Guy Meyra Jean-Christophe Gibert

Fontet : de Marie à Marianne

Voir un monde est un grain de sable, Un firmament dans une fleur des champs, L’infini dans le creux de la main, Et l’éternité en une heure.

William Blake (Chant de l’Expérience)

2005

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© Meyra/Gibert, , 2005

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Guy Meyra. Jean Christophe Gibert. Né en 1946 à Fontet. Né en 1961 à Montargis (45) Professeur honoraire de Lettres Il quitte la Marine Nationale après Modernes. Titulaire d’une maîtrise et 20 ans de découverte du monde. d’un DEA, spécialité littérature Puis reprend ses études qui se algérienne d’expression française concluent avec succès par un DESS (). CAAE (Certificat d’Aptitude à l’Administration d’Entreprise). Diplôme d’Etudes supérieures d’occitan, (Toulouse). Passionné d’informatique, il crée le site de Fontet. A publié divers articles dans Nouvelles Littéraires , des revues http://fontet.free.fr archéologiques… et plusieurs essais Dans le même élan, il met en place sur la littérature algérienne et ses sur le net, en 2003, la présentation auteurs (Editions du Stencil, Alger). de Gérard Marquès, peintre, né en A écrit, entre autres, en 1987, deux 1934, à partir du texte de Guy monographies, sur le peintre Gérard Meyra. Marqués , né en 1934… et sur le http://prodiffe.free.fr/marques /. sculpteur ariégeois Honoré Icard , (1843-1917).

Des mêmes auteurs (parus en 2004) : • Le Canal Latéral de 1828 à nos jours, Bief 49 Fontet. • Secrètes Emotions des Formes. • L’Art Sacré à Fontet. (2005)

- 3 - Remerciements

Nous exprimons notre gratitude à Mme Bernadette Issard et à M. Jean- Pierre Bordessoule qui ont facilité nos recherches, avec toujours le même sourire et la même complicité. Nous témoignons notre reconnaissance aux trois personnes nous ayant confié la collection complète des Cahiers du Réolais , l’ouvrage de Péladan et l’Histoire de La Réole par Gauban, participation aussi rare que précieuse, qu’il nous plaît de saluer ici. Nous remercions les personnes qui nous ont prêtées des cartes postales, des documents, ou qui ont facilité nos recherches : Mme Astorgis ; les Bibliothécaires de Langon (pour leur chaleureux accueil); Mme Huguette Chabrat-Ducasse ; Mme Dader ; Mme Despeyroux et ses enfants ; M. et Mme Duban ; M. Gourseaud ; Mme Myriam Jean ; Mme Jean Laborde ; M. et Mme Labrouche ; Mme Lagassan ; Mme Lamarque ; M. et Mme Leconte ; Mme Léopold Mauros ; M. le Maire de Montpouillan ; M. Aurélien Meyra ; M. et Mme André Meyra ; Mme Florence Mothes (musée Mongenan à ) ; Mme Christel Oriard-Gibert ; M. Pourquier, Père Ribereau-Gayon ; M. Quentin ; M. et Mme Yves Rouzié ; Mme Eliane Subra- Meyra ; M. Yannick Rouzié ; M. Yves Sarrazin ; Mme et M. Schwartz ; M. et Mme Trescos. Nous saluons Mme Despeyroux qui nous a permis de consulter ses archives personnelles et notamment les cahiers de Mme Cheymol, son aïeule.

Photographies

Sauf mention contraire, les photographies ont été réalisées par les auteurs.

- 4 - Sommaire : Remerciements ______4 Introduction ______6 Les apparitions de la Vierge à Fontet ______7 La Municipalité et la Religion______19 L’affaire du carrelage de l’église ______20 La démission du curé Coiffard ______22 L’affaire du sonneur de cloches ______23 Salaire du desservant______25 La fermeture de l’école privée ______26 Les processions ______35 Les relations avec la Fabrique______38 La surenchère du social______40 Les soldats victimes des guerres intestines______56 La municipalité de Fontet et les guerres ______57 Le Devoir de mémoire ______57 Le Monument aux morts______58 Subventions débloquées par la Mairie ______63 Le tableau d’honneur : soldats et victimes des guerres ______68 Les affres de la guerre______83 Annexes ______100 Annexe 1. Le respect du repos dominical______100 Annexe 2 : Les pèlerinages ______100 Annexe 3 : Sonneurs de cloches, sacristains et desservants ______101 Annexe 4 : Liste d’Union Ouvrière et Paysanne ______106 Annexe 5 : La Fabrique______107 Annexe 6 : Liste de dons en faveur des pauvres ______109 Annexe 7 : Les aides sociales ______111 Annexe 8 : Aides aux soldats ______112 Annexe 9 : Carte de la guerre 14-18 ______114 Annexe 10 : Itinéraire d’un soldat ______115 Annexe 11 : STO, prisonniers et réfugiés______120 Annexe 12 : Comité de Secours ______122 Annexe 13 : Bureau d’Assistance ______123 Annexe 14 : Membres du Comité de Secours______124 Bibliographie ______125 Liste des noms cités dans cet ouvrage ______126

- 5 - Introduction

Le village, la commune, un point sur une carte. Oublié dans l’Univers, comme dans le Temps, Fontet a-t-il seulement laissé des traces dans l’Histoire ? Notre commune tente aujourd’hui de sortir de son isolement et de s’insérer dans des ensembles régionaux, pour prendre mieux la mesure de sa force, ou… s’anéantir dans un pseudo rêve de vaine puissance. Certes, Fontet vivait au XVIIIe et au XIX e siècle au rythme lent des saisons, sa dimension temporelle et spatiale se mesurait au pas ou à l’empan, dans un microcosme de passions et de luttes, vécues comme des évènements locaux. Et pourtant, nous serons surpris de découvrir un village déjà ouvert aux problèmes du monde extérieur, enraciné dans la Nation, et participant du même élan historique. Nous vous invitons à parcourir notre village, afin de lire avec nous quelques pages d’Histoire de : Profitez de l’ombre d’un vieil ormeau pour évoquer le souvenir de La Berguille et des apparitions de la Vierge, presque contemporaines de celles de Lourdes. Admirez le dernier cyprès de notre cimetière, flânez sous les marronniers qui ombragent notre église, vous pourrez alors évoquer les passions, les combats et les drames que vécurent nos ancêtres. Les touristes qui admirent le lavoir fleuri du bourg, peuvent-ils soupçonner l’existence d’une ancienne école libre toute proche ? Peuvent-ils imaginer les réactions de la municipalité de Fontet, au cœur des conflits qui opposaient l’Eglise et la jeune République laïque, face au courant de mutations sociales de l’Eglise catholique ? Ne passez pas avec indifférence devant le monument aux morts, il vous rappellera la souffrance et la mort de nos soldats, et vous permettra d’évoquer l’attitude des différentes Municipalités de Fontet, face aux drames engendrés par les guerres. Croyez-nous : votre village, Fontet, a existé, a vécu , a pensé, a contribué à faire la France et le monde, notre monde.

- 6 - Les apparitions de la Vierge à Fontet

La mémoire d’un village entretient le souvenir d’évènements marquants et laisse un empreinte tenace dans les esprits de plusieurs générations. C’est le cas des apparitions qui se produisirent à Fontet, en 1873 et 1874. On pourrait penser que ce souvenir est né d’une légende ou de faits mineurs, démesurément grandis par la tradition orale. Et pourtant… On affirma en effet que Marie Jousseaume, plus connue sous le surnom de Berguille, vit plusieurs fois la Vierge. Elle habitait alors à Fontet, dans le quartier de La Serre, dominant la belle vallée de la Garonne.

Nous allons tenter une analyse de cette curieuse affaire qui attira des milliers de pèlerins et de curieux dans notre petit village, ceci à partir de trois sources : la presse locale 1, un article du Georges Lanoire 2 et surtout un curieux ouvrage daté de 1873, sans nom d’auteur. (Mais il est aisé de deviner que ces lignes

1 L’Union du Sud-Ouest du 8 juin 1873. 2 Les Cahiers du Réolais , 1955, n° 15, 1967, n° 71.

- 7 - sont nées sous la plume de Adrien Péladan 3 (1815-1890), propagandiste des messages mystiques et surtout légitimistes.

La tradition orale affirme que des miracles se produisirent à Fontet. La Berguille , qui souffrait d’un ulcère à l’estomac depuis 1865, guérit en 1873, après avoir bu de l’eau de Lourdes pendant dix jours (les vertus de l’eau bénite étaient fort appréciées et certains en dérobaient même dans les bénitiers des églises 4). On affirma qu’un épileptique de Langon vit son mal disparaître et qu’un lépreux retrouva la santé. Il vint alors tellement de monde qu’un service spécial fut instauré entre la gare de La Réole et Fontet 5. (On a compté jusqu’à 5000 personnes le 8 septembre 1873) Des contrôles furent alors exercés pour essayer de comprendre : mystification ? Extase ? Etat cataleptique ? Le curé de Fontet considéra simplement que cette vision était la conséquence de la fièvre.

3 Adrien Péladan, Un mot sur la Voyante de Fontet , , Imprimerie F. Constant. 4 La Berguille pratiquait aussi le jeûne même s’il tomba en désuétude à partir de 1850. 5 Voir annexe 2.

- 8 - Voici ce qu’affirmait l’Union du Sud-Ouest du 8 juin 1873 : " L’extase a duré cinquante-deux minutes. Les deux mains jointes de la voyante ont été séparées sans la moindre résistance, et les médecins ont constaté que le pouls était calme et régulier. Dès que les mains ont été libres, elle se sont rapprochées d’elles-mêmes et comme mécaniquement. La flamme d’un cierge placée sur son petit doigt de manière à l’environner n’a produit sur elle aucune sensation. Son visage présentait au contact de la main la résistance d’un corps solide comme la pierre ou le marbre. " " (…) On lui a jeté de l’eau avec violence sur le visage. Elle n’a pas bougé, ses paupières sont demeurées ouvertes et l’eau glissait sur la prunelle de ses yeux comme sur une toile cirée. On lui a ensuite enfoncé dans les épaules des épingles à cheveux, sans qu’elle parût ressentir la moindre douleur, on les a retirées rouges de sang ". Ces expériences furent conduites par M. Sarrazin, gendre de M. Pardiac 6. Les apparitions ne sont pas un fait exceptionnel : plus de vingt mille furent dénombrées en 20 siècles, mais la seconde moitié du XIX e siècle semble plus féconde 7. On peut toutefois s’étonner que Péladan ne fasse point allusion à une tradition encore vivante à Hure dans les années 1870 : l’eau d’un rocher avait des propriétés 8 miraculeuses et guérissait aussi bien les maladies des yeux que le manque de lait maternel. Curieux aussi que Fontet, le village des fontaines 9, n’ait suscité aucune source miraculeuse… Il en existe bien une, toute voisine de la maison de la Berguille, mais elle fut construite par M. Despin et servait de lave-mains aux ouvriers de la ferme. La grotte, imitée de Lourdes, est une simple décoration (photo ci-après).

6 Péladan, page 19. 7 Les apparitions les plus importantes, reconnues par l’Eglise sont : Paris, en 1830, La Salette en 1846, Lourdes en 1858, Pontmain en 1871, Pellevoisin en 1876, Tilly sur Seules en 1896 et Campitello, Corse, en 1899 ; mais aussi Lorette et depuis le XII° siècle. 8 Cité par Dupin, page 264. 9 Dans un prochain ouvrage consacré à Fontet, nous vous proposerons une carte aquatique de notre village.

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Les circonstances politiques et économiques des apparitions sont le plus souvent identiques. Les périodes les plus favorables suivent toujours des crises politiques, des guerres ou des révolutions. Nous sommes en 1873, et les esprits sont encore marqués par les révolutions de 1830, de 1848, et par la guerre de 1870. La misère, les épidémies, les disettes, encore fréquentes au XIX e siècle, sont des facteurs importants, si nous en croyons Emile Zola : " Quand l’homme a touché le fond du malheur de vivre il en revient à l’illusion de vivre (…) l’homme faible et nu, n’a pas la force de vivre sa misère terrestre sans l’éternel message du paradis 10 ". Comme la plupart des cultivateurs de l’époque, la Berguille était assez pauvre et vivait modestement du travail de la terre. C’est dans ce contexte économique qu’elle annonça la ruine prochaine du vignoble, dans douze ans… Le phylloxéra atteignit en effet son apogée en 1880, mais… il était apparu en 1865. Les apparitions concernent surtout les femmes et les enfants 11 et se produisent souvent chez des personnes illettrées et ignorantes et parfois en situation de deuil récent. (C’est le cas ici car Marie Bergadieu venait de perdre sa fille, âgée de 18 ans, en 1871)

10 Lourdes, 1894. 11 Selon Péladan, page 21, la fille d’une nièce de la Berguille, âgée de 4 ans et demi, avait aussi des apparitions.

- 10 - Mais qui est la Berguille ? Fille de Pierre Bergadieu et de Madeleine Bentéjac, Marie Bergadieu naquit à Loupiac en 1829 dans la métairie de M. Nouguey, où elle resta jusqu’à son mariage avec M. Jossome, en 1850. Ils résidèrent ensuite à , puis à Loupiac en 1861, et enfin à , dans leur propriété La Lèbe 12 , aujourd’hui en ruine (photo ci-dessous), jusqu’en 1870.

Ils redevinrent métayers de M. de Castellane, à Aillas, puis s’installèrent à Fontet en 1873 dans la propriété de M. Pardiac 13 : la maison est de chétive et modeste apparence , bizarre et informe , comme celle des métayers de l’époque.

Péladan note la présence d’un seul ormeau et d’un banc. Cette remarque n’est pas aussi anodine qu’il y paraît. L’arbre 14 , lien entre le ciel et la terre,

12 Auraient-ils quitté cette métairie, précisément à la suite d’un incendie de la maison ? 13 Sources Péladan, page 8 .

- 11 - symbole de vie (paradis) et de mort (la croix), est souvent le gardien du lieu sacré. (La tradition orale de Fontet précise parfois que les apparitions se produisaient sous cet arbre.)

Le portrait que l’auteur brosse de la Berguille est idéalisé : humilité, mod estie et lucidité la caractérisent ; elle était socialement parfaite comme son mari et sa famille, ce qui conduit l’auteur à la qualifier d’ élue avant de justifier la révélation par les apparitions. Elle était vêtue de noir et surtout coiffée d’un foulard, coutume paysanne conforme aux pratiques bibliques du port du voile. Ses yeux étaient bleus, (couleur mariale), clairs et limpides. Les 15 apparitions sont elles-mêmes présentées de manière très conventionnelle. L’auteur met surtout l’accent sur la lumière, la blancheur 15 , insiste sur la mise en situation hors du temps et de l’espace de la voyante, sur la force inconnue dont elle semblait possédée. Au bout d’un certain temps ces apparitions furent même programmées

et théâtralisées 16 .

14 Fréquent en Gascogne, l’orme, tout particulièrement, a valeur symbolique. Henri II, par un édit de 1552, confirmé par Henri III, avait prescrit de le planter « pour servir aux affûts et remontages de l’artillerie «. Sully généralisa l’opération et le XIX° siècle le planta au bord des routes, avant les platanes. Il ornait souvent les places publiques, associé aux fontaines et aux croix. 15 Madame Léopold Mauros qui vécut dans cette maison, nous confiait avoir vu dans le grenier une malle de vêtements et de bas blancs. 16 Péladan, page 11 et 19.

- 12 - La Vierge 17 est conforme au modèle imposé par des apparitions plus anciennes (et surtout par la statuaire de Lourdes) : immaculée , d’une beauté incomparable et céleste, la chevelure blonde, portant voile et chapelet. Comme toujours dans les campagnes à cette époque, les pratiques religieuses étaient mêlées de superstition et de gestes codifiés par les schémas culturels. (Relisons, pour nous en convaincre La Mare au Diable ou La Petite Fadette de G. Sand) L’usage immodéré de l’eau bénite et de la croix, comme rite de protection, s’inscrit sans doute dans ce schéma. Ainsi, la croix appartient au quotidien, placée au-dessus du lit ou sur la porte d’entrée de la grange, pour en chasser le mauvais sort. La Berguille mettait en avant les prescriptions de l’Eglise du moment : l’eucharistie, la prière, la confession et le respect du dimanche.

Le culte eucharistique était en nette progression 18 dans les années 1870, remis à l’honneur à partir de 1830. Sait-on par exemple que la communion à certaines époques restait exceptionnelle ? Jeanne d’Arc n’aurait communié qu’une fois par an. Même notre voyante ne communiait qu’aux grandes fêtes .

17 Le mot est cité 51 fois dans le texte, sous des formes différentes : Sainte Mère, Mère de Dieu , Reine du Ciel , Vierge , Marie , Vierge Immaculée , Immaculée Conception , Saint e Vierge, 25 fois pour cette dernière appellation. 18 Cholvy et Hilaire donnent l’exemple de la paroisse de Nontron en Dordogne, avec des chiffres éloquents, concernant le nombre de communions : 2414 en 1839, 3325 en 1841 et plus de 5000 en 1861.

- 13 - La Berguille insistait aussi sur la prière quotidienne, fortement encouragée après 1850 : la prière pouvant se faire à l’église, ou sur le lieu de travail, comme en témoigne le très connu Angélus de Millet, créé en 1867 et présent dans chaque foyer.

Le respect des jours fériés et du dimanche est également noté avec insistance. Le repos dominical, alors contesté par la bourgeoisie triomphante, dans ce moment de développement du travail industriel, était exigé par l’Eglise depuis la loi de 1825 sur la sanctification du dimanche. (Cf. Annexe 1) La Vierge aurait affirmé à la Berguille que le travail du dimanche est une des principales causes des malheurs de la France 19 . Le Dieu évoqué par Péladan n’est pas le Bon Dieu que l’Eglise invoquait en ces années-là, en instaurant le culte de Jésus. Dieu est cité 11 fois, et le Fils de Dieu, 2 fois, toujours dans un contexte de force, de courroux et de punition. Jésus n’est jamais nommé ou bien il est englobé dans la dénomination usuelle de Mère de Dieu (6 fois). Péladan reste fidèle au théocentrisme. Son Dieu est celui de l’Ancien testament, le Dieu vengeur et punisseur, celui des rigoristes prédicateurs gallicans qui insistent sur la crainte (contrairement au catéchisme d’alors qui enseignait la bonté de Dieu). Pour beaucoup, le choléra de 1832 est venu punir la Révolution de 1830, c’est du moins l’avis de Péladan qui affirmait: " Des malheurs sans nombre sont venus fondre sur notre pauvre pays, comme un avertissement de la colère du ciel, irrité de ses fautes, de ses erreurs et de ses crimes 20 ". Chez Péladan les allusions sont sans équivoque : le triste état de la France est alarmant. Cette Nation ingrate connaît l’ anarchie , la corruption , la torpeur , un engourdissement mortel qui la conduit au gouffre et au tombeau . Selon lui,

19 Péladan, pages 9 et 11. Gauban précise, page 339, que le 8 avril 1790, la municipalité de La Réole demanda à l’évêque de réduire le nombre de jour fériés. 20 Péladan, page 3.

- 14 - les causes en sont multiples : les révolutions (1830-1848), les catastrophes, les émeutes, et surtout la capitulation de la France à Sedan le 2 décembre 1871. Voici ce qu’il écrit dans un style très hugolien : " Au milieu des révolutions, des catastrophes sans nombre, des humiliations et des malheurs de notre patrie, (…) les plus beaux projets s’évanouissaient, (…) notre armée si belle et jusque-là invincible était dispersée de toutes parts, (…) le canon habitué à proclamer nos victoires, ne nous apportait que l’annonce de nos défaites ou la nouvelle de l’approche de l’ennemi, (…) l’émeute, à la guenille rouge, avait fait de notre belle capitale une caverne de bandits, avides de répandre dans toute la France le meurtre et le pillage, (…) l’avenir de la France était comme couvert d’un voile noir (…) Dieu semblait l’avoir condamnée au désespoir et à la ruine 21 … " C’est donc dans ce contexte politique qu’interviennent les apparitions de Fontet. La Vierge aurait fait part à la Berguille de son inquiétude pour la France. Mais surtout elle annonça la montée d’Henri V sur le trône dès 1874. Toute la presse royaliste exploita cette prédiction. Voici quelques extraits de publications contemporaines : " La Résurrection de la France et le Châtiment de la Prusse prédits par Marie en Alsace et à Fontet … " (Paris, Josse, 1874) ; Lettre sur la sainte voyante de Fontet " par M. de , Roche édit. Agen, 1874… Les légitimistes dont Péladan se fait le porte-parole, utilisent ces affirmations de la Berguille et trouvent là un moyen de sauver la France par le rétablissement de la monarchie 22 . Que propose donc Péladan pour sauver la France et l’Eglise ? • La prière : " aidez-moi par vos prières à sauver la France ". • Le creuset rédempteur des souffrances : " il faudra peut-être souffrir encore (…) il y aura beaucoup de sang versé ".

21 Péladan, pages 16 et 27. 22 N’oublions pas que la France était la fille aînée de l’Eglise et que l’Eglise gallicane restée fidèle au lys mettait parfois les Bourbons au-dessus du Pape.

- 15 - • Le retour de la religion, de la monarchie et des symboles. (L’étendard de Jeanne d’Arc et d’Henri IV, un drapeau sans souillure. ) • L’intervention de la femme, traditionnellement salvatrice et celle de Dieu, par des miracles. Nous pouvons nous interroger sur les causes de l’échec : pourquoi Lourdes, pourquoi pas Fontet ? Pourquoi l’édification annoncée d’un sanctuaire à Fontet, afin de guérir les âmes et convertir les pêcheurs , n’a-t-elle pas été réalisée ? Par dérision peut-être, nous pourrions dire qu’il y avait déjà Lourdes… et bien d’autres, et que trop c’est trop . Les références aux apparitions de Lourdes sont d’ailleurs nombreuses dans le texte de Péladan. L’Eglise s’est toujours montrée très prudente face aux apparitions et aux miracles. Sainte-Thérèse même affirmait dans sa sixième Demeure : " Il est des personnes tellement remplies des fantômes de l’imagination qu’elles croient voir réellement tout ce qu’elles pensent 23 . ". Nous ne connaissons pas l’attitude du curé de Fontet en 1873 même si Péladan, sans jamais le nommer, le décrit d’une grande piété, d’une haute intelligence et plein de tact et de réserve . Ce dernier mot nous paraît très révélateur, quoique Péladan n’y apporte aucune connotation ambiguë 24 . Les prêtres gallicans 25 du XVIII e siècle se montrèrent méfiants à l’égard des pèlerinages qui se développèrent après 1840 avec les ultramontains jusqu’à l’apogée des années 1870-1874. Ce qui faisait dire à . Tilloy : " Je n’ai rien vu de semblable depuis les croisades ", dans Le Pèlerin 26 du 12 juillet 1873. L’Eglise était alors modérée, sociale et en paix avec l’Etat, depuis le Concordat de Messidor (15 juillet 1801), signé par

23 Même le curé de Lourdes fut assez réticent. Bernadette ne sera d’ailleurs béatifiée qu’en 1925 et canonisée en 1933 par Pie XI, sous la pression populaire et l’ampleur des pèlerinages. 24 Péladan, page 11. 25 Pour l’explication de ultramontains et gallicans, voir l’annexe 9 de l’ouvrage consacré à l’Art Sacré à Fontet, des mêmes auteurs. 26 Le Conseil Général des pèlerinages fut fondé en 1872, par le père Picard, assomptionniste. En octobre 1872 eut lieu le premier pèlerinage des bannières et en 1873 le premier pèlerinage national de prière et de réparation. (Cité dans Histoire religieuse de la France , I, page 224.

- 16 - Pie VII. Les évêques ayant approuvé le coup d’Etat du 2 décembre 1851, de Napoléon III, dirigé contre une Assemblée conservatrice, s’étaient même ralliés au Président au moment du plébiscite du 20 décembre 1852. L’attitude de l’épiscopat bordelais allait dans ce sens : Monseigneur Daviau, opposé à la politique impériale, se montra hostile au retour de la monarchie et Monseigneur Donnet accepta la révolution de 1848 et bénit même les arbres de la Liberté. Il est étonnant de ne trouver aucune trace de ces évènements à Fontet, en ces temps perturbés de laïcisation et de guerre anticléricale, (cf. le chapitre suivant) dans les délibérations du Conseil. Prudence ou désintérêt de la municipalité ? Le parti légitimiste était ultra minoritaire, même s’il avait légèrement progressé grâce aux conférences dites de Saint-Vincent de Paul . Les Républicains gagnèrent les élections qui suivirent la Commune 27 . (A Fontet, des propriétaires terriens et des aristocrates furent témoins des apparitions : Mme Sarrazin, M. Pardiac, M. le Comte E. de Marcellus, M. de P.. Nous n’avons pu l'identifier, mais il peut s’agir de M. de Piis). La prédiction de La Berguille s’avéra erronée. Le retour annoncé du Comte de Chambord, sous le nom d’Henri V, prévu dès juillet, n’eut pas lieu, pas plus que l’arrivée d’un pape français 28 . Les apparitions cessèrent alors… Certes, Péladan fait allusion à des faits politiques réels annoncés par La Berguille le 14 mai, l’arrivée au pouvoir de Mac-Mahon le 24 et la chute de Thiers, mais les allusions aux faits politiques du moment étant trop proches des apparitions, nous pouvons supposer une manipulation de Péladan, l’ouvrage, dans son ensemble paraissant très subjectif. La tradition orale, comme écrite, affirme que la Berguille devint riche, grâce aux dons des généreux pèlerins, et qu’elle acheta une belle propriété.

27 Selon Daney, page 132 à 134, les Républicains furent élus majoritairement à Bordeaux, Langon, … au détriment des royalistes. Seuls, les bonapartistes résistèrent parfois, comme dans le Blayais et à La Réole où le général Bertrand, fils du compagnon de Napoléon 1 er , arriva en tête. En 1876, Mittchell, candidat conservateur, fut élu à La Réole. 28 Péladan, page 24.

- 17 - Mais elle mourut à Fontet le 7 mars 1904, à l’âge de 74 ans, au lieu de Destis, dans une propriété 29 appartenant à M. Pardiac…

29 M. Quentin, ancien propriétaire de sa maison à Lasserre, nous confirma n’y avoir trouvé que des bibelots et images saintes qu’il remit pieusement au clergé.

- 18 - La Municipalité et la Religion

Faute d’archives plus anciennes, nous n’avons trouvé aucune indication concernant l’attitude des prêtres de Fontet pendant, et après la Révolution. Le décret du 27 décembre 1790 obligea les prêtres à prêter serment à la Constitution civile du clergé. Certains refusèrent, d’autres demandèrent un délai de réflexion : ainsi, le curé de Saint- André du Garn signa huit jours plus tard, à Bordeaux. Treize curés sur quinze refusèrent de prêter serment en 1791. Les Sœurs de Saint-Vincent de Paul, religieuses à La Réole, qui firent de même, furent remplacées par quatre citoyennes dévouées à la Révolution , le 25 floréal, (15 mai) 1794, avec un traitement multiplié par 3,530 .Y eut-il des prêtres réfractaires à Fontet ou dans la région ? Nous l’ignorons. Nous comblons cette vacuité par la photo ci-contre qui représente une bouteille de la Passion servant à consacrer des autels de fortune, pour les prêtres réfractaires, comme pour les aumôniers militaires 31 . A Fontet, en 1833, les rapports paraissent déjà tendus, si l’on en croit une lettre adressée au curé, suite à une pétition demandant l’ouverture d’une porte extérieure à la sacristie 32 . La municipalité refusa, cela peut paraître anodin, mais est révélateur du climat qui prédominait au XIX e siècle. Les conflits prirent surtout de l’importance au milieu du siècle, au moment où de nouvelles structures sociales et économiques se mirent en place, et avec l’arrivée au pouvoir des Républicains, en 1879. Trois exemples peuvent être analysés pour tenter de

30 Gauban, 298, 332 et 339. 31 http://le-musee.zonez.ch/200-Collections/Collections.htm. 32 Archives municipales, lettre du 7 juin 1833.

- 19 - comprendre cette guerre intestine , à Fontet : Les affaires du carrelage (1852), du sonneur de cloches et le salaire du desservant (1889).

L’affaire du carrelage de l’église

Le carrelage fut réalisé en 1852, en carreaux de . Curieusement, ces travaux entraînèrent une crise profonde au sein du Conseil municipal 33 .

Celui du 18 mai 1852 34 décida d’allouer la somme de 200 francs pour réaliser le carrelage, somme correspondant au paiement du salaire du garde- champêtre. Mais plusieurs conseillers démissionnèrent, sans en avertir le Maire : Messieurs Bentéjac, Cazeaux, Duzan, Espagnet, Pardiac et Pommade. Le Maire fut chargé par le Préfet de convoquer le conseil municipal qui se réunit le 30 juin 1852. Le tableau ci-dessous dresse la liste des personnes présentes : membres fidèles ; maire et remplaçants. La colonne de droite en comparaison avec celle de gauche permet de déduire la position politique de chacun. Convoqués Membres du conseil présents Inscrits sur les cloches en 1857 Boutin Dumercq J. Conil Duzan Pardiac, Maire J. Dumercq Garrelis Poujardieu, adjoint Guibert Guibert (absent) Pradel Pardiac Mallet J. Poujardieu Nibaut Antoine Pradel Poujardieu Tellier Villefranque

33 L’abréviation utilisée dans cet ouvrage sera C.M. 34 Nous n’avons pas retrouvé l’acte de délibération.

- 20 - Le Conseil municipal, réuni en session extraordinaire à la demande du Sous-Préfet, entérina la première décision.

- 21 - La démission du curé Coiffard

La démission du curé du Comité de Secours en 1880 participe probablement de ce climat d’opposition latente entre Municipalité et Eglise. Cet incident entre dans le contexte de la surenchère du social évoquées page 40.

Extraits du cahier du Comité de Secours du 26-11-1880.

- 22 - L’affaire du sonneur de cloches

Rappelons tout d’abord qu’une loi de 1884 autorisait la municipalité à réglementer la sonnerie des cloches.

Photos de l’église de Montpouillan (Lot et Garonne), église primitive. En 1889 35 , le sonneur de cloches de Fontet fut révoqué par le curé, ni le maire ni le conseil n’ayant été mis au courant. Une délibération de 1891 en donne les raisons : Sieur Delas, sacristain et sonneur de cloches, salarié de la commune et de la Fabrique, aurait laissé chanter une chanson anticléricale dans son église. Mais le curé lui reprochait surtout d’être républicain. Il faut dire que les prêtres craignaient par-dessus tout l’anticléricalisme dont ils étaient victimes depuis la Révolution 36 . Souvenons-nous : le premier mariage civil en France fut célébré à La Réole 37 par le maire Faucher à la fin de la Révolution. Dans les années 1860, mêmes les bourgeois étaient anti- cléricaux : pour nous en convaincre, relisons Madame Bovary de G. Flaubert,

35 C.M. du 1 janvier 1889, du 13 janvier 1889 et du 26 mars 1891. 36 Histoire religieuse de la France , tome 1, p. 74. 37 Daney, page 59.

- 23 - brossant le portrait du pharmacien Hormais. La situation s’inversa toutefois après 1860, dans les villes d’abord, la bourgeoisie suivant la noblesse, et trouvant des intérêts à s’appuyer sur la religion… mais dans les campagnes l’évolution fut toujours plus lente. Nous connaissons surtout le succès du chansonnier Béranger qui taquinait les Muses par des chansons gaillardes et anticléricales, avant 1840 toutefois. Sieur Delas aurait-il fredonné quelque air trop connu ? A moins qu’il ne s’agisse de La Marseille anticléricale de Léo Taxil, de La Marche anticléricale de Montéhus ou de la Carmagnole anarchiste , très populaires alors. Nous en proposons deux extraits, parmi les moins osés…

Extrait de La Marseille anticléricale Extrait de La Carmagnole anarchiste Allons ! fils de la République, Que désire un républicain (bis) Le jour du vote est arrivé ! Vivre et mourir sans cabotin (bis) Contre nous de la noire clique L’oriflamme ignoble est levée

Le C.M. du 13 janvier 1889 annula le crédit de 100 francs pour le sonneur révoqué et nomma M. François Delas Jeune, sonneur civil, pour la somme de 200 francs. Il rappela que le budget communal de 1889 prévoyait une somme de 100 francs pour M. Laclavetine et que sa décision avait été approuvée par le Préfet, qu’il était donc légal de supprimer les 100 francs, la somme étant inscrite dans les dépenses supplémentaires du budget. Le curé adressa une requête au Préfet pour demander l’annulation de l’arrêté municipal. Mais il fut demandé à M. Laclavetine de sonner les cloches, d’illuminer et de pavoiser l’église le 14 juillet, contre une rétribution de 5 francs. Ce dernier accepta tout en refusant toute rétribution 38 . L’affaire s’arrêta là, mais les rapports restèrent très tendus comme en témoigne l’affaire suivante.

38 C.M. du 26 mars 1891.

- 24 -

Salaire du desservant

En 1889 39 , M. Fauché, curé desservant, fut accusé " d’ingérence dans la gestion des affaires communales et politiques, de discréditer le gouvernement républicain, de jeter le trouble dans les esprits, et de semer la discorde jusqu’au sein des familles ". Il fut sanctionné par la suppression de 1/12 du crédit de 10 francs, attribué comme supplément au desservant, soit 8,33 francs 40 . Deux autres exemples prouvent que les difficultés perdurèrent. Le 22 mai 1892 Mrs Poujourdieu et Dauriac proposèrent un supplément de 200 francs pour le desservant. Le C.M. refusa par 8 voix contre 2. Le Conseil de Fabrique demanda au C.M. du 26 mai 1901 d’allouer 200 francs, d’ailleurs obligatoires, au desservant, au titre de la loi du 5 avril 1884 dite de binage . Le C.M. refusa, sous prétexte que les articles étaient abrogés 41 .

39 C.M. du 15 août 1889. Le choix de cette date de fête religieuse par le conseil municipal, dans ce contexte de guerre pour la laïcité, n’est sans doute pas un hasard. 40 C.M. extraordinaire du 13 novembre 1889. 41 Voir liste des desservants et des sacristains, en annexe 2.

- 25 - La fermeture de l’école privée

Au moment de la déchristianisation qui suivit la Révolution, la France n’avait plus que 12000 religieuses et quelques centaines de frères, la plupart des écoles étant fermées. Mais le Romantisme, qui réhabilita le Moyen âge et l’art médiéval, ressuscita aussi les moines et les frères enseignants. Les écoles congréganistes se développèrent donc assez rapidement. En 1830, les frères des écoles chrétiennes étaient 1420, les petits frères 950. La loi Guizot de 1833 accordant la liberté de l’enseignement primaire et la loi Falloux du 15 mars 1850, favorisèrent le retour des congrégations et la multiplication des écoles, à l’initiative des curés. Monseigneur Donnet leur apporta aussi un appui 42 exceptionnel à partir de 1850, suivant en ce sens l’exemple de son prédécesseur Monseigneur d’Aviau. L’enseignement technique en particulier fut encouragé : nous pouvons donner l’exemple, proche de Fontet, de l’école Beauséjou r à Gironde-sur-Dropt. Le conflit s’est surtout radicalisé à la fin de l’Empire, même si les religieux représentaient encore le cinquième des enseignants en 1877 43 . Nous allons tenter d’en donner les raisons. Jules Ferry, au gouvernement de 1879 à 1887, s’attacha à réformer l’école, dans le contexte général où la République se met en place. L’école publique se voulait le contrepoint de l’école congréganiste : on oppose alors Marianne à Marie, l’instruction civique au catéchisme, la Raison et le Progrès à la tradition sclérosante de l’Eglise, (Marcel Pagnol parle justement des âmes de missionnaires des instituteurs laïques dans La Gloire de mon Père ), la Tour Eiffel rivalise avec les clochers, l’Amicale laïque44 avec le patronage.

42 Voir annexe 2 en 1 ère partie. 43 Histoire Religieuse I, page 39 à 41. 44 Carte postale, Amicale laïque de La Réole.

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Quelques dates importantes En 1880, les crucifix sont enlevés des écoles et des hôpitaux, et l’enseignement des filles laïcisé. Le personnel des écoles publiques le sera à son tour en 1886. Les enseignants congréganistes manquaient de qualification : de simples lettres de recommandation ou d’obédience suffisaient parfois. Ainsi, 5 laïcs sur 6 avaient leur brevet de capacité, mais seulement 1 sur 5 dans le privé 45 , en 1877. La loi du 26 juillet 1881 rendit donc obligatoire le brevet de capacité, pour tous les enseignants.

45 Histoire religieuse de la France , II, page 59.

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Salle de classe de l’école libre. Au milieu du XX e siècle, il existait à Fontet une école publique de garçons et une école congréganiste pour les filles. Notre propos s’intéresse à la fermeture de cette dernière, dans le cadre de la politique nationale et des rapports particuliers de la municipalité de Fontet avec l’Eglise.

- 28 - Plusieurs documents prouvent l’existence du pensionnat des Sœurs de la Doctrine Chrétienne 46 , à Fontet : il s’agit de prix de grammaire et d’instruction religieuse 47 obtenus en 1852, 1865 et 1879 par les demoiselles Pardiac et Sarrazin. Nous savons par ailleurs que Marguerite Capdeville (née Isabelle Mivielle, en 1875) y fut élève, autour de années 1885, donc peu de temps avant la fermeture, de même que Jeanne Catherine Dubourdieu. Le Cahier de dépenses de Madame Cheymol donne quelques indications sur les coûts de la scolarité entre 1883 et 1885, soit 100 francs remis à l’abbé Moulinet d’abord, puis à Madame Gauban Joinville 48 , à partir de 1885.

A Fontet, la laïcisation de l’école privée des filles fut votée par le C.M. le 5 février 1889, par 7 voix pour, 2 contre (Mrs Poujardieu et Rambaud) et 3 abstentions. Monsieur Tronche rappela alors les raisons qu’il invoquait au C.M. du 13 janvier 49 : " le programme officiel n’est pas suivi ; les règlements y sont fréquemment violés ; les observations faites en qualité de Délégué Cantonal ont été sans résultat ".

46 Ne pas confondre cet Ordre avec celui de la Compagnie de Notre Dame, créé en 1605 par Mme Jeanne de Lestonnac qui devint religieuse en 1608. Née en 1656, Jeanne de Lestonnac, nièce de Montaigne, vécut à , son père était conseiller au Parlement de Bordeaux. (Montaigne était parent de la famille De Louppes, seigneur du Castéra à Fontet). 47 Collection privée. 48 Collection personnelle. 49 La délibération fut approuvée par le Préfet le 2 mars suivant.

- 29 - L’école fut fermée le 15 août 1889. Trois mois plus tard, le C.M. s’opposa au projet de création d’une école privée de garçons par la Congrégation 50 de l’Instruction chrétienne. Les raisons 51 invoquées furent sans appel : " Les Congréganistes ont déjà exercé à Fontet, leur enseignement ne donnait pas satisfaction à la population . "

La loi sur les associations du 9 juillet 1901 obligeait, par exception, les congrégations à demander une autorisation avant le 1 er octobre. Les Sœurs de la Doctrine chrétienne formulèrent alors une demande d’autorisation pour leur établissement de Fontet. Mais le C.M. extraordinaire du 29 décembre 1901 refusa avec des arguments très sévères :

50 L’Ordre des Frères de la Doctrine chrétienne fut fondé en 1845. 51 C.M. du 5-11-1889.

- 30 - " La majeure partie de la population a marqué nettement ses préférences en confiant à la maîtresse laïque un nombre d’élèves s’élevant aujourd’hui à trente-cinq, soit les 2/ 3 des enfants, (…) considérant en outre que l’existence des congrégations a toujours été pour la commune de Fontet une source de divisions nombreuses qu’il importerait de voir disparaître, qu’unifier l’enseignement serait faire œuvre d’apaisement en même temps que de sage administration… " Le C.M 52 . décida de supprimer l’enseignement privé à Fontet. Cette décision s’inscrivait encore dans un mouvement général car 3000 écoles furent fermées en France en 1902, et en juin 1903 toutes les demandes d’autorisation des congrégations furent rejetées par la Chambre, à la demande du Ministre Combes 53 . La loi de 1901 sur les associations permit tout de même à des écoles libres de rouvrir, avec du personnel laïc ou sécularisé. De 1905 à 1914, les catholiques réorganisèrent l’enseignement confessionnel et les écoles libres prospérèrent à nouveau. A Fontet, l’école libre rouvrit en 1903, deux ans avant la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Nous présentons page suivante la déclaration d’ouverture avec pensionnat, adressée le 9 septembre 1903 à la municipalité par Madame Anne-Marie Védrenne, de Bordeaux 54 .

52 Par 9 voix pour : Courègelongue, maire, Lecourt, Délas, Rambaud, Despin, Broustet, Sarreau, Tréjaut, Fagouet, 2 contre : Cazeau et Poujardieu. 53 Loi du 1 er ° juillet et du 16 août 1901 ; loi du 7 juillet 1904 interdisait même l’enseignement aux Congréganistes, cf. Histoire religieuse de la France , II, p. 106. 54 Dans l’ancien local loué par M. Louis Champnas, directeur du Girondin à La Réole.

- 31 - Il est à noter que les sœurs étaient très populaires dans les campagnes. Il suffit, pour s’en convaincre, d’écouter les témoignages de nos anciens. Madame Lagassan nous en parle toujours avec émotion, évoquant les trois religieuses présentes, le jardinier, le dortoir du premier étage, la salle de classe située à l’emplacement de l’atelier Chabrat, le préau, les promenades du soir, le retour du château Larquey où elle allait chercher le lait chez sa condisciple, Simone Simonet, l’enseignement des matières de base, l’apprentissage de la couture… L’école ferma définitivement entre 1918 et 1924, date à laquelle Mme Joséphine Canteloup (demeurant 8, rue Chanzy à Bègles) vendit la maison à M. Chabrat, par acte du 29 décembre 1924. La maison faisait autrefois partie du domaine de La Grange, appartenant à la famille de Gombault, puis de Saint-Exupéry. Elle devint ensuite la propriété de M. Joseph Canteloup, en 1882, (demeurant rue Armand Caduc à La Réole), sa fille Joséphine en hérita en 1906. Nous pouvons donc affirmer que, contrairement à ce qu’il est parfois affirmé par la tradition orale, cette maison n’a jamais appartenu, ni à la commune de Fontet, ni à une congrégation religieuse.

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Bénitier de l’école libre Statue de l’Enfant Jésus.

Cf. en annexe 3, le nom des religieuses échappées à l’oubli.

- 34 - Les processions

Dans la France du XIX e siècle, les fêtes à dévotion étaient souvent chômées, ce qui attisait l’hostilité des bourgeois et des entrepreneurs. Le nombre de jours pris sur le travail pouvait aller de 10 à 21. Dans Madame Bovary de G. Flaubert, le père Bovary apprenait son fils Charles à insulter les processions 55 . Ces fêtes faisaient l’objet de nombreuses processions qui ne manquaient pas de créer des conflits. Dans plusieurs villes elles furent interdites en 1830, et même désapprouvés par les prêtres jusqu’en 1840 56 .

Mais dans la France rurale, elles furent très suivies, jusque dans les années 1960. Parmi les plus connues, nous pouvons citer : le Vœu de Louis XIII , les Rogations , l’Ascension, les processions du mois de Marie vers la Madone du Rouergue, et la Fête-Dieu qui fut sans doute la plus importante.

55 Roman publié en 1857. 56 A Tonneins par exemple, les processions furent à nouveau interdites, en 1880 et 1882, sous la mairie Maupas.

- 35 - La procession dite du vœu de la ville qui se déroulait le 15 août remonte à l’an 1591, et existait encore en 1819. Elle commémorait la catastrophe du 2 juin, jour de la Pentecôte, où un orage provoqua la montée des eaux du Pinpin et la mort de plus de 120 personnes. Les Rogations, instituées par Saint- Mamert au V e siècle, se déroulaient en mai, plus exactement quarante jours après Pâques et dans les trois jours précédant l’Ascension. Leurs objectifs étaient de favoriser les récoltes. (Le mot vient du latin rogare , prier.) Elles existaient encore il y a une cinquantaine d’années, le poète Jean Harley permet d’évoquer le souvenir des reposoirs ornés de fleurs qui jalonnaient les processions à Fontet : Mon Dieu, vous avancez par la campagne chaude Pour arriver chez moi dans le calme du soir. J’ai préparé pour vous cet ombreux reposoir Sous le platane cher au mendiant qui rôde (...) Pourtant vous partirez après la courte pause Où vous n’accepterez que l’odeur d’une rose, M’ayant offert votre silence et votre pain. Nous revoyons le dais et les bannières, utilisés lors de ces cérémonies et aujourd’hui disparus. La bannière dont nous gardons encore le souvenir était- elle celle que finança la charitable Madame Cheymol en 1884 ? (En juin, cette dame envoya au trésorier des Eglises, la somme de 62,80 francs 57 pour l’achat de la moire, puis en juillet elle remit 56,80 francs pour 2,80 mètres de moire, au curé de Fontet. La bannière fut fabriquée à Lyon). Dupin décrit longuement les processions sur la Garonne, à La Réole, le jour de l’Ascension. Il affirme que cette fête, encore célébrée dans les années 1960, avait une origine païenne, relative à un culte de fécondité des eaux, tout en suggérant une création, plus récente, par les Bénédictins. (Comme protection du ciel sur les matelots et bénédictions sur la pêche 58 .)

57 Cahier de dépenses de Madame Cheymol, collection personnelle. 58 Dupin, page 179 à 187, 220. Voir également l’article de Jean-Pierre Luc, dans les Cahiers du Réolais.

- 36 -

Bannière 59 . Lanterne de Procession. A l’occasion de la Fête-Dieu (le jeudi après la Sainte-Trinité), le prieur se devait de donner un repas aux jurats. Gauban précise par exemple que ce repas n’a pu être servi, faute d’argent, de 1771 à 1790 (page 295). Les archives de Fontet ne font allusion qu’à cette dernière procession 60 , à propos d’un différend qui opposa la municipalité au curé de la paroisse. En réponse à une lettre du desservant en date du 14 juin 1895, le C.M. de Fontet refusa de modifier l’itinéraire de la procession de la Fête-Dieu, précisant que cette décision était de nature à troubler le bon ordre et la tranquillité publique . Le C.M. imposa l’itinéraire habituel (chemins de grande communication - N 113 – N 111 , et chemin d’intérêt communal , c’est-à-dire le faubourg et l’écluse). Il fut ordonné de ne pas couper la procession et précisé que l’autorité municipale assurerait le bon ordre et la tranquillité publique . Malgré l’ingérence évidente de la municipalité dans un évènement religieux, il est à noter toutefois, la volonté d’encadrer la procession et d’en assurer la sécurité.

59 http://marzina.free.fr/dept29/z/fg290980.html 60 Les processions étaient très réglementées par les lois du 5 avril 1884, art. 97, l’arrêt de cassation du 26 mai 1882, et l’ordonnance du Conseil d’Etat du 1 er Mars 1842.

- 37 - Les relations avec la Fabrique

Le Conseil de Fabrique gérait les intérêts de la paroisse. (Nous présentons en annexe 5 un petit historique de la Fabrique au XIX e siècle.) Les comptes de la Fabrique étaient souvent entachés de suspicion, et vérifiés par le Conseil municipal, en application de la loi sur la comptabilité des Fabriques de 1892. Pour Fontet, nous n’avons trouvé que quelques mentions de ces contrôles, du 28 mai 1893 au 11 juin 1899. Ils furent tous approuvés, à l’exception de celui du 10 mai 1894, faute de présentation de documents.

Extrait d’un compte-rendu du CM de Fontet Nous ne savons rien sur la Fabrique de Fontet, faute d’archives municipales. Mais elle organisa certainement la restauration de l’église et son ornementation au XIX e siècle, l’achat des vitraux et du mobilier. Un des rares documents conservé concerne la vente d’un terrain par la municipalité, à la Fabrique de Hure, le 11 janvier 1891. La commune de Hure possède encore des

- 38 - propriétés à Fontet, provenant de la Fabrique, transformée en 1913 en Bureau de Bienfaisance 61 .

La guerre entre Municipalité et Eglise ne fut pas totalement terminée au début du XX e siècle, la municipalité refusant en 1934 de construire le garage du presbytère et souhaitant en augmenter le loyer. Ce dernier fut malgré tout maintenu à 100 Francs et le garage construit à l’emplacement du chai. Dans les deux cas, la décision fut prise à l’unanimité, moins une voix 62 . Dans ces mêmes années, le curé n’hésita pas à renvoyer du catéchisme un enfant, ainsi victime des oppositions politiques avec la famille. Des relents de la guerre intestine Eglise/Municipalité perturbaient toujours les consciences en 1959, si l’on en croit la Profession de Foi de la Liste d’Union ouvrière et Paysanne de Fontet 63 , aux moments des élections municipales.

61 Plan de bornage du canal de 1911, Archives VNF d’Agen. 62 Cf. C.M. du 18-02-1934, 3-06-1934, 17-06-1934 et 12-11-1934. 63 Annexe 4.

- 39 - La surenchère du social

a) Charité privée Le XVIII e siècle fut un peu le siècle d’or de la charité privée : bienfaisance individuelle ou religieuse. Cette charité se manifestait dans des institutions comme les hôpitaux, les dépôts de mendicité ou par l’assistance à domicile. La fondation des hôpitaux remonte au Moyen-Age. Ceux de Bordeaux (avec 400 lits) sont bien connus, mais La Réole en possédait également un 64 .

Avant 1186, la ville entretenait une maison de refuge appelé Sainte- Madeleine, pour les malades indigents, agrandie au XIV e siècle. En 1603, les Jurats prirent la direction de cet hôpital Saint-Jean qui devint l’hôpital actuel en 1708 65 .

64 Rappelons aussi l’existence encore récente d’un ouvroir, à La Réole. 65 Gauban, 77, 246, 381, 382 et 396. En 1270, les Bénédictins avaient aussi un hôpital à Saint-Hilaire de la Noaille.

- 40 - Ces hôpitaux tenaient leurs bénéfices de produits de terrains, de droits de rente, de droits féodaux, comme l’octroi… du privilège de boucherie, de droits de change, de la location de tentures pour les honneurs funèbres 66 . Voici quelques indications concernant l’hôpital de La Réole : Le 14 novembre 1600 et le 12 novembre 1601, les jurats aliénèrent le droit perçu sur le transport du sel (prévu pour l’entretien de murailles), en faveur de l’hôpital. Les jurats étaient en effet très actifs pour l’hôpital qu’ils déplacèrent plusieurs fois, à cause de son extension. Ils votaient chaque année une subvention car les donations restaient insuffisantes. En 1692, les soins étaient prodigués par les grisettes , (sœurs grises) qui étaient au nombre de trois en 1702. Les seuls revenus en 1724 venaient toujours des bienfaits des habitants et du péage sur le sel, auxquels s’ajoutaient l’industrie des sœurs et les produits de l’apothicairerie, soit 3.000 livres à la Révolution. Voici, par exemple, les revenus 67 de l’hôpital de La Réole en 1790 :

Montant en livres

Péage sur le sel 12 à 1500

Droits sur la boucherie 100 à 150

Rentes sur le clergé de France 240

Rentes sur le clergé de Bazas 50

Rentes sur le chapitre de La Réole 115

Rentes sur le prieuré de La Réole 200

Rentes sur le Trésor Royal 24

Rentes sur les particuliers 285

66 D’après l’article de Alan Forrest, La Révolution et les hôpitaux dans le département de la Gironde, Annales du Midi , 1974. 67 D’après les Cahiers du Bazadais , n° 111, 1995.

- 41 - Cependant la Révolution les priva de la plupart de leurs ressources pourtant nécessaires, vu le nombre important de malades et de blessés. En ventôse de l’an III, l’hôpital de La Réole accueillait alors sept militaires et prisonniers de guerre, blessés, onze civils, dont cinq hommes. De façon générale, les militaires y étaient prioritaires 68 . Ces hôpitaux disparurent après 1789, sauf à La Réole et à Langon. En 1839, l’administration de l’hôpital percevait des rentes sur l’Etat et sur les particuliers, des fermes de biens ruraux et de fonds alloués sur l’octroi, soit 4.500 francs 69 . Le peu de lits dans les hôpitaux encouragea l’assistance à domicile, et donc la charité et l’aumône. Les fonds d’assistance étaient alimentés par le produit des troncs et des quêtes. Les Fabriques faisaient circuler un bassin pour les pauvres, les dimanches et les jours de fête, les membres des bureaux de charité quêtaient le Jeudi-Saint et le jour de leur saint patron. A cela s’ajoutaient les aumônes casuelles du nouvel an. L’aumône étant considérée comme un devoir, au nom de la piété et de la foi, les notables s’investissaient alors dans ces actes de générosité. L’aumône était une institution très ancienne, remontant au Moyen-Age. Elles formaient l’unique ressource des Cordeliers (ordre mendiant), ordre monastique fondé à La Réole en 1225. Le phénomène prit une telle ampleur qu’en 1497, il fallut délimiter les territoires de quêtes des couvents de La Réole et de St-Macaire. Au XVII e et XVIIIe siècles, des quêtes furent même organisées pour le rachat des captifs des Turcs, en vertu des arrêts du Conseil du Roi du 6 août 1638, du 5 août 1644 et des Lettres patentes de juin 1650. Les pères de l’Ordre de Notre-Dame de la Merci, à Bordeaux, furent chargés de cette mission de charité 70 . Les mendiants furent toujours très nombreux. Nous rapportons à ce propos quelques faits évoqués par Gauban. Les mendiants furent expulsés en 1324,

68 Archives municipales de La Réole, 8 L 70 ; Archives départementales de la Gironde, District de La Réole, mémoire de Ventôse an III. 69 Gauban, 77 et 168 ; Dupin, 225 à 227. 70 Cahiers du Réolais n°86.

- 42 - parce que trop nombreux et très dangereux. Sur Ordonnances de Charles, Comte de Valois, il en fut de même en 1772 pour les pauvres et les indigents étrangers. Mais il convient de noter qu’en même temps les jurats ouvraient des crédits pour acheter du grain qu’ils distribuaient aux indigents . En 1566 il existait deux couvents de mendiants, nourris par la ville de La Réole , qui entretient aussi les 120 habitants de l’hôpital . Les cahiers de doléances des paroisses demandaient en 1789 l’ établissement de cinq lieues en cinq lieues de maisons de charité pour les mendiants , ce qui prouve la permanence de ce problème social. Le 16 février même, 112 mendiants avaient envahi la salle du conseil municipal de La Réole, pour réclamer du pain 71 . Le cahier de comptes de Madame Cheymol apporte quelques indications qu’il nous paraît utile de rapporter ici. En 1887 et 1888, nous avons noté le versement d’une pension mensuelle de 25 puis de 30 francs, à son oncle, M. Pommade aîné, de Saint-Macaire. (Parfois l’envoi d’un colis de 5 kg de vêtements). En août 1888 la pension fut revalorisée de 10 francs mensuels, pendant 4 mois, peut-être pour cause de maladie. Le même mois, apparaît le versement d’une autre pension à M. Albert Cailheton pour le semestre de la rente de Marie , d’un montant de 625 francs.

Les dons s’adressaient aussi à des personnes étrangères à la famille. Ainsi en 1887, Madame Cheymol offrit 10 francs à Jeanne Viaud, femme de Guillaume , 10 francs à la femme d’Utteau , et 10 bons de pain à Mme Magis.

71 Gauban, 214, 246 et 280.

- 43 - Dans le même cahier, nous trouvons mentionnés quelques exemples d’aumônes et de quêtes : Aumône en 1883. 2,00 francs Quête des Rameaux 1883. 2,00 francs 4 janvier 1884 : dépenses pour (tabac, huîtres) et quêtes. 6,45 francs Aumône du Jubilé de 1887. 2,00 francs Le 28 août 1887, il est noté une dépense pour les chaises et les quêtes. 60,00 francs

b ) Les aides publiques Les premières mesures sociales des municipalités appartiennent à ce registre. Ainsi, on note l’achat en 1832, à Fontet, de 242 livres de farine destinées aux pauvres, pour un montant de 42,35 francs, à raison de 17,50 francs le quintal 72 . Une liste dressée par le C.M de Fontet le 22 octobre 1830 recense les donateurs de la commune avec, en vis-à-vis un état des achats de farine faits pour les pauvres par la municipalité en 1832 : 242 livres à 17,50 francs le quintal, soit 42,35 francs. Puis deux quintaux de farine à 35 francs l’ensemble, plus 9 francs au boulanger pour faire le pain. Soit un total de 121,45 francs. Vers la fin du XVIII e siècle, les municipalités s’organisèrent pour venir en aide aux nécessiteux, créèrent des ateliers, des sociétés de secours mutuels, et des bureaux de bienfaisance 73 . Le but des ateliers était de lutter contre la mendicité grâce à l’assistance par le travail (c’est nous qui soulignons). Le Comité de mendicité reprit la vieille expression de mauvais pauvres et de bons pauvres et déclara que la pauvreté s’éteint par la propriété et se soulage par le travail . La création de ces ateliers était encouragée dans les dépôts de mendicité , afin de fournir un profit capable de couvrir les frais d’entretien, et de former les hommes au travail.

72 Cahier des Arrêtés, lisibles en annexe 6. 73 Cf. Cahiers du Bazadais , N° 10, année 1995, De la Charité à l’Assistance publique : l’évolution des secours aux pauvres de Bazas, de Langon et La Réole pendant la période révolutionnaire et impériale . Il y avait environ 200 indigents à La Réole en 1803 et 300 en 1812.

- 44 - A La Réole, des ateliers furent mis en place pour financer la route jusqu’à Sauveterre, celle de Bordeaux à Toulouse et de Bazas à La Réole, puis de Saint-Macaire à Sainte-Foy. Les deux tiers des travaux devaient être financés par le gouvernement, mais les fonds n’arrivèrent pas toujours ! Il fut donc nécessaire de prendre l’argent sur les deniers publics et de faire appel aux communes voisines, (dont Fontet probablement) pour ouvrir un second atelier sur le port (utile à l’entretien des routes, à l’aménagement des berges et à la restauration de bâtiments…). Le 23 avril 1792, la municipalité emprunta 3.000 livres pour les pauvres, et ouvrit des ateliers de charité. En 1793, elle contracta à nouveau un emprunt de 9.000 livres, et, quelques jours plus tard, un autre de 8.000 livres, affecté à l’atelier de charité. Des jetons de paiement furent imprimés pour remplacer la monnaie devenue fort rare. On en émit 400 de quatre sous, 400 de six sous, 100 de douze sous et 100 de seize sous pour solder les journées de l’atelier. Le crédit de 6.000 livres, reconnu insuffisant, fut élevé à 17.000 livres en février et à 20.000 livres en mars 74 . La ville entretenait alors un atelier de 200 pauvres, et Faucher continua cette œuvre généreuse. Les ateliers fermèrent ensuite, faute de moyens. Mais le retour de la période impériale permit la réouverture d’un atelier à La Réole, grâce au retour de l’octroi. Il fut même envisagé de distribuer des lots de terres prises sur les biens nationaux (1 er décret du 8 ventôse an II, décret du 13 septembre 1793). Mais ce projet échoua, car on oublia de distribuer les biens nationaux… A La Réole, au début du XIX e siècle, la misère était à son comble et les ouvriers manquaient d’ouvrage, il s’avéra donc indispensable de rouvrir un atelier de charité , pour venir au secours d’une population aigrie par l’augmentation du prix du grain 75 .

74 Gauban, 308, 317, 318. 75 Archives municipales de La Réole, année 1847.

- 45 - Les Sociétés de Secours mutuels apparaissent à cette époque 76 . Semi clandestines au début du siècle, elles s’épanouirent librement grâce au décret impérial de 1852. Ces associations qui adoptent le principe d’entraide , accordaient les soins d’un médecin, la fourniture de médicaments, les frais funéraires et même une pension de retraite, aux membres payant un droit d’entrée de trois à vingt francs et une cotisation mensuelle de un franc. Ce type de structure, existant sous l’ancien régime dans des confréries paroissiales, tolérées sous le 1 er Empire, fut légalisé par la loi de juillet 1848, et par celle du 15 juillet 1850. Ces sociétés s’ouvraient surtout aux commerçants et artisans. Fontet participait aussi à une société de La Réole 77 . (A Hure, il existait aussi la Société Saint-Martin , fondée en 1855.)

Les Sociétés de Secours Mutuel prirent un réel essor après 1898 et perdurèrent assez longtemps, comme le prouve le document ci-dessus de la Société des Secours Mutuels de Bordeaux, créée en 1926.

76 Sociétés de secours mutuels dans l’arrondissement de La Réole de 1850 à 1914 . Cahiers du Bazadais, n° 80, 1988, article de Isabelle Thibault et Salin. 77 La ville de La Réole en possédait plusieurs : la Société Sainte Marie , fondée en 1838 et approuvée en 1903, Les Secours mutuels , fondés en 1843, et approuvés en 1900, la Société Sainte Anne , fondée en 1898 et la Société scolaire , fondée en 1900.

- 46 - Une circulaire du Préfet du 19 novembre 1879 institua les Comités de Secours, dans les communes n’ayant pas de Bureau de bienfaisance , ou parfois une Caisse des Pauvres. Le Comité de Secours de Fontet exista jusqu’au 28 août 1888, date où il fut remplacé par un Bureau d’Assistance (les membres du Comité de Secours se trouvent en annexe 14) . Ce Comité aidait les pauvres de différentes manières. Il distribuait des bons de viande, de pain et de vin, du quinquina pour soigner les malades… (Voir annexe 12). Ces derniers pouvaient être pris en charge par le Comité qui payait les frais de médecin et de pharmacie, assurait parfois le transport des malades vers les hôpitaux de Bordeaux ou payait des journées de travail (pour la culture de la terre ou la garde de malades)…

Extrait du Comité de Secours du 10-12-1887

- 47 - Il faisait parfois des dons en espèces (pour frais de nourriture), ou en nature (par exemple des instruments agricoles et des objets mobiliers). Les habitants participaient volontiers à cet élan de générosité : des dames visiteuses se déplaçaient chez les malades, des citoyens étaient même honorés pour leur belle conduite .

Extrait du Comité de Secours du 10-01-1888.

Les recettes étaient assurées par les concessions du cimetière 78 , des dons personnels (31-4-1881), des subventions du Conseil municipal, du Préfet (14- 2-1885), des souscriptions organisées sous le patronage du Comité de Secours et plus rarement, par une subvention du Ministère de l’Intérieur, comme ce fut le cas en 1881 pendant l’épidémie de typhoïde.

78 En 1883, 1/3 du montant des concessions du cimetière fut alloué à la Caisse des Pauvres.

- 48 - Le Bureau d’Assistance Par lettre du 19 juillet 1888, le Sous-Préfet affirme le caractère illégal de ces Comités, le Maire le dissout donc.

Extrait du Comité de Secours du 28-08-1888.

Un Bureau d’Assistance fut donc créé par l’Arrêté du 28 août 1888 (voir annexe 13). Il répartissait les aides dans plusieurs secteurs : l’assistance médicale gratuite, l’aide aux indigents, aux vieillards et aliénés, aux femmes en couche, et enfin aux orphelins. Son rôle fut particulièrement important pendant la guerre (voir page 89).

- 49 - Assistance médicale gratuite Un tableau en annexe 7 permet de noter le nombre de bénéficiaires de ce service. La loi du 14 juillet 1905 (article 1) assurait une allocation à tout français privé de ressources, incapable de subvenir par son travail aux nécessités de l’existence, et soit, âgé de plus de 70 ans, soit atteint d’une infirmité ou d’une maladie incurable. A partir de 1924, la distinction fut établie entre assistance médicale, frais pharmaceutiques et frais médicaux. A noter que certains émigrés purent bénéficier 79 de ces droits, en vertu d’un traité de réciprocité passé avec l’Italie . Remarquons que, devant un certain nombre d’abus, le C.M. du 29 mai 1892 mit en place une réglementation de ce service médical : certaines demandes furent ainsi rejetées.

Aide aux indigents Un autre tableau (annexe 7) donne le nombre des indigents répertoriés. (Nous taisons les noms des bénéficiaires, pour ne choquer la pudeur de quiconque et parce que la loi l’interdit). En 1913 par exemple, le taux officiel de l’aide apportée aux indigents était de 60 à 90 francs par enfant assisté. Le C.M. de Fontet fixa le montant à 60 francs, par enfant et par an. Les indigents purent aussi bénéficier des fournitures scolaires, dont le montant peut être évalué, par exemple, à 210 francs en 1932 et à 235 francs en 1933 80 . Toujours pour les indigents, le C.M. du 11 janvier 1931 accepta de participer aux frais dans le cadre de la vaccination antidiphtérique.

Aide aux vieillards et aliénés Cette aide était accordée aux personnes justifiant de 5 ans de résidence dans la commune. En 1900, le C.M. fixa à 200 francs le taux minimum de l’existence dans la commune de Fontet, en cas de dénuement total. Cette somme fut arrêtée, selon le taux de 5 francs, à partir des considérations suivantes : alimentation : 150 francs, vêtements : 30 francs, chauffage : 21

79 C.M. du 19-7-1936. 80 C.M. du 17-1-1932 et du 8-01-1933.

- 50 - francs. L’allocation fut portée à 15 francs en 1908 car l’Etat n’avait pas versé le complément. En 1941 le taux passa de 60 à 150 francs. Certains vieillards étaient envoyés à l’hospice de Bordeaux, aux frais de la commune, ainsi que plusieurs aliénées 81 .

Aide aux orphelins Nous vous proposons quelques exemples d’aide apportée par le C.M. de Fontet, aux enfants orphelins. En 1894, le C.M. accorda 20 francs à l’Œuvre des Enfants abandonnés et Délaissés de la Gironde , puis 10 francs de 1897 à 1903 82 .

Le C.M. accorda également son aide 83 aux E nfants trouvés , et à l’Union des Femmes et des Enfants abandonnés de la Gironde .

81 1883 : 1 personne, 1892 : 1 personne qui coûta 11,68 francs pour un trimestre, 1892 : 1 personne, 15 vieillards assistés en 1911. C.M. 27-08-1883, du 27-03-1892. 82 C.M. du 14-01-1894, du 07-02-1897, du 20-02-1898, du11-06-1899, 12-08-1900, 26-05-1901,07-06- 1901, 31-05-1903. 83 Donnons un exemple : en 1984, le C.M. décida de prendre à sa charge la somme de 0,25 francs par enfant. C.M. du 11-02-1894.

- 51 - Coût et budget du social Ce service avait un coût, la Caisse des Pauvres devait donc être alimentée de plusieurs manières : par le budget, par une taxe sur les courses, grâce à une imposition supplémentaire, ou même aux concessions du cimetière…

Imposition

Crédit imputé Imposition supplémentaire 1900 40 francs 0,66 1901 40,29 francs 1902 40 0,63 1904 40 0,69 1905 Budget porté à 138 1906 40,85 1910 Assistance médicale : 34,35 Santé publique : 18,55 Le C.M. du 23 août 1896 reconnut un droit de la Caisse des Pauvres sur le terrain de courses de La Palue 84 , selon la loi du 8 Thermidor an V. Il le fixait au quart de la recette brute sur le prix d’entrée.

(Document retrouvé par Mme Lamarque de Fontet) Ainsi, grâce à ces financements, le fond pour les pauvres était suffisant. Le montant de 683,65 francs en 1903 permit l’achat de 3% de rente, soit 500 francs, dont le produit fut affecté aux pauvres 85 . Toutefois, des fonds

84 Nous reparlerons plus longuement de cet hippodrome dans un prochain ouvrage. 85 C.M. du 31-05-1903.

- 52 - supplémentaires de 20 francs furent votés 86 en 1905 et en 1906. Nous n’en connaissons pas la raison.

Aides plus récentes Plus récemment, d’autres aides furent également mises en place : primes de natalité et d’allaitement, prime de la Caisse d’Epargne pour les nouveaux- nés, services d’hygiène scolaire, lutte contre la tuberculose… Une loi de 1913 accorda une aide de 0,50 francs aux femmes en couches, plus une prime d’allaitement de 0,50 aux mères privées de ressources. (Cf. Annexe 7) En 1926, les primes de natalité furent étendues aux mères, pour le troisième enfant. Dix ans plus tard, la subvention fut supprimée pour celles qui étaient inscrites au rôle de l’impôt général sur le revenu. Mais, en 1947, le C.M. de Fontet décida, en accord avec le C.G., et contre la décision de l’Etat du 30 octobre 1935, d’accorder la prime à la natalité, sans exception, à tous les pères de familles nombreuses, pour encourager la natalité 87 .

Caisse d’épargne Les notables furent souvent à l’origine de ces mesures qu’ils considéraient comme une œuvre philanthropique. A La Réole, par exemple, nous devons cette réalisation à M. de Seguin et à quatre autres propriétaires du canton. Les nouveaux-nés furent dotés d’un livret d’épargne, avec un franc 88 . Le C.M. de Fontet vota des subventions, par exemple 0,50 francs en 1922.

Service d’hygiène scolaire La municipalité sembla assez préoccupée par ce problème, si nous en croyons le C.M. du 24 mai 1947 qui vota un crédit de 25 francs par élève, soit 1550 francs pour 62 élèves. La mairie prit même en charge les frais de déplacement du médecin scolaire.

86 C.M. du 25-06-1905 et du 17-06-1906. 87 C.M. du 20-09-1913, le C.M. du 9-11-1913 vote 40 francs , C.M. du 19-12-1926, du 4-07-1936, du 09- 01-1947. 88 C.M. du 04-06-1911, 15-02-1913, 16-02-1922.

- 53 - Lutte contre la tuberculose Les différentes municipalités participèrent dès 1918 à la lutte contre ce fléau, grâce à des subventions 89 versées à l'œuvre du sanatorium girondin (oeuvre qualifiée de philanthropique et humanitaire ) ou à l’achat des timbres anti-tuberculeux. Nous terminerons cette longue partie consacrée aux enthousiasmes sociaux de nos municipalités en évoquant les aides apportées aux soldats ou à leurs familles. Des tableaux présentés en annexe 8 feront état des nombreuses dispenses accordées aux militaires, pour raison de soutien de famille ou de travaux des champs et des demandes d’allocation, versées aux nécessiteux.

c ) : L’Eglise ne voulut point céder le terrain sur le plan du social Le XIX e siècle vit le passage de la charité individuelle (visites des pauvres à domicile, catéchisme par les laïques…) à une charité organisée, voire politiqu e. Entre 1840 et 1880, l’Eglise prit en compte les aspirations du peuple dont le clergé se rapproche. Les œuvres se développèrent, comme celles que nous découvrons dans le cahier de comptes de Mme Cheymol : La Propagation de la Foi (2,60 francs en 1883 et 1884) et l’ Œuvre 90 du Sacré-Cœur (60 francs en 1884). Les notables intervenaient dans de nombreuses conférences à caractère social. Pour exemples, citons les patronages accueillant enfants et adolescents dès 1881, les bibliothèques populaires, les sociétés sportives et les oeuvres de jeunesse. Nous assistons à une lente montée des œuvres chrétiennes, après 1840, locales ou nationales, comme la Société de Saint-Vincent de Paul, qui passait pour un modèle 91 .

89 Vote d’une subvention de 20 francs, pour la création d’un centre anti-tuberculeux, par le C.M. du 22-12- 1918 ; achats de timbres en 1928 et 1929 pour un montant de 20 francs, puis de 30 francs de 1930 à 1936 : 30 francs. En 1938, le C.M. préféra acheter une carte 30 francs au Comité réolais de lutte contre la tuberculose. C.M. du 22-12-1918, 15-02-1928, 16-01-1938. 90 Collection particulière. 91 Les Conférences de Saint Vincent de Paul furent fondées en 1833 par Frédéric Ozanam.

- 54 -

Portrait de Saint-Vincent de Paul, trumeau, autrefois au presbytère de Fontet. Le catholicisme social , dont le cardinal Donnet fut un grand adepte, trouva son apogée sous Léon XIII. Ce dernier écrivait à l’évêque de Coutances en 1893 : " Conseillez à vos prêtres… de s’occuper des ouvriers. Que le prêtre se souvienne que l’Evangile doit être annoncé aux pauvres. " Ainsi, des cercles catholiques d’ouvriers apparurent dès 1871, sur le modèle des Frères de Saint- Vincent de Paul. A Bordeaux, l’Abbé Naudet lança La Justice sociale en 1893. Le syndicalisme chrétien naquit à partir de 1885, à l’initiative de Léon XIII, avec les Frères des écoles chrétiennes. Il s’agissait alors de concurrencer les socialistes, sur leur terrain 92 . Monseigneur 93 Guibert, évêque de Bordeaux publia La Démocratie et son avenir social et religieux . Il fit appel à l’abbé Garnier, visiteur de l’œuvre des cercles catholiques d’ouvriers , en 1889. Mrg Lecot lui succéda en 1890 et conseilla aux catholiques de se lancer dans une grande croisade populaire. Il créa des maisons de jeunes, des coopératives, des œuvres d’aide aux malades 94 .

92 Histoire Religieuse de la France , II, pages 74, 81, 82. 93 L’abréviation utilisée pour ce mot sera Mgr. 94 Daney, page 112, 147.

- 55 - Les soldats victimes des guerres intestines

Nous trouvons enfin un autre témoignage de cette opposition et de cette rivalité perpétuelle avec l’anecdote de la plaque commémorative de la guerre 1914-1918.

Le 17 août 1919, le C.M décida l’achat d’une plaque commémorative en marbre qui devait être apposée à la Mairie. (Le vote eut lieu le 21 décembre pour un montant de 1000 francs). Le 22 février 1920 une pétition de paroissiens demanda la pose de plaque à l’église. Le C.M. répondit que la plaque serait apposée provisoirement au cimetière. (La commande de cette plaque fut annulée après la décision d’ériger un monument aux morts par le C.M. du 4 novembre. Monsieur Toussaint, sculpteur de Bordeaux demanda une indemnité de 200 francs, le C.M. vota 100 francs le 2 décembre 1920.) Mais une plaque commémorative fut bien installée dans l’église ! N’ayant trouvé aucune mention dans les délibérations, nous pensons qu’elle a été commandée et payée par la Fabrique .

- 56 - La municipalité de Fontet et les guerres

Nous inscrivons ce chapitre dans le thème du Sacré . Le document ci- dessus a, certes, été imprimé à Toulouse, mais il est significatif de la volonté d’après-guerre de perpétuer le souvenir et d’entretenir la flamme sacrée . Sublime monument, deux fois impérissable Fait de gloire et d’airain. Ces mots de Victor Hugo 95 résument magnifiquement la volonté des hommes qui rendent hommage aux soldats ayant défendu le sol et la patrie. Nous traiterons successivement du devoir de mémoire de nos municipalités, de leur relation aux soldats souffrant au front, et de leur rôle à l’arrière.

Le Devoir de mémoire

La mémoire des soldats est entretenue par l’Association des Anciens Combattants 96 , créée en 1925 par M. Pierre Laborde, soldat de 2° classe du régiment d’infanterie territoriale, cité lors du combat du Chemin des Dames. Le journal L’Union du 3 juin 1917 lui rendit un vibrant hommage.

95 Les Chants du Crépuscule , p. 398. 96 La première subvention, d’un montant de 75 francs, fut attribuée le 8 novembre 1925. Nous regrettons que les responsables de l’ancien bureau de cette association n’aient pu nous fournir de documents qui eussent enrichi notre travail.

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Le Monument aux morts

Dans un élan d’enthousiasme et de reconnaissance commun à tout le pays, le C.M. du 22 février 1920 proposa d’ouvrir une souscription et chargea M. Pauly d’une collecte. Le projet du sculpteur Boé de Marmande fut accepté par le C.M., pour un montant de 10494 francs 97 .

Montage financier, en francs

Budget 1920 Budget primitif Subvention Souscription Emprunt 1921 espérée 2800 1000 494 4222 1584 La réception du monument eut lieu le 18 octobre 1921, mais nous n’avons trouvé aucune mention de cette inauguration officielle.

97 CM du 16-05-1920, 22-09-1920. Le montage financier fut approuvé le 4 novembre 1920, mais le 13 novembre 1921 il manquait encore 494 francs qui furent prélevés sur les fonds libres. Cf. C.M. du 2 décembre 1920. La plaque honorant les morts de la guerre 1939 coûta 1330 francs, C.M. du 26-04-1947.

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L’inscription au tableau d’honneur a une fonction mémorisante. Elle ne doit contenir aucune référence locale ou personnelle, ni d’allusion aux grades des soldats : la mémoire veut donner un sens égalitaire à ses héros et affirmer l’appartenance à un corps national unique. Le monument porte 25 noms de soldats morts ou disparus (pour 621 habitants), sur trois faces, par ordre chronologique. Pour chaque soldat on nota : nom, prénom, année, mois et quantième. L’inscription des batailles a été annulée.

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- 60 - Nous avons noté de curieuses différences entre les inscriptions portées sur le monument et sur la plaque commémorative de l’église. Il s’agit d’erreurs de prénoms (confusions entre les prénoms usuels et ceux de l’état-civil) et d’un décalage de dates de deux mois en moins sur le monument. Cette originalité s’explique car on comptait alors les mois à partir de la Toussaint, date correspondant au changement de ferme des métayers. Mais plus étrange : des noms furent oubliés . A l’église : Bireleau et Dupouy ; Jossome sur le monument. La liste des disparus est également hésitante : trois à l’église et cinq sur le monument. Dubourdieu, Lacampagne et Noël étant classés disparus sur le monument et Artiguenave à l’église. Nous ne pouvons analyser objectivement ce décalage, ne connaissant pas la date de réalisation de la plaque de l’église. Le monument aux morts de Fontet est bien entretenu, grâce à la Municipalité et à l’Association des Anciens Combattants qui prit l’initiative de le faire repeindre en 2001. (Le fait est assez rare pour être signalé) Le C.M. accorda alors une subvention, sous réserve de respecter l’environnement classé, et avec le suivi de la mairie 98 .

Mais les monuments ne sont que des cénotaphes. Aucun corps n’y repose 99 . Fontet a toutefois pu rapatrier deux dépouilles après la guerre de 1914 : celles de Jean Bireleau (ou Armel) et de Jean Noël (ou Bernard). La municipalité offrit 100 deux concessions pour les inhumer, n° 66 et 67.

98 C.M. du 23-02-2001. Correspondance des Anciens Combattants du 22 décembre 2000. 99 Il existe toutefois une exception : le monument aux morts de la Chartreuse à Bordeaux, érigé en 1871. Il s’agit d’un vrai tombeau où reposent 809 soldats et marins. 100 En 1919 une pétition fut signée pour le rapatriement des corps, par le journal L’Art funéraire .

- 61 - Les deux soldats reposent dans le même espace. Une mention précisait qu’aucune personne de la famille ne pourrait y être inhumée. (En effet, si le corps rapatrié coexistait avec des membres de sa famille, il redeviendrait ainsi un civil.)

Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie Ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie. Victor Hugo, 101

101 Le Champs du Crépuscule, page 404.

- 62 - Subventions débloquées par la Mairie

Grâce à diverses subventions, la commune participa à l’érection d’autres monuments. Voici quelques exemples : un monument à Bordeaux en 1894 102 , le monument Aux Enfants de la Gironde morts pour la Patrie , à Bordeaux 103 en 1909, le monument pour l’Armée noire érigé en 1924, en hommage aux Africains qui défendirent Reims en 1918. (Il s’agissait d’une réplique de celui de Bamako, sculpté par Moreaux-Vauthier, qui fut détruit par les Allemands en 1940 104 ), le monument de la Victoire à Verdun en 1923 105 et un monument à La Réole, pour honorer les Anciens d’Algérie , selon le vœu de la FNACA 106 .

Monument de la Victoire, Verdun. Monument pour l’Armée noire.

102 Nous ignorons lequel. C.M. du 19 août 1894. Subvention de 25 francs, prise sur le crédit des fêtes. 103 C.M. du 3 juin 1909, subvention de 10 francs. 104 C.M. du 25 février 1923, subvention de 5 francs. 105 Somme non notée par le C.M. du 15 novembre 1923. Sait-on qu’il existe aussi un cimetière des Sénégalais à La Teste, construit à l’emplacement du camp de Courneau. Cf. Sud Ouest du 11-11-2003. 106 C.M. du 6 février 2003, subvention de 100 euros.

- 63 - Passants Ils sont tombés Fraternellement unis Pour que tu restes Français L.S. Senghor. Des refus de subvention ont été notés. Ainsi en 1910 des lettres de La Gironde et de La Petite Gironde demandaient une subvention pour offrir un aéroplane militaire au 18 e Corps d’Armée. Il s’agissait d’un avion de reconnaissance puisqu’à cette époque des débuts de l’aviation, il n’y avait pas encore d’avion de combat. Cette requête laisse penser que la guerre était dans tous les esprits… en haut lieu ! Un autre 107 concerne l’érection du monument aux morts de la gendarmerie à Paris.

Les témoignages du souvenir pouvaient prendre d’autres formes. En effet, dans le mode d’élaboration des productions à caractère symbolique, les municipalités ne manquent pas d’imagination. Par mesure d’économie peut-être, le C.M. du 8 août 1915 décida de ne pas acquérir le Livre d’Or destiné à perpétuer le souvenir des victimes de la guerre, et vendu par un éditeur de Bordeaux. D’autres choix paraissent en effet plus judicieux pour commémorer le Souvenir :

107 C.M. du 13-11-1910 et du 30 juin 1935.

- 64 - En 1919, le C.M 108 . de Fontet rendit hommage au Général Pershing et au peuple américain, c onsidérant que l’appui décisif de la grande République des Etats-Unis d’Amérique nous avait permis de finir victorieusement la guerre odieuse…

Borne de Bezonvaux (Meuse). En 1932, le C.M. 109 vota une subvention 25 francs pour l’édification de bornes sur l’emplacement de villages détruits pendant la guerre, susceptibles de ne pas être reconstruits. De nombreuses subventions furent également votées pour commémorer des fêtes 110 . La municipalité acquit aussi des fanions et des drapeaux. Ces emblèmes témoignent d’une production symbolique nécessaire à l’élaboration d’un discours de connaissance et de reconnaissance d’une nation. Signalons enfin, à titre anecdotique, la subvention de 150 francs accordée à l’Union des Combattants et votée le 19 janvier 1930, pour l’achat d’un fanion. Le C.M. du 8 février 1983, suite à une demande d’aide de l’Association des Anciens combattants, offrit 1700 francs de subvention pour l’achat d’un drapeau. (L’ancien avait été réparé le 10 juin 1935, car il était hors d’usage.)

108 C.M. du 2-7-1919. 109 C.M. du 21-2-1932. 110 20 francs le 9 octobre 1932 pour la célébration des fêtes du 20° anniversaire du 11 novembre à Paris et dans les départements ; 20 francs le 9 octobre 1938 pour les fêtes du 20° anniversaire du 11 novembre, à Paris et dans les départements et 3000 francs pour la fête du 8 mai, accordés par le C.M. du 26 juillet 1947.

- 65 - Le 22 février 1983 la municipalité émit le vœu que le 19 mars (journée anniversaire du cessez-le-feu en Algérie, date commémorée depuis 20 ans par la FNACA 111 ) devienne la journée nationale de recueillement pour la 3 e génération du feu . Il convient de rappeler qu’une grande majorité de Français était favorable à cette manifestation, selon le Sondage IFOP du 30 septembre 1981. Depuis peu, la commémoration a lieu le 5 décembre. Cette date suscite beaucoup de controverses : nos morts auraient-ils souhaité cela ?

Fontet. Détail du monument de La Réole. Cette guerre d’Algérie aura décidément ébranlé beaucoup de consciences. Rappelons à ce propos qu’affirmait la Liste d’Union Ouvrière et Paysanne qui présentait trois candidats aux élections municipales de 1959, à Fontet : " Parce que nous croyons, d’une part qu’il est impossible d’obtenir les crédits nécessaires aux travaux et à l’équipement rural tant que les Français ne connaîtront la Paix et la prospérité qui en découle, nous affirmons notre opposition résolue à la honteuse et ruineuse guerre d’Algérie qui exige le tribut de trois milliards quotidiens et le sang d’innombrables jeunes Français et Musulmans … Nous voulons qu’il y soit mis fin par la négociation (…) 112 ".

111 Fédération Nationale des Anciens Combattants en Algérie, Maroc et Tunisie. 112 Surligné dans le texte, voir annexe 4.

- 66 - Le 29 mai 1994, une plaque commémorative 113 fut apposée au lieu-dit La Vigne, sur une place nommée Place du 19 mars 1963 114 . L’hommage rendu aux morts au champ d’honneur peut parfois être confondu avec une volonté plus politique d’entretenir le sentiment patriotique des jeunes, ou un conditionnement des esprits d’un peuple, toujours entre deux guerres… Est-ce ainsi qu’il faudrait lire cette page ou cette couverture de cahier d’écolier ?

Collection particulière.

113 C.M. du 31-03-1994. 114 Deux abstentions à cause du choix du lieu.

- 67 - Le tableau d’honneur : soldats et victimes des guerres

Les croisés Il n’est pas inconcevable d’imaginer la présence d’habitants de Fontet parmi les croisés qui tentèrent de reconquérir les lieux saints, les seigneurs étant accompagnés d’anonymes : chevaliers ( milites ), de sergents et de domestiques ( socci ). Un Réolais est mentionné dans le cartulaire : il s’agit de Géraud de Mazeronde qui recruta certainement ses hommes dans la région… Les miliciens

La statuette en bois, visible place du Turon témoigne de la présence d’un soldat que la ville de La Réole voulut honorer en 1210, mais il porte l’uniforme d’un grenadier de 1764. Au XIII e siècle, le Roi levait un homme par maison, une fois l’an, pe ndant 40 jours, le Prieur et les Jurats pouvaient toutefois le retenir pour garder la ville ou distribuer des vivres aux soldats 115 . Dans le diocèse de Bazas, en 1271, tous les possesseurs d’aleux étaient astreints au service militaire, à leurs frais et pend ant un jour (si le temps était plus important, le Roi payait la solde). Les hommes libres devaient aussi le service militaire et une quote-part pour le gîte et les provisions. Mais ce service pouvait être converti en argent, car les tenanciers, laboureurs, gens de métier et prêtres en étaient dispensés, ils payaient donc un chevalier : La terre et non l’homme devait le service militaire .

115 Gauban, 60, 120 à 123.

- 68 - Jusqu’à la fin du XVII e siècle le recrutement se fit sur la base du volontariat. A partir du 30 novembre 1688, Louvois instaura une levée de milice concernant les célibataires ou veufs sans enfant 116 (un seul homme par village). Nous avons recueilli le nom de Claude Renard, milicien au service du Roi, qui habitait Fontet en 1747 et qui appartenait à une famille de compagnons serruriers de La Réole 117 . Un article du Cahier du Réolais relate une mutinerie des miliciens le 21 mars 1766 à La Réole, au moment de leur recrutement. En effet, les miliciens n’acceptaient pas l’exemption des bourgeois 118 . La Garde nationale Le rôle des gardes nationaux est bien connu : assurer la garde des citoyens et les protéger. Il serait facile d’établir une liste de leurs activités à La Réole. Gauban donne deux exemples 119 : ils étaient chargés de veiller au repos public (1791) et en 1808 ils assurèrent la protection de l’Empereur Napoléon. Des nombreux gardes nationaux étaient originaires de la commune de Fontet 120 , le délibéré ci-dessous en témoigne (nous n’avons, hélas, pas retrouvé la liste de ses membres).

116 Généalogie Magazine, n° 125, mars 1991. 117 Nom inscrit sur son testament dans les minutes notariales (Archives Départementales, 3 E, 13414f°,AD33). 118 Cahier du Réolais n°86. Parmi les signataires du constat, nous avons noté les noms de deux jurats : Gergerès et Tellier. 119 Pages 306 et 349. 120 C.M. du 7 avril 1891.

- 69 - Conscription et service militaire Rappelons quelques dates : La loi Jourdan-Debrel du 19 fructidor an VI (5 mai 1798) institua le service militaire obligatoire et permanent.

Article 1 - Tout Français est soldat et se doit à la défense de la patrie. Hors le cas du danger de la patrie, l'armée se forme par enrôlement volontaire et par la voie de la conscription.

Afin de tempérer la conscription, un décret impérial de NAPOLÉON 1er créa le conseil de révision et le tirage au sort le 8 nivôse an XIII (29 décembre 1804). N'effectuaient leur service militaire que 30 à 35% des conscrits célibataires ou veufs sans enfant, chaque canton ne devant fournir qu'un certain quota d'hommes. Si sur 100 conscrits d'un canton, 35 devaient être appelés, le Conseil de révision se voyait obligé de "monter" jusqu'au numéro 70, voire 80, pour trouver le contingent exigé, compte tenu du nombre des dispensés, soutiens de famille, ajournés ou réformés. L'exemption, ou réforme, se basait sur des critères physiques : la taille d'abord (1,54 mètre minimum), les difformités des membres, la faiblesse de constitution, les problèmes de vue, les signes de déficience mentale et l'index droit coupé (ce qui incitait à des mutilations volontaires), l'état de la dentition. Quelques exemples de tirage au sort peuvent être donnés, ils sont présentés en annexe 8. Pourtant, tous les conscrits qui avaient tiré un "mauvais numéro" ne partaient pas ; la loi de fructidor an VII (août 1799) leur permit de se faire remplacer, cette possibilité étant renouvelable en cas de levées successives. D’autre part, certains hommes pouvaient n’être point disponibles pour l’armée , car employés par la Cie des Chemins de Fer 121 , à compter du 1 er juillet 1898. Des lois, particulièrement celles de 1872, contribuèrent à élargir les motifs de dispense aux familles déjà marquées par les prélèvements militaires, ainsi qu'à certaines professions notables, particulièrement les enseignants et les

121 Registre du Ministère de la Guerre, armée active.

- 70 - ecclésiastiques. Par la suite, des sursis d'incorporation furent accordés aux conscrits en raison des travaux saisonniers. Nous avons pu relever quelques exemples d’exemption à Fontet, toutes pour des raisons nobles : soutiens de familles, besoin de main d’œuvre . Voir la liste en annexe 8.

- 71 -

Le conseil de révision reste présent dans le souvenir de tous, avec le défilé en costume d’Adam devant les médecins de l’armée et les édiles de la région, qui mesuraient la valeur physique de nos futurs soldats et le soir, le porte-à- porte au son des tambours et des fifres qui permettait de fêter dignement l’entrée dans la vie adulte. Car il s’agissait d’un vrai rite d’initiation … (A Bazas, on chargeait les jeunes sur des camions, pour les mener au Poteau… parfaire leur virile éducation.) Le service militaire devint vraiment universel en 1889. Aujourd’hui il a disparu, l’armée étant devenue une armée de métier 122 . Des troupes étaient cantonnées dans la région en 1884 car le C.M. du 1 er février signalait la demande d’un état des ressources de la commune pour le logement. Aucun autre renseignement ne nous a été fourni par les archives municipales, mais plusieurs noms de soldats ont toutefois pu être sauvés de l’oubli 123 .

122 Suite à cette professionnalisation, à la demande de M. le Secrétaire d’Etat à la défense, le C.M. de Fontet du 15 décembre 2001 chargea M. Laulan des questions de défense. 123 Cette liste est forcément incomplète, nous n’avons relevé que les noms rencontrés dans les archives municipales, sans y associer une enquête de terrain…

- 72 - Nous avons peu de noms de soldats morts au champ d’honneur avant 1914 mais nous pouvons tout de même citer deux hommes décapités 124 à Bordeaux sous la Révolution française.

Jean-Daniel-Alphonse de Gombault guillotiné le 4 juin 1794 (16 Prairial an II), à l’âge de 70 ans. Il fut condamné pour trois chefs d’accusation : en qualité d’aristocrate, de père d’exilé et pour avoir dit à La Réole que " jamais la tyrannie n’avait été exercée avec autant de force ". Ses propriétés furent vendues comme bien nationaux, à l’exception du château de La Grange à Fontet, et de quatre métairies. Jean Jacques de Narbonne Pelet d’, (époux d’une des filles De Louppes, au Cast éra). Il fut guillotiné le 6 nivôse an II, à l’âge de 75 ans parce qu’aristocrate et ex Conseiller au Parlement de Bordeaux.

124 A ce moment-là le bourreau était Jean II Denis, fils de Jean, questionneur de Périgueux. Il appartenait à une famille de bourreaux bien connus à Bordeaux, entre de 1755 et 1810.

- 73 - J. Delor évoque avec humour l’histoire d’un Réolais qui mourut le 11 mars 1740… pour le roi de Prusse. Il s’agissait de Raymond Borgues , dit Borgoin, fils de Méric Borgues et de Catherine Laborde, mort à Prague, pendant la guerre se succession d’Autriche. La France conduisait en Silésie une coalition dirigée contre Marie-Thérèse 125 . Du 1 er Empire à 1830, la lecture attentive des registres de l’état-civil nous a permis de relever quelques noms : François Montaudon , né à Tartifume, mort le 15 juillet 1812 à Dortmoon. Charpentier marin dans le civil, puis canonnier, il fut fait prisonnier de guerre sur le navire La Pilade et conduit en Angleterre.

La Pilade était une corvette de 16 canons avec 109 hommes à bord, commandée par le lieutenant de vaisseau Jean-Marie Cockerel. Elle fut arraisonnée le 20 octobre 1808 et 109 hommes faits prisonniers 126 .

125 Cahiers du Réolais, n°88. 126 Source : Internet. Nous disposons aussi d’un rectificatif du tribunal de La Réole du 15 juin 1824, attestant de ses origines à Tartifume, ci-après.

- 74 -

- 75 - Jean-Louis Barbe, né en 1790, prisonnier rapatrié, décédé à l’hôpital de Sarrebruck en Prusse, le 22-12-1818, Infanterie coloniale. Jean Uzureau (25 ans) né à Fontet, et décédé au château de l’île d’Oléron 127 , le 18 mai 1824. Il était militaire, fusilier marin dans le bataillon des colonies 128 .

Jean , dit Cadet, fils naturel, né à Fontet, novice marin, et décédé à l’âge de 17 ans à l’hôpital de la Nouvelle Orléans, le 1 janvier 1830 129 . Des habitants de Fontet combattirent-ils en Algérie, au moment de la conquête, en 1830 ? Nous l’ignorons, seul un sabre appartenant à une famille de Fontet, permet de le supposer.

127 Le château d’Oléron était une place forte défendant l’embouchure de la Charente, abandonnée par les militaires en 1945. 128 Doc. Publication La Guerre Mondiale 14-18 , n° 31, p. 226. 129 La Nouvelle-Orléans fut vendue aux Américains par Napoléon. Nous supposons donc que Jean Cadet était engagé sur un navire de commerce.

- 76 - François Sarrazin , né en 1848, apprenti marin 130 , et décédé à Paris, d’une pneumonie, en 1871.

Jean Segrestan décédé à l’hopital militaire de Rochefort le 20 février 1812. La commune de Fontet s’honore d’avoir connu plusieurs marins. Nous pourrions nous en étonner, mais il convient de savoir que tous les mariniers étaient inscrits maritimes et servaient sur les vaisseaux de la Marine Royale. Ils

130 La dénomination de novice marin , datant de 1751, fut donnée aux jeunes âgés de 16 à 18 ans, jusqu’en 1865. Ils devinrent ensuite des inscrits provisoires.

- 77 - pouvaient donc y faire carrière et certains s’établissaient même dans les escales. Plusieurs d’entre eux sont morts assez jeunes, sans doute à cause de conditions de vie très précaires. Guerre de 14-18 " Trois mots balbutiés ont fait d’elle, la mère, Un long jaillissement, une fontaine amère ; Un cœur où la douleur a planté son couteau. Trois mots ont effacé qu’il était jeune et beau, Trois mots l’ont dit couché sous avoines et sauges Dans on ne sait quel pré d’inconscientes Vosges ". Annoncement , par Jean Harley, La Paix des Collines , Editions bière, Bordeaux, 1946 p. 92.

La mairie recevait une transcription d’acte de décès dont nous présentons un exemple ci-dessous :

Transcription du jugement de décès de Noël François. Les soldats morts au champ de bataille appartenaient à divers corps d’armée :

- 78 - Zouaves

Jean Casse, 2e bis de marche de zouaves et François Noël, 3e Régiment

Zouaves en aidant un autre à mettre sa ceinture 131 .

Artillerie

Raoul Pierre Castel, brigadier, 24 e Régiment, 7 e batterie et Antoine Pauly, 252 e Régiment, 28 e Batterie.

24 e Régiment d’artillerie, 43 e Batterie, 1915, Justin Bordes, (soldat à cheval, carte du 8 janvier 1915).

131 Doc: La Guerre Mondiale 14-18 , n° 36, p. 352

- 79 - Infanterie

(D Documentation 132 : La Guerre Mondiale 14-18,, n° 5, p. 106). Nos fantassins : Jacques Artiguenave, 144 e Régiment, 6 e Compagnie ; Bernard Bayle Sergent, 5 e Régiment ; Jean Conil, Soldat de 1 ère classe, 123 e Régiment ; Pierre Dubourdieu, Caporal, 419 e Régiment ; Louis Duthilleul, 158 e Régiment, 3 e Compagnie ; André Fondeville, Caporal, 9 e Régiment ; Marcel Galaud, 212 e Régiment, 15 e Compagnie ; Pierre Garbay, 251 e Régiment, 15 e Compagnie ; Jean Gourgues, 173 e Régiment ; Pierre Jautard, 57 e Régiment des mitrailleuses ; Pierre Lacampagne, Sergent, 25 e Régiment ; Jean Lafosse, 126 e Régiment ; Bernard Noël, 50 e Régiment. Une carte vous invite à découvrir les lieux où sont tombés les soldats de Fontet pendant la guerre 14-18, en annexe 9. Un fascicule 133 de mobilisation permet de retracer une partie de l’errance d’un soldat, au début du XX e siècle. Nous plaçons cette page de vie militaire en annexe 10.

132 L’abréviation de ce mot dans cet ouvrage sera doc. 133 Collection particulière.

- 80 - Guerres postérieures à 1918 Fontet ne perdit que deux de ses enfants à la guerre 1939-1945, comme en témoigne la plaque apposée sur le monument aux morts : Chabrat Pierre-Henri, 21 juin 1940 et Pierre Giresse, 1 er juin 1940, décédé à l’âge de 28 ans, le 1 er juin 1940, disparu en mer.

Après la guerre, des Compagnies de Gardes Civiques Républicains furent créées. Suite à une circulaire du Président du Comité départemental de la Libération, le C.M. de Fontet fit appel à des volontaires 134 . Nous ne savons pas s’il fut entendu de nos concitoyens.

STO, prisonniers et réfugiés.

N’oublions, ni les hommes envoyés au STO, ni les prisonniers, ni les réfugiés. (Des listes, hélas incomplètes, sont proposées en annexe 11.) Pour les années 39-45, nous avons pu noter quelques noms, trop rares, de réfugiés originaires de Meurthe et Moselle. Nous aurions aimé en dresser une liste exhaustive, afin de rendre à chacun un hommage mérité… Au bout du rail et de la nuit Seront l’azur, les fleurs, les fruits, (…) Mais, larmier tendre et cœur amer, Ils ne songent pas à la mer. Un étau de tristesse enserre Cet abandon de leur misère Jean Harley

134 C.M. du 21 novembre 1945.

- 81 -

Extrait d’une carte postale.

Et ce fou porteur de colère, Corps pansé, ventre ensemencé, Ce vieux monde désharassé Sourit à sa prochaine guerre 135

Article de L’Union du 3 juin 1917.

Le 5 août 1940, la municipalité adhèra au Trait d’Union militaire qui recherchait les militaires disparus 136 , prisonniers ou blessés. Sur le monument aux morts, comme sur la plaque de l’église, des noms des disparus sont inscrits.

135 Extrait d’un poème de Jean Harley. 136 Comité d’action de l’Office gratuit des prisonniers de guerre. Cotisation annuelle de 20 francs par an.

- 82 - Les affres de la guerre

Le monument aux morts de Fontet est trop sobre pour témoigner de la souffrance des Poilus et des soldats sur les champs de bataille. Mais la littérature évoque avec réalisme l’horreur des tranchées et la mort de nos soldats, comme dans le roman de Barbusse, Le Feu.

Les délibérations des conseils municipaux laissent deviner l’importance du lien entre le front et l’arrière. Ce dernier assurait un soutien moral aux soldats enfermés dans ce labyrinthe sans issue , pour reprendre 137 l’expression de Alexandre Vialatte. Ce soutien se manifestait par des envois de lettres et de colis, la femme assurant alors un lien solide entre les hommes et la famille, entretenant ainsi leur moral. J’ai demandé : " A-t-il écrit ? " D’un bref plissement de visage, Elle fait : " Non " avec courage ; Sans un mot, sans geste, sans cri. Jean Harley 138

137 Le Fidèle Berger , Folio, n° 1563, page 188. 138 page 91.

- 83 - Nous montrons ici une carte vierge de Correspondance des armées de la République , en franchise et une carte postale.

- 84 - L’effort le plus important et le plus reconnu portait sur l’aide aux soldats blessés et malades 139 .

Photo, collection personnelle. La Guerre Mondiale 14-18 ,, n° 10, page 268 et n° 4, p. 86 . Nous trouvons mention d’une lettre du maire de La Réole qui réclamait " à titre de dons ou de prêts, des lits, matelas, linge, articles de pansement, et ce en faveur des soldats blessés à la guerre et soignés à La Réole ". La commune de Fontet fournit linge et articles de pansement, plus des dons volontaires. Une circulaire du Préfet demandait aussi par quel moyen la commune assisterait d’éventuels militaires tuberculeux. Le C.M. décida d’accorder l’assistance médicale gratuite, et l’assistance habituelle aux vieillards, infirmes et incurables.

139 Le C.M. du 14 août 1914 vota une subvention de 25 francs en faveur de l’œuvre de la Croix-Rouge pour un secours aux blessés.

- 85 - Le 23 mars 1940 le C.M. vota 100 francs pour l’œuvre du Vin chaud aux soldats 140 . Des colis permettaient enfin d’affirmer le lien de solidarité 141 de ceux de l’ arrière . Pendant la guerre d’Algérie le même élan de solidarité fut encouragé : Le C.M. du 12 août 1956 nomma une commission chargée d’une collecte pour les soldats. Les fonds recueillis, soit 10 000 francs, furent versés le 18 août à la Caisse de la Commission de secours à nos Soldats . La somme fut prélevée sur les Fêtes publiques de la commune : 5000 francs de subventions aux Sociétés, et 5000 francs de rappel d’indemnités du maire et de son adjoint, généreusement offerts par le Maire, Monsieur Pauly et par son adjoint Pendant les guerres, les dons financiers pouvaient être beaucoup plus importants, et parfois même organisés à l’échelon national. Le 10 juillet 1921, le C.M. souhaita participer à l’élan d’assistance à 68 communes sinistrées de l’Aisne. Pour cela il décida l’inscription, pendant 3 ans, à partir de 1922, à son budget, de 1 centime additionnel. (Somme qui fut répartie au prorata des communes). Fontet participa à l’Emprunt national pour un montant de 174,50 francs 142 ce qui représentait le coût, au comptant, de 10 francs de rente, achetée au nom des élèves des écoles communales de Fontet. Pendant la seconde guerre, l’Etat participa aux services d’intérêt national assurés par les communes et le département. Le C.M. du 10 décembre 1938 fait état d’une somme de 3068,20 francs pour le département et les communes.

140 M. Daney, dans son ouvrage sur L’Histoire de la Gironde rappelle que, depuis la crise de 1929, le commerce du vin était sinistré. « Surtout celui des vins de cru qui n’avaient même pas le dérivatif de vin chaud au soldat ». 141 Le 13 décembre 1941 le C.M envoya 350 francs pour les colis de guerre grâce à la somme recueillie par une collecte publique et un concert de Noël donné par les enfants des écoles. 142 C.M. du 5-12-1915.

- 86 - La souffrance à l’arrière Beaucoup de récits satiriques et de caricatures ont présenté la vie de ceux de l’arrière, comme étant celle d’ embusqués.

L’Echo des Marmites , n° 16, du 1 er janvier 1917, Collection particulière. Mais l’observation des délibérations du C.M. de Fontet montre une toute autre réalité. Les comptes-rendus témoignent surtout de la lutte pour la vie du village, de plus en plus difficile, car la situation économique se dégradait au fil des années. Il s’agit là du problème habituel de l’adaptation des sociétés à la guerre. Aux ordres de la poigne étrangère, les Parques Ont filé le trépas des hommes et des barques. Tout est silence au bord des routes et des eaux ; Les jeunes sont partis Dieu sait où ! Le village A cessé bains et pêche aux berges du halage. Jean Harley

- 87 - Rappelons le vœu du C.M. du 7 août 1914 : " sur proposition de M. Fagouet, le Conseil donne un avis favorable à la demande du Bureau de l’Assistance au point de vue des misères à soulager dans la commune. Ces misères seront soulagées aussitôt qu’elles seront connues.

- 88 - Pendant la Guerre 1939-1945, une grande partie de la Gironde était occupée et le département coupé par une ligne de démarcation. C’était le cas à Fontet, et dans les villages avoisinants. Notre région connut des parachutages importants, à Saint Exupéry et à en 1943, à Jusix et à en 44. Le 21 août 1944, La Réole vit aussi l’arrestation de 150 Mongols et Hindous, après le départ des Allemands. (Groupe Alexis et bataillon Michey) De nombreux souvenirs pourraient ainsi être collectés autour de nous. Nous en citerons deux ou trois. Qui se souvient de la mitraillette fichée sur la tour de la Chartreuse 143 à pour contrôler le terrain d’aviation, alors militaire ?

Un maquis existait à Lorette 144 . Monsieur Goursau nous contait récemment une page d’histoire . Il conduisait son troupeau de moutons et déjeunait dans une ferme située à l’orée du maquis. Les moutons vagabondaient librement et les maquisards pouvaient aisément se saisir de ceux qui leur étaient destinés, à la barbe des soldats allemands.

143 Le C.M. du 26 février 1939 cite une demande d’allocation militaire pour M. André Counil, inscrit à l’ Aviation militaire populaire du Réolais. 144 Pour plus d’informations sur le maquis de Lorette, on peut se reporter à l’article de Michèle Tranchant, Réolais, n° 3300, 2002.

- 89 - La guerre et le travail Le problème majeur pendant les guerres était le travail, car on manquait de main d’œuvre, à la fois pour le service des chemins et pour le travail des champs. Le service des chemins exigeait des mesures exceptionnelles qui furent prises le 2 septembre 1917. Le Maire de Fontet proposa de convertir en tâches les prestations de 1917 : il s’agissait de couvrir en travail les sommes d’imposition 145 . De plus, les prestataires mobilisés étaient exonérés des baux ruraux, pour cause de guerre. Ce fut le cas, par exemple, pour les métayers Armand Noël et Jean Duzan, ou pour le fermier Antoine Picard, en 1918. En général, la main d’œuvre manquait, même si les C.M. des 8 et 14 août 1914 constataient qu’à Fontet, elle était suffisante pour le travail de la terre et pour les vendanges. Le 20 mai 1918 toutefois, le C.M. émit un vœu (suite aux inondations) " qu’une équipe de travailleurs (prisonniers, sanitaires ou autres) soit mise par les soins du Conseil Général, et aux frais du département, à la disposition de la commune pour opérer le déblaiement des terrains susdits et les mettre en état de recevoir pour l’avenir les récoltes qui s’y pratiquent habituellement. ". Autre exemple, nominatif : le cantonnier de Fontet étant mobilisé, l’Ingénieur du Service vicinal offrit un de ses agents pour assurer l’entretien 146 . Par contre, les terres abandonnées posèrent un véritable problème. La loi du 6 octobre 1916 imposait aux communes le devoir moral de ne laisser tomber en friche aucune terre susceptible de donner un produit net immédiat . (Voilà une loi qui mériterait d’être réexaminée, à l’heure où l’on indemnise des agriculteurs pour ne pas travailler leur terre, pour arracher et détruire des récoltes…)

145 Des exemples de prestations et de prix correspondants apparaîtront dans un prochain ouvrage. 146 C.M. 25 janvier 1916, 5 mai 1918 et du 7 octobre 1939.

- 90 - Ci-dessous, nous vous proposons les détails de l’application de cette loi, indiquant le pourcentage de bénéfice sur l’exploitation, ou de pertes, le cas échéant, extraits de différentes délibérations du C.M. : Bénéfices Exploitant Commune Crédit Agricole Mobilisé 7/10 2/10 1/10 Non mobilisé 5/10 3/10 2/1

Pertes Exploitant Commune Crédit Agricole Mobilisé 2/10 8/10 Non mobilisé 3/10 2/10 5/10 Nous pouvons vous proposer l’exemple observé dans la délibération du C.M. du 25 février 1917 : M. Pierre Léonce Broustet offrit des terres abandonnées que le C.M. accepta de faire cultiver. A cet effet il pria le Ministère de l’Agriculture de lui consentir une avance remboursable de 2000 francs 147 . Les restrictions Fontet n’eut pas à trop souffrir de restrictions pendant la guerre de 14, si l’on en croit le délibéré du 14 août 1914 (mais au début de la guerre !) qui affirmait : la commune ne manque d’aucune des denrées indispensables à la vie, telles que farine, pétrole, etc.. Certains produits étaient contrôlés, comme le café, les bons d’essence et les pneumatiques.

147 Cf. Journal L’Union du 3 juin 1917. Loi du 7 avril 1917 relative à la mise en culture des terres abandonnées.

- 91 - A Fontet, le C.M. du 7 octobre 1939 mit en place un système de restrictions : " Chaque consommateur des produits indiqués par les 7 circulaires officielles, est obligé de déclarer à la mairie, sur des imprimés spéciaux, ce qu’il aura à consommer, pour ces produits carburants, huiles de graissage, graisse lubrifiante, pétrole lampant, gaz butane, etc., dans le courant du mois de novembre . " En 1946, le Préfet imposa au Maire une répartition 148 et la délivrance de billets permettant l’achat de pneumatiques de bicyclettes. La privation d’éclairage reste aussi dans le souvenir de beaucoup d’anciens. Le 5 août 1940 l’éclairage des rues et places fut supprimé, ceci pendant toute la durée des hostilités. Nous pouvons évoquer avec un sourire, l’anecdote suivante : M. André Capdeville, rentrant tardivement d’un repas de communion bien arrosé, après le couvre-feu…tomba dans une fosse à purin, au moment où une patrouille allemande remontait le bourg. Le pire fut peut-être l’entrave à la circulation. Les laissez-passer sont très connus pour la guerre 39-45, le souvenir en étant largement perpétué par le cinéma.

148 C.M. du 8 août 1946.

- 92 - Le marché noir Le marché noir se développe à chaque guerre. Nous le connaissons mieux pour la période 39-45, le cinéma consacré à la Résistance développant volontiers ce thème. A Fontet aussi des abattages clandestins se pratiquaient : plusieurs témoignages nous ont confirmé cette pratique à Tartifume, dans une grange où se déroulaient aussi des bals clandestins, chez le dénommé Tourniche 149

Mais de profits à profiteurs , le pas est facile à franchir. Une discrète allusion du C.M. de Fontet le confirme. Les membres élus se sentirent obligés de rendre hommage au travail et au sérieux de M.… , propriétaire de 15 hectares, qui venait de décéder et dont la mémoire avait été souillée par des insinuations de trafic 150 .

149 Il s’agit d’un chaffre (surnom). 150 C.M. du 20 mai 1923.

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- 94 - On y voit sournois et pressés ; Poissant de billets entassés Le cœur lavandeux de l’armoire. Les profits de la vente noire Ont tué le fruit, le lait frais, Le service que l’on offrait L’affabilité des sourires. Jean Harley

Les réquisitions Charles Daney dans son Histoire de la Gironde nous rappelle : " que le département étant éloigné de la zone des combats, le gouvernement en fait une base de ravitaillement et de stockage pour l’armée ainsi qu’un centre de production pour la défense nationale en pièces d’artillerie, obus et bombes d’avion ". Nous pouvons citer quelques témoignages recueillis dans les délibérations, concernant : le foin, les chevaux et les logements (pour la première guerre mondiale), le bétail, les volailles, le vin et le lait, de 1939 à 1945. Le 27 juin 1917, le C.M. examinait un ordre de réquisition de la 9 e Commission de Ravitaillement, portant sur 400 quintaux de foin. Le C.M. de Fontet décida de n’en donner que 200. (L’argument avancé était la surface cultivée de 120 hectares et les pertes subies pour cause de pénurie ou d’inondations du 22 mai 1917.) Cette décision était en fait conforme à celle du 17 juin 1917, par le Comité d’Action agricole. Les chevaux faisaient l’objet de réquisitions, si l’on en croit le C.M. du 14 août 1914 qui affirmait que M. Despin demanda un cheval de trait pour un mois, afin de remplacer le sien qui a été pris par la réquisition militaire.

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Une lettre du Préfet de Gironde en date du 24 avril 1918 imposa des réquisitions de logements pour les réfugiés 151 . Le C.M. du 5 mai désigna alors deux répartiteurs. Il en fut de même pour le bétail et les volailles pendant la seconde guerre mondiale. Un ordre de la Commission de Ravitaillement n° 10 mit le Maire en demeure de fournir pour le 11 mars 1941, quatre vaches et cinq

151 Nous n’avons retrouvé aucune liste, aucun nom de réfugiés pour cette période…

- 96 - veaux. Le C.M. déclara que c’était impossible car les agriculteurs n’avaient plus rien. La municipalité montra la même détermination, pour protéger les viticulteurs de Fontet en 1945, le C.M. émit le vœu que " les viticulteurs soient autorisés à suspendre leurs livraisons de vin au Ravitaillement Général et à conserver leur récolte 1944 pour leur consommation familiale 152 " (à cause des gelées tardives de mai 1945). L’imposition en lait était, pour sa part, fixée à 4526 litres, soit 146 litres par jour. La délibération du 2 septembre 1917 représente un document important : le Conseil analysait alors les causes de cherté de la vie et des spéculations. Nous en donnons un résumé afin d’en faciliter la lecture. Selon lui, les causes de la hausse des prix des produits agricoles étaient dues à l’insuffisance des récoltes, à l’augmentation du coût des produits de base, aux réquisitions et aux taxations, il proposait donc d’augmenter la rémunération des cultivateurs, pour les encourager à produire. Il demandait à l’Etat de mettre fin aux réquisitions et à la taxation de la propriété, de limiter les spéculations et de poursuivre les accapareurs. Tout en assurant la liberté de l’offre et de la demande. Ce programme d’avant-garde ne serait-il point toujours d’actualité ?

L’aide à l’arrière Le nombre d’enfants scolarisés pendant la guerre étant important, des baraquements en planches 153 furent installés dans la cour de l’école. Des préfabriqués… déjà ! La gratuité des fournitures scolaires pour les enfants de réfugiés et de mobilisés fut accordée le 7 octobre 1939 aux familles qui bénéficiaient aussi d’une aide 154 apportée par le Ravitaillement Général pour les enfants de la cantine. Soulignons aussi ce geste généreux de la municipalité de Fontet qui

152 C.M. 6 mars 1941, du 3mars1945 et du 16 juin 1945. 153 Double paroi de 54 mm de surface 6X9, avec un plancher recouvert, pour un montant de 15 000 francs. C.M. du 7 octobre 1939. 154 C.M. du 21-01-1945.

- 97 - maintint le salaire 155 de ses employés, par exemple celui du cantonnier Roger Ferrand, prisonnier de guerre. De nombreuses aides 156 pour hospitalisation, médicaments, femmes en couche ont également été apportées. Les familles de réfugiés ont bénéficié de réquisitions de logements, suite à la circulaire du Préfet en date du 24 avril 1918. C’est ainsi qu’à Fontet, la famille d’Ambrozzio résida un certain temps dans la maison de Monsieur Tréjaut, qui deviendra la mairie 157 .

L’aide après les guerres Nous avons retrouvé deux témoignages de l’intérêt porté aux anciens combattants par différents Conseils municipaux. En 1930, le C.M. proclamait " le droit de tous les anciens combattants à une retraite nationale qui sera la légitime réparation des préjudices moraux, physiques et matériels qu’ils ont subi pour la défense du pays. " En 1976, il rendait un vibrant hommage 158 aux Anciens d’Afrique du Nord en émettant un vœu pour leur attribuer une carte de combattant et l’égalité de la retraite avec les autres soldats. Le 3 juin 1983 le C.M. votait une subvention en faveur de la Fédération Nationale des déportés, Internés, Résistants et Patriotes pour l’édification de la maison de retraite médicalisée Marcel Paul . L’Indépendant du 26 décembre 1920 conseillait aux veuves et orphelins de faire renouveler leurs titres d’allocation provisoire.

155 C.M. du 7-10-1939, du 30-01-1944. 156 Cf. annexe 7. 157 C.M. du 3 mars 1945. 158 C.M. du 19 janvier 1930, du 25 novembre 1976 et du 30 juin 1990.

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Collection personnelle.

- 99 - Annexes

Annexe 1. Le respect du repos dominical

Dès 1520, François 1 er prohiba danses et spectacles de bateleurs, puis Henri II interdisit les jeux ce jour-là. Des associations contre le travail le dimanche furent crées à partir de 1853, encouragées par les autorités civiles et religieuses. En 1870, les transports de marchandises même furent interdits le dimanche, comme les bals et les spectacles, mais l’interdiction fut peu appliquée, les notaires tenaient officine ce jour-là, par exemple.

Annexe 2 : Les pèlerinages

Les pèlerinages connurent un grand succès dès le moyen-age. Plus proche de nous, rappelons un exemple en 1586 : Devant l’ampleur de l’épidémie de peste dans notre région et l’impuissance à la juguler, on eut recours aux prières. Le 2 juillet, les fidèles se rendirent en procession à Verdelais et les Jurats firent une offrande de quatre chandelles de cire blanche et de sept écus. Il en fut de même en 1629. (Selon Gauban pages 223 et 229 ; et Dupin page 64.) Le tout nouveau chemin de fer, ouvert en 1867, favorisa l’organisation des pèlerinages. Le cahier de compte de Mme Cheymol nous montre l’importance de ces pèlerinages dans la vie d’une famille au XIXe siècle. Par exemple, une journée à Verdelais revint à 5,16 francs le 4 août 1881, et un voyage à Lourdes à 100 francs, le 25 août 1885.

- 100 - Annexe 3 : Sonneurs de cloches, sacristains et desservants

Sonneurs de cloches et sacristains : Plusieurs noms apparaissent dans nos délibérations du Conseil municipal : Jean Quetron , sacristain, décédé en 1848 ; Delas , Sacristain et sonneur de cloches en 1890 ; Labrouche en 1935 ; puis la famille Sarrazin : Jean Léonce , Etienne , et Serge , sonneurs civils. Desservants : Nous n’avons retrouvé que quelques noms de desservants : Abbé Coiffard, probablement présent chez la Berguille en 1873, démissionna du Comité de Secours en 1880. Abbé Fauché , décéda en août 1889. Ci-dessous détail d’un trumeau qui se trouvait autrefois dans le presbytère de Fontet. (Signé par Rollini en 1889).

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