NOTES SUR LA CHÂTELLENIE DES FONTAINES DE

On sait que la châtellenie primitive de Tonnay-Charente s’étendait pour une bonne part au sud de la Charente, entre Échillais à l’ouest et Geay à l’est. Après une segmentation au XIII e siècle, on observe deux châteaux au sud du fleuve : la Berge- rie et les Fontaines ou Fontaines de Burlé. Le premier était situé en limite des paroisses de Saint-Hippolyte et de la Vallée. Il en reste un pigeonnier en ruines. Le second s’élevait dans la paroisse de Beurlay mais il a disparu, de même que son nom des Fontaines, de sorte que sa localisation est incertaine. On admet assez générale- ment qu’il était situé au lieu actuellement appelé Pontoise, qui surplombe la vallée où s’écoule l’eau des fontaines. Cependant on n’a pas déterminé l’origine du nom Pontoise. Dès le début du XII e siècle, le lieu « des Fontaines » était, sinon fortifié, du moins le centre d’une division de la châtellenie de Tonnay-Charente. En effet, « la terre des Fontaines » est désignée en 1129 1. Aussi n’est-on pas étonné que les Fontaines aient constitué le siège d’une châtellenie, par division de celle de Tonnay.

L’origine de la châtellenie Le dernier des Tonnay, Geoffroy IV, meurt vers 1269, détenteur de plusieurs châtellenies mais en nombre inférieur à celui de ses sept filles, de sorte qu’il faut en segmenter certaines pour assurer l’équilibre des sept parts dans la succession. Cette succession est réglée en mars 1276 (v.s.) par le châtelain de Saintes, qui attribue une des parts à Imbert Guy, mari de la seconde fille du défunt. Cette part est organisée autour des Fontaines mais les Fontaines ne sont pas désignées, pas plus d’ailleurs que la paroisse de Beurlay : « Et à Ymbert Guy, par raison de sa femme, ge bail et assigne les paroisses de , de Sainct Thomas, de Geay, de Romegoz, de Sainct Denis [de l’Houmée] et la Ramée de Boys Comptau et de Sainct Viviain de la Valée, de toute la terre appartenant à Taunay par decay la Charante… ». Il manque aussi à cette énumération la paroisse d’Échillais, séparée de cet ensemble par celle de Saint- Hippolyte qui était partagée entre Tonnay-Charente et la Bergerie.

Les seigneurs Les Guy sont originaires du Limousin. Une chronique de Saint-Martial de Limo- ges signale, pour l’an 1219, le décès d’un Humbert Guy 2. En février 1276, notre Imbert Guy figure parmi les « personnages importants » sollicités par Édouard 1 er pour obtenir l'application d'une des clauses du traité de Paris 3. Nous ne savons rien d’autre sur lui, du moins en qualité de seigneur des Fontaines, et il nous faut attendre le premier mars 1333 pour rencontrer un autre Imbert Guy. Celui-ci, qualifié sei- gneur de Breuillac et des Fontaines de Burlé, apparaît alors marié avec Yolande

1 Archives Historiques de Saintonge et d’Aunis , tome LIX, 1973, p. 124-125. 2 Duplès-Agier, Chroniques de Saint-Martial de Limoges , p. 105. Suivant les documents, le nom se présente sous les formes Humbert et Imbert. 3 J.-P. Trabut-Cussac, L'administration anglaise en Gascogne sous Henry III et Édouard I de 1254 à 1307 , p. 52 et note 54. Goumard, quand celle-ci, héritière de la seigneurie d’Échillais, règle avec des parents l’exercice de la juridiction à Échillais 4.

Extrait de la carte de Cassini On voit le ruisseau qui s’écoule des fontaines de Beurlay en direction de la Charente

Un demi-siècle plus tard, en 1383, une descendante, Marguerite Guy, dame des Fontaines et d’Échillais, veuve d’Audebert de Varaise, est « imbécile d’esprit et impotente de corps » et n’a pas d’enfant. On lui assigne alors comme curateur Thé- baud Goumard, un cousin, « son plus proche parent et son héritier »5. Nous ignorons la date de son décès. Toujours est-il que les Fontaines ne sont pas reçues en héritage par ce Thébaud Goumard mais font retour aux seigneurs de Tonnay-Charente, les Rochechouart. C’est ainsi que, le 13 mai 1410, Guillaume Béchet, chevalier, fait hommage à Jean, vicomte de Rochechouart, seigneur de Tonnay-Charente et des Fontaines de Burlé, pour raison de la seigneurie de Landes 6 qu'il tient de lui à cause des Fontaines de Burlé 7. Le 16 juin 1429, c’est Geoffroy, vicomte de Rochechouart, lui aussi seigneur de Tonnay-Charente et des Fontaines de Burlé, qui baille à Robert Thébaud l'hébergement aux Tagueneaux, à la Vallée, dans le fief des Fontaines 8.

4 Barbotin, Echillais et ses seigneurs , p. 37-38. 5 Ibid ., p. 41. 6 Landes : canton de Saint-Jean-d’Angély. 7 Général comte de Rochechouart, Histoire de la maison de Rochechouart , tome II, 1859, p. 319. Cependant, des aveux du 16 octobre 1440 et du 8 octobre 1479 présentent Landes comme mouvant de Tonnay- Charente ( Ibid ., p. 323 et 329). 8 Dossier du Pinier, n° 24. La situation féodale des Fontaines On la perçoit en 1461. La châtellenie relève alors du siège royal de Saint-Jean- d’Angély. En effet, le 20 décembre 1461, le roi Louis XI déclare que Foucaud, vicomte de Rochechouart, lui a fait les foi et hommage qu'il lui devait « pour sa vicomté de Rochechouart, mouvante de la comté de Poitou, et pour ses terres de Tonnay-Charente et des Fontaine de Burlé, mouvantes de la comté de Saintonge à cause de la tour de Saint-Jean-d'Angély »9. Le dénombrement qui suit, daté du 7 août 1462, est long et précis. Il nous apprend en particulier que le seigneur des Fontaines doit un « chien oiselier » à muance de seigneur. Il commence par : « Sachent tous que je, Foucault, vicomte de Rochechouart, seigneur des Fontaines de Burlé, confesse et avoue moi tenir du roi de , mon souverain seigneur, à foi et hommage lige et au devoir d'un chien oiselier à muance de seigneur, toutes fois et quantes fois que le cas y advient, tant pour moi que pour mes parsonniers et tenan- ciers, les choses qui s’ensuivent : Premièrement mon arbergement des Fontaines de Burlé, avec les appartenances … et avec toutes les hautes justices, basses et moyennes, mixte et impère et toute connaissance de haute justice; item avoue à tenir les paroisses qui s’ensuivent, c’est assavoir la paroisse de Saint Thomas, celles de Jay et de Trizay, la paroisse de Romegoux et celle de Saint Denis de l’Ousmée et la paroisse de Saint Vivien de la Vallée et la Ramée du Boys Cantaut, et toute la terre qui jadis souloit appartenir à Tonnay-Charente on temps que vivait messire Geoffroy de Tonnay par deça la Cha- rente… … » 10 . C’est une reprise de l’acte de création de la châtellenie, ce qui ne saurait étonner, les aveux et dénombrements étant généralement copiés sur les pré- cédents. La ruine du château En quel état est le château en 1462 ? Toujours est-il qu’en 1473 il « est devenu en ruines et s'est fondu et venu en désolation ». Les habitants d’Échillais, l’Houmée, Saint-Thomas du Bois, Beurlay, la Vallée, Romegoux et Geay, soumis à l’obligation de la garde, ont été sollicités pour faire cette garde à Tonnay-Charente mais ils ont refusé. Jean, vicomte de Rochechouart, a soumis le cas au roi qui lui a permis de « contraindre reaument et de fait iceux habitans de sa dite chastellenie des Fontaines a faire guet audit Taunay ou à payer la moitié d'icelluy droit de guet »11 . Les manants ont ainsi obtenu une réduction de moitié de la somme à payer pour éviter la désagréable corvée de la garde. Jacques Duguet

9 Général comte de Rochechouart, ibid ., tome II, 1859, p. 325, d'après Archives de la vicomté de Rochechouart, carton Aveux. 10 Arch. Nat., registre P. 585, fol. x verso, n° VII . 11 Barbotin, ibid ., p. 48-49.