Loulle (Jura) : Sous Le Lapiaz, La Plage Et Ses Dinosaures
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1/12 Loulle (Jura) : sous le lapiaz, la plage et ses dinosaures 17/11/2015 Auteur(s) : Matthias Schultz Professeur de SVT, Lycée H. de Chardonnet, Chalon sur Saône Publié par : Olivier Dequincey Résumé Une plage vieille de 155 Ma, ses rides de vagues et ses empreintes de dinosaures (Sauropodes et Théropodes). Table des matières Présentation de Loulle et contexte du site à empreintes de dinosaures Traces de dinosaures et site de Loulle Contexte paléogéographique et paléoclimatique des empreintes de Loulle Formation et fossilisation des empreintes de Loulle Sauropodes et Théropodes Découverte, étude, préservation et présentation des empreintes de Loulle Bibliographie Présentation de Loulle et contexte du site à empreintes de dinosaures Traces de dinosaures et site de Loulle L'image géologique de cette semaine étudie le lapiaz de Loulle (Jura). Mais la commune de Loulle possède, et a aménagé, un autre site géologique aisément accessible en voiture : un affleurement présentant des pistes de dinosaures. Qu'une petite commune mette en valeur et aménage deux sites géologiques est si rare que cela mérite d'être souligné et loué. Ces empreintes de pas sont fossilisées dans le même calcaire jurassique supérieur qui constitue le lapiaz de Loulle. Les strates portant les empreintes sont plus précisément datées de la fin de l'Oxfordien (sensu gallico) ou, si l'on préfère, du début du Kimméridgien (sensu anglico), soit autour de -155 Ma[1]. Cette couche est appelée Séquanien (J7) sur la carte géologique au 1/50 000 de Champagnole (carte qui date déjà de 50 ans). Plusieurs pistes de dinosaures sont connues dans le Jura, dans des conditions géologiques proches de celles de Loulle. On en trouve en Allemagne, mais aussi à Plagne (cf. Les traces de dinosaure(s) sauropode(s) de Plagne (Ain) et Quand les petits théropodes marchaient dans les traces des grands sauropodes, chantier de fouille de Plagne (état au 1er août 2011), ces pistes seraient les plus longues au monde), et à Coisia (cf. Empreintes de Sauropode, Coisia (Jura)). Les pistes de Loulle sont les plus anciennes connues aujourd'hui dans le Jura. Autres empreintes çà et là https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/piste-dinosaure-Loulle.xml - Version du 07/04/21 2/12 Pour voir d'autres exemples d'empreintes variées, on consultera avec intérêt les articles Traces de dinosaures théropodes en Namibie, Traces de dinosaures et ptérosaures du synclinal de Torotoro (Bolivie), Pistes de reptiles (dinosaures sensu lato ), Vieux lac d'Émosson (Suisse), Empreintes de reptile thérapside du Permien supérieur du Languedoc, et même Traces de pas d'hominidés dans des cendres volcaniques pléistocènes. Source - © 2015 Google earth Figure 1. Localisation du village de Loulle dans le Jura. La punaise rouge indique l'emplacement du village de Loulle (Jura), et de ces deux sites d'intérêt géologique : lapiaz et empreintes de dinosaures. Les punaises jaune précisent l'emplacement d'autre sites fossilifères du Jurassique supérieur : Coisia (traces de sauropodes)), Plagne (traces sauropodes et traces de théropodes) et Cerin (site fossilifère). https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/piste-dinosaure-Loulle.xml - Version du 07/04/21 3/12 Source - © 2015 BRGM / InfoTerre Figure 3. Localisation des sites géologiques de Loulle (Jura) sur fond de carte géologique du secteur. Source - © 2015 IGN / InfoTerre Le cercle violet indique l'emplacement précis de Figure 2. Localisation précise des deux sites l'ancienne carrière où ont été mises en évidence les géologiques du village de Loulle dans le Jura. pistes de dinosaures, sur la route D253 entre Ney et Le cercle violet indique l'emplacement précis de Loulle. Le site est bien signalé et aménagé (parking, l'ancienne carrière où ont été mises en évidence les panneaux pédagogiques…). pistes de dinosaures, sur la route D253 entre Ney et Le cercle noir indique la position du petit lapiaz de Loulle. Le site est bien signalé et aménagé (parking, Loulle, également signalé et aménagé (avec un parking le panneaux pédagogiques…). long de la route vers Pillemoine). Le cercle noir indique la position du petit lapiaz de Ces deux points d'intérêt géologique sont situés dans Loulle, également signalé et aménagé (avec un parking le l'Oxfordien terminal (sensu gallico), ici représenté en long de la route vers Pillemoine). bleu-gris et légendé j7 (faciès séquanien). On note L'ellipse rouge indique le site des pertes de l'Ain, une également l'importance des dépôts morainiques autre curiosité géologique des environ de Champagnole. (pointillés bleus légendés Gm). L'ellipse rouge indique le site des pertes de l'Ain, une autre curiosité géologique des environ de Champagnole. Contexte paléogéographique et paléoclimatique des empreintes de Loulle Au Jurassique supérieur, toute la région correspondant au Jura actuel est en climat inter-tropical. Le futur massif du Jura (voir la dernière figure) est une vaste plate-forme carbonatée s'enfonçant vers le Sud, c'est-à-dire vers le domaine delphino-helvétique (ou zone dauphinoise) fortement subsident à cette époque. Contrairement à ce domaine delphino-helvétique, les chaînons du Jura restent globalement en dehors de l'activité alpine au Mésozoïque, et ne connaîtront de fort plissement tectonique qu'à partir de l'Éocène, avec un maximum au Miocène supérieur. La limite avec le domaine delphino-helvétique est marquée par des récifs coralliens avec des dépôts de carbonates de haute énergie : le seuil jurassien. Au Nord de cette bande récifale orientée Sud-Ouest Nord-Est, la plate-forme jurassienne est caractérisée par des dépôts de carbonates dans un milieu peu profond et à faible énergie (un lagon calme), en continuité avec le bassin de Paris au Nord-Ouest. Des terres émergées sont présentes au Sud-Ouest, au niveau du Massif Central actuel, et au Nord-Est, au niveau du massif rhénan. Les conditions régnant dans ces lagons du Jurassique supérieur sont très bien illustrées dans le gisement de Cerin (Ain) (avec ses nombreux fossiles). À la fin du Jurassique se produit une lente régression marine, qui culminera avec l'émersion purbeckienne (fin du Jurassique et début du Crétacé dans toute la région jurassienne). L'ampleur de cette régression à la fin de l'Oxfordien, il y a 155 Ma environ, est mal connue, mais des signes d'émersion ont été retrouvés en plusieurs points du seuil jurassien à cette époque. Le fait de découvrir des pistes de dinosaures à Loulle montre que l'émersion oxfordienne était suffisante pour permettre l'avancée de ces lourds animaux terrestres sur de grandes distances, et peut-être même leur traversée entre les deux blocs continentaux émergés au Sud-Ouest et au Nord-Est. Cette régression fait disparaître les récifs coralliens du secteur de Loulle, remplacés par de vastes platiers tidaux. Ils sont formés de sables et de boues calcaires, couverts de biofilms algaires, et périodiquement émergés ; on peut https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/piste-dinosaure-Loulle.xml - Version du 07/04/21 4/12 les comparer aux plages actuelles des Bahamas. Formation et fossilisation des empreintes de Loulle Des dinosaures sont venus à plusieurs reprises marcher dans la boue encore gorgée d'eau lors de phases d'émersion. Les sédiments ont ensuite séché au soleil, durcissant les empreintes et créant les polygones de dessiccation. Enfin la mer a calmement recouvert les empreintes sans les dégrader, et les a scellées par une nouvelle couche de sédiments et de tapis algaires. Ces événements se sont répétés plusieurs fois, sur une durée estimée à plusieurs milliers d'années : 7 surfaces portant des dépressions en forme d'empreintes ont été préservées et identifiées à Loulle (mais en pratique seules 5 correspondent à de véritables empreintes, et 2 présentent en fait des sous-empreintes, impressions sur des couches situées juste sous la boue où marchaient les dinosaures). Les cycles d'émersion / submersion pourraient correspondre à des marées, par exemple. Des changements à plus grande échelle de temps (quelques milliers à quelques dizaines de milliers d'années) du niveau marin liés à des variations des paramètres orbitaux de type "Milankovitch" ont également été mis en évidence. L'ensemble des couches de sédiments a subi une diagenèse assez rapide, fossilisant pour des millions d'années les empreintes. Cette diagenèse a été accélérée par une dolomitisation précoce, dans les sédiments gorgés d'eau de mer chauffée et concentrée en ions magnésium par l'évaporation, selon l'équation : 2+ 2+ 2 CaCO3 (boue calcaire) + Mg (concentré dans l'eau de mer interstitielle) ↔ CaMg(CO3)2 (dolomite) + Ca . Cette diagenèse rapide expliquerait pourquoi les sous-empreintes ne se propagent qu'à une dizaine de centimètres sous les véritables empreintes : les couches de sédiments sous-jacentes avaient déjà été indurées. Pour finir, tout le secteur de Loulle a été porté à 600 m d'altitude par l'orogenèse alpine (émersion du Jura au cours de l'ère tertiaire, avec un paroxysme de la déformation tectonique au Miocène), et peu à peu dégagé par l'érosion. On observe aujourd'hui, à la surface des strates de calcaire, des rides de vagues (wave ripple marks, traduisant une très faible profondeur d'eau) et des fentes de dessiccation fossilisées, et près de 1500 empreintes. Elles sont réparties en 23 pistes de Sauropodes et 5 pistes de Théropodes. La majorité des pistes est orientée vers le Nord-Est, traduisant sans doute un déplacement préférentiel des animaux sur l'estran en fonction de la disposition du rivage. Il pourrait s'agir d'un déplacement suivant un isthme le long du seuil jurassien depuis les terres émergées en permanence situées à l'emplacement du Massif Central actuel, et en direction du massif rhénan également émergé. Sauropodes et Théropodes Rappelons que les Sauropodes étaient un groupe de dinosaures saurischiens, disparus lors de la crise Crétacé- Tertiaire, dont faisaient partie, par exemple, les Diplodocus et Brachiosaurus.