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Fin de partie Cassandra’s Dream de Woody Alien Édouard Vergnon

Bergman/Antonioni Number 135, December 2007, January 2008

URI: https://id.erudit.org/iderudit/25012ac

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Publisher(s) 24/30 I/S

ISSN 0707-9389 (print) 1923-5097 (digital)

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Cite this review Vergnon, É. (2007). Review of [Fin de partie / Cassandra’s Dream de Woody Alien]. 24 images, (135), 60–61.

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mw**scj Fin de • partie par Edouard Vergnon

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uisqu'il était beaucoup ques­ l'axe a pivoté : après l'ascension, la chute ter à une entreprise que pourtant instinc­ tion de tennis dans , ou, si l'on veut, le retour de boomerang. II tivement il réprouve. Le voir d'abord s'in­ P on peut filer la métaphore et faut donc voir Cassandra's Dream comme surger, puis plier progressivement sous résumer ainsi la trilogie londonienne du le revers de fortune de Match Point et de l'avalanche d'arguments des deux autres cinéaste : cinq joueurs, une seule balle Crimes and Misdemeanors. Caron l'oublie montre bien la nature de son supplice : (le crime). D'abord, une graine de cham­ souvent, mais avait -jusqu'à l'incapacité à se désolidariser d'un raison­ pion et son service gagnant (Match Point), maintenant - toujours filmé le crime sans nement qui le dépasse. Chez Woody Allen, ensuite un tandem facétieux qui fait partir le châtiment. De ce point de vue, le héros le crime est toujours un piège, quel qu'en son coup dans les gradins du souvenir (le de Match Point bénéficiait de la même soit le mobile, et ici il se referme pour délicieux Scoop qui renouait avec l'humeur impunité que le médecin de Crimes and ainsi dire complètement. Dans Crimes and récréative des meilleures comédies new- Misdemeanors. Réduits au silence et à la Misdemeanors, on se souvient qu'il avait yorkaises du cinéaste) et pour finir, deux solitude, ils étaient l'un comme l'autre pris un caractère domestique : un homme tout débutants fébriles qui vont vite paniquer dans un engrenage meurtrier mais, passé à fait ordinaire trompe sa femme, prend (Cassandra's Dream). Les premiers plans quelques tressaillements, parvenaient tou­ peur et tue sa maîtresse. Dans Match de ces trois films épousent le mouvement. jours à se ressaisir et à faire contre mau­ Point, il avait une logique économique : Dans Match Point, un jeune homme entre vaise fortune bon cœur. dans sa volonté d'émancipation, un jeune dans le champ de la caméra par la gau­ Dans Cassandra's Dream, l'enjeu des arriviste finissait par assassiner la seule che, tel un voyageur fraîchement débar­ personnages ne consiste plus à dissimu­ personne qui, au fond, lui ressemblait qué. Le cinéaste le projette dans un espace ler leurs tourments, mais à formuler au (même milieu social, même goûts, etc.) à conquérir et lui dit en quelque sorte : contraire tout ce qu'ils ont sur le cœur. et avec laquelle il eût été logique qu'il « maintenant, débrouille-toi ». Dans Scoop, En libérant une parole totalement muse­ vive heureux. Dans Cassandra's Dream, le les passagers d'un bateau sont prisonniers lée dans ces deux précédents films, puis crime est devenu un acte de pure obéis­ d'une mort ambulante et n'ont plus qu'à en la faisant couler à flots, le cinéaste sance, puisqu'il s'agit pour Ian et son frère évoquer leur passé. Dans Cassandra's filme moins des hommes en proie à leurs de commettre le meurtre le plus crapu­ Dream, deux frères se précipitent dans le démons qu'une joute verbale où s'exerce leux qui soit, uniquement parce qu'ils sont cadre par la droite de l'écran. Ils courent une forme d'inégalité psychologique qui possédés par un oncle qui réussit à leur et rient comme des enfants. Outre que le sera fatale aux plus faibles d'entre eux. faire croire qu'ils lui sont redevables de plan exprime immédiatement leur grande Face à un oncle incroyablement retors ce « service ». Voir ces deux pauvres âmes complicité, il ne semble plus conduire les (Tom Wilkinson) et à un frère obnubilé en peine, pas méchantes pour un sou, se personnages vers l'avant (comme l'ouver­ par sa réussite amoureuse et sociale transformer en tueurs gauches et désem­ ture de Match Point), mais au contraire (Ewan McGregor, parfait de naturel), parés est assez émouvant. Mais ce qui l'est les rabattre vers l'arrière. Autrement dit. Terry (Colin Farrell) est incapable de résis­ plus encore, c'est de voir la maîtrise avec

60 N°135 24 IMAGES laquelle le cinéaste fait circuler les per­ les différents décors. Surtout, l'Angleterre costumes, le vert foncé de la forêt, l'om­ sonnages, orchestre leur petit manège, l'aura incité à redonner une vertu drama­ bre des branchages qui recouvre peu à tire profit de la météorologie (les plans tique au paysage, élément qu'il finissait peu les personnages, l'absence progres­ du voilier qui quitte le port, tantôt sous par délaisser dans ses derniers films new- sive de profondeur de champ, puis l'arri­ un ciel bleu parsemé de nuages, tantôt yorkais (à l'exception du mal-aimé et vée de la pluie y sont comme la chronique sous un ciel gris), alterne couleurs pim­ pourtant formidable ). À visuelle d'une mort annoncée, ^r pantes et teintes assourdies. Londres lui cet égard, la grande scène du rendez-vous aura inspiré certaines de ses plus belles sous les arbres devrait rester comme l'une Grande-Bretagne, 2007. Ré. et scé. : Woody Allen. Mont. : lumières. Elles ne sont pas supérieures à des plus ambitieuses de sa carrière. Jamais Alisa Lepselter. Ph. : Vilmos Zsigmond, Alisa Lepselter, Int. : ses lumières américaines, mais ont gagné en effet sa caméra n'avait été aussi dési­ Ewan McGregor, Colin Farrell, Tom Wilkinson. 120 minutes. Couleur. Dist. : Christal Film. en dynamisme et en relief. Plus attentives, reuse d'exploiter dans leur totalité tous rondes et précises, elles modèlent mieux les paramètres de la narration : le noir des Sortie prévue : 18 janvier 2008

'avocat de la terreur de Barb

des cellules révolutionnaires et des mouve­ ments terroristes, des archives, des images vues en boucle sur les chaînes de télévision du monde entier jusqu'à être vides de sens, voilà les armes dont nous disposons, specta­ teurs, pour relire l'histoire récente et tenter de comprendre quelque chose au monde dans lequel nous vivons. Et c'est sans doute pour cette raison, parce que ce film est bien davantage que le por­ trait d'un avocat médiatisé pour ses seu­ les provocations, parce que ce film est le meilleur antidote aux informations télé­ visées, parce qu'il relie les causes, les faits II et les protagonistes là où, jour après jour nous sont donnés à voir, par parcelles d'in­ formation «objective», des actes qui nous secouent sans nous faire réfléchir, oui, c'est e dernier film de Barbet Schroeder, en Algérie, obtenant la grâce de Djamilah sans doute pour toutes ces raisons qu'il est L L'avocat de la terreur, nous entraîne Bouhired, figure emblématique des atten­ important de prendre deux heures quinze dans le parcours de l'avocat Jacques Vergés, tats durant la bataille d'Alger et condam­ de notre temps pour nous confronter à la de sa défense des militants algériens au pro­ née à mort, qu'il a épousée après l'indé­ complexité de la vie de Jacques Vergés et cès de Klaus Barbie. C'est à une histoire du pendance du pays. aux propos du film de Barbet Schroeder. terrorisme de ces 50 dernières années que C'est à la lumière de ce combat originel que L'un et l'autre traquent le prêt-à-penser, les nous sommes conviés, de l'idéalisme des nous parcourons ensuite l'histoire du terro­ certitudes confortables de l'époque, et nous fronts de libération pour l'indépendance des risme mondial. Nous y croisons entre autres, prend alors l'envie, avec Schroeder, de citer pays colonisés au désenchantement devant Hans-Joachim Klein, ex-membre de la bande Nietzsche : «Si vous voyez courir la foule le cynisme d'un Carlos devenu le prototype à Baader, Magdalena Kopp, arrêtée à Paris dans une direction, courez dans la direction du mercenaire se vendant au plus offrant. en 1982, épouse de Carlos, Anis Nacchache, inverse, vous avez plus de chance d'avoir rai­ 2 « II y a un noyau magnifique, héroïque qui Libanais engagé dans la cause palestinienne son ». - Catherine Goupil est l'Algérie. C'est donc la matrice, là où le dès le début des années 1970, qui avait reçu 1. Tiré d'un entretien avec Barbet Schroeder : personnage principal va se trouver, se révé­ de Khomeiny l'ordre d'assassiner Béchir http://www.lavocatdelaterreur.com ler, vivre les moments les plus intenses de Bakhtiar, ancien ministre du shah d'Iran. À 2. Entretien accordé par Schroeder à sa vie»1, dit Barbet Schroeder. son procès en 1982, il est le premier terro­ Elisabeth Bouvet de Radio-France International En effet, Jacques Vergés, Français né au riste qui se réclame d'un ordre religieux. France, 2007, Ré. : Barbet Schroeder. Ph. : Caroline Cambodge, est devenu avec d'autres avo­ Deux longues entrevues de Schroeder avec Champetier, Jean-Luc Perreard. Mont. : Nelly Quettier. 135 minutes. Couleur. cats algériens et français l'avocat des mili­ Jacques Vergés, des entretiens menés par tants du FLN (Front de libération nationale) Eugénie Grandval avec les protagonistes Sortie prévue : 21 décembre 2007

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