HISTOIRE DU LIBAN DU Xviième SIECLE a NOS JOURS.Pdf
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KAMAL SALIBI Ce petit pays qui est si important … Clemens Metternich KAMAL SALIBI Professeur d’histoire à l’Université Américaine de Beyrouth HISTOIRE DU LIBAN Du XVIIème siècle à nos jours Traduit de l’anglais par Sylvie Besse 2 Préface à l’édition française La substance de l’histoire est une matière vivante qui s’accroit et se développe au fur et à mesure que le savoir augmente. Cet ouvrage représente ma vision de l’histoire moderne du Liban telle qu’elle se présentait en 1965, lorsqu’en parut la première édition anglaise. Depuis lors, d’autres études qui ont été menées par moi-même ou par des étudiants travaillant sous ma direction m’ont amené à considérer certains aspects du sujet sous un angle quelque peu diffèrent, mais sans, pour autant, rendre nécessaire une révision fondamentale du texte. Des corrections n’ont été effectuées dans cette édition française que là où des erreurs existaient dans l’original. Un commentaire serait toutefois opportun sur un point d’ordre plus général. Dans le premier chapitre de cette histoire, l’émirat libanais est abordé à la manière traditionnelle, comme une principauté dynastique gouvernée d’abord par les Ma’n, puis par leurs parents, les Shihab. Ceci n’est que superficiellement exact. En fait, les émirs Ma’n et Shihab ne furent techniquement du début à la fin que des multazims ottomans, c'est-à-dire des fermiers des impôts, dont la stabilité de la fonction dans les régions qui leur étaient assignées était soumise à une reconduction annuelle à des conditions variables. De plus le territoire de leur iltizam, ou brevet d’affermage des impôts, n’était jamais strictement fixé, bien qu’il comprenne normalement le pays druze dans l’arrière-pays de Beyrouth et Saïda, ainsi que la région adjacente du Kesseroun, au nord-est de Beyrouth. Ce qui donnait à l’autorité des émirs libanais son caractère particulier, surtout après 1711, était, premièrement, sa pérennité sous une seule famille ; deuxièmement, l’étendue 3 de l’autonomie que les émirs pouvaient s’arroger ; troisièmement, la régularité avec laquelle ils sous-louaient leur iltizam, district, à des familles privées, celles de chefs tribaux, ou à des notables, créant ainsi ce qui est devenu de fait un système féodal dont ils étaient eux-mêmes suzerains. Parce que ce livre a été achevé il y a une vingtaine d’années, il traite de l’histoire du Liban jusqu’à 1960 et pas au-delà. A cette époque-là le pays se remettait rapidement de la guerre civile de 1958 et l’état d’esprit libanais en général était nettement optimiste. Pratiquement personne alors n’aurait pu prophétiser qu’une nouvelle guerre civile libanaise allait survenir quinze ans plus tard seulement. Les évènements de ces quinze années et des années de violence qui ont suivi mettent en jeu des facteurs internes et externes d’une extrême complexité et ne peuvent être évacués en un ou deux paragraphes de cette préface, ni dans un court épilogue à ce livre. Dans un autre ouvrage, (Crossroads to Civil War : Lebanon 1958-1976, Delmar, N.Y. 1978). Qui n’a pas été publié jusqu’à présent qu’en anglais, j’ai présenté ma propre interprétation des développements qui ont conduit à l’éruption de violence au Liban en 1975, ainsi qu’un récit détaillé des évènements qui ont suivi jusqu’au moment de l’intervention syrienne. Il est peut-être encore trop tôt pour considérer dans une perspective historique correcte les événements libanais survenus depuis lors, dans la mesure où ils sont toujours d’actualité. Kamal Salibi 4 Note de l’éditeur sur l’orthographe des noms propres : Les noms propres sont généralement translitérés d’une façon simplifiée mais cohérente selon l’orthographe arabe officielle, sauf quand il s’agit de noms dont l’orthographe francisée est devenue courante. 5 TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION ........................................................................... 7 PREMIERE PARTI LE MONT LIBAN .............................................. 32 Chapitre I L’Émirat Shihab ................................................... 33 Chapitre II 1788-1840 Le règne de Bashir II ........................ 54 Chapitre III 1840-1842 La fin de l’Émirat .............................. 85 Chapitre IV 1842-1858 Le double Kayemakamat ............... 104 Chapitre V 1858-1860 Le Liban en ébullition ................... 144 Chapitre VI 1860-1920 Le gouvernement du Mont-Liban . 183 Chapitre VII L’éveil du Liban ................................................. 204 DEUXIEME PARTI LE GRAND LIBAN ......................................... 249 Chapitre VIII Le Grand Liban ................................................ 250 EPILOGUE ................................................................................ 330 6 INTRODUCTION Le Liban, sur les côtes est de la Méditerranée, est aujourd'hui une petite république qui s'étend approximativement sur 200 kilomètres le long de la côte phénicienne, avec une surface totale de 10.452 kilomètres carrés et une population estimée à quelque quatre millions d'habitants. Son territoire, en majorité constitué de montagnes accidentées, est dominé par les chaînes du Liban et de l'Anti-Liban, limité au nord par Al Nahr al Kabir (l’Eleutherus), à l'est par les crêtes de l'Anti Liban, et au sud par une ligne qui traverse les hautes terres de la Galilée. Les chaînes du Liban et de l’Anti-Liban courent du nord-est au sud-ouest, parallèlement à la côte, et entre elle se situe la plaine de la Békaa. A l'ouest de la Békaa, la chaîne du Liban est si proche de la côte que par endroits elle tombe directement dans la mer, ses promontoires rocheux divisant l'étroite plaine côtière en un certain nombre de langues de terrain isolées. Beyrouth, la capitale du Liban moderne, est située dans l'une des bandes côtières, presque exactement au milieu de la côte. C'est le 1er septembre 1920 que la France, en tant que pouvoir mandataire, établit l'État du Grand-Liban, donnant au pays ses frontières actuelles. Le Liban est devenu depuis lors une république en 1926, et a accédé à l’indépendance en 1943, adhérant à la Ligue des Etats Arabes et aux Nations Unies en tant que membre fondateur en 1945. Malgré les troubles violents qui ont jalonné son histoire, le pays conserve à l'heure actuelle son identité politique et territoriale en tant qu'état légalement constitué. Avant 1920, toutefois, la situation du pays était complètement différente. 7 Entre 1516 et 1918 le territoire de la République libanaise moderne se trouvait sous la souveraineté de l’Empire Ottomane et se composait officiellement jusqu'en 1864 de deux régions administratives : une région nord qui formait une partie du vilayet Tripoli (Tripoli) et une région sud faisant partie du vilayet Dimashq (Damas) – comme c'était le cas de la région sud du Liban jusqu'à ce que le vilayet Saïda (Sidon) fut créé en 1660. Lorsque les Ottomans réorganisèrent leur administration provinciale [Tanzimat] en 1864, puis en 1866, ces dispositions furent modifiées. Alors que la Békaa restait avec Damas, les vilayets de Tripoli et de Saïda furent supprimés et remplacés par le vilayet de Beyrouth qui absorba leur territoire. Dans l'intervalle, en 1861, un mutassarrifiat 1 du Liban avait été créé avec la garantie des puissances européennes, afin d'inclure cette partie du territoire libanais actuel qui s'étend en gros de la ligne de faîte du Liban jusqu'à la mer, à l'exclusion de la ville de Beyrouth et des régions de Tripoli et de Saïda. Ce territoire, communément appelé le Mont-Liban, fut gouverné de 1861 à 1915 par un mutasarrif chrétien ottoman non libanais, nommé par la Porte (avec l'approbation des puissances) et responsable directement devant Istanbul. Un conseil administratif élu localement assistait le mutasarrif dans le gouvernement, tandis qu'une gendarmerie libanaise maintenait l'ordre public. En fait, ce ne fut qu'avec l'établissement du mutassarrifiat libanais que le terme « Liban », (en arabe Lubnan), acquit un usage officiel constant. Avant cette époque il n'avait existé aucune entité politique formellement appelée «Liban... ou 1 Un mutassarrifiat était dans l’administration ottomane une subdivision d’un wilayat, ou province, qui différait du sandjak, plus ordinaire en ce qu’il était administré par un mutasarrif doté de pouvoirs spéciaux. 8 Mont-Liban... ». Les Ma'n, émirs druzes du sud Liban qui avaient établi leur autorité sur l'ensemble du Mont-Liban au début du dix-septième siècle, étaient en général appelés « Émirs des Druzes.. » ; il en fut de même pour leurs successeurs les Shihab, bien que ces émirs n'aient pas du tout été des druzes mais des musulmans sunnites et plus tard des chrétiens. Les Ma'n gouvernèrent le Mont-Liban jusqu'en 1697 et après eux les Shihab jusqu'en 1841. Pourtant jusqu'au dix- huitième siècle, il n'y eut aucun terme, officiel ou non, pour désigner la totalité du territoire de l'Émirat Libanais. Le terme « Mont-Liban.. (Jabal Lubnan) » était utilisé en ce temps-là dans un sens restreint pour évoquer les districts les plus au nord, Bsharri, Batrun et Jubayl, qui étaient habités par des maronites. Plus au sud, la région de Jabal Kesserouan, également peuplée de maronites, était parfois incluse dans l'appellation Mont-Liban.., mais plus souvent considérée séparément. Au sud du Kesserouan, et séparée de lui par la route Beyrouth-Damas, s'étendait la région de Jabal al Chouf, connue aussi sous le nom de la Montagne Druze (Jabal al- Duruz). Cette région, avec sa population druze, n'avait pratiquement aucun rapport avec les régions maronites du nord et ne fut assurément jamais appelée Mont-Liban jusqu'au dix-septième siècle. Ce ne fut qu'à la fin du dix- huitième siècle, après que de nombreux maronites se soient installés dans les districts druzes, que le nom Mont-Liban finit par s'appliquer communément à l'ensemble du domaine Shihab. Les maronites, profondément attachés à leur terre d'origine du nord, semblent avoir apporté son nom avec eux en émigrant vers le sud au dix-septième et dix-huitième siècles, jusqu'à ce que « Mont-Liban » finisse par recouvrir tout le pays sur lequel ils s'étaient installés.