Canadian Journal of Forest Research

Émergence et évolution de la collaboration dans la planification forestière du Nitaskinan

Journal: Canadian Journal of Forest Research

Manuscript ID cjfr-2018-0290.R2

Manuscript Type: Article

Date Submitted by the 18-Oct-2018 Author:

Complete List of Authors: Fortier, Jean-François; Université Laval Wyatt, Stephen; University of Moncton,

Atikamekw Nehirowisiwok, Planification forestière, Collaboration, Secteur Keyword: forestier, PremièresDraft Nations

Is the invited manuscript for consideration in a Special Indigenous Forest Governance Issue? :

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Émergence et évolution de la collaboration dans la planification forestière du Nitaskinan

Jean-François Fortier1*

Stephen Wyatt2

1Université Laval, 2325 Rue de l’Université, Québec, QC G1V 0A6 jean-

[email protected]

2Université de Moncton (campus d’Edmundston), 165 Boulevard Hébert, Edmundston, NB E3V

2S8 [email protected]

*Auteur-correspondant : Jean-François Fortier, 2325 Rue de l’Université, Québec, QC G1V

0A6, Téléphone (819) 209-7778, [email protected]

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Résumé

Cet article propose de retracer les origines et les facteurs ayant marqué le développement des processus collaboratifs dans lesquels les Nehirowisiwok se sont activement engagés dans le cadre de la planification des activités forestières se déroulant sur leur territoire ancestral au cours des 30 dernières années. Reposant sur une approche historique, qualitative et inductive, les données analysées proviennent de sources écrites (rapports, procès-verbaux, etc.) et d’entretiens semi-dirigés avec des représentants des communautés nehirowisiwok, de l’industrie forestière et du gouvernement du Québec. Les résultats révèlent qu’au début des années 1990, les

Atikamekw Nehirowisiwok participent peu à la planification des activités forestières malgré leur volonté d’y prendre part. Vers la fin des années 1990, les Atikamekw Nehirowisiwok parviennent à mettre en place avec l’industrieDraft forestière un processus d’harmonisation visant à concilier l’occupation du territoire et les activités forestières. Ensuite, les jugements Haïda et

Taku River (2004) ainsi que l’adoption d’une nouvelle législation forestière (2010) ont pour effet de renforcer le rôle du gouvernement provincial dans le fonctionnement du processus d’harmonisation. L’instauration d’un nouveau régime forestier (2013) renverse les rapports entre les groupes alors que les Atikamekw Nehirowisiwok doivent dorénavant collaborer avec le ministère provincial étant devenu responsable de la planification forestière.

Mots clés : Premières Nations, Atikamekw Nehirowisiwok, planification forestière, collaboration, industrie, gouvernement

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Introduction

Au cours des dernières décennies, les Premières Nations et les intervenants du secteur forestier

ont expérimenté et mis en œuvre divers mécanismes de gestion collaborative des ressources

naturelles un peu partout au Canada et ailleurs dans le monde (Howlett et al. 2009; Notzke 1995;

Wyatt et al. 2013). Certaines Premières Nations sont parvenues à instaurer des régimes forestiers

adaptés aux besoins de leurs populations locales aux termes de plusieurs années de négociation

politique (Jacqmain et al. 2012). Par exemple, les Cris ont négocié un régime forestier adapté

dont la mise en œuvre est assurée par le Conseil Cris-Québec sur la foresterie. D’autres ont

choisi de négocier directement des ententes avec le secteur privé (Hickey et Nelson 2004) tel que

l’illustre l’entente entre Boisaco et les Innus d’Essipit (Beaudoin et al. 2015). Nous avons

également assisté à une prolifération de Draftprocessus administrés par une panoplie d’acteurs

gouvernementaux et privés visant à consulter les Premières Nations sur divers projets et

initiatives touchant les forêts (Natcher 2001; Fortier 2007; Martineau-Delisle 2013; Théberge

2012). D’autres groupes ont défendu leurs droits à l’aide de recours judiciaires qu’ils ont eux-

mêmes ou pas initiés tel que la Nation Haïda qui est parvenu à faire reconnaître l’obligation des

gouvernements provinciaux de consulter et d’accommoder les peuples autochtones lorsqu’il y a

un risque d’enfreindre leurs droits ancestraux et/ou issus de traités (Arrêt Haïda 2004; Arrêt Taku

River 2004).

Les conflits ont également mené à l’émergence de nouvelles formes de collaboration novatrices

comme l’illustre le cas particulièrement connu de Clayoquot Sound en Colombie-Britannique

(Mabee et Hoberg 2006; Mabee et al. 2013). Dans les années 1980 et 1990, divers groupes de

citoyens, d’écologistes et de Premières nations (Nuu-chah-nulth) ont protesté contre les coupes

forestières dans la région de Clayoquot Sound culminant en 1993 en une immense manifestation 3

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où plus de 800 citoyens ont été arrêtés (Goetze 2005). Pour régler une partie du conflit, le gouvernement de la Colombie-Britannique a conclu une entente avec les Premières Nations Nuu- chah-nulth menant à la création du Conseil régional central de Clayoquot Sound (CRC) composé de représentants gouvernementaux locaux autochtones et non-autochtones. Selon Goetze, le

Conseil « was designed to provide Nuu-chah nulth with the structures and processes of an empowered co-management regime. (…) this means that it has facilitated the process of advancing their aspirations concerning political and structural equity, or ‘systemic change’, and the protection and practice of indigenous rights » (Goetze 2005, p. 250).

Enfin, des études récentes ont montré la diversification et l’imbrication de l’engagement autochtone (Wyatt et al. dans ce numéro;Draft Fortier et al. 2013; Maclean et al. 2014; Beaudoin et al. 2015). Cet engagement se déploie au sein de multiples systèmes et réseaux de gouvernance et ce,

à différentes échelles spatiales et temporelles (Chiasson et Leclerc 2013). Ainsi, l’étude des relations entre Autochtones et non-Autochtones dans le cadre de la gestion forestière doit prendre en compte cet environnement plus large et dynamique qui façonne continuellement les efforts de collaboration et de réconciliation (Zurba et al. 2015).

Hickey et Nelson (2004) résument bien les impacts positifs qui sont encore aujourd’hui associés

à la collaboration entre les Premières Nations et le secteur forestier tels que la résolution/prévention des conflits, le partage des profits, la création d’emplois, le renforcement des capacités, l’accès aux ressources forestières, la participation aux prise de décision ainsi que les retombés sociales et culturelles (p. ex. l’utilisation et l’occupation autochtone du territoire).

D’autres études montrent au contraire que les processus de cogestion et de collaboration peuvent nuire aux revendications territoriales des Peuples autochtones, à leur quête de l’autosuffisance

économique et à leur autodétermination politique alors que l’État enracinerait son autorité et son 4

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contrôle sur les territoires, les ressources naturelles et les peuples autochtones (Nadasdy 2003;

Feit et Beaulieu 2001). Lane (2006) argumente pour part que la puissance du

« développementalisme européen » a mené à la marginalisation des perspectives autochtones

dans la planification territoriale et la prise de décision. Plus encore, si la participation autochtone

donne l’impression que les préoccupations et les valeurs autochtones ont été prises en compte, en

réalité, les processus qui encadrent cette participation représenteraient aussi un véhicule de

déshabilitation et de dépossession territoriale (Stevenson et Natcher 2010; Smith 2013).

Plus récemment, nous avons vu émerger une nouvelle perspective plus nuancée de la

collaboration reconnaissant qu’elle peut mener à la fois à un renforcement des relations de

pouvoir asymétrique ainsi qu’à de nouvelles possibilités pour étendre le pouvoir collectif

autochtone sur la gestion forestière. Par Draftexemple, en Colombie-Britannique, les travaux de

Takeda et Røpke (2010) ont montré que les expériences de cogestion avec les Premières Nations

de la Colombie-Britannique ont été « contraintes par les structures institutionnelles et politiques

plus larges » dans lesquelles les « forums de délibération » sont « demeurés fermement ancrés ».

Par contre, en s’impliquant dans le processus de planification de gestion écosystémique, les

Premières Nations ont acquis les moyens nécessaires (p. ex. analyses environnementales, vision

communautaire commune, etc.) pour « récupérer une partie importante de contrôle sur les

décisions portant sur l’utilisation des terres et changer radicalement la direction de l’exploitation

et des politiques forestières sur Haïda Gwaii » (Takeda et Røpke 2010, p. 187).

Cet article1 propose une perspective nuancée de la collaboration en examinant l’expérience des

Atikamekw Nehirowisiwok2 dans leurs efforts de s’engager dans la planification forestière où

1 Cet article est basé sur une recherche doctorale (Fortier 2017) portant sur l’évolution de la participation des Atikamekw Nehirowisiwok dans la planification forestière de 1990 à 2013. La recherche a été menée en collaboration avec le Conseil de la Nation atikamekw (CNA). Toutefois, les opinions, conclusions et 5

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l’industrie forestière et le gouvernement provincial détiennent les principaux pouvoirs (Blais et

Boucher 2013). Les Atikamekw Nehirowisiwok négocient avec les gouvernements du Québec et du Canada, dans le cadre de la Politique des revendications territoriales globales, depuis les années 1970 afin de défendre et d’affirmer leurs droits (Éthier 2017; Poirier 2017). C’est

également durant les années 1980 que leur engagement dans la gestion forestière prend un nouveau virage incluant notamment l’élaboration d’un modèle de gestion intégrée des ressources naturelles visant à concilier les opérations forestières avec leur occupation et l’utilisation du territoire (Wyatt 2004 et 2006), et qui fut progressivement incorporé par la suite à la législation provinciale. Notre objectif est de retracer l’évolution de cette expérience sur une période de plus de 25 ans afin de mieux comprendre les transformations sociales qui ont marqué ce domaine particulier de la gestion forestière au Canada.Draft

recommandations exprimées dans le présent article sont celles des auteurs et ne doivent pas être interprétées comme étant celles du CNA. 2 Dans le cadre de cet article, nous recourons à l’ethnonyme « Atikamekw Nehirowisiwok » pour faire référence à la Nation atikamekw. Le terme « Nehirowisiw » (« Nehirowisiwok » au pluriel) a été officialisé et associé à « Atikamekw » en 2006 par le Conseil de la Nation atikamekw et demeure en fait le terme qu’ils utilisent pour se définir en tant que groupe distinct (voir à cet effet Poirier, Jérôme et la Société d’histoire Atikamekw Kitci Atisokan 2014). 6

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La planification forestière collaborative

Dans le cadre de cette étude, nous examinons la collaboration dans l’élaboration des plans

d’aménagement forestier3 (PAF), c’est-à-dire la « planification forestière ». Celle-ci implique les

décisions touchant les opérations effectuées sur les territoires forestiers (p. ex. construction,

entretien et fermeture de chemins, types de coupes forestières, secteurs, calendrier des activités,

etc.). Définie parfois comme l’une des fonctions génériques de la gestion forestière (Beckley et

Korber 1996), la planification forestière chevauche selon nous la gouvernance4 et la gestion

forestière. Bien que la planification soit souvent associée aux « opérations forestières », elle

comprend également un volet stratégique. Par exemple, pour le gouvernement du Québec,

l’objectif principal de la planification forestière est d’assurer le « respect de la possibilité

forestière », c’est-à-dire favoriser un « rendementDraft soutenu » afin d’approvisionner le marché en

matière ligneuse (MRNQ 2013, p. 3).

Certains auteurs (Gunton et Day 2003; Gunton 2007) ont proposé le concept de « collaborative

planning » pour faire référence aux nouvelles pratiques de collaboration qui ont émergé au sein

des champs de la planification humaine et sociale (p.ex. planification urbaine, planification

territoriale, planification forestière, etc.). Gunton définit la planification collaborée ou concertée

comme :

3 De 1986 à 2013, la Loi sur les forêts prévoyait l’élaboration et la mise en œuvre des plans stratégiques et opérationnels pour chaque unité d’aménagement où les bénéficiaires de contrats et de conventions étaient autorisés à récolter du bois. Il y avait le plan général d’aménagement forestier (PGAF) qui était un plan stratégique qui était révisé tous les cinq ans ainsi que le plan annuel d’intervention forestière (PAIF) qui était un plan opérationnel qui devait être soumis à chaque année. 4 Selon Lemos et Agrawal (2006, p. 298), la gouvernance environnementale, qui comprend également la gouvernance des forêts, « refer to the set of regulatory processes, mechanisms and organizations through which political actors influence environmental actions and outcomes. » Dans ce contexte, les processus d’harmonisation représentent à juste titre l’un de ces mécanismes où les acteurs tentent d’influencer les décisions entourant la planification des activités forestières sur le territoire. 7

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a process of engaging stakeholders in face-to-face dialogue to develop a plan that meets the interests of all affected parties. Collaborative planning involves negotiation among affected parties to achieve a consensus decision and often relies on an independent mediator or facilitator to assist in negotiations. (Gunton 2007, p. 106).

Nous avons adapté cette définition au domaine forestier pour définir ainsi la planification forestière collaborative comme un processus émergent qui engage les parties prenantes dans un dialogue en face-à-face afin de développer un plan d’aménagement forestier qui rencontre les valeurs de chaque partie concernée, qui implique une négociation entre les parties prenantes afin d’atteindre une décision consensuelle, et qui peut nécessiter le soutien d’un médiateur et/ou d’un facilitateur (Fortier 2017).

Nous reconnaissons d’emblée qu’il existe plusieurs conditions qui peuvent influencer l’émergence et le développement d’une Drafttelle pratique (Ansell et Gash 2007). On distingue notamment les conditions endogènes (p. ex. acteurs impliqués, historique des relations entre les acteurs, ressources et pouvoirs des acteurs) et exogènes (p. ex. changement de loi, crise

économique, etc.) (Fortier 2017). Pour analyser l’évolution de la collaboration dans la planification forestière, nous avons examiné les éléments déclencheurs, les acteurs, le processus de collaboration, les effets et les conditions de la collaboration ainsi que les facteurs de changement. Étant donné que la collaboration est entendue comme un processus émergent que l’on peut situer dans le temps et l’espace (Gray 1988), les éléments déclencheurs ont été pris en compte afin d’identifier les origines et les motivations des acteurs à emprunter la voie de la collaboration. Nous distinguons les processus obligatoires et volontaires (Yaffee et Wondolleck

2003) en reconnaissant que le mandat d’un processus peut évoluer dans le temps et passer d’une démarche volontaire à un processus obligatoire et vice versa (Martineau-Delisle 2013).

Les acteurs représentent également une variable fondamentale dans la plupart des travaux sur la gouvernance forestière (Agrawal et Lemos 2007). Précisons que nous ne référons pas aux acteurs 8

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autochtones seulement en tant que groupe homogène. Ainsi, les acteurs autochtones ont été

distingués selon leurs intérêts et les organisations qu’ils représentaient, dans les cas échéants.

L’analyse de l’évolution du fonctionnement du processus de collaboration a aussi pris en compte

les objectifs et les règles qui le régissent; c’est-à-dire ce qui peut être fait et ce qui ne peut pas

être fait à travers le processus de collaboration. Selon Howlett et al. (2009), plus les règles sont

souples (« soft law »), plus on s’éloigne d’un modèle de gouvernance gouvernemental tandis que

plus les règles sont strictes et contraignantes (« hard law »), plus on s’en approche.

Les effets de la collaboration constituent aussi une dimension clé. Nous distinguons les effets sur

la planification forestière (effet direct) des effets sur les collaborateurs (effet indirect). À cet égard, plusieurs études ont illustré l’importanceDraft des apprentissages sociaux (Innes et Booher 1999; Bouwen et Thaillieu, 2004; Armitage et al. 2007) comme retombées de la collaboration :

« we define social learning as learning that occurs when people engage one another, sharing

diverse perspectives and experiences to develop a common framework of understanding and

basis for joint action » (Schusler et al. 2003, p. 311). La littérature suggère aussi que, parmi les

effets à long terme, on trouve le renforcement de la collaboration, c’est-à-dire qu’elle améliore

les relations entre les acteurs et nourrie le lien de confiance (Ansell et Gash 2007). On y réfère

parfois en tant que « cercle vertueux » de la collaboration.

Les facteurs internes et externes des changements représentent une autre dimension importante.

Fligstein et McAdam (2011 et 2012) considèrent la collaboration (coopération) au sein des

champs d’action stratégique (CAS) où les acteurs interagissent avec certaine compréhension

commune des buts, des règles et des relations. Or, puisque les champs d’action à proximité sont

interdépendants et forment l’environnement de la collaboration, ce sont les changements dans

l’environnement plus large qui marqueraient l’évolution des pratiques collaboratives. Par contre, 9

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les acteurs peuvent aussi profiter (ou provoquer) des épisodes de contestation ou de turbulences pour tenter de modifier les règles et les rapports de pouvoirs. Ainsi, la collaboration demeure toujours dans une certaine mouvance et peut être contestée à tout moment par les acteurs.

Méthodologie

L’objectif général de cette étude consiste à retracer les origines et les facteurs qui ont marqué le développement des processus collaboratifs dans lesquels les Atikamekw Nehirowisiwok se sont activement engagés dans le cadre de la planification forestière entre 1990 et 2018. Les données recueillies proviennent d’une recherche documentaire et de 25 entrevues semi-dirigées. La recherche documentaire s’est déroulée principalement sur Internet et au Centre documentaire du Conseil de la Nation atikamekw (CNA).Draft Les données collectées sont principalement des rapports d’activités, des comptes rendus, des procès-verbaux, des documents d’information, des articles de journaux et quelques ouvrages universitaires (p. ex. Wyatt 2004 et 2006; Houde 2012; Houde

2014; Poirier 2000; Wyatt et Chilton 2014). Puisque les processus d’harmonisation demeuraient très peu documentés au moment de la collecte des données, les entretiens semi-dirigés représentent le principal corpus sur lequel s’appuient nos analyses. Les entretiens, qui se sont déroulés durant l’année 20135, ont varié de 40 à 180 minutes (soit l’équivalent d’environ 60 heures de bande audio qui ont été retranscrits). Parmi les répondants de l’étude, on retrouve des représentants de l’industrie forestière, du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) et des représentants des trois communautés nehirowisiwok qui travaillent (ou ont travaillé) au

CNA et au sein des conseils de bandes incluant également des élus (voir tableau 1). Les participants ont été sélectionnés en fonction de leur expérience significative et directe avec les processus d’harmonisation et ont été recrutés selon la méthode « boule de neige ». Une grille de

5 Des entretiens ont été menés en mai 2018 pour mettre à jour le corpus de données pour la période de 2013 à 2018. 10

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questions a été élaborée afin de guider les entretiens. Les principaux thèmes abordés étaient :

Quel est votre rôle dans le processus d’harmonisation? Quel est l’objectif du processus

d’harmonisation? Comment fonctionne-t-il? Quels sont les impacts que vous avez observés? Est-

ce que des modifications ont été apportées au processus depuis que vous y participer et si oui,

lesquels et pourquoi? Est-ce que le processus a influencé vos relations avec les autres

intervenants et si oui, comment?

[Insérez Tableau 1]

L’ensemble des données recueillies a été analysé et interprété à travers une approche inductive et

qualitative. Ainsi, nous n’avons testé aucune hypothèse préétablie et nous n’avons pas évalué par exemple les impacts de la collaboration Draftà l’aide d’une grille préexistante. L’approche inductive se définie comme « un ensemble de procédures systématiques permettant de traiter des données

qualitatives, ces procédures étant essentiellement guidées par les objectifs de recherche » (Blais

et Martineau, 2006, p. 3). Elle repose sur « la lecture détaillée des données brutes pour faire

émerger des catégories à partir des interprétations du chercheur qui s’appuie sur ces données

brutes » (Blais et Martineau, 2006, p. 3). Les objectifs initiaux qui ont servi à orienter la collecte

et l’analyse des données sont les suivants :

1. Examiner dans quelle mesure les processus de collaboration impliquant les Atikamekw Nehirowisiwok dans la planification forestière ont évolué depuis 1990 jusqu’à 2013; 2. Identifier et décrire les changements qui ont marqué l’évolution des processus de collaboration; 3. Cerner et décrire les facteurs internes et externes qui ont influencé les changements identifiés. La méthode d’analyse consistait en trois étapes : la réduction des données, la condensation et la

présentation des données (Miles et Huberman, 2003). Les données ont ainsi été triées, codées et

analysées afin d’identifier : (a) les origines du processus d’harmonisation; (b) ses objectifs; (c)

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son mode de fonctionnement; (d) les principaux acteurs et leurs rôles; (e) ses impacts; (f) les obstacles rencontrés; (g) les changements qu’il a subis dans le temps; et (h) les facteurs associés aux changements.

Les Atikamekw Nehirowisiwok

Les Atikamekw Nehirowisiwok représentent l’une des dix Premières Nations présentes au

Québec en plus des Nunavimmiut (« Inuits »). Appelés autrefois « Têtes-de-Boules » ou

« Attikamègues », et aujourd’hui « Atikamekw », ils s’auto-désignent en tant que

« Nehirowisiwok » (« Nehirowisiw » au singulier). La population nehirowisiw compte près de

8000 membres répartis dans trois communautés (dont 18 % de celle-ci vivent à l’extérieur des « réserves »), soit Opitciwan (« ObedjiwanDraft ») et étant situées dans la Haute-Mauricie et dans la région de Lanaudière (Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord

Canada 2017). La majorité des Atikamekw Nehirowisiwok parlent couramment l’Atikamekw et utilisent le français comme langue seconde. Chaque communauté est administrée par un conseil de bande dont les membres sont élus. On retrouve également le Conseil de la Nation atikamekw

(CNA) composé des trois des chefs de bande et d’un Grand chef également élu par suffrage universel. Fondé en 1982 par les Atikamekw Nehirowisiwok, le CNA a le mandat de mener les négociations territoriales auprès des gouvernements dans le cadre de la Politique des revendications territoriales globales et offre services divers notamment dans les domaines de l’éducation, de la culture, de l’emploi, de la santé et des services sociaux.

Jusque dans les années 1970, plusieurs Atikamekw Nehirowisiwok ont travaillé pour l’industrie forestière à titre de bûcherons ou de draveurs (Gosselin 2004). Or, la mécanisation des activités forestières a laissé sans emplois plusieurs travailleurs forestiers, dont plusieurs Atikamekw

Nehirowisiwok (Gosselin 2004 : 5). À partir des années 1980, en réponse à cette situation, ils ont 12

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commencé à se doter de nouvelles structures pour diversifier leurs rôles dans la gestion

forestière : la fondation du CNA et la création d’un service forestier en 1982, l’établissement

d’une association de trappeurs et chasseurs en 1990 (Mamo Atoskewin Atikamekw), et la

création d’une entreprise forestière, les Services forestiers Atikamekw Aski Inc. (SFAA) en 1992

(Gosselin 2004, Houde 2012; Wyatt 2006). En 1996, le Conseil Atikamekw de Wemotaci a

conclu pour sa part une entente avec une entreprise forestière afin de mettre sur pied une scierie,

« Tackipotcikan ». Toutefois, le projet fut mis sur la glace alors que la Scierie Opitciwan a vu le

jour en 1999. Parallèlement, un « projet d’harmonisation » a été mis en branle par les SFAA et le

Conseil des Atikamekw de Wemotaci visant à élaborer une nouvelle approche collaborative afin

de concilier les activités traditionnelles des Atikamekw Nehirowisiwok (p. ex. chasse à l’orignal

et aux petits gibiers, pêche, piégeage, cueilletteDraft de petits fruits, activités sociales et

cérémonielles, etc.) et le développement forestier (Wyatt 2004 et 2006). C’est précisément cette

démarche qui est examinée dans le présent article.

Les processus d’harmonisation et la planification forestière

À partir des témoignages et de la documentation recueillis, le portrait évolutif des processus

d’harmonisation a été reconstitué en quatre phases. La première phase (1990-1999) est marquée

par plusieurs éléments déclencheurs qui entraineront la mise en œuvre des processus

d’harmonisation. La seconde phase de démarrage, délimitée par la période de 1999 à 2004,

représente une phase d’expérimentation et de rodage des processus d’harmonisation. La

troisième phase, de 2005 à 2010, représente une période plutôt stable et opérationnelle des

processus d’harmonisation en place. Enfin, la quatrième phase (de 2011 à 2018) reflète

notamment les changements engendrés par la refonte du régime forestier et fut marquée par une

augmentation d’épisodes plus conflictuelles.

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1990-1999 : Pré-émergence des processus d’harmonisation

En 1987, le gouvernement du Québec adopte une nouvelle Loi sur les forêts et met en place le

« régime des CAAF », c’est-à-dire les contrats d’aménagement et d’approvisionnement forestier.

D’une durée maximale pouvant atteindre 25 ans, les CAAF entrent officiellement en vigueur en

1990 et affectent les rôles et les responsabilités de l’industrie et du gouvernement. Pour obtenir un CAAF6, l’entreprise doit détenir une scierie et élaborer des plans d’aménagement forestier.

Parallèlement, les Atikamekw Nehirowisiwok sont en pleine négociation politique avec les gouvernements afin de conclure une entente dans le cadre de leurs revendications territoriales globales. Dans ce contexte, les Atikamekw Nehirowisiwok se sont mobilisés afin de participer activement à l’aménagement forestier sur le Nitaskinan. Draft L’un des éléments déclencheurs clés de cette mobilisation repose sur une prise de conscience collective chez les Atikamekw Nehirowisiwok face aux impacts de l’exploitation forestière. À cet effet, une étude indépendante mandatée par le CNA conclut en 1987 que « pour les populations attikamekw et montagnaises, l’exploitation forestière a conduit à l’envahissement des territoires traditionnels, à la diminution du gibier disponible, à des pertes de revenus importantes et à la transformation de leurs modes de vie » (Brassard 1987, p. 113). Quelques années plus tard, en 1991, l’Association Mamo Atoskewin Atikamekw (AMAA) mène une campagne de sensibilisation auprès des utilisateurs non-autochtones du territoire afin de les informer des impacts de l’exploitation forestière. De plus, l’association développe une nouvelle approche de gestion intégré des ressources fondée grâce à une entente avec Hydro-Québec, sans toutefois parvenir à convaincre l’industrie forestière et le gouvernement provincial de la mettre en œuvre (Fortier 2017; Houde 2012; Wyatt 2004).

6 À cet époque, les Atikamekw Nehirowisiwok avaient tenté d’obtenir un CAAF et d’être partenaire de CAAF, mais sans succès (voir Fortier 2017, chapitre 3). 14

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En 1997, la communauté de Manawan conteste les pratiques forestières sur leur territoire en

bloquant l’accès aux chantiers des industriels forestiers : « Quand j’ai rencontré la communauté

de Manawan, c’était en 1997. Je les ai connus, c’était une barricade dans le chemin. Il n’y avait

pas de communication à l’époque. Il n’y avait aucune relation entre les forestiers puis les

communautés. Nous, on coupait du bois puis on ne savait même pas qu’ils existaient »

(Consultant non nehirowisiw). En fait, les Atikamekw Nehirowisiwok ne s’opposent pas

simplement à l’exploitation forestière. Au contraire, ils souhaitent y participer et profiter des

retombées économiques (p. ex. partage des revenus, emplois, etc.). À ce titre, le CNA a mis en

place un département de service forestier en 1987 et les trois communautés ont fait de même

dans les années suivantes. Au cours des années 1990, les communautés de Wemotaci et

d’Opitciwan concluent des partenariats Draftd’affaire avec l’industrie forestière afin d’établir des

scieries dans leurs communautés (Fortier 2017, Wyatt 2004). Par contre, certains membres des

communautés « étaient très inquiets de voir les coupes qui se faisaient sur le territoire. C’est à ce

moment-là [que les Atikamekw Nehirowisiwok ont] commencé à mettre sur pied une

organisation au niveau du conseil [de bande] afin de rencontrer les industriels forestiers pour

essayer d’avoir des ententes sur les façons de faire sur le territoire. » (Atikamekw Nehirowisiw

de Wemotaci).

En parallèle, le gouvernement du Québec adopte en 1998 les Orientations gouvernementales en

matière autochtone en s’inspirant de « l’ensemble des jugements des dix ou quinze dernières

années à l’égard de l’exploitation et de la préservation des ressources naturelles au Québec et au

Canada » (Gravel cité dans IDDPNQL 2004, p. 22). En 2001, le gouvernement modifie sa Loi

sur les forêts afin d’obliger les détenteurs de CAAF à consulter les « tiers » dont les Premières

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Nations lors de la planification (L.R.Q., c. F-4.art. 54 et 55) et d’inclure les mesures d’harmonisation (L.R.Q., c. F-4. art. 25.2 et art. 95.10 en 2002).

En somme, durant cette période (1990-1999), les Atikamekw Nehirowisiwok ont cherché à renforcer leur rôle dans la planification forestière par différents moyens tels que la contestation, la sensibilisation et la collaboration, sans toutefois y parvenir. L’industrie et le gouvernement ont réussi à maintenir leur autorité décisionnelle dans l’élaboration des plans d’aménagement forestier. Par contre, la prise de conscience des impacts de l’exploitation forestière, les études et les démarches de l’AMAA pour atténuer ces impacts, les épisodes de contestation, les partenariats avec l’industrie forestière et les modifications apportées au cadre législatif ont concouru à la naissance d’un processus d’harmonisation que les Atikamekw Nehirowisiwok ont contribué à élaborer et à mettre en œuvreDraft dans le cadre de la planification des activités forestières sur le Nitaskinan.

1999 à 2004 : Émergence des processus d’harmonisation

En 1999, le Conseil des Atikamekw de Wemotaci et le Centre d’éducation et de recherche forestière (CERFO) démarrent un « Projet d’harmonisation » auquel se joignent le Ministère des

Ressources naturelles, de la Forêt et des Parcs, les Services forestiers Atikamekw Aski (SFAA), deux entreprises forestières (Crête et fils et Smurfit-Stone) et l’Université Laval. Le projet implique aussi une équipe technique et une table d’harmonisation constituées de représentants de la communauté de Wemotaci. Ce projet vise à élaborer une approche commune pour harmoniser les opérations forestières avec l’utilisation et l’occupation nehirowisiw du territoire en (1) protégeant l’utilisation et l’occupation du territoire en identifiant les sites importants et les prescriptions pour les protéger, (2) en informant et en éduquant la communauté de Wemotaci sur les activités forestières et (3) en assurant la liaison entre le conseil de bande et les entreprises 16

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forestières. Des données amassées par l’AMAA dans les années 1990 sur l’utilisation du

territoire et un guide d’harmonisation ont aussi orienté les démarches (Wyatt 2004). Selon Wyatt

(2004), le Projet d’harmonisation démontre que l’industrie forestière et les Atikamekw

Nehirowisiwok sont capables de coopérer en modifiant le processus de planification forestière

pour permettre une telle collaboration.

En 2001, le gouvernement provincial modifie sa Loi sur les Forêts afin « de prendre en

considération les intérêts et préoccupations d’autres utilisateurs du territoire de l’unité

d’aménagement et de prévenir les différends concernant la réalisation des activités

d’aménagement forestier » (L.R.Q., c. F-4.1 art. 54). Dès lors, les responsables de la planification

forestière doivent dorénavant inviter les communautés autochtones (au même titre que les autres

intervenants) à participer à la préparationDraft du plan général (L.R.Q., c. F-4.1 art. 54). La loi

amendée demeure cependant muette sur la façon de participer à la préparation du plan. Les

bénéficiaires de CAAF doivent tout de même produire un rapport identifiant les personnes et les

organismes invités à participer à l’élaboration du PAF et « ceux qui ont effectivement

participé ». Le rapport doit décrire « le processus de participation » qui a été appliqué et, dans les

cas échéants, les « points de divergence entre les propositions des participants et ce qui [était]

prévu au plan. » (L.R.Q., c. F-4.1 art. 55). Selon la documentation recueillie, nous avons noté que

des représentants de l’industrie forestière avaient affirmé lors d’un colloque portant sur

l’harmonisation du territoire qui s’est déroulé en 2002 à Wemotaci qu’ils avaient commencé à

rencontrer des familles nehirowisiwok en 2001 (Table d’harmonisation de Wemotaci 2002), soit

avant l’entrée en vigueur des nouvelles exigences entourant la participation des tiers. Ainsi, il

semble que le projet d’harmonisation et les nouvelles exigences législatives ont favorisé dans

une certaine mesure des rapprochements entre les Atikamekw Nehirowisiwok et l’industrie

17

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forestière dans le cadre de la planification forestière menant ainsi à l’émergence des processus d’harmonisation.

Durant cette phase, différentes structures et organisations sont instaurées afin d’administrer les processus d’harmonisation. Le cas de Manawan illustre bien cela. Suite au blocus de 1997 souligné en amont, la Coopérative forestière de Manawan avait pris en charge les négociations entourant la protection du territoire avec les entreprises. La coopérative, qui est devenue par la suite les Services forestiers et territoriaux de Manawan (SFTM), coordonnait les consultations de l’industrie forestière avec les utilisateurs nehirowisiwok du territoire (notes d’entretien). En

2003, le Conseil des Atikamekw de Manawan et le gouvernement du Québec signaient une entente prévoyant la mise en place d’un mécanisme de « conciliation des activités d’aménagement forestier avec la pratiqueDraft des activités de chasse, de pêche, de piégeage et de cueillette effectuées à des fins alimentaires, rituelles et sociales » (SAA 2003). Les parties se sont également entendues sur un « territoire d’application pour l’harmonisation forestière » d’une superficie d’environ 11 000 km2 (Représentant du gouvernement). Peu après la signature de cette entente, les membres de la communauté ont fait des pressions auprès du Conseil de Manawan pour que les mesures d’harmonisation soient retirées des mains des SFTM puisqu’ils s’occupaient également du développement du territoire. Une nouvelle structure est alors créée, le

Centre de ressources territoriales (CRT). Son mandat consiste à agir à titre d’intermédiaire et d’agent de liaison entre les Atikamekw Nehirowisiwok et les bénéficiaires de CAAF. Le CRT se compose d’un coordonnateur, d’un ingénieur forestier et d’agents territoriaux affectés à différents secteurs du territoire de Manawan.

2005 à 2010 : L’harmonisation des usages, un processus stable mais dynamique

18

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De 2005 à 2010, les acteurs impliqués dans les processus de collaboration et d’harmonisation

ainsi que leurs rôles se stabilisent. Du côté des Atikamekw Nehirowisiwok, des équipes de

coordination et de liaison sont mises en place au sein des trois conseils de bande. Ces équipes se

distinguent par leurs structures, mais elles remplissent à peu près toutes le même rôle de liaison

entre l’industrie forestière et les chefs de territoire. Elles sont composées de techniciens et

d’ingénieurs forestiers, d’agents territoriaux et parfois de techniciens de la faune. Selon la

tradition nehirowisiw, le chef de territoire a la responsabilité « de répartir l’utilisation du

territoire et des ressources entre les membres de sa famille, selon les saisons et les lieux »

(Houde 2014, p.27). Par conséquent, les chefs de territoire agissent à titre de porte-parole,

consultent les familles et négocient les demandes de leurs membres avec les représentants de

l’industrie forestière. Les familles nehirowisiwokDraft touchées directement par les chantiers sont

appelées à formuler leur préoccupations et leurs demandes à négociér avec les mandataires de

gestion. Ces derniers sont désignés par les autres bénéficiaires de CAAF pour réaliser les PAF et

consulter les communautés autochtones et autres intervenants concernés. Le mandataire

d’opération est celui qui exécute les mesures d’harmonisation et les coupes forestières7. Il peut

parfois être interpellé au cours du processus : « Ce n’était pas le rôle de [l’entreprise] de négocier

ces mesures d’harmonisation, mais on avait à les appliquer quand on arrivait sur le territoire. Il

fallait les appliquer. Donc, à l’occasion, les gens de l’industrie nous demandaient notre avis sur

telle ou telle mesure d’harmonisation. » (Représentant de l’industrie).

Le gouvernement provincial intervient lorsque les parties n’arrivent pas à une entente : « Avant

2005, c’était les compagnies forestières qui allaient rencontrer directement les communautés. On

n’avait pas d’obligation de participer à ça. Au sein du ministère on disait : « On va laisser

7 Il est arrivé aussi à de rares occasions, que certains mandataires d’opération rencontraient directement les familles pour s’entendre avec elles (notes d’entretien, 2013). 19

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l’industrie fonctionner. » C’est quand que ça bloquait (…). Alors, notre présence était sporadique. » (Représentant du MFFP). Le MFFP demeure responsable d’approuver les plans d’aménagement forestier ainsi que les mesures d’harmonisation qu’ils contiennent. À partir de

2005, suite aux jugements Haïda (2004) et Taku River (2004), la coordination des rencontres entre les mandataires de CAAF et les Atikamekw Nehirowisiwok s’ajoute à ses fonctions alors que l’industrie continue à négocier directement avec les Atikamekw Nehirowisiwok en présence du gouvernement : « à partir mettons de 2005 c’est devenu effectivement obligatoire. C’est nous autres qui devaient faire les ordres du jour, communiquer avec les communautés autochtones en vue de prendre les rendez-vous pour l’harmonisation » (Représentant du gouvernement). Enfin, il appert que le gouvernement intervient parfois au nom de l’industrie forestière pour négocier les mesures d’harmonisation avec les AtikamekwDraft Nehirowisiwok (Représentants du gouvernement et de l’industrie).

Durant cette période, le processus d’harmonisation devient de plus en plus formel et opérationnel sous certaines conditions8. De façon générale, le processus est distinct, formel, réactif, ponctuel et dynamique. Il est distinct au sens où les Atikamekw Nehirowisiwok sont consultées individuellement et distinctement des autres acteurs (p. ex. propriétaires de pourvoiries, gestionnaires de ZEC, acériculteurs, municipalités, etc.). Le processus est formel puisque

« l’harmonisation des usages en forêt » fait dorénavant partie des « objectifs de protection et mise en valeur du milieu forestier » (OPMV) à intégrer dans les PAF. Le processus est aussi réactif. Les Atikamekw Nehirowisiwok sont sollicités par le mandataire de gestion seulement lorsque celui-ci élabore un PAF sur leurs territoires traditionnels. C’est un processus ponctuel avec un début et une fin prédéterminés. Ce n’est pas l’équivalent d’un comité permanent qui

8 Cet aspect de la collaboration sera abordé de façon plus approfondie dans un article subséquent. Voir en attendant Fortier 2017 pour une discussion plus détaillée à ce sujet. 20

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fonctionne sur une base régulière9. Enfin, le processus est interactif. Le planificateur forestier et

les Atikamekw Nehirowisiwok se rencontrent en face en face pour négocier les mesures

d’harmonisation.

De façon générale, la première étape consiste en l’élaboration du PAF par le mandataire de

gestion qui intègre d’abord les demandes des autres bénéficiaires de CAAF qu’il représente.

Ensuite, l’industrie et les Atikamekw Nehirowisiwok entament la négociation des mesures

d’harmonisation. Une fois que les parties se sont entendues, les mesures sont intégrées au plan.

Lorsque le plan est approuvé et que les permis de récolte sont délivrés, les mesures sont mises en

application par le mandataire d’opération. Les négociations débouchent généralementDraft vers deux ensembles de mesures, soit les mesures d’harmonisation et les mesures compensatoires. Les mesures d’harmonisation reflètent

notamment les contraintes d’exploitation et les mesures de protection élaborées par les

Atikamekw Nehirowisiwok au début des années 1990 (Égériex Inc. 1993). À titre d’exemples, ce

sont des bandes de protection autour des sentiers de trappe et des camps de chasse, des

déplacements de coupes dans la zone planifiée, des coupes redimensionnées, lieu, durée et

moment des interventions, etc. Elles répondent directement à l’objectif formel du processus

d’harmonisation, c’est-à-dire concilier les opérations forestières avec l’occupation du territoire

par les Atikamekw Nehirowisiwok. Les effets peuvent être assez significatifs dans la mesure où

la planification prévue dans un territoire traditionnel peut être révisée en profondeur sauf à

l’exception du volume de bois à récolter qui demeure non négociable :

9 Ce qui ne veut pas dire qu’il n’existe pas de comités où les représentants des différents groupes qui peuvent se réunir pour discuter d’enjeux généraux et particuliers liés à « l’harmonisation » tels que la Table forestière atikamekw qui est coordonnée par le CNA. Elle réunit les équipes d’harmonisation des trois communautés et certains membres délégués aux affaires territoriales des conseils de bandes assistent également aux rencontres à l’occasion. 21

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La famille [unetelle] occupe le territoire. Ils vont trapper. (…) Et leur secteur, où est- ce qu’ils allaient, il y avait une coupe prévue. (…) c’était une mosaïque qui était prévue. Là, il a dit : « Non, je n’aime pas ta coupe. » Il [chef de territoire] a dit : « Peut-on le remodeler? » J’ai dit : « Oui, on te consulte, mais on ne jouera pas avec le volume, (…) on va s’arranger pour faire de quoi qui te plaît, mais avec le même volume. » (…) Donc, il a fait une CPRS [coupe avec protection de la régénération et des sols] dans le bas puis des coupes dispersées dans l’autre partie. (Consultant non nehirowisiw)

Il arrive aussi que les parties négocient des mesures compensatoires, également appelés des

« accommodements » ou le « bon voisinage ». Par exemple, l’industrie forestière peut offrir aux familles et aux membres des communautés affectées par les coupes forestières du bois de chauffage, la construction ou la restauration de chemins forestiers, des formations professionnelles, des contrats, des emplois contractuels, etc. (notes d’entretien, 2013). Cela inclut aussi des compensations financières ou Drafttoutes autres dépenses encourues par les mandataires de gestion ou d’opération : « Nous autres, on va faire souvent un emplacement de camp, un petit bout de chemin pour aller à un emplacement de camp. C’est le genre d’accommodement qu’on va faire dans le cadre des opérations qui est généralement apprécié par les gens du territoire »

(Représentant de l’industrie). Bien que ce type de mesure ne vise pas à harmoniser les opérations forestières avec l’occupation du territoire, elles peuvent favoriser l’accès au territoire chez les

Atikamekw Nehirowisiwok.

D’autres impacts ont également été observés suite à la mise en place des processus d’harmonisation. Au départ, les Atikamekw Nehirowisiwok détenaient peu de connaissances concernant le régime forestier et la foresterie industrielle en général. Leurs connaissances étaient basées sur leurs expériences personnelles et professionnelles : « Ils n’étaient pas vraiment au courant du processus de planification, de la terminologie et de tout ce vocabulaire forestier qui n’est pas du tout dans leur quotidien » (Consultant non nehirowisiw). Toutefois, les Atikamekw

Nehirowisiwok ont appris à lire les cartes forestières et se sont familiarisés avec le vocabulaire 22

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forestier ainsi que le processus de planification forestière. De plus, certains industriels forestiers

ont aussi manifesté une meilleure connaissance du mode de vie et des préoccupations des

Atikamekw Nehirowisiwok : « Après cinq-six ans, c’est sûr qu’on apprend dans la quête des

préoccupations et tout ça. Ils nous expliquent ce qu’ils font. Ils nous expliquent c’est quoi les

périodes, quand est-ce qu’ils font telle affaire, la trappe, la chasse, où est-ce qu’ils vont. »

(Représentant de l’industrie). Les relations entre l’industrie forestière et les Atikamekw

Nehirowisiwok se sont aussi forgées avec le temps. La mise en place du processus

d’harmonisation a permis d’instaurer un « canal de communication » avec l’industrie et les

Atikamekw Nehirowisiwok sont devenus mieux informés des opérations à venir sur le territoire :

« Bien le plus gros changement que je me suis aperçu c’est, au moins, on est au courant de ce qui

se passe (…). On a des interlocuteurs. OnDraft a des numéros de téléphone. Au moins, on parle avec

des personnes. Avant ça, on faisait des recherches [pour savoir] qui étaient là et à qui on [devait]

parler. » (Atikamekw Nehirowisiw d’Opitciwan).

Cette collaboration ne s’est pas développée du jour au lendemain et témoigne d’une « confiance

à bâtir » : « Ça été difficile au début, très difficile. On pouvait être une demi-heure dans un camp

forestier, il n’y avait pas personne qui parlait, mais les gens étaient là. Graduellement, les gens se

sont mis à échanger. Il y avait toute une confiance à bâtir. » (Consultant non nehirowisiw). Enfin,

une fois le processus d’harmonisation bien établi, cela a aussi permis de faciliter d’autres

démarches telles que les processus de certification forestière : « avant que FSC [Forest

Stewardship Council] arrive, on était quand même déjà bien structuré et bien organisé. On faisait

beaucoup d’échanges avec les communautés autochtones. Donc, (…) quand on est arrivé avec

FSC, la marche n’était pas si haute » (Représentant de l’industrie).

2010-2018 : Une période de changement ébranlée par un épisode de contestation

23

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En 2010, le gouvernement du Québec adopte la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier, enclenchant ainsi une période de changement pour l’engagement des Atikamekw

Nehirowisiwok dans la planification forestière. Premièrement, le gouvernement devient responsable de la planification forestière prenant ainsi le rôle de l’industrie dans la négociation des mesures d’harmonisation avec les Atikamekw Nehirowisiwok. Dans le cadre de cette nouvelle responsabilité, le ministère s’est doté de nouveaux instruments pour négocier les mesures d’harmonisations avec les Atikamekw Nehirowisiwok. On observe d’abord l’apparition des « cartes de lot familial », un outil semblable à celui qui a été développé avec les communautés cries d’Eeyou Istchee (WCMF 2007). Ces cartes présentent les chantiers de coupe dans les territoires familiaux10 visés. De plus, le gouvernement instaure des ententes d’harmonisation contenant les mesures d’harmonisationDraft sous formes écrites (p. ex. ajouter une bande de protection) et visuelles (p. ex. représentation visuelle de la bande de protection sur la carte de lot familial) (Représentant du gouvernement).

Par ailleurs, le gouvernement a refusé au départ de négocier avec les Atikamekw Nehirowisiwok ce que nous appelons les mesures compensatoires. Selon les représentants du MFFP avec qui nous nous sommes entretenus en 2013, celles-ci ne font pas partie de l’obligation gouvernementale de consulter et d’accommoder les Premières Nations, les Métis et les Inuits en matière de gestion des ressources naturelles et du territoire :

« Quand on parle d’accommodement (…), ce n’est pas au sens des jugements de la Cour suprême. Le rôle du ministère [MFFP] est vraiment en lien avec l’atténuation des impacts et d’essayer de prendre en compte les préoccupations. Mais, là, quand on est de l’ordre de la compensation monétaire ou d’un bien, là, c’est au-delà de ce qu’exigent les jugements de la cour. » (Représentant du gouvernement)

10 Le territoire familial, ou nataho aski, correspond à la manière traditionnelle que les Nehirowisiwok eux-mêmes présentent le territoire. Chaque territoire familial est sous la responsabilité du chef de territoire, ou ka nikaniwitc (voir entre autres Poirier 2017, Wyatt et Chilton 2014 et Houde 2014). 24

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C’est ainsi que les Atikamekw Nehirowisiwok réalisent en cours de route que le processus

d’harmonisation ne leur permet plus de négocier des mesures compensatoires comme ils le

faisaient auparavant avec l’industrie forestière : « Il y en a que ça ne leur a pas dérangé, mais il y

en a d’autres que ça leur a dérangé puisqu’elles ont dit : « Bien avoir su, on n’aurait pas signé

parce que là on n’est pas sûr. » (Représentant du gouvernement). Face aux demandes de

compensations, le MFFP invitait les Atikamekw Nehirowisiwok à s’entendre avec les

compagnies forestières (Représentants du gouvernement). Or, les représentants de l’industrie

forestière ont signifié qu’ils ne pouvaient plus négocier de telles mesures puisqu’ils n’étaient

plus responsables des PAF : « L’harmonisation, ça va bien quand c’est toi qui fais la

planification. (…) Comment veux-tu harmoniser quand ce n’est pas toi qui fais la

planification? » (Représentant de l’industrie).Draft Cependant, l’industrie aurait finalement accepté de

négocier à nouveau des mesures compensatoires avec les Atikamekw Nehirowisiwok (notes

personnelles, 2016 et 2018). En effet, l’industrie et le gouvernement se sont entendus pour que

l’industrie demeure responsable de la planification opérationnelle des activités forestières, ce qui

lui confère une certaine marge de manœuvre afin de pouvoir renouer le dialogue avec les

Atikamekw Nehirowisiwok (MFFP 2015). De son côté, il appert que le ministère a recouru au

Programme de participation autochtone à la gestion durable des forêts afin de pouvoir

réintroduire les mesures compensatoires : « C’est pour venir en aide aux familles dont le

territoire est touché par les coupes forestières. C’est surtout de l’aide matérielle qui sert à donner

un coup de mains aux gens, comme pour rénover leur camp qui existe sur le territoire, à faire des

chemins aussi. L’hiver, ça peut servir aussi à ouvrir des chemins » (François Neashit, Chef de

Wemotaci cité dans Scarpino 2017).

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La nouvelle loi a mené à la mise en place des tables locales de gestion intégrée des ressources naturelles et du territoire (« tables de GIRT ») auxquelles siègent l’industrie, les représentants autochtones et les autres utilisateurs du territoire (Fortier et Wyatt 2014). Il s’agit de processus de concertation à l’échelle régionale à travers lesquels différents utilisateurs du territoire déterminent les « objectifs locaux d’aménagement durable des forêts » à intégrer lors de l’élaboration des plans d’aménagement forestier intégré. Par contre, les Atikamekw

Nehirowisiwok ont choisi de participer simplement à titre d’observateurs, expliquant que les processus d’harmonisation leur permettent déjà de négocier directement avec le gouvernement alors que leur influence au sein des tables de GIRT demeure plutôt marginale. En effet, pour certaines tables, nous avons noté qu’il y avait un seul représentant nehirowisiw sur un total de 17 membres. Par contre, les tables de GIRTDraft permettent aux Atikamekw Nehirowisiwok de développer des liens avec les autres utilisateurs et de s’informer sur les décisions qui touchent le territoire ainsi que sur les modifications apportées au processus de planification forestière dans le cadre du nouveau régime forestier.

Un épisode conflictuel a également profondément marqué la collaboration entre les acteurs au sein des processus d’harmonisation. En 2012, après avoir essuyé un autre refus de la part du gouvernement afin d’obtenir une partie du volume de bois libéré par une entreprise forestière

(Kruger Inc.) lors d’une restructuration de ses activités, le Conseil des Atikamekw d’Opitciwan conteste la décision en dressant des blocus sur les chemins forestiers afin d’empêcher la compagnie d’approvisionner ses usines en bois de récolte11. Après quelques semaines de contestation et une déclaration ouverte des chefs dans les médias (CNW 2012), le gouvernement du Québec et les trois Conseils Atikamekw de Manawan, d’Opitciwan et de Wemotaci

11 Voir Fortier 2017, chapitre 2 pour plus de détails. 26

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parviennent à une entente-cadre les engageant dans un processus de négociation bilatéral sous

condition que les Atikamekw Nehirowisiwok mettent fin à leurs moyens de pression. Plusieurs

points sont à l’ordre du jour dont les processus d’harmonisation et un régime de redevances pour

l’exploitation des ressources naturelles. La plupart des participants à l’étude sont unanimes pour

dire que les processus d’harmonisation ont été suspendus pour une période moyenne d’environ

six mois12 : « C’est particulier un peu depuis un an parce qu’avec les barrages qu’il y a eu

l’année passée et tout le kit, ils sont en grosse négociation. Ils ont retardé les mesures

d’harmonisation pendant six mois faciles. Il n’y a plus rien qui ne se passait. » (Représentant de

l’industrie). Selon certains répondants, les Atikamekw Nehirowisiwok ont préféré attendre la

conclusion de l’entente avant de continuer à collaborer au processus d’harmonisation :

[Les Atikamekw Nehirowisiwok] Draftattendent le contenu, la signature, les explications claires de l’entente. (…) Il y a eu des ralentissements, des interruptions de relations et de rencontres de façon vraiment disparate d’une communauté atikamekw à l’autre. (…) On a vu les relations de plus en plus difficiles s’installer et stopper par la suite. (…) On a été plusieurs mois où c’était vraiment interrompu. (Représentant du gouvernement)

De plus, le ministère refusait d’approuver les plans sans les mesures d’harmonisation afin de ne

pas nuire au processus de négociation bilatéral. Par conséquent, la planification forestière a

également été interrompue et le ministère ne délivrait plus de permis pour les chantiers qui

demeuraient « en attente » d’être harmonisés :

Présentement, il y a du sable dans l’engrenage. Surtout suite à ce qui s’est passé l’an passé et (…) [il n’y a] pas beaucoup de territoires qui sont harmonisés pour la saison qui s’en vient et cela cause de sérieux maux de têtes aux planificateurs pour savoir où on va aller couper notre bois, comment on va faire pour alimenter nos usines, où on va rentrer nos reboiseurs [et] nos débroussailleurs à l’été. (Représentant de l’industrie)

12 Un entretien récent avec un représentant de la communauté de Wemotaci a révélé qu’il s’agirait, dans certains cas, de deux à trois années de retard. 27

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En somme, nous avons observé durant cette période (2010-2018) des interactions complexes entre l’engagement des Atikamekw Nehirowisiwok, la réforme du régime forestier, les restructurations de l’industrie forestière, le blocus des chemins forestiers, la négociation bilatérale, le processus d’harmonisation et la planification forestière. Bien que les événements décrits en amont n’aient pas changé fondamentalement le fonctionnement comme tel des processus d’harmonisation, ils ont tout de même affecté significativement la collaboration avec les Atikamekw Nehirowisiwok ainsi que le déroulement de la planification forestière dans son ensemble. À cet effet, nous avons remarqué que les Atikamekw Nehirowisiwok empruntent de plus en plus des moyens de nature moins collaborative pour exercer leurs droits territoriaux telle que la déclaration de souveraineté faite par les chefs nehirowisiwok en 2014 exigeant leur consentement sur tous projets de développementDraft situé sur leur territoire ancestral (voir Poirier,

Jérôme, et la Société d’histoire Atikamekw Kitci Atisokan 2014). Un autre exemple qui remonte

à 2017 est celui de la communauté d’Opitciwan qui a intenté une demande d’injonction auprès de la cour afin de faire reconnaître le fait qu’elle n’aurait pas été adéquatement consultée concernant le ramassage d’un chablis situé sur son territoire traditionnel (Radio-Canada 23 août

2017). La communauté a obtenu gain de cause et les parties se sont finalement entendues sur l’enjeu en question.

Discussion-Conclusion

Les processus d’harmonisation à l’étude correspondent à plusieurs égards à ce que nous avons défini comme étant la planification forestière collaborative et les postulats de Gunton sont utiles pour comprendre les forces et faiblesses d’une telle approche telle qu’elle a été mise en œuvre dans le contexte à l’étude :

28

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The theory underlying collaborative planning is that planning is a value-based process that attempts to achieve diverse goals and tradeoffs that cannot be properly assessed by experts or scientific analysis. Diverse goals and tradeoffs can only be incorporated into plans by delegating responsibility for plan development and approval directly to stakeholders. Stakeholders include any groups or individuals affected by the plan. (Gunton, 2007, p. 106)

Premièrement, on note que les processus d’harmonisation engagent les parties prenantes dans un

dialogue en face à face afin de réviser les plans et de trouver des compromis qui peuvent

difficilement être déterminés seulement par des analyses scientifiques ou d’experts. Dans

l’ancien régime forestier, l’industrie forestière et les Premières Nations représentent les parties

prenantes et le gouvernement est le médiateur et il intervient lorsque les parties n’arrivent pas à

atteindre un consensus. Par contre, dans le nouveau régime forestier, le gouvernement représente l’une des parties prenantes, étant à la foisDraft responsable de la planification forestière et de la négociation des mesures d’harmonisation avec les Atikamekw Nehirowisiwok. Les équipes

d’harmonisation continuent d’agir en tant qu’agent de coordination et de liaison entre les

intervenants externes et les Atikamekw Nehirowisiwok, mais il n’est pas clair s’il existe toujours

un médiateur. Bien que les Atikamekw Nehirowisiwok participent à la négociation et à

l’approbation des mesures d’harmonisation, le gouvernement a toujours conservé le pouvoir

d’approuver les plans et il peut refuser l’application des mesures d’harmonisation.

Deuxièmement, Gunton souligne la présence de « compromis » (« trade-off ») dans la

planification collaborative. Notre étude démontre à cet égard l’importance des mesures

compensatoires et nous considérons ces mesures comme une mesure non prévue lors la

conceptualisation des mesures d’harmonisation. Ces mesures sont apparues à partir du moment

où toutes les parties étaient impliquées dans le processus d’harmonisation, c’est-à-dire les chefs

de territoire et les représentants de l’industrie et du gouvernement. Plus encore, en n’étant plus

impliquée dans la planification forestière, l’industrie forestière n’était plus encline à négocier

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cette forme de compromis avec les Atikamekw Nehirowisiwok et les mesures compensatoires ont presque failli disparaître sans les pressions exercées par les Atikamekw Nehirowisiwok.

Nous avons observé que les changements majeurs ayant marqué l’évolution des processus de collaboration à l’étude étaient liés à des transformations et des turbulences dans l’environnement plus large au sein duquel ils ont émergé et évolué. Il s’agit notamment des arrêts Haïda et Taku

River (2004) qui ont renforcé la participation du gouvernement provincial dans les processus d’harmonisation notamment en termes de coordination des processus d’harmonisation. Tout comme Zurba et al. (2016) l’ont également constaté dans la province de l’Ontario, les changements apportés au régime forestier (tel que le transfert de la responsabilité de la planification forestière au ministère) ont continué d’influencer l’évolution des processus de collaboration qui étaient déjà en place. Draft

Cette étude donne également quelques pistes intéressantes sur l’évolution du rôle du gouvernement provincial au sein des processus de collaboration impliquant les Premières

Nations dans la gestion des ressources naturelles. En effet, les processus d’harmonisation sont au départ décentralisés et impliquent principalement les Premières Nations et l’industrie forestière.

Or, étant donné l’évolution des obligations gouvernementales et des droits autochtones, le gouvernement provincial s’est de plus en plus engagé au sein des processus d’harmonisation. La mise en place d’un nouveau régime forestier à travers notamment l’adoption d’une nouvelle loi et d’une nouvelle stratégie d’aménagement forestier durable ont aussi renforcé le rôle du gouvernement provincial dans la planification forestière et, du même coup, dans la négociation des mesures d’harmonisation avec les Atikamekw Nehirowisiwok alors qu’il avait confié cette obligation à l’industrie forestière. Cette étude illustre ainsi un renforcement des rapports entre le gouvernement du Québec et les peuples autochtones dans le cadre de la gestion forestière alors

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qu’au début des années 1990, le ministère responsable des forêts et les Atikamekw

Nehirowisiwok n’entretenaient à peu près aucun rapport.

Les résultats montrent également que la collaboration entre les acteurs a été marquée par des

épisodes de contestations et des pressions exercées par les différentes parties prenantes. Par

exemple, lorsque le gouvernement provincial a refusé la demande de la communauté

d’Opitciwan d’augmenter son volume en approvisionnement forestier, les Atikamekw

Nehirowisiwok ont boycotté les processus d’harmonisation mettant ainsi de la pression sur les

processus de planification forestière et le processus de négociation. Bien que les parties ne soient

pas parvenues à une entente finale, le gouvernement a aussi accepté de négocier à nouveau les

mesures compensatoires avec les Atikamekw Nehirowisiwok bien qu’il avait refusé au départ de

négocier de telles mesures dans le cadreDraft de la planification forestière. Ainsi, on peut conclure

que la contestation ne vise pas seulement à apporter des changements (Fligstein et McAdam

2012), elle peut également servir à maintenir le statu quo.

Des études récentes permettent de mieux comprendre comment et pourquoi les groupes

autochtones adoptent différentes stratégies qui sont parfois très paradoxales pour défendre leur

intérêts dans le cadre de la gestion des ressources naturelles. En comparant deux cas différents au

Canada (Innu du Labrador) et en Australie (Girringun Aboriginal Corporation), Maclean et al.

(2014, p. 197) ont remarqué que « both Aboriginal groups engage in strategies of consensus

building and constructive conflict, matching their choice to the dynamic institutional settings that

govern natural resource management in their respective territories. » Nous sommes d’avis que

non seulement les stratégies autochtones sont-elles diversifiées, elles sont également

interdépendantes. Autrement dit, les stratégies adoptées ont des effets significatifs les unes sur

les autres. Nous avons proposé ailleurs une classification de cinq inter-liens à partir de

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l’expérience des Atikamekw Nehirowisiwok, soit les liens de descendance, de complémentarité, de dédoublement, d’opposition, et d’influence (voir Fortier 2017; Wyatt et al. 2018, dans ce numéro). Par exemple, les processus d’harmonisation et les tables de GIRT constituent des mécanismes complémentaires où les Atikamekw Nehirowisiwok peuvent défendre leur intérêt dans le cadre de la planification forestière. Un second exemple est le Projet d’harmonisation de

Wemotaci qui constitue le prolongement des travaux de l’Association Mamo Atoskewin

Atikamekw entamés au début des années 1990 (lien de descendance) et qui consistait à développer une approche de gestion intégrée des ressources naturelles et du territoire. Enfin, nous avons aussi montré comment les mouvements de contestation entrepris par les acteurs pour défendre leurs intérêts tant au niveau de la planification forestière que dans d’autres domaines de décisions (p. ex. l’allocation forestière, systèmeDraft de redevances, etc.) ont également influé les efforts de collaboration.

Nous sommes d’avis que plus de recherches sont nécessaires sur la collaboration avec d’autres groupes autochtones du Québec pour mieux comprendre les similarités et les différences observables. De plus, il importe de mener davantage d’analyses quantitatives pour approfondir et

évaluer l’étendue des observations réalisées dans cette étude (p. ex. nombre de mesures d’harmonisation versus mesures compensatoires, nombre de kilomètres de sentiers protégés, etc.). Enfin, on se demande si la collaboration entre les Premières Nations et le secteur forestier a

également émergé et évolué dans les autres domaines décisionnels de la gestion forestière tels que l’élaboration des politiques forestières, la règlementation et les processus d’allocation des ressources forestières.

Remerciements

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Les auteurs tiennent à remercier tout d’abord les participants et participantes à l’étude ainsi que

les lecteurs anonymes pour leurs commentaires. Merci également aux Conseil de la Nation

atikamekw (CNA) et aux Conseils des Atikamekw de Manawan, de Wemotaci et d’Opitciwan

qui ont collaboré tout au long du projet de recherche. Merci tout particulièrement à Samuel

Castonguay et Marianne Veillet-Simard du Secrétariat au territoire pour leurs commentaires sur

le présent article. Nous souhaitons enfin souligner la contribution financière des organismes

subventionnaires qui ont rendu cette recherche possible. Il s’agit du Conseil de recherches en

sciences humaines du Canada, de la Fondation Desjardins, du Fonds de recherche du Québec –

Société et culture, de l’Institut Hydro-Québec en environnement, développement et société, et du

Réseau DIALOG.

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Draft

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1 Tableau 1. Profil des répondant(e)s

RÉPONDANTS NOMBRE Industrie forestière 6 Gouvernement provincial 6 Représentants des communautés nehirowisiwok (13) Manawan 4 Wemotaci 4 Opitciwan 1 Consultants (non-Nehirowisiw) 4 Total 25 2 3 Draft

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