Nos monuments aux morts

Sur les places de nos villes et de nos villages, les monuments nous rappellent l’héca- tombe de 14-18 où tant de jeunes hommes furent sacrifiés.

Ces monuments ont leur histoire. Ils ont été généralement érigés grâce à des souscrip- tions publiques avec une faible participation des municipalités, et ce, même dans des grandes ville comme St Etienne. Un livre de Monique LUIRARD intitulé « la et ses morts » édités par l’université de St Etienne (paru en 1977) retrace les péripéties qui ont entouré l’édification de ces monuments.

Lors des inaugurations de deux monuments de notre canton, La Versanne et St Sau- veur, l’auteur a retenu le discours de Joseph CHALAYER, maire de La Versanne, et celui de Henri JARROSSON, conseiller général, prenant la parole à St Sauveur.

A La Versanne en 1936, le discours de Joseph CHALAYER faisait apparaître le temps et les sacrifices qu’il avait fallu à une petite commune pour réunir l’argent nécessaire.

« Les vivants qui m’écoutent pourraient croire que nous avons lieu d’être honteux du retard apporté à l’érection de ce monument: en effet, il nous a été pénible, très pénible, d’entendre parfois des étrangers à la commune constater que « La Versanne n’avait pas de monuments aux morts »; mais ces morts, nos chers morts savent que leur souvenir n’a cessé d’être présent à notre esprit, ils savent qu’ici, la douleur des mères et des épouses est resté vivace comme au premier jour; ils savent que si nous n’avons pas plus tôt consacré leur gloire sous cet as- pect tangible, c’est pour des motifs matériels et non par oubli de nos devoirs envers eux.

Grâce à de généreux dona- teurs et patiemment, sou par sou, nous avons du amasser la somme nécessaire; cette somme peut pa- raître minime à certains, mais nos cultivateurs ont dû l’arracher à la glèbe, à la sueur de leur front; Commémoration du 19 mars à La Versanne cette somme représente une quan- tité de petites privations prises sur le superflu, et aussi parfois sur le nécessaire. Aussi, la cérémonie d’aujourd’hui, si modeste, et que nous voudrions grandiose, est- elle pour nous l’accomplissement d’un long effort, l’accomplissement à force de volonté, d’un vœu irréalisable ».

En 1921 à St Sauveur, les rues étaient largement pavoisées pour l’inauguration du mo- nument en présence de Henri JARROSSON et du député TAURINES, grand mutilé de guerre (il avait perdu un bras). « des arcs de triomphe faits des arbres ou des branchages que fournit la montagne toute proche se dressent aux abords de l’agglomération et dans les rues mêmes; celles-ci d’ailleurs ne sont vraiment plus des rues, mais bien plutôt des allées de parc et tout au long d’elles, les maisons mêmes se sont couvertes de verdure. De verdure et de dra- peaux, d’oriflammes, de guirlandes aux couleurs du drapeau pour lequel sont tombés tant de braves ».

Henri JARROSSON avait élargi son dis- cours aux victimes du canton en donnant pour chaque commune le nombre de tués par rapport à celui des mobilisés, et aussi à celui des habitants en 1914. C’est là que l’on s’aperçoit qu’avant même l’exode rural et la crise du textile, la guerre avait fait une lourde saignée dans la population Le monument de St Sauveur en rue du canton.

« Mesdames, Messieurs,

Il y a 17 ans environ, c’était le premier dimanche d’octobre 1904, la commune de Saint- Sauveur en rue était en fête, fête inoubliable pour tous ceux qui l’ont vue: il s’agissait de re- mettre son drapeau à la 1.937ème section des vétérans de Terre et de Mer.

Je me souviens que le délégué du Comité de Paris terminait son discours par ces mots: « et maintenant je vous remets ce drapeau, mais n’oubliez pas que vous devez le défendre, dussiez-vous donner pour lui et votre vie et votre sang ». Paroles prophétiques, Messieurs, beaucoup plus même que s’y attendait probablement celui qui les prononçait. Et voilà que 117 enfants de Saint-Sauveur ont en effet donné et leur vie et leur sang pour leur drapeau: 117 martyrs devant qui nous nous inclinons aujourd’hui bien bas.

Mais puisque j’ai le grand honneur de représenter le canton de Bourg-Argental à l’assemblée départementale, je demande à mes vieux amis de Saint-Sauveur, la permission d’élargir un peu le cadre de cette fête, et de faire participer le canton tout entier aux hom- mages que nous voulons rendre à nos chers morts. Mon premier soin a été d’établir ce glo- rieux, mais combien triste martyrologe; vous me permettrez de vous en donner le résultat commune par commune, en y ajoutant le pourcentage de perte, par rapport au recensement de 1911.

Je commence par les communes qui ont les pertes les moins fortes:

- Thélis -la- Combe, 502 habitants, 14 morts, environ 3 %; - Saint Julien Molin Molette, 2323 habitants, 80 morts, environ 3,5 %, - Bourg-Argental, 4226 habitants, 160 morts, environ 4 %, - Colombier, 604 habitants, 22 morts, environ 4 %, - , 992 habitants, 44 morts, environ 5 %, - La Versanne, 669 habitants, 32 morts, environ 5 %, - Saint Sauveur en rue, 2153 habitants, 117 morts, environ 6 %, Enfin , la chère et héroïque commune, la plus petite, je ne dirais pas la plus vail- lante, mais la plus éprouvée: 332 habitants, 29 morts, soit 9 % de sa population totale, et pour le canton tout entier, j’arrive au chiffre de 11.000 habitants environ, et 498 morts, soit près de 5 % de sa population totale.

Ne trouvez-vous pas Messieurs, que l’on reste confondu devant des chiffres pareils. Voilà un seul canton qui a donné 500 de ses enfants, 500 de ses jeunes gens, le meilleur de sa force et de son avenir; je n’ose pas dire 500 agriculteurs, mais bien presque.

Et cette situation n’est malheureusement pas spéciale au canton de Bourg-Argental. Allez à coté, à Saint Genest, à Pélussin, allez dans les montagnes de Savoie, et de haute Sa- voie, avec cette vaillante génération des « Diables Bleus »; partout, hélas ! Vous trouvez la même proportion ».

Et Henri JARROSSON poursuivait son long discours en insistant sur le lourd tribut payé par la jeunesse de nos campagnes au cours de cette effroyable tuerie.

Parmi les monuments des environs, Monique LUIRARD signale celui de St Appoli- nard où les photo des morts pour la France figurent sous forme de médaillons émaillés.

On peut voir de semblables médaillons sur le monument de St Martin d’Estréaux, près de La Pacaudière avec un texte de présentation:

« La municipalité a voulu par la photographie, laisser aux générations futures un sou- venir vivant des soldats de la commune morts pour la France, espérant que dans l’avenir elles s’efforceront par tous les moyens d’éviter le retour de pareille calamité.

Le Maire: P.Monot »

Ce monument n’est pas signalé dans le livre. En fait, il n’a jamais été inauguré, parce qu’il comporte sur l’une de ses faces une longue proclamation pacifiste, où l’on peut lire la phrase qui faisait scandale à l’époque: « Maudite soit la guerre et ses auteurs », tout comme sur celui de Gentioux, dans la Creuse, où les militaires de La Courtine au retour de ma- nœuvres devaient détourner la tête en passant devant !

Philo BARRALON

A Bourg-Argental, le réaménagement devant l’hôtel de ville n’a pas dépla- cé le monument aux Morts.