WEAH

Mister George

WEAH Mister George

Massiré CORÉA

14, rue de l'Odéon - 75006 Paris Remerciements :

Adja, Kiné, Amina, Marême, Bauca, Alioune, Sackhary, Badara, Gilles, Yutta et le reste de ma famille et amis pour leur patience,

Clare Weah, Norbert Ngoupeyou, Jacky Oury, Sekou Coulibaly, Eric Sauer pour leur aide,

Bernard Lama pour sa préface,

Frédérique Galametz, Gianni Visnadi, Gilles Verdez, Frank Simon, Jean-Philippe Cointot pour leur coopération,

Jean-Philippe D'Hallivillée pour sa gentilesse,

Mahm El Mamoun, Ibrahima Signate pour leurs encouragements,

Joe Nagbe, James Debbah, Mass Saar, Christopher Wreh, Robert Clarke, Wilfred Lardner, Coach Panpee et toute l'équipe du Libéria, et tout particulièrement Kelvin Sebwe pour leur soutien, et Chantal Hervé-Bazin pour sa relecture attentive.

Photo de couverture : © Presse Sport

© Éditions Amphora, mai 1997 ISBN : 2-85180-317-4

PRÉFACE

Notre amitié est née en Guyane au printemps 1992 lors d'une tournée de l'A.S. Monaco. En peu de temps, George a découvert ma terre d'origine, ma famille et mes endroits les plus intimes. À la fin de son séjour, nous parta- gions le sentiment étrange de nous connaître depuis de nom- breuses années. Une amitié s'était ainsi scellée.

Je ne pensais le revoir qu'au détour d'un match nous opposant. Par bonheur, le destin en a décidé autrement ; quelques semaines après notre rencontre, George signe à Paris. Dès lors, nous sommes devenus comme deux frères. Pendant tous les déplacements de l'équipe, nous partagions la même chambre et sans doute les mêmes secrets. Notre complicité se retrouvait dans les vestiaires où, particulière- ment pendant les matchs de Coupe d'Europe, nous étions placés à l'opposé l'un de l'autre. Systématiquement, George prenait ses affaires pour se mettre à mes côtés. Je crois même que notre complicité dépassait l'entendement. Lorsque je pense parfois à ce quart de finale aller de la Ligue des Champions contre le F.C. Barcelone au Camp Nou où "Mister George" transforme mon erreur en victoire, j'ai eu la conviction que nos vies devaient fatalement se croiser.

Son départ pour le Milan A.C. et sa réussite dans le Calcio a fait taire tous ses détracteurs. En recevant le "Ballon d'Or" 1995, George a prouvé au monde du football qu'il était l'homme d'une époque.

J'ai beaucoup d'admiration pour le joueur et encore plus pour l'homme. Je reste stupéfait par sa générosité et par sa volonté d'aider son pays en état de guerre civile. En décembre dernier, la FIFA, en saluant son combat pour la paix et ses actions en faveur du Libéria, a récompensé l'être et non pas le joueur. À ses côtés, j'ai beaucoup appris sur l'Afrique, le Libéria, l'esclavage et la culture afro. Nos pôles d'intérêts sont larges et semblables.

Comme le dit un proverbe africain "Loin de moi, je suis près de lui et loin de lui, il est près de moi."

Son fidèle, Bernard LAMA CHAPITRE 1

MONROVIA, TERRAIN DE MON ENFANCE

Rue de Gibraltar, en plein cœur de Bushrod Island, le centre portuaire et industriel de Monrovia. Ce misérable faubourg, auquel George Oppong Weah est tant attaché, a été miraculeusement épargné par les tirs de mitraillettes et de mortiers qui ont défiguré la plus grande partie de la ville. La maison de Emma Klon Jlaleh se dresse indemne, en dépit de six années de guerre civile qui a laissé le pays dévasté et provoqué plus de 150 000 victimes. C'est une des rares bâtisses à avoir échappé à la folie meurtrière et pour cause, c'est celle de la grand-mère de . Cette demeu- re graciée par le conflit est devenue sacrée pour tout le peuple libérien. Ne renferme-t-elle pas tous les mystères de la réussite de l'avant-centre du Milan AC ? Aucun chef rebel- le ne s'y aventure, ni ne tente de violer cette place forte, blin- dée de mysticisme. Personne, pas même les hordes d'en- fants-soldats des factions les plus farouches, imbibés d'al- cool et hallucinés par la drogue, n'ont osé profaner cet enchevêtrement de béton et de tôle, qui fait aujourd'hui offi- ce de monument historique. C'est là que le capitaine de la Lone Star, équipe nationale de football du Libéria, a passé toute son enfance.

George Tawlon Manneh Weah est né le 1er octobre 1966 à Monrovia. La capitale libérienne, ancien établisse- ment des colons, esclaves noirs américains affranchis, est située sur l'ancienne Côte des Graines. Provisoirement appe- lée Christopolis, elle a été baptisée Monrovia en hommage à Monroë, élu Président des Etats-Unis en 1817 et fervent apôtre de l'affranchissement des noirs. Très tôt, le Libéria parvient à échapper à la colonisation classique. Cette facul- té à emprunter des chemins différents des autres pays du continent en a fait l'un des territoires les plus mystérieux de l'Ouest-africain. Dès 1816, des philanthropes américains, avec à leur tête le révérend Finley, fondent l'America Colonisation Society dans le but de créer une colonie de noirs libres en Afrique Occidentale. A cette époque, Monrovia a la physionomie de New York en version réduite et typiquement africaine. Chaque citoyen porte sur lui la fierté d'être né dans le premier Etat africain à accéder à l'in- dépendance et à instaurer une république.

En 1847, le Libéria se targue d'être la première Nation libre et souveraine du continent africain. Voué à un développement unique, le Libéria s'est plongé inexorable- ment dans l'enfer d'une guerre fratricide. Pourtant, avant la guerre, tous sont unanimes, Monrovia est un havre de paix. Bordée par de magnifiques plages de sable fin, elle a des airs de paradis touristique. La capitale se dote de l'un des ports les plus prestigieux d'Afrique occidentale, promu port franc par les autorités et doté de droits d'enregistrement avanta- geux. La flotte marchande nationale a compté de nombreux navires n'ayant de libérien que le pavillon. L'un d'eux est resté tristement célèbre en provoquant la catastrophe de l'Amoco Cadiz, en 1978. Le destin de George est par consé- quent influencé par un environnement de "va et vient" per- manent. Monrovia est le point de départ de sa carrière inter- nationale. Il est vrai que ses faubourgs, ses terrains vagues et ses plages se prêtent facilement à la pratique du football. Issu d'une tribu libérienne autochtone, le footballeur est un Native comme 80 % de la population. Les autres habitants, les Congos, sont les descendants des colons noirs améri- cains.

Son prénom catholique, George, hérité d'une vieille tante, est bien souvent délaissé pour celui d'origine Kru "Old Man Manneh", patronyme d'une partie de la famille mater- nelle de George. Pendant longtemps, sa famille a préféré le baptiser ainsi en mémoire de son grand-père. Ethnie origi- naire du Sud libérien, les Krus sont des navigateurs émérites et d'excellents pêcheurs. Les phéniciens de l'Afrique de l'Ouest, comme on les appelle, sont un peuple fier qui a su échapper à l'esclavage et dont on vante volontiers la philan- thropie, la solidarité et la civilité. Qualités que beaucoup reconnaissent à George. Dès leur plus tendre enfance, George et son frère Willam sont confiés à leur grand-mère, Emma Klon Jlaleh Brown. Ils sont séparés de leurs treize autres frères et sœurs dont cinq sont décédés prématuré- ment. Cette désagrégation familiale ne sera pas sans inci- dence sur la vie de George. Quelques jours avant sa nais- sance, un homme arrivé clandestinement du Mali, se réfugie quelques jours à Monrovia avant de s'envoler vers la France pour achever son périple à Saint-Etienne. Cet homme, c'est Salif Keita, premier lauréat du Ballon d'Or africain, titre que George portera vingt-trois ans plus tard. Certains ont pris pour prémonitoire cet épisode anecdotique d'un véritable chassé-croisé d'une ancienne et d'une naissante gloire du football.

Comme tous les enfants d'Afrique, George a grandi et appris le football dans la rue. C'est à Claretown qu'il s'ini- tie au ballon rond. Pourtant, ce quartier n'a pas la réputation de produire des footballeurs talentueux. Ce privilège est plu- tôt réservé à Westpoint, faubourg situé à l'ouest de Monrovia. Victor Kowmlo de l'AS Cannes, Christopher Wreh de Guingamp, ainsi que de nombreux autres joueurs en sont issus. Les footballeurs ont même fini par le surnom- mer "Key" (la clé), car selon eux, Westpoint est le point de départ de nombreuses grandes carrières. Seulement voilà, George, l'enfant de Bushrod Island, a dérogé à la règle. Il n'a pas passé son enfance à Westpoint. Après les cours, George se précipite, ballon à la main, derrière sa maison, toujours flanqué de la bande de Claretown : Joe Nagbe, Dugbe, Minneh, Bobor-Charlie, Old Pa Weah, Blamo. Les gamins tapent inlassablement dans le ballon, sautent les repas pour ne pas manquer un épisode du match à rallonge et ne s'arrê- tent que vaincus par le sommeil. Leur passion les entraîne sur des terrains pelés, dans les cimetières de voitures, de camions et d'épaves en tout genre qu'il s'agit de contourner habilement pour pouvoir dribbler pieds nus.

C'est à 13 ans qu'Emma Klon Jlaleh, Grand-Ma, lui offre sa première paire de baskets, non pour améliorer ses passes mais pour se rendre à l'école, chaussé comme il se doit. Ses souliers lui font bien évidemment double emploi, malgré les recommandations de Grand-Ma qui soupçonne une usure prématurée et inévitable des semelles. La passion est trop forte et passant outre, George, à peine sorti de clas- se, s'élance sur le terrain pour poursuivre la partie de foot engagée la veille. Les devoirs sont sacrifiés et bien souvent, pris par sa passion, il fait l'école buissonnière. Les heures en classe sont autant de minutes qu'il ne peut consacrer au foot- ball. "Pourtant j'étais loin de détester l'école, mais j'avais l'impression d'y perdre mon temps", reconnaît-il. Alors que son père l'imagine à la maison apprenant studieusement ses leçons, George s'adonne à son passe-temps, bravant l'autori- té paternelle. William Tarpeh Weah, surnommé Tarpee, chef mécanicien dans une compagnie suédoise, la Litraco, est un homme sévère. Il interdit formellement à son fils de prati- quer le football, ce jeu de dévergondés. Il est vrai que ce sport et que les footballeurs de haut niveau n'ont pas encore de statut dans la société africaine. A cette époque, le football n'est pas reconnu au Libéria ; le basket-ball, importé des USA, règne sans partage.

George vivant chez sa grand-mère, la désapproba- tion paternelle ne contrarie heureusement pas sa vocation. Grand-Ma, elle, ne lui impose aucune contrainte. "Le plus important pour nous, c'était notre liberté. Et avec grand- mère, on pouvait sortir, faire ce que l'on voulait et surtout jouer au football." George est très tôt épris de liberté, à l'ins- tar de son pays le Libéria, dont le nom évocateur est issu de l'anglais Liberty. Les colons noirs américains qui avaient fui l'esclavage aux Etats-Unis, n'avaient-ils pas d'ailleurs comme devise : "C'est l'amour de la liberté qui nous a ame- nés sur cette terre". Cette liberté, George l'a trouvée chez Grand-Ma. Mais lorsque les deux frères se rendent chez leur père, c'est sans gaieté de cœur et avec une forte dose d'ap- préhension. Ils se sentent chez Tarpee comme des prison- niers. George évoque ces visites avec amertume : "On ne devait faire aucun mouvement. Nous devions rester toute la journée à la même place sans bouger, sous peine d'être dure- ment réprimandés. C'était un peu comme si nous étions au piquet. Imaginez le supplice pour moi qui aime tant courir, sauter et dribbler. J'acceptais très mal une telle entrave. Et lorsque, libérés provisoirement du joug paternel, quelqu'un venait nous prévenir de son arrivée, nous répétions comme un mauvais écho : Voilà Tarpee, voilà Tarpee ! Alors, nous nous cachions jusqu'à son départ, pour ne pas être décou- verts et surtout privés de liberté."

Au confort de la villa paternelle, George préfère l'exiguïté et la promiscuité de l'humble maison de Grand-Ma où il partage sa chambre avec son frère Willam et son cousin Grant. Chez Grand-Ma, son indépendance est préservée et c'est tout ce qui compte pour lui. Cette aspiration à la liberté se développe parallèlement à un talent précoce de footbal- leur. Déjà, à treize ans, George a l'étoffe d'un leader, malgré une certaine timidité. Dans le voisinage, il a la réputation d'inscrire des buts fabuleux et s'impose rapidement comme un véritable mercenaire du ballon rond, fréquentant tous les quartiers, jouant dans tous les clubs. A force de disputer des matchs inter-quartiers et scolaires, il finit par connaître les moindres recoins de la capitale libérienne et se forge une cer- taine notoriété. C'est à cette époque qu'il côtoie les futurs joueurs de la sélection nationale. L'ex-Toulousain, Kelvin Sebwe, qui a rencontré George en 1983, témoigne : "Moi aussi, je représentais mon quartier. Pour voir le nouveau pro- dige de Monrovia, je n'hésitais pas à traverser toute la ville. Parfois, à ma grande surprise, George évoluait au poste de gardien de but, pour ne pas désaventager l'équipe adverse dont les joueurs avaient quelques têtes de moins que lui."

Le petit Weah tisse de bonnes relations avec ses concitoyens car il cultive naturellement l'art de l'amitié. Fidèle à ses amis de Claretown, il palabre volontiers, chu- chote à l'oreille, chambre et raconte des histoires drôles. En perpétuelle quête de fraternité, il ne s'est jamais départi de sa loyauté. Arpentant quotidiennement les rues de Monrovia, la capitale n'a bientôt plus de secret pour lui. Pour se faire de l'argent de poche, il s'improvise vendeur de pop-corn et de sucettes. C'est certainement à cette époque que ses instincts de businessman avisé, conjugués à d'évidentes facilités en mathématiques, se sont éveillés. Son ambition est claire : subvenir à ses propres besoins d'une façon honnête. Grand- Ma ne peut lui offrir que ce qu'elle possède : le gîte, la nour- riture et toute son affection. A l'affût du moindre penny, George traverse des espaces peuplés de foule, avale des kilo- mètres et des kilomètres, côtoie des personnages étranges et flirte parfois avec tous les dangers. Pour s'imposer, George se bagarre. A douze ans, il s'adonne à la marijuana. Un acte qu'il explique aujourd'hui : "Tous les amis du quartier ont goûté à cette drogue. Lorsque nous avions un match impor- tant, il nous arrivait de fumer... sans doute par complexe et certainement pour réaliser une bonne prestation. Ainsi, nous avions l'impression d'être plus forts et plus déterminés face à une équipe donnée comme favorite. En fait, j'ai réalisé au bout de cinq ans que cela ne servait à rien. J'ai arrêté totale- ment à dix-sept ans. J'ai surtout constaté que ce n'était pas pour moi et que la drogue n'était qu'un leurre. Aujourd'hui, c'est moi qui conseille aux jeunes garçons du Libéria qui veulent me ressembler de travailler, de ne pas voler, de ne pas se droguer pour échapper à la prison, et surtout pour ne pas gâcher leur vie."

A treize ans, George est exposé aux nombreux périls engendrés par un pays en guerre civile. C'est à cet âge qu'il frôle la mort de près. Le 18 avril 1979, George, comme tous les Libériens, et essentiellement les Natives, descend dans les artères principales de la capitale pour protester contre la hausse du prix du riz, base de l'alimentation nationale. Le prix du sac de riz de 25 kilogrammes est passé de 7 dollars à 21 pour finalement atteindre 30 dollars. Monrovia est le théâtre de graves émeutes. Le gouvernement Tolbert a inter- dit la manifestation. A la surprise générale, l'armée bascule du côté des manifestants et, participant au pillage d'une cen- taine de magasins, ne s'oppose pas à la révolte. On dénombre une cinquantaine de morts et plusieurs blessés. C'est avec émotion que George se souvient de cet événe- ment : "Nous avions déserté les terrains de football et étions tous dans les rues pour manifester contre la mesure gouver- nementale. Soudain, les militaires et les policiers ont tiré sur la foule. J'étais à côté d'un jeune garçon qui devait avoir le même âge que moi. Il a reçu une balle dans le ventre, il s'est effondré. Il avait du sang sur tout le corps. Il est mort sur le coup. Mais moi, je n'ai pas eu peur et j'ai continué la mani- festation." Miraculeusement, George a échappé aux balles. Grand-mère Emma a toujours affirmé que c'était un signe du ciel. Dès le lendemain, le prix du riz est révisé à la baisse, à la satisfaction de la population libérienne. Il aura fallu attendre 150 ans pour cela !

A seize ans, George, encore animé par la volonté de vivre mieux, est toujours à l'affût du moindre penny. Accompagné par son frère et ses amis, il frappe aux portes des riches commerçants et des transporteurs ghanéens. Ils monnayent leur jeunesse et leurs muscles contre de petits bricolages. Certes, sa famille est pauvre. Mais ce qui le pré- occupe principalement, c'est la séparation de ses parents et leur total désengagement vis-à-vis de lui. Il ressent cette indifférence un peu comme un abandon. Pour s'évader et digérer plus facilement les affres de la vie, George joue au football. Les parties interminables de ballon rond lui per- mettent d'oublier momentanément son amertume. "Mon enfance difficile m'a endurci et m'a aidé à devenir ce que je suis aujourd'hui." Au moment où il acquiert de plus en plus d'assurance sur les terrains, il est obligé de travailler encore plus dur. Parallèlement à ses cours dans la High School de Wells-Hairston, George s'improvise réparateur de téléphone. L'emploi lui a été trouvé par les dirigeants de son club, le Invincible Eleven. Depuis trois ans, le football prêche la vertu et l'honnêteté et s'affirme, de jour en jour, comme le seul salut pour "Old Man Manneh".

CHAPITRE 2

CHÈRE GRAND-MA EMMA BROWN

Avant d'emprunter la route de l'aérodrome de Spriggs Payne, qui fait office d'aéroport depuis le début de la guerre, et de s'envoler pour Paris, via Abidjan, George et quelques coéquipiers de la sélection nationale s'arrêtent dans la rue de Gibraltar. Une halte pour recevoir une ultime béné- diction et saluer la Grand-Ma, Emma Klon Jlaleh. Pour cette occasion, un attroupement se forme devant la maison de celle que l'on appelle simplement Emma Brown. La vieille dame représente tout pour George Weah. C'est elle qui l'a élevé lorsque ses parents se sont séparés. Sa mère, Mama Anna, s'est réfugiée chez Emma Brown pour donner nais- sance à son dernier enfant. Puis, elle a confié George et son frère aîné Willam Weah Junior à sa mère avant de partir pour un village du comté de Nimba, au nord-est du pays. L'enfant avait à peine 3 mois quand sa mère l'a laissé. "Mama Anna est restée loin de moi pendant dix-huit années, alors que mon père ne s'est jamais vraiment occupé de moi. Je leur en ai longtemps voulu. Pour leur pardonner, il m'a fallu beau- coup de temps et surtout toute la force de persuasion de Grand-Ma. Car elle ne cessait de me répéter : "Je t'ai élevé mais Mama Anna demeure ta mère. Elle t'a mis au monde. Pour ce qu'elle a fait, aide-la". George n'a pas oublié ses paroles et a respecté la prière de Grand-Ma : "Quelques mois après le début de la guerre, j'ai acheté une très grande maison au Ghana. Mama Anna s'est réfugiée à Accra avec mes deux enfants, mes deux frères et cinq sœurs. Je n'oublie jamais de lui envoyer de l'argent, chaque mois. Car ma mère n'a jamais rien possédé. Elle a vécu dans sa nouvelle demeu- re jusqu'en avril 1996. A la fin des hostilités, qu'elle croyait définitivement suspendues, elle a vendu la maison. Un jour, Mama Anna est retournée au Libéria. Le lendemain, la guer- re reprenait. La pauvre a vraiment joué de malchance. Convaincu qu'elle ne pourrait pas supporter une seconde guerre civile, j'ai fait rapatrier toute ma famille à Abidjan où je lui ai loué une autre grande villa."

Même si la rancœur de George s'est estompée au fil des années, il ne peut s'empêcher de considérer Grand-Ma comme sa véritable mère. Lorsqu'il la présente, il déclare fièrement : "Voilà, c'est ma maman." Et, il ajoute avec conviction : "Grand-Ma, c'est la seule mère que j'ai connue." Certains iront même jusqu'à dire que cette dame n'a fait que reprendre son bien. Car dans certaines ethnies africaines, les enfants appartiennent autant aux grands-parents et aux oncles maternels qu'aux géniteurs. La dévotion que George porte à Grand-Ma est partagée. Comme aimait le répéter la vieille dame : "Old Man Manneh est un don de Dieu. Une nuit, le Seigneur m'a dit : Je vous donne cet enfant, c'est votre récompense. Il sera footballeur et vous aidera jusqu'à votre mort. A deux ans, il commençait à taper du pied dans Depuis trois ans, George Weah est une star incontestée du football mondial.

Au delà du sportif au sommet de son art, on ne peut s'empêcher d'avoir de l'admiration pour l'homme attachant et généreux ; le meilleur joueur mondial 1995 est également l'élu du peuple libérien. Son itinéraire est peu banal...

Durant une enfance difficile, il fait son apprentissage du football sur les terrains vagues de Monrovia avant d'intégrer ses premiers clubs en Afrique. L'arrivée à Monaco lance ensuite réellement sa carrière, avant le transfert surprise dans l'un des clubs les plus prestigieux de France : Je Paris-Saint-Germain. Son départ pour le Milan-AC marque l'apothéose d'une carrière exceptionnelle.

George Weah met son autorité morale au service du retour à la paix dans son pays meurtri par la guerre civile. Après avoir été sacré "Ballon d'Or" européen et meilleur footballeur du monde, "Mister George" reçoit, début 1997, le prix FIFA du fair-play avant d'être nommé ambassadeur de l'Unicef. Après Pelé, il est le second footballeur de l'histoire a être investi d'une telle mission...

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