Notre couverture :

La charge de la Brigade des Chasseurs d'Afrique du Général Margueritte le 12 août 1870, dans les rues de Pont-à-. (D'après une image de l'Imagerie de Pont-à-Mousson, 1875, HAGENTHAL ET C Dessin reproduit et modifié par L. BONNEVILLE. NOTRE CHER PONT-A-MOUSSON IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE 400 EXEMPLAIRES NUMÉROTÉS DE 1 A 400.

Exemplaire N° 399

Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation, même partielle, réservés pour tous pays.

© Copyright by Marius Mutelet, éditeur, 1956 Julien FLORANGE et Pierre LŒVENBRUCK

NOTRE CHER PONT-A-MOUSSON

Histoire d'une ville-frontière d'hier, Centre universitaire d'autrefois, Cité industrielle d'aujourd'hui.

MARIU5 MUTELET, EDITEUR 10, RUE DES JARDINS - METZ - 1956 — Ouvrages de Pierre LŒVENBRUCK déjà parus :

CEUX DE LA RÉSERVE. Tallandier, Paris. Epuisé. BOUCHES INUTILES. Taillandier, Paris. LES CAHIERS DU SERGENT WALTER. Taillandier, Paris. Ces trois ouvrages, saisis par la censure allemande, ont eu L'HONNEUR de figurer sur la fameuse liste Otto en 1940.

ANIMAUX CAPTIFS. Toison d'Or, Paris, 1954. ANIMAUX DE CIRQUE. Toison d'Or, Paris, 1954. LES GARENNES. Crépin-Leblond et C Paris, 1955. CHIENS DE BERGER. Crépin-Leblond et C Paris, 1955. LE BLAIREAU. Crépin-Leblond et C Paris, 1955. ANIMAUX SAUVAGES DANS L'HISTOIRE. Payot, Paris, 1955. LE JOURNAL DE NICOLAS BRISSET, bourgeois de Nancy, pour les années 1743 à 1745. M. Mutelet, Metz, 1955. NOTRE CHER PONT-A-MOUSSON

EN SOUVENIR DE NOS PARENTS

J. F. et P. L.

« ..., , , , , Pont-à-Mousson, où l'on pourrait lire Virgile ! Nul poète, malheureusement, ne relève d'un vers immortel ces lieux... « On est simple, simple en Lorraine. On craint si fort de surfaire, de s'en faire accroire, qu'on apprécie mal ce qu'on possède. Qui voudra interpréter en beauté ces jolis endroits d'une douceur un peu atone ?... »

Maurice BARRÈS (L'Appel au Soldat).

Pont-à-Mousson 1956.

INTRODUCTION

LA REGION MUSSIPONTAINE par M. J. OBERDORFER Professeur de Géographie au Collège Mixte de Pont-à-Mousson

Avant de retracer l'histoire d'une ville ou d'une région, il est souvent intéressant, et parfois nécessaire, de définir sommairement son cadre géographique. Nous allons donc rechercher quels sont les éléments du milieu naturel dans lequel Pont-à-Mousson a pris naissance et s'est déve- loppé. La Région Mussipontaine appartient à la Lorraine des Côtes, ensemble de relief typique, avec sa succession harmonieuse de côtes et de buttes calcaires couronnées de bois, protégeant des vergers et des vignobles, domi- nant des plaines grasses et des vallées humides. C'est à l'explication de ce paysage que sont consacrées les pages qui suivent. Le passé Géologique de la Lorraine des Côtes. A l'ère primaire, le plissement hercynien avait affecté notre région, comme tout le reste du territoire français. Puis ce socle cristallin subit des pénéplanations : l'une prépermienne, l'autre prétriasique, c'est-à-dire précédent et suivant la dernière période de l'ère primaire ; la direc- tion des anciens plis se révèle encore par plusieurs acci- dents du relief actuel, de direction sud-ouest-nord-est, failles et fractures ayant influé sur la direction des fronts des côtes et de leurs entailles, ainsi que sur le réseau hydrographique : sillon de Gorze, bombements dans la région de l'Orne et près de Rambucourt à l'ouest de Pont-à-Mousson, festonnement des côtes de Meuse et de , cours de l'Esch et du Rupt de Mad. Au fond des mers secondaires s'accumulèrent ensuite les sédiments du trias, du lias et du jurassique, avec l'alternance caractéristique de grès ou calcaires durs et de marnes tendres. Dans ces formations se trouvent deux ressources qui déterminèrent l'avenir économique de la Lorraine : le sel, dans les marnes triasiques du Keuper, le minerai de fer à la base du calcaire jurassique bajo- cien, ce dernier seul intéressant la Lorraine des Côtes. Après le retrait des mers secondaires intervint une péné- planation vers le milieu de l'ère tertiaire, au miocène ; puis au pliocène, une nouvelle transgression marine recouvrit cette pénéplaine et y laissa des cailloutis encore épars en plaques sur les plateaux. La formation du plissement alpin provoqua le relè- vement de la région lorraine et une reprise d'érosions qui donna déjà au relief les grandes lignes que nous lui connaissons : les côtes calcaires puissamment dégagées, dominèrent les dépressions marneuses. Mais les eaux courantes se livrèrent à un travail extrêmement actif : elles entamèrent les fronts des côtes, les firent reculer, les fragmentèrent, en détachèrent des buttes-témoins à la silhouette hardie, telles que Mousson et le Montsec. Les cours d'eau engagèrent entre eux une course à l'éro- sion qui amena de profondes modifications dans le réseau hydrographique: la Meuse se vit privée par la Basse- Moselle de son grand affluent vosgien, la Haute-Moselle ; c'est l'origine du coude de et de la pittoresque traversée de la côte, avec le site de Liverdun, par la Moselle désormais constituée telle que nous la connais- sons, tandis que le val de l'Asne, vallée morte, est uti- lisée par l'homme pour ses communications : canal de la Marne au Rhin et voie ferrée Paris-Nancy. Le cours actuel des rivières ne semble pas partout en conformité avec la structure. La Meuse, notamment, coule en arrière de son front de côte ; peut-être est-ce dû à un remblaiement de la région à l'ère tertiaire, qui aurait eu pour effet un glissement du fleuve vers l'ouest, et un nouveau creusement par surimposition ; quant aux percées qui existent dans la Côte de Meuse, elles furent sans doute pratiquées par des affluents de la Meuse venus de la Woëvre et dont la direction s'est ensuite inversée vers l'est sous l'effet de captures rééditant à petite échelle celle de Toul. La Moselle elle-même coule au pied d'un nouveau front de côte, en arrière du front primitif, aujourd'hui fragmenté en buttes-témoins, qu'avait dégagées un cours d'eau occupant l'emplacement de la Seille. Enfin, la grandiose poussée glaciaire de l'ère quater- naire a marqué son empreinte sur notre région ; si elle ne fut pas directement affectée par les glaciers, elle appartint aux pays péri-glaciaires ; son sol gelé subit, de ce fait, des glissements qui, par phénomène de soli- fluction, émoussèrent les reliefs. Ainsi, pour aboutir au relief que nous avons sous les yeux, chaque époque de la nature, pour reprendre l'expression de Buffon, « a apporté sa contribution et a imprimé sa marque ».

Le site de Pont-à-Mousson. Sans doute les facteurs historiques ont-ils joué dans la création et le développement de la ville un rôle pré- pondérant ; cependant, si ce fait urbain s'est produit à ce point précis de la vallée de la Moselle, ce n'est point par l'effet du hasard ; le site offrait d'intéressantes pos- sibilités. Il y a d'abord Mousson, la butte-témoin, qui domine hardiment de ses 382 mètres d'altitude, les 180 mètres de la vallée. C'est cela qui frappe et attire l'attention du voyageur ; sa silhouette se découpe avec netteté sur l'horizon des plaines et des plateaux, et se distingue de loin. Site de fortification par excellence, Mousson, même considéré au seul point de vue du relief, semble pro- téger la vallée qui s'étend à son pied ; avec ses pentes en glacis surmontées de son abrupte corniche bajocienne, la colline a, déjà naturellement, un air de forteresse gar- dant le passage de la rivière. Car voici le second élément : le passage, matérialisé par le pont ; sans doute rarement ville mérite mieux son nom que la nôtre, dont l'appellation traduit exacte- ment les origines et le rôle. On peut objecter que la vallée offre d'autres points de franchissement, que les Romains avaient choisi Scarpone. Mais il faut jeter un coup d'œil sur la côte de Moselle en face de Mousson ; un net recul, produit par la trouée de l'Esch, entraîne un élargissement de la plaine alluviale entre Jézainville, Blénod et Maidières, tandis qu'un humble ruisseau un peu plus au nord, a pratiqué dans la côte, entre les hauteurs de la forêt de Puvenelle et du Bois le Prêtre, l'échancrure de qui facilite l'escalade du pla- teau calcaire et ouvre la route vers l'ouest. Si nous regardons ensuite sur la rive droite, nous constatons que Mousson se contourne aisément, surtout au sud : par et la forêt de Facq, on atteint sans obstacle la vallée de la Seille. La Moselle, déroulant ses vastes méandres dans une vallée qui semble trop large pour cela, apparaît au voyageur qui la contemple comme une rivière calme por- tant avec sérénité les nombreuses péniches naviguant sur ses eaux. L'homme a amélioré son cours par des bar- rages, dont l'un se trouve à la sortie aval de Pont-à- Mousson, et a recoupé par des sections de canal les méandres trop importuns. L'alimentation de la rivière provient des pluies qu'apportent les vents d'ouest et du sud-ouest et de la fonte des neiges vosgiennes ; aussi son régime présente-t-il un étiage assez prononcé et des crues d'automne et de fin d'hiver qui restent généralement dans des limites peu inquiétantes. Mais ce calme peut parfois faire place à des colères redoutables : en décem- bre 1919, en décembre 1947, et, dans des proportions moindres, en janvier 1955. Le 30 décembre 1947, la Moselle monta à 8 m 90 à Metz, tandis que son débit au barrage de Millery atteignait 2.250 m ; or, les crues habituelles ne donnent guère plus que 500 m seconde, et celle de 1919 n'avait pas dépassé 1.300. Ce gonflement des eaux, heureusement exceptionnel, n'a pu se produire que par la concomitance de deux fac- teurs ; une abondance anormale des pluies sur toute la région lorraine et prévosgienne (149 mm en six jours, alors que la moyenne du mois le plus arrosé n'atteint que 74 mm) et la fonte subite, par suite d'un brusque relèvement de la température, d'une assez abondante neige vosgienne. Il faut aussi constater que, comme tous les cours d'eau très humanisés, l'endiguement du lit, en réduisant la largeur, et le grand nombre d'ouvrages d'art, en freinant l'écoulement, provoquent un étalement moin- dre et une montée plus forte des eaux ; de plus, en 1947, le lit était encore encombré de nombreux débris de ponts détruits par la guerre ; aussi, la presque totalité des rues de la ville fut-elle submergée. Il ne s'agit là que du revers de la médaille, et ces accidents rares ne doivent pas faire perdre de vue le magnifique rôle que joue la Moselle dans l'économie de la de l'Est. Elle fut, à l'échelle locale, un facteur déterminant de la croissance urbaine de Pont-à-Mousson, à la fois par elle-même et par l'axe de communication qu'elle dessine. Quel site attirant pour l'homme, que ce croisement protégé entre la vallée mosellane, route millé- naire du Midi vers les pays rhénans, et la traversée d'est en ouest des plateaux, des plaines et des côtes, vieil itinéraire des invasions et des échanges commer- ciaux ! Le sous-sol de la région de Pont-à-Mousson.

On a pu voir précédemment quelle était, dans son ensemble, la structure géologique de la Lorraine des Côtes. En ce qui concerne Pont-à-Mousson, deux élé- ments, du point de vue humain et économique, retiennent l'attention. Le minerai de fer se trouve, comme dans toute la région, à la base du calcaire bajocien ; les eaux ferru- gineuses de la Fontaine Rouge, au flanc de la butte de Mousson, en sont un témoin. De l'autre côté de la Moselle, la mine de fer de se trouve dans le prolongement du gisement, déjà exploité de longue date, au pied de la côte à Marbache. En outre, le sous-sol renferme de la houille. Une coupe des terrains à partir des alluvions de la vallée montre, en effet, qu'au-dessous des marnes et des calcaires lia- siques, puis des grès triasiques, se rencontre un filon houiller, prolongement de ceux des bassins sarrois et mosellan, qui pourrait être exploitable. Réserve sans doute considérable, elle donnera peut-être lieu dans l'avenir, à l'apparition d'un nouveau paysage, où dis- paraîtraient sous les chevalements des puits, des terrils et des installations industrielles multiples, les riantes perspectives de la vallée. Des exemples récents dans le département de la Moselle montrent que de telles trans- formations, avec les moyens techniques de notre siècle, sont du domaine possible et qu'elles peuvent être rapides. Par ailleurs, des sondages ont été récemment entre- pris dans la Woëvre pour vérifier la présence du pétrole. Dans l'état actuel des recherches, qui se situent princi- palement près de , il est trop tôt pour se prononcer. Les grands optimismes en cette matière, ont été souvent suivis de grandes déceptions, et il serait hardi et présomptueux d'entrevoir déjà la transformation de la région touloise et mussipontaine en un nouveau Texas. Le climat et le paysage végétal. Le climat lorrain a mauvaise réputation ; ses hivers froids et humides à la fois, la lourdeur orageuse de certains étés, son printemps tardif et son automne pré- coce, le font passer pour rude et maussade. De fait, si on examine la courbe annuelle des températures de Nancy, on est bien forcé de reconnaître qu'elle présente des caractères peu engageants : 1°3 en janvier ; 9°2 seu- lement en avril, dénotant une lente ascension au prin- temps, avec des gelées encore fréquentes ; 9°8 en octobre, signifiant un rapide refroidissement en automne ; une amplitude moyenne annuelle de 16°8. Ces chiffres tra- duisent une influence continentale, qui se manifeste éga- lement par une forte fréquence de vents d'est et de nord-est, et des averses d'été (68 mm en juillet). Pour- tant, un total pluviométrique annuel de 737 mm avec un maximum d'automne (74 mm en octobre) et une fré- quence assez élevée de vents d'ouest et de sud-ouest, sont indéniablement des marques océaniques. C'est que le pays lorrain, hautes terres, s'élevant progressivement vers l'est jusqu'au massif vosgien, forme un écran aux vents d'ouest, tout en étant ouvert aux bises du nord-est et aux hautes pressions continentales, lorsqu'elles pous- sent des prolongements vers l'Europe occidentale. Il s'agit donc d'un climat complexe, où se rencontrent et se combattent deux influences opposées ; c'est ce qui le rend assez pénible à supporter par quiconque n'y est pas adapté par atavisme ou longue accoutumance ; il est déconcertant par ses variations brusques, qui font se succéder, à courts intervalles parfois, un temps cou- vert, peu froid, accompagné de « mousine », cette petite pluie fine et pénétrante qui pourrait s'apparenter au « crachin » breton, et un froid sec, vif, sous un ciel clair. Mais en matière de climat, il faut se garder de trop généraliser ; sur les grandes lignes qui viennent d'être tracées se greffent des variantes locales parfois impor- tantes. C'est ainsi que la vallée de la Moselle, où se niche Pont-à-Mousson, bénéficie de conditions qu'on ne peut qualifier de privilégiées, mais qui apparaissent com- me un peu plus clémentes au milieu de la grisaille du tableau d'ensemble. Au début de notre ère, Ausone chan- tait déjà la riante vallée mosellane ; la côte et ses buttes- témoins lui constituent un abri, et leurs versants béné- ficient d'une bonne insolation ; les températures d'hiver y descendent moins bas que sur les plateaux ou dans la vallée de la Seille ; la neige y est aussi moins abon- dante et tient moins longtemps ; par contre, les brouil- lards y stagnent volontiers, sauf quand les vents du nord et du nord-est s'y engouffrent. Ces variantes climatiques se retrouvent dans le pay- sage végétal. Les sommets des côtes et les abords de la plaine de la Seille portent de vastes lambeaux fores- tiers, restes d'une couverture boisée jadis plus étendue, et amenuisée par un défrichement séculaire. Pont-à- Mousson est ainsi entouré d'une ceinture verte, forêt de Puvenelle, Bois le Prêtre, sur la rive gauche, forêt de Facq à l'est. Au pied des hauteurs et sur les pentes s'étagent des vergers où dominent mirabelliers et quet- schiers, arbres typiquement lorrains, aux produits appré- ciés, mais où figurent également cerisiers et pommiers. La vigne subsiste, de façon fragmentaire, témoin d'une extension passée plus grande ; la structure cadastrale en est la preuve, comme dans beaucoup de localités de la région, y compris la banlieue de Nancy ; si certains secteurs du vignoble de la vallée de la Moselle ont gardé une réputation de bon aloi, notamment aux environs de Toul et aux approches de Metz, par contre à Pont-à- Mousson, les plants directs ne donnent qu'un produit médiocre et de consommation exclusivement familiale. Au nord, dans le val de Metz, la culture des fraises est une activité importante. Les sols calcaires du revers des côtes, et les lourdes terres des dépressions, sont des pays de grande culture, où l'association céréales-bette- raves voisine avec un élevage prospère, en de grandes exploitations où la mécanisation s'est implantée depuis dix ans. Mais il y a aussi de petites propriétés, exploi- tées par des familles mi-ouvrières, mi-paysannes ; l'hom- me travaille à l'usine, consacrant ses loisirs à sa terre, tandis que la femme entretient une basse-cour et même quelques vaches. C'est cette variété des paysages qui donne à la région mussipontaine une harmonie exempte de monotonie, et du charme allié à certaine sévérité, traduisant le travail de l'homme face à une nature dont il faut souvent, plus qu'ailleurs, forcer la rudesse pour la rendre utile et plus accueillante ; et, du haut de Mousson, ou des lacets de la descente sur Montauville, en contemplant le pano- rama qui se déploie, on se prend à redire en pensée certaines phrases de Barrès qui, d'une autre manière, que la science géographique, mais avec peut-être plus de vérité d'expression, a su décrire cette nature lor- raine, parfois répulsive de prime abord, mais captivant à la longue celui qui a su la comprendre.

PREMIERE PARTIE

CHAPITRE PREMIER

PONT-A-MOUSSON, CHEF-LIEU DE CANTON DU DEPARTEMENT DE -ET-MOSELLE

Le voyageur, qui débarque en plein jour à la gare de Pont-à-Mousson, peut, sans plus attendre, se rendre compte par la lecture d'une plaque indicatrice, émaillée blanc et bleu, qui ne doit pas dater d'hier, que la ville où il va pénétrer est située à une altitude de 183 m 588 mm au-dessus du niveau de la mer et qu'elle se trouve à une distance de 363 kilomètres de Paris, de 29 de Nancy et... de 10 de Pagny-sur-Moselle, car la S.N.C.F. semble ignorer que, depuis 1914, il s'est passé quelques petits événements qui ont eu pour résultat final de repousser de 100 kilomètres environ la frontière qui passait naguère à 2 lieues de notre ville et qui en faisait même, dans l'Est de la France, la sentinelle la plus avancée vers sa voisine l'Allemagne. Comblons donc cette lacune, s'il en est encore temps, et disons tout bonnement que Pont-à-Mousson, comme de Nancy, se trouve à 29 kilomètres de Metz, la capitale mosellane, ce qui n'est pas sans importance, car notre bonne ville sert ainsi de trait d'union entre les deux grandes sœurs, si souvent naguère adversaires farouches, aujourd'hui solidement réconciliées.

Pont-à-Mousson est dominé par la côte abrupte de Mousson, derrière laquelle se démasque à gauche un autre piton un peu plus écarté de la vallée de la Moselle : le Xon, tandis qu'à droite s'élèvent le Mont Sainte-Gene- viève et le Mont Toulon. Sur la rive gauche de la rivière, une brèche dans les coteaux qui bordent la vallée se laisse deviner par où s'insinue la route de Commercy, dominée par le Bois- Le-Prêtre et le Haut de Rieupt ; à gauche au loin, le château redoutable de Prény, nid d'aigle lorrain, face à celui de Mousson, forteresse des comtes de Bar. Au sud de la ville, on trouve l'agglomération de Blénod, et à l'ouest celle de Maidières, qu'on peut considérer toutes deux comme ses faubourgs. La position géographique de Pont-à-Mousson se trouve très sensiblement sur une ligne droite allant de Toul à Metz, un peu plus près de Metz que de Toul, et si l'on suit les vallées de la Meurthe et de la Moselle, qui se prolongent en une seule grande courbe de Nancy à Metz, on rencontre Pont-à-Mousson un peu à l'ouest du méri- dien commun des deux grandes cités, la Lorraine et la Mosellane, à égale distance de l'une et de l'autre. Au point de vue des communications, la ville est placée à un carrefour de voies terrestres particulièrement impor- tant. Outre les deux routes qui suivent la vallée de la Moselle de part et d'autre, dans la direction nord-sud, on rencontre transversalement la grande route de Saint- Dizier (Paris) venant de l'ouest, et, la rivière franchie, deux autres routes qui continuent vers l'est en contour- nant la côte de Mousson et se dirigeant l'une vers Saint- Avold et la Sarre, l'autre vers et Château-Salins. Etant donné que ces voies ont dû se croiser dans les temps les plus reculés, dans les deux sens nord-sud et ouest-est, on conçoit sans effort que cette position ait été exceptionnellement favorable à l'emplacement d'une cité et que tout naturellement les hommes soient venus s'y grouper de bonne heure sous la protection de la forte- resse de Mousson.

La commune de Pont-à-Mousson confine à celles de Vandières, Champey, Bouxières-sous-Froidmont, au nord; à l'est, à celles de Lesménils, Mousson et Atton ; au sud, à Blénod et Maidières, et à l'ouest, enfin, à Norroy et Montauville. Son territoire, son ban, englobe la vallée de la Moselle dans toute sa largeur et s'étend de plus sur les pentes des collines situées à l'est et à l'ouest de cette vallée. Le canton comprend actuellement 27 communes alors qu'avant la Révolution le baillage de Pont-à-Mousson comportait 60 paroisses. Le total des habitants du canton est de 28.385 ; et voici la liste de ses différentes communes avec le nombre d'habitants de chacune d'elles : Atton 369 . 692 Norroy 378 Autreville .. 242 . 125 Pagny 2921 Belleville .. 1070 Lesménils .. 189 Port/Seille . 173 . 141 Loisy 202 Preny 221 Blenod . ... 2757 Maidières .. 1009 Sainte - Gene- Bouxières .. 193 Millery .... 389 viève .... 113 Champey .. 145 Montauville . 650 Vandières .. 783 Dieulouard . 3536 Morville ... 127 V. au Val .. 132 Fey ...... 49 Mousson ... 106 Villers/Prény. 269 . 88 Pont-à-Mousson : 11.416 En tant que chef-lieu de canton, Pont-à-Mousson pos- sède un tribunal de justice de paix, trois études de notaire, un collège mixte, un bureau payant de la Sécu- rité Sociale, des cours professionnels et ménagers pour jeunes filles, les indispensables contrôleur et percepteur des Finances, une brigade de gendarmerie et, au point de vue spirituel, deux paroisses dont l'une, Saint-Martin, est le siège d'un doyenné. Tout le canton, M. Oberdorfer l'a expliqué bien mieux que nous, comme ceux qui l'entourent, est en terrain jurassique, c'est-à-dire de la période secondaire, où l'on trouve de nombreux fossiles provenant de cette époque. La Moselle, qui le traverse, coule dans une vallée entièrement formée par ses alluvions sableuses et cail- louteuses. Le peu de consistance de ces terrains facilite singu- lièrement les érosions des rives et par suite le dépla- cement du lit même du fleuve, ce qui s'est produit plu- sieurs fois, même au cours des temps modernes, où il vient grignoter de plus en plus les pieds des côtes de Cuite, du Bois-le-Prêtre et de Norroy. C'est pourquoi des ouvrages importants ont été faits à Pont-à-Mousson, à travers les âges, pour contenir la Moselle et protéger ainsi ses riverains contre ses débor- dements ; des digues ont été construites, et actuellement encore on travaille en amont de Norroy à rectifier le cours du fleuve, menaçant gravement le canal et la voie ferrée. Aussi loin que l'on puisse remonter dans l'histoire, on constate que des crues importantes et dévastatrices se sont produites en 1491, en 1562, 1624, 1778 (1), 1880, etc. (un arrêté du 16 mai 1734 ordonne l'arrachage des haies,

(1) En 1778, un bourgeois, surpris dans sa cave y fut noyé, sans avoir eu le temps d'en sortir, tellement la crue de la Moselle fut subite. Dans un couvent (?), toutes les religieuses furent noyées à l'exception de la supérieure (d'après Charles Sadoul). arbres et murs sur la chaussée de Maidières, passage des inondations) tandis que par un ironique contraste la rivière fut à sec en 1493 et 1516. Dans les environs de Pont-à-Mousson même, la Moselle reçoit plusieurs petits affluents ; sur la rive droite, le ruisseau de Poncé, le ruisseau Cendré, celui d'Atton ; à gauche, le ruisseau d'Esch et celui de Montauville, qui arrose les Maxouages, ou marais transformés en jardins potagers, de Saint-Laurent-le-Lévite ou le Vieux et dit « ruisseau des Bas-Lieux ». Une très ancienne association, survivance des Corpo- rations de maraîchers d'autrefois et appelée « Syndicat des Maxouages », était chargée de réglementer l'irriga- tion de ces jardins par l'eau du ruisseau qui avait été divisé en deux branches dans ce but. Enfin, il n'est pas inutile de constater depuis un siècle le mouvement de la population mussipontaine qui peut s'inscrire comme suit : 1821 7.015 habitants 1852 7.843 — 1871 7.963 — 1876 10.970 — 1880 11.865 — 1954 ...... 11.416 — Et nous noterons, non sans amertume, que le budget municipal qui en 1835 s'élevait à une somme de 35.000 francs avec 34.000 francs au chapitre des dé- penses, se monte en 1954 à 79 millions. L'augmentation massive de la population des dernières années citées ci-dessus provient d'une part de l'afflux des émigrants lorrains après 1870, de l'autre, du déve- loppement de l'industrie à Pont-à-Mousson, dû, ainsi que nous le verrons, à la prospérité, toujours en courbe ascendante, de la Société des Hauts-Fourneaux et Fon- deries fondée en 1856.

CHAPITRE II

PONT-A-MOUSSON DANS L'HISTOIRE LOCALE ET GENERALE JUSQU'EN 1789

Il est toujours flatteur d'avoir des ancêtres et c'est pourquoi des écrivains lorrains, plus spécialement mussi- pontains, se sont efforcés, avec autant de naïveté que de bonne foi, de trouver à la ville de Pont-à-Mousson des parentés si lointaines, que certains même, tel le bon « docteur » Napoléon Henry d', n'hésitent pas à assurer que la ville de Pont-à-Mousson, comme Thionville d'ailleurs, selon leur thèse, aurait été créée par des Troyens fuyant leur patrie après la victoire des Grecs. D'autres auteurs, moins ambitieux, se contentèrent du parrainage de Jules César, ce qui en somme serait très flatteur pour nous, malgré le peu de sympathie qu'inspire le personnage. Ne soyons pas si présomptueux et reconnaissons, sans jalousie, que si le bourg et le château de Mousson pos- sèdent d'incontestables lettres d'ancienneté, la ville du Pont qui y conduisait — qui y conduit encore — n'appa- raît dans l'histoire que vers le XI siècle sous les espèces d'une bourgade de bien maigre apparence : quelques pauvres maisons groupées sur la rive droite de la Moselle au débouché d'un pont, bien plus ancien qu'elles encore. Villa Pontus Sub Castro Montionis (1), écrit pompeu- sement M. E. Ory, après Dom Calmet, avec qui nous admettrons volontiers que l'emplacement de cette « Villa Pontus » devait présenter quelque intérêt puisque dès l'an 1200, sur l'initiative de l'évêque de Metz, Bertram, il y fut construit un hôpital réservé aux malheureux atteints d'un mal demeuré mystérieux pour le -Age (de même que la rage d'ailleurs), appelé le Feu Saint- Antoine ou Mal des Ardents, mais bien connu de nos jours sous le nom d'ergotine, causé, on le sait, par du pain fabriqué avec de la farine de seigle défectueuse et corrompue. Cet hospice, au début, dépendait de la Com- manderie de Saint-Antoine de Liège qui en avait l'ad- ministration et c'est ainsi que le bourg où il était installé reçut par la suite le nom de Pont-Saint-Antoine. Ce n'est que plus tard que la ville occidentale de Pont-à-Mousson prit naissance sous le règne du comte de Bar, Thibaut I, dixième comte de Mousson (1192-1211), mais comme elle fut la proie des flammes sous le règne de son successeur Henri II, c'est l'héritier de celui-ci, Thibaut II (1240-1291) que l'on peut considérer comme le véritable fondateur de Pont-à-Mousson. Ce comte de Bar, et qui n'a jamais été duc de Lorraine,

(1) M. l'abbé Choux a identifié en Pont-Saint-Vincent, la localité dite : « Pontus Super Mosellam » (S. A. L., 11-5-51). malgré la plaque de la rue actuelle qui porte son nom, décida d'agrandir et d'embellir l'agglomération de Pont- Saint-Antoine et dans ce but il y attira les habitants des villages voisins en leur promettant de sérieux avan- tages et l'octroi de la loi dite de Beaumont (en Cham- pagne, qui fut la première charte libérale de toutes les communes de Champagne et de Lorraine). « Pont-sous- Monçon » ou mieux Pont-à-Mousson vit donc arriver sur sa rive droite les habitants du village de Thirey ou Trey (dont la — Vieux Trey conserve le souvenir) qui y créèrent la paroisse Saint-Martin, située au nord de la nouvelle ville. Sur la rive gauche, les gens de Blénod, de Saint-Laurent près Maidières (Saint-Laurent- le-Vieux), de Rieupt se laissèrent également tenter par les promesses du comte et c'est ainsi que naquirent les trois paroisses de Saint-Jean, de Saint-Laurent, de Sainte- Croix-en-Rieupt qui devaient durer jusqu'à la Révo- lution. La collégiale Sainte-Croix-sur-le-Pont, qui n'était pas une paroisse, fut elle aussi érigée sous les auspices du comte Thibaut qui a l'autre extrémité de ses domaines vers la France fonda en 1259 la collégiale de La Mothe. Ayant ainsi peuplé sa nouvelle cité, dotée de la loi de Beaumont qui l'affranchissait, Thibaut l'entoura de murailles pour mettre ses habitants à l'abri des attaques de l'ennemi, en l'occurrence — et le plus souvent — nos bons voisins de la République de Metz. Ainsi, grâce à sa forteresse de Mousson, il pouvait encore tenir tête au duc de Lorraine dont il enserrait les possessions par ses prévotés de Nomeny, Pont-à-Mousson, , Gondre- court, La Mothe et Conflans. Les fortifications de Pont-à-Mousson, sur la rive droite, étaient percées par les portes de Trey, de Mousson, aux Chevaux, d'Atton. Celles de la rive gauche, par les portes Notre-de-Dame, de Rieupt, de la Poterne et des Pêcheurs. Des tours les défendaient, tour des Carmes, tour sur l'Eau à l'est, tour de Prague, tour Carrée, tour des Tem- pliers à l'ouest, tour Rouge au nord. Thibaut II, marié à Jeanne de Flandre, intervint mal- heureusement en 1253 dans la guerre de succession de Flandre et de Hainault et fut fait prisonnier par le roi des Romains à la bataille de West-Capelle où il perdit un œil.. Poète à ses heures, il gémit sur son sort en captivité mais il y trouva néanmoins l'occasion d'admirer le tra- vail des architectes flamands et réussit à décider quel- ques-uns d'entre eux à le suivre lors de son retour dans ses Etats. C'est à ces artistes anonymes que l'on doit la construc- tion des Arcades de la Grande-Place, devenue de nos jours la place Duroc, de celles de la rue Notre-Dame (rue Victor-Hugo), de la rue de la Poterne, de la rue des Frontières (rue Gambetta) qui furent démolies par la suite et qui donnèrent à la ville un aspect aussi ori- ginal que pittoresque. Relevons qu'à cette époque, Pont-à-Mousson dépendit dorénavant, au point de vue ecclésiastique, de l'évêché de Metz pour la rive droite et de celui de Toul pour la rive gauche. Le fils de Thibaut II, Henri III, qui avait épousé Eléonore, fille du roi d'Angleterre Edouard I constitua un domaine à sa femme composé des chatellenies de Bar, Saint-Mihiel et Mousson. En guerre avec le roi de France, Philippe le Bel, Henri III fut battu mais fit amende honorable et put récu- pérer ses terres. En 1314, s'il faut en croire la chronique, sous le règne du comte de Bar, Edouard 1 qui devait mourir à Chypre, des inondations ruinèrent Pont-à-Mousson qui souffrit de la famine et où la peste ne tarda pas à se déclarer. C'est peut-être le moment de constater que pour toute cette période, les « historiens » du passé se contredisent sans vergogne et qu'il est préférable, faute de preuves formelles, de s'abstenir de rapporter les contes, si flat- teurs soient-ils, de certains d'entre eux. Seul, notre regretté ami, Pierre Boyé, dans son ouvrage sur Mousson, a apporté des clartés certaines dans cet écheveau si embrouillé où certains mélangent à plaisir les ducs de Lorraine, les marquis de Pont-à-Mousson et les comtes de Bar, sans bien se rendre compte de l'éten- due des pouvoirs des uns et des autres et de l'exacte situation de leurs domaines respectifs. Arrêtons-nous donc à Robert 1 comte de Bar, cin- quième successeur de Thibaut II, dix-huitième et dernier comte de Mousson, qui ne devait pas tarder à recevoir de l'empereur d'Allemagne le titre nouveau de marquis de Pont-à-Mousson et de duc de Bar. En mil trois cent cinquante-trois Vint de Boême à Metz un roi Qui fit marquis Robert de Bar Quelques jours avant son départ... Malgré la vieille chronique, ce n'est que le 13 mars 1354 que l'empereur Charles IV, voulant donner au comte Robert un témoignage tout particulier de son affection, érigea la terre et la seigneurie de Pont-à-Mousson en marquisat et lui permit d'échanger son titre de comte de Mousson en celui de marquis « du Pont près Monçon ». Comme le nouveau marquis ne devait pas tarder à devenir duc de Bar, c'est par lui, et lui seulement, que notre ville devait se rattacher à la maison de Lorraine lorsque les deux duchés, Bar et Lorraine, seraient réunis sur la tête du duc René I d'Anjou (1431). En effet, peu auparavant, le 20 mars 1419, à Foug, le duc de Bar le cardinal Louis s'était engagé à faire donation au gendre du duc de Lorraine Charles II, René d'Anjou, du duché de Bar et du marquisat du Pont, dont la ville de Pont-à-Mousson. C'est à cette époque, semble-t-il, que furent attribuées à notre ville les armes qu'elle devait conserver et où se sont ajoutées glorieusement, il ya quelques années, une croix de guerre et une légion d'honneur bien méritées. « De gueules au pont d'argent de trois arches, gardé de deux tours carrées du même, sur une rivière de sinople à l'écusson mouvant des armes du duché de Bar, l'écu bordé d'or. » Les années passent et presque toutes, pour Pont-à- Mousson, sont marquées par des escarmouches avec les Messins. Le pillage en était le but principal. Au point que saint Bernard lui-même, venu en 1153 de Clairvaux, malgré son grand âge et ses fatigues, s'efforça d'inter- venir pour ramener la paix entre les frères ennemis groupés de part et d'autre de la Moselle, au pied du Froidmont. Plus tard, c'est un duc de Lorraine, en mal de conquête, qui tente de s'emparer de Metz avec l'aide d'une « machine infernale » construite par l'ingénieur allemand Krantz, à Mousson. En 1374, une épidémie bizarre éclate au Pont. Ceux qui en sont atteints paraissent gagnés par la folie : ils crient, ils chantent, ils dansent, et pour les calmer le traitement consistait « à les fouler aux pieds au moment où l'épuisement les avait jetés à terre, ou bien encore, on leur serrait fortement le ventre sous le nombril ». Lors de la « sanglante bataille » de en 1417, où le duc de Lorraine Charles II se battit contre le maréchal de Luxembourg et les comtes de Nassau et de Sarwerden qui l'avaient insulté, la guerre se rap- procha de Pont-à-Mousson, les bourgeois prirent les armes et montèrent aux remparts, mais ils n'eurent pas à intervenir. C'est en 1429 — et dès lors nous possédons des docu- ments précis — que vit le jour à Pont-à-Mousson, au château construit par Robert en 1359 et qui défendait la Moselle sur la rive gauche, la seconde fille du duc René et d'Isabelle de Lorraine. La duchesse y était venu faire ses couches parce qu'elle affectionnait particulièrement le climat du Pont ainsi que ses eaux ferrugineuses. Ce château, que nous appelons improprement le Vieux Château, était alors désigné sous le nom de Neuve- Maison, ou encore Porte-Maison, Palais ou Chastel et c'est pourquoi ces moqueurs de Messins avaient sur- nommé la petite Marguerite : « La fillette du Chastel ». A cette malheureuse princesse, Marguerite d'Anjou, qui ne demeura pas longtemps à Pont-à-Mousson et suivit sa mère en Italie, était réservé un avenir des plus tra- giques puisqu'elle devait perdre à la fois son mari, son fils et le trône d'Angleterre où elle avait été élevée par son mariage. Le château ducal de Pont-à-Mousson était alors un imposant édifice flanqué de tours rondes d'un côté, car- rées de l'autre, crénelées et accessibles seulement par des poternes munies de pont-levis (1).

Le duc René 1 le « bon roi René », prisonnier du duc de Bourgogne, après la bataille du Bulgnéville (1431) qu'il avait perdue, avait, pour payer sa rançon, contracté de fortes dettes qu'il ne se pressait pas de rembourser. Parmi ses créanciers les plus importants, il y avait des Messins qui lui avaient avancé de grosses sommes et ceux-ci, peu patients, décidèrent de rentrer de toutes manières dans leurs fonds. Ils s'y prirent de singulière façon. A cette époque, un important pèlerinage attirait les Lorrains en foule à la commanderie Saint-Antoine de Pont-à-Mousson et la duchesse Isabelle, épouse de René, ayant manifesté le désir de s'y rendre, s'était fait pré- céder de tous ses bagages. Les Messins prévenus s'em- busquèrent sur la route, enlevèrent le contenu des cha- riots et, malgré toutes les réclamations du duc, refusèrent de rendre les robes et joyaux de la princesse. Celle-ci, exaspérée, décida son mari à faire la guerre aux Messins et René invita le roi de France Charles VII à joindre ses troupes aux siennes. Le roi, enchanté de l'occasion, s'avança en Lorraine avec ses routiers, les fameux Ecorcheurs, et la guerrilla commença autour de Metz au mois de septembre 1444. Les hostilités devaient durer jusqu'en février 1445 où des négociations entre les deux partis eurent lieu à

(1) Emplacement des casernes.