Gilbert/ BAUDOIN

HISTOIRE DU F.C. MONTBÉLIARD

... ou 55 ans de football en "bouton d'or et bleu"

Préface de J. Thouzery Président du F.C.S.M.

Editions HORVATH 1984 Du même auteur: - Pont-de-Roide 1900, (en collaboration avec Alain Convercy), 1979. - Le Pays de Montbéliard d'Autrefois, (en collaboration avec Alain Convercy), éd. Horvath, 1981. - Montbéliard pas à pas, (en collaboration avec Jean-Claude Voisin), éd. Horvath, 1983.

Nous adressons nos plus vifs remerciements : - à Jacques Thouzery, président du F.C.S.M. auprès duquel nous avons trouvé la compétence, la sagesse, l'enthousiasme, la rigueur et la chaleur humaine qui sont l'apanage des grands présidents de club. - à Jean Monange, de la Ligue de Franche-Comté de Football, dont l'éru- dition, les encouragements et la gentillesse nous furent si précieux. - au service des archives municipales de Montbéliard. - au service des archives départementales du Territoire de Belfort. ainsi qu'à : - Michel Cagnion et Dominique Vermand de la Fédération Française de Football ; - Sylvio Croci et le secrétariat du F.C.S.M. ; - Christophe Dollet, de la rédaction montbéliardaise de l'« Est Républi- cain » ; . - Thierry Eveno et Michel Schuller, de la rédaction montbéliardaise du « Pays de Franche-Comté » ; - André Aubert, photographe de la ville de Montbéliard ; pour leur aide dans la recherche des documents photographiques. A Jean-Mathieu, mon fils.

Directeur de publication : Gérard TISSERAND Directrice littéraire : Corinne POIRIEUX Copyright Éditions HORVATH - 27, boulevard Charles-de-Gaulle - 42120 LE COTEAU I.S.B.N. 2-7171-0345-7 PRÉFACE

Je croyais être imbattable dans la connaissance du F.C.S.M. ! En effet, depuis 1937, j'étais déjà, gamin parisien à l'époque (et qui ne savait même pas où était Sochaux), un inconditionnel de cette équipe prestigieuse. J'ai même pu, 40 ans après, montrer à Di Lorto, encore fidèle spectateur du stade Bonal, une photo dédicacée que j'avais réussi à obtenir dans la mêlée des gosses qui se battaient pour l'approcher... en 1937 ou 38. Naturalisé franc-comtois depuis bientôt 35 ans, je ne crois pas avoir manqué vingt matchs en spectateur assidu de ce club dont, il y a dix ans, on m'a confié la présidence. «Le bonheur, c'est un rêve d'enfant concrétisé à l'âge adulte». Si cette maxime est vraie, je suis donc comblé. ... donc, je croyais tout savoir ! Lorsque M. Baudoin m'a présenté son manuscrit, et après une ving- taine de pages, j'ai compris qu'on a toujours tort de se croire " le mieux informé "... et ce sentiment n'a fait que s'accentuer au fil de la lecture. Je lui ai posé la question : « Comment diable avez-vous su tout cela, vous qui avez vingt ans de moins que moi! » Ma question était stupide puisque M. Baudoin est historien, habitué à ce genre de recherches. Mais, dans ce cas, il a aussi, et même surtout, laissé parler sa passion du football (et bien sûr du F.C.S.M.). C'est pourquoi, il a délibérément évité le syle "écrivain" ou romancier, tout en ne copiant pas non plus le reportage d'un journaliste sportif. En fait, si j'avais à définir le mode d'expression choisi : c'est celui des tribunes et des gradins. Ainsi, on "vit "les matches et aussi leurs coulisses. Ce film de 55 ans se déroule et on a l'impression "d'être là », guettant les exploits des Di Lorto, Mattler, Courtois, Abegglen, Duhart, Hug... e puis ceux des Jacques, Gardien, Tellechéa, J.-J. Marcel, Biancheri, Bosquier, Quittet, e pour passer en tournant les pages à Lech, Watteau, Wizniewski, Djaadaoui, Sélès, Revelli, Posca, Rust, e et enfin, les purs produits de notre formation (après les lionçeaux) : Bats, Genghini, Benoît, Ruty, Bonnevay, Stopyra, Colin, Anziani, Fernier, Zandona, Croci... Mais en plus, à travers ces pages, on découvre, avec le recul, ce qui peut-être n'est guère visible quand on vit le championnat au jour le jour. Quittant le détail, comme un avion prend de l'altitude, on appréhende le véritable paysage d'ensemble. Ainsi, à travers ces 55 ans, des "constantes " se détachent qui montrent qu'un club, ce n'est pas une succession chrono- logique de saisons, mais qu'il dégage une "âme une personnalité spéci- fique. Pour notre F.C.S.M. (en dehors de certaines défaillances dans les cinq dernières minutes qui semblent se répéter dans notre histoire), je crois que j'en dégagerai trois principales : Le style de jeu - Une certaine idée du football De tous temps, le F.C.S.M. a opté pour un jeu académique, basé sur la technique, le mouvement, l'imagination. Sa correction a toujours été appréciée des arbitres et adversaires. Ce n'est pas le football "combat impitoyable, ne lésinant pas sur les moyens, à la limite (et parfois au-delà) de la virilité agressive. Et ceci a ses conséquences dans toute notre histoire : e Quel que soit son classement, Sochaux plaît à l'extérieur et dans le "classement des recettes chez l'adversaire "(celles du stade Bonal sont très basses, à la fois à cause des tarifs pratiqués dans cette zone industrielle où 20 à 30 % de places sont vendues en populaire, et aussi de la faible poten- tialité en nombre). e Une certaine inefficacité périodique, surtout devant les équipes spécialistes du " hurra-football du " béton qui se traduit souvent, en cours de saison, par des parcours en "ascenseur" dans le classement. e Par contre, tous nos meilleurs matchs, nos meilleurs résultats, sont obtenus contre les équipes vedettes, celles qui "jouent au football - dès avant-guerre : l'O.M., Strasbourg, le Racing, Sète, - puis : Lille, Reims, Saint-Etienne, - aujourd'hui : Bordeaux, Nantes, Monaco, Paris-Saint-Germain. Même dans ses mauvaises saisons, Sochaux est l'équipe redoutée des leaders. e D'où finalement un palmarès relativement faible, au vu de la qualité du jeu (une coupe de et trois finales, deux titres de Champion, trois coupes Drago, mais il est vrai : quatre participations aux Coupes U.E.F.A.). Des résultats en "dents de scie "avec même trois passages au purgatoire de Division II.

L'esprit collectif Bien des grands noms de l'équipe de France ont porté notre maillot, mais Sochaux a toujours été avant tout "une collectivité", qui englobe d'ailleurs : dirigeants, entraîneurs, joueurs, dans un climat d'amitié. Bien des anciens, qui avaient quitté le F.C.S.M., m'ont déclaré : « On porte le maillot or en plus du sien quand on a connu l'ambiance unique de Sochaux ». Cet esprit de corps se retrouve sur le terrain où internationaux, équipiers obscurs, jeunes débutants, se fondent avec abnégation dans un même élan sans chercher à briller individuellement.

La politique de jeunes et la politique de gestion Il faut voir la source de cette éthique dans la symbiose de ce club avec une grande firme industrielle ()... Il y a forcément osmose dans la philosophie de gestion, la rigueur, le sens du long terme, le renoncement aux coups de poker hasardeux (auxquels tant de clubs ont dû leur chute). Ce parrainage est double puisqu'il intéresse à la fois : e La "société "Peugeot qui permet à un club Pro de Division 1 de vivre malgré ses 6 000 spectateurs de moyenne et qui réalise tous les investisse- ments, réparations, améliorations : Sochaux est le seul club français à évoluer sur des installations privées (stade, salles, terrains, personnel d'entretien...). Le club a toujours été autonome et indépendant (contrairement à ce que pensent certains), autant que n'importe quel club de Division I : que ce soit dans son recrutement, sa gestion financière, son organisation. Simplement, le tout est délimité dans une " enveloppe budgétaire prévision- nelle "discutée en début de saison entre la Direction AP et celle du club. Il n'en reste pas moins que les caractéristiques de sérieux et de réflexion résultent de cette union. A travers le livre de M. Baudoin, cette " constante" dans la politique trouve sa démonstration dans l'option que, dès ses débuts, le F.C.S.M. a choisie : les jeunes et leur formation. - Même avant-guerre, où l'automobile était encore un objet de luxe, on trouve effectivement des "vedettes "à Sochaux mais pas aux tarifs prati- qués aujourd'hui ! Et malgré cela, avant 1940, déjà, on lance cette idée, qu'à côté des grands noms, il faut former des jeunes qui assureront l'avenir. - Retour de guerre : il faut reconstruire les usines, l'automobile se démo- cratise... La page est définitivement tournée et Sochaux lance une école de football... puis, quelques années après (en 1949) la fameuse phalange des Lionceaux. - Et enfin, depuis onze ans, Sochaux, l'un des premiers, se fera le cham- pion des Centres de Formation, ce qui est l'acte de foi de sa politique. Tournant le dos au vedettariat, aux escalades financières qui font peser une grande menace sur notre football, le F.C.S.M. préfère cultiver ses "jeunes pousses " par son travail, avec de bonnes et mauvaises saisons , que d'aller "faire son marché " dans le potager des autres. Bien sûr, avec le risque (déjà concrétisé) de se voir "piller " ses meilleurs produits par la chasse à coups de millions à laquelle se livrent trois ou quatre clubs nantis... ou croyant l'être pour longtemps. Et cela aussi on le retrouve très tôt dans l'histoire... avec une accélération ces dernières années (Genghini, Stopyra... et bien d'autres demaiji). Il ne suffit pas "d'affirmer " une politique, nous l'avons "démontré " : neuf joueurs formés à Sochaux et parfois plus, sur la feuille de match et quinze pour la dernière rencontre de Coupe U.E.F.A. contre Salonique... Qui pourra un jour en dire autant ? Cette politique (à qui nous devons quatre participations U.E.F.A. en dix ans dont une demi-finale) continuera, quelles que soient les embûches, car c'est notre "credo " et (croyons-nous) la seule issue pour éviter la faillite financière du football français. Notre seul vœu est que, bientôt, la législation sportive protège les clubs formateurs, ceux qui travaillent avec patience, contre les tentations de transferts à prix d'or qui, malheureusement, faussent le jeu. Pourtant le championnat ne se joue pas à quatre clubs plus des "faire- valoir mais à vingt. Avant-guerre, la France du football était "bouton d'or", c'était Sochaux. Après, elle devient "rouge" avec Reims, "verte" avec l'A.S.S.E., "canari " avec Nantes. Notre souhait, c'est qu'elle soit multicolore en permanence, comme l'arc-en-ciel, celui du plus beau sport du monde, devenu véritablement un phénomène social, mondial, un "Empire sur lequel le soleil ne se couche jamais Merci, M. Baudoin de nous avoir permis de revivre ce passé, ces cinquante-cinq ans. Pour ceux de mon âge, c'était un retour à la jeunesse ; pour d'autres, suivant leur âge, c'était à la fois la recherche des sources d'une merveilleuse aventure dans laquelle ils sont entrés en cours de chemin, et le rappel de ce qu'ils ont connu depuis. Pour tous, le stade Bonal (et les autres stades de France) a revibré en retrouvant ces instants de gloire, de déception aussi..., mais toujours de passion. J'espère que, dans cinquante ans, un nouveau M. Baudoin reprendra cette épopée en 1984... pour le plaisir de nos petits-enfants. J. THOUZERY, Président du F.C. Sochaux. AVANT-PROPOS

L'intérêt d'un match de football, c'est qu'il ne ressemble jamais à un autre, car, au-delà des tactiques et des techniques, il y a des hommes, des joueurs, des entraîneurs, des arbitres. Prompt à s'enflammer, prompt à siffler, le supporter de tout club en vient toujours, pourtant, à faire des comparaisons avec ce qu'il a connu " avant ", il y a un mois, il y a un an, de joies et de déceptions pour " son " équipe. C'est en pensant à cela que j'ai voulu raconter cette histoire. L'équipe que je vois évoluer, des gradins du vénérable stade Bonal, me rappelle d'autres équipes, d'autres soirées, mais ma mémoire est infidèle, partiale, et limitée par mon âge. Je me suis donc mis à la recherche du passé du F.C.S.M. pour me persuader que ceux qui en font aujourd'hui partie continuent une tradition déjà longue que seuls quelques " anciens " toujours jeunes connaissaient jusqu'alors. C'est à ces derniers que ces lignes sont dédiées. Puissent-elles ne pas trop comporter d'erreurs à leurs yeux ! C'est aussi aux supporters fidèles ou occasionnels que ces lignes sont destinées. Puissent-elles leur permettre de mieux assouvir leur passion ! Ecrire une histoire du F.C. Sochaux est le résultat d'un certain nombre de choix. D'abord, j'aurais pu m'adresser directement à ceux qui l'ont vécue, à ceux qui l'ont faite, les dirigeants ou joueurs, d'hier et d'aujourd'hui. J'ai préféré consulter tous les documents écrits pendant plus de cinquante ans et qui relatent les événements qui ont " fait " le club. Une grande partie vient des chroniques sportives des journaux, avec ce qu'elles ont de vérité, d'erreurs d'appréciation, d'imprécisions, d'enthou- siasme ou de subjectivité dont il fallait tenir compte. Ensuite, devant la masse d'informations mises au jour, un deuxième choix s'imposait : que garder ? Les événements importants, bien entendu, mais aussi tous les petits faits, toutes les déclarations des uns et des autres qui pourraient illustrer les grandes " tendances " de cette histoire qui se faisaient jour peu à peu. Enfin, pour les photos, le choix alla dans le même sens : devant leur nombre, il me sembla que devaient être reproduites, en priorité, celles qui mettent un visage sur un nom, et celles qui ont figé à jamais un événement important pour le club. Pour tous ces choix, l'auteur demande l'indulgence des lecteurs. Si des noms, si des faits sont oubliés, ou peu évoqués à leur goût, qu'ils lui pardonnent d'avance. L'auteur. Finale de la coupe (1937 : Mattler (à gauche), l'arbitre (M. Olive) et Halter. (Arch. F.F.F.). CHAPITRE PREMIER UNE ENTRÉE FRACASSANTE (1928-1932)

1. Tout débute en 1928 Le football régional 1928. L'A.S. est alors incontestablement "la" grande équipe de la région. Le 8 janvier, sur son terrain et devant 3 000 specta- teurs, elle rencontre Alès pour le compte des seizièmes de finale de la Coupe de France. Chavey et Ducellier marquent chacun deux buts, Haenni et Juillerat en ajoutent deux autres et tout cela en deuxième mi-temps. Ce résultat fleuve étonne à peine. Depuis 1921, l'A.S.V. tient le haut du pavé dans le championnat d'excellence de Bourgogne-Franche- Comté, où elle rencontre, outre des clubs bourguignons (Dijon ou Le Creusot), d'autres bonnes formations voisines comme l'U.S. Belfort, l'A.S. ou l'A.S. Montbéliard. Depuis 1921, elle a remporté tous les titres - sauf en 1922 - et, en 1928, elle le laisse filer au profit de sa rivale belfortaine. Mais son heure de gloire, c'est sa finale de la Coupe de France, contre l'Olympique de Marseille, en 1926. Bien que battue 4 à 1, l'A.S.V. a gagné ses titres de noblesse. Et en 1928, elle ne trébuche qu'en huitième de finale à Metz, contre le C.A. Paris, futur finaliste (2 à 0). Enfin, en 1927, les Boroillots participent au premier championnat de France. Les quinze ligues sont alors classées en trois catégories (honneur, promotion et première division) suivant le nombre de leurs équipes qui restent en lice en trente-deuxième de finale de la Coupe de France. Et les champions de chacune d'elles participent à une des trois poules. L'A.S.V. est en promotion avec le C.A. Messin, Saint-Chamond et le S.C. Reims, mais faire alors partie de ce championnat de France, n'est-ce pas une référence ? Voilà le F.C. Sochaux... En fait, l'A.S. Valentigney est le digne héritier d'une tradition footbal- listique dans le Pays de Montbéliard, où les débuts de ce sport remontent, semble-t-il, en 1904. Le 19 juin de cette année-là, des jeunes Montbéliar- dais, des collégiens, qui ne sont pas encore regroupés en équipe, rencon- trent les Sports-Réunis de Belfort. Ce n'est pas le 10 à 0 encaissé qui les décourage et, avec opiniâtreté, ils vont donner à chaque ville, à chaque village, le désir de monter leur " onze Les matchs se succèdent jusqu'en 1914, sans souci de championnat. Il faut attendre 1920 pour qu'une ligue et des compétitions régulières voient le jour. En 1928, le coup d'envoi de la saison est fixé au 23 septembre pour la division d'excellence de Bour- gogne-Franche-Comté qui regroupe l'U.S. Belfort, l'A.S. Valentigney, le R.C. Bourguignon (Dijon), le R.C.F.-Comtois (Besançon), la J.O. Creusot et l'A.S. Audincourt. Un championnat du district de Montbéliard comprend une division d'honneur avec l'A.S. Montbéliard, Beaulieu, Grandvillars, Delle, Colombier-Fontaine, Hérimoncourt, Pont-de-Roide et Chatenois ; une division d'honneur-excellence pour les deuxièmes et troisièmes réserves ; et une promotion de première série où s'affrontent : , Méziré, , , Héricourt, Dampierre, Danjoutin, Montécheroux et . Enfin, dans une promotion de deuxième série, on trouve : le P.M. Voujeaucourt, Dasle, l'U.S. Sous-Roches - Audincourt, l'E.S. , l'A.S. Offemont, le S.C. Belfort, Villars- sous-, le F.C. et un petit nouveau, qui commence au plus bas de l'échelle,... le Football-Club de Sochaux. 2. Des joueurs payés... déjà ! La création du club. Oui, c'est en 1928 que naît le Football-Club de Sochaux. Les statuts de l'association sont enregistrés au début du mois de juillet et l'affiliation au district du Pays de Montbéliard suit de peu. Un match amical est mentionné pour la première fois le 2 septembre contre la réserve de l'A.S. Valentigney : le F.C. gagne par 3 à 0. Et la première rencontre officielle d'une équipe du F.C. Sochaux, dans le cadre d'un championnat, en l'oc- currence celui de la promotion de deuxième série, elle a lieu contre le P.M. Voujeaucourt et les Sochaliens l'emportent par 13 buts à 1. C'est le 9 septembre. La semaine suivante, à Dasle, un rapide commentaire du journal local, "Le Pays de Montbéliard précise que « Sochaux possède une équipe capable de jouer en division d'honneur et d'inquiéter certaines équipes de la région ». Il est vrai que ce jour-là, c'est par 6 buts à 2 que le F.C. Sochaux l'a emporté. Et les victoires écrasantes se suivent : 6 à 0 contre l'U.S. Sous-Roches-Audincourt, 7 à 1 contre Exincourt, 5 à 1 contre Offemont, 3 à 0 contre le leader invaincu, le S.C. Belfort (match au cours duquel les Sochaliens font apprécier " leur jeu à ras-de-terre "), 17 à 1 contre Villars-sous-Dampjoux, 11 à 0 contre Vandoncourt... Bref, une promenade de santé, ce championnat des " sans-grades " : 16 victoires sur 16 matchs. Et le F.C. Sochaux se permet de battre l'A.S. Hérimoncourt, un club de division d'honneur, par 10 à 1, en match amical. Et il remporte le challenge " De Turckheim "(du nom de celui qui est alors président du comité de district), qui se dispute par handicap : avant de jouer la finale, le F.C. Sochaux, parce qu'il est d'une division inférieure, a déjà deux buts d'avance sur son adversaire, l'U.S. Bavans, et il l'emporte par 6 à 2 (ses six buts sont composés des deux d'avance et de quatre autres). Voilà pour les premiers résultats de cette jeune équipe.

' 'Premier article sur le F.C. Sochaux. "Le Pays de Montbéliard " 1-09-1928. . (Arch. Mun. Montbéliard). - Tout de suite une grande équipe Ce qui importe, c'est ce qui se passe dans l'ombre, pendant cette saison 1928-1929. Il ne fait aucun doute que le F.C. Sochaux, lancé par la firme d'automobiles, et plus particulièrement par Jean-Pierre Peugeot, a d'autres ambitions que de jouer contre des petites équipes "du coin". Cette volonté de bâtir une grande formation éclate au grand jour le 26 mai 1929, à Paris, sur le stade du P.U.C., à la Porte Dorée. Avec Boros, du prestigieux Club-Français et avec Lehmann, lui aussi du Club-Français après avoir joué au F.C. Bâle, une équipe de Sochaux rencontre le Dunlop-Sports, championne de France corpos en 1927 et en 1928. Aux côtés de MM. Pétavy et Chevrot de la maison Dunlop, MM. Peugeot (Jean-Pierre) et Wyler, de la firme de Sochaux, assistent à la victoire des leurs par 3 buts à 2. L'inter-droit Boros a marqué deux fois. Pour un coup d'essai, cette répétition est un coup de maître. Mais ce n'est pas fini. Durant l'inter-saison, au cours de l'été 1929, l'équipe se renforce et, le 25 août, le jour du " retour " de la fête de Montbéliard, au stade du Champ- de-Foire, elle fait ses premières armes devant le public de la région qu'elle veut représenter. L'effectif est prestigieux. Jugez plutôt : - dans les buts : Lozes - Au Club-Français, après être passé au R.C. Madrid. International. Le meilleur gardien français du moment. - les arrières : Galland - Passé du R.C. Strasbourg à l'A.S. Cannes. International B. Wartel - Vient du Red Star. International. - les demis : Gasser - Vient de l'U.S. Bon-Marché. Kenner - Vient du Club-Français (1). International. Lehmann - Déjà cité. A joué en équipe nationale Suisse, contre l'Uruguay notamment. - les avants : Cottin - Vient du C.A. Paris. Boros - Déjà cité. 25 fois international hongrois. Van Pratt - Vient de l'A.S. Valentigney. A joué la finale de 1926 contre l'O.M. Cressels - Vient lui aussi du Club-Français, après avoir débuté au F.C. Sète. Dufour - Vient du Club-Français. Sont absents (mais déjà engagés ou en passe de l'être) : De James, qui vient de Bordeaux et Mattler, formé à Belfort et qui jouait à l'A.S. Strasbourg. Est annoncé : Mathias, un autre international hongrois. Ce jour-là, devant 1 800 spectateurs, alors que le stade est sonorisé par un " duophone " de la maison " Emile Pont ", que les... pêcheurs à la ligne défilent à la mi-temps au rythme de l'harmonie des " Enfants de Montbé- liard et après que les juniors de l'A.S. Montbéliard ont rencontré ceux de l'A.S. Audincourt, le F.C. Sochaux bat l'A.S. Montbéliard par 6 buts à 0, malgré le manque d'homogénéité bien compréhensible de cette " mosaïque d'étoiles ". Si le jeu pratiqué ce jour-là est moins beau que

(1) A la fin de sa carrière, Kenner se voit proposer par M. Maillard-Salin une place à l'usine de Sochaux. Il lui demande alors s'il a une quelconque formation. « J'ai fait Poly- technique », répond Kenner. C'est la première fois qu'il en parle... Il deviendra directeur de la fonderie. Cela montre bien, à la fois la modestie de ce joueur et le souci de reconversion au F.C.S.M., et cela dès ses débuts. prévu, l'objectif de la propagande est largement atteint : le F.C. Sochaux est en passe de remplacer l'A.S. Valentigney dans le cœur des foules de la région.

Les intentions Cette intrusion brutale dans les habitudes des sportifs montbéliardais n'est pas sans les laisser perplexes. C'est pourquoi le journal "Le Pays de Montbéliard dans un article du 21 août 1929, croit bon de leur donner des explications sur ce fameux match qui a lieu quatre jours après : « A l'exemple des grands centres industriels français et étrangers, la Société Anonyme des Automobiles Peugeot a établi un vaste programme sportif qui doit permettre à son personnel de se livrer aux saines joies que procurent les exercices en plein air tout en se livrant à leur sport favori. C'est ainsi que ce programme comporte la construction d'un stade moderne, la formation de plusieurs équipes de football, d'athlétisme et de rugby. En outre, il a encore été prévu l'installation d'une piscine. On a d'abord réalisé la forma- tion d'une équipe de football, car le ballon rond est le sport-roi dans notre pays. Cette équipe aura le devoir d'acquérir des adeptes à notre cause et de gagner définitivement les foules aux beautés d'un sport qui devient de plus en plus populaire. Elle devra porter bien haut le fanion des autos Peugeot à travers la France au cours des rencontres qu'elle aura à disputer avec les meilleures équipes natio- nales et mieux faire connaître et estimer ce petit coin du Pays de Montbé- liard... »

Caricatures du "Pays de Montbéliard " (Arch. Mun. Montbéliard). Les choses sont claires. Et pourtant... une autre question se pose : comment Jean-Pierre Peugeot a-t-il pu faire venir des joueurs renommés dans ce coin de l'Est de la France ? La réponse, c'est l'intéressé lui-même qui la donne : « Oui, nous voulons monter une grande équipe. Nous voulons faire mieux, sous le nom de Sochaux, que Valentigney. Nous voulons que Paris, Lille, Marseille ne soient plus les seules villes où l'on voit des matchs de premier ordre. Vous verrez que le F.C. Sochaux se fera un nom dans le football français. Mais nous n'avons pas peur de le dire, nous ne le cachons pas hypocritement : NOUS PAYONS NOS JOUEURS...! » Ces propos, si naturels de nos jours, sont révolutionnaires à l'époque. Car si depuis quelques temps des voix s'élèvent pour permettre aux foot- balleurs de vivre de leur sport, d'être des salariés, bien vite elles sont noyées dans le flot des réprobations de ceux qui veulent garder 1'" Amateurisme " dans les statuts de ce qu'ils considèrent comme un jeu. Pourtant, il faut bien se rendre à l'évidence que de plus en plus, cette atti- tude morale, si louable soit-elle, entrave le développement du football moderne, dans la mesure où celui-ci veut alors étendre son audience au plus large public possible. Et pour tourner les règlements, ce sont les notes de frais gonflées, les transferts répétés ou les "dessous de table" qui deviennent monnaie courante (c'est le cas de le dire)... Le mérite de Jean- Pierre Peugeot est de dire tout haut ce que certains, de plus en plus nombreux, pensent tout bas. D'ailleurs, bien d'autres pays ont déjà adopté le professionnalisme. Pour la France, tout le monde sent que c'est une question d'années, peut-être de mois...

Les grands matchs amicaux. En attendant, le F.C. Sochaux continue de s'affirmer. Le championnat du district de Montbéliard (la promotion de première série) est laissé à l'équipe " B " ; un stade est inauguré le 1er septembre " derrière les écoles de Sochaux, sur la route de Montbéliard à Belfort. Son entrée principale est située près des cafés Haas et Ablitzer ". En coupe de France, le F.C.S., pour sa toute première participation, est appelé à rencontrer le C.A. , et cela dès le premier tour (2). Quant à l'équipe fanion, elle peaufine sa technique et son jeu par des matchs amicaux contre de grandes équipes étrangères ou françaises : le 29 septembre, en Allemagne, contre Dusseldorf, devant 15 000 spectateurs (défaite par 4 à 1) ; le 10

(2) Et comme il ne peut utiliser que quelques-unes de ses vedettes, (règlement oblige), il se fait éliminer prématurément par le C.A. Mulhouse (4 à 0). Ce jour-là, Lozes, le gardien de but, joue... avant-centre, un poste qu'il a occupé pendant deux saisons en Espagne avant de venir en France. novembre, contre le Victoria Zirkov de Prague, avec ses huit internatio- naux (match nul 3 à 3)... Les matchs de propagande ne sont pas non plus oubliés : une sélection des meilleurs joueurs du district -Jura est battue 20 à 0, le 27 octobre, à Besançon. Ce sont ces rencontres amicales qui vont assurer définitivement le prestige des Sochaliens. L'Olympique Lillois (2 à 1), le C.A. Messin (6 à 2) font les frais de leur soif de vaincre et de leur talent qui s'affirme. Mais surtout deux matchs vont les porter brutalement au zénith de la renommée. D'abord le 26 janvier 1930, à Marseille, ils battent l'O.M. par 3 buts à 1, l'O.M. qui, rappelons-le, est alors championne de France et qui a déjà trois coupes de France à son palmarès. La performance est de taille d'autant plus qu'à cette époque où il n'y a pas de championnat profes- sionnel, et où l'élimination directe en coupe de France est plus que redoutée, seules les rencontres amicales peuvent donner une indication de la valeur des équipes et elles constituent pour chaque club les occasions de prouver qu'ils sont parmi les meilleurs.

Caricatures du "Pays de Montbéliard ". (Arch. Mun. Montbéliard). Victoire en Belgique! Quinze jours après l'exploit de Marseille, c'est un autre exploit que signent les "jaune et bleu " : le 9 février, à Bruxelles, ils épinglent à leur tableau de chasse... l'équipe nationale de Belgique par deux buts à un, deux buts sochaliens (Maschinot à la 17e minute et Kenner à la 48e) contre un seul du belge Moeschel (52e minute). Incontestablement, la technique sochalienne s'affirme et s'affine comme en témoigne ce court compte rendu de la Il Chronique de l'Est Républicain à l'occasion d'une rencontre avec le 158e Régiment de Fantassins de Strasbourg, à Nancy : « voici une façon subtile de shooter un coup-franc : le joueur s'élance pour ce faire, mais passe au-dessus du ballon, tandis que le goal, trompé, s'élance pour arrêter. C'est alors que le deuxième joueur survient et peut, en toute sécurité, placer la balle hors de portée du goal pris à contre-pied... ». Tous ces excellents résultats sont dus, en grande partie, au travail de Victor Gibson, l'entraîneur, qui a fait ses classes dans le prestigieux club de Sète, celui des terribles " Dauphins ". Et il ne doit pas être peu fier de voir que quelques-uns de ses joueurs ont leur place en équipe de France : Lozes et Maschinot, bien sûr, mais aussi les deux frères Laurent (Jean et Lucien) qui viennent du C.A. Paris et qui sont à Sochaux depuis la fin de 1929, et Etienne Mattler qui, à 25 ans, et pour son entrée dans la sélection nationale, a la joie de battre les Belges, à Liège, le 25 mai 1930... Ce jour- là, le " grand " Etienne a signé un long bail avec la formation tricolore. 3. La Coupe de Sochaux ou Coupe Peugeot. Le F.C. Sochaux devient F.C. Sochaux-Montbéliard Le F.C. Sochaux de cette année 1930 a des petits problèmes : il est en " conflit " avec la municipalité de Montbéliard qui lui réclame une taxe pour utiliser le stade du Champ-de-Foire, taxe qu'il juge prohibitive. Dans un premier temps, il se tourne vers d'autres terrains comme celui de Valdoie, le 23 février, pour recevoir le " Rapid " de Prague (3). 5 000 spec- tateurs, un bon résultat (4 à 4), mais aussi des supporters montbéliardais mécontents de cet éloignement. Voilà une raison supplémentaire pour désirer une fusion avec un club local et celui qui s'y prête le mieux est l'Association Sportive de Montbéliard (l'A.S.M.) (4). L'opération se déroule en juin 1930 et les statuts de la nouvelle société sont disposés le 27 mars de l'année suivante. Le Football-Club de Sochaux-Montbéliard est

(3) La location fonctionne à Montbéliard : - à la succursale Peugeot, - au café de l'Est. (4) L'A.S.M. a été créée en 1910, le 11 juin. Ses couleurs sont "ciel et marine". né. Le journal local "Le Pays de Montbéliard " du 18 juin 1930 parle de cette fusion en ces termes : « La collaboration de ces deux sociétés donne aux dirigeants l'avantage de disposer de moyens plus efficaces pour faire triompher le sport dans une région où le nombre toujours croissant de jeunes sportifs dépasse les possibilités des organisations locales de Sochaux et de Montbéliard. » Et on parle surtout d'aménager un deuxième terrain pour faire du foot, de l'athlétisme, du rugby, et d'autres sports sont envisagés : le basket, l'es- crime, la natation, le tennis, avec des entraîneurs expérimentés.

Une entrée par la grande porte. Saison 1930-1931 : le F.C.S.M. la commence par une victoire lors d'un match amical et inaugural, le 24 août, au Champ de Foire, contre l'Excel- cior de Roubaix, un grand club du Nord, un des meilleurs de France. 6 à 0, une victoire nette, à laquelle participe Easthmann, un nouveau demi- centre. Cette saison va être marquée par deux événements notoires : une assez longue carrière en Coupe de France et la création d'une nouvelle compétition : la Coupe de Sochaux ou Coupe Peugeot. La Coupe de France d'abord. Commençant au premier tour, le F.C.S.M. passe les quatre premières étapes sans trop de difficultés. Par contre, c'est un " os " qui se dresse sur son chemin : le C.A.S.G. ! Eh oui ! le Cercle Athlétique des Sports Généraux, un club omnisports qui a déjà remporté l'épreuve en

.. Debouts : Reiner, Wartel, X, Galland, Mattler, Lozes. Accroupis : Cottin, Kenner, Chavey, Maschinot, Lehmann. (Arch. F.F.F.). Aujourd'hui, pour tous les amateurs de football, en France, le nom du F.C. Sochaux-Montbéliard évoque, à coup sûr, beaucoup de choses. Citons pêle-mêle : le stade Bonal, les "bouton d'or et bleu", le lion, les automobiles Peugeot, une épopée européenne, une certaine idée de l'admi- nistration d'un club, une école de football renommée, etc... Ce livre, c'est tout cela mais c'est aussi, et surtout, l'histoire du club "vue des tribunes et dés gradins", pour reprendre l'expression du prési- dent Thouzery. A travers mille et une anecdotes, ce sont cinquante-cinq années (1928-1983) de joies et de déceptions qui ressuscitent du passé, cin- quante-cinq années divisées en grandes périodes : les débuts, le temps des trophées, les années de guerre, les hauts et les bas des années cinquante à soixante-dix, les coupes d'Europe... Un club, c'est aussi - et avant tout - des hommes qui le façonnent les uns avec les autres, les uns après les autres. Sans être une "galerie de por- traits", ce livre évoque des centaines de noms de joueurs et de dirigeants, inconnus, méconnus ou célèbres : Courtois et Mattler, Di Lorto et Remet- ter, J.-J. Marcel et Bosquier, Genghini et Anziani, pour ne citer qu'eux parmi la longue liste de ceux qui ont porté le maillot sochalien, mais aussi celui de l'équipe de France. Tous sont à nouveau en action, saison après saison, match après match. De plus, le F.C.S.M. est le recordman du nombre de participations au championnat de France de première division ; raconter son histoire, c'est un peu raconter l'histoire du football français. Enfin, cet ouvrage se veut être un livre de références : on y trouvera tous les résultats des matchs dans les diverses compétitions officielles, un organigramme de la structure du club, des tableaux, des documents, et, bien entendu, les photos les plus représentatives... Tout cela pour conten- ter le lecteur passionné de football en général, et par le F.C. Sochaux en particulier.

PALMARES : CHAMPION DE FRANCE PROFESSIONNEL DIVISION NATIONALE 1934-1935 - 1937-1938 CHAMPION DE FRANCE PROFESSIONNEL DEUXIEME DIVISION 1946-1947 VAINQUEUR DE LA COUPE DE FRANCE 1936-1937 FINALISTE DE LA COUPE DE FRANCE 1958-1959 - 1966-1967 VAINQUEUR DE LA COUPE DRAGO 1952-1953 - 1962-1963 - 1963-1964 1/2 FINALISTE DE LA COUPE U.E.F.A. 1980-1981

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