/////// “La culture est une résistance à la distraction” /////// Pasolini
*** parution juillet 2011 100 000 exemplaires, voir p. 58
Le journal de référence de la vie culturelle
2010 / N° 182 novembre • Paru le jeudi 4 novembre 2010 / 19e saison / 80 000 ex. / www.journal-laterrasse.fr / Sommaire en page 2. © Caroline Ablain © Caroline © Elizabeth Carecchio
théâtre / selection p. 3-38 / Quinze ans après avoir mis en Danse / selection p. 39-45 / Le neutre comme force active : scène Franziska de Frank Wedekind, Stéphane Braunschweig revient à Boris Charmatz, directeur du Musée de la danse à Rennes, met en actes l’auteur allemand avec Lulu. cette notion en un canon chorégraphique de vingt-quatre danseurs © Fred Briard © Fred
classique / selection p. 46-58 / Les Paris de la musique, jazz / musique du monde / chanson / festival entre répertoire et musique contemporaine. Le compositeur selection p. 58-67 / Le saxophoniste Pierre Bertrand en leader, le choc Marc-André Dalbavie. world AfroCubism (photo) et Fabien Bœuf, animal solitaire de la chanson.
René Martin et Jean-Pierre Onoratini focus 1. Le TnBA à Bordeaux, un théâtre pour se penser et penser le monde, Voir P. 16-17 ///// 2. Le Aulnay All Blues Festival, émulateur de projets inédits, Voir P. 61 Dominique Pitoiset, Christophe Ubelman, directeur du TNBA directeur de l’Espace Jacques Prévert
La Terrasse / 4 avenue de Corbéra 75012 Paris / Tél 01 53 02 06 60 / Fax 01 43 44 07 08 / email : [email protected] / Prochaine parution le mercredi 1 décembre / Directeur de la publication : Dan Abitbol
OFFREZ UNE PHOTOGRAPHIE DE COLLECTION André Kertész, Izis, Willy Ronis, Jean François Jonvelle, Henri Cartier Bresson, Robert Doisneau, Jean Loup Sieff, Edouard Boubat, Michel Giniès, Marc Riboud...
PLUS DE 3000 PHOTOGRAPHIES ET LIVRES EN VENTE SUR LE SITE : www.argentic.fr Le plus grand site européen de vente de tirages et livres photographiques de collection. 2 / N°182 / novembre 2010 / la terrasse la terrasse / novembre 2010 / N°182 / 3 théâtre N° 182 • SOMMAIRE terrasseNov_Mise en page 1 21/10/10 12:51 Page1 théâtre théâtre / cirque entretien / Laurence Février Toutes nos critiques… P. 3-26 Laurence Février choisit de faire entendre La Passion corsetée, adaptée « Respirer un autre éther » du chef-d’œuvre de Madame de La Fayette P. 3 9 – 13 nov 2010 François Rancillac, Le Roi s’amuse : mélodrame « bling-bling » P. 6 Une langue magnifique, un amour absolu, une femme qui se dépasse : Direction Olivier Py Théâtre de l’Odéon 6e Stéphane Braunschweig revient à l’auteur allemand Frank Wedekind avec Lulu P. 7 comment ne pas aimer La Princesse de Clèves ? Laurence Février, Rachid Akbal clôt sa trilogie sur l’Algérie avec Alger Terminal 2 P. 10 au parcours théâtral exigeant et passionné, adepte d’un théâtre- Grand admirateur de l’écriture de Peter Handke Etienne Pommeret met en scène documentaire pertinent et éclairant, choisit aujourd’hui de faire Bienvenue au Conseil d’administration P. 10 entendre La Passion corsetée, adaptée du chef-d’œuvre de Madame DE WILLIAM SHAKESPEARE Laurent Gutmann met en scène Pornographie P. 11 de La Fayette. en hongrois surtitré Magali Léris crée Roméo et Juliette dans une mise en scène dépouillée P. 14 Pour quelles raisons avez-vous voulu porter toujours pour parler d’une femme à qui elle donne de & mise en scène Valère Novarina Cécile Tournesol et Les échelles de nuages de Dominique Paquet, à la scène La Princesse de Clèves ? Et com- le premier rôle, mais c’est elle-même qui apparaît mêlant le jeu et la manipulation marionnettique P. 14 auteur européen au cœur de la saison 2010-2011 ment avez-vous envisagé ce texte en tant en creux et de façon magistrale. Ses héros sont Agnès et Michel Marietta auscultent l’amour, le bonheur et le désir P. 15 que metteure en scène et comédienne ? très jeunes, ils se débattent au premier plan dans José Pliya et la question si ordinaire du Mal P. 20 Laurence Février : Je suis « tombée » dans les affres de leur passion, mais elle leur donne une Le collectif Mondoral célèbre le conte et les arts de la parole. Entretien avec Michel Jolivet, La Princesse de Clèves quand j’étais gamine et maturité d’analyse qui est bien au-dessus de leur directeur de la Maison du Conte de Chevilly-Larue P. 20 que je l’étudiais à l’école. J’ai continué à porter âge, et c’est sa conception du monde à elle, qui Richard Brunel, hommes et femmes chez Feydeau : une relation très mouvementée ! P. 21 ce roman, en secret, comme un de ceux qu’on apparaît. C’est elle qui nous donne accès à un Le metteur en scène Marc Prin s’empare de Klaxon, trompettes… et pétarades de Dario Fo P. 24 M ISE EN SCÈNE ARTHUR NAUZYCIEL emporterait sur une île déserte… Ma prédilection ailleurs, par une construction romanesque vertigi- Gérard Mordillat, la face politique de la littérature P. 24 pour ce texte, je n’en parlais donc pas, mais à neuse, elle nous fait respirer un autre éther, respirer L’Odéon installe Novarina au cœur de sa saison P. 27 AVEC SARA KATHRYN BAKKER / GARDINER COMFORT / Archaos recrée In Vitro P. 27 Les Fourberies de Scapin avec le talent éclatant d’Omar Porras P. 28 « Pour moi, remettre ISMA'IL IBN CONNER / JARED CRAIG / THOMAS DERRAH / Les Théâtrales Charles Dullin : un champ d’expérimentations et de rencontres P. 29 en lumière cette ROY FAUDREE / JIM TRUE-FROST / THOMAS KELLEY / Théâtre en CieS permet de découvrir à Paris des artistes reconnus en Belgique P. 31 MARK L. MONTGOMERY / DANIEL LÊ / DANIEL PETTROW / Sous le titre Les visages et les corps, Patrice Chéreau nous convie au musée du Louvre P. 31 œuvre, qui est KUNAL PRASAD / NEIL PATRICK STEWART / La Fabrique à théâtre illustre et consacre la beauté savante du théâtre baroque P. 33 traversée par la Le Festival théâtrale du Val-d’Oise fête sa 28e édition, Vents d’ailleurs P. 35 JAMES WATERSTON / Shun-kin, Simon McBurney retrouve la troupe du Théâtre Setagaya de Tokyo P. 36 grandeur et le TRIO DE JAZZ – MARIANNE SOLIVAN (CHANT) / Cirkipop de Coline Serreau P. 37 dépassement de soi, sélection, suite… P. 26-38 24 nov – 19 déc 2010 BLAKE NEWMAN (CONTREBASSE) ERIC HOFBAUER (GUITARE) / c’est comme un retour Ateliers Berthier 17e danse du sublime. » Laurence Février spectacle pour tous, à partir de 8 ans Entretien Boris Charmatz, le neutre comme force active P. 39 © Margot Simonney l’air d’un autre paysage. Ce qu’elle nous montre, 2010 - Photo : Frédéric Nauczyciel Gardenia, Vanessa Van Durme mène la revue dans un étrange cabaret P. 39 d’après Carlo Collodi / de & mise en scène Joël Pommerat
/ c’est une femme capable de choisir l’absolu, quitte Marion Lévy a imaginé un spectacle en collaboration avec l’auteur Fabrice Melquiot P. 40 cause, ou grâce à des événements récents, je me à le payer d’un prix exorbitant. Pour moi, remettre DU 15 AU 28 NOV 2010 Les Inaccoutumés, le rendez-vous de l'avant-garde chorégraphique P. 42 suis dit qu’il fallait passer du secret à la révélation. en lumière cette œuvre, qui est traversée par la Instances 8, le festival de danse de l’Espace des Arts de Chalon-sur-Saône P. 43 Je me suis dit qu’il y allait de ma responsabilité grandeur et le dépassement de soi, c’est comme La première Nocturne de la saison, au Théâtre Louis-Aragon P. 44 d’artiste, de proposer au public d’entendre ce un retour du sublime. Bien sûr, les valeurs de notre Temps fort hip hop à Chaillot P. 45 chef-d’œuvre, que les gens l’aient lu ou pas. C’est société de confort immédiat nous rendent captifs sélection, suite… P. 39-45 l’angle premier de mon projet : dire et redire cette de « petits plaisirs », mais nous avons aussi besoin langue magnifique, notre patrimoine littéraire, et de sentiments extrêmes… classique / opéra éviter par tous les moyens qu’on ne mette ce chef- d’œuvre aux oubliettes. Mettre en scène ce texte, Pourquoi avoir intitulé le spectacle La pas- Bruno Mantovani, compositeur omniprésent P. 46 c’est aussi dire au grand jour une passion secrète. sion corsetée ? “La Fabrique d’images” - Emmanuelle Roule Hommage à Jean-Louis Barrault P. 49 Ce qui m’a ravie, c’est de voir que cette passion L. F. : Ce titre s’est imposé au cours des répéti- Marlon Titre, découverte d’un jeune guitariste hollandais au Théâtre des Abbesses P. 50 est partagée par beaucoup… Quand il y a eu les tions, à cause de la tenue qu’exige le texte pour Folle nuit Mirare, une mini-Folle journée « de Nantes » à la Salle Gaveau P. 50 mouvements de protestation à la Sorbonne, j’ai vu être « dit » à haute voix, il impose un souffle ath-
Le Beethoven romantisant de Christian Thielemann avec l’Orchestre philharmonique de Vienne P. 52 que les grévistes portaient des roses jaunes – du létique, c’est une langue profondément articulée, 1007518 & 1007519 spectacles de d’entrepreneur Licences Dans la famille Järvi : Kristjan, invité de l’Orchestre national de France P. 52 jaune, pour des grévistes… – parce que c’est la comme le vers racinien. C’est la langue de l’élo- Quatuor Ebène : classique-fiction et invitées stars P. 53 couleur secrète de la Princesse de Clèves, elle dit quence et il est exclu de la dire mollement, il faut © element-s / / © element-s Paris de la musique, septième édition du festival P. 55 aimer passionnément cette couleur mais ne pas être « corseté ». C’est aussi l’expression de ce que OPéra pouvoir la porter, parce qu’elle est blonde, et que vivent les trois personnages principaux, pour qui il Antti Puuhaara, un conte musical présenté par l’ensemble Musicatreize P. 56 le jaune ne va pas aux blondes… Qu’un peuple, n’y a “pas de quartier” une fois qu’ils ont embar- Cadmus et Hermione, ouverture de saison à l’Opéra Comique P. 56 à cause d’une réflexion de son président de la qué sur le vaisseau de la passion. Une passion, Mathis le peintre d’Hindemith, nouvelle production à l’Opéra Bastille P. 56 République, se mette à porter des roses jaunes, vécue jusqu’au sublime, qui devient irrécupérable 30 nov – 26 déc 2010 Dossier / Opéra en théâtre P. 57 en l’honneur d’une héroïne littéraire du XVII° siècle, par quiconque et profondément subversive. Ateliers Berthier 17e je trouve ça magnifique. C’est un acte artistique, Propos recueillis par Agnès Santi sélection, suite… P. 46-58 de contestation poétique. RÉSERVATIONS 01 48 13 70 00 musiques : jazz / musiques du monde / chanson La Passion corsetée, extraits adaptés de La de Joël Pommerat d’après le conte populaire www.theatregerardphilipe.com Comment se passe le combat entre le cœur Princesse de Clèves de Madame de La Fayette, mise jazz et la raison dans cette œuvre ? Quelle est la en scène et interprétation Laurence Février, à partir mise en scène Joël Pommerat spectacle pour tous, à partir de 6 ans www.fnac.com - www.theatreonline.com “Présences d'esprits”, création en grand format avec Élise Caron, nature de l’amour qui saisit les protagonis- du 3 novembre du mardi au samedi à 20h, dimanche l'Ensemble Archimusic & Andy Emler MegaOctet P. 59 tes, et singulièrement la Princesse ? à 15h, au Théâtre du Lucernaire, 53 rue Notre-Dame- Portico Quartet, quatre anglais dans l’air du temps P. 60 L. F. : Quand Madame de Lafayette écrit, c’est des-Champs, 75006 Paris. Tél. 01 45 44 57 34. L’Occidentale de Fanfare, retour gagnant P. 60 Eddy Louiss, un demi-siècle de jazz multicolore P. 62 Hors-série mars/avril 2011 Le saxophoniste Pierre Bertrand s’impose en leader P. 62 Dossier festivals en bref : rencontres D’jazz de Nevers, Jazz au Fil de l’Oise, Festival Sons Neufs et Jazzycolors P. 63 Formations artistiques MUSIQUES DU MONDE Quelles formations pour quelles perspectives d’emploi ? Groove Lélé & Ernst Reijseger : rencontre du troisième type P. 64 Quelles formations pour quelle société ? AfroCubism, l’événement « world » de l’année entre Cuba et Mali P. 64 Diffusion : 100 000 ex. CHANSON Contact : 01 53 02 06 60 et [email protected] Serge Utgé-Royo chante Léo Ferré P. 66 Benoît Blue Boy, nouvel album marquant avec Freddie Roulette en invité P. 66 Sophie Hunger, icône suisse P. 67 Signalétique Fabien Bœuf, bête de scène P. 67 sélection, suite… P. 58-67 Chers amis, seules sont annotées par le sigle défini ci-contre ee critique les pièces auxquelles nous avons assisté. Mais pour que votre panorama du mois soit plus complet, ERRATUM : Le copyright de la photo de l’article sur le spectacle Tempête sous un crâne Odéon-Théâtre de l’Europe du mois dernier est Pierre Dolzani. nous ajoutons aussi des chroniques, portraits, entretiens, articles sur des manifestations que nous n’avons pas encore vues mais qui nous paraissent intéressantes. 01 44 85 40 40 • theatre-odeon.eu //// pour recevoir la terrasse par internet, envoyez un mail à : [email protected] en objet : recevoir la terrasse //// 4 / N°182 / novembre 2010 / la terrasse la terrasse / novembre 2010 / N°182 / 5 théâtre critiques critiques théâtre critique ¶ critique ¶ Chez les nôtres Le Cas de la famille Coleman Composant, à partir de différents matériaux dramaturgiques, un La compagnie argentine Timbre 4 – emmenée par son directeur, l’auteur spectacle intelligent, drôle et impeccablement scénographié, la et metteur en scène Claudio Tolcachir – nous plonge dans le quotidien THÉÂTRE NANTERRE-AMANDIERS Compagnie Moukden-théâtre impose l’insolente évidence de son talent. d’une famille foutraque et saugrenue. Entre tragique et grotesque, DU 18 NOVEMBRE un travail sur le réalisme qui déjoue les pièges de la caricature. Toute époque trouve chez ses artistes et ses gériale : les avatars historiques de la réunion révolu- AU 18 DÉCEMBRE �010 intellectuels les moyens de son élucidation mais tionnaire dessinent leur spécificité, leur originalité et Un vieux canapé en cuir, une table à repasser, du dit n’avait vraiment vocation à être approfondi. Le
rares sont ceux qui parviennent à créer les miroirs leur échec par le dialogue avec l’œuvre romanesque linge qui traîne partout, des chaises de-ci de-là, Cas de la famille Coleman nourrit en effet un théâ- TEXTE efficaces permettant une réflexion véritablement de Gorki, La Mère, qui décrit les étapes du prolétariat un buffet de grand-mère… L’idée est celle d’un tre de l’effleurement et de l’enchevêtrement. Un DARIO FO féconde. Notre société, qui a confisqué le specta- vers la conscience de classe et le renversement du intérieur désordonné, l’intérieur d’un de ces appar- théâtre concret, polyphonique, qui joue du réalisme MISE EN SCÈNE MARC PRIN culaire au point de lénifier voire d’anesthésier créa- pouvoir d’Etat à travers la figure de Pélagie Vlassova. tements trop petits dans lesquels s’entassent des sans jamais verser dans l’explicatif ou le cliché, qui teurs et penseurs, survit dans la paix apparente A ces éléments, s’en ajoutent d’autres : souvenirs de familles trop nombreuses. Ici, vivent en effet, les éclaire un entrelacs de sujets sans vraiment les trai- qu’assurent les dispositifs d’arraisonnement et leur syndicalistes retraités et d’une militante désabusée uns sur les autres, une grand-mère, sa fille, et trois ter - sujets agissant comme autant de substances répression invisible : la scène n’offre qu’exception- des années 70, textes du Comité Invisible. L’ensem- de ses petits-enfants. C’est la famille Coleman, à diffusion lente. Car, derrière les allures enjouées, nellement l’occasion d’une véritable mise en ques- ble compose un kaléidoscope d’impressions et de tion de l’aboulique aujourd’hui. Quelques miracles paroles auquel le dispositif scénique offre des fonde- ont lieu néanmoins et le travail de la Compagnie ments visuels d’une magistrale et économe limpidité. Moukden-théâtre est de ceux qui en produisent. A Entre le nouvel esprit décomplexé et régressif du cet égard, Chez les nôtres est un spectacle à voir capitalisme postmoderne, les difficultés à organiser d’urgence tant la pertinence des analyses politiques l’action de ceux qu’elle tétanise, l’amertume et les qu’il présente s’allie à une intelligence dramaturgi- désillusions, apparaissent la complexité et la diffi- que et scénographique rare. Il est de surcroît servi culté de notre époque qui ne parvient pas à inven- par une troupe de jeunes comédiens éblouissants ter le moyen critique de son propre dépassement. de justesse et d’aisance, de vérité et de précision. Dans un monde qui les dissout et les digère tous, les trois sœurs Ceux qui ne sont pas encore tout à fait morts de ne ce spectacle est un véritable événement, jubilatoire, mise en scène plus lutter dans ce « monde sans bataille » qu’est drôle, profond et pétillant : une grande bouffée d’in- devenu le nôtre, trouveront dans ce spectacle robo- telligence et de talent dont la forme est à la hauteur
Volodia Serre qa^XZcXZc&.&'* VYZa^cZ\dnZi ratif et enthousiasmant de quoi soigner l’anorexie d’exigence du fond qu’elle interroge. 4 › 2o nov 2o1o
politique et artistique du moment. Catherine Robert © Giampaolo Sama la cerisaie Le Cas de la famille Coleman, un spectacle de la compagnie argentine Timbre 4. Une insurrection Chez les nôtres, d’après La Mère, de Maxime Gorki, mise en scène Paul Desveaux esthétique et politique des paroles documentaires et des textes du Comité une famille modeste, une famille sans pères. Une facétieuses de son spectacle, Claudio Tolcachir GÉRALD CESBRON 25 nov › 11 déc 2o1o salvatrice et joyeuse Invisible ; conception, montage et dramaturgie d’Oli- famille biscornue, bancale, déstructurée, au sein tend les fils du tragique. Il le fait de manière tou- ANNE DUPUIS S’emparant de divers matériaux dramaturgiques pour vier Coulon-Jablonka et Eve Gollac ; mise en scène de laquelle – hormis la figure tutélaire qu’incarne chante et délicate, en recomposant sur scène des CÉLINE DUPUIS o1 53 o5 19 19 MILENA ESTURGIE interroger les moyens et le sens de l’action révolu- d’Olivier Coulon-Jablonka. Le 25 novembre 2010 à la grand-mère – chacun semble avoir bien du mal pans entiers de réel, en faisant émerger les ambi- GILLES OSTROWSKY ViZa^Zg\gVe]^fjZVhh^hieVg bVaiZbVgi^c athenee-theatre.com tionnaire, le Moukden-théâtre revisite la question Que 19h, les 26 et 27 novembre à 20h30 ; le 2 décembre à à trouver une façon de s’inscrire dans le monde. valences et les complexités de la vie. faire ?, posée par Lénine en 1902, et organise, en 19h, les 3 et le 4 décembre à 20h30. Forum du Blanc- Ces personnages s’agitent devant nous, à travers Manuel Piolat Soleymat WWW.NANTERRE-AMANDIERS.COM 01 46 14 70 00 un tuilage savant, les différentes réponses héritées Mesnil, 1-5, place de la Libération, 93150 Le Blanc- les événements de leur quotidien, des plus banals du xxe siècle et que nos contemporains tâchent de Mesnil. Réservations au 01 48 14 22 00. Durée : aux plus décalés, tous les dérèglements, les frot- Le Cas de la famille Coleman (La Omisión de la reprendre ou d’effacer. Cellule de la CGT, comité 1h35. Spectacle vu lors de sa création à l’échangeur tements et les échappatoires de leurs existences familia Coleman – spectacle en espagnol, surtitré d’étudiants-chercheurs, journée de formation mana- de Bagnolet. rouillées. Le cas de la famille Coleman repose ainsi en français), texte et mise en scène de Claudio sur de toutes petites choses, de petites touches Tolcachir. Du 16 octobre au 13 novembre 2010, à Le Moukden-théâtre révolutionne le plateau. d’ordinaire qui, enflammées par les discordes et 21h. Les dimanches à 15h30. Relâche les lundis et le secouées par les déséquilibres, sculptent sans en 11 novembre. Théâtre du Rond-Point, 2 bis, avenue avoir l’air la matière d’un théâtre vif et singulier. Franklin-D.-Roosevelt, 75008 Paris. Réservations au 01 44 95 98 21 et sur www.theatredurondpoint. THÉÂTRE NANTERRE-AMANDIERS Un théâtre de l’effleure- fr. Spectacle programmé dans le cadre du Festival DU 3 AU 5 ment et de l’enchevêtrement d’Automne à Paris. Durée de la représentation : 1h40. DÉCEMBRE Pourtant, les premières impressions qui se déga- En tournée du 23 au 27 novembre 2010 au Théâtre �010
gent du spectacle de Claudio Tolcachir pourraient national de Strasbourg, les 2 et 3 décembre au D’APRÈS «LES TROIS SŒURS» ET «LES PAYSANS» faire penser à quelque chose d’une comédie de Théâtre Garonne à Toulouse, du 6 au 8 décembre au D’ANTON TCHEKHOV café-théâtre. Jeu volontariste, esthétique de récu- Théâtre de la Manufacture à Nancy, les 10 et ADAPTATION ET MISE EN SCÈNE FRANK CASTORF pération, quotidienneté des dialogues… Mais, peu 11 décembre à la Scène Watteau à Nogent-sur- de Frank Wedekind à peu, un mouvement prend corps, une forme de Marne, le 18 mars 2011 au Théâtre de Cornouaille à mise en scène Stéphane Braunschweig densité se déploie. Tout va trop vite, tout passe, Quimper, les 22 et 23 mars à la Comédie de Valence.
du 4 novembre au 23 décembre 2010 © Marine Fromanger revient et s’entremêle comme si rien de ce qui était NACH
critique ¶ Ilka Schönbein et son ânon joueur de luth. MOSKAU! La Vieille et la bête NACH Ilka Schönbein installe sur le plateau de la paille, quelques pommes, la défroque d’un âne bientôt rendu à la vie et ce génie de la marionnette qui en fait l’une des meilleures praticiennes de son art. MOSKAU! À MOSCOU! À MOSCOU! C’est la mort qui met en scène ce spectacle, du dont on peut se jouer, Ilka Schönbein ose affronter KATHRIN ANGERER propre aveu d’Ilka Schönbein qui semble détenir l’irreprésentable et crée une ambiance intense où la BÄRBEL BOLLE à son propos des secrets cachés au commun des tendresse et la délicatesse parviennent à subjuguer MARGARITA BREITKREIZ
mortels… Voyante ou visionnaire, sorte de pythie les démons convoqués par ce spectacle catharti- C urto FRANCK BÜTTNER de Simon Stephens SIR HENRY malicieuse ou de chamane capable de dialoguer que, à la fois terrifiant et consolateur. MICHAEL KLOBE mise en scène Laurent Gutmann avec les esprits, Ilka Schönbein est une artiste à part © Mario del MARIA KWIATKOWSKY du 18 novembre au 18 décembre 2010 qui imagine des spectacles dont la beauté formelle Théâtre MILAN PESCHEL TRYSTAN PÜTTER et la perfection des images créées composent un des mystères et la matière, comme si elle insufflait au golem le le véritable artiste sait approcher. SILVIA RIEGER univers mystérieux où chacun projette et retrouve Une petite ballerine dont le rêve est de devenir étoile souffle de la vie en plaquant sur son front le verset Catherine Robert LARS RUDOLPH souvenirs, angoisses, rêves et fantômes. Les spec- et qui le poursuit jusqu’au bout de ses pointes et mystérieux que constitue l’histoire racontée. Théâtre MEX SCHLÜPFER BERNHARD SCHÜTZ tateurs de La Vieille et la bête sont accueillis par le de ses forces, une vieille femme agonisante jouant des métamorphoses que celui d’Ilka Schönbein, du La Vieille et la bête, d’Ilka Schönbein. Du 27 JEANETTE SPASSOVA clavier malicieux d’Alexandra Lupidi, voix d’ange et à cache-cache avec une mort matée à coups de mixte et du monstre, de la transgression des frontiè- novembre au 17 décembre 2010. Mardi et jeudi HARALD WARMBRUNN sourire sarcastique, sorte de luciférienne présence pommes, un âne fils de roi et joueur de luth amou- res et des taxons, théâtre de masques qui révèlent à 19h30 ; mercredi, vendredi et samedi à 20h30 ; WWW.NANTERRE-AMANDIERS.COM qui semble garder le temple fabuleux dont vont sur- reux d’une princesse : Ilka Schönbein pousse l’inter- plus qu’ils ne cachent : y assister participe autant dimanche à 16h. Relâches les 2 et 7 décembre. 01 46 14 70 00 gir les personnages fantasmagoriques qu’anime la prétation jusqu’à l’identification. Elle mêle son corps de l’expérience métaphysique que de la jouissance Théâtre de la Commune, 2, rue Edouard-Poisson, marionnettiste. Mort qui rôde, mort qui guette, mort à celui de sa marionnette, lui prête ses bras, ses esthétique tant ce qui s’y montre relève de ces mys- 93300 Aubervilliers. Réservations au 01 48 33 16 16. www.colline.fr - 01 44 62 52 52 invitée comme pour l’apprivoiser, mort qui joue et jambes, créant un mélange fabuleux entre l’esprit tères que la plupart craignent et évitent et que seul Spectacle vu au Grand Parquet. //// pour recevoir la terrasse par internet, envoyez un mail à : [email protected] en objet : recevoir la terrasse //// //// VOUS CHERCHEZ UN JOB éTUDIANT, éCRIVEZ-NOUS SUR [email protected] //// 6 / N°182 / novembre 2010 / la terrasse la terrasse / novembre 2010 / N°182 / 7 théâtre théâtre entretien / François Rancillac entretien / Stéphane Braunschweig Le Roi s’amuse : Une mise en jeu du corps Mélodrame « bling-bling » et de l’imaginaire Écrit par Victor Hugo en 1832, Le Roi s’amuse est une « machine de Quinze ans après avoir mis en scène Franziska de Frank Wedekind, , direction Didier Bezace guerre esthétique, morale et politique contre la restauration « pièce monstre » qui habite l’esprit du metteur en scène depuis le bourgeoise qui s’affaire à étouffer les idéaux de la Révolution début de sa carrière. Dans le rôle-titre, Chloé Réjon prend part à un Saison 2010 / 2011 de Juillet ». Le metteur en scène François Rancillac s’empare de spectacle plongeant dans « la transgression et la brutalisation du La vie à l’envers ce mélodrame en projetant la cour de François 1er dans un monde réel par le fantasme ». contemporain de miroirs et de paillettes. 10 > 13 novembre Pour quelles raisons avez-vous choisi de mettre en scène la version primitive de Lulu ? Automne Le théâtre de Victor Hugo est, de nos jours, monde de divertissement permanent est celui Stéphane Braunschweig : Parce que cette ver- assez rarement représenté sur scène. d’une jeunesse totalement désœuvrée. sion - que Frank Wedekind intitula Pandore, une En quoi Chloé Réjon s’est-elle imposée à Bach en balles Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéres- tragédie-monstre, version qui ne fut ni jouée, ni édi- vous pour incarner ce rôle ? jonglerie musicale ser au Roi s’amuse ? Face à cette jeunesse, Victor Hugo place tée de son vivant - est plus crue, moins explicative, St. Br. : C’est grâce à elle que j’ai pu concrétiser Éric Bellocq et Vincent de Lavenère François Rancillac : Lorsque j’étais étudiant, j’ai deux pères, dont Triboulet, personnage cen- eu une grande période d’hugolâtrie. Un de mes tral du Roi s’amuse. Pourquoi avoir choisi professeurs aimait beaucoup cet auteur et, sous Denis Lavant pour interpréter ce rôle ? « Lulu joue comme une enfant, son influence, j’ai exploré son œuvre de façon Fr. R. : J’ai toujours eu une très grande admira- de manière à la fois très approfondie. Parmi ses différentes pièces, j’ai tion pour Denis Lavant. Pour interpréter Triboulet, 27 novembre > 17 décembre toujours eu une tendresse particulière pour Le Roi innocente et cruelle. » s’amuse. C’est une pièce finalement assez mal Stéphane Braunschweig construite, très hétéroclite, mais qui me touche La vieille beaucoup. Le fait qu’elle creuse de façon parti- et la bête « Le Roi s’amuse est À mon père Ilka Schönbein avant tout un drame C arecchio Stéphane Braunschweig, durant les répétitions de Lulu.
de la filiation, ou E lizabeth plutôt, de l’absence © plus fulgurante que les deux pièces qui composent mon envie de mettre en scène Lulu. Car on ne peut François Rancillac de filiation. » la version ultérieure (ndlr, L’esprit de la Terre et La pas décider de monter cette pièce sans avoir trouvé Boîte de Pandore). Nous sommes donc partis de la comédienne capable d’interpréter ce rôle, j’en- culière le thème de la filiation, de la transmission, cette première version réduite de quelques coupes tends par là une comédienne pouvant dégager une établit des liens évidents avec notre actualité. et avons emprunté à la seconde quelques variantes, très forte dimension enfantine, une très grande légè- ainsi que la scène de la loge dans le théâtre qui ne reté, mais aussi une grande profondeur. Chloé Réjon Quelles sont, de votre point de vue, les prin- figurait pas dans Pandore, une tragédie-monstre. investit ces deux aspects de façon magnifique. cipales spécificités de ce théâtre ? Fr. R. : Le théâtre de Victor Hugo fait se frotter Quelle est l’histoire de Lulu ? Vers quelle forme d’interprétation avez-vous de façon très étonnante modernité et tradition. Il St. Br. : Lulu retrace la courte vie d’une femme conduit vos acteurs ? réinvestit les formes qui l’ont précédé, les pousse à qui, après avoir été abusée et prostituée lorsqu’elle St. Br. : L’écriture de Wedekind n’est ni explicative, bout jusqu’à ce qu’elles implosent. Ce procédé est était enfant, devient l’objet fantasmatique de plu- ni réaliste. Il s’agit d’une écriture pulsionnelle, qui se particulièrement clair dans la langue qu’il emploie. sieurs hommes. Des hommes assez différents, situe toujours dans le deuxième degré, qui déve- On trouve en effet des vers flamboyants, en tous mais qui ont tous pour point commun d’être atti- loppe une forme d’humour par rapport à toutes les
points respectueux des conventions classiques Andy © Parant rés, d’une façon ou d’une autre, par le côté enfan- situations, même les plus sordides. Nous avons et, subitement, on en arrive à une langue triviale, Linda Chaïb et Denis Lavant dans Le Roi s’amuse, mis tin de ce personnage. Après une première partie donc travaillé à trouver le ressort de cette pulsion haletante, totalement concassée. Victor Hugo écrit en scène par François Rancillac. qui suit un mouvement ascendant, on assiste à la humoristique, une pulsion qui, je crois, doit passer sur un monde ancien pour accoucher d’un monde déchéance progressive de Lulu, qui va finir sur le par une grande fantaisie, par une mise en jeu très nouveau. Son théâtre est un théâtre excessif, un j’avais besoin d’un comédien pouvant incarner trottoir, dans les rues de Londres. forte du corps et de l’imaginaire. >OaQOZ