Productions et techniques Cultures spécialisées : un revenu non Au sein des productions végétales dans le département, les céréales, oléagineux, protéagineux sont les plus courantes mais depuis plusieurs dé- cennies, le se distingue aussi par la présence de cultures dites spéciales, comme les semences, l’ail ou le melon, et une activité arboricoles à la fois traditionnelle avec la prune d’ente et plus récentes s’appuyant sur le développement des filières fruits à coques. Même si les surfaces occupées représentent moins de 4 % de la SAU du Gers, leur importance économique est réelle et la recherche de valeur ajoutée est souvent à l’origine du choix de ces productions. Qu’en est-il réellement ? Témoignages des acteurs de ces filières et retour sur quelques chiffres clés. Le melon Le melon est une culture qui s’est surtout développée à partir des années 1950 dans la région de . C’est une culture difficilement mécanisable qui demande une main d’œuvre importante, en particulier pour la récolte (compter environ 0.35 ETP/ha). Le Sud-Ouest représente 25 % de la production nationale.

L’association pour la promotion du melon de Lectoure re- présente les producteurs individuels qui commercialisent souvent leur production en direct. Elle assure également la promotion de la marque Melon de Lec- toure ® avec le soutien de la ville de Lectoure qui est aussi très investie dans la promotion de ce produit et qui organise la fête du melon chaque année au mois d’août. La production du melon dans le Gers se concentre de plus en plus sur un nombre réduit d’exploitations agricoles mais les surfaces se maintiennent (453 ha en 2009, 460 ha en 2016).

« Maîtriser la saveur du melon » « La marque Melon de Lectoure, une source d’optimisme » Clément Marie parie sur la qualité du produit et la diversification pour Sabrina Signetti La « Maison du Melon », propriété de la fa- lon pas cher, très correct en goût, a siphonné le A , Sabrina Signetti a pris la de candidats au ramassage. Fort heureuse- mille Marie, à , est bien installée parmi standard.» relève sur la propriété familiale qui, depuis ment, des retraités cherchent à améliorer le trio de tête des producteurs français de melons Une évolution du marché qui conforte le pa- les années 60, vend du melon. « La saison leur quotidien et nous donnent des coups de de qualité. Les 5 000 tonnes produites (dont tron de la Maison du melon dans son position- que nous venons de vivre, lance-t-elle, a été main. » 3 000 à Terraube) sont commercialisées à 65 % nement. « Pour cela, explique-t-il, nous devons particulièrement compliquée avec un prin- Sur les 5 hectares de melons produits sur sa en . encore et toujours maîtriser notre production. temps très pluvieux. Fort heureusement, la propriété, Sabrina Signetti en commercialise Parmi les 3000 tonnes produites à Terraube et Une maîtrise complète du cycle de production qualité du mois de septembre nous a permis la moitié en vente directe. dans un rayon de 20 km, 500 tonnes proviennent et de conditionnement et une quête incessante de d’équilibrer notre année. » La création de la marque « Melon de Lec- de petits producteurs locaux qui approvisionnent la saveur. Mais aussi avec une dynamique sans Sabrina, par ailleurs vice-présidente de toure » en 2017, est un facteur d’optimisme la Maison du melon. faille de recherche de nouveaux marchés ». l’association du Melon de Lectoure, porte un pour la productrice et les adhérents de l’as- Le positionnement haut de gamme est un Pour autant, le spécialiste du melon n’en- regard sans fard sur la situation de la pro- sociation : « à nous de la faire vivre, de la choix stratégique qu’explique Clément Marie : tend pas s’endormir sur ses bons résultats. Au duction locale. « La production baisse et promouvoir sur les marchés », s’enthou- « aujourd’hui, il n’y a plus de mauvais melon. contraire, depuis deux ans, Clément Marie s’est malheureusement il est de plus en fréquent siasme Sabrina. Mais il perdure trois catégories : le premier prix engagé dans la voie de la diversification. « L’ob- que des producteurs de melons cessent leur Une association fédératrice pour tenter (vous trouvez toujours quelqu’un pour vendre jectif est d’allonger notre période de production activité. » d’enrayer la disparition des producteurs lo- moins cher que vous), le standard et le haut de et ainsi de stabiliser de nombreux emplois. » Parmi les raisons invoquées par la jeune caux alors que le melon constitue encore gamme. Dans la mesure où les moins chers sont Ainsi sont nés à Terraube 30 hectares de produc- femme : « la difficulté de recruter de la entre 15 et 20 % du chiffre d’affaires dans bons, le standard (plus cher) disparaît. Le me- tion de potimarron et de butternut. main d’œuvre. On trouve de moins en moins les propriétés du Lectourois. La prune d’ente, les noix et noisettes

« Il faut être les meilleurs sur un marché mondial » Dans le Gers, 344 ha de vergers en prune d’ente essentielle- ment. Le chiffre d’affaires agricole de la filière pruneau d’Agen pour Jean-François Leroux, producteur de pruneaux, noix et noisettes est de 94 millions d’euros et concerne 1140 producteurs. L’IGP Sur la propriété de Jean-François à un problème récurrent : la gestion de ramasser des noisettes dans des « pruneau d’Agen », obtenue en 2002, représente 96 % des vo- Leroux, à , le pruneau est une des maladies et insectes « que l’on régions montagneuses rugueuses. » lumes. 76 % de la production est localisée en Lot-et-Garonne et tradition. « Pendant longtemps la a de grandes difficultés à écarter. » Sur l’avenir de ces productions 3 % dans le Gers. production de pruneaux était soute- De ce fait, la production bio des dans le Gers, comme pour beaucoup nue par l’Europe à travers une aide noix et noisettes, Jean-François Le- d’autres, pèse le poids de l’investis- Les conditions climatiques et les terroirs du Lot-et-Garonne et au kilo avec en contrepartie un prix roux l’écarte : « cela ne marche pas sement, selon Jean-François Leroux. des départements limitrophes ont fait de cette partie du Sud-Ouest imposé à la production. Les choses parce que l’on a pas de réelles solu- « Pour la noisette par exemple, il ne une terre d’élection pour la culture de la prune d’ente. Fruit délicat, ont évolué avec des aides à l’hectare tions contre les ravageurs. » faut pas beaucoup de main d’œuvre, cette variété de prune qui nécessite beaucoup de soleil, s’épanouit à une époque où le pruneau ne se Adhérent depuis l’origine de la mais les investissements coûtent très convenablement sur des terrains argilo-calcaires. vendait pas très bien. Aujourd’hui, coopérative Unicoque, le produc- chers. Aux difficultés de qualité des après deux années de très grosse teur d’Eauze pointe « le marché sols, s’ajoutent ainsi des acquisi- Le bassin de production du pruneau d’Agen regroupe 118 can- récolte, les stocks à écouler dans un mondial. Sur la noisette c’est la tions très lourdes. Il faut donc des tons sur 6 départements du Sud-Ouest. marché concurrentiel, sont très im- Turquie qui fait le marché. Mais ce surfaces suffisantes pour amortir les En 2016, le Gers comptait 229 ha de vergers pour ces deux pro- portants, » précise l’Elusate. pays commence lui aussi à connaître investissements ou partager le maté- ductions, regroupées sur quelques exploitations agricoles. Sur une production restructurée de des difficultés de main d’œuvre, les riel avec des voisins ou à travers une 23 hectares, Jean-François Leroux Turcs ont de moins en moins envie CUMA. » souhaite que « la profession s’or- ganise mieux face à des transfor- mateurs qui en font qu’à leur tête et une concurrence chilienne sévère. » D’autant que la production de pru- neaux (avec la taille, le ramassage, le séchage) reste difficile. En revanche, « la production de noix et noisettes ne marche pas mal, admet-il. Avec plus de facilité pour les noix même si cette production est très exigeante en termes de sols qui doivent être particulièrement riches. » Idem pour les noisetiers qui demandent une exigence de pro- preté des sols. Pour ces productions, (Chambre d’agriculture des Alpes-Maritimes) (Chambre d’agriculture de l’Ardèche) (Chambre d’agriculture de l’Hérault)

4 Volonté Paysanne du Gers n° 1315 - 16 novembre 2018 Productions et techniques négligeable pour les agriculteurs gersois Les semences « Une exigence dans la technicité », Pierre Lasgleyze, multiplicateur de semences L’ est la 1ère région française de production pour Producteur de semences de maïs, les semences de betteraves, d’oléagineux (tournesol, colza, soja) luzerne et potagères au Mas d’Au- et pour le blé dur. C’est également la grande région de production vignon, Pierre Lasgleyze est aussi président du Syndicat des Agricul- pour les semences de maïs et potagères. teurs Multiplicateurs de semences Pour les potagères, le département du Gers se situe en première du Gers. « La France est un des position nationale. Les grands opérateurs nationaux et internatio- deux leader (avec les États-Unis) naux sont présents en raison notamment des conditions pédoclima- de la production de semences dans tiques exceptionnelles, d’un tissu industriel hautement performant le monde, précise-t-il. Sept stations et d’un réseau d’agriculteurs-multiplicateurs spécialisés (plus de régionales travaillent à l’expéri- 3.500). mentation. La mission est d’amé- liorer les cultures, de trouver des Toulouse et sa région constituent un pôle de recherche mondial solutions aux problèmes sanitaires. pour le tournesol dénommé la Sun Valley (16 unités impliquées Nous essayons de mettre en place et 80 scientifiques) où le séquençage du tournesol a été obtenu. des programmes pour résoudre ces Enfin, la proximité des grands axes de communications (aéroports, problèmes. » autoroutes, ports) est un atout indispensable pour le marché export. Le Gersois ne cache pas son in- La production de semences « bio » est en développement constant. quiétude face aux retraits annoncés de certaines molécules qui auront des (Photo FNAMS) Pour la campagne 2016-2017, le chiffre d’affaire de ces produc- conséquences qualitatives « on devient tions est estimé à 45.6 M d’€ soit environ 5 % du CA départemen- moins compétitif face à nos concur- taux, qui peuvent considérablement turelles, Pierre Lasgleyze insiste sur tal pour 16 245 ha (3.6 % de la SAU). Le Gers est au premier rang rents, les italiens notamment ». améliorer les revenus et qui peuvent « l’exigence dans la technicité que national pour la production de colza semences en 2017. Pour autant le semencier veut gar- représenter jusqu’à 50 % du chiffre demande la production de semences. der un espoir pour une « activité d’affaires de nos propriétés. » Cette activité ne supporte pas d’être complémentaire, des ateliers végé- Au-delà des problématiques conjonc- menée à la va-vite. » L’ail « Heureusement que l’ail est là ! », Joël Durrey, producteur d’ail blanc La progression des surfaces d’ail produites en France est L’ail blanc est une tradition, depuis le matériel nécessaire et très coûteux contraintes de production, la régulière depuis 2014, passant de 2496 ha en 2014 à 2782 ha en les années 60, sur la propriété fami- mais sur le marché la concurrence concentration semble se poursuivre. 2017. Le tonnage est plus irrégulier, l’année 2017 ayant été péna- liale de la famille Durrey, à . est rude avec l’Espagne notamment, Des pris plus rémunérateurs permet- lisée par des conditions météorologiques difficiles. Joël a pris la suite de son père et pro- « qui ne connaît pas nos problèmes traient pourtant de conserver l’ail Pour le Gers, les statistiques donnent 476 ha en 2016, un chiffre duit quelque 80 tonnes d’ail par an de pluie et qui peut produire toute blanc en complément d’activité et sur une dizaine d’hectares. l’année. » Ici, comme dans de nom- de revenus dans les petites exploita- relativement stable si on le compare à la valeur 2009 de 446 ha. Le Un complément non négligeable breuses propriétés, la main d’œuvre tions ». Gers occupe le deuxième rang national et représente environ 17 % (environ 30 % du chiffre d’affaires). est aussi un problème : « nous avons Pour toutes ces raisons, Joël Dur- des surfaces et 18 % des tonnages produits. « Et depuis quelques années, com- la chance de travailler en famille rey craint que les productions d’ail Cette production est bien localisée et bien identifiée sur deux mente-t-il, heureusement que nous et donc de ne recourir à la main blanc, à terme, soient concentrées zones : avons l’ail pour compenser la fai- d’œuvre (notamment étrangère) que autour de quelques « grosses pro- blesse des autres cultures (semences pour le pelage. » priétés qui pourront rentabiliser La Lomagne dans le Gers et le Tarn et Garonne, fief de l’ail blanc et blé). Le producteur d’Avezan livre la par la multiplication des hectares. de Lomagne, en IGP depuis 2008. Trois organisations de produc- Même si la situation n’est pas si totalité de sa production à la SICA Quant aux petites exploitations qui teurs et 5 opérateurs commerciaux sont rassemblés au sein de l’as- facile que cela, essentiellement en Terre de Lomagne, dont il est font de l’ail en complément d’acti- sociation de Défense de l’ail blanc de Lomagne raison des conditions climatiques. vice-président. vité et de revenus, elles seront mal- Car les aléas climatiques ont une L’avenir de la production d’ail heureusement de moins en moins La zone de production de l’ail violet de Cadours, en AOP depuis conséquence fâcheuse sur la qualité blanc : « en raison des différentes nombreuses. » mai 2017 : 106 communes à cheval sur le Gers, la Haute-Garonne de notre ail. Et un produit déclassé et le Tarn-et-Garonne. Elle concerne 80 producteurs et 6 négo- est synonyme immédiatement d’un ciants engagés dans le cahier des charges de l’AOP portée par le manque à gagner. » syndicat de défense de l’ail violet de Cadours. Les Durrey, grâce à leur ancienneté dans la production d’ail, ont amorti

« Un revenu assez confortable » pour Gilles Lagarde, producteur d’ail violet Sur la commune d’Ardizas, Gilles pointe « des aléas climatiques qui AOP », dit encore le producteur Lagarde a succédé à son grand-père compliquent, par leur récurrence, qui travaille tout à la fois en circuit et son père. la période de ramassage. En cela le court et long. « En effet, nous écou- Une propriété familiale sur laquelle printemps dernier très pluvieux de lons 20 % de notre production sur on produit l’ail violet de Cadours. « nous n’a pas aidés. » les marchés du Gers et des Pyrénées Il y a encore quelques années nous Autre difficulté, celle de la main durant cinq mois de l’année ». Les étions aussi éleveurs de bovins, ra- d’œuvre. « Elle est conséquente chez 80 % restant sont vendus à des gros- conte Gilles Lagarde, mais nous nous, tant pour le ramassage, le net- sistes. avons cessé pour nous consacrer toyage, le conditionnement, que le aux céréales et surtout à l’ail. » tressage. Nous devons faire appel en L’ail violet bénéficie, notamment Une production d’ail sur 11 hec- partie à de la main d’œuvre étran- grâce à l’AOP, « d’une bienveillance tares « qui nous procure un reve- gère. » de la grande distribution, se réjouit nu assez confortable et représente Pour autant, la production d’ail le jeune producteur. Depuis deux 80 % de notre chiffre d’affaires », violet de Cadours est très rentable ans en effet, elle met en avant l’ail témoigne le jeune producteur qui « surtout depuis le passage en français. »

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