Le Yorkshire Occulte (1) Secrets De Famille Fabiens Et Ingénierie Culturelle Au Royaume-Uni Par Jasun Horsley

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Le Yorkshire Occulte (1) Secrets De Famille Fabiens Et Ingénierie Culturelle Au Royaume-Uni Par Jasun Horsley Le Yorkshire occulte (1) Secrets de famille fabiens et ingénierie culturelle au Royaume-Uni par Jasun Horsley « Quel père parmi vous, si votre fils lui demande un poisson, lui donnera un serpent à la place ? » Introduction : la glorification du vice Qui, dans le monde actuel, a le courage d’écrire en faveur de la justice et de la vérité ? Qui est prêt à être aussi ringard ? Il est relativement aisé d’écrire sur des sujets qui ne nous concernent pas directement ; ou sur des sujets qui nous concernent, mais que les gens ont envie d’entendre, sur de bonnes choses qui feront que nous seront aimés et admirés pour les avoir partagées. Mais qu’en est-il des choses que nous avons été conditionnés à taire dès le plus jeune âge ? Les choses que nous sommes socialement contraints de maintenir cachées ? Écrire ou parler de ces choses revient à briser un pacte tacite du silence, un contrat auquel nous n’avons jamais souscrit consciemment, et que nous n’avons jamais eu la possibilité de refuser consciemment. C’est la chose que personne ne souhaite faire. C’est aussi la chose qui a le plus besoin d’être faite. Parce que tant que cet accord de ne pas parler, de ne pas écrire, ou même de ne pas penser à certaines choses, n’est pas brisé, alors notre parole, nos écrits, notre pensée seront étouffés par la peur, consciente ou pas, de rompre ce contrat en exprimant l’indicible. À ce stade, le système de soutien social sur lequel nous nous sommes reposés toute notre vie durant, et duquel dépend la survie de notre identité, cesserait de nous soutenir. Nous serions abandonnés, et partirions à la dérive dans un océan froid, sombre et sans merci de significations brisées. Si j’écris ceci, ce n’est pas parce que tel est mon désir ; c’est une obligation. J'ai, moi aussi, découvert mon enfant intérieur il y a quelques années – et j'ai décidé d'avorter. ~ Sebastian Horsley, 2004, correspondance privée Mon frère Sebastian Horsley, « dandy du monde souterrain » autoproclamé, était un artiste particulièrement célébré pour ses actes potentiellement (et au final, concrètement) autodestructeurs. Un article récent paru dans Time Out l’a classé parmi les dix plus gros consommateurs de drogue de Londres ; dans un autre article sur l’acteur Shia Labeouf, on pouvait lire que mon frère avait « fait, de manière convaincante, une œuvre d’art de sa propre autodestruction fatale ». Cette phrase en dit long. Qui exactement fut convaincu par l’autodestruction artistique de mon frère, et de quoi ont-ils été convaincus ? Que le suicide est une quête artistique honorable ? Quelle sorte d’héritage une « œuvre d’art » de ce type laisse-t-elle ? Comment le fait que quelqu’un soit poussé à s’autodétruire de manière compulsive peut-il être une source de louanges ? Je suis l’une des deux personnes encore en vie (avec ma sœur, une psychothérapeute) possédant une connaissance intime des forces qui poussèrent mon frère à s’autodétruire. Une chose est donc douloureusement claire à mes yeux : quel qu’ait été le « message » porté par mon frère, par sa vie ou sa mort, ce n’est pas un véritable message mais une fiction : une histoire inventée qui cache une légion de péchés. Ironiquement, elle ne les cache pas avec l’illusion de la vertu, comme dans le cas bien plus célèbre de Jimmy Savile, mais avec l’étalage dandyesque du vice présenté sous un jour favorable. Je crois profondément que « l’art » de Sebastian Horsley n’était pas de l’autodestruction mais un processus élaboré destiné à masquer les forces sociales, culturelles et personnelles qui ont rendu sa destruction inévitable. Je pense qu’il montre que l’abusé est programmé par l’abus, non pas seulement pour protéger ses abuseurs, mais aussi pour perpétuer l’abus. Ma comparaison avec Savile n’est pas non plus totalement fortuite. Comme je l’écrivais dans Seen and Not Seen, avec ses tenues flamboyantes, ses cheveux décolorés, ses bijoux bling-bling et sa personnalité étrange, Savile était lui aussi un dandy. Comme mon frère, et comme le kidnappeur d’enfants de Chitty Chitty Bang Bang, Savile portait des hauts-de-forme. Je doute que mon frère ait jamais imité Savile, mais d’un autre côté, il est difficile d’évaluer l’influence qu’a eue Savile sur ceux qui, comme nous, ont grandi dans les années soixante et soixante-dix. Durant cette période, Savile était considéré comme l’homme le plus influent du rock and roll britannique, et mon frère et moi regardions Top of the Pops toutes les semaines, religieusement. Le premier modèle de mon frère, et le plus durable, fut le glam-rocker Marc Bolan, et Savile était par certains aspects un avatar du glam rock. Se peut-il que mon frère ait appris de Savile certains de ses tours de dandy ? L’une des choses les plus perturbantes à propos de Savile était la façon dont il étalait ses inclinations. Il s’en amusait à la télévision et à la radio (parfois même en présence de ses victimes). Il les a admises dans son autobiographie. Et pourtant, personne n’a rien dit. Les révélations actuelles, et apparemment sans fin, sur l’abus sexuel institutionnalisé des enfants au Royaume-Uni ont forcé les gens à réévaluer ce qu’ils croyaient savoir sur la façon dont fonctionne la corruption, et sur ce à quoi ressemble cette dernière. Il fut un temps où nous cherchions les prédateurs sexuels au coin de la rue ou à la sortie des écoles ; des personnes louches au regard fuyant, rôdant aux marges de la société, aisément identifiables, et encore plus aisément désignées comme boucs-émissaires. Dans la Grande-Bretagne de l’après-Savile, une vision aussi simpliste est devenue l’apanage des ignorants. Les véritables prédateurs se trouvent en pleine lumière et occupent des positions de pouvoir ; ce ne sont pas des marginaux ou des exclus, mais les piliers de notre communauté. Bien loin de se trahir par leurs regards fuyants ou leurs attitudes coupables, leur manque apparent de conscience de soi les soustrait au sentiment de culpabilité. Ils n’exhibent aucun des signes sur lesquels nous comptons d’ordinaire pour nous apercevoir que quelqu’un est animé de mauvaises intentions. Dans leur esprit, ils ont le droit de faire ce qu’ils font. C’est le pouvoir des privilèges, et les privilèges du pouvoir. J’estime que les qualités qui valurent à la vie et à l’art autodestructeurs de mon frère (son autodestruction artistique) d’être célébrés n’étaient pas les expressions uniques d’une âme créative, mais les symptômes d’une psyché mortellement traumatisée. Elles étaient ses tentatives désespérées et publiques de se libérer d’un bourbier culturel et familial, une lutte qui, ironiquement et tragiquement, fut identifiée par cette même culture comme une forme « d’art ». Sebastian Horsley, après sa crucifixion en 2000 aux Philippines Si quelqu’un devait monter une production dans laquelle Bette Davis serait dirigée par Roman Polanski, celle-ci ne pourrait exprimer totalement la violence refoulée et la dépravation d’une seule journée dans la vie de ma famille. C’était une pieuvre répugnante, et je n’ai jamais pu réellement échapper à ses tentacules. ~ Dandy in the Underworld Mon frère et moi naquîmes dans ce type de milieu privilégié. Notre grand-père, Alec Horsley, étudia à Oxford, fut officier de district adjoint au Nigéria de 1925 à 1932, et fonda sa propre entreprise, Northern Dairies, en 1937. Il fut aussi l’un des membres fondateurs de la société fabienne de Hull, dont le logo était, et est toujours, un loup déguisé en agneau. La société fabienne posa les fondations du parti travailliste britannique, et Russell Brand se fait aujourd’hui l’avocat de leurs idées auprès des masses : un détail curieux, parce que mon frère voyait en Brand un rival (mis à part les hauts-de-forme, le sexe et la drogue, il existe d’autres parallèles frappants entre eux deux ; sur la liste des consommateurs de drogue publiée par Time Out, Brand est classé n°9 et mon frère n°7). Du temps de mon grand-père, les membres de la société fabienne soutenaient l’idée d’une « société planifiée scientifiquement », ce qui incluait la mise en place d’un eugénisme accompagné de mesures de stérilisation. La branche fabienne de Hull fut fondée en 1943 par seize personnes, avec un comité présidé par mon grand-père. Il semble que mon grand-père ait suivi à la lettre l’exemple de son associé Bertrand Russell, étant lui aussi un aristocrate qui parlait au nom du peuple, bien qu’il n’ait que peu de choses en commun avec ce dernier (pour autant que je sache, et mises à part des visites dans des prisons, il ne s’est que rarement, voire jamais, mélangé avec les membres d’autres classes sociales). Mon père, Nicholas Horsley, rejoignit Northern Dairies à la fin des années cinquante, peu après avoir rencontré ma mère. Il finit par en devenir le président, et Northern Dairies devint Northern Foods, un énorme conglomérat connu avant tout pour son association avec Marks & Spencer (Northern Foods « inventa » le sandwich emballé et fut l’un des pionniers des plats préparés). Je n’étais que vaguement au courant de tout ceci en grandissant. Enfant, le développement le plus significatif fut sans doute pour moi lorsque Northern Foods forgea une alliance avec Rowntree Mackintosh (affilié à la société fabienne), ce qui eut pour conséquence que notre maison fut toujours remplie de chocolats. J’étais en revanche parfaitement au courant des nombreuses fêtes organisées dans notre maison et dans celle de nos grands-parents, et des nombreux étrangers qui allaient et venaient, de l’atmosphère d’ébriété généralisée, de l’idéalisme intellectuel et social, de la licence sexuelle, et du curieux intérêt de mon grand-père non seulement pour la célébrité, mais aussi pour la criminalité.
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