André Larquié président Brigitte Marger directeur général « Oui, il y a de la virtuosité sonore chez Mahler : constamment visible, rarement voyante. » Cette clarté de l’instrumentation mahlérienne relevée par en 1976 avait également été soulignée par Schönberg en 1948 : « Ce qui frappe d’abord dans l’orchestration de Mahler, c’est l’objectivité presque sans précédent qui le pousse à n’écrire que ce qui est absolument nécessaire. » Lignes épurées, colorations délicates, traits concis sont autant de gestes admirés par le maître vien- nois et pour une large part absorbés dans son propre style. D’une grande homo- généité, ce programme offre un ensemble d’œuvres où Schönberg et Mahler sont parvenus à cette parfaite aisance dans la transparence et la pureté du trai- tement sonore. Avec la Symphonie de chambre n° 1 op 9 (1906), Schönberg abandonne pour la première fois le grand effectif orchestral des premières œuvres comme Pelléas et Mélisande ou les Gurre-Lieder. Cette réduction de la nomenclature, également pré- sente dans les Trois pièces pour orchestre de chambre (1910), participe de l’ex- trême concentration alors recherchée par le compositeur tant dans la forme que dans le matériau. C’est dans le même esprit qu’en 1922 il réorchestre pour dix- sept instruments le Lied der Waldtaube, péroraison de la première partie des gigantesques Gurre-Lieder. Avec cette réactualisation instrumentale il opte pour une écriture minimale ne supportant plus aucune addition décorative ou gratuite. Dans les plus tardives Variations pour orchestre op 31 (1926-1928), Schönberg revient au grand effectif symphonique qu’il exploite dans un style proche de celui de la musique de chambre suivant en ce sens l’écriture économe de Mahler dans ses cinq Rückert-Lieder (1901). Les variations paires sont ainsi traitées en for- mation réduite alors que les variations impaires conservent la grande formation dans sa totalité. Clarté de l’alternance dans le but d’obtenir plus d’efficacité, alors synonyme pour Schönberg de plus d’expressivité.

Corinne Schneider samedi 6 mars - 20h Arnold Schönberg salle des concerts Symphonie de chambre n° 1 op 9, pour 15 instru- ments solistes (1906) durée : 20 minutes

Trois Pièces pour orchestre de chambre (1910) durée : 2 minutes

Lied der Waldtaube, pour mezzo-soprano et 17 ins- truments (1922) durée : 12 minutes

Pierre Boulez, direction Yvonne Naef, mezzo-soprano Ensemble Intercontemporain

entracte

Gustav Mahler Rückert-Lieder (1901) durée : 18 minutes Um Mitternacht Ich atmet’ einen linden Duft Blicke mir nicht in die Lieder ! Liebst du um Schönheit Ich bin der Welt abhanden gekommen

Arnold Schönberg Variations pour orchestre, op 31 (1926-1928) durée : 23 minutes

Pierre Boulez, direction Yvonne Naef, mezzo-soprano

coproduction cité de la musique, Ensemble Intercontemporain en collaboration avec le Philharmonia Orchestra concert à deux orchestres

Arnold Schönberg effectif : flûte/flûte piccolo, hautbois, cor anglais, clarinette en Symphonie de chambre mi b, clarinette en si b/clarinette en la, clarinette basse, bas- n° 1 op 9, pour 15 ins- son, contrebasson, 2 cors en fa, 2 violons, alto, violoncelle, contrebasse ; éditeur : Universal Edition. truments Dans un texte écrit aux États-Unis à l’âge de 75 ans (Comment j’ai évolué, 1949), Schönberg situe l’op 9 (1906) à l’apogée de sa première période de com- position. Avec cette Première Symphonie de chambre, il a la conviction d’avoir atteint son « propre style de compositeur » en étant notamment parvenu « à un progrès considérable dans la libération de la disso- nance ». Bien qu’inscrite dans la tonalité générale de mi majeur, cette œuvre repose en effet sur un maté- riau étranger au système tonal. Schönberg y accu- mule des procédés tels que la prolifération des ambiguïtés harmoniques, le chromatisme et la gamme par tons (dans le premier thème du mouvement initial Sehr rasch, par exemple). Mais c’est surtout l’utilisa- tion d’harmonies de quartes qui mine définitivement le sentiment tonal, et ce, dès la première page avec le signal du cor construit sur la succession ré-sol-do- fa-si b-mi b. Schönberg souligna lui-même le rôle fon- damental de cet intervalle dans son Traité d’harmonie (1911) : « Ces quartes se répandent à travers l’œuvre entière de façon architecturale [...]. Elles n’apparais- sent pas seulement en tant que mélodie ou simple effet d’accord impressionniste, mais leur caractère particulier pénètre la structure harmonique tout entière : ce sont des accords comme les autres. » Quant à la forme générale de cette composition en un seul tenant, Alban Berg est le premier à en avoir cherché la combinatoire dans une analyse théma- tique qu’il publie en 1918. Il ramène la structure à l’imbrication d’un vaste premier mouvement de sonate avec les quatre moments de la symphonie tradition- nelle (exposition / scherzo / développement / mou- vement lent / récapitulation). L’extrême concentration de cette construction confère un caractère plutôt ramassé à la partition qui se retrouve dans l’effectif instrumental. Il s’agit en effet d’un orchestre réduit

4| cité de la musique concert à deux orchestres

dans lequel tous les pupitres sont représentés à l’ex- ception de la percussion. Après son installation aux États-Unis, Schönberg effectue une version pour grand orchestre de cet opus (comportant d’impor- tantes modifications au niveau des parties secon- daires et d’accompagnement), qu’il dirige pour la première fois à Los Angeles en 1935.

Trois pièces effectif : flûte, hautbois, clarinette en si b, basson, cor en pour orchestre fa, harmonium, célesta, 2 violons, alto, violoncelle, contre- de chambre basse ; éditeur : Belmont. Après les Cinq pièces pour orchestre op 16 et Erwartung, les Trois pièces pour orchestre de chambre (1910) de Schönberg, écrites pour 12 instruments solistes, sont décisives dans l’établissement de l’ato- nalité. Pour le compositeur viennois, cette nouvelle voie se caractérise d’abord par « l’émancipation de la dissonance », expression visant à traduire selon lui « une extension de l’intelligibilité, qui donne à la dis- sonance la même intelligibilité qu’à la consonance » (1941). Totalement « incorporés aux fonctions musi- cales et ayant prise sur la sensibilité », des accords dissonants non préparés, non résolus et non fonc- tionnels ou encore des harmonies de quartes, devien- nent ainsi les éléments constitutifs du nouveau langage. Depuis 1908, les œuvres atonales de Schönberg pré- sentent encore une autre particularité : l’extrême briè- veté. Avec les Six petites pièces pour piano op 19 (1911), les Trois pièces pour orchestre de chambre (1910) sont dans l’ensemble de la production du com- positeur les partitions les plus concises. En moins de trois minutes se succèdent trois mouvements (Rasch / rapide, Mässig / modéré et Gehende / allant) dont le dernier reste inachevé sur un ostinato de l’harmonium. Retrouvée après sa mort en 1957 par Josef Rufer, cette miniature inaboutie témoigne d’un certain état « d’asphyxie » qui caractérise le style de Schönberg au début des années 1910. Il s’agit en effet d’une de ses dernières pièces atonales purement instrumentales avant la méthode de composition avec douze sons

notes de programme | 5 concert à deux orchestres

(1923). Impasse de l’idée ou crise du style… il s’agit d’une partition extrême dans la concentration de tous les paramètres, toujours guidée par l’unique ambition d’aboutir à une expression maximale.

Lied der Waldtaube effectif : mezzo-soprano, flûte/flûte piccolo, hautbois, cor anglais, clarinette en la, clarinette en la/clarinette en mi b, clarinette base, basson, contrebasson, 2 cors en fa, piano, harmonium, 2 violons, alto, violoncelle, contrebasse ; édi- teur : Universal Edition.

Le Lied der Waldtaube fut sans aucun doute une des pages les plus appréciées de Schönberg de son vivant. Elle conclut la première partie des Gurre-Lieder dont la composition s’étend de 1900 à 1911. Initialement conçu avec piano, ce cycle devient l’œuvre la plus gigantesque du compositeur. Elle nécessite en effet cinq solistes, un récitant, un chœur d’hommes à trois voix, un chœur mixte à huit voix et un effectif orchestral monumental (8 flûtes, 7 clarinettes, 7 trom- pettes…). Pendant près de deux heures, les textes du poète danois Jens Peter Jacobsen (1847-1885) choisis par Schönberg retracent la légendaire ren- contre amoureuse du puissant et vieux roi Waldemar, rebelle qui ne craint ni Dieu ni le Diable, avec la jeune et ravissante Tove. Victime de la jalousie de la reine, Tove meurt. Waldemar est alors condamné à errer et à pourchasser éternellement la vision inaccessible de la bien-aimée, ayant osé se révolter contre Dieu qui lui a ôté la dernière chance de connaître enfin le bon- heur. Thématique éminemment wagnérienne, dont l’ombre plane également sur l’écriture musicale et sur la qualité du traitement orchestral. Prenant place juste après le dialogue amoureux du couple, le Lied der Waldtaube est le sommet émo- tionnel du cycle. Au cours de cette lamentation, l’oi- seau donne le récit de la mort de Tove et témoigne de l’affliction de Waldemar qui commence à se trans- former en un être démoniaque et à se révolter contre Dieu. En 1922, Schönberg transforme cette lamen- tation en une partition autonome dont il arrange l’or-

6| cité de la musique concert à deux orchestres chestration pour un ensemble de chambre constitué de 17 instruments. Claire et évidente, la nouvelle dis- position met a posteriori en évidence toute la moder- nité de l’écriture de 1900 basée sur un système d’ostinato et de relais entre les timbres, déjà très proche du principe de la « Klangfarbenmelodie » (mélodie de timbres) opéré dans les Cinq pièces pour orchestre op 16 de 1909.

C. S.

notes de programme | 7 concert à deux orchestres

Lied der Waldtaube La Voix de la colombe des bois

Tauben von Gurre ! Sorge quält mich, Ramiers de Gurre, un souci me point Vom Weg über die Insel her ! Qui vient du chemin de l’île ! Kommet ! Lauschet ! Approchez ! Ecoutez ! Tot ist Tove ! Nacht auf ihrem Auge, Tove est morte, la nuit est sur ses yeux Das der Tag des Königs war ! Qui étaient le jour du roi. Still ist ihr Herz, Son cœur est muet, Doch des Königs Herz schlägt wild, Mais sauvagement bas celui du roi. Tot und doch wild ! Bien que mort, Seltsam gleichend einem Boot auf der Woge, Il ressemble à un bateau sur la vague, Wenn der, zu dess’ Empfang Quand, pour la recevoir, Die Planken huldigend sich gekrümmt, Il offre confiant son flanc courbé. Des Schiffes Steurer tot liegt, Mais le pilote est mort, Verstrickt in der Tiefe Tang. Perdu dans un fonds de varech. Keiner bringt ihnen Botschaft, Nul ne vient les secourir, Unwegsam der Weg. Nul ne peut passer. Wie zwei Ströme waren ihre Gedanken Leurs pensées étaient comme deux fleuves Ströme gleitend Seit’ an Seite. Qui coulaient côte à côte. Wo strömen nun Toves Gedanken ? Où vont les pensées de Tove ? Die des Königs winden sich selstam dahin, Les pensées du roi s’égarent au loin Suchen nach denen Toves, Cherchant celles de Tove Finden sie nicht. Sans les trouver. Weit flog ich, Klage sucht’ ich, fand gar viel ! J’ai volé loin, loin vers le deuil et je l’ai vu. Den Sarg sah ich auf Königs Schultern, J’ai vu le cercueil Henning stützt’ ihn ; Que portait le roi aidé d’Henning, Finster war die Nacht, Sombre était la nuit. Eine einzige Fackel brannte am Weg ; Une seule torche brûlait sur le chemin, Die Königin hielt sie, hoch auf dem Söller, La reine la portait sur le balcon, Rachebegierigen Sinns. La vengeance dans le cœur, Tränen, die sie nicht weinen wollte, Dans ses yeux brillaient bien des larmes Funkelten im Auge. Qui ne pouvaient couler. Weit flog ich, Klage sucht’ ich, fand gar viel ! J’ai volé loin, loin vers le deuil Den König sah ich, mit dem Sarge fuhrer, Et je l’ai vu. Im Bauernwarms. J’ai vu le roi Sein Streitross, das oft zum Sieg ihn getragen, Qui conduisait le cercueil ainsi qu’un serf. Zog den Sarg. Le coursier qui le mena à la victoire Wild starrte des Königs Auge, Tirait le corps ; Suchte nach einem Blick ! L’œil fixe, Seltsam lauschte des Königs Herz Le roi cherchait sauvagement un regard

8| cité de la musique concert à deux orchestres

Nach einem Wort. Et son cœur désirait entendre un mot, Henning sprach zum König, Un seul mot. Aber noch immer suchte er Wort und Blick. Henning prit la parole, Der stützt’ ihn ; Le roi cherchant toujours le mot et le regard. Nach einem Blick, Alors le roi ouvrit la bière, Seltsam lauschte des königs Herz Il prêta l’oreille en tremblant, Nach einem Wort. Tove se tait ! Henning sprach zum könig, J’ai volé loin, loin vers le deuil Aber noch immer suchte er Wort und Blick. Et je l’ai vu. Der könig öffnet Toves Sarg, Un moine voulait Starrt und lauscht mit bebenden Lippen, Sonner l’angélus du soir. Tove ist stumm ! Mais il vit venir le convoi ; Weit flog ich, klage sucht’ich, fand gar viel ! Perçut le message e mort. Wollt’ein Mönch am Seile ziehn, Le soleil se coucha. Abendsegen läuten ; Un glas tombait de la cloche. Doch er sah den Wagenlenker J’ai volé loin, vers le deuil et la mort. Und vernahm die Trauerbotschaft : Le faucon d’Helwig a déchiré Sonne sank, indeß die Glocke Le ramier de Gurre ! Grabgeläute tönte. Weit flog ich, klage sucht’ ich und den Tod ! Helwigs Falke war’s, der grausam Gurres Taube zerriß !

Jens Peter Jacobsen

notes de programme | 9 concert à deux orchestres

Gustav Mahler effectif : 2 flûtes, 2 hautbois (jouant hautbois d’amour et cor Rückert-Lieder anglais), 2 clarinettes, 2 bassons/contrebasson, 5 cors, 2 trompettes, 3 , 1 tuba, timbales, harpe, célesta, piano, cordes ; éditeur : Universal Edition/Kahnt.

Contrairement à ses précédents cycles de lieder (Lieder eines fahrenden Gesellen, Lieder des Knaben Wunderhorn…), qui étaient d’abord pensés et com- posés au piano, Mahler conçoit ses Rückert-Lieder directement pour l’orchestre. L’atmosphère qui leur est assignée contraste ainsi avec celle des recueils anté- rieurs par une profonde intériorité et une orchestration de chambre transparente tout à fait en adéquation avec le caractère introverti et intime de la poésie de Friedrich Rückert (1788-1866). Le tutti instrumental est ici rarement utilisé par Mahler qui opte plutôt pour une individualisation presque systématique des voix. Ce procédé engendre une écriture polyphonique claire. Celle-ci est accentuée par un traitement dynamique nuancé (instruments jouant piano tandis que d’autres jouent forte) et des prescriptions agogiques notées très minutieusement (retards, accélérations, interruptions, précipitations…). Le dépouillement de l’écriture dans Ich bin der Welt définit le climat général de résignation et de solitude de l’ensemble des Rückert-Lieder. Pas un éclat, pas un forte ne viennent rompre cet état d’apesanteur également atteint dans Blicke mir nicht in die Lieder au moyen d’une écriture orchestrale fluide et vaporeuse. Le poème de Ich atmet’ einen linden Duft présente quant à lui un jeu de mots sur les sonorités liquides de Linde (tilleul), lind (suave), lieblich (aimable), gelinde (doux) et Liebe (amour) que Mahler a su transposer musicalement en utilisant un principe de variante mélodique à partir d’un noyau thématique initial. Dans chacune des strophes de Um Mitternacht, l’idée prin- cipale se voit dotée d’un caractère changeant grâce aux couleurs judicieusement choisies au sein d’un orchestre ne comprenant que des vents exploités dans le registre sombre (avec tuba basse et contre- basson). Sans plus de lien avec la musique popu-

10 | cité de la musique concert à deux orchestres laire, les figures du chant sont dans ce cycle de 1901 quasi instrumentales. Prise dans une combinaison sonore particulière à chaque Lied, la voix devient en effet indissociable du tissu instrumental ; un équilibre qui ne sera égalé que dans le plus tardif Lied von der Erde (1908).

C. S.

notes de programme | 11 concert à deux orchestres

Um Mitternacht A Minuit

Um Mitternacht A minuit, Hab’ ich gewacht Réveillé, Und aufgeblickt zum Himmel ! J’ai regardé le ciel ; Kein Stern vom Sterngewimmel Aucune étoile du fourmillement des étoiles Hat mir gelacht Ne m’a souri Um Mitternacht. A minuit.

Um Mitternacht A minuit, Hab ich gedacht J’ai lancé mes pensées Hinaus in dunkle Schranken ! Vers les ténèbres closes. Es hat kein Lichtgedanke Aucune pensée de lumière Mir Trost gebracht Ne m’a consolé Um Mitternacht ! A minuit.

Um Mitternacht A minuit Nahm ich in Acht J’ai écouté Die Schläge meines Herzens ! Les battements de mon cœur ; Ein einz’ger’ Puls des Schmerzens Et seul le flux de ma douleur War angefacht S’est ranimé Um Mittenacht. A minuit.

Um Mitternacht A minuit Kämpft’ ich die Schlacht, J’ai combattu dans la bataille, O Menschheit, deiner Leiden ; Ô humanité, de tes souffrances ; Nicht konnt’ ich sie entscheiden Ma force n’a pas suffi Mit meiner Macht A remporter la victoire Um Mitternacht. A minuit.

Um Mitternacht A minuit Hab ich die Macht J’ai remis ma force In deine Hand gegeben ! Dans tes mains, Herr über Tod und Leben : Seigneur de la mort et de la vie, Du hältst die Wacht Toi qui veilles Um Mitternacht. A minuit !

12 | cité de la musique concert à deux orchestres

Ich atmet’ einen linden Duft Je respirais un doux parfum

Ich atmet’ einen linden Duft. Je respirais un doux parfum. Im Zimmer stand Il y avait dans la chambre Ein Zweig der Linde, Une branche de tilleul, Ein Angebinde Présent Von lieber Hand. D’une main chère. Wie lieblich war der Lindenduft ! Comme était doux le parfum du tilleul !

Wie lieblich ist der Lindenduft ! Comme il est doux, le parfum du tilleul ! Das Lindenreis De rameau de tilleul Bracht du gelinde ; Tu l’as cueilli avec douceur ! Ich atme leis Je respire en silence Im Duft der Linde Dans le parfum du tilleul Der Liebe linden Duft. Le doux parfum de l’amour.

Blicke mir nicht in die Lieder ! Ne regarde pas dans mes chansons !

Blicke mir nicht in die Lieder ! Ne regarde pas dans mes chansons ! Meine Augen schlag’ ich nieder, Je baisse les yeux Wie ertappt auf böser Tat ! Comme pris en défaut. Selber darf ich nicht getrauen, Moi-même, je n’ai pas le droit d’oser Ihrem Wachsen zuzuschauen : Observer leur naissance. Deine Neugier ist Verrat ! Ta curiosité est trahison ! Bienen, wenn sie Zellen bauen, Les abeilles, quand elles construisent leurs Lassen auch nicht zu sich schauen, [alvéoles, Schauen selbst auch nicht zu ! N’admettent pas qu’on les observe Wenn die reichen Honigwaben Et ne s’observent pas non plus. Sie zu Tag gefördert haben, Quand elles auront mis au jour Dann vor Allen nasche du ! Les riches rayons de miel, Alors goûtes-y avant tous !

Liebst du um Schönheit Aimes-tu pour la beauté

Liebst du um Schönheit, Aimes-tu pour la beauté, O nicht mich Liebe ! alors ne m’aime pas ! Liebe die Sonne, Aime le soleil Sie trägt ein goldnes Haar. à la chevelure dorée !

notes de programme | 13 concert à deux orchestres

Liebst du um Jugend, Aimes-tu pour la jeunesse, O nicht mich liebe ! alors ne m’aimes pas ! Liebe den Frühling, Aime le printemps Der jung ist jedes Jahr. qui rajeunit chaque année ! Liebst du um Schätze, Aimes-tu pour des trésors, O nicht mich liebe ! alors ne m’aime pas ! Liebe die Meerfrau, Aime la vierge marine : Die hat viel Perlen klar. elle a beaucoup de perles claires ! Liebst du um Liebe, Aimes-tu pour l’amour, O ja mich liebe ! oh ! oui, aime-moi ! Liebe mich immer, Aime-moi toujours : Dich lieb’ ich immerdar. je t’aimerai à jamais !

Ich bin der Welt abhanden gekommen Je me suis détaché du monde

Ich bin der Welt abhanden gekommen, Je me suis détaché du monde, Mit der ich sonst viele Zeit verdorben ; Lui avec qui, jadis, j’ai gaspillé mon temps ; Sie hat so lange nichts von mir vernommen, Il n’a depuis longtemps plus rien entendu de moi, Sie mag wohl glauben, ich sei gestorben ! Il peut bien croire que je suis mort !

Es ist mir auch gar nichts daran gelegen, Et peu m’importe à vrai dire, Ob sie mich für gestorben hält. Si je passe pour mort à ses yeux. Ich kann auch gar nichts sagen dagegen, Et je n’ai rien à y redire, Denn wirklich bin ich gestorben der Welt. Car il est vrai que je suis mort pour tout le monde.

Ich bin gestorben dem Weltgetümmel Je suis mort au monde et à son tumulte Und ruh in einem stillen Gebiet ! Et je repose dans un lieu tranquille. Ich leb’ allein in meinem Himmel Je vis solitaire dans mon ciel, In meinem Lieben, in meinem Lied. Dans mon amour, dans mon chant.

Friedrich Rückert traduction Jerg Trescher © 1979

14 | cité de la musique concert à deux orchestres

Arnold Schönberg effectif : 4 flûtes / 2 piccolos, 4 hautbois / cor anglais, 4 cla- Variations pour orchestre rinettes / clarinette basse, clarinette en mi b, 4 bassons / op 31 contrebasson, 5 cors, 3 trompettes, 4 trombones, 1 tuba, timbales, percussion, harpe, célesta, cordes ; éditeur : Universal Edition.

Avec les Variations op 31 Schönberg retrouve l’or- chestration brillante des premières œuvres pour grand effectif. Tour à tour sollicité en tutti (variations impaires) ou en formation de chambre (variations paires), l’or- chestre se veut à la fois puissant et scintillant. Attitude « globalisante » qui incorpore également les gestes néo- classiques des années 1920, comme le recours aux carrures régulières, au Tempo de valse (variations 4) ou tout simplement au « cadre » du Thème et variations. L’ensemble de la composition repose sur un thème de vingt-quatre mesures divisé en trois parties appelé « phrase-Lied » par Schönberg. Il est exposé après une Introduction et sera varié à neuf reprises avant d’être réentendu dans un Finale récapitulatif. De durée sensiblement égale, chaque variation possède un caractère propre grâce à l’utilisation de tempi contras- tants, de couleurs instrumentales changeantes et de rythmes diversifiés. Seule la série dodécaphonique assure l’unité et la cohérence de la partition. L’opus 31 représente au sein de la production de Schönberg une étape essentielle dans la maîtrise du dodécaphonisme. Il s’agit en effet de la première œuvre d’envergure non liée à un support extra-musi- cal dont l’écriture repose entièrement sur la méthode de composition avec douze sons. Le projet de Schönberg consiste bien à montrer combien la série, au même titre que la tonalité, est à même d’offrir une cohérence de l’écriture. « Clavier bien tempéré de la musique dodécaphonique » pour René Leibowitz ou « Art de la fugue de la technique dodécaphonique » pour Milton Babbitt, les Variations op 31 sont l’abou- tissement d’un nouveau mode d’écriture, voulu et pensé comme tel par leur créateur.

C. S.

notes de programme | 15 concert à deux orchestres biographies Pierre Boulez, 1991, il abandonne ses né en 1925 à Montbrison fonctions de directeur de (Loire), suit les cours d’har- l’Ircam, tout en restant monie d’Olivier Messiaen directeur honoraire. au Conservatoire de . Professeur au Collège de Il est nommé directeur de France de 1976 à 1995, la musique de scène à la Pierre Boulez est l’auteur Compagnie Renaud- de nombreux écrits sur la Barrault en 1946. musique. Il est invité régu- Soucieux de la diffusion de lièrement aux festivals de la musique contemporaine Salzbourg, Berlin, et de l’évolution des rap- Edimbourg, et dirige les ports du public et de la grands orchestres de création, Pierre Boulez, Londres, Chicago, tout à la fois compositeur, Cleveland, Los Angeles, analyste et chef d’or- Vienne ainsi que chestre, fonde en 1954 les l’Ensemble concerts du Domaine Intercontemporain avec musical (qu’il dirige jus- lequel il entreprend de qu’en 1967), puis l’Ircam grandes tournées (Europe, et l’Ensemble USA, Australie, Russie, Intercontemporain en Canada, Japon, Amérique 1977. Il est nommé chef Latine...). L’année de son permanent du BBC 70e anniversaire est mar- Symphony Orchestra à quée par une tournée Londres en 1971. En mondiale avec le London 1969, il dirige pour la pre- Symphony Orchestra, et la mière fois l’Orchestre production de Moïse et philharmonique de New Aaron à l’Opéra York, dont il assure la d’Amsterdam avec le direction de 1971 à 1977, Nederlandse Opera dans succédant à Leonard une mise en scène de Bernstein. En 1976, Pierre Peter Stein qu’il reprendra Boulez est invité à diriger la à Salzbourg en 1996. En Tétralogie de Wagner à 1997, il dirige une nouvelle Bayreuth, dans une mise production du Rossignol et en scène de Patrice du Pierrot Lunaire dans Chéreau. Il dirigera cette une mise en scène de production cinq années de Stanislas Nordey. Il se suite. A la fin de l’année retire du pupitre de mars

16 | cité de la musique concert à deux orchestres

1997 à mars 1998 pour se musicologie et de chant à d'Offenbach, et participe consacrer à la composi- Zurich, Bâle et Mannheim, à une nouvelle production tion, puis reprend ses Yvonne Naef s'est fait de Moïse et Aaron de activités de chef d’or- connaître sur la scène Schönberg à Amsterdam chestre. Invité au Festival internationale en 1987 en (direction : Pierre Boulez; d’Art Lyrique d’Aix-en- remportant le Second Prix mise en scène : Peter Provence en juillet 1998, il du concours Maria Callas Stein). C'est dans le dirige une nouvelle produc- à Athènes, dans la caté- cadre d'une reprise de tion de Barbe Bleue de gorie Oratorium/Lied. cette production qu'elle Bartók en collaboration Parallèlement à de nom- paraît pour la première avec la chorégraphe Pina breuses apparitions en fois, en août 1996, au Bausch. Pierre Boulez se tant qu'interprète de Festival de Salzbourg. En voit décerner les distinc- musique sacrée, elle se mars 1997, elle a connu tions telles que Prize of the consacre également au un succès considérable Siemens Foundation, lied. Son vaste répertoire dans Le Chant de la Terre Leonie Sonning Prize, s'étend de la musique sous la direction de Praemium Imperial of baroque aux composi- Michel Plasson à Japan, The Polar Music teurs contemporains. Il Toulouse. Durant l'été de Prize, et possède une inclut les œuvres de la même année, Yvonne importante discographie. Bach, Beethoven, Mahler, Naef a fêté ses débuts au Son catalogue comprend Mozart, Wagner, Dvórák, Festival de Bayreuth dans une trentaine d’œuvres Händel, Pergolèse, !es rôles de Waltraute et allant de la pièce soliste Rossini, etc. En 1993, de la 2e Parque du Ring. (Sonate pour piano, Yvonne Naef a été enga- Elle a également remporté Dialogue de l’ombre gée pour deux saisons un très grand succès lors double pour clarinette, consécutives au de la création à l'opéra de Anthèmes pour violon) aux Staatsstheater de Zurich du Vin herbé de œuvres pour grand Wiesbaden. En 1994, elle Frank Martin. En mars 98 orchestre et chœur, Le débute avec grand suc- elle a débuté dans Boris Visage Nuptial, Le Soleil cès dans le rôle de Godounov de des eaux, ou pour Giovanna Seymour dans Moussorgski au Théâtre ensemble et électronique, Anna Bolenai de Donizetti du Capitole de Toulouse. Répons, ...explosante- à l’Opéra de Monte Carlo. fixe... Sa dernière En 1995, paralèllement à Ensemble composition sur Incises, a un grand nombre d'appa- Intercontemporain été créée en septembre 98 ritions au concert, Yvonne Fondé en 1976 par Pierre au festival d’Edimbourg. Naef fait ses débuts au Boulez, l’Ensemble Teatro alla Scala de Milan Intercontemporain est Yvonne Naef en tant que Giulietta dans conçu pour être un instru- Après des études de Les Contes d’Hoffmann ment original au service

notes de programme | 17 concert à deux orchestres

de la musique du XXe domaines culturel et séance de lecture jusqu’à siècle. Formé de trente et pédagogique se déve- l’académie de musique un solistes, il a pour direc- loppe autour de deux du XXe siècle organisée teur musical David axes : tous les deux ans en Robertson. Chargé d’as- - les ateliers-jeunes qui coproduction avec la cité surer la diffusion de la ont pour but de faire de la musique et le musique de notre temps, découvrir la musique de Conservatoire de Paris. l’Ensemble donne environ leur temps aux élèves de soixante-dix concerts par lycées et collèges par le flûte saison en France et à biais d’une approche Sophie Cherrier l’étranger. Riche de plus créatrice et sensorielle de 1600 titres, son réper- (par exemple : la création hautbois toire reflète une politique d’œuvres collectives László Hadady active de création et com- écrites par des élèves Didier Pateau prend également des encadrés par les solistes classiques de la première de l’Ensemble) ; clarinettes moitié du XXe siècle ainsi - les ateliers de création Alain Damiens que les œuvres mar- et les répétitions ouvertes André Trouttet quantes écrites depuis au public qui privilégient le 1950. Il est également commentaire des œuvres clarinette basse actif dans le domaine de jouées et permettent de Alain Billard la création faisant appel rencontrer le compositeur aux sons de synthèse et l’interprète. bassons grâce à ses relations privi- Sur le plan de la forma- Pascal Gallois légiées avec l’Institut de tion, il faut ajouter Paul Riveaux Recherche et l’importante collaboration Coordination Acoustique de l’Ensemble cors Musique (Ircam) avec Intercontemporain avec Jens McManama lequel il s’associe pour les institutions chargées Jean-Christophe Vervoitte présenter sa saison de de la formation des futurs concerts à Paris. Depuis professionnels qui tra- pianos/claviers son installation à la cité vaillent à des projets Florent Boffard de la musique, en 1995, mettant les étudiants en Hidéki Nagano l’Ensemble encourage et contact avec les spécifici- développe les initiatives tés du langage musical violons de rencontre pour contemporain. Qu’ils Jeanne-Marie Conquer accompagner le public soient interprètes ou Hae Sun Kang dans sa découverte de la compositeurs, un large musique contemporaine. éventail d’activités leur est alto Son action dans les proposé, allant de la Christophe Desjardins

18 | cité de la musique concert à deux orchestres violoncelle cipal associé. Après le , Sir Pierre Strauch retrait de Klemperer de la et scène musicale, Riccardo James MacMillan - aux- contrebasse Muti est nommé chef quels il passe des Frédéric Stochl principal en 1972. commandes et dont il L’Orchestre retrouve son joue les œuvres lui confè- Philharmonia Orchestra appellation originelle de rent une position Fondé par Walter Legge, Philharmonia Orchestra dominante au sein des le Philharmonia Orchestra en 1977, et noue des orchestres londoniens. donne son premier liens étroits avec Carlo Durant la saison 1994- concert en octobre 1945 Maria Giulini. Muti devient 1995, il a effectué des au Kingsway Hall de le premier directeur musi- tournées en Espagne, en Londres sous la direction cal en 1979 et, l’année Italie, en Allemagne, en de Sir Thomas Beecham. suivante, l’Orchestre se Autriche, en Grèce et au Il est bientôt reconnu voit placé sous le patro- Japon. En résidence au comme l’un des meilleurs nage de Son Altesse Châtelet en 1995, le orchestres du monde, Royale le Prince de Philharmonia Orchestra y capable d’attirer les plus Galles. De 1984 à juin a donné l’intégrale des grands chefs comme 1994, c’est Giuseppe symphonies de Brahms Wilhelm Furtwängler, Sinopoli qui en est le chef sous la direction de Guido Cantelli, Richard principal et le directeur Christoph von Dohnányi. Strauss et Herbert von musical. Avec une disco- Il était également dans la Karajan. En outre, graphie de plus de mille fosse du théâtre en mars Wilhelm Pitz, venu de titres, le Philharmonia 1995 pour des représen- Bayreuth, devient le pre- Orchestra est sans doute tations de Peter Grimes mier chef du Philharmonia l’orchestre qui a réalisé le sous la baguette de Chorus fondé en 1957. plus d’enregistrements Jeffrey Tate, en novembre Succédant à Karajan, dans le monde. En 1994, 1995 pour Moses und Otto Klemperer est Christoph von Dohnányi Aron de Schönberg et nommé chef principal à en devient le nouveau novembre 1996 pour vie en 1959. En 1964, les chef principal invité. Le Œdipus Rex de musiciens s’organisent en Philharmonia est fier de Stravinsky dirigés par une coopérative autogé- compter parmi ses musi- Christoph von Dohnányi rée et prennent le nom de ciens certains des qui a été nommé récem- New Philharmonia meilleurs jeunes solistes ment chef principal. Le Orchestra, Klemperer d’Europe. Ses qualités Philharmonia Orchestra et étant président honoraire musicales, son action en ont de l’Orchestre et du faveur des plus grands reçu un « Large Ensemble Chœur. En 1970, Lorin compositeurs contempo- Award » pour leur cycle Maazel devient chef prin- rains - Lutoslawski, Sir Beethoven en 1994.

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L’orchestre enregistre clarinette en mi bémol percussions actuellement l’intégrale Jennifer Mclaren David Corkhill des œuvres de Ligeti Kevin Hathway sous la baguette d’Esa- clarinette basse Peter Fry Pekka Salonen, ce projet Ruth McDowall Jacqueline Kendle bénéficiant de la codirec- Christopher Terian tion artistique du bassons Roy Sinclair compositeur. Dans ce Robin O’Neill cadre, l’orchestre a déjà Rebecca Menday harpes donné six concerts Wendy Phillips Aline Brewer consacrés à Ligeti au Gordon Laing Théâtre du Châtelet. mandoline contre basson Nigel Woodhouse flûtes Gordon Laing David Butt celesta June Scott cors Michael Round Sarah Newbold Laurence Davies Keith Bragg Elisabeth Randell violons I Robert McIntosh James Clark piccolos James Handy Maya Iwabuchi Keith Bragg Philip Woods Claire Thompson Sarah Newbold Antonio Cucchiara trompettes Imogen East hautbois Mark David Eleanor Wilkinson Gordon Hunt Robert Vanryne Angus Anderson Margaret Tindale Alistair Mackie Justin Jones Samia Scott Karin Tilch Jane Marshall trombones Stuart James Dudley Bright Peter Fisher hautbois d’amour Peter Bassano Alan Brind Margaret Tindale Keith McNicoll Bjorn Petersen Peter Harvey Catherine Morgan cor anglais Rebecca Scott Jane Marshall tuba Marina Gillam John Jenkins clarinettes violons II Mark Van de Wiel timbales Hilaryjane Parker Peter Seago Andrew Smith Tamas Fejes Lynsey Marsh Andrew Wickens Ruth McDowall Timothy Colman

20 | cité de la musique concert à deux orchestres

Gillian Costello Dominic Worsley Julian Milone Simon Oliver Simon Horsman Catherine Colwell Brian Moyes Thomas Croxon Gideon Robinson Roger Linley Gillian Bailey David Daly Olwen Castle Samantha Reagan Susan Hedger Beatrix Lovejoy altos Roger Benedict Michael Lloyd Michael Turner Carol Hultmark Robert Leighton Graham Griffiths Almut Geldsetzer Rebecca Wade Rebecca Carrington Ania Ullmann Sean Bishop Dorothea Vogel technique violoncelles cité de la musique David Jones régie générale Rhydian Shaxson Christophe Gualde Deidre Cooper régie plateau Jocelyn Gale Jean-Marc Letang Matthias Feile régie lumières Ann Baker Marc Gomez Avis Perthen Katharine Thulborn Ensemble Stephen Milne Intercontemporain Judith Fleet régie générale Jean Radel contrebasses régie plateau Neil Tarlton Damien Rochette Christian Geldsetzer Philippe Jacquin

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