « indigènes » de la période coloniale. La police fut au début la première à assurer la répression, ces effectifs, 10 000 hommes, ne lui permirent de jouer ensuite qu’un rôle réduit. Les militaires furent les principaux acteurs de la répression. Les effectifs de l’armée augmentant, autour de 50 000 hommes avant 1954, près de 200 000

235 en mars 1956 et 450 000 en 1960, sans compter la gendarmerie, la police et les soldats musulmans, étaient sans aucun rapport avec ceux du FLN. Certes, il y eut quelques fois des combats loyaux, mais le plus souvent sévirent des pratiques de guerre coloniale condamnées pour leur barbarie : ratissages, destructions et incendies des mechtas et même des villages, bombardements, emploie du napalm, tortures systématisées, emprisonnement dans des camps de concentration appelés camps d’hébergement… toutes méthodes employées sans distinction contre des moudjahidine, des suspects et la population civile. Les ratissages, pratiqués dès le début de la guerre dans le Constantinois, aboutissaient souvent à des déplacements de la population parquée par la suite dans des camps de regroupement facilement contrôlables. Dans les Aurès, dès 1954, les habitants du Bled où avaient été repérés des moudjahidine étaient contraints sous la menace de bombardements d’abandonner leurs douars, et ainsi certaines régions devenaient « zones interdites ». Les regroupements de population furent intensifiés en 1957. les documents du Gouvernement Général donnent les indications suivantes : 237 000 personnes en 1957, 485 000 début 1958 et 535 000 fin 1958. En mai 1961, il y avait 2075 000 personnes regroupées, dont 900 000 dans abris précaires, sans compter celles qui avaient pu fuir au Maroc et en Tunisie… … Ainsi, toute l’Algérie rurale était devenue une immense prison gardée par plus de 7500 postes militaires. Les mesures policières visaient à empêcher les masses populaires de soutenir le FLN, elles étaient légitimées par l’état d’urgence dont les objectifs étaient d’empêcher les militants révolutionnaires de diffuser leur propagande : cela donnait la possibilité de fermer des lieux publics, d’assigner à résidence ou d’expulser toute personne suspecte. L’état d’urgence étendu à toute l’Algérie à partir de l’automne 1957devint pratiquement la constitution de l’Algérie. Les personnes assignées à résidence furent concentrées dans des camps d’internement. Elles passaient d’abord par des camps de transit et de triage, où souvent la répression se traduisait par des actes condamnables, la torture et les liquidations. La plupart de ces centres échappaient à tout contrôle en raison du secret dont ils étaient entourés. Les conditions de détention dans les camps d’internement étaient très variées : celui de Paul Cazelles recevait les Algériens considérés « irrécupérables », celui de la ferme Ameziane dans le Constantinois, secret jusqu’en 1961, était un véritable camp de torture. Des rapports de la Croix Rouge Internationale et de la Commission Internationale contre le Régime Concentrationnaire confirment la pratique de la torture dans ces camps. Il existait aussi une répression par les moyens de la justice, d’abord du fait des obstacles entravant les droits de la défense. L’armée interdisait aux avocats parisiens de rendre visite à certains de leurs clients. La plupart des avocats algériens furent arrêtés. Les délits politiques étaient

236 criminalisés, on ne reconnaissait pas au Mouvement de Libération Algérien du FLN la qualité de sujet de droit international. L’armée intervint de plus en plus souvent dans la justice ; en juillet 1955, trois tribunaux militaires furent institués et la liste des délits relevant de la justice militaire, dressée en 1956, était telle qu’elle englobait toutes les actions de soutien au FLN. En 1959, un décret transféra la totalité des délits à la justice militaire. Les actions armées étaient considérées comme des meurtres ou des tentatives de meurtres susceptibles d’entraîner la condamnation à mort de leurs auteurs. Des moudjahidine membres réguliers de l’ALN furent exécutés. Jusqu’en janvier 1958, 1012 peines capitales furent prononcées et 104 exécutées. Ajoutant au nombre des victimes de la justice celui des victimes de la « corvée de bois »et celui des disparus. Des suspects enfermés dans des caves à vin où plusieurs d’entres eux s’asphyxiaient, des hommes des mechtas fusillés après une opération ALN dans les environs. Tout un ensemble de mesures dépassant le fameux et ancien Code de l’Indigénat, édictés par les gouvernements successifs français dans l’indifférence presque totale de la majeure partie de son opinion.

3- LA TORTURE

Durant les deux premières années de la guerre, la torture était surtout pratiquée par la police selon les méthodes qu’elle avait perfectionnées au cours de la période de maturation du nationalisme algérien. Le MTLD et de nombreux Français avaient dénoncé ces pratiques. Elles furent à nouvelles reprises sur une grande échelle, ce qui amena Mendès France à muter de nombreux hauts fonctionnaires de la police. En revanche, le « rapport Wuillaume » conseilla à Soustelle la pratique d’une « torture propre » qui ne laisserait pas de traces. A partir de 1957, l’armée pratiqua la torture, et à grande échelle au cours de la « Bataille d’Alger ». les témoignages sont aujourd’hui très nombreux, non seulement ceux des Algériens qui ont été torturés sont reconnus, mais aussi ceux de certains tortionnaires et de nombreuses personnalités françaises dont Andrès Malraux, Jean Paul Sartre, François Mauriac, Pierre Henri Simon, Claude Bourdet, Pierre Vidal-Naquet, Jules Roy… Pour Alger, Ben Khedda cite plus de vingt établissements où se pratiquait la torture. Dans le bled étaient impliqués les officiers des DOP (Dispositif Opérationnel de Protection) itinérants et les CRA (80 centres de renseignement et d’action à la fin de 1958). Celui de Constantine transféré à la ferme Ameziane, tristement célèbre est connu comme centre de détention et de tortures. Ainsi apparaissaient des institutions spécialisées dans l’utilisation de la torture. Certains officiers ont théorisé et justifié leurs pratiques au nom de l’efficacité, on enseigna la

237 pratique de la torture dans certains centres d’instruction militaire comme à l’école de cadres « Jeanne d’Arc » de Philippeville. La torture devenait une science et son vocabulaire familier : gégène, bastonnades, décharges électriques sur le corps, tuyaux d’eau gonflant l’estomac… Finalement les techniques de la torture étaient sues de tous, policiers, officiers, soldats, mais aussi des responsables politiques et de certaines hautes autorités. Des ministres responsables au courant de ces pratiques les ont encouragées, alors que d’autres ont choisi un silence hypocrite. Si la France officielle a couvert toutes ces violences ou a gardé le silence devant les pratiques de sa police et de son armée, si son opinion politique a pris lentement conscience de ce drame algérien, reconnaissons que la torture n’a pas été pratiquée par tous ceux qui ont joué un rôle dans la guerre d’Algérie. Il y eut pour l’honneur de la France des français qui condamnèrent ces pratiques et un bon nombre d’entre eux ont compris qu’il était qans l’intérêt des deux pays de faciliter la décolonisation.

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La bleuite

On a commencé à parler des « bleus » au cours de la bataille d’Alger. A la fin de cette bataille, le capitaine Léger réussit une importante opération. Hani dit Amar, qui avait été retourné par les services français, entra en relation avec Sabri, lieutenant responsable liaisons renseignements de la zone I de la wilaya III. On lui promit des armes et des munitions et on lui désigna un adjounit, Mokhtar dit Si KAddour. Hasni put se déplacer en Kabylie, assister à une réunion de la wilaya en décembre 1957 et faire un rapport au capitaine Léger. Il fit organiser une fausse attaque qu siège des « bleus » dans la basse Casbah. Il fit mitrailler une voiture militaire tuant un vrai prisonnier. La supercherie était habile. Mokhtar eut des doutes. Sentant qu’il allait être découvert, il offrit ses services au capitaine Léger. Ce dernier réussit, d’après un récit du colonel Henri Le Mire, à aller avec un groupe de soldats et de « bleus » (Gandriche, ALilou et Hani) jusqu’au PC de la zone I de Kabylie et à faire prisonnier des djounoud dont Sabri. Ce dernier, reconnaissant Hani, comprit qu’il avait été joué ; craignant d’être liquidé, il se mit au service de Léger et donna les noms de militants d’El Harassa. L’intoxication continua, on fit croire à la zone de la wilaya III que Sabri était à l’origine des arrestations, que Chadouf était un traître, ainsi qu’une ancienne prisonnière. On arrêta de nombreuses personnes, on tortura, ce fut le début de la « bleuite ». En juillet 1958, débuta dans la wilaya III, ce qu’on appela la « bleuite » : opération psychologique des services secrets français qui entraîna des mesures répressives, ordonnées par Amirouche et exécutées par Mahiouz. Les services du colonel Godard et du capitaine Léger firent croire à la wilaya III qu’un grand nombre de ses djoundis était en relation avec les Français en multipliant les rumeurs et les fausses correspondances. On soupçonna alors tout le monde, les Algérois venus après la grève des huit jours, les déserteurs qui avaient rejoint l’ALN, les intellectuels, bref la suspicion devint générale. La torture faisait avouer les innocents. Il y eut des centaines de victimes, une catastrophe en wilaya III et par la suite dans d’autres wilayat. Amirouche précise, dans une lettre adressée le 3 août 1958 au colonel de la wilaya II, les mesures qu’il a prises : arrêt du recrutement, emprisonnement des goumiers et soldats français déserteurs récemment intégrés dans l’ALN, arrestation d’une grande partie des djounoud nés à Alger ou venant de la capitale après la grève des huit jours, arrêt des départs en congé et obligation pour tous les djounoud de rejoindre leur poste, surveillance de toute correspondance, nécessité d’une autorisation de la part d’un responsable de la wilaya pour tout déplacement, interdiction de mutation d’une wilayat à une autre , arrestation de tous les suspects et

239 interrogatoire énergique. Un climat de suspicion était entretenu par les services français ; en réaction des mesures énergiques furent prises dont l’application donna lieu à des abus et à des erreurs. Amirouche invita ses collègues des autres wilayat à se réunir pour examiner la situation de l’ALN. La réunion eut lieu dans la première quinzaine de décembre 1958. y assistèrent les chefs des wilaya I, III, IV, Hadj Lakhdar, Amirouche, Si M’hamed et SI Haoues. Amirouche mit ses collègues au courant des infiltrations de traîtres dans sa wilaya et des mesures énergiques qu’il avait prises, il insista sur les dangers qui guettaient les autres wilayat. Hadj Lakhdar solicita l’aide de la III et de la IV. Il demanda l’envoi de katibat pour épurer et réorganiser la wilaya IV où la situation était très grave : des djounoud sans armes, pas assez de munitions, des menaces de dissidence… même situation exposée par Si Haoues de la VI, dont les djounoud se croyaient abandonnés par l’extérieur, et qui demandait l’aide des troupes de l’extérieur pour faire face aux traîtres. Si M’hamed estimait qu’il n’y avait pas de lutte intestine en wilaya IV, les principes du congrès de la Soummam ayant été respectés. Il relata l’arrestation et l’exécution de « bleus » signalés par la III. Au point de vue militaire, les trois quarts de la wilaya étaient des zones interdites, les ordres donnés étaient d’éviter les accrochages et de recourir aux moyens de la guérilla. Les trois colonels font un rapport sur la crise que vit la wilaya II : incompétence du Conseil de wilayat qui se trouve en Tunisie, pas de mesures à l’égard des « perturbateurs », facilités pour ceux qui partent vers la Tunisie … Ils proposent des solutions : épuration, permutation de cadres et djounoud avec d’autres wilayat et offensive dans tous les domaines. Ils adressent un message au GPRA, l’assurant de leur « confiance et de leur appui dans la voie de la Révolution et de la justice ». Ils regrettent « l’absence injustifiée du colonel de la wilaya II qui se trouvait à 3 heures de marche du lieu de la réunion ». Dans la région de Lamartine, le bachagha Boualem, féodal collaborateur du colonialisme, organise avec son personnel une petite harka (septembre 1956) pour combattre le maquis du groupe communiste de Maillot. A la suite de cette opération,on l’autorisa à porter à 300 le nombre de ses harkis. Belhadj Djilali, ancien du PPA retourné par la police, fut chargé en 1956, sous le nom de Kobus, d’organiser un contre maquis dans la région du Chlef. Il recruta des jeunes dont la plupart étaient des nationalistes à qui fit croire qu’ils allaient combattre les français et le FLN accusé d’être communiste. Les armes et l’argent étaient fournis par les autorisés françaises. Kobus livra de nombreuses attaques contre les maquis FLN, son armée dépassait en 1958 le millier de partisans. Ses cadres commencèrent à se méfier lorsqu’ils constatèrent les relations de kobus avec

240 des officiers français et qu’ils durent arborer le drapeau tricolore en même temps que le drapeau algérien. La wilaya IV décida de réduire cette force K : un commando de l’ALN attaqua un camp où cantonnaient de nouvelles recrues et fit plus de cent prisonniers. Emmenés dans une base FLN, ces détenus furent éclairés par des commissaires politiques qui leur démontrèrent la trahison de Kobus. De retour d’Alger où l’avaient convoqué les autorités françaises, un de ses adjoints convaincu de sa trahison lui trancha la tête.

Et l’Algérie se libéra, 1954-1962 Par : Mahfoud Kaddache

241

L'Armement des troupes françaises :

L’Armée française disposait de son propre arsenal et des moyens laissés à sa disposition par l’OTAN.

C’est ainsi que toutes les armes ont été employées même avec des projectiles interdits comme le Napalm: aviation, marine, artillerie, moyens de transmission et d’écoute, mines...; des avions Piper survolaient les endroits suspects, des avions T6 larguaient des bombes et disposaient de mitrailleuses sous les ailes, des B26 et des B29 bombardaient; des avions pour le transport aéroporté étaient employés comme le Nord 2501, le Dakota, le Nord Atlas (pour le parachutage), les hélicoptères Le Bell, Le Sikorsky (pouvant transporter un groupe), Le Piasecki (banane volante pouvant transporter une section); ils pouvaient surprendre des unités de l’ALN en tout lieu, le jour; l’artillerie lourde avec les différents canons bombardait les positions de l’ALN avant l’assaut de l’infanterie ; les moyens radio reliaient les troupes entre elles et assuraient la liaison avec l’aviation; cet enfer de feu était complété par l’intervention du service des artificiers qui plaçaient des mines dans les endroits suspects et aux frontières; au cours d’un séminaire sur la question des mines tenu à Biskra en avril 2008, le Professeur Messaoud Adhimi nous informe que la France a planté 11 millions de mines antipersonnelles le long des frontières algéro- tunisiennes et algéro- marocaines; la majorité d’entre elles furent détruites dans le cadre de l’opération de déminage commencée par l’Armée Nationale populaire en 1963 mais à la date de 2008, les mines continuent de tuer des Algériens.

Pour le transport des troupes et pour tracter des pièces d'artillerie, des camions GMC étaient utilisés ; les véhicules de combat, chars, automitrailleuses, Half-Tracks semi-chenillés pouvaient avancer sur des terrains difficiles et actionner leurs mitrailleuses.

Les troupes françaises ont eu recours à la marine également, soit pour bombarder les zones montagneuses côtières, soit pour contrôler les navires suspects et déjouer les tentatives de débarquement d’armes; la marine française a mobilisé des patrouilleurs, des vedettes, des croiseurs, des torpilleurs, des contre-torpilleurs et un porte-avion. De plus, l'Armée française a manœuvré pour mobiliser les unités françaises réservées à sa participation à l’OTAN: 60.000 soldats français affectés à l’OTAN furent autorisés à être utilisés par l’Armée française dans la guerre qu’elle menait contre les Algériens et ce, équipés de leurs

242 armes et de leurs 700 avions dont 120 d’observation, 200 T6 et 200 hélicoptères (voir HamouAmirouche), la Marine française bénéficiait aussi des renseignements fournis par la VIème flotte américaine en Méditerranée.

Le 19 septembre 1960, le GPRA dévoile, dans un mémorandum, l’aide concrète apportée par l’OTAN à l’Armée française ; ce mémorandum, cité dans l'ouvrage de Mohammed Bedjaoui intitulé «La Révolution algérienne et le droit », donne les informations précises suivantes:

a) 3 divisions françaises, qui étaient destinées à l’OTAN et équipées par cette dernière, ont été envoyées en Algérie,

b) la priorité a été donnée à la France, dès 1955, pour qu’elle reçoive les hélicoptères Sikorsky; en ce qui concerne les hélicoptères appelés «bananes volantes» ou «chevaux de trait», ils sont livrés à la France en juin 1956.

c) des hydravions américains apportent leur appui à la Marine française en Méditerranée et des porte-avions d’origine américaine (type Lafayette) sont mis à la disposition de la France pour les engager dans la guerre d’Algérie,

e) le Conseil de l’OTAN, dans sa réunion du 27 mars 1956, admet les prélèvements opérés sur les forces françaises destinées à l’OTAN et les justifie par «l’importance, pour l’OTAN, de la sécurité dans cette région», ce qui équivaut à un feu vert pour leur utilisation en Algérie,

f) des dépenses de la guerre d’Algérie sont comptabilisées dans le chapitre de la contribution française à la «défense commune».

- Armements de l’Armée française:

- Parmi les matériels les plus employés dans artillerie française: Canon de 75mm: Portée utile 6,5 kms; Cadence de tir-20 coups/min (max 28 coups); Portée max - 8,5 kms. servants: opérateur ؛Bazooka:calibre 60, poids 5 kgs; portée utile 140m, portée max 370m plus chargeur, cadence de tir 2 coups/m (coup par coup).

Obusier 105mm:

De fabrication américaine Cadence de tir-15 coups/min; Portée max-430m.

Mortier 81mm :

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De fabrication américaine. Portée-300m à 6oom;Cadence de tir-18 obus/min, servi par un tireur et un chargeur; poids 45 kgs. Mortier 60mm:30 coups/m (tir courbe), poids 5,7 kgs(20 kgs avec son sac d’emport, sa plaque de base et 6 obus), portée:1.200™ environ.

LRAC:Lance-RoquettesAnti-chars.

Masse-5.9 kgs à 7 kgs, Projectile-1.59 kg. Portée min-50m max-300m et pratique 200m. Calibre 73mm.

- L’aviation française utilisée :

LesT-6 :

Vitesse-355 kms/h; Plafond-6000 à 73.0™; Autonomie-1205 kms; Equipage-02 personnes; Equipé de 04 mitrailleuses de 7,5mm et de 6 roquettes explosives ou 02 lanceurs MATRA (roquettes à charges creuses), capacité 07 roquettes chacun;

Les B-26 «INVADER»:

Bombardier léger, bimoteur; Vitesse max-570 kms/h; Plafond pratique 6700m. Armement de base: 10 mitrailleuses de 12,7mm (06 dans le nez, 02 dans chacune des 02 tourelles) et jusqu’à 1800 kgs de bombes en soute. Rayon d’action tactique-600kms;

Les T-28 : Utilisés dans les missions de reconnaissance, Appui feux, Protection des convois. Défoliation des Zones boisées.

Armement : Containers de 02 mitrailleuses de 12,7mm, Roquettes à charges creuses T-10, Paniers de 07 roquettes de 68mm, Paniers de 36 roquettes de 37mm. Bombes de 120 kg ;

Les C-47 Dakota:

Utilisé pour le transport et le parachutage des troupes. Rayon d’action 2200km ;

Les hélicoptères SikorskyS-55 ou H-19:

Equipage-02 (Pilote plus copilote)

Capacité-12 hommes ou 08 soldats équipés ; Vitesse max-163kms/h; rayon d’action- 652kms; Altitude-3200km.

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Il est également utilisé comme moyen de transport des personnalités et l’évacuation sanitaire.

Les hélicoptères SikorskyS-58 ou H-34:

Autonomie de vol-2h30 équipé de canon de 20mm et de mitrailleuse 12.7 mm, plus parfois de LRAC calibre I05mm et panier de roquettes calibre 65mm. canon de 15.1/20 d’où son nom canon Mauser avec une cadence de tir de 700 coups/min; portée efficace 1500 à 2000m; mitrailleuse I2,7mm; Cadence de tir-1000 coups/min ; portée efficace. 1200 à 1500m.

Les hélicoptères PiasesckiVerto. H-21:

Appelé communément «Banane» ou hélicoptère lourd utilisé dans l’héliportage d’assaut pour la première fois par le sinistre Colonel Bigeard dans le 3RPC.

.min-18 hommes (14 à 18) en fonction de l’altitude et des conditions météo؛Emport max Distance franchissable-800 km à 155 kms/h. Variante modernisée : H-21C : Equipage 02; Emport 22 soldats équipés ou 12 brancards en version évacuation sanitaire ; Vitesse de croisière-158 kms/h. Vitesse maxi-210 kms/h ; Plafond-i86om ; utilisé à grande échelle. Distance franchissable-800 kms

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- Engins blindes durant la guerre d’Algérie

Char AMX 13:Equipage-03 hommes (Chef de char. Pilote, Tireur). Masse de combat-15 tonnes, à vide-13t ; Armement principal- canon de 75mm avec 32 obus. Armement secondaire-01 mitrailleuse Reibel-11 coaxial de 7,5mmou 7,62mmavec 3600 cartouches. Vitesse sur route-60 kms/h. Autonomie-400 kms.

En version artillerie automotrice-dote d'un obusier de 105mm.

.Masse-5,6t. Vitesse maxi sur route- 72 kms/h ؛Half-Track : Provenance-USA Autonomie-312 kms. Armement-mitrailleuseBrowing M2 12,7mm. Equipage.03 hommes, transport-1 hommes équipés.

Automitrailleuse AMD-178: utilisée essentiellement en Afrique du nord. Equipage-04 hommes. Masse au combat-8,2t. Armement principal-canon 25mm SA24. Armement secondaire- 01 mitrailleuse Reibel coaxiale 7,5mm avec 25 chargeurs de 150 cartouches (3750 balles). Vitesse sur route-72 kms/h. Autonomie-300 kms. Engin Blinde de Reconnaissance (EBR) Panhard:Equipage- 4 hommes. Masse au combat-12.7t. Armement principal-canon 75mm, 03 mitrailleuses Reibel calibre7.5mm avec chargeur de 149 cartouches plus 01 inerte. Vitesse surroute 105 kms/h. Autonomie-600-700 kms. Particularité : Peut rouler dans les deux sens.

Auto-Mitrailleuselégère:Equipage-3 hommes. Vitesse sur route-100 kms/h. Autonomie- 600kms. Armement-mortier de 60mm et 02 mitrailleuses. Char léger Shaffy:Shaffy M24-USA. Equipé de mitrailleuses calibre de 30 ou de 50 surla tourelle. Canon-75mm. Il fut progressivement remplacé par l'auto-mitrailleuse AMB (de fabrication anglo-américaine) dotée d'un canon de 37mm qui était le blindé le plus connu de la guerre d'Algérie. Auto-Mitrailleuse légère Panhard AML60:Utilisée à partir de 1960. Equipage-3 hommes, Armement-1 mortier de 60mm ou Hotchkiss- Brandt. Munition-530 obus, rotation-360° ; Armement secondaire-2 mitrailleuses de 7,5mm ou une 12,7mm, 12 grenades fumigènes Munitions 3200 de 7,5mm ou 1200 de 12,7mm Autonomie 600 kms ou 15 heures de fonctionnement. Vitesse sur route-90-100 kms/h.

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Caractéristiques des armes indiriduelles utilisées

Cadence de Portée Portée Type et marque Calibre poids Capacité tir pratique

théoriqu

mm Coups/mi Kgs mètres mètres Cartouches n e

par lArméefrançaise:

Pistolets Mitrailleurs

MAT49 9 600 3.5 à 50 à 100 200 20 à 32 coups 4.175

MJYS38 7.65 600 à 700 3,45 100 200 32 coups

THOMSON 11,43 700 4,78 150 20 et 30 coups

GREASE 350 à 430 3.7 150 30 GUN

MP40 et 9 4.03 100 32 MP 38

Fusils et Carabines

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Ml 7.62 30 2.36 300 15et 30

Ml Al

MAS 36 IO 7,5 3.76 200 5

Fusils semi-automatiques

MAS 7,5 24 4,7 200 10 49/56

Garand 7.62 80 4,9 1000

Fusils mitrailleurs

7.25 à 11 7.62/6 500 à 650 1371 20 FM BAR 1918 3

7,26 à 350 à 650 20 8,82 FM BAR 1918 30-60 où A1/A2 8 max

FM 24/29 7,5 500 9,1 600 25

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AA52 7,62 900 9,75

Cal 30 1919 A6 et A6 7.62 150 14.2 800 1200

Cal 50^12 12,7 37 1200 HB

Hotchkiss 8 500 52

Hotchkiss 2500 13.2 450 370 (horizontal mdl 1930 e) 1600 (verticale )

Les mines aux frontières

Environ 11 millions de mines ont été implantées le long de la ligne Morice, renforcée par la ligne Challe aux frontières Ouest et Est, répartie comme suit : 450 kms avec la Tunisie et 750 kms avec le Maroc. Huit millions ont été détruites. Il resterait encore en١٩r٠n 3 millions enfouies, selon les sources algériennes : elles continuent à tuer, des années après la fin de la guerre.

2/ Les effectifs de l'Armée française :

Pour augmenter les effectifs de l’Armée française, le Gouvernement français rappelle les réservistes, prolonge le service militaire de 18 mois à 30 mois. Pour avoir une idée des chiffres, nous citerons plusieurs sources : Patrick Evenon et Jean Planchais dans leur livre «La guerre d'Algérie», donnent les chiffres suivants : 200.000 soldats en janvier 1956,400.000 en juillet 1959,450.000 à la fin de 1959.

Le rapport du FLN adressé â l'ONU en septembre 1956 cite le chiffre de 400.000 pour les troupes régulières, 100.000 pour les gendarmes, compagnies républicaines de

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sécurité (CRS) et policiers et 100.000 civils français armés, chargés de surveiller les agglomérations. Le Général Ailleret, commandant en chef des forces armées françaises en Algérie soutient, à son départ d'Alger en avril 1962, qu’il a dirigé une armée de 400.000 officiers, sous-officiers et soldats. Cependant, des unités territoriales (100.000 hommes environ) ont été créées en septembre 955 ; composées de Français d’Algérie (mobilisés, pour les valides d'entre eux, 3 fois par mois), elles assuraient la sécurité des villes (avec des débordements évidemment) pour livrer 1'Armée qui devait monter des opérations dans les maquis de l'ALN. Le Général Challe, Commandant en chef des forces armées en Algérie du 2 novembre 1958 à fin avril 1960, voulut en faire une 3ème force intercommunautaire àtravers la Fédération amicale des unités territoriales et des unités d'autodéfense (Référence 7 T 249 d 2) mais elles furent dissoutes le 1er mars 1962. Quant aux Algériens mobilisés pour contrecarrer le FLN-AIN, on les retrouvait dans les unités des Harkis, les GMPR (groupes mobiles de protection rurale) devenus groupes mobil« de sécurité (GMS), les unités chargées d'assurer la sécurité des sections administratives spécialisées (SAS) et des sections administratives urbaines (SAU), les groupes d'autodéfense armés (GAD) et les supplétifs non armés. Maurice Faivre, dans ,son ouvrage «Les combattants musulmans de la guerre d'Algérie» Alitions de ،995 donne les chiffres suivants: Janvier 1957: 2.186 Harkis, 4.800 dans les GMS, 15.000 dans les SAS et SAU, 3.500 dans les GAD armés, 6.000 parmi les supplétifs non armés.

Les effectifs sont en mars 1962 les suivants :

42.100 Harkis, 8.000 dans les GMS,18.300 dans les SAS et les SAU, 9.600 dans les GAD armés et 8.000 parmi les supplétifs non armés.

- L'Armée française, au cours de la guerre d'Algérie, a vécu des troubles graves et une instabilité notoire face aux coups portés par l'ALN en permanence ; cette instabilité s'est traduite, au niveau du Commandement, par des changements fréquents aboutissant à des occupations des postes pour quelques mois seulement. Cette Armée fut commandée en Algérie par le Général Paul Cherriêre d'août 1954 à juin 1955, le Général Henri Lorillot de juin 1955 à novembre 1956, le Général Raoul Salan de novembre 1956 à décembre 1958, le Général Challe de décembre 1958 à mars 1960, le Général Crépin de mars 1960 à février 1961, le Général Fernand Gambiez de février

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1960 à juin 1961, le Général Charles Ailleret de juin 1961 à avril 1962, le général Fouquet d'avril 1962 au 3 juillet 1962.

- Le budget de la guerre d’Algérie est allé en augmentant : 5 milliards de francs en 1956, 8 milliards en 1958, 10 milliards en 1960, 9,5 milliards en 1961.

Extraits de La Révolution Algérienne

Du 1er Novembre 1954

Par : Dr BoualemBenhamouda

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Armement livré au FLN

D’après BENBELLA

8200 armes étaient déjà acheminées, soit en voie d’acheminement , une partie étant en Libye, l’autre déjà en Tunisie, celle réservée au département d’Oran ayant été acheminée à l’intérieur, même pas deux semaines après le débarquement. - Soit 2000 pièces environ pour l’oranie (toutes acheminées à l’intérieur du pays) - 2500 pièces ayant été acheminées par la Tunisie (réparties à l’intérieur) - 1000 pièces étant à Tripoli en voie d’acheminement. Il y a lieu de préciser que, à l’époque, le temps d’acheminement pour chaque lot de 400 pièces de Tripoli à la frontière algéro-tunisienne était de 48 à 72 heures. A ces chiffres, il y a lieu d’ajouter la récupération réalisée soit en Tunisie, soit au Maroc, soit en Espagne, et qui s’élève, rien que pour le Maroc à 900 pièces. Précisions que plus de 1/10 de cette dotation était fourni en armes semi-lourdes, FM et mitrailleuses lourdes, ¼ environ de l’ensemble, en mitraillettes, que l’uniformité du matériel était réalisée dans une grande mesure, et que les munitions représentent environ le quadruple du tonnage de l’armement en pièces, soit environ : - 500 balles par fusil, - 500 balles par FM, - 1000 balles par FM, - 2000 balles par mitrailleuse. Pour faire un bilan sincère, les précisions suivantes doivent être apportées : environ 3000 pièces qui devaient parvenir en Oranie ont été saisies dernièrement. 2000 fusils et 500 mitraillettes étaient entreposés à Alexandrie et attendaient la première occasion pour être embarqués, représentant les dons faits par l’Iraq et la Syrie, dons auquels il faut ajouter 65 mortiers de 45 mm, avec 100 obus chacun achetés en Italie, avec licence syrienne en voie d’acheminement sur Latakieh (Syrie) avant d’être renvoyés à Alexandrie. Tout ce lot a été payé. Enfin, 3 jours avant ma venue à Rabat, j’obtins lors dune entrevue avec Abdenacer la promesse d’une aide immédiate de 5000 fusils anglais à 10 coups, 500 FM avec support antiaérien, 3000 grenades défensives. D’ailleurs, le lendemain même de cette entrevue, je suis allé mettre la main avec Fathi à la sortie de tout ce lot des magasins de l’armée pour l’entreposer

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dans le dépôt réservé spécialement pour nous. Lettre de Benbella citée par Belhocin, Le Courrier du Caire, P 201 Effectifs des moudjahidine en 1954

EFFECTIFS AU 1er NOVEMBRE 1954

Zone1 : ? Zone5 : 60 moudjahidine Zone4 : 50 moudjahidine Zone3 : 850 moudjahidine Zone2 : 100 moudjahidine Zone6 : 6 créée en 1955

D’après les rapports faits au congrès de la soummam Effectifs dans le constantinois Souk Ahras. Lamy. Gardimaou 200 hommes Région de Tébessa 100 hommes Aurès (région d’Arris) 200 hommes El Oudja et Djebel Berga 200 hommes Nord de Metlaoui, frontières algéro-tunisienne 100 hommes

Au total 7 à 800 hommes

On reconnaît « à l’Armée de libération nationale moins de mille combattants en novembre 1954 partagés entre la Kabylie et les Aurès.

D’après la Guerre d’Algérie par les documents, Tome2, les Portes de la guerre 1946-1954, pp.812-813.

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Conférence de presse de la Délégation extérieure du FLN (Le Caire, novembre 1954)

La situation est très grave, les actions des patriotes allant en s’amplifiant et les français acheminant continuellement des renforts. La propagande colonialiste a essayé de présenter les événements d’Algérie comme étant provoqués de l’étranger. On a accusé la Ligue Arabe, l’Egypte, les exilés du Caire, etc. cette propagande mensongère vise à nier l’existence même du problème algérien, à présenter les événements d’Algérie comme le résultat passager de compagnes démagogiques et exaltées. Les faits sont tout autres. Nous avons reçus d’Algérie des textes qui ont été diffusés dans tout le pays dès le déclenchement des actions. Ces textes, l’un un appel signé « le commandement de l’Armée de Libération Nationale », indiquent que : 1- ceux qui déclarent avoir déclenché ces actions se trouvent dans le pays et sont organisés avec leurs propres directions militaires et politiques. 2- Les forces qui agissent sont composées de militants nationalistes qui se situent totalement en dehors de toutes les organisations politiques existantes et disent nettement qu’elles ne se réclament d’aucun leader ou personnalité politique connu. Les graves événements qui, depuis le 1er novembre, ont pris une ampleur que les communiqués officiels français parviennent mal à cacher, sont l’expression d’une explosion de colère du peuple algérien en réponse à une politique française basée sur la force brutale et se refusant d’une façon systématique à satisfaire les revendications nationales algériennes. Face aux réalités historiques et aux faits qui démontrent que le peuple algérien est profondément attaché à la cause nationale, à l’unité maghrébine et à l’Unité arabe, les colonialistes français présentent des constructions juridiques ne résistant à aucune discussion loyale. La plate-forme avancée par les nationalistes algériens a rallié l’unanimité des Algériens. Elle est celle de l’Assemblée algérienne constituante souveraine élue au suffrage universel sans distinction de race ni de religion. Elle permettrait la création d’un interlocuteur réellement représentatif pour la détermination, sur un plan d’égalité, des rapports entre la France et l’Algérie. Cela suppose la création préalable d’un climat de détente par la libération de tous les détenus politiques, la cessation de la répression et des garanties quant au respect des libertés démocratiques fondamentales. Cela demande des mesures hardies dans lesquelles la France finirait par trouver la sauvegarde de ses intérêts économiques et culturels bien compris. Belhocine Mabrouk, Le Courrier Alger-Le Caire, pp.85-86.

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Situation militaire d’après l’Etat Major de l’ALN

En recourant aux chiffres, on constate que, sur le plan opérationnel, 5700 hommes était théoriquement constitués en unités aux effectifs disparates. Sur ce chiffre, 2500 à peine acceptaient les règles de discipline édictées par le commandement ; de nombreux bataillons étaient en état de rébellion permanente : 1200 hommes à Chaambi, 450 à Ain Alleug, plus de 500 près de Sakiet et quelques centaines éparpillées tout le long de la frontière Est échappaient au départ à notre contrôle. Intervention du Colonel Boumediene, Chef de l’EMG devant le CNRA, réuni à Tripoli en Août 1961. L’Etat Major Général résume ainsi la situation militaire en 1958 et 1959 : « pendant l’année 1958, des coups sevères ont été portés à l’ALN, qui a vu fondre ses effectifs avec son armement. De ce fait notre armée se voit obligée de revenir aux premières méthodes de la guérilla et les compagnies et les bataillons font place aux groupes et équipes. L’année 1959 est une année particulièrement dure pour l’ALN. Le regroupement des populations rurales des camps autour des postes ennemis prive l’ALN de l’essentiel de son soutien sans toutefois la trahir. L’apport de l’extérieur est presque nul. De nombreux postes de transmissions sont perdus et de nombreux cadres parmi les plus aguerris sont tombés au champ d’honneur, privant ainsi l’ALN de ses liaisons avec le commandement, livrant à eux mêmes de jeunes chefs inexpérimentés. Néanmoins des décisions sont prises et l’essentiel de nos unités va chercher refuge dans les centres urbains où la surveillance s’est relâchée. » Boumediene décrit ainsi la situation de l’ALN stationnée aux frontières marocaines : « aux frontières Ouest, l’absence quasi permanente d’apport matériel, malgré une appréciable structure organique, rendait les unités de l’ALN dépitées, découragées. Les 60% des effectifs étaient versés dans des centres d’accueil, entretenus avec les moyens de fortune pour maintenir chez le combattant aussi longtemps que possible un bon moral. Armées de grenades et de vieux fusils, les unités combattantes étaient prises entre plusieurs feux : l’ennemi au devant, l’hostilité marocaine sur le dos et l’absence d’attention et de soins de la part de la Direction.

Nadia Azzi, Répertoire Numérique détaillé du fonds de l’ALN déposé aux archives nationale, pp. 8-9

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ATTENTATS COMMIS A TLEMCEN DURANT LES MOIS DE MAI ET JUIN 1957 (Source archives françaises)

Durant le premier semestre 1957, il ne se passait pas une journée sans attentat contre les forces de police, les bars, les établissements et les personnes. L’exaspération des responsables fut poussée à son comble, provoquant une violente répression et un démantèlement de la quasi-totalité des réseaux de Fida. - 08/05/1957 : 21H00 : Sabotage du château d’eau de Saf Saf. - 10/05/1957 : 15H45 : Grenade au boulevard National : 02 blessés et de nombreux dégâts. - 16-17/05/1957 : 16 hectares et 200 arbres fruitiers saccagés. - 20/05/1957 : 07H30 : Grenade contre une voiture conduite par un légionnaire, mort à la suite de ses blessures. 07H45 : Un sous officier abattu à Kebassa. - 21/05/1957 : 15H30 : Grenade contre un taxi occupé par 03 légionnaires à El Kalaa : 01 Mort et 02 blessés. 09H205 : 01 militaire tué par balles, Rue de la Paix. - 23/05/1957 : 03 Européens exécutés. - 29/05/1957 : incendie du taxi de l’indicateur Gabison par une bouteille Molotov. - 30/05/1957 : 9h30, rue des cascades, une bouteille Molotov lancée sur la station service Shell. - 30/05/1957 : 10h20 place Kissaria, une grenade défensive lancée sous la boucherie Sari ; un mort et trois blessés tous européens (Benhamou Simon, Sultan Etayeb, Lucien et Elisabeth Lambert) - 31/05/1957 : 10h10 avenue Mareshel leclaire une grenade lancée contre le magasin « Chez Roger ». un mort et trois blessés (grenade lancée par Fatmi Mohamed Achour) - 01/06/1957 : 22h, ferme Hérault incendiée près de l’hippodrome. - 02/06/1957 : 21h:30 deux indicateurs exécutés à Béni Boublene. - 03/06/1957 : 16h:30 un légionnaire abattu en plein centre ville - 03/06/1957 : Attaque de la minoterie Levy par un commando (importants dégâts). Attentat à la grenade au collège De Slane, de nombreux blessés. - 04/06/1957 : A 08H30 une grenade lancée sur une voiture Jeep, 01 mort et 02 blessés

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- 04/06/1957 : Grenade lancée à la Brigade de Gendarmerie de Riat El Hammar 02 mort, et 04 blessés - 04/06/1957 : A 16H00 dans la rue de Bab El Djiad, une grenade lancée dans un Bar 01 mort et 07 blessés - 04/06/1957 : Attaque à la grenade contre les Sénégalais cantonnés à Dar El Hadith. - 05/06/1957 : 01 goumier exécuté à Sidi Boumediene. - 07/06/1957 : Une bombe dans un bar : Rue de Sidi Bel Abbès : 02 morts et 07 blessés (Tous militaires). - 09/06/1957 : Grenade Rue Belle Treille : 03 Morts et 05 blessés (Tous militaires). - 10/06/1957 : Grenade place du marché ; 1mort et 8 blessés. - 10/06/1957 : 14h:10 grenade cotre le train de voyageurs Tlemcen- Oujda. - 12/06/1957 : 13h:20 goumier abattu (Laoufi Mohamed) à Sid El Haloui - 12/06/1957 : 20 Hectares de vigne saccagés à la ferme Fourneau. - 13/06/1957 : 1 pylône haute tension saboté sur la route de Beni Mestar. - 15/06/1957 : Un goumier abattu par le Fida à Sidi Boumédiene. - 20/06/1957 : 14h35 trois grenades lancées dans les bas quartiers de la ville : -maison de tolérance « La Perle ». - quincaillerie Filizola au Boulevard National. - café Demarc, rue de l’abattoir, Agadir. - 21/06/1957 : Grenade contre un bar : 03 morts et 05 blessés. - 23/06/1957 : Un agent des renseignements généraux abattu près de l’école de la gare. - 23/06/1957 : 09h :30 grenade lancée contre le magasin Bénichou, tailleur militaire, rue de la bataille de Stalingrad. - 27/06/1957 : Incendie de l’usine de traitement de la laine. Grenade au centre ville contre les territoriaux (plusieurs morts et blessés). - 28/06/1957 : 11H45 : Grenade contre un poste de CRS à Bab El Djiad : 02 blessés. - 29/06/1957 : Grenade contre une auberge, 02 morts et 02 blessés. - 30/06/1957 : Grenade contre des militaires dans les bas quartiers, plusieurs morts et blessés.

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Les Exploits de l’A.L.N en Wilaya V

Une grande partie des exploits cités ci-après ont été planifiés par : - Mokhtar Bouzidi dit Ogb Ellil, de 1955 à Août 1956. - Abdelkader Metaïche dit Commandant Djaber, de Septembre 1956 à fin 1957. Bilan des actions 1956 Janvier - Février - Mars - Avril - Mai (Accrochages, coups de main, etc ...) Zone d'Oran Janvier 1956 2: Coup de main contre un poste de G.M.P.R., poste entièrement incendié; prise : 26 fusils de guerre avec munitions, à Béni-Mnir. 3: Un véhicule militaire tombe dans une embuscade. L'occupant est abattu, 1 mitraillette Sten, 6 chargeurs et 1 fusil 7-15 récupérés. 5: - Epicerie d'un indicateur incendiée, ce dernier est abattu à Auled Meftah. - 2 tracteurs endommagés à Béni-Mnir. 6: Coup de main contre un poste de G.M.P.R. à Arabiyne. Résultat : 3 goumiers enlevés, 12 fusils récupérés. 7: A Nemours, l'agent de police El-Hassen, détaché à la P.R.G. a été grièvement blessé par balles de révolver en plein centre du marché. 11: Coup de main contre 3 postes de G.M.P.R. Résultat : 69 fusils récupérés, plusieurs morts et blessés du côté ennemi, à Béni-Mnir. 16: 2 traîtres abattus dans la ville de Nedroma, 2 autres traitres à Béni-Mnir. 21 : Au cours d'un engagement dont les combats duré de 8 à 19 h. l'ennemi fut encerclé malgré sa supériorité en armes et en nombre; il a de lourdes pertes. Il a fallu 2 jours à l'ennemi pour évacuer les blessés à dos de mulets et hélicoptères. 22: Grande opération de sabotage des lignes téléphoniques. 24: Mine de zinc de Zemamra (C.M. de Nédroma incendiée, 3 tracteurs, 1 pelle mécanique, 1 pompe et 1 citerne à mazout ainsi qu'un dépôt de matériel détruits par le feu.

Février 1956

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1: traîtres abattus à Souahlia, 3 pistolets et 1 fusil saisis. Embuscade sur la route Zaouia- Nedroma, résultat : 1 mort, 2 blessés dont 1 officier, 1 jeep incendiée; prises: 1 mousqueton avec munitions, 1 pistolet et 2 grenades défensives. Attaque d'un convoi militaire sur la route Nedroma-Tlemcen. Nous ignorons les pertes ennemies. 3 : Un poste militaire, ferme Molion, près de Nedroma, harcelé, résultat : 2 morts et plusieurs blessés. 5 : Poste forestier de Montagnac incendié, matériel et ameublement complètement détruits. 6 : Sabotage de la route Nédroma-Honaïne. 7 : 2 traîtres abattus et pendus sur la route de Nedroma-Nemours. Attaque de 2 postes ennemis aux fermes Mélion et Félimon; résultat : pertes ennemies très élevées ; prise : 1 fusil Grant et 1 mousqueton avec munitions. 8 : - Attaque de Souk-El-Arba à 14 h.; résultat : bureaux du Caid et 2 maisons utilisées par l'Armée, incendiés. - Un convoi de gendarmes et de G.M.P.R. tombe dans une embuscade tendue sur la route de Montagnac-Souk-el-Arba; résultat: 8 gendarmes et G.M.P.R. tués; prise : 1 mitraillette, 10 fusils MA 36 avec munitions, 1 pistolet, 1 grenade, 4 serviettes des documents secrets ainsi que plusieurs équipements; 1 jeep et 1 camion endommagés. 10: Un convoi ennemi tombe dans une embuscade, sur la route Nedroma-Tlemcen: résultat : plusieurs morts et blessés, 1 camion et 1 char sont la proie des flammes ; prise: 1 mitraillette Sten avec munitions, 1 mousqueton, 10 chargeurs à F.M. 24-29. 11 : 44 poteaux téléphoniques ont été sciés entre Nedroma et . 12 : 3 espions abattus à Nedroma. 14 : Entre Nedroma et Martymprey-du-Kiss 2 traîtres abattus. 2 autres traîtres abattus route de Nemours. L'ennemi tend une embuscade ; résultat : 1 officier ennemi et 3 soldats blessés. 15 : - Sabotage effectué sur 50 km route Nédroma-, matériel des ponts et chaussées détruit. 1 pont et 3 ponceaux détruits route Nédroma-Sidi-Youchaâ, lignes téléphoniques coupées entre Nemours, Nedroma et Sidi Youchaâ. - Route Nedroma-Nemours : 1 pont saboté et 85 poteaux téléphoniques coupés. - Nedroma : 6 traitres abattus, dont une femme. Route Nedroma-Hafir coupée à la suite de la destruction d'un pont ; 40 poteaux téléphoniques coupés entre Nemours et Oujda.

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- Route Aâchach-Djeballa coupée. - Vaste opération de sabotage des voies de communications et de télécommunications. Déraillement du train Nemours-Oujda : dégâts importants. - Pistes Sidi-Youchaâ-Oued-Tleta et Oued-Tleta-Yechou coupées. Coupures des lignes téléphoniques Djcmâa-Sakhra-Hmiante sur 4 km. Coupures de la route Sidi-Youchaâ Hmiante- Nemours et des pistes Boukhanous-Dar-Mansour, Ouled Ali Souahlia, Sidi Brahim-Djemaâ- Sakhra, destruction du pont de Riath. 16 : Embuscade préparée tendue à un convoi militaire, route de Nédroma-Zaouia, ; pertes ennemies ; 18 morts, 6 blessés, 2 camions incendiés. 19 : Un traître abattu à Djemaâ-Sakhra, 1 espionne abattue aux Souahlia. 20 : - Coup de main contre une compagnie du 50-ème B.TA. à Sébebna ; résultats : 27 morts, dont un officier, plusieurs blessés. Prise : 4 fusils mitrailleurs, 2 fusils Mas-49, 12 Mas-36, 47 fusils 7-15, 12 mitraillettes Sten, 3 pistolets automatiques, 13 caisses de munitions, 2 ballots d'équipement. - A la suite de cette action, il y eut des désertions 50 militaires rejoignirent les forces de l'Armée de Libération Nationale. 21 : 1 traître abattu à Ouled-Yahia. 25 : Destruction des routes de Nemours-Nedroma, Sidi-Youchaâ-Honaine. - Embuscade tendue par l'ennemi route de Sidi-Youchaâ ; un violent combat s'ensuivit : pertes ennemies ignorées, 1 moudjahid tué, 1 autre blessé. - Sabotage d'un pont qui provoqua le déraillement d'un train de marchandises : dégâts importants. 26 : - Attaque de Turenne ; dans la confusion qui s'ensuivit les soldats ennemis s'entretuèrent. - 3 fermes incendiées entre Tlemcen et Nedroma, fermes appartenant à Bernard et Ferdinand: dégâts très importants, 1 fusil de guerre et 4 fusils de chasse récupérés avec de nombreuses munitions.

Mars 1956 1: 2 traitres du douar Tafna exécutés, lignes téléphoniques coupées. 3: Attaque de 2 fermes, une à Sebabna, l'autre près de Nemours. 5: - A Béni-Achir et Beni-Zidan au Khémis où les légionnaires avaient l'habitude de sévir contre les civils et particulièrement les femmes, enfants et vieillards, une fusillade nourrie les accueillit. Les forces de l'Armée de Libération Nationale les encerclèrent, le combat dura tout l'après-midi; résultat : 75 soldats ennemis tués, 40 blessés,

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- 1 avion a été abattu ; pertes : 1 moudjahid tué, - 2 autres légèrement blessés. 7 : Harcèlement de Turenne : des blessés parmi l'ennemi. Grenade lancée dans une maison de tolérance à Sebdou: plusieurs blessés graves. 11 : Poste de Remchi harcelé et pris d'assaut ; résultat : 4 fusils mitrailleurs 24-29, 10 pistolets mitrailleurs MAT 40, 16 mousquetons Mie 16, MAS 49, 16 MAS 36, 1 poste émetteur- récepteur récupérés ainsi que 20 grenades V.B. 13: -Une ferme attaquée prés d'Aïn-Talout; résultat : incendie de tout le matériel et des bâtiments ; prise : 2 fusils MIe 86 et I fusil de chasse avec respectivement 100 et 30 cartouches. -Un mouchard exécuté à Kréan. Sabotage de la route nationale N9 7 à proximité de Oued- Zitoun. - A Sidi-Snoussi : 1 car incendié, les ouvriers des travaux publics dessaisis de leurs outils. - A Sebdou : 7 soldats rejoignent les rangs de l'Armée de Libération Nationale avec 1 Mitraillette. N Thomson et 4 chargeurs, 2 fusils Garant et 45 cartouches chacun. - 5 déserteurs rejoignent l'A.L.N. avec 4 carabines et 1 P.M. MAT 49. - Sabotage de la voie ferrée et des lignes téléphoniques à la limite du Kef et de Oued-E1- Kessab. 16: L'aviation continue ses bombardements contre les civils sans défense: 7 morts (6 enfants et une femme). - Raid contre le bureau de l'administrateur de la commune mixte de Sebdou, en plein centre de Tlemcen ; un important armement est récupéré, de même qu'une machine «duplicateur» et 4 machines à écrire ; des documents secrets ont été pris par nos éléments qui, avant de se retirer incendièrent les lieux et les véhicules de la C.M. L'armement récupéré à cette occasion comportait : 7 mitraillettes, 15 fusils Lebel, 3.000 balles de 9 mm, 2.000 balles des 8 mm, 7 pistolets automatiques et des équipements, ceintures, etc..

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17 : Ferme Diaz : 400qx de crin et l'usine incendiés ; 8 mulets, une jument et nombreux bétail abattus ; matériel agricole dont 5 tracteurs, incendié; 7 P.M., 17 fusils et 32 chargeurs récupérés, 2 traîtres abattus. - A Remchi, incendie d'une usine de crin : dégâts importants. 19: Un mouchard exécuté à Béni-Bahdel. - Fermes Cintas et Kounana attaquées. 3 tracteurs, 1 moissonneuse et un nombreux matériel incendiés. - Fermes Versenne et Périer, à Montagnac, incendiées ; dégâts. 27 : - Pont détruit route Martymprey—Port-Say. - Poste installé dans la ferme Miliou attaqué : la ferme a été incendiée, les militaires ont été transférés ailleurs ; les dégâts sont importants. Destruction d'un pont route de Tlemcen-Sebdou ; 90 poteaux téléphoniques sciés. 28 : Un dépôt d'essence utilisé par l'armée est incendié à Tlemcen : 600.000 litres d'essence sont la proie des flammes. 29 : 1 grenade dans un café à Tlemcen : 1 mort et 5 blessés. 30: - 1 traître exécuté à Béni-Boussaid. - Ouled-Nhar, raid sur le poste de Djidjelli ; résultat : 3 morts dont un sergent-chef, 1 sergent et 1 Médecin militaire (ce dernier tentait de s'enfuir) ; prise : 121 fusils 86 et 7-15, 13 P.M. STEN, 3 P.M. MAT 49, 1 pistolet, 65 baïonnettes, 1 pistolet lance-fusée, 10.119 cartouches de 7-15, 1.791 de calibre 9 mm., 5.162 de calibre 7-65 pour MAS 38, 31 chargeurs MAT 49. 10 pétards de dynamite. 105 grenades défensives, 70 chargeurs de P.M..38, 55 cartouches et un matériel important. 1 jeep, 1 camion, 200 litres d'essence, 1 entrepôt de matériel et 4 chambres ont été incendiés. D'autre part, 36 militaires ont rejoint l'Armée de Libération Nationale avec armes et bagages. Embuscade tendue à un convoi militaire à la mine de la Sté Monod ; résultat : 7 morts ennemis. - Béni-Boussaid : exécution d'un traître.

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31: - 2 fermes incendiées à Port-Say et Sebabna. - 3 camions militaires tombent dans une embuscade ; résultat : 1 officier tué ainsi que 3 adjudants-chefs et 25 soldats, 2 moudjahidines tués et 2 blessés ; prise : 1 poste émetteur- récepteur SCR 300. Une grenade lancée à Turenne : 3 morts et 4 blessés.

Avril 1956 1: - Sabotage de la voie ferrée Oran-Oujda : le train militaire se précipite dans un ravin : près de 300 morts et blessés ennemis. - Une grenade lancée contre le commissariat : 1 blessé. - 130 poteaux téléphoniques sciés entre Matmor et Sedbou. - 1 traître abattu à Terny et un autre à Chouly. 2: - Un mouchard exécuté à Tameksalet. - Un convoi militaire tombe dans une embuscade: 1 colonel, 1 capitaine et 39 hommes de troupe tués. - Une ferme attaquée à Sebabna. - Poste attaqué à Chaïb-Rassou : les pertes de l'ennemi sont ignorées. Embuscade à Sebabna; résultat : 20 soldats tués, dont 2 officiers et 3 sous-officiers. - Attaque de la carrière de Tounant : dégâts très importants, le nombre des tués ignoré. Destruction de la ferme Barioli, région de Nemours ; 40 ha de plantations arrachées. Embuscade à un convoi appartenant aux carrières de Tounant: 12 camions renversés dans un ravin ; leurs chauffeurs qui avaient été capturés furent relâchés par la suite. 4: 1 déserteur rejoint les moudjahidines avec armes et bagages. 5: Route Marnia-Nedroma et à 5 km. de cette dernière localité, les camions de la Sté Monod sont précipités dans un ravin. 7: 1 ferme saccagée à Ouled-Riah : 2 tracteurs détruits ainsi que de nombreux matériels.

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13: - Route Port-Say-Marnia coupée en de nombreux endroits. - Un convoi militaire tombe dans une embuscade dans la région de Martymprey-du-Kiss ; un corps à corps s'ensuivit : 30 soldats tués, dont 20 par armes blanches ; prise : 1 F.M. 24-29 avec 7 chargeurs, 9 fusils MAS-36, 1 P.M. MAT 49 ; les véhicules incendiés. 1 lieutenant et son adjoint tués. - Un accrochage à Béni-Saf ; résultat : 20 soldats ennemis tués, de nombreux blessés. Prise : 1 fusil MAS-36, 1 fusil Garant, I mitraillette Thomson, 14 chargeurs de fusil-mitrailleur avec munitions. 15 : 4 mouchards abattus à Bouhlou. 16: - Route Port-Say-Sebabna coupée en plusieurs endroits. - Accrochage à la Zaouia Ben-Amar, près de Nedroma ; résultat : 30 morts ennemis, 3 camions détruits ; il y a 3 blessés parmi nous. 17 : Coupure de la route Sebabna - Martyrnprey - du Kiss.

18 : Embuscade tendue à 1 officier et 1 militaire: ils se sont rendus. 1 19: - Un mouchard exécuté à Zegdouna. - Accrochage avec les forces ennemies, elles devaient encercler les Ouled-Hamou, Ouled Adda et Benghafer ; résultat : plus de 20 morts ennemis;1 moudjahid tué et 1 autre disparu ; 2 civil lâchement assassinés, plusieurs autres pris comme otages. - A Tlemcen attaque du poste de la M.T.O.: 2 mitraillettes Thomson et 11 fusils MAS-36 récupérés. - Sabotage de la conduite d'eau d'Oran qui est privée d'eau pendant plusieurs jours. 20: - Aïn-Fezza : la voiture du lieutenant des S.A.S tombe dans une embuscade : nombreux morts parmi les occupants. - A Barbata, sabotage de la conduite d'eau une nouvelle fois: Oran est privée d'eau. - L'ennemi organise une expédition punitive contre les civils : 5 civils tués, 5 blessés et 16 otages emmenés. - Au cours d'un sabotage, nos éléments sont accrochés par une patrouille ennemie; résultat : 11 morts ennemis. 23: 150 poteaux téléphoniques abattus route Tlemcen-Sebdou. 27: Béni-Bahdel : un convoi tombe dans une embuscade ; résultat : un camion se précipite dans un ravin avec tous ses occupants.

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28: - Raid contre la remonte de Marnia : pertes certaines chez l'ennemi mais non dénombrées. - Coup de main contre la résidence d'un bachagha : 1 mort. 29: - La gare de Sidi-Medjahed est complètement détruite. - Destruction d'un pont à Thalimet. - Marnia : 2 fermes entièrement détruites, dégâts importants. Béni-Kheled; une ferme et une usine de crin incendiées, ainsi qu'un tracteur. Sabotage de la conduite d'eau. 25: Accrochage après attaque de la mine de Béni-Saf: 25 tués et de nombreux blessés ennemi 2 fusils MAS-36, 2 fusils Garant, 2 fusils 86, 8 chargeurs de F.M. récupérés. 28: - Accrochage à Béni-Khelled : 58 morts ennemis de nombreux blessés ; un moudjahid tué et autre blessé. - A Sidi-Youchaâ, 30 villas de plaisance, 24 baraques incendiées : plus de 200 millions de francs de dégâts ; un poste de radioscopie récupéré Deux routes sabotées. - A Sidi-Amar : 3 traîtres exécutés. - A Béni-Saf : attaque du commissariat de police : un brigadier mort des suites de ses blessures, un autre grièvement blessé. 29: A Béni-Khelled : une ferme et une usine de crin incendiées. 30: - L'ennemi massacre 35 civils (femmes et enfants) de Tient. - Un traître abattu à Béni-Hdiel. - 150 poteaux téléphoniques coupés entre Sebdou et Tlemcen. - A Ouled Sidi-el-Hadj, l'ennemi a massacré 11 civils. - A Béni-Saf : plusieurs magasins de traîtres incendiés ; une espionne exécutée.

Mai 1956 3: - Entre Ouled Riah et Remchi une voiture de gendarmes tombe dans une embuscade : 4 morts et 1 blessé parmi l'ennemi. - A 14 km au sud de Sebdou, 1 convoi de 5 véhicules tombe dans une embuscade : 45 morts, dont 2 officiers et de nombreux blessés ennemis ; 2 moudjahidines morts. - Région de Marnia ; 3 fermes incendiées, 13 chevaux, 5 mulets et 11 vaches tués, 2 mulets récupérés, tout le matériel détruit par le feu ; 3 pistolets et 1 fusil de chasse récupérés. - Destruction d'un pont entre Nemours et Port-Say. A Tlemcen: 2 mouchards et un inspecteur de police abattus. 4: - Près de Roubane et à proximité d'un poste ennemi, accrochage avec une patrouille: 17 morts et un seul rescapé ennemi.

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- Embuscade tendue à un convoi entre Sebdou et Tlemcen; pertes ennemies : 40 morts dont un capitaine et 2 sous-lieutenants, nombre élevé de blessés, 18 prisonniers. Armes récupérées : 4 FM. Bart avec chargeurs et munitions, 38 fusils Garant, 3 mitraillettes Thomson avec chargeurs, 2 paires de jumelles, 2 pistolets automatiques, 3 grenades ainsi, qu'un important matériel, 2 camions G.M.C. incendiés. Un moudjahid fut blessé. 4: Un traître exécuté à Ouled-Hamou. 5: - Enlèvement de 9 civils sur la route de Tlemcen ; ils ont été relâchés après contrôle. - Région de Sebdou : accrochage avec un escadron de spahis; l'ennemi fut encerclé; résultat: nombreux morts dont 3 officiers, nombre élevé de blessés, 14 prisonniers, dont 1 sergent- chef et 1 caporal-chef, 3 camions G.M.C. incendiés. Armes récupérées : 2 fusils mitrailleurs 24-29, 48 chargeurs garnis, 20 carabines US-17 avec chargeurs et munitions ; matériel militaire divers récupéré. Accrochages région de Nedroma: à la suite d'un encerclement, 6 ennemis tués; un moudjahid tué et un autre blessé. 6: - Accrochage à Oued-Diane : 18 morts parmi l'ennemi et 75 blessés; 11 morts, 6 blessés et 3 prisonniers parmi les moudjahidines. 5 traîtres exécutés dans la région de Port-Say. - Région de la Tafna: 10 fermes incendiées, 13 tracteurs, 6 camions, 9 remorques, 6 moissonneuses-batteuses, 13 voitures de tourisme, 6 jeep : un grand stock de carburant ont été la proie des flammes. 17 fusils de chasse, 2 P.M. MAS-38, 7 fusils Mle 86. 9 grenades défensives, 300 moutons, 6 vaches, 3 mulets et 120 qx de blé récupérés. - Region de Mediouna (C.M. de Remchi) : 6 fermes, une école servant pour la troupe, un moulin à grains, 2 épiceries, 3 tracteurs, 3 camions, 2 remorques, 4 moissonneuses-batteuses ainsi qu'un important matériel agricole ont été la proie des flammes. 2 fusils Mle 86, 36 moutons, 2 chevaux récupérés; un important cheptel égorgé. - Région de Béni-Saf : 17 fermes incendiées, 15 tracteurs, 10 moissonneuses-batteuses, 9 camions, une remorque et un matériel agricole divers détruits. 4 fusils de chasse, 5 fusils Mle 86, des munitions récupérés. 6 colons et 4 traîtres abattus. - Région d'Aïn-Témouchent : 23 fermes avec un important matériel agricole incendiés, 20 colons et commis tués au combat; nombreuses armes récupérées. - Région de Hammam-Bouhadjar : 7 fermes avec tout le matériel incendiées, 2 colons tués au combat. 7: - 2 chars tombent dans une embuscade entre Guiard et Béni-Saf, l'un saute sur une mine télé commandée, l'autre est attaqué à l'aide de bombes incendiaires; les 2 chars détruits et leurs

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occupants, au nombre de 8, dont un officier tués. 3 P.M. MAT 49 et 4 pistolets automatiques récupérés. Un traître exécuté. - Région de Lourmel : 6 fermes attaquées et incendiées ainsi qu'une usine de crin, 7 tracteurs, 2 camions incendiés, la maison du garde-pêche et le casino de Bou-Zedjar, détruits par le feu. 14 fusils de chasse, un pistolet, 6 boites d'explosifs et 2 rouleaux de mèche récupérés; sabotage de la' route et destructions du pont de Riath. Harcèlement d'un poste. - Sabotages de la route de Nemours et coupure des poteaux téléphoniques. - Harcèlement des postes de Sebabna, Souk-El-Had, Leênabra et Chaïb-Rassou. 8: - 2 fermes et 2 usines de crin incendiées; plusieurs armes récupérées. - Embuscade région de Temouchent : une jeep saute sur brie mine télécommandée, les occupants ont été tués et leurs armes récupérées. soit : un P.M. MAT 49, et un fusil MAS — 49, un traître exécuté. 2 ponts détruits entre Montagnac et Béni-Saf. - A Tlemcen : une patrouille de moudjahidine pénètre en ville, mitraille un mess d'officiers à 20 h. 30 ; résultat : 13 officiers tués et 13 autres blessés. Un indicateur abattu. - 3 soldats tués près de Saf-Saf, destruction de 2 fermes : dégâts importants. - La conduite d'eau d'Oran sabotée au lieu dit «Barbata» : Oran privée d'eau pendant. 15 jours environ. - Raid sur le village de Turenne : 2 morts ennemis. - 4 espions exécutés dans la région de Turenne. 1 mouchard exécuté à Ouled-Riah. - Déraillement du train Oran-Oujda près de Sidi-Medjahed (60 m. de rails déboulonnés), 3 wagons précipités dans un ravin. - Un traître exécuté à Ouled-Hamou. - 20 poteaux téléphoniques sciés à Oued Zitoun. Destruction du pont de Sidi Youchaa. - Attaque et harcèlement de plusieurs postes ennemis dans la région de Béni-Saf; dans ce dernier centre, incendie d'un garage: 2 camions détruits par le feu; 3 bateaux de pêche également incendiés. - Un traître abattu au marché de Beni-Saf à 10 h. Vers 13 h. une bombe déposée au commissariat et une autre à la gendarmerie : dégâts matériels importants, un gendarme blessé. - Coupure de la route Port-Say-Nemours-Marnia; sabotage des lignes téléphoniques. 9: - Région de Boutlélis : 5 fermes incendiées ainsi qu'une usine de crin; un important stock de carburant détruit, un fusil de chasse et 1 pistolet récupérés. - Accrochage avec les forces colonialistes venues avec des éléments blindés: 3 ennemis tués et plusieurs blessés.

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- Région d'Aïn-Kihal : 4 fermes et un très important matériel incendiées. Exécution de 3 traîtres dans la région de Port-Say. - Du côté d'Aïn-Douz, déraillement d'un train militaire ; il y aurait plus de 100 morts. - Aux, Djebella, des éléments de l'A.L.N. furent encerclés par l'ennemi; un violent engagement s'ensuivit; résultat : 130 morts ennemis; 3 morts, 8 blessés et 2 disparus moudjahidines. 11 : Région d'Aïn-Alem: 4 fermes incendiées, 100 hectares de vignes arrachées. 12 : - Région de la Tafna-Montagnac : 2 fermes et un important matériel agricole incendiés. - Région de Rachghoun : 3 fermes, un chaland incendiés : dégâts importants; les vannés d'une cave de vin ont été ouvertes, le liquide s'est déversé à la mer. 30 moutons récupérés. Sabotage de la conduite d'eau d'Oran qui a été privée d'eau douce jusqu'au début juin. - 2 fermes incendiées à Ouled-Riah. - Exécution de 2 traîtres et destruction d'une ferme aux environs de Marnia: un important stock de blé incendié, 4 mulets récupérés. 13 : - 30 ha. de vigne coupée aux fermes Zolas et Jobert. - Région de Montagnac : plusieurs hectares de vigne arrachée, une usine de crin incendiée, coupures de routes et pistes. - Région d'El-Fahoul : 4 fermes incendiées, dégâts importants. Aux environs de Guiard, à 9. h. 2 des camions-citernes transportant du vin ont été incendiés. - Le car d'Aïn Témouchent-Tlemcen arrêté et incendié, les voyageurs relâchés après contrôle. 14 : - Un lieutenant tué près de la sous-préfecture de Tlemcen. - Raid de commandos A.L.N. contre Nedroma : 2 gardiens de nuit et un mouchard tués. - 2 fermes incendiées dans la région de Nedroma. Embuscade du côté de l'Oued Kiss: 13 morts ennemis. - Sabotage de lignes téléphoniques à hauteur d'un poste ennemi. - Région des Trois Marabouts : 5 camions d'entreprises privées arrêtés et incendiés, les chauffeurs 26: relâchés ; un traître abattu. A 2 km de Béni-Saf accrochage entre des éléments de l'A.L.N. et les forces colonialistes composées de 12 chars; pertes ennemies: 11 morts dont un sous-officier ; 3 moudjahidines tués et 2 blessés. - A Béni-Saf : 3 fermes brûlées importants dégâts. A la suite d'un, encerclement entre Guiard Lajhoul, région de Témouchent, un violent accrochage s'engagea et dura de 8 h. à 20 h. nombre éleva de soldats ennemis tués; 12 morts et 8 blessés de notre côté.

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- Raid contre un poste à I km. de Béni-Saf : plusieurs tués ennemis, dont des officiers ; 3 moudjahidines tués et 2 blessés. - Région de Médiouna : l'ennemi malmenait un groupe de paisibles moissonneurs quand l'Armée de Libération Nationale intervint : les soldats colonialistes prirent la fuite en laissant 5 morts sur le terrain; un P.M. MAT-49 et 4 fusils récupérés. - Incendie de 5 camions militaires qui stationnaient, après avoir tué la sentinelle. 15: - Attaque d'une patrouille par les éléments de l'A.L.N. qui laisse de nombreux morts et blessés sur le terrain. - 50 soldats ennemis tombent dans une embuscade: ils fuient en laissant des morts et des blessés non dénombrés; un renfort de 15 chars arriva peu après sur les lieux; nos forces ont eu 2 blessés. Un mouchard abattu à Sidi-El-Haloui, Tlemcen.

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17: - Raid contre la ville de Nemours : tous les postes de ce centre furent harcelés, 2 bombes déposées ont occasionné d'importants dégâts matériels: un accrochage s'ensuivit qui coûta. 3 morts à l'ennemi. - Le car Tlemcen-Béni-Saf arrêté et basculé dans la Tafna; tous les occupants ont été relâchés. Région d'Aïn-Témouchent: accrochage après un encerclement, de 10 h. à 15 h.; pertes ennemies inconnues. - Nos éléments se sont infiltrés dans un camp de chasseurs ennemis. Ils ont tué plusieurs soldats et incendié de nombreux chars; une carabine US et un fusil Garant ont été récupérés; 3 moudjahidines tués et 2 blessés. - A Aïn-Kihal, 4 camions de militaires tombent dans une embuscade, plusieurs morts et blessés ennemis. 18: Un avion est abattu près de Béni-Bahdel. 23: - Le garde-champêtre de Béni-Saf est blessé par un fidaï; - Région de Béni-Saf : 2 traîtres exécutés. Accrochage sur les hauteurs de Béni-Saf : 17 tués ennemis, plusieurs blessés; 2 moudjahidines tués et 1 blessé. - Région de Témouchent : plusieurs hectares de vigne arrachée, 107 poteaux téléphoniques coupés. 24: L'école de Belghafer qui est transformée en poste militaire a été détruite par l'incendie. 26: - Région de Sebdou : 18 goumiers ont été capturés et leur armement récupéré, soit : 8 fusils 7-15; 9 fusils de chasse; une mitraillette MAT-I9 ainsi que de nombreuses munitions.8 NOTA : Les archives disponibles ne nous ont pas permis de faire le bilan des actions de juin 1956 au début juin 1957.

8 . Journal El Moudjahid, organe du Front de Libération National, N°02.

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Bilan non exhaustif des actions de l’année 1957à partir du mois de juin 1er: - Plus de 100 moudjahidines dotés d'armes automatiques, de grenades à main et de fusils lance-grenades attaquent le village de Telagh, incendient les bâtiments administratifs, et harcèlent les postes militaires : plusieurs morts et blessés ennemis. Une embuscade est tendue par nos éléments à BeniSmiel, dans la région de Sebdou, à un convoi ennemi qui subit des pertes importantes, mais non encore dénombrées. - Dans la région de Mermoz, une unité ennemie tombe dans une embuscade, perdant- plus de 25 hommes. 2: Au douar Chentouf (Région de Témouchent), nos troupes accrochent une forte unité ennemie et lui infligent des pertes sévères. 3: - Un poste militaire ennemi, situé dans la périphérie de Tlemcen, est attaqué à la grenade : 7 soldats français sont tués, dont 1 sous-officier, et plusieurs tirailleurs Sénégalais blessés. - A Medjadira, dans la région de Montagnac, l'ennemi perd 5 tués et plusieurs blessés au cours d'un accrochage. Dans la région de Saint-Denis-du-Sig, un groupe de moudjahidines harcèle une unité ennemie qui laisse plusieurs de ses hommes sur le terrain. - Nous déplorons la mort d'un moudjahid, tombé champ d'honneur. 6: - A 2 km de Turenne, l'ennemi perd plusieurs hommes, dont 1 officier et 2 sous officiers, dans une embuscade. - A Bou-Hanifia, un convoi ennemi est attaque plusieurs tués, dont 1 capitaine. - Près de Mercier-Lacombe, une jeep tombe dans une embuscade. Ses 4 occupants sont tués. 10: Un de nos groupes tend ure embuscade à un convoi français à 8 kms de Montagnac. Pertes ennemies : 25 morts, plusieurs blesses et un lot important d'armes. 11: L'ennemi perd 26 hommes dans un accrochage près d'Aïn-El-Houtz. 12: Un convoi ennemi tombe dans. une embuscade tendue par nos troupes à 10 kms de Berthelot, subissant de lourdes pertes : 13 morts, 21 blessés et plusieurs armes. 13: L'ennemi perd 63 hommes et 16 armes de guerre dans une embuscade près de Lavayssière. 14: - Le poste militaire de Ksi-Ksou est attaqué par un commando : plusieurs ennemis, dont 2 sous-officiers, sont abattus. - L'ennemi perd 23 hommes lors d'un accrochage dans la région de Béni-Ouassine. Nous avons récupéré 5 P.M., un important lot de grenades et 3.000 cartouches.

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16: Au cours d'un accrochage dans la région d'Aïn-El-Hout, l'ennemi subit de lourdes pertes : 15 tués, 5 blessés et un important armement. 7 soldats ennemis sont abattus dans une embuscade près de Nemours; 2 P.M. MAT 49 et, 1 fusil Garant sont récupérés. 1 élément de l'A.L.N. mitraille une jeep qui capote; sept occupants sont tués sur le coup 17: Un commando attaque la gendarmerie de Dublineau ; 2 gendarmes tués et plusieurs autres blessés. L'ennemi perd 38 hommes (25 tués, 13 blessés) dans un accrochage au Djebel Mzig ainsi que 3 carabines U.S. et 2 MAT 49. 19: Dans la région de Berthelot, une jeep tombe dans une embuscade. Ses 3 occupants (2 officiers et 1 sous-officier) sont tués. Nous avons récupéré 2 PA., 2 P.M. MAT 49, 5 grenades et 1 poste-émetteur-récepteur. L’ennemi perd 10 hommes dans un accrochage près d'Aïn-Témouchent. 22: Un convoi ennemi tombe dans une embuscade au Djebel Sidi-Soufiabe et laisse sur le terrain 13 morts. Nous avons récupéré 3 mitraillettes MAT 49, 2 fusils US, 10 grenades et un important lot de munitions. 23: - Un poste militaire de la région d’Oued Imbert harcelé par une unité de l’ALN. - Près de Marnia, 9 soldats ennemis sont tués au cours d’une embuscade ; Le poste militaire de Dom est attaqué par nos éléments. 25: - Le poste militaire de Dom est attaqué par nos éléments. - A Uzes-le-Duc, un poste militaire est attaqué. - Près de Bossuet, un convoi ennemi tombe dans une embuscade: 12 morts. 26: -Une embuscade tendue par une unité de l’A.L.N près de Prévost, fait 45 morts ennemis. 5 PM MAT 49, 4 fusils US et plusieurs grenades et chargeurs garnis sont récupérés. Nous déplorons la mort d’un Moudjahid. - Près de Bab El-Assa, une unité de l’ALN accroche un groupe ennemi et lui inflige des pertes sévères : 6 morts et plusieurs blessés.

Démantèlement du dispositif militaire de l’ennemi dans la Wilaya de l'Oranie 1er Juin 1957: - Une grenade lancée dans un garage, lieu de réunion de la Main Rouge et de tortures, fait plusieurs morts et blessées à Palikao. - A Perrégaux, un colon, criminel de guerre est condamné à mort et exécuté. 2 Juin 1957: A Mascara un colon membre de la sinistre Main. Rouge, est abattu, un sergent français grièvement blessé. A Picard, un garde territorial est abattu.

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4 Juin 1957: - L'adjoint au Maire, animateur de la Main Rouge locale, est mortellement blessé. - A Sidi Bel Abbès un policier et un soldat sont abattus. 5 Juin 1957: A Tlemcen, près de Sidi Boumediene, un goumier, condamné pour trahison, est exécuté. 7 Juin 1957: Une bombe explose dans un bar, 2 morts, 10 blessés, tous militaires. 8 Juin 1957: Dans la région de Saïda, 2 colons armés sont attaqués: 1 mort, 1 blessé. 9 Juin 1957: - A Marnia des fidaïyines armés de mitraillettes et de grenades attaquent le cercle de boulisme réservé aux officiers: 8 morts dont un capitaine et un lieutenant. 1 fidaï a été tué. - A Tlemcen, rue Belle Treille, une grenade fait 5 morts et 3 blessés (tous miliciens). 10 Juin 1957: A Mostaganem, un soldat est abattu. Une grenade lancée dans un poste de C.R.S. à Tlemcen fait 11 morts et plusieurs blessés. 12 Juin 1957: Un colon, condamné à mort pour crimes de guerre, est exécuté à Mendez. 13 Juin 1957: Un fidaï mitraille un groupe de miliciens. 3 morts, 2 blessés graves. 14 Juin 1957: A Mascara, Faubourg Faidherbe, un lieutenant de l'armée française est abattu. 15 Juin 1957: Au Faubourg Sidi Boumediene de Tlemcen un fidaï abat un goumier. A Mascara un milicien est grièvement blessé. 18 Juin 1957: 5 militaires sont tués et plusieurs autres blessés par l'explosion d'une grenade. 19 Juin 1957: A Bouhanifia une grenade tue 4 soldats français et en blessé plusieurs. 21 Juin 1957: A Tlemcen, une grenade explose dans un café provoquant la mort de 3 soldats et blessant 5 autres. 22 Juin 1957: Un colon, membre de la Main Rouge, est exécuté dans sa ferme, à Picard. Près de. Hammam Bou Hadjar, un milicien est abattu. 23 Juin 1957: - A Tlemcen, un agent de la PRG est abattu près de l'école de la gare. - A Relizane, une grenade lancée sur un groupe de militaires fait 2 morts. 24 Juin 1957: Un Algérien assomme un sous-officier de goum, s'empare de son arme, un P.M. MAT 49, avec 3 chargeurs, et rejoint l'ALN. 26 Juin 1957: - Un fidaï blesse mortellement un gendarme à Nédromah. - Dans la région de Bou-Halloufa, un garde champêtre est exécuté: 27 Juin 1957: - A Tlemcen, l'usine de traitement de la laine Lecombe est incendiée.

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- Près de Perrégaux, un fidaï lance une grenade dans le wagon de l'escorte d'un train de marchandises. - Tlemcen: Une grenade lancée sur un groupe de territoriaux fait plusieurs morts et blessés. 29 Juin 1957: - A Télagh un colon criminel de guerre est exécuté. - Une grenade 'lancée dans une auberge de Tlemcen fait 2 morts et 2 blessés. 30 Juin 1957: Une grenade explose dans les bas-quartiers de Tlemcen: plusieurs morts et blessés.9

9. El Moudjahid, N°04 numéro spécial

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Wilaya V (Oranie) : du 25 octobre au 10 novembre1957

- Accrochages : 15 — Près de Béni-Saf, dans la région de Guiard, près de Aïn Témouchent, au sud-est d'Aflou, au nord-ouest d'Ain Bahloui, à la dechra Mimouna (région Frenda), dans les régions de Tiaret de Tlemcen, de Sidi-Bel-Abbès, de Nemours, près de Tiaret, au douar Ouled Mellah et à 20 kms au sud-est de Frenda. - Embuscades: 12 — Dans les régions de Relizane. Béni-Saf, de Frenda, au djebel Nador près de Tlemcen, et de Bouzireg, dans les régions de Mascara de Descartes et à 25 kms au sud- ouest de Aïn-Temuochent. - Postes et villes attaqués: Les centres de Mendez, de Tlemcen de Turenne et de Mascara ont été attaques par les commandos. Les postes militaires de Zelboun, du 73ème C.T. (Guiard), de Bordj, de Grandval. - Matériel militaire détruit: 26 G.M.C. sautent sur des mines à Arbaoua, près de Nedromah, de ColombBechar de Nedromah, à Renaud, de Tlemcen, de Laricha, de Geryville, de Sebdou, de Nemours et de Nedromah, 2 avions Morane abattus près de Frenda et 2 autres près de Geryville. Un char détruit à l’Energa près de Colomb-Béchar. Pertes ennemies : Morts: 997; blessés: 631. Nos pertes: Morts: 33; blessés: 14. (Source «El Moudjahid», organe central du F.L.N.A.)

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Exploits de l’A.L.N du 26 décembre 1957 au 10 janvier 1958 dans la Wilaya V

- Accrochage à 45 kilomètres au Nord-Ouest d’El Aricha - Embuscade près de Nemours à 20 kilomètres de Aïn Tedless à 7 kilomètres d’, et dans la région de Tlemcen à 10 kilomètres d’Oran près de Bossuet. - 22 postes militaires ennemis bombardés et harcelés à 21 kilomètres de Nemours à Mechria. - 10 centres urbains attaqués par nos commandos dont Tlemcen Faubourg Boudghène. - 182 poteaux téléphoniques coupés entre autre à Nemours. - 38 fermes poste militaire attaquées et incendiés à Hennaya entre autre. - 42 véhicules militaires sautent sur les mines dans les régions suivantes : Hennaya, El Aricha, etc…10 Les actions sous Djaber furent tellement nombreuses qu’un livre entier ne suffirait pas à en faire un bilan exhaustif. Malheureusement la réplique de l’armée française était toujours la même : bombardements et les incendies de villages, massacre de civils, répression aveugle et criminel. «Les bombardements par l'artillerie lourde et l'aviation sont effectués au début de chaque expédition massive contre une «zone pourrie». L'armée colonialiste installe ses batteries à la périphérie d'une région précédemment délimitée, prenant pour objectifs les différents villages ou hameaux. Après un pilonnage intensif,

10. El Moudjahid, N°16, du 15 janvier 1958.

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Point de vue

La France des lumières, le pays des droits de l’homme …

Aussi loin que l’on remonte dans l’histoire, les conquêtes ont toujours corrompu les nations, et la France ne fait certes pas exception à cette règle. « L’expédition » d’Alger, en 1830, officiellement déclenchée pour « laver l’affront » fait à la France, n’était en réalité qu’une vaste opération de brigandage organisé dans le but de faire main basse sur le trésor Algérien, en même temps qu’une escroquerie destinée à redorer le blason d’une monarchie décadente. Dès le début, les troupes françaises, sous les ordres d’officiers aux noms glorieux, mirent en pratique des méthodes indignes de leur prétendue mission civilisatrice. Pour s’approprier des richesses et des terres de l’ « Arabe », tous les moyens furent mis en œuvre : massacres collectifs, enfumades, emprisonnements, viol, et tortures diverses furent pratiqués à grande échelle dans ce but et en même temps pour avilir les populations indigènes obligées de subsister dans la plus grande misère. Puis après la conquête vint le temps de la colonisation, avec son cortège d’expropriations, les Algériens se voyant expulsés de leurs terres ancestrales et relégués sur les sols les plus stériles, toute résistance ou révolte étant immédiatement réprimée dans le sang. Il serait trop long de relater ici toutes les résistances ayant jalonné l’histoire du pays, ainsi que toutes les répressions qui leur furent opposées, jusqu’aux sinistres événements du 8 mai 1945 et enfin jusqu'à l’explosion du 1er novembre 1954. Dès le début des combats, les troupes françaises, fidèles à une tradition déjà rodée en Indochine, utilisèrent les méthodes les plus cruelles de coercition : arrestations arbitraires, vols et pillages, incendies des villages et mechtas, viols et massacres de populations civiles. L’administration en place, tant à Paris qu’à Alger, couvrait d’un voile pudique toutes les horreurs pratiquées en son nom, sous le prétexte de l’efficacité avant tout. Il est impossible de quantifier précisément le nombre d’Algériens ayant eu à subir la torture sous les différentes formes mises au point par le génie inventif de tortionnaires passés maîtres en la matière. Les témoignages multiples, qu’on ne peut taxer de partialité ou de propagande, sont assez clairs pour instruire tous ceux qui, de par leur jeune age n’ont pas vécu ces pages sombres de l’histoire du pays. Des citoyens français de toute origine sociale, plongés dans le bain sanglant des « événements », ont ainsi témoigné des horreurs auxquelles il leur avait été donné d’assister. Des officiers du plus haut rang et des hommes politiques de tous bords ont toléré d’abord et finalement institutionnalisé l’usage de la torture sur tous les indigènes sans distinction d’age, de sexe ou d’appartenance sociale.

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Il est de notre devoir de porter à la connaissance du plus grand nombre, et particulièrement des jeunes, la face cachée de cette France civilisatrice qu’ils croient être un pays de cocagne oú tout est facile. On ne peut pardonner ce que l’on ignore, aussi est-il impératif que l’Algérien du 21eme siècle connaisse les pages noires de l’histoire nationale et de la lutte de ses aînés. Qu’il nous soit permis d’hésiter longtemps avant d’accepter d’oublier, de pardonner, et de nouer enfin des liens basés sur le respect réciproque avec le peuple de France. Par Kazi-Aoual Kemal Eddine

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Combien n’ont pas eu cette chance de retrouver un être cher !

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Chronologie 1960-1962

18/1/1960 le C.N.R.A. réuni à TRIPOLI vote le principe de la constitution d'un état-major général de l'A.L.N. et modifie la composition du G.P.R.A. Ce dernier désigne par la suite Houari Boumediene à la tête de l'E.M.G. 10/6/1960 Le Général De Gaulle a reçu une délégation de la wilaya IV (Le Colonel Salah et ses adjoints les commandants Lakhdar et Mohamed). L'entretien s'est déroulé sur la paix en Algérie. Après le retour de cette délégation, son chef a été exécuté par le Commandement de l'A.L.N.

10-13/6/1960 Manifestation populaire en faveur du F.L.N.-A.L.N. pour l'indépendance de l'Algérie dans les grandes villes du pays.

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25-29/6/1960 Entretien algéro-français avorté à MELUN. Février 1961 L'O.A.S., organisation armée secrète des ultras, est fondée officiellement en ESPAGNE. 20/2/1961 Rencontres algéro-françaises à LUGRIN et à EVIAN. L'adversaire refuse de reconnaître la souveraineté algérienne sur le SAHARA 22-26/4/1961 Putsch manqué des généraux français à Alger contre De Gaulle. 15/7/1961 Grand conflit entre l'état-major général de l’A.L.N. et le G.P.R.A. qui l'accuse de se plier aux exigences du gouvernement -tunisien. L’E.M.G. présente sa démission sous forme d'un violent réquisitoire contre le G.P.R.A. 18-22/7/1961 Répression de l'armée française contre les tunisiens qui manifestent pour l'évacuation de Bizerte. Résultat : plusieurs centaines de morts. 9-27/8/1961 Réunion du C.N.R.A. à Tripoli et remaniement du G.P.R.A. Benyoucef Ben Khedda est désigné comme Président du G.P.R.A. Les membres de l'état-major général exigent d'accéder à la direction politique de la révolution algérienne et réclament l'installation de cette direction aux frontières algéro-tunisienne et algéro-marocaine. 5/9/1961 Reconnaissance par De Gaulle du Sahara, partie intégrante de l'Algérie. 27/9/1961 Le G.P.R.A. ordonne aux wilayate de l'intérieur de cesser tout contact direct avec l'état-major général 17/10/1961 Manifestation générale des algériens en France. Plusieurs centaines de morts à Paris et ailleurs. 20/10/1961 Rencontres algéro-françaises à BALE (Suisse). 7-10/1/1962 Le G.P.R.A. examine dans une réunion à Mohammadia (MAROC) la possibilité de prévoir la libération des 5 détenus du château d'Aulnoye (France) sur l'état des négociations algéro-françaises. 10-19/2/1962 Rencontre des deux délégations Algéro-françaises à ROUSSE (Suisse) pour la négociation d’un cessez-le-feu à propos de la guerre d'Algérie. 22-28/2/1962

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Réunion du G.P.R.A. à TRIPOLI pour examiner et approuver le projet des accords d'EVIAN soumis par le G.P.R.A. Les membres de l'état-major général de l'A.L.N. (Houari Boumediene, Ali Mendjeli, Ahmed Kaid, Bouizeme Mokhtar (Si Nacer) votent ostensiblement contre ces accords. Le C.N.R.A. adopte enfin le projet de texte des accords d'Evian. 1-18/3/1962 Deuxième rencontre à Evian. Dernière rencontre algéro-français. et signature des accords d'Evian qui mettent fin à la guerre en Algérie. Avril-Mai 1962 L'O.A.S. tente de créer un climat d'insécurité en Algérie. 7/6/1962 Réunion du C.N.R.A. à TRIPOLI pour adopter le programme dit "de Tripoli" La réunion se termine par un procès-verbal de carence, Youcef Ben Khedda quitte la salle avant la fin de la réunion. Sur les 64 membres du C.N.R.A., 40 sont restés pour signer le procès-verbal de clôture. 24-25/6/1962 Réunion inter-wilayas à Zemmora (wilaya de TIARET) en présence de certains responsables politico-militaires des wilayas, II, III et IV et de la délégation de France Du F.L.N. et enfin de la zone autonome d'Alger-Ville. La réunion déplore la rébellion de l'ex-état major général et décide la création d'un Comité de Coordination interwilayas, qui sera chargé de l'affectation des unités de l'A.L.N. stationnées aux frontières. 30/6/1962 L'état-major général est destitué par le G.P.R.A.

5/7/1962 L'indépendance de l’Algérie est officiellement proclamée.

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Conclusion

I

Plus d’un demi-siècle après l’indépendance, les algériens sont toujours dans l’ignorance quasi-totale de l’histoire des hommes et des institutions qui ont façonné ce pays. Les commémorations de tel ou tel événement historique, qui ornent les calendriers officiels, ont pris un aspect quelque peut irréel, tant ils ont été désincarnés. Les personnages ayant joué un rôle avaient été effacés de la mémoire de ceux qui n’avaient pas vécu cette période. On pouvait ainsi aller se recueillir à Ifri sans avoir aucune connaissance des noms passés à la trappe de l’histoire de ceux qui avaient joués un rôle dans ce congrès ô combien contesté de la Soummam. On a même inventé la fiction d’une guerre de libération en autopilotage, sans dirigeants, sans institutions ni documents, mais produisant des héros à la pelle et des batailles sans nombre. Quoi de plus logique alors que beaucoup en soient arrivés à conclure que l’Algérie n’a pas d’histoire ou que, en supposant que cette histoire existe, rien en elle ne méritait d’être exalté. Sous le couvert du slogan « un seul héros le peuple », les dirigeants de l’époque ont de manière délibérée effacée de la mémoire collective ce qui différenciait notre peuple des autres, à savoir sa culture, sa religion, ses mœurs, sa diversité linguistique.

La lutte pour la libération de notre patrie bien aimée, qui date de bien avant le 1er Novembre 1954, a laissé derrière elle une interminable et sanglante traînée de héros morts au combat, sur toute l’étendue du territoire national, depuis la blanche et indomptable Alger jusqu’aux recoins les plus reculés. Chacun de ces morts qui ont jalonné le pays a eu son histoire, son rang et son rôle dans la lutte. Chacun, du plus anonyme militant de base jusqu’aux illustres figures des maquis et des états majors, a contribué au but final, avec ses qualités et ses défauts d’être humain. La composante humaine d’une révolution n’est jamais uniforme, et encore moins propre et nette de toute tâche. En 1954 se sont dressés face à la puissance française de misérables groupuscules mal armés, mal organisés et très peu encadrés, qui n’avaient pour seule force que leurs profondes convictions nationalistes. Mais au cours de mois et années qui suivirent ce qui était un

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embryon d’armée hétéroclite devint rapidement une force considérable, bien armée, entraînée et encadrée, capable de faire face avec succès aux forces françaises. Parallèlement à la lutte armée sur le territoire national, les soutiens matériels et politiques des pays arabes, du bloc de l’est et du Tiers Monde furent décisifs au niveau international. Sans omettre ni minimiser le rôle capital des pays voisins, Maroc et Tunisie, véritables sanctuaires pour l’ALN, avec leurs camps d’entraînement, leurs hôpitaux et leurs structures dirigeantes. Mais le souci de vérité historique doit de nos jours prévaloir sur l’auto glorification et la falsification des événements qui ont entraîné la victoire finale. Il est un fait indéniable et incontestable que la rigueur historique nous oblige à reconnaître : l’Algérie n’a pas accédé à l’indépendance grâce à une victoire militaire sur la puissance coloniale, suréquipée avec ses blindés, son aviation et sa marine de guerre car dès 1959, le franchissement des lignes Challe et Morice se fit de plus en plus difficile, réduisant petit à petit les approvisionnements en provenance de la Tunisie et du Maroc, forçant par là même les combattants de l’intérieur à ne compter que sur la récupération des armes à l’ennemi ou ramenées par les déserteurs rejoignant les rangs de l’ALN. C’est la France qui a perdu face à la détermination du peuple algérien tout entier. C’est le peuple algérien tout entier qui a triomphé, psychologiquement et politiquement, de la France. Bien que sur le terrain, la puissance des armes, accentuée par l’efficacité des blocus maritimes et terrestres, ait fait pencher la balance du côté des forces coloniales. Mais il faut ajouter à cela que poids financier de la guerre déséquilibrait complètement l’économie française qui se dirigeait irrémédiablement vers une crise qui risquait de la plonger dans la récession.

II

Durant la colonisation les administrateurs (préfet, sous préfet, maires, etc.) vivaient en vase clos, n’adressant que des rapports positifs à la métropole. L’indigène était surexploitée, le salaire de l’ouvrier agricole étant inférieur aux vingt pour cent du salaire d’un européen. L’encadrement des communes mixtes était assuré par les caïd, bacharas et agha qui forçaient les indigènes à vivre dans la misère la plus totale.

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III

L’évolution dans le temps (témoignage de l’auteur) 1955-1956 : au maquis mon chef Hamadouche Boumediene nous obligé toujours à mettre un ecriteau sur les cadavres des traîtres exécutés avec la mention de la condamnation, pour que la population soit informée. 1957 : en raison de l’inscription de l’affaire algérienne à la session de l’ONU, nous avons reçu de l’Etat Major une circulaire nous enjoignant d’enterrer les cadavres. 1958 : le nombre de harkis était plus important que celui des moudjahidine combattant à ‘intérieur. En Oranie, sur l’initiative du Général Challe, 90 villages ont été armés et encadrés par les harkis pour combattre les moudjahidine. Fin 1959 : alors que le bouclage des frontières avait nettement freiné l’élan de l’ALN, de nouveaux paramètres sont entrés en jeu : 1- Le service militaire obligatoire est passé à 30 mois. 2- Le rappel des réservistes 3- Les actes de sabotage en France 4- Le transfert des corps de l’Algérie vers la métropole 5- L’aggravation de la crise économique

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Bibliographie

 Chronologie 1954 1962 : « organisation politico-administrative et militaire de la révolution algérienne de 1954 à 1962 » Dr Mohamed Guentari OPU 09.2000.  Extraits de « introduction à l’étude des archives de l’Algérie » service historique de l’armée de terre.  Cahier de la recherche doctrinale. Ministère de la défense – République française.  Dossier secret de l’Algérie –Claude Paillat et le Livre contemporain 1961.  Service historique de l’armée de terre, Rep Française 1992.  La Révolution Algérienne du 1er Novembre 1954, docteur Boualem Benhamouda.  Le Colonel Lotfi – Belahsène Bali- Editions Bibliothèque Nationale d’Algérie.  « Et l’Algérie se libéra » 1954-1962- Mahfoud Kaddache.  « Deux héros parlent » Témoignage du Colonel Youcef Khatib, in Benferhat et Maargal.  «On nous appelait Fellaghas » Commandant Azeddine.  Algérie histoire contemporaine 1830-1988 Benjamin Stora.  « Ogb Ellil » Mohamed Bouzidi Bali Belahsène Thala Ed. 2014. Alger 2012.  « Une famille ordinaire dans la tourmente » Bali Belahsène. Thala Edi. Alger 2013.

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 « Mémoires d’un jeune combattant de l’ALN » Bali Belahsène. Ed Al Rachad Beyrouth 1999.  « Le quotidien d’Oran » Extrait 24 Aout 2008. Abane Ramdane et la stratégie militaire de la guerre de libération nationale.  «Des femmes dans la guerre d’Algérie » Danielle Djamila Amrane Minne Ed. Barzakh 2014.  « Les barrages de la mort -1957-1959, le front oublié » De Amar Boudjelal, Col. De l’ANP à la retraite.  Algérie 1954-1962 la torture en question –le dossier de Jean Muller- Malika Varso Ed. Dalilab 2013  « Des hommes ». de Laurent Mauvigner Ed. de Minuit Sept 2009.  La guerre d’Algérie par les documents Tome 2, les portes de la guerre 1946- 1954.  Situation militaire d’après l’E.M. de l’ALN, Nadia Azzi, répertoire Numérique détaillé du fonds de l’ALN déposé aux Archives Nationales.

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Photos

 Science et vie – Hors série ; Guerre et histoire Algérie 1954-962 la dernière guerre des Français.  Histoire ça m’intéresse –mai- juin- 2012  Histoire magazine : - N° 236 La guerre d’Algérie - 204 - 225 - 206  Le nouvel Observateur- Hors série Les arabes  Fonds privés de l’auteur

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Une présentation en parallèle des deux sources essentielles :

D’un côté des archives de l’armée française, organisées, structurées, déshumanisées. De l’autre, des témoignages directes, vivants, présentés par les acteurs eux-mêmes de la lutte pour l’indépendance. Du côté français, une dissection sans états d’âme des événements ayant aboutis aux Accords d’Evian et à l’accession à l’indépendance. Du côté Algérien, les récits personnalisés, humains, des mêmes événements aboutissant à la même fin. Cette fin que beaucoup pressentaient dès 1959, alors que les forces françaises semblaient prendre le dessus sur une ALN militairement poussée dans ses derniers retranchements suite au bouclage des frontières après l’installation des lignes Challe et Morice. Mais en réalité, la pression politique internationale, additionnée au coût rédhibitoire de la guerre et à ses effets négatifs sur l’économie nationale, poussèrent les dirigeants français sur la voie des négociations et des Accord d’Evian.

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