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UEMIGRATEON- TTESLORRAINS EN AMÉNIOUE 1815-1870/

Ttrèse de Eloctorat de Be cycle pnésenrée par M.Garnille MAtFtE

FÂ'CULIIi Ere.s LGTIRES ET SC)IEI'CES .FIJMAINES DI Ir E'r z

No de o*.-H-&L. 4Q..

Tnavaux effectrrég sous la direction de Monsieur le Doyen Flayrnond PCII(JEVIN THEstudent who aspires to understandthe causes andmotjves which unerl'ie the exodusfrom Europe to Americawill not steephimself in the documents andliterature wh'ichrelate to the exp'loitsof the battlefield or describethe pleasuresof kings and nobles; on the contrary,his researcheswill lead him to the cottagesof the peasantsand to the humbledwellings of the laborersin the factory andon the farnr. The task of writing the history 'immeasurably of the commoneris morediff icult than that of portrayingthe lot of those uponwhom for- tune has smiledmore graciously. The material is scatteredand scanty, coloredby prejudice, and difficult for later generationsto interpret and animate .

George M. Stephenson, A History of Ameriean fnrni- gration, i.BZ0-1924,New-york, LgZ6, p. g-9. AVANT-PROPOS

Le présenttravail est 1e prolongementde recherchesentreprises i1 y a quelquesannées pour tenter de faire la lumièresur I'aventure américainede monarrière grand-père,émjgrant lorrain rentré en aprèsun séjourd'une vingtaine d'années aux Etats-Unis. Enessayant de reconstituerson histoirÊ, j'ava'is été amenéà faire les observationssuivantes : 1..Mon ancêtre n'était pasun cas isolé, bien au contraire. Il avait eu, dansson village mêmeet danstoute 1a région, de nombreux compagnonspartis avantou aprèslui. Dansla mémoiredes vieux il res- tait le souvenirde ceuxqui avaientfait le voyageaprès la guerrede 70; certainsd'entre eux d'ailleurs étaient rentrés au paysil y avait seulementquelques lustres, et quelquesuns de leurs enfants,nés en Amérique,f inissaient leur vie dansles mêmesv'illages... Il n'était pas rare nonplus d'entendreévoquer les autres,oncles ou cousinsres- tés outre-Atlantique. 2. L'espacede trojs générationsil ne restait plus, concernant les émigrants,guê des réminiscences vagues, le plus souventfaussées par le folklore, déforméespar la transmissionorale lorsqu'elle s'était faite. Au sujet de monbisaîeul, 1a tradition familiale s'était arrêtée à sonmétier et à la ville où il avait vécu: carrossierà Saint Louis du Missouri; rien de plus. 3. Les descendantsdes "Lorrainsd'Amérique', étaient, à tout le moins,aussi ignorants.Mais ils cherchaientà savoir; ils venaient, de plus en plus nombreux,retrouver ici la trace des ancêtresdont ils avaientrefait, en sensinverse,'la route. Puisqu'il y avait desémigrants et queleur histoire était oubliée, il fallait tenter de répondreaux multiples questions qui vjennenttout naturellementà 1'esprit à leur sujet.Qui et combienétaient-ils ? De quellesrégions étaient-ils originaires et quandet commentpartaient- ils ? Que'lleforce mystérieuseavait bien pu les déterminerà prendre unedécision aussi grave,aussi définitive ? Et où allaient-ils ? -5-

Dansun XIXesièc1e qui constituel'âge d'or desmigrations transatlant'iques,les limites chronologiquess'imposaient en quelque sorte d'elles-mêmes.Les annéesqui sujventimmédiatement 1815 mar- quentle débutdu mouvement,favorisé par la fin des guerresde l'Em- pire, le développementdes relations commercialeset I'ouverturede lignes transocéaniques.Le commencementde I'exode desëmùgrants coincide doncavec le retour des émignés. Aprèsla défaite de 1870,le Traité de Francfortconsacre la division de la Lorraine.Désormais la situation de partageentre la Franceet I'Allemagnecrée, de part et d'autre de la frontière, des conditionsentièrement nouvelles. Dans les arrondissementsannexés le statut qui vient d'être imposéaux populationsprovoque un renouveau de l'émigrationdont la spécificité est évidenteet qui, de plus, a fait l'objet de travauxantérieurs (o). J'entendspar Lorraineles quatredépartements actuels dans leurs limites de 1815.s'il m'est arrivé -- pour I'analysedes causes en particulier -- de restreindremon champ d'observation à certaines zonesau détrimentd'autres, c'est que, les principauxfoyers d,émigra- tion ayantété cernés,i'l paraissait 1égitimede "mettreau point', sur ces régionspour ainsi dire privilégiées. Quelquesouvrages ont été consacrésà l'émigrationau xIXe siè- cle, mais ils sont ancienset concernentI'ensemble de la France.Pour ce qui est de notre région et pour reprendrele mot d'AntoineHadengue, "le champn'a pasété moissonné". c'est à cette moissonque j'aj travaillé, sansprétendre engran- ger toute la récolte.

(") Alfred wahl, Ltoption et Ltënrtgration d,esAlsaeiens-Lotvains (1871-1872),Paris , 1974. -6-

I1 ne pouvaitd'ailleurs en être autrement,à causede ra rare- té (") et de 1a dispersion,à la fois dansle tempset dansl,espace, des documentstouchant directement les émigrantset en premierI jeu leur nombre.D'où il résulte que 1a plus grandepartie de la matière première-- la chair huma'ineévoquée par MarcBloch -- est insaisis- sable. L'émigrationimpliquant un voyage,l'itinéraire de celui-cj dé- terminait les lieux de recherche: 1a régiond,origine, le point de passageobligé, Le Havreet le paysd,installation, 1,Amérique. Peud'émigrants ont laissé des documentssusceptibles de nous éclairer sur leur comportement.Beaucoup d'entre eux, la majorité sans doute,ne savaientni lire ni écrire. c'est pourquoileur histoire doit être retracéeessentiellement à partir de ce qu,ont la.issédes témoinsqui ne faisaient paspartie de leur milieu, les classespauvres, et quj, trop souvent,n'éprouvaient pour ces parias quede I'indiffé- renceou du mépris. En dehorsdes documentsofficiers on parre peud'eux, conunesi leur premièrefuite se renouvelait,un siècle et demiplus tard, de- vant le chercheur. En Lomaineon en aperçoit un certain nombredans les préfectu- res, réclamantle passeportqui permetle voyage.D,autres sont entre- vus au port, au momentde leur embarquement,sur le point de franchir leur Rubicon.une troisième catégorie enfin se rencontreaux Etars- unis. Mais les sourcesdisponibles ne permettentjamais, dansaucun département,de retracer, ne serait-ce quravecun petit grouped'émi- grants, I' itinéraire complet.

(') Il n'y a que 1'étudede l'émigrationqui demeurealéatoire, en l'absencede documents...H. Contamine,ùtetz et La de 1874 à L870,t. 1, Nancy,1932, p. 19. -7-

Beaucoupde personnesm'ont a'idéau coursde ce travail, je ne puis les citer toutes. Magratitude va néanmoinstout particulière- mentà mafemme qui m'a épau1éau coursde recherchesparfois fasti- djeusesdans les différents dépôtsd,archives. sa patienceet ses en- couragementsn'ont jamaisfailli. A moncousin d'Amérjque Robert Fleck, descendantd'une émigrante lorraine, dont l,aide a été précieu- se en particulier pour le chapitreconcernant les Lorrainsen Amérique. Au personneldes Archivesdépartementales de Metzqui a toujours essayé de rendremes longues heures de travajl aussiprofitables quepossible.

Je souha'ite,enfin, QU€mon travail soit lu nonpas seulementpar un cercle étroit de spécialistes,mais par tous ceuxqui, parentsou 'l nond'émigrants, de ce côté-ci de I'Ailantique ou de 'autre, éprouvent peut-êtrele besoind'en savoir davantagesur l,odysséedes émigrants.

Rombasn Novembre 7979 L U I f n I o,a C

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tl AUIG Les quatre départements lorrains . au XlXe siècle il8t5- 187()) lrt cralmr nentioloÉrle plur rouvcnlront rcpérér prr irr càillrm dr I i 36tctci.dlllotll

N.B. Sauf indication contraire, tous les cartes, figures, graphiques et tableaux sont de I'auteur. -9-

MOSELLE Arrondissementde Briey 1. Longuyon 2. Longwy 3. Audun-le-Roman 4. Conflans 5. Briey

Arrondissementde 6. 7. Sierck B. ThionviI le 9. 10. BouzonviI le

Arrondissementde Metz 11.. 12. l{etz (3 cantons) 13. 14. Boulay 15. Verny 16. 17.

Arrondissementde 18. St Avold 19. 20. 27. Sarreguemines 22. 23. Rohrbach 24. 25. -10-

MEURÏHE Arrondissementde Château-Salins 26. Delme 27. Château-Salins 28. 29. 30. Vic

Arrondissementde 31. Fénétrange 32. Réchicourt-le-Château 33. Sarrebourg 34. 35.

Arrondissementde LunéviI le 36. Baccarat NOUSn'avons rien réco1té,nous sommes sans provi_ sion, nousn,avons pas de travajl, noussommes chargésd'enfans, si nousparvenons à gagnerquel_ quesdeniers, nousne pouvonspas mêmeen acheter du pain à moinsde faire trois ou quatre I ieues ; faut-i1 quenous nous rendions voleurs, ou quenous mourionsde faim nouset nos enfans? il vaut enco- re mieuxs'expatrier.

Les habitantsde I'arrondissementde Château-Salins au sous-préfet. (Lettre du sous-préfetde château-Sarinsau préfet de la Meurthe,5 Févrierlg17 ; ANF7 613g.g) PREfi'TIÈREPARTIE:

rllLS ABANDONNËNT LEUFS FOYERS... CHAPITRE1

CAUSES -14-

Avanttout essai d'ana1yse,il convientd,insister sur la complex'itéet la variété desmotivations des émigrants, sur le fait qu'e1lesne sont pas identiquesdans toutes 1esrégions de Lorra.ine ri, d'ailleursn d'Europe,et qu,elles subissentdes modifications dansle temps.Qu'on ait pu donnerà l,émigrationle nomde fièvre montreaussi qu'on 1ui attribue parfois, à juste tire, un caractère d'irrationalité et de fatalité. "Detemps à autre il se fait des émi- grationsdans une contrée",note le préfet de la Moselleen 1B2B(1), et M.A. Jonessouligne que "beaucoupde ceuxqui prirent part /âu mou- vemenllse trouvaientsimplement emportés par uneforce qu'i1s ne com- prenaientpas" (?). Il faut aussimentionner le cas de ceuxqui, n'é- tant pas influencéspar 1esgrandes forces économiques qui entraînent ]e plus grandnombre, guittent leur foyer pour desmotifs souventplus futi I es. Les autorités témoinsde la saignéedont sont vjctimesles cam- pagneslorraines cherchent,dès les premièresdemandes, à en connaître les causes.En 1817le ministre de la police ordonnedes enquêtes dans 1esdépartements de I'est et les renseignementsqu,il sollicite lui parviennent, remontantla voie hjérarchiqueà partir desbureaux des sous-préfets.Ceux-ci, au contactde 1a population,questionnent les maires' recueillent les doléancesde ceuxqui viennentréclamer des passeports et lisent leurs pétitions. ce qu,i1s apprennentne varie guère : c'est la misèrequi détermineles émigrantsà s,expatrier. Des exemples:

"Mathias .Deless, tisserand demeurant à Farschvi1ler, cantonde Forbach,a l,honneurde vousexposer que ]"r ç.u]amitésqu''il a essuyédans la trop' ààfrarÀeeet horrible guerre,heureusemènt a sa fin, i,on iéouit dansune indigence absolue et au point qu,il se vojt dansla nécessitéde transmigrer...,,(3i.

(1) Lettre au Ministre de l,Intérieur, 16.z.lgz}; ADMosg9 M 1 bis. (2) Manyof those.whotook part i,n it weresimply r v carried alongby a force they did not understand. M.A. Jones,American rnrnigration, university of chicagopress, p. 95. 1960, (3) préfet Lettre au de la Moselle,28.1.1817 ; ANF7 6138B. -15-

Nicolas Hauslinger,de ,père de six enfantsdont aucunn'est état "en de lui porter secours,',se trouve lui aussi dans la misère plus la totare ; ir ne possèdeaucun b.ien-fonds, curt.ive tro'is jours de terre et deuxpet'ites pièces de jardin. A part sa chau- mière, tout son avoir se monteà 500francs à peine, qui ne suffiraient paspour payer les dettesqu'i'l a été forcé de contracteret qui le placent ,,aucun "dansla dernièredes détresses".Il n,a état n.i métier,, (4). La même journalier année,1e JeanSchwall, originaire de , suppliele préfet de lui accorderun passeportpour la pologne,,vula Misèrequi existe dansnos environs et ne pouvantplus avoir la subsis- tancenécessaire à mesenfants...', (5). Il se trouveà la tête d,une famiI le de dix personnes.. . c'est pour un motif sembrableque Nicoras Barbe, de , in_ troduit en 1840 unedemande aux fins d,obtenirnon seulement un passe_ port maisune indemnité qui 1ui permettraitde payerson passageen Amérique;il se trouve "dansune situation très déplorablede manière à ne pouvoir point porter me du secours,étant pauvremaçon, père de famille sanssoutien, sansprotection, sans secours et sansressour- ces...', (6). 0n pourrait être tenté de mettre en douteles déclarationsde quelquesparticuliers ; maiscette misèreest constatéepar des repré- sentants élus des populationset par des fonctionnairesde l,adminis- tration. En 1817par exempreres conseiilersde l'arrondissementde sarrebourgsignalent que le dénuementdes habitants de cette région de la Meurtheest si grand,,,que le coeursaigne, en parcourantces con_ trées, où desfamilles entièresne vivent absolumentque de racines...,, (7).

(4) Pétition au préfet de la Moselle,181.7 , ibid.. (s) rbid.

(6) Lettre au préfet de ra Moseile,1.1.rg40; ADMosg9 M I bis. (7) compte-rendu-gg ra réuniondu conseirde l,arrondissementde Sarrebourg,lB17 ; ADMosl0 N 3 -16-

c'est, ,'à affirme re mairede Bitchen ra misèrepubrique qui est à soncomble" qu'il faut attribuer l'émjgrationde ses administrés (B). Demême, "c'est beaucoupplus par beso.inque pour tout autre mo_ tir /dug7la multitude se détermine",reconnaît 1e sous-préfetde château-salinsdans unelettre à sonsupérieur de Nancy(9). celui_ci, qui a "par'léà un grand nombred,individus saisis de cette manie,,,a pu vérifier que "la misèreen était ra principarecause,, (10). ce qui est valableen lg17 le reste dansles annéesqui suivent. Au printemps de 1828, le chef d'escadroncommandant la gendarmerie roya'lede la Moseile estimeque "ra principarecause qui donnerieu à l'émigrationpour l'Amériqueest la misèrequi existe danscet arron- dissement/SarregueminesT', (11). Cinqans plus tard le sous_préfetde Sarreguemines 'le et préfet aboutjssentà uneconclusion similaire (12). A Nancy, préfet le fait remarqueren 1g5gque, si l'annéeprécé_ dentea vu uneréduction notablede l,émigration,1a raison en est "l'amélioration survenuedans la Meurthesous le rapportdes subsistan- ces", ce qui mis presque "a tous res habitantsdes campagnesà r,abri du besoin"(13) 'il ; reconnaîtainsi impricitementque 1esdéparts sont causéspar la gêneet le dénuement.

(8) Lettre au préfet Jacquinotà Met2,31.1.1g17;AN F7 6138g. (9) Lettre du 5.Z.LBI7; ibdd. (10) Lettre au ministre, g.2.1g17; ibicl. (11) Lettre au préfet de la Mosel1e,z.4.LBzg; ADMos89 M I bis. (LZ) "Je dois dire quebeaucgup des émigrants que j,ai questionnés.,. ne sont déterminés g gyitter ra rriniô-quË-pu.-àitËË'pi."Ài"elin]=i,rur,état de qêne qu'i1s éprouvent.. ." (Lettre au préfei, Lorraine ailemandefoyer o,emigrlti;-;r-;Ëtut du xIXesiècre,,, PagsLot'rain, 1926,p. ,'t-à zz). srtuatiôn-ààshabitants est mar_ heureusedans-beaucoup de communes..."(leiir. l'Intérieur, au ministre de 1..1.1933,citée par A. gaiÀl-op.cit.). (13) Lettre au ministre de l,Intérieur, !2.3.1g58; ADMM6 M 2gg. -17-

L'émigrationconstitue donc, pour ceux que le malheuraccable, un moyen d'améliorerune condition insupportable, ce qu'i1s ne se font pas faute de signalerpour justifier leurs demandesde passeports. Ainsi deux habitantsde Val'lerangedécl arent-i ls vouloir ,'voyageren Amérique poury chercher1es moyens de subsistancede leur famjlle,, (14). Dernême, en 1853,Antoine Jung de Brouvil'ler,étudiant de 19 ans, "se renden Amériquepour améliorerson sort', (15). Une lecture attentive des différentesdemandes permet ainsi de dresser un cataloguedes raisonsde cette misère.La terre n,est pas suffisantepour assurer la subsistancede ceuxqui la cultivent (16), ils sont accablés de dettes (r7), et ils ont unenombreuse familre à (18). 'lorsqu'elles nourrir Les denréessont chères, sont disponibles (19) et il n'y a pas de travail (20). A cela il convientd,ajouter, après1827, perte Ia de droits d,usagedans les forêts des régionsde Bitche et de Dabo,qui prive les plus démunisde ressourcesindispensa- bles, car les salaires perçuspar tous ceuxqui exercentde petits mé- tiers sont presque jnsuffisants toujours comptetenu de leurs charges. Dès1802 1e préfet colchenpréconise, en Moselle,de ,,diriger I'esprit deshabitants de la campagnevers l,industrie, pourenlever à la vie agrico'le unefoule de bras qui s'exercentcontinuellement sur de petjtes propriétés..." (21). Il a remarquéen effet que la surface despièces de terre exploitéesest souventtrop faible et que, de plus, elles sont travaillées à grandfrais et avecbeaucoup de peine.

(14) Lettre du 2G.L2.1839; ADMos89 M 1 bis. (15) ADMM6 M ZB8. (passeportsdélivrés en 1g53). (16) Lettre de NicolasHauslinger, cf. note 4 supna. (17) rbid.

(18) Lettres de J. Schwailet N. Barbe,cf. notes 5 et 6 supra. (19) Lettre du mairede Bitche,cf. note B supra. (20) Lettres de N. Hauslingeret du mairede Bitche I supra. ; cf. notes4 et

(21) Collectif, Histoite de La Lonraine, Nancy, 1939, p. 656. -18-

A la fin de la Monarchiede Juillet, c,est le conseil Général de la Mosellequi se plaint d'un morcellementexcessif de la terre ,,1es cultivée. ce sont, précise-t-i1, partagesentre héritiers qui, dansles campagnes, tiennentessentiellement à avoir non seulementune portion dansles biens immeubresde la succession,mais encore une portion danschacune des pièces de terre comprenantI'hérédité,, (zz) qui sont responsablesde cet état de chosesregrettable. Les donations desparents entraînentains'i une multiplication des parqelles,ce qui nuit à uneexplojtation eff.icace. De toute manière1es propriétaires sont peunombreux, moins d,un cinquièmede 1a populationdes vi'l'lages(23). Le reste est constitué par des manouvriersqui travaillent à'la journée(au moins50 % dans l'ensemble de la province,mais plus dansla partie allemande);et par des artisansqui complètentreur revenupar l,exploitation d,un lopin de terre. Les femmessont souventbrodeuses, dentellières ou couturiè- res. Dansles régionsoù s'est implantéune petite industrie, les ou_ vriers et employésexercent, eux aussi, unedoub'le activité, à la fa- briqueet aux (24). champs Maisdans les zonesmontagneuses où la cul_ ture n'offre que des ressourcesréduites, presquetous res métiers sont centréssur l,exploitation desforêts (25). 0r c'est parmi ces petites gensque se recrutent la plupart des émigrants. c'est que, pourtous ceuxqui triment et qui, à rongueur d'année sont à la limite de l,indigence,le plus petit incidentqui

(22) Compte-rendude la réuniondu ConseilGénéral, lg46; ADMos2 N 10. (23) Histoiy,ede La Loruaine, privat, Lg77,p. 369. (24) A la verrerie de Mûntztahl(st Louis) par exemple,quiemploie 300 ouvriersen 1812,"un tiers de ce noi,uiàtè't.oru. disséminé-dans les villages environnantset-ne travailre pour l,usine qu,à peu près la moitié de I'année',(ADMos i Sf+jl "- (25) A Saint Quirin,.en1g46, on ne relève, parmi qu'un les chefsde ménage, seut fermier et un seur nloprièiui;à j mais10 uûcÀeràns, 7.f-lotteurs, q iràie;ti;;;;,'rn r.6-voituriers, rur.handde-- 'bois et 14 scieurs (64 ouv.iers-spéciarisès-â-tàverrÀriài.- ADMM6 M 9l ; recensementde 1g46. -19-

rompt un équil'ibreprécaire a souventdes conséquences catastrophiques. Les charges de famille des chefsde ménagesont lourdes,car 1a population desquatre départements lorrains augmenterégu1ièrement (26).

f.trl.il.t a.al|.trr aatrrt...rtt l.rr.l|| I llll. llt

Graphique1 (Source: INSEE,OEE Nancy)

Cette croissance est duepresque uniquement à l'excédentdes naissan- ces sur les décès. Le taux de natalité est en baisse comnedans tous les paysd,Europe (27), maisles progrèsde la médecineet la formation

(26) Sauf durantla période1851-1856 où on observeun des courbes, fléchissement (27)33 p. 1 000entre 1820er !g26,28 p.,l 000 en 1870dans la Moselle. H. Contamine,Metz et La Moselie d,e1g15 à 1.870, p. 19. t. 1, Nancy,lg32, -20-

de p]us en plus répandue de sages-femmesamènent une baisse sensible de la mortaljté infantile et l,introductionde la vaccinationpermet de soustraire auxépidémies un nombregrandissant d,individus (zB). Il faut néanmoins soulignerles diversitésrég'ionales. En Moselle par exemp]e,c'est l'arrondjssement de Sarregueminesqui a la croissan- ce la plus rapide, tandis qu'à l'ouest du département,dans les arron- dissementsde Briey et de Metz, re taux de natarité et r,excédentdes naissancessont toujours inférieurs (en 1g70: Briey zz p. r.000, Sarreguemines30 p. 1 000). Dansla région de SarrebourgI'augmentation du nombrede bouches à nourrir émeutre conseird'arrondissement dès 1gz0; son rapport concernantcette année souligneen effet que "la populationprenrtr un tel accroissementdans cet arrondissement,qu,elle lui deviendraità charge,si dansquerques annéesIagricurture, re commerceet r,indus- trie n'offraient pas leurs progrès/êt7 Oesressources pour l,occuper...,, (29). ce n'est rà que ]a prévision d,unesituation qui pourraêtre observéeplus tard

(28) Le préfet de la Meurthe annoncela créationd,un,,cours d,accou_ chement"dull-son département en.1817,- -ét-iiui'i."ieldes ActesAdrninis- txatif deIB1r, p. zzs, circuraireou lano"gtz surratsd" ii:i-.-) .e_ llglurende-iéception oÀs-Ëravàs qui ont suivi ce l'annéesuivante. Sur les ib ràr.èài.i'iô-iuui.nt cours au comptedu,département, éréformées soit soit au comptÀ-oÀscorilnunes. six étaient originaires.{e rei autres u.nuni-oÀi' Adnrinistnatif, i'rg'gv, campagnes.(Reqeil lBtB; circ . gu ii.8:;; . àii_ztsl. Selon te mêmepréfei, ,,la ','répandue', meirrôoè-iàr[i.irËde ]a vaccine,,a été dans la Méurtheen 1g16 (circ. du 19.5.1817 : nu.i"it Àa^inistratif, !B!r, p. r4'-r51). (29) ADMos10 N 3. Au cours des années.quisuivent, ra pressesigna.re nombreuxd'infanticides. des cas assez Ainsi i" ioi*oi-æ t" MoseLLequi en menrionnedeux re 16.7.1826(a cÀrmév-J-a*!i.rck) sonnuméro 9:rz..rï.z7 qu,,,ôn_oepiàie-àvàc-raison note-r-ir dans d'infanticidesl! re grandnombre qui, depuisquerqu.r-unnàËr] o..up.nt les coursd,assisei...ii-'- " trop souvent Les jeunesretrouvés york à New sont presquetous issus nombreusesdans. lesquelles, de famiiles souvent,un aicident commele décès père, a précipité le OepÀri. du -2L-

Irolrtiondc h popuhtlorlur l'rrrûndi3t!DGlldt Srrrrbolrl tEtI . ||88

Srrtrbourg

Graphique2 (Source: INSEE,OEE Nancy)

'les En 1852par exemple, journaliers mariésde ce mêmearrondis- sementont, en moyenne, 3,5 personnesà charge,enfants et vieillards, dansles cantonsde Lorquin et de Réchfcourt,un peumoins dans celui de Sarrebourg(2,3). Dans1a Moselle, les moyennesobservées pour les arrondissements s'nt en corrélation avec les chiffres de la natalité ; d,est en ouest on note 4,7 poursarreguemines, 3,2 pourThionviile, 2,1 pourMetz et L,4 seulementpour Briey (30).

(30) ADMos258 M 1. -22-

Itr$rllt i elrr;r: mo-1 W 7-2 Ë== 2-3 m3-s ffi ,hr 4.5

Ghrrgcsdrr journrlirrrmrriit, Iorcllr !l rrlolditErmcrtdr Srrillou?g | 852

Carte no 1 (Source : ADMMI t4 J.Zg- ADMosZ5g M l)

A la mêmeépoque, les salairespayés aux journaliers varient en- tre 0'40 F (canton de vormunster)à 0,g0 F (Grostenquin)rorsqu,irs sontnourris et de 0,90 F à 1,zo F dansres mêmes cantons rorsque res repasne sontpas fournis. Dans1a plupart des autres cantons de la Moselle, ils sontrespectivement de0,50 F et de 1 F la journée(31).

(3t) rbid. Lessalaires desfenmes sont toujoursinférieurs à ces chiffres. -23-

Les artisansne sont guèremieux lot'is. Dansl,arrondissement de Sarreguemines,17 catégoriesgagnent en moyenne40 centimes(nour_ ris) pour journée une de travail. Le minimumest verséaux cloutiers, maréchauxferrants et tailleurs d'habits (30 c) et le maximum(50 c) auxbrasseurs, mécanicienset tonneliers.Dans le cantonde Lorquin (Meurthe),'les salaires sont comparablespour ces mêmeprofessions (minimum: tonneliers, 50 c ; maximum: selliers, 62 c). Dansles deux régionsconsidérées, seulesquelques catégories bénéficient de revenus plus que élevés ceuxdes journaljers. A Sarregueminesles tisserancts (1,50 F nourris), les tanneurs(1,75 F), les maçons(2,25 F), res teinturiers (2,50 F) et surtout les ouvriersdes faienceries(3,75 F) et les horlogers(s F) font partie de ces privilégiés. A Lorquinil s'agit des vanniers, des scieurs, desfaienciers, des ouvriersde la fabriquede glacesde cirey et de la Forged, (entre 1,50 F et 3 F) (32). De plus, beaucoupde métiers indépendantssont soumisau payement de la patente et ne sont exercésqu'épisodiquement. Ainsi les artisans établis à saint-Quirin en 1g16font-ils les remarquessuivantes: le boucherqui paye19,92 F qu'un "ne tue ou deuxveaux par semaine,,; les deuxcharpentiers (16,60 ,,nront F à eux deux) d,ouvrageque 6 mois de l'annéeet toujoursà la journée',; le sabotier,,n,a de débit qu,en hiver" ; le tonnelier ne travaille qu,unepartie de l,année,,,tout com_ mele fileur de laine et les six tissiers. c,est aussi le cas des huit maçonsqui "sont bûcheronsles six autresmois" (s11. L'enquêtede 1852 révèle d'ailleurs nettementcette absencede continuitédans le travail. Dansl'arrondissement de Sarreguemines,les hommessont occupés en moyenne153 jours par an, les femmes12g et les enfants48 jours seulement(1A1.

(32) ADMM7 t4 Lzs.

(33) ADMosL0 N 3. (34) Chiffres extrêmes: Sarreguemines, ; Rohrbach,65 pour mes.Femmes : ^300 les hom_ .sarregueminés300 ;' Sarralbe,50. Enfants: Forbach, 150 ; St AvotO,O (ÀONosZSg M li. -24-

peut 0n tenter, à partir desdonnées précédentes, de calculer le revenumoyen d'une famille de 5 personnes,dans l,arrondissement de Sarregueminespar exemple.En admettantque les deuxparents soient journa]iers, que deuxenfants soient en âgede travailler et qu,une troisième personne(enfant ou vieillard) soit entièrementà 1a charge de la famille.

Père : 153journées à 1F 153 Mère :L27 " à 0,B0 F 101,6 Enfants:51 "à 0,55 F xZ 56,1 Activité accessoire: 265,4

Total 576,1 Dépensespour une famille de 5 personnes: (cf. infra) 667 Différence: - 90,9 F

Force est de constaterque cette famille est ob]igéede faire des det- tes' En 1852 les cas sont fort nombreux,particulièrement dans les ré- gions du nord-estlorrain. En Moselleet dansl,arrondissement de Sarrebourg,les dépensesd'une famille de cinq personnessont évaluées, en moyenne' à 675 F par an, les chiffres extrêmesétant relevés à Thionville (510) et à Briey (767). Dansl'arrond'issement de Sarreguemi- nes, la sonuneest très voisine de la moyennedépartementale (667), alors que dansI'arrondissement de Briey le chiffre est le p'lusfort et drassezloin. Pourtant,si l'on en croit les rapportsdes commissions d'enquête cantonales,les familles du PaysHaut réalisent quelqueséco- nomies(35)' ce qui n'est jamaisre cas ni à Sarreguemines,ni à

(35) Briey: 100F d'économieà conditionde faire montred,,,habitudes d'ordre,,.Conftgns :. 24 F ; Longwy: fjg È que ir*iiieil. rï-n;y u dansle cantonde Longuyon{ué les célibataires ne font pas d 'économies . -25-

Sarrebourg(36).

--l i I 767t51 I 27ÛnA I aat.!r.r Y trrftfrt - 767151 I Gilll.tflrrr- 278 I 1A BRIEY .L 722JO lcalalllal

255t6

lrl ETZ

0épensesannuelles des familles(5 pers.l et descélibataires enMoselle et dans l'altondissementdeSalreboulo. 1852

Carteno 2 (Source: ADMM7 t4 L29 - ADMos259 M 1)

A l'échelle des cantons,1es remarques faites par les enquêteurs sont révélatrices(37). A Boulay,les économiesdes familles sont nul- les, "en admettantqu'elles puissenten fa'ire,'.Dans I'arrondissement de Sarrebourg,à Réchicourt,1a famille "se trouve heureusesi elle ne dojt rien à la fin de I'année",quant aux célibataires ils n,épargnent

(36) Dansl'arrondissement de Metz, il ne se trouve qu,à Boulayet Metz Campagne-que1es céLibatai.r'es-réussissent à metdre de-i;àigànt oe côté, maisseulement "s'il ne survientpas d,accident". (37) La-dernièrerubrique du questionnairesoumis aux commissionsd,en- quêteétait : "Lesfamilïes font-elle deséconomies ?', -26-

rien, "au contraire" (38). 'la l4aisc'est dans régionde Sarreguem'inesque 1escommentaires sur ce chapitresont'les plus significatifs. Dansle cantonde Forbach, les famil'lesfont "plutôt desdettes quedes économies,'; à Grostenquin la réponseest brève : "néantou dettes" ; à Rohrbach,la famille "fait desdettes". A sarralbe, notent les enquêteurs,on ne fait aucuneéco- nomie,et on ne s'endettepas uniquement si I'on dispose,'aumojns en propriétéd'un jard'in pour 1es légumeset d'un champpour les pommesde terre". A sa'intAvold, "lo jn de f a'iredes économies... les f amilles s'endettentet émigrentquand elles le peuvent,,. Cequi est vrai desfamilles s'appliqueégalement aux célibatai- res. "lls vjvent au jour le jour" (Sarreguem'ines); "1a plupart font desdettes" (Grostenquin); dansle cantonde saint Avold, 1e jeune hommequi n'a pas encorepris femme"se réunit toujours à quelquemem- bre de sa famille marié, car il ne gagneraitpas de quoi vivre seu1", sansparler de se constituerun pécule! Pourbeaucoup donc, 1'a]ternatjveest d'emprunterou de partir. cette dernièresolution n'est jamaisenvisagée avec plaisir commele ,'Les note bjen 1e sous-préfetde saint-Dié: habitants/de l,arrondis- sementde Saint-DiÇ7sont excessivementattachés à leurs montagnes,ce n'est qu'à 1a dernièreextrémité qu'ils les quittent, et c,est, d,ordi- naire, quandils ne peuventp]us se procurerdes moyens d,existence...', (39). Maisles plus pauvresn'ont pas re jardin ni la chèvre',nourrie par 1'herbearrachée à droite et à gauchesur re commun',(40), qui, souvent,permettent de survivre. 0n a doncbeaucoup recours à 1'emprunt.Les archivesdes justices de paix contiennentles minutesde multiplesaffaires de dettes non payées.celles de Lorqujn,dépouillées entre le ler janvier et le 15 novembrede 1847révèlent de nombreuxcas de jugementsoù comparaissent

(38) Dansle cantonde ,non seulement les économiessont nulles, mais"on a du mal à mettre les deuxbouts,'.

(39) Lettre au préfet desVosges,10.3.1B5g; ADV lS M 50.

(a0) ADMos258 M 1 (enquêtede 1852,Art de sarreguemines,canton de St Avold). -27-

deshabitants du canton,presque tous de conditionmodeste (41). Les prêteurssont des commerçants des environs,1a plupart des juifs ori- ginairesde sarrebourg et (42), dont re p'rusactif sembreavoir été LazareLévy. Les sommesdues sont parfois importantes.Martin Laboile, carrier de Heille, doit 910,g0 F. certains, incapabresde rembourserun premier emprunt,s'adressent à d'autresprêteurs. c'est le cas de Joseph Dillensegre'manoeuvre à Lafrimboile,qui comparaîttrois fois en Mai et Juillet. Le total de sa dette s'élève à z4sF (43). Le voiturier NicolasFiacre, de Lorquin, est redevabred,une somme de 66r,30F, ré_ partis entre LazareLévy et RaphaëlJob, d,Imling. ces prêteurs rappellentle triste Robindécrit par Erckmann_ chatriandans Histotre d'un paysan,,,reprus coquinde Mitter_ bronn",àqui res Bastien desBaraques ont empruntéde quoi acheterune chèvreet qui mettent des annéesà rembourser,en espèceset en nature. "combiende marheureux sont encoreaujourd,hui dévorés par desbrigands pareils ! combientravaillent pour unemisèrable dette, et se consument sansjamais voir ra fin de reurspeines !', se ramentere (4+1. vieux Bastien Maisc'est lorsque survientune période particulièrement diffici- 1e queces conditionss'accusent et placent.respetites gensdans une impassedramatique lorsque ,,r,accident,, ; se produ.it évoquépar 1es membresde la commissiond'enquête du cantonde Bouray(45).

(41) +o % de manoeuvres ; 19 % d,artisans ;' L0-- %N d,ouvriers(2 person_ nes citées sont des propriétai..sj.- (42) ADMos'f 22 u 13:Justicede paix de Lorquin(Meurthe) es, lB47-lg5? ; Minutescivi_

(43) tzo F à Absa'ron.Lévy,commerçant marchand à Imring ; zg F à Michersamuer, debesriaui dans ra'même-rôËàiiie'; 100 F commerçantà Sarrebourg. i a;i;n,Jnleuy,

,oo, Histoired.,un paysan, éd. J.J. pauvert, 5:.lmann-Chatrian, t. I, (45)Cf. supranote 36. -28-

un hiver rigoureux entraînera haussedu prix du froment,et re pain qui constituela nourriturede basedes familles se trouvebien- tôt hors de prix (46). Lesmois de février et de marsrB27 sont, par exemple,particulièrement rudes(47) ; la neigetombe en abondance pendanttout l'hiver. Desloups sont signalésdans plusieurs cantons (48). Le nombredes pauvresest partouten augmentationsensibre. pru- sieurs d'entre eux sont retrouvésmorts sur les routeset le rédacteur du Journalde LaMoseLLe s'apitoie sur "la situation actuelle de la classeindigente" et sur "les souffrancesque la rigueur de la saison fait endurerà un grand nombrede famiiles,, (49). A Metzet à Nancyon organiseun concert au profit des nécessiteux.Celui de Metza lieu dansla salle de spectacles,celle de I,hôtel de ville, initialement prévue, "s'étant révéréetrop petite pourcontenir tous res souscrip- teurs" (50). Desconditions aussi défavorablesse retrouventau coursde l,hi- vers 1829-1830- Le courrier de La MoseLLenote re 29 décembre1gz9 que "l'année, sansavoir été tout à fait mauvais€,,',est pas uneannée abondante.Il y a doncbeaucoup de malheureuxqui souffrentet qui ont besoinde secours". Le froid y est "rigoureuxet soutenu,,et,de p.rus, "l'hiver a commencébien plus tôt quece'la n,arrive communémentdans cette province"(51). L'administrationcharitable de ïhionville ayant

(46) D'aprèsles chiffres de |enquêtede 1g52,res dépenses pour le seu1.pain faites représententen royeÀÀ.'s6% des sornrnes consa- créesà I'achatde 1ânourriture oanË-ï.i Sarreguemines irrondissemeniiàe Metz, (Moserle)er suirÀuàrrgiùËurÛ'.1. (+z) températures -20" fgs atteignglt_ c et -21oc les L7-' et 1g Février {Jourmctlde LaMosellel 20.2.1827-ei-24.r.rg27t-.

(48) Journal de La MoseLLe, Z}.Z.Lgzl. (49) rbnd., 20.2., 21.2,!.3 .1827. (50) JournaLd,e La MoseLLe,S.J.LBZ7 . (51')coutz*iez' d'eLa 5.1 .1830. La Lomainen ,est ,ai pas la -MoseLLe, d I leurs seuterésion touchéepar le-fr;ià lncÀè-rÀrîiiË-risnu_ le te li..z.rB30-que ;'iu re port be caiair-Ëit'entièrementgeré.

i -29-

épuisé toutesses ressourcesordinaires se voit obligéede collecter desfonds partout, "comme pôFvoie de souscription',(sz), pour venir en aide auxpauvres de la ville. En périodes ces de disette, desesprits inventifs essayentde pallier le manquede blé par le recoursà desnratières premières pour le moinsoriginales. Enfévrier 1g30on expérimenteainsi un pain d,un type nouveau obtenuà partir de farine de seigre et de pommesde terre selées! (53) Destentatives similaires ont lieu au momentde la crise des sub- sistancesde 1846-47. janvier En 1847une feuille messjneannonce des essaispour obtenir pain un "avecun mé1angede far.inede fromentet de betteraverapée" (54). Quelquessemaines plus tard, le patriote d,e La Meu,the signaleque deux échantirons de ce produit ont été présen- tés à la Commission d'agriculturede la Sociétéd,émulation des vosges. "ce pain dont la couleur,note le conunentateur,est celle du pain de troisièmequalité, est fort bon,'(55). ce que journaux 1es ne précisentpas, c,est 1e prix auquelest venduecette nouvelle qualité. En revancheils notent les haussessen- sibles et régu1ièresappriquées au pain tradit.ionner.

(52) rbid., 23.1.1830.

(53) Counz,iez,de La MoseLLe,!3.2.1830. (54) rbid. , 5.L.L847 . (55) Article du IL.Z.Lg4l,cité danste Counrier de La MoseLLe, t6.2.t847. -30-

Prirdu blÉ rt duprin à Matr btd F patn F 50. t,20

bté - {hD pain- lZkgl /15 .

.lo .

35.

30. Janv. Mars Avril

(Courrior dÊ la lros€ilc,1947)

Graphiqueno 3

A Metzpar 'le exemp]e,en cette année1,947, prix de la michede z kg de pain de troisièmecatégorie (56) passede g5 centimesà la mi- janvier à un franc 17 centimeset demideux mois plus tard. Il ne bais- sera qu'audébut du moisd'avri I . Dansla Meurtheon peut constaterdes augmentationsencore plus importantes : à Lorquin]e prix du kilogramede pain bis est murti- plié par 3,25 entre marset août ; à Sarrebourgau cours de la même

(50) lgs trois_qualités.disponibres^étaientre pain branc, 1e painbis- btancet te painbi:-. La prem-ièrecarésoriË .ôoiàil-Ën'ô.5i g de plus que so la dernière;'le bis-blanc"is% ae plusùue"iè-uir. -31 -

période,i1 est presquetriplé. sur cinq autresmarchés du départe- mentI'augmentation représente plus du doubledu prix minimumet il n'y a qu'à Toul que 1'on constateune différence inférieure à 100%. (Cf. Tableau)(57).

ttlt/lttGl nrrl rrr3lat rntlilr!a !tri llrrB ni.i l.raU tlnt

Sadonviller ôo 25 35 230

Château- Salins 55 24 31 2.30

0ieuzc 5Zs 28 29.5 2.05

Lorquin 65' 20 45 3.2s

Iunéville 59 28 31 2.10

Pont-à-Mousson 60 26 34 2.30

Sarrebourg 58 20 36 2,90

Toul 60 32.s 27.5 1,85

Prix du pain bis dans la Meurthe en l84?

Tableauno I (Source:ADMM6M632)

'la si 1e pain forme1e principar de l,al.imentationdes ménages, porunede terre constitue un appoint 'important.Dans l,arrondissement de sarregueminespar exemple,la surface prantéeen tuberculesrepré- senteun tiers de celle du blé (5g).0r, pendantplusieurs années les récoltes sont en partie perduesà causede la,,maladie,,.En février 1847à en croire le courrier de La MoeeLLe,elle ',va toujours son train lët7 le mat est si grandqu'il est à craindrequ'on ait peineà

(s7) ADMM6 14632.

(58) 6 896ha contre Z0 286,6ha en 1852.Dans le cantonde Bitche par contre la surface consacréeau blé est un tiers de celle réservée aux pommesde terre. (ADMos258M 1). -32-

trouver assezde pommesde terre vers 1'époquede l,ensemencement', (59). Suiventdes conseilspour la conservationdes semences,pu'is des instructions"pour élever 1esjeunes p1ants,,(60). Trois ansplus tard un autre journal messjnpublie un artjcle consacréà un "remèdecontre la Maladiedes Pommesde Terre" dû au curé de (61). jl Mais semblebien quetous les soinset remèdesse soient mon- jnefficaces trés car en 1852les commissionschargées de compléterles questionnairesde la statistique agricolefournissent des chjffres alarmants.Partout, les pertes duesau fléau sont considérableset re- présententmême, dans le cantonde volmunster,plus de g0 % de la ré- colte.

trrtrl rr N: Sarreguemines

E moinsde 50 m50.60 v---, F---- 61.70 êa-ll*-l-:- --_--:fu mffi71.80 II'tnii3t EJ=F:E E# plus de 80 Sarrebourg h mrladiadc la pommrdc trtrr drnslcs arrondisscnrenti dl SrrrcbourgetSarreguemi t852

Carte n" 3 (Source : ADMM7 t4 L29- ADMos2s8M 1)

(59) Numérodu 4.2.1841.

(60) rbi.d., 18.3.1847 .

(6I) Indépendantde La I4oeeLLe,7 ,2.1850. -33-

cherté du pa'inet rareté de 1a pommede terre ajoutent aux malheursdes indigents,des mendiants qui sont, pendanttoute 1a pé- riode, un sujet d'inquiétudeconstamment renouvelé pour les nantis en mêmetemps qu'une cause d'étonnement pour certains témoins(62). Le Moniteunde La Meurthese fait abondammentl'écho de ces préoccupations dansson numérodu 25 octobre 1g54:

"Lesmendians se multipliaient dansla Meurthecomme au moyen-âge: il fallait y mettreun terme,car si le premierdevoir des citoyens, des horunesiéun'is en so- ciété civilisée et chrétienne,est la charité à l'égard des pauvres,le devoir desautorités est d'empêcherla bienfaisanced'être détournéede sa pieusemission. Il ne f aut_pasque le dérit punissab'leprenne la p]aceet usurpeles droits de la misèrequ'i1'faut secourir. Il y .inso- a unedifférence immenseentre celui qui'proménÀ'pur montre lemmentses souffrances'les et celui qui ne s.s haiI lons par chemins,parce qd' i t n,â pus àn.0.. perdutout sentimentde la dignité humaine... _ Le jour est.venu,croyons-nous avec M. le préfet de la Meurthe,de faire cessérdésormais cet odielx spec- tacle d'enfansau majllot qu,onporte sur les bras, gy'on promènedans nos rues, sur nos places,et que I'occasionvenue on fait pleurerou gèmi.pâ. unepriva- tion calculéede nourriture, de vêtefrensoL de ioins; 1e jour est venud'empêcher inexorabrement res Àommes validesde s'adresserà la charité publlquepàr refus de-travail ; le jour est venuenfin'o,ariêtei court ra spéculationde.parens indignes qui poussent-l.rrr.n- lans a ta fainéantiseet à la mendicité,sources de tous les vices...,'

position Cette hostile des autoritésà l'égardde la classela plus deshéritée n,est pasnouvelle. En effet sousla Restaurationdéjà les élus de I'arrondissementde Sarrebourgdemandent que le gouverne-

(62) chateaubriandentrant en Francepar Forbachle 4 juin 1833 passant'la écrit : "En rimite qui sépare'reteriiiôire ae Sarrebruckde celui de Forbach,la Francene s,est pasmàntrée à moi o;uÀema- nière briilante: d'abordun cut oe iâ[te','-puisun aùt.À nôùmequi rampaitsur les mainset sur les genôu*.:: ensuitàonl pàru une ; oans charrettedeux vieiiles nojrei, ridées,'avant-gardedàs femmes françaises.I1.y-avait de quoi faiie rÀUràurser prussienne".. ,'L,ense.ignèmentchemin à l,armée cité par H. wirmin, à roiuicrràvant et sous la Monarchiede Juiilet-(r830-rg4--gl",cahie,s sàilo"ârn*- nois, ro 4, Déc.1966, p. 154. -34-

mentadoptesans tarder "desmesures plus efficaces poursoustraire auxregardsdu public le hideuxspectacle de fainéantsquj se créent des infjrmités pourattirer la commisération"(63). Les associationscharitables n'en continuentpas moins d,organi- ser dessouscriptions dans les villes (64). 'ra Pourajouter au malheurdes populations, Lorraine-- comme d'autresrégions françaises -- voit périodiquementréapparaître des épidémiesqui sont d'autantplus meurtrièresqu,elles atteignentdes individusmal nourris et, donc,en état de mojndrerésistance. De nom- breuxcas de petite vérole sont signalésdans la Moselleoù, note 1e JournaLde La MoseLLe,"eJle a fait des ravagesassez cons'idérables en 1826et /ôu7 etle continueà régnerdans plusieurs cantons" au début de 1827(65). Demai à octobre1.832 les régionsde I'ouest de la provincesont frappéespar une épidémiede choléraqui "a éclaté au centre du pays avantmême de s'être montréesur ses limites', (66). La maladie,dont certains redoutaientl'arrivée au Havredès le printempsde 1931-- car elle faisait desvictimes dans les paysriverains de la Baltique -- (67) se manifestedans les départementsdu nord et du centre dans les premiersmois de 1832(68).

(63) Compte-rendudes dé1ibérations du conseilde l'arrondissementde Sarrebourg,1825 ; ADMos10 N 3. (64) Counrierde La MoseLLe,2.1.1847, 19.1.1g47.

(65) Numérodu 1.3..r.8?7.Margré 9 030vaccinations, on compte5 3g5ma- I adeset 766 décès (66) Lgttre du préfet de la Meurrhe,1.3.4.1832 ; ADMM 5 M 90. Il y en aurad,autres en 1854et lg66 (67) Journal du Hauy,e,29 et 30.5.1831.

(68) ,tournal de La Meurthe, 2!.4.L832, L'épidémiesévit parmiles ou l.300 malheureuxqui, presque ,embarquer"12 constamment,attendent d au Havre,,,rapporte ie' m.inistre dansune lettre au préfet de la Meurthedu I mai'1932.(nor,lll + N 234). -35-

CHATEAU.SATINS

rllhlrr larclal tl o E I m2-5 MM6-8 ffi 9-tr

Tour.i93 ruf{EvtuEt3î

IIEURTHE: l. cholô?. d. 1832

Carteno 4 (Source:ADMM5M90)

Dans le départementde la Moselle,l'arrondissement de Sarregue- minessemble être épargné; c'est à Metzet à Thionville que l,épidé_ mie est 1a plus dévastatrice. Dansre seur chef-'rieuon compteprus de 1 800 cas entre la mi-juin et les premiersjours de septembreavec près de 800 décès.Au 16 août on recense3 282cholériques dans l,ensemble du département,parmi lesquelsI 273sont descas mortels. Dansl,arron- dissementde Briey l'épidémieest moinsgrave, de mêmeque dans la Meuse où elle se trouve enrayéeau débutd'août (69). janvier 'ra Enfin le L4 1g49, pressesignare que re choléra,péné- trant en l'occurrence par ra frontière du nord, a envahira France.r-e mal progresserapidement et sévit dansles campagneslorraines au cours

(69) Gazettede Metz, du 28.6. au 20.g.1g32. -36-

de l'été. Pour1849 on enregistredans 1es quatre départements g 4g3 cas et 3 389décès (70). "partout, selonG. Richard,on signalede véritablesépidémies de suicides; les journauxlocaux s'en inquiètent et I'un d'eux trtespérance ,,un de Nancyy vo.it : symptômeaff r igeant et irrécusablede ra démoralisationactuelre,, (rr). c'est que, au sortir de la crise desannées i.g46-47 la situation économiqueest loin d'être florissante. Dansla Meurthela broderie chôme,les industries localesferment leurs portes et le commercepéri- clite (72). Malgré I'embauchepour les travauxdu cheminde fer de Paris à unegrande partie de la maind,oeuvre reste inem- p1 oyée EnMose11e, le préfet récemmentnommé constate dans une circulai- re aux sous-préfetset aux majresque "le mouvementdes affaires a été partout ralenti : ra propriétéfoncière et ra propriété industrieile éprouventde communes souffrances; 1esateriers manquentà ra crasse ', I a plus nombreuse.. . (73) . Presquetoutes les industriessont, d,aprèsles observationsdu préfet de la Meurthe, ,'L'jndustrie en souffrance. des tissus de coton, de soie et de 1a'ine, .la note-t-i1, est notablementtouchée par crise actuelle, et depuisplus de 6 moiselle a vu diminuerses ventesdans 1a proportiond'un cinquième"(r4). A proposdes saraires, 1e même fonctionnairesignale que "desétablissements, tout en conservantIeur activité et sanscongédier aucunouvrier, peuventêtre dansle cas de les réduire directement ou indirectement,soit en diminuantle nombre de jours d'activité, afin de répartir re travail entre tous, soit en diminuant le nombred'heures de travail... soit en ne donnantqu,un

(70) Gabriel Richard, "Trois Lorrains en californ ie,,, Ret)ued.es d.eu^æ mondes, L5.2. 1.943,p. 397. (71) G. Richard, op. cit,., p. 397. (72) rbid.

(73) L'indëpend'ant de La MoseLLê,^o z g5r du 4.2.rg49. (74) Observationsgénérares du préfet, 1g49; ADr"rMg |4 7. -37-

traitementpartier à desouvriers inoccupésqui sont conservésdans 1'espoirde leur rendreplus tard leur activité" (ls). Dansde nombreuxcas cependant,1es patrons licencient unepar- t'ie de la maind'oeuvre. Dans I'arrondissement de sarrebourg,la manu- facture de glacesde cirey par exemple"continue à employerun tiers en moinsd'ouvriers qu'e1le n'en employaitautrefois', (76). Le commerce danscette région, et à la mêmeépoque, est "réduit à des proportions minimes",êt, de toute façon, il ne s,exerceque sur les grains et surtout 1e bois, dont la vente"a subi unenotable dimi- nution depuisles événemensde Février l84g,,(77). Lesforêts constituentjusqu,à la miseen applicationdu codefo_ restier -- de 1827(78) qui couronne,selon A. Soboul,,,une offensive en règle de 1a part de l'administrationdes Eaux-et-Forêts, (lg) __ une sourcede revenusimportants pour les habitantsdes régionsoù, de par la présence mêmede grandesétendues boisées, les ressourcesagricoles sont insuffisantes. La pratiquedu pacageet du parcoursdans res bois communaux et de l'état, les droits de "faire de la feuille" ou',du bois" permettent en particurier auxnon-propriétaires de posséderune

(7s) rbid.

(76) Rapport du sous-préfetde Sarrebourgau préfet de 1a Meurthe, 74.7.1850 ; ADMM9 t4 I . Desremous avaientdéjà agité la cristallerie de Baccarat prin_ tempsde au 1840.Les ouvrieis entendaientprotester contre ,,untarif réductif d'un quart du prix de mainà'àelvre" qui àÀ;;it appliqué parrir.du_rei^ ràur être à juin et orgàniiàiàntdes réunionsdans une.forêt.prochede la viile pourdécioer àe (Lettres la conduiteà tenir. du Mairede Baccaratau sous-préfetoe t_uneviiie, 30.5.1.840, et du sous-préfetau préfel, mèmedate; ADMM'9M 32). (77) ADMM9 M ,,ra 7. Le-même-rapportfait_remarguer que situatioir des agriculteurs/fr'es!7 pâ! bonne merilË-ioieraurÀ,-uien-ui' trai re" 1ni7 .on_ (78) En particulier les articles 61., 62 et 63 adoptéste --23 mars ','' lg27 par la chambre(Journal de La itoselLe,àe.J:iazi).- (79) pnoblèmes Albert Soboul, paasansd.e La Réuolution 1.?89-1848,paris, 1976,p. 279 ) -38-

vacheou unechèvre et d'obtenir du bo.isde chauffage(g0).Dès 1g2g les inconvénientsqui découlentde 1a réglementationstr.icte de ces droits sont soulignéspar le commandantde la gendarmeriede la Mosel- le: "le propriétaire, écrit-il, ne peut se procurerde l,herbe, des feuilles mortesque dans ra forêt ; s'ir est pris, r,administration forestière le fait condamnerà r'amende, à I'emprisonnement...arors ils ont été chercherun mjeuxêtre à 1'étranger...,,(g1). En Lorraine res popurations1es prus touchées par l,apprication du nouveaucode sont ce1lesqui vivent dansres ancienscomtés de Bitcheet de Dabo.Le fait est soulignépar le procureurgénéra.l de Nancy dansune lettre au min.istrede la justice :

"Lespopulations que je vousdisais tout à I'heure leurs principaux avoir moyènsd'existence dans reurs droits d'usagesont notammentceiles ou comiéà. D;b;, entièrement contrée couvertede forêts èt àU-ir-,i,v-u-iraceni pour la charrueni pour un travail agricolËqrËt.on_ :i:..i^g:p!ls,p'tusde 30ans, t,étendùe .i i.-rJo. o'exlsrencede ces droits d'usageont donnélieu d'iff à des icultés innombrableset conIinuerlei ôntre-ies r,a_ bitants et l,adm.inistrationforestièrei (Àâi.-

(80) Dans sa réunionol juillet 1840,le conseil de de SarregueminesI ,'l,enièvementl,arrondissement fait-remarquerqùe des feuilles mortesdans res forêts de l,Etat'est plupart unÀràrrour.. nécessaireà ra descommunes de I'arrondissement.sans e11e, pauvrene pourrait, la classe faute de litière, conserverson'bétail, et 1'agriculturesouffrirajt du runqr.-à,ànô.àir. L'autorisationd'enlever des feuillés certainsjours^de mortesest accordéepour chaquesemaine, sfe.iàiàment àérigÀeil-ùo., i1 v a dérir.0f peutd'u'!r];;.;';piôvà" de rà doncqu'eile r. o. voiture; onvoir est fort restreinte. Mais'.À"lui ra rend nulle, c'est qu'ete à peuprès commen..à-iu iin àà À'ou.rore,c,est-à-dire avecles neiges,et finit avecI'hivei Le conseirdemande... qge re tempipour feuilles r,enrèvementdes mortessoit régré g,r.n.n,àniE.."pius favorabre le sorte qyl^.l'on^atteilne et de ter_ re out qu;on-tËpropose, d,aider r,in- digence,,.(ADMos B N 10i. (81) Lettre au préfet,2.4.1828; ADMos89 M 1 bis. (82) Lettre du 28.3.1848,citée par A. Sobou1, op. cit., page note 20. 30g, -39-

L'art'icle 61 du codeforestier n'admetà exercerdes droits d'usagedans les bois de r'état queceux dont ces droits aurontété reconnuspar des actesdu gouvernementou des arrêts défjnitifs, ou serontreconnus par suite d'instancesadmjnistratives ou judic.iaires intentées.Les communes,1es propr.iétaires d,établissements et les particuliers ont été prévenuspar différentescjrculaires de la mar- qu'ils che devraientsuivre et desformaljtés à remplir s'jls se croyaientfondés à réclamerl'irrévocabilité destitres et le maint.ien de leurs dro'its d,usage. Danssa réunjondu 16 mai 1831,le ConseilGénéral de la Moselle s'inquiète des conséquencesde I'applicationde cet article. Selonses membres "unetelle mesureconsommerait la ruine des habitantsque 1a misèreréduit déjà à journel 'Amér.ique,, s'expatrier lementpour 1 (g3) ; au coursde la mêmeséance le Conseilcroit devoir émettre1e voeuque les conununesconcernées "sojent maintenuesen possessiondes droits d'usagedont elles ont joui jusqu,àce jour,, (g4). Dansl'ancien comtéde Dabo,les habitantsentendent conserver leurs prérogativeset s'émeuventlorsque des étrangers s,approvision- nent en bois dansleurs forêts. c'est ainsi qu,eninai 1g30,rorsque 300 cordesde combustiblesont rivrées au polissoir installé à France_ Balles et appartenantà la verrerie de Saint-Quirin,une pétition des villageois d'Abreschviilerau préfet de ra Meurthedénonce ra non-ap- p'lication des "Réglemensde ce comté',selon lesquels"tout trafic de bois à brûler ne peut se faire entre les marchandsétrangers audit comté". Si un tel abusétait toléré, affirme le document,les hab.itants usagersqui ne reçoiventque deuxcordes de bois pour leur affouagean_ nuel, ce qui ne peut suffire auxbesoins d'un ménage,et les autresha_ bitants non-usagersqui ne reçoiventrien, ne pourraientplus se procu_

(83) ADMos2 N 8. (84) A Bitche_Têrye,encore en l.g4l, beaucoupd,hab.itants de la sont ville "obligésd'aller au bois et d,en iappoiie.-unecharge ooni le produit assureleur subsistance', J. vidalenc, La soeiëté franç^aised.e LBLs à i.B4B.Le peuple d.es c@npagnes,Paris, 1970,p. IZS. 4riÊ- -'- "..,À

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rer le bois nécessaireà reur chauffage ce gui serait ra caused,une infinité de délits qui pourraienten résulter,,(gSy. Les industriels qui bénéficient de droits spéciauxparce que leur étabrissement est instar ré sur re territo.ire desmêmes jur.idic- tions ressententdes inquiétudes simiraires.En cas d,abusrépétés, font-irs observer,"non seurement res anciennesusines du comtétombe- raient, les pèresde famire et res ouvriersqui res soutiennent raient se_ ruinés, maisencore]es usagers dont l,existencene dépendque desbojs où les princesles ont attirés, commele dit formellement titre le de 1613,qui donneaux usagers seursre droit d,acheter,ne pour- raient plus recevoirce qui leur est dû, et se trouveraientdépourvus de tous moyensd,existence,, (g6). ce que res habitantsd'Abreschviter redoutentse produit, sur_ tout en périodede crise. Ainsi ,,1orsque en 1g30et 1g4g, l,affaiblis_ sementde 'appareil répressif de ''Etat bourgeoiset citadin permet auxhabitants des marges forestières de revenir auxvieux usagescom- munautaires"(s21. Denombreux "désordresforestiers,, sont signalés dansl,arrond.issement de Sarreguemines et de Sarrebourg,Êr particulier à (Meurthe) (gg), aprèsra chutedu régimede Juiret. Dans d'autresrégions, c'est ra disparition des forêts qui con_ sommera ruine du petit peupre au bénéficede querquespropriétaires aisés. c'est notamment re cas dansla régionde Grostenquin. autrefois, ce canton était à en croire le préfet, ,,l,un des plus riches du Dépar- tement,mais ir s'est successivement appauvridepuis que Ion cé a commen_ à détruire res beiles et vastes forêts qui couvraientson territoi_ re' et qui faisaient vivre unepartie de ses habitants.ceux_ci naguère encoresi paisibres, sont aujourd,huiexaspérés contre 1es de bois acquéreurs et surtout contreceux qui défrichent. Le prix du bois est si

(85) Pétition du 6.5.1830; ADMMZ M 229. (86) Lettre des propriétaires de la de Soldatentahl, d,Abreschvillei, u, prèi.i-0. -verrerie -ÀôùN"i"ii"'zzs.commune la Meurrh€,8.s.1830 ; (87) A. Sobouf, op. cit., p. Z7g. (88) rb.i.d. -41 -

élevé qu''i1ssont obligésde consommerdu charbonde terre qu'ils ne se procurentqu'à grandfrais', (gg). ces conditionsdéfavorables dans lesquelles se débattentles classes1es plus démuniesse succèdent,se conjuguentparfo.is et créent, périodiquementnune sjtuatjon telle que 1'émigrationà l,étran- ger ou vers les villes constitueune porte de sortie dans1aque11e s'engouffrentnombre de malheureux(90). La misèredoit doncêtre rangéeen tête des causesde l,ém.igra_ tion. c'est un état que 1'on fuit et que 1'on entendremplacer par une situation meilleuredans le paysd,arrivée. MaisI'indigence n'est pas 1e seul motif desexpatfiations. Des rajsonssouvent aussi impérieuses,variées, mais parfois moinsavoua- b1es,conduisent des'individus isolés vers les rivagesdu NouveauMon- de. L'attrait de l'aventure,de l,inconnu,1es atteintes d,unesorte de wanderlustromantique ont certainementjoué, en particulier au mo- mentde la Ruéevers l'0r. Maisau débutdes années1850 c,est surtout l'appât d'unerichesse facire qui constituele ressort principal du mouvement. Lesmotifs politiques, souventinvoqués particulièrement en ce qui concerneles Allemandsqui émigrentau lendemainde 1g4g,semb'lent avoir été totalementabsents chez les Lorrains. Detoute manière1,agi- tation politique avait sonsiège dans res vi11es,et res rurauxde nos régionsn'ont pas pris part aux soulèvementsrévolutionnaires (91).

(8e ) Lettre au Ministre de l'Intérieur, 8.4.1g40; ADMosg9 M 1 b.is. (e0 ) Dansle cas du cantonde Grostenquin,le préfet penseque l,émi- gration "qui n'a encoreeu rieu... qùedahs la ciasseia moini'ai_ sée, d'im'inueraitsensibrement et qu,elle ..srÀ.àti-pàri:eî.Ë''ËnI tièrementsi des mesuresétaient bientôt priies-poui^empêcrrÀr-1es défrichements".rbid. (91) Le termemême de "politique,,nese trouvementionné qu,une seule fois dansune lettre d'un maireau préfei àe la Moselle: ,,Dans le cas où rien ng s'opposerai!_pgr'itiquementa ceiiÀ éùiàruiion...,, Mairede vatimontau préfet, 15.4.ræà; noMosg9 M 1 uii.- -42-

Les persécutionsreligieuses, cause des premières arrivées de colonsen Amér'iquedu Nord,n'intéressent pas le XIXesiècle en France.Il faut cependantmentjonner, en Lorraine,le cas des anabap- tistes ou mennonites. Cultivateurspa'isibles et laborieux,i1s sont 'installés dansles régionsde l'est de notre province,en particuljer dansles cantonsde sarrebourg(région de Dabo)et de Lorquin(vallée du Blancrupt)(gz). Au débutde l'Empire,une enquête révèle qu,ils sont 86g, contrez r04 en Alsaceet I 079dans le départementdu MontTonnerre (93). Le préfet Colchensignale 1a présencede quelquesfamilles "répanduesdans ce dé- partement/-de 1a MoselleTen 1802en soulignantque ,'1aiépublique ne comptepas de citoyensplus paisjbles" (94). Dansce mêmedépartement, 353anabaptistes vivent dansI'arrondissement de Sarreguemjnesen 1850 (95). Erckmann-chatriana décrit ra fermede l,un d,entre eux,'le père Jacob,dans la hautevallée de la SarreRouge :

"Dansle couded'un ruisseauqui descenda.iten bondis- sant vers la Sarre, nousvîmes 1a plus grandedes fer- Tes,.celle du père Jacob,avec son hangàrnoù penda.ient les bottes paille de entre les'le poutres-; au-dessus l,é- table, 1esécuries ; ... puis corpsdu logement, trois fenêtresen bas, I'escalier et ta porté, quaire fenêtresen haut; la fontaineet ses augesau m.itieu de la cour entouréed'un mur ;les grands-fumierscarrés, bien alignés; enfin unebonne vjeille fermed,anabap- t'istes, sansmagnificences jnut.iles, mais où la simpii-

(92) A (Meurthe), ils sont 28 répartis en six familles en 1846; 1a plupart fermiersou domestiquâsdans des écarts de la commune.

(93) GabrielRichard, "Les_anabaptistes ou mennonitesen Lorraine,,, AnnaLesde LtEst, 1967,[o 1, p. 134.

(9a) colchen, Mémoiv,estatistique du dépantementd.e La MoseLLe,adressé au Ministre de Ltrnt,évieundtaprèa ses instzactions, parii, An xI, p. 57.

(95) G. Richard, op. cit., p. I7Z. -43_

cité, 1a propreté,le bonordre faisaient penserqu'on devait y bien vivre, et que 1esgens ne s'y trouvaient pasmalheureux" (96).

consjdéréscomme des concurrents gênants par 1espaysans alsa- c'iensau xvIIIe siècle, i1s jouissentd'une tolérance relative jusqu'à la Révolutjon,à cond'itionque leur nombren'augmente pas (97). Cesvoeux semblent être exaucéspuisque dans les quatrearrondis- sementsde la Meurthepar exempleleur nombrepasse de I 219en 1809à 886en 1830(98). Cette baisse,observée de nouveauentre 1834et 1836, est causéepar l'émigrationd'une partie desjeunes aux Etats-Unis. Les deuxfils aînésdu pèreJacob font partie de ces émigrants,.,'ilsont desmilliers d'arpentsprès de la rivière Wabach,dans l,Etat de I'Illjnois" (99), et ses deuxpetites-fi'lles sont mariéesen Amérique (1oo). ce n'est passeulement parce que 1es familles sont la plupart du tempstrès nombreusesque ces émigrationsont ljeu: "leurs opinions religieuses,fait observer1e préfet des vosges,leur donnentune aver- sion absoluepour le métjerdes armes; on n'en a vu aucunmarcher pour la conscription; s'ils ne peuventpas se faire remplacer,ils se la.is- sent déclarer réfractaires et quittent 1e pays. . . " ( 101) . ce sont doncsurtout les jeunesgens n'ayant pas atteint l'âge de la conscriptionqu'i abandonnent les fermesfamiliales. Le fait est si-

(96) Erckmann-Chatrian, Histoire d,un sous-maïtre,éd. J.J. pauvert, t. X, p.318. 'leur (97) Le cahier de doléancesde Gelencourtréclame expulsion.Ceux de Sarrebourget de Phalsbourgn"la réductjondes anabaptistes". G. Richard,op. eit., p. 161.

(98) G. Richard, op. cit., p. 162.

(99) Erckmann-Chatrian, op. ait., p. 31g. (100)Ibid., p. 321..

(101)Lettre au Min'istrede I'Intérieur citée par G. Rjchard,op. cit., p.150. -44-

gnaléen mai 1856par le commjssajreà l'émjgrationqui préciseen outre que1'un d'euxemportait une somme de soixantemille francs (102) L'idée de passeren Amérjquen'est cependantpas l,exclusivité jeunes des mennonites.D'où la miseen p1ace,par les autorjtés, d,une 1égislationpropre à découragerles velléités desparents tentés de "soustraireleur fjls au recrutementde l,armée"mais tournée par des astucieux(cf . p. 67) (103). c,est ce qu,a réuss.ile vieux juif Moîse de Phalsbourgdans le Blocus.Dénoncé par 1e hard'ierFrjchard, son con- current, i1 est accuséd'avoir "fajt partir ses deuxgarçons pour l'Amér'ique; son aînéserait au service,'.Et 1e gouverneurd,interpe- ',Ah ler le vjeuxmarchand d'habits : ! vieux renard..., .ôh ! vousen- voyezvos garçonsen Amériquepour les sauverde la conscrjption...!,, (104). L'émigrationn'est d'aiileurs pas le seul moyend'éviter de por- ter I'uniforme. Desconscrits "présuméss'être mutilés volontairement,, sont déférésaux tribunaux"comme ayant eu I'intentjon de se rendreim- propres au servjce" (105). Et en 1826,deux médec'ins de Lunévilleet saint-Njcolas-de-Port,probablement corrompus par des conscrits, sont lourdementcondamnés "pour clélits d'escroquerieen matièrede recrute- ment"(106).

(102)G. Richard,op. cit., p. l5Z. (103) Cedont sont accusés"plusieurs chefs de famille du cantonde Grostenquinu.par1e préfet en 1840; cf. N. gg Voir aussi Chapitresuivant. "upoo.

(104) Erckmann-Chatrian, Le Blocus, J.J. Pauvert,t. VIII, p. 286. (105) !.0 iyin 1849au coursde la réuniondu conseil de révision dans le cantonde^Baccarat, Jean Nicolas Didjer, de Thjaville-çst con- vaincude s'être mutilé le doigt indjcateurde la maindrôite et envoyédevant le tribunal de Lùnéville. Le 9.Jrrinde la mêmeannée, Henly Mathis, de (canton de Fénétrange)est accuséde s'êlre volontairementCorËe'i,ind.* de la maingauche. (ADMM 1 R 361). (106) Les sieurs Benoistet roussaint.Leur peine se monteà un an d'emprisonnement,50 francs d'amendeet a S ans d,interd.ictionde droits civils. Jourmalde La Mo.seLLe,Zg.3.lg26. -45-

La lointaine Amérjqueconstjtue aussi un refugesûr où l,on peut se sentir à l'abri despoursujtes en cas de crimegrave. Le 15 3ui11et1845 les Mosellansapprennent par un artjcle du Courz'iev'de La MoseLLeI'arrestat'ion aux Etats-Unisdu notaire Metzger, anc'ienadjoint au mairede Sarreguemines.Il "s'était enfu'ien emportant deuxou trois cent mille francs et en la'issantun passif considérable". Le rédacteurprécise que son extradition a été obtenue...Un an et demi plus tard, Metzgerse trouve toujoursà Newyork. son affaire, selon la mêmefeuil'le, est lojn d'être terminée.un premierjugement a été cassé et la causea été portéedevant le tribunal fédéral. peude tempsaupa- ravant le bruit avajt couruque 1e notaire venait d'arriver au Havre... (107). Quitter subrepticement1e payset mettrequ'inze cents lieues en- tre soi et ses créanciersest aussi, parfois, unemanière mojns coûteu- se et définitive de se libérer de ses dettes (108). Unedispute dans une famille, un amourdéçu, un mariagequi ne marchepas sont autantde raisonsqu.i peuvent, du jour au lendemain, jeter des indjvidusque rien ne djst.ingueapparemment de leurs voisins sur les routesde l'émigration. c'est ainsi queNicolas Muiler, orig'ina'irede , quitte son v'i11ageen octobre1853 "par su'itede contrariétésqu,il a éprou- véesdans sa famille" (109). Desdémarches entreprises par son père dansle but de le faire arrêter par 1es autorités avantson embarque- mentet de "tâcherde /7e7 décider... à retournerdans sa famille,,(110), il résulte que 1e jeunehonrne a pris un bateaule 29 octobre,ce qui est corrnuniquéau père fin décembre.

(107) Couz,rierde La MoseLLe,9.1.1847. (108)cf. p.64-65. (109) !gt!t._lu-préfet de ta Moseileà son col'lèguede SeineInférieure, 30.10.1833;ADMos 89 M 1 bis. (110) Le-ttredu préfet au sous-préfetde Sarreguemines,28.L2.1833; ADMos89Mlbis. -46-

Aloise schneider,instituteur à Téterchen,abandonne son poste et émigreau printempsde 1849déçu, semble-t-i1, par un métier qui ne lu'i apportepas quedes satisfactions.Mal noté par f,inspecteur winsbachqui lui reprochede laisser trop souventson école à la sur- veillancede son frère (ianvier 1849),impliqué dans une rixe de caba- ret avecce mêmefrère, gui est condamnépar le tribunal correctionnel, schneiderretire sonpasseport pour l,Amériquele 12 mars(111). Il est accompagnéde son épouse,de ses quatre enfantset de deuxfrères. Le maîtred'école qui a 41 ansest, à en croire I'inspecteur,un fonction- naire "capablemais dont l'exactitudelaisse à désirer,,.Il ne fajt certainementpas partie des plus mar rotis puisqu,àsbn salaire fixe d'instituteur (350F) il ajoute la rétribution mensuellede 64 élèves en hiver (ll2), 2 F chacun,22F de casuel(il est sacristain), et 60 F de son salaire de greffier coffinunal.En fait on lui reprochesurtout d'hébergerun frère -- anciengendarme -- irrascible et promptà faire le coupde poing... (113). sa demandede passeportindique qu,il a l,intention de se rendre à NewYork.Originaire de ,peut-être s'est-il laissé entraînerpar I'exemplede voisins, six en tout, dont les passeportsobtenus en même tempsque le sien précisentquri'ls vont en Amérique,,poury travailler,, (111). 0u bien c'est lui l.instigateur de ces départs(115).

(111)ANF7L?206.

(112)20 seulementen été. (113) Dossiersd'instituteurs ; lettre du procureurde la Répub'lique au préfet, 19.?.1949; ADMos1 T 45. (114)Cf. N. 108. (115) Le préfet du.Doubssi.gnare en 1g43que r,émigration pour re-Texas est encouragéepar "des horunesayand un caraétarepuuiic suscepti- 9J:^9'inspirer_laconfignce, des notaires, des prelrès,-.iè...,, (Lettre au préfet de SeineInférieure du i.4.1843-j Àôir.l-O-MpZ0ZB). -47-

Soncollègue et homonymeJean Schneider, responsable de l'école de Marange-Zondrangeémigre en août de la mêmeannée. Jugé incapable par son inspecteurqui lui reproched'avoir lamentablementéchoué à sonbrevet (116), il est accuséd'avoir abandonnéson posteà Tritte- ling et de s'être installé à Marangesans autorjsatjon. Malgré deux pétitjons desmaires et deshabjtants de cette localité et du village voisin de où I'intéresséest chantreet sacrjsta'in et où 'il fait preuvede beaucoupde sér'ieux,tenant bien l,école et jouissant de la confjancede 1a population,le recteurexige son départde Marangecar il est "incapableet maltraite res enfants',(117). Le maî- tre d'écoles'expatrie avecsa femmeses trois enfants(118). EmjleMasson, de ,dont la condujteest loin d'être jrré- prochabledepujs son mariage, disparaît dansle courantde 1g82,aban- donnantsa femmeet un enfanten bas âge (119).0n apprendraplus tard qu'i1 a rejoint l'Amérique. Descas assezfréquents se rencontrent,d'hommes d'âge mûr, mariés et pèresde famille v'ivantseuls en Amériquedepu'is de longuesannées, sansque 1'on puissedéterm'iner s''ils ont abandonnédél'ibérément leur famille en Lorraine,s'jls ont renoncéà la faire venir auxEtats-Unis aprèsen avoir eu I'intention ou si c'est leur épousequi a refusé de

(116) Rapportdu 2.9.1846; ADMosI T 45. "25 fautes dansI a dictée, pâSun calcul raisonnable". (117) Pétitions des 21.9.et 30.7 .1846 ; lettre du recteur du 14.l}.Ig4g ADMos1 T 45. t (118) Passeportobtenu le 2.8.1849; ANF7 LZZO6. (119) Jugementdu tribunal de ,26.6.1888. -48-

se lancerdans une entreprise jugée trop hasardeuse(120). Pourcertaines filles mères,la fu'ite en Amériqueoffre 1a pos- sib'ilité de supprimerla honteattachée à leur situation et autorjse un nouveaudépart. C'est, selontoute vrajsemblance,dans cet état d'es- prit queMélan'ie Rouyer, de Réchicourt-le-Château,guitte définjt'ivement 1a région. Sonfils il1égitimenaît et meurten 1840,neuf ans plus tard e11eépouse un belgeà New-York(121). Desmotifs plus noblesenlèvent I'abbé Pax à ses paroissiensde .Son passeport lui est délivré le 14 avril 1835,à Metz(I22).

Maisc'est surtout'lorsquela nouvellede la découvertede I'or en Cal'ifornieatteint la Franceet la Lorrainequ'une grande proportion d'hommesseuls s'embarquepour San Francisco. Les journauxlocaux cou- vrent abondammentl'événement et ses su'itesà partir de janvier 1849 (123), 1a "fièvre dorée"se manifestesurtout, cheznous, à partir de 1850et s'éte'int rapidement.Dans la Meurthe,74 personnesobtiennent

(120)Jean Louis Martin,42 ans,tisserandet couvreur,originaire de Réchicourt"est parti pourles Etats-Unisd'Amérique'i1 y a envi- ron onzeans... le lieu de sa résidenceactuelle est inconnu". Acte de mariagede sa fille Mari e Roseà Foul crey I e 28.6 .1,842 . (ADMos7 E 232-4). JosephLarombardière, 60 ans, sansprofessjon se trouve "en Améri- que] à la naissancede son petit-fils Victor, né à Imling 1e 10.1.1836.(ADMos 7 E 349-3). Le père de PhilippeCourcelles, de Nancy,conscrit en 1847,était charpentier,il est part'i en Amériqueen 1831et sa famiile est sansnouvelles depuis 1841. (ADMM 1 R 359).

(121)Acte de mariagedu 1.4.11.1849,Saint vincent-de-pau'1,New-york.

(L22) Demandeau sous-préfetde sarreguemines,7.4.lB35(ADMos 89 M 1 bis - ADMos106 M 1).

(123)La découvertede la premièrepépite a ljeu le 24 janvier 1848 dansla vallée du Sacramanto."En quelquessemaines la nouvelle se répanditle long de la côte du Pacifiqueet en quelquesmois toute l'Amériquerépétait des histoires de fortunesfaites dans les lits desrivjères de la Sierra Nevadapar la simpleséparation desgrains d'or du sableà l'aide d'unecuvette ordinaire... A ra fin de 1849,des milliers d'Argonautesde toutes les régionsd'Eu- rope, d'Amériquedu Nordet des antipodesse disputaientles con- cessions,buvant, jouant et se battant dansdes villages de mi- neurs". (SamuelE. Morison,The 1æfot'dHistony of the United.States, Vol. II, p. 333-334) -49-

despasseports pour 1a Californie cette année-là.Le ch'iffre passeà 84 en 1851et tombeà 22 au coursdes douzemois suivants. Pour les hujt annéessuivantes, toujours dans 1a Meurthe,1a moyennedes émi- grantspour 1esrives du Pacifiquen'est plus quede 3,4 | (I24) JosephLamel, propriéta'ire de 41 ansde Morgemoulin(Meuse) se meten route en février 1850après s'être engagédans I'Assocjat'ion Cal'ifornienne(125). D'autrescomme Victor et EdouartMunier-Pugin,34 et 41 ans, se décidentdès que 1es premiers articles consacrésà I'or paraissentdans 1a presse.0riginairesde Gerbévilleroù i1s exploitentun petit domaj- ne et un commercede draperies,i1s emmènentavec eux un cousin,vété- rina'ire à Lunéville. Dèsfévrier 1849jls se rense'ignentsur les nav'i- res en partanceau Havreet quittent la Lorrainele 13 mars(126). Dansles rues et sur 1esquais du grandport ils rencontrentdes compatriotesexerçant 1es professjons 1es plus diverses,"la plupart appâtéspar 1a publicité tapageuseque poursu'ivait 1a presse/ôt quiT partaient pour 1e comptede I'une des390 socjétés qui s'étaient const'i- tuéespour exploiter les richessescaliforniennes" (127). Tousces hommesqui partent seuls sont à la recherchede I'Eldora- do et, presquetoujours, ont formé 1e projet de rentrer au pays, fortune faite. En ce1a,comme dans le fa'it qu'jls ne comptentpas parmi1es plus

(L24)Selon G. R'ichard,"Trois Lorrainsen Californie", Reuuedes deuæ mondes,15.2.1943, p. 401, 92 ém'igrantslorrains -- comptenon tenu de ceuxqu'i ont obtenuleur passeportdans leur communed'o- rigine -- ont transité par Le Havreen route pour 1a Californie en 1849(Meurthe : 39 ; Moselle:32; Meuse: L7 ; Vosges: 14) L'auteurtenait ces chiffres de l'archiviste de la ville du Havre. (archjvesdétruites en L944). (12s) ANF7 r23s4.

(126)G. R'ichard,op. cit., p. 401-402.

(L27) rbid. Les nomsde ces sociétés sont en généra1très évocateurs,ce qui n'est pas surprenant; exemp'les: L'AbeiLLed'on, La Toison d'on, La Fontune, L'Espénance. -50-

démun'is,jls sont très différents des autres, de ceuxqu.i, pauvres, partent pours'établ'ir défin jtivement ai I leurs, ayantcoupé déf jn jt.ive- mentles pontsavec leur vjllaqe natal.

Conclusion

Il sembleévident que la causeprincipale de l'émigrationlorrai- ne est la situation difficile danslaquelle se trouveplongée une popu- lation rurale qui s'accroît et qui est à la merci, tour à tour, de dif- fjcultés de tous ordres, telles quecrjses économiques,intempéries et épidémies. Le mouvementqui mène1es émigrants vers le NouveauMonde est, avanttout, pourreprendre I'expression de R. Rémond,"une émigration du malheur"(128), commetient à le souligner1e sous-préfetde Mire- court, "l'émigrationa presquetoujours pour causes générales la m.isère deshabitants et le défautde travail,' (129). 'la Sansattendre forcément de l,Amérique fortune, les émigrants espèrentrefaire, de I'autre côté de I'Ailantique, unevie qui, tout comptefait, a été un échecdans leur paysd,or.igine. car c,est évidem- ment dans1'espoir d'améliorer leur sort qu,i1s quittent uneterre à laquelle ils sont naturellementattachés. D'où f importancedes sollici- tations venuesd'Amér'ique : descriptions optimistes et parfois enthou- siastesde ceuxqui ont déjà franchi 1e paset sont'installés auxEtats- Unisou qui y ont séjourné,des ressourcesinépuisables d,un continent neuf, irmenseet sous-peuplé.Il en est ainsi de JosephSchneider, de GrosRéderching, Qui quitte son village en 1g32,avec sa femmeet ses sept enfants,en ayant"l'espoir d,un sort plus heureuxen Amériqueoù

(128)R. Rémond,Les Etats-unis deuant L'opinion française (lTr.s-rïsz), Paris, t. I, p. 31. (L29) Lettre au préfet desVosges, 10.3.1858 ; ADV15 M 50. - 51 -

ses compatriotesont trouvé le bien-êtrequ.i leur étajt promis',(130). 0n ne rencontrepas, en Lorraine,de proscrits en quêted'un "asjle de liberté prov'isoire"(131) ma'is seulement quelques anabaptis- tes qui s'expatrientà causede leurs convictionsreligieuses. D,autres qui entendentmettre une grande distance entre eux et les représentants de la loi, ou qui quittent leur famille sur un coupde folie, après que'lquecontrarjété jugée intolérable. Enfin i1 y a les "chercheursde fortune" (132)qui se sont laissé attirer par 1espromesses d'une richesse aussi rapide qu,extraordinaire à cueillir dansles minesou les rivières de californie. A. Dedenonnote à proposdes émigrants originaires du Blâmontojs que"les déceptionsfurent fréquentes.s'il y eut quelquescolons heu- -- reux les fameuxoncles d'Amérique -- la plupart desémigrants revin- rent bientôt, plus pauvresqu'avant leur départ',(133). Il n,est évidem- mentpas possible de vérifier ce fait particulier, répétons-le,aux émigrantsd'un cantonisolé de la Meurthe.En ce qui concerneI'ensem- ble de la Lorraineil ne fait pas de doutequ'une grosse majorité s,est installée défin'itivementdans ce qu'elle considéraitcomme sa nouvelle

(130)Lettre du préfet au ministre, 4.s.rg3z; ADMos89 M 1 bis. (131)rbid. JosephMergen fait ra mêmeremarque en ce qui concernela sarre ; "einzelnegehôren zu denunruhigen oder durch die politik ver_ stimmtenPersonen, deren Abgang-durchaus nicht zu Uàttigônist,,. "Umfangund Grlindeder Rmerikalnuswanderungaus demSaailand in der ersten Helfte des 19. Jahrhunderts,,, sâanbrn)"t

patrie. Maison n'aura pasmanqué de noter 1a réprobationqui se déga- ge des lignes d'A. Dedenon.ce sentjmentapparaît d'une façon nette et constante,sous les divers régimesquj se succèdentde 1815à 1870, dansI'attjtude des autoritésface au problèmede 1'émigration. CHAPITRE2

CONDITIONSDELA REALISATIONDE L'EMIGRATION :

Droit à l'émigration Fjèvre et contag'ion Migrations antérieures ; hab'itudes -54-

Le voyagevers I'Amériqueimpliquant un franchissementde fron- tière, 1esémigrants -- commetous les voyageurs-- se voient obligés d'obtenir I'autorisationdes autoritéssous la formed'un passeport. Pendant1a périodequi nousoccupe 1a 1égislatjondes passeportsest celle m'iseen place par 1e décret du 10 vendém'iaireAn IV, puis par les décretsdu 18 septembre1807 et du 11 juillet 1810.Cette 1é9is1a- tion reste en vigueurjusqu'aux env'irons de 1860,date à 1aque11e,sans être abrogée,elle tombeen désuétude.Elle sera complétéepar des me- suresde détail au fur et à mesureque 1'émigrationeuropéenne prendra de I'importance,surtout sousle SecondEmpire. Auxtermes de I'article I du titre 3 du décret de vendém'iaire An IV, nu1ne peut quitter le territoire de son cantonsans avoir un passeport.Cette d'isposjtjonest modjfiéedès le débutde la période qui nousintéresse; 1'article ler de l'Instruction sur les Passeports du 20 Août1816 st'ipule en effet qu"'AucunFrançais de l'âge de quinze anset au-dessus,ne peut sortir du Royaumeou circuler dansl'inté- rieur hors des limites du Départementde sondomicilen qu'en vertu d'un passeport..."(1). Il existe trois typesde passeports,délivrés par 1esMaires, passeportsà l'intérjeur, ou par 1espréfets sur l'autorisation du Mi- nistre de la Pol'iceGénéra1e, passeports à l'étranger; des passeports gratuits peuventêtre accordésaux indigentssous certaines conditions (2) .

(1) Instructjonssur les Passeports;Ministre de la Pol'iceGénérale au Maire de Metz (Alvlun.Metz I2 59). RecueilAdninistnatif, Mosel1e, 1818.

(2) Articles 4 et 12 de I'Instruction de 1816. Circulaire et instructionsaux Sous-Préfets et Mairesdu Département sur les passeports,RecueiL Adninisttatif, Moselle, du 17 mars1818, p.60, danslaquelle le préfet préciseque la délivrancedes passe- ports est exclusivementde son ressortr "je n'en délivre point sans m'y être fait autoriserpar S. Exc. le ministre de la police généra- le". (Cettedernière démarche ne sera bientôt plus nécèssaire). rruilutsoltlilnulul 0t u $01Ért

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l>nt ilu Pttt.lmrr -56-

Lesformules comprennent deux parties, r'une, granddocument de 29 x 40 cm,est remjseau demandeur,l'autre reste à I'Adm.inistratjon (Art.3). Elles sont venduesz Francspour'l'intérieur,10 Francspour 1'étranger(Art.9). Les passeportssont valablesun an et peuventêtre renouvelés(Art . 11) . Le passeportà l'étranger représente,pour des émjgrantsde con- dition modeste,une dépense non négligeable; d'où la tentation pour certainsde n'acheterqu'un passeport à I'jntérieur, cinq fojs mojns cher. Nombreuxy succombent et prennentà la mairie de leur village un passeportpour]e Havrece qui, en outre, leur évjte un déplacementà 1a préfecturesouvent lointajne ou des délais d'acheminementdu docu- 'longs mentencore (3). Les exemp'lesfoisonnent, et, au f il des années, provoquentinvariablement les remontrancesdes supérieurshiérarchiques envers1es maires, accusés de délivrer les passeportsd'une manièr"e par trop 1ibérale(4). Qu'il noussuffise de citer une lettre du Ministre de I'Intériêur au Préfet de la Meurthedans laquelle il exposetous les inconvénientsde cette façonde faire :

(3) Entre 1828et 1852,le Mairede sajnt-Avolddélivre 43 passeports poqr le.Havreà ses administrés.Plus'ieurs sont retirés'par desfa- milles (1'une.comprenantI personnes) à proposdesquellei on peut se demandersi la destinationfinale de leur voyagdetait bien Le Havre(ADMos, E Dépôt609, St Avold 562). celui de Danne-et-Quatre-vents(Meurthe) remet, entre 1852et 1g54, huit passeportsà I'intérieur à vingt habitantsde sa communeen fgyte pour Le Havre,manifestement des émigrants(ADt'40s, E dépôt I7L ; Danne-et-Quatre-Vents2 I 1). (4) 4 ce propos, le sous-Préfetde Sarrebourgécrit en 1802: "ce sera toujoursà regret queje verrai ra déliviancedes passeportsdans les mainsdes mairesde toutes res conmunesrurale!. Qubide plus facile_qued'arracher un passeportà un mairequi ne iait pas tou- jours lire et qui est ordina'irementdans les mainsde son greffier ? Quoide plus aisé quede se procurerre sceaudont il se sért ?,, (Rapportau Préfet de la Meui^the,2e trimestre, An x ; ADMM1 M 607). En 1853sept mairesde la Meurthedélivrent 52 passepôrts(où figu- rent 74 personnes)à l'intérieur à desémigranti poui^ t,ArnÈriquel unecirculaire du z0 mars1854 res rappe'ltéa teui"sdevoirs. (Etats concernantles communesOe groirvi l'ler, Dieuze,Kerprich-lès- Dieuze,Léning, Phalsbourg, , sa.int-Louis; noi'tN6 M zàg). ry-i:::==:=a::::--: poLlcu cÉ;wtlil,tt,tiDIt Fltai\icll.

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9ouched'un paateportpour l'lntérlcut délivrépour Lo Havrcà Danne-ct-Ouatro-Vcntrll85gl

A.0.ilosclla E ùépôt ,71 -58-

"D'aprèsun rapportqui m'est adressédu havre, les émi_ grantsFrançais des Départementsde I'tst ne sont sou- vent, à leur arrivée dansce port, munisque d'un pas- seportà l'intérieur, titre jnsuffisant pour leur voya- ge transatlantique. !g potice locale est alors obligéesoit, d'exiger qugl'Emigrant_prenne un passeportà 1,étranger(cé qui entraîne'lorsquepour 1'Emigrant 1a dépensede 2 pasieports)' soit, 1e voyageurne possèdepoint de ressour- ces suffisantesde le la'isserpartir sanstitre régu1ier. Je vousprie en conséquence,M. le préfet, de ùejl- ler à_çeque les Emigrants,qui se rendentdans nos ports avecl'intention de s'embarquerse munjssentd'un passe- port à L'étrmtgez"' (5).

D'autresémigrants quittent leur communesans aucun pap.ier, sojt qu,ils aient négligéde réclamerun passeport,soit que 1escirconstances les aient obligé d'entreprendreleur voyageavant I'arrivée du documentex- pédiépar la Préfecture. Les émigrantstotalement démunis de passeportssont asseznombreux si l'on en croit uneilettre adresséepar un certain Gerva'isGuillot au Préfet de la Moselleen 1836."un grandnombre de personnesde votre département,rapporte-t-il, et d'autres qui le traversentsans passe- port pouraller en amérique,se rendentau havre: ils se croyent suffi- sammentautorisé par I'engagementdu passagequ,i1s sontforcé de faire à forback visemburgavec les agensde certainemaison du havre; je crus devoir voussignaler cette fraudequi est préjudiciableaux droits des passeportsà l'extérieur...', (6).

(5) Lettre du 25 Janvier-lgqg(ADMM 6 M 288), ital.iquesdans t,orjginal. La circulaire du 17.3.1818du préfet de'ia Moseirestipulaii oËia que 1esdemandeurs de-passeports devaient préciser les'motifs du voyageet faire connaîtreleur destinatjon'; maisrien ne pouvait empêcherun voyageufge déguiserla vérité. A proposde l,liitiru- tion de passeportsà l'intérieur pour l,émigraiion,des exàmp1es sont fournis dansles documentssuivants : Lettre du Sous-Préfetde Lunéville au Mairede Blâmont,zg.?..lg3z - {ADMM4 t4 234) RecueiLAdninistz,aiil,-Voi9èi,-1865; Ë.-Jôô. Lettre du commissaireà 1'émigr9!ionéuropéënné (stràsbourgj au pré- fet.des.vosges,23.9.1865(ADV 15 M 5l) - Lettre du commissairede Police de strasbourgau Préfet de la Môurthe,zs.li.1865 o r,l 288). iÀorqN

(6) Lettre du 29 octobre1S36 (ADMos 89 M 1 bis). -59-

En novembre1854, 1e Maire de Téterchensigna'le au mêmepréfet que 1a DemoiselleCatherine Sieber "autrefois domicil'iée à Teterchen, n'habite plus cette communedepu'is le 10 octobredernier, jour de son départpour 1'Amérique".Le Mairemontre d'ailleurs, commebeaucoup d'autresélus munic'ipaux,sa méconnaissancedes règlementsen v'igueur lorsqu'i1 ajoute: "Je ne sais pastrop si elle peut encoreavoir be- soin d'un passeportà l'étranger attenduqu'e1le ne doit plus être bien é1oignéede I'Amérique"(7). Cette ignorancede la 1égislationmotive toute unecorrespondance de la part de certainsmaires, soucieux de ne pas dérjvrer de passe- ports à 1a légère.Ainsi celui de Vatimonts'adresse-t-il au préfet pour 1e prier de "vouloir bien metracer la marcheà suivre" lorsque plusieurs habjtants de sa communedemandent des passeportsou des cer- tificats pouren obtenir (8). Il arrive aussique des candjdatsà l'émigrationeux-mêmes adres- sent leur requêteà la préfecture.c'est ce quefont, d,uneplume hési- tante et dansune langueempruntée, Nicolas Champert et DominiqueMayer de val'lerange."comme les exposans,écrivent-i'ls, 'ignorentla déli- vrancede leur passeport,... ils osentvous supplier de voulojr bjen les favoriser de votre avis, s'ils peuvent,sans empêchemens entrepren- dre ce voyage/ên AmériqueJou non" (9).

(7) Lettre du 15 novembre1854 (ADMos 106 M Z). Le passeportde CatherineSieber avajt été établi à Metz]e 11 octo- bre. Agéede 26 ans, elle était accompagnéed'un frère de 9 ans. Le mairevoyait juste lorsqu'il supposaitque 1a jeunefjlle était près de sa destination; i'l y avait c'inqsemaines qu'elle avait quit- té la Lorraine!

(8) Lettre du 15 avril 1832(ADMos 89 M 1 bis).

(e)Lettre du 26.12.1839(ADMos 89 M 1 bis). unerequête similaire est formuléeen 1841par un certain p. Idolle d'Hagévil1equi désire "obtenir les renseignementsconvenables et la marchequ'il faut prendrepour aller à i'étranger c'est-à-dire en Amérique..."(Lettre du 22.3.1841; ADMos89 M-l bis). -60-

Sousla Restauration,1e passeportn'est pas le seul document dont les émigrantsdevront être porteurs.Dès 1817 en effet les auto- rités prennentdes mesures pour éviter 1esrapatriements coûteux et le Mjnjstre recommandeaux préfets d'inv'iter les mairesà ne transmettre les demandesde passeportsqu'après avojr obtenuune attestation, cer- tifiée par deuxtémojns connus, des moyensd'existence des voyageurs. "Lorsqueces moyensseront notoires, préc'ise-t-'i1,ce sera la seule formalité que vouspourrez prescrjre. A défautde notoriété les Majres pourrontrequérir I'individu réclamantun passeportpour I'Amérjquede verser à la Mairie une sommede Cinquantefrancs dont il lui sera don- né récépissé"(10). Cette clausene sera bientôt p'lusexigée des émigrantsfrançais (11) ; elle restera par contretoujours rigoureusement appliquée aux Allemandstraversant le territoire français aprèsavojr franchi la fron-

(10) Lettre du Ministrede la Poljce Généraleau Préfet de la Mose11e, 3.6.1817; ADMos89 M 1 bis. La sommeajnsi verséeétait envoyéepar le préfet au Consul Généraldu Roi à Amsterdam(port d'où s'embarquaientles émigrants à 1'époque).Elle était remiseau propriétaire,en Hollande,soit au momentde sonembarquement, soit, si'l'embarquementn'avait pas lieu, pour lui permettrede rejoindreson domicileen France. Les émigrantsqui se dirigeaient vers la Polognerusse de- vajent, eux, disposer"d'une fortune qui ne sera pasmoindre de 300florins d'Allemagne(environ 650 Francs) laquelle 'i1semporte- ront en Russie". (Lettre du Minjstre de Franceà Karlsruheau préfet du Bas-Rhjn, Lr.2.1817,dont la teneurest reprise par 1e préfet de la Meurthe dansune circulaire aux sous-préfetset auxmaires des arrondisse- mentsde château-salinset de sarrebourg,28.2.1817 ; RecueiLAd- mintstnatif , Meurthe,181.7, p. 30-31).

(11) A plusieursreprises, en particulier au débutdes années1830, l,ad- ministrationattire l'attention des autorités localessur "la si- tuation pénible"des ém'igrantsau Havre.Aucune mesure énergique n'est prise cependantet les mairesse contenterontde mettie'les émigrantsen gardecontre "les embarrasdans lesquels ils se trou- veraient si, arrivés au Havre,ils n'avaientpas les ressources pourpayer les frais de leur traversée,,. (Lettre du Ministrede l'Intérieur au Préfet de la Meurthe,5.5.!832, ADMM4 14 234. - Circulaire du Préfet de la Moselle,25.6.1833, RecueilAùninïstnatif, Moselle, 1833,p. 152-53). -61 -

tjère à Forbach(12), certainstrouvant moyen d'élimjner cet écueil en obtenantdes maires des villages frontal'iersfrançais des passeports pourLe Havre(13). Lorsquela déclarationde ressourcesn'est plus nécessaire,I'ob- tent'iond'un passeporten bonneet dueforme est subordonnéeà 1a pré- sentatjond'un "certificat de moralitéet de bonneconduite" (14). En effet, la faculté de s'expatrier n'est pas accordéeà n''importequi, et les mairesse trouventchargés de cautionnerles ém'igrantsde leur com- mune.C'est ainsi que lorsquequatre habitants de Baerenthalet d'0ber-

(12) applicablesà I'entrée en Francedes Etrangersqui "Dispositions 'il veulentse rendredans les Etats-Unisd'Amérique, faut 1" Unpasseport national revêtu du vjsa d'une légationfrançaise 2" Quetout émigrantsoit munid'une somme de 400 florins pour lui, d'autantpour chaque membre de sa famjlle âgéde 18 anset au-dessuset de 200florins pourceux au-dessous de cet âge. 3" Il devraprésenter 1a preuved'un engagementdûment contracté avecun capitainede navire qui assureson transporten Amériqueou justifier de la consignat'ionpréalable'la au port d'embarquementde la sommenécessaire pour couvrir dépense..." (Lettre du Commissairede Police de Forbachau CommissaireGénéral du GouvernementProvisoire à Metz,30.4.1848 qui rappelledes ins- tructions ministérielles communiquéespar le préfet de la Moselle en date du 29.7.1836). Dansune circulaire du 25 Juin 1833le préfet de la Moselle signaleque des instructionsont été donnéespour que les cond'itions pécunia'iresimposées aux étrangers soient scrupuleusementobservées et pourqu'on surveille leurs convoissur la route, "pourexpulser ceux qui seront reconnuscomme hors d'état de continuer leur voyage sansse livrer à la mend'icité". (Recuei,LAùninistv,atif, Moselle, 1833, p. 152-53) . (13) "Dessujets prussiens...obtiennent /iles passeportgTdes maires de ce départementoù on les désignecomfre citoyens fr,ânçais & au moyen desquels'ils se rendentau hâvre& de là traversentla mer". (Lettre du préfet de la Moselleau présidentde 1a régenceprussien- ne de Trèves,11.4.1837 ; ADMos89 M 1 bis). (14)Les émigrantspour la Russieétaient agréésà conditionque les ren- seignementssur leur moralitéfussent "les plus positifs". Mais c'était, à l'époque,une exigence formulée par les Russes. (Circulaire du préfet de la Meurthedu 2'1.3.1818; ReeueùLAùninis- tnatif, Meurthe,1818, p. 7L). Les certificats sont exigéspour ceux qui émigrentvers I'Amérique I a mêmeannée. (Circulairedu préfet de la Moselledu 17.3.18181 RecueilAdninis' tratif, Moselle,1.81.8, p. 60. -62-

gailbachréclament des passeports en 1828,1epréfet qui transmetleur demandeau ministre signaleque "les autorités locales attestent que les réclamansont unebonne condu'ite et... querien ne s'opposeà ce que 1espasseports soient accordés"(15). Il se trouve un exemplede certificat rédigépar 1e majrede Farschvilleren 1833,en voici le texte danstoute sa candeur:

'l'ler, "Noussouss i gnés Mai re de I a Communede f arschvi cantonde forbach,4ème arrond'issement de la Moselle Certifions à tous qu'i1 appart'iendra,que 1e Nommé JeanBojoly, garçonmeunier, Né et domiciI ié en Cette Commune,majeur, fils de VendelBojoly Cordonnierde- meurantà , et de la défunteMarie Sistend, 1equels'est toujoursCondujt en honnêteet Bravehomme sansqu'il m'est parvenuaucune plainte, et réside en CetteCommune depuis sa jeunessesans interruption, dé- sirant d'obtenir par Cet présentun passeportpour a11er à l'Etrangèreen Amériqueà Niorque: Enfoi de quoi j'ai lui délivré ce présentpour lui ser- vir et valoir en cas de Besoin/ A f arschviI ler le 26 Janv'ier1833" (16).

La crjtique souventfaite par 1eshistoriens américains à 1'égard des gouvernementseuropéens accusés d'avojr expédié,en leur payant1a traversée,1es indigentset les indésirablesne peut pas s'appliquerà la Lorraine(17).

(15) Lettre du Préfet de la Moselleau Ministrede l,Intérieur, 16.2.1828; ADMos89 M 1 bis. DeuxVosgiens originaires d'Anoulddésireux d'aller s'établir en NouvelleCalédonie en 1867se voient refuser l,autorisation qu'i1s ont sollicitée : l'un a abandonnésa femme,l,autre boit. (ADV15 M 1). (16) ADMos89 M 1 bis.

(17) "Il est vrai que, pour soulagerleurs contribuables,les autorjtés européennesont payé1a traverséeà desmilliers de nécessiteux dont certains devenaientà chargeà I'instant mêmeoù ils débar- quaient".Samuel Eliot Morison,op. cit., p. 229. "Les autorités gouvernementalesde l'Ancien Monde expédiaient en Amérique,de tempsà autre, les pensionnairesde leurs établisse- mentsde charjté, asiles, hôpitauxou prisonss'.Arthur C. Cole, A History of AmenicanLife, vol. vrr, rhe rnrepressible confLict, L850-1865,New York, 1934,p. 120. -63-

Quandelles sont solljcitées, 1esautorjtés refusent les secours à ceuxqui se trouventincapables de payerleur passage.Lorsque NicolasBarbe, natif de Bouchepornet domiciliéà Souchts'adresse au préfet en caressant"le douxespoir d'obtenjr... desfonds suffisants à titre d'jndemnitéde route... jusqu'auport du Hâvre/ét7 ]e passage gratuit jusqu'enAmérjque sur un bâtimentde l'état commerationnaire", il lui est répondupar l'jntermédiairedu sous-préfetde Sarreguemjnes "qu'il n'a jamaisété alloué de secoursde cette natureet que I'admi- nistratjon n'ayantaucun fonds à sa disposition,la demandene peut être accueiI I ie" ( 18). Lesprisonniers l'ibérés n'obtjennent pas d'autorisat'ion d'émigrer, à moinsque leur condujteet leur âgene permettentde 1esjugerinof- fensifs. tn Moselle,un seul "réclusionnajrelibéré" se trouvementjon- né dansles listes despasseports pour 1'Amérique.Il s'agit de Jean Krier de , c'est un vjeillard de 68 ansà qui le préfet a ac- cordéune autorisation spéciale le 7 avril 1863(19). Comme'lespréfets se rendentcompte, comme celui de la Meurtheen 1832,que "les états descotes'irrécouvrables présentés par 1esPercep- teurs comprennentdes contribut'ionsqu'i n'ont point été acquittéespar des indivjduspartis en Amérique"(20), i1s rappellentqu'en cas de dé- ménagementhors du ressort de la perception,les contributjonssont exj- gibles pour la totalité de l'annéeen cours(21).La règ1ede conduite

(18) Lettre deN. Barbeau préfet de la Moselledu 1.1.1840; lettre du préfet de la Moselleau sous-préfetde Sarregueminesdu 9.1.1840 (ADMos89 M 1 bis).

(19) Il ret'ireson passeport1e 1"3du mêmemois (ADMos 106 M 2). (20) Circulaire aux sous-préfets,maires et percepteursde la Meurthe, 19.3 . 1832. (RecueiL Adninistratif, l4eurthe, 1832, p. I24).

(2L) Ibid. (Art i cl e 18 de I a I oi du 26.3 .1831) .

N -64-

adoptéese résumedans les circulaires des28 avril et 9 octobre1832 du préfet de la Meurthe: "A l'occasiondes migrations pour I'Améri- que... je ne déljvrera'iaucun passe-port aux émigrans, si leur demande n'est pas accompagnéed'une quittance constatant qu'ils ont payé1a to- taljté de leurs contrjbutionsde I'annéecourante..." (22),

C'est pourobéir à ce nouveauréglement que Jean Bojoly obtient unequittance du percepteurde Puttelangeun jour aprèsavoir retiré soncertif.icat de bonnecondu'ite à la ma'iriede Farschv'iller.Ces deux piècesvisées par 1e sous-préfetde Sarreguemineslui permettentde re- cevoir de ce dernier un avjs favorablepour 1a délivrancede sonpasse- port à destinationde NewYork (23). A la mêmeépoque, 1e Mairede Vatimontest'ime qu'i 1 y aurait un 'inconvén'ientà dél ivrer des passeports à p'lus'ieursde ses adminjstrés "avantqu'i'ls n'eussentsatisf ait aux différentesréclamations qu'i peuvent leur être faites, soit par 1e Per- cepteurou le Receveurdes Revenus Communaux, soit par des particuliers qui n'aurajentpas été prévenusde leur départassez à tempspour ré- clamerle montantde leur créance"(24).

0n voit en effet descréancjers de toute sorte s'inquiéter, pu'is se plaindrede ce quedes émigrants disparaissent en ayantom'is de se libérer de leurs dettes. Leursdoléances s'adressent d'irectement au préfet; en voici quelquesexemples qui montrentà quel point leurs au- teurs sont bien renseignés,contrairement à ce quepense le mairede Vat'imont.Gotfried Kiesen réclame 22 t 50 que lui doit le tailleur d'ha-

(22) RecueiLAdninistratif , Meurthe,1932, p. 126. Miseau point du préfet de la Moselleau mairede Sponville: "Pour obtenir un passeportà l'étranger il faut produireun certificat du maire de la communeconstatant que ce passeportpeut être accordé, et pour l'Amériqueune attestation du percepteurconstatant que l'émigranta payéses contributions". (Lettre du 30.3.1840; ADMos89 M I bis). (23) ADMos89 M L b'is.

(24) Lettre au préfet de la Moselle,15.4.1832 (ADMos 89 M 1 bis). -65-

b'its JeanHelmer, d' qui est sur le point de qujtter la France,mais dont la fenrmen'a point encoresigné son passeport.A juste titre Kiesenne voudra'itpas être "duped'une pareille ém'igra- tion" (25). M. Francfort,Rue Fournjrue à Metz,demande au préfet de ne point faire déljvrer de passeportà "son déb'iteurJacob Jacob, de Pontpierre"(26), Le marchandde laines Félix Cahen,de Sarreguemines, adresseune requête semblable au préfet de la Meurthe; en effet son créancierChristophe Gingrich, fermier à Haut-Kek'ing(?) "se propose de prendreun passe-portpour 1'Amérique.Cet hommeme doit unesomme de 34,000frs dont il chercheà mefrustrer" (27). La suite donnéeà ces demandesn'est pas connue,quoi qu'i1 en sojt il se trouve des cas qui montrentque ces plaintes sont prises au sérieuxet que les indélicats sont poursuivisavec toute la rigueurexi- géepar I a loi . I I en va ainsi dansI 'aff a1reMathieu. Le 16 décembre1867 le directeur du télégraphedu Havreintercepte une dépêcheen provenancede Lutzebourget destinéeà Brownet Cie, une firme américaine."cachez Auguste Mathieu, dit 1e message,on veut l'ar- rêter. Signé: Moustier". Le préfet de SeineInférieure alerté recommandeaussitôt de "faire suivre de très-prèscette affaire et /de7 ne rien nég'ligerpour en con- naître les détajls et f importanceexacte". L'enquêtemenée par le sous-préfetdu Havrerévèle qu,Auguste Mathieuest'run malheureuxparti de chezlu'i sanspayer son loyer; Moustier,/Son am'i7,'leprévenait que desbruits couraientdans le pays de le fajre arrêter pour ce fait. Le Procureurimpérial n'a rien contre lui. A moinsd'avis contraire, je le laisserai partir /Four I'Amériquel à troi s heures" .

(25) Lettredu 22.9.1833 (ADMos 89 M 1 bis).

(26) Lettredu 29.3.1840 (ADMos 89 M 1 bis). (27) Lettredu 18.3.1857(ADMos 106M 2). -66-

ce dénouementheureux n'empêche pas uneinvestigation plus com- p1ète.Le 1er Bureaude la sûretéGénérale s'en mê]e... L'histoire de cet hommede 38 ans, originajre de ,n'est sansdoute pas exceptjonnelle.Il est mariéet pèrede cinq enfants. I1 exploitait avantson départ une petite carrière de pierres louéepour 200 F à la commune,à qui il doit quatreannées de bajl. Sansressources suffisan- tes pour subveniraux besojns de sa famille il se décideà tenter sa chanceen Amérique"avec I'intention d'y faire venir sa femmeeL ses enfantsd'jci trois ou quatremojs". Après avoir obtenuun contrat d'émigrationà saarburg(28) par les soins de 1'agentMoustier à qui il a payéson passage du Havreà NewYork, il se meten route... (29). 0n connaîtla suite; Mathieuembarque au Havreprobablement le 18 Décembreou dansles jours qui suivent. Agéde 38 ans, AugusteMathieu ne risqua'itaucun démélé avec I'au- torité militaire, ce qui n'était pas le cas desjeunes gens n,ayant pas encoreaccompli leur serviceou participé auxopérations du recrutement, surtout dansles périodesoù l'état a un grandbesoin de soldatscomme sousle SecondEmpire. Le souci de ne perdreaucun des jeunessuscepti- bles de porter les armesest clairementexposé dans une note confiden- tielle du Ministre de l'Intérieur au préfet de la Moselleen 1954. Aprèsy avoir rappeléque'la délivrancedes passeports par 1'admjnistra- tion départementaleest pour ainsi dire automatiquedans le cas où les causesdu voyagesont 1égitimeset que, de surcroît, il n'a été mis obs- tacle à l'émigrationdes jeunes gens, en tempsde paiX, gu,aprèsla clôture des contingentsdépartementaux, il écrit :

'la "Cettetolérance, dans situation actuel'le,ne saurait être aussi grandeque par 1e passé.Le gouvernementes- pèreque 1a paix viendrapromptementcouronner 'Empereur les ef- forts de I et du pays. Toutesses mesuresté- moignentde sa volontéde concil'ierles nécessitésde

(28) Prusserhénane.

(29) ADSM6 t4P2029. -67-

1a guerreavec les intérêts auxquelsde longuesannées de paix et d'activité commercialeont donnéun sj vaste développement: ce n'en est pasmoins pour 1u'iun de- voir, en présencede'la grandeurde la lutte dansla- quelle l'honneurde la Franceest engagé,de prendre 1es précautionsque 1a prudenceindique pour en assurer le succès.Il placeen premièreligne tout ce qui tend à ménagerles ressourcesfutures de notre effectif mi- I i tai re. Je vousinviten en conséquence,Monsjeur le Préfet, à ne dél'ivrerjusqu'à nouvel ordre aucunpasseport à 1'étrangerà des jeunesgens ayant atteint l'âge de 19 ans, et nonlibérés du servicenrjlitaire, toutes les fois qu'il vousparaîtra que les demandesformées auprès de vousauront pour mobile un projet d'émigration..." (30).

L'applicationdes mesures ministérielles par les préfets n'empê- chepas certainsjeunes émigrants de s'eclipser définitivementen pre- nant la route du Havre.C'est ce queréussit à faire MichelDanenhauer d'Enchenberg.Le père du jeunehomme est allé réclamerau mairede Ia communeun passeportpour sonfils Etjennequi, âgéde 18 ansseulement, disposeencore d'une annéede liberté de mouvement.Mais c'est Michel, 20 ansqui, utilisant 1e passeportde son cadet, rejoint Le Havreau granddam des autorités. Le sous-préfetde Sarregueminesrend compteà son supérieurà Metzen signalantau passageque c'est le pèrequi est responsableet que "cette fraudes'est déjà pratiquéedans la famille', (31).0n prévientle préfet de SeineInférieure, les autorités portuai- res du Havrese mettent en quête du fuyard (32).

(30) ADMos106 M 2. La législation était à peude choseprès identiquesous la Restau- ration. selon le Ministrede l'Intérieur de 1819,"il a été recon- nu en principequ'on ne peut s'opposerau départdes'indjvidus qu'i ne sont point encoreappelés. Ce n'est que lors de l,appel de la classeà laquelle ils appartiennentqu'on doit suspendreleur dé- part jusqu'àce qu'i1s aient satisfait à la loi,,. (Lettre au Préfet de la Meurthe,8.5.1819 ; ADMM4 MZZ4). (31) Lettre du Sous-préfetde Sarreguemjnesau préfet de la Mose11e, 25.9.1840; ADMos89 M 1 bis. (32) Lettre du préfet de la Moselleau préfet de seine Inférieure, 29.9.1840; ADMos89 M 1 bis. !gt!t.-!u préfet de la Moselleau sous-préfetde sarreguemines, 1I.12.1840; Ibid. -68-

Près de deuxmois après 1e départ du jeune homme,1e 1g novembre 1840,1e préfet de Rouenavise soncollègue de Metzque "l,on n'a dé- couvert au havre, aucunetrace du nomméDanenhauer de la conrnune d'Enchenberg"(33). En novembre1860 une affaire identiqueest signaléeà Montbronn, communevoisine d'Enchenberg. Guillaume Oswald désjrant émigrer en Amériquedemande un passeportpour lui, sa femmeet ses enfants.Deman- de refuséepour Marc âgé de 20 ans (34). Devantl,insistance de la fa- m'ille, 1e préfet transmetla requêteau ministre et, la réponsede ce dernier tardant à arriver, 1e sous-préfetconsulte à nouveauson supé- rieur en lui adressantune dépêche télégraphique 1e 19 novembre(35). Majslorsque la réponsearrjve à sarreguemines,1e 23, les Qswaldsont déjà en route, et 1e jeuneMarc "a quitté Montbronnle 21 du courant avecses pèreet mèrepour se rendreen Amérique,,(36). Le préfet ne manquejamais, à l'occasion,de rappelerla 1égis1a- tion auxmaires. Dans une lettre d'âoût 1856i1 reprendles termesde I'Instruction ministérielle du 24 décembre1854 (37), en précisantqu' "aucunedérogation à cette règte ne pourraavoir lieu à moinsque 1es jeunesgens présentent des motifs nonéquivoques d,exemption (38). cerf Lejeune,de , se voit ajnsi refuser 1e passeportqu,i1 a de-

(33) Lettre du 18.11.1840; rbid.

(3a) Lettre du sous-préfgtde Sarregueminesau préfet de la Moselle, 14.11.1860; ADMos106 M 2. (35) ADMos106 M 2.

(36) Lettre du sous-préfetde Sarregueminesau préfet de la Moselle, 30.11.1860; ADMos106 M 2. (37) Sur I'interdiction'l de délivrer des passeportsaux jeunesgens ayant atteint 'âge de 19 ans.

(38) Lettrg^gl préfet de la Moselleau mairede Devant-1es-ponts, 21.8.1856; ADMos106 M 2. Les conscritsreconnus aptes à servir étaient dispensés,ou exemp- tés., dansles cas suivants: lorsqu,ils étaient fils aîné de veuve, séminaristes,élèves d'une école noimaled,instjtuteurs, un à. leurs frères était déjà dansl,armée ou y avait été tué... -69-

mandéet dont il a déjà acquitté le montant(39). Il est poss'ib1ecependant à ceuxqui ont de la fortune d'écarter l'écueil de la conscriptionet d'éviter ainsi de renvoyerun voyageà plus tard. c'est ainsi qu'en 1858une lettre du majorcommandant le dépôtde recrutementde la Meurtheà Nancyavise le mairede Phalsbourg queFlorent Kuhn, de la classe1857, est autorisépar le mjnistre de la guerreà se rendreaux Etats-Unis où habitesa famille à la condit'ion expresse"de justifier du dépôtentre les mainsdu receveurpart'iculier de son arrondjssementde la sommede deuxmille quatrecent cinquante francs, nécessaireà sonexonération comme militaire sous1es drapeaux, pour 1e cas où il serait appeléà I'activjté" (40).En beptembrede I'annéesuivante, 1e jeuneForbachois Emile Baumann produit lui aussi, à 1'appuide sa demandede passeport,un certifjcat constatantqu'i1 est en mesurede verser le prix de son exonération"dans le cas où jl tomberaitau sort.' (41). L'attitude des autorités à 1'égarddes jeunes gens qu'i doivent participer au tirage est doncassez ferme. En tempsde paix cependant les mesuresappliquées n'ont plus, de la plumemême du Mjnjstre de l,In- térieur, "Ie mêmedegré d'opportunité" (42). Pourtous les autresdemandeurs de passeportS,placés sous 1'empi- re du roit commun,1a 1égjslationne varie pas ; ]es voyagesà l,étran- gêF, tempora'iresou définitifs, sont tolérés (43). Les commentaires faits, ic'i et là, pâr les autorités confrontéesà l,émigrationle mon- trent clairement.

(39) Lettrg_qupréfet de la Moselleau sous-préfetde Thionville, 16.7.1858 ; ADMos106 M 2.

(40) Letre du 11.9.1858; ADMosE. Supp't.544 (phalsbourg, Z I Z).

(41) Lgttre du sous-préfetde sarregueminesau préfet de la Mosel]e, 27.9.1859 ; ADMos106 M 2.

(42) Circulaire auxpréfets, 29.8.1856; ADMos106 M Z. (43) selon la loi du 7.12.1792,toujours en vigueur, l,administration a le droit de refuserdes passeportsaux Français qui les deman- dent. -70-

En 1817,Le Ministre de la PoljceGénérale écrit : "0n ne peut, sansdoute, refuser des passeportsà ceuxqui les réclament,lorsqu'au- cunedjsposition légale ne s'y oppose"(44). Et le préfet de la Moselle auxmaires du départementen 1828: "Il ne peut entrer dansles vuesde I'administrationde s'opposerdirectement aux démarches'léga1es qui peuventêtre faites par dessujets du Roi, dansle but de s,éloigner de leur patrie..." (45).De même,1e préfet de SeineInférieure précjse dansun avis du 29 février 1841: "sansdoute... on ne peut refuser aux c'itoyensfrançais, quandi1s jouissentde tous leurs droits, 1estitres de voyagequi leur sont nécessairespour passerdans les paysétran- gers..." (46). Toutesles formesutilisées soulignentqu'on supporte un phénomènequi, sommetoute, reste dans1a 1éga1ité.Elles sont néanmojns toutes suivies de MAIS.Ces concessions se voient invariablementassor- ties de restrictions ou de mjsesen gardecontre uneentreprise 1e plus souventjugée dangereuse.0n a évoquéles sommesd'argent exigées en 1817et les tracasseriesimposées pour I'obtentiondes différents certi- ficats exigés. La dissuasionest cons'idéréepar les autorités commeun devoir auque'lelles n'ont pas le drojt de faillir. "Uneadministration pater- nelle, affirme le Ministre de I'Intérieur en 1830,n'aurait pas rempli sa tâchesi chaquefois quedes passeports1ui sont demandéspour des payslointains et mal connuselle ne s'efforçait par 1a persuasionde détournerles réclamansd'une entreprise hasardeuse, qui n'a jusqu,à présentque de fâcheuxrésultats pourtous les Européensquj I'ont ten- tée dansces dernierstems" (47).

(a4) Lettre au préfet de la Moselle,3.6.1817; ADMos89 M 1b.is. (45) Circulaire du 30.4.1828; ReeueiLAdministrarif, Moselle,1828, p. 178.

(a6) Avis sur "l'émigrationde laboureurset d'ouvrjersdans les colo- nies d'Amérique"; ADSM6 MP2028.

(47) Lettre au préfet de la Mosel]e,17.7.1830; ADMos89 M 1 bis. -7r-

Enquelques occasions seulement l'adminjstration semble avoir voulu user de moyensplus persuasjfsen en déplorantd,ajlleurs, pâF avance,1''ineff icacité. Evoquantle mouvementd'ém'igration vers la Polognerusse, 1e préfet de la Meurthereconnaît en effet, dansune lettre au sous-préfetde Sarrebourg,que "la gendarmeriene sera.itpas asseznombreuse pour 1'empêcher"(48). A la mêmeépoque èe mêmefonc- tionnaire commencepar refuser toutes les demandesde passeports,ma'is jl doit y renoncertrès vite (49). Ma'isc'est l'exception.Le V'icomtede Suleau,préfet de la Mose11e, commele Minjstre de l'lntérieurn est conscientque sonrôle est plutôt de "mettreau moinsau rang de ses premiersdevojrs, de ramenerà des idéesplus saineset plus exactesceux qui, sur la foi de promessesil- lusoires et de descrjptionsmensongères, croiraient aller chercherune vie plus heureusedans le nouveaumonde, tandis qu'ils n'y trouvera'ient que la misèreet unemort prématurée,pour dédomagementd,un trajet pé- nible et d'un douloureuxexil" (50). La misère,une mort prématurée,de fâcheuxrésultats ou des chi- mères,voilà ce qui attendtoujours, selon les autorités, les émigrants quj se hasardentdans des contréeslojntaines. Le tableaude 1,Amérique est peint à plaisir dansdes couleurssombres ; ce n,est pasun hasard, d'ajlleurs, si "des jndividusappartenant à ce départementen reviennent journellementdans la p]us extrêmemisère après /-y7 avoir passéplu-

(a8) Lettre du 5.2.L817; ANF7 6138B. Pologne: cf. p. 1lB.

(49) Lettre du ministre du 8.2.I8I7 ; ibid. Quelquesannées plus tôt, 1eministre de la police avait interdit la délivrancede passeportsaux ouvriers désireux de se rendre 9gl: l. Royaumede Nap]es(Lettre au préfet de la Meurthe,26.6. 1812; ADMM4 14234).une mesuresembiabre avait été ordonnéeen l.'A!.XI pour empêcher1e départde certainshabitants de la région de Bitcheet de volmunsterpour la BavjèreRhénane. (Lettre du- 1gu9-préfetde sarregueminesau préfet, 12 ventôseAri xt ; ADMos 89 M I bis).

(50) Cf. supra,note 45. -72-

sieurs années(51). Cesdescriptions pessimistes venant des autorités, elles ne peu- vent avojr tout le crédit souhaité; aussi ]e préfet de la Mosel]epu- blie-t-il, dans1e RecueilAdninistratif de 1817,une lettre dont le ton et les révélationsservent à merveilleses desseins. L'auteur, do- micilié à Philadelphie,-- et dontle nomn'est pasc'ité -, est en effet un hommedu peuple,rrn émigrant pare'il à ceuxqui se présententquoti- d'iennementpour obtenir le droit de s'expatrier. Misesous les yeuxdes demandeursde passeportsdans les mairies, il n'est pas douteuxqu,e11e ajt fait réfléchir p'lusd'un audacieux,peut-être même en a-t-elle fait reculer certains. A Philadelphie,à en crojre cette lettre, 1'embaucheest rare et la vie chère.Le vin en partjculier est hors de prix. 0n s'y ennuieà mouriret le peupleest sérieuxet taciturne ; 1e dimanchey est réser- vé à la lecture de la Bible. Maiscitons le documentdans ce qu'i1 peut avoir de plus d'issuasif: "J'espéraisenvoyer de l'argent à monpère, maisje crains bien de ne pouvoirle faire de 1ongtemps...Ne raconte liulT ce queje t'écris, surtout à Thjbaut,Qui nousdisait que 1es alouettestoutes rôties de I'Amériqueétaient des attrapes...,,(52). 0n ne peut s'empêcherd'avoir des doutessur l,authenticité de cette missjve.Qui I'a rédigéeet expédiée? Dequel village I'auteur

(51) Lettre-du.préfet de la Moselleau maired'Hagéville, 30.3.1941 ; ADMos89Mlbis. Le ministrefait les mêmesprédictions funestes en 1gz9: ',... ces projets d'émigrations...ont déjà conduità leur perte 1a plupart de ceuxqui ont ajoutéfoi à de trompeusespromesses...', (Lettre au préfet de la Moselle,LO.2.LB29 ; ADMos89 M 1 bis). tn fait un seul cas d'émigrantslorrains a été noté, it s'agit de deuxorphelines du nomde Betz, dont'les parentséta'ient originai- res de valmont.Elles sont rapatriéesà l'automnede 1g40de-la Nouvelle0rléans. En fait il n'est mêmepas sûr que 1esdeux soeurs soient néesen France.(ADSM O MpZ02B).

(52) Lettre du 20.2.1817,citée dansune circulaire du comtede Tocquevi'11e,préfet de la Moselle,10.6.1817, Reeueil A&ninistra- tif , l(oselle 1817,p. 156-57. La lettre se terminepar un dernier conseir: "Tu avaisenvie, mon cher Robert,de tâter aussi de l'Amérique.crois-moi, reste où tu es, avectes parents,tes amis,,. -73-

est-il origina'ire? Lrabsencede réponsesà ces questionslaisse per- p1exe.De p1us, s'i les reprochesfaits au paysparaissent plaus'ibles, les illusions de I'Amérique,1es "alouettesrôties", sont, commepar hasard,l'un des argumentsles plus utiljsés par 1'administrat'ion. Lesémigrants partant vers I'est, en Février1817, s''imaginent, selon le rnairede "qu'étant arrivés en Russ'ie...ils seront desseigneurs" (53).Ceux quj vont en Amériquesont 1e jouet de "des- criptjons mensongères,de promessesjllusoires" (54), jls vont ihercher dansce lointain pays"un bien-êtrequ'i1s seraientloin d'y trouver" (55) ; "'ils s'abandonnentà de chimériquesespérances" (56) ; ils crojent naivement"qu'jls trouverontde grandesressources dans ce pays, /71 fautT les détrompersur ce point" (57), les "détournerde suivre une destinationpour eux presquetoujours funeste" (58). L'admjnistrationinsiste aussi sur les dangersdu voyagemême (59). Dèsavant 1'embarquement, i1s risquentla maladieet la misère(60), dont un exempleest donnédans une lettre du Havre,publiée par le pré- fet de la Meurtheen 1832."Notre v'ille, y rapporte-t-on,est encombrée de malheureu:8...que la chertédu passageempêche de partir" (61).

(53) Lettre au préfet de la Moselle,4.2.18L7 ; ANF7 61388. (54) Circulaire du préfet de la Moselle,30.4.1828 3 RecueiLAdninistv'a- Éif, Mose11e,1828, p. I77. (55) Cf. sLtpra,note 51,. (56) Lettre du Mjnistre de l'Intérieur au préfet de la Meurthe,5.5.1832 ADMM4 14234.

(57) Cf. supva,note 51.

(58) Lettre du préfet de la Meuseau sous-préfetde CommercJ,4.3.1841; ADMe141 M 1.

(59) "Ils ne saventpas sans doute tous les dangersqu'ils ont à courir avantd'arriver au termed'un aussi'longvoyage". (Lettre du préfet de la Moselleau sous-préfetde Sarreguemines,19.3.1933;AOMos 89 M 1 bis).

(60) Cf. Supra,note 56. (61) Lettre du 2.4.1832,citée dansla circulaire du 16.4., RecueiL AdrrLnistratif, Meurthe,1.832 , p. 116. - 74 -

Il est aisé, à part'ir de ces descriptionspour'le moinsinquié- tantes, de vanter les méritesde la Patrie, familière et protectrice, et de louer ceuxqui ont chojsi de ne pas 1'abandonner. Si c'est unemauvajse récolte qui chasseles émjgrants,on leur représenteque "la France,cet heureuxpayS, n'éprouva jama'is deux an- néesde suite l''inclémencedes saisons" (62). Detoute manièreon est peinéde voir toutes ces gensquitter "un départementaussi florissant quecelu'i de la Moselle"(63), et on f a'it appelau sentjment national , à I'amourde la terre natale, au courageet au travail. Sousla Restau- ration il conv'ient,de plus, d'avoir confianceen 1e Ro'i,"qui s'occupe sanscesse de tous les besojns"(64). Les émigrantssont en effet taxésd'ingratitude et, souvent,de paresse(65).En 1840par exemple,1e préfet de la Mosellebrosse un portra'it peuflatteur des habitantsde la partie allemandedu cantonde Grostenquin,où desémigrations répétées ont été enregistrées.Ils sont, déclare-t-il, "naturellementparesseux lêtl s" livrent à I'ivrognerie. Cesindividus après avoir possédé{uelques propriétés se trouventb'ien- tôt par leur apathieet leur penchantpour la bo'isson,rédujts à un état voisin de l'jndigence.Ils contractentd'abord des dettes hypothécaires, ensuitene pouvantpayer ni 1e cap'italn'i les intérêts des emprunts qu'i'ls ont faits pour se soustraireà la honted'une expropriation for- cée, ils vendentleur bien, payentleurs créancierset s'expatrient, n'emportantsouvent que de faibles sommesqui suffisent à peinepour leurs frais de voyage"(66).

(62) Circulaire du 10.6.1817; RecueiLAdministtatif , Mosel'le,I8Il , p. 156. (63) Cf. sup!,a,note 51.

(64) Cf. sLtpra,note 62.

(65) selon le Min'istrede I'lntérieur, ceuxqui recourentà l'émigra- tion pourtenter d'améliorerleur situation sont "deshommes-qui ont le malheurde ne pas appréciertout ce que 1a france offre de ressourcesà quiconquesait et veut travailler". cf. supra, note 47. (66) Lettre du préfet de la Moselleau ministre de l'Întérieur, 8.4.1840; ADMos89M1 bis. -75-

Lescontingents d'ém'igrants seraient donc, aux dires de certajns fonctionnaires,formés de fainéants,d'incapables et d'ivrognesque 1e déshonneurchasse de leurs vi11ages,mais aussid''individus trompés par des provocateurs,gu€ l'admin'istration croira voir à I'origine d'un grandnombre de décisionsd'émigrer et qu'elle s'appliqueraà jdenti- fier dansle but de les empêcherde nuire.0n est surpris cependantde constaterque ces spéculateursne sont presquejamais cités. Il existe bien desagents des compagniesmaritimes établjs à nos frontières, mais leur principaleactivité est le recrutementdes Allemands et jls ne s'intéressentqu'occasionnel lement aux Français (07) . Toujoursest-'i1 queces recruteurssont généreusementinvestis de pouvoirsquasi magiques. "Il est impossible,constate le préfet de la Moselleen 1828,qu'il n'y ait point dansl'arrondissement /de sarre- guemines/des gensqui provoquent/T'émigration/, car il n'est point vraisemblablequ'un si grandnombre de familles se déterminentde leur propremouvement" (68) . s'i les habitantsabandonnent leurs vi l'lages, c'est qu'ils sont les victimesinnocentes des "menées d'av'ides spécu1a- teurs" (69). "ll importe,recommande le préfet de la Moselle,de décou- vrir les instigateurs/de l'émigration/" (70). Desenquêtes sont menées ici et 1à, sansrésultats notables(71). c'est, en fin de compte,d'une affectjon graveque sont attejnts les émigrantset la maladiea, en ce xIXe siècle, plus encoreque de nos jours, un caractèrede fatalité. c'est unefièvre (72), queles au-

(67) Cf. chapitre II.3.

(68) Lettre du préfet au Commandantde la Gendarmeriede Sarreguemines, 4.3.1828; ADMos89 M 1 bis. (69) Cf. swra, note 56.

(70) Cf. aupra,note 59. (71) Lettre du Procureurdu Roj au préfet de la Moselle,26.4.1828 ; ADMos89M1bis.

(72) Cf. s4pra, note 54, et Lettre du préfet de la Moselleau ministre de l'lntérieur, 16.2.1829; ADMos89 MI bis. -76-

torités sont impuissantesà calmer,sans parler de ra guér'ir; une manie,une fureur (73), qui, en 1835,fait "desprogrès étonnants dansle voisinage/de Petjte RosselleTet dansles communeslimjtrophes de Prusse"(74). Cequj est plus sérieux,c'est que, corffnele constatele ma'irede Petjte Rosse11e,I'affect'ion se propage,eile est contagieuse(75). Enmars 1817, on le verra (76),1e sous-préfetde sarrebourgaccusait les habitantsdu Bas-Rhind'avoir contaminéses administrés Mais les Alsacienseux-mêmes ont été infectéspar 1esSuisses et les Alle- mands(77). L'épidémieprogresse donc d'est en ouest, ce qui ne laisse pasd'inquiéter les autorités. . Les symptômesdu mal se reconnaissentaisément ; le sujet atteint est inquiet, nerveux;'i1 se découvreun intérêt subjt pour certains sujets de conversation.Lui, un terrien quj n'a jamajsaperçu 1a mer, se passionnesoudain pour tout ce qui toucheaux bateaux et à la navj- gation; il bavardeavec d'étranges voyageurs sur le chemindu Havre... Erckmann-chatriana décrit ces Allemandsen route pour 1,Amérique:

(73) manie.:syndrome mental caractér'isé par divers troutrlesde I'hu- meur.(exaltationeuphorique, versatitite, expansivité); futeuz,: passionsans mesure, créant un état voisin de la folie (oict. Robert).

(7a) Lettre du mairede Pet'iteRosselle au sous-préfetde Sarreguemines, ADMos 19.3.1833,'ist 89 M 1 bis. "Die Sucht,nach Amerika auszùwandern, als eine Krankheitanzusehen...', (Joseph Mergen , op. eit., p. 70).

(75) Dès1817 le sous-préfetde Château-Salinsnote dans ,,1'exemple une lettre au préfet de la Meurthe: des uns /fr,est7pas sansjnfluen_ ce sur I'esprit des autres". (Lettre du 5.2.nû ; ANF7 6139g. (76) Cf. pages120 et 123note 30.

(77) "Que'lqueshabitants de I'Alsace, séduitspar l,exempledes suisses et desAllemands de la rive droite du Rhin, ont abandonnéleurs familles et l"yry foyers pour a'ller chercheren Amériqueun meil- leur sort..." (Cf. supna,note 62). -77 -

"Leursvoitures étajent chargéesde vieilles armoires, de bois de 1i t, de matelas , de chai ses, de commodes. Degrandes toiles, étenduessur des cerceaux,cou- vrajent le tout. Sousces toiles, de petits enfants assis sur desbottes de pai'11e,et de pauvresvieilles toutes décrép'ites,les cheveuxblancs comme du lin, re- gardaientd'un air calme; tandis quecinq ou six ros- ses, 1a croupecouverte de peauxde chien, tiraient lentement.Derrière arrivajent les hommes,1es femmes, et trois vieillards, 1esreins courbés,1a tête nue, appuyéssur desbâtons" (78).

Desemblables convojs traversent la Lorrainedu nord, de Forbach à clermont-en-Argonneen passantpar Metzet verdun,gagnent par.is par la granderoute de poste, suscitantdes vocationsparmi ceux qu'i n,o- saient passe décider(79). La presselocale signale leur passageen relevantl'infortune dont sont victimescertains d'entre eux, arrêtés puis refoulésfaute d'argentou de papiers(80). Maisil sembleb'ien que ce soit surtout l'exempledes voisjns ou desparents qui soit suivi. C'est ainsi quedans certains vi11ages, ém.i- grer devientbientôt unetradition. Sajnt Quirin, dansla Meurthe,est de ceux-là.Il est bien sûr imposs'iblede djre si c,est JeanAnto.ine Fève,établi à Philadelphiedès 1802,qui a fait desémules ; maiscom-

(78) L,AmiFnitz, éd. J.J. pauvert,t. V, p. lg?. 0n peut penserque 1esgermanophones sont prus sensiblesà l,exem- p1edes Allemands que les Lorrainsde languefrançaise. Qu,ils soient Bavaroisou Prussiens,les étrangeissont èomprisde Forbach à Courcelles-Chaussy,à deux lieues de ùetz.

(79) En 1845on ouvredes bureaux de douaneà Sierck, et Frauenbergqu'i devajent, dans I'esprit des autorités, faciliter l'entrée des émigrantsétrangers en route pour 1,Algérie.

(80) Demars à la mi-juillet 1840plus de 900ém'igrants des province.s rhénaneset de Hessesont contrôlésà Metz,près de 200'd,entre eux sont arrêtésl pujs expulsés"comme dépourvus de moyensde voya- ger et des autorisations1égales exigées". D'après un ârticle du 20 marsces émigrantsallemànds "con[inuent de sillonner ]es routes de notre départemelt",.cequi prouvebien qued'autres voyageurs les avaient précédés.(t"indépendant de La MoseLLe,des zô.3., ler gt 15.4., 6 et 27.5., 3.0.,11.7.1840). Çga]gmgnt,dans le mêmejournal : ZZ, 24 et 27.3. ; l.g. ; 3 et 17. 10.1834. -78-

mentne pass'étonner du nombred'émjgrants issus d'unemême commune (cf. chapitreII.4). chezles BarbéJean-claude par exemple,dont sept enfantssur dix atteignent1!âge adulte, deuxgarçons et unefille émigrenten Algérie ou en Amérique(81). L'habjtuden'est pasperdue à 1a générationsuivante; les quatreenfants d'une soeur des précédents partentpour 1'Amérique(82). Les émigrantsqui quittent la régjonde Faulquemonten lB47 par- tent du 10 février au Ll mai ; six villages envoientainsi 85 personnes à des dateséchelonnées sur trois mois. La famille de JosephFagot, sept personnes,obtient sonpasseport 1e 16 mars,e11e est su.ivie,15 jours plus tard, pôFcelle de Franço'isFagot, sjx personnes.Deux fa- milles This, originajres du mêmevillage, composéesrespectjvement de huit et sept personnesprennent leur passeportles 17 et 31 mars. En 1849,1es émigrants originaires desenvirons de Boulayvien- nent de deuxzones centrées autour de Coumeet Vigneulles,villages na- tals des deuxinstituteurs évoquésau chapitreprécédent. Il n'est pas interdit de supposerque 1e gestedes deux maîtres d'école, détenteurs du savoir et respectésde la populatjon,a eu une influencedéterminan- te sur la décjsiondes habitants des v'i11ages dont ils dirigent l'école. et sur ceuxdes localités voisines.

(61) Joseph,né en 1835émigre en Amérique;Marguerite, épouse de Jean BaptisteGeorgel,née en 1825,et Qujrin, né en IBZ9,s,établis- sent en A'lgérieavec leur f amille, ce dernjer aprèsia guerrede 1870.

(82) Marie-AnneBarbé, née en 1820.Elle épouseJean Baptiste Masson dont elle a 7_enfants(3 meurenten.bas âge). Desquatre autres, deuxs'instal lent dansle Kentucky(Jeffeisônvi I le et LouisviI lé), deuxà NewYork (Jamaîca,Long tstànO). -79-

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lieux d exercic€ a de naassance a des inslilul€urs

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Emigrationà parlird€ la tégion de Boulay en l8a9

( d I exsmple de deux lnstitul€u13?)

Carten" 5

La situation géographiquede la Lorrainea sansdoute aussi une influencenon négligeable sur la faculté mêmed'émigrer. comme I'a bien soulignéP. Leuilliot, "l'émigrationn'est pas un fait extraord'i- naire en Alsace,comme dans tous les paysfrontières" (83). Les premiers émigrantsrencontrés en 1817,ont entenduparler de leurs concitoyens, partis à pejnetrois générationsplus tôt pour le Banat(84).s'ils sont

(83) P. Leuilliot, "L'émigrationalsacienne sous l'Emp'ire et au début de la Restauration",Reuue Historique, t. CLXV,1.930, p. 254.

(84) Henri Nominé,"1'émigration des Lorrains dans le Banatau XVIIIe siècle et ses causes",Cahiers Sarz.egueminois, tto 6, Avril L968, p. 249-257. -80-

domicjliésdans la régjonde Bitche, i1s ont été 1estémoins, en 1802-1803,drune émigration qui, b'ienqu'e1le n'ait touchéqu'un pe- tit nombrede leurs compatriotes,a causéun grandémoj dans tout I'arrondissement.En effet quelquesménages originaires de , Bre'idenbachet Holvingpartent alors "pour la l-longrjeou la pologne', (85), et, quelquesmois plus tard, d'autresfamilles de la mêmerégion se disposentà franch'irla frontière pour s'installer en Bavjère ',0ù le Ducleur

(85) Lettres des 25 prain, 1.0(Z) et 11 therm.An X ; ADMos89 M 1 bis. (86) Lettres des 5, 7 et !2 (Z) vent. AnXI ; ibid. (87) J. Vidalenc,op. eit., p. 120. (88) ADMe143 M 2. En 1859on en trouve 22àGéry,7à Condéet 10 à SonuneiI les. (89) 899dans le cantonde Rohrbachau coursde l,année1852(449 hom- mes,450 feqryes) ; 610dans celui de Saint_Avold; 274 danscelui de Bitche (ADMos258 M 1). -81 -

de I'intérieur" (90). Il arrive parfois queces départementssoient très éloignés de nosrégions. c'est a.insique, de rg37à 1g40,on voit des conscritsde Morhangese présenterdevant les consejlsde ré- vision de départements aussi ro'intainsque ra Nièvreet ra seine Infé- rieure (91).

Conclus'ion

Pendanttoute'la 'la périodeétudiée, position des autor.itésface à 1'émigrationen Amérique ne varie pas. Elles s,inquiètentd,abord de l'apparition du phénomène (gz), s'interrogentsur ses causeset tentent d'en limiter I'importance et le développement.pour dissuaderles vo_ lontaires, elles prennent rarementdes mesures vigoureuses, mais leur imposentnombre de contraintessous forme de démarchesà entreprendre et de réglementsà respecter. Auxémigrants que ces obstacresn,ont pas rebutéseile prometres dangerset les malheursd'un long voyagedans l,inconnu et l,infortune, voire la mort, dans unecontrée au climat malsainet habitéed,une popu- lation inhospitalière(93). Essayantde ranimerle senspatriot.ique chez

(90) Notestatistigye sLl.]g-département de ra Meurthe,rg39, concer- nant la sjtuation de 1837; ADMMI m-ÀOe. (91) Arch. mun., paquet no 1g_13K 1. (92) "Cesémigrations, écrit'le préfet de la Moselleau commandantde la sendarmeri..!.qSarresuem-ine!, excirenr mà ior r i.iiràà:;'.'-ïiËtt..a, 4.3.1828; ADMos89 M 1 bis). (93) Le ministre Duchater, évoquanten 1841,,desspécurations du même avaient ?:ltt /irjl. rieu antérieurementpow res anciennescoronies espagnoleS"va jusqu'àaffirmer quede câuxqui tenter s'étaient laissé "presquetous ont trouvé.àrt-J.r'ilimats brûlants, ou l'indiqence". la mort (Lettre au préfet à.-ii ùËrr., 23.z.rg4r; 141M 1).- ADMe -82-

descitoyens qu'elle considèrecomme des ingrats,'r,administration exalte les vertusqu'ils ont appareûrnentperdues, la patienceet I'ardeur au travair, et fustige]es mauxqui res ont conduitsà reur funesteprojet, 1a paresseet f,ivrognerie. Sur la signification profondede l'émigrationet sur ses effets elle semblese poserpeu de questions.seul le Ministre secrétaire d'état Billault, juin en 1955,aborde timidement 1e problèmedans une circulaire auxpréfets (94). L'émigrationpeut être, écrit-il ,,le cor- rectif d'unepopulation excessive, /6t un/ moyend,al1éger la misère et de développer les relations avecles payslojntains',. c'est, à n,en pas douter, l'avis du mairede Lunévi11epar exemplequi n,hésite pas à écrire en 181Gà proposd'un de ses administrésrésolu à émigrer: "voinot journalier, Joseph, est dansune absolue indigence et hors d,é- tat de pourvoir à sa subsistanceet à celle de sa fami1le, ir est con- séquemmentde I'avantageévident de la ville de les laisser aller dans un lieu où ils ont I'espoir fondéde quelquesressources...,,(95). D'un autre côté, "on prétendque l'émigrationentraîne... unedéperdi_ tion co*espondante de forces vives, de matièreimposable, de ressour- cesmilitaires" (96), car, seloncertains, ceuxqui s,expatrientfor_ 'la 'la ment"la partie la plus active et plus valide de population,,(97). ces deuxfaçons d'envisagerla questionsemblent bien résumer,la premièreI'attitude d'un payscomme la GrandeBretagne, ra secondecer- le de la France, constantesous tous res régimes.Jures Duvar r,a bien

(94) Circulaire du 26.6.1855;ADV 15 M S0. (95) Lettre au sous-préfet,11.10.1g16 ; ADMM4 t4 ?34. (96) Le !9g:-preret de château-sarins.t préfet de ra ,iJe'saislg Meurthefont, en 1817,des. remarques similaires t de que.lintérêt est^pour il l'état de conserversa populatiàn;,de ,,conserverà l'état nombrede sujets fidèles et utilbsi, . (Lertres des5.2. er B.Z.tBLt ; nù ÈZ6138 B). (97) Préfet desBasses-Alpes, 1g59, cité par A. Legoyt,L,émigration europëenne'son intpontance,aes causes, ses niy-"tâ, pariË, p. ZtS. 1861, -83-

compriset écrit, sept ans aprèsBjIIault :

"Denos jours 1'Angleterremontre au monde...la valeur de l'émigration.Depuis le commencementde ce sièc1e, :l'.:,i;lll:l',ffil;,'î:l':;#il,:'l:i: ;ï,'ï:ln:i.lï:'" lls ne se sont pas condu'itsen enfantsprodigues perdus pour.., lu mère-patrie.../Tls onl7 péni1tréàans des Etats étrangers,ont racheÏé1a pêrte de leur nationalj- unediffusion !é Oar au sein de la patrie adoptivedes idées,des moeurs et de 1a languede la patrie native, sourcepour cette dernièred'influence et de commerce, de popu'laritéet de bénéfices.Cette séparationa-t-elle appauvrile sanget diminuéle nombredes habitants du Royaume-Uni? 0n sait, au contraire, que 1a population y doubletous les cinquanteans, en uneplus courte pé- riode que chezaucune nation d'Europe. Le recensement de 1861a constatéprès de 30 millions d,habjtants. D'annéeen année,I'Angleterre se rapprocheà cet égard du niveaude la nation françaisequ,elle dépasseraau secondou troisième dénombremenf,à venir. En mêmetemps elle aura répandusur le globeiln nouveaumjllion de ses fils' qui assurerontà la race anglo-saxonneune prépon- déranceuniverselle. C,est qu'une-nation peut ém.igrer sansdécroître. Deson côté la Franceaura pénjblement attejnt le chiffre de quarantemillions d,habitants,et envoyéau loin quelquesmilliers de familles jsoléeset noyées dans-lesmasses germaniques et angta.ises.Son rang pro- portionnel de grandeurnumérique entre les nations aura baissé"(98).

Billault, quantà lui, conclutsa cjrculaire en rappelantla pos.i- tion officielle du gouvernementdont il fait partie. celui-ci, écrit-il, "laisse quantà présentà l'Emigrationson cours naturel : jl ne cherche ni à la développerpar une impulsionfactice, ni à la restreindrepar des entravesréglementaires (!) ; mais il doit observertrès attentive- mentles faits pour agir ensuiterésolument dans l'un ou l,autre sens', (ee).

(98) Jules Duval, Histoine de L,ëmignationau XfXe sièeLe, ses eeuses, sea cayactènes, ses effets, Paris, 1861, p. vi et vii.

(99) Cf . supr.a) note 94. _-:_-::*;ii-"-r;

-84-

Qu'onn'ait pastenté de restreindrel,émigration est unecontre- vérité évidente. ne Qu'on Iait pas encouragéeest un euphémismepar litote. Quantau sensde'action de r,administration,on 1a décrit mieuxen parrant de réaction contz,ere phénomènemigratoire. D'ailreurs ir ne faut pasperdre de vueque res instructionsdu ministre concernaient un décret "reJatif à r,émigrationeuropéenne,, vers les paysd'outre-Ailantique. si les autorités tolèrent les expa- triations en Amérique,résultat d'une sorte de fièvre qui trouve un terrain favorablerà où r'habitude d'émigrern,est pasnouveile, c,est qu'elles se montrentimpuissantes à les contrôler. Leur attitude sera tout autre lorsqu'ir s'agira de favoriser re peuplementde ra nouveile colonied'Alger. CHAPITRE3

LESEMIGRANTS:

Structuredémographique et sociale Foyersd'émigration -86-

Qui sont-ils, ces émigrantsqui, abandonnantleur village et leur fami1le, vont "tenter Ia fortune au-delàdes mers" ? Les élémentsde réponseà cette questionse trouventdans les de- mandesde passeports,étant entenduque, pourcette étudeau moins,on ra'isonnecomme sj toutes 1espersonnes figurant sur les ljstes dressées dansles préfecturessont effectivementpassées en Amér'ique.De p1us, les mêmesdocuments rendent possible la localjsatjondes princ'ipaux foyers d'émigration. Si 1esémigrants de 1817,ceux qui lancentle mouvement,s'expa- trient pour unelarge majorité par familles entières, on y reviendran au coursdes annéessuivantes 1a proportiond'ém'igrants partant seuls est beaucoupplus grande,sans que l'on pu'isseaffirmer que les famjlles soient rares. C'est a'insiqu'en Moselle les demandesdes couplesaccom- pagnésou nond'enfants représentent L5 % de 1'ensemble(1). Si on y ajoute les demandeurs,horrnes ou femmes,Qui partent sans leur conjoint maisavec des enfants, cette proportiondépasse un cinquième.Par rap- port à l'ensembledes personnes inscrites sur les passeports,1es famil- les complèteset 1es groupesformés d'un parent avecses enfants comptent pourprès de la moit'ié(47 %) des émjgrants.(Tableau no 2 pagesuivante) Les exemplesde familles nombreusesne manquentpas, en voici quelquesuns pris au hasard.En septembre1859, Nicolas Bohr, de Ritzing, et sa femmeemmènent leurs dix enfants âgésde dix-huit à un an ; les Damez,originaires de Petite-Rossellesont accompagnésde neuf enfants, i'ls partent en janvier 1.862,et la famille Schmittquitte Obernaumen, à l'automnede 1863,la feruneportant un bébéde trois moisqui est 1e huitièmeenfant du coup1e...(2)

(1) Demandesde passeports,Moselle, 1852-69, ADMos 109 M.

(2) Passeportsobtenus respectivement les 16.9.1859,6.1.1862et 15.10.1863(ADMos 109 M). -87-

lrhtl| a.r lrrar trrrrtartr t.!thr ta rar/o trts lnfiotr a'rt Irl.l a.r anitrrrtr lrrrmblr d.r ccrflat hraca.trrhl tarrnl r!rl .! trnill! aorlirIt3

1052 58 9 19 2 4 43 94

TE53 26 7 20 34 55

1854 47 7 18 3 5 40 8l

1855 ro9 9 35 I 33 95 234

1856 r32 28 74. r5 46 191 243 r857 133 12 34 7 13 7A 215 r858 a2 5 E 7 22 47 129

1859 44 15 35 6 r6 a7 123 r860 8:l 1l 23 3 ro 58 140 t861 20 4 I t4 36 r802 31 to 2A 1 2 5l &t r8ô3 2g o 22 34 6t

1864 30 5 17 3 4 34 52

1865 97 23 17 7 I to8 r86

1866 140 1l 37 3 I 66 203

1867 92 a 3 1 3 r5 102 t868 56 3 1 1 .3 77 70

r 208 338 .133 68 t73 tol2 2147

lrrraltr d. irtrlpe?tt, ilotrllt lll2- lS0g f llillrrs

Tableauno 2 (Source : ADMos109 M) -88-

Certainesannées vojent, proportionnellement,plus de départs de familles, c'est le cas, pôFexemple, en 1847où, sur 70 passeports déljvrés par'la préfecturede la Moselle,3gsont retirés par des grou- pes quj vont du jeunecouple sans enfant à desfamilles nombreuses.2T familles comptentde deuxà cinq enfants, six ont 6 enfants,une 7, deux 'la 8 et une9, moyennedes personnesinscrites sur ces passeportscol- lectifs étant de 6,3 (3). Dansla Meuseet dans1es Vosges les famjlles d'émigrantsappa- raissentmoins fréquemment. Les trois quartsdes demandesémanant de la préfecturede Bar-le-Ducconcernent des voyageursisolés. Quantaux ti- tulaires de passeportsoriginaires des Vosges,un tjers seulementsont accompagnésd'un ou de plusieursmembres de leur famille. Desgroupes familiaux se rencontrentcependant, comme en 1865et 1866noù sont men- tionnéesI fami'llescomposées de 49 personnesoriginaires pour la plu- part de 1a région de Neufchâteau.Dans ces deuxdépartements où les émi- grants sont les mo'insnombreux, 1a moyennedes indjviduspar passeport, en ce qui concerne1es groupes d'émigrants, n'est quede 3,2 pour 1a Meuseet de 4 pour 1esVosges. (Tableau ro 3, pagesuivante). 0n n'ose à peine'imaginerles djfficultés de toute sorte aux- quelless'exposent ces familles. Maisque dire de ces fermesqui, seu- 1es, se lancentdans un te1 voyageavec une progénituresouvent nombreu- se ? Elles ne sont pourtantpas rares ; ainsi unemeunière de 39 ans, CatherineNafz'iger, émigre-t-elle en 1.849avec dix enfants.Marie Haquette,née Ernesty, de Bouzonville,déclare se rendreà Chicagoen 1858,elle a six enfantset ElisabethVetzel fait inscrire ses neuf en- fants sur sonpasseport en 1855... (4).

(3) Demandesde passeports,Moselle, 1847 (AN F7 12202).

(4) CatherineNafzigerobtient son passeport1e 26 Ju'in 1849 (ANF7 12206). Les deuxautres respectivementles 31.5.1858et 1.5.11 .1855 (ADMos 109 M). -89-

MEUSE A

p Année Nombrede Isolés Qr o u e s TOTAL passeports émigrants T'itul. du Accompagnés pass. de

1853 9 7 2 4 13 1854 24 20 4 6 30 1855 16 8 8 22 38 1856 l2 11 1 1 13 1857 11 7 4 13 24 1858 6 3 3 10 1859 3 3 3 1863 1 1 : I 1865 1 1 1 1868 1 I 2 1870 1 1 1 B5 62 23 51 136

VOSGES

1859 7 5 2 8 15 1860 6 4 2 6 t2 1861 6 4 11 L862 I 1 : : 1 1863 5 5 5 1864 4 3 1 1 5 1865 7 3 4 22 ?9 1866 I 4 4 12 20 1867 6 4 2 2 I 1868 7 5 2 2 8 61 3B 19 58 1ls

Demandeursde passeports(titul aires) : isolés 72,9 % du total (M) 62,3 % (v) Moyennesdes personnespar passeports(émigrantsen groupes): Meuse: 3,2L % Vosgesz 4,05 %

Tableauno 3 : Familleset isolés dansla Meuse(1853-1870) et dansles Vosges(1859-1868) (Source: ADMeL43 î42- ADV15 M 50)

E=B+C+D A=B+C -90-

Contrajrementà uneidée encoreassez répandue, 1es émigrants se recrutentparmi toutes les tranchesd'âge et dansles deuxsexes (5). Unvieillard de 78 ans quitte la Franceen mars1847 en compagniede son gendre,origina'ire de Semming.Il est suivi, deuxans plus tard par Pierre Koch,de Marange-Zondrange,82 ans. MarieBernard, une veuve de 68 ans entreprendle long voyagede la Meuseau Texaspour rejoindre ses enfantsen 1856,et JeanLouis Merlot, cultivateur de Moussey,ob- tient au Havreun permisd'embarquer en niars1848, à 70 ans i1 voyage seul ! (6) A l'autre extrémitéde l'échelle des âges,des exemplesse ren- contrentégalement. 0n a évoquéles nourrissonsvoyageant dans les bras de leur mère,mais de très jeunesadolescents partent aussi, seu1s,à I'aventure.Marie Bour, qui va retrouverses parentsdéjà installés en Amér'ique,r'ô que14 ans. C'est l'âge quedéclarent également Paul Hagen de Metz,Paul Ismert, de Landrefanget EmileBerard de Pontpierrequi émigrenten 1857(7). Tousne rejoignentpas la sécuritéd'une famille déjà établie auxEtats-Unis, Annette Maldémé par exemple,originaire de Brancourt(Vosges), déclare partir pour l'Amérique"sans destination ' spéciale" , el le n a que1.7 ans ! (B) Cesexemples, même s'-ils ne sont pas isolés, représententdes cas extrêmescar, d'une manièregénérale, 1es émigrants sont des hommes-- ou des fenunes-- jeunes, majeursde moinsde 30 ans. En Mosellepar exem- ple, 1e grouped'âge de 20 à 29 ansfournit près de la moitié des titu-

(5) 0n lit dansM. Parisseet all., Histoire de La Lorraine, Torrlouse, 1977,page 370, "Jusquevers 1880les jeunesgens de Lorraine germa- nophonepartent vers :lesEtats-Unis".

(6) Passeportsobtenus par Pierre Schmittle 3.3.1847(AN F7 LZZ}Z); MarieBernard née },fillemin le 28.10.1856(ADMe 143 M 2) ; J.L. Merlot, permisobtenu le 23.3.1848(AN F7 l22LB). Pierre Koch,pas- seport du 2.8.1849 (ANF7 12206).

(7) Datesdrobtention des passeportsà la préfecturede Metz, respecti- vement: 13.2.1868; 22.1.1857i 17.1.1857 ; 17.1.1857(ADMos 109 M) JeanPierre Berard, LB ans, éga'lementde Pontpierre, qui obtient un passeportle mêmejour qu'Emilie est probablementson frère.

(8) Demandesde passeporti,Vosges. Passeport obtenu le 28.3.1864 (ADVls M 50). -91 -

laires de passeports(9). Les individusd'âge mûr comptent pour un tiers destitulaires de passeportset les plus de 50 ansne totalisent qu'unpeu plus de 7 % de ceux-ci,ce qui n'a rjen pourétonner.

% ol ol Hommes lo Fenrnes lo ensemble

moinsde 15 ans I lro 2 1r1 0r9 15-19 L24 L2,2 2L 11,1 L2 20-24 200 19,6 66 35,0 22 25-29 241 23,5 34 18,0 23 30-34 157 15,4 16 8r5 L4 35-39 108 10,6 11 5rB 10 40-44 57 5r6 15 719 6 45-49 49 4rB I 412 5 50-54 27 216 2 1,1 215 55-59 30 3r0 5 216 3 60-69 l4 114 o r_, 2 70et+ 3 0r3 : 0,2

1 019 100,o 189 100,0

84/, I 208 16%

Tableaun" 4 Répartitionpar tranchesd'âge des demandeursde passeportsen Moselle,1852-1868. (Source: ADMos109 M)

(9) 45 % (43,L % deshommes - 52,7 % desfemmes). L'ensemble des moins de 30 ans représenteprès de 60 % du total. -92-

La lecture du tableaun" 4 montreque 16 % seulementdes deman- deurssont des femmes;1à nonplus rien de surprenantpuisque toutes celles qui sont accompagnéesvoyagent sur le passeportd'un hommeomari, pèreou frère. (taUleauno 4, pageprécédente). Dansla Moselleainsi quedans la Meurthe(département où, il faut le souligner,1es chiffres comprennentl'ensemble des voyageursà l'étranger ce quj fausseun peu1a comparajson)on constateque les hom- messont en gros deuxfojs plus nombreuxque 1es femmes (10).

--_t I I I I I I I

l homrnea Mc,SËLLE m fernrnea l((s

(en %)

I I I I

+ moins de 18 ans ME(,RTHEI o moins ds t5 ans

tl tour voyr0rursà l'étranger Répartit i on honrnes/femmes/enfants dansla Meurthe(1856-1861) et dansla Moselle(1852-1868) Figuren" 1 (Source: ADMos109 M - ADMM6M288)

(10) Meurthe: 66,5 % contre 33,5 Y"; Mose'lle: 68,5 % contre 31.,5%. (Meurthe: statistique, 1856-61,ADMM 4 M 234 ; Moselle: demandes de passeports,1852-OB, ADMos109 M). -93-

c'est que 1eshommes ont, traditionnellement,plus de r'iberté de mouvementque les fenmes.ce sont eux qui, mariésou non, ont le devoir de gagnerde quoi vivre. Dansun ménagejls détiennent,dans'la plupart descas, 1e pouvoirde décjsion.Ils sont aussj, apparemment, beaucoupplus aptesà surmonterles hasardsd'une entreprise longue et difficile. Lorsqu'uncoup'le (ou unefamille) est obligé de se séparer, c'est 1ui qui part le premier,'leplus souventdans l,espoir de gagner rapidement1'argent nécessaire au passagede sonépouse (11). Majsdans de nombreuxcas la séparationest définitjve et de nombreusesunjons se 'l trouvent ainsi rompuesà la suite du départ du mari pour 'Amér.ique. Lorsquela choseest possible,les émigrantspréfèrent ne pas re- courir à ces longsmois de séparation.Beaucoup de coup'les,'chargés d'enfants",on en a vu desexemples, s'expatrient ensemble. Dans la Meurthe,les enfantsreprésentent 17 % de l,ensembledes émigrants ; en Mosellecette proportionest double(12). Cettegrande différence s,ex- plique par 1e fait que les chiffres de la Meurthecomprennent un certajn nombrede non-émigrantsqui voyagentsans leur famille. Quantaux deux autresdépartements lorrains, I'observationa porté sur un nombrebeau- coupplus restrejnt d'émigrants; quoi qu'i1 en soit, les résultats ob- tenusse situent dansla fourchettedes chiffres de la Meurtheet de la Moselle(13).

(11) Uncas de mari rejoignantsa fenunese rencontredans la Meuseen 1859.Julien Lapique,commis de magasinde Bar-le-Duc,âgé de 53 ans, obtient un passeportle 15 Septembrepour aller ,'retrouversa femmeet ses enfants,,. (ADMeuse143 M 2).

(12) Moinsde 15 ans (Meurthe); moinsde 18 ans (Moselle).

(13) Meuse: 1853-70,Hommes : 56 1",ferrnes : 22 /", enfants : 22 %. Vosges:1859-68, Horrnes : 38 %,femmesz 29 /", enfants : 33 %. -94-

Pz,ofessions

Les professions1es plus diversesse rencontrentparmi les de- mandeursde passeports.D'après 1e préfet de s.I. les catégoriesles plus viséespar 1esspéculateurs étrangers sont "les laboureurset les journaliersdes campagnes"(14).0n voit le laboureurcôtoyer le doc- teur en médecine,1e casquettierl'organ'iste, le lamineurl'instituteur, le scieur de long 1'agentd'assurance, le verrier la brodeuseet le prê- tre la prostituée.ces activjtés, pourêtre d'unegrande variété, n,en sont pasmoins limitées à quelquescatégories d'ensemble. Les tableaux de la statistique de la Meurthementionnent les sept rubriquessuivan- tes qui ont été adoptéestelles quelles pource qui est des demandesde passeportsdans les autresdépartements: ouvriers et artisans indus- triels, cultivateurs,marchands et négociants,professjons libérales, propriétaireset rentiers, domestiques,sans profession (15). Les ouvriers (y comprisles manoeuvreset res journaliers) et les artisans sont 1a catégorieprofessionnelle la plus représentéepar- mi 1esémigrants. I1s comptentpour près desdeux tiers du total dansla Moselle,pour la moitjé ou un peuplus dans1es vosges et dansla Meuse, pourun peumoins de la moitié dansla Meurthe(16). Les ouvrierset les artisanssont suivis par les professions agricoles qui, à leur tour, devancentnettement toutes les autres caté- gories. Un tiers des voyageursMeurthois sont des paysanscontre à peine un cinquièmedes Mosellans. Dans les deuxautres départements, les tra- vailleurs de la terre formentà peuprès un quart desémigrants. Viennentensuite, et dansl,ordre : ceuxqui sont sansprofession, les retraités et ceuxqui n,ont rien déclaré; leur proportionvarie de s % seulementdans la Meurthe

(la) Avis du 29.2.1841sur l'émigrationdes laboureurset d'ouvriers dansles coloniesd,Amérique. (ADSM6 MP2028).

(15) statistique des passeports,Meurthe, ADMM 4 14234. Les demandeurs de passeportsqui ne déclarentpas de professionont été rangés dansla rubrique'rsansprofession,l

(16) Mosellez 63 %; vosges: 50 % ; Meusez s5 %; Meurthe: 45 /,. -95-

à 18 % dansles Vosges,un émigrantsur dix dansles deuxautres dépar- tements. Les marchandsde toute sorte comptentpour 5 % du total et les domestiquesreprésentent entre 2,5 % (Moselle)et 8 % (Meurthe)des émigrantsde leurs départementsrespectifs. Le reste, rentiers, professionsljbérales, ne formentqu'une fraction minimedes demandeursde passeports(17)

_ - _ _r...... ,...... I r. .r'. t.. t r... !..... t..l yr...... t...... r.. I r.'..,...... ,...... 1.....'.....'...... '..{ .tr...... r..r..r.1...... , ..,....,...... ,.J .,...,t..r...... J . . . . , . . . , ...... ,.....,./, ./ !t...... t...... / ...... ,.,...... ,É_ cUlt i vat c u I s commlrcintt

Ptofo3aions dc8 émigr!nlr Illoeôllel ct der voyageure à lêtrsngsr I Meurthel' Meurthe:tolal des voyageurs.l84ô61 Moselle:demandeurs depassep0tts,lgs2 -69 (chillres en?6)

Fi gureno2 (Source: ADMos109 M-ADMM6M288)

(17) Il s'agit des professionsexercées par les hommesde p'lusde 18 ans. 0n peut rapprocherces chiffres de ceuxpubliés en 18bB-60et cjtés par L. chevalier,"L'émjgration française au xIXe siècle',,Etudes d'histoire moderneet conternporaine,-1947,p. 151. statistique desmouvements oê ta popuration':Domestiques z 7,!0 % ; 0uvriers : 34,62% ; Cultivateurs:-21,20 %; Marchands: 9,6â % ; Prof. libérales : 7,42% ; propriétaires: 6,62 %; sansprôfessiôn : L4,36%. -96-

Unelarge majorité de femmessont sansprofession. C,est le cas mêmeparmi celles qui, 'indépendantes,obtiennent des passeportsperson- nels. Parmices dernières,en Mosel'le,un certajn nombrede célibataj- res déclarentun métier. Si 1a plupart se djsentjournalières, un tiers d'entre elles exercentdes métiers de couture,à domicile.A Frauenberg par exemple,près de la moitié desémigrants sont des jeunesfilles de 16 à 26 ans, toutes couturièresou brodeuses.Leurs départs s'échelon- nent de 1855à 1865.

Veuves Mariées Célibataires sansprofession t2 B5 couturières 1 13 brodeuses î domesti ques 1 6 journalières 24 renti ère 1 aubergiste 1 'institutrice I cuisinière 1 ti sseuse 1 propriétaire femmede chambre 1 cuI ti vatri ce 138 + 201

[qseI le, 1852-1868; professionsdes femmes titulaires de passeports

Tableauno 5 (Source: ADMos109 M) -97 -

Tousles métjersdéclarés par les émigrants,même ceux de la terre, peuvent,au milieu du XIXesjècle, s'exercerpratiquement dans toutes les localités de 1a prov'ince; les chefs-l'ieuxde départements et d'arrondissementsseuls n'ont pasde cultivateurs.Quelle est la contributiondes vi11ages,des bourgs, des petites et des grandesvil- les au mouvementd'émigrat'ion ? Quitte-t-onplus volontiers 1a petite communeou le chef-l'ieu? L'étudefaite à partir des demandesde passe- ports desMosellans amène les remarquessuivantes (18). 0n trouve très peud'émigrants originaires des plus petites com- munesqui, il faut le souligner,sont rares en Moselleet situéesà I'ouest du département,dans les arrondissementsde Briey et de Metz. Prèsde la moitié des émigrantsquittent desbourgs de 500à 1 000 habitants.Des petites villes (1 000 à 2 000hab'itants) part un ém'igrantsur quatre. Un sur dix est domiciliédans une vjlle de 2 000à 4 000habitants, alors que les localités de moinsde 500habitants four- nissent L5 l" de l'ensembledes émigrants. Le reste, un peuplus du dix'ième,se partageégalement entre les vjlles moyennes(Forbach, St Avoldet Sarreguemines)et les deuxvilles de plus de 8 000 âmes,Thionville et Metz(19). (Tableaun" 6, pagesui- vante).

(18) Demandesde passeports,1852-1869, ADMos 109 M. Demandes: 1847, ANF7 12202 1848,AN F7 L22tB 1849, AN F7 L2206 133î:: âilFi iffii (19) Les chiffres de la populationdes communesde la Mosellequj ont été ut'ilisés sont ceuxde L. De Chastelluxet M. Edom,Gëographie de La MoseLLe,notions d.e Géographiesuitsies dtune G,1ographiegé' nënaLe,Metz, 1863. -98-

Nombred'hab'itants Pourcentages

0- 200 0r3 200 - 300 rr2 300 - 500 13,3 500 - 700 20,7 700 - 1 000 24,7 1000-1500 14,0 1500-2000 416 2000-3000 Br2 3000-4000 1r4 4000-8000 5r9 +deB000 517 100,0

0rig'inedes émigrants suivant f importancede la localité du domic'i I e. MOSELLE1847 - 1869.

Tableauno 6 (Source: ADMos109 M)

Ceschiffres montrentbien que l'émigrationlorraine est un phé- nomèneessentiellement rural. En effet huit émigrantssur dix sont ori- ginairesd'une localité de moinsde 2 000 habitants.Ce fa'it a d'ailleurs été soulignéà proposde toute l'Europedu nord-ouestau XIXesiècle. Ainsi MarcusLee Hansen a-t-i1 pu écrire (20) : "En général,'l,émigra- tion à partir des grandesvilles d'Europen'a pasété importante...", et plus loin, "l'émigrantétait un fils de la terre", et encore,"plus

(20) Dansrhe rnrnignantin Anenieg Histoyy, NewYork, 1940, p. 18 et 19. -99-

nousgarderons notre regardau njveaude la terre, p'lusnous aurons de chancesde comprendreI'origine des émigrantset leur réaction face à la vie américaine".

Eoyens dtémigration

Aprèsavoir établi que 1esémigrants lorrains, commeleurs compa- gnonsvenus d'Allemagne, des Iles Britanniquesou des PaysScandinaves sont d'aborddes ruraux,'il nousreste à localiser les régions, les vil- lagesde la campagnelorraine qui ont contrjbuéà grossir les rangsde ces futurs Américains. La statistique étant muettesur le domicile desdemandeurs de passeportsde la Meurthe,il a fallu se bornerà dépouillerles listes disponiblesdans les trois autresdépartements. Dansla Mosel'le,une première répartition assezgrossière, pôr arrondissements,révèle que7 émigrantssur 1.0viennent de l'arrondisse- mentde Sarreguemines(21). Celui de Metzfournit un cinquièmede ceux qui s'expatrient,tandis quemoins d'un émigrantsur L0 est natif des arrondissementsde Briey et de Thionville réunis (22),(Figure flo 3, pagesuivante).

(21) En 1B60,1a répartitjon de 1a populationpar arrondissementest la suivante: Briey : 14,5 1t Metz z 37 /, Sarreguemines:28,5 % Thionville : 20%

(22) 12 émigrantsseulement sur 2 647 ont été repérésdans l' arrondis- sementde Briey. -100-

Thi

Briey 05% Sarreguemines

laao.,tf .la l. f a-lo-lrf ati- ,tr attcodilttmanl

t0Sttlt:origiac drr imigrrnuprr r?rot|dissrmcnisI t84t-t869 |

Figureno 3

Si I'on étudie la distributjon desémigrants par cantons,il apparaîtque leur nombre,très importantà I'est du département,dim'i- nueau fur et à mesureque l'on va vers l'ouest pourêtre réduit à néantou presque,on l'a vu, dansl,arrondissement de Briey. Il se trouveque tous les cantonsqui alimententpuissamment le courantmi- gratoire sont, à uneexception près, Metz(23), comprisdans la zone germanophonedu département.Les campagnesdu paysmessin et du pays- Hautne participent doncpratiquement pas à 1,émigration.(Carte ro 6, pagesui vante) .

(23) Metzet les communesavoisinantes sont diviséesen trois cantons.

w#/f,G\ -101-

MC,SELLE 18147.1B€iSI Nornbrs d'érnigrants paF canÈona

Carte no 6

Certaineslocaljtés se signalentpar le nombreélevé d'émigrants qui en sont originaires. Ceuxpartis de Roppevillerentre 1847et 1869 représententprès de 10 % de la populationde la commune(chiffre de 1861).Il en va de mêmede Petite Rosselle(canton de Forbach).Le re- cord appartientà la petite cornrnunede Many(canton de Faulquemont)où 1esémigrants représentent 15 % du chiffre de la population(24).

(2a) :60 émigrantssur unepopulation de 646 ; petite Rosselle: 69 sur 722; Many: 60 sur 382. (Emigrationentre 1847 et 1.869;chiffres de la populationde L. Dechàstellux et M. Edom, op. cit., p.107,104 et 51). -702-

Le classementdes trente premièrescommunes de la Moselle(ta- bleauno 7) fait ressortir le rôle de prem'ierplan joué par 1'arrondis- sementde Sarreguemines,en effet 25 des30 localités classéesfont par- tje de cet arrond'issement.Sept cantons sur huit y sont représentés(25). (Tableaufro 7, pagesuivante).

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Carte no 7

Dansles autres arrondissements,exception fa'ite de Many,1es propor- tions sont beaucoupplus faibles. Danscelui de Thionville les émjgrants de Launstroffreprésentent 2,5 % de la populationde la localité. C'est le chiffre le plus fort. Toutesles localités mentionnéesdans le ta-

(25) Pasde communedu cantonde Saint Avold. -103-

M0SELLE1847-1.869 : pourcen-tages émigrants-population.

Commune Canton % Commune Canton

1. Many Fq 1.5,7 25. Bi 219 2. P. Rosselle Fo 9r6 26. HanviI ler BJ 2rB 3. Roppeviller BJ 912 27. Fq 217 4. Gn 9r0 28. SK ?,5 5. Lambach Ro 8,9 29. Puttelange Sb 214 6. Gn 812 30. LongeviI le- 7. [,Jaldhouse VI 8r1 lès-St. Av. Fq 2r0 B. Li edersch i edt Bi 6r0 Répartitionpar cantons B. St Louis Bi 5r5 10. NousseviI I er VI 5'3 Bitche (Bi) 7 11. Fo 512 Forbach(Fo) 2 L2. Frauenberg Sg 419 Faulquemont(Fq) ... 4 13. Pontpierre Fq 4,9 Grostenqujn(Gn) ... 4 L4. Montbronn Ro 414 Rohrbach(Ro) 4 15. BousseviI ler VI 4r3 Sarralbe(Sb) I Lengelshe im VI 4,3 Sarreguem'ines(Sg) 1 L7. Ro 412 Sierck(Sk) I 'l 18. Reyersvi 1er Bi 3r9 Volmunster(Vl) ... 6 19. Sarreinsberg Bi 3r5 t^lalschbronn VI 3r5 Répartition par arrond'issements 2L. Enchenberg Ro 3r4 Briey 22. Breidenbach vl 3r1 Metz 4 23. Frémestroff Gn 3r0 Sarreguemi nes 25 HelI imer Gn 3r0 ThionviI le 1

Tableaun" 7 -104-

bleausont s'ituéesen Lorra'ineallemande (26). Dansles cantonsbilingues de Boulayet Faulquemont,tous deux dansl'arrondissement de Metz, et qui comptent48 communesgermanopho- nes contre19 francophones,1a moitié des localités de patois germanique envoientdes émigrantsvers l'Amériquealors quemoins d'un tiers de celles de la zonefrançaise sont concernées(27). s'i l'on cons'idbrele nombredes émigrants des deuxrégions s'ituées de part et d'autre de la frontière linguistiquedans les mêmescantons, 1e déséqui'libreen faveur de la zonegermanophone est encoreplus flagrant. Dechaque village de langueallemande partent en effet 5 émigrantsen moyenne,alors que dans le mêmetemps,2,5 francophones seulement s'expatrient (28). (Cartero 8, pagesuivante). Dànsles régionstotalement germanophones presque tous les villa- ges alimententle courantmigratoire. Huit localités sur 10 de l'arron- dissementde Sarregueminessont le point de départd'émigrants. Les trois cantonsde I'est sont 1esplus atte'ints ; 45 des 46 communesqu''ils com- prennentfigurent en effet dansles demandesde passeports(29). Dansce mêmearrondissement, c'est dansle cantonde Sarralbequ'on rencontre le moinsde conmunesaffectées (unesur deux). 'les A l'jnverse, dans campagnesde languefrançaise, dans I'arron- dissementde Briey en part'iculier, 1esv'i11ages quittés par les émigrants sont rares, T % à peineà Briey. Les arrondissementsde Metzet Thionvil- le, bilingues, comptentrespectivement 24 et 28 % de "v'illagesà émi- grants" (30).

(26) A 1'exceptionde Manyqui, selonM. Toussaint,doit être considéré corunebilingue. (M. Toussaint, La fnontièr,e Linguistique en Loz.y,ai- ne, Paris, 1955,carte hors-texte).

(27) Respectivement23 sur 48 et 6 sur 1.9.

(28) Les 60 émigrantsde Many,localité bilingue n'ont pasété pris en comptepour ce calcul. Dansle cantonde Boulay,66germanophones, 4 francophones; Faulquemont,respectivement L72 et 43. (29) Exception: Sturtzelbronn,dans le cantonde Bitche.

(30) Dansles 7 cantonsde Metz, Gorze,Pange, Verny et Vigy, 15 % seule- ment(24 communessur 156). -10s-

o \ a Or , /'

et't

aVittonCourt Oze \

Qa: 2 émtgrants O: aucun émlgranl

calten" e -106-

Cesdéparts s'échelonnent sur deuxdécades, mais 1e comportement des diversescommunautés est très variable.0n peut observer,dans cer- tajnes localités, que1es départs se font régu1ièrement,I'habitude ayantété, pour ainsi dire, prise. Ailleurs le mouvementest saccadé, épisodique.C'est ainsi quedes Messins se rencontrenttous les ansde 1847à 1858; des habitantsde Sarregueminesémigrent régu1jèrement de 1854à 1868.Des émigrants originaires de Hellimeret Grosbljederstroff figurent constammentparmi les demandeursde passeportsentre 1848et 1868,exception fajte de courtespériodes. Des départs de St Louis et Petite Rossellene sont enregistrés,pôr contre, gu€certaines années, séparéespar desmoments plus ou moinslongs au coursdesquels personne ne bouge.Des émigrants de Saint Louispartent en 1849,1859et 1866; les mineursde Petite Rosselleuniquement de 1860à 1862et de 1865à 1868. Quele mouvementd'émigration vers le NouveauMonde soit régulier ou épisodique,il se fait doncsurtout à partir de certainesrégions en quelquesorte privilégiées. Le déséquilibreentre I'est et l'ouest du départementde la Mosellese confirmelorsqu'on dépouille les comptes rendusdes sessionsdu conseil de révision; de p1us, il amèneà des conclusionsidentiques dans le départementde la Meurthe(31). Dansla Mosellela majorité des jeunesgens qui ont émigrésont domiciljésdans l'arrondissement de Sarregueminesalors qu'onn'en re- censequ'un seul danscelui de Briey. Dansles arrondissementsde Metz et de Thionville, ils sont surtoutnat'ifs de la partie germanophone.

(31) Moselle:1817-1867(ADMos R 121-169); Meurthe: 1851-1865(ADMM 1 R 362-377).Les conscritsdésignés par le tirage figurent sur les registres avecun numérod'ordre. En face de chaquenom, la déci- sion du conseil puis le motif qui la justifie. Danscette colonne apparaissentles mentionsqui concernentles "Américains"; on les signale "en Amér'iqueseu1", "en Amériqueavec sa fami1le", "absent en Amérique",ou, tout simplement,"en Amérique". Quelquesremarques sont plus préc'ises: Ernest Hesse,classe 1863, du cantonde Sarralbe,"est parti il y a 5 à 6 moispour la Cali- forni e". GeorgeThis, classe1864 (c. de Grostenquin)est "en Amériquedepuis 12 ans" J. Haller, classe1864 (c. deVolmunster)est "en Californie". -107-

(Voir la carte c'i-dessous,à comparerà celle de I'ensembledes deman- deursde passeportsp. 101).

tf o E 11.20 I 21-70 Moselle E r*l Con3c.lts ".br.nt3 on AnÔrlquc" 1837- f866 tT 2-S *defo H 6-10

Carte no 9 (Source: Registre des sessionsdu conseil de révision)

Dansla Meurthe,les arrondissementsde l'ouest, Nancyet Toul, sont à peine touchéspar le phénomènecependant que ceux de Sarrebourg et de Château-Salins,et à un degrémoindre celui de Lunéville, se si- gnalentpar unefoule d'absences.(Carte no 10, p. 109). -108-

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@ r,r, d. lc cûtcrits

Carte n" 10

0n peut remarquer,ic'i auss'i,gu€ les cantonsqu'i se trouvent au-delàde I a f rontière I ingu'ist'ique,Fénétrange, Phalsbourg et Sarre- bourg(32), sont les plus atteints maisqu'également, un grandnombre de jeunesémigrants abandonnent des régions de languefrançaise. 0n doit doncse rendreà l'évidenceque 1esémigrants lorrains ne sont pas exclusjvementorigina'ires des régions de patois germanique.

(32) Dansle cantonde Sarrebourg,uo tiers des conrnunes francophone.(Cf. M. Toussaint,op. cit., p. 54). -110-

FENETRANGE

' i::::"". - - PHALSAOURG -.{F::: ogÊG o.oo'=:ii\!! \ ,^,^ \

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LOROIJIN

Carteno 11

Les chiffres des conscritspart'is pour I'Amérique-- pas plus que ceuxdes demandesde passeports-' ne permettentpas un dénombrement exactde I'ensembledes émigrants, cela va de soi ; mais, outre qu'i1s 'les permettentde localiser foyers d'émigrationet leur importancerela- tive, ils ont le mérite de représenterdes émi.grés, officiellement ins- tallés outre-Atlantique.Leur nombre n'est pasnégligeable ; ainsi, au momentde la levéede 1849(classe 1848), 1e contingentpour 1a Moselle ayantété fixé à 1 056hommes sur 4 035 jnscrits (33),41 jeunesenrôla-

(33) Counrier de La MoseLLê,no 60 du 17 Mai 1849. - 111-

bles se trouventaux Etats-unis, soit r %de ra totaljté de la classe et 3,9 % du contingent(34).C'est encoredans les cantonsdu Bttschen- 'la Landque la proportiond'absents est plus forte ; à volmunster,en 1855,près du quart desconscrjts sont en Amérique(35). six en p'lus tard, à Bitche, 1e conseildéplore I'absence de i0 jeunesgens sur 52 (101. Prèsdu cinqujèmedu cont'ingentde la classe1854 est déclaré "en Amérjque"dans le cantonde Faulquemont(arrondissement de Metz)(37). Lesobservatjons fajtes sur les deuxautres départements lorrains, la Meuseet les Vosges,sont nécessairementmoins probantes pu.isqu,elles portent sur des périodeset des chiffres moinsimportants. 0n remarquecependant que, dans1a Meuse,c,est essentiellement dansles deuxarrondissements du sudque desémigrants sont signalés. Ils se recrutentsurtout danstrois secteurs: le chef-l'ieuet les can- tons situés au nord, les cantonsde vigneulleset de saint Mih.ielà l'est, enfin celui de vaucoureursau sud. (carte n" rz, pagesuivante). 'les Dans Vosgesles principauxfoyers d'émigratjonse rencontrent dansles arrondissementsde Remiremontet de Neufchâteauljmitrophes de la Haute-Saôneet de la Haute-Marne.Les émigrantssont en majorité ori- ginaires des env'ironsde Mart'igny-Lamarcheet de Rupt.Curieusement, ôu- cun d'euxn'est natif de I'arrondissementd,Epinal (3g). (carte no 13, page113).

(34) ggTpte-rendudes sessions du conseil de révision de la Mose11e, (ADMos 1849 R 151). Les annéesoù on relève 1e plus oÀ lÀnic"its ab- sentssont, danslrordre : 1954:7s ;1955 :73; 1g56: 6l; 1859: 47.

(35) 12 sur un contingentde 49 (ADMosR 157). (36) ADMosR 163.

(37) 18 %, ADMosR 157. (38) 0n verra qu'un certain nombred'émigrants de Sajnt-Diése rencon- trent en Amérique,même(chapitre II:4), ce gui montreque beaucoup d'émigrantsnous échappent au départ.'- -112.

MEUSE 1853-1870 0cmandrs!mtndcltlrdo passc!0altoassr- tourl'Âméiiquc (fo,.l ëmigî.nts)

Carteno 12 - 113-

aa NEUFCHATEAU

E PINAL

MIFECOURT

Ht .t . 2.1 VOSGES . 5-t VOYAGEURSFOUR L'AMERIOUE (émigrants, o t0-14. 1857- 1869 o15-20

Carte no 13 -114-

Conclus i on

Il est possiblemajntenant, et à la lumièrede ce qui préctde, de brosserun portrait type de l'émigrantlorra'in qui va s'établir en Amérique. C'est un hommejeune, âgéd'environ 25 ans, généralementcéliba- taire. Dans1a majoritédes cas il part seul, mais i1 est parfo'isaccom- pagnéde parentsou d'amisorigina'ires de sonvi1'lage ou des localités voisines. En route pourLe Havre,i1 côtoyedes compatriotes de tous âges,hommes et fenrnes,des coup'leset leurs enfants. IIs se retrouve- ront tous quelquesjours ou quelquessemaines plus tard dansle même entrepont...C'est un campagnard,dont les mainscalleuses révèlent le mét'iermanuel, qu'i1 soit ouvrier, art'isanou paysan.Il n'est par riche et ses économiesont servi à payerson passage; s'il est marié, sa fem- meet ses enfantsle rejo'indrontplus tard (39). Il parle un français approx'imatifet hésjtantce qui luj vaudra souventd'être pris pourun Allemandou un Alsacien(40), dont jl parle 1a langueet avecqui il peut fraternjser. Cet émigrant-làest lojn de f imagestéréotypée, et souventévo- quée,de l'émigréfrançajs aux Etats-Un'is,maître d'armes ou professeur de bonnesmanières dans quelque ville de l'est (41) ; il n'appartient

(39) L'orig'inesociale des émigrants qui partentpour 1a Californ'ie (Moselle1852-1867) est différente de celle observéechez ceux qui voyagentvers d'autresdestinat'ions. Un quart de ceuxqui se diri- gent vers les rives de l'OcéanPacjfique déclarent en effet unepro- fessiondu cownerce.

(40) "Icj /âu HavreTon ne fait aucuned'istinction entre les EmjgransA1- lemandset AlSaçiens,on les nommetous les Suisses"(!). Lettre de A. Hjelm,négociant et propriéta'ireau Havre,91, Quaid'0rléans au Préfet de la Moselle,20.5.1841 (ADMos 89 M 1 b'is).

(41) Lesobservateurs en quêtede p'ittoresque...trouvaient une riche ma- tière pour leurs plumes: descomtes enseignant la danseet I'escri- meà de jeunesQuakers maladroits. Mais 1a majorité ne professa'it aucunmét'ier sinon celui de satisfaire leur nostalgiegrâce à unevie sociale qu'i reproduisaitun VersaiI les en mjn'iature. Marcus Lee Hansen,The Atlatttic Mignation1607-1860, New York, 1940,p. 58. Il s'agit d'unedescription de la vje de la coloniefrançaise de Phjla- delphie,alors cap'italede I'union, à l,époqueoù le futur Louis_ Philippes'y était réfugié. - i15 -

pas auxclasses instruites et ajséesmais ressemble beaucoup p1us, au contra'ire,aux émigrants de I'Europedu nord-ouestauxquels il se trou- ve mêlédès qu'i1 pose1e pied sur le sol du NouveauMonde (42).

(42) PourL. Dollot (Lesmigrations humaines, Paris, 1970,p. 84), les ém'igrantsfrançais, contrairementaux Irlandais, Allemands,Britan- niqueset scandinaves,appartena'ient à ces classesinstruites et aisées,et formaientavec les Suisses,les Belgeset les Hollandais, une "émigrationqual itative". CHAPITRE4

ESSAISUR LA CHRONOLOGIEDEL'EMIGRATION LORRAINT DE1815 A 1870 ; CHIFFRESET RYTHME -II7-

Pendanttout le demi-sièclequi sépare1815 de 1870,des Lorrains ont quitté leur provincepour aller s''installer auxEtats-Unjs. Mais si cette ém"igrat'iona été cont'inue(1), son rythmen,en a pasmoins subi des hautset desbas, certainespériodes étant marquéespar des départs nombreux,d'autres caractérjsées par uneabsence presque totale d'expa- triations. jllusoire I1 serajt de prétendrerendre compte d'une manière com- p1èteet chiffrée du phénomène; les donnéesprécises manquent le plus souvent,surtout pour 1estrois premièresdécades, de la Restaurationà 1846(2) - Il est toutefois possiblede se faire une idée de ce mouvement en s'appuyantsur la correspondancedes autorités en place dansles dé- partementset, d'unefaçon généra1e, sur tout ce qu'ont écrit sur le su- 'lo'in, iet les individusqui, de près ou de avaientaff aire auxémigrants, depuisl'jnstant où ils avajentformé le projet de part.ir jusqu'à leur embarquement. Pourles annéesIB47-1870 on disposede sourcesplus sol'idessous formede demandesde passeportS,plus ou mojnspréc.ises -- et pour des périodesplus ou moinslongues -- dansles quatredépartements lorrains.

(1) H. Contaminenote que "les cantonsbordant le Luxembourg,la Confé- dérationgermanique ou I'Alsace..., avaientconnu avant 1850 un mou- vementd'émigration vers 1'Amérique".Histoine d.eLoz,z,aine, publiée par 1a SociétéLorraine des Etudes locales dans 1'Enseigneneht pub'lic, Nancy,1939,p.578. ',ce (2) 4:_Legoytécrit. sur.cette questionen 1g61: n'est quedepuis 1856que le nombredes Françaisqui s'expatrient est constatéavec unecertaine précision, par suite de la création, sur nosirontières de terre et de mer, de commissariatsspéciaux chârgés entre autres soins de recueillir des renseignementssur les mouùementsd'émigrà- tion dont notre paysest 1e point de départ". A. Legoyt,op. cilt., p. 59. -118-

De1846 à 1861la statistique des passeportsde la Meurthecontient des informationsdétaillées, en particulier en ce qui concerneles huit dernièresannées. Quelques listes de demandeursde passeportsexistent auxArchjves Nationales. Elles sont malheureusementpeu nombreuses et dépareillées.

1815- 1 846

Il ne fait pasde douteque quelques Lorrains de conditionmodes- te avaientdéjà entrepris 1e voyagevers l'Amériquedès la fin de l'An- cien Régime.C'est le cas de JeanAntoine Fève, né à Saint-Quirinen L767et qui exerçait la professionde graveurà Philadelphieen 1802(3). Maisc'est en 1817,après la doubleinvasion des arméesalliées et la terrible disette de 1816-17que son vér'itableélan devait être don- né à l'émigration lorraine. Cespremiers voyageurs ne prenaientpas 1a direction de I'ouest, ils se rendaienten Polognerusse, att'irés par 1es offres du TsarAlexandre ler désireuxde peuplerles territoires qu'il a acquisau Congrèsde Vienne(4). Ainsi, entre le 4 décembre1816 et le Ler mai 1817plus de 2 500Lorrains orig'inaires des arrondissementsde Sarrebourg,Château-Salins et Sarregueminesabandonnent-'ils leurs villa- gespour s'établir en Europede l'est. Certaineslocalités voient leur populationdécimée: perd sept familles entières (62 per- sonnes),Montbronn 11, lllalscheid8, Dieblinget Petit-Réderchingchacune 7, Mittersheim6, Torchev'ille5... Les départsd'isolés sont rares. La plupart font partie de familles nombreuses; la moyennedes personnes par passeportest de près de 6 dansla Meurthe! Dansle seul arrondis-

(3) En t782 il se trouvait encoreen Lorraine(décès de son père). 11 avait déjà émigréau momentde la mort de sa mèreen 1793. (Lettre de J. AntoineFève à son frère Nicolas, datéedu 18 tnai 1802, aima- blementconrnuniquée par MmePerrin de Joeuf).

(4) A proposdes Alsaciens, Paul Leuilliot écrit : "C'est... vers I'est que se dirige alors la majorité des émigrants.Un cas isolé de dé- part pour les Etats-Unisse rencontreà Harskirchen(canton de Sarre- Union)...". P. Leuilliot, op. eit., p.27L. -119-

sementde sarrebourgle sous-préfetrend comptequ'en mars 1817 "p1us de deuxcents familles allaient s'expatrier...', (5). Les localités mentionnéessont les plus touchées,mais beaucoup d'autres sont concernées,ce qui amèneun sous-préfetde Château-Salins 'inquiet à évoquer,dans une lettre à son supérieurde Nancy,la "mul- titude de familles /dui quittentT la Francepour aller en pologne,,,à la suite de leurs compatriotesdu Bas-Rhjn(6). Car les Alsaciensont en quelquesorte montréla voie mais, con- trairementaux Lorrains, certains d'entre euxchoisissent déjà de par- tir "à 1'Amérique"(7). A cette époquei1s rejoignentun port d'embar- quementhollandais en descendantle Rhin. EnMoselle, le comtede Tocquevilleconfirme I'absence de départspour l'Amériquedans une let- tre du 9 juin 181.7où il note que "jusqu'àprésent aucun indiv'idu de mondépartement n'a fait /de demande7de passeportpour quitter ses f oyers pour a1ler aux Etats Uni s d'Amér'ique,'(8) . Maisle préfet, prudent,publ'ie dans le RecueilAdministratif du 10 Juin 1817une circulaire danslaquel1e, tout en étant convaincu "qu'il ne s'en trouveaucun qu'i veui'l1e prendre cette détermination",i1 demandeaux maires du départementd'être prêts à l'éventualité d,une émigrationcomparable à celle qui a lieu en Alsace(9). 0n le voit, si I'on exceptela ruéedu premiertrimestre de lgl7, il semblegu'un petit nombreseulement d'émigrants lorrains aient quitté

(5) Lettre du Préfet de la Meurtheau Ministrede la police, 19.3.1817 (AN-F76138.8).

(6) Lettre gu.sous-Préfetde château-Salinsau préfet de la Meurthe, s.2.t8t7 (AN-F76138.8). Dansla mêmelettre il signaleque "4,000habitants du Bas-Rhinsont déjà en route pour cette contrée,,.

(7) AN6138-9 et 10 (1817)(demandes de passeportsdes départementsdu Rhin).

(8) Lettre du Préfet de la Moselleau Ministre de la Police Générale (ADMos89 M 1b'is).

(9) ReeueiLAturinistratif (Moselle), 1817(ADMos rz K z), p. 154-55. -L20-

la Franceau coursdes deuxprem'iers tiers de la Restauration(10). D'ailleurs les chiffres américajnsde I'imm'igrationfrançaise pour cet- te époquesont très faibles, 1a moyenneannuelle de 1821à 1830n'étant quede 847 (11). La courbemarque cependant une brusque augmentation en 1827et 1828,époque à laquelle on note desdéparts de Lorrains. Au cours des premiersmois de 1828en effet le Préfet de la Moselles'inquiète de recevoirdes demandesde passeportspour 1'Amérique en provenancede l'arrondissementde Sarreguemines(12), il reconnaît dansune circulaire auxmaires que "cette fièvre d'émigrationlqulT s'est manifestéedepuis quelques années, acquiert une nouvelle intensi- té" (13), et croit "devoir appe'lerI'attentjon du gouvernementsur les nombreusesémigrations qui se font dansle départementpour le Brésil et pour 1'Amérique"(14). C'est qu'uneenquête de gendarmeriefaite à sa demanden'est guèreencourageante puisqu'e1le révèle qu'il est "probable que cette émigration,loin de diminuer,ne fera qu'augmenter,'(15). Son collègueà la préfecturede Nancyconstate avec amertume, en jujn de la mêmeannée, que l'émigrationà partir des départementsalsaciens " a ga- gné les cantonsde l'arrondissementde Sarrebourgqui sont limitrophes du départementdu BasRhin", et d'où "50 familles composéesde 193 jndi- vidus des deuxsexes et de tout âge"sont déjà partis (16).

(10) Le 27 Novembre1.818 Jean clément, étudiant, de Metz,obtienr un pas- seport "pour établir en Amériqueun Etablissement",après autorisa- tion du Ministre de la Police (AN-F711930 et ADMos89 M 1 bis).

(11) Louischeva'lier, "L'émigration française au xIXe siècle", Etudes dthistoire modenneet contenporaine,1947, p. 132.

(12) Lettle du.Préfet au Commandantde 1a gendarmeriede Sarreguemines, 4.3.1828(ADMos 89 M 1 bis).

(13\ fec_ueil-Adninistnatifn" 32 (Moselle)Circ. du 30.3.1828,p. L77 (ADMos12 K Lz).

(14) Lettre au Procureurdu Roi à Metz,zz.4.18z8; ADMosg9 M 1 bis.

(15) Lettre du commandantde la gendarmerie,z.4.rïzï; ADMos89 M 1 bis. (16) Lettre du Préfet de la Meurthe(ler Bureau,Emigration pour'l'Améri- que) au Sous-Préfetde Lunéville, 19.6.1828(ADMM 6 M 2bg). -T2I-

Un an plus tard, 1e Vicomtede Suleaunote avecsatisfactjon que "cette fièvre d'émigration...paraît étejnte, ou du moinsassoupie pour le moment"(17). Il répondains'i aux inquiétudesdu ministre de l'Intérieur qui remarquenon sans un certain agacementque',le mouvement d'émigration...dans votre départementne s,est pas arrêté et qu'un assezgrand nombre d'habitants sont encoredisposés à quitter leur pays pouraller en Amérique,'(18). 0n ne trouvepas de mentionde chiffres précis, sauf dansles rapportsdu Conseilde l'Arrondissementde Sarrebourg:1 105émigrants ont quitté cette région de 1828à 1830(19). Si l'on signale 1esvoyageurs au départ, dansleurs cantonsres- pectifs' on constateaussi leur présenceà la fin de leur voyagevers le port d'embarquement, au Havre.Dans une correspondancedatée de Juin 1g30, le Ministrede I'Intérieur fait remarquerau préfet de la Moserleque parmiles Badois et les wurtembergeoisqui attendentun bateau,il y a "beaucoupde vos administrés...dans une position presqueaussi pénib1e que 1esétrangers" (20). c'est que l'aff rux d,émigrantsdans re port du Havre, l'attente souventlongue d'un navire, créentdes conditions dif- ficiles pour des voyageurspauvres. L'hiver 1829-1830est dramatiquepour bon nombred'entre eux, ainsi qu'entémoigne lrarticle suivantdu Jourrytal de Rouen :

(17) Lettredu Préfetde la Moselleau Ministre de l,Intérieur, 24.Z.i,g1g (ADMos89 M l-bis). En1829,582 rtunciii-seulement l,entréeauxEtats-Unis(Chéva1ier,op.itt.j sont recensésà

(18) Lettre du Ministre de I'Intérieur au préfet (ADMos89Mlbis). de la Mose'lle,16.Z.lg}g

(19) Procèsverbaux des délibérationsdu Conseilde l,Arrondissementde Sarrebourg,tg?? à 1831(ADMos 1.0 * ai.-- tB28: Zt9 ; tBZgz LZ9j tggO; 697.'

(20) Lettre du t7.7.1930(ADMos 89 M 1 bis). -122-

"?.puis quele frojd se fait sentir avecune rigueur inaccoutuméedans nos env'irons,nous avons soui les yeuxun spectacledes plus aff I igeans: c,est celu.i desmalheureux suisses et alsaciensqui sansaucune ressourcesont venusau Havrechercher un passagepour les Etats Unis. Cesinfortunés, presque tous surchar- gés_d'unefamille nombreuse,parcourent les rues en implorantà demi-vêtus1a pitié des passans"(ZI).

I'l y a peut-être,mê1és à cette foule cosmopol.ite,cinq émigrantsorigi- naires d',quatre maçons et un cultivateur d,âgemûr, qui ont obtenuà Metzun passeportpour se rendreà philadelphie(22). Le mouvementmigratoire reprenddonc une certaine vigueur dès le débutdes années1830. Dans les premiersmois de 1832des habitants du Blâmontoisquittent la Franceen utilisant des passeportsdélivrés par le maire de Blâmont(23), ce qui vaut à ce dernier les remontrancesdu sous-préfetet, dansla Mose'lle,les émigrationssont si nombreusesque 1e préfet se déclareaffligé de les voir dépeuplerle départemenrea). Le ministre de l'intérieur lui-même,dans une lettre au préfet Arnault, écnit qu'il a remarqué"des avis p'lusfréquents de la délivran- ce de passeportspour'l'Amér'ique à deshabitants de la Meurthe"(25). A. Gainsignale de son côté que "ma1gréles récoltes abondantes de 1832, les demandesde passeportspour l'Amériquefurent nombreuses,, (26). Cequi surprendles observateursn'est pas seulementle nombre croissantde candidatsà l'émigration,mais aussi le fait que1,aire

(2L) Jourvtalde Rouenet d,eLa seine rnfënieure,25.1.l8zg (il s,agit d'un article empruntéau JournaLdu Haure)-.

(22) ADMos106 M 1, passeportsobtenus re r.7Février 1830.

(23) Lettre du sous-Préfetde Lunéville au mairede Blâmont,zg.z.l13z (ADMM4l4 234)- A. Dedenon,op. eit., p. 160. (24) Lettre à la Directionde la Police Généraledu 4.5.1832(ADMos 89 M I bis). (25) Lettre du Ministre de l'Intérieur au Préfet de la Meurthe,5.5.Lg32. Cette lettre contient égalementune peinture très noir. Jà ta situa- tion des émigrantsau Hàvre(ADMM 4 M 234). (26) AndréGaiû, op. cit., p. ZZ. -i23-

géograph'iquedont ils sont originaires sembles'étendre, que le mouve- mentcommence véritablement à faire tached'huile. Ainsi'le préfet de la Mosellenote-t-'il en Mai 1832que "depuis un an ces ém'igrat'ionsont été très nombreusesdans 1a partie allemandedu départementet je cons- tate qu'aujourd'hujelles commencentà se man'ifesterdans quelques can- tons de la populationfrançaise" (27). C'est le cas notanunentde Vati- mont,près de Rémilly,où, en avril, plusieursvillageois demandentdes passeports"afjn de se rendreau hâvreoù ils ont l'intention de s'em- 'le barquerpour 1'Amérique"(28). Dansla Meurthe, Conseilde I'Arrondis- sementde Samebourgconstate que "dans1'espace de 5 ans, 1esémigra- tions pour 1'Amériquedepuis 1828 jusqu'au 25 avrjl courant,monte à 2,001"(29), ce qui équivautà unemoyenne mensuelle de 56 émigrants pourL831 et les 4 premiersmois de 1832. Cette "fureur" qui, selon le préfet de la Meurthe-- ce n,est pas nouveau!-- "vient du départementdu Bas-Rhin"(30), contjnueà se mani- fester au coursde I'année1833 et, apparerment,surtout dansl'arron- dissementde Sarreguem'ines.De nombreuxémigrants quittent le cantonde Forbachce qui motive de la part du préfet un rapport au ministre de I'intérieur où on apprendque "cette émigrationprend un accroissement sérieux"(31).Il a déjà expriméles mêmescra'intes dans une lettre au sous-préfetde Sarreguemines: "Si'les rapports/des mairesTsont exacts,

(27) Lettqedu.Préfet de la Moselleau Directeurde la PoliceGénérale, 3.5.1832(ADMos 89 M 1 bis).

(28) Lettre du maire de vatimontau préfet de la Mosele, 15.4.1832 (ADMos89 M 1 bis).

(29) Soit 896pour L831 et les quatrepremiersmois de L832.Procès-ver- bal desdélibérations du Conseilde l'Arrondissementde Sarrebourg, 1832(ADMos L0 N 4).

(30) Lettre du Préfet de la Meurtheau Min. de la Po1ice,19.3.1817 (AN-F76138.8).

(31) Rapportdu 1.4.1833,cité par A. Gain,op. cit. -124-

le nombre/des émigrantsTdoit s'accroîtrenet bientôt d'autres compa- triotes vont les suivre" (32). Dansl'arrondissement de Sarrebourgaussi les émigrationsconti- nuentmais en marquantnettement le pas ; ainsi entre le ler janvier 1832 et le 22 juin 1835,876 personnes seulement partent pour Le Havreet I'Amérique,la moyennemensuelle des émigrat'ions tombant ainsi à 21 (33). Le mouvementperd encore de son élan dansles annéesqui su'iventet le conseilde l'Arrondissementréuni à sarrebourgnote qu'en1B3g,,il n,y a eu... qu'unpetit nombred'énrigrants pour 1'Amériqueou pour 1'A1gérie,, (34). Les chiffres des Françaisentrés en Amériqueindiquent, eux aussi, un fléchissementassez net aprèsdeux pointes à plus de 7 000en 1839et 1840.De 1841à 1844i1s passentde 5 000à un peuplus de 3 000 (35). Durantcette périodepeu de documentsse rapportentà l,émigration,ce qui tendrait à prouverqu'e1le était en sommeildans 1a région lorraine. Quelquesdemandes éparses sont là cependantpour nousrappeler que I'Anériqueattire toujoursceux qui veulenttenter l,aventure.c,est ainsi quesept familles de St Jean-Rohrbachquittent 1a région au printempsde 1840(36).La mêmeannée, le préfet de la Mosellefait observerau Ministre "qu'ungrand nombre d'habitants du cantonde Grostenquin...prenaient des passeports pour se rendreaux Etats-unis d'Amérique"(37).

(32) Lettre du Préfet de la Moselleau sous-préfetde Sarreguemines, 19.3.1833(ADMos 89 M 1 bis).

(33) Procès-verbauxdes délibérationsdu Conseilde I'Arrondissementde Sarrebourg,1834 et 1835(ADMos 10 N 4). (34) rd., 1839.

(35) Louis Chevaller,op. cit.

(36) Lettre du Préfet de la Moselleau sous-préfetde sarreguemines, L4.4.1840(ADMos 89 M 1 bis).

(37) Lettre au Min. de I'tntérieur du g.4.1840(ADMos 89 M 1 bis). A cette mêmeépoque.une enquête réalisée à la demandedu piéret oe la Meusedans les villes du départementdonne des résultals negaiirs à-commercyet vaucouleurs. émigrantpour l,Amériqueest-signa- lé !l^i"vl i'quelques 'îleà st Mihiel.;.parti en 1840,i1 est-mort tenisapres, a I de I a Trinidade',.(nDMeuse 141 M l ). -I25-

Maisune fois de plus 1esobservations faites dansla régjonde Sarrebourgpar le Conseild'arrondissement nous donnent des ind'icatjons assezprécises sur les varjations du mouvementmigratoire dans I'est de la Meurthe.Ses rapports portent successjvement:

lB42 : Lesémigrations pour I'Amériqueet l,A1gériede- viennentde plus en p'lusrares.

1843: Lesémigrations pour I'Amériqueont été plus nom- breusesque 1es annéesprécédentes.

1846: Malgréles émigrationspour l,Amérique...qu,on sollicite chaquejour, le chiffre de la popula- tjon s' augmenteravraisemblablement encore (38).

Les remarquesqui précèdentmontrent que r'émigration,assoupie pendantquelques années, reprend une certaine force à partir de 1943 pouraller en s'amplifiantpuisque, en L846,des émigrants sollicitent despasseports tous les jours. Cettetendance se retrouved'ailleurs de nouveaudans les chiffres de I'immigrationfrançaise aux Etats-Unis.0n a vu qu'un peuplus de 3 000de nosconcitoyens avaient été recensésà leur arrivée en Amériqueen 1844; en 1846ce chiffre doublepour attein- dre 10 583. Le recordsera atteint I'annéesuivante avec l,entrée de 20 040émigrants français dans1es ports américains(39).

L847-L870

Pourla période1847-70, on lla dit, les sourcessont beaucoup plus nombreuseset plus fiables. Malheureusement,les demandesde passe- ports qui existent pour les quatre départementslorrains ne couvrentja- maisI'ensemble de ce quart de siècle. En tenantcompte des listes dis-

(38) fl9çès,Verbauxdu Conseilde I'Arrondissementde Sarrebourg,1843, 1844,1847 (ADMos 1.0 N 4). (39) Louis Chevalier,op. eit. -i26-

poniblesaux Archives Nationales on djsposede demandespour une pério- de de 23 anspour'la Moselle,on est beaucoupmoins riche en ce qui concerneles trois autresdépartements (40). La statistique des passe- ports a été utilisée pour 1e départementde la Meurthe,celle établie pour 1a Moselle n'étant pas assezdéta'il lée. Les demandesde passeports,rédigées par un fonctionnairede la préfecturedu départementd'orjgine des voyageurs(41), comportentdans la majorité descas les renseignementssujvants : date de délivrancedu passeport,nom et prénomsdu demandeur,son âge, sa professionet son domicile, la destinationet le motif du voyage.Lorsque le demandeurne voyagepas seul, sont mentionnéesles personnesqui figurent sur son passeportet le lien de parentéavec le titulajre. Les nomset âgesde ces personnessont parfois préciséesmais le nomdes domestiquespar exemplequi partent avecleur maîtren'est jamaisstipulé, 0n n'a évi- denmentretenu que les personnesdont 1e voyageavait toutes 1es appa- rencesd'un déplacementdéfinitif. Lesmotifs quefournissent les re- quérantspeuvent être rangésdans quatre catégoriesd'après les termes mêmesutiIisés dansla demande: 1. Emigration("expatriation", "pour s'expatrier en Amér'ique","émigration") ;2. Recherchede travail (,'pour r'pour y exercersa profession", y travaiIler", "poury chercherune con- dition", "pours'y livrer au commerce,'); 3. Résjdence(',pour s,y éta- bl ir" (42), "pour s'y f ixer", "poury f ixer sa rés.idence,',,,pour y de- meurer","rejoint sonétablissement") ; a. Pourrejoindre un membrede sa famille en Amérique("rejoint sonmari, sonpère, sa mère,ses pa- rents, ses enfants,sa famille"). Les autres motifs employés,voyages d'agrément ou d'études, voya- ges d'affaires ne sont pas comptés.sauf quand,manifestement, il y a erreur du fonctionnairepréfectoral. C'est le cas par exemplede 14 per-

(40) Il s'agit naturellementdes demandesde passeports,,à l'étranger,'.

(41) I1 est possible de prendreun passeportdans une autre préfecture. (42) C'est le motif qui revient le plus souvent. -I27-

sonnesde Lén'ingquj obtiennentun passeportà Nancyen Avrjl 1954.Ces dix hommeset quatre femmes,âgés de 17 à 63 ans, dont quatre sont sans professionet les autres manoeuvresou artisans sont évidenrnentdes émi- grants, mêrnesi le motif indiquésur leur demandeest ,'voyaged,affai- res" (43). Sur cette question,1e préfet desvosges écrjt à ses sous- préfets :

"Il est quelquefoisdifficile d'établir unedistinction entre la catégoriedes émigrantset celle des voyôgeurs ordinaires ; mais, en règ1egénérale, vous clevez c6nsj- dérer cornrneémigrants les individus quj se rendentà l'Etrangerou dansles Coloniespour y fonderun éta- blissementde quelquedurée, pour y vivre d,uneprofes- sion ou d'un salaire" (44).

C'est cette attitude qui a été adoptéepour ce travai'l et qui permetde considérerJean Nicolas Paillard, de Bar-le-Duc,qui va en californ.ie "exercersa professiondeux ou trois ans" (45) commeun émigrant. La statist'iquedes passeportsn'a pu être util'isée quepour 1e départementde la Meurthecomme on l'a vu p'lushaut. L'analysequi sujt a été faite à partir des demandesde passeportsdans les départements de la Meuse,de la Moselleet des Vosgeset de la statistique des passe- ports dansla Meurthe. L'examendes courbesdes trois premiersdépartements amène les observationssuivantes : les chiffres absolussont relativementfaibles et souffriraient de la comparaisonavec ceux relevés en Alsaceet dans les états allemandslimitrophes. Les moyennes annuelles obtenues sont en effet de 126pour 1a Moselle,11.,5 pour]es vosgeset 7,5 seulement pour la Meuse.

(43) ADMM6 M 288. (44)Lettre du 2.4.1859(ADVls Ms0).

(45) Passeportdél ivré le 25 Avril 1856à Bar-le-Duc(ADMe 143 M 2). -t28-

La courbede la Moselleprésente trois sommetstrès marquésen 1847,1855-57 et 1865-66,séparés par des creuxplus ou mojnsaccjden- tés (46). Les deuxannées où les voyageurssont les plus nombreuxsont 1847et 1856.0n a vu que1a prem'ièreannée était celle où un chjffre recordde Françaisétaient arrivés en Amérique;il y a doncici auss'i corrélationentre les deuxcourbes. Celles de la Meuseet des Vosges présententdes caractéristiquesvoisines de celles de la courbede la Moselle.Dans la Meusele maximumse situe en 1854,dans les vosgesen 1865.Les minimasont atteints respectivementen 1860et en L862.Enfin la chutebrutale enregistréeen Moselleaprès 1865 se retrouve,à 1a mêmeépoque, dans 1es vosges. L'apogée de 1865se trouve confirméeen août par le commissaireà l'émigrationde Strasbourgqui signale au pré- fet de ce dernier départementque "l'émigration tend à prendredes pro- portionsassez considérables" (47). Les chiffres relevéspendant 1es années1861-1864 -- les quatre premièresde la Guerrede sécession-- sont tout à fait significatifs. Ils sont, pour 1esquatre départements lorrains, très inférieurs à ceuxde la périodeprécédente, le total des émigrantsde la provinceétant parfaitementconstant et inférieur à 200 par an (48).

(46) q'est à cette.époque.,(1858)qu'on s'ignale que 1a coloniede Le Ray (dansI'Etat de-NewYork, sur re Lac'Ontario)"groupe 500 familles originaires de la Moselle,de la Meurthe,du-gai-Rrrin, de la Haute- saôneet du Doubs".R. Rémond,Les Etats-unis d.euantL,opinion fnan- çaise (1815-1852),_t.1, p..68.A ce propos,un seul émigrantlôr- fSin pour cette colonie a été rencontrébani les demandeiconsultées, i]_:'99il qg J.J. Valdenaire,originaire de Ménit (Vosges),en 1967.' (ADv15 tt s0).

(47) Lettre du 29.8.1865; ADV15 M 1.

(48)Meurthe:201;Meuse:L8 ; Moselle: 366 ; Vosges: 100. Totaux:1861:168;LB62 : 169 1863: 180 'l'émigration ; ; 1864: 168. Il s'agit de pour l'ensemblede l'étranger (Algérie exclue). Statistique de La Franee, 2e Série, t. XVIII ; mouvementde 1a po- pulation pendantles années1861,L862,1863, 1864 et 1865; Strasbourg,1870, p. xvij). -I29-

^A. uostls \JV

Voyageursfigurant su. le8 demande8d€ pôEgoportôpou, I'Amériqu€ Mos6llo, Meuee, Vosgea, 1847 - 1868

Graph'iqueno 4 -130-

Pour1853, autre creuxdes courbes,la mêmesource révèle que70 voyageursde la Moselleseulement se rendenten AmériqueSeptentrionale (y comprisla Californie) alors que 1esVosgiens sont 113, les Meurthojs 289et les Meusiens10 (49).

E 10-50 m 51-100 m 101.200 m 201-400 N 401-1000 I + de IOOO

Emlgrrllon t.ançaisa en Anériquo du Nord (Calitornie orc!ptés) en tg59

t.8. oépencm.n,s à plus dc !0 énignnts.

Carte no 14

(49) s-tatistique^deLa-Fz,ance, 2e série, t. III ; mouvementde la popu- lation en 1851,l}5z et 1853; Strasbourg,i861, p. xviij-ixix. 0n peut remarquerau passageque les chiiires relôvés dais les de- mandeset ceuxde la statiiti{ue ne concordentpas. Exemplesr : demandes1853 - srariirtor. il:;::,. ; î3 ; lB -131-

Il semblebien, donc,guê I'attitude desémigrants des djfféren- tes régionslorraines en ce qui concerne1a périodede départ ait été, à peude chosesprès, identique.0n ne peut opposerles quatredéparte- mentsque sur]e chapitredes chiffres, dix fois plus élevésen Moselle quedans les vosges,et unefojs et demieplus importantsdans ce der- nier départementque dansla Meuse.

Graphiqueno 5

IIEURTHE: lC46-1861 Frrsonner désigndos dan€ 1.. pattcDort. pour l'Amérlqu€ -r32-

La courbeobtenue à partir de la statistique des passeportsà 1'étrangerde la Meurthe(1840-61) donne lieu à des remarques similaires (cf. graphiqueno 5 pageprécédente).0n y retrouvele som- met de LB46-47et si le 2e clocherintervient un peuplus tôt - 1954- la mêmechute se produjt au débutdes années1860 (50).Les chiffres, il faut le noter, sont de beaucoupsupérieurs à ceuxrelevés dans la Moselle.Est-ce parce qu'ils comprennenttous 1esvoyageurs pour I'Amé- rique, tous motifs de voyageconfondus ? ce fait n,expliquepas toute la différencecar on peut affirmer sansgrand risque d,erreur que la part des "voyagesd'agrément ou d'études"et des voyages,'pouraffaires,, dansune contrée aussi é'loignéeque le NouveauMonde, même en cette deuxièmemojtié du XIXesiècle, ne représentecertainement pas plus de l.0 % des demandesde passeports(51). sur les 3 452personnes mention-

(50)De1865à 1.870,9émigrants par an seulement,en moyenne,quittent la Meurthepour 1'Amérique.(ADMM 6 M 2BB)

(s1)une étude portant sur tous les uoyagettz,sde la Meurthede 1g46à 1861(1858 exclu) fait ressortir qué62 % qujttent défjnit'ivemeÀtla France.0nvoit doncqu'en gros un tiers des voyageursne sont pas des ém'igrantsmais des commèrçantsqui voyagent-pôurleurs uifuir.r, des touristes ou des curistes. Maisune gioise mâjorité d'entrÀ eux voyagentdans les payslimitrophes.

600

500

400

300

200

100

o 1846 1850 t855 t860

mEUBTHE.-Voyag€urt ô l'étllngcr(1846.t86it

Graphiqueno 6 Dansl'arrondissement de sarreguemineset pour les cinq annéesde 1864à 1868les résuttars'1.'émigrationsonr àu même ordrb. Sur sso fâsiôil;i, délivrés 441 concelngl! (dont418 pour I ,Âmeiiquei,.. qui représente74 % (70 % pour l,Amérique). -133-

néessur les passeports"américajns", ofl peut se hasarderà avancerun chiffre de l'ordre de 3 000 personnesdont le projet, au momentoù ils formulaientleur demandeà 1a préfecturede Nancy,était de,'fixer leur résidenceaux Etats Unisd,Amér.ique,' (SZ). A ce stade,on ne peut en effet parler qued'intention d,émigrer. combienmettaient effectivement leur projet à exécution? combien,au contraire, confrontésaux hasards et auxdjfficultés de 1'entreprise, remettaientleur départà plus tard, ou abandonnaientdéfjnitivement leur projet un peufou ? I1 est impossiblede répondreà ces questions. Cequi est certain en revanche,c'est quetous les demandeursde passe- ports ne rallient pas le port d'embarquement.D'autres, comme Jean Georgesstébé, laboureurde Montbronn,s,J reprennentà deuxfois. A 29 ans, le 22 novembre1856, il obtient un passeporten mêmetemps que deuxautres habitants de son village, dont l,un a unefemme et un fils. Dix ansplus tard, presquejour pourjour, on le retrouveà 1a préfec- ture de Metzoù on lui délivre un nouveaupasseport. Cette deuxième ten- tative a-t-elle été la bonne? Rienn'est moinssûr (53). Puisqu'i'lfaut bien admettreque demandede passeportn,éga1e pas toujoursémigration effective, les émigrantsembarqués devraient être moinsnombreux que 1esvoyageurs qui obtiennentdes passeports.0ril apparaîtque ce n'est pas 1e cas pour 1es annéesoù I'on disposede chif- fres précis du commissariatà l'émigration au Havre.Les t,Rappoz,tsà son EæcelLence Le tr*inistre de L'rntëzdeur sur Ltémignation,,rédigés pour 1es années 1857à 1862donnent,, pour les quatredépartements'lorrains, les chiffres suivants(S+; :

(52) Cequi représenterait une moyennede 200émigrants par an. (53) ADMos109M.

(54) ADSM6 t4P2029. -134-

1857 1Bs8 1859 1860 i861 T862

Meurthe I77 114 113 9B 70 I 26 Meuse ,t 19 11 Â | 3 11 Mosel1e 299 I87 158 181 | 59 114 Vosges| 53 67 40 24 36 1B (55) |

Pources six années,1es moyennes annuelles sont les suivantes: Meurthe,97 ; Meuse,13 ; Moselle,166 et Vosges,40.

0n constateque les chiffres des départseffectifs sont supé- rieurs' pour 1esquatre départements, à ceuxdes demandesenregjstrées dansles préfectures(même si I'on comptabilise,dans ces dernières, les demandespour les paysd'Amérique du sud),(cr. graphique.n"7 page suivante).c'est quecertains émigrants partent sanspasseport; d'au- tres ut'ilisent, 1e fait a été noté, un simplepasseport à l,intérieur, il en est qui prennentleur passeportdans d'autres préfectures, surtout à Paris ou à Rouen,une dernière catégorie enfin obtient un simpleper- mis d'embarquementdélivré par 1e mairedu Havre; incapablesde payer 1e prix d'un passeport,i1s sont jugés indésjrables.(cf. fig.4, p. 136).

(55) ces chiffres sont ceuxdes "départsà l,étranger,,et comprennent, par conséquent,un petit nombrede non-émigraits.Ils dépassent ceuxdes émjgrants relevés dans les demandesde passeportsen Mosel]e(998 contre 726, ce quj représenteune oirrérônce de 37 % qul ne peut être misetotalement sur le comptedes voyagesd,af- fai res ou d' agrément) . -135-

MEURTHE 1857-1862 MOSELLE

0rnrndar dalrssrgorl3 pelr lm lmiriqurt aongrrÉrr rur ddprrtrrtfrctit3 du Hrrrc

Graph'iquen" - 136-

4,...... ,...... \ a N: :: ::: Meurthe,2q:: : : ::: i'. Départements divers.5

lvleuss,2

ETT trar.tr Maires.2 llrtt.t!rtrl

0ligineet naturedes documents utilisés par les Ionainss0rtis du llavrcà destinalionde l'Anrri- riqueen I 848 {en 7. I

Figuren'' 4

Cette façonde procéderest d'ajlleurs condamnéepériodiquement. En 1843le consuldu Roi à Newyork déplore.'l,excessive facilité que trouvent1es voyageurs à s'embarquerou à débarquerau Hâvre"(s01. Et le commissairede police de la vi1le, dansune lettre au maire, regrette les nombreuxabus qu'il constate,les défautsdans la surveillancedes naviresétrangers. A l'en croire,'les gendarmesaffectés à cette tâche ne sont pas asseznombreux et ceuxdont il dispose,,n'apportentpas dansle servicetout le zèle désirabre".Et il conclut:',0n ne peut pas se dissimulerque des centajnesd'individus passent à l,étranger sans avojr rernpliaucune des formalitésprescrites par la Loi sur les passe- ports" (57). 0n ne saurait être plus c1air.

(56) Lettre du ministre de I'Intérieur au préfet de SeineInférieure, 10.4.1843(ADSM 4 MP4767)

(57) Lettre du 10.5.1843(ADSM 4 Mp 4767). -r37-

Mêmeen admettantque 1e contrôledes voyageurssoit satjsfai- sant, tous les émigrantsne sont pascomptés au départ. La surveillan- ce s'exerceen effet uniquementsur desbâtiments qu'i1 est convenu d'appeler"navires à émigrants",qui transportentun minimumde quaran- te passagers.ceux qui prennentplace à bord de bateauxplus petits échappentpar conséquentet de toute façon au contrôle (58). D'autresfacteurs intervjennent,gui font qu'unefraction supplé- mentairedes émigrants n'ont jamaisété recensés.Un décret de 1855(59) stipule que les enfantsde mo'insd'un an ne serontpas comptésdans les listes dresséesdans 1es ports d'embarquement(60).De mêmel,arrêté du 15 mars1861 précise que deux enfants de moinsde huit ans compteront commeun émigrantadulte.0n sait aussjqu'un certain nombred'ém1grants traversentla Manchepour aller s'embarquerdans un port anglaisa.insi quele note un rapport au m.inistrede l,intérjeur (61). Enfin la décisiondu M'inistrede I'lntérieur de supprimer1es passeportspour les Françaisse rendanten Amérique(comme pour 1esci- toyensde I'UnionAméricaine arrivant en France)(GZ), fausse 1es jndj- cationsrecueillies pour l'année1869, fa'it relevépar le conseil de

(58) De 1857à L892,548 navires à émigrantssont contrôléspour un to- tal de 10 987 émig-rantsfnançais J au cours de la mêmeiè.ioo., 22 681'émigrants de toutes netùonalités s'embarquentiui-Oiautres navires. (ADSMG t4pZ0Z9). (59) Décretdu 15.1.1855. (60) Plusieurscas de bébésdécédés en meront été retevés(ADSM 6 p 6), ils ne figuraient pas sur le rôle des passagers. (61) "ll convientde faire observer...que 1a presquetotalité desémi- grantsguil.expédiés_par voie indjrecte vônt s,embarquerà bord de paquebotsétrangers faisant escaleà Southampton,ecnàppent .n.or. au contrôle de l'émigration". Rapportà son eæcellencà.',.flo 3, tgog, p. 33. ula Et encore: Francen'a pas de servicesur ce pays/Ta CaljfornjeT= r?ppor!d,cfi;r33ïiffï,'[:iffi'l T?i;,]i,i8i'ola,],.t3il'3Ë[Ë:.i, 1862. (ADSM6 t4P2029) . (62) Circulaire du Ministre de l'Intérieur (DirectionGénérale de la sû- reté publique,3e Bureau,Passeports),aux préfets, 8.12.1869. (ADMos106 M 2). -138-

l'arrondissement de sarregueminesdu 26 juillet 1g69en ces termes: "Le tableau comparatifdes Passe-ports à l'étranger délivrés depuis1e ler juillet 1868jusqu'à ce jour fait ressortir unedifférence en moins de passe-ports. 22 cette différences'exp'lique par la suppressiondes Passe-portsentre la Franceet les Etats-Un.is"(63). Les demandesde passeportsne peuventdonc pas être cons.idérés comme des indicatjonsvalables en ce qui concernele nombreréel d'émi- grants. En revancheles fluctuationsdu nombrede ces demandesfournis- sent des renseignementspréc'ieux sur le rythmede l,ém.igration. tn reprenantdans leur ordre chronologiqueles observationsfaj- tes jusqu'ici et en les repraçantdans leur contexte,on ne peutman_ querde remarquerla corrélationentre 1e rythmede l'émigratjonet les conditionsqui prévalent,à la fois en Lorraineet auxttats-unis.

EDrg.anta Sluirtton ôCoûorrtquo aur Elrts.Untl - rta €l émfg.oiron lor.aiîa a lOat - lbtg)

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fSourco,pour la siturtionrur [tats-Unis,B.t.Current,Amarican Hisrory: A Sailel, 3a6i!.,ilewyork,lg?1, p.4301

Graphiquen" 8

(63) Compte rendudes délibérationsdu Conseilde I'Arrondissementde Sarreguemines,lB45-1869 {ADMos B N 11). -139-

La premièrevague d'émigrants, celle de 1817,abandonne la ré- gion à la sujte de la disette de 1816,dont les conséquencess'ajou- tent auxmisères des dernièresguerres de'l'tmpire. Si elle ne se dj- rige pas vers I'Amérique,c'est que1es Etats-un'is ne sont pasencore à I a mode. La périodedes années1820 voit, d'abord,l,'invefsion du sensde l'émigration,1a reconnaissance,par quelquesprécurseurs, de la route de l'Amér'ique.Puis, en quelquesorte, 1'habitudese prendet les émi- grantsdeviennent plus nombreuxà mesure que'le NouveauMonde est ajnsi redécouvert. La crise commercialeet la mauvaiserécolte de LB30donnent un coupde fouet à 1'émigrationqui serabientôt freinée par'la crise éco- nomiquequi éclate auxEtats-unis en 1837.C'est le cas égalementaprès la paniquede LB57comme le relèv-ele commissajreà r'émigrationdu Havre: "La crise financièreet commercjalequi, pendantle secondse- mestrede 1857,a pesésur les Etats de l'Unjon, a nécessairementexercé une influencerestrictive sur 1'émigrationeuropéenne, et engagéune par- tie desfuturs colonsà ajournerl'exécution de leurs projets d'expatria- tion vers ce pays" (64). unenouvelle période peu propice à lrexodese rencontrependant les premièresannées de la Guerrede Sécession(65). Ainsi les émigrantspotentiels sont-ils le jouet de deuxforces de mêmesens ; I'une les attire vers un paysneuf dont i1s soupçonnent vaguementles ressourcesnlrautre les chassed'une patrie qui ne rê- pondplus à leurs besoins.La premièreest annuléelorsque l,économie

$a) nappontà sonEæcelLence..., no 1, 1859,p. 8. J. 0uvalremarque également : Depuisrors /18547.i.ry a eu déclin marquépar 1'actjon de plusieurscauses...-celles prôpres aux Etats- Unis sont l'hostilité des knou-nothtng,la mauva'iserécolte de 1854, la crjse cormercialede 1857.J. Duva1,op. cit., p. 195-1g6

(65) "Il a suffi, remarguele cornmissaireà l'émigration du Havre,de la seulecrainte du serviceet du régjmemilitaires pour... réduire le chiffre des arrivants /ên Amériquè7a quelquesmiiliers seulement bien que le Gouvernemeit/âmériiainT ait levé toutes les difficultés et ait offert... des concêssionsgiatuites de 160acres". (napportà SonEæcellence..., no 5, 1863,p. 33). -140-

américainetraverse une phase de récession(66). La secondese renforce quandla crise frappe1a régiond'origine desémigrants. De sorte que les entrepontsdes navjressont pleins lorsqueles deuxforces jouent ensemble: lorsqu'àdes d'ifficultés en Europecorrespond une période prospèrede I'autre côté de I,Ailantique. ---t I I I I I Nleurthe,Amérique du Sud I

[\4oselle,Brésil \1 I I \ t\\ i\ i 1850 1855 1860 VoV.S!!r, pourt'Amtirique duSud (1g46 - 6lI

Graphiqueno 9

(66) peut 0n d'ailleurs se demandgfsi l'ém'igrationvers I'Amériquedu sud ne constituepas unedest'ination de-rechange lorsque les con- ditions ne sont pas favorabresaux Etats-unis.-Ainsi quèrques l/os- giens-partent-i1spour_r,Argentine et l,uruguayoe 1ao2à 1g66.g9 Mosellansoptent pour le Brésil entre 1953ët iasg. pài ion..e, dansla Meurtheon rencontre-desémigrants pour l,funéiiqùÀ perrdant 'la du sud toute période1g46-l.g6l, âvec un'maximum oe o: en 1g49. Des_départspour le Brésil sont si9na1ésen Moselte,ègàieÀent-J-'-"" en 1828.Reeueil Administratif, lvloselie, lg2g, p. I7l .' -141-

Lesremarques fajtes par le conseirde l.Arrondissementde Sarreguemjnesà ce sujet sont significatjves. Le rapport de lB54 signa- le danssa rubrique"passeports" que "l'émigration vers les Etats-Unjs un momentsuspendue à causedu conflit du Nordet du Sud, s,est consi- dérablementaccrue dans le courantde I'année.Cette recrudescences'ex- plique en partie par 1'espoirque peuvent avojr les émigrésde vojr se terminerbientôt la lutte...,' Trojs ansplus tard il constateque 1'augmentationdes passeports à l'étranger "porte surtout sur les passe-portsà destjnationdes Etats- unis", et que Ia causeen est "la cessationdes hostiIités,,. Enfin, en 1868,notant unebaisse sensjble dans le chiffre de ces mêmespasse- ports, i1 en attribue la causeaux "nouvellesreçues des Etats-Unisqui font connaîtrel'état de gênedans 1eque1 se trouvece pays, par la chertédes substancesalimenta'ires et 1a stagnationdes affaires', (67).

Conclusion

L'émigrationlorraine apparaîtcomme un mouvementirréguljer présentantdes phases de grandeactivité alternant avecdes périodes de calmeen relation avecla conjonctureéconomique - et parfois politi- - que à la fois dansla régiond'origine des émigrantset dans1e pays d'accueiI . Si on'la replacedans le contextefrança.is pour la période 1857-1862,pendant laquelle les commjssa'iresdu Havreont établj des classementsdes départementsqui envoientdes émigrants vers les Améri- ques(68). La Moselleest le seul départementlorrajn à fjgurer au ta-

(67) Comptesrendus de délibérationsdu Conseilde I'Arrondissementde Sarreguemines, 1845-1868(ADMos 8 N 11).

(68) Rapports à son Eæcellenee...Nos 1, 2 et 3, 1859-1863. -142-

bleauet cela ne se produit qu'uneseule fois en s'ix ans, elle est 9e (69). A titre de compara'ison,1es départements alsac'iens occupent , tous Lesans, unemejlleure place; tout commed'ailleurs les Basseset Hau- tes Pyrénées(70). Il est dommagetoutefojs quedes donnéessemblables n'exjstent paspour 1a périodeantérieure car, on I'a vu, ces six années coincidentavec un creuxde la courbedes départsde notre région. 11 n'en demeurepas moins que les chiffres sont révélateurs. Pourtenter uneévaluation quantjtative de l'émjgrationlorrajne on est obligé de s'appuyersur les demandesde passeports;mais jl faut prendregarde de corrjger ces donnéesdans le sensde I ,augmentation pourobtenir deschiffresplus prochesde la réalité. Il est à cet égard sign'ificat jf qu'aucundes émigrants retrouvés aux Etats-Unis n'a été re- pérédans les demandesde passeportsde la Moselle(où elles exjstent 'longue pourtantpour une période).

(69) ?gnl la statisttque d,eLa Fnance,2ème série, t. III, strasbourg, 1861,figure, pagglxix un tableaudonnant 1e rappor[ entre le iôm- bre de voyageursà l'étranger et 1a popuration.ii est de r/4}g pour 1a Meurthe(1ae), de 1/817pour la Moselle(1ge), et respecti- vementde l/299 et de 1/358pour 1e Hautet le Bas-Rhin(chifires de 1853.Classement absolu : MeurthelZe, Moselle15e).

(70) Cette localisationdes foyers d'émigrationfrançaise est notéedans un rapportde 1862: "1'émigrationfrançaise à l,extérieur est... comparativementminjme ; elie est limjtée à quelquesdépartements frontières de l'Est et du Sud-Ouest".(Rapport du commissa.iredu Havreau conseil général,ADSM 6 Mp2029). DEUXIÈftIEPARTIE:

...POUR ALLER CHERCHER AU LOiN UNË NOUVELLE PATB|ETT CHAPITRE1

AMERIQUEOU ALGERIE : émigration spontanéecontre énrigrationorganisée -145-

Au bout de trois annéesde présencede I'arméefrança'ise en Afriquedu Nord,soult propose,le 7 ju'illet 1833,la nomjnatjond,une commissionspécia1e qui, aprèsavo'ir enquêté sur p1ace,serait chargée de suggérer,dans un rapportdétajllé au gouvernement,la manjèrela plus intéressanted'occuper les terrjto'ires conquis.Elle aurait à char- 9e' en particulier, de donnerun av'issur 1e systèmeà adopterpour for- mer un établissementdurable. Plusieurs solutions sont en effet envisa- geables,Qui supposenttoutes f implantationd,une population venue d'Europe,que les indigènessoient expu'tsésou tolérés à côté d,uneso- ciété européenne.La commissiondeva'it également faire des propositions sur I'organisationadministratjve de la nouvellecolonie, sur son régime commercialet fiscal, sur le rôle qu'y jouera'itI'armée et sur les rela- tions des populationsimplantées avec les Turcs, 1esMaures, les Arabes et les Kabyles. Elle conclutque, "par les divers motifs d'utiljté, de convenance, de nécessitéqui se sont exprimés,1a Régenced'A1ger do'it être défin.i- tivementoccupée par 1a France"(1). Mais, précisec.A. Julien, c,était avanttout "pour des raisonsde prestigeet pourrépondre au désir de l'opinion" (2). L'A1gériedevra'it être unecolonie cle travailleurs li- bres, frança'isou étrangers,et nonune colonie m'ilitaire ou pénitentjai- re. Lesétrangers seraient recrutés en A1'lemagne,car ses habitants possèdentdes qualités reconnuesde travail et de sérieux,mais aussi parmiles Maltais et les Mahonnaisqui, sansfaire montredes mêmes ver- tus, ont l'avantagede s'adapterfacjlement au climat. Detoute manière, point n'est besoinde se montrerexigeant pour 1a qualité là où 1a quan- tité est nécessaire(3). Il faudracependant jnstaller de préférencedes

(1) Cité par Charles-AndréJu1ien, in Histoire de LtAlgénieconternponai- ne. IomeI : La-conquâteet Les débuts de La coLonisabion(LBZV-7BZ7_), Paris, P.U.F., 1964,p. 111. La chronologiedes événements exposée en débutde chapitreest tirée du mêmeouvrage. (2) rbnd.

(3) Ibid., p. tl?. -146-

cultivateursde métier et les faire protégerpar l,arméeinstallée à Blida, Koléa,Maison Carrée et Fort-de-l,Eau.0n fortifiera Doueraet s'idi Ferruchet uneroute circulaire sera construite. C'est le B février 1834que la "Commissiond'Afrique" décide que 1a conquêtedevra être conservée.Mais bien avantcette date les autori- tés songentà envoyerdes émigrants de I'autre côté de la Méditerranée. Enmai 1832par exemplele préfet de la Moselleexprime ses regrets de voir unefanrille de Gros-Réderchingprendre la route du Havrepour ga- gner 1'Amériquealors qu'e1leaurait pu aller s,installer en Algérie. D'après1ui, la famille "sera'itallée volontiersà A1ger.Mais jusqu,ici nousn'avons pas dû encouragerles émigransà se d'iriger vers I'Afr.ique, les seulesinstructions que j'ai reçuesconcernant les émigrationspour Alger sont loin d'encouragerà y envoyerdes familles,'(4). Dansles premierstemps de I'occupationen effet, 1esautorités agissentavec beaucoup de prudence;1es préfets, qui sont autorisésà délivrer despasseports pour 1'Afriquedu Norddepu.is 1a parut.iondu décretdu 26 mai 1831(5), peuventuser de cette faculté,'sauf les res- trictions qu'exigentimpérieusement l,état du pays,l,intérêt de I'armée et celui nonmoins important des voyageurs,quj peuventse laisser éga- rer par des rapportsmensongers ou inexactssur les avantagesque ce pays peut offrir" (6). Cette circonspectionn'est passans rappeler celle affjchéedevant l'émigrationpour 1'étrangeren généralet pour I'Amériqueen particu- lier. Maiselle fera place, quelquesannées plus tard, à uneattitude beaucoupplus déterminéelorsque, pour assurerle peuplementet la mise en valeur desnouvelles terres, Bugeaudaura fixé, dès son entréeen

(4) correspondanceadressée au ministre, 4.5.L832; ADMosg9 M 1 bis. JosephSchneidgrr.ex-préposé des douanes,émigie avec sa iemmeet 7 enfants,dont l,aîné nla que15 ans. (5) necueiLAdninistratif,. Meurthe,1g31, p. 244.Auparavant, cette pré- rogativeétait réservéeau Minjstre oei nttaires'EtiaÀôÈ..;: (6) rbid. -r47-

fonct'ion,1es règ1es concernant "la concessiondes terres et la forma- t i on des centres de popu1at'ion " ( 7) . Le gouverneurétait responsablede la créat'iondes villages de colons,et il était chargéde fjxer "les condjtjonsd'ex.istence des établissements,leur emplacement...1a populationqu,ils sont suscepti- bles de recevoir immédiatementet l'étenduedes terres à concéderaux premiershabitants" (B). Le candidatà uneconcession devait constjtuerun dossierqui était soumisau minjstre de la Guerre.Ce dernierprocédait alors à une enquêtesur la moraljtéet les ressourcesdu candidat.un capita] de I 200à 1 500francs (9) étajt exigé. En cas d'issue favorable,il obte- nait un passagegratuit pour luj et sa famille, de Marseille(ou Toulon) à A1ger.A son arrivée, il recevaitun lot à bâtir, un lot à cultiver de 4 à 12 ha selonses ressourceset l'importancede sa famille. En atten- dant la constructiondes habitations, 1es colons étaient 1ogésdans des baraqueset pouvaientbénéficier, s'i elles ne disposaientpas',de res- sourcespécuniaires suffisantes", de "secoursen matériauxà bâtir pou- vant s'élever de 3 à 600francs,, (10). D'autresaides étajent prévuespour fac'iliter le démarragedes exploitations,te11es que prêts temporairesde,,bêtes à labour,',mise à disposjtionde semenceset d'instrumentsaratoires, "tantôt à tjtre de dongratuit, tantôt à chargede remboursement',,distribution, enfin, "de plants et de grainesprovenant des pépinjèresde la colonie,,(11).Avan- tage supplémentaire,les terres appartenantaux Européens ou exploitées par eux étaient exemptesde tout impôtfoncier.

(7) Arrêté du 18 Avril 1841. (8) rbid.

(9) "Pourune famille peunombreuse, il faut au moins1 200 à l. 500 f r". Notesur les concessionsrurales à titre gratuit et la formationde villages en Algérie. RecueiLAdtninistratii, Meurthe,1834,p. 43-44. (1,0)rbid. (tt) rbid, -i46-

Pourrassurer les colonsque l''insalubrité du climat et 1a pré- senced' 'indigèneshost j 1espouva'ient inquiéter, i I est préc'iséque I 'ad- minjstrationorganise les v'illagesen ayantà 1'esprit ces préoccupa- tjons 1égitimes.Les habitantsse trouveronten effet "entourésd'en- ceintesdéfensives, [e!7 protégéspar des brigadesde gendarmerie".Ils serontorganisés en milices et des tournéesmédicales auront lieu à des intervalles rapprochés.De plus, "deséglises et desécoles sont répar- tis sur le territoire colonisé,selon les besojnsdes populations" (I2). I1 arrjve cependantque 1es instructionsdu gouvernementsoient mal interprétées.Ajnsi le ministreconstate-t-il, en 1843,gu€ de nom- breuxdemandeurs réalisent leur avoir pour partir pour 1'A1gér'ieavant d'avoir obtenul'autorisation offic'ielle (13). D'autresne sont pasmu- nis de la sommenécessaire qu'i doit être "disponibleet intacte à l'arri- vée en Algérie" (14). Enf-injl n'est pas rare, commeen 1847,que des candidatsau voyageen Algérie en possessionde leur permisde passage gratuit tardentà rejoindre la colonie (15). Cequi est plus graveaux yeux de l'administration,c'est que beaucoupde colonsarrivés depuis1840 "n'offrent aucunedes conditions vouluespour être utilementemployés" (16). Cesont ceuxqui, infjrmes ou malades,se trouvent"tout à fajt'incapablesde pourvo'irà leur exis- tence" et ceuxqui ayant amenéavec eux "6 et 7 enfants en bas âge/ê!7

(12) rbid.

(13) circulaire aux sous-préfetset maires, RecueilAdninistnatif, Meurthe,1843,p.83, Qui préciseque "les formalitésprennent du tempset les demandessont satisfa'itesdans l'ordre de leur arrivée". Uneautre circulaire publiéeplus tard (4.4.1849)recommande toujours aux aspirantsde ne pas se dép1acer,de ne faire aucunpréparatif de départ"avant d'avoir reçu de la commissiondes coloniesagricoles avis de leur admission". (RecueilAclntinistyatif , Meurthe,La+s1. (14) Cf. NoteL3 supra,première partie.

(15) circulaire du r2.3.L847,RecueiL Adntnistnatif, Meurthe,!841, p. Bz.

(16) circulaire du 2114.1843,Recueil Adninistnatif, Meurthe,L843, p. 109. Il s'agissait ic'i, nonpas des cultivateurs, mais des ouvriers. La mêmeannée, le ministre de la Guerrerecommande au préfet des vosgesde n'envoyeren Algérie "que desbras utiles". (Lettre du 26.10.1843; ADV15 M bl). -149-

dont I'entretien est bientôt retombéà la chargede l'adminjstration" (17) . Lesém jgrants v'isésc'i-dessus sont desouvriers et des arti sans dont l'émigrationa été favoriséeet organiséeen mêmetemps que celle des cultivateurspour participer à la constructiondes villages de co- lons. En 1843par exempleles préfets publientdes ljstes détajllées desmétiers demandés (18). Pouréviter toute mauvajsesurprise, l'admi- nistration exige descertificats desmaires et d'un médecin,attestant le bonétat de santédes demandeursqui, en tout état de cause,devraient être "d'un âgeà pouvoirtravailler pendantplusieurs années, d'une bon- ne moralitéet, s'ils ne sont pas célibataires,/ô'avoitT pas plus d'un ou deuxenfants en bas âge" (19). Enéchange de leur bonneconduite et de leur travail, et à condi- tion d'avoir réal'isédes économjes -- ce qui devait être possibleétant donnéles salairesofferts -- il leur est promis1a possibilité d'être admisau nombredes émigrants concessionnaires et de jouir de tous les avantagesofferts à cette catégorie. Comptetenu que ces ouvriers sont pauvreset qu'i1s doiventarriver dansla colonieavec "quelque argent", 1e préfet peut leur accorder"le secoursde route de 30 cent. par myria-

(17) Ibnd., p. 110.

(18) Circulaire du 2L.4.1843,relat'ive à I'organisationd'une émigration continued'ouvriers en Algérie. "Mille à onzecents ouvrjers pourraient se rendreen Algérie avec chancesd'y être employésavantageusement, savoir : 700 terrassiers et manoeuvres,100 tajlleurs de pierre, 40 carriers, 80 charpentiers, 20 charrons,L0 forgerons. La mêmecirculaire fait état dessalairesjournal'iers suivants (à comparerà ceuxpayés en Lorra'ine)maçons : 3 à 5 F (charpenliers,idem tailleurs de pierre :4 à 6 F, menuisiersetcharrons:3 à 5,50 F, forgerons:2,50 à 5 F "selon 1e degréde force et d'habilité des ouvriers".(Cf. p. 23).

(19) çjrculaire du 2L.4.1843;Reeueil Adninisty,arif, Meurthe, 1843, p. 111, rappelée,en outre, au préfet desvosges dans une lettre du mi- nistre de la Guerredu 26.10.1843,qui a constatéque parmi les can- didats à l'émigrationen Algérie il se trouvait plusieursouvriers "qui ont un grandnombre d'enfants enbas dge". (ADV15 M 51). Le décret du 19 septembre1848 précise le nombreet la nature des ctiverscert'ificats à obtenir avantde déposerune demande, i1 y en a sept en tout ! -150-

mètre"(20). D'autresavantages sont offerts auxcolons cultivateurs. Pendant trois mois, en 1849,i1s ont la possibil'itéde faire "transporteraux fra'is de l'état, de Marseilleen A1gérie...et sur le territoire de 1'A1gérie...tous les objets envoyésaux colons" (21).1'année suivante le délaj est porté de trois à six mois, pendant1esque1s, sur le même parcours,on pourrafa'ire gratuitementparvenjr aux colons "le matériel agrico'le,1esgraines, les vêtements,1e linge et autresmenus objets..." (22). Toutesces mesuressont destinéesà influencerle choix de ceux qui ont l'jntention de s'expatrier. Majs, tout comptefait, émigreren A1gérie,surtout pourceux qui briguentune concessionn n'est pas à 1a portéede tout un chacun.En 1854Joseph Laurent, de Martigny-1ès-Lamarche, fa'it unedemande en vue d'obtenir l'autorisation de s'installer dansune colonieagricole. Commeil ne disposeque de I 300francs, sa requête est rejetée, car "le quantumdes ressources aujourd'hui exigé des asp'i- rants concessionnaires/êst7 d'au moinsdeux mille francs, sommeà peine suffisantepour leur permettrede s'installer avecleur famille" (23). Unesomme d'argent donnée est unecond'ition nécessaire, lnais pas toujourssuffisante pour obtenir l'autorisation de voyageréclamée. En effet, dès 1851i1 apparaîtque les célibatairesne sont plus admisdans les coloniesagricoles, comme 1e préciseune lettre du ministre au pré- fet des Vosgesà proposde la demandeformulée par un certain Bonlarron (24).

(20) Cf. note 19 supna,p. 111. (2L) Circulai re du 13.3. 1849 . (22) Circulairedu 4.4.1850.

(23) Ministre de la Guerreau préfet des Vosges,18.3.1854 ; ADV15 M 51. A la mêmeépoque Jean Deluze, origina'ire du mêmevillage, est ad- mis commecolon concessionnaire dans un des centresagricoles du dé- partementde Constantine;il justifie, 1ui, d'unesonrne de 2 180 francs. (Lettre du préfet des Vosgesau sous-préfetde Neufchâteau, 28.3.1854; ADv15 M 51). (24\ "Je vousannonce, écrit le ministre, quepar suite d'unedécision récente, 1escélibataires ne pourrontplus être reçuscomme colons concessionnairesdans les établissementsen question..." (Lettre au préfet des Vosges,28.1.1851 ; ADV15 M 51). -151-

De leur côté, les artisanset les ouvriers,recherchés au moment de la constructjondes villages agricoles,se voient peuà peurefuser I'autorisation de rejojndre la colon'iesous prétexte qu'i1 n'y a pas, sur p1ace,d'embauche. C'est le cas d'un tailleur d'habjts de Deyvillers, AnastaseFrançois, guj demandeun passagegratuit en 1858. C'est que, lu'i est-jl répondu,"1es permis de ce genrene sont plus accordésaux ouvriers que lorsqu'ils justifjent par lettres éma- nant de colons,et soumjsesau visa de l'autorité localê, QU'ils ont du travaiI dansla colonje" (25). Malgréles revjrementsde cette sorte, 1'attrajt de la nouvelle colonieest cependantcertajn pourbon nombrede lorrains. Ainsj plu- s'ieurshabitants de Gérardmerchoisissent-ils de s'y rendreà la fin de 1848(26), et, en 1856,le ministre constateavec satisfaction que 1e départementdes Vosgesest "au nombrede ceuxqui fournissentle plus fort contingentà l'émigrationpour l'A1gérie"(27). Dansla Meurthe,1es départs ne sont pasrares nonplus ; entre 1846et 1861,1858 non compris, ils s'élèventà 4 798, so'it unemoyenne annuellede 320 (28). Les chjffres restent'inférieursà ceuxde l'émi- gration en Amériquede 1846à 1853,puis, pendantune période de trois ans, cette situation s'inverse; de 1854à 1856en effet les émigrants pour 1'A1gér'iesont presquequatre fois plus nombreuxque ceux quj ont cho'isil'Amérique (2 865contre 779) (29). Le chiffre recordatteint en

(25) Lettre du mjnistre de l'A1gérieet desColonies au préfet desVosges, 14.9.1858; ADV15 M 51.

(26) Lettre du ma'irede Gérardmerau préfet des Vosges,24.10.1848; ADV15 M 51.

(27) Lettre du 14.6.1856; ADV15 M 51. Le ministre y signale que la CornpagnteGeneuoise des CoT.oniesSuisses de Sétif meten constructioncinq nouveauxvi1'lages de 50 feux cha- cun et que 1e travail est abondantpour les maçons,les charpentiers, les tailleurs de pierre et les terrassiers.

(28) Les chiffres étudiés ici sont fournis par 1esdenandes enregistrées par les préfets, dans Les départementsd'origine.

(29) Nombrede personnespar passeport,en moyenne,de 1846à 1856:2,95. -I52-

'inquiète 1855est suivi d'unechute brutale qui d'ailleurs le ministre et mot'ivel'envoj d'unedépêche au préfet (30).

tTArs-uilts

I I I I 155 ! I i [.|trigr.tionrn AlgérioGt cn Amériqu.,Mlortlr. l8t6- l!6t L_I Graphiqueno L0 (Source:ADMM6MZSB)

Aucunchiffre n'est p1us,malheureusement, disponible aux archj- ves départementalesde la Moselleconcernant l'émigration en Algérie. Dans1es vosges,les années1855 et 1856présentent, comme dans le dé- partementvoisin de la Meurthe,deux fo'is plus de départsvers I'A1gérie quepour 1'étranger.Puis les donnéess'équilibrent (1857)avant de mon-

(30) Dépêchedu 5.3.1858.Le ministrey donneles chiffres suivantscon- cernantl'émigfgtion à l'étranger et en A1gérie: 1g56: 1g3et 440 ; 1857: \7_7-et 1.34(la stàtistique doinait, pour I'Algérie, des chiffres 1égèrementdifférents z 444et 140).'"1'émigrâtion- pour l'étranger, constate-t-il, est demeuréestationnairé, ma.is je remarqueune diminut'ion sensible dans le chiffre de l'émigration- pour I 'A1gérie". -153-

trer un avantagetrès net en faveurde l'étranger en 1g5g.Le préfet consultépar le ministre, commeson col'lèguede Nancy,attr.ibue 1a baissede l'émigrationvers 1'Algér'ieà la créatjonde nouveauxétablis- sementsindustriels dansson départementet "surtout à I'abondanteré- colte de cette année"(31).Il t'ient ces élémentsde réponsede ses sous-préfetsdont 1'un, celui de Saint-Dié,remarque au passageque 1es ,,ont émigrantsde son arrondissement beaucoupplus de goût pour l,ém.i- gration en Amérique,'(32). Nousavons heureusement des chiffres pour 1esquatre départements, fournis pendantsix anspar res commissairesà l'émjgration au Havre, de 1857à 1862(33), puis de 1863et 1864qui figurent dansja statisti.- que de La Franceparue en 1870.Comparés aux chjffres de l'émigration à 1'étrangerpendant le mêmelaps de tempset donnésdans les mêmespubli- cations, ils permettentde fa'ire des remarquessur le comportementdes Lorrainsdes différentes régions devant l'alternative qui se présenteà eux : Amériqueou Algérie ? Desquatre départements, c'est la Mosellequ'i est la mojnsinté- resséepar 1'ém'igrationdans la colonied'Afrique du Nord.Les émigrants de la Meuseet des vosgesoptent, pâf contre, pour 1'A1gériedans une proportion deuxfois p'lusforte. Enfin les gensde la Meurthese situent entre ces deuxextrêmes. 1eÈ.7 râ59 tB59 la60 l86r t862 r863 r864 Tolsur % Alg

Elf. 1t7 t14 r13 9A 70 26 5l 54 ro3 Tableauno I MEUR'HE al9. t34 60 23 41 73 39 53 32 435 38

Elr. 3t 19 tt 5 3 3 MEUSE 1l I 84 alg. 29 10 o 4 17 o o 6t 42

Etr. 299 187 r58 t8t 59 MOSELL E t14 96 97 r191 alg. 118 37 12 25 14 tot t6 ^ 327 21 Elr. voscEs 53 67 40 24 36 r8 30 t6 2A4 A lg. 59 39 o 2S 23 25 69 12 255 47 Emigration à l-étranger et en Algérie (rasr- reso)

(31) Lettre du ministre au préfet,5.3.1g5g; ADV15 M 50. Réponsedu préfet, 13.3.1858; ADV15 M 50. (32) Lettre au préfet, 10.3.1858; ADV15 M 50.

(33) Rappoz'tsà Son EæcellenceLe Ministte de L,fntër'ieut, sur L,Emig,a- tion, Années1857 & lB5B,paris 1959; Années1859 & 1860,paris 1861; Années1861 & 1862,paris 1963. statistique de La France,2e série, t. xvIII, Strasbourg,1g70. -154-

Le tableauci-dessous résume ce comportementen le comparant, de p1us,à celui desAlsaciens.

Total Etranger A1géri e émigrants % % 1857-64 MEURTHT I 138 62 38 MEUSE 145 58 42 MOSELLE 1 518 79 2l

VOSGES 540 53 47

1857-62 BAS.RH I N 2 658 91,5 8r5

AUT.RHIN 4 318 90 10

Il semblebien queplus on s'élojgnedes frontières du Nord-Est, plus 1'A1gérierencontre de partisansparmj les émigrants.La Mosel'le, 'importante qui compteune proportjon de germanophones,voit ses émjgrants partir vers 1'étranger-- en premierlieu pourles Etats-un'is-- dans 1a proportionde trois sur quatre. La langueparaît avo'irjoué un rô1e déterminantdans le chojx de la destination.Le comportementdes Alsa- ciens confirmantcelui desMosellans: un émjgrantsur dix seulement chosit la route du sud (34). Sl le Midi alimentesurtout le mouvement

(34) Les rapportsdes commissa'iresdu Havreindiquent également, toujours pour 1esannées 7857-62, quels étaient 1esdépartements où les émj- grantspour 1'A1gér'ieétajent les plus nombreux.Ils établ'issentun classement,pour chaque exercice, des 10 départementsde tête. Les départements!r1 Rhin, toujoursen vedettepour l,émigrationà l,é- tranger, n'y figurent quedeux fois (Haut-Rhin: 5e én 1g6l et j,g6z, 82 et 63 émigrantsrespectivement). La Meurthes'y trouve au 6e rang en LB6L(avec 73 personnes)et la Moselleau 3e llannéesuivante ( 101personnes ) . En fait, sur les 20 départementscités dansles classements,i1 n,y en a que5 qui sont situés au nord de la Loire (la Seine,mentionnée six fois, 1a Haute-Saône,4fois,'la Meurthe,la Moselleet le Haut_ Rhin). Les dix premiersdépartements sont: 1. Bouches-du-Rhone;2.seine; 9. Pyrénées-0rientales; 4. Aude; 5. Tarn ; 6. Hautes-pyrénées; 7. Haute-Saône;8.Haute-Garonne i 9. Ariège; 10. Bassés-pyrénées.. -155-

FFI o- roo El tot-roo ilMI rct-tooo H roor-zooo ! +or 2ooo

Ëmigrrtionrn Algérir (185?-18621 ( 20 dôP|rt.m.nts d. tat! )

Carte no 15 (Source : Rapports à son Eæcellence Le Ministz,e de Ltlntérieur n"s 1., 2 et 3 (1859, 1861, 1863)).

vers l'A1gérie,A. Legoytfait remarquerque ce sont "l,Alsaceet la l.orrainelQu!7 fournissent 1e plus grandnombre de Françaisallant cher- cher fortune dansI 'Un'ionamér'icajne (35). Les chiffres globauxmontrent, d'autre part, que les autorités avaientde bonnesraisons de s'alarmer,partout l'émigrationvers I ré- tranger est préférée au voyageen Algérie, €t, par conséquent,les con- 'lorsqu,il seils off iciels négligés.C'éta'it déjà le cas en LB44 apparaît que les émigrationsqu'on favorise ont baisséde "5 000 passagersau moins.M. le ministre de l'intérieur, écrit le cournierde La MoseLLe, a mêmecru devoir adresserdes circulaires à ses préfets pour'les 'invi- ter à encouragerl'émigration" (36).

(35) A. Legoyt,op. cit., p. 163.

(36) Numérodu 3.5.1845. -156-

En fajt, il s'agit nonseulement de persuaderles ém1grantsde choisjr l'A19érie,mais aussi de les fajre changerde destinationoans le cas où ils auraientdéjà opté pour 1,Amérique.Lorsqu,en 1854 le gouvernement met en placeune commission spécia1e chargée d'étudier "les différentesquestions se rattachantà l'émigration"(37), 1e jour- na1La Patyie croit comprendreque son but n'est pas seulement,,de don- ner auxémigrans allemands une bonne opinion de la France...mais p97 tenter de les déc'ider,par des'informationsloyales et consc.iencieuses, à modtft'erLeut'itinéraine, el leur montrerdans une colon.iefrançaise, journée située à une et demiede la France,1a réalité des avantages dont ils ne poursuiventsouvent que 1'ombreau-delà de I'Altantique,,(38). politique cette est semble-t-ilplus anciennecependant. M. Lee Hansen, se référant au Jou,naLdu Haure,écrit en effet que, dès l,ins_ tallation desFrançais en Argérie,,'desagents s,activaient 1e long du Rhinet dans les ports, et avaientdéjà persuadédes émigrantsde chan- ger leur destinationpremière et de se diriger vers les sablesde l,Al- gérie" (39).0n trouve ajnsi au Havre,en mai lg31,,,trois centsSujsses, Badoisou Alsaciensqui se proposaientde partir pour les Etats-unis,, uuraient lêt7 consentivorontiers, dit-on, à s,embarquerpour Alger, si quelquespéculateur avait voulu affréter un navire qui les aurait con- duits dansla nouvellecolonje (40).

(37) ,tourmaldu Haure,13.1.L854. (38) rbid.'L'auteur du mêmearticre croit savojr que,,ra présence la dans conrmissionde ce fonctionnaire -Ë, chef du cotonisarion.dg.r'A1sériez 1ft.-f;;;;, bureaude ra ne.: :.*ir iqrà, èsàro-ài; ;;Ë.iar ité deses attributions, que par l,intbntiôÀ'ui.nàrrêtée'Jr-iàuu..n._ mentde rapprocher_prat'iquement, S'it eit possibre,ces oËux ter- mes: Enignationallemande et colonisation'd.e t,liàa"in"-iiiuriques dans.l'originar)..A ce 9ujet, A. r-egoyielrlt .n iÉor,-,,pàr,^tors tes hommesimpartiaux, t,Àtgéri. ;if;Ë-aljàuro,rrut tous les pgy:, auxémiqrants de maisparricui.ièremànt àux-Ë;i;r";il;;;r;i,"i.r r.r- sourcesqu'ils ne trouverontnuile part aiiiÀrrr;i À':'-i_;;àyt, eit., p. 136. op. (39) M. LeeHansen?.op. cit., p. agentswere busy Rhineand in ?zg..French arongthe rhe portsànà tney nao-âireiË!'inor."à ;iôr;;is to chanqetheir intendeddestination qrru "se'v' unJil-;6vt' LU the sandsoi Àïseria. /Iæi7

(40) Jou- aL du Haune,29 et30.5.1831. -157-

L'argumentsouvent avancé par'les autoritésest que1'A1gérie étant sousadministration française, et l'installat'ion des colonsorga- nisée et réglementée,le voyageen Afriquedu Nordn'est pasvraiment un saut dansI ''inconnucomme 1'expatri ation au-delàde I 'Atl antique. En 1843,au momentde I'arrjvée de nombreuxémigrants des départements de l'est dansla coloniede Castro,1e préfet du Doubs,évoquant le dé- sarroi desnouveaux arrivants, ne craint pasd'avancer que 1esfamilles de nos rég'ions"trouveraient de grandsavantages à se rendreen Algér'ie p1utôtqu'au Texas" (41).

Conclusion

A partir de la fin de la périodede I'occupationrestreinte, lors- que le plan d'ensembleproposé par la commissiond'Afrique se trouvepro- longépar uneréglementation concernant I'entrée des colonsde toute sor- te dansle nouveauterritoire, et appliquéepar les préfets dansles dé- partements,1'A1gérie est ouverteaux émigrants et se trouve, du même coup,en concurrenceavec I'Amérique comme lieu d'installation poss'ib1e (42).

(al) Lettre au préfet de Seine-lnférieure,1.4.1843;ADSM 6 MPZ0ZB. NorbertTruquin raconte comment en 1848,à Paris, 1a populationétait appâtéelorsque l'administration avait besoinde colons: "Unjour queje passaisdevant la mairie du VIIIe arrondissement,j,y vjs un beaumonsieur qui faisait un tableauenchanteur de ce pays. Il ne tarissait pas d'élogessur la fertilité du sol ; nousvantait les cocos,les dattes,'les bananes;les produitsdes régionstempérées y rârssissaientaussibien quecelles despays chauds; le blé sur- tout y donnait un rendementénorme". Norbert Truquin, Mémoires et auentuv,esd'un pnol,ëtaireà tnatsersLa réuolution, paris, 1977, p. 95.

(42) c'est I'alternative qui s'offre à Kasper,le joueur de clarinette d'Erckmann-chatrian,lorsqu'à la suite d'un amourdéçu il envisage de quitter son pays; "je songeais,s,écr.ie-t-il, à mesauver en Amérique,en Algériê, n'importeoù,,. confid.eneesd,,un joueur de cla- z.inette,J.J. Pauvert,t. III, p. 469. -158-

Les deuxcontrées offrent des ressourcescomparables aux coura- geuxavides de changement: vastes terres à défricheret à cultiver pour 1esagrjculteurs, embauche pour les ouvrierset les artisans dans des régionsneuves et sous-peup1ées. Maisla situat'ionmême des deuxpays fait que, à premièrevue, 1'A'lgériesemble bénéfic'ier d'atouts de premierordre. Elle ne se trou- ve qu'à deuxjours de la Métropo1e,et c'est uneterre sousadministra- tion françaisedans laquelle le dépaysementdevrajt être rédujt à la seuledifférence de cl'imat. Dep1us, comme le gouvernemententend y favoriser, rapidement, l'installation de nombreuxcolons, divers avantagessont offerts aux candidats: voyagegratuit pourtoutes'les catégoriesd'émigrants, allo- cationsde terres auxcultivateurs, transport aux frais de l,état des instrumentsaratoires, indemnitésde route jusqu,auport d,embarquement auxouvriers. 0r, à y regarderde plus près, ces gratifications sont ]e plus souventassort'ies de conditionstelles que 1esportes de la nouvelleco- lonie se trouventfermées à de nombreuxémigrants : pécu1eimportant exj- gé des colonscultivateurs qui, en outre, ne doiventpas être cél1batai- res' limite d'âge stricte et visite médicaleimposée aux ouvriers ; fa- mjIles nombreusesrefusées, enfin perm'issupprimés lorsque 1a garantie d'un emp'loioutre-mer n'est pas produ'ite.De plus, ceuxqui remplissent toutes les conditionsfixées par les réglementsse trouventtoujours en butte auxdiffjcultés duesà 1a complexitéet à la lenteur des démarches à entreprendre(43).

(43) l^99 prgPos1e Journal du Haunenote dansson numérodu 13 juillet 1854: "Emigrerde Paris ou de l,Alsaceà constantinen'est ni plus lispendieux-niplus long qued'aller de NewYork ou de Bostondans l'Iowa ou le [,lisconsin; maisla longuef ilière de nos procédésad- ministrat'ifs est pour 1'hommeindusti'ieux un épouvantaii.que de son département...il sollicite un lopin de terre, i1 I'attendia des an- nées,_pafce-quedes annéesse pasierontavant-que l.J ingèni.ur., formalitésfixées par les ordonnancesaient toutes été rËmpl.ies, avantque 1a bureaucratieait prononcéson fiat" - 159-

Aucunede ces restrictions ne s'appliqueaux émigrants partant pour 1'étranger; la seuleclause commune étant le certificat de moralj- té, demandéà tout le monde.Pour se rendreen Amér'ique,la seule ex'i- gencede I'adm'inistrationest 1e paiementdes drojts de passeportauquel vient s'ajouter 1e réglementdes frajs de voyagejusqu'au port et de la traversée.Les sommesimposées aux cultivateursqui se rendenten Algérie sont de beaucoupsupérieures à celles 'indispensablespour atteindren'im- porte quel port américain.Le fait mêmeque 1a majorité des candidats émigrantssont pauvres-- et qu'ungrand nombre d'entre eux sont pèresde familles nombreuses-- rend le choix tout à fait impossible; la desti- nation ne peut être que 1'Amérique. L'absencede dépaysementest, d'autre part, un argumentsans va- 1eur, ou presque,dans le cas desLorrains de langueallemande. En ef- fet, il est à peuprès certain que 1esquais de NewYork ne sont pas, pour eux, plus étrangesque ceuxd'Alger. Lesgermanophones s'adaptent sansdoute auss'i aisément au voisinagedes Suisses et desAllemands qu'à celu'i desFrançais du Midi, desEspagnols ou desMaltais. C'est pour cette raison, et aussi parceque des habjtudesont été prises avant l''installation destroupes frança'ises en Algérie, QUêles sirènesgou- vernementalesont eu plus de succèsdans les régionsdu sudde la Lor- raine, QUeles émigrantsoriginajres de la Meurtheet des Vosgesont été plus nombreux,toutes proportions gardées, à franchir la Méditerranée que leurs compatriotesde la Moselle.De toute manière-- les chjffres disponiblesle prouvent-- I'Amériqueet les autrespays de l'étranger auront, à quelquesannées près, toujoursexercé une attraction plus for- te sur les populationsde l'ensemblede notre provincercomme 1'exprime fort bien 1e sous-préfetde saint-Dié (44). Peut-être.une certaine mé- fiance à l'égard desrecommandations officielles a-t-elle aussi joué. Quoiqu'il en soit,'il est certain que 1a politique officielle de recru- tementpour 1a colonied'A1ger a été un échecen Lorraine, l'émigration spontanéevers les Etats-unisn'ayant jamais pu être freinée ni, a for- tiori , stoppée.

(44) Cf. note 32 supra. CHAPITRE2

L'AMTRIQUEVUE DE LA LORRAINE -161 -

"En1814, écrit R. Rémond,l,opin jon frança'isene sait plus rien de positif et de précis sur les Etats-unis; un voile t'issé par 'leur 1'utopie, 1a fiction et I'enthousiasmeenveloppe imagedans une 'légande brumede dont 1esesprits perspjcacessoupçonnent l'irréal'ité et I'anachronisme"(1). cette légendeveut que le NouveauMonde ressemble à quelque paysde cocagneoù les richessesde toute sorte se trouventen abondan- ce et à portéede quj veut bien les cueilljr. La littérature européenneabonde en exemplesde ces représenta- tionsnaivesetexcessjves.Dès1605dansunep.ièceécrjteenAng1eterre par Georgechapman et JohnMarston, 1'un des personnagesne tarit pas d'é1ogessur la nouvellecolonie de virgjnje. "Je t'assure, affirme-t-i1, 'l'or QU€,là-bas, est plus abondantque le cuivre cheznous. 0ui, nron- sieur !... ils ont des lèchefritesen or pur, et 1eschaînes avec les- quelles ils fermentleurs rues, eh bien, c'est de l'or massif... quant aux rubis et aux diamants,i1s n'ont qu'à se bajsserpour 1esramasser sur la plagependant leurs momentsde loisir et les accrocheraux vête- mentsde leurs.enfants" (2). ce qu'écriventles auteursayant visité 1e paysn'est pas propre à détromperleurs lecteurs. En France,l'exotisme des descrjptionsde Chateaubriandproduit son effet sur des imaginationsqui ne demandent qu'à s'enthousiasmer(3), et Tocqueville,parlant de la vallée du Missis- sipi, estimequ'elle est "à tout prendre1a plus magnifiquedemeure que Dieuait jamaispréparée pour l,habitation de I'horffne"(4).

(1) R. Rémond,op. cit., p. 315.

(?) cité par David Potter in I'es fils de Ltabondance,paris, 1966, p. lzl.

(3) Voir en particulier le Prologued,Atala, écrit en 1791.

(4) Alexis de Tocquevilr1e,De La d.émoev,atieen Aménique, in oeuuneacom- plètes, t. I, Paris, 1961, p. 20. -162-

0n peut arguerdu fa'it queces deuxauteurs n'ont résidé que pendantune période relativement courte dansle paysdont ils vantent les charmesavec une telle profusion(5). Maisles écrits de ceuxqui y ont séjournéplus longtempsou mêmequj y sont jnstallés à demeure n'ont, souvent,rien à leur envierpour ce qui est de la dithyrambe.Il en est ainsi de HectorSajnt Jeande Crèvecoeur,fermier d'origine nor- manderendu célèbre par sa défjnition de I'Américain,synthèse des qua- lités de toutes les régionsde I'Europe.Il décrit en effet sa patrie d'adoptioncomme un paysoù tous les hommes,quels quesoient leur état, leur orjgine et leur amb'ition,peuvent trouver le bonheur(6). Quantà l'AllemandGottfried Duden,qui a vécutrois ans dansune ferme du Mis- souri,'il ne présentepas sansarrière-pensée, dans un Iivre paruen 1829,la vie à la fois bucoliqueet idyllique des cultivateursdans l'Ouest américain.Il espèreattirer ses compatriotes-- à uneépoque où I'exodedes Allemands n'a pasencore attejnt toute son amp'leur-- vers unecontrée où, à I'en croire, les corvéesqui pèsentsur les épaules des fermierseuropéens ne sont plus qu'unmauvais souvenir. Qu'onen juge. Lorsquele site de la nouvelleferme a été choisi, généra'lementau voisinaged'une source ou d'un rujsseau,et qu'il a été entouréd'une c1ôture, i1 s'agit de bâtir la maisond'habitatjon "avec I'aide des voisins s'i les membresde la fam'illene sont pas asseznom- breux(7). Mais jl n'y a pasbesoin de plus de quatreou cinq personnes pour 1a constructiond'une maison de cette sorte". Le bâtimentest ter- minéen deuxou trois sema'ineset "la famille se sent déjà chezelle,'.

(5) Le séiour de Chateaubriandest d'ailleurs mis en doutepar plus'ieurs auteurs.

(6) Crèvecoeur,1735-1813, in Letters from an Amenican Farrner (1782). 'iiben (7) Gottfried Duden,Benùcht eine Reise nach den uestliehen Staaten Noz,d-Amerikas,EI berf el d, L829, cité in Michael Kraus, Irwnigration, Ihe AmenicanMosaic, NewYork, 1966, p. L24-I29. -163-

Défricherla forêt pourobtenir uneterre arableest unetâche nonmoins aisée. "Le fro'id interrompttrès rarementles travauxexté- rieurs pendantdeux journées consécutives... L'hiver ne peut être vrai- mentrigoureux dans un paysoù 1eschevaux, les vaches,les cochonset mêmeles jeunesveaux passent la mauvaisesaison hors de l'étable". Il est facile de se nourrir car la v'iandede boeufne coûtequ'un cent et demila livre et 1e gibier de toute sorte est sj abondantqu'un bon chasseurpeut sansbeaucoup de peirir:pourvojr aux besoins d'une nombreu- se fami11e,"car la chasseest l'ibre et possiblen'importe quand et n'importeoù". Le potagerfournit unegrande variété de 1égumesen abon- dance; les pastèqueset les melonspar exemplepoussent sans nécessiter de soins particuliers. "Le sol est si fertile que la récolte de maîsne demandequ'un seul labour.Les semaillesde blé, seigle et avoinere- quièrentmoins de travail qu'enEurope", Êt, de toute façon, "aucunefa- mille n'est pauvreau point de ne pas posséderau moinsdeux chevaux". En cultivant le coton, le chanvreet le lin et en travaillant I eurs fibres sur place, la famille peut ainsi économiserl'argent néces- saire à l'achat des vêtements,et les impôtssont "sj dérjsoiresque c'est à peinesi on y pense,car la terre obtenuedu gouvernementest I ibre de toute taxe pendantles cinq premièresannées". En fait, on le voit bien, la vie quotidiennedes émigrants fer- miers décrite soustous ses aspectspar Dudenn'offre que des avantages si on 1a compareà celle de ses lecteursen Europe. PourErckmann-chatrian, s'exprimant par 1a bouchedu vieux samuel Moisede Phalsbourg,la terre d'Amérjqueest "1e paysdes gensentrepre- nants, où tout est libre, où I'on ne trouvepoint de régies ni d'imposi- tions..., 1e pays... où chacundevient, pâFson travail, son intelligen- ce, sonéconomie et sa bonnevolonté, ce qu,il mérite d,être; où tout est à sa place, parceque personne ne peut rien déciderde gravesous la volontéde tous..." (8). L'accentest mjs, 'ic'i, on 1e voit, sur la

(8) Le Blocus, op. cit., p. 291. -164-

ljberté dont jouissentles c'itoyensamérjcains, sur I'absencede clas- ses déterminéespar 1a naissanceet l'usagerépandu de la démocratie. Il ne faut pas s'en étonnersi I'on se souvientque Le BLocusparaît en 1867.

Cequi s'appliqueà l'Europeest peut-êtreencore plus vrai pour I a Lorrainedont unef ract'ionde 1a populat'ion ne parle pas 1a I angue de I'adnrjnistration,des gazetteset de l'école (9). Car au débutde la périodela connaissanceque 1esruraux peuvent avoir d'un cont'inentlo'in- tain et étrangeà 1a fojs leur est surtout apportéepar'les autorités, la presseet I'enseignement.En tout état de cause,ces moyenstouchent unefractjon de'la populationet les curieuxs'en remettent,1es années passant,de préférenceà des témoignagesplus fiables qui leur parvien- nent par'les lettres de personnesde conna'issanceétablies en Amér'ique, et par les récits desémigranls qui sont en route pour 1e NouveauMonde, ou, mieux,qui rentrent aprèsun séjour plus ou moinslong dansle pays même. L'attitude des autorités a été évoquéedans un chapitreantérieur. Elles donnentrpôF I'interméd'iaire des fonctionnairesen postedans les préfectureset les sous-préfectures,une imagede l'Amériquedéformée et propreà découragerles vocationschez tous ceuxquj sont tentés par le voyage.Il en résulte d'ailleurs une désapprobationassez répandue, dansl'opinion, enversl'émigration ; ma'isce n'est jamaisde gaieté de coeur, sauf au momentde la ruéevers l'or de Californie, que les émi- grants se soumettentaux aléasde I'expatriat'ion.C'est par 1a vo'iedu Recuet-LArininistz'ati!| servi à tous les maires, que se fait I'informa- tion, les élus locauxrépercutant les articles réd'igésdans les préfec-

(9) C:est pour cette raison qu'en 1834I'Indépendant de La MoseLLepu- blie, dansson numéro du 22 décembre,une annonce bilingue destinée auxémigrants dont la teneur, soit dit en passant,n'est pas équiva- lente dansles deuxlangues, allemand et français. -165-

tures chaquefois que le besoins'en fait sentir, c'est-à-dire quand leurs adm'injstrésleur font part de leur dés'irde quitter 1e pays. La presse,il faut bien le dire, a uneaudience très limitée dans 1escampagnes (10). Les journauxparaissent dans les chefs-ljeux,Nancy et Metz,dans un formatrédujt et généralementsur quatrepages seule- ment.La fréquencede parut'ionest d'un numérotous les deuxjours et la couverturedes événements extérieurs à la Francey occupeune place mi- n'ime.Des articles sur l'Amérjquen'y f igurentdonc qu'exceptionnelle- ment(11), êt,1e plus souvent,ils relatent desévénements à sensation. Déjà.D'autres articles, plus sérjeux,ne sont pas de natureà éve'iller l' jntérêt des candidatsémigrants si jama'isils les I isent : les inqu'ié- tudeséprouvées par certainsAmérica'ins à 1a perspectivede l'élection 'lignes du généralJackson (six dans le JournaLde La MoseLLedu 13 dé- cembre1,827); 1a sessiondu 19eCongrès ouverte par le présjdentAdams (mêmejournal, l3,janvier 1826,40 lignes) ou I'annoncede la perspecti- ve de la séparationprochaine du Nordet du Sud(rndépendant de La Mosel- Le,8 mars1849). La visite du ministre p1énipotentia'ireau présidentde

'le (10) A ce sujet, narrateur de l'Histoire d,un paysannote, vers le milieu du s'iècle: "Aujourd'hu'ila moindreauberge de vjllage a sa gazette... ; chacunveut connaîtreles affaires du pays,et lire son Couv'rierdu Bas-Rhinou son InrpartiaL de La Meuz,thedeux ou trois fois au moinspar semaine".Erckmann-Chatri an, op. cit., p. 33.

(11) La Gazettede Metzparue pendant les deuxpremiers mois de 1831(30 numérosdu 2 janvier au 28 février) consacredes articles auxpays étrangerssuivants, dans l'ordre : Angleterre,16 ; Hollande,prusse et-Turquie,9 ; Belgiqueet Italie, 7 ; Autriche,6 ; Allemagne, Pologneet Russie,5 ; Espagne,4 ; Sujsse,3 ; Grèceet Portugal, 2; Danemark,Etats-I)nls, Syrie et Vatican,L. L'artjcle qui tiaite d'un sujet américainrelate, le 2 janvier,'l,incendjede la cathé- drale de NewYork survenule 9 novembre1830. I1 y a par contre abondancede matièresur les Etats-Unisen décem- bre 1834et janvier 1835lors du conflit entre Jacksonet Louis- Philippe à proposde la dette française.Au coursdes moisprécé- dents 1'rndépendantde La MoseLLes'est lancé dansune çampaqnede dénigrementdes Etats-Unisen ins'istantlonguement sur le soutienpopulaire à l'esclavage(13 août), les "troublesde phjla- delphie" (12 septembre),allant mêmejusqu,à prédire la fin de la répub1!qy."après des déchirementsaffreux et desbains de sang,, (25 août), ce qui n'était guèrerassurant, i1 faut en convenir] pour les éventuelsémjgrants ! -166-

1a RépubliqueFrançaise annoncée par 1e Couttierde La MoseLLedu 13 octobre1849 n'a, elle nonp1us, r'ien de passionnant. Si, d'un autre côté, un article sur 1e prix du coton (Espérance de Nancgdu 23 janvier 1850)a des chancesd'être lu avecattention par 1espropriéta'ires de filatures des Vosges,ce sont des lignes commecel- 1esparues dans cette feuille sur "la classeouvrjère aux Etats-Unjs" (22 mars1850) ou celles du Courcierde La MoseLLeconsacrées à I'adop- tjon d'une loi allouant160 acres de terre auxvolontaires de 1'armée, qui donnentà penserà des lecteursqui cherchentà mieuxconnaître le paysoù ils ont décidéde se rendreou qu'i, parfo'ismême, 1es détermi- nent à partir (12). C'est le cas en particulier lorsquel'or de Californie envahit littéralement1a presseeuropéenne (13). A Nancy,1'Espéz,ance consacre à ce sujet jnattenduet providentielde nombreuxarticles.9 janvier 1849: "Toutesles rivières tributaires du Sacramentoet les terrains comprisentre elles contiennentde l'or en abondance".12 janvier : "La soif de l'or cal'iforniengagne 1'Ang1eterre...". 17 ianvier: "A Paris, formatjonde la SociétéFrançaise des mines de Californje... LesAnglais s'alarment; sur 220,000colons partis pour l'Australie, près de 200,000 sont restés auxEtats-Unis". 18 janvier: "L'Amér'iquesemble être deve- nue le rendez-vousde toutes les races, de toutes les misères.La Prov'i-

(12) Numérodu 7.L.1847. Un exempleà méditer leur est fourni dansle Couz,rierde La MoseLLe du 2.2.L832: "Unfrançais, né à Périgueux,M. EtienneGirard, v'ient de mourir à Philadelphie.Parti de Francetrès jeune, mousseà bord d'un navire, il était devenu1e plus riche banquierpeut-être de I'univers, car on estimesa fortune à 19 millions de dollars, envi- ron 100m'illions de francs... il a laissé 500mille dollars à la ville de Newyorck,où il avait abordéen arrivant auxEtats-Unis..."

(13) Sur cette quest'ion,R. Rémondécrit: "Il s'est publié en trois an- nées(1849-1851) sur la seule Californie deuxou trois fo'is autant d'étudesque dans les trente annéesprécédentes pour toutes les ré- gions de l'Union (dansles publicationsnon pér'iodiques). La dispro- portion est encoreplus prononcéepour les journaux'. R. Rémond,op. cit., p. 102. -t67-

dencey augmentesans cesseres débouchésouverts au trop prein de l'Europe; 1eschemins de fer, res communicationspar res rivières et les lacs entre les Etats-unis et I'Amériqueanglaise, étendent tous les jours leur réseauen même tempsqu,irs en murtiplient res maiiles. De_ puis quelquestemps l'union américainea vu sonterritoire doubler.0u- tre ce qu'elle a enlevéau Mexiquepar l,épéeou les négociations,elle s'est assurérécemmentr pôF un traité avecres tribus indiennes,ra pai- sible possessiond'une immenseétendue de fertiles plaines quebaignent les rivières tributaires du Mississipi et du Missouri.pour couronner cette prospéritéinouîe, la californie vient de révéler ses immenses trésors' et de joindre l'appât de l'or à toutes les amorcesdéjà tendues à l'émigrationeuropéenne". voirà qui doit raisserrêveur plus d,un rec_ teur en mal de voyages. L'or de carifornie est donc,pour bon nombre d,Européens, une oc- casionde découvrir les autres états américains: un pays immense,fer- tile, aux richessesinnombrabres et à ra prospéritéextraordinaire. Mais res articres gui suivent dansres rnêmescoronnes sont tou- jours centréssur le jaune. ,,La métal 30 janvier : fièvre de l,émigra_ tion pour la californie continuede plus belle. Lesjournaux de Newyork ne mentionnentpas moins de 7L naviresen partancepour res paysde l,or... Il n'est questionque de gensqui, en querquesJours, ont gagnédes som_ mesfabuleuses".'" 10 février: dansun article intitulé ENCORELA CALI- F0RNIE'le rédacteurparaît mettre en doutetoutes les nouvellesarrivées de SanFrancisco, tant eiles semblentinvraisembrabres. serait_ce une énormesupercherie (ra) ? "Ir ne s,agit prus maintenantde rien moinsque d'une étenduede pays de g00miiles de long sur prus de 100 de rarge, où l'or ne se trouve pas seurementen poudreou en grains, maisen pépites,

(14)c'est à querques_jours prèsà cette égogrleque res imagiers Dembouret Ganger-oéposêni-une.imat.-i;ii;riée,,Mines messins à,or de ra californie".acèompagneed'r!9 oesciiption-à, la découverte paJS,d'un texte sur des'richès-rinesoiôr âÀ'5âciàmentoen d'unechanson sur gon,ùovàgè-nJitiàrr.oumoiet-j;;'californie er l.air de raquelre les chercheursd'or sont-tournesËn"àeriïîôn. (ADMos deLov'z'ai;;, ù;';t,-iôâô,"i.ori I T 96,27.2. llo|riT."'stoire rexte,n" éiv, -168-

en lingots qui pèsentdepuis une livre (370g) jusqu'à 15,16, 20 et même24 livres. /Rien ne peutTarrêter 1esprogrès du mineral yeLlow feoer, de la fièvre jauneminérale comme on I'appelle auxEtats-Unis. Desmilliers d'émigrantsse mettenten marchepar toutes les routes imaginablespour aller tenter la fortune au paysde l'or...r' L'Indépenlantd.e La MoseLLaannonce, au début de marsde la même année,1a publicationd'un feuilleton au titre prometteur,"Les mines d'or de la Californie". C'est le récit de deuxcompagnons charpentiers parisiens,File-ton-Noeud et Davidoù sont racontéspar le menula tra- verséeLe Havre- NewYork, le voyagevers SanFrancisco puis des aven- tures sansnombre en Californie. L'histoire ne manquepas de péripéties rocambolesques,dont un naufrageen vue de la côte ouest des Etats-Unis, au milieu desquelleson a glissé un résuméde l'histoire de la Califor- nie et de la découvertede l'or, par "un ouvrier employépar un gentle- manà la constructiond'une sucrerie" (sic). Le lecteur se trouve ainsi tenu en haleineentre le I marset le 6 Juin, car le récit nécessite trente épisodes(15). Desinformations d'un caractèreplus sérieuxsont heureusement contenuesdans des lettres publiéespar les mêmesjournaux (16).L'rndë- pendantde La MoeeLLeen proposedeux à ses lecteurs dans les premiers moisde 1850(17). Elles ont, en particulier, le nÉrite d'unecertaine objectivité et la californie y apparaîtavec son côté flatteur -- l'or et la fortune -- et tous ses désavantages.Contrairement en effet à tout ce quepouvaient laisser croire les premiersrapports, trop enthousias- tes à tout le moins,i'l apparaîtque l'or ne s'obtient pas sanspeine. Les fièvres, la dysenteriefont de très grandsravages parmi les prospec- teurs, "sur dix travailleurs qui vont à la mine, il en meurtcinq au

(15) N' 2867(8.3.), puis Nos2873 (20.3. ) à 2912(6.6.) (16) Par exempledans LtEspérance, de Nancy,le 23 rliars1850. (17) Les17.2.1850 (lère lettre) et 29 et 31.3.1850(2e letrre). -169-

moins"(lère lettre). Mais re travail ne manquepas en ville, à san Francisco,"les ouvriersne suffisent plus à bâtir" et les charpentiers et les menuisiersse pajent lz piastres par jour. (lère lettre). La cri- minalité, inquiétanteau débutde ra ruée, n,est plus qu,unmauvais sou- venir, et "la plus grandesécurité règnemaintenant dans le pays,'(lère lettre). L'auteurJean Montès, un garçonde perpignan,s,estime, quant 'lui, à "fort heureuxd'être tombédans un paysoù I'on gagnebeaucoup et où le travail ne manquepas". Maissi les salaires sont élevés, les vi- vres sont très chers, le pain par exemplese paie un demidollar la li- vre. Pource qui est de 1'or, on en trouve, mais"il ne faut pas croire qu'il ne s'agit quede se baisserpour en prendre; bien souventnous restonsdeux et trois semainessans trouver uneonce d'or, tandis qu'il y en aura à notre côté qui feront fortune,' (2e lettre). 'les Drautresévénements sont de natureà éclairer populationssur le NouveauMonde. En 1826une ménagerieen tournéedans la Meurthey présente"le fameuxcaîman ou alligator-de la rivière du Mississipi" (1g). Un an plus tard, les journauxlocaux relatent avecforce détails la visi- te de six "sauvages"arrivés tout droit d'Amérique(19), et qui semblent exercer uneextraordinaire fascination sur tous ceuxqui les approchent. "Ils sont, écrit le rédacteur,de taille ordinaire; ils sont nus jus- qu'à la ceinture, leur peauest cuivréeet luisante, leur visagepeint 'lignes en rouge,et quelques vertes sillonnent d'unepanière pittoresque les ornementsbizarres qu'ils portent sur la tête, raséeen formede I casqueantique. Les fermes,de 18 à 20 ans sont p'lusdécemment vêtues,'. CesIndiens 0sages sont ensuiteconduits à I'opéra de Paris, le 28 août, r etilsyfontsensation.Cormei1stémoignentdel'indifférencelaplus totale pendantle spectacle,l'article souligneque ,'ces sauvages, soit par habitude,soit par natureet défautd'une organisation complète, sont, au moinsextérieurement, presque inaccessibles aux sentimentsde

(lB) JournaL de La Meurthe, 26.5.1826.

(L9l JournaLde La MoseLLe,!.8., 5.8. et 1.9.LBZ7.

T' - 170-

plaisir et de peines". Malgréces quelquesrenseignements épars sur le paJS,ses riches- 'les ses et ses habitants, sur épreuveset les récompensesqui peuvent attendreles étrangersà leur arrivée en Amér'ique,i1 n'est pas sûr que les habitantsdes carnpagneslorraines se rendentbien comptede la dis- tancequi les séparede ce continentétrange et envoûtant,c'est le moins que 1'on puissedire. La géographieest rarementenseignée à l'école communareoù ra tâchedu maître, ses capacitésmême, se limitent à I'enseignementde la lecture et desquatre règ'les. Les manuels spécialisés, lorsqu'ils exis- tent, bornentleur matièreaux frontières françaises.Ainsi 1e rraité éLémentaired.e géogz,ophie publié en 1840par le sous-inspecteurde I'en- seignementde la Mosellea-t-i1 été rédigé, son auteurayant présent à l'esprit "qu'enécrivant pour de jeunesFrançais, c'est leur payssurtout qu'il faut leur faire connaître,et que leur intelligencene doit pas être égalementrépartie sur tous les états du globe,,(20).

Le livre de L. chastelluxet M. Edom(21) "adoptépar 1e conseil de I'instruction pub'liquepour l'usagedes écoles', a été éerit selon les mêmesprincipes. Plus des deuxtiers du manuelsont consacrésà la petite patrie des usagers,le départementde'la Moselte.Le reste, précis de géographiegénérale, comprend des notions préliminaires (4 pages),un premierchapitre sur I'Europe(43 pages,dont 20 sur la Franceet ses co- lonies). Leschapitres II à V traitent des autrescontinents (Asie,4 pa- ges ; Afrique,2 pages; Amérique,4pages;Océanie, une page). sur l'Amériqueseptentrionale (pages 174 et r75) on apprend tAmérique qu'elle renferme"six contréesprincipales : 1o I russe... t 2o le Gz'oenland..,; 3o l'Amériqueanglaiee... ; 4" les Etats-I)nis, for-

(20) Parution d'un manuelde Ducharme,annoncée par l,rndépend,antde La MoseLLedu 28.10.1840. (2L') op. eit. .T7L-

mantune républiquefédérative composéede 26 Etats indépendants. D'aprèsla constitutionarrêtée à Phjladelphieen 1787,le gouvernement généra1appartient à un congrèscomposé d'un sénat et d,une chambredes représentants,et à un présidentélu pourquatre ans. villes principa- les z washington,capitale, résidencedu présidentdu congrès; Boston, unedes plus belles de I'union ; Neu-ronk,une des plus peupléeset des plus commerçantes,ainsi que 1a NouueLLe-orléans,capitale de la Loui- siane ; Philadelphie,la premièrede l,un.ionpour son industrie manu- facturière ; 5o la rëpublique du Merique... ; 6" les Etats du Guatéma- La..." Pasde carte, aucuneindication sur la situation des divers con- tinents et paysdécrits par rapportà l,Europeou à la France. Les émigrantsne sont pas res seuls à ignorer la géographiedu continentvers lequel ils se dirigent.0n peut, à la rigueur, compren- dre que 1'orthographedes villes américainespose des problèmes nouveaux auxfonctionnaires préfectoraux (zz) nais quedire de celui qui place 0stine (sic), Texasen Amériquedu Sudpour corriger son erreur quelques moisplus tard (Huston(sic), Texas,Amérique du Nord)(23). Il est vrai que' pour les émigrants,I'essentiel est de rallier un port' dansla plupart des cas Le Havre,de confier leur sort à un com- mandantde navire et de se laisser emporterde l,autre côté de l,gcéan. Il n'empêcheque 1esdéceptions sont nombreuseset ne sont pas sansrap- peler celles éprouvéespar certains croisésen route pour Jérusalem.De nombreuxLorrains ressemblent sans doute beaucoup aux Irlandais décrits par HermanMelville. La plupart "semblaientn'avoir aucuneidée des dis- tances; et poureux I'Amériquedevait ressemblerà un endroit situé juste de I'autre côté de la rivière. Tousles matinscertains d'entre

(22) LouiseviI le/Louisvi I le Milwauk ie/Mi lwaukee Illis Noès/Iltinois Détroy/Detroi t Pi tzbourg/Pittsburgh Cinci nn aty/Cincinnàt i AlbanielAlbany Bouphalo/Buffal o

(23) Demandesde pâsseportsdes 25.2. el 25.9.1860; ADMos109 M. -172-

euxmontaient sur le pont pourvoir de combiennous nous étions rappro- chés...". Aprèstrois jours de traverséedans les brouillardset 1a pluie de la Manche,le soleil réapparaîtet laisse apercevoirune terre vers le nord. Touss'imaginent que c'est I'Amérique,et "rien ne pou- vait dépasserla déceptionet 1e chagrindes émigrants lorsqu'on finit par leur dire quecette terre au nordétait leur propreîle natale, qu'i1s avaientqu'ittée trois ou quatresemaines plus tôt dansun vapeur pourLiverpool, et qui se trouvait à nouveautoute proche; et que, aprèsde longsjours de navigationdepuis qu'il avait quitté 1a Mersey, 1e Highlandern'avait réussi qu'à les ameneren vue de leur patrie, où ils avaient commencéleur voyage"(24). Les informations'lesplus crédibleset, par conséquent1es plus aptesà influencer1a population,sont celles qui émanentdirectement de personnesconnues, qu'elles parv'iennentau pays sousforme de lettres ou de récits oraux, reçus de la bouchemême d'émigrants revenus dans leur village Les lettres d'Amériquequi arrjvent chezdes parentsou amistout commecelles publiéespar la presseau momentde la ruéevers 1'or peu- vent agir dansles deuxsens selon leur contenu.Qu'elles soient écrites par un émigrantheureux, qui a réussi, e'lles suscitentdes vocations parmi1es parents et les voisins dansle village natal de leur auteur. Qu'el1esproviennent de quelqu'undont l'expériencea été un échec,elles tempèrentl'ardeur de ceuxqui étaient près de céderà la tentation et font remettre, parfois définit'ivement,un départ pourtant décidé.

(24) H. Melville, Redbuw't,Penguin Books, p. 343. Theseemed to haveno adequateidea of distances; and to they Ænericamust have seemed as a place just over the river. Every ryr1lng someof themcame on deck, to see howmuch nearer we were. Nothingcould exceedthe disappointmentand grief of the emigrants, whenthey wereat last informed,that the land to the north was their ownnative island, which, after leavingthree or four weeks previousin a steamboatfor Liverpool, wasnow close to themagain ; and that after newly voyagingso manydays from the Mersey,thè Highlanderwas on'ly bringing them in viewof the original home whencethey started. -173-

L'influencede ces lettres est d'ailleurs reconnuepar 1esau- torités qui en font souventmention. Ainsi, le commissairedu Havre estimeque les émigrants"sont des parentsallant rejoindre leurs pa- rents, des amisse rendantà 1'appe1de leurs amis"(25). Ceuxqui sont déjà partis, selon le responsablede la gendarmeriede la Moselle,"ont écrit à leurs parents,à leurs amis, leur ont fajt unepeinture brillan- te de ce pays, les ont engagéà venir les rejoindreet c'est ce que ceux-cifont". Et le sous-préfetde Sarregueminesdoit admettre,lui aussi, guê 1esdéparts de beaucoupd'habjtants de son arrondissement sont causés"par les avis qu''ils reçoiventde parentsou amisqui sont déjà établis en Amériqueet qui leur font un tableauséduisant de leur nouvellesituation, lè" qujT laisse peude chanceau succèsde mescon- seils" (26). La dernièreremarque du sous-préfetest révélatrice de I'at- titude de la populationqui se fie aux lettres d'émigrantsnatifs de la régionplutôt qu'auxconseils d'une autorité de I'administration. Les lettres ont uneefficacité si grandeque leur authenticité est parfois miseen doutepar ceuxqui en déplorentles effets nuisi- bles. En 1833par exemplele ma'irede Petite-Rosselleest de ces scepti- ques."0n a été jusqu'àm'apporter, écrit-il au sous-préfet,des copies de lettres gu'ondisait avoir été envoyéesde l'Amérique,mais sur mes exhortationset observationsque je doutede I'identité de ces lettres et qu'onm'apporte les originaux,Qui sansdoute n,existent pas, on a corunencéà concevoir une autre idée...', (27). Un autre exemplede lettre se trouvedans Erckmann-Chatrian (28). Le vieuxMoise qui a conduitses fils Frômelet Itzig à Sarrebourgd'où ils ont gagnéLe Havrepu'is I'Amérique, dévoile le contenud,une de

(2s) Bqpportdestiné au'conseil Général de seine Inférieure, 1862; ADSM6 I4P2029

(26) Lettle al préfet de la Moselle,1832, citée par A. Gain,op. eit., p. 22. L'influencedes lettres est égarementsourignée par-Josef Mergen(op. eit., p. 70) : "Die sucht, nachAmerikâ ausiuwandern, ist als eine Krankheitanzusehen, die... in denBriefen, welche frijhereAuswanderer schreiben,... Nahrung findet,'

(27) Lettre du 19.3.1833; ADMos89 M 1 bis. (2A) f,e BLocus,op, cit., p, Z9!. -L74-

leurs premièresmissives en ces termes: "Frômelet Itzjg meracontaient qu'i1s avaientassez gagné d'argent depuis un an pourne plus porter leurs ballots eux-mêmes,mais qu''ils avaienttrois beauxmulets, et qu'ils venaientd'ouvrjr à Cast-Kill (2g), près d'A1bany,dans l'Etat de NewYork, unemaison pour l'échangede marchandisesfabriquées en Europe,contre des peauxde boeufs, très-abondantesen ce pays". Si en août 1856Claude Krieger, de Devant-les-Ponts,fait unede- mande"pour se rendre corffneémigrant près de MonsieurGouvion Milfore, ClermontCounty,Ohio. Etats de NewYork (sic)" (30) ce n'est pas dans I'intention de se soustraireau servicemilitaire, commef imaginele préfet soupçonneux,mais parceque "ce jeune hommea un parent qui habi- te ce payset quj y fait de bonnesaffaires, et dernièrementil a écrit à Kriegerpour 1'exciter à aller le rejoindre" (31). Demême Joseph schneider,de Gros-Réderching,réclame un passeporten mai 1832pour lui, sa femmeet ses sept enfants,car i1 a 1'espoird'un sort p'lusheureux en Anérique"où ses compatriotesont trouvé le bien-être qui leur avait été promis"(121. Un autre exemple,propre à susciter desja'lousies ou à créer des vocationsest la lettre de CharlesLiegey en date du 8 janvier 1882. "Je gagnemaintenant, écrit I'ancien instituteur de sivry, autant queje veuxet plus queje n'ai jamaispensé ou mêmeespéré gagner. Je ne le

(29) Il s'agit de Catskill, situé à 25m'ilesau sudd'A1bany, sur I'Hudson,Etat de NewYork.

(30) Lettre nondatée (cachet d'arrivée z 20.8.1856),de C. Krieger, tisseur en soie, au préfet ; ADMos109M.

(31) Lettre du mairede Devant-les-Pontsau préfet,29.8.1856; ADMos 106M 2. Krieger, qui avait l'intention de s'embarquerau Havrele 23 août.,reçoit finalementl'autorisation de venir retirer son pas- seport à 1a préfecture, le 2 septembre.En fin de compteil semble qu'il ait abandonnéson projet, ayanttrouvé du travail aux forges d'Ars-sur-Moselle(Lettre du maireau préfet du 5.9.1956). (32) Lettlg gu préfet de la Moselleà la direction de la police générale, 4.5.1832; ADMos89 M 1 bis. -I75-

ramassepas à poignée,cela est vrai, maisje su'issatjsfait". Après avoir donnéun décomptedétaillé de ses revenusde 1881,qui s'élèvent à 1 300dollars, soit près de 7 000francs, i1 poursuit, "vouspourrez donnerces chiffres à ceuxqui supposentque je regrette monancienne position, car aujourd'huije ne voudraisplus 1a reprendrepour tout au monde.J'aimerais cent mille fois mieuxprendre les 160acres (un acre= 4L ares) que 1'Amériquedonne à chacunpour rien, au choix, et aller les cultiver" (33). Toutesles lettres qui parviennenten Francene sont pas aussi encourageantes.Lorsqu'une crise de quelquenature que ce soit affecte les ttats-Unis, ce sont les lettres d'Amériquequi en avertissentceux qui projetaientd'émigrer. L'émouvant message de JeanAntoine Fève à sonfrère Nicolas,de saint Quirin, s'il a été lu par des compatriotes du jeuneLorrain, ne les a probablementpas incités à tenter de le re- ioindre; il date de 1802.Regrettant d'avoir apprisque la situation de sa famille est misérable,Jean Antoine écrit : ,'Jesuis moi meme sansautre moyensque ceusque me procure mon triste etat de graveur... je medispose sous peu de part'ire pour St Dominguepour y tenter une secondefoi un bien être quelconqueje desire etre asserheureus pour pouvoireetre en memede vousfaire parvenirquelque argent...,'(34).

Lettred'Amérique (1802)

Coll. tmo Pcnin, Jaal (33 ) Lettre à M. Noirel, aimablementcorununiquée par M. F. Meyer,de Laxou. (34) Lettre datée du 1.8Mai 1802(Philadelphie), ajmablement communiquée par MmePerrin, de Joeuf. -L76-

Lestémoignages directs sont encoreplus prisés, et les récits desémigrants qui retournentchez eux, 1esréponses qu'ils donnentaux questionsdes curieux,eux qui ont vu I'Amériqueet qu'iy ont vécu, par- fois de nombreusesannées, constituent autant d'informations de première main. Le fait de revenir à son point de départpeut naturellementêtre interprétécomme un désavoeud'un paysqui aurait déçu1es espérances d'émigrantsqui attendaientpeut-être trop de leur nouvellepatrie (35). Les autorités ne se font pas faute d'exploiter ces retours. Déjàen 1828, le ministre charge1e préfet de la Meurthede répandrela nouvelle"que les individusqui ont quitté leur patrie dansI'espoir d'y trouver/ên AmériqueTdes moyens plus faciles d'existence,ont bientôt reconnule peude fondementdes bruits qui se sont répandusà cet égard; que la plupart d'entre eux ont éprouvétoutes sortes de besoinset que ceux qui ont échappéà l'influence du climat se sont,vusforcés de revenir dans leur patrie, aprèsavoir consommésans'aucun fruit les ressourcesqu'i'ls avaientpu réaliser avantleur départ" (36). Le préfet de la Mosellere- prendlamêmeantienneen1B41dansunelettreaumairedlHaqévi.|te: "lnformez-les,recormande-t-i1, que journel lement des individus apparte- nant à ce départementarrivent d'Amériquedans la plus extrêmemisère aprèsavoir passép'lusieurs années dans ce pays"(37).

(35) J. Duvalcite les chiffres de 12 à 18 000émigrants qui seraient retournéschez eux dansles années1856,57 et 58. "Il y avait bien, écrit-i'1, peut-êtredans le nombrequelque Irlandais enrichi qui allait, de sonp'lein gré, revoir sa verte Erin ; d'autres re- partaient faute de travail ; quelquesuns étaient renvoyéspour caused'indigence; maisun certain nombreaussi fuyait devantles menaceset les périls : ils se déclaraientAmerikanilde, fatigués d'Amérique". J. Duval, op. cit., p. 186. (36) Lettre du préfet au sous-préfetde Lunéville,19.6.1828;ADMM 6 M 288.

(37) Lettre du 30.3.1841; ADMos89 M I bis. -L77-

Les notesdes préfets sur ce sujet sont, on le voit, plutôt va- gues.Elles ne donnentpas de chiffres, évitent les précisionssur I'j- dentité et le domicilede ces enfantsprodigues, utilisant des termes te'ls que "la plupart d'entre eux", "journellementdes individus...', (38). ce ne sont pas toujours, i] faut le dire, desmiséreux qui ren- trent en France,et ceuxqui le font sont parfois des visiteurs venus embrasserleur famjlle et revoir leur pays. C'est le cas de JeanBaptiste Garnjer,de Hommartingprès de sarrebourgqui, selon le sous-préfet, "dit avoir éprouvéle besojnde revoir sonpère et le paysnatal" (39). Né en 1820de parentscultivateurs, Garnierparticipe aux opéra- tions du recrutementde la classe 1840et se trouve libéré du service, ayanttiré un gros numéro.En 1845il émigreen compagnied'un certain GeorgesThiebaut, natif de la mêmelocalité. DevenuAméricain il se fixe dansl'Indiana, épouseune Bavaroise et devientpropriétaire d'unebras- serie. Deuxenfants naissent. Garnier est, toujoursd'après 1e sous-pré- fet, un homme"peu lettré, Qui parle à peine le français", il s'est em- barquéà NewYork le 16 février 1861pour Liverpool où il est arrivé le 28. Le Ler niarsil est à Londreset le 2 à Boulogne,puis à paris. De là il se renden Bavièrepuis rentre en Francepour passer une quinzaine de jours chezson père. c'est à ce moment-làque sonpasseport est saisi. Finalementle sous-préfetestime que sa présenceen Francepeut être to- lérée. Garnier séjournedonc deux semaines à ,au cours des- quelles il a tout loisir de parler de sonmétier, de ses voyageset sur- tout de sa patrie américaine.De la mêmemanière, Jean Baptiste Surmann,

(38) G. Richardutilise le mêmevocabulaire pour parler du sort de ceux qqi avaienttenté la fortune, de 1849à 1852,en Californie. Le des- tin de La-pLupaz,Éfut l'échec, la,ruine ou ra mort (G. Richard,op. cit., p. a15). Les échecsont certainementété beaucoupplus nombreuxchez les cher- cheursd'or quechez les autresémigrants, cela se conçoit aisément. (39) Lettre au préfet de la Meurthe,29.3.1861 ; ADMM6 lvt288. ,178-

de Danne-et-Quatre-vents,revient voir les siensen 1852.Il obtient un passeportle 13 février pour Le Havred,où i'l comptegagner son do- micile, Detroit, en compagnied,une servante (40). Ceuxqui rentrent définit'ivementseront toujours considérés, dansles villages où ils se fixent, commedes êtres un peuà part, pôF- ce qu'ils ont parcourule monde,traversé les mers,vécu dans des con- trées qui, jusqu'à leur arrivée, faisaient partie d,un unjversirréel et presqueinaccessible. QuandJoseph Barbé retrouve son vieux pèreà Saint Quirin, quand, marié, i1 loge chezses beaux-parentsà Métairies et quandenfin, sa maisonconstru'ite, i1 y installe sa famille à , i1 est à même de décrire le puissantMississipi sur les bordsduquel il a vécu, le départdes trains de chariotsbâchés en route vers l'Ouest. Il a travail- 1é à la constructionde ces voitures, i'l a vécudans un état esclavagis- tê, il a apprisune langueignorée de tous, il a été le témoindes évé- nementsde la Guerrecivile... Il n'a Éâsfait fortune, maisce qu,il rapportelui permetde vivre à I'aise et a sansdoute aidé à sonmar.iage avecune jeune fille dont la famjlle a du bien (41).

(40) A. Munde Danne-et-Quatre-Vents,2I 1; ADMosE Dép.l7l.

(al) Le contrat de mariageno 91 du 8.avri1 1874passé devant Me Schott, de Lorquin,mentionne dans son article troisièmeconcernant le5;p: ports du futur époux(paragraphe 20) "Six titres américainsSt LoLis countyBond, state of Missôury(sic), au porteurde Mille dollars chacunproduisant dix pour cent A'inùérêti sousles NosZggO a ZgOt inclus avec.intérêt du premierdécembre dernier et représèÀianta,a- près la déclarationdu iutur une ' valeur de Trenteun hiiià cinq cents francs. (paragraphe3o). Un titre de deuxcents francs de rentd cinq cinq-pourcent au porteur, sur le trésor public de Fran.e,Ào 467Si-- représentgnt...une valeur de Trois mille'huit centsfranés. (para- graphe4o). Un autre titre de trente francs de rente c'inqpour cent, au porteur, sur le trésor public de France,n" 129744- reirésen- tant... unevaleur de cinq cent soixantedjx francs" (Archivesde l'étude de MdLhuillier à Lorquin,pages 2 et 3).

tï)'

'À -L79-

Françoiswagner, parti pour NewYork en 1.850,rentre à Montbronn deuxans plus tard. I1 a I'intention d'y "cu'ltiverson petit bien et montreà tout venantune pépite qu'il sort de 1a pochede songilet,, (42), ce qui lui vaut, à n'en pas douter,un certajn succès. 'leur Quantaux Munier-Pugin de Gerbéviller, aventurecalifornien- ne se terminemal. Peuaprès leur arrivée à SanFrancisco, Edouard, 1e plus jeune, contractela dysenterie.Trois mojsplus tard c'est le jeune Chanalqui les accompagne,qui doit aller se fajre soignerà I'hôpital. A la fin de l'annéec'est au tour de leur deuxièmecompagnon, le vétéri- naire CharlesGadel, d'être hospita'lisé.En août 1851la famille apprend le décèsd'Edouard qui "a succombéaux privations, aux fatigues loin de France"(43). Deuxmois p'lus tard victor est de retour en Lorraine. "Il a passé unejournée à Nancv/iou\7 y faire fondre son or et I'envoyerensuite à Paris pour le faire titrer puis vendre.Il en a rapportéun peuplus de 400grammes qui, purifié, lui donne.u,tuuprix de 3 fr 10 le gramme,ên- viron douzecents francs". Gadelqui est rentré avecVictor est toujours gravementmalade, i1 souffre "de la fièvre intermittentequi ne I'a po'int quitté depuisPanama" (44). Enfin au débutde rtovembreVictor meurt. "Il ne se consolait pas de la mort /âe son frère7 dont il se jugeait un peuresponsable... Il supportaitdifficilement 1a penséeque tant de fatigues, de misère,de souffrancesavaient été enduréesen pureperte... Lui-mêmeloin d,avoir pu revenir en Francepour jouir d'unefortune pénib'lementamassée devait travaiIler de ses mains"(45).

(a2)ADMos J. 6243.

(a3)Lettre de JulesMunier-Pugin à son neveu Auguste Mathieu,22.8.LBSl, citée par G. Richard,op. eit., p. 415 (44) Lgltre d'Augusteà GabrielMathieu, neveux des émigrants,15.10.1B5l TD,LA.

(45) rbid., 6.11.1852 -180-

Conclusion

En débutde périodeet jusqu'à I'arrivée en Francede la nouvel- le de la découvertede l'or en Californie, ce quesavent 1es populat'ions rurales lorraines du NouveauMonde est fragmentaireet déformépar 1es imaginatjonset la 1égende.La presses'intéresse rarement à I'Amérique et quandelle le fait c'est trop souventpour rapporterdes événements qui aioutentau mystèrequi planesur le pays.L'enseignement des maî- tres de village n'est pas, lui nonplus, d'un grandsecours et les infor- mations1es plus nombreusessont, finalement,fournies par les autorités qui se donnentbeaucoup de mal pour présenterl'Amérique sous un aspect aussi rébarbatif que possible. La ruéevers I'or provoqueun immenseregain d'intérêt non seule- mentpour l'état où I'on trouve le métalprécieux, mais aussi pour 1es autresrégions de I'union. Mais, pourdes populatjonscampagnardes mé- fiantes à 1'égarddes avis de l'administration,souvent illétrées ou in- capablesde comprendrela langueofficielle, 1esrenseignements 1es plus crédibles viennentdes émigrantseux-mêmes, sous forme de lettres en- voyéesaux familles et de témoignagesdirects de ceuxqui sont de retour dansleur village natal. Lesexemples de la réussitedes unset de l,é- checdes autres influent directementsur le comportementdans un sensou dansl'autre. Le fiasco deschercheurs d'or ruinés incite à la prudence et à la circonspection,tandis que l'aisancede ceuxqui rapportentun argentpatierment économisé montre aux insatisfaits unevoie possible vers un bien-êtrequi n'est, tout comptefait, pâs inaccessjble. CHAPITRE3

LE VOVAGE"r. Agentsd'émigration La traversée Destinations -I82-

Lorsqueles émigrantsont satisfait à toutes les formalitésque I'administrationleur impose,lorsque les dernjèreshésitat'ions ont été vaincues,le momentest venude rompreles derniersliens qui les ratta- chentà leur terre, leurs parents,à des habitudesancestrales, à un modede vie que la plupart ne retrouverontplus. Ainsi, "Cesmalheureux, note 1e préfet de la Meurtheen 1817, vendentleurs propriétés"(1), avantde dire adieuaux villages de I'ar- rondissementde Sarrebourg.La mêmeconstatatjon est faite, mot pour mot, à 1a préfecturede Metzsous la Monarchiede fuillet : "Cesmalheu- 'leur reux vendentleurs propriétés,réalisent en capitaux petite fortu- ne, et partent avecfemme, enfants et bagages,et vont chercheraudelà desmers, une aisance qu'i'ls ne sont pas sûrs d'y trouver" (Z). Les isolés, cé'libatairesou hommesmariés, se lancentdans une entreprisebeaucoup moins difficile. Les enfantset les gros bagagesne ralentiront pas leur marche.Les premiersabandonnent parfois leur part de l'héritage familial, conscientsqu'ils sont d'améliorerpar ce geste, commepar leur départ, la situation de ceuxqui restent (3). Les seconds espèrentque'la séparationsera aussi courte quepossible, mais certajns d'entre eux ne reverrontpas leur famille (a).

(1) Lettreauministre de 1aPolice, 19.3.1817; ANF7 6138.8.

(2) Lettre sous-préfetde Sarreguemines,19.3.1833 ; ADMos76/89 14 I bis.

(3) JeanAntoine lÈue, de saint-Quirin, renonceainsi à_sapart du patri- moinede famille et fait un "entier abandonde l3es7 droits" (têttre à son frère, 18.5.1802) 'l'Hospitalier (4) L'exempled'Eugène est, à cet égard,particulièrement dramatique.Menuisier à Gondrexangeoù il est-néen 1832,'le jeune lornmeépouse en 1860la fille d'un aubergistede Horrnarting.-Deuxen- fants naissenten ùlai 1861et hovembre1862. Eugène émigre èn octobre 1863et s'établit à saint-Louis(Missouri).Le 2z juil lét 1go+une lettre arrivée d'Amériqueannonce son décèsaccidentel survenu le 5 juillet. Il :'qst noyé"dans 1a rivière du Missourien s'y baignant, son corps a été entraînépar les eauxet n'a pu être retrôuvé,-seuli ses vêtementsont été ramasséset rapportésà'la maison".sur 1e rap- port du vice-consulde Francele décèssera confirmépar un jugement du tribunal de Sarrebourg(16.12.1868) et la veuveépôusera un-culti- vateur de Saverneen janvier 1869.Par contre, LéontineRégnier, de vitry, accompagnéede-lg_f i.l le Marie5 a1s,-rej.gint.ron ruçi. à.San Franciscoen oôtobre1865, huit moisaprès'1e ëépâit-aé ëôrui-cr. (Etats nominatifsdes passeports,1B6L-1866, ADMI,| 234). -183-

Souvent1e passagemaritime a été payéavant même 1e départ de Lorraine. Il suffit de s'adresserà l'un des agentsdes compagniesde transportinstallés dans1a région (5). 0n a vu combienles autorités surestimaientf influencede ces agents,alors qu'ils s'intéressaientavant tout à uneclientèle alle- mandedont ils guettaientles convoisà la frontière. Leurnombre et'leur implantationvarient au coursde la période qui nousintéresse (6). Sousle SecondEmpire, les agencesdoivent être autorjséespar 1e gouvernementet elles sont soumisesà caution, car 1a législation qui réglementeleurs activités se préciseet se durcit au coursdes années(7). En 1856i1 y en a sept dansle seul port du Havre, uneà Bayonne,une à Bordeauxet uneautre à Dunkerque(B). Celles du Havreemploient, sur les frontières de l'est des sous-agentsà qui elles donnentprocuration (9). A la mêmeépoque deux de ces commissont éta- blis à Phalsbourg,il y en a un égalementdans le village tout prochede

(5) JeanRemer, de Grostenquin,qui do'it partir le 23 mars1855, n'a pas encoreobtenu son passeportle 2L, ce qui motive une lettre du mairede sa communeau préfet dans'laquelleil fait remarquerque, si le passepotI'arrive pgs à temps,Remer "perdra res frais de pas- sagequ'i1 a déjà payés".(Lettre du 2L.3.1855; ADMos106 M 2). (6) Les premiersà être signalésauraient provoqué l'émigration d'habi- tants du cantonde volmunsterau débutde ventôseAn xI vers la Bavière.Parlant du duc, le capitainecommandant 1a gendarmerie rllron de la Moselleaffirme alors ' assuremême qu'il a-descommissai- res établis-à Riedelberg".(Lettre au préfet,-12ventôse An xI ; ADMosS9Mlbis). N.B. : Riedelbergse trouveen territoire bavarois,en face du vil- lage français de ,canton de Volmunster.

(7) Décretdu 15 janvier 1855,titre l.er, articles 4 et 5.

(8) Liste des Compagniesou Agencesautorisées à entreprendrele recru- tementet le transportdes Emigrants.Origine:Min. de l'Intérieur, LL.7.1856; ADV15 M 50.

(9) Décretdu 15.1.1855; titre Ler, art. 6. -184-

Saint Jean-Kourtzerode(10). Toujoursdans la Meurthe,les maisons Chrystieet Finlay et d'autresmoins importantes sont représentées,de 1865à 1870,à Sarrebourg,Phalsbourg, Saint Jeanet Nancy(11).Les mêmesmaisons possèdent des antenneségalement en Moselleà Metz Bitcheet Forbach(12). cette dernièrevjlle, située sur la frontière, a en L84zdéjà, un agentde la firme Emerson"pour traiter du passagedes émigrantsvers les Etats-unis"(13), et A. Hje1m,négociant et propriétaireau Havrea installé des commisà Wissembourget à Sarrebruck(14).

(10) Jules Carendaset AlexandreBender (Phalsbourg) ; Moutier(Saint- Jean) ; réponseà une demandedu sous-préfetde Sarrebourgdu 2.6.1855; ADMos,Phalsbourg, E Suppl.544 (2 I 2). (11)ADMM6M2B8. Pfeiffer : représenteFinlay, Sarrebourg('lettre du préfet au sous- préfet de Sarrebourg,26,7.1865) - Ch. Liebig, Sarrebourg,représen- te Chrystie(Min. de l'Intérieur au préfet, 9.12.1865)- Chmitelin, représenteP. Colin à Nancy(lettre du Min. de l'Intérieur au préfet, 28.5.1866).Le sieur Benderfils représenteChrystie à Pha'lsbourg (Min. au préfet, 28.8.1867)- RenéOdinet a donnéprocuration à Pierre Adriant pour le représenterà Kourtzerode(Min. au préfet, 1.2.1869)- A. Martin, Sarrebourg,représente Chrystie (8.8.1870).

(12) Méjal, propriétaire à Bitche, y représentePaul Colin ; à Metz, son agentest Fleury, directeur des messageriesimpériales et à Forbach Six, négociant.(Min. de l'Intér'ieur au préfet de la Meurthe, 28.5.1866; ADMM6 M 288). (13) Lettre du préfet au ministre de l'Intérieur, 28.7.L842; ADMos89 M I bis.

(1a) .L.ettfgde 4._Hjgl1,n" 91 Quaid'0rléans, Le Havre,au préfet de ta Moselle,20.5.1841 ; ADMos89 M 1 bis. Entre 1857et 1862le nombredes agencesautorisées sur le territoi- re français varie.entre22 (L862)èt ge (1861).Celle de Wissembourg paraît avoir existé pendanttoute cette fertoâe, et une autre a été- créée à Rouffac! (Haut-Rhin)en 1960. (nbsN6 t4i,zozg, Rappontsà son EæeelLeneeLe Ministre de LtrnténieL4nsur L,émigz,atioï, paris, 1859,1861, 1863). -185-

La concurrenceentre les différentesmaisons est acharnée.Les agentsdes firmes Hjelmet Barbequi opèrentà la frontière franco- allemanderecherchent la protectiondes autorjtéspour s'attirer le plus possiblede clients I'un au dépensde I'autre. En avril 1841Hjelm qui n'a pas de représentantdu côté français, en Mose11e,avise le commis- saire de po]ice de Forbachqu'i1 a "quatrenavjres américains à rem- p1ir... pour NewYork et deuxpour la NouvelleOrléans" (15).Six semai- nesplus tard il se p'laint au préfet de la Moselledes procédésmalhon- nêtesemployés par son concurrentenvers les émigrantsallemands et du monopoleque "vouset M. le Mairedu Havreaccordez à MonsieurBarbe', (16). D'autresracoleurs opèrent d'une manière beaucoup moins officiel- 1e, par exemplesous la Monarchiede Juillet. Ils sont à la solde d'un particulier qui, ayantacquis des terres en Amérique,prétend 1es peu- pler avecdes colonsengagés dans une régionbien précise. C,est ce que tente de faire un certain Merian,propriétaire fortuné des environsde Sarreguemines.Pour susciter les vocations,i1 n,hésite pas à payertrois souspar lieue jusqu'auport d'embarquementà tous les émigrants(17). Castroagit de mêmeau débutdes années1840, et envoiedans sa colonie du ïexasdes émigrantsoriginaires du Doubset de la Lorraine(1g). Avantqu'une réglementation précise définisse leur rôle et limite leur champd'actioh, l'administrationconsidère ces recruteursd'un mau- vais oei1, et ce n'est pas faute d,avoir essayéque le préfet renonceà

(15) Lettre du 4.4.1841; ADMos89 M I bis. (16) Cf. note 14 supra. La libre concurrencen'existant pas, d,après ggtPg 'Oes'prix l,auteur, la maison en profite pour pratiquer nettementprofriUltifs, aus- si bien sur les tarifs du passageque sur cerui de la nourriture. (17) Lettre du Commandantde la GendarmerieRoyale de la Moselleau pré- fet, 2.4.1828; ADMos89 M 1 bis.

(18) Dépêchedu chargéd'affaires de Franceau Texas,31.1.1g43,citée par le Min. de I'Int. dansune lettre au préfet du Doubs,â0.3.1g43 ; ADSM6 t4P2028. -186-

faire arrêter Merian(19).Quelques années plus tard, 1'un de ses pré- deceSseursavait mis fin aux agissementsd'un nOmméBonati, Qui avec I'aide d'un acolyte,Merveilleux, exerçajt ses talents dansla régionde Sarreguemines.Mais sous les verrous,Bonati devait être libéré après paiementd'une caution et s'établir à Sarre-Unjon(20). Pendanttoute la périodeétudiée on trouve desmentions de ces agentsrecruteurs d'émigrants. En 1828,1e préfet de la Mosellefait ré- férence, sans les nommer,aux "agensque différentes compagniesaméricai- nesentretiennent en France"(21). SelonJ. Houpert,un certain JosephKieffer parcouraitla Lorrai- re, l'Alsace et la région rhénaneà partir de 1820pour envoyer des co- lons dansles territoires queVincent Leray voulait mettreen valeur dans l'état de NewYork (22), et un certain Bettinger, "agentprincipal" au Havreen 1834,entretenait des sous-agentsà Forbach(M. Blum)et à Pétrange,près de Boulay(M. Viville) (23). Le rôle de ces représentantses['d'aiguiller les émigrantsvers les naviresque leurs maisonsdu Havreont à leur consignation,d'encais- ser le prix du passageet, le cas échéant,le montantde la nourriture fournie au momentde l'embarquement,Après 1855, ils sont tenus de procu- rer à leurs clients une copie de leur contrat, ou, à défaut de ce docu- ment,un bulletin précisantl'identité du voyageur,le lieu de destina-

(19) Il contacteà ce sujet le procureurdu Roi à Metzpour se concerter aveclui "pour 1espoursuites qu'il pourrait y avoir à exercercon- tre le Sr Merianqui provoqueles émigrationsle!/ contre tous au- tres individus qui chêrcheraientà trômperles-sûiets du Roi et à . les entralner'loin de leur patrie par l'appât de faussespromesses". (Lettre du 22.4.f828).Le procureurne croit pas devoir poursuivre Meriancar, non seulementles promessesqu'il a faites ne sont pas prouvéesfausses, mais il n'a extorquéaucun argent aux habitants qu'i1 a recrutés. (Lettre du 26.4.1828,ADMos 89 M I bis,)

(20) En 1832.A. Gain,op. cùt., p. 22.

(21) Circulaire du 30.4.1828; RecueilAdminietratif, Moselle, 1.828, p. 177.

(221 J. Houpert, "Lorraine en Amérique",Cahiere Satregueminoie, îo 5, Juin 1967.

(231 lndépenilsttde La MoeeLLe,22.12.1834. -187-

tion et les condjtionsdu transport(24). Il s'agit 1à d'unemesure destjnéeà éviter l'escroqueriequi consistait à vendreun passagesur un bateauqui n'existait Pas. Munisde ce titre, de leur passeportet de leurs économies,les émigrantsse mettenten route. I'ls partent souventen groupe,on l'a vu, comprenantdes parentsou connaissancesdu village ou des autres communesdu canton. Deuxtiers deSfemmes voyagent de cette façon ce qui n'est le cas quepour trois horrnessur dix. Ils ne sont pourtantpas à I'abri au coursd'un voyage'longet auxpéripéties inattendues (25). En 1833,le préfet de la Moselleles met en gardecontre "des escrocs qui, depuisquelque temps, s'attachent /âux pas desémigrantsT pour abu- ser de leur inexpérience"et les dépouillerde leurs biens (26). Au coursde l'année, le maximumde départss'observe pendant deux périodesprivilégiées. La premjèreva de février à avril, la seconde d'août à novembre.Les deuxépoques restantes, mai-juillet et décembre- janvier sont, par contrejugées beaucoup-'moins favorables, elles corres- pondenten effet à'la périodela plus froide et à celle où on trouvede l'ouvrageaux travauxdes champs(27).

(24) Décretdu 15.1.1855,titre ler, article 7. (25)Tour les Lorrains ayanteffectivement quitté le port du Havrepen- dant l'année 1848,la duréemoyenne du voyageentre l'obtention du passeportdans leur départementet la délivrancedes visas d'embar- quementest de 9,29 jours (noncompris les deuxchiffres extrêmes: 2 jours et 11 mois).

(26) Circulaire du 25,6,1833; RecueilAûniniatr'atif, Moselle, 1833, ' p. 1s2-53). En 1857,un Sr B'lumrançonne les émigrantsallemands à la frontière. (Lettre du préfet au présidentde la régenceprussienne de Trêves; 11.4.1837; ADMos89 M 1 bis). (27) Ce que confirme une note du commissariatdu Havre: "Commetou- jours à 1'époquedes travauxde la moisson,le courantse ralentit ; maison doit s'attendreà lui voir prendreune grande activité vers le moisde septembre",(Note concernant l'exercice 1864-65,s.d. ; ADSM6 l4P2029) et A. Legoytqui a noté, en Francecomne au Mecklem- bourg, "deuxmanima tombant, si ce n'est dansle mêmemois, du moins à peuprès dansla mêmesaison", au printempsou en automne. (A. Legoyt,op. eit., p. 94). -188-

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Beaucoupd'émigrants font probablementle voyageen voiture. Dès les années1830, les Allemandscommencent à utiliser 1e port du Havre -- en concurrenceavec celui de Brême-- pourquitter l,Europe(28). A la mêmeépoque, les installations du grandport français sont agrandies pour permettrel'accueil des navires chargésde coton en provenancedu sud desEtats-unis. Le cotonest transportépar voie de terre jusqu,aux usines des Vosgeset d'Alsace. "Le prolongementde cette route commercia-

(28) Otto Hiibgr,-da!!,Iahrbuch fiir 7859,signale qu'au cours de la pério- de 1846-1858,40 % des Allemandsseulement s'embarquent dans lâur pays (Cité par A. Legoyt,op. eit., p. 9a-95). -189-

'le jusqu'à leur porte, écrit M. L. Hansen,exerça bientôt son influence sur les projets des émigrants.Les chariotsrevenant à vide de Bâle ou de Strasbourgau Havretransportaient des passagersqui acceptaientde voyagerlentement, alors que les personnesp'lus fortunées faisaient transporterleurs gros bagagespar ces voitureset empruntaientles dj- ligences,plus rapides"(29). D'autreslouent les servicesde voituriers locauxpour faire la route. C'est probablementpour cette rajson que NicolasGuettche, de Saint-Avold,se fait délivrer un passeportpour Le Havreen avril 1828(30).Cinq ansplus tard un journal local signale que "les émigrationsde la Lorraineallemande continuent: des convois' de trois ou quatrevoitures ont traverséMetz ces jours-ci" (31). Il est possibleaussi qu'uncertain nombred'émigrants aient utj- lisé, à 1'exempledes Allemands, leurs propresvoitures jusqu'au quai d'embarquementet que dtautres encore aient pris place à bord de péni- chesqui faisaient le trajet entre Paris et Le Havreet qu'i revenaient moinscher que les trois diligencesquofidiennes de l'époque(32). Maisce derniermoyen de transportest parfois uti'lisé par 1es émigrantsles moinsdémunis. Ainsi les frères Munier-Puginde Gerbévil- ler prennent-ilsla voiture des messageriesnationales, dans la cour de I'hôtel de l'turope à Nancyle 13 mars1849 à 6 heuresdu matin. Le ré- cit de leur voyagejusqu'à Paris ne manquepas d'intérêt :

(29) M. L. Hansen,op. cit., p.186. Theextension of this path of com- merceto their doorssoon affected the plans of the emigrants Freight wagonsreturning from Basel andStrasbourg to Le Havrecar- ried passengerswi 1l ing to travel the slowway, whi'le. persons with - moremeans forvarded their heavyhousehold belongings by - the freigh- ters, andthemselves used the môrerapid stagelinei.

(30) ADMosE. Dép.609 (Arch. Mun.de Saint-Avold,562) ; te motif indi- qué est le suivant : "pour y conduiredes voyageurs". H. Neucite le cas de cinq Alsaciensde Drachenbronnqui en 1835font le voyagedu Havredans 2 voitures, en 17 Jours. "Elsâsserund Lothringer als Ansiedler in Nordamerika",Jahrbuch der Eleass-Lothrin- gisehen uissenschaftLichengeseLlechaft zu Straesbvæg,t. 2, 1.930, p. 102.

(3Ll Indépendnntde La MoseLLe,29.4.1833.

(32) M. L. Hanseîtop. cit., p, 187. -190-

"Nousavons traversé Vaucouleurs, Void où nousavons déjeunérapidement... Nous dormions à moitié quand noustraversâmes Sajnt Dizier ; le jour se montraità peinequand nous arrivâmes à V'itry-1e-François.Vers I h 30 on prit le café à Châlons.Après avoir franchi la Marne,nous avons repris la route de Paris. Harassés par le voyage,nous n'apportions plus aucuneattention au paysage;je ne sauraismême dire les vi11espar où nousavons passé et la nuit tombaitdéjà quandnous avonsatteint Paris" (33).

Les deuxvoyageurs étaient arrivés à Nancyle 12 marsau soir par la diligencede Lunéville. Desfacjlités identiquesexistent à partir des autresvilles de Lorraine.En 1850,la diligencede Metzpour 1a capitale part tous les jours à 14 heures,été commehiver, et le trajet se fait en vingt heures (34), A la mêmeépoque on peut prendreégalement une voiture de La c7û- Lonnaisequi relie Metzà Châlons"en correspondancedirecte avecParis, Rouen,le Hâvre,Rheims,.." (35).0n ariive facilementà Metzen emprun- tant les nombreuses"lignes" qui aboutissentaux auberges de la rue des Allemandset de la rue Mazelle.Des relations quotidiennesse font avec FaulquemontrSarralbe et Forbach,hebdomadaires avec le Paysde Bitche. DeBoulay et Salnt-Avoldpartent respectivement28 et 17 diligencespar semaine,pour ne parler quede la Mosellede l,est. Plus tard, la créationdes lignes de cheminde fer procureraaux voyageursun moyenp'lus comrnode de gagnerParis, puis Le Havre.Nancy- Paris est ouvert en Juin 1852,deux ans aprèsMetz-Nancy. Le parcours Metz-sarrebruckest inauguréà la fin de 1852.De Paris au Havre,le train metmoins de sjx heureset cette ligne fonctionnedepuis le début de 1847(r01.

(33) Cité par G. Richard,op. cit,, p. 400.

(34) Il g'ag!t des voiturespubliques de I'administrationdes Messageries Nationales.

(35) Verronais,Almanach dea Postea, Metz, 1850. (36) Cournierde La MoeeLLe,22.3.1847. L'inaugurations'est faite le 20 marset "les 110 lieues d'aller et retour ont été parcouruesen moinsde 12 heures". -191-

Mais les prix sont élevés, ce qui motiveune protestation du ConseilGénéral de la SeineMaritine en 1869.En effet il croit savoir quece sont les tarifs pratiquéssur le réseaufrançais qui conduisent de nombreuxAllemands à préférer les ports de Brêmeou de Hambourg, "malgréles fatiguesd'une traversée d'au moinsdeux jours, toujourspé- nible" (37), et il "réitère formellementle voeuque 1estarifs des che- minsde fer subissentune diminution, afin que1a ville du Hâvreretrou- ve l'élémentimportant de commerceet d'industrie qu'i résultait poure11e du transportdes émigrants". La po'litiquedes compagniessemble avoir été différente au cours des années1850. Comprenant l'intérêt économiqueque représentele pas- sagedes émigrants sur le territoire français, elles leur consentent d'importantesréductions sur leurs lignes (un tjers à 50 %), allant mê- mejusqu'à organiserdes trains spéciauxau printemps(38). Les conlnissairesà l'émigrationdu Havrearrivent, d'ailleurs, auxmêmes conclusions et recommandent,comrne les élus, des mesurespro- pres à encourager1e passagedes émigrantsdans leur port :

"Ce transit est, en effet, pour dlfférentes branches d'industrie, la sourcede bénéficesconsidérables ; de 1850à 1854,le nombredes émigrantsétrangers qui se sont embarquésau Havre,a atteint 40,000à 50,000, ôn- néemoyenne... 0r, en prenantce chiffre pourbase, et en évaluantà 200 francs la dépensede chaqueémigrant en France,leurs frais de contrat, de.transport et d'a- chats divers, on obtient unesomme de huit millions de

(37) ADSM6 MP2029.

(38) M.L. Hansen,op. cit., p. 291. Avantmême l'apparition des cheminsde fer, le maire du Havre, ayantà coeur'la prospéritéde sa ville, avait entrepris des dé- marchespour que les autorités assouplissentles règlementsappli- qués auxAllemands à leur entrée en France.Selon lui les sommes que l'on exigeait d'euxétaient exhorbitantes."Si l'émigrational- lemandevenait à éprouverdes entravessérieuses, concluait-il dans une lettre au préfet de la Moselle,il en résulterait un granddé- savantagepour les diversescontrées de la Francequ'elle trgverse, et aussi pour le port du Havre, les étrangersversant une assez grandequantité d'argent comptantdepuis leur entrée en Francejus- qu'au point d'embarquement".(Lettre du 18.8.1836;ADMos 89 M I bis). -r92-

francs, qui se répartit entre les cheminsde fer, 1es agenceset les industriesdu Havre,Ce n'est pas tout, les émigrantsprocurent 1e chargementde près de 200 naviresqui, à défautd'autre fret, seraient 1e plus souventobligés de retourrnersur lest aux Etats-Un'is: ce qui ferait pesersur les marchandises(matières pre- mières,coton, céréales,etc.) importéesdes Etats-Unis le doublefret d'aller et de retour. Il y a donclà un grandintérêt conmercialet industriel qu'il convient de ménager"(39).

Les autoritésdu Havreont toutes raisonsde s'inquiéter car, sansparler de la perte desémjgrants allemands, quelques documents at- testent qu'il existe dansles années1860 une voie qui mèneles émigrants vers le port d'Anvers.Les Suissespar exempleprennent un train à Strasbourgdans la soirée, changentde voiture à Nancy-Frouardavant de prendrela direction de Luxembourgvia Metzet Thionville (a0). DesLorrains empruntentsans doute le mêmechemin. Il est proba- ble, en outre, qued'autres se dirigeni vers un port hollandais,peut- être en descendantle Rhin, car à plusleursreprises le commissairede police de Strasbourgvo'it passerdes émigrantsf,rançaie, selon lu'i sur- tout originaires de l'Arrondissementde Sarrebourg,munis de passeports à f intérieur (41). Au cours des deuxdernières décades de la période, le premiercon- tact de nombreuxémigrants avec Le Havreest la gare. Demai à décembre 'le 1868par exemple, train de 6 h 45 du matin en provenancede Paris dé- verse 2 375 voyageursen route pour les Amériques(42).

(39) napport à son Eæeel'LeneeLe ministre d.e LrIntérieu? su? L,émigration, Paris, 1859, p. 11.

(40)-Kèttréôu miniitré de l,Intérieur aupiefèÙ de ià Meurrhe,31.9.i.864 ; (A0t446 M 288)

(41) Les italiques sont du commissaire; lettres au préfet de la Meurthe, 25.9. et 25,11.1865; Ibid. (42) Rapportsquotidiens ou hebdomadairesdu commissaireprincipal du Havre,mai-décenbre 1868, ADSM 4 MP300. -193-

Ceuxqui arrivent par 1a route, surtout dansles premierstemps, tombentaux mains de "sous-courtiersdont les fonctionsconsistent à aller à la rencontredes nouveauxarrivans jusqu'à Honfleur, jusqu'à Bolbecet plus loin encore,à les accosterdirectement ou indirectement, par ce moyenils tâchentde les conduiredevant leurs maîtres, à I'effet de tralter aveceux pour 1e prix du passageet celui desvivres" (43). Lesplus chanceuxsont ceuxqui trouventun navire à quai, prêt à lever I'ancre. Ceuxqui se rendentsur 1e port à la fin du moisd'août 1836ont l'embarrasdu cho'ix,six bateauxaméricains en effet se trou- vent en chargeà la consignationde la seulemaison Ch. Lemaître; trois vont à NewYork, deuxà Baltimore,un à La NouvelleOrléans. Le Boz.eas, à destinationde NewYork, doit embarquer139 passagers (44). Maissouvent les bassinssont vides et commencealors une attente qui peut durer plus'ieurssemaines (45). Quefaire dansI'attente de l'em- barquement? Il est peu probableque les émigrantssoient tentés, comme les passagersdes trains de plaisir de l'époque,par le tourisme.Pour- tant certainesdescriptions du grandport ne manquentpas d'attrait. En 1860,à en croire J. Morlent,"Le Havreest un quartier détachéde Paris, plus 1a mer, plus le mouvementmaritime et commercial...qui porte avec soi un caractèred'étrangeté, de grandeuret d'animationdont le touris- te est frappétout d'abord"(46). En outre, le littoral qui commenceà la jetée nord jusqu'auvillage de St Adressecompte plus de cinq établis-

(43) T. B. Bittinger, Guidedes émignantsau.æ Etats l)nis, Le Havre, 1834, p. 31.

(44) Lettre de Ch. Lemaîtreau préfet de la Moselle,24.8.1836. Lettre du capitaine Taylor, commandant\e Boreasà Lemaître& Prince, 12.8.1836.ADMos 89 M 1 bis.

(a5) La dépense,se'lon un préfet, "s'accroît de celle quenécessitele séjour long-tempsprolongé dans un port de merpour attendrequ'un vaisseaumette à la voile..." RecueiLA&ninistratùf, Moselle, 1832, p. 129.

(46) M. J. Morlent, Guide touristique du Haoyeet de ses enuirons, Le Havre, 1860, p. 18. -194-

sementsde bains maritjmesà la dispositiondes amateurset où les Havraiset les étrangers"viennent périodiquement fajre leur ablutTon saline". La vi11egrouille de voyageurschargés de lourdsbagages et res conversationsentendues au hasarddes rues pourraientla'isser croire qu'on est à Brêmeou à Hambourg.Le commercedes marchands,aubergistes et agentsd'émjgration est florjssant, ma'isces grandsrassemblements populajresinquiètent souvent les autorjtés. En 1830,selon le Ministrede l'lntérieur, de nombreuxBado'is et Wurtembergeoissont contrajnts de rentrer dansleur paysfaute de res- sourcessuffisantes pour payerleur passageen Amérique.L'administration française se voit forcée de leur octroyer des secourspermettant leur re- tour jusqu'à la frontière, car elle a le soucide préven'ir,,lesdangers attachésà la réunionsur un mêmepoint d'un grandnombre d'individus sansressources... et que la mjsèrepourrait porter à de gravesextrémj- tés" (47). DesMosellans se trouvent, alors, dansla vil1e, on l,a noté. Deuxans plus tard'le port est te'llementencombré d'émigrants né- cessiteux,toujours aux dires du ministre, guêla vjlle elle-même,'cher- cheà les repousserle.plus possiblede sesmurs', (48).En 1g33il se trouve non seulementau Havre,mais aussi à Rouen,"un certain nombrede familles alsacienneset a'llemandesqui se sont renduesdans ces deux villes avecl'intent'ion de passeren Amérique",et qui se débattentdans unesituation pénible (49). Cesexemples, utilisés pourmettre en gardeles Lorrainsdécidés à érnigrer,sont parfois démentis.A. l{jelm,agent d'émjgration au Havre affjrme ainsi que"les Emigransallemands qui quittent leur payssont

(a7) Lettre au préfet de la Moselle,17.7.1830 ; ADMos89 M 1 bis. D'où la miseen place d,un règlementsévère appliqué aux frontières commedans la circulaire ministérielle de 1836.

(48)Lettre au préfet de la Meurthedu 5.5.1832; ADMM4 M234. (4e)RecueilAdministnatif, Moselle, 1833; circulaire du 2s.6.1g33con- cernant1es émigrations pour l,Amérique,p. LSZ. -195-

généralementaisés l6t/ ne se rendentjamais en paysétranger qu'avec la boursep1eine". Poursuivant dans sa lettre au préfet de la Mose11e, il distjnguedeux espèces d'émigrantsn 1es Allemands, nantjs de ressour- ces suffisantes(50), et les Françaisqui "traversentla Francesans être inquiétéset arrivent commeaujourd'hui souvent dans un dénuementcomplet, espérantde trouverpassage par p'itié" (51).La cjrcutrairede 1836est, toujoursselon le mêmecorrespondant, inique en ce qu'e1lene fait aucu- ne distinction entre les deuxcatégories d'émigrants, en effet "elle em- pêchep'lutôt qu'e1le ne favorise l'Emigrat'ionAllemande, et ne peut ja- maisdéfendre les Alsaciensd'arrjver en Masseau Havre,étant Français" (52).Mais Hje'lmdéfend ses intérêts d'agentd'émigration dont les meil- leurs clients v'iennentd'Allemagne; il n'est sansdoute pas plus objec- tif que1es représentants de l'administration. Quoiqu'il en so'it, les émigrantsréduits à implorerla charité (53) continuantà imposerleur spectacleaux Havrais, une tentative est faite en 1850pour collecter des fondsdest'inés à venir en aide au plus nécessiteux.Le maireet 1e présidentde la Chambrede commercecroient trouver unesolution originale qui consisteà percevoirun franc sun cha- quepermis d'embarquer délivré auxémigrants étrangers (54). L'autorisa- tion du ministre de l'agriculture et du commercen'étant pas accordée (55), il est fait appel"aux maisons de cette ville qui s'occupentdu

(50) En fait, parceque ceux qui n'avaientpas le souétaient refoulés à la frontière.

(51) Cf. note L4 supra. (s;21rbnd.

(53) "Qu'ils fatiguent et épuisent",note le rajnistreen 1830.Cf. note 47 supra.

(54) Lettre du 23.8.1850du présidentde la chambrede commerce, lettre du 26 du mêmemois du maire,mentionnées par le ministre de 1,agri- culture et du corffnercedans une correspondanceadressée au préfét dt: la Seine Inférieure du 20.11.1850; ADSMG t4pZ0Zg 'la (55) selon le ministre, perceptionet la gestionde cet argentne peut entrer dansles attributions de la chambrede commerce. -196-

transportdes émigrantsaux Etats-Unis". Alors qu'enjanvier 1851Le Havrese trouve"peup]é d'émigrants 'l sansfeu ni I ieu et dans1a plus profondemisère',, ,adminjstrat jon mu- nicipale sollicjte et obtient le concoursde quelquesunes de ces mai- sons.Les 50 centimesqu'elles versentpar émigrantembarqué servent à alimenterun fondsdans lequel on puise, soit pourrapatrier, soit pour faire passeren Amériqueceux qui se trouventsans ressources. Majs cet- te solut'ionest vite abandonnéeà cause du refus de certainesfirmes de part'iciperet "jl fut pourvuà l'embarquementdes Emigrantsdélaissés au havreet à Cravjlle, au moyende fondsde secoursalloués par 1e dépar- tement,de subventionsversées par les consulset de diversesautres co- tisations" (56). Plus tard, lorsqu'uneapp'lication stricte de la législation aura fait disparaîtreles émigrantstotalement démunis, le problèmequi se poserasera celui posépar ceuxqui, revenantd'Amérique,,sont arrêtés au Hâvrepar sujte de l''impossibilitéoù ils se trouventde payerleur voyageà travers la France"(57). D'où la suggestiondu ministre d,jn- terdire avecplus de rigueur leur débarquement. Pourles mêmesraisons, i1 recommandequ,on ,,réintègre purement et simplementà borddu navire qui les aurait apportés,'les émigrants infirmesou malades(58). Dansla ville du Havre,i1 arrive que1'épidémie s'abatte sur ces rassemblementsd'émigrants. C'est ainsi qu'en1.g32 un grandnombre sont victimesdu choléra,et, dansles villages de la régionoù ils se sont réfugiés, "leur réunionest regardéepar les habitantscomme un foyer d'infection" (59).

(56) Lettre du sous-préfe!du Havreau préfet de Seine-Inférieure, 29.1.1851; ADSM6 t4PZ0ZB.

(57) Lettre du ministrede l'lntérieur au préfet de Seine-Inférieure, 17.10.1855; ADSM6 t4P2028. (58) Mêmeorigine, mêmedestinataire, 13.12.1855; ADSM6 Mp202g. En cela il ne faisait que reprendreune réglementation identique mise en applicationpar les Américains. (59) Lettre du ministreau préfet de la Meurthe,5.5.1832 ; ADMM4 t4 234. -L97-

Mêmeen bonnesanté, 1es voyageursen quêted'un embarquement ont à faire face à des djfficultés multiples. Les contestations,remar- que 1e ministre, sont monnaiecourante entre aubergisteset émigrants. Cesont, naturellement,1es seconds qui sont toujours lésés, maiscomme les sommesperdues sont presquetoujours peu importantes(même si cette perte est "sensibleà l'émigrant")et que, de p1us,1e tempsmanque pour arriver à unesolution avantleur départ,1espr"éjudices subis sont sou- vent jrrémédiableset, soulignele ministre, 1e fait d'aubergisteset de logeursd'émigrants qui sont "desétrangers offrant peude garantiesmo- rales et pécunia'ires"(60). Cesconflits qui nuisentà 1a réputationde la v'ille sont si gê- nantsque le maireprend un arrêté destinéà "sauvegarderles intérêts desémigrants qui viennents'embarquer dans cette ville" (61). Le but de la nouvelleréglementation est de soustraireles émigrantsle plus sou- vent orjginaires de la campagneet qui ne parlent pas la langueaux tra- casseriesde ceuxqui en veulentà leurs biens. Ainsi 1esgarçons d'hô- tel devront-ils être agrééset munisde certificats de bonneconduite, de probjté et de moralité (Article 2 de l'arrêté). Il leur est interdit d'importunerles voyageursrguê ceux-ci arrivent par merou par terre, et de monterdans les vojtures (Art. 5). Les aubergistessont tenusd'afficher les prix qu'ils prat'iquent, en français et en anglais (Art. 3 et 4) (62). La salubrité dansles éta- blissementsétant I'un des soucismajeurs des autorités, elles imposent des normesen ce qu'i concernele nombrede lits par chambre,compte tenu de la surfacede celle-ci (Art.6) (63). DansI'intérêt des bonnesmoeurs,

(60) Lettre du ministre au préfet de SeineInférieure, 28.Z.1862; ADSM6 t4P2028.

(61) Arrêté du 16.6.1862; ADSM6 MP2028. (62) Cequi ne devait guèrerendre service aux Allemands qui constituaient uneécrasante majorité des émigrants!

(63) Exemple: unechambre de 4 m 33 à 5 m ne doit pas contenir plus de 6 lits d'unepersonne. -198-

I'article 7 du mêmearrêté prévoit l'utilisat'ion des lits selonle sexe et le degréde parentédes voyageurs(64). "Autantque poss'ib1e, peut- on y 1ire,1es jeunesfilles et les femmesseules, les fami11es,les honrnesseuls devrontêtre logésdans des chambresou dortoirs séparés". En tout état de cause,"1'aubergiste sera tenu de prendretoutes les me- suresnécessaires pour séparerces trois catégoriesd'indivjdus et d'as- surer le ma'intiende la décence"(65). Les logeurset les agentsne sont pas 1esseuls à essayerde pro- fiter de la naïvetédes ém'igrants. En 1842par exempleun vosg'ienet plusieursfamilles d'Alsacienssont vjctimesde la cupjdité de fonction- naires pourtantchargés de leur protection.André Garnière, tisserand à Neuvillersse voit en effet contrajnt, tout commele cult'ivateurBlind de Belmont(Bas-Rhin), de payer12 francs un passeportqui ne lui est mêmepas remis(66). Les deuxhommes déposent une plainte auprèsdu Con- sul du Roi à leur arrivée à NewYork (67). Lorsque1e départd'un navjre est annoncé,les ém'igrantsquittent des aubergesbondées pour aller s'entasserdans 1'entrepont (68). car les "chambres"sont tout naturellementréservées aux passagers de quafi- té (69). certains, infirmes,ou dont l'état de santéapparent laisse à

(64) Il ne pourra être mis dans_unmême lit ni plus, ni d,autresperson- nes que deuxfemmes ou une fenrneet deuxenfants de moinsde iO ani; ou un hommemarié et sa femme,ou un honrneet ses deuxenfants de moinsde 10 ans, ou 2 hommes (65) rbnd.

(66) Le passeportà l'étranger valait 10 francs.

(67) Rapportdu consutdu 13.1.1843; ADSM4 jtp 4767.

(68) L'impatiencede quitter la Francen'empêche pas certains de manquer . 1'appareil'lage.c'est le cas de paul Fi-ançoiinouittà, js àns, de Provenchères-sur-Fave(losge9) et de pierie Henry,tnuioÀ oÀ qg ans origiqaifg de (Moierie) qui -(23.10.1851) sont absents au momentdu dé- pgf!. de l'ALpltonsertricoLas cezand et de La Foi tiq.iz. 1851)pour San Francisco (A0St4 6 p'6 167et tOe). (69) A l'arrivée de la Duehessed'orLéans à NewYork en mai 1847(venant du Havre)un_,journal s'ignale I'arrivée de MM.st amant,Henry spe.iss, q. Herf, A. Mason,F. Houves,J. D. t,Jhitney,J.C. pettes, G. et A. Raye,et de 308 passagersd'entrepont. (ru-Couyrien des États-Itnis, 4.5.1847) . -199-

désirer, se voient interdjre I'accèsdes navirespar les cap'ita'inesamé- ricains qui refusentde courir le risque d'être mis à I'amendeà leur arrivée dansun port desEtats Unis (70). La périoded'attente, i1 faut le souligner,tend à s'amenuiserau fur et à mesureque 1eséchanges commerciauxaugmentent et que des lignes "régulières"se créent. Detels servicessont inaugurésdès 1822par 1esAméricains. Plus tard les Fran- çais feront deuxtentatives quj avorterontrapidement (en 1847et 1856), avantla miseen servicedu premierpaquebot transatlant'ique de la C.G.T. en 1864(1e Washtngton).Entre ternpsles Brjtannjqueset les Américajns exercentune suprérnatie totale grâceà la Cunardet 1a Collins Line qui assurent1a ligne avecdes voil'iers puis avecdes vapeurs (71).0n re- marque,de surcroît, qu'aucours des années1846-1854 les armateursfran- çais dé'laissentpeu à peu1es ports américainsde l'Atlantique pour San Francisco,(voirgraphique no 12 pagesuivante). Pendanttoute la duréede la période,€t, â fortiori, dansses premièresannées, la principale caractéristiquede la navigationtrans- océan'iqueest sa grandeirrégularité. Les nav'iresqui, dansle cas des émigrants,sont presquetoujours des voiljers, sont tributaires du temps, des courants,des chargementset personnene sait au juste quandse fera 1'appareillaged'un bâtimentà quai. Ainsi en est-il du Robent-Suncouf dont le départpour SanFrancisco est annoncépour'le 28 décembre1849

(70) L'amendede 300dollars était destinéeà couvrir les frais suppor- tés par l'état lorsquedes émigrantsse trouvaientà chargedès leur débarquement.(Lettre du Ministre au préfet de SeineInférieure, 13.12.1855..(ADSM6 t4P 2028). Cf . note 58 supra.

(71) En fin de période, les naviresde deuxcompagnies allemandes (Com- pagnieHambourgeoise et compagnie Brêmoise) assurent à elles deux 6 départsmensuels (1869) qui s'ajoutent auxdeux départs de la Com- pagnieAnglaise des quatre-mâts. En 1854,selon le JouvmaLdu Hapne,"]es relations conrnercialesde la Franceavec les Etats-Unissont desserviessurtout par 1a marine américaine..."(n" 3510.du13.7.1854, p. 2). -200-

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Naviresf ranÇaisarmés au Havreà des- tinationdes principauxports a m é r i- cains:l84C-1854

Graphiqueno 12 (Source:ADSM6P745)

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dansun journal messinparu le 2 janvier 1850! L,avjs quj est répété dansles numérosdes 24 et 28 du mêmemois stjpule ensuitequ,i1 ,'par- tira très-prochainement"(72). En fait ce trois-mâtsquitte Le Havrele 8 févrjer 1850seulement, soit avecun retard de près d'un mojset demi sur la date initialementprévue t (73). Il en va de mêmede 1d vesta, dont le départannoncé pour 1e 15 mars1850 puis pour le 31, met à 1a voile le 16 ma'i(74) et du Myosotisqui quitte Le Havre1e zz octobre alors qu'unjournal mess'indonna'it le 15 aoûtcomme date de 1'appareil- lage (75).

rl TnorsrDilE IrEpARl poun LÂ c,rl,rForlNtE. .' l!l[II{IrEr'!5 D'tDE-iD,] , , |'U l|fvn|i l)ouf Ëltù ItlANGnfCO, cn d1';riru1pr,lg m.rgniliquo nar ir.o oeuf, rJe p r.ernièr.o nra rchs ol ide.pQcniàfp classo: ilyo.oalq, rle 11000,tonno.ux do.portr;nlonlrpoo vaste.dunsltq.e! uu €plcepont.pour 30ù passoæqlP|dùçS -,-,., le f5 aoûl. I t,: ir,/;;,,. :..;... t,',.r, :. ,; rj.r,ili zivtt,r ,,'.f,4.pa1iro lnsàde,uno. rnaclrioe.disrillatoip ; ,qq ;nédÊfil oel dtocbdeu serr.icodu navire.,. , ,,.,,, ,i u,r.,rtitti,:.,,r', r: Eladærserfraocop à rarlrr,l-il;lT[éodrrç.qçgpf, rue.Beqgèær,9.,. ,, i ,....,..t.,tii,r rr at.,:,r.i,i(g?Stl*v,ib

Annonce parue dans l'lndépcndantda la |losallo (16et 24.7.1849)

8ibl. frlun.,tctz

0n imaginequelle pouvaitêtre la situation au lendemainde 1815! Plus tard, et surtout aprèsI'avènement de la vapeur,des progrèsseront faits, maispour les bateauxà voi'leempruntés par les émigrantsi1 y auratoujours une grande incertitude quantà la duréede la traversée,

(72) tndëpendantde La MoseLLe,Z, 24 et 28.1.1850.

(73) ADSM6 P 159. Le navire toucheà Valparaisole 5.jruin1g50 et débar- que.ses90 passagersà san Franciscole 14 août. cinq voyageurs étaient des Lorrains.

(74) Indépendantde La MoseLLe,Z5.Z., 9.3. et 17.3.1g50. Cenavire arrive à SanFrancisco le 24 novembre1850 avec 1.77passa- gers dont Ll. d'origine lorraine. (ADSM6 p 6.170).

(75) rndépendantde La MoseLLedes 16 et 24.7,1849.(ADSM 6 p I 45). -202-

car les trois-mâtsles plus modernesresteront toujours soumis aux capri- ces du vent (76). L'aventuresurvenue à un Messinen 1781se renouvelle constamment. "Nousavons décrit, raconte-t-i1oun grandarc de cercle de 600 l'ieuespour nousretrouver à soixanted'où nousétions partis, et si 1e jour 29 /âécenbre/le vent n'eût pas un peumolli, nousét.ions infa1l- liblementjetés dansla Mancheet nousaur.ions échoué sur res côtes d'Angleterre"(77).

En février L827les conditionssont si mauvaisesqu,un bateau en- trant port au rencontre"plus de 300navires louvoyant à l,entrée de la Manche. jour Dansun seul i'l a rencontré52 naviresaméricajns', (78). Au coursde l'hiver 1833-1834,1es vents d'ouest sont si violents qu'on les cons'idère' au Havre'comme "une calamité presque aussi redoutableque les tempêtes et les naufrages.Dans tous les ports de France,des centaines de navireschargés depuis deux mois de marchandisesqui se détér.iorent... attendentun vent favorable... 1espremiers vents d'Est qui vjendrontse- ront accueil l is. . . commeun bienfait de l a proviclence,'(79) . J. Morlentnoten en 1g25,à proposdes rerationsentre Le Havre et NewYork: "Douzepaquebots, adressés à 3 maisonsde notre vjlleo sont employésà des voyagescontinuels et périod.iques.Il en part trois tous les moisà desépoques fixes, qui ne sont dérangéesque par les vents

(76)un journal messin.signalele casd'un escroc arrêté à sonarrivée à NewYork arors qu'i1 pensaitbien avôii-ècÀappe p1açant iri por.rrît., un un océanentre ru'i et ra jusii...-ii'uuuii .6rpiË-iun,ru rapiditédes vapeurs, et 1'und'.i* quel uuàii àouuléle voilier sur Ie- i1 avait pris p1ace (counv,ien de ia uàselle,16.1.1g47). (77)A. Gain, "unetraversée de l,Ailantiqueen 17g1-g2.Récit d,un Mes_ sin", Cahiers Lorrains-lg33, p. 99. (78')Jownal de La MoseLLe,27.2.L827. Il est arrivé à des navires mal- chanceux,au sortir du Havre, de mettiÀ qùatorzejours,-u, jtuer'res, iieu des trente-sixheures hab pouroébouiiÀer de ra Manchedans l'Océan.(R. Rémond,op. cit , b. Z0):---- (79) Joumal de L,Atseyz,on,29.1.Ig34. -203-

trop contraj res,,(80 ) . A cette époque,le mômeauteur donne les duréessuivantes pour les traversées:

La Nouvelle0rléans : Aller : 55 à 60 jours Retour: 40 à 50 jours NewYork : Aller: 35 à 38 jours Retour:20 à 25 jours (S1). En 1855,le décret impéria1 relat'if à l'émigrationeuropéenne estime ces durées(voyage aller) jours à 65 pour la NouvelleOrléans et à 55 jours "pourles autresports de l'union Américainesitués sur l,0céanAilanti- queseptentrional" (82)' ce qui montrebien combienles donnéesfournies par J. Morlentsont optimistes. PourNew York, 1a moyennecalculée sur quatre traverséeseff,ec- tuéesde 1849à 1851est jours de 53 (minimum27 , naximum76). pour La NouvelleOrléans (6 voyages)elle est de 57 jours (minimum44, maximum 76) (83). I1 faut donc compterentre un moiset huit semainesde traversée pourse rendredans l'un desdeux grands ports américains,1a duréedu voyagepouvant varier du simpleau double.E]le dépenden effet des sai_

(80) M. J. Morl ent, Le Haute ancien et moderneet ses enuinons. tion stati'stique Descnip_ de son poz't ; état d,e son c_onrnerce,Le Havre, t. II, p. ?08. 1825, En 1g451ès paluebotsde ta seconoeLigne (oneid.a, Baltimov'e,utica et st ntcoTa{ york p;;i.;i i. ro oe crrâqie-*ài,v'rqyus pou,^ New (Le counniepdes Etats-Itnis, z.r.râIsiv "'v, (81) Ibid., p.196. (82) Décret du 15.janv.ier 1g55, titre I I, article 13. L'article 8 du décretou is mars1861 oonne les duréessuivantes plicables auxnavires ap- à vapeurou bâtimeniimixtes ayant au moins20 chevauxde force pour 100 ionneau* jauge york ports de : New et les autres de Iunion américainesitués ,rr-i;dàeun jours. Àitu;;îq; ilprunt.io_ lal, 33 La Nouvelle0rléuni,-iô :.rrr. Pour les pays sirués au-deràd;-Cil ù;;";;";e BonneEspérance, nord de l,Equateur,.1.20 jours. au DeHambourg à.Isryiot!, ià-ouréemoyenne de ra traverséepasse jours L/4 en 1854à jours de 46 40 l/i ;;"1'85à(À. Legoyt, op. cit., p.106) (83) Le yoySgedu_Havre à SanFrancisco^se fait, en moyenne, jours to voyases,minimum en 1z9 Â3i,1,.Ë,ot;: 103,,uii*ù, 236,'è;r;; iôqôet 1851) -204-

sons, la me'illeureépoque allant d'avril à la fin de septembre(g4). Dans'lesannées 1860, les vapeursmettent une dizaine de jours entre les deuxrives de IAilantique (esy. Mais res frais de passagesur ces naviresmodernes sont élevéset res émigrantsprennent place de préfé- renceà borddes voiliers dont les tarifs subissentdes baisses succes- sives au coursde la période. En 1828le préfet de la Meurtheconsjdérant la pauvretédes émi- grants, fait remarquer que res prix "de la traverséeet de ra nourritu_ re pendantla traversée est excessif,,(eoy sanstoutefois en préciser re montant.Deux ans p'lus tard le ministrenote que,,lesfrais de cette traverséene peuvent descendreau-dessous de cent soixantefrancs,, (g7), et en 1836,selon ,,moyennant le mairedu Havre, 200frs ou 100florins, tout émigrantpeut venir s'embarquerau Havreet se rendreaux Etats_ unis" (88). cette même pricerslade année, et Lemaistre,agents au Havre, signentun reçu de 13 600 F pour re passagede 160émigrants, ce gui met le voyageà 85 par F personneen moyennepour 1esmembres de groupe (4s1. ce

(64) Adamet JeanMauss de Liederschiedt_débarquentà la NouvelleOrléans 1e 22 mars1858 après avoir_obtenu l;;;-;;lreport à 1a préfecrurede Metzle L6 janvier, soit unedurée toiarË-à. voyageaient uoyugede 65 jours. Irs à_bordd'un vapeur(s .s. ,ràrrà"itstnog).Leur JeanGeorqes Férix, hômonyme arrivé'par ie mêmenâuir.,-a pris son passeport Jç tg.sepiembreoe'r;uÀnËà ïî; tination bre.eà."i;: avaienrindiqué comre des_ de leur voyagerespectivement ôrài,u, New york (Indexto passenger'1ists et Cincinnati. ôi u.sràjr à.rï'uïngat New0rleans, 1g53-99, Roll no 20, NatiônalArchives, Wasfrlngtonj. (85) une lettre partie de Saint Louis-(Missouri)'iir.r)., juiilet en 1e 6 1g54arrive Lorrainele ZZ du mememôii [tè (86) Lettre au sous-préfet de Lunévil'le,19.6.1gzg; ADMM 6 M 2BB. (87) Lettre au préfet de ra Moseile,17.7.1830 ; ADMosg9 M 1bis. (88) Lettre au préfet de la Mosel're,1g.g.1g36; ADMos g9 M 1bis. cette somme,seron re maiiè, .orure tousleé re (Forbach) frais, depuisra frontiè_ jusqu,u, OeOurquementen Amérique. (89) Recudaté du.?2.g.1836;ADMos 89 M l bis. Ir est probabre groupea bénéficié quece de tarifs spéciuri.-ii'.àrpr.nait sansdoute -_ cormetous les convoisd'Allemânds -- un.À.tuin bas âge. nombred'enfants en -205-

'l En 18411es prix ont sensiblementba jssé. A en cro.ire 'agent A. Hjelm, "aujourd'huiet tout l'été le passageest de 60 fr, mêmede 50 fr par personnedu Havreà NewYork et à La NouvelleOrléans" (90). QuiÉzeans plus tard res Allemandspaient 1'équivalentde rLZF 50, nourrjture comprise,pour se nendrede Brêmeà Newyork, Baltirnoreou Philadelphie, des réductionssensibles étant accordéesaux enfants de mo'insde 12 ans (91) . Le prix du voyagedu Havreà san Franciscoest de 750F en 1849. Cette année-là les frères Munier-Puginobtiennent une réduction et payent L 200francs à eux deux"à conditionque nous donnerions un coupde ma.in auxmatelots que et nousnous contenterions de la nourriture des marins,, (92)'Cette pratique de payer1e passagepar sontravail sembleavojr été assezcouramment utilisée. Ainsi deuxjeunes garçons boulangers de la Meuse tAnne embarquéssur I Louiseà destinationde la Californ.iepas- sent-ils au rôle de r'équipageen coursde traversée(93). Mais 'les malgré baissessuccessives des tarifs, 50 francs consti- tuent déJàune somme,qui vient s'ajouter auxfrais de passeportet aux dépenses de toute sorte consentjespour arriver au port d,embarquement (94)'De plus, les frais de nourriturependant la traverséene sont pas

(90) Cf. note 14 supra. En 1818les prix variaient de 350à 400 F par personne(Le - NewYork), Havre selonl'|. A. Joneset se situaient à 120-150F au des années1830, début ce qui correspondbien auxestimations du mairedu Havre.(M. A. Jones, op. cit., p. 105). (91) op. , p.-104, tarifs varienr, $:I'abondance !.gqyt, ?h. les en fait, selon ou ra raretédu frèt-.i-en ,^uiiono. la concurrence se font 1escompagn.ies que

(e2)G. Richard,op. cit., p. 400-401. (e3) Eugène ..]g:çpl, AiméDidelot, de vadonvilleet NicolasDavion, de st Mihiel. Parti du Havre-1e-éseptembre 1g50, te'Àavire Francisco arrive à san le 26 avril lg51 uvet 152puirigË.r-gi zo hommes I1 a fait d,équipa_ 9e: escareà Ste croix oe ?enÀiïi., nio de Janeiroet Va'lparaiso.(ADSM 6 p 6.167).

(e4)Fort heureusement,le visa américain gratuit, le est ce qui n,est pas casde ceux dérivrés_par les consuiioi ùÀ-iir.-is;i5Ë)-;; Ë. Buenos-Avres(5'90.f);. Ii esregaiâmÀni g.uïrîi"pour res pauvres qui se rendentau Brésir(Note duministre ai préfet de ra Moseileà des_ tination du conrnissariatspéàiut o. 2). Forbach, zi.t 1g56; ADMos106 M -206-

toujoursinclus dansle prix du passage. Au débutdes années1840, nous apprend ra rettre de A. Hje1m, "1esprovisions exigéespar 1escapitaines valent ici lâu Havre716 à 20 francs /Far personne/"(95).En effet ce sont les émjgrantsqu.i, pen_ dant la plus grande partie de la période,sont tenusd,acheter eux-mêmes leurs provisions, à cet effet ils se voient remettreune,,note de vivres dont ils sont tenus de se pourvoir"(96).Et re reçu de price, sradeet Lemaîtreévoqué plus haut précisebien que'le prix du passagecomprend 'le "la cabinenon garnie, bois, I'eau et le droit d'Hôp.ita1,,(gl). Lesémigrants sont doncobligés de faire eux-mêmesleur cuisine à bord (98), et le décretde 1g55fixe d,unemanière précise, dansson article 14, pour chaquedestination,,les quantjtés et espècesde vivres dont l'émigrant ou l'entrepreneurdevra s,approvisionner,,(99). En 1g63, la ration journalière dueà chaqueémigrant est la suivante:

(en ki lograrmes)

Biscuit 0,275 Pommesde terre 0,656 Riz 0,047 Légumessecs 0,037 Farine 0,075 Vi andesalée 0,137 Beurre 0,029 Café 0,015 Sucre 0,025 Sel 0,019 Vin ai gre 0,025I itre (100)

(95) Cf. note14 sup?a.

(96) Bittinger, op. cit., p. 32. (97) Cf. note89 supra. (e8)comme les rèqlementsinterdisent d,ailumerdes feux sur res navires à quai, le ministre intervieni en tÀss-pàr.-qr.r,autorisation donnée soit aux émigrantsde se servir des pôài.r-i-bord des bateaux amarrésdans lè port lorsqrà-àèr*-ci ne peuventpas prendrela mer "par le mauvaistemps ou par lé vent contraire,,.Le mêmedocument précisequg dans-r'èsprir'de r; ièôiri;li;;'iàrircres décret 24er 25du de 1855)les émigrantsàevrâient mOme'etre à la fois loqés et nournis à bord, en attendantle jour o, àepàrt ir.itrà'ir'iiàr.tsu p'|ç de SeineInférieure, 22.11.1855 .|,articre ; nôsNa np-à6zAi.'--vv's Reprisdans (ggI 9 du décret du 15ntars 1g6r.. (100) i5:16:r3Ër';,fi1ilul.Jooh!Ëvreaupréret de seine-rnrérieure, a -207-

L'exempledes vivres embarquéespar re trois_mâtsMaLouin, parti le 2 octobredu Havrepour SanFrancisco avec 152 passagers à sonbord, donneune idée du régime arimentaireimposé aux passagers de l,entre- pont : biscuit de mer, rard saré, 1égumessecs... (101). Douze.rorrains figurent au rôle des passagers de ce bâtiment,dont LouisLher et Henry l'Jeisse'Domiciliés dans la régionparisjenne mais natifs de Sarrebourg, ils font partie desgagnants de ra,'Loterie des lingots d,or,,(ler dé, part) partent et doncaratuitement pour 1a carifornie. Raressont ceuxqui sont assezfortunés pour partager res repas du capitaine' Pourtant,selon J. B. Bittinger, ceuxqui en ont les moyens "ne doiventpas hésiter sur ce parti, car c,est unechose assez pénibre de faire soi-mêmera cuisine, surtout pendantre marde mer. 1frai27 messieursres capitainessont accoutumés à desprix qui excèdentres fa- cultés pécuniairesdu plus grandnombre,, (l0Z). Querquesémigrants cependant, rencontréssurtout parmi ceuxqui vont tenter ra fortuneen carifornie, ont de quoi payerune cabine; irs évitent ainsi l,entrepontoù ]es ,,rangés voyageurssont commedes bailes de cotonet entassésainsi quedes escravesdans un négrier, enfermésen un lieu où, par mauvaisemer, on ne raisseentrer ni l,air ni ra rumiè_ re". Nousn'étions pas en mer depuisplus d,unesemaine que, rorsqu,on passait la tête dansl'écoutille, c'était commesi on s,était trouvéau_ dessusd'une fosse d'aisance ouverte tout d,un coup,,(r03).charres Gader,

(101)La maisonv.-Marion et cie,lvai! chargé,,,pgyf ra nourriture passagers",13 tonnes de biscuit_àô-rË.,3 de r30 2,300 330_kgde rard saré, kg defarine éturÈe,tz sss-i àà',1r,,de^Boideaux,3 regumessecs' 2 500kq 250k9 de de pomrngs.de rerreleL' ' ç' goo-ri9-;;-;;.ie, 900 de café, etc... (ADSM-6p ii. ràglvv kg (102) Bittinger, op. cit , p. 31. (103)H. Melville, penguin Redbuzn, Books,p. 323. Thefriendress emigrànti,'stowed iriv-ii[I'oates of cotton, packedrike sravesin a ilave-ship;-.oniin.9 and durins u pracethat, stormt'imq, muit-uà'iiàs"â lgàir]ï'Ë01, rn we hadnot been light andair ; ... at seaone,week,;ËÀ;;; [àto you. head fore hatchwavwas trà Àôioing downthe it oàrn-àïrooenry opened cess_poor. -208-

vétérinaire à Lunévilleet Jean-Baptistechanal de Blainville-sur-l,Eau font partie de ces rares privirégiés, arors que.reurscompagnons, Louis victor et EdouardAlphonse -l,Ed,ouara Munier-Puginpartagent l,entrepont de avec73 autrespassagers (104). Le célèbrephotographe Edwardsteichen, d'ascendance luxembour- geoise,décrit les conditions 'lesquelles dans i'l voyageaentre Newyork et la Franceau printemps de 1900.0npeut supposerque des améljorations ava'ientété apportées depuisra fin de ra périodeétudiée, ce qui permet de mieuximaginer ce quepouva'it être unetraversée quelques décades plus tôt: "Bjôrncrantzet moi fîmesenregistrer nos bicyclettes sur le vapeur chatnplain,de la French Line. Nousavions réservé une p'lace dans l,entre- pont, et l'entrepont, en ce temps-rà,constituait uneexpérience digne d'être vécue'Les quartiers réservésau couchagecouraient sur toute la longueurd'un pont, et en fait de couchettesil y avait des rangéesde trois bas-francs,r'un au-dessus de ,'autre, âvecpour toute riterie de la paille et unecouverture. La nourriture apportéedans des seauxétait servie à la louchedans des assiettes de fer blancque les passagersde- vaient laver à l'eau froide. commeon nousavajt prévenusde la mauvaise qualité des repas'nous emportâmes querquespains, un jambonet du froma- gê' et Bjdrncrantzet moi en fîmes notre menupendant res sept ou huit

(104) L'Edouard.quitte Le Havrere 30 mars1g50 et entre dans sanFrancisco le L1 uéceÀure. re port de oouie-rrommàs'0,équipages,empressent de déserter pour.rejoindre res pi;;.;;';à"ru 6 po' 161)..Les sierra-Nevada.(ADSM Munier-Èugint,àtàiÀnt Àmui.ques d'oeufsqu'ils n,avaient-Ëas avecun tonneau entièremàni"'cànsorreà leur arrivée Catifornie. (G. nicharà:;o. cit.). en -209-

jours que durala traversée",(105). La vie à bord est monotone.Les seulesdistract'ions pour 1espas- sagerssont la rencontred'autres bateaux,les poissonsqu'on aperçoit du pont, les mouettesattrapées par lesmatelots(106). Le mal de mer frappe1a plupart des émigrants."A peineeûmes-nous appare'illé que 1e mal de merme prit et ne mequitta paspendant un grandmois" raconte ChrétienRabouillot (107). Dansson guide, Bittinger recommandel'usage desharengs, remède "1e plus efficace et le plus promptà opérer1a gué- rison" (108). Les conditionsd'hygiène sont tel'les quedes épidémies se propagentparfois avecrapidité (109). Le Liuerpool,venant d'Angleterre et qui entre dansle port de NewYork le 9 rnars1849 a perdu37 passa-

(105)Edward_steichen, A Life in photognaphy,w. H. Ailen, London,1963, chap.2. H. Neucite le cas d'uneLorraine (qu'i1 ne nommepas) qu'itente de faire la traverséedu Havreà NewYork comme passagère clandestine : Pouréconomiser 1'argent du passageelle s'était fàit enfermerdans une caisseet porter commeles autresbagages à bord du navire. Mal- heureusementla caissefut p'lacéeavec le ieste des bagagesdans l'entrepontet oubliéede ceuxqui s'étaient offerts diaider celle qui s'y trouvait enfermée.Lorsqu'enfin on se souvint d,e1le, la fenuneétajt presquemorte et c'est à grandpeine qu'on réussii a ta faire revenir à elle. "Zur Ersparungdes Reisegeldeshatte si sich in eine Kiste eins- chliessenund diese a1sGepâck an Borddes Schiffes bringen lassen. Ungliicklicherweisewurde aber die Kiste zu demilbrigen Gépâck in das Zwischendeck-gestelltund von denBekannten, dié der Êingschlosse nen hattenbehilflich sein wollen, vergessen.Als manihrer iich schliesslichwieder erinnerte und die Kiste ôffnete, warrdie Frau fast demTode nahe und Konnte nur mit Mi.ihewieder zumBewusstsein gebrachtwerden". H. Neu,op. cit., p. 102-103. (106)C. Richard,op. cit., p. 403.

(107)A. Gain,op. cit. , p. 85. (108)Bittinger, op. cit., p. 32.

(109)H. Melvi11e.,op. c_it., p. 314-7s.L'article 17 du décret de janvier 1855prévoit que le navire aura, sur 1e pont et sur I'avant, au moinsdeux lieux d'aisancedestinés à l,usagedes passagers.L,ar- ticle L2 du décret de 1861précise que dansle cas où lé nombredes émigrantsembarqués dépasserait le ifriffre de cent, un àuUinetd,ai- sancessera ajouté par chaquegroupe de cinquanteémigrants en plus. -2r0-

gers sur 416, tous décédésentre le 14 février et le 6 mars(110). Les morts sur le Leibnitz, qui arrive de Hambourgen l.868,s'élèvent à 108 sur un total de 544passagers... Ce sont là descas exceptionnels.D'ha- bitude ce sont les bébéset les jeunesenfants qui supportent1e plus mal la duréede la traverséeet leurs décèsjalonnent la route des navi- res (111). Eugén'ieSchouler, âgée d'à peinetrois mois,fille du charpentier Frédéric Schouler,de Bitche, meurt le 4 décembre1851 à bord du Rouen- nais, sorti du Havre\e 27 hovernbreet qui fait route vers la Nouvelle Orléans.Trois jours plus tard,'le corpsd'un autreenfant, âgéde 9 mojs, fille d'émigrantsbadoisrest immergé à sontour. Puis le capitaineenre- gistre successivementles décèsde LouisBouin, L8 mois, de national'ité suisse(le 9 décembre),de Ferdinand,fils naturel de Johannacruff, né en mer le 3 décembre(le 10), de Josephwunckler, S mois (égalementle 10), de Babettewenige, passagère de chambreâgée de 34 ansoriginaire de Saxe(le 14), d'EljsabethEhrhard, un an, de Bade(le ler janvier 1852)et de ChristianGothal, un an, du cantonde Berne(le 2 janvier).

(110)Passenger lists of vesselsarriving at NewYork 1820-1897, Ro11 77 (Jan. 1 - March31, 1849),Nat. Arch. Washington.

(111)Une statistique portant sur les naviressortis des ports anglais, à destinationde l'Amérique(1846-1859) fait ressortjr queô,11 % des passagersseulement sont victimes de naufrages. A. Legoyt, Ltémignation eunopéenne,son inrportanee,ses eoeu?s, ses effets, Paris, 1861,p. 114. -2IT-

Fv] F3:q I t.'1,-,1r".,' 7;' f,,-t. t)u zte,,' fu tta., /^. t2 /.,,, a-:l 1.2ê.r1f1aa.z*zaà .y',,n a --. /2,, go ,.â,r .,2..-t 7r,,,,.. | fi -V'..r. g..ha'/-t.-*tt[, - f/t,u 1t.;^.: /o,J,r-1,2 nirtz, ../ *1,.J,.,1/ûqr,i h/..'.,".2.. 4./nteir..J. . /-,1.r{r7i,.l .,..or,, .7r,,u./,l4t$ rtuta..) {41-'/.,,L..-,-4-v.aLr' 1io.,,.<,.r/too., l!n'r-oo; ,t--7/'t !, nltt,i-tl-i,-it , r. r|,"'t/*,1,*-1 y.-.*.a ,,;tt h*z-*.., -7r/--'7.,,--,- ,',,?l:;;à:Zk:ir:t;;l::;,i.:;;i,7;,:1r';'1,(n i :,:,'i:'d'';:i'i..';'1..1,*:-i::::Jlz:*:ift"-.*2 //y'e"-tta''t J'utzr:'4 r..o.s,y,?îo.;-,,2tlz--i-..,.'-,1;l.it1t . ,1.,,,''::::;*:":::::i:t::;';-1;;7-'/'-:,1:.t:/#";:k'...it:*i.É;7;;a;É;fr;'"i*i^5':i' -/'o,.1 Vu ) î.t,,.J J).; (?st.-aâ' -'t /-* -"1(-t/--ç::'-i'Æ2:.,f1Ç> '1, .42,/etnt y',a.a.'.2i.., r.-,,e-42-a'.u* à->-).77i- ::i/;/ç*Ïfr.'.{r?Et{f; l;Zfl'A:n+"s æ,.r:I r:T**" '"0* ii;'r lH

Acte de décès d'Eugénie Schuller de Bitche à bord du Roucnnais(4.12.1851)

A.0. Seinattûtimc 6 P 6. 164 -2I2-

Le navire arrive à dest'inationle 23 janvier (112). Les décèspar noyadene sont pas rares. Les Munier-puginassis- tent ainsi à la disparition d'un des matelotsde 1'Edouardet André Decker,'âgéde vingt-septans, originaire de sarregueminesest, d,après I'acte de décèsrédigé le 5 mars1850 par 1e capitajneRjot à bord de la PrineesseFrancisea, "tombé à la mer dansun coupde roulis, l,état de la meret la force du vent I'ont fait djsparaîtreimméd'iatement, il n'y avait en ce momentni terre ni navire en vue, on n'a pu lui porter aucunsecours vu l'état de la meret la force du vent,,(113). certainsnavires n'atteignent jamais leur destjnation.c'est le cas par exemplede l'ELisa, partie du Havreavec 203 passagers le 10 novembre1850. Ce bateau disparaît peu aprèsson escale à Valparaisole B février 1851.,"coulé en meraprès exprosion à bord,,(114).Mais les

(112)ADSM6P6.164. Le Rouennais,un trois-mâts de 743 tonneauxtransportait 325 passa- gers et 20 hommesd'équipage. Le rôle mentionne,en ce qu'i concerne la famille Schuler: Frédéric,36 ans/Te père7 Madeleine,35 ans-/TamèFe7 Catherine,L1 ans Jeannette,I ans Friederich,6 ans Marianne,4 ans Eugénie,décédée le 4 décembrene f.igurepas au rôle. La consultatiol_lesregistres de l'état-civil de Bitche (ADMos7 E 92. 11. 12 et 13) donneles résultats suivants: Frédéricschuler, né à F'inthen(Gd Duché de Hesse)le 15.2.1g15 Çpolrgà Bitche, le 15.4.1842,Madeleine Kremer, née à Bitche le L2.L.1816.De cette unionnaissent: 1r^Mgrglgfite(8.5.1842) ; z. Jeanne(7.11.1843) ; 3. Frédéric (12.7.1845)i lr.Marie-Anne(23.9.1847) ; 5. Louia(19.9.1849, dé- cédé1e 2.6.1951) 6. Marguérire(ZZ.6.iASt) 'l'aînée, ; Marguerite, est décédéeen Lorraine-('lesixième enf ant por- te le mêmeprénom). La naissanced'Eugénie n,a pasété trouvée.Ir se peut que l'enfant décédéait été Màrguerite.-

(113)ADSM 6 P 6.154._Lejeune homme habitajt Gentilly avantson départ. Le navire faisait route vers le Mexique(Vera Cruz).

(114) 0n ne connaît pas le sort des passagers,au nombredesquels se trou- vaient onzeLorrains (4 de Nancy,2-de Metz, 2 des vosges,un de Bar-le-Duc,de la Meurtheet de la Moselle).ADSM 6 p 6.too. .t

)urr"ra;;/; | 4 l.-..*''ç- | F \ ..\) \ 4dt,rrd. -x$s 4,),"u,, st\ J]y'r,/"' / \ \.\ \lx \ ail?-,':i,'i ,/ro. /, il o7rt.',tt' / I # ftn o,r2', /.'ao, â, f.,., qx,/tqt ;J H "' orr",;o'V.ztttTt-S,^ /à. / â 9:'a,r!'i.îir, ,/t,,,-,,,/,,/r,tt,t,nî1 -rl,rl1/rrr,r/ 4- 4 \\'Fi \' a'lnzr:,//oZ.az;:,,2,7t/-, ),,lrfr NSitiïl;!;:!fii;ri;;i:"1:::;//i:i",t:"/;;i.i;13j'--yt;!ii+;,;ll )N* I' (..'ltirrrrruf .rlt' frtrt. ttt àlovitr,it, ,l/ttt 6r, n/olto-- "\'"J*./f\r /::.')':.'i',1,/t:,:,!/::i.:t:*:r::i* S* /r"",o, nu '/'r'tu/ a?,ln.tun,tl lu /otr, 5. ,ult= - ,i,t/i/,,ir:1o;,ty'o-,/,ri..^'/21ùr,,.,,,!,,T È ,,ry'{':',/,,,,,u-r9-V-,,.,-â.ûf, i fllpr,.,,,,!,,T î"rz.lî"rzl tit/ ,//o7)/zrr-*a oy"o,, i -/.ltt I t;,,,j).,,-r)'i î;re:#Jri,7'l,irr-i,','' | - \ i' 7r::i(i:;:i,:t *:,i,/,; *,Tl;::2" zft 7""""\'E

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Procès-verbalde disparitiond'André Decker :.' (5 Mars1850)

A.O.Saiao Nlaritimo 6 P 6. r51 -214-

dangersde la navigationne semblentpas avo'irretenu les émigrants. Ils n'ont pas entenduparler des naufragésde La Méduse,malgré deux représentations,au théâtre de Metz,en 1840,d'un "dramenouveau his- torique en c'inqactes" qui connaîtun énormesuccès et dans1eque1 "la meret le radeauconstruit au momentde l'échouementde la frégate sont rendusavec une vérité saisissante"(115). La liste desdécès mentionnés plus hautmontre à quel point |o- rigine des émigrantsest diverse. La vesta par exempleemporte 154 pas- sagers,67 Françaisoriginaires de 19 départementsdifférents et 87 étrangersde huit nationalités, en majorité allemands.Les hommessont 69, les fenrnes41 et les enfants44 (110). -1 lltnolrr,2 I

0elges,2 llessoit'l '6O

hdois,2 lYurfembrgcoir,4

Eultrt,l3 louirirnr,t

0rilinr drr prt3.earrdr Iroar-natr-lr.rt.- i d.stirttie. d. l. lI.!rrlh 0rlaro3ll0.!.|!lgt

Carteno 16 (Source:ADSM6P6.152)

(115)Indépendant de La MoseLLe,25 et 27.3.1840.

(116)Trois-mâts de 598tonneaux, le navire fait le voyagedu Havreà la Nouvelle.0rléansen 44 jours (20.9.L849-27.11.1849). Passagers lor- . rains : JacquesHenrion, cordonnierde Mouzeray (Meuse), sa fermeet un enfant. JosephMasson,35 ans, sa femme,née Anne Troppé, et leur enfantsConstant,4 ans, Marie, S ans, Joseph,10ans et Augustin, 12 ans, de (Meurthe), accompagnés de BarbeTropfé, Zl ans, soeurdrAnne. Jean Baptiste,30 ans, d,Aspach(Meurthe) et .logephMathias Fraicher, 32 ans, peintre en bâtimentde Nancy. (ADSM6 P 6.L52 ; ADMosI t 388). -2I5-

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Carte no L7 (Source: ADSM6 P 6.L62)

Sur les bâtimentsqui transportentdes passagers vers la Califor- nie en doublantle CapHorn, la distribution desémigrants est tout à fait différente. Le rôle du Cachalotpar exemple(100 passagers)ne fait mentionque de quatreétrangers, parmi lesquels un seul Allemandorig'i- naire de Hambourg.Les 96 autres voyageurssont français et viennent pourla plupart desvilles. Ainsi 72 d'entreeux se disent domicjljésà Paris (dont deuxnatifs de Lorraine), deuxà Nantes,deux au Havre,ôu- tant à Chaumont,un à Brest, à Tourset à Marseille(117).0n ne rencon-

(117) Ayant quitté Le Havrele 18 août 1849,le navire arrive à SanFran- cisco le 12 janvier 1850après la tradit'ionnelleescale de Valparai- so (18 au 2l novembre1849). Là les membresde l'équ'ipageexigbnt et obtiennentun doublementde leurs gagesen menaçantde déserter. Le bateausera finalementdésarmé et venduà Valparaisoen août 1851 aprèsde nombreusespérégrinations dans le Pacifique.(ADSM 6 p 6.162 -216-

tre pour ainsi dire pas de familles, maisseulement quelques couples, en majorité jeuneset sansenfant. Les hommesvoyagent presque toujours seuls et ne dépassentgénéra'lement pas 1a quarantaine. De petits groupesse sont forméscomme celuj, déjà mentionnédes MunierPugin-Gadel. Trojs jeunesgens d'Ars-sur-Moselle s'embarquent en- semblepour SanFrancisco sur 1'Anna,en 1850(118), deuxautres de Puttelangesur 1'AlphonseNicoLas Cézard en 1851,enfjn, cette mêmean- née, trois Vosgiensde Barbey-Serouxvoyagent à borddu Superbe(119). 0n a doncici la confirmationque les émigrantsne sont pas 1es mêmeset nsontpas les mêmesmotivatjons, selon qu'ils se dirigent vers les ports de la côte est d'Amériqueou vers la Californie. Les premiers tournentle dos définitjvementà leur paysnata1, les secondstentent la fortune, attirés par des gainsfaciles dansles minesou les rivières desmontagnes de Californie, avec1'espoir de rentrer riches au pays. A ces dernierson peut attribuer les motifs queJ. B. Bittinger prête à tort à l'ensembledes émigrants."C'est l'estomacet la cupidité, écrit- il, qui font abandonnerle foyer domestiqueà 1a majorité des émigrants, qui les tourmententsans cesse, jusqu'à ce que 1e rêve du paradisimag'i- naire se soit évanoui,et qu'i1s soient revenusà la conditionqu''il n'est point de moissonsans semailles, ni de salaire sanstravail" (120).

(118)ADSM6P6.16s

(11e)ADSM6P6.167.

(120)Bittinger, op. cit., p. 20. -2L7-

tr.t.llla.rl|| 3S .rrrllrr.ttlSA / d.rarl llrar 0.8r

lnilntlon rn trlifornlr-Prolrrrlonr dcr lorrrlnr (ombrrqoirrur ?l nrrimsfrroçrir. mrrrlt{9-mrrr lt52l

Figureno 5

En ce qui concerneles Lorrains (121)embarqués au Havrepour le pays de l'or de mars 1849à mars 1.852sur 22 nauiresfrançais (Lzz'), il y a parmieux à peine8% de femmes(123). La distributjon des profes-

(121) Il g'ggit desnatifs de Lorraine.un grandnombre d,entre eux, peut-êtremême la majorité, ne sont plus domiciliésdans leur pro- vince d'origine maisà Paris ou dansla banlieue.

(I22) Les ADSMne détiennentles rôles des passagersque pour les bâteaux français, dont unemajorité, à partir de 1649,faisâient le voyage de la Californie. Les listes de passagersembarqués sur des naiiies américainsn'existent ni auxAN, ni auxADSM, ni auxAMun du Havre.

(121111 sur 131 (une seule femmevoyage avec ses deuxenfants). ADSM6 p 6. -218-

sionsmontre -- au contrairede celle observéesur l'ensembledes émi- grants-- les caractérjst'iquessuivantes : 1a proportjondes individus appartenantaux classes réputées aisées est nettementplus élevée(22 % contre8,5 %). Ceuxqui sont sansprofession sont deuxfois plus nombreux (I4 % contre7 %). Maisla catégoriequi fournit la majorité des émi- grantsest, dansles deuxcas, celle des ouvrjers-artisans-manoeuvres (56 % et 54 %). Dèsavant leur embarquement,les émigrantsqui n'ont pas épu.isé tout leur avoir ont la possibilité d'acheterdes billets qui leur per- mettrontde voyagerà l'jntérieur des Etats-Unisà partir du port où ils serontdébarqués (I24). un représentantdu cheminde fer de I'Erié par exemp'ledélivre au Havredes titres pour "l'Etat de NewYork et les états circonvoisins"(125). En 1861,2 0gl émigrantsde toutes nationalités achètentdes tickets pourune sommetotale de 1g 194,30dollars (soit 96 429,79francs) (126). L'acquisitionde ces billets de cheminde fer suppose,de la part des voyageLlrs,outre 1a possessionde l'argent nécessaire,la connaissan- ce assezprécise de la destinationfinale. Lespremiers ém'igrants ont ra- rementun but déterminéet le point d'arrivée qu'ils ind.iquentau fonc- tjonnaire préfectoralest, presquetoujours, 1'un des deuxprincipaux ports d'entréeaux Etats-unis: Newyork ou La Nouvelle0rléans (127).

(L24)A-ce sujet il faut citer unepublicité paruedans une feuille mes- sine de 1834: "0n-prévientles futurs émigrants,QU€ des fermesde tgrlg grandeuret à tous prix, seronla diitance des villes et des rivières, sont à vendredans_le Kentucky et l,Indiana, Amériquedù Nord. S'adresser... (lndépendantde La MoseLLê,no 636 OuZZ:I2.1834 p.4). ce qui montrebien-que, déjà à cette époque,ààs-Èmigranti- avaientconnaissance de leur lieu d'installation, ians connâitiÀ- forcémentsa situation géographique. (12s)ADSSM 6 MP 2033. (126) L'annéeprécédente, avant le débutdes hostilités entre le Nordet le Sud, les chiffres étaient respectivementde 3 837 .ù tOO-SZO(È1. Pendantla duréede la-guerre, ii ne resteraplus au Havrequ,un seul_agentdes compagniesde cheminde fer amêricains. (Rapportà Son EæeeLlenceLe Ministv,e de L'Intéz.ieu? sur L,Emignation-,-i.861-i.86 Paris 1.863,p. 12) . (127)L'une des rares listes d'émigrantsmosellans antérieure à 1847ré- vèle que sept personnesd'Obergailbach se rendaientà Philadelphie Deuxautre:_^q' et.Achen avaient choisi Newyork. (Demandes de ; ADMos106 M 1). ,1830 -2L9-

Ainsi les 70 demandeursde passeportsqui quittent la Moselleen 1847se partagent-ils entre ces deuxdest'inations avec une préférence marquéepour New York (92 %). Aucuneautre ville américaine,pôF contre, n'est mentionnée(128). Deuxans plus tard 47 énigrantsse répartissent sur quatrevilles dontune seule, SaintLoujs,nrest pas un port maritime (L29). En 1855,toujours pour la Moselle,neuf destinationsdifférentes figurent dansles demandes;deux d'entre elles sont vagues(Etats-Un'is d'Amérique,Amérique) mais d'autres cités, situéesdans l'intérieur, ap- paraissent(avec, bien entendu,la Californie) : Buffalo, Louisville, Memphis.Enfin, en 1860,les demandeursindiquent 17 villes commebut de leur voyage,certainesbjen loin des lieux de débarquementtraditionnels : Houstonet Austin (lexas), Pittsburghet Matamoras(Pennsylvanie), Chica- go (Il I inois), Dubuque(Iowa) et Hamilton (probab'lementIl'linois) . Au fur et à mesureque les annéespassent, donc, 1es lieux d'ins- tallation se diversifient en mêmetemps qu'ils s'éloignentdes zonescô- tières. Peuà peu, les renseignementsarrivent en Lorraine,envoyés par ceuxqu'i sont partis en avant.Mais l'option la plus retenuepar les Mo- 'le sellans au coursdes années1852-1869 est, rdeloin, port de NewYork, à la fois aboutissementde la traverséed'un océanet point de départ, tout comme,à un degrémoindre, 1a NouvelleOrléans, de pousséesvers

(128) ANF7 t2202.

(129)New York :40; La Nouvelle0rléans :5; Philadelphieet St Louis, chacune1. (ANF7 12206). -220-

des destinationsplus continentales(130). 0n s'aperçoitégalement que les émigrantsde certains villages, ou de certainesrégions, préfèrent des routes bien déterminéesà d'au- tres. Ceuxde la région de Walschbronnmontrent, entre 1856et 1861,une prédilectionassez marquée pour 1a ville de Cincinnati(0hio) (37 per- sonnesde l^lalschbronn,Schorbach, L'iederschiedt, , , Breidenbachet Schweyen). Lesoriginaires du sud-ouestde Bitche se dirigent volontiersVETS La Nouvelle0rléans (surtout de Montbronn,Enchenberg, Siersthal... 58 émigrantsau coursde la mêmepériode de six ans). 0n peut noter aussi, de la part des habjtantsde Puttelangeet des vi1'lagesavoisinants de , et quelquesautres, une certaine préférencepour Chicago,entre 1856et 1857et d'une fraction des émigrantsde Roppevilleret Liederschiedtpour Bostonpendant 1es cinq annéessuivantes (131).

-- "--Tf30)- Le yoyage upstieam a-pârtir Oe-Ji-llouvelle 0rléans iusqu'à Louis- ville'((entubky) durait 25 jours en 1817,19jours en 1828et un peu plus de 8 jours en 1834(Hamett T. Kane,Gone,are tlrc Days'. [- NewVork, 1914-; cité par L. Crété, LaVie Qtotidienneen Louisia- ltêt 181.5-1830,Paris, 1978,P. 349). Le vôyàgeoe ia Nouvélle0ilêans à'Pittsburgh-(Nltl!sliP!-0hio) coûtait] en 1833,40 dollars en cabineet de 10 à 12 dollars sur le pont (cé dernier prix nourritureexclue) , -ibid' ' p' 350' i:n 196g,le I. L, slpaneLl, louSourssur le parcoursNouvelle- orléans-Louisville,met 4 jours, g heureset 19 minutes;J. L. Rieupeyrout,Histoire du FanWest, Paris, 19q7' p..366 C'éi[-Éui un ae ccs-itêameisque freurt, ie 24 ôctobre1854' Nicolas Rimlinger,d'Enchenberg, près de Cairo (Illinois), confluentde 1'0hio avecle Mississipi. R.'l-aso,-Inornion, Buecher,St QLair Çountrg-ILLinoie Birth ætd DeathRecords 1843- Il., 1976,P.-40. Dansles années1830, le trajet NewYork-Saint Louis, plus de I 600 miles, se fait en di'ligence(stage-coach) et dure plus de trois se- maines.Le prix moyenpour 300_miles est de 15 dollars, ce qui met le voyagejusqu'6u'Mississipi à envlron80 dollars' Curre-nt-efati., / Stæueyo'f AmentcrinHistory, 3e éd., NewYork; 1971,P. 287. (131)Autres courants privilégiés : Baerenthalet Lambach: Pittsburgh. Longeville-lès-SaintAvold : La Nouvelle0rléans. -??I-

Pourl'ensemble de 1a période1852-1869 (demandes de passeports disponiblesaux ADMos) la carte des lieux d'installation enuisagéspar les émigrantsmosellans au momentdu départ, abstractionfaite des ports d'entrée, nousamène à formuler les remarquessuivantes. Les émigrants dédaignentle plus souventle Sud(sans doute plus pourdes motifs liés au climat et à I'embauchequ'en raison de leur désapprobationde I'es- clavage).Quelques isolés indiquentle Texaset la Louisianecomme points d'arrivée. Il en va de mêmepour l'Ouest, mis à part la Californie (et l'Orégonchoisi par uneseule personne)que l'on atteint par la mer, ce qui n'a rien d'étonnant.Les grandesplaines entre 1e Mississipiet les Rocheusessont encoreinhabitées et, malgréle déplacementconstant de la "frontière", aucunétat n'a encorevu le jour, en 1860,à l'ouest du Minnesota,de l'Iowa, du Missouriet de l'Arkansas,et au nord,'duTexas, entré dansl'Union en 1845seulement.

gÊr^xorl Itr.Wl u rl0ôto Uf rlr.a.tOO O 2r.s 0EsTrtATr0ils a 0. ta' fùnlra rar t- 6tem . a.t d. b belb lr62.taael o l'l .t (E',.t-U.tt6 'aôOt

Carte no LB -222-

La majoritédes émigrantspréfèrent s'établ'ir dansun secteur assezlimité centré sur les GrandsLacs et s'étendantde Saint Louis (Missouri)aux états de Pennsylvanieet de NewYork (ce qui constitue égalementla zonede prédilectiondes Allemands), la région 1a plus choisie semblantse situer dansun triangle formépar le coursmoyen du Mississipià I'ouest, l'Ohio au sud-estet les GrandsLacs au nord, dans les états de I'Ittinois, de l'Indiana et de l'0h'io (132). Parmiles émigrantsde la Meuseet des Vosges,il faut en remar- querune dizaine qui optentpour le Canada(133). Les Vosgiensse ren- dent en majoritédans l'Illinois (40 sur 1.1.6)et plus précisémentdans le Comtéde Hancock,séparé de l'état de l'Iowa par'le Mississipi ; ils viennentde Martigny-lès-Lamarche,Martinvel le, Contrexéville et Crain- villers. Plusieursautres, originaires de Rupt, indiquentsimplement l'Illinois dansleurs demandes,mais on peut penserqu'eux aussi rejoi- gnent la mêmerégion (voir carte no 1.9Page suivante). Le fait que, dansles trois départementla plupart fournissent des indicationsvagues sur leur destination(Amérique, Etats Unis.. . ) ou le nomdes ports sembleindiquer que peu d'émigrants,tout comptefait, avaientune connaissance précise de l'endroit où ils avaientI'intention de se fixer. A certainesépoques d'ailleurs, les donnéesfournies par les demandes,en Moselle,se trouvent fausséesà causede la paressedu fonc- tionnaire de la préfecturequi se contentede porter, sur toutes les for- mules,la mention"Amérique" (134).

(132)Les principalesdestinations choisies par l'ensembledes émigrants embarquésau Havre,d'après la vente des billets de cheminde fer pour l'intérieur sont les suivantes: Chicago,Cincinnati, Phila- èlphie, Milwaukee,St Louis, Pittsburgh,Galena, Dubuque,Cleve- land... qui figurent toutes dansles demandesdes Lorrains. (ADSM6 MP2o2e).

(133)Citons un autre cas d'émigrationvers le Canada,mais hors des li- mites de ce travail : CharlesVouriot et sa fenmeCatherine Masson, de (Meurthe) s'installent dansla provincedu Manitoba en 1871,avec leurs trois enfants.

(134) De rjanvier1866 au 10 octobrede la mêmeannée on ne trouve qu'une seule fois SanFrancisco. (ADMos 109 M). -223-

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LEg VOgGIENg EN AUERIQUE ro59-t806 la.ûlrrtl...r

Carte no 19 (Source: Demandesde passeportsADV 15 M 50)

Conclus i on

Quelleque soit l'époqueà laquelle les émigrantss'expatrient, quel que soit le modede transport choisi pour atteindre un port, quels qu'aient pu être, dansce domaine,les progrèsréalisés au coursde la période-- vulgarisation des voyagesen cheminde fer et introduction de la vapeurdans la navigationmaritime --, €n dépit de la miseen place d'une législation de plus en plus fermedestinée à protégerles intérêts des voyageurs,le voyage,long, coûteuxet hasardeuxreste, pour tous les émigrants,une expérience pénible, depuisl'instant où le clocherde -224-

leur village disparaît à leur vue jusqu'aumoment où ils foulent pour la premièrefois le sol de leur nouvellepatrie. Ils mettent,pour une durée plus ou moinslongue, leur destin en- tre les mainsd'une chaînede corunerçantset de fonctionnairesde la cu- pidité desquelsils ont parfois à souffrir. Au Havreou dansles autres ports d'Europeils sont déjà considérésavec la suspicionvouée à tous les étrangers.La traverséeconstitue pour tous uneépreuve telle que certains ne sont pas en mesurede la supporter. Ils nront,engénérôI, Qu'une vague idée du lieu où ils éliront do- micile et, pour le plus grandnombre, le but est un port américajn,et avant tout autre NewYork, - où certains reprendrontdes forces et ga- gnerontle prix d'un nouveauvoyage vers les villes du MiddleWest -, où d'autres se fixeront et entreprendrontune adaptationlente et diffi- cile à la vie d'unegrande cité. CHAPITRE4

ENAMERIQUE : La prem'ièregénérati on à NewYork -226-

Dèsqu'il a poséle pied sur le sol américain,l'émigrant isolé et plus encorela famille d'émigrantsse trouventen butte à des djffi- cultés nouvelles.Ils n'oublierontpas 1a traversée,surtout si l'un d'entre eux, commedans le cas de la famille Schuler,de B'itche,manque à l'heure du débarquement.Maintenant il s'agit de trouver de quoi se loger, du travail pour subsister, parfois dansI'attente d'un nouveau voyage,vers l'intérieur cette fois. Lorsquele bateaule mèneà NewYork, le voyageuroriginaire de Lorraine, cofimeson compatriotedes autres régionsde l'hexagone,est bientôt noyédans le flot des émigrantsvenus des autres paysd'Europe, desEtats allemands,de Scandinavieet des Iles Britanniquessurtout. Il a côtoié ceuxvenus du continent dansl'entrepont et il a parfois eu l'occasionde se faire des amisparmi eux, surtout lorsque,originaire de la Lorrainedu nord, il parle leur langue. Cequi l'attend lorsqu'il s'inquièted'un toit a été très bien décrit par RobertErnst auquelle passagesuivant est emprunté(1) :

"A peineun navire était-il apparudans le port de New York quede vils individusmontaient à sonbord. As- saillant les émigrantssur le bateauou dès qu'ils avaientmis le pied sur le quai, ces racoleursse fai- saient une concurrenceacharnée pour gagnerleur con- fiance et les dépêchervers un bureaude transport. Les rabatteursirlandais faisaient leur proie des Irlandais, les Allemandstrompaient les Allemands,les Anglais les Anglaiset les funéricainschoisissaient leurs victimesdans toutes les nationalités.

., r 0n pr:omettaitlogement et couvert à des prix raison- nables, mais les tenancierspersuadaient leurs hôtes de rester plusieursjours, pour lesguelsils faisaient payer trois ou quatrefois ce qu'ils avaientréclamé pour les premièresvingt-quatre heures. A ces prix s'ajoutaient des frais exorbitants pour le transport et la gardedes bagages.Si le client ne pouvaitpas payer, il se re- trouvait à la rue sansle sou, alors que tout ce qu'il possédaitétait gardécomme garantie. Nonseulement ces

(1) Robert Ernst, IrwnigrantLife in Neu lork City, 1.825-L863,New York, 1949. -227-

propriétairesd'hôtels tondaientleurs clients, mais ils leur donnaientde faux renseignementssur les con- ditions d'emploià NewYork ou sur les itinéraires conduisantvers l'0uest et ils allaient mêmejusqu'à empêcherles étrangersd'obtenir des informationsdignes de foi" (2).

Dèsqu'une possibilité s'offre à eux, 1esém'igrants fuient les auberges,ce qui ne signifie pas queles conditionsdans lesquelles ils seront hébergésailleur:s seront meilleures. Les logementsqu'ils louent -- au moisou à la semaine-- se trou- vent dansdes maisons de rapportspartagées par plusieursfamilles. "Ce sont des constructionsen briquesgrossières situées au milieu d'une parcellede vingt-cinqpieds sur cent; elles ont de quatreà six étages et l'intérieur en a été divisé de manièreà ce qu'elles puissentconte- nir quatrefamilles par étage. Chacunede ces familles mange,boit, dort, fait la cuisineet la lessiveet se querelledans une pièce de huit pieds sur dix, et unechambre à coucherde six pieds sur dix, à moins,ce qui n'est pas rare, qu'elle ne prennecomne pensionnaires une seconde famil- le ou ne sous-loueune pièce à uneou mêmedeux autres familles" (3). 'loyers Le montantdes est très variable; danscertains djstricts on payequatre dollars par mois pour un appartementde deuxpièces. Ail- leurs il en coûte.jusqu'à neuf dollars. D'habitudele rez-de-chausséeest occupépar uneboutique où l'on peut acheterla nourriture et la boisson.Tenu par le propriétaire des lieux, il fournit aux locatairesle boire et le mangerà des prix supé- rieurs de 20 à 60 % à ceuxpratiqués dans les boutiqueshonnêtes. Si les

(2) Karl Rossmann,le hérosde Kafka, arrivant dansle port de NewYork sur un navire de la Hamburg-AmerikaLinie à la fin des années1880. et rencontrantle chauffeurdans la cabinede celui-ci s'inquiète : "llSindSie ein Deutscher?" suchtesich Karl zu versichern,da er viel von den Gefahrdngehôrt hatte, welchebesonders von Irlândern den Neuankônmlingenin Amerika drohen". Franz Kafka, Anerika, éd. Fischer Blicherei, p. 6. (3) J. P. Dolàn, Ihe Iwnigrant Chuteh: Neu Iork's frish and GennanCa- thoLics, 18L5-1.865,Baltimore, 1975. (y comprisles citations qui su'ivent). -228-

occupantsne peuventpas payerle loyer, la nourriture leur est refusée. S'i I s sont incapablesde payerla nourriture, on les jette à la rue. Ils se trouventainsi, vis à vis de leur logeur, dansun état de dépendance voisin de l'esclavage. En 1856,la Chambrede l'état désigneun comitéchargé d'enquêter sur les conditionsde vie dansla cité. Sesmenùres découvrent des loge- mentsaux "coursmal éclairées, sanSégout et parseméesd'jmmondices, des escaliersétroits et sombres,vieux et délabrés,couverts de crasse et de vermine,des p'lancherspourris, des plafondssouillés et des fenê- tres bouchéesavec des chiffons /ôccupésparT des formesétiques et tram- blantes,et par desvisages farouches et blêmes". La misèreest d'ailleurs un problèmequi préoccupeles autorités et dont l'acuité augmenteà certainesépoques. Ainsi en 1844plus de 53 000personnes sollicitent l'aide publiqueet près de quarantesociétés privéess'occupent de soulagerla misèredans la ville. Dix ans plus tard le nombredes indigents secourusgrâce aux fonds publics se monteà plus de 120000 et des enfantserrent dansles rues "sales, en haillons et mendiantun morceaude pain". "La pauvreté,note J. P. Dolan,ne faisait pas de différences entre les nationalités, tous les groupessouffrirent 'les de ses rigueurs. Cependant Irlandais pauvresétaient plus nombreux que tous les autres". La misèreest d'autantplus choquanteque les quartiers riches n'en sont pas très éloignés(4), boutiquesélégantes et hôtels de luxe dansBroadway, où l'on peut admirerle cortègeincessant de voitures de

(a) Cecontraste est noté au passagepar Dickensau cours de sa visite de la ville en 1842.Passant de Broadwaydans la Boweryil écrit : "Thestores are poorerhere; the passengersless gay. Clothesready- made,and meat ready-cooked,are to be boughtin these parts ; and the lively whirl of carriages is exchangedfor the deeprumble of carts andwaggons". Il est dénoncépar l'écrivain réaliste Theodore Dreiser dans son romanSister Ca.rnie,paru en 1900, où le héros dé- clare : "Neverhad I seenso manydown-and-out men in the parks along the Boweryand in lodging-houseswhich lined that pathetic street... Andnever anywherehad I seenso muchshow and luxury. Nearly all of the housesalong upper Fifth Avenueand its side streets boasted their liveried footmen..." -229-

louage,de cabriolets, de phaëtonset de tilburys, et la procession desfemmes vêtues de toilettes à la mode,riches demeuresdu district cossude la CinquièmeAvenue. Cene sont pas ces quartiers qui accueillentles nouveauxarri- vantsoù, d'ailleurs, ils se sententtout à fait étrangers.I1 n'y a guèreque les troupeauxde porcs, en liberté dansBroadway même, qui rappellentaux émigrants leur campagnenatale. Leur place se trouve p1u- tôt dansle quartier de l'East S'ide,dans la Boweryoù s'a1ignent1es hôtels meublésminables. Les adressesdes Lorrains, repéréesdans les annuairesde la vil- le, se trouventen majoritédans'la pointe de Manhattan,au sudde Hous- ton Street, dansdes circonscriptionsirlandaises ou allemandes.0nnote cependantque, au cours de la période1852-1859, un certain nombred'en- tre eux résidentdans les quartiers plus récentssitués au nord de la ville, ce qui dénoteune certaine réussite socialegrâce à laquelle ils échappentaux districts 1es plus pauvreioù ils sont graduellementrem- placéspar les émigrantsrécemment arrivés. Dansles premièresdécades du XIXesiècle, quand les irrnigrés sont moinsnombreux, les Françaiset les Irlandais fréquentent,ensem- ble, l'église Saint Pierre, dansBarclay Street, dont la fondationre- monteà 1785.Bientôt des querellessurgissent à proposde l'administra- t'ion de]a paroisseet, en 1826,lorsque le nouvelévêque, Qui est ori- ginaire de France(5) s'installe, les Irlandaiscraignent une mainmise complètedes Français.Cette situation se prolongejusqu'en 1841.,date à laquelle la conmunautéfrançaise fonde la paroissede Saint Vincent-de- Paul, dont l'église a été construitedans la 23erue. Il existe aussi, en 1845,une "église française",-- probablement protestante-- au coin de NassauStreet et de ParkRow (6). Nonloin de là, cette mêmeanné€, s'ouvre un restaurantfrançais (dansNassau Street),

(5) JohnDubois, de 1826à L842. (61 re Courr'ier des Etate-Unis,7,1.1845. -230-

a 183t1-42 I tE43-51 a 1e52.59 Ci.conscripl ions m lrlandais€s(a.5,61 de Lorrains | :.'.'. ellomandes(lO.lr' 13. Adresses r7) à Manhattan (1834-se)

Carte no 20 (Source: NewYork city directories) -23t-

et unesage-ferme originaire de Lorraine,diplômée de l'école de méde- cine de Nancy,annonce son installation au 42 de ReadeStreet en décem- bre (7). CormeMadame Gigleu, la matrone,les émigrantsreprennent, autant quefaire se peut, la professionqu'ils exerçaienten France,avant leur départ.Ainsi JosephMaire, issu d'unefamille de savetiersoriginaire de ,apparaît-i'l pour la premièrefois dansl'annuaire de 1842 coffnecordonnier, état qui était le sien à lgney et à Réchicourt-le- Château(Meurthe). De même Victor Laurent,Honoré Isidore Pihet et Nico- las Bédé,de Baccarat,ainsi queJean Baptiste Thuillier et Adolphe Limon,de Saint Quirin, sont inscrits commetailleurs de verre en 1854 et 1855.Dans d'autres cas unereconversion radicale est opérée; FrançoisLutz, boucherà Phalsbourgdevient, en 1853,tailleur d'habits. La broderie, sourcede revenustraditionnelle pour les fermesde notre région, n'est pas abandonnéeoutre-Atlantique ; AmélieGradot, née Bournique,de Cirey (Meurthe),Rosalie Bédé, née Creuso,de Baccaratet Emilie Lapique,née Bougon, de Bar-le-Ducdéclarent cette professionen 1857-1858.D'autres fenmes sont couturièrescomme Fannie Montenon de Sarrebourg,Catherine Gasner de (Moselle) et CatherinePoinsi- gnonde Créhange(Moselle). Certainschangent souvent de profession,corme Henri Hesse,de Bricklangeprès de Boulay,qui est successivementépicier, manoeuvreet cordonnier; LéopoldWolf, originaire de Nancyépicier, colporteuret agentde police. Ici; plus quedans leur provinced'origine, les indivi- dus peuventquitter la voie toute tracée que leur auraient imposéeles structuresde leur famille et de leur village. A conditiond'en avoir la volontéet de faire preuved'initiative et de caractère.

(71rbid. , 6.L2.1845. -232-

Profrssionsdrs Lornins(NowYork 1836 - 18?ôl

Figureno 6 (Source: NevlYork City Directories)

En sorune,la répartition des prdfessionsn'est pas très éloignée de celle relevéedans les demandesde passeports: un peu plus de 60 % sont ouvriers, cormisou artisans, 38 % corrnerçants,les cultivateurs s'étant reconvertisdans l'une ou I'autre branche. Autre adaptationjugée nécessaire, l'anglicisation des prénoms, voire des patronymesdes émigrants.0n trouve donc, désormais,des Christopher,John, Lawrence, Nicholas, Emi'ly, Augustus, etc. et les Peu- donqui ont émigréde Xousse(Meurthe) aux environsde 1847deviennent Paydon. Dansle mêneordre d'idées, on peut penserque la plupart des inunigrantsaspirent à devenir, dès que possible, citoyens américainsà part entière, et qu'ils le deviennenteffectivement dès qu'ils remplis- sent les conditionsdéfinies par la loi. A partir de 1795,celle-ci exi- ge des candidatsà la naturalisation une présencede cinq ans dans le pôJS,dont une, précédantirrnédiatement la demande,dans l'état où celle- ci est déposée(8). Deuxtémoins dignes de foi et de nationalité améri-

(8) De 1790à 1795la périodede résidencen'était que de deuxans. Une loi de 1798,qui la portait à quatorzeans, est abrogéepar le Congrès en 1802et le délai de cinq ansest rétabli. -233-

cainesont nécessairespour confirmerque les conditionsrequises sont bien remplies. JosephBarbé se présenteainsi devantle juge du comté de Saint Louis (Missouri)le 18 Juillet 1859assisté de FrederickHaberle et RudolphThomen (9). Naturalisésou non, perdusau milieu des immigrantsde toutes ori- gines, surtout Allemandset lrlandais (10), et desAméricains de souche, les Lorrainss'intègrent progressivementà la populationlocale. L,assj- milation complètene se fera, cependant,QU€ plus tard, à la deuxièmeou troisièmegénération. Les mariagescélébrés à Sa'intVincent-de-Paul permettent d'avoir unevue partielle de la façondont se comportentles Lorrajns, natifs de France,dans leurs rapports avec les différentes communautésen présence. De 1842à L877,L44 actes de mariagede 1'ég1isefrançaise con- cernentau moinsun conjoint lorrain. Le total desmariés originaires de

(9) Textede I'acte de naturalisattion:Etat deMissouri. Cour du Com- missairedes lois du comtéde st Louis.Session de,JuiÀ-iesg. l_e 18 Juillet 1859..Joseph Barbe natif de Franàeâgè-oË-uTnlllquatre ansdemandant à devenir citoyen des Etats-Unis ie présen[eeit prouve à la satisfactionde la courpar le témoignageoe i'reàÀiiikHaoerle et.Rudolph_Thomendeuxtémoini oignes de ioil citoyeni-à.i-rtutr- 9lis'gu'i.! est arrivé auxEtats-Ûnis étant mineur-àu-aÀiious oe 1'â99de dix-huit ans,qu,lt a demeuréaui Etats-uniiiù-ràins èinq ansdans le courantdesquels il s'est conduiten trônÀeiËf'à*., ôt- lg.n€ auxprincipes de Ïa Constitutionet bien àiipôie-àn"i'aveuroe I'ordre et du bonheurdes Etats-unis, -- €t redit beminàâu.ayant ofçJuffen pleinecour sous serment,9u€ depuis trois âni-u,moins crétait sonintention sincère de oeven'irciloyen des Etats-Unis et gq'll renonce-à'el abjurepour toujours, toui engigemèni-aefidéli- té enverstoute puissance,tout priicà,-iolentat,-éi;t-;ù souverain étrangerquelconque et paiticulibremeniênvers tirÀpÀr.ù. à. France dont il est actuellementsujgt, en conséquencÀteol[-Jôiepn aarbe est admiscorme citoyen des Etats-Unis. Le 24 Mai1867 Joseph Barbé demandait, FâF l'intermédiaire de l,avoué camilleHaumant, g r-eplendre la nationaiitetrançaiiÀ,-ià-qri tui était refusépar le ti^ibunalcivil oe premiareinstanée de'Sur"èuourg. (ADMos5 V 70). (10) En_1860,New York comptait_203 l4o lrlandaisnés en Europe,119 9g4 Allemandset seulementI 074Français. Chiffres ou reàeniÀmentoe 1860,cités par J._p. Dolan,op, àit., p, Zz L9 Pop!]qtlontotale de la vilie étaiù be 312710 habirants en 1.840 et de 805000 en 1860 -. |'i9irslï .'iarirrÈ\ $il.td,:.'i,À,1 îrlt ..r.'lt ST.ITts OF MISSOURI. ' In thrs1a* Comm5[ioner'eCourtof St.Louis County.

he rrriveJ it rhe UniÈ,lStttÆr x ntinorl ufrtjr ùe q;o ol cightcl yenn, tùnt tro [u æride,l iu tlrl [.init.,l Slrt"r rt l,!s.t ùre yern, ircluding tho yenn of hir nrinoriry, oo.l iu tlro Srete J ll-*-ori nt lc6t oBo yru, inrmcùirt,,ly prmjira tr ryi.,u:.1' on,luctrd Limx11 i1'1,:rof tho !'uo-li?trri ,n duriog rlrich timo ho b.| r mnn of goorl noral charæter, at!æhsl to ù,r pin. "i ", thc Uoiæ,I Strtc!, ar.l vell rlirJn*rl to tùg or,lsr lnd l[ppner of tbc nmc, alJ rlro ui.l nJ'piirrnt .lc*lrrir: I.,ro io olen t*1 i1 Court, upou orlh, thrl fu tbreo yecn lut pær, it brs becn, bonr 6ùo, bir ioæotiou to bæorrror citi:oo of .tltc Uuitc.l Sht,:', rn,l T tt hcdecl$ing,rboupon uth'lhtthowill.nPt6yltbeComtiturilhof tl& Uoit€.I'ftlNtsrrorltbrt'hedolhnlgrlut'lrr,'l.rrn,e -t, ,-ç)' rbjure all rlhgianæ to ovcl forcigr Porcr, prine. pôtenàt , Strto md S,rrrreismtyr*Îalætcr, ri t prtticulùty to .: J?

-a-'' r Citirel ol tho Unitod (;, ITN$SOTIRT. È. .-i . -#\ï.in#:d;1ffi;a* a 1- I rl1. I ud ûred grl of pid Uourr. | _ :: ,' ce, in tbo City d 8t Luil| lb'! -* t - t t'l ;. tbe ycre of I ,. /..'. I :.a1' t ê

s;i'9'- ,*h,.,' -/ /rut..,, ),/, n 1 4.-.'/., / / ,2 d. z/,, t'2.'i,' /'' !2Y'' " "

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Certificat de naturalisation de Joseph Barbé,légalisé par le vice-consulde Franceà Saint Louisdu Missouri(1859, 1866 )

Coll..utcttr -23s-

notre provincese monteà 166(84 garçonset 82 ieunesfilles).

iâ" \ I usE F!i, if ,rR-+ iQ. 4€ rcjtl o o i*:i".O.

.o t LoFtalnt ayonÈ con- ÈractÉ medagr rn l'ô- gllr. 8.lnÈVlnê.nÈ dr Frul d.NawYod. os Iilil-lltil

/^ J (

Carteno 2L (Source: Registresparoissiaux de Saint Vincent-de-Paul,N€rrl York) -236-

Le nombredes épouxpar départementreproduirait à peu près 1es proportionsobservées au départ, dansles demandesde passeports,si les originairesde la Meurthen'étaient pasdeux fois et demjeplus nombreuxque ceux de la Moselle.L'explication de cette anomaliese

H. F. Total .%

MEURTHE 50 4B 98 59 MEUSE 6 6 T2 7 MOSELLE 19 19 38 23 VOSGES 9 9 1B 11 84 82 166 100 trouve sansdoute dans le fait que 1a proportionde germanophonesse trouve p'lusgrande en Moselleque dans la Meurthe; il est probableen effet que 1esémigrants qui ne par'lentque le djalecte fréquententdes églises allemandes(11), ou, en tout cas, épousentplutôt desjeunes filles étrangèresà la paroissede Saint Vincent. Quoiqu'i'l en soit, 1a Meurtheet la Mosellereprésentent, à elles deux,82 % despersonnes concernées, ]es vosgeset la Meusese partagentle reste (18 %), 1esvosgiens étant unefois et demieplus nombreuxque les Meusiens. Pource qui est de I'origine r'inguistique,les mariésnés dans un arrondissementde la Meurtheou de la Moselleoù la langueparlée est le patois germaniquesont un peup'lus du quart de l,ensembleentre 1844et 1862(27,5 %). 0n a vu ci-dessusquelle pouvaitêtre 1'expljca- tion à la disproportionentre les deuxgroupes linguistiques, surprenan- te à premièrevue.

(11) Il y 9n avait huit dansManhattan en 1.840.L'anglais était employé dans23 "Irish churches"et le français dansuné seule (32 pai^o.ii- ses au total ). -237-

Plus de la moitié (14 sur 27) desmariés originajres de la Lor- raine allemandeépousent des conjointsgermanophones. L,origine de ces conjo'intsfjgure dansle tableauc'i-dessous.

Lorraine Cantonde Als. Al I ds. Berne France IRL. U.S. A. F.

Garçons 3 2 3 4 2 1 J. Filles 3 2 1 6

sur I'ensembledes garçons,six sur dix épousentdes Françaises, parmi)esquelles une forte majorité sont néesdans 1es départements lor- rains (42 %). Lesépouses originaires desdépartements français, Alsace et Lorraineexclues représentent à peuprès la moitjé.

Garçons/épousesfrançaises : Lorraine 22 26 % Alsace 5 6 % France (moinsA1s. Lor.) 25 30% 62%

Quatregarçons sur dix se marientavec des étrangères, près d,un maniagesur deuxétant concluavec des Irlandaises.g,5 % épousentdes Allemandes,et la rnojtiéde ce chiffre desAméricaines.

Garçons/épousesétrangères : 'f A1 emagne 7 8,5 /" Irlande 15 18 % Restede 'l'Europe 4 4,5 % u.s. 4 4,5 % Autres pays d'Amérique 2 2,5.A 38/ -238-

La proportiondes jeunes filles dont le conjoint est français est asseznettement supérieure à celle desgarçons épousant des compa- trjotes (73 /" contre62 Y"); par conséquent,un peuplus du quart d'en- tre e11es,seulement, trouvent un mari en dehorsde leur communauténa- tionale. La répartition des originesdes époux est égalementtrès diffé- rente: près des deuxtiers des conjointsétant natifs des paysd'Europe ( I r I andeet Al 1emagne exc 1 ues ) .

Jeunesfj I les/conjgintsfrançais : Lorraine 22 27% Alsace 3 3,5 % France(moins A1s. -Lorr. ) 35 42,5 % 73%

Jeunesfi I les/conjointsétrangers:

A1lemagne 4 5% Irl ande 1 r,5 % Europe(moins Al1. et Irl.) 14 U.S. Autres pays 'Améri d que 3,5 % 27 /"

Ensembledes mariés

Originedes conjoints Nbre % Lorrai ne 44 26,5 Als ace 8 5 EnsembleFrance Autresrégions françaises 60 36 67.5 % I rl'lemagne ande 16 9r5 Al 11 6r5 EnsembleEurope Autres paysd'Europe 1B 11 27 ./.

Etats-Unis 4 215 Améri ques Autrespays d'Amérique 5 3 5,5 % 166 100 t00 % -239-

L'étudequi précèdeamène à faire un certain nombred'observa- tions jntéressantes.Le comportementdes Lorrainsest caractéristique d'unecommunauté transplantée dans un paysétranger et qui tente de s'adapterà de nouvellesconditions de vie dansun mifieu urbain, il faut le dire, souventhostjle. Lesmarjages des émigrants de la premiè- re génération,tous nésen Europe,se font doncle plus souventavec des compatriotes,et, parmices natifs de la mêmerégion, souventde la même local'ité (dansles deuxtjers des cas) (I2). Le fajt que cette tendancesoit plus marquéechez les jeunesfjl- les ne doit pasétonner. Elles sont, pôFobligat'ion ou par vocation, plus casanièresque les jeunesgens et, très souvent,leur existence tout entière se passeau milieu de personnesde la mêmecommunauté, î1ots français au milieu de la merdes étrangers. Au secondrang despartenaires choisis par 1esgarçons se trouvent les Irlandaises(18 %). Le fait vaut d'être signalécar, si l,on admet qu'engénéra1 les un'ionsse font entre personnesdu mêmemilieu, on peut voir ici 1a preuveque 1esLorrains fraîchement débarqués se trouvaient, commeles Irlandais, pauvreset auxfamilles souventnombreuses, au bas de l'échelle sociale.

(12) Exemplesde mariagesentre conjoints natifs du mêmecanton ou de cantonspeu éloignés (les deux communesd'origine sont seulesdon- nées,suivies de la distancekilométriquequi les sépare) -Hellimer 0 Baccarat-Baccarat 0 Phalsbourg-Phal sbourg 0 BadmnéniI -Baccarat 1 Diffenbach-HelI imer 1 Hertzi ng- 4 Neufmaisons-Baccarat 8 Réchi court-Mai z'ières I Foulcrey-Heille 13 Pui d-Saint-Dié 14 Abreschvi I I er- 2L Saint-Qu i r i n-Schalbach 2L Réchi court-Baccarat 25 -240-

Les Irlandajs.avajent,en outre, la fâcheuseréputation d'être buveurset querelleurs,motif qui explique,sans aucun doute,'le peude succèsqu'i1s rencontraientauprès des Lorraines.Une seule d'entre elles en effet prendun mari de cette nat'ionalité.E11es préféraient de beau- coupdes conjoints orig'ina'ires de 1'Europecont'inentale (22 %). Le fait quequatre Lorrains seulement se marientavec des Amérj- cajnes(aucun Yankee, en revanche,ne prendpour femme une Lorraine !) peut paraître surprenantau premierabord. En fait l'attitude des autoeh- tonesest dansI'ordre normaldes choses.Les immigrantssont considérés avecméfiance sinon avecmépris, comme en témoigneMark Twain, a'lors dans unerégion où ils n'étaient pourtantpas très nombreux:"And many a time in Nevada...we had occasion to rememberwith humiliationthat wewere "emigrants",and consequently a low and inferior sort of creatures"(14). Il y a des momentsoù cette xénophobies'exaspère comme par exemp'leà l'époquede l'existencedu mouvementdes knou-nothing,né "d'une antipa- thie particulière à 1'égarddes étrangers" (15), en 1.854,à la vue des lég'ionsd'émigrants qu'i déferlent sur 1e pays.Sa dev'iseest "1'Amér'ique aux Américains"et ses membresvouent une haine toute particulière au ca- tholicismeet, partant, aux Irlandais.

(14) Et maintesfois dansle Névada...nous eûmes I'occasion de nous souveniravec humiliation que nous étions des "émigrants",et, par conséquent,une espèce de créaturesinférieures. MarkTwain, Roughing It, chap.17. Le voyagedans l'ouest qu'i1 ra- contea eu lieu en 1861. Et Karl Rossmann,l'émigrant allemand d'Amerika, de Kafka, dansune conversationavec un chauffeurdu navire qui vient de I'amenerà NewYork : "Uberhauptist manhier gegenFremde so eingenommen, glaubeich". A quoi son interlocuteurrépond: "HabenSie das auch schonerfahren ?". F. Kafka,Amenika, Fischer Blicherei, p.8. (D'une façongénéra1e je crois qu'onest, ici, prévenucontre les étran- gers. - Vousavez déjà appriscela, vousaussi ?)

(15) J. Duval, op. cit., p. 186. -24I-

Mêmeaprès la disparition du mouvement,'i1reste, dansles clas- ses laborieuses,un solide méprisenvers les nouveauxarrivants accusés d'accepterde travailler pourdes salaires de fam'ine,dévalorjsant ajns'i le travail desouvriers amér'icains. Il est certajn aussi que la diffé- rencede relig'ion a eu uneinfluence sur le comportementdes uns et des autres ( 16) . 0n I'a vu à I'occasionde l'étude desdemandes de passeports, d'autresémigrants poussent plus avantà partir de NewYork ou de la Nouvelle0rléans et vont s'installer dansles villes de I'intérieur. Un certain nombred'entre eux S'établissentà Saint Louis (Missourj)et dansla ville jumelles'ituée sur l'autre rjve du Mississipi, dansl'Il- l'inois (EastSa jnt Louis). C'est à Saint Louis queJoseph Barbé exerce, chez Théodore Sabor- gne, sonmétier de carrossier,là aussi queréside Eugène L'hosp'italier au momentde sa baignadefatale dansle Mjssouri. De l'autre côté du fleuve, unebanlieue de EastSaint Louis porte le nomde FrenchVillage.0n y trouvait unecommunauté de Lorrains orj- gina'irespour 1a plupart de l'arrondissementde Sarrebourg(17). (voir carte no 22 pagesuivante). Entre 1841et 1865,on trouve à 1a pa- roisse de St Philjp 23 mariagesoù l'un des conio'intsau moinsest lor- rain. Vingt-deuxmariés ont pu être formellement"situés" en Lorrajne. Ils viennentde huit cantonsd'ifférents, mais les trois quart sont nés dansceux de Sarrebourget de Lorquin(18), danssix v'i11ages: Diane- Capelle8, Imling3, LangatteL, St Quirin 2, et Bertrambois1.

(16) Lesmariages rencontrés dans les parroissesde St Ph'ilip, FrenchVil- 1age,East Saint Louispermettent de faire des observationss'imilai- res; unionsavec des étrangers, américains ou autres, très rares. (17) Dansce comtéde l'lllinois on rencontreégalement des Lorrainsori- ginaires d'Enchenberg(Moselle). Robert Buecher, st Clain Country, ILLinoùs, Birth and Death Reconds, 1.843-L856.

(18) Autrescantons représentés, tous avecune personne: Baccarat, Ger- béviller, Phalsbourg,Réchicourt, Remiremont, St Dié. -242-

Présences de Lorralns à East Saint Louls. lllinois (|841-t8ô,{)

Carte no 22 (Source: Registresparoissiaux de Saint Ph'ilip)

Et aujourd'huiencore des pierres tombalesdu cimetièreportent des ins- criptions telles que "born in France","born in Nitting, France"... En utilisant les journauxallemands d'Amériquê, H. Neua retrouvé la trace d'autresLorrajns dispersés dans les villes industrielles choi- sies par 1esémigrants d'outre-Rhjn. Il cite le cas d'un H. Dettweiler arririé à Peoria(Il'linois) avant1840 et qui devint pilote d'un stean- boat sur le M'ississipi ; de Henri DamienJuncker, ordonné prêtre à Cin- cjnnati en 1834,puis,nommé évêque du diocèsed'Alton. D'aprèsle même auteur, le Comtéde Lorrain dansl'0hio devrait sonnom à f importante -243-

coloniede Lorrainsqu'i y résidaient,et un certa'inJacqu'in, né à Metz en 1821,aurait commandéune batterie allemandeau coursde la Guerre de Sécession(19). Deson côté J. Houperta pu situer d'autrescommunautés lorraines dansdivers états américains.Les évêques des diocèsesnouvellement créés dansles districts à forte immigrationallemande étajent, écrit-il, sou- vent français, et comme1es prêtres étaient en nombre'insuffjsantils re- crutaient despasteurs bjlingues à Metzet à Strasbourg.C'est ainsi que, pendant45 ans, 1es curésde Fredericksburg(Texas) fondée par des Alle- mandsde la régionde Mayencesont Pierre Tarillon d'Adelangepuis Joseph Rochd'Insm'ing. Anatole 0ster, orig'ina'ired'Hell imer est vica'iregénéra1 à St Paul (Minnesota)et JeanJacques Broun, de Rénjng,est nommécuré à Akron(0hio) aprèsavoir travaillé dans1a régionminjère du Michigan; desparents de sonvillage venus1e rejoindreont, paraît-i1, laissé une descendance"dispersée de I'Illinois à la Californie" (20).La figure de l'abbé Paxest connue.Originairede Sarreinsminget vicaire de Blies- brucki1 obtient, à 36 ans, un passeportpour 1'Amér'ique1e 14 avril 1835 aprèsavoir sollicité et obtenu1a perm'issionde sonévêque, déc'idé qu'i1 est à se "dévoueraux missions d'Amérique" (21).

(19) Dr H. Neu,"Elsâsser und Lothringer als Ansiedlerin NordAmerika", Jalu'buch de r EL s as s- Lothr ing i schen ui ss en s chaft Li chen Ges e LL s ehaft zu Strassbung,t.3, 1930,p. 101, 110, 115et 125. L'auteura unefâcheuse tendance à assimilerles Lorrainsaux Alle- mandsparmi lesquels ils vivaient. Il attrjbue la fondationde la com- munede Lorainerlans le comtéde Mc. Henry,Illinois, à des Lorrains (NI,lde Chicago,Illinois). Uneautre localité fondéeen décembre 1870par deuxhommes, Words et Le'inberger,sur la ljgne de cheminde fer de Ch'icagoà Burlingtonet Quincy,dans le comtéd'Adams, porte le nomde Loraine.Ce Leinberger était-'il Lorrain ? C'est poss'ib1e.

(20) J. Houpert,"Lorrains en Amérique",Cahiers Sanregueminois, ho 5, juin 1967,p. 209. (21) Lettre au sous-préfetde Sarregueminesdu 7.4.1835. A. Pax, "Un prêtre lorrain en Amérjque,Alexandre Pax (L799-L874)", Cahiers San"negueminois,n" 10, 4e trim. 1975. -244-

Ungroupe important de Lorrainsvjvait dans1'ouest de l'état de NewYork (Lewis County), dans la coloniede V'incentLeray, dont I'agent JosephKiefer a été évoquéplus haut. J. Houpertqu'i s'est rendusur place a pu se rendrecompte qu''i1s y ont laissé unenombreuse descendan- cê, par exempledans le village de Croghan(22).

Conclusion

Unefo'is en Amérique,les émigrantsont pour principal souci de survivre avantde s'intégrer complétementà 1a populatjonindigène. Les problèmesà résoudresont ceuxde 1'emploi,du logementet de 1'adaptationà un modede v'ie nouveaudans un milieu urbainet à unelan- guenouvel le, sinon à plusieurslangues (23). La prem'ièregénération embrasse des métjers souventexercés "au pays"avant l'expatriation, ma'iscertains sont obligésd'opérer un vira- ge important,en particul'ierles cultivateurs. Deshabitudes américaines sont vite prises, semble-t-'il,change- mentsfréquents de métier et de résidencepar exemple(2a). Destraits du caractèreamér'icain sont égalementadoptés progressivement. Une lettre

(22) J. Houpert,op. cit. p. ZlL. " (23) Cequi s'accompagnetôt ou tard de I'abandondu frança'is.Le jeune LéonLiegey, âgé d'une dizaine d'années en 1877,écrit à ses oncle et tante : "Je vas à l'école et j'apprend1'anglais auss'i bien... I kiss you-goodby". (Cf. note25, infra).

(24) S'i l'on en croit 1'évêqueJohn Dubois, chaque année, "au premier ma'i,la moitié deshabitants de la cité déménageaitd'un coin de la ville à un autre". Cité par J. P. Dolan,op. cit., p. 4l-42. -245-

de CharlesLiegey à sonneveu ind'ique ainsi unecerta'ine âpreté au gain bjen Yankee."Ce que j'a'i gagnéen 1881,joint à mesrentes, au loyer du bjen de mafemme et à ce qu'Abe1/son fjlsT m'a donnés'élève à 1 300 dollars (ou de 6 500à 7 000frs)... J'aj placéà 1a banque600 dollars. Cette annéeje pensefaire mjeux..." (25). 0n ne trouve pas de succèsspectaculaires chez les émjgrantslor- rajns, maisi1 ne faut pas oublier le rôle desnombreux prêtres dansles quartierspopulaires de certainesgrandes v'illes du MiddleWest. Une tra- dition, qui n'a pu être malheureusementvérjfiée, veut qu'unhabitant de Métairies-StQuirin soit devenuvice-gouverneur d'un état de I'Un'ion.En revancheil est établi que lemairedeEast-St Louis, en 1890,était un Lorrain de Putte'lange(26) , i I apportait ains'i 1a preuvequ'en Amérique tout était possible,même pour des émigrants fraîchement débarqués.

(25) Lettre du 8.1.1881à sonneveu Noirel. (charlesSébastien Liegey était instituteur à Sivry dans1a Meurthe; il a ém'igréavec sa femmeet ses deuxenfants Léonet Abel aux environsde 1875_; ren- seignementset lettres ajmablementcorvnuniqués par M. F. Meyerde TombI ai ne) (26) J. Houpert,op. cit., p. 209. -246-

CONCLUSIONGENERALE

Lesém'igrants qui mettentbrusquement plus de mjlle lieues entre leur nouvellepatrie et leur environnementfamjlier ne le font pas de gaieté de coeur.s'ils se voient contraintsd'accomplir ce qu'A. Legoyt appelle"l'un des sacrifices 1esp'lus douloureux que puisse s'imposer I'hommequi vit en soc'iété",c'est selon le mêmeauteur, qu'i1s ne trou- vent pas, sur le sol natal, "desmoyens d'existence suffjsants". Et il ajoute : "souventaussi /-1eur_7 expatriation est motivéepar le désir d'échapperà des persécutionsreligieuses ou politiques',(1). ce ne sont pas ces derniersmotifs -- sauf dansle cas précis et limité des anabaptistes-- qui chassentles émigrantslorrains de leur province,mais une pauvreté endémique que des crises de naturevarjée transforment,périodiquement, en misèreirrémédjable. Tour à tour cher- tés, hivers rudes,épidémies frappent une population qui, grâceaux pro- grès de la médecine,s'accroît sanscesse. Entre 1821 et 1851,les dif- férents recensementsrévèlent ainsi des gains voisins de 20 % danstrojs départements(Meurthe, Mose'lle, vosges) et de 12 % dansla Meuse.Durant 'les cette périodeI'accroissement naturel compense pertes duesà l'émi- gration, ce qui n'est pas le cas dansles annéesdéfavorables, comme en 1851-1856. A ces conditionsdéplorables s'ajoutent 1e partagedes successions, 'la perte de certains droits hérités de I'AncienRégime, guj rédujsent d'autant les ressourcesdes familles habitant les régionsles plus pau- vres. ces causes,le préfet des Basses-pyrénéesles résumebien en 1858.Parlant de l'émigrationdans son département, c,est, écrit-il : "la médiocritédu salaire des journaliers, surtout en présenced,une cherté croissante,et I'insuffisancedu produit pour le petit cultiva- teur du morceaude teme dont il est prnopriétaireet que les progrèsdu morcellementdiminuent sans relâche" (2), qui poussentses administrés

(1) A. Legoyt,op. cùt., p. 1,7L.

(2) Ibï.d., p. 213. -?47-

à s'expatrjer. Confrontésau phénomène,1es autorjtés adoptentdurant toute la périodeune attitude de laisser faire assort'ied'un .uait andèee pru- dent. Tout en déplorant1e départde citoyensut'iles à leur région d'origine, I'admin'istrationconsidère que, tout comptefaito il n'est pas regrettableque, lorsqueles "moyensde travail" font défaut,1es individusdevenus à chargese tournentvers d'autreshorizons (3). En- core faut-il que leur départne constituepas une source de complica- tions, d'où la miseen placeprogress'ive de toute une1égislation qui, souscouleur de protégerles émigrants,vise avanttout à freiner les expatriations.En fait, tout se passecomme si 1a porte de l'étranger était laisséeentrebâil1ée pour permettre l'évasion de certains indé- sirables, maisqu'elle n'était jamaisouverte trop grande,pour éviter le départde citoyensindispensables. D'ailleurs i1 eût été moralementdiffjcile de défendreune posi- tion de refus total et de faire intervenir, commeon y avait un ins- tant songéen 1817,1a gendarmerie.A. LegoytI'a bien compris,qui écrit en 1861: "Aucunétat d'Europene I-peut_7entretenjr sérieuse- mentla penséed'enchaîner légalement à sonfoyer, c'est-à-dire 1e plus 'l'esprit souventà sa misère,celui de ses nationauxqui a fondéde trouver ajlleurs 1esmoyens d'existence ou l'aisanceque son paysne saurait lui donner.Le droit d'émigrer,c'est le drojt de v'ivre,r(4). Lespasseports se délivrent doncavec une certaine libéralité à ceuxdont la bonneconduite est notoire et les dettes et contributions payées.0nrencontre donc de plus en plus de demandeursdans 1es pré- fectureset les mairies, atteints d'unefièvre d'origine mystérieuse. A y regarderde plus près pourtant,on ne peut nier que le mal soit ve- nu de l'est et, progressantde Suisseet des états allemands,ait en- vahi I'Alsacepuis la Lorraine.Il trouve, cheznous, un terrain favo-

(3) pas "Il n'y a intérêt à s'opposerau départ/- des émigrants7 s'i I est vrai que les moyensde travaiI manquentà votre départefrent" (Ministre au préfet de la Meurthe,22.2,l87; ANF 7 6138-8). (4) A. Legoyt, op. eit., p. XLVIII. -248-

rable. Lesmigrations saisonnières, le va-et-v'ientà la frontière pro- che, la présence,dans le souvenjrdes indigènesd'émigrations ancien- nesconstituent autant de conditionspropices à son installation. LesAllemands dont les caravanestraversent la Moselleapportent la preuveconcrète de la possibilité du voyage.Ils font desémules, surtout dansles cantonsdont 1espopulations comprennent leur langue. Desind'ividus de tous âgeset de toutes classesretracent le mêmeche- min, voyageursisolés, groupesou familles. Les hommesn'ayant pas at- teint 1'âgemûr domjnent, mais les femmes,céljbataires ou mèresde famille ne sont pas rares, de mêmeque les enfants,dont certains fe- ront leurs premierspas en Amérique. Ce sont presquetous des campagnardsqui n'ont jamaisvu la gran- de ville et pourqui Metzou Nancyseront unepremière expérience avant Paris et Le Havre.Manoeuvres, artisans et ouvriersforment 1e gros des bataillons d'émigrants.Ils viennentd'abord des montagnes qui bordent la Sarre et la Vezouze,des forêts du Paysde Bitche et du paysp'lat arrosépar les deuxNied. Sansaucun doute, il se trouve, parmieux, plus de Lorrainsger- manophonesoriginaires du nord et de I'est desdépartements de la Meur- the et de la Moselle.Mais c'est uneerreur de croire que1a régionde Sarreguemines,particulièrement le Bitsehez,Land.,6 été le seul foyer d'émigrationen Lorraine.Les arrondissementsde Sarrebourg,de Metz, et, à un degrémoindre ceux de Lunéville, de château-Salinset de saint-Diéont tous fourni un nombrenon négligeabre d'émjgrants. Leur exodevers I'Arnériquene prendune réeile importanceque dansles dernièresannées de la Restauration.Le mouvementest ensuite continu, le rythmedes départssubissant des hauts et des bas détermi- nés par la situation économiquedes deux côtés de lrAtlantique. S'i une périodedifficile en Lorrainereprésente une puissante force d'expu1- sion, on doit tenir compteégalement de l'attraction exercéepar 1'Amérique,dont le meilleurexemple est, sansdoute, l,or de califor- nie. Dansce cas précis, l'attrait d'unerichesse facile a souvent ioué seul, s'exerçantsur des individusqui n'avaientpas besoin de la poudrejaune pour survivre. -249-

Il aurajt été présomptueuxd'avancer des chiffres étant donné la naturedes sourcesdisponibles et la dispersiondes zonesgéogra- phiqueset despériodes couvertes. Moins de 3 000émigrants figurant dansles demandesde passeportsde la Mosellepour 1a pér'iode I847-L869,soit 23 ans, voilà qui est bien modestesi 1'on songe qu'HenryContamine estime à 40 000 le nombrede ceuxayant quitté le départemententre 1850et 1870(5).0n a vu en détail les raisons pour lesquellesle dénombrementesquissé se trouveen deçàde la réa- lité ; mais, en tout état de cause,1'ém'igration lorraine n'a jamais atteint 1esproportions de l'émigrationalsacienne. L'Amériquene constituepas la seuledestination possible. A certainesépoques on enregistre des demandesde passeportspour 1es paysd'Amérique du Sud,surtout le Brésil. Lesgrandes vi11es françai- ses, en premierlieu Paris ont aussi unefascination certaine pour les insatisfaits en mal de changement.En 1832par exemple,la populatjon de la capitale compteun nombrede natifs de la Lorraine(6) qui n'est pas dérisoire. Mais, commele soulignele rédacteurde 1a Statistdque de La France,dans les provincesde I'Est "le courantde l'émigration paraît se diriger mojnsvers les départementsvoisins qu'à l'étranger, et principalementen Algérie et dans1'Amérique du Nord"(7). c,est en effet d'abordentre ces deuxdestinations que la plupart des Lorrains choisissent,tout au moinsà partir du momentoù la colonied'Afrique se trouveouverte à la colonisation. A priori on pourrait croire quela distanceinférieure et les avantagesofferts par le gouvernementfrançaisà ceuxqu'elle inv'ite à franchir la lvlediterranée-- que11eque soit d'ailleurs leur nationali- té -- auraientprovoqué l'inversion dusensde l'émigrationpour 1a

(5) H. Contamine,op. eit., p.20. Demême on ne trouve pas tout à fait 3 000 ém'igrantsdans la Meurthede 1846à 1861.

(6) 25 à 30/1 000sont originaires de la Moselle(Meurthe et Meuse: 13 à 18/1 000 ; Vosges: 7 à 1211000). Ph. Ariès,I/zlstoire des popuLations fnançaises, Paris !97L, carte p. 168.

(7) statistique de La Franee, 2e série, t. XVIII, Strasbourg1870, P. XV. -250-

diriger vers le sud. En fait les tracasserjesadm'inistratives décou- ragentpeu à peu les bonnesvolontés et I'Amériquedemeurera presque constammentle refugede préd'ilection,et ce en dépit de la propagan- de en faveur de l'A1gérieorchestrée depuis Paris. Il semble,de p1us,que 1es djalectophones considéraient que, poureux, le dépaysementserait aussi granddans la colonied'Afrique du Nordqu'outre-Atlant'ique et que, par conséquent,mieux valajt con- tinuer dansla voie tracée avantmême la conquêtede I'Algérie. Ainsi, on rencontreproportionnellement plus d'émigrantspour Alger ou Constantinedans les Vosgesque dans 1a Mose1le,dans le Sudfran- cophoneque dansle Nord-Estgermanophone. Quesavent les émigrantsdu payschoisi, de cette Amériquevers laquellese dirigent leurs penséesbien avantqu'i1s se mettenten route ? A la vérité pas grandchose. Ils tiennentleurs informations avanttout d'autresémigrants qui écrivent. "Ceslettres, note un au- teur allemand,circulent de mainen main,de village en village et elles produisentun effet d'autantplus grandqu'e1les sont, pour 1es habitantsdes campagnes,le seul rense'ignementqui leur parvient sur 1e paysd'où el1esémanent" (8). Cetternéconnaissance du pays élu, de sa situation géographique, provoquede cuisantesdésillusions lorsque, le premierpas étant fran- chi, les émigrantsse trouventà bord du navirequi fait route vers un port américain.La duréedu voyagesouvent sous-estimée, le mal de mer, la nourriturede mauvaisequalité, 1a promiscuitéde l'entreponts'a- joutant aux aléas du voyagevers le port d'embarquementet le séjour qui précèdeI'appare'i1lage. L'épreuve a raisonde certainsmais elle aguerrit les autres. Malgréles ba'issessuccessives enregistrées, 1e passagenécessite unemise de fondsimportante surtout pour1es chefs de famille. Des agentsinstallés dans1a régionet dansles ports fournissentles ti- tres de transport.Avant que la 1égislationréglemente leurs activités,

(8) Prof. Vappens,cité par A. Legoyt,op. cit., p. 200. -25t-

on en rencontrequi abusentparfois de la crédulité des voyageursoc- casionnels.Les autorités les considèrentavec la plus grandeméfiance, mêmelorsqu'ils sont officiellementagréés. Certains préconisent même leur suppressionpure et simple,comme 1e préfet des Basses-Pyrénées en 1858,car, à l'en cro'ire,"la propagandeincessante faite... par /ôes7embaucheurs... qui ne reculentdevant aucun moyen de séduction pouragir sur desesprits faibles, par des promessesfallacieuses'' (9), constjtuela principalecause de l'émigration.Le refrain est connu. Enréalité l'activité desagents, comme I'amél'iorat'ion des transportsn doit être considéréecomme une condition favorable ayant faciljté une entreprisedont la causeprofonde se trouveailleurs.0n peut voir dansles accusationsrépétées, portées ici et là contre les agences, unetentative de leur faire endosserla responsabilitéd'une émigration quel'administration est incapablede juguler parcequ'elle ne parvient pasà en éliminer les causes,réelles. Quelquesfirmes établies au Havresont habilitées à délivrer des billets de cheminde fer des compagniesaméricaines. Le train est un moyencommode de quitter NewYork lorsqu'on a un but bien défini dans l'intérieur du pays. Si, dansles premierstemps, 1es demandeurs de passeportsdéclarent presque invariablement se rendre"en Amérique",à NewYork ou à la NouvelleOrléans, les annéesqui passentvoient les destinationsse préciser, se diversifier et s'éloigner des deux"por- tes d'entrée". Sur l'ensemblede la période,]es villes et états ins- crits dansles demandes,si l'on excepteles ports, se trouventen gros dansla région s'ituéeau suddes GrandsLacs, zonechoisie également par un grandnombre d'Allemands. Arrivés auxEtats-Unis, les Lorrainsse fondentrapidement dans le creusetaméricain. Qu'i1s aient essayéde se regrouperune fois l'Océanfranchi sembleévident. Ainsi, par exemple,des vosgiensse 'la retrouvent-ilsdans I'lllinois et certainsorigina'ires de régionde sarrebourgà saint Louiset, sur l'autre rive du Mississipi, à French village. Il est certain aussique 1a premièregénération se trouve

(9) A. Legoyt,op. cit., p. 214. -252-

obligéede pratiquerune endogamie stricte, commed'ailleurs les Allemandset les Irlandais. L'ignorancede la langue,une xénophobie sourdetransformée, à certainespér'iodes, en hostilité ouverteempê- chentsimplement qu'i1 en ajlle autrement.La pratiquede la rel'igion, 'la fréquentat'iond'une ég1ise française, à NewYork par exemple,crée des liens et, à la longue,1es cimente. Des mariages se concluenten- tre compatriotes,rapprochés par la communautéde 1'épreuve.Le grand port ne représentesouvent qu'une étape sur le cheminde l'intérjeur. C'est égalementle cas à la NouvelleOrléans, d'où on atteint facile- mentle coeurde l'Unionen remontantle Miss'issipi. Quereste-t-i1 de cette présencelorraine auxEtats-Unis ? Des 'le souvenirsvagues dans 1'esprit des descendantsndes tombesportant nomde villages connus,des patronymesde cheznous dans les annuajres du téléphone. Notreprovince n'a pas fourni d'hommescélèbres à I'Amérique, 'lorrains, maisquelque humble qu'ait été la conditiondes ém'igrants ils ont laissé à leurs enfants, avecune nationalité chèrementpayée, un caractèreet des qualités qui leur ont permisde prendrepart, com- meles autresémigrants européens, à l'édification d'une grandenation. -253-

TABLEDES CARTES, FIGURES GRAPHIQUES ETTABLEAUX

pages CARTESi

n" 1 Chargesdes journal'iersmariés dans la Moselleet dans I 'arrondissement de Sarrebourg,1852

n"2 Dépensesannuelles des familleset des célibataires en Moselleet dansI'arrondissement de Sarrebourg, 1852

no 3 La maladie de 1a pommede terre dansles arrondissementsde Sarrebourget de Sarreguemines,1852 32

no4 Le choléraen 1832dans la Meurthe... 35

no 5 Emigrationà partir de la région de Boulay (à 'exempl 'inst en 1849 1 e de deux i tuteurs ?) 79

no 6 Moselle1847-1869 : nombred'émigrants par cantons 101

n"7 Demandesde passeportspour 1'AmériquedansI'Arrondissement de Sarreguemines(1852-1869) I02 no8 Em'igrationà partir de deuxcantons bilingues de la Moselle (Bou'lay et Faulquemont)(1847-1869) 105 no 9 Moselle.Conscrjts "absents en Amérique,,(1837-1866) r07 no 10Conscritsde la Meurtheen Amérique(1850-1865) 109 no 11Conscritsen Amér'iquedans I'arrondjssement de Sarrebourg ( 1843-1870 ) 110 no 12 Meuse1853-1870. Demandes de passeportspour l,Amérique (total des émigrants) LTz no 13Vosges.Voyageurs pour l'Amérique(émigrants) (1857-1869) 113 no T4Em'igration_françaiseen Amérique du Nord(Caljfornie excep- tée) en 1853. -254-

no 15 Emigrationen A1gérie(1857-1862). Vingt départements de tête 155

no 16 0rigine des passagersdu tro'is-mâts"vesta" à destination de la Nouvelle0rléans (20.9.1849) ... ZI4

no T7 Passagersdu "cachalot"(pour San Francisco, 1g.g.1g49) zl5

no 1B Dest'inationsfournies par les ém'igrantsde la Moselle (1852-186e) 22t

no 19 Les vosgiensen Amérique(1959-1869) (destinations) ... . zz3

no 20 Adressesdes Lorrainsà Manhattan(1g34-1g5g) 230

no 21 Lorrainsayant contracté mariage en 1'église saint vincent- de-Paulde New-vork(lBsZ-IB7t, . .:. . . Z3S

n" 22 Présencede Lorrainsà EastSaint Louis, Illinojs (1841-1g64)Z4Z

FIGURES:

n" 1 Répartition hommes-femmes-enfantsdans la Meurthe(1856-1861) et la Moselle(1852-1868) 92

n"2 Professiondes émigrants.Meurthe. Moselle. 95

no 3 Moselle: origine desémigrants par arrondissements (1847-186e) ..... 100 no 4 Origineet naturedes documentsutilisés par 1esLorrains sort.isduHavreàdestinationdel'Amériqireen].848 no5 Emigrationen californie. professiondes Lorra.insembarqués sur 22 naviresfrançais (mars1g49 - mars1g5z) ..:.::.1:::. zr7 n" 6 Professions york des Lorrainsà New (1934-1g74) nz -255-

GRAPHIQUES:

n" I Populationdes quatre départementslorrains (1921-1866) 19

n" 2 Evolution de 1a populatjon dans l.arrondjssementde Sarre- bourg (i821-1866) 2I

no 3 Prjx du blé et du pain à Metz(L847 ) ... 30

no 4 Voyageursfigurant dans les demandesde passeportspour l'Amérique.Meuse, Mose11e, Vosges (1847-1g69) IZg

no5 Meurthe(1846-1861). Personnes désignées dans 1es passeports pour 1'Amérique 131

no 6 Meurthe: voyageursà l'étranger (1846-1961) I32 n"7 Demandes_depasseports pour les Amér'iquescomparées aux dé- parts effect'ifs du Havre.Meurthe, Moselle (1g57-1962) 135 no8 s'ituationen Amériqueet émigrationlorraine (184b-1870) 138 no 9 lgyqgeyrspour 1'Amérjquedu Sud.Meurthe, Mose'l1e (1846-1861 ) 140 no 10tmigrationen A1gérieet en Amérique,Meurthe (1946-1961) .. r5z no 11Moselle(1853-1868). Répartition mensuelle des départs 1gg no T2 Navjresfrançais armésau Havreà dest'inat.iondes principaux ports américains(1846-1854)

TABLEAUX: no L Prix du pain dansla Meurtheen 1847 31 n" 2 Famillesdans les demandesde passeports. l'loSeI I e (18s2-1868) 87 -256-

no3 Familleset isolésdansla Meuse(1853-1870) et dans1es Vosges( 1859-1868) 89

no 4 Réparti!!on.partranches d'âge des demandeursde passeports en Moselle(1852-1868) 91

no 5 Moselle (1852-1868).Professjon des femmestjtulaires de passeports... 96

no 6 0riglne des émigrantssu'ivant f importancede la localité du domic'ile. Moselle (1847-1869) 9B n"7 Moselle (1847-1869).Pourcentage émigrants-population 103 n" 8 Emigrationà l'étranger et en A1gériedans 1es quatre dépar- tementslorrajns (1857-1864) 153 -257-

TABLEDES ILLUSTRATIONS

- Passeportà l'étranger de Cather.ineSieber (1g54) 55 - Souched'un passeportà I'intérjeur déljvré pourle Havreà JosephDemange (1853) ... 57 - lugg d'un registre du conseirde révis.ionde la Meurthe,canton de Lorquin(1850) ... 108 Lettre d'Amériquearrivée à Sajnt Quirin (1802) 175

4!!gng. d'un départ de navire pour la Californie, Le Myosotis 20I - Acte de décèsd'Eugénie schuler à bord du Rouennais(18s1).... 2IL - Procès-verbalde disparition d,AndréDecker à bordde I a Py,in- cesse Fnancisca (1850) 2t3 - Acte de naturalisatjon de JosephBarbé.(1959) 234 -258-

INDEXDES NOMS DE LIEUX CITES

En ce qui concerne1a Lorraine, il a été jugé préférablede don- ner, danstous les cas, 1a sjtuation des local'itésdans les départements actuels,savojr: Meurthe-et-Ît{oselle:MM; Meuse:Me; Moselle: Mo; Vosges: V. Lespages suivies de la lettre n renvoientà desnotes.

Abreschviller(Mo) : 23, 39, 40. (Mo) : 243. A1ger/Algérie: 84, 145, 148, 150, 151, 153, 155-159,249. Alsace: 117n,119, 155, 186, I88, 247. Amsterdam: 60n. Anould(V) : 62n. Anvers : I92 Arkansas: 22I. Ars-sur-Moselle(Mo) : 216. Aspach(Mo) : 2I4n. Austin:171 Australie : 166.

Baccarat: 37n, 44n,231, 24In. (Mo) : 61. Banat: 79 Barbey-Seroux(V) : 216. Bar-le-Duc: 88, 93n, I27, 231. Bayonne: 183. Belmont(8.-Rhin) : 198. Bertrambois(MM) : 24I. Bettviller : 45. Bitche (Mo): 16, 31n, 38, 39n, 80, 103, I24,184, 190, ?L0,220,226. Blainvi I le (Mlvl): 208. B1âmont(MM) : 51, L22. Bl'iesbruck(Mo) : 48, 243. Bordeaux: 183. Boulay(Mo) : 25, 78, 104, 186, 190. Boussevjller(Mo) : 103. Bouzonv'ille (Mo) : 26n, 88. Brancourt(V) : 90. Breidenbach(Mo) : 80, L03, 220. Biiême: 188, 191, 1.94 Brésil : L20, L40n,249. Brest z 21.5. Bricklange(Mo) : 23I. -259-

Brjey (MM); 25, 78, 104, 186, 190, Z3!. (Mo): 17, 56n. Buffalo : 2L9. Calais : 28n. Californie : 48, 49, 114n,LZ7, 166, L6l, 169,I80, 207, 216,227, 243, 248. Canada: 222. Châlons:190. château-salins(Mo) : L1, 16, 107, 118, 119. Ch'icago: 88. C'inci nn at i : 220. Cirey-sur-Vezouze(MM) : 23, 37, Z3L. Clermont-en-Argonne(Me) : ll. Colmey(MM) : 20n. Commercy(Me) : 24n. Condé(Me) : 80. Conflans(MM) : 24n. Contreréville(V) : 222. Coume(Mo) z 46, 78. Crainviller (V) : 222. Créhange(Mo) : 231.

Dabo(Mo) ; 17, 38, 39, 42. Danne-et-Quatre-Vents(Mo) : 56n, L7g. Devant-les-Ponts(Mo) : Ll4. Deyvillers(V) ,: 151. Diane-Capelle(Mo) : 241. (Mo) : 118. Dieuze: 56n. Doubs: 128n,157, 185. Dunkerque: 183.

Enchenberg(Mo) : 65, 07, 68, 103, ZZO. Epinal : 111.

Farschvjller(Mo) : 62, 64. Faulquemont.(Mo): 79, 101, 103, 104, 111. Fénétrange(Mo):109 Florange(Mo) : 198n. Folkling (Mo): 103. Forbach(Mo). : 14, 23n,-26, 33n,61, 71, 97, 101,103, 184, 1g6. Foulcrey(Mo) : 48n, Z3L Fraquelfing(Mo) : ZZZn. Frauenberg(Mo) : 96, 103. Frémestroff(Mo) : 103. Frouard(MM) z L92. Gérardmer(V) : 151. Gerbéviller(MM) : 49, 179, 189, Z4Ln. -26A-

Géry(Me) : 80, eonlràxangu(t'aô ) : 4zn, rBZn. Gorze(Mo) : 104n. Gosselmjng(Mo) : 44n. Grosbliederstroff(Mo) : 106. Gros-Réderching(Mo)' : 50, 146, Il4. Grostenquin.(ptô) : ZZ, 26: 4In', 44n,103 , LZ4,1g3n. Guinglange(Mo) : 23I Guinkirchen(Mo) ; 32.

Hagévi1le(MM) : 59n, 176. Hambourg: 191, Ig4. Hanviller (Mo) : 103,2ZO. Harskirchen(8. Rhin) : 118n. Haspelschiedt(Mo) : ZZ0. Havre(Le) : 34, 49,_56n,60n, 6lnr_63, 65,67, 68, 73, 90, 114, IZI, 131,llg, \7-\,183, 1g!, lqq, 18e; leô, 1ér,igi, igs, ig+, 196, 201, ?02, 204, 207, 2I5, 224'. Hal'lering(Mo) : 47. Hellimer(Mo) : 103, 106, 243. (tvlo) :80. Hommarting(Mo) : I77. Honfleur: I92. Houston: L7l. Igney(MM) : 23L. Ill'ino'is : 43, 222, 243. Imling (Mo): 27, 4Bn,24j.. Indiana: 222. (Mo) z 243. Iowa : 221.

Kentucky: 7Bn. Kerprich-lès-Dieuze(Mo) : 56n. (Mo) : 27. Lambach(Mo) : 103. Landrefang(Mo):90. (Mo) : 241. Languimberg(Mo) : 2I4n. Laning(Mo):103. Launstroff (Mo) : L1Z, 103. (Mo) : 103. Léning(Mo):56n. Liedersch'iedt(Mo) : 103, ZZ0. Lixheim(Mo) : 40. Longeville-lès-Saint-Avold(Mo) : 103. Longuyon(MM) : 24n Longwy(MM) : 24n. Lorquin(Mo) : 2L, 23, 26, 27, 42, Z4l. Louisiane: 22I -261-

Louisville : 2I9. Loupershouse(Mo) : 15. (Î'to) : 65. Luxembourg: Ll7n, L92. Macheren(Mo) : 220. Many(Mo) : 101, 102,103, 104n. Marange-Zondrange(Mo) : 47, 90. Marne(Haute) : 111. Marseille: 2I5. Martigny-Lamarche(V) : 11, L50,??2. Martinvelle(V) : 222. Mayence: 243. l4emphis: 2I9. Ménil (V) : 128n. Métairies-Saint-Qu'irin(Mo) : L78, 245. Metz:20,2I,25n,28,30, 35, 65, 67,68,77,90,97,99,100, 103, 104, L20n,165, 189, 190, I92, 214, 243. Minnesota: 22L. M'issouri: 22L. Mittelbronn(Mo) : 27, 66. (Mo):118. Montbronn(Mo) : 1.5,69, 103, 118, L33,220. Morgemoulin(Me) : 49. Morhange(Mo) : 81. Moussey(Mo):90. Muntztahl(Mo) : 18n.

Nancy: 16, 20n,28, 48n, 69, 107, 133, 153, 165, l7g, 184, 189, 190, LgZ, 2L4n,23L. Nantes: 2I5. Nap'les : 71n. Neufchâteau(V) : 111. Neuv'illers(V) : 198. New-York: 4!, 46,64, 82n, 136, LO7,Ilg, 185, 193, lg8, ZOZ,Z03, ZOS, 2lg, 2lg, 22?, 224, 226. Niderhoff(Mo) : 178. Niederstinzel(Mo) : 118. Nièvre: 81. Nitting (Mo): 241, 242. Nousseviller(Mo) : 103. NouvelleOrléans (La) : 185, 193, 203, ZOS,Z!B, ZZO Obergailbach(Mo) : 61, I22. Obernaumen(Mo) : 86. Pange(Mo) : 104n. Paris : 1.6,169, 189,190, 215, 249. Pennsylvanie: 222. Peoria : 242. Périgueux: 166n. Perpignan: 169. Petite-Rosselle(Mo) : 86, 101.n,103, 106. Petit-Réderching(Mo) : 118. Pétrange(Mo) : 186. -262-

Phalsbourg(Mo) : 43n, 44, 56n,109,193,184,231, 24In. Philadelphie: 7?, 77, 118, L22,2I9n. Pologne: 15, 60n, 119. Pontpierre(Mo) : 103. Provenchères(V) : 198. Puttelange(Mo) : 103,?L6, 220,245. Pyrénées(Basses) : L42, 246.

Rahling (Mo) : 73. Réchicourt-le-Château(Mo) : 2L, 25, 48, 23I, Z4In. Reims: 190. Rémilly(Mo) : I23. Remjremont(V) : 111, Z4In. Réning(Mo) : I23. Rettel (Mo):68. (Mo) : 103. Rhin (Bas): 76, 119, L20, L23, 128n. Rh'in(Haut) : I42. Richeval(Mo) : 47. R'itzing(Mo) : 86. Rohrbach(Mo) : 23n, 26, 103. RolbinS(Mo) : 183n. RoppeviIler(Mo) : 101, 103, 220. Rupt(V) : 111, 222. Saarburg(RFA) : 66. Saint-Avold(Mo) : 23n, 26, 56n, 97, 199, 190. Saint-Dié(V) : 26, 11ln, 153, I59, Z4Ln. Sajnt-Jean-Kourtzerode(Mo) : 184. Saint-Jean-Rohrbach(Mo) : lZ4. Saint Loujs (Missouri): 2Ig, 233, 24!. Sajnt-Louis(Mo) : 56n, 103, 106 Saint-Nicolas-de-Port(MM) : 44. Saint-Quirin(Mo) : 18n, 23, 39, ll, 118, 23!,- 241. SanFrancisco : 48, 167, L7g, Z0S,207, ZL6. Saône(Haute) : 111, 128n. Sarralbe(Mo) : 22n, 20, 103, 104. Sarraltroff (Mo) : 50n. Sarrebourg(Mo) : 20, 25, Z7n, 30, 33, 37, 40, 42, 43n, 71, 80, 107, 109, 119, 119, 120, Lzl, I23, L24,125, 173, L77, 194, 207, 24L. Sarrebruck: 33, 184, 190. Sarreguemines(Mo) : 16, ZO,?1, 23, 24, 26, ZBn,35, 45, 64, 97, gg, 103, 104, 106, 118, 120,r23, 141. Sarreinsberg(Mo) : 103. Sarre-Union(Bas-Rhin) : 186. Schorbach(Mo) : 103, 220. Schweyen(Mo) : 80, 220. Seingbouse(Mo) : 220. Senming(Mo) : 90. -263-

Sierck (Mo): 20n, 103. Siersthal (Mo): 103, 220. Sivry (MM):245n. Soldatenthal(Mo) : 40n. Sommeilles(Me) : 80. Soucht(Mo) : 15. Southampton: 137n. Sponville(MM) : 64. Strasbourg: 36, 128, 189, Ig2, 243. w (Mo) : 104n. Téterchen(Mo) : 46, 59. Texas: I57, LlI, 184,22I. Thiavi I le (MM): 44. Thionville (Mo): 2I, 24, 28, 35, 97, 99, I02, 103, I04, Ig2. (Mo) : 118. Toul (MM):31, I07. Tours: 2L5. ïritteling (Mo) : 47.

Vallerange(Mo) : L7, 59, 103. Valmont(Mo) ; 72n. (Mo) : 59, 64, 123. Vaucouleurs(Me) : 111, LZ4n. Verdun(Me) : 7Y. Verny(Mo) : 104n. Vigneulles(Mo) ; 78. Vigy (Mo): 104n. Virginie : 161. Vittoncourt(Mo) : 103. Volmunster(Mo) : 23,32,7In, 103,111,193n.

j'

S, ii !l .SI -264-

SOURCES

I. Arch'ives 1..Archives départementales : a) Meurthe-et-Moselle(abréviation : ADMM):

1M 602 : rapportsdes préfets, lB22et 1839.Rapports trimestriels, 1858.Rapports décadaires, 1859-1860. Rapports mensuels, 1855,1860-1862, 1864, 1865-1870. Fondspauvre. Peu de référencesà l'émigrat'iondans les rap- ports ex'istants,qui couvrentquelques années de la fin du SecondEmpire.

4 Ft234 : relations internationales.passeportsl Circulaireset instructions(An VIII-IBIZ). Eta\s nominatifs(lère mojtié du xIXesiècre) et numériques (1847-1859)de passeportsà l,étranger (17 septembre1861 - 2 mai 1866).

Lesétats nominatifsconcernant la premièremoit'ié du XIXe siècle sont des listes de demandeursde passeportsà l,inté- rieur. 0n trouve une nombreusecorrespondance entre le minis- tre de l'Intérieur et le préfet au sujet des passeportsdéli- vrés aux ouvrierspour Paris ; égalementsur la délivrancede passeportsgratuits, avecsecours de route, aux indigentsqui se rendentdans 1a capitale. sur l'émigrationà l'étranger, la statistique de 1953et un cahier manuscritcontenant les demandesde passeportsenre- gistrées à Nancyde Septembre1861 à Mai 1966. Fondsintéressant pour l'émigrationdes ouvriers à Paris à la fin de la Restauration.c'est re seur qui contienne,pour une périodede cinq ans seulementil est vrai, des listes nomina- tives de demandeursde passeportsà l'étranger, êt, par consé- quent,d'émigrants pour 1'Amérique.Depuis l.application d,une

x Voir page2Blle tableaud'ensemble des demandesde passeportset de la statistique. -265-

1égislatiohrécente, une autorisation spéciale est nécessai- re pour la communication.Le fonds, dansson ensemble, cou- vre la périodeAn VIII-1889.

5 M 90 : choléra.Instructions et correspondancerelatives à 1'épidé- mie d'août1831 à janvier 1833.Tableaux et rapportssur la situation sanitaire du départementde la Meurthe(avril 1832- janvier 1833),des arrondissementsde Château-Sa1ins, Lunévi'11e,Sarrebourg et Toul (juin-septembre1832). Fondsriche qui permetde suivre l'évolution de l,épidémie dansla Meurtheet de localiser précjsément1es principaux foyers de la maladie.

6 M 91 : recensementde 1846,listes nominativesde I'arrondissement de Sarrebourg; cantonde Sarrebourg. 'les Il s'agit des cahiersrédigés par agentsde recensement pouÈ.chaquecommune de l'arrondissement.Ils ont été utilisés, danscert,ains cas précis, pour confirmer-- ou'infirmer -- la présencede certainsémjgrants repérés ailleurs.

6 M 288 : émigration.circulaires (An vIII-1896)... Emigrationpour l'Amérique(1828-1881). Renseignements statistiques sur l'é- migration(1865-1914). Agenrs d,émigration (1865-1892).

Ce fonds contient en outre des documentsrelatifs aux Français au service des puissancejétrangères et de retour du service du Portugal,la plupart concernantla fin du premierEmpire. sur les 49 piècesde I"'émigrationpour l'Amérique",une seule date de 1.828,le reste étant concentrésur ra période 1864- 1868' comptenon tenu des documentspostérieurs à 1870. Le grand intérêt du fonds réside dansla présencedes tableaux de la statistique despasseports : un état récapitulatif des années1846-1851, puis les tableauxannuers de r.852à 1861, LB58excepté. Il y a aussiquelques listes de passeportsdélivrés par les mairespour l'émigrationen Amériqueen 1853,en contravention -266-

avecles rè!lementsen vjgueur. 'la Untiers de cette l'iassecouvre période1870-1914, I a remarquefaite à proposde 4 M 234s,applique donc également ici.

6M632 mercurialesgénérales bimensuelles des céréales et légumes secs, ainsi quedes divers comestibles,fromages et combusti- bles sur les marchésde la Meurthe: 1840-1848.

714129 statistique agricolequ'inquennale des cantons des arrondisse- mentsde château-salins,Lunéville, Nancyet sarrebourg,LBsz.

7t4 229 forêt domanialede Dabo.Etablissements industriels : fixa- tion, fonctionnement.An XII-1857.

9t47 statistique industrielle : situation industrieile du départe- mentde la Meurthe: 1849-1859.

9M32 établissementsindustriels : cristalleries et verreries : 1810-1839.

ces quatrefonds, généralementbien pourvus,contiennent des renseignementsintéressants sur la situation de I'agriculture et de l'industrie, sur le mouvementdes prix et sur I'embau- che.

(1 R 362 à 377) : comptesrendus des sessionsdu conseil de révision de la Meurthe,1851-1866 (classes 1850 à 1865)

Il s'agit de gros volumesreliés, un par année.A l'époque de la consultationils n'étaient pas encorerépertoriés.

b) Meuse(abréviation : ADMe)

141M L - 2: passeports,instructions, correspondance, An vIII-1914. certainespièces de la correspondancene manquentpas d'inté- rêt. -267 -

143M I - 2: enregistrementdes passeports,An VIII-1891.

La liasse L couvre1a périodeAn VIII-1816,la liasse 2 celle de 1853à 1891,il y a doncune lacuneimportante entre 1817 et 1852.Il s'agit de gros registres contenantles demandes de passeports.

c) Moselle(abréviation : ADMos):

J.6243: émigrantsde la Mosellefigurant sur les registres de passe- ports de la ville du Havre,1849-1852.

88 M 1 bis : émigrants.1837-1839. Il s'agit desémigrants allemands en transit.

89 M l. bis : émigrantsen Pologne(An 10), et en Bavière(An 11). PoliSeadministrative, émigration en Amérique,181Z-1843. Les deuxderniers artjcles, groupésdans la liasse 76189 M 1 bis, ont été formésavec 1es pièces ayant échappé à'la destructionen 1944(1). si le gros dossierconsacré à l'émigrationen Amériquecon- tient beaucoupde piècessur les voyageursallemands entrant par Forbach,c'est néanmoins,pour notre région, un fonds très riche (correspondanceofficielle).

106M L - 2: passeports,instructionr, .orrespondance,An vIII-1g70.

Fondsassez riche, bien qu'unegrande partie ne concernepas l'émigrationen Amérique.

109M : passeports.Etats statistiques, 1B4B-1870. Fondsriche, contenant,en particulier, les états des deman- des de passeports.

(1) 88 M : émigration.Affaires générales.Etats, 1855-1g70. 89 M 1 - 2 z surveillancede l,émigration.An X-1g70. -268-

111M collection de passeportsfrançais.An VIII-1832.

Passeportsà I'intérieur seulement,concernant des voyageurs arrivant en Moselle.

258M1 agriculture. Statistiquesquinquennales,1852. Fondsassez riche.

2N 6-8, 10 : rapports du ConseiI Généralde la Moselle,1826-1846.

4N 8-9 comptesrendus des délibérations du ConseilGénéral de la Meurthe,1847-1868.

BN11 comptesrendus des délibérations du conseil Généralde I'Ar- rondissementde Sarreguemines,1845-1868.

10N 2 ùd., Arrondissementde Château-Salins,lB25-1843.

10N 3-4 id., Arrondissementde Sarrebourg,An VIII-1g45. \ Ces'cinqarticles constituentun fondsassez pauvre et hété- rogène.Les ment'ionset les chiffres de l,émigration,dans l'arrondissementde Sarrebourg,sont néanmoinstrès précieu- ses.

R 121-169: comptesrendus des sessionsdu conseil de révis.ionde la Moselle,1.8L7-1867 (classes 1916 à 1866). Collectioncomplète des registres.

1 T 39, 42 et 45 : dossiersindividuers d,instituteurs (Moselle).

I T 95-96 : images,estampes, gravures déposées, 1g54.

5 u 70 : archivesdu tribunar civil de premièreinstance du 4e Art. communaldu départementde I a Meurthe/Sarrebourg7 ; juge_ mentscivils, 1867.

U 98 z id., jugementssur requêtes,1865-1.967. -269-

22Ut3: justice de paix de Lorquin/Meurthe/. M'inutes civi les, L847-L8s2.

Fondsintéressant pour 1'étudede l'endettement.

d) SeineMaritime (abréviation : ADSM):

4 MP4292 : rapports quotidiensou hebdomadairesdes conrnissairescen- traux de RouenHavre, Elbeuf, Boos,... (ianvier-décembrelg5g).

4 MP4300 z id. (mai-décembre1868).

Il s'agit des rapportsdes commissairesde police et nonpas des corunissairesà l'émigration.Leur fonction les mettait en contactavec les émigrantsqui arrivaient dansla ville du Havreet ils signalaientparfois res groupesimportants dé- barquantdu cheminde fer de paris. \ l4P4767 : passeportspour l'étranger, clossiersjndividuels, an X-1858; passeportsintérieurs pour les étrangers,an VIII-1838.

Pasde trace, souscette cote, de passeportsà 1,étrangerdé- livrés à des étrangersau départementde Seine Inférieure.

P 6. 152-L70: rôles des bâtimentsde commerce,1950-1953.

Registresvolumineux contenant, outre les rôles de l'équipage et des passagers,tous les détails concernantles voyagesde chaquebâtiment armé au Havre: escales,état-civ.il, incidents de toute nature, désarmement.Il aurait été intéressantde dépouillertous les registres, ce qui n,a malheureusementpas été possible(ils sont exclusde la corffnunicationpar corres- pondance) .

6 P 7. 45 : avis d'armementet de départ des bâtimentsde commercepour les colonies; 1846-1854. -270-

Registreportant la datede départ,le nom,'letonnage des bâtimentsayant quitté 1e port du Havreainsj que leur des- tination, "colonies"étant entendudans son sens1e plus 1arge.Pas d'indicat'ion sur le nombredes ptrssagers.

6 l{P 2028-2029: dossiersdu service de l'ém'igrationdu Havre, 1840-1870.

Fondstrès riche contenantla correspondancedes préfets de SeineMaritime avec le ministre et avecleurs co11èguesdes autres départements; il contient égalementdes lettres de firmes assurantle transport des émigrantset du maire du Havre. Sousla cote 2029se trouvent 1es Rapportsdes commis- 'les saires à l'émigrat'ionau ministre de l'Intérieur pour an- nées1857-1858 (N" 1),1859-1860(N" 2) et 1861-1862(N" 3).

e) Vosges(abréviation: ADV):

15 M 50 : émigration,états semestriels,1855-1883.

Ce fonds contient les listes des demandeursde passeportset des états concernantl'émigration à l'étranger et en Algérie.

15 M 51 : émigration,moyens de transport, 1839-1884.

2. Archivesmunjcipales : a) Metz :

2 I 59-65:'demandes de passeports,LB15-1860.

I1 s'agit de passeportsà l'intérieur. Maisle fondscontient quelquespièces intéressantes concernant la législation des passeports: lettres du préfet au majrede la ville. -27t-

b) Morhange:

Paquet18 I 3 : po'licegénéra1e, passeports 1814-1860.

Il se trouve 1à quelquesp'ièces intéressantes sur les cons- crits quittant 1a régionpour se vendrecomme remplaçants.

c) Phalsbourg:

2 I 2 (déposéaux A.D. de la Mosellesour NoE supp1.544.49) : police générale,émigration, passeports, 1853-1870.

Quelquesexemp'les de délivrancede passeportsà de jeunesen- rôl ables moyennahtcaut'ion.

d) St Avold :

Cote562 (dépo,sé aux A.D. de la Mosellesour NoE suppl. 609) : Police générale,passeports délivrés, enregistrement; An vIII-1852.

Il s'agit de passeportsà I'intérieur, certainsdélivrés pour Le Havre.

3. Archivesnationales : a) Paris :

Tousles dossiersfigurent dansla série F7. 3550 : passeportsdélivrés dansles départements(Morbihan - Mose'lle), An VII-1817.

6138.8-10:émigration en Russieet en Amériquede familles des dépar- tementslorrains et alsaciens.1817.

- -272-

Fondstrès riche : listes d'ém'igrants,correspondance entre les préfets et le gouvernementcentral. Les cotes 6138.9et 10 concernentuniquement 1es départementsdu Rhin.

11 930 : passeportsdélivrés par 1es préfets, 1818.

12 186 : passeports; législat'ion,instructions, circulaires. { DossierI : An IV-1847. Dossier2 : correspondancereçue par le mjnistre de I'inté- rieur concernantles passeportsà 1'étranger.

L? 20L : passeportsdélivrés par'les préfets (Marne- Rhône),1846.

12 202 z id., (Ain - Moselle),1847.

12 204 : id., (Ain - Yonne),1848.

L2 206 z id., (Meurthe- SeineInférieure), 1849. \ L2 208 id.,' (Ain Pas-de-Ca1a'is),1851.

L2 2L8 Le Havre: état des voyageursentrés et sortis, 1848.

12 337 états numériquesdes passagersfrançais et étrangersembar- quéspour I'Amérique,1837-1840. Permis d'embarquement irré- guliers, Le Havre,1829-1.849.

12 354 passeportsà l'étranger délivrés par les préfets (Hérault- Nord), 1850.

Fondsassez riche en ce qui concerneles I istes de demandeurs de passeportsqui viennentainsi s'ajouter à celles existant dans les départements.

b) l,lashington,D.C. :

Passengerlists of vesselsamiving at NewYork :

Rolls 77, L30-132,135-136 (1.1.-31.3.1849) ; 13.8.-21.10.1853;

, -273-

13.121853- 3.4.1854) Le fonds completcouvre 1a période1820-L897.

Passengerlists of vesselsarrjving at New0rleans :

Rolls 31, 33-37(3.6.-3I.L2.1849 ; 1.11.1850- 25.4.1853) Périodecouverte : 1820-1902.

Indexto passengerl'ists of vesselsarriving at New0rleans, 1853-1899.

L'ensemblede cesmoyens de rechercheest extrêmementriche. Deslistes semblablesex'istent également pour les autresports amérjcains.Dans ces conditions, retrouver des émigrantsrencontrés au commencementde leur voyageest une gageure.

II. Sources'imprimées 1. Publicâtions off ic'ielles : a) France:

Rapports à Son EæcelLence Le Mindstne de L'Int,êr,ieLtr s?,:r,Lté.migrat'ion, Paris, Années1857-58, Paris, 1859.

-Id., Années1859-60, Paris, 1861. Id,, Années1861-62, Paris ; 1863 (cf. ADSM6 1'|P 2029supna). 'la ReeueiLAdninistnatif du départemeritOe Meurthe,1817-1818, 1828-1833, 1837,1839, 1843, 1847-1853 (ADMos 13 K I bis-2, l2-L7,22,24,27, 31- 37) RecueilAdninistv,otif du départementde la Moselle,1817, 1827-1830 (ADMos12 K 2, L2-14)

Statùstiquede La Fz,ance,Lère Série, t. II ; territo'ire, population, Paris,1837.

Statistique de La Fy,ance,2e Séri€, t. III ; mouvementde la population en 1851, 1852et 1853,Strasbourg, 1861 t - 274-

Statistique de La Fy,ance,2e Sériê, t. XVIII ; mouvementde la popula- tion pendantles années1.861, 1862,1863, 1864 et 1865,Strasbourg, 1870

b) Etats-Unis:

NewYork Public Library :

Rode(Charles R.), fhe NeuIork City Dinecboryfor1852-1853, NewYork, 1852 id., 1853-1854,N.Y., 1853

Wilson (Henry, compiledby), The NewIork Citg Dinectoz,yfoz, 1852-LBSS, 1852

Tnout's Neu Ionk City Dinectot'y for, 1853- 7854,New York, 1853

NewYork Genealog'ica1 and Biographical Society :

Dogget(John, Jr.), fhe NeuIonk Ctty Directorg for 1842and 1B4S,New York, 1842

The Neu Ionk City and Pay,tnership Directony for, 1B4S and lî4q, New York, 1843

Ihe Neu Ionk City Directony fot, 1844 and LB45, New York, 1844

DoggettsNeu tork City Directorg for 1845and L846, NewYork, 1845 id.,1846 et 1847,N.Y., 1846; 1847et 1.848,N.Y., L847; 1848et 1849, N.Y., 1848; 1849et 1850,N.Y., 1849.

Dogget(John, Jr.) et Rode(Charles R.), aod.e,sNeu Iork City Directony fot, 1.85Land 1852,New York, 1851

Longworth(Thomas), Longworthts Amerieqn Almarne, Neu rork Register and. Citg Dinectory, NewYork, LB31to 1B3B; 1840, 1841 -275-

Rode (charles R. ), Rod.e'sNett ronk city Dinectony for, LBSLand. 185L, NewYork, LB50

Trow (John F.), Trouts Neu ronk city Dtrectozg fon the year end.ing Mag 7, 1856,New York, 1855

id., jusgu'au 1er mai 1857, N.Y., 1856 ; jusqu,au ler mai 1859, N.y., 1858.

2. Presse:

Le Courr"iey,de La MoseLLe,1830-1831, 1845 et 1847

Le Counz'iey,des Etats-Unis, organe des populations Franco-Américaines (NewYork), 1845-1851

Ltespéz,ancecouytiez, de Nancy, L849

Ltindëpendant'deLa MoseLLe,1834-1835, 1840, 1850

Journal d.e La lrloselle, L826-1827

Journel de Rouen et de La Seine fnféni.ezu,e, IgZg

Joumal du Hann,e,30.4.1830 ; 29 et 30.5.1831 ; 13.1.1854

Moniteuy de La MoseLLe,1852-1857

3. Ouvragescontemporains :

Barbaroux (c.Q. ), nêswn'âde L'histoiv,e d.esEtats-unis d,Amérique, 374 p., Paris, L824

Bittinger (T.B.l, Cuide des émdgnantsau.æ Etats-Itnis, Le Havre, 1834 (8.N. Pb 47) chastellux (1. de), et Edom(M.), Géographied.e La I,IoseLLe,180 p., Metz,L863 -276-

Colchen, Mémoinestatistique du dâpartementde La MoseLLe,224p., Paris, An XI

Duval (Jules), L',âmigration europëenne, son irnpoz,tance,ses cattses, ses effets, Paris, 1861

Lepage (Henri ), Le dépar.tementde La Meuz,the,statistique hdstonique et adninistratiue, 2 vo1., 366 et 725 p., Nancy, 1843

Marquis (M.), Mémotrestatistique du départementde La Meurthe,23! p., Paris, An XIII

Monin (v.), AtLas classique de La géognaphieancienne, du MogenAge et moderne,Paris, s.d.

Morlent (M.J.), Le llaure ancien et mod.erneet ses entsirons. Desez,iption statistique de son port, état de aon coïrnerce, Le Havre, 1B2S

\ Guide touristique du Haùre et de ses entsiz,ons,Le Havre, 1860

Tocquevi'fle (Alexis de) , De La démocratie en Améz,ique,in 1euutes com- pLètes,2 v01.,466 et 428 p., Paris,1961

III. Bibliographie: 1. Ouvragesgénéraux :

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2. Autres\.ouvrages:

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Dedenon(A.), Histoi,ne du Blânontois clans Les TernpsModernes, 175 p., Nancy, 1930

Dolan (Jay P.), rhe rwnignant church : Newrork's rr.ish and. Getman Catholùcs, 1815-1865,22L p., Baltjmore, tgls

Duroselle (Jean Baptiste), La France et Les Etats-tJni.s d.esorigines à nos jours, 285 p., Paris, 1976

Jones (MaldwynA.), Ameri.eanInunigz,ation, 359 p., Chicago, 1960 -278-

Jul ien (Charles-André), nistoixe de L'ALgétie conternpora'Lne,t. ler. La conquêteet Les débuts de La coLonisation (I827-LB7I),633 p., Paris, L964

Hansen(Marcus Lee), The AtLantic Migrat'ion,1607-1860, 386 p., New York, 1940

The Inmigrant in American H'i.story, 230 p. , New York, 1940

Louis-Philippe, Journal de monooAage d'Amér,tque,155 p., Paris,1976

Martin (Jacques), Le r.endez-oousqméz'icain, conrespondanceet jouwtal inédits de---, 1853-1868,368 p., Paris, 1975

Potter (David), Les fi.Ls de L'abondance ou Le caractère nationaL anéri- cain,28B p., Chicago,1.954 ; version française, 1966

Rémond(René)r. Les Etats-tlni.s deuant L'opinion fnançaise (1815-1852), 2 vol., 449 et 524 p., Paris, 1963

Soboul (A'lbert), fu,obLèmespaAsans de La Réuolution 1789-1848,44? p., Paris, L976

Toussaint (Maurice), La frontièr,e Linguisttque en Loy,yaine, 239 p., Paris,1955

Truquin (Norbert), Mémoireset auentures d'un prolétaire à tz,auers La réuolutïon, 277 p., Paris, L977

3. Articles:

Chevalier(Louis), "L'émigrationfrançaise au XIXesiècle", Etudes d'histoïre modenne et eontentporaine, L947,p. 127-17L.

Gain (André),"La Lorraineallemande foyer d'émigrationau débutdu XIXesiècle", PaysLoruain, L926, p. 259-266.

tNf#*R .,- \*' *[ moturotuls]. M -?79-

Gain(André), "Une traversée de I'Atlantiqueen 1781-82.Récit d,un Messin", CahiensLorrains, 1933, p. 118-121

Houpert(Jean), "Lorrains en AmériQUê",Cahiers Sanreguemïnois, No 5, juin 1967,p. 208-212

Leuilliot (Paul), "L'émigrationalsacienne sous I'Empire et au début de la Restauration",Reutte Historique, t. CLXV,L930, p. 254-279

Mergen(Joseph), "Umfang und Grijndeder Amerika-Auswanderungaus dem Saarlandin der ersten Helfte des 19. Jahrhunderts",SaarbrLicker Hefte, Nr 12, 1960,p. 68-78

Neu(Dr Heinrich), "Elsâsserund Lothringer als Ansiedlerin NordAme- rika", Jahrbuchder Elsass-Lothringischenwissenschaftlichen Gesellschaftzu Strassburg,t. 3, 1930,p. 98-128.

Nominé(Henri), "L'émigrationde Lorrainsdans le Banatau XVIIIe siè' cle et \ar auraas",Cahiers Sarz,egueminois, No 6, Avril 1968, p. 249-257

Pax(Alexandre), "Un prêtre lorrain en Amérique,Alexandre pax (I7gg- 1874)'t,Cahiers Saw,egueminois, N" 1.0,4e trim. 1975,p. 552-559

Richard(G.), "Trois Lorrains en californie". Reuupdes DeuæMondes, L5 février 1943,p. 397-4L7

"Les anabaptistesou mennonitesen Lorrai ne,,,Annales de L'Est, N" 1, 1.967,p. 131-177

4. 0euvreslittéraires :

Cendrars(Bl aise) , Ltt0r, colI . Folio N. 331.

Crane(Stephenl, uaggie, ?,tnefiLLe des rues, Aubier-Montaigne

Dickens(Charles), AmenicanNotes -280-

Dreiser (Theodore),Sistez, Carxie, Harper& Row

Kafka(Franz), Amenika,Fischer BljchereiNr 132. Folio No 406

Melvil1e (Herman),Redburm, Penguin Books

Sinclair (Upton),Ihe JungLe,Penguin Books

Dansune oeuvre en grandepartie autobiographique,Melville dé- peint le voyaged'un grouped'émigrants irlandais de Liverpoolà New York. Karl Rossmann,le hérosd'Amenika, fait la traverséedans de mei'lleurescondjtions sur un vapeurallemand. De plus, la chancele fa- vorise puisqu'il retrouvepar hasardson oncle Jacob,homme d'affaires riche et puissant,à son arrivée à NewYork. Malgrécela, il fera I'ex- périencede la dure loi imposéeaux émigrants: lutter seul dansun mi- I ieu hostiI e. \ C'est dansJa réalité de la vie desémigrants que nous plongent les romansde Crane,Dre'iser et Sinclair. Dansla grandecité (NewYork et Chicago),logements sordides, salaires de misère,prostitution font partie du lot quotidien des nouveauxvenus avec comme toile de fond lropu'lencedes nantis et I'indifférence de tous. Dickensa eu l'occasionde noter ces différences.Il nousdonne en outre dansses Nobeerédigées à la suite de son voyagede L842,de surprenantesdescriptions de NewYork et un excellent aperçudes voya- gesdans l'arrière-pays, à uneépoque où le cheminde fer n'a pas encore supplanté le steonboat. Enfin, I'histoire de Sutter racontéepar Blaise Cendrarsdans L'02,nontre bien corrnentla découvertedu métal précieux en 1848dé- clenchela fièvre et de quel'lefaçon le mal se propag€,ll'épargnant personneet ruinant la plupart -2BT-

Lcr pasraporta à l'étranger aur archlvel départêment.lcs et netionates-

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TABLEDES MATIERES

pages PREMIEREPARTIE : T2 "Ils abandonnentleurs foyers.. . "*

CHAPITRE1 : CAUSES 13 CHAPITRE2 : CONDITIONSDELA REALISATIONDEL'EMIGRATION 53 Drojt à l'émigration Fièvreet contagion Migrationsantérieures ; habitudes

CHAPITRE3 : LESEMIGRANTS 85 Structuredémographique et sociale Foyersd 'émigrat i on

CHAPITRE4 : ESSAISUR LA CHRONOLOGII DE L'EMIGRATIONLORRAINE DE 1815A 1870; CHIFFRESETRYTHME 116

DEUXIEMEPARTIE : 143 * pouraller chercherau lojn unenouvelle patrie,,.*

CHAPITRE1 : AMERIQUT0UALGTRIE : émigrationspontanée contre émigrat'ionorganisée . 144

CHAPITRE2 : L.AMERIQUEVUEDE LA LORRAINE 160

CHAPITRE3:LEVOYAGE 181 Agentsd'émigration La traversée Destinations

CHAPITRE4:ENAMERIQUE 225 La premièregénération à NewYork

CONCLUSIONGENERALI 246

citation : *premiÇrepartie; lettre du préfet (Moselle)au sous-préfet de sarreguemines(19.3.1833) ; xxdeuxièmepartie, lettre du mêmeau com- mandantde la gendarmeriedépartementale (4.3.1929). ADMos 89 M 1 bis. -283-

Tabledes cartes, figures, graphiqueset tableaux 253

Tabledes illustrat'ions ?57

Indexdes noms de lieux cités 258

Sourceset Bibl'iographie 264

TABLEDES MATIERES 282