Madame De Bonneuil. Femme Galante Et Agent Secret

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Madame De Bonneuil. Femme Galante Et Agent Secret « LES HOMMES ET L'HISTOIRE » DU MÊME AUTEUR Chez le même éditeur LA DERNIÈRE LETTRE Prisons et condamnés de la Révolution, 1984 Aux Éditions Syros OLYMPE DE GOUGES, Paris, 1981 OLIVIER BLANC MADAME DE BONNEUIL Femme galante et agent secret (1748-1829) Préface de Jacques Godechot ÉDITIONS ROBERT LAFFONT PARIS @ Éditions Robert Laffont, S.A., Paris. 1987 A<s./<nSBN - 2-221-04595-5> A Mme Charles Vatinel, avec l'affection de son petit-fils. PRÉFACE De tout temps, les États ont possédé, à côté de leur diplo- matie officielle, des services secrets de renseignements. Plus aujourd'hui qu'autrefois, et plus en temps de guerre et de révolution qu én temps de paix. Mais alors que les renseigne- ments donnés par les diplomates accrédités sont soigneuse- ment conservés dans les Archives et parfaitement classés, d accès facile, les rapports d'agents secrets, ou bien ont été détruits ou bien sont dispersés dans des fonds différents que l historien doit d'abord repérer, et, quand il les a trouvés, il tombe parfois sur des lettres chiffrées, dont il ignore la clé, ou sur des missives qui paraissent insignifiantes, mais dont les interlignes sont garnis de renseignements écrits à l'encre sympathique qu'il est difficile, voire impossible, de rendre lisibles surtout lorsque de longues années se sont écoulées depuis leur rédaction. De plus, les agents de renseignements travaillent, le plus souvent, affublés de pseudonymes qu'il est nécessaire de percer pour les identifier. L 'histoire des agents secrets, si elle est passionnante, n'est pas facile à écrire, surtout si on veut en éliminer toute fabu- lation, toute hypothèse hasardeuse et si on s'attache à resti- tuer la stricte vérité. M. Olivier Blanc a eu le grand mérite de consulter une tuasse considérable de documents éparpillés dans plusieurs eP°ts d'archives, de lire un grand nombre de mémoires imprimés et d'ouvrages souvent oubliés, mais bourrés de ren- seignements précieux. Par eux, on savait qu'une certaine Jeanne Riflon avait servi d'agent de renseignements aux royalistes sous le Direc- toire et avait été, sans doute, un « agent double » sous le Consulat et l'Empire. Mais qui était Jeanne Riflon ? L'auteur l'a identifiée, sans qu'aucun doute puisse subsis- ter, avec Michelle Sentuary, née en 1748 à l'île Bourbon (La Réunion), mariée à Bordeaux avec Cyrille Guesnon de Bon- neuil, premier valet de chambre du comte de Provence, le futur Louis XVIII. Les Bonneuil résidèrent, avant la Révolu- tion, à Paris et Michelle y connut la « douceur de vivre » qui devait laisser tant de regrets, après 1789, à ceux qui en avaient profité. De vingt ans plus jeune que son mari, Mme de Bonneuil, après avoir eu trois enfants, mena vite une vie de femme galante. Elle fut l'une des « berceuses » du finan- cier Beaujon, l'égérie d'André Chénier, la maîtresse du mar- quis de Cubières, dont elle eut un fils, le général et ministre Amédée de Cubières, qui défraya la chronique sous Louis- Philippe. Deux de ses filles se marièrent avec des person- nages connus, voire célèbres, Regnaud de Saint-Jean d'Angély, d'abord journaliste, puis conseiller d'État et comte de l'Empire, et Antoine- Vincent Arnault, journaliste, homme de lettres, chevalier de l'Empire. Sa sœur se maria avec le conseiller au Parlement de Paris Duval d'Eprémesnil, consi- déré comme un adversaire de l'absolutisme monarchique avant la Révolution, mais devenu vite un adversaire fou- gueux de cette Révolution et guillotiné pendant la Terreur. Mme de Bonneuil vécut donc, avant 1789, dans le milieu qui devait fournir à la Contre-Révolution ses partisans les plus zélés. Elle connut alors Montlosier et le comte d'Antraigues, mais il ne semble pas qu'elle ait entretenu avec lui une cor- respondance très suivie. Il est exclu, notamment, qu'on puisse l'identifier avec la mystérieuse « amie de Paris » de 1803-1804. En fait, Mme de Bonneuil ne participa vraiment au mou- vement contre-révolutionnaire qu'après avoir fait connais- sance en 1790, de Cazalès, député de Grenade-sur-Garonne, une des meilleurs orateurs de la droite à l'Assemblée consti- tuante. Elle devint sa maîtresse et en eut une fille. C'est Cazalès, semble-t-il, qui, émigré, lui fit pour la première fois remplir une mission à l'étranger, en Espagne, en 1796. Dans quel but ? Gagner à la monarchie l'ambassadeur de la Répu- blique française, le général Pérignon, dont la famille était originaire de Grenade-sur-Garonne comme celle de Caza- lès ? Ou donner des renseignements confidentiels à l'ambas- sadeur d'Angleterre ? Ou encore séduire Godoy, le prince de la paix, pour qu'il rompe l'alliance récemment conclue entre l'Espagne et la France et lui substitue un rapprochement avec l'Angleterre ? Olivier Blanc présente les différentes cise.hypothèses, mais il est difficile d'apporter une solution pré- En tout cas, la mission à Madrid de « Jeanne Riflon » dut satisfaire les royalistes puisqu'elle fut chargée d'autres mis- sions. La plus importante et la plus curieuse aussi est celle qu'elle remplit en novembre 1797 en Allemagne, à Blanken- berg, résidence de Louis XVIII. Elle devait, disait-elle, révé- ler au Prétendant de graves secrets. Or, Louis XVIII refusa avec obstination de la recevoir. Pourquoi ? On peut penser que la publication par le Directoire, le 18 Fructidor (4 sep- tembre 1797), de documents prouvant la trahison du général Pichegru, président du conseil des Cinq-Cents, l'avait rendu méfiant à l'égard des agents de renseignements, des espions. Cette publication était, en effet, la conséquence de la trans- cription, par le comte d'Antraigues, d'une conversation avec Montgaillard, un agent (double, peut-être), qui l'avait mis au courant des négociations entre Pichegru, les émigrés et Louis XVIII. Or, les papiers du comte avaient été saisis par Bonaparte, qui les avait transmis au Directoire. La restaura- tion qui était sur le point de se faire avait échoué. En fait, elle avait été retardée de dix-sept ans. On comprend que Louis XVIII ait rompu avec d'Antraigues et se soit méfié de tout agent secret. Mme de Bonneuil n'était d'ailleurs pas royaliste au point refuser tout contact avec un régime issu de la Révolution. ^ l automne 1800, on la retrouve en mission, cette fois en Russie, à Saint-Pétersbourg. Elle y est envoyée, semble-t-il, par Talleyrand, pour conforter le tsar Paul Ier dans son intention d'abandonner l'alliance anglaise. Elle doit aussi s'opposer à ceux de ses conseillers qui, tel Panine, veulent la maintenir. Mais Mme de Bonneuil fréquente aussi les nom- breux émigrés français qui résident dans la capitale russe. Elle revoit notamment son ancienne amie, Mme Vigée- Lebrun, peintre célèbre. On peut se demander si elle n 'a pas alors mené double jeu ? On lira avec passion ce que M. Olivier Blanc raconte de la vie trépidante de Mme de Bonneuil. On ne peut qu'être étonné de sa résistance physique, de sa santé de fer qui lui permet d'entreprendre sans cesse des voyages longs, incon- fortables, fatigants. Et coûteux. Ce qui suppose qu 'un État ou une organisation couvrait ses frais de déplacement, car sa fortune personnelle n'y eût point suffi. Les émigrés, le gouvernement anglais, sous le Directoire ? La caisse noire du ministère des Affaires étrangères sous le Consulat ? Il n'existe pas de comptabilité des fonds secrets. Il faut, en tout cas, féliciter M. Olivier Blanc d'avoir levé pour nous un coin de voile qui, pendant longtemps, a caché les activités des agents secrets. Sans doute tous les mystères ne sont-ils pas éclaircis. Mais ce livre indique le chemin à suivre. Il fera progresser l'histoire de la diplomatie secrète à l'époque révo- lutionnaire et impériale. C'est un grand mérite. Tous les his- toriens lui en seront reconnaissants. JACQUES GODECHOT * * Doyen honoraire de la Faculté de Toulouse, Président de la Société d'études robespierristes et de la Commission internationale d'histoire de la Révolution. AVANT-PROPOS La grande comme la petite histoire connaissaient le baron de Batz qui faillit bien faire évader Marie-Antoi- nette de la Conciergerie, le comte d'Antraigues (un espion dans l'Europe des émigrés dont la biographie a été publiée il y a un an par M. Jacques Godechot), ou le constituant Cazalès qui, tous les trois, siégèrent à l'Assem- blée avant d'émigrer et de servir les princes français. Ils furent surtout des agents secrets de la contre-révolution, à la fois agents d'influence et agents de renseignements. D espionnes pour cette même période : rien de connu. Amie intime des trois personnages cités plus haut, Mme de Bonneuil a sa place dans l'histoire de la diplomatie secrète. Jolie femme, modèle attitré de Mme Vigée- Lebrun, elle avait été une élégante d'Ancien Régime qui ne dédaignait pas les cadeaux de ses amants fortunés. Sous le nouveau, elle se servit de ses hautes relations et de ses talents d'intrigante pour faire du renseignement — ou de l'espionnage — une activité lucrative. Elle y réussit assez bien. Un long travail de recherche — difficile pour un tel sujet — nous a permis de donner un visage à cet agent secret au féminin. Le livre ne cache rien du passé ambigu ni de la personnalité complexe du personnage, et il révèle miHe aspects inédits, épiques ou tragiques, de la guerre souterraine que les puissances étrangères ont continûment livrée à la France républicaine, consulaire puis impériale. Pour la période de l'Ancien Régime, les documents concernant Mme de Bonneuil sont assez rares. Il nous a toutefois paru très nécessaire d'évoquer largement (dans les quatre premiers chapitres) le milieu qui fut le sien et dont la connaissance est nécessaire pour la suite.
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