2020

Miscellanées d’archives

HISTOIRE Miscellanées d’archives

Ces « choses mêlées » rassemblent des do- cuments du mois publiés sur le site Internet des archives départementales de de 2015 à 2020. Prestigieux, surprenants, esthétiques ou dro- latiques, ces documents ont été arrangés autour de thèmes variés comme le patri- moine industriel, les notaires, les fêtes… Si parfois la portée scientifique de certains frôle l’anecdotique, ils n’en sont pas moins des archives historiques qui disent l’histoire ou qui, modestement, racontent des his- toires. Nous vous en souhaitons une agréable lecture.

2 Document mis en ligne le 08/06/2015

« Loi portant réunion des États d’ et du à l’Empire français »

litique fondé sur la souveraineté du peuple ?

Le Vaucluse a vécu, dans son passé, un événement particulier qui peut être vu comme un acte éminem- ment démocratique dont le docu- ment présenté porte le souvenir.

Ce document est un in-folio imprimé sur papier chiffon, dont le titre est surmonté en vignette d’un frontispice décoré d’allégories. De dimensions modestes, il n’en est pas moins la « Loi portant réunion des États Illustrer la démocratie dans les ar- d’Avignon et du Comtat Venaissin à chives questionne : quel document l’Empire français », imprimé par un public pourrait rendre compte, de éditeur orangeois, Esprit Nicolau, à manière originale, quant à l’histoire la demande des commissaires en- d’un territoire donné, ce système po- voyés par la .

3 Le 14 septembre 1791, « l’Assemblée pour repousser cette motion qui nationale déclare qu’en vertu des n’envisageait même pas l’éventualité droits de la France sur les États réunis de consulter les sujets du pape. Ce d’Avignon et du Comtat Venaissin, et sont finalement les silences et le refus que conformément au vœu libre- du pape à vouloir répondre aux dé- ment et solennellement émis par la sirs de réformes de ses sujets qui majorité des communes et des ci- poussèrent les Avignonnais et les toyens de ces deux pays, pour être Comtadins à prendre en mains leurs incorporés à la France, lesdits deux destinées. Un an après la France, les États réunis d’Avignon et du Comtat Comtadins réitèrent l’expérience des Venaissin sont dès ce moment partie états généraux, avec une assemblée intégrante de l’Empire français. » représentative qui concilia difficile- ment (et en vain) la mise en place Tout est contenu dans ces quelques de réformes sur le modèle français et mots : « vœu librement et solennel- un respect de la souveraineté ponti- lement émis par la majorité des ficale. Avignon par contre franchit le communes et des citoyens de ces pas en adoptant une municipalité « deux pays, pour être incorporés à la à la française » puis en rompant France ». Ce document fait état du avec Rome au mois de juin 1790 ; premier exemple au monde du prin- expulsant le représentant du pape, cipe du droit des peuples à disposer la ville arbore les armes de France et d’eux-mêmes. offre à l’Assemblée nationale le vœu de sa réunion à la France. Mais quel contexte politique explique la nécessité d’un tel vote ? Pendant ce temps, la Révolution ré- forme le royaume et donne nais- En 1789, Avignon et le Comtat Ve- sance, le 22 mars 1790, à 83 dépar- naissin font partie du patrimoine du tements. Dans cette nouvelle confi- Saint-Siège et représentent une en- guration, les principautés d’Orange, clave dans le royaume de France. Ils de Mondragon et la seigneurie d’Apt enserrent les principautés d’Orange deviennent des districts des Bouches- et de Mondragon, et jouxtent le du-Rhône ; le Comté de Sault quant Comté de Sault ainsi que la seigneu- à lui un district des Basses-Alpes. rie d’Apt dans laquelle le territoire Avignon et le Comtat demeurent des comtadin de est isolé. territoires à part, mais non imper- méables aux idées nouvelles. En novembre 1789, Bouche, député d’Aix à l’Assemblée Nationale, dé- Les longues hésitations de pose une motion qui provoque l’Assemblée nationale, partagée l’émotion générale : en proposant le entre les intérêts de la diplomatie et rattachement d’Avignon et du Com- de la politique intérieures, et ce nou- tat à la France en vertu des droits veau droit des peuples à disposer historiques des anciens comtes de d’eux-mêmes dont Avignon réclame , l’avocat provençal ne fai- à son profit la mise en application, sait que reprendre les arguments et bloquèrent « la question d’Avignon » la politique des rois de France. Le sur plus d’une année. Alors que les Comtat et Avignon furent unanimes

4 députés s’affrontent sur des argu- vœux des Comtadins. Au terme de ments historiques ou juridiques, les ce scrutin, les partisans de la réunion tensions entre patriotes et papiste à la France l’emportent. C’est sur ce s’accentuent dans les anciens états fondement de vœu libre et solennel du pape. Au printemps 1791, une émis par la majorité des communes guerre civile éclate autour de la ri- d’Avignon et du Comtat que valité entre Avignon qui réaffirme sa l’Assemblée nationale prononce le 14 volonté de réunion à la France, et le septembre 1791 la réunion d’Avignon Haut-Comtat qui reste fidèle au et du Comtat à la France. pape. Le département de Vaucluse est en- L’envoi tardif de médiateurs français fin créé le 25 juin 1793 par la Conven- n’a pas évité les heurts sanglants, tion nationale. Mais ceci est une mais permet le rétablissement de la autre histoire…. paix (juin 1791). Les envoyés du roi et de l’Assemblée nationale organisent au cours de l’été une vaste consulta- tion électorale pour connaître les

Ill. Loi portant réunion des États d’Avignon et du Comtat Venaissin à l’Empire français, pla- card (AD Vaucluse 9 J 7/2) Cette notice s’inspire et est composée d’extraits de : • 1789-1793. Naissance d’un département « Le Vaucluse ». Catalogue de l’exposition réalisée par les Archives départementales de Vaucluse à l’occasion du bicentenaire de la création des départements, le 22 mars 1990. • Des clefs et les lys. France Avignon, Comtat. XIIIe siècle – 1791. Catalogue de l’exposition réalisée par les Archives départementales de Vaucluse du 6 novembre 1991 au 6 janvier 1992.

5 Document mis en ligne le 07/04/2016

Le souvenir de la Terreur à Bedoin

cendié et la commune rayée de la carte.

Après la mort de Robespierre, la Ré- volution prend un nouveau tour- nant. La rupture est nette y compris dans le cadre de l’affaire de Bedoin.

Le 24 frimaire an III (14 décembre 1794), les habitants de Bedoin ob- tiennent un dédommagement de 300 000 livres (correspondant envi- ron à 2 millions d’euros actuels). Mais Après la Révolution, la toute jeune au-delà de ce dédommagement, le République française cherche à im- nouveau pouvoir entend « consacrer poser le nouvel ordre en instaurant par un acte imposant la résurrection la Terreur. S’ensuit alors un cortège de Bédouin (…) et à donner en d’exactions, de jugements expéditifs même temps un grand exemple de et de condamnations à mort. la puissance et de la justice nationale en vengeant et en consolant les vic- Pour l’arrachement d’un arbre de la times du règne de la tyrannie » (Pro- Liberté en l’an II, la commune de cès-verbal de de la réhabilitation de Bedoin et ses habitants paieront le Bedoin, 17 floréal an III, Arch. dép. prix fort : 63 exécutions, le village in- Vaucluse, 4 L 73). Ainsi, il est décidé que la commune de Bedoin serait

6 réinstallée le 15 floréal suivant, soit le monceau de cendres et de ruines. jour anniversaire de l’arrachement (…). de l’arbre de la liberté, et redevienne chef-lieu de canton. Cette cérémonie se termine avec l’inauguration par les représentants Si l’on en croit le procès-verbal de du peuple d’un monument pour se réhabilitation, ce jour-là les habitants souvenir des malheureux égorgés de de Bedoin ainsi que des détache- « cette infortunée commune ». Le ments des communes alentours ve- délicat dessin à la gouache annexé à nus célébrer la renaissance de la l’imposant registre des plaintes des commune se donnent rendez-vous à habitants de Bedoin immortalise Crillon. La procession qui mène l’édifice toujours érigée aujourd’hui jusqu’à Bedoin est « précédée et sui- au cœur du village. Sur la colonne vie de deux corps de musique, le pa- parée du drapeau tricolore est ap- villon tricolore flottant, en tête du posée une plaque de marbre noir cortège, comme un signe de rallie- portant cette inscription : ment (…). Le premier bataillon de la force armée a défilé ; (…) suivi et bordé d’un peuple innombrable livré aux plus douces émotions et faisant « Après un an de pleurs, sur ces dé- sans cesse retentir les airs de cris de bris affreux vive la République ! Vive la Conven- La loi ramène la justice : tion nationale ! (…) Mais quel con- Consolez-vous, ô malhereux ! traste ! A peine arrive-t-on aux murs Puisque l’éclat du crime en prédit le de Bédoin (…) tout ce peuple ivre de suplice. » joie tombe subitement dans une sorte de stupeur (…) en traversant un

Ill. : Monument pour la réhabilitation de Bedoin (détail sur la plaque de marbre noir au bas du monument), 1795 (AD Vaucluse 4L 73)

7 Document mis en ligne le 01/07/2016

Un château en prêt

nement de la république le château de Bel-Air (environ 800 m d’altitude) à Monieux… C’est ainsi que débute le courrier que Monsieur L. Anselme adresse à Monsieur le sous-préfet d’Apt le 12 août 1914. En temps de guerre, toute une orga- nisation doit se mettre en place pour accueillir les blessés. Si l’autorité mili- taire gère pécuniairement les hôpi- taux temporaires et la Croix rouge Les fonds abyssaux des archives de la avec les sociétés de bienfaisance ad- Grande Guerre en regorgent. Ainsi, ministrent les hôpitaux auxiliaires, les dans un dossier de la sous-série 2 R hôpitaux bénévoles eux sont pris en relative aux affaires militaires et plus charge par les municipalités et par- particulièrement à l'organisation de fois même par les communautés reli- l'armée, trois cartes postales du châ- gieuses ou les particuliers. teau de Bel-Air à Monieux se distin- Dans le Vaucluse, le préfet Albert guent du lot ; une lettre accom- Lambert-Rochet, sous la tutelle du pagne cet envoi : J’ai l’honneur de Ministère de la guerre, coordonne mettre à la disposition du gouver- l’infrastructure d’urgence. Dans sa

8 note circulaire du 20 septembre 1914 sa chair, dans un mouvement de gé- adressée aux communes, il exprime nérosité mâtiné de patriotisme, con- la nécessité d’augmenter les res- tribue à la solidarité nationale en sources hospitalières en détaillant apportant un soutien logistique ou différents aspects : les locaux, le per- une aide matérielle. sonnel médical, le financement, C'est probablement ce même élan l'économat, la convention de mise à qui incita M. Anselme dès le début disposition et le règlement intérieur. du conflit, à proposer son château Pour procéder à l'installation des hô- situé au milieu d'un parc de 20 hec- pitaux chargés d'accueillir les mili- tares pour accueillir une dizaine de taires blessés au front, l'administra- blessés convalescents, en complément tion préfectorale réquisitionne les bâ- de 50 lits gérés par la Croix-Rouge à timents communaux, et notamment Apt. Outre l'équipement nécessaire les établissements scolaires. La capa- en literie et lingerie, du bois à brûler cité d'accueil est calculée en fonction à discrétion, il met à disposition son du nombre d'habitants et les com- domestique Jules Parraud et sa munes les plus importantes de Vau- femme, active et dévouée ainsi que cluse, particulièrement sollicitées, vo- 100 bouteilles de Bordeaux et 30 tent le nombre de lits attribués, en bouteilles de . conseil municipal. Lorsque les coûts Quelle suite donna la préfecture à de mise en œuvre et de fonctionne- cette proposition ? Le dossier coté 2 R ment sont trop élevés, les communes 77 ne le dit pas mais ce courrier est contractent des emprunts auprès de un témoignage de l'engagement ci- la Banque de France en attendant le toyen des français et de l'impact de mandatement de l'État ou récla- la Grande Guerre sur les départe- ment l'imputation des dépenses di- ments qui n'eurent pourtant pas à rectement à l'administration mili- subir de batailles sur leurs terres. taire. Les petites communes elles, ne sont pas en reste. Ne pouvant recevoir le flot ininterrompu de soldats et d'offi- ciers, elles participent aux frais d'ins- tallation en votant des aides finan- cières en conseil municipal. Et la po- pulation, souvent déjà meurtrie dans

ll. : carte postale du château Bel-Air à Monieux (AD Vaucluse 2 R 77)Légende

9 Document mis en ligne le 5 mai 2017

Le 7 mai 1945

libération. Leurs missions prennent fin le 22 mars 1946. Que dit le message ? Le Ministère exhorte les commissaires à veiller à la mise en œuvre par les préfets Le 7 mai 1945, le cabinet du préfet d’instructions programmées et ce, un de Vaucluse est destinataire d’un té- quart d’heure après le début de légramme officiel émanant du Minis- l’allocution du Général de Gaulle […] tère de l’Intérieur, adressé aux com- en cas d’annonce de la fin des hostili- missaires régionaux de la Répu- tés. blique. Le même jour, ce télégramme est Représentants du général de suivi d’un autre. Il s’agit d’une circu- Gaulle, alors chef du laire qui précise les mesures appli- gouvernement provi-soire de la cables dès la déclaration de la fin de République française, ces la guerre par le général de Gaulle. commissaires, appelés aussi "CRR", Le gouvernement décide également ont la charge à la Libération de ré- que le jour […] de la fin des hostilités tablir les libertés républicaines et le lendemain seront considérés et l'autorité de l'État, et font la comme jours fériés. liaison entre le gouvernement parisien et les autorités locales De fait, l’armée allemande rend les issues de la Résis-tance comme les armes le 7 mai 1945, et la reddition Comités départementaux de est signée à par le maréchal

10 allemand Alfred Jodl, en présence dans une allocution radiophonique des généraux américains Walter B. le 8 mai 1945, à 15 heures, on fait Smith et Eisenhower, du général sonner les cloches pour marquer la français François Sevez et du général fin de la Seconde guerre mondiale soviétique Sousloparov. Mais en Europe. Si la France a maintenu Staline exige que la reddition la date du 8 mai, les Russes et soit signée dans la capitale leurs alliés est-européens allemande, contrô-lée par l’Armée commémorent la fin de la guerre le rouge. Une nouvelle signature a 9 mai. donc lieu dans la nuit du 8 au 9 mai 1945 à Berlin. Lorsque le général de Gaulle an- nonce la capitulation allemande

Ill. : Télégramme adressé au cabinet du préfet (détail), 1945 (AD Vaucluse 3 W 14)

11 Document mis en ligne le 30/11/2018

Le Train de l'Amitié directeur du Train de l'Amitié améri- caine. Son objectif : sillonner les États-Unis d’Ouest en Est afin de col- lecter vivres, médicaments et vête- ments auprès de la population amé- ricaine puis les faire parvenir aux pays européens les plus nécessiteux. Les Français et les Italiens ont été les principaux bénéficiaires de cette démarche philanthropique. Ce doc du mois, tiré d’un dossier du fonds de la Préfecture de Vaucluse Le train, avec un unique wagon au intitulé "Train de l’amitié 1947-1948", départ, débute son périple en Cali- est un magazine de photoreportages fornie et arrive à New York trois se- américain qui parut de 1937 à 1971. maines plus tard. Grâce à un formi- Look, édité et traduit en français dable élan de générosité, 499 wa- pour les besoins de l’œuvre carita- gons supplémentaires sont affrétés, tive, illustre avec ardeur et force soit l’équivalent de 1500 wagons eu- photos cette aventure. ropéens. Les cargaisons sont ensuite acheminées progressivement par ba- L’opération "Friendship Train" est teau jusqu’au port du Havre pour suggérée en novembre 1947 par un une distribution sur le sol français. journaliste de Washington, Drew Pearson. Pour concrétiser le projet, Mais quel rapport avec le Vaucluse une association est créée : le comité pourrait-on se demander ? La raison

12 est simple, Avignon compte parmi les 958 boîtes de jus de fruits destinés villes choisies pour recevoir les den- aux enfants de moins de 14 ans. rées, elle se doit donc d’accueillir di- Quatre camions de l’armée assurent gnement le convoi, et celui-ci est jus- la livraison des écoles avignonnaises tement attendu le mardi 23 dé- publiques et privées, des orphelinats, cembre 1947 à 15h00. des crèches, des garderies et des pouponnières. Sous le commande- Le vendredi précédant la cérémonie ment du colonel Duplessier, la ma- d’accueil du "Train de l’Amitié en nutention militaire fabrique du pain gare d’Avignon", une réunion se tient blanc pour 6 000 écoliers, et ce du- en préfecture. C’est le comité rant 20 jours. Au total, 27 tonnes de d’honneur et de propagande qui est denrées ont été distribuées. responsable de la réception du train et de ses correspondants. Sous la En guise de remerciements, les en- houlette de M. le préfet, attentif au fants bénéficiaires ont écrit des lettres protocole, et en présence de et réalisé des dessins. Ces œuvres, re- membres éminents, on finalise tous cueillies par l’Entr’Aide française fu- les aspects de la manifestation, selon rent exposées sur les murs du Foyer les dispositions de la circulaire du Mi- social, au 17 rue de la République à nistère de l’Intérieur n°625 du 16 dé- Avignon. Sur l’air du Pont d’Avignon, cembre 1947. On compte parmi les une chanson fut même composée : personnalités requises : M. Gabriel Sur le Pont de l’Amitié, on Biron, président du Conseil général ; s’empresse, on s’empresse ; Sur le M. Maddalena, adjoint au maire Pont de la Charité, on est comblé de d’Avignon ; le colonel commandant bienfaits… d’armes ; Mgr l’archevêque d’Avignon ; le président de la Chambre de commerce ; le président de la Croix rouge française ainsi que le président de l’Entr’Aide française, société de secours en charge de la répartition des colis alimentaires. Après une réception en grande pompe et un vin d’honneur offert par la mairie à M. et Mme Pearson, l’heure est à la ventilation des den- rées soit : 11 790 kilos de farine, 9 264 boîtes de lait sucré, 900 kilos de sucre en poudre, 3 312 kilos de lé- gumes secs, 1 054 kilos de pâtes et

Ill. : Photomontage de la revue Look, Train de l'Amitié, 1948 (AD Vaucluse 4 W 3319)

13 Document mis en ligne le 05/11/2019

Il y a 30 ans... 1948 lorsque Staline interrompt sa participation au Conseil de contrôle allié. Puis en 1949, il organise le blo- cus de Berlin, obligeant les occiden- taux à mettre sur pied un pont aé- rien afin de ravitailler la population berlinoise. Cette crise est l’un des épi- sodes majeurs de la Guerre froide. La même année, sont créées la Ré- publique fédérale d’Allemagne 1945, la 2e Guerre mondiale (R.F.A. ou Allemagne de l’Ouest) s’achève. Sur les restes encore fu- sous la triple autorité des États-Unis, mants de l’Allemagne vaincue, les du Royaume-Uni et de la France et États-Unis, le Royaume-Uni, la la République démocratique alle- France et l’U.R.S.S. occupent le pays, mande (R.D.A. ou Allemagne de conformément aux accords de Yalta. l’Est) sous domination soviétique. Si Mais les relations entre les forces al- la sécurisation de la frontière entre liées ne vont pas tarder à se dégra- les deux États se renforce, les Alle- der. Berlin en est la cause principale : mands de l’Ouest et de l’Est peuvent la capitale, occupée par l’Armée encore transiter. En 1950, la R.D.A. rouge, doit faire l’objet d’un décou- compte 18 388 000 habitants mais ils page et d’une répartition entre les sont nombreux à fuir le pays par puissances occidentales et l’Union Berlin dont la frontière est moins sur- soviétique. La coalition prend fin en

14 veillée qu’en zone rurale. Il suffit en − Mesures d'un segment de mur : effet de prendre le métro ou le train. hauteur : 3,6 m au minimum ; En 1961, plus de 3 millions d'Alle- largeur 1,20 m ; profondeur au mands sont passés à l’Ouest. Une sol 2,10 m. hémorragie qui prive la R.D.A. d’une Les Alliés sont déconcertés par cette main-d’œuvre précieuse dans un opération. Ils décident toutefois de contexte économique moribond : ne pas intervenir militairement en stagnation de la production indus- raison du maintien de leur liberté trielle, baisse des investissements, pé- d'accès à l’enclave occidentale que nurie alimentaire. représente Berlin-Ouest. Pour y mettre fin, Walter Ulbricht, Les conséquences d’une telle décision président du Conseil d’état de R.D.A., politique ne se font pas attendre. Les réagit en ordonnant dans le plus grand secret la pose de barbelés et échanges économiques entre les deux Berlin vont cesser. 63 000 berlinois de grillages dans la nuit du 12 au 13 de l'Est perdent leur emploi à l'Ouest, juin 1961 tout autour de Berlin-Ouest, et 10 000 de l'Ouest perdent leur en préalable à l’édification du mur. emploi à Berlin-Est. Et dès lors, mal- Sa construction en béton armé dé- gré une augmentation des points de bute le 13 août, et s’effectue sous une passage à la frontière et la possibilité étroite surveillance militaire et poli- de visiter leur famille à l’Ouest, des cière. C’est le secrétaire du Comité milliers d'Allemands de l'Est n’auront central du Parti socialiste unifié de cesse de tenter de franchir le Mur d’Allemagne (SED), Erich Honecker, au péril de leur vie. Entre 1961 et qui a la responsabilité politique de la 1989, plus de 100.000 personnes es- planification et de la réalisation du saient de fuir la R.D.A., 600 fugitifs Mur ; il le présente comme un “mur de protection antifasciste”. sont abattus par les gardes-frontières de R.D.A. ou trouvent la mort au- trement. On dénombre au moins 140 Caractéristiques du Mur : morts autour du seul Mur de Berlin au cours de cette période. − Longueur totale de la ceinture autour de Berlin-Ouest : 155 Il faudra attendre 1989 et un vent de kilomètres, dont longueur libération impulsé par le Président entre Berlin-Ouest et Berlin- de l’U.R.S.S., Mikhaïl Gorbatchev, Est : 43,1 km. et longueur entre pour que l’étau sur la population Berlin-Ouest et la R.D.A.: 111,9 est-allemande se desserre. Le gou- km. vernement de la R.D.A. ne parvient plus à enrayer l'émigration. En oc- − Tours de contrôle : 302 tobre de la même année, sur − Unités de chiens de garde : 259 l'Alexanderplatz à Berlin-Est, 250 − Miradors : 93 000 à 500 000 manifestants, oppo- − Bunker : 20 sés au régime communiste, manifes-

15 tent en appelant à la liberté d'ex- barrières. Le Mur est vaincu et les pression et la liberté de réunion. Le 9 premiers coups de pioche sont don- novembre, le secrétaire du comité nés. Le 10 novembre, le SED annonce central Günter Schabowski annonce des élections libres. lors d’une conférence de presse, une De 1989 à 1990, il est démantelé à nouvelle règlementation visant à as- raison de cent mètres en moyenne souplir les sorties du territoire de par nuit, avant l'organisation d'une R.D.A. Quelques heures après, les démolition officielle qui se termine douaniers de Berlin ne parviennent fin 1991. Six pans ont été conservés plus à faire face à la pression exercée pour mémoire. par la population désireuse de passer en R.F.A. Le responsable du service des passeports du poste-frontière, qui n’a toujours pas reçu de consigne, décide d’ouvrir définitivement les

Ill. : Article de La Marseillaise (détail), 9 novembre 1989 (AD Vaucluse 10 Per 224)

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