– Collection Broudot, films 17,5mm (12 minutes) –

1. Actualités du Vimeu au début des années 1930.

Ces documents d'archives sont assez exceptionnels, à la fois par leur forme (un document source, c'est-à-dire brut, non monté ni coupé), leur format (film tourné en 17,5 mm, un format rare, semi-professionnel, utilisé en jusque dans les années 1940) et leur contenu. Même si les images nous montrent des aspects ordinaires de la vie dans le Vimeu dans les années 1930, ils n'en sont pas moins évocateurs et représentatifs de lentes évolutions économiques et sociales ou des traditions enracinées dans le XIXe siècle, mais aussi des changements plus brutaux et des mutations à l’œuvre au début du XXe siècle. Je vous propose de revenir sur ces images d'archives filmées, à travers ses acteurs (hommes et femmes, individualités et groupes sociaux), et un fil conducteur : « Vivre dans le Vimeu dans les années 1930 ».

Vivre dans le Vimeu dans l'entre-deux-guerres, c'est tout d'abord vivre dans un monde industriel à la campagne. La concentration des ouvriers en usine, résultat de l'industrialisation du XIXe siècle, fait désormais partie du paysage du Vimeu, qui connaît une longue tradition dans la serrurerie (depuis le XVIIe siècle). Cependant, la concentration industrielle n'y est pas synonyme de grandes usines (beaucoup de petites unités1) et n'a pas fait disparaître le travail artisanal, à domicile, dans ce domaine. D'autre part, socialement, ces images de sortie d'usine sont aussi révélatrices d'une identité ouvrière : pointer à l'usine, porter un béret ou une casquette et un bleu* (ici, pantalon et veste séparés) ou une blouse pour les femmes* sont des marqueurs fondamentaux et des déterminants sociaux de l'appartenance aux classes populaires, au monde ouvrier en particulier. Cette identité est encore renforcée avec la concentration en usine : les ouvriers y sont réunis dans le même espace la journée durant et voient leurs vies rythmées par la sonnerie de l’horloge qui détermine l’heure de sortie, avant qu’ils ne rentrent chez eux, le plus souvent ensemble, à pieds ou en bicyclette*, dont l'utilisation se généralise alors, dans la continuité des transformations opérées dans les transports (apparition de l'automobile) même si le cheval* reste une source d'énergie pour les déplacements courts. Mais ces évolutions ne s'accompagnent pas d'une uniformisation du monde ouvrier, qui présente une grande diversité, à la fois sociale et politique, du manœuvre ou de l'OS syndiqué à la CGT au contremaître proche du patron, à l'image de Joseph Holleville (Cf. vidéo de la remise de sa Légion d'honneur) ou de l'homme en costume sortant parmi les ouvriers*. On

1 En France, en 1931, 58% des ouvriers travaillent dans une usine de moins de 100 salariés.

1 remarque aussi la présence de jeunes adolescents* : les deux tiers des enfants à 13 ans révolus (âge limite de l'obligation scolaire) rejoignent l'usine (ou les champs) sans même avoir obtenu le CEP.

Le vêtement ouvrier L'accès au travail des femmes

Une culture populaire du vélo et un usage pour Un monde rural où le cheval reste un moyen de les trajets domicile-travail transport ()

Un monde ouvrier divers : un contremaître (à De jeunes ouvriers : on entre souvent à l'usine gauche) dès 13 ans

Il faut aussi dissocier, dans le monde rural du XIXe-début XXe siècle, le vêtement de travail du vêtement de fête ou « du dimanche ». Le vêtement caractérise une époque, un milieu social, ou accompagnent simplement une mode. Le costume masculin* des années 1920-1930, toujours sous influence britannique, reste classique : les hommes portent le complet trois pièces : veston, gilet et pantalon assortis, de teinte sombre, le plus souvent assorti d’une cravate, plus rarement d’un nœud

2 papillon* ou d’une lavallière*. Le complet est généralement assorti d’un chapeau melon, d'un canotier ou d’un chapeau mou*. Chez les femmes, signe des temps, la mode est à la garçonne*, dont Coco Chanel fut l’initiatrice. Les jupes sont plus courtes : depuis la fin des années 1920, elles s'arrêtent juste en dessous du genou. Les cheveux sont en général courts, coiffés sous un chapeau cloche*.

Le costume masculin classique, avec chapeau Les femmes copient la mode à la garçonne mou (Woincourt) (Feuquières)

Un homme au smoking, avec nœud papillon et Max Lejeune, le socialiste à la lavallière chapeau melon à Feuquières (communion en (Friville) 1930)

La mode du chapeau cloche pour les femmes Un homme portant un canotier (Friville) (Feuquières)

Vivre dans le Vimeu dans l'entre-deux-guerres, c'est aussi comme dans beaucoup de régions

3 françaises, vivre dans une société où l'ancien combattant représente une figure centrale et où l es associations d'anciens combattants ont pris une grande place. Dès 1917, Georges Clemenceau disait d'eux « ils ont des droits sur nous », manière de leur octroyer une reconnaissance symbolique. La Grande Guerre, dont on célèbre le Centenaire, a en effet marqué profondément et durablement, non seulement « la génération du feu » mais, à travers elle, la société toute entière. Tout d'abord, le phénomène ancien combattant prend une place toute particulière, ne serait-ce que par l'importance numérique du groupe : ils représentaient une part non négligeable de la population puisqu'ils sont environ 6,5 millions à avoir survécu à la guerre (en 1935, ils sont encore 5,5 millions, soit 42% de la population masculine totale). En France, le mouvement ancien combattant recrute jusqu'à 3 millions d'adhérents. Les vidéos donnent aussi l'impression d'un mouvement de masse. Le mouvement ancien combattant fut d'abord un mouvement revendicatif et un syndicalisme des victimes de guerre. Ces hommes ont rapidement compris, au sortir de la Première Guerre mondiale voire même pendant le conflit, la nécessité de défendre leurs intérêts matériels (obtenir des pensions convenables notamment). La plupart d'entre-eux partageait une conviction commune basée sur l'expérience du front selon laquelle cette expérience était incompréhensible pour ceux qui ne l'avait pas vécue. A Meneslies, la banderole « unis comme au front »* fait allusion à cette expérience vécue à la fois de manière intime et individuelle mais aussi de manière éminemment collective. De par la proximité avec l'événement (captation réalisée 14 ans après la fin du conflit), ce slogan mobilisait aussi et encore l'héritage de l'union sacrée. Il fait aussi passer un autre message, plus subliminal : il a fallu combattre et travailler pour tenir dans la guerre, mais aussi croire (il est affiché devant l'église) ; cela montre aussi que la religion catholique reste un ciment des communautés rurales, dans l'ensemble moins touchées par le recul des pratiques religieuses, notamment en ce qui concerne les sacrements, qui se traduisent par des pratiques collectives et ostentatoires comme le montrent les images des premières communions à Feuquières en 1930*.

Manifestation d'Anciens combattants de la Une religion catholique encore très présente et Grande Guerre à Meneslies pratiquée (Feuquières)

4 Emblème et symbole des anciens combattants, le drapeau représente aussi leur groupe, leur histoire et les valeurs communes qu’ils partagent ; il illustre une présence, unit et rassemble. Les nombreuses associations et amicales d’anciens combattants ont ainsi immortalisé leur existence par un drapeau, dont la remise fait l'objet d'une cérémonie très officielle. On peut voir qu'il est hissé majestueusement lors des défilés* (qui ne sont pas des défilés militaires), des cérémonies de commémoration et divers événements auxquels les associations d’anciens combattants participent. On devine sur les divers extraits que l’étendard ou le fanion est aux couleurs de la France (bleu, blanc rouge) avec le nom de l’association et sa localité en lettres brodées d’or*.

Le drapeau, emblème des anciens combattants Le drapeau, emblème des anciens combattants (Friville) (Meneslies)

En même temps, les anciens combattants partageaient aussi la conviction qu'il fallait tout faire pour que cette expérience soit transmise, en souvenir des morts (1,3 millions pour la France), d'où la place centrale des monuments aux morts dans ces rassemblements – « souvenons nous » peut-on ainsi lire au dessus du monument de Friville* – et l'association massive des enfants aux cérémonies*. Le monument aux morts a ainsi une fonction civique. De plus, il faut souligner que toute une génération de Français grandit – au moins en partie – sans père, ou avec un père physiquement diminué. Le bilan de la Première Guerre mondiale est, pour la France, d'1 million d'invalides, 800 000 orphelins et 1,1 million de Pupilles de la nation à la fin des années 1920 (soit 1,8% de la population française). Au début des années 1930, ces enfants sont devenus des adolescents ou sont passés à l'âge adulte. A Friville, avant la remise du drapeau à la section locale des anciens combattants, un discours énergique est d'ailleurs prononcé par le directeur de l’Office des Pupilles de la Nation, dont on peut voir qu'il a perdu un bras (est-il mutilé de guerre?)*. Cet office, qui est une administration spécifique pour venir en aide aux orphelins de guerre, a été créé

5 par une loi de 1917, tout comme de pupille de la nation2. Ce discours est prononcé devant le monument aux morts de la commune ; un monument de type funéraire – assez rare – qu'on aperçoit à l'arrière plan : en représentant avec réalisme un soldat mort, son épouse et son fils en pleurs, il insiste essentiellement sur la mort et le deuil. Le type de monument le plus courant – car le moins coûteux – et le plus sobre est la stèle, comme à Meneslies.

Le monument aux morts de Friville surmonté Une présence massive des enfants lors des d'une banderole « souvenons nous » cérémonies du souvenir (Meneslies)

Le monument aux morts de Meneslies Discours du directeur de l'Office des Pupilles de la Nation à Friville.

On peut donc parler d'un socle commun du monde ancien combattant (défense des intérêts et mémoire des morts) voire d'un esprit ancien combattant, de plus en plus marqué par une culture pacifiste. Mais, cette unité du monde ancien combattant n'est qu'apparente, car les associations d'anciens combattants sont en réalité très diverses, voire rivales. Elles se définissent en général selon 4 critères :  médical, en fonction du type de blessure reçue : il existe, par exemple, une association des gueules cassées, une fédération nationale des blessés du poumon ou encore une association des blessés des yeux et des aveugles de guerre. Le mouvement associatif des mutilés voit le jour dès 1915, avec une série d'initiatives locales. En 1918, ces associations locales de

2 L'adoption par l'Etat d'enfants dont les pères sont morts pour la patrie n'est pas une chose nouvelle (1830, 1849, 1871).

6 mutilés – à l'image de l'Amicale des Combattants-Réformés et Victimes de la Guerre de Friville-Escarbotin – se regroupent en fédérations : l'UF (union fédérale des mutilés), l'AGMG (Association générale des mutilés de guerre), l'UNMR (Union nationale des mutilés et réformés) et la Fédération nationale des mutilés, victimes de guerre et anciens combattants (dite Fédération Maginot, du nom de son président depuis 1918), qui comptent environ 100 000 adhérents chacune, sauf l'Union Fédérale, qui dépasse les 900 000 membres en 1932, et qui reste la plus grande des associations de mutilés.  professionnel (ex. : fédération nationale des anciens combattants des PTT, AEC ou association des écrivains combattants) ;  militaire (en fonction de l'arme dans laquelle le combattant avait servi, voire du grade) ;  et politique : l'UNC (droite conservatrice) domine les associations de combattants, avec 860 000 adhérents en 1932 et une bonne implantation en Picardie ; la FNCR (proche des radicaux-socialistes) ; et l'ARAC, communisante (avec un succès moindre, 20 000 adhérents).

Ce succès du mouvement ancien combattant est aussi à mettre en relation avec la sociabilité de ces mouvements au niveau local, comme le montrent ces archives vidéos. Ces associations sont présentes dans les deux tiers des communes, qu'elles animent en organisant banquets, défilés et commémorations. Bien souvent, l'association des anciens combattants est soit la seule, soit la plus grande association de la commune. On remarquera aussi la présence des fanfares*. Issues d'un mouvement initié dans les années 1830 – le mouvement des orphéons (sociétés chorales supposées faire renaître la nation rassemblée après une période de déchirements : Révolution, Empire et restauration monarchique) – et d'une révolution instrumentale (naissance des cuivres à piston), les fanfares se sont multipliées dans les campagnes à partir de la seconde moitié du XIXe siècle (il en existe plus de 7000 à la fin du Second Empire) pour atteindre leur apogée au début du XXe siècle. Dans le monde rural, les fanfares et les associations d'anciens combattants jouent ainsi un rôle majeur dans l'organisation et l'animation des fêtes collectives*. Si un ancien combattant sur deux adhère à une association, les adhésions sont plus nombreuses dans les campagnes que dans les villes : on estime que dans les campagnes françaises, 70 à 80% des anciens combattants appartiennent aux associations, tandis que dans les villes, ce chiffre n'est que de 50 à 60%, et de 38,8% à Paris. L'encadrement de ces associations est assuré essentiellement par des membres des classes moyennes (petits patrons, artisans, employés, fonctionnaires...). Leur poids électoral (la moitié des votants, comme seuls les hommes votaient à cette époque), leur forte implantation et implication expliquent pourquoi c'est un groupe écouté des politiques – c'est même parfois un véritable lobby.

7 Certaines associations d'anciens combattants se sont même transformées en formation politique : la plus connue et la plus étudiée des historiens est le mouvement des Croix de Feu ; c'est une des « ligues d'extrême droite » qui participent aux manifestations du 6 février 1934, perçues à gauche comme un « danger fasciste », et qui explique, en partie, le rassemblement des gauches dans le Front populaire, dont les prémices sont le sujet de l'extrait suivant.

La fanfare de Woincourt La fanfare de Meneslies

Fanion de la fanfare de Lanchères Anciens combattants et fanfares animent les fêtes collectives dans les communes, ici à Friville

Bibliographie • Bruno Cabanes, La victoire endeuillée, Seuil, 2002. • Olivier Faron, Les enfants du deuil, Paris, La Découverte, 2001. • François-Marie Grau, Histoire du costume, Paris, Presses Universitaires de France , «Que sais-je ?», 2007. • Yves Lequin, Histoire des Français, XIXe-XXe siècles, Paris, Armand Colin, 1984. • Gérard Noiriel, Les ouvriers dans la société française, XIXe-XXe siècles, Paris, Le Seuil, 1986. • Antoine Prost, Les anciens combattants dans la société française, 1914-1939, Paris Presses de la FNSP, 1977.

8 2. Meeting du Parti Communiste à Friville-Escarbotin

Vivre dans le Vimeu dans les années 1930, c'est enfin vivre dans un territoire ancré à gauche : le Vimeu-rouge, ainsi nommé depuis cette journée du 3 avril 1906 où les ouvriers grévistes de l'usine Riquier de Fressenneville ont incendié le château leur patron, par ailleurs président de la Chambre de Commerce et d’Industrie et maire de la localité. Cette action, aujourd'hui inscrite dans l'espace public (square du château brûlé), marqua la mémoire collective et constitua longtemps la référence du mouvement ouvrier picard ; dans son rapport mensuel au ministre de l'Intérieur du 5 novembre 1924, le Préfet de la écrit : « le Vimeu […] a été de tous temps un centre d'agitation subversive par excellence. » Les gauches socialiste et communiste sont cependant loin d'être hégémoniques à cette époque dans la Somme (4% des mairies en 1935), leur implantation se renforçant surtout après 1945.

Ce meeting du Parti communiste à Friville-Escarbotin se déroule très probablement au cours de l'été 1934 (ou 1935), dans un contexte particulier : les gouvernements sont renversés les uns après les autres dans un contexte d’instabilité politique inédit, et le pouvoir semble paralysé. Suite à l'éclatement d'un scandale politico-financier connu sous le nom d' « Affaire Stavisky », de nombreuses manifestations sont organisées par les ligues – en particulier par l'Action française – qui font régner le désordre et l'agitation dans les rues au cours des mois de janvier et février 1934 et n'hésitent pas à attiser le feu de la révolte à coup d'arguments xénophobes, antisémites et antiparlementaires. Le scandale éclaboussant une partie des députés et ministres, le gouvernement en place démissionne. Les ligues appellent à manifester le 6 février 1934, le jour de la présentation devant la Chambre des députés, du nouveau gouvernement, présidé par le radical Daladier qui a décidé de limoger le préfet de police de Paris, Chiappe, haï par la gauche et connu pour son indulgence vis-à-vis des milieux d’extrême droite. Le 6 février, les manifestants convergent depuis divers points de Paris vers la place de la Concorde et la Chambre des députés, et le rassemblement tourne très vite à l’émeute (15 morts, plus de 1500 blessés).

La gauche – ou plutôt les gauches – interprète cette journée comme une tentative de coup d’Etat fasciste. Cette analyse contribua à souder les diverses formations de la gauche française autour d'un thème de combat commun: l'antifascisme, qui joua un rôle non négligeable dans la formation deux ans plus tard de l’union des gauches au sein du Front populaire. Frères ennemis, communistes et socialistes se rapprochent en juillet 1934 : le 27, un pacte d'unité d'action est signé

9 entre la SFIO et le PCF, les fédérations socialiste et communiste de la Somme font de même le 30. A la suite de ce rapprochement, les socialistes du Vimeu montrent l'exemple en participant à un meeting du PCF à Friville-Escarbotin, en terre communiste – comme le montre l'omniprésence des drapeaux du PCF, ornés ou surmontés de la faucille et du marteau*. C'est un meeting d'unité d'action contre le fascisme qui se déroule devant la mairie, en présence de centaines de participants*.

Le premier à prendre la parole est Victor Flamant* (1898-1987). Ouvrier, militant communiste et syndicaliste, il est alors le leader du mouvement ouvrier dans le Vimeu, où il fut secrétaire du syndicat CGT-U de la Métallurgie dans les années 1920 et secrétaire de la cellule communiste de Friville-Escarbotin dans les années 1930. Il fut élu maire de Friville-Escarbotin suite aux élections municipales de 1935, qui virent la formation et la victoire de listes du « Front commun », notamment dans le Vimeu industriel (Feuquières, Friville-Escarbotin, Fressenneville, , Béthencourt-sur-Mer). Le deuxième orateur est probablement Maurice Delabie* (1887- 1959), industriel à Bouvaincourt-sur- : vice-président de la fédération de la Somme du Parti radical, il était alors conseiller général et député de la Somme (élu en 1932, réélu en 1936). Le communiste Louis Prot* (1889-1972) lui succède à la tribune : figure pionnière du communisme picard, il fut maire de (1925-1940 ; 1945-1966) et député de la Somme (1936-1940 ; 1945-1958). Le quatrième et dernier orateur est André Bernard* (dit Bernard-André ; 1896-1956), professeur à l'école primaire supérieur d', l'un des dirigeants locaux de la Ligue des droits de l'Homme et de la fédération socialiste de la Somme jusqu'en 1933, date à laquelle il rejoignit le Parti socialiste de France-Union Jean Jaurès, une scission du Parti socialiste. Réunir toutes les composantes de la gauche ainsi est alors quelque chose de complètement nouveau !

Le film est une parfaite illustration de la culture antifasciste qui fut un ciment d'union de la gauche française au milieu des années 1930. Le rassemblement se termine en effet par un rituel de communion propre à la gauche : le poing levé*, aussi synonyme de dévouement et de combativité, accompagné du chant de l’Internationale, puis un défilé dans le plus grand calme, dans les rues de la commune, portes-drapeaux en tête du cortège. C'est une nouvelle manière de mettre en scène la politique qui se diffuse dans l'entre-deux-guerres : grands meetings, défilés en masse, goût pour les drapeaux, les insignes et les saluts. Perçus comme efficaces, ces techniques ne sont ni propres au PCF, ni à la gauche, et sont aussi adoptées et adaptées par les mouvements fascistes.

Avant qu'un dernier homme ne prenne la parole, on identifie clairement Max Lejeune*

10 (1909-1995), figure montante de la SFIO. Il a alors 25 ans et il est propagandiste de la SFIO dans la Somme, faisant apprécier ses qualités d'orateur à travers le département. Futur député du Front populaire, promis à une longue carrière, il fut ensuite député de 1945 à 1977, puis sénateur jusqu'en 1995, maire d' de 1947 à 1989, président du Conseil général de la Somme de 1945 à 1988, et 11 fois ministre entre 1946 et 1959.

Meeting du PCF à Friville dont le symbole Des centaines de personnes assistent au meeting (faucille et marteau) est sur les drapeaux et les d'unité d'action contre le fascisme à Friville. hampes.

Le leader communiste du Vimeu, Victor Flamant Le député radical-socialiste Maurice Delabie (?)

Louis Prot, maire communiste de Longueau Bernard-André, dirigeant de la LDH et des néo- socialistes Max Lejeune, militant de la SFIO Le rite du poing levé

11 Défilé des militants communistes et socialistes après le meeting

Bibliographie • Jean-Jacques Becker et Gilles Candar (dir.), Histoire des gauches en France, volume 2: XXe siècle, à l’épreuve de l’histoire, Paris, Editions La Découverte, 2004. • Jean-Marc Binot, Max Lejeune l’irréductible. Tome 1: l’enfant chéri du socialisme picard (1909-1955), Amiens, Martelle Editions, 2002. • Philippe Burrin, « Poings levés et bras tendus. La contagion des symboles au temps du front populaire », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n°11, juillet-septembre1986, p. 5-21. • Julien , Les gauches dans la Somme, 1924-1977, Amiens, Editions Encrage, 2015. • Stéphane Courtois et Marc Lazar, Histoire du Parti communiste français, Paris, Presses universitaires de France, 1995. • Gilles Morin et Gilles Richard (dir.), Les deux France du Front populaire, Paris, Editions L'Harmattan, 2008.

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