Les pendus de 24 juillet 1944 A Montauban, aujourd’hui…

Les acacias et la stèle du carrefour des Martyrs à Montauban où, depuis le 60 e anniversaire des pendaisons de 1944, se déroule chaque année une commémoration officielle. c a n g a m u o R y u G o t o h p

Sur la place des Martyrs, deux acacias Aujourd'hui, de nouveaux témoi- veillent une stèle de bronze engageant gnages et illustrations étant apparus au les passants à se rappeler ou découvrir fil des années et des archives officielles un épisode dramatique survenu sous ayant été ouvertes à la consultation, le l'Occupation nazie : les pendaisons musée de la Résistance et de la de Montauban du 24 juillet 1944. Déportation a tenu à retracer plus précisément l'histoire des “pendus de Montauban” et surtout à rendre encore hommage à ces résistants, à leur famille et à leurs amis qui se sont battus pour les valeurs de la République. … et dans les années 1940 e n n o r a G - t e - n r a T e d s e l a t n e m e t r a p é d s e v i h c r A

Troupes nazies sur le pont Vieux à Montauban. Cliché pris depuis le musée Ingres fin 1942 - début 1943.

Après la défaite française du printemps Les nazis restent jusqu’en août 1944, 1940 et la signature de l’armistice avec près de deux ans pendant lesquels le régime nazi d’Hitler, les troupes nombre d’atrocités sont commises. allemandes occupent une partie du A partir de 1943, l’action de la pays. Résistance s’intensifie en Tarn-et- Le Tarn-et-Garonne appartient à la Garonne et plusieurs maquis zone “libre”, en réalité dirigée par le s’organisent. Les soldats SS ont alors gouvernement collaborateur du pour mission principale de réprimer maréchal Pétain. toute forme d’opposition, par la Le 11 novembre 1942, en réplique au terreur et les exécutions, souvent avec débarquement allié en Afrique du l’aide de collaborateurs et des membres nord, toute la est envahie. Le de la Milice française. jour-même, un avion survole Montauban et les premiers convois automobiles recouverts du drapeau rouge à croix gammée pénètrent dans la ville. Les arrestations de Montricoux u t a L s e u q c a J e é v i r p n o i t c e l l o C

La scierie Lespinet à Montricoux où les deux frères, Hugues et Lucien – ce dernier figure au premier plan au côté de leur père –, sont arrêtés le 17 juillet 1944.

C’est dans ce contexte que surviennent Les prisonniers sont placés dans un les événements de Montricoux qui camion où ils sont victimes de aboutissent à l’exécution de résistants à violences de la part des miliciens. Montauban et . Parmi eux, André Castel, André Le 17 juillet 1944 au matin, des nazis Huguet, Henry et André Jouany, cernent Montricoux où ont été Hugues et Lucien Lespinet, Michel dénoncés des maquisards. Pendant ce Mélamed. Encadré de troupes SS, le temps, suivant une liste, des miliciens convoi prend la route de Montauban. pénètrent dans des habitations et procèdent à des arrestations. Au final, huit ont lieu dans le village, trois sont menées dans le bus qui venait de et deux à Nègrepelisse. L’attaque des Brunis e n n o r a G - t e - n r a T e d s e l a t n e m e t r a p é d s e v i h c r A

Le lieu de l’attaque des Brunis, sur la route menant de Montricoux à Montauban, où ont péri quatre résistants le 17 juillet 1944. Un monument commémoratif, situé sur l’actuelle commune de Nègrepelisse, rappelle aujourd’hui les noms d’André Bauer, Pierre Bonhomme, Pierre Feuillée et Marcel Loupiac.

Des hommes appartenant au groupe l’ où ils sont secourus par des “Fantôme” du corps franc Dumas ont amis. Le combat s’achève rapidement reçu l’ordre d’attaquer le convoi car miliciens et nazis sont supérieurs transportant les prisonniers. Au lieu- en nombre, malgré plusieurs tués. dit Les Brunis, des maquisards sont De son côté, la Résistance compte dissimulés en bordure de route. Une quatre morts, deux blessés et dix grenade atteint le premier camion, hommes restés captifs. Sur ordre de la des soldats SS sont soufflés par la Gestapo, les corps des maquisards sont déflagration. Endommagés, des laissés sur place. Ils seront emmenés véhicules sont immobilisés dans les par les familles seulement le fossés. L’affrontement commence. lendemain. Les otages Bonhomme et Feuillée, qui tentent de s’évader du camion, sont abattus. Deux autres parviennent à fuir à travers champs et à gagner les rives de Répression à Montauban u t a L s e u q c a J e é v i r p n o i t c e l l o C

Les quatre pendus de Montauban. Cliché pris à la dérobée le 24 juillet 1944 face au café de l’Europe (actuellement Garden Ice Café, 1 allée de l'Empereur).

Blessé lors de l’attaque des Brunis, un André Castel, Henry Jouany, André officier nazi meurt peu de temps après. Huguet et Michel Mélamed sont La haine et la colère des SS accélèrent pendus dos à dos à deux acacias de la les décisions de répression à place. Montauban. Détenus depuis le 17 Hugues Lespinet a pu quant à lui juillet à la caserne Doumerc, les atteindre la rue des Doreurs où il se maquisards sont conduits en camion, dissimule dans un jardin. dans la nuit du 23, place du maréchal Retrouvé au matin, il est conduit à Pétain, face à la préfecture. Des soldats l’hôpital où il succombe à ses blessures nazis commencent alors à préparer leur ce même jour du 24 juillet 1944. pendaison. Profitant de l’obscurité et La Gestapo donne l’ordre de laisser les d’une faille de surveillance, des pendus à la vue de tous. Grâce à résistants parviennent à s’enfuir, mais à l’intervention du préfet et de deux peine engouffrés dans un immeuble religieux, les corps sont finalement voisin, des coups de feu les arrêtent. Ils enlevés en fin de matinée pour être sont tous repris. inhumés au cimetière municipal. r i o r r e T u d e é s u m t ô p é d , n o i t a t r o p é D a l e d t e e c n a t s i s é R a l e d e é s u M

Les Pendus, place des Martyrs, 24 juillet 1944 (10h du matin) - Hommage aux martyrs de la Gestapo et de la Milice de Darnand , huile sur toile de Lucien Cadène.

Artiste peintre montalbanais, Lucien Cadène (1887-1958) s’est parfois inspiré des horreurs et des injustices de son siècle. Très marqué par la Première Guerre mondiale dont il reste lui-même invalide, il proteste ensuite contre la guerre d’Espagne et le nazisme. Le dessin préparatoire qu’il réalise en cachette au matin du 24 juillet 1944 témoigne de ses sentiments en faveur de la Résistance. Sur le tableau final, une inscription condamne ouvertement les responsables de ces répressions sanglantes : les nazis et leurs collaborateurs français. Les victimes du 24 juillet 1944 à Montauban e n n o André CASTEL r a G - t

e Maquis de Cabertat - n r a

T Domicilié à Nègrepelisse e d s e l Ouvrier, marié, 37 ans a t n e Pendu m e t r a p é d s e t v ele i Mich h lycée c d au r l se ren A aste lles : arie C s nouve s 44, M st san o et 19 lle e t 2 juill car e o Le 2 Milice ite à h iège la condu p auban où s n. Elle est de Mont arrestatio le voir, i depuis son permet de e son mar ns où on lui lle d e des Drago iction forme ienne casern vec l’interd l’anc n garde et a el voit son présence d’u e Marie Cast mais en nière fois qu . C’est la der de lui parler t. époux vivan

André HUGUET Maquis de Cabertat “Hector” dans la Résistance Domicilié à Montricoux Conducteur de cylindre Marié, 2 enfants, 48 ans Pendu Henry JOUANY Maquis de Cabertat “Joubert” dans la Résistance Domicilié à Montricoux Agriculteur Marié, 1 enfant, 39 ans Pendu

à est arrêté Mélamed le Michel 1944, dans le 17 juillet Michel MELAMED Montricoux ec la liaison av Polonais s qui assure entral de bu aboratoire c Domicilié à Caussade availle au L mion où il tr é dans un ca nt. Il est men . Ingénieur, 38 ans l’Armeme t déjà captifs ésistants son Pendu où d’autres r mari une porte à son s qu’elle ap Emma Alor ourriture, n peu de n veste et u repoussée iolemment pinet est v r chez Les e doit rentre arde SS. Ell on par un g Hugues, ni s erra plus ni elle et ne rev ucien. beau-frère L Hugues LESPINET Maquis de Cabertat “Luc” dans la Résistance Domicilié à Montricoux Exploitant scierie Marié, 2 enfants, 32 ans Blessé lors de sa fuite, il décède à l’hôpital 26 juillet 1944 : les crimes de Montech u t a L s e u q c a J e é v i r p n o i t c e l l o C

La fosse où ont été trouvés les corps d’André Jouany et Lucien Lespinet assassinés le 26 juillet 1944. Cliché pris près de Montech en septembre 1944. A cet endroit, en bordure de route, une stèle honore la mémoire des deux résistants.

Après les exactions de Montauban, les L’exécution a été menée en présence du proches d’André Jouany et de Lucien responsable des troupes d’Occupation Lespinet les espèrent encore vivants. du secteur de , le capitaine Mais fin août 1944, des témoins Korn, et d’un milicien français. révèlent aux autorités de Montech Au lieu-dit Châteauroux, sont ainsi avoir assisté en cachette à une scène exhumés les corps d’André Jouany et tragique. Le 26 juillet 1944, deux Lucien Lespinet, ligotés ensemble. Des hommes sont emmenés en lisière de funérailles peuvent enfin être célé - forêt où une fosse a été creusée à brées. Le 26 août 1944, une semaine l’explosif par des SS. Sommés de après la Libération du département, de descendre à l’intérieur, ils essuient des nombreuses personnes rendent un tirs de pistolet. Touché, l’un des hommage solennel aux deux hommes. résistants entraîne l’autre dans sa chute. Ils sont ensuite enterrés vivants. e

n André JOUANY n o r a Maquis de Cabertat G - t e - n “La Goupille” dans la Résistance r a T e

d Domicilié à Montricoux s e l a t Mécanicien n e m e

t Marié, 1 enfant, 35 ans r a p é

d Enterré vivant près de Montech s e v i h c r

A e : é de s s t somm o y es t Jouan o ndré ns. h er, A milicie p teli x dans son a dré par deu Arrêté iliale, enca availle à ferme fam absent : il tr rendre à la e Henry est nd- ent, son frèr e ans. La gra squ’ils arriv s de quatorz Lor e et son fil rs, indique, avec sa femm ions en cou la vigne des arrestat ouany, sachant rien x frères J mère, ne y. Les deu du trouve Henr en direction iante, où se rtent à pied conf miliciens, pa onduite des sous la c t jamais. e reviendron village. Ils n

René-Lucien LESPINET Maquis de Cabertat “Lucas” dans la Résistance Domicilié à Montricoux Exploitant scierie Marié, 2 enfants, 27 ans Enterré vivant près de Montech Hommages à la Libération u t a L s e u q c a J e é v i r p n o i t c e l l o C

Article du journal La République du Sud-Ouest du 8 octobre 1944 relatant la cérémonie organisée à Montauban, en souvenir de résistants tués quelques mois plus tôt.

En 1944, le Comité départemental où ont été pendus les victimes du 24 de Libération propose à la préfecture juillet. Il est aussi décidé que la place de Tarn-et-Garonne et à la mairie de du maréchal Pétain, ainsi nommée Montauban l’édification d’une stèle sous le régime de Vichy, deviendra commémorative entre les deux acacias désormais la place des Martyrs. En octobre 1944, après une cérémonie à la cathédrale de Montauban, les corps des e b

m résistants retrouvent leurs terres natales où, o c a L comme ici à Montricoux, des obsèques officielles é r d n sont célébrées en présence d’une foule A e é v i importante. r p n o i t c e l l o C u t a L s e u q c a J e é v i r p n o i t c e l l o C

Carte postale éditée lors de la journée de commémoration du 24 juillet 1945 à Montauban, au bénéfice des familles des victimes. A notre époque : mémoire et vigilance

Comme nombre de résistants, les face à l’inquiétante renaissance victimes du 24 juillet 1944 à d’idéologies fascistes et négationnistes Montauban ont payé leurs engagements à travers le monde. La liberté, la de leur vie. Leur idéal, réprimé par les solidarité et le dialogue entre les lois nazies et le gouvernement de Vichy, peuples sont une quête permanente. était porteur de valeurs essentielles. Ainsi, la jeunesse d’aujourd’hui Cette lutte pour le respect des droits de représente le nouveau relais des l’Homme n’appartient pas seulement nécessaires travail de mémoire et au passé et reste même malheu- devoir de vigilance. reusement plus que jamais d’actualité

d’hui s d’aujour Montalbanai de jeunes Paroles ela s souvenir de c ivre libres. Nou nous pouvons v la Résistance, “Grâce à e de paix.” rder un mond del peut aider à ga le Camille Clau 1-Cm2 de l’éco Elèves de Cm prix. C’est e jour, a eu un profitons chaqu aussi, elle dont nous nserver. Nous Notre liberté, c er pour la co , “ s toujours lutt nces politiques uoi nous devon ient nos différe pourq , quelles que so our moins s d’aujourd’hui , nous battre, p génération vons nous unir uses, nous pou sociales, religie justice.” d’in e ge Ingres de 3 du collè s Elèves émoigner”. Nou nsmettre, de “t tiendra de tra ire est aussi ous qu’il appar que cette histo “C’est à n s sachent parce que nos enfant ferons en sorte otre histoire.” elle n nde u lycée Bourd Elèves de 2 d Sources Musée de la Résistance et de la Déportation de Montauban Archives municipales Archives départementales de Tarn-et-Garonne Musée départemental de la Résistance et de la Déportation de Haute-Garonne Archives privées André Lacombe Archives privées Jacques Latu

Illustration de couverture Les Pendus de Montauban, 24 juillet 1944 Peinture de G.R. Cousi, 1944 (Collection privée Jacques Latu)

Texte © musée de la Résistance et de la Déportation de Montauban, juin 2009 revu et corrigé en 2011 et 2012 Source bibliographique : André Lacombe, “Cabertat. Des hommes, un maquis, une histoire...”, juin 2009 Contact : [email protected] 05 63 67 29 78 Maquette : service Communication de la Ville de Montauban Impression : Techni Print - 8 000 ex. Musée de la Résistance et de la Déportation 33, Grand’Rue Villenouvelle 82000 Montauban 05 63 66 03 11 [email protected] www.montauban.com (rubriques Vie Culturelle/musées)

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