Le Cardinal Decourtray Récents Ouvrages De B
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Le cardinal Decourtray Récents ouvrages de B. Berthod et de R. Ladous : - B. Berthod et Elisabeth Hardouin-Fugier, Dictionnaire des Arts liturgiques. XIXe-XXe siècle, Les éditions de l'amateur, 1996. - Bernard Berthod et Régis Ladous, Le cardinal Gerlier, Lugd 1995. - Régis Ladous, Commission de Fourvière, Editions des Traboules, 1996. - Andrea Riccardi, Sant'Egidio, Rome et le Monde, Entretiens avec Jean-Dominique Durand et Régis Ladous, Beauchesne 1996. HOMMES ET RÉGIONS Collection dirigée par Jean Étèvenaux BERNARD BERTHOD RÉGIS LADOUS Le cardinal Decourtray Remerciements Pierre Blanchard, de l'Administration du Patrimoine du Saint-Siège, Abbé Jean Bertail, Danielle Bouteaud, Mgr Abel Cornillon, Abbé Jacques Laborde, Isabelle Ginoux, Jean-Régis Hilaire, Henri Hours, archiviste de l'Archevêché de Lyon, Abbé Christian Montfalcon, vicaire général de Lyon, Famille Poulle-Tartar, Monique Rambaud, Michel Staniul, Abbé René Truchot. à Paule Decourtray Conception couverture : Alain BOULDOUYRE Illustration de couverture : L'Osservatore Romano, Cità del Vaticano (A. Mori). © LUGD 1996 93. 95 rue Vendôme - 69006 Lyon ISBN 2-910979-23-7 Chapitre I RACINES Une grand cheval noir, dans le Nord. Il trotte entre les champs de trèfle et les champs de blé. Derrière, une carriole cahote sur ces pavés d'enfer qui font la réputation du grand événement annuel, la course de vélos Paris-Roubaix. Dans la carriole, un gamin, Albert Decourtray. Il est assis à côté de son père, qui va vendre de la levure de bière aux boulangers du canton. Une forte figure, ce père. Il n'engendre pas la tristesse, ni un respect excessif pour les grandeurs d'établissement. Nonagénaire, il se demandait ce que son galopin de fils avait bien pu faire pour mériter la légion d'honneur. Le ruban rouge, c'est pour les poilus, pas pour les soutanes, non ? Une heure avant de mourir, l'indomptable s'employait encore à dérider son infirmière. Les Decourtray sont bien implantés à Wattignies, vieille terre d'invasion et de résistance. Le grand père Florent a été premier adjoint au maire. Albert est né là, au hameau de l'Amiteuse, le 9 avril 1923. Dans ce plat pays qui est le sien, où le XIXe siècle n'en finit pas de finir, la ville et la campagne ne se sont pas encore démêlées. Il lui faut attendre sa quinzième année pour découvrir la grande agglomération ouvrière, dans ce qu'elle a de plus triste : le monde des courées, ces impasses de briques qui démentent férocement le beau ciel du Nord et ses bleus de porcelaine. Il est au petit séminaire quand André, son meilleur ami, lui montre la courée de Roubaix où sa mère vit seule, avec quatre garçons qui dorment sans drap, dans le froid. Ainsi eut-il sous les yeux « le monde décrit dans Maxence Van Der Meersch, avant de lire Quand les sirènes se taisent ». Son expérience personnelle, au sein d'une famille unie, renvoie plutôt au monde apaisé d'Emile Verhaeren. Maurice Schumann l'imagine, en compagnie d'un autre enfant de Wattignies, Alain Decaux, son cadet de deux ans, sur le parvis de la vieille et belle église Saint-Lambert, levant les yeux « vers on ne sait quel Christ aux horizons pendu ». Jeune prêtre avec son père et sa mère Lui, il sait. Enfant de chœur à Saint-Lambert ou élève au petit séminaire d'Haubourdin, il sait depuis toujours qu'il sera prêtre. Il veut célébrer la messe et donner la communion. Cette ferveur calme lui vient de sa mère, qu'il respecte autant que son père. Elle aussi travaille, comme tout le monde chez les Decourtray. Quand la famille se transporte de Wattignies à Seclin, elle ouvre un magasin (vins et liqueurs) tandis que le père continue à presser et à vendre sa levure. Elle a accoutumé son fils, « sans le dire, ou même sans y penser, à ne jamais séparer le mot Dieu du mot amour » (Maurice Schumann). Non sans mérite : le métier d'enfant reste dangereux, dans le petit commerce comme dans la grosse besogne. Les Decourtray en perdent deux sur quatre. Blanche meurt en bas âge, Eliane à dix-sept ans. Albert ne s'en attache que plus à son aînée, Paule, qu'il installe à l'évêché de Dijon puis de Lyon. Auprès d'elle, il retrouve cette paix intérieure, cette faculté d'aimer et de s'amuser qui lui vient de l'harmonie familiale ; il en a besoin pour surmonter un fond d'anxiété et de pessimisme, une étonnante sensibilité au mal et à la laideur. Sensibilité ou compréhension, appréhension ? Car il comprend tout, tout de suite. Extérieurement, cela donne un fort en thème, que l'on pousse dans les études, que l'on se hâte de former pour en faire un formateur. Parmi ceux qui le remarquent, un grand diable d'abbé, façon Léon Morin, qui vient faire passer les examens de latin à Haubourdin et lui parle du Christ : « Il faut savoir s'user pour lui jusqu'à la corde ». Parfois, ils prennent le train ensemble. L'abbé est un « pays », sa famille est de Seclin et voisine avec les Decourtray. Il s'appelle Alexandre Renard, il sera cardinal-archevêque de Lyon, Albert Decourtray lui succédera. Il se prépare à la prêtrise sous le signe des navets et des topinambours. C'est en octobre 1941 qu'il entre au grand séminaire de Lille. Le département est rattaché au gouvernement militaire allemand de Bruxelles ; on ne sait pas trop ce que Vichy veut dire. Dans un livre qu'il faut lire, Vivre avec l'ennemi, Richard Cobb a montré ce qu'était l'occupation étrangère pour la majorité des gens du Nord : une sorte de cataclysme cyclique. Collabore-t-on avec une inondation ou le choléra ? Les Decourtray ne firent rien de spectaculaire. Ils se « contentaient », dira benoîtement Albert, de « favoriser l'évasion des prisonniers internés dans un camp provisoire ». De quoi vous coller au poteau, face à douze soldats et un sous-off verts-de-gris, au fort de Bondues, le Montluc local. Nul déchirement là-dedans. Albert Decourtray dira un jour qu'il n'aime pas les écrivains de la révolte, comme Nietzsche ou Sartre, car lui-même n'a jamais connu la révolte. Résister est une tradition que l'on entretient avec honneur et patience. Et que déshonorent ceux qui, à la Libération, exhibent des femmes tondues et des galons en surnombre. Jeune prêtre fumant la pipe 1945-1946. Service militaire dans l'aviation Regardons quelques photos de l'immédiat après-guerre. Ce grand garçon qui tête sa pipe, ce n'est pas Boris Vian en mal de trompinette. Et ce French lover en uniforme de l'armée de l'air, cheveux crantés et sourire éclatant, ravageur, ce n'est pas un personnage de Roger Vailland. Il s'agit bien d'Albert Decourtray qui, il est vrai, par vocation naturelle et grâce d'état, est chargé par ses camarades de caserne d'écrire leurs lettres d'amour. Rien, en tout cas, d'un éclopé de la vie qui se serait réfugié dans les ordres comme dans les jupes de sa mère, ni d'une belle mécanique intellectuelle que l'on dresse au métier de haut fonctionnaire de Dieu. Mais, en râpant les traits, en bronzant le geste, on obtiendrait une sorte de coureur de pistes, précisément ce que l'on voit sur une autre photo, un trio cette fois. A droite, une figure grassouillette qui ne déparerait pas la présidence d'un conseil général ou la direction du service après-vente de La Redoute (à Roubaix). A gauche, Albert Decourtray semble appartenir à un Ordre, lieutenant tombé de son djebel, moine broussard, poète aventurier rêvant de retrouver, loin de ses bases, sur le rivage brûlé d'une Mer Rouge mythique, une mince figure sombre, barbue et rayonnante : « Le Père de Foucauld, je présume ? ». L'apparence ne doit rien à l'ascèse ; de ce côté-là, Albert Decourtray en a bien assez de porter les angoisses des autres, avec la sienne. Non, mais, comme l'écrit Agnès de la Gorce de saint Benoît-Joseph Labre, « à côté des rubicondes figures flamandes, il y en a d'étrangement osseuses et mortifiées ». Albert Decourtray évita toujours, sans s'y efforcer, la graisse jaune et le bourrelet confortable qui donnent une apparence suspecte à l'ecclésiastique le mieux disposé. Entre le PDG épanoui et l'aumônier d'une Croisière Jaune toujours recommencée, un grand petit vieillard pétille et sourit, comme souriait Léon XIII (qui souriait comme Voltaire) : Achille, cardinal Liénart, évêque de Lille, l'une des deux ou trois figures marquantes de l'épiscopat français de cette époque. Et il a marqué le futur cardinal de Lyon. D'abord par son sens des symboles, des gestes qui ont du sens. En 1929, Liénart participe à la souscription pour aider les grévistes d'Halluin. Plus de vingt ans plus tard, devenu vicaire d'Halluin la rouge, citadelle ouvrière, Decourtray peut constater que le geste du cardinal n'a pas été oublié, tout comme la vigueur avec laquelle il a stigmatisé les assassins de Roger Salengro, maire de Lille, ministre de l'Intérieur du Front Populaire, poussé au suicide par une campagne de LE CARDINAL DECOURTRAY La collection La collection "Hommes et Régions" a pour objet de faire connaître dans leur implantation locale - traditionnelle ou fortuite, durable ou passagère- des personnalités qui ont marqué l'Histoire. Ecrivains, politiques, entrepreneurs, scientifiques, artistes, penseurs, militaires, organisateurs, finan- ciers, prélats, bienfaiteurs et saints, ils sont ceux qui ont préparé le monde dans lequel nous vivons. Leurs empreintes sont toujours là. Le livre Le cardinal Decourtray n'est pas né à Lyon. Il n'est peut-être jamais devenu lyonnais.