La République Des Avant-Monts (Hérault)
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Coup d’État du 2 décembre 1851 La République des Avant-Monts e mon enfance roujanaise de- victime du coup d’État de 1852 ». Trop oc- meurent les souvenirs impéris- cupés à combattre, et plus ignorants encore sables de batailles rangées entre de l’histoire de Napoléon III que de celle de Dbandes rivales sans doute inspirées par la Napoléon Ier, l’erreur de date ne nous avait projection au cinéma du village du célèbre pas frappés... film d’Yves Robert : La Guerre des boutons. Les rives de la Peyne au relief tourmenté, Retour sur un coup d’État à la végétation dense, remplaçaient dans Élu président de la République le 10 dé- nos jeux guerriers les bois de la campagne cembre 1848, Louis-Napoléon Bonaparte, franc-comtoise dessinés par Louis Pergaud. neveu de Napoléon Ier, souffre bientôt du Nous y admirions la force dégagée par le vé- refus des députés de l’Assemblée nationale nérable platane de Saint-Majan sans savoir de modifier la constitution afin de lui per- qu’il avait été planté là en 1800, à côté d’une mettre de se représenter en 1852. En sous- ancienne source de santé, pour célébrer la main, l’opposition conservatrice s’agite en victoire de Marengo : ignorée des épreuves faveur du prince de Joinville et d’une res- du certificat d’études, l’histoire locale n’était pas enseignée dans nos écoles. Tout près de Renversement de la République, coup d’État là se dressait et se dresse toujours une stèle du 2 Décembre 1851, lithographie colorée à la mémoire du « citoyen Jules Roucayrol, (Bibliothèque nationale de France) tauration de la monarchie. Appuyé par son 20 et 21 décembre 1851 approuvera mas- demi-frère le duc de Morny, le prince-pré- sivement l’action du futur Badinguet. La sident se décide alors à fomenter un coup porte peut s’ouvrir vers le Second Empire. d’État militaire. Au matin du 2 décembre 1851, jour doublement anniversaire du Le temps de l’insurrection sacre de Napoléon Ier et de la victoire d’Aus- Aux barricades parisiennes font écho des terlitz, les Parisiens découvrent sur les murs soulèvements ruraux dans les journées qui de la capitale des affiches proclamant la suivent le coup d’État. Dans le département dissolution de l’Assemblée nationale, le de l’Hérault, de grands rassemblements rétablissement du suffrage universel et l’an- à Capestang, Béziers, Bédarieux, Pézenas nonce d’un plébiscite visant à reconnaître répondent à l’intervention musclée de la l’autorité de Louis Napoléon Bonaparte. force armée à Montpellier. Le 4 décembre, Si la résistance se manifeste plutôt faible- à l’appel du négociant Casimir Péret et de ment à Paris (on comptera tout de même quelques autres, plusieurs centaines de plusieurs centaines de tués), les insurrec- manifestants se massent devant la sous-pré- tions populaires sont importantes en pro- fecture pour déclarer le peuple souverain. vince, notamment dans le sud et le centre. Parmi eux, de forts contingents venus de La répression militaire va s’y déchaîner. Avec Gabian, Laurens, Magalas, Pouzolles, Pui- respectivement 3145, 2895 et 2826 pour- misson. Les affrontements feront 70 morts suivis, le Var, la Seine et l’Hérault arrivent et blessés. À Bédarieux, où se rendent les en tête du triste palmarès des représailles, républicains Faugérois, la gendarmerie est suivis par les Alpes-de-Haute-Provence et la prise d’assaut. Le bilan est très lourd : six Nièvre. À elle seule, la commune de Roujan morts dont trois gendarmes et plusieurs en compte 74, Riols 73. 70 députés républi- blessés. cains seront expulsés de France dont Victor Les déclarations des plaignants et des incul- Hugo, Thiers et Victor Schoelcher. Le plé- pés lors des commissions mixtes de 1852 biscite organisé sous haute surveillance les nous éclairent sur les événements qui se mémoires d’une communauté © Les Arts Vailhan POP Communauté 07 3 déroulent à Roujan et Neffiès. Dans le pre- hautain : « Vous êtes mier village, les opposants au coup d’État déchu de tout pou- acclament Boyer comme chef de la com- voir [...] Le peuple mission appelée à remplacer la municipa- est souverain. Je vous lité. Cet ancien officier de santé et rédacteur somme de venir à la du Montagnard puis de l’éphémère Hérault mairie et de remettre socialiste vient de purger quatre mois de pri- les archives ». Tandis son pour délit de presse. Il a le verbe haut. qu’Enjalbert lui de- À Neffiès, terre de mineurs, le 4 décembre, mande une heure de jour de la sainte Barbe, marque tradition- temps pour réunir le nellement l’ouverture de quatre jours de Conseil municipal, festivités où l’on danse au son du fifre, du il répond avec luci- tambour municipal et des coups de pisto- dité : « Le temps est let. En cette année 1851, les réjouissances trop précieux, je ne ne dureront que deux jours... À la farandole vous accorde qu’un qui succède à la messe, ceintures, écharpes quart d’heure. Je et bonnets rouges égayent la foule. Au petit maîtrise en ce moment la popula- matin du 5 décembre, Jacques Pagès conti- tion, je n’en serai pas maître plus tard ». nue de battre le rappel sans tenir compte Emmanuel Bousquet, cultivateur de 32 de l’interdiction du maire. Revêtu de son ans, est choisi pour maire. Après cette vic- écharpe, Calixte Enjalbert se rend sur la toire, la fête continue. « Dans la soirée du place. On y discute avec exaltation autour 5 décembre après que M. Jean Bouys se fut de Jean Bouys. Cet étudiant ne partage pas emparé de l’administration municipale, les opinions conservatrices de son père. La j’accompagnai la farandole et j’éclairai d’un dissolution de l’Assemblée n’ôte-t-elle pas flambeau de résine le fifre et le tambour », sa légitimité au maire ? Du haut de ses 24 déclarera Pierre Rouzière. L’état de siège ans, le jeune orateur s’adresse à lui d’un ton proclamé le même jour par le général Louis de Rostolan, commandant les 7e, 8e et 9e di- Portrait d’Emmanuel Bousquet dessiné au crayon visions militaires, met un terme à la fête. Le par Jules Decaudin (1810-1853), interné comme lendemain, Enjalbert reprend ses fonctions lui à Bône en 1852 (Coll. Christiane Clergue) dans un village qui semble avoir retrouvé le calme. Le drame est à venir... La justice militaire organise l’arrestation des participants et inspirateurs (ou supposés tels) des mouvements de protestation. Bon nombre d’insurgés cherchent à fuir la ré- pression et se réfugient qui dans les galeries de mine désaffectées de Neffiès, qui dans les carrières de Roujan. Caché dans les bois de Vailhan, Fos et Paders, Jean-Baptiste Huc, dit Lo Pastro, ne sera capturé qu’en juillet 1853, écroué à la maison d’arrêt de Béziers et amnistié quelques jours plus tard. « Ce Robinson de l’époque, écrira sa fille Ger- main en 1881, couchait presque toujours à la belle étoile et dormait sans cesse d’un sommeil agité car pendant tout ce temps il mémoires 4 POP Communauté 07 © Les Arts Vailhan d’une communauté était traqué par la maréchaussée qui était fidèle aux instructions de l’Ordre Moral, dont elle avait reçu l’ordre de faire feu sur lui à la moindre résistance. » Le 16 décembre, à 7 heures du matin, Bernard Granier, ouvrier mineur de 31 ans, est abattu par un soldat de la colonne mobile au lieu-dit la Costille. C’est ensuite le tour de Jules Roucayrol, maçon de Roujan âgé de 21 ans. Un témoignage de Jean Alquier, « mauvais drôle », nous éclaire sur les circonstances du second drame : « Nous allâmes dîner aux faitement tranquille, on demande au pré- plâtrières de Roujan. Après dîner, les mili- fet l’autorisation de supprimer le commis- taires nous poursuivant, Jules Rocairol fut saire à la fin avril et d’utiliser, pour payer tué pour ne s’être pas rendu, les trois autres les dépenses de la troupe, les fonds votés furent pris... ». pour le salaire de mai et juin. Prudent, le À Neffiès, la tension monte et le premier représentant de l’État refuse la demande : les magistrat convoque d’urgence un conseil 222 francs de dépenses devront faire l’objet municipal : « le mandat de maire deve- d’une imposition extraordinaire. Le com- nant de jour en jour plus difficile et plus missaire ne cessera ses fonctions que le 24 pénible à remplir », il est demandé à l’auto- mars 1853. rité supérieure l’installation d’un commis- saire de police pour une durée de six mois. Les sociétés secrètes M. Roussy prend ses fonctions le 5 janvier Traqués par la Seconde République qui 1852 et les édiles s’en réjouissent, à la ma- mit à mal la liberté de réunion et d’asso- nière ampoulée de l’époque : « Considérant ciation, de nombreux républicains s’étaient qu’en présence des circonstances difficiles organisés en sociétés secrètes inspirées, par que la France vient de traverser le gouverne- leur cérémonial, de celles du temps de la ment a su prendre des mesures énergiques Restauration et de la Monarchie de Juillet. pour dompter l’anarchie et reconstituer la « Faites-vous partie d’une société secrète ? » société bouleversée sur ses bases naturelles, C’est la question immanquablement posée le Conseil municipal a l’honneur d’offrir par le juge à tous les inculpés. Les archives toute sa reconnaissance et sa sympathie à les donnent très nombreuses dans l’Hérault l’autorité supérieure qui a su si bien le secon- et l’on en compte à Roujan, Margon, Pou- der dans sa pénible tâche et qui lui accorde zolles, Abeilhan..