Henri Courtine, Pionnier Des Combattants Français
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Henri Courtine, pionnier des combattants français. Il fut le premier à participer aux "Monde", il y a 57 ans jour pour jour 3 mai 1956-3 mai 2013 : il y a 57 ans Henri Courtine était le premier Français à combattre pendant les championnats du monde. Premier directeur technique national et directeur général de la Fédération Française de Judo, nous l’avions interrogé en 2004. Retour sur les propos d’un chef de file. La rue du Sommerard et le boulevard Blanqui J’ai découvert le judo de la rue Sommerard à Paris, à mon retour d’Algerie en 1948, amené par un ami qui n’est pas resté bien longtemps. Je cherchais une discipline de combat – la « bagarre » c’était important en Algérie – mais je ne voulais pas faire de boxe. Au début j’ai eu une impression bizarre, le salut, la tradition me surprenaient. J’ai accroché sur les techniques. En progressant, trouver les moyens de faire tomber plus lourd que soi m’a vite fasciné. Il y avait là, Jean Beaujan, un bon technicien, je me souviens aussi de Jean Gaillat, qui allait devenir secrétaire Général de la fédération sous Paul Bonnet-Maury. En 1949, Kawaishi est revenu du Japon. Il n’enseignait pas beaucoup mais il maintenait dans le dojo une ambiance formidable. Les gradés devaient toujours travailler d’abord avec les débutants, il y avait un excellent esprit. On a émigré vers la rue Blanqui ( XIIIe arrdt. de Paris) à cette époque. Le club était ouvert tous les soirs sauf le mercredi et le samedi, on faisait une sorte d’entraînement de masse pour les ceintures noires de l’époque. La salle était épouvantable, les conditions médiocres. On avait une bâche posée sur des copeaux de bois qui avait tendance a se déplacer sur les bords. Il y avait des cafards et même des morpions dans les kimonos ! Mais, si à l’époque j’étais dans le quartier latin pour intégrer une grande école, je n’ai vite pensé qu’au judo. Au bout de quelques temps j’ai su que ce serait ma vie. La valeur du travail Au moment où j’ai commencé le judo, je savais bien que j’étais plutôt doué pour les activités physiques. J’avais remarqué que j’allais plus vite, plus fort que la plupart. Je le dis volontiers parce qu’il n’y a aucun mérite à cela. Dans ma pratique, j’ai vite eu un bon physique, de la vista, j’étais rapide, je sentais bien les techniques. Cela dit, je m’entraînais tous les jours ! On ne peut pas être doué et avoir des résultats grâce au travail. À l’inverse, des gens très doués qui travaillent peu (j’en ai connu beaucoup) ne peuvent faire que quelques exploits sans lendemain ni régularité. J’ai appris à être besogneux. J’aime que les choses soient bien faites, sinon je ne suis pas bien dans ma tête. Si je crois à la malchance, je ne crois guère à la chance. La chance passe toute votre vie sous votre nez, là seule chose, c’est de savoir la saisir. J’essaye aussi de me fixer des objectifs. Quand j’ai décidé de me consacrer au judo, je suis arrivé en quatre ans en finale du championnat de France toutes catégories. Pionner de la condition physique Avec mon ami Bernard Pariset, nous nous étions donné les moyens de réussir. On s’était débrouillé pour vivre en donnant des cours de judo et nous consacrions donc toute la journée douze mois sur douze à notre passion, alors que la plupart des autres s’entraînaient à la sortie du boulot. Maintenant on ne parle plus que de cela, mais nous avons été les premiers à faire de la condition physique. Courses, musculation… Le physique est important dans le judo et avec nos quatre-vingt kilos nous devions nous confronter à des gens plus lourds et plus forts. Cela dit, c’était encore la technique qui permettait de les faire tomber. Aujourd’hui, avec les catégories de poids, on a tendance un peu surestimer le physique, mais c’est toujours la technique qui prime… pour peu que l’on ait fait l’effort de se mettre à niveau physiquement. Mon père et De Herdt Mon père était un homme de l’ancienne génération, dur pour lui-même, exigeant pour les autres. Il n’a pas aimé ni compris ma passion pour le judo, d’autant plus que j’avais décidé de plaquer les bonnes études auxquelles j’étais destiné pour pratiquer cette discipline exotique. Déjà qu’il n’était pas trop favorable au sport, qui empêchait d’après lui, la formation intellectuelle… Nous sommes restés en froid, quelque temps et puis il a fait l’effort de venir me voir. Il a assisté à un championnat d’automne, en 52. Cette année-là, je suis parvenu en finale contre Jean De Herdt, le premier grand poids lourd français. J’ai gagné sur ippon. De ce moment-là, quelque chose a changé : que je puisse planter un type pareil, si grand et si lourd, cela le dépassait. Il a dû comprendre que ce que je faisais avait un sens. C’est l’idéal du judo qui m’a rapproché de lui. Voyage au Japon Pour aller au Japon, j’ai vendu ma voiture. J’ai donné la moitié de la somme a ma femme et l’autre moitié a servi de base à mon pécule pour passer trois mois au Japon après les championnats du monde. Je suis parti avec Bernard Pariset et nous avons atterri au vieux Kodokan. À l’époque, il y avait très peu d’étrangers sur place. Au premier entraînement, Bernard a passé un mouvement d’ épaule à son adversaire ! ils étaient stupéfaits car ils n’imaginaient pas qu’un étranger puisse battre un Japonais. D’ailleurs, ce la leur mettait un peu de pression…nottamment avec Anton Geesink (poids lourds néerlandais premier vainqueur des Jeux olympiques de judo en 1964 et de multiples fois champion d’Europe et du monde, ndlr) qui s’entraînait au Japon à ce moment-là lui aussi. Je me souviens d’un « tate », il y avait Bernard et moi, Outelet, un Belge qui faisait un judo formidable, tous plus légers, et en bout de ligne, Geesink ! Il y avait un monde fou devant nous trois, mais personne devant lui. J’ai salué le « lourd » qui n’avait pas hésité à venir devant moi… avant de le prendre par la main pour l’amener devant le Hollandais ! ils n’aimaient pas franchement le rencontrer, il faut dire qu’il faisait déjà cent-dix kilos bien secs… Anton Geesink On dit d’Anton Geesink qu’il a gagné grâce à son physique hors du commun. Peut-être qu’il était fort, mais les Japonais qu’il a rencontrés n’étaient pas des légers non plus et il était plus fort s’eux techniquement aussi. La vraie force de Geesink, c’était sa capacité de travail et sa rigueur. Jamais il ne faisait un écart. Dans le stage que nous faisions l’été à Beauvallon, il était toujours couché de bonne heure, mais le matin, il était debout à 6h pour traverser le golfe à la nage ! Et toute la matinée, il s’entraînait avec des bûches trouvées sur place. Il était aussi très souvent au Japon pour progresser ? Jusqu’en 1958, il était encore un peu accessible, à partir des championnats d’Europe de Barcelone (1958) on a tous senti qu’il avait passé un cap. Désormais nous n’étions plus dans le coup. La valeur de l’exemple Il y a l’éducation que l’on vous donne et celle que l’on se donne soi-même. Toute la vie on évolue en continuant à travailler et en se jugeant par un examen intérieur vigilant. J’ai appris de mon père, de mes professeurs et beaucoup du judo. Je crois à l’exemple. Au Japon, les professeurs n’enseignent pas, ils sont juste là. Je ne sais pas si c’est un très bon système, mais cela oblige à faire beaucoup d’efforts, à aller chercher soi-même, à être le plus a l’écoute possible, à prendre de partout. J’ai été très influencé par des grands professeurs comme Minoru Mochizuki, Haku Michigami, qui m’a beaucoup influencé sur le plan du comportement. Mais j’ai pris aussi de mes partenaires et de mes adversaires, comme Inokuma (champion du monde toutes catégories 1966)- la première « impression » qu’il m’a laissé, c’est un seoi-nage formidable lors d’un tournoi !- une nature arrogante ( je luis disais souvent que ce n’était pas parce qu’il avait une voiture avec chauffeur et des costumes de Paris qu’il était un type bien !), mais un personnage attachant, une belle nature. À nous tous, le judo a énormément apporté. C’est aussi pourquoi je n’ai pas vraiment le culte des anciens. Ce n’est pas parce que l’on est vieux que l’on est obligatoirement recommandable ! Ce qui compte c’est de continuer, de prouver, d’essaimer. C’est sans doute pour cela que dans le conflit entre le Collège, qui privilégiait les hommes, et la Fédération, j’ai choisi la Fédération. Les hommes, grands ou petits s’en vont, l’institution demeure. La vérité du judo et le randori Il n’y a qu’une vérité en judo : faire tomber celui qui ne veut pas ! Connaître cette vérité-là, c’est la grande force des judokas, parce que c’est celle qui garantit des mensonges, des illusions et de beaucoup de dérive.