20 Architecture & Design Le Temps l Mercredi 24 octobre 2012

Jeu d’ombres et de lumières sur l’allée qui mène à l’entrée de la maison TwinPalms, la résidence de Frank Sinatra construite en 1946 dont la piscine reprend la forme d’un piano à queue. BEAU MONDE VILLAS

OASIS Ligne, horizon

Capitale internationale du modernisme du désert, Palm Springs choie son patrimoine architectural autant que son passé hollywoodien et ses terrains de golf. Reportage sous 45 degrés. Par Catherine Cochard, de retour de Palm Springs

ai loué cette sors d’architecture moderniste. protéger. Des efforts qui ont per- nism Show – une exposition an- multiplication de boutiques vin- voiture élec- Des petits miracles du genre dont mis de créer un système de classe nuelle dédiée au modernisme – tage proposant un assortiment de trique pour les arêtes basses et l’esthétique qui désigne les bâtiments histori- avait permis de mesurer le regain meubles, bibelots et accessoires son design, pure excitent la matière grise sans ques de la ville ne pouvant être ni d’intérêt pour cette période stylis- dignes des décors de Mad Men. mais avec pour autant déranger la ligne démolis ni transformés, et devant tique. La Modernism Week a natu- Si on citait plus haut Le Cauche- l’air condi- d’horizon. lesquels on ne peut pas même se rellement vu le jour en 2006, atti- mar climatisé, ce n’était pas uni- «J’tionné, son autonomie chute à Actif au sein de la Palm Springs parquer, l’alignement de voitures rant en plein désert plus de 35000 quement pour étaler sa culture. La grande vitesse. Il faut que nous Preservation Foundation, notre disparates pouvant troubler la visiteurs lors de l’édition 2012. démocratisation de l’air condi- retournions au service de location dévoué accompagnateur «Kip» ex- beauté des lignes… «En février, la «Chaque année, d’anciennes de- tionné dans les années qui ont pour en prendre une à essence, je plique que, dès les années 90, ar- Semaine du modernisme permet meures sont rénovées, des pas- suivi la fin de la Seconde Guerre n’ai aucune envie de me retrouver chitectes et amateurs ont œuvré à aux passionnés de visiter les fleu- sionnés reprennent des motels mondiale change radicalement le en panne au milieu du désert…» la rénovation des édifices moder- rons de l’architecture «mid-cen- construits dans les années 50 et les visage du désert californien et de En plus d’être sensible aux cour- nistes et à leur reconnaissance en tury» et de sensibiliser la nouvelle rouvrent au public.» Autre symp- Palm Springs. Etendue de terre in- bes automobiles, Richard «Kip» tant qu’éléments à part entière génération d’amateurs.» Dès 2001, tôme de ce retour en force de l’es- hospitalière, la Serafin – notre guide pour la jour- d’un patrimoine culturel à le succès du Palm Springs Moder- thétique des 50’s à Palm Springs, la devient un havre de paix où fuir les née – est également un grand dé- réalités du quotidien. Ce qu’expli- fenseur des lignes architecturales que en substance Henry Miller modernistes de Palm Springs. dans son livre. «Nous étions assez étonnés que Les premiers à choisir Palm vous teniez à venir ici en plein Springs pour fuir les turpitudes été… Les mois de juillet et août urbaines sont les stars hollywoo- sont en général les moins fré- diennes qui affluent en nombre quentés.» Et les moins fréquenta- dès la fin des années 40. Frank Si- bles. En pleine journée, le thermo- natra, , Bing Crosby, mètre frise les 45 degrés. Cary Grant, Clark Gable, Frank Ca- Sous l’effet de la chaleur sèche – pra, Harpo Marx ou encore Kirk à recommander aux asthmati- Douglas font partie des pionniers. ques – l’horizon, comme le cer- A l’époque, il faut environ quatre veau, semble se dissoudre. Une heures pour rallier Palm Springs phrase du Cauchemar climatisé de depuis Los Angeles (contre deux Henry Miller se fraie malgré tout heures aujourd’hui). De quoi se- un chemin jusqu’à notre cons- mer les paparazzi les plus tenaces. cience: «Nous nous traînons d’un Tous les week-ends entre novem- pas lourd, le cerveau obtus et bre et avril, Palm Springs et les dis- l’imagination encapuchonnée, tricts qui la composent – Desert parmi des miracles que nous ne Hot Springs, Palm Desert, Cathe- discernons même plus.» On don- dral City ou encore Rancho Mirage nerait presque raison à l’écrivain. – accueillent les célébrités. Les hô- Mais à chaque coin de rue, Palm tels les plus en vogue se nomment Springs offre à admirer des tré- alors El Mirador, the Desert Inn ou J. PAUL GETTY TRUST. USED WITHPHOTOGRAPHY PERMISSION.ARCHIVE, JULIUSRESEARCH SHULMAN LIBRARY AT THE (2004.R.10) Une des icônes de Palm Springs, la Kaufmann House de Neutra photographiée par . Le Temps l Mercredi 24 octobre 2012 Architecture & Design 21

Oasis Hotel. Les visiteurs qui ne ailes de papillon. Un quartier de la trouvent pas de chambre se met- ville – Twin Palms – est du reste tent à acheter du terrain et à cons- réputé pour ses «Butterfly House» truire leur villa. Le quartier où les érigées à l’époque par l’entreprise maisons de stars sont les plus Alexander Construction Com- nombreuses se nomme alors «The pany. Servant à l’origine à récolter Movie Colony» en référence bien l’eau de pluie à l’intersection des sûr à l’industrie du cinéma. deux pans, ces toits se sont avérés Pour bâtir leurs résidences se- également intéressants d’un point condaires, les «Rich and Famous» de vue esthétique, notamment en font appel aux architectes du mo- augmentant la surface des murs ment comme John Lautner, Ri- de la maison. Plus vastes que la chard Neutra, John Porter Clark, moyenne, ces façades en baies vi- Albert Frey, E. Stewart Williams, trées coulissantes offrent une plus William F. Cody ou encore le bu- grande luminosité tout en renfor- reau Wexler and Harrison. Ces bâ- çant l’impression d’effacement tisseurs – en bons disciples de Wal- des frontières entre l’intérieur et ter Gropius, Alvar Aalto, Frank l’extérieur. Lloyd Wright, Ludwig Mies van der Cette architecture du désert

Rohe ou – se plient WALLULA J UNCTION connut un succès immédiat aux aux préceptes du modernisme Découpes, plans d’eau et plantes grasses: une combinaison typique de Palm Springs. Etats-Unis, en partie grâce à la large dont celui qui veut que la forme couverture médiatique assurée par suive la fonction. Ils s’efforcent de les magazines de décoration et ar- dessiner et de construire des mai- chitecture. A l’époque comme sons capables de satisfaire aux exi- aujourd’hui, les photos des mai- gences du désert en tant que cadre craquent facilement. On leur pré- aurait été trop coûteux et difficile tés permettent de créer des zones sons de stars font vendre. En et contexte, tout en faisant usage fère l’acier, le béton, la pierre et le à tempérer. L’autre atout d’une d’ombre. Il s’agit de contrer les feuilletant ces reportages, les lec- de matériaux innovants. L’appella- verre. Ils réalisent ces maisons maison basse au toit plat: se fon- rayons directs du soleil tout en teurs se prenaient à rêver d’hivers tion «Modernisme du désert» par avec une économie de moyens à la dre dans le paysage horizontal du conservant la luminosité. Enfin, à passés dans la vallée de Coachella, laquelle on distingue ce courant fois dans le respect du rationa- désert. A la nuit tombée, des che- l’aridité des lieux, les paysagistes à jouer au golf et à siroter des long du mouvement général est née. lisme architectural prodigué par minées extérieures permettent et architectes répondent par des drinks… Des rêves portés par l’opti- Parmi les problèmes que les ar- le modernisme mais aussi parce aux hôtes de se tenir en terrasse et jardins de cactées, des piscines et misme de l’époque et l’idée – très chitectes doivent résoudre: les im- que les futurs propriétaires n’al- au bord de leur piscine remplie des fontaines. américaine – qu’ils pouvaient deve- portants écarts de température louent pas des sommes folles à ces d’eau salée, une habitude califor- Autre élément architectural ty- nir réalité. Si, aujourd’hui, la mar- entre les journées et les nuits, la résidences secondaires utilisées nienne. Les parois vitrées et cou- pique de Palm Springs et du mo- che du monde prête plus à la pru- lumière intense du soleil et l’ex- uniquement pendant les mois lissantes offrent une modularité dernisme: les «Butterfly Houses» dence qu’à l’euphorie, Palm trême sécheresse. On évite d’utili- d’hiver. nouvelle pour l’époque et mettent dont le toit se constitue de deux Springs et ses constructions 50’s, ser comme matériau le bois à l’ex- Si l’air conditionné maintient au goût du jour un art de vivre qui parties légèrement inclinées qui mettant en scène les reliefs des térieur – en raison de sa tendance les intérieurs climatisés, il impose abolit les frontières entre l’inté- se rejoignent. Devenu une des ca- montagnes et leurs nuances allant à gonfler rapidement, se contrac- aux constructions une taille relati- rieur et l’extérieur. Les découpes ractéristiques de l’esthétique des du beige au chocolat, réveillent les ter ou se désintégrer – même vement modeste et un plain-pied; en biais, les claires-voies et les maisons «mid-century», le profil envies des citadins en manque de chose pour le stuc ou le plâtre, qui un volume sur plusieurs étages toits qui se prolongent sur les cô- de ces habitations fait penser à des grands espaces. C’est bon de rêver.



LES TOITS DU LAVAUX

VILLAS À VENDRE:Sept villas de prestige de 225 à 320m2 respectant le label de qualité HWSHUIRUPDQFH0,1(5*,(HWMRXLVVDQWG·XQH PDJQLÀTXHYXHVXUOHODF/pPDQ,GpDOHPHQW placées à Saint-Légier, sur les hauts de Vevey entre Montreux et Lausanne, à quelques PLQXWHVGHO·DXWRURXWHjPRLQVG·XQHKHXUH GHO·DpURSRUWGH*HQqYHHWSURFKHGHVpFROHV LQWHUQDWLRQDOHVHWGHWRXWHVOHVFRPPRGLWpV

­SDUWLUGH··&+)

VILLAS FOR SALE:Seven prestigious villas between 225 and 320m2EXLOWWR0,1(5*,(·V highest quality and sustainability standards DQGRIIHULQJDQDPD]LQJYLHZRQ/DNH*HQHYD Ideally situated in Saint-Légier, above Vevey and between Montreux and Lausanne, just minutes from the motorway, less than one hour to airport and close to international VFKRROVDQGWRDOODPHQLWLHV

6WDUWLQJIURP··&+)

 (numéro gratuit - toll free number)

LQIR#UDLQIRUGFKZZZUDLQIRUGFK 22 Architecture & Design Le Temps l Mercredi 24 octobre 2012

Des maisons et des hommes

Des stars, leurs caprices, leurs résidences secondaires au milieu du désert et les architectes qui les ont construites. Haltes choisies à Palm Springs. Par Catherine Cochard

L’Hôtel Horizon

Comme le Del Marcos, cet hôtel de 1952 est dû à William F. Cody. Rénové il y a peu de temps, il se distingue de l’autre bâtiment par la sobriété radi- cale de ses lignes. Rien, absolument rien ne vient troubler l’union de son architecture moderniste avec le paysage alentour. Doté d’une piscine cen- trale, l’hôtel fut le pied-à-terre dans les années 50 de Marilyn Monroe. Composé de 22 chambres, l’Hori- zon n’accepte pas de clients de moins de 21 ans et encore moins d’enfants. «The Residence», la suite grand luxe, possède ses propres piscine et patio, une surface généreuse et surtout un «sunken bar», le hit des 50’s, soit un bar dans lequel le barman descend grâce à deux marches, de façon à avoir les yeux à la même hauteur que ceux des convives assis derrière le comptoir. La classe. Arthur Elrod WWW.HOTELLAUTNER.COM House Le salon très cosy, la terrasse privative et le jardin de cactées de l’une des quatre unités qui composent l’Hotel Lautner.

Dans les années 60 à Palm Springs, Arthur Elrod était surnommé le roi du design. Son studio de décoration se chargeait de l’esthétique des plus bel- L’Orbit In et les résidences et hôtels du pays. L’une de ses plus étonnantes réalisations consiste très certainement en sa maison de Palm Springs pour laquelle il s’offrit L’Hôtel le Hideaway les services de l’architecte-star John Lautner. Œuvre spectaculaire, la Elrod House (1968) – avec son dôme et ses ouvertures zénitales, ses rochers péné- Lautner Récemment rouvert après une phase de rénovation, trant dans la maison, son rideau de verre panorami- ce charmant hôtel propose 18 chambres réparties que s’ouvrant sur une piscine intérieure-extérieure dans deux espaces différents mais attenants (Orbit In – a été popularisée par le film de James Bond S’il ne fallait en garder qu’un, ce et Hideaway). Situé dans un des premiers quartiers Les Diamants sont éternels, dont certaines scènes y serait sûrement celui-ci. Construit de Palm Springs – le Historic Tennis Club District – ont été tournées. en 1947 par John Lautner et rou- l’adresse a vu passer de nombreuses stars et notam- vert fin 2011 après rénovation, cet ment Winston Churchill, Albert Einstein, Charlie hôtel de seulement quatre cham- Chaplin et Doris Day. Accueil ultra-chaleureux, pis- bres individuelles est situé dans cine centrale et bar en forme de boomerang cerné de un quartier très peu fréquenté de brumisateurs, l’idéal pour siroter des long drinks Desert Hot Springs. Les chambres toute la journée, du Sinatra dans les oreilles… ont été décorées avec soin de fa- çon à ce que les hôtes se sentent comme à la maison. Chacune pos- sède son jardin privatif de cactus, sa kitchenette-bar et des pièces de Le Del Marcos mobilier 50’s signées Harry Ber- toia ou Warren Platner. Au-dessus des lits, une ouverture permet de Hotel s’endormir en regardant les étoi- les. Ce complexe d’exception – dont les unités peuvent être Dessiné en 1947 par William F. Cody, cet hôtel, cons- louées individuellement ou tou- truit sur deux étages qui entourent une piscine, offre tes ensemble, comme une maison une vue imprenable sur les montagnes de San Ja- de vacances – dispose d’une pis- cinto. On accède du reste au sommet en empruntant cine d’eau salée, d’une douche et le plus grand téléphérique rotatif du monde, le fa- d’un salon extérieurs agrémenté meux Palm Springs Aerial Tramway de fabrication d’un brasero. suisse. Là-haut, le visiteur profite du panorama sur toute la vallée de Coachella, de la vue sur la faille de San Andreas, de neige en hiver et d’une température

BEAU MONDE VILLAS d’environ 25 degrés en juillet et en août. Mention L’intérieur de la villa de Frank Sinatra. A côté de la piscine, les troncs des palmiers jumeaux spéciale à la suite Errol Flynn, sa kitchenette an- qui donnent à la résidence son nom, TwinPalms. nées50, sa terrasse privative et son mobilier chic. Le Temps l Mercredi 24 octobre 2012 Architecture & Design 23

Edgar J. Frank Kaufmann Sinatra House House

Businessman et philanthrope, Ed- Un jour du mois de juillet 1946, gar J. Kaufmann était aussi connu Frank Sinatra débarque dans le pour son amour de l’architecture bureau d’architecte E. Stewart moderniste américaine. Après Williams à Palm Springs et expli- s’être offert les services de Frank que qu’il veut emménager dans sa Lloyd Wright, qui lui dessine la nouvelle maison d’ici à Noël. Les célèbre «Fallingwater» en 1934 en architectes n’ont que trois mois Pennsylvanie, il mandate Richard pour dessiner et construire la rési- Neutra pour un autre pied-à-terre dence de la star… Le crooner – qui dans le désert de Palm Springs. La vient de gagner son premier mil- Kaufmann House (1946) est faite lion – veut quelque chose de d’acier et de béton mais ne se fond grand, une demeure de style géor- pas dans le paysage aride. Bien au gien avec une façade en briques contraire: l’architecte la conçoit rouges, des colonnes et des balus- comme «un bateau au milieu du trades. Les architectes lui dessi- désert». Composée de cinq pièces nent une maison selon ses désirs et autant de salles de bains, la mai- mais lui en suggèrent une autre de son possède des parois en verre type moderniste que Sinatra fi- coulissantes qui agrandissent la nira par choisir. Surnommée Twin

surface de vie intérieure sur l’exté- STEVE KING Palms en raison des palmiers ju- rieur. Des rangées d’ailettes verti- L’entrée de l’hôtel Horizon. Dessinées par William F. Cody, ses lignes épurées semblent se fondre dans le paysage meaux qui la surplombent, la cales et mobiles protègent la mai- du désert. maison possède une piscine en sonnée des tempêtes de sable et forme de piano à queue, dont les de la chaleur intense. touches noires apparaissent à la nuit tombée par le jeu des lumiè- Raymond Loewy House res immergées.

Dans son livre La Laideur se vend mal, le designer dans le paysage. Quatre gros rochers partiellement franco-américain explique comment il est tombé submergés esquissent le contour de la piscine, une amoureux de Palm Springs et a trouvé l’endroit idéal invention de Loewy. Lors de la pendaison de cré- pour sa future maison en se promenant dans le dé- maillère en 1946, l’acteur William Powell tomba tout sert. Il demande alors au Suisse Albert Frey d’imagi- habillé dans le bassin. Pour éviter qu’il ne se sente ner les contours de sa résidence, insérant dans le mal à l’aise, le chanteur Tony Martin sauta lui aussi projet ses propres idées. Le profil bas de la construc- dans l’eau. En hôte irréprochable, Raymond Loewy tion, sa teinte, tout est pensé pour qu’elle se fonde les rejoignit.



LA CÉRAMIQUE FAIT Les carrelages et parquets sont indispensables pour faire d’un espace le chez-soi dans lequel on se sent bien. En tant que spécialistes pour les revêtements en D’UN LIEU UNE céramique, en pierre naturelle et en bois, nous offrons tout ce qui peut embellir HABITATION DE RÊVE. l’habitation. Nous nous ferons un plaisir de vous conseiller également sur des questions de design et de style. Visitez donc l’une de nos expositions : www.hgc.ch