Le parachutage de

A la mi-décembre 1943, les Compagnies 92-10 et 92.06 ont réceptionné un parachutage au Fort de Montgilbert. Vers le mois de juin 1943, les responsables du Détachement du Fort, Georges Christin et Félicien Aguettaz, nous avaient avisés que, connaissant bien la montagne, nous aurions à accompagner le responsable du parachutage, pour situer celui-ci. Quelques jours plus tard, Roger Neyroud arrivait à avec un gars. Nous sûmes par la suite qu'il s'agissait de Jean Blanc. Nous avions envisagé un endroit où le parachutage était possible. C'était au lieu-dit «le Loyat», un plateau marécageux où le Gelon prend sa source. Il est entouré de deux petites collines, l'une dominée par le Fort, l'autre par les Batteries Rochebrune, Sainte-Lucie et Fayotier. Ce terrain, caché de la vallée, desservi par une route et possédant de nombreuses caches aux alentours, fut immédiatement retenu par Jean Blanc. Il le situa sur une carte d'état-major et nous déclara qu'il allait faire transmettre tout cela à Londres et que des camarades viendraient nous expliquer comment préparer le terrain pour le para- chutage. Au début octobre, Roger Neyroud, accompagné du responsable de la Compagnie, Armand Hippolyte, de Claude Donzel et Dédé le Lyonnais, nous donnaient les instructions suivantes : préparer 3 feux de bois sec à intervalles de 30 à 50 mètres qu'on allumerait à l'approche du bruit du moteur de l'avion et nous munir d'une bonne lampe électrique pour nous faire reconnaître par feu clignotant. Le parachutage devait avoir lieu de nuit, à la pleine lune et le mot de passe, nous l'avons su plus tard, était : Défense de fumer même une celtique. Au début novembre, nous avons entendu le message à Radio-Londres. Mais ce message étant passé très tard, nous avons raté le parachutage. En effet, comme nous n'avions pas pu arriver à temps sur le terrain et le préparer, l'avion avait tourné pendant 20 minutes et était reparti. Nous en avions gros sur le cœur car ce chargement aurait permis d'équiper de nombreux groupes de résistants. Une nouvelle demande fut faite et cette fois, nous ne voulions pas manquer le parachutage. En effet, à l'écoute du second message, nous étions au rendez-vous. Ce soir-là, il faisait froid, mais il y avait un beau clair de lune et les hommes du maquis du Plan du Bourg, le groupe de Saint- Georges-d'Hurtières, avec son chef Pichet, étaient déjà sur place. A minuit environ, nous entendîmes un bruit de moteur d'avion. Immédiatement, l'ordre fut donné d'allumer les feux et l'on vit alors apparaître l'appareil volant à basse altitude. Il fit le tour du terrain, le prenant dans le sens de la longueur ; il lâchât quelques parachutes, puis repassa en larguant encore des bleus, des jaunes, des verts, des blancs. Que cela était beau ! Nous admirions, le cœur serré. Enfin, l'avion s'étant délesté de son chargement, il vira et repartit en tanguant d'une aile sur l'autre pour nous dire au revoir et disparut. Nous n'étions pas au bout de nos peines, malgré le renfort de nombreux camarades qui arrivaient. Il faut ajouter que, pendant deux jours, le ravitaillement des hommes était assuré par le groupe et les habitants de Montendry. Sur le matin, la neige se mit à tomber. Puis il fallut rassembler tout le matériel parachuté et l'inventorier. Il y avait des fusils, des mitrailleuses allemandes, des mortiers, des mitraillettes, des grenades défensives, du matériel explosif, du matériel sanitaire et des conserves anglaises. Un camion devait transporter tout ce matériel dans la plaine ; mais ce véhicule, conduit par François Lapierre de Châteauneuf, ne put approcher à cause des congères formées par un vent violent. Il fallut en vitesse fabriquer des sortes de luges avec des branches et transporter le matériel sur une distance de 2 kilomètres, du terrain de parachutage jusqu'au camion. Tout se passa bien et le camion fut enfin chargé. Un dépôt d'armes fut fait à Saint-Pierre-de-Soucy, dans le village des Domenges chez François Prière. Une autre partie du matériel fut amenée à dos d'hommes vers le maquis de Saint-Georges-d'Hurtières avant d'être répartie dans toute la . Un groupe fut désigné pour faire disparaître toute trace de ce parachutage sur le terrain (parachutes, conteneurs, etc.) pour ne pas éveiller l'attention de l'occupant. Raoul NEYROUD, Montendry Albert GROLLIER, Chamoux-sur-Gelon Janvier 1981