NOSTRE VILATGE Revue culturelle du patrimoine viviérois

La peste à Viviers Souvenirs de jeunesse

La Guerre 14 - 18

N°14 Année 2014/2015

Cette revue n’existe que parce que certaines

personnes passent quelques heures à rassembler avec patience toutes les pièces du puzzle que constitue l’histoire de Viviers lès Montagnes. Qu’ils en soient remerciés.

Depuis la revue numéro 1, ce sont quelques 600 pages qui ont été écrites !

Encore un petit mot pour susciter de nouvelles vocations qui seront les bienvenues.

Sommaire de la revue N°14

Editorial 1

Cela s’est passé cette année 2 à 8

Entretien - Rénovation - Embellissement 9 à 11

Patrimoine botanique 12

Souvenirs 13 à 21 38 à 39

Les gens d’ici 22 à 27

Guerre 14 - 18 28 à 30

Vieilles pierres 31 à 32

Histoire de Viviers 33 à 37

ÉDITORIAL

uel plaisir d’écrire l’éditorial de cette revue n° 14.

Q Quel plaisir, l’année 2014 a été très fertile pour l’association Nostre Vilatge, grâce au dévouement de toutes les personnes qui se sont investies dans les actions qui ont été menées. Je leur adresse tous mes remerciements, grâce à vous tous Nostre Vilatge tient avec honneur son rôle dans l’animation et la vie de Viviers.

La randonnée botanique est un moment privilégié pour les amoureux de la nature, Mr Philippe DURAND a toujours du plaisir à partager ses connaissances.

La restauration du chemin de croix touche à sa fin et la soirée du 5 juillet par l’animation de la nuit des églises a permis de remercier les bénévoles.

Le traditionnel repas de la Saint Roch, il a fallu un peu d’audace mais quel plaisir de se retrouver sur la place du village au milieu des convives. Merci aux jeunes serveurs et à l’équipe CHANDO traiteur de Lempaut.

La procession de Saint Roch dans les rue du village a toujours autant de succès, c’est un moment privilégié où la tradition et la fête sont en parfaite union.

Les journées du patrimoine, tous ceux qui sont venus un peu par curiosité en sont repartis ravis de ce qu’ils ont découverts, appris sur l’histoire du village qu’ils habitent.

La visite du vieil commentée par Mr DE VIVIES Bertrand a été l’occasion de passer une super journée de convivialité et de découverte. Quel plaisir de faire partager le goût du patrimoine à nos jeunes, ils sont le Viviers de demain.

L’exposition de la guerre 14-18 en collaboration avec la bibliothèque, l’école et les anciens combattants. La conférence de Mr PIOCHE sur la vie des poilus dans les tranchées nous a replongés sur cette période très difficile que nos ancêtres ont vécuez.

Cette revue n° 14, j’en suis sûr vous fera passer un agréable moment de lecture, vous révèlera pleins de souvenirs ou de découvertes, merci de lui accorder votre soutien.

Ayons confiance à l’avenir, il reste encore beaucoup à faire, au nom de Nostre Vilatge je vous présente les meilleurs vœux pour 2015.

Le président Jacques Montagné

NOSTRE VILATGE – revue n°14 – année 2014/2015

1 Cela s’est passé cette année Martine CASAMIAN

Journée entretien du patrimoine

Comme chaque année, c’est le premier week- end de septembre qu’une quinzaine de bénévoles toujours fidèles s’est retrouvée à l’église de Viviers pour une journée de grand ménage !

Le temps clément nous a permis de nettoyer durant la matinée la grotte de l’Immaculée Conception, fort bien entretenue au quotidien par la famille Sacaze, mais qui se voyait envahie par la mousse et le lierre dont nous avons eu raison à grand renfort de nettoyeur à haute pression, sécateurs et grande échelle sur laquelle nous avons su vivre dangereusement !! Mais sereins sous l’œil bienveillant de la Sainte Vierge.

Le panneau d’affichage situé à droite sous le porche de l’église a lui aussi bénéficié d’un bon nettoyage de même que le support des statues représentant le baptême de Jésus, l’intérieur des confessionnaux et le porte-bougies de la chapelle de la Vierge.

Midi sonne et la faim se fait sentir !! nous installons tables et chaises derrière l’église pour nous régaler du repas porté tout chaud par Nicole Montagné : un très agréable moment de convivialité auquel l’Abbé Gau s’est joint pour nous encourager !

L’après midi, nous nous sommes « attaqués » aux salles de catéchisme qui avaient été le théâtre de la restauration du chemin de croix, ce qui avait laissé des traces !!!! balayer, laver, frotter, ranger, remettre bancs et tables en bonne place : tout est fin prêt pour une nouvelle année de caté ! Une belle surprise nous attendait au détour d’un placard des plus humides : un magnifique devant d’autel brodé d’or à l’effigie de notre bon Saint Roch, roulé dans du papier mais quelque peu moisi et déchiré. Religieusement nettoyé et raccommodé par mes soins il a retrouvé sa place d’honneur pour le plus grand plaisir des yeux, et n’était ce pas un clin d’œil de ce Saint vénéré depuis toujours par les Viviérois ????

Puis nous terminions par le nettoyage du fond de l’église et son réaménagement de façon à mettre en valeur les deux panneaux récemment réalisés, expliquant les restaurations des peintures du chœur et du chemin de croix.

Ce fût encore et toujours une très bonne journée placée sous le signe de l’amitié et de la convivialité et surtout n’hésitez pas à nous rejoindre le premier dimanche de septembre 2015 à 10h devant l’église, nous y serons !!!! il y a encore tant à faire…

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2 Cela s’est passé cette année Bruno et Angélique OULMIERE Conférence de M. Pioche

e 14 novembre dernier, à l’occasion du centenaire de la Grande Guerre, François Pioche (professeur L d'histoire retraité) a donné une conférence sur le thème de la vie dans les tranchées.

Il s'est particulièrement centré sur la vie du grand- père de son épouse, Alfred Roumiguières, instituteur à Sorèze.

Alfred est né en 1887 à Saint-Martin-Laguépie dans le , il obtient son certificat d'étude à 12 ans. Puis, tout en travaillant à la ferme familiale, il prépare, avec l'aide de son ancien instituteur, le concours d'entrée à l’École Normale d'Albi où il sera admis en 1903. Entre le 18 octobre 1905 et le 17 octobre 1906, il effectue son service militaire qu'il terminera avec le grade de sergent. En 1907, il obtient un poste d'instituteur à Sorèze. En 1910, il se marie avec Rosalie Astruc, institutrice également avec qui il aura deux enfants (1911 et 1913).

Le 2 août 1914, dès l'ordre de mobilisation, Alfred rejoint le 343ème régiment d'infanterie de Carcassonne et prend le commandement d'une demi-section en route pour Les Vosges.

C'est à travers les nombreuses lettres (près de 1600) écrites à sa femme et à ses enfants que M. Pioche nous a fait découvrir sa vie dans les tranchées.

Alfred y détaille, au jour le jour, la vie sur le front. Pour lui, comme pour les autres poilus, la distribution du courrier était un moment très important de la journée car c'était le seul moyen d'avoir des nouvelles de sa famille et d'en donner en retour : lettre du 11 septembre 1914 : « Ma Rosa, … Ecris-moi plus longuement si tu peux. Songe que ce n’est que par les lettres que je peux encore vivre un peu votre vie. » ou encore la lettre du 9 janvier 1915 : « Ma Rosa, … pendant que j’écrivais, on a porté les lettres. Il n’y a rien pour moi. Voilà le seul plaisir qui me reste dans la tranchée qui m’échappe pour ce soir encore… »

Au début, c'est l'enthousiasme, comme le montre la lettre du 04 août 1914 écrite depuis Carcassonne : « Ma Rosa, …. On n’entend que des chants patriotiques et des cris « A Berlin ! A Berlin ! » ou celle du 05 août : « On dit que l’Angleterre a déclaré la guerre à l’Allemagne. La guerre en ce cas sera menée rondement, ce que beaucoup de militaires regrettent parce qu’ils ne pourront pas aller au feu ». Mais, au fur et à mesure que les jours passent, les soldats commencent à s’inquiéter ne serait-ce que pour les travaux des champs qu’ils ne pourront faire.

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3 Cela s’est passé cette année Bruno et Angélique OULMIERE

Après, il faut faire face à la réalité du front et à la vie dans les tranchées avec le manque d'hygiène, la présence de poux, la chaleur, la boue ou le froid selon les saisons et puis les combats, les tirs de balles, le fracas des bombes : lettre du 17 août 1914 : « … Mercredi dernier, j’ai reçu le baptême du feu. Ça a été affreux ». Les combats sont bien là : lettre du 24 septembre 1914 : « … Je suis bombardé en allant installer la cuisinière. Des coups de feu le matin. Le soir, violente canonnade… Vers 3 heures, la fusillade commence » ; lettre du 25 septembre 1914 : « Les Boches peuvent approcher à 20 m sans être vus. Bombardement du village. Pauvre blessé fuit les obus en courant, c’est affreux ! A trois heures après violente canonnade, nous montons à l’assaut. … Grand moment d’arrêt sous le feu des mitrailleuses… »

On peut noter également que plus cette guerre s’éternise, plus Alfred est précis dans la description de l’horreur des combats comme s’il ressentait le besoin d’exorciser et de partager la violence de son quotidien..

Enfin, il y a la perte des amis ou membres de sa famille tombés sous les tirs ennemis (son frère Irénée est tué le 9 juillet 1915). Lettre du 12 juillet 1915 : « Ma Rosa, Aujourd’hui, je ne serai pas long. Je suis très inquiet. Hier soir, j’ai appris que mon frère avait été grièvement blessé dans la tranchée par une bombe allemande. Il a été atteint au côté droit tandis que deux de ses camarades étaient bless tués. » Puis la lettre du 13 juillet : « Ma Rosa, Hier je t’ai dit que mon frère avait été grièvement blessé. Aujourd’hui, il ne me reste plus qu’à te dire toute la vérité : mon frère est mort. ».

Nommé adjudant le 14 octobre 1915, il sera blessé quelques jours après par l'éclatement accidentel d'une grenade française et soigné à l’hôpital de campagne de Bruyères puis à Marseille.

En janvier 1916, il est instructeur à Carcassonne et en octobre 1916, il est affecté au 15ème régiment d’infanterie comme instructeur des recrues sur le front en Haute Marne. Il revient en ligne en mars 1918 au 26ème régiment d'infanterie et parcourt le front de Montdidier à Dunkerque.

C'est à Loon, près de Dunkerque, qu'il apprend la signature de l'Armistice.

Alfred sera démobilisé en février 1919 et reprendra son activité d'instituteur, avec son épouse, à jusqu'à leur retraite. Ils auront un troisième enfant (René, 1923).

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4 Cela s’est passé cette année Jean-Baptiste LOUP

Les Viviérois dans la capitale Albigeoise

u cloître Saint Salvy à la Cathédrale Sainte Cécile, la ville d’Albi s’est D révélée sous son meilleur jour à un petit groupe de Viviérois dans une visite unique. D’abord le souhait du président de l’association « Nostre Vilatge », Jacques Montagné, de faire découvrir cette belle ville mais aussi un moyen de remercier les nombreux et jeunes bénévoles venus donner de leur temps pour le service du repas de la fête du village le 15 août dernier.

Sillonnant les rues pavées du vieil Albi, c’est un guide d’exception qui ouvre la marche : Bertrand de Vivies. On le sait très attaché à l’histoire de son département et il a pris place de bon cœur dans cette aventure, transmettant aux plus jeunes comme aux plus vieux l’histoire de cette ville plusieurs fois centenaires. Contant les petites histoires qui se chuchotent au recoin d’une rue, l’histoire du grand navigateur De Lapérouse ou les chefs d’œuvres du peintre Toulouse-.

Le groupe a ensuite pris part à une visite commentée de la cathédrale Sainte Cécile. Leur guide faisant partager sa passion pour l’histoire à travers des récits fascinants. Art et religion sont les maîtres mots de cette découverte qui a su prendre de la hauteur sous les voûtes majestueuses de la cathédrale. Le cœur des chanoines nous a ouvert ses portes à la rencontre des saints et prophètes ornant cette magnifique œuvre sculptée.

Chacun s’en est allé sur sa route, les yeux pleins de merveilles et la tête remplie de souvenirs.

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5 Cela s’est passé cette année Promenade botanique

lle a eu lieu le samedi 24 mai sur un nouveau parcours en boucle passant par Boyer et Molinier dans le E secteur de la Sabartarié. Une trentaine de personnes dont quelques enfants très intéressés ont suivi le précieux guide, Monsieur Durand.

Tous attentifs pour apprendre les secrets du monde végétal et animal, avec les insectes et observer la biodiversité qui nous entoure.

Je voudrais remercier à nouveau Monsieur Durand, Président de la Société Tarnaise de Sciences Naturelles, pour sa disponibilité (malgré son calendrier chargé), ses informations et son talent de conteur. Il nous aide dans la protection de notre patrimoine naturel : « on protège ce que l’on connait » dit-il.

Je vous invite à la promenade 2015, dont la date est fixée au 30 mai 2015.

Repas de la fête

e repas de la fête du village a eu lieu le 15 août sur la place du village, malgré les nombreuses hésitations L dues aux caprices du temps de ce mois d’août dernier.

Ce fut, encore une fois, une belle réussite qui a su mobiliser toute l’énergie et la bonne humeur de notre jeunesse. Notre, maintenant traditionnel, traiteur nous a régalés de son bouillon et de sa poule au pot.

Encore un grand merci à toutes les personnes qui ont œuvré toute la journée du 15 pour faire de ce jour un grand succès.

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6 Cela s’est passé cette année

Nicole BOURDIL

La nuit des églises

e samedi 5 Juillet 2014 , une cinquantaine de personnes ont poussé les portes de l’église de Viviers-lès- Montagnes, restées L ouvertes de 20h à minuit, s’associant pour la première fois à « la nuit des églises », évènement national initié par l’Eglise de en 2011.

Notre église ayant bénéficié de deux restaurations majeures ces derniers mois, il nous est apparu opportun d’ouvrir à un large public les œuvres terminées.

Jacques Montagné a expliqué le déroulement de l’énorme chantier de restauration des peintures situées au plafond du chœur.

Martine Casamian a expliqué la mise en œuvre et le déroulement de la restauration du chemin de croix par une dizaine de bénévoles du village autour d’une professionnelle.

Pour fixer dans les mémoires ces travaux de conservation du patrimoine religieux, deux panneaux récapitulatifs ont été réalisés et placés à demeure au fond de l’église, afin que vous puissiez les voir ou les revoir.

Nous avons distribué des bougies à l’effigie de la « nuit des églises » et récité tous ensemble la prière éditée tout spécialement pour cet évènement par la revue culturelle Narthex.

La soirée s’est poursuivie par une libre circulation dans l’église et un libre-échange entre les personnes.

Voici quelques témoignages sur le ressenti général de cette soirée :

-« tous les bénévoles et les personnes qui s’occupent de la restauration nous ont fait partager leur passion pour leur église et ont suscité beaucoup d’intérêt parmi le public …

… Une belle soirée, un public conquis, des bénévoles enthousiastes, bref, des soirées comme on espère en vivre beaucoup, et qui restera inoubliable… » (Christine et Maria )

-« quelle belle idée de nous faire découvrir nos églises autrement, dans le calme du soir, empreint de sérénité et de fraternité avec l’Art en toile de fond » ( Aline.)

En tant qu’organisateurs, nous avons reçu cent fois plus que nous n’avons donné. Un moment d’échange privilégié avec les uns et les autres, un temps de prière profond et émouvant.

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7 Cela s’est passé cette année

Martine CASAMIAN

Notre chemin de croix a fait peau neuve ou un magnifique élan de solidarité

omme nous vous l’avions annoncé dans le précédent numéro de la revue, le chemin de croix de l’ église de Viviers , à l’initiative de l’association « Nostre Vilatge » , a fait l’objet d’une restauration du mois de C décembre 2013 au mois d’avril 2014 .

Elle a été réalisée sous la responsabilité artistique de Madame Sandra Daviès , restauratrice agréée, avec la participation de bénévoles du village :Aussenac Geneviève, Bardou Claudine, Batut Odile, Cathala Annette, Cathala Eliette, Cathala Pierre, Coeuret Jean-Louis, Manero Catherine, Martinel Fabienne, Négrier Rose -Marie, Oulmiére Angélique, Rajol Marie-Louise, Rey Elisabeth, Sacaze Maryse, De Viviés Isabelle. Les stations ont été descendues deux par deux et installées sur des tables dans les salles de catéchismes situées derrière le chœur grâce à la vigoureuse musculature de Messieurs Batut Michel, Cathala Frédéric, Loup Didier, Montagné Jacques, Sacaze Denis.

J’ai assuré au mieux la mise en place et le suivi du planning des différentes équipes constituées de 4 à 6 bénévoles. Le protocole de restauration s’est déroulé en plusieurs étapes renouvelées pour chaque station :

- phase de dépoussiérage au pinceau et par aspiration sur les deux faces.

- phase de nettoyage avec un mélange white spirit +acétone afin de dégager la couche de salissure grise et collante constituée de suie et de poussière sur les deux faces. Tous les renforts métalliques ainsi que les anneaux de fixations ont été traités au Rustol.

- phase de consolidation générale par application au pinceau d’un silicate d’éthyle sur la face puis sur le revers. Les fissures ont été consolidées ou rebouchées selon leur importance et les anneaux d’accrochage consolidés à la résine époxy.

- phase de restauration de la peinture du décor central à l’aide de colle de poisson pour la fixation des écailles de peinture avant nettoyage puis retouche éventuelle de peinture sur les parties manquantes.

- phase de vernissage non prévue au départ mais devenue nécessaire pour absorber une cristallisation de surface issue des produits de nettoyage et de consolidation sous l’action du froid.

Un câble de fixation neuf a été mis en place derrière chaque station ainsi qu’une plaque de Plastazote pour isoler du mur souvent humide. La première station tombée étant en très, très mauvais état n’a pas pu bénéficier de ce plan de restauration. Elle a été mise entre les mains expertes de Fabienne Martinel qui a restauré le motif central, de Messieurs Amalvy André et Ada Jean-Philippe qui ont fait un cadre en bois. Dans les mois à venir nous terminerons par les différentes phases susdites.

Je vous encourage à venir admirer dès à présent, si cela n’est pas déjà fait, le superbe résultat de cette magnifique collaboration toute teintée de disponibilité, d’application, de gentillesse, d’amitié : un élan du cœur pour la sauvegarde du patrimoine de notre village, une expérience si riche que je ne suis pas prête à oublier et même tout à fait prête à renouveler ! Car il y a encore tant de chose à faire……

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8 Entretien-Rénovation-Embellissement

Jean-Louis COEURET A propos de la restauration du chemin de croix de l’église Saint Martin de Viviers-lès-Montagnes

u cours du premier trimestre de cette année, des membres de l’association « Nostre village » ont entrepris et mené à bien la restauration du chemin de A croix de l’église de Viviers-les-Montagnes.Ces tableaux étaient en mauvais état et deux d’entre eux étaient partiellement détruits suite à une chute causée par la rupture de leurs fixations.

La rénovation a donc consisté à dépoussiérer, nettoyer, consolider et reboucher les manques de matière, et enfin vernir ces tableaux. Un isolant a été placé au dos pour protéger de l’humidité et les câbles de fixations ont été remplacés avant leur accrochage aux murs.

Ces tableaux en « haut relief » représentent « les quatorze stations » qui relatent la Passion de Jésus Christ, allant de son arrestation par les soldats romains jusqu’à sa crucifixion et sa mort sur le mont Golgotha. Station I

Pour rappel, les quatorze stations sont les suivantes selon la forme traditionnelle :

1. Jésus est condamné à être crucifié 2. Jésus est chargé de sa croix 3. Jésus tombe pour la première fois sous le poids de la croix 4. Jésus rencontre sa mère 5. Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa croix 6. Sainte Véronique essuie le visage de Jésus 7. Jésus tombe pour la deuxième fois 8. Jésus rencontre les femmes de Jérusalem qui pleurent 9. Jésus tombe pour la troisième fois 10. Jésus est dépouillé de ses vêtements 11. Jésus est cloué sur la croix 12. Jésus meurt sur la croix. 13. Jésus est détaché de la croix et son corps est remis à sa mère 14. Le corps de Jésus est mis au tombeau Station VI

Le nombre de stations a longtemps été variable, il est fixé à 14 depuis le XVIIIe siècle.

Depuis la paix de Constantin en 313, les foules de chrétiens ont voulu, chaque année, se trouver à Jérusalem lors de la semaine de la Passion du Christ et refaire le chemin que celui-ci avait parcouru les jours qui ont précédé sa mort. La mort et la résurrection du Christ ont fondé la naissance de l’Eglise à la Pentecôte.

Les franciscains imaginèrent et diffusèrent aux XIVème et XVème siècle, la pratique du chemin de la croix. Gardiens des lieux saints depuis le XIVème siècle, en vertu d’un accord passé avec les Turcs, ils dirigeaient à Jérusalem les exercices spirituels des pèlerins sur la Via Dolorosa suivie par le Christ et allant au tribunal de Pilate, au bas de la ville, jusqu’au Golgotha, le Calvaire,

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9 Entretien-Rénovation-Embellissement

Jean-Louis COEURET

à son sommet. Ils eurent l’idée de transposer cette forme de méditation sur la Passion à l’ensemble des fidèles et ainsi de permettre aux pauvres et à ceux qui ne pouvaient se rendre en Terre Sainte d’accomplir la même démarche que les pèlerins. Pour ce faire, ils disposaient en plein air ou dans les églises, de séries d’évocation (tableaux, statues, croix…), des scènes marquantes de l’itinéraire du Christ vers le calvaire et ils faisaient prier et méditer les fidèles à chacune de ces étapes ou « stations ». Le nombre de celles-ci varia jusqu’au XVIIIème siècle au cours duquel elles furent fixées à 14 par les papes Benoît XII et Clément XIV.

Cette dévotion prend son essor dans le courant du XIX siècle après que le pape Benoit IV en ait demandé le développement en 1792. En 1863 par le « Traité du chemin de croix » de Mgr. Xavier Barbier de Montaut un modèle est fixé qui inspirera les catalogues de la maison Giscard

Mais aujourd’hui, comme à Lourdes, par exemple, on ajoute parfois une 15ème station, celle du tombeau vide qui relie ainsi, au final, toutes les stations à la résurrection.

Plus tard on verra aussi une station plus singulière représentant le Christ en croix et un ange regardant vers un « poilu de 14-18 » allongé au sol. Lors des grandes restaurations des églises que connurent les différentes régions de France au XIX siècle, du second empire jusqu’au début XX siècle, nombreuses furent celles qui, pour embellir leur décoration, acquirent des statues et aussi ces chemin de croix que permettaient les nouvelles techniques de modelage en grande série. Ces statues les plus connues sont la Vierge de Notre Dame de Lourdes, le Sacré Cœur de Jésus, Jeanne d’Arc, Sainte Thérèse de Lisieux, Saint Michel terrassant le démon, le Saint curé d’Ars, Saint Antoine de Padoue à l’Enfant Jésus, etc. Cette forme d’art est dite « sulpicienne » car ces objets étaient souvent vendus dans des boutiques d’art religieux situées dans le quartier de l’église Saint Sulpice à Paris.

Ces œuvres ou « mobilier » étaient fabriquées en séries par les ateliers Virebent, Giscard, Monna, Auriac, ou Prat à Toulouse, et commandées sur catalogues. Ces productions étaient vendues dans toute la France et même à l’étranger. En prenant pour exemple la commande passée en 1897 par le fameux abbé Saunière de Rennes-le- Château dans l’Aude, au prix de 800 F de l’époque, (comme en témoignent les livres de comptes des ateliers Giscard à Toulouse); le prix d’un tel chemin de croix équivalait environ au salaire annuel d’un ouvrier. Ces achats étaient souvent assurés par des fonds publics et des dons privés.

Chaque station était constituée de différents éléments en argile cuite, assemblés sur une ossature métallique et partiellement renforcée de grosse toile. Ensuite, la mise en couleur par peinture rehaussée de dorure était plus particulièrement confiée aux ouvrières de ces ateliers.

Le chemin de croix de notre église de Viviers-lès- Montagnes n’étant pas signé et ne disposant d’aucune archive concernant son achat, on ne peut que supposer qu’il ait été réalisé par les Ateliers Giscard qui étaient à cette époque les plus importants fabricants à Toulouse. (ou par les ateliers Monna selon d’autres renseignements). Il fut béni par Monsieur l’abbé Numa Joseph Bez le 3 janvier 1892.

Au début du XIX siècle, grâce à l’industrialisation naissante de nombreuses manufactures de briqueterie s’installèrent dans la région de Toulouse. La terre riche en argile de qualité permit de produire en quantité des éléments d’ornementation d’architecture, tant profanes que religieux, à meilleur coût et plus résistants à l’intempérie que ceux en pierre, la pierre étant rare dans le midi toulousain. Pour afficher sa réussite, la nouvelle bourgeoisie toulousaine eut recours à ces éléments décoratifs plaqués sur les façades des demeures et immeubles, de style néo-médiéval ou néo-renaissance et qui deviendra l’éclectisme.

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10 Entretien-Rénovation-Embellissement

Jean-Louis COEURET

Ces techniques nouvelles avaient été d’abord mises au point par le fils de l’architecte Jean-Pascal Virebent, (1746-1831), Auguste Virebent (1792- 1857) qui était aussi architecte et briquetier toulousain. Il fonde avec ses deux frères une fabrique de terre cuite à Launaguet destinée à la fourniture d’ornements architecturaux. En 1831, il déposa un brevet pour une invention dénommée « plinthotomie » qui était une machine agissant comme un emporte-pièce pour découper diverses formes sur la glaise. Cette technique permit de s'affranchir d'un sculpteur et d'industrialiser les décorations à base de brique. Enfin, il inventa une nouvelle façon de travailler la glaise pour obtenir une pâte fine, compacte et résistante et de moindre coût. On vit ainsi apparaître des fabrications en série, imitant aussi bien la pierre, le marbre que le bois, beaucoup moins chères que les créations artisanales et qui devenaient ainsi à la portée des petites paroisses.

Gaston Virebent (1837-1925) fils et successeur d’Auguste s’intéressa à l’émaillage de la terre (on lui doit le tympan de l’église de la Dalbade à Toulouse) et s’orienta particulièrement vers l’art religieux. L’activité décroît tout au long du XX siècle et s’achève en 1965 après la mort de Raymond Virebent (1874-1965).

La manufacture Giscard fut créée par Jean-Baptiste Giscard (1818-1906). Il débuta comme contremaitre La famille Giscard Au XIX siècle de la manufacture des frères Virebent. Puis, avec d’autres ouvriers il reprit vers1850 l’ancienne fabrique Négrier qui devint celle des « Ouvriers et Associés ». En 1855 il créa son propre établissement dans le quartier de la « Terre Cabade » à Toulouse, tout d’abord pour produire de la briqueterie et en ensuite des éléments de décoration architecturaux et de L’atelier Giscard l’ornementation religieuse. A sa mort, son fils Bernard sculpteur (1851-1926) reprit la direction et produisit, pour répondre à la demande croissante, un grand nombre d’œuvres présentées dans un catalogue fort abondant (autels, statues et statuettes, chemins de croix, colonnes et éléments d’architecture, souvent d’inspiration néo-gothique). Vinrent Henri (1895-1985) et ensuite Joseph (1931-2005) continuèrent à maintenir ces ateliers en activité jusqu’à la mort de ce dernier.

Différents chemins de croix des ateliers Giscard

Après la Grande Guerre, l’engouement pour ces mobiliers décroît et des styles décoratifs nouveaux font aussi leur apparition tel celui dit « Art déco » à partir des années 1920. Les commandes de monuments aux morts commémorant les victimes de la guerre de 1914 se substitueront aux commandes religieuses.

De nos jours, les restaurations actuelles de nos églises tendent vers un dépouillement pour faire place à l’architecture elle-même de l’édifice avec la mise à nu de la pierre et l’élimination de ces mobiliers considérés parfois à tort comme sans grande valeur historique et artistique car étant justement de production industrielle.

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11 Patrimoine botanique

Paulette BONNEL Merci Dame Nature

l’ouest du plateau de Viviers, dans un champ bien exposé au Sud, au bord du « sentier des Hérons » le printemps nous a A offert une surprise exceptionnelle :

Une station (environ 300 m²) d’une centaine d’orchis pourpres.

Je me suis empressée d’annoncer cette découverte à tous les amateurs de fleurs sauvages du secteur. C’était un émerveillement. Un but de promenade très agréable, plaisir des yeux d’abord puis plaisir des clichés pour fixer ce souvenir 2014.

Mais quelle est donc cette fleur ? Orchis Purpurea

Orchis pourpre

Description :

Orchis purpurea est une plante qui mesure de 25 à 80 cm à tige robuste devenant pourpre à son sommet. Les feuilles vertes visibles dès la fin novembre sont assez larges et non tachetées. L’inflorescence est en épi dense et ovale fourni de grosses fleurs. Celle-ci présente un gros casque ovoïde densément veiné de pourpre à l’extérieur et vert teinté de pourpre à l’intérieur. Le labelle pendant et trilobé est plutôt clair. Les 2 lobes latéraux sont plutôt étroits et font penser à des « bras écartés » tachetés de pourpre. Le lobe central beaucoup plus grand est séparé en deux larges parties par une petite « dent ». L’éperon rose et courbé vers le bas est renflé et bilobé.

Floraison :

Avril à juin

Habitat :

On la trouve en pleine lumière comme à l’ombre. Sur les bordures de chemins, les prairies, en lisières et dans les bois.

Pollinisateur :

Hyménoptères

Protection :

En France, protégée sur le plan régional

Documentation du livre : « Orchidées sauvages du Tarn » Nicolas DUIVON

NOSTRE VILATGE – revue n°14 – année 2014/2015 12 Souvenirs Jean-Luc BOUSSIERE

Aussenac

'expérience vous est sans doute déjà arrivée, en passant devant les vagues ruines d'une maison, d'une ferme ou d'un hameau, de ressentir l’envie d’imaginer l’existence de ceux qui vivaient là, du temps où ces L bâtiments étaient debout, pleins de bruits, d’éclats de voix et de cette vie calme et simple que l’on pouvait mener encore autrefois. C'est un peu ce que je vous propose de faire aujourd'hui.

Je vous ai jusqu’ici raconté ma vie d'enfant mais j'ai laissé au second plan un personnage essentiel: Aussenac, la ferme où nous habitions.

Imaginez un petit plateau entre Viviers, et ; là étaient posées cinq ou six fermes vivant pour la plupart de l’élevage de vaches laitières.

La superficie de notre exploitation qui s’étendait sur ces 3 communes était de 48 hectares : En arrivant à Aussenac une bonne partie de champs cultivés, des prés, quelques bois et des prairies en contrebas. Une limite de commune traversait notre salle à manger et une chose nous amusait beaucoup : quand nous étions à table, les uns étaient assis à Soual, les autres à Viviers !

Les bâtiments principaux avaient la forme d’un U aux branches orientées vers le sud-est. La cour ainsi formée était bordée de plates-bandes fleuries de rosiers. A gauche, la maison des Cabrol, les propriétaires ; à droite, le bâtiment qui donnait accès à l’étable et à la grange, et au fond, trois magnifiques arcades en plein cintre, en grès doré et qui affichaient fièrement sur le fronton d’une des clés de voûte la date de leur construction : 1881 !

Au-delà, derrière les deux arcades de gauche, un hangar où l'on entreposait des céréales dans des silos et la réserve de bûches et de fagots pour le chauffage. Ce hangar servait aussi d'atelier et son sol en terre battue gardait l'odeur de fer meulé, d'huile et de vieille graisse qui rappelait l'entretien de toutes les machines passées par là. Une grosse meule verticale, que l'on manœuvrait avec un pédalier, aiguisait toutes nos lames émoussées.

Face à la dernière arcade, le fond était occupé par un garage où mon grand-père rangeait sa camionnette. Un peu avant, à droite, une porte pleine, en bois, ouvrait sur notre habitation. On rentrait par un large couloir dans la pièce commune : une salle à manger-cuisine avec deux fenêtres orientées au nord et ne dispensant pas de ce fait beaucoup de lumière. Au centre trônait la grande table en formica jaune des années 60 qui nous réunissait sous le néon pour les repas bien sûr, mais aussi pour les jeux de société ou les devoirs d’école. Au plafond, des crochets, par paires, soutenaient de solides perches horizontales en bambou autour desquelles s’enroulaient la saucisse, l’andouille et le croustou. Des boudins et des melsats leur tenaient compagnie dans un alignement quasi-militaire.

NOSTRE VILATGE – revue n°14 – année 2014/2015 13 Souvenirs Jean-Luc BOUSSIERE

Le chauffage était assuré par une cheminée qui, quand le vent lui plaisait, tirait assez bien et dans laquelle on préparait souvent les plats mijotés, les crêpes, les oreillettes, les châtaignes grillées ou les oignons sous la cendre. La cheminée se taisait en été, mais dès l’automne, le feu attirait à nouveau toute la famille qui formait un large demi- cercle de genoux frileux autour de l’âtre.

Au même niveau il y avait aussi une pièce où l'on entreposait les bidons de lait vides avant la traite et où mon père installa un jour, comme dans les maisons de la ville, une salle de bains avec baignoire. De l'autre côté du couloir s'ouvrait une vaste cave médiocrement éclairée par trois meurtrières et une fenêtre à barreaux. Là se trouvait une rangée de barriques où mon grand-père gérait la cuvée de l'année et un grand foudre de plusieurs hectolitres qui servait pour la première fermentation du vin et à l’intérieur duquel, une fois vide, on pouvait s'installer debout et à plusieurs. Il y avait aussi un endroit où l'on entreposait la récolte de patates et un coin servant de garde-manger où les jambons, après un séjour dans des coffres remplis de gros sel, achevaient lentement de sécher dans des caisses cubiques et grillagées suspendues au plafond. Là aussi, le sol en terre battue gardait l'odeur acide et fruitée des vendanges passées.

Un escalier montait du couloir à l'étage. Là, on trouvait un grenier à grains et quatre chambres: celle de mes grands- parents et celle de mon frère qui s’ouvraient vers l'ouest, la chambre de mes parents et la mienne qui donnaient plutôt au nord. L’arrivée de ma petite sœur et le départ de mes grands-parents pour notre maison de Viviers dans les années 70, modifia l’attribution des chambres mais je gardais toujours la mienne. Mon lit carré avait des ressorts très détendus car il servait souvent de trampoline mais surtout de ring pour des combats de catch avec mon frère et mon cousin : nous étions successivement le « Bourreau de Béthune » ou l’ « Ange Blanc » ou le « Petit Prince », les grandes figures de ce sport dans ces années-là.

Le deuxième étage était occupé par le grenier qui servait surtout de débarras et cinq fenêtres carrées pouvaient l’ouvrir à tous les vents.

La maison n'était chauffée que par la cheminée, avec aussi, quand la température était vraiment trop basse, un petit poêle à bois, un ou deux convecteurs électriques mobiles dans les chambres. Les lits étaient réchauffés avec des bouillottes. Mes grands-parents utilisaient un moine (un récipient en cuivre à long manche rempli de braises). Plus tard, ils firent l'acquisition d'une couverture chauffante et mon grand-père me chargeait de la mettre en marche à l'avance en échange de deux ou trois « tic-tac » à la menthe.

Sur la partie nord-est de la ferme on trouvait l'étable et ses dépendances: une écurie pour la jument et un petit hangar où nous installâmes plus tard le tank à lait. Il y avait aussi un trieur à grains ; trier le grain était mon travail préféré : une grande machine actionnée par une manivelle et que nous avons plus tard motorisée, laissait tomber le grain depuis une trémie placée au-dessus de l’appareil avant de le faire passer dans un long cylindre garni d’une série de tamis. Les grains y étaient séparés en fonction de leur grosseur. Les petits cailloux, les mauvaises graines et autres éléments indésirables étaient mis de côté, comme par magie. Six ou sept récipients allongés posés sous la machine récupéraient les différents tris. J’étais chargé, suprême honneur, de surveiller toute l’opération et de « livrer » des sacs de jute remplis avec les différentes catégories de grains.

Le monte-balle et le hangar

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Une bergerie pour les moutons, des bordes pour les cochons et un poulailler pour la volaille complétaient l’ensemble de ces bâtiments. Le tout était surmonté par une grange qui, au début de l’été, s’emplissait des mille odeurs étourdissantes qui émanaient des énormes quantités de foin que nous y entassions. C'était évidemment l'endroit rêvé pour les parties de cache-cache ou les siestes de l'après-midi. Un monte-balles était toujours accolé à la grande fenêtre par laquelle nous garnissions la grange avec du foin mais aussi du colza coupé sur pied au printemps. Du compartiment de grange qui surmontait l’étable, nous faisions passer le fourrage dans les râteliers des vaches en contrebas grâce à plusieurs trappes.

Dans la cour, à gauche de la dernière arcade de grès, une porte amenait au jardin clôturé où ma mère cultivait les légumes pour la cuisine et les fleurs pour la décoration. Juste avant, près de l'inévitable stock de ferrailles diverses nécessaire à la vie d'une ferme, mon grand-père avait établi sa forge. C'était un petit appentis couvert de tuiles marseillaises et surmontée d'une cheminée cylindrique. Là, nous réparions, grâce au foyer alimenté par une réserve de charbon et le souffle d'un ventilateur manuel, tous les outils cassés ou abîmés. Nous en fabriquions d'autres en fonction des besoins. Je regardais souvent mon grand-père chauffer à blanc un morceau de métal, le prendre à l'aide d'une longue paire de tenailles et le plonger dans un récipient plein d'eau jusqu'à ce que le métal, dans une envolée mystérieuse de vapeur, ressorte avec une couleur bleue très particulière.

En face du corps de ferme, il y avait un hangar qui, à l’époque, me semblait gigantesque. Une toiture à double pente soutenue par six piliers faits de briques entrecroisées abritait les tracteurs et les gros engins de culture. Une partie était dédiée à l'entrepôt des balles de paille. Ces balles qui avaient encore des formes de gros pavés pouvaient être facilement agencées et nous pouvions aisément y construire de luxueuses cabanes à plusieurs pièces! Pour cet usage, la paille est d’ailleurs préférable au foin car elle est inactive et ne Mon grand-père dans sa forge produit aucune poussière allergisante.

C'est dans ce lieu que nous avions construit avec Christian et les deux Alain, mes amis de Viviers, le "Fantastique Tunnel de la Mort Dangereuse" qui devait être l'attraction-phare du grand parc "Aussenac-Land » que nous avions prévu de mettre en place sur la ferme. C'était l'époque où le créateur de Mickey venait d'ouvrir son Disneyworld en Floride et cette réussite nous émerveillait. Il fallait prendre tout le monde de court et gagner le maximum d'argent le plus rapidement possible pour développer notre entreprise avant que les parcs d'attractions ne deviennent à la mode.

Malheureusement, et malgré un droit d'entrée peu onéreux (1,50 F) nous n'eûmes que quelques clients rameutés pour la plupart parmi nos copains d'école. Nous sabordâmes bientôt le capital de notre entreprise (13,50 F) par l'achat de confiseries et notre aventure se termina par une orgie de carambars. Il me reste quand même l’impression d'avoir ressenti lors de cette aventure sans lendemain, les délicieux frissons que peut procurer un esprit d'entreprise naissant.

Sur la grande mare des canards avec ma sœur

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L'ensemble des bâtiments étaient recouverts de tuiles romanes. Quelquefois, pour "guérir" les gouttières, mon père montait sur la toiture et je frappais par en dessous avec une perche pour lui indiquer les endroits de la charpente où la dernière pluie avait laissé des auréoles ; il pouvait alors localiser les tuiles décalées et les remettre dans le droit chemin. J'aimais aussi monter sur les toits pour profiter d'une vue imprenable et quasi aérienne sur notre beau domaine où se mélangeaient si bien toutes les étonnantes nuances de vert de la nature qui m’entourait.

Pour que le bétail puisse boire, il y avait aussi quatre mares réparties sur les terrains autour des bâtiments. C'est sur celle qui était en face de la cour de la ferme que nous avons fait nos premières expériences de navigation. Le premier d’entre nous fut mon frère qui, à 2 ou 3 ans, ma mère ayant relâché sa surveillance, eut la mauvaise idée de tomber à l’eau. N’ayant pas eu le temps d’apprendre à nager, il coula à pic. Sans l’intervention d’un ouvrier espagnol qui travaillait à ce moment-là chez nous et qui avait aperçu un pan de son petit tablier émerger à la surface, il n’aurait pas survécu à sa jeune soif d’aventure. Quelques années plus tard, sur les radeaux les plus improbables faits de bouées, de troncs de bois et de planches, nous prenions le large avec hardiesse pour aller explorer les territoires inconnus que représentaient les bords abrupts de la mare. Mon père, passionné lui aussi d'aventures maritimes fabriqua un jour une vraie barque. Il la baptisa du fier nom d'Aramis et procéda à sa mise à l'eau sous les applaudissements de la famille. Elle pouvait, grâce à des bancs, transporter 4 ou 5 personnes et tout au long de sa vie, si elle prit quelquefois l'eau sur nos quatre mers intérieures, jamais elle ne coula.

A l'ouest de la ferme, une mare bordée de chênes et de saules mais bien éclairée et chauffée par le soleil était notre meilleure piscine. Elle était aussi devenue une réserve naturelle pour les poissons rouges depuis que mon frère en avait ramené quelques spécimens, gagnés à la fête de Labruguière et rejetés dans cette mare faute d'avoir trouvé un aquarium adéquat. Ces animaux s'étaient multipliés à une vitesse exponentielle. Cette mare était devenue un lieu de pêche où nous avons expérimenté toutes sortes de pièges pour attraper le poisson sans le blesser. Je me rappelle être allé plusieurs fois avec mon cousin, vendre des dizaines de poissons rouges dans de petits sachets sur les marchés des alentours.

Entre la ferme et cette mare, il y avait un pigeonnier de type tarnais avec quatre piliers à « champignons », un bâti cubique surmonté d'un clocheton pyramidal à base carrée. Il ne servait plus depuis longtemps à l'élevage très aristocratique des pigeons mais j'aimais bien quelquefois y passer quelques nuits en été avec le secours d'un matelas pneumatique, d’une lampe et d'une couverture et essayer d'y écrire (vainement) "Les lettres de Mon Pigeonnier" au son des "Quatre Saisons" de Vivaldi joué par mon électrophone Philips (à piles, évidemment).

Ce pigeonnier occupait le centre d’un vaste pré qui était devenu notre principal terrain de jeux : ce terrain plat et vaste nous permettait de pratiquer aisément le foot, le rugby, le Le pigeonnier dans le pré. vélo ou la construction de cabanes. Il avait aussi un autre (Il y avait encore des arbres…) intérêt : on y trouvait les meilleurs pradélets que je n’ai jamais mangés. Je me rappelle un matin être resté éberlué après la découverte de ce pré entièrement parsemé de ces petits champignons dont les blancs chapeaux révélaient après leur cueillette un rose si délicat!

Les rapports avec nos voisins étaient discrets, corrects et souvent amicaux. Il y avait les Combes aux Gautiers, les Alary aux Andrieux, les Pradals au Tournet, les Soulayrac à la Bonicarde, les Cathala à la Caussade, les Auguy et les Régis, René et Lucette à l’Ardenne. Mais nos plus proches voisins étaient les Marty d’en Guinard : Albert, Yvonne et leur fils Yves, un ami de mon frère. C’était des gens adorables et pleins d’humour. Quand nous leur rendions visite, Yvonne rentrait dans sa cuisine de son pas claudiquant et revenait ouvrir pour les enfants une boîte toujours remplie

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de bonbons. Albert était devenu un ami de mon père : c’était un homme pas très grand, avec des yeux qui riaient en permanence au-dessous de son éternel béret basque. Il venait souvent à la maison à l’époque où la télévision n’était pas encore arrivée chez eux, pour suivre avec passion en notre compagnie, les matchs du tournoi des 5 nations, les étapes du Tour de France et les rencontres d’Intervilles.

La propriétaire de la ferme (nous étions locataires), Madame Cabrol, que nous appelions peu affectueusement la « Ziouzé », était réputée pour son économie. Elle répugnait sûrement à acheter un quelconque insecticide puisque je la trouvais un jour devant une murette sur laquelle elle écrasait consciencieusement avec son pouce et pendant près d’une heure, une colonne de fourmis évidemment sans cesse renouvelée. Elle s’en expliqua ainsi : « Ce soir, il va en manquer quelques-unes à l’appel !». Je la laissais continuer son œuvre d’extermination en me promettant de faire désormais attention à ses réactions…

Hormis pour les grands travaux, peu de monde venait jusqu’à notre ferme, en dehors des autres membres de la famille. Le laitier passait tous les matins avec son camion à plateau pour récupérer les bidons de lait, Monsieur Puginier, le boulanger de Soual faisait sa tournée, le facteur aussi ; plus rarement il y avait l’inséminateur, le vétérinaire et parfois des gitanes qui venaient nous proposer de rempailler les chaises. Mais surtout, chaque semaine, il y avait l’épicier ! Dans son fourgon Citroën type H au couleur vert et blanc des magasins « L’Epargne » (Casino), il arrivait de vers 3 heures de l’après-midi, le jeudi (nous n’avions pas école ce jour-là, la famille étant plus nombreuse, les tentations étaient plus fortes !). Il nous proposait tous les produits d’épicerie dont nous avions besoin pour la semaine, y compris la boite de bonbons à la sève de pin « La Vosgienne » qui me faisait rêver à l’Alsace bien avant que je ne la découvre, et le paquet de Bonux qui cachait son célèbre cadeau au cœur de sa lessive. L’épicier avait de tout, réparti sur les deux côtés du fourgon. Il restait à l’intérieur et nous servait sur un comptoir qu’il mettait en place à l’arrière du véhicule. Mes parents m’avaient dit que c’était un pied-noir mais je n’ai pas pu vérifier leurs dires : malgré mes regards à la dérobée par-dessous le comptoir, je n’ai jamais aperçu que ses chaussures…

Aussenac était entouré de prés et de champs bordés en limite de propriété par des haies de chênes. Il y avait aussi 3 bois où nous prélevions le stock de combustible pour l’hiver, où nous allions à l’automne ramasser les champignons, chasser au furet dans les garennes et cueillir le petit houx à la Noël. C’était aussi le cimetière pour quelques carcasses de voitures dont plusieurs avaient appartenus à mon frère qui s’était fait une spécialité dans la sortie de route « en tonneaux ». Comme il n’y avait pas encore de ceinture de sécurité et qu’il était bon forgeron, il prenait soin d’équiper ses véhicules successifs d’arceaux de sécurité, ce qui a dû sûrement lui sauver la vie.

Je n’aimais pas la chasse et je préférais jouer au braconnier, ce qui est beaucoup plus amusant. Dans ces bois, j’ai souvent chassé le corbeau et Christiane sur le tracteur la palombe avec ma carabine 15 mm. Mais celle- ci, faute de précision et de puissance, ne fit jamais grand mal aux volatiles que j’ai pu viser. Je me rattrapais en posant des collets aux passages des lapins et j’ai eu quelquefois le bonheur d’en prendre quelques-uns ; comme il y a prescription, je peux l’avouer aujourd’hui, d’autant plus que beaucoup faisaient comme moi, et même, disait-on, les gardes-chasse !

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Voilà, j’ai essayé de vous décrire un peu la vie que menait ma famille à cette époque et que l’éloignement dans le temps me fait apparaître aujourd’hui comme un paradis même si c’était loin d’être le cas. C’était dans les années 60 et 70.

Les choses ont changé quand la propriétaire a décidé de vendre ce domaine. Mon frère qui venait de se marier et s’était installé sur la ferme a voulu la racheter mais quelqu’un l’a pris de court : le propriétaire d’un élevage piscicole de voulait implanter un élevage original dans le pays, celui des cerfs et des biches.

Les transactions ne furent pas, à mon avis, toujours très claires et mon frère ne put racheter Aussenac. La ferme changea de mains : mes parents partirent pour la campagne trop vallonnée à mon goût de , le pays de ma mère et mon frère s’installa dans la ferme d’en Meneu à Labruguière. Pour ma part, je devins étudiant et toulousain, un état qui m’éloigna pour longtemps des activités agricoles.

Pendant ce temps, Aussenac, abandonné des siens et exposé à toutes les intempéries sans plus aucun des soins que nous lui prodiguions jadis, se mit lentement à dépérir : les murs se décrépirent et finirent par s’écrouler de désespoir. La pluie s’infiltra par les gouttières, le vent prit possession des lieux ; les fières arcades s’abattirent l’une après l’autre ; seul le pigeonnier reste encore debout dans son pré mais son clocheton commence à s’incliner. Il tombera un jour, entraînant avec lui la ruine de l’édifice.

La rentabilité voulue par le nouveau propriétaire lui fit arracher les arbres et abattre les murs au fur et à mesure des besoins de nouvelles installations. Les mares furent comblées, les bâtiments servirent d’abri à ces malheureuses bêtes sauvages qui auraient sûrement été bien plus heureuses en forêt ; les seuls bois qui auraient pu leur procurer un peu de réconfort furent rayés du paysage et les champs qui n’étaient plus cultivés s’abandonnèrent vite à la jachère, voire aux broussailles. Toute la propriété fut cernée par un grillage de 2 mètres de haut et on condamna les 2 accès par des grilles métalliques. Aussenac perdit même jusqu’à son nom puisque aujourd’hui plus aucun panneau ne signale l’endroit aux gens de passage. Les mille rumeurs de cette vie qui animait ces lieux du temps où nous les occupions a laissé la place au silence de la tombe.

Je sais bien qu’il faut laisser son passé dans le passé et que la mort des choses et des êtres nous force à avancer plus vite. Je suis presque certain pourtant, que les ruines de la ferme d’Aussenac, la nuit venue, résonnent encore des voix de ces êtres dont beaucoup ont aujourd’hui disparu. Et pour peu qu’on y prête bien l’oreille, on doit pouvoir y discerner l’écho des rires de l’enfant qui, sur le pré du dessus, les soirs d’été, s’élançait sous la lune et voulait arriver jusqu’à la lisière du bois en essayant de courir plus vite que le vent…

Mon petit cousin et moi

NOSTRE VILATGE – revue n°14 – année 2014/2015 18 Souvenirs Albert SIGNOLLE

« L’écolier vivarois »

ne fois encore Albert Signolle est allé fouiller dans ces vieilles malles pour nous en extraire, un petit document datant de 1947 qui montre bien que l’envie d’écrire et de publier des revues est une ancienne U tradition dans notre cher village de Viviers lès Montagnes.

On y trouve de fines plumes déjà très précoces comme Rémy Landes, Claude Nègre, Louis Sémat, Joseph Salvignol, Albert Signolle, Rose Fabre, Gabrielle Cros, Elie Limes sous la direction de leur instituteur Monsieur René Vianés.

Nous en publions ici quelques extraits choisis…

NOSTRE VILATGE – revue n°14 – année 2014/2015 19 Souvenirs Albert SIGNOLLE

NOSTRE VILATGE – revue n°14 – année 2014/2015 20 Souvenirs

Incroyable mais vrai…

urant l’été de 1914, un mois avant la déclaration de guerre, un passant avec une carriole de D rémouleur, arrive à Viviers lès Montagnes et demande où il pourrait passer la nuit. On lui indique la ferme d’en Cabessannes où l’on avait l’habitude d’héberger des chemineaux.

Ce rémouleur, un étranger qui parle bien le français, se présente à Pierre BOURDIL et lui demande l’hospitalité pour la nuit… Volontiers, le fermier lui montre une loge à l’étable et y met plusieurs fourchées de pailles, tout en demandant à sa mère Marguerite BOURDIL de lui donner de la soupe avec un morceau de viande dans une gamelle ainsi qu’un morceau de pain et une bouteille de vin.

Le lendemain matin, très satisfait, le rémouleur remercie longuement ses hôtes, et reprend son chemin.

Peu de temps après, Pierre BOURDIL est mobilisé et part pour la guerre. Au cours de premiers combats, il est fait prisonnier. Ils sont tout un groupe à être conduit devant un officier prussien qui les interroge. Puis, il passe devant leur rang examinant chacun d’eux mais sans parler.

A la fin, l’officier dit à l’un de ses soldats : « celui-là, là-bas, faites-le sortir hors du rang. » C’est justement Pierre BOURDIL, très surpris d’être mis de côté.

Bientôt, l’officier vient le trouver et lui demande s’il habite dans les environs de Castres…

Pierre confirme en effet qu’il est domicilié près de cette ville, à Viviers lès Montagnes. Alors, l’allemand lui dit : « vous ne me reconnaissez pas, vous ! Mais, moi, je me souviens de vous, agréablement d’ailleurs… souvenez-vous, il y a trois mois environ, je suis passé chez vous avec ma petite meule à aiguiser ; je vous ai demandé l’hospitalité et vous m’avez très bien reçu, me donnant à manger et à boire et la possibilité de dormir au chaud… eh bien ici, vous serez toujours prisonnier, mais je vais vous trouver un bon endroit ».

Pierre est conduit jusqu’à un très beau domaine agricole où il travaille avec les propriétaires, logé et nourrit chez eux jusqu’à la fin des hostilités.

Pierre BOURDIL se souvint toute sa vie de ce rémouleur qui, sans doute, espionnait en France et des conséquences inattendues de son hébergement un soir d’été.

Souvenir d’un ancien combattant de Viviers recueilli et conservé par Jean ESCANDE.

Publié avec l’autorisation de Nicole BOURDIL.

NOSTRE VILATGE – revue n°14 – année 2014/2015 21 Les gens d’ici

Chantal PICOLI

Ils étaient des poilus

'ai très bien connu l'un avec qui j'ai vécu. Quant à l'autre il est décédé plusieurs années avant ma naissance tandis que son plus jeune fils était retenu en captivité en Allemagne en 1942. Qui a dit que l'histoire ne J recommence pas?

Le premier s'appelait Albert, c'était mon grand-père maternel. Petite, j'adorais ce prénom princier qu'il portait si bien car il avait une élégance naturelle que je lui reconnaissais très volontiers. Il acceptait mon adoration toutes les fois où je lui disais simplement: " Tu es beau, pépé!" Comme tous les autres jeunes gens de son âge, il avait été embarqué dans cette galère que l'on a depuis nommée "la grande guerre". Qu'avait-elle de si grand pour ceux qui y ont laissé leur jeunesse ou pire leur vie? Ces quatre années qu'il a passées en captivité en Bavière - qui lui ont permis d'échapper à l'enfer des tranchées - il ne les a jamais oubliėes. Souvent il évoquait devant moi la misère et la solitude dans cette région où il avait été assigné pour travailler dans une ferme. Une photo où on le voit tout crotté, accompagné de deux malheureuses vaches laisse imaginer sans peine une désolation infinie. Il avait perdu toute sa superbe au fin fond de cette campagne dans ce pays dont il connaissait si mal la langue. Combien de jours, combien de soirs a-t-il langui de retrouver sa famille et sa terre natale? Languir! Seuls les gens d'ici peuvent comprendre le sens fort de ce verbe qui nous vient des troubadours, peut-être de ceux qui divertissaient la cour d'Adélaïde à ?

L'autre s'appelait Ernest, c'était mon grand-père paternel. Dès le début de la guerre, alors que son deuxième fils venait de naître, il lui a bien fallu quitter femme et enfants pour défendre sa patrie selon l'expression consacrée. Lui, il a passé la totalité de la guerre à Verdun, dans les tranchées, en tant que brancardier. Quatre années dans la crasse, la boue, le froid, la neige, les rats, les cris et les pleurs des blessés, les corps déchiquetés, l'odeur de la mort omniprésente. Quatre années où il a été spolié de sa jeunesse, du bonheur de voir grandir ses enfants, de l'amour de

NOSTRE VILATGE – revue n°14 – année 2014/2015 22 Les gens d’ici

Chantal PICOLI

sa jeune épouse restée seule-et pauvre- avec ses deux petits garçons, le seul soutien financier venant de son beau-

père qui avait pris la place de son fils en tant que jardinier au château de La Caussade. Les permissions étaient rares, très attendues et souvent ajournées. Les cartes et les lettres qu'il adressait à ma grand-mère témoignent avec réserve et une immense dignité de la tristesse qui l'habitait et qu'il tentait de lui dissimuler. Elles nous disent aussi sa profonde piété et je me demande comment il a pu concilier ce charnier avec sa foi en un dieu tout puissant. Jamais il ne s'est remis de ses visions d'horreur et je sais que jusqu'à la fin de ses jours elles lui revenaient chaque nuit, qu'il était hanté de cauchemars, et que ma grand-mère, quand elle l'entendait gémir ou pousser des cris, le réveillait. J'ai appris récemment qu'il est allé un jour à la corvée de l'eau et que, quand il est revenu auprès de ses camarades, ceux-ci avaient été tous tués par un obus. Lui seul en avait -par miracle- réchappé! Mais il était prêt. Nous avons une photo, la plus précieuse de toutes. Il l'a conservée sur lui pendant toute la guerre. Malgré les vicissitudes, celle-ci est en parfait état. On peut y voir une jeune femme brune, les cheveux moussus et relevés en chignon. Elle est assise et vêtue d'une longue jupe sombre et d'un chemisier blanc. Sur ses genoux, un bébé, mon père, et son frère aîné qui se tient à côté, debout. Tous trois regardent le photographe avec sérieux. On peut lire sur le verso ces quelques mots tracés soigneusement avec les pleins et les déliés: Voici ma famille. Madame Marty Léonie Viviers-lès-Montagnes par Soual (Tarn)

NOSTRE VILATGE – revue n°14 – année 2014/2015 23 Les gens d’ici

Timoléon DE VIVIES

Souvenirs de guerre de mon arrière grand père

es commémorations de la Grande guerre ont favorisé les recherches de tous ceux qui ont participé à ces évènements, c'est comme cela que j'ai repris les archives relatives à mon arrière-grand-père Auguste de L Viviés ( Né à Castres le 10/04/1869, mort à Marseille le 06/01/1953). Le premier document qui le concerne est le Livret des combattants de la commune de Viviers édité après la guerre pour rendre hommage à tous ces combattants1.

Une anecdote le concernait qui rend bien compte de la fraternité qui présidait aux rapports entre tous ceux qui étaient engagés dans ces épreuves terribles:

« A Ansouville en Lorraine ; Jean Jarlan, métayer chez M Tissier d'En Bazy, (Saïx) gisait cruellement blessé. Sa jambe gauche venait d'être emportée par un obus!, le pauvre soldat, seul, abandonné sous la pluie de balles appelait en vain au secours! Personne autour de lui. Soudain, un capitaine d'artillerie court vers lui, le prend dans ses bras et le console.

-D'où êtes-vous lui dit le capitaine ? -Du Tarn répond le blessé -Mais de quel endroit du Tarn ? - De Saïx et vous d’où êtes-vous mon capitaine? , -Mais je suis de Viviers, je suis le capitaine de Viviés, j'ai dix enfants et vous que j'emporte ferez le onzième! ».

Auguste de Viviés était, dans la tradition familiale, entré dans l'armée après s'être engagé jeune et en dépit d'une dispense en 1890 dans l'artillerie comme son père Paul qui avait intégré cette arme après sa sortie de l'Ecole polytechnique. Il passera ses examens de l'Ecole d'artillerie de Versailles et en sortira sous-lieutenant en 1895. Il restera toute sa carrière dans cette arme et connaîtra les garnisons de Vincennes, Orléans, Valence et Castres.

Durant la guerre de 14/18 il participa aux campagnes de France (02.08.1914 au 21.01.1916), en Lorraine,Woevre, Flandres, Champagne avec le 2 e CA puis en Orient ( 29.01.1916 au 27.09.1917) et retour en France ( 28.09.1917 au 24.10.1919).Durant ces années il servit comme capitaine dans le cadre de l'État-major de l'artillerie (16 è C.A). Sa belle conduite lui valut la Légion d 'Honneur le 13 juillet 1915.En 1917 il fut mis à la disposition du Parc d'artillerie de Castres. Fonction qui lui convenait à la suite des séquelles de deux blessures graves dont il avait été victime en 1899 et 1913 après des chutes de cheval2 .

1 1914-1919. Livre d'or des combattants de Viviers-Les-Montagnes, Castres Abeilhou , 1919. 2 Dossier personnel Service historique de l'armée de terre, Vincennes .

NOSTRE VILATGE – revue n°14 – année 2014/2015 24 Les gens d’ici

Timoléon DE VIVIES

Il ne conserva de ces années de guerre que quelques photographies et un petit carnet de notes dans lequel il nota à l'attention de ses enfants quelques anecdotes.

« Notes relevées sur l'agenda que mes enfants m'ont donné

1915, jeudi 7 janvier. Nous quittons Godewarsvelde où nous étions depuis le 9 décembre. Nous allons cantonner autour de la gare d'Abeele à 1 km du village et à cheval sur la frontière. La maison de M Degroote où je loge avec La Menardière et où notre popote est au bord de la route qui sert de frontière. Il paraît que nous y venons que pour 2 jours. Godewarsvelde (que beaucoup prononcent « godesvelde » et les soldats « Gode ») veut dire en flamand Vrai Champ de Dieu.

Lundi 25 janvier Un artilleur chargé de convoyer un envoi fait par l'école d'artillerie me remet un colis de Marguerite (n.d.l.r : son épouse) (sabots, bandes muletières) je lui remets un autre d'effets à évacuer (caoutchouc).

Vendredi 29 janvier Je vais à Peperinghe, puis à Ouderdem où une corvée enlève un énorme tas de douilles. En flamand Ouderdem veut dire Vieillesse, on la prononce « Nourdem », temps clair vent très froid. Le capitaine Clément vient nous voir à Abeele.

Mardi 2 février 9h1/2 départ St Venant, temps pluvieux vent très fort. Nous passons par Godeswervelde, Hazebrouk où nous nous arrêtons quelques instants. Très bonnes routes mais très encombrées par des convois anglais interminables. Traversée de la forêt de Niepe, grands taillis dans un terrain très marécageux. Très nombreux convois de voitures Berliet toutes pareilles, autobus français. L'aspect du pays change, moins plat, les champs morcelés et moins coupés de drainages. En traversant la Lys nous passons en Ratois. St Venant dans un endroit agréable sans doute en été au bord de la Lys et du canal. Beaux arbres. Des soldats s'exercent à construire des ponts de bâteaux. Le village est occupé par l'E.M anglais. On nous envoie à « Bas Hamel », à 1Km 5.Nous entendons et en rions de tout cœur. « Mais alors ce n'est pas la Lys c'est le Thoré ». L'abbé demande à un passant où est Mazamet, puis il ajoute : et Caucalières. Le bonhomme ne connaît pas. Nous en plaisantons en disant « Il est tout près de Mazamet il ne connaît pas Caucalières ». Nous arrivons à « Bas Hamel », grande ferme carrée autour d'une grande fosse à fumier, autour de la fosse un trottoir de 3 m sur lequel s'ouvrent toutes les portes de la ferme, habitat, écuries, laiterie. Dans un coin une grande roue que fait marcher un chien pour battre le beurre. Notre départ le 3 a lieu au moment où ce battage de beurre va avoir lieu, le gros chien attaché dans sa niche à l'autre coin de la cour le comprend et jappe de joie et d'impatience. Les fermiers ont une belle salle à manger avec plancher de bois et un bon feu. Après dîner les ordonnances tirent la table et portent des bottes de paille le long des murs, j'y couche ainsi que Benim, Bruillet, l'abbé.

Mercredi 3 février 7h ½ départ pour Anvin avec l'E.M par Lillers, St Hilaire, Hauzanba, Henchin. Nous entrons tout à fait dans les coteaux de l'Artois. Bonne route, pays joli avec vue étendue mais un peu nu, il y a peu d'arbres sur les crêtes , pas de maison isolée, Les villages de Werschtrem et Fontaine les Boulan sont des réunions, le long de la route , de fermes bâties en torchis à l'aspect misérable, séparées par des prés ou des jardins. Nous rencontrons des lanciers indiens, beaux hommes à l'allure militaire et correcte. Henchin assez joli village, bien bâti dans une petite vallée boisée. Nous y déjeunons, nous allons voir des indiens faire leur popote, ils nous font goûter leur pain et leurs cubes de moutons grillés et fortement épicés, mais très bons (offert du bout des doigts). Nous restons à Anvin avec le génie et le 2e échelon. Le 1er échelon va à Erin, 2km plus loin .Je couche à l'hôtel de la gare avec Bruillet et Damoiseau.

Jeudi 4 février. Le Génie s'en va nous prenons plus de large, je vais loger chez le docteur. Beaucoup de ressources dans le village. Bon cantonnement. Nous allons voir le 1er échelon à Erin. Le capitaine Milhès qui est évacué le lendemain. Nous visitons le château tout nouvellement aménagé de M du Haillez où loge l'E.M du 1er échelon .

NOSTRE VILATGE – revue n°14 – année 2014/2015 25 Les gens d’ici

Timoléon DE VIVIES

Vendredi 5 février départ à 7 h avec le logement pour Ragefay et Bruire au Bois par Erin, Langy sur Ternoise, Eclinen (Près d'Humières), Neulette, Nazelle, Villeman, Fillières ; Très beau temps, bonnes routes. La vallée de la Ternoise est jolie avec ses villages coquets et propres très rapprochés les uns des autres. Quand on sort de la vallée on arrive sur un grand plateau avec vue très étendue sur les coteaux éloignés. Le plateau est très cultivé a très peu d'arbres et a l'air complètement désert, on ne voit pas une maison, elles sont toutes cachées dans les ravins d'érosion qui coupent le plateau et qu'on ne domine pas de loin car le terrain est plat jusqu'au bord du ravin. Tout d'un coup on voit une pointe de clocher sortir d'un champ de blé, elle paraît monter, grandir à mesure qu'on avance. On a devant soi un village caché au fond d'un ravin tout le long de la route et du ruisseau. Sur la carte ces villages rappellent les rivières de rochers du Sidobre. Negelette est assez pittoresque, une avenue de très beaux arbres de 4 ou 500 mètres en terrain horizontal, au bout de l'avenue on tourne à droite, une descente à pic et l'on est au village. Château pas joli au vicomte. Fillières grand village au bord de la Conche. Rougefan vrai village de montagne, fermes en torchis séparées les unes des autres. Clocher très particulier, mince et pointu. 2È échelon Bruire au Bois a une certaine apparence mais pas de ressources. Tout ce qui est en façade ou peut être vu par les étrangers est un peu soigné. Je regrette de ne pouvoir trouver pour le commandant un logement convenable qui ne soit pas excentrique et perché en haut d'un chemin inaccessible. Je suis chez de très braves gens, M ancien garde particulier chez le duc de Chaulnes, dans le... un pays où l'on ne fait le pot au feu que le samedi, où les autres jours on ne fait qu'une soupe aux légumes dans laquelle ils mettent ce qu'ils appellent des riettes. Celle du château sont bonnes mais pas les autres !! Je vois fonctionner une batterie que fait marcher un cheval marchant sans avancer sur un trottoir roulant. Il se console en mangeant l'avoine qu'il a sous le nez. Procédé très économique mais très fatigant pour les chevaux.

Samedi 6 fevrier 10 h départ avec le logement .par Bernneuil, Anni Le Château, Maizicourt, Prenville. Nous passons de l'Artois dans la Picardie. Anni Le Château jolie ville sur l'Authise grande fabrique de chaussures. Je rencontre le capitaine Ruina du CA en auto qui me demande si les sections sont parties. Nous sommes logés 5 officiers chez Mme... personne très aimable chez qui nous faisons notre popote. Le commandant a cette fois-ci une très jolie chambre près de la salle à manger, avec Damoiseau nous sommes dans la villa à coté, au même propriétaire.

Dimanche 7 février Pas de prêtre à Berneuil, départ à 7 h avec le logement (de La Menardière) Pranlainville par... Grands plateaux coupés par de jolies vallées. Joli village de... au fond d'une vallée. Flesselles au contraire sur le plateau est triste et lugubre. Une large route en ligne droite est bordée à droite et à gauche par des granges aux murs en terre glaise sans aucune fenêtre. Quand une porte de grange est ouverte on voit la cour de la ferme toute remplie de fumier pour qu'on le piétine afin de bien le macérer dans le purin , puis au fond la maison formée par un rez de chaussée , long et bas , construit lui aussi en torchis , mais peint en blanc en rose et en vert . Nous passons près de Villers Bocage par la route toute droite de Doullens à Amiens, près de Bertranges où est le château des Clermont Tonnerre. Parlainville village assez propre, quelques maisons en briques, à 200 M de la route. L'E.M est presque tout à la bifurcation sur la grand route. Popote chez Mme Boulanger, je loge chez Mme Darquet.

NOSTRE VILATGE – revue n°14 – année 2014/2015 26 Les gens d’ici

Timoléon DE VIVIES

Lundi 8 février. Temps splendide. A 7h je pars pour Amiens dans une voiture de laitière traînée par un vieux cheval réformé qui ne va pas vite. Il met près d'une heure à faire ses 4 kilomètres. Je regrette de ne pas être dans une belle voiture de laitière à 4 roues qui nous double à vive allure. Ma laitière jalouse de voir sa voisine lui brûler la politesse me dit que c'est un jeune cheval mais qu'ils l'ont payé très cher. 300 M plus loin nous voyons ladite laitière arrêtée au bord de la route dans une position bizarre. Le jeune cheval avait eu peur d'une auto, avait fait un bond, le boulon de la cheville arrière ne tenait pas, était tombé et le cheval était parti au galop entraînant l'avant train tout seul, les pots au lait, les œufs et les 5 personnes qui étaient dans la voiture avaient fait une omelette ou un lait de genre peu ordinaire. Les femmes avaient du lait jusque sur leurs cheveux et sur tous leurs effets, mais pas de mal heureusement. Tandis que nous autres continuons cahin caha notre bonhomme de chemin et arrivons avant eux. Morale... A Amiens j'ai admiré rapidement la cathédrale, fait quelques commissions pressantes ai déjeuné assez bien au Petit Vatel et suis revenu à pied aussi vite qu'avec mon cheval du matin mais plus sûrement qu'avec l’autre.

Mardi 9 février départ à 7 h avec le logement pour Renverel par Amiens , Cogny, Bopves, Cottenchy, Dammartin jolie route sur la rive gauche de l'Ave, Ranverel village très ordinaire sur un côteau avec beaucoup de fumier dans les cours » .

Ainsi s'achève les quelques notes du capitaine, toutes rédigées sur de longues feuilles étroites, format callepin pour pouvoir tenir facilement dans une vareuse. Leur lecture peut donner une idée d'une autre guerre que celle des combats et des tranchées mais ne doivent rien laisser oublier de la dureté des évènements qui ne sont pas dits là mais auxquels il a aussi été confronté comme les autres hommes. En effet une enveloppe jaunie contient dans un petit dossier une balle de plomb, et des morceaux d'un Sacré-Cœur avec une note rédigée de sa main :

« Balle tirée sur un ? Et tombée dans mon auto, a traversé les 3 parois et les papiers de la serviette placée à côté de moi Le 29 juillet 1915, C'est ce Sacré-Cœur que je portai sur ma vareuse quand la balle est venue percer la serviette contenant les papiers de l'Etat-major ».

NOSTRE VILATGE – revue n°14 – année 2014/2015 27 Guerre 14-18

Georges MORET

Histoire et généalogie

Histoire : Récits d’actions, d’évènements relatifs à une Nation et aux hommes et aux femmes qui les ont menés ou subis.

Généalogie : Science dont le but est la recherche des filiations, de la vie et des métiers de nos Anciens.

n cette année du Centenaire de la première guerre mondiale, dès le 16 Août, Viviers s’est penché vers les familles marquées dans leur cœur, leur corps et leur esprit par cette effroyable guerre. Puis le 11 Novembre, E devant notre monument aux Morts restauré, jeunes et anciens, en union étroite, ont commémoré leur souvenir à travers une exposition où chacun participa avec ferveur et attention. De cette exposition, aujourd’hui démontée, il reste notre « Mémorial des soldats mobilisés » durant cette guerre. Deux cents noms y sont répertoriés, rappelons que la population du village d’alors est estimée, en gros, à 900 âmes.

Ces soldats étaient nés, les plus âgés vers 1870, les plus jeunes en 1900, quarante années les séparaient, certains mariés avec enfants, les seconds sortant tout juste de l’adolescence ; la majorité nés à Viviers et y vivant, d’autres nés ailleurs mais y travaillant ou bien ayant quitté le village, suite à un mariage ou à leur métier. En tout état de cause vous les trouverez cités dans cet ouvrage avec les parents des nouveaux viviérois qui ont bien voulu nous prêter leurs archives.

Ce mémorial n’est pas terminé, des recherches sont en cours sans aboutissement confirmé, nous avons besoin d’aides, fouillez dans vos mémoires pour, non pas faire revivre ces Anciens, mais tout au moins pour que soit pérennisé leur souvenir. (Voir liste dans le bulletin municipal, adressez-nous au moins leur filiation). Recherchons aussi la photographie de ces soldats.

Pourquoi ai-je parlé de généalogie ? L’on trouve assez souvent des frères, mais aussi des cousins, les noms des pères et mères sont cités dans les actes recherchés conduisant à des fratries, ce qui permet aussi de découvrir les villages d’origine des familles, les métiers, la vie avant et après. Par exemple, deux enfants, pupilles de la Nation, ont uni leur destinée. Quelques arbres généalogiques ont été tracés, des recherches peuvent se poursuivre si vous le désirez. Peut-être sont-elles déjà faites, merci de bien vouloir l’indiquer. Ce Mémorial, réalisé par les Anciens Combattants aidés par des amis (ies), est la propriété de la Commune, il sera exposé régulièrement lors de manifestations afin que chacun puisse le consulter et un jour le visionner sur le site de Viviers.

NOSTRE VILATGE – revue n°14 – année 2014/2015 28 Guerre 14-18

Vincent FERNANDEZ

La guerre de 14-18

vant de parler du monument aux morts, il faudra revenir sur les causes d’une des plus grandes tragédies A que la France ait connue. Pour déterminer ce qui a mis le feu aux poudres, on pourra dire que l’assassinat de l’archiduc François- Ferdinand, prince héritier et frère de l’empereur d’Autriche François-Joseph Ier et de son épouse qui a eu lieu le 28 juin 1914, en fut la cause mais en réalité, ce double meurtre ne fut qu’un prétexte. Les assassins du couple étaient Serbes. L’empereur d’Autriche y voyait un bon motif pour annexer son voisin turbulent.

Mais les Serbes, en tant que Slaves, furent traditionnellement protégés par la Russie (tout d’abord contre les exactions de l’Empire ottoman).

Le jeu des alliances, d’un côté la triple entente (Angleterre, France et Russie) qui avait face à elle la triplice (Allemagne, Autriche et Italie - L’Italie, bien que faisant partie de la triplice, resta neutre pour se retourner le 26 avril 1915 contre son alliée l’Autriche-Hongrie en lui déclarant la guerre-) conduisit inéluctablement l’Europe au désastre. Mais de toute manière l’affrontement devait se produire : les rivalités commerciales entre les Anglais et les Allemands étaient exacerbées par la montée en puissance de flotte germanique. Pour le Royaume Uni, toute remise en cause de sa suprématie maritime était un « Casus belli » les Allemands, eux, se plaignaient d’avoir été écartés de la conquête coloniale de l’Afrique et sa frustration l’amènera à penser que, seul un agrandissement au sein de l’Europe y suppléerait.

Prétexte fallacieux, car depuis le XVIIème siècle l’histoire de la Prusse Brandebourg n’est qu’une longue et patiente conquête d’une partie de l’Allemagne pour en arriver à la proclamation de l’empire en 1870 à Versailles.

NOSTRE VILATGE – revue n°14 – année 2014/2015 29 Guerre 14-18

Vincent FERNANDEZ

Claulewitz le fameux général prussien ne disait-il pas que la guerre est un autre moyen de continuer une politique. Puis ce fut la guerre dans toute son horreur avec des moyens de destruction inconnus : canons lourds, mitrailleuses fauchant les vagues d’assaut, les gaz.

Les français quelquefois avec maladresse, défendirent non seulement leur patrie, la terre de leurs pères, mais aussi face à la barbarie germanique, une autre conception de la vie et des rapports entre les hommes.

Le 22 août 1914, on déplora 27 000 morts. Ils avaient bien conscience, ces nouveaux soldats de l’an II , qu’ils combattaient pour des valeurs qui les dépassaient.

Plus de 22 pays y participèrent sans compter leurs colonies. Cette première guerre mondiale fit 9,7 millions de tués parmi les militaires (5,6 pour les Alliés et 4,1 pour les Empires centraux) et 8,8 millions parmi les civils. Le nombre de blessés s’éleva à plus de 21 millions.

Certains monuments, construits après cette guerre font quelquefois sourire par leur grandiloquence ou par leur naïveté, mais devant l’ampleur du sacrifice et de la douleur, rien n’est exagéré.

Bien sûr, on dira actuellement « mais à quoi ça sert de nous rebattre les oreilles avec toutes ces commémorations, ces récits de batailles et de carnages », je répondrai par une maxime d’un philosophe hindou « quiconque méconnait son passé est condamné à le revivre ».

Après cette terrible première guerre mondiale l’Allemagne fut déclarée responsable du conflit.

L’empereur Guillaume II se réfugiera au Pays Bas. Il fut déclaré responsable et coupable. On demanda l’extradition qui fut refusée.

En 1940 le régime nazi remercia la Hollande en bombardant sauvagement Rotterdam sans déclaration de guerre.

Mais il faut se rappeler que de 1914 à 1918, huit départements du nord de la France furent soumis à l’occupation Allemande. Les crimes furent nombreux, la Belgique aussi occupée fut soumise aux mêmes brutalités.

Après l’armistice du 11 novembre 1918, l’armée Allemande se retira en ayant bien soin d’incendier ou d’inonder les puits de mines du nord de la France. Notre pays fut ravagé par cette guerre, des centaines de villages furent rayés de la carte, des monuments historiques détruits à tout jamais.

Mais surtout la saignée de 1 million 500 mille morts eut des conséquences tragiques. Le déficit démographique qui perdurera pendant des décennies.

C’est l’infanterie (composée surtout de paysans) qui eut à subir les plus grosses pertes. Les femmes furent abandonnées, les veuves durent partir, des millions de jeunes filles restèrent célibataires.

Il fallait qu’il reste quelques souvenirs de ces quatre années sanglantes et ce furent les commémorations qui se déroulaient devant les monuments aux morts. Chaque village voulut avoir le sien. Celui de Viviers lès Montagnes fut inauguré en 1922, il tranche par son originalité : sur un sarcophage reposant sur quatre colonnettes un combattant couché face à l’éternité des cieux, la palme à la main, nous donne une leçon de courage et de sérénité.

Les 26 noms des héros morts pour la France sont gravés sur le monument. Le souvenir pourra ainsi se perpétuer de génération en génération. Ils étaient partis (peut-être la fleur au fusil) rejeter les barbares du sol sacré de la patrie. Ils avaient laissé leurs fermes, leurs établis, leurs fiancées, ou leurs épouses et leurs enfants.

NOSTRE VILATGE – revue n°14 – année 2014/2015 30 Vieilles pierres

Jacques MONTAGNE

Monument aux morts

la recherche de document pour traiter une affaire courante de la vie du village, j’ai eu l’opportunité de consulter plusieurs dossiers dans les archives de la commune. Passionné par l’histoire de mon village, A quelle chance de découvrir un dossier intitulé « Monument aux morts ». J’ai de suite reconnu l’écriture du secrétaire de mairie (à son époque pas d’ordinateur, juste une machine à écrire). Je profite de l’occasion pour le remercier d’avoir si bien gardé et rangé dans cette pochette tous les documents concernant le monument aux morts, de son étude à son inauguration en grande pompe.

Quelle chance aujourd’hui de pouvoir se plonger 90 ans en arrière, de découvrir ce que nos ancêtres ont vécu. On peut y feuilleter un livret avec différents types de monuments aux morts, il y a même un projet sur calque à l’échelle 75/1000 d’un monument en forme d’obélisque proposé par un tailleur de pierre d’. Dans un autre courrier, on peut lire la demande du conseil municipal, mais surtout du maire M. Azaïs qui détaille le projet de notre monument actuel à une entreprise de Toulouse « A. Delannes & E. Boubé ». Vous résumer tout cela dans cet article vous priverait de bien de détails intéressants, aussi je vous propose dans les futures revues de reprendre en détail les différentes étapes de la commande à l’inauguration de notre monument.

Suite à l’érosion, il était nécessaire de procéder à sa restauration. Comme il est écrit dans le bulletin municipal de décembre 2014 celle-ci s’est déroulée en plusieurs phases : le nettoyage par micro gommage, une esquisse des reliefs présents sur les 4 faces (par un jeune du village : Antoine Kersse).

Le dessin de chaque scène était devenu difficile à percevoir. Avec son ciseau et son martelet Philibert donnait l’impression que retailler la pierre était aussi simple que de dessiner les motifs sur une feuille avec un crayon. Il est un maître dans cette discipline et a su redonner tous les éclats de jeunesse qu’avait notre monument en 1922.

Je félicite le conseil municipal de l’époque et son maire, pour leur engagement dans la conception de ce monument. Chaque scène a été murement réfléchie, afin qu’elle reflète les pensées qu’ont pu avoir les poilus de notre village depuis les tranchées. Grâce à eux, nous avons aujourd’hui un lieu du souvenir dont nous pouvons être fiers et les visiteurs ont plaisir à le découvrir.

Face Nord : Saint Martin, patron de la paroisse de Viviers, descendu de son cheval que l’on aperçoit au fond du tableau, couvre de son manteau un soldat blessé au sol. Le geste du Saint symbolise les généreux versements en or de tous les Français pour couvrir les premiers emprunts. Ce sont encore les réquisitions loyalement acceptées et subies. Le pauvre soldat frissonnant symbolise le froid et l’agonie des hivers de guerre.

NOSTRE VILATGE – revue n°14 – année 2014/2015 31 Vieilles pierres

Jacques MONTAGNE

Face Ouest : Saint Roch accompagné d’une sœur de la Charité visite un hôpital de blessés. Protecteur traditionnel de Viviers il guérit console et continue au front son œuvre charitable. Il est pour le poilu l’emblème du village, il évoque aussi par là le souvenir des fêtes joyeuses du 16 août, de nos étés brûlants, des êtres chéris qu’il a laissés au foyer.

Face Est : Le labour fait par les femmes, on voit s’échelonnant dans le fond du tableau les maisons du village. Il représente le rêve du combattant au milieu des dangers, des dures fatigues de la guerre. Celui-ci est découragé en pensant à ses champs qu’il a abandonnés. Il aperçoit dans la plaine sa femme conduisant les bœufs au labour, cette vision le

rassure, le console, et lui rappelle le doux souvenir du village.

Face Sud : les semailles, ce bas-relief complète le précédent. Les femmes après avoir labouré, sèment, au premier plan l’une d’elles se repose de son travail en soignant son enfant. Il symbolise le dur labeur des femmes pendant la guerre sans oublier leur rôle maternel.

Les hommes sont absents, ils se battaient le fusil ou le révolver à la main. Il en mourait par milliers mais les femmes aussi combattaient tenant la charrue, la faucille, la faux ou le râteau. Images qui nous viennent du fond des âges avec les gestes répétés et immuables, scènes bucoliques qui nous rappellent les Géorgiques de Virgile. Et devant cette nature indifférente aux peines des hommes, ces femmes accomplissant des tâches indispensables avec un stoïcisme remarquable.

NOSTRE VILATGE – revue n°14 – année 2014/2015 32 Histoire de Viviers

Samuel MONTAGNE

La peste à Viviers-les-Montagnes (1628 -1631)

Viviers plus qu'ailleurs, la dévotion à saint Roch s'est perpétuée à travers les siècles. En témoigne aujourd'hui encore la procession du A 16 août : la statue et la bannière du saint précèdent les fidèles qui arpentent les rues du village selon un itinéraire immuable. Invoqué lors des épidémies, en particulier de peste1, saint Roch a fait l'objet d'une vénération particulière dans les communautés du Midi. Ainsi, lors des dernières épidémies de peste qu'a connu le Castrais, de nombreuses communautés ont érigé une chapelle en l'honneur de saint Roch : Sémalens (fin XVIe s.), Lautrec (1628)2, Vielmur(1631)3 et (1629)4.

Le recours à saint Roch par la communauté de Viviers est ancien, comme en témoigne une mention de la chapelle saint Roch qui est antérieure à l'épisode de peste de 1628-1631 : elle est aussi attestée en 16085. La construction d'une chapelle dédiée à ce saint date probablement de la fin du XVIe siècle, lors des épidémies de 1558-1565 et 1591-15946. Faute de mention dans les diverses archives consultées, il n'est pas possible de connaître précisément la date du vœu effectué par la communauté à saint Roch. Dans sa monographie, J.P. Rouanet indique que ce vœu daterait de 16887, mais en réalité, la procession et la messe célébrée en l'honneur de saint Roch sont bien antérieures. Ce vœu à saint Roch date probablement de la fin du XVIe siècle, et a peut-être été réactivé en 1628-1631. Lors de cette période, le Midi est touché par deux fléaux : la peste qui fait beaucoup de morts et les guerres de Rohan qui opposent les partisans du Roi et les rebelles menés par le duc de Rohan. Statue de saint Roch, église Saint Martin, fin XVIème siècle

1 La peste est une maladie mortelle causée par le bacille de Yersin. Elle se développe par l'intermédiaire des puces infectées des rats, transmises d'homme à homme ou par l'intermédiaire de leurs vêtements et des étoffes. 2 ADA, 3 L 101, Livre des obits et fondation du couvent des Frères Mineurs de Lautrec, f°142, le 21/11/1655. 3 ADT, 3 E 69/60, le 14/09/1631 : Projet de construction de l'église Saint-Roch. (document fourni par M. Alain Le Guehennec). 4 MANAVIT (Henry), « Autour de saint Roch – La grande peur », Revue Arc-en-ciel, Comité Culturel de Graulhet, n°93, automne 2003, p. 37. (document fourni par Me Geneviève Rey) 5 ADT, 325 EDT, GG 2, le 1/04/1608 : Acte de décès de Jehanne de Boune, file de noble Jaques de Bonne, sieur de Missegle. 6 RICALENS (Henri), La Peste en Lauragais de l’avènement de François Ier à la Régence, Toulouse, Presses de l’I.E.P. de Toulouse, 2009. 7 ROUANET (J.P.), Monographie de la commune de Viviers-les-Montagnes, texte dactylographié, vers 1923, p. 290.

NOSTRE VILATGE – revue n°14 – année 2014/2015 33 Histoire de Viviers

Samuel MONTAGNE

Août 1628 : la première phase de l'épidémie

En l'absence de registres consulaires, aucun acte notarié n'évoque le rôle précis des consuls lors de l'épisode de peste de 1628-1631. Seul le registre paroissial témoigne des différentes phases de l'épidémie qui a touché Viviers entre 1628 et 1631. La bonne tenue du registre paroissial pour la paroisse de Saint-Martin permet d'étudier dans le détail les différentes phases de l'épidémie. Comme à Lautrec, l'épidémie se déclenche en août 1628 avec onze décès ce mois-là, alors que l'amplitude des mois précédents ne dépasse guère quatre décès. Est-ce André Salvan, soldat de la compagnie de Mr de la Terrisse au Régiment du sieur d', décédé le 11 juillet 1628 à Viviers, qui amène avec lui l'épidémie8 ? Avec les marchands ambulants, les réfugiés catholiques qui ont quitté Castres aux mains du duc de Rohan, les troupes du roi qui ont sillonné la contrée à l'occasion des guerres de Rohan sont très certainement à l'origine de l'arrivée de la peste dans la contrée.

Bien qu'elle ne soit pas nommée explicitement dans le registre paroissial, l'épidémie se poursuit en septembre avec dix-huit décès, avant de s'atténuer en octobre avec seulement sept décès. Les mois qui suivent, l'épidémie n'est plus perceptible. Lors de ce premier épisode de peste aucune mesure particulière n'est prise : les pestiférés meurent à leur domicile, les sépultures sont pratiquées dans l'église9 et dans les deux cimetières de Viviers.

Printemps 1631 : deuxième phase de l'épidémie – En Salvatge

Après une période d'accalmie, l'épidémie reprend au printemps 1631, avec FABRE ALQUIE douze morts en avril et douze autres en Ramon Peironne mai. Elle ne fait aucune victime les deux + 16/04/1631 mois qui suivent, puis reprend de manière soudaine en août avec dix-sept décès. La quasi totalité des victimes décédées au printemps 1631 habitent au hameau d'En FABRE FABRE FABRE FABRE Salvatge. Le nombre de victimes est très Jacques Marie Guilhem Catherine restreint ; seul un petit nombre de familles a + 13/02/1631 + 14/02/1631 + 16/04/1631 + 17/04/1631 été décimé, en particulier la famille Fabre qui compte cinq décès de février à avril : quatre enfants et leur mère. Les familles Arbre généalogique simplifié de la famille Fabre, du Mas d’En Salvage, Viviers Gasaignol (3 décès) et Chabbal (2 décès) qui demeurent également au mas d'En Salvages ont été touchées par l'épidémie. Le reste de la communauté semble a priori entièrement préservé par cette contagion, mis à part trois décès subits suffisamment rares pour être mis en rapport avec l'épidémie de peste. Ainsi, le 6 avril 1631, Anthoine et Philippe Durand, deux frères qui habitent au hameau d'En Molinier, sont retrouvés morts le même jour10. Le 28 avril suivant, c'est le corps de Jeanne Salvatge, habitante d'En Salvatge qui est retrouvée gisant près de la Sabartarié11.

8 ADT, 325 EDT GG 2, f°5, le 11/07/1628 : Acte de décès d'André Salvan, originaire de Coupiac, diocèse de Rodez. 9 ADT, 325 EDT GG 2, le 23/09/1628 : Acte de décès de Florette Bonnes, femme de Jean Prades, inhumée dans l'église. 10 ADT, 325 EDT GG 2, Registre paroissial de Saint-Martin de Viviers, 1627, f°18, le 6/04/1631 : Acte de décès d'Anthoine et Philippe Durand, fils de François. 11 Ibid., 1627, f°18, le 28/04/1631 : Acte de décès de Jeanne Salvatge, fille de feu Amalric.

NOSTRE VILATGE – revue n°14 – année 2014/2015 34 Histoire de Viviers

Samuel MONTAGNE

Été 1631 : troisième phase de l'épidémie – las Bartes, Villeneuve et les « cabanes »

En juillet, une nouvelle phase de l'épidémie se déclare dans une autre localité de la communauté et d'une ampleur nettement plus importante. Dans le registre paroissial, le vicaire Malaval indique les actes de décès qui se suivent et concernent ceux « qui sont morts de la peste dans ceste paroisse St Martin de Viviers lez Montaignes despuis le setxieme du moys de julliez mil six cent trente un, que ladite maladie feust descouvert au masage de las Bartes.12 »

L'épidémie est alors reconnue comme telle par ses contemporains. Pour le vicaire, ce nouvel épisode de peste a été introduit à Viviers par plusieurs castrais protestants venus se réfugier dans leur métairie de las Barthes13. L'étude du registre semble confirmer cette affirmation. La Extrait de la Carte de Cassini, communauté de Viviers métairie de Jacques Boyer, marchand Les foyer de la peste (1628 – 1631) mangonier de Castres, serait donc le foyer de ce nouvel épisode de peste. En effet, le 20 juillet 1631 Isabeau Boyer, fille de Jacques Boyer est décédée des suites de la peste. Elle « s'y estait retirée a cause de ladite maladie qui estoict audit Castres, feust enterré par Marc Andrieu mettayer dans un champ pres (de) ladite metterie.14 » A la suite de ce décès, succombent neuf autres personnes du hameau de las Barthes en juillet et août 1631. Les familles Andrieu (3 décès ) et Aussenac (3 décès ) sont décimées et enterrées sur place, dans un champ qui voisine la métairie.

Le 27 juillet suivant, l'épidémie fait ses premières victimes dans le faubourg de Villeneuve près du bourg de Viviers, seul lieu contaminé de Viviers lors de l'été 1631. Les premières victimes décèdent à leur domicile, mais MOLINIE GAIRAUD rapidement les consuls prennent des mesures sanitaires : Jean Catherine la mise à l'écart des personnes suspectées d'être infectées + 08/09/1631 + 22/09/1631 par l'épidémie. Certaines de ces personnes ont semble-t-il manifesté des signes de la maladie depuis l'épidémie d'avril, tel Jean Camille, sergent de Viviers décédé en août 1631, « ayant trainé la maladie quatre ou cinq moys15 ». MOLINIE MOLINIE Les personnes infectées ou suspectées sont reléguées Anne Madelaine dans des « cabanes », des abris de fortune construits à la + 27/08/1631 + 21/09/1631 hâte à Labadenque. Cet espace de relégation était situé dans des champs situés sur la rive gauche du Bernazobre, en bordure du ruisseau. Les consuls ont également Arbre généalogique simplifié de la famille Molinie, du faubourg de Villeneuve

12 ADT, 325 EDT GG 2, f°25, le 16/07/1631. 13 Il s'agit probablement de l'actuel lieu-dit La Barthe de Nébrouze, commune de Soual. 14 ADT, 325 EDT GG 2, le 20/07/1631 : Acte de décès d'Isabeau Boyé, fille de de feu Jaques. 15 ADT, 325 EDT, GG 2, le 8/08/1631: Acte de décès de Jean Camille.

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Samuel MONTAGNE

désigné des « désinfecteurs16 » chargés de procéder à la décontamination sommaire des maisons et d'ensevelir les corps des pestiférés dans les champs et les jardins du voisinage. Ils étaient également chargés de nourrir les personnes reléguées aux « cabanes de la Plane de Labadenque17 » et à celles 18 PENAVAIRE ROLLAND du « Gua de Roussetz ». Des familles Ramon Estrugue entières ont d'abord été reléguées dans Hoste + 15/08/1631 ces abris de fortune, puis elles ont été décimées par l'épidémie, tels les Penavaire, les Molinie et les Bellasaigne qui habitaient toutes dans le faubourg de PENAVAIRE FABRE Villeneuve. Les arbres généalogiques ci- Guillaume Guilhem contre montrent l'importance des décès + 6/10/1631 + 31/08/1631 dans ces familles contaminées et isolées du reste de la communauté. La famille Penavaire est celle qui a subi le plus de pertes avec cinq décès répartis sur trois FABRE FABRE générations. Jacques Catherine + 15/08/1631 + 01/09/1631 A l'occasion de cet épisode de peste, c'est la première fois que des corps morts sont inhumés en dehors d'un Arbre généalogique simplifié de la famille Penavaire, du faubourg de la cimetière et d'une église, en raison du Penavaire risque de propagation de la contagion. Les actes d'inhumation évoquent précisément les champs et les jardins où les inhumations ont été effectuées, aucune funéraille n'ayant été célébrée pour les personnes infectées. Les corps des pestiférés morts dans les maisons du faubourg sont ensevelis dans les champs et les jardins avoisinants, ou devant les maisons du hameau. Ceux qui sont morts dans les cabanes sont ensevelis dans une fosse commune creusée sur place dans un champ de Jacques Fournes19. Dans le même temps, les personnes qui décèdent dans la paroisse et qui ne présentent pas de signe de contagion sont enterrées selon la forme habituelle dans les deux cimetières de Viviers, Saint-Jean de Latran et le cimetière contigu à l'église Saint- Martin.

Ce dernier épisode de peste fait 17 victimes en août, 12 en septembre puis le registre semble indiquer la fin de l'épidémie. Avec la fin de l'été, la peste cesse. A l'automne, la situation est revenue à la normale et les sépultures sont désormais entièrement pratiquées dans les cimetières habituels et aucun cas de peste n'est plus mentionné.

L'action conjuguée des consuls qui ont isolé les pestiférés du reste de la communauté, et de l’Église qui a demandé la préservation de Viviers et l'intercession de saint Roch, donne l'impression que « la peste s'arrêta comme par miracle.20 » A ces manifestations visibles, il faut certainement ajouter le fait que l'épidémie de peste varie en fonction des conditions météorologiques et des températures. En effet, la puce impliquée dans la transmission de la maladie ne peut généralement pas résister à des températures inférieures à 22 °C.

16 Ibid., le 30/08/1631 : Acte de décès de Bernarde Bosquete. 17 Ibid., le 28/08/1631: Acte de décès d'Antoinette Peset. 18 Ibid., le 3/09/1631: Acte de décès de Ramond Levezou. 19 ADT, 325 EDT CC 1, Compoix de Viviers-les-Montagnes, 1594, f°253, Item de Jacques Fournes : une piesse de terre à la Badenque. Ibid., f°253, Item de Jacques Fournes : une piesse de terre al Gua del Roussets. 20 ROUANET (J.P.), Monographie de la commune de Viviers-les-Montagnes, texte dactylographié, vers 1923, p. 290.

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Samuel MONTAGNE

Ainsi, Viviers-les-Montagnes n'a pas été épargné par cet épisode de peste concomitant avec les guerres du duc de Rohan qui marquent la fin des guerres de Religion. Au cours des trois phases successives, une centaine de personnes a péri de la contagion, de manière directe, ou indirecte, en particulier pour les enfants en bas âge. La bonne conservation du registre paroissial et le soin apporté par le curé de Viviers permettent de préciser l'évolution de la maladie, les personnes qui l'ont transmise et les hameaux touchés. Face à l'horreur des fosses communes, de la mort sans sacrement et de l'isolement des personnes suspectées d'être contaminées, le recours à saint Roch demeure à ce jour une mémoire vivante de cette épidémie qui a touché la communauté.

Les décès de la paroisse Saint Martin de Viviers-lès-Montagnes (1627-1632)

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Jean-Luc BOUISSIERE

Les livres de Lecture

ecteurs assidus d’œuvres complexes, de romans célèbres ou d’articles de magazine vite oubliés, nous avons encore, profondément ancrés dans notre mémoire, le souvenir des livres scolaires qui ont accompagné nos L premiers pas vers le monde de la littérature. Voici ceux qui ont marqué, pour de nombreux petits Viviérois des années 60, leur passage à l’école primaire.

Au Cours préparatoire de Madame Marty, une fois passé le cap de la combinatoire sur « La Méthode Boscher », toute en couleurs criardes et dessins rassurants, nous entamions la lecture suivie avec « Poucet et son ami ». L’ami en question était un écureuil (cet ouvrage à dû susciter beaucoup de vocations pour apprivoiser les petits animaux même si l’écureuil n’est pas la bestiole la plus facile à domestiquer !). Ce livre racontait les aventures familiales d’un petit garçon prénommé Poucet, toujours en salopette courte marron et polo jaune (il devait être très propre puisqu’il ne changeait pratiquement pas de costume tout au long des 112 pages du livre !) Les situations dans lesquelles évoluaient les personnages étaient bien étudiées pour nous aider à rapidement assimiler les sons à apprendre dans la semaine. Rien ne dépassait dans les dessins du livre et l’univers de Poucet représentait pour nous l’image du monde idéal (il n’allait à l’école qu’à la 98èmepage !). Le deuxième tome se terminait par un voyage vers l’inconnu avec le dernier

chapitre « Poucet part pour Paris » ; on n’a jamais su s’il en était revenu !

Au CE1, le livre « L’Enfant et la Lecture CP-CE1» nous entrainait vers des contes remplis de poésie, d’humour et de fantastique : « Le Noël du vieux pommier », « Les Trois Petits Rats », « Deux Oursons Envieux »… quelques titres parmi une quinzaine de récits souvent moralisateurs mais si proches de nous : il était facile de s’identifier aux héros, souvent faibles et sans défense.

On attaquait ensuite les choses sérieuses : nous achevions notre apprentissage de la fluidité dans la lecture avec « Au Pays Bleu ». Ce livre, au sujet duquel Madame Pélissier avoua un jour qu’elle avait du mal à abandonner son utilisation, racontait avec infiniment de tendresse et dans un monde aux couleurs pastel, les aventures du petit Edouard et de sa voisine Louise. Une question que le petit garçon se posait en début de livre a hanté mes premières réflexions philosophiques : « Que devenaient les bûchettes que les deux enfants jetaient dans leur petite rivière et que pouvaient imaginer les gens qui les voyaient passer en si grand nombre dans le port à l’embouchure du fleuve? »

Au CE2, la maîtresse nous lançait dans une fabuleuse lecture à épisodes : « Ma forêt en Liberté ». Ce livre, rempli de malice et de poésie raconte les aventures de Bouchon, un petit garçon d’une dizaine de centimètres, qui apparait un jour dans une salade, devant les moustaches du lièvre Rouquin dit « Grande Oreille ». Bouchon trouvera dans la forêt des alliés vulnérables, rêveurs ou malicieux (Panache l’écureuil, Queue Blanche le lapin, Pointu le hérisson…) et des ennemis cruels et redoutables (Borgne le rat, Suceuse la belette, Froidécaille la couleuvre et par-dessus tout, le superprédateur de la

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Jean-Luc BOUISSIERE

forêt, Museaufin le Renard. Chaque épisode fait le récit des astuces que Bouchon et ses amis emploient pour éliminer un à un leurs ennemis. L’apothéose libératrice étant la mort du Renard, étranglé par Œil -noir, le chien du fermier Casquette. Ce livre de Maurice Oléon, inspecteur d’académie, possède les caractéristiques incontournables du conte poétique et du roman d’aventures : un héros frêle et sans protection mais pourvu d’une volonté de fer et d’un esprit aussi astucieux qu’espiègle qui vient patiemment à bout de tous ses adversaires grâce à son intelligence : un bon exemple pour illustrer la persévérance et l’imagination dont nous devrions, garçons et filles, faire preuve plus tard.

Au Cours Moyen, le livre-phare était « Belles Lectures ». La couverture représentait le charmant tableau « L’étude » de Fragonard. A l’intérieur, 29 chapitres (l’automne, la vie en famille, ma maison, vacances de neige, etc.) regroupaient chacun 4 textes de grands auteurs (Giono, Pagnol, Aymé, Zola, Troyat…) ou de romanciers un peu délaissés aujourd’hui (Cressot, Pergaud, Loti, Rolland…). Les illustrations en couleurs qui encadraient, sur deux pages, les extraits, collaient vraiment aux textes et facilitaient grandement l’entrée dans l’univers de chaque récit. Ces lectures étaient adaptées à notre environnement d’alors : la France étant encore assez rurale, la majorité des textes parlaient souvent des travaux de la terre, des animaux sauvages, de l’école d’autrefois, des fêtes familiales et des traditions… Le dernier chapitre s’intitulait pourtant « A la découverte du monde » et s’achevait par le récit de l’exploit de Youri Gagarine, premier cosmonaute à avoir gravité autour de la Terre. Nous étions donc prévenus : il convenait maintenant d’être prêt pour affronter l’inconnu, et en premier lieu, l’entrée en 6ème, dans ce collège qui semblait se situer sur une autre planète, à des années-lumière de notre douillette école primaire…

Une adresse de site pour retrouver quelques-uns des livres cités dans cet article : http://manuelsanciens.blogspot.fr

NOSTRE VILATGE – revue n°14 – année 2014/2015 39 A ne pas oublier

Sur vos agendas

SORTIE BOTANIQUE : le 30 Mai 2015.

FÊTES DU VILLAGE : Repas la poule au pot avec soirée dansante.

JOURNEES EUROPEENNES DU PATRIMOINE : les 19 et 20 septembre 2015

N’oubliez pas le site www.viviers-les-montagnes.fr

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Une centenaire à Viviers

Et oui, cette dame là-bas que vous voyez, c’est notre centenaire de Viviers lès Montagnes, Madame Olga Payrastre.

Madame Payrastre avec ses cheveux poivre et sel a vécu très longtemps sur Viviers, Route de la Caussade.

Depuis quelques années, elle a rejoint des compagnes et des compagnons avec lesquels elle partage leur quotidien à la maison de retraite de Touscayrats.

Nous souhaitons à Olga, une très bonne année et encore pleins d’autres…

Au revoir Monsieur Pélissier

Monsieur Pélissier nous a quitté en cette fin d’été, laissant derrière lui un passé chargé d’histoire.

Il a marqué de son empreinte la vie de Viviers durant plus d’un demi-siècle. Instituteur de 1955 à 1966, il s’est investi dans l'Etoile Sportive Viviéroise, la municipalité. Il a été le fondateur de la bibliothèque municipale.

Il a toujours œuvré pour favoriser l’accès de tous à la culture.

En 2013, c’est avec plaisir et en reconnaissance de tout ce travail accompli que nous avons participé aux retrouvailles des anciens élèves.

LA REVUE CULTURELLE DU PATRİMOİNE VİVİÉROİS

 Responsable de publication : Jacques MONTAGNÉ (Tel:06.70.94.75.70)

 Maquette, photos, conception graphique : Valentin MONTAGNÉ, Cathy et Didier LOUP

 Comité de lecture : Paulette BONNEL, Nicole BOURDIL, Martine CASAMIAN, Vincent FERNANDEZ et Daniel PREVOT

La revue publie des articles concernant tout type de sujet sur le patrimoine villageois.

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