Helping Savings and Retail Banks Thrive

INCLUSION FINANCIÈRE POSTALE : REPOUSSER LES LIMITES

Gouvernance et transformation des établissements postaux financiers Document de travail

TABLE DES MATIERES

Résumé 3

Objectif, identification des problèmes 6

Tour d'horizon de la banque postale dans le monde en 2018 8

Réforme des établissements postaux financiers (EPF) : les meilleures pratiques 13

Intervention des pouvoirs publics et soutien international 21

Préparer l'avenir : les défis à relever 26

2 1. RESUME

Le nouveau concept de banque postale moderne contribue efficacement à abaisser les obstacles à l’inclusion financière. Recourir aux bureaux de poste permet d’éliminer les contraintes d’accès dans un pays. Ces établissements maintiennent, en effet, des services financiers à coûts réduits pour les populations non (ou peu) bancarisées et, forts d'un réel capital confiance, ils favorisent l’éducation financière des utilisateurs grâce à l’offre de produits simples et standards, lesquels permettent leur inclusion financière en même temps que la délivrance de pièces d'identité dans le cadre de programmes e- Gov ou ID4D.

Dans 51 pays, les services sont fournis par des établissements postaux financiers (EPF) autonomes agréés. Ce modèle est le plus courant. Dans un groupe de 24 pays, les bureaux de poste jouent un rôle majeur dans l’accès aux services financiers, comme agences d’un ou de plusieurs établissements financiers autonomes agréés. Dans 24 autres pays, les EPF sont en cours de réforme et ne sont pas encore pleinement autonomes, ni n'ont obtenu l'agrément : ils fournissent une gamme limitée de services. Avec un potentiel important et évident, ce groupe ne rend pas tous les services qu'il pourrait. Dans au moins 30 autres pays, les bureaux de poste disposent de réseaux étendus et appropriés assurant une présence dans les « déserts » bancaires, mais sont bridés par un cadre institutionnel qui les empêche d'agir comme agents de banques et d'assurance agréés.

Jusqu'à présent, l’impulsion et l’initiative du gouvernement sont généralement nécessaires pour réformer les EPF. Ces réformes durent en moyenne une douzaine d'années. Pour un groupe d'au moins 24 EPF en pleine transformation, les pouvoirs publics semblent avoir une raison impérieuse d'intervenir et d'accélérer la cadence des réformes pour que ces établissements contribuent à l'inclusion financière rurale. Principal argument avancé ? Transformer un établissement qui perd de l'argent en une entité durable et rentable qui apporte une réelle plus-value dans la lutte contre la pauvreté, la croissance économique et la compétitivité du marché de la banque de détail. L’échange des meilleures pratiques et enseignements tirés d'autres secteurs, ainsi qu’un soutien visant à renforcer les partenariats avec le secteur privé afin de combler les lacunes existantes des EPF, pourraient contribuer à l'amélioration de ce secteur.

Les interventions et le support des institutions financières internationales, des agences de l’ONU et d’autres bailleurs de fonds publics et privés ont aidé quelque 40 pays à avancer dans ce processus de transformation. Dans la plupart des cas, l'aide a été de courte durée, à petite échelle ou fragmentée. Pour plus d'efficacité, des efforts davantage concertés et convergents seraient nécessaires durant ce processus, en mettant davantage l'accent sur la gouvernance et l'obligation de rendre compte, ainsi que sur l'accompagnement technique dans le renforcement des capacités.

Nous croyons que les réformes peuvent produire des résultats plus rapidement grâce à une coopération internationale accrue - autour d’une plate-forme -partagée par les gouvernements, leurs EPF, les institutions financières internationales et d’autres bailleurs de fonds soutenant l’inclusion financière soit, en particulier, par les principaux acteurs du secteur des institutions postales. Acteur engagé dans ce domaine, le WSBI repousse les limites de l'inclusion financière.

Ce rapport expose les 10 principes et mesures stratégiques nécessaires à une inclusion financière plus large par le biais des réseaux postaux en Afrique et au-delà. Formulés à l'attention des décideurs politiques et des institutions internationales, ces principes, s'ils sont appliqués, peuvent (a) contribuer à accélérer le processus de transformation et (b) catalyser la convergence des efforts internationaux.

Le WSBI remercie le consultant Hans Boon pour ses efforts inlassables dans L’élaboration du contenu et de la structure de Ce rapport.

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Dix principes et mesures stratégiques nécessaires pour doper l’inclusion financière par le biais des réseaux postaux en Afrique

Les principes suivants sont jugés essentiels pour les stratégies visant à stimuler l'inclusion financière par le biais des réseaux postaux et mettent en évidence les facteurs considérés comme indispensables à la viabilité de l'offre de services financiers du réseau postal aux populations à faibles revenus.

1. Les bureaux de poste doivent être considérés comme un élément à part entière dans l'infrastructure de l'accès financier et comme un réseau de distribution dont l'efficacité est largement sous-employée. Les bureaux de poste ne sont ni des succursales bancaires, ni un groupe d’agents hasardeux. Les bureaux de poste ont la responsabilité sociale et publique de fournir des services financiers fiables, équitables et transparents et, parfois, jouent un rôle particulier dans la promotion de l’éducation financière.

Pour fonctionner comme un réseau de distribution d’une ou de plusieurs institutions financières, les EFP doivent réunir au moins les trois conditions suivantes :

• Des TIC interopérables soutenant les opérations dans les bureaux de poste et en liaison avec les institutions financières ;

• Un contrôle suffisant par les institutions financières, des opérations, de la qualité et du coût des bureaux, du personnel et des systèmes des bureaux de poste ; et

• la promotion la compétitivité afin d’assurer un accès financier durable.

Dépendant des conditions et de la manière, ce qui précède sera réglé, et selon le cadre institutionnel des bureaux de poste, les institutions financières doivent s'engager à utiliser les bureaux de poste pour la gestion de l’offre de services financiers. Cet engagement peut prendre plusieurs formes : cela peut varier de simples contrats d’agence à un produit pour des projets à court et à long terme dans lesquels l’institution financière est impliqué dans la gestion et l'investissement dans le réseau et le personnel.

2. Les services financiers proposés par des bureaux de poste doivent être gérés et contrôlés par des institutions responsables et agréées par le régulateur financier. Les services financiers proposés par les bureaux de poste ne sont pas, en principe, du ressort d’un régulateur postal.

Les institutions peuvent être :

• Des banques, des institutions de microfinance, des opérateurs de transfert d’argent, des prestataires de services de paiement et des assureurs répondant à un ensemble d’exigences minimales en matière de finance responsable, de transparence, d’éducation et de protection des consommateurs. Elles travaillent dans le cadre d’un contrat avec l’opérateur postal dont un ou plusieurs bureaux de poste deviennent alors leur agent, ou bien dans le cadre d’un contrat de location de locaux dans un ou plusieurs bureaux de poste pour être représentés par leur propre personnel et TIC.

• Une banque (caisse d’épargne) postale historique agissant en tant qu’établissement de dépôt agréé et, par exemple, en tant que bailleur principal d’une institution de microfinance (IMF), en conjonction avec un programme ciblant l'autonomie de l’entité dans un délai raisonnable en tant que banque de détail agréée et utilisant les bureaux de poste en vertu d’un accord transparent ; et

• Un opérateur postal détenu par l’État et autorisé en tant qu’institution financière non bancaire à opérer dans des domaines tels que les services de transfert d’argent et les services bancaires en agence.

3. Les services financiers proposés dans les bureaux de poste doivent être diversifiés au moyen d'une large gamme de services abordables, tels que les paiements et les transferts, l'épargne et les dépôts, les échéances de prêts, les obligations et les primes d’assurance. Ces services ne devraient pas se réduire à un ou deux produits ni reposer sur une exclusivité à long terme pour les fournisseurs, souvent « historiques », dont les capacités à offrir une gamme plus large de services compétitifs ou à servir un plus grand nombre de clients sont limitées.

4. L’innovation dans la fourniture de services financiers par le biais de bureaux de poste est nécessaire dans le cadre de partenariats. Ces partenariats devraient se nouer entre les bureaux de poste en tant que réseaux de distribution, les institutions financières compétentes et les opérateurs de télécommunications mobiles pour l'application des nouvelles technologies afin d'étendre l'accès aux systèmes financiers et leur utilisation. Il faut voir au-delà de l'utilisation 4 des TIC modernes pour les opérations de guichets et la fourniture de services financiers On pourrait envisager de délivrer des cartes d'identité biométriques dotées de fonctionnalités de paiement, des terminaux en libre- service, des bureaux de poste mobiles et des coursiers équipés de technologies mobiles afin de fournir des services financiers adaptés dans un modèle plus large de développement du commerce électronique, de l'administration électronique et de l'apprentissage en ligne. Normaliser l’interconnectivité et l’interopérabilité est donc nécessaire avec, par exemple, des canaux mobiles et électroniques pour les services financiers.

5. L'autonomisation grâce à l'inclusion financière doit englober, par l’intermédiaire des bureaux de poste, le développement de l'éducation financière auprès des non (ou peu) bancarisés. Les bureaux de poste doivent être considérés comme un instrument de communication de masse pouvant améliorer l'information et la transparence sur l'utilisation des services financiers. L’autonomie des bureaux de poste en tant que moyen d’inclusion financière nécessitera généralement des programmes de transformation et de réforme fondés sur le renforcement des capacités en gestion financière de l’opérateur postal et des bureaux de poste, ainsi qu'au sein des institutions financières concernées. Cette autonomie doit s'appuyer sur une « courbe d’apprentissage » pour l’organisation postale et son environnement. Elle exige également de la proportionnalité dans les stratégies visant à élargir l'inclusion financière par le biais des réseaux postaux, en trouvant un juste équilibre entre risques, capacités et bénéfices tout en tenant compte des lacunes et des obstacles dans la réglementation du secteur postal en vigueur.

Afin de libérer tout le potentiel des réseaux postaux, il est recommandé de suivre les principes ci-dessus en prenant au moins la série de mesures suivantes :

Compte rendu exhaustif au régulateur financier de l’ensemble des services financiers délivrés par le biais des bureaux de poste, et inclusion de ces informations dans les statistiques du secteur financier. La tenue de statistiques ne nécessite pas de modification immédiate de la législation ou de la réglementation existantes de l’opérateur postal. Si de telles obligations de déclaration n’existent pas, elles pourraient marquer l’une des premières étapes dans l'élaboration de nouvelles stratégies visant à élargir l’inclusion financière par le biais des réseaux postaux.

6. Transformation organisationnelle des services financiers postaux existants au sein d'une entité autonome faisant partie du secteur financier régulé. Les feuilles de route d'une telle transformation doivent reposer sur un consensus entre le régulateur financier et les agences gouvernementales impliquées. Si les feuilles de route dépendent du contexte local particulier, il est possible de les élaborer autour d'un certain nombre d'options et de phases. Il conviendra en outre d'intensifier la coopération transfrontalière ou les alliances internationales, gages d'économies d'échelle et d’une durabilité adéquate.

Dans le cadre de cette transformation, les états financiers IFRS de l’opérateur postal désigné doivent être audités. Ces états financiers doivent impérativement inclure une comptabilité séparée des services postaux et des entités de services financiers.

7. Une méthode transparente de financement du coût net réservé de l'obligation de service universel postal. Rendre transparente la méthode de financement du coût net de l’obligation de service universel postal semble nécessaire, afin d’éviter la possibilité de subventions croisées internes entre les services postaux et la fourniture de services financiers aux groupes à faible revenu.

8. Des politiques et des réglementations sectorielles révisées pour les « services postaux ». L’accent devrait être mis sur la promotion de la croissance et de la compétitivité du secteur. En réponse à la libéralisation du secteur postal au niveau mondial, il est nécessaire de repenser un secteur réservé à un opérateur spécifique ou d'élaborer d’autres mesures encourageant la distribution à l’échelle nationale en prenant exemple sur d’autres secteurs. La politique sectorielle doit prendre en compte les nouveaux modèles économiques logistiques postaux et l’application des nouvelles technologies postales fondées sur les TIC, en remplaçant dans une large mesure le modèle du début du 20e siècle qui repose essentiellement sur la main-d’œuvre manuelle.

9. Le renforcement du capital humain est un prérequis. C’est un facteur clé de réussite dans la mise en œuvre de stratégies efficaces pour accroître l’inclusion financière et améliorer la viabilité concurrentielle des services postaux. Renforcer le capital humain passe nécessairement par l'investissement dans du personnel qualifié et une direction compétente et exige de leur fournir les incitations adéquates dans le cadre d'une culture d'entreprise centrée sur le client, pour atteindre de manière sérieuse et professionnelle les non (ou peu) bancarisés.

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2. OBJECTIF ET DEFINITION DES PROBLEMES

Ce document de travail a pour objectif de fournir un aperçu des bonnes pratiques en matière de modèles économiques et de transformation, et de dresser les grandes lignes d'une initiative mondiale visant à renforcer l'inclusion financière postale.

Le problème majeur exposé dans ce document tient à un groupe d’établissements financiers postaux dans les pays en développement qui n'est pas encore en mesure de contribuer concrètement à l’accès financier universel ou à l’inclusion financière. Les symptômes les plus courants sont les suivants :

• L’offre de services financiers n’est pas compétitive et ne répond pas aux besoins des clients ; une gamme limitée de produits distincts est proposée, sans possibilité de forfait. Bénéficiant de peu de publicité, l'offre s'avère assez inadaptée par rapport à celle des banques, des fintechs ou des fournisseurs d’argent mobile. • Le service est de mauvaise qualité en raison d'une culture d'entreprise archaïque, d'un personnel démotivé, d'une forte résistance au changement, de compétences et de capacités insuffisantes faute de formations suffisantes et d'une gestion adéquate des ressources humaines. • Les processus opérationnels sont obsolètes, souvent dépendants d’un traitement sur papier, d’une main-d’œuvre manuelle et d’une technologie limitée. • Les normes comptables accommodantes et les règles fiscales faussées dissimulent les performances financières réelles. • Les états financiers ne sont pas rendus publics, sont souvent non conformes aux normes IFRS, ou ne font l’objet d’aucun audit indépendant, ne donnent pas une image fidèle et transparente de la situation financière et pourraient dissimuler une insuffisance de fonds propres, des problèmes de solvabilité, un provisionnement insuffisant et une liquidité sous tension. • Le produit issu de la marge nette d’intérêt est très limité. Les contraintes qui freinent l’investissement des dépôts des clients, limités notamment aux seuls bons du Trésor, ou auprès des banques et non dans le crédit, pourraient en être la cause. • Les retards s'accumulent en termes de maintenance : l’amortissement des immobilisations (bâtiments, équipements, etc.) est sous-estimé. • Les revenus nets des services financiers ne peuvent pas être pleinement utilisés pour investir dans la croissance des entreprises ; les bénéfices ont tendance à être employés comme moyen de subvention croisée de l'activité de courrier déficitaire et inefficace à laquelle s'ajoute dans certains cas un niveau élevé d’emploi social à bas salaires. • Le risque croissant d'utiliser les dépôts des clients pour financer les pertes opérationnelles du service postal afin de se conformer aux obligations de service universel postal. • L'impossibilité de recruter ou de retenir du personnel dirigeant disposant d’une expérience en banque ou fintech en raison des dépendances politiques et des niveaux de rémunération officiels très inférieurs aux moyennes du secteur financier ; aucune capacité en gestion des risques. • Les stratégies dans les différents secteurs d'activité et marchés ne sont pas bien ciblées et les systèmes de gestion des informations (SGI) et des technologies de l'information (TIC) sont insuffisants. Enfermés dans un cercle vicieux voire une spirale descendante, ces établissements subissent une chute de l'activité et des revenus, sont incapables de rivaliser avec la concurrence, supportent des coûts opérationnels sans cesse plus lourds, sont dans l'impossibilité de maintenir les bureaux de poste, les technologies et d’autres actifs, souffrent d'un moral en berne, de bas salaires, d’absence de fonds pour investir dans la modernisation et accusent des pertes qui s'accumulent, ou une dépendance vis-à-vis du budget de l’État et de l’argent des contribuables. Ce problème s’est traduit récemment par des crises de liquidité et de solvabilité, en particulier en Afrique mais aussi ailleurs, mettant en péril la continuité des EPF et, dans certains cas, l’ensemble du service postal contrôlé par l’État.

6 Les pays suivants ont été confrontés à de telles crises ou sont exposés à un risque élevé de crise :

2018-2005 2005-1995 Cameroun Burkina Faso Tchad Burundi Comores République centrafricaine Gabon Congo République Côte d’Ivoire démocratique populaire lao (Laos) Mali Croatie Niger Gabon Zambie Ghana Madagascar Malawi Niger Nigeria Sénégal Sierra Leone Ouganda Source : rapports de consultation du FMI, rapports du FSAP, projets de la Banque mondiale et études du PFID.

Parfois, des interventions sévères et rapides ont eu lieu pour séparer les opérations postales de l'EPF, ou pour sauver une opération, conduisant à la fusion des « reliquats » » de l'EPF en une banque plus importante. Dans certains cas, les établissements ont suivi leur propre voie, indépendamment des bureaux de poste, et dans d’autres, ils ont développé de nouveaux modèles de coopération.

Dans plusieurs pays [voir tableau ci-dessous], les « Postes » et les EPF ont récemment fait face, entre autres, à une contraction brutale de leur réseau postal et de leurs opérations et, dans de nombreux cas, ont cessé d'exploiter les avantages des bureaux de poste comme moyen national unique et massif de l'accès financier. Le réseau ainsi réduit soutient la viabilité économique de et ouvre de nouvelles opportunités, bien que nettement moins nombreuses, pour les services bancaires et les paiements en agence comme en Ouganda, au Ghana, au Nigeria et en Lituanie, par exemple.

Bureaux de poste fermés Pays 2006 2016 Népal 13 349 993 92,6 % Géorgie 1 076 81 92,5 % Guinée-Bissau 20 2 90,0 % Vietnam 17 061 3 022 82,3 % Thaïlande 4 534 1 290 71,5 % Ghana 688 327 52,5 % Nigeria 3 925 1 888 51,9 % Ouganda 303 157 48,2 % Lituanie 934 674 27,8 % Madagascar 603 495 17,9 %

Total 42 493 8 929 79,0 % Source : statistiques postales de l'UPU 2006, 2016

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La cause profonde de cette incapacité à exploiter le potentiel d'inclusion financière est à chercher dans le cadre juridique et institutionnel de l'EPF et de la Poste associée, et en particulier dans la gouvernance et la gestion de l'EPF et de la Poste. Le modèle historique combine souvent plusieurs fonctions : propriétaire, responsable de la politique sectorielle, régulateur, direction générale et absence d'audit indépendant.

Face à la numérisation et à la transformation rapides du secteur postal, beaucoup de pays attendent une prise de conscience des pouvoirs publics, des institutions financières internationales et du public jusqu'à ce qu'il soit presque trop tard pour intervenir. Une nouvelle vague de resserrement monétaire sous-entendant la mise à contribution des contribuables ou des accords avec le FMI est à prévoir ou est très susceptible de se produire. Ces EPF, si tant est qu'ils s'adaptent, pourraient alors fournir à des centaines de millions de personnes un accès aux services financiers de base.

La communauté internationale est supposée alerter en amont les gouvernements et les aider, avec des moyens plus proactifs et efficaces, à soutenir la transformation des EFP pour qu'ils contribuent de manière significative à l'accès financier universel. Une fois décidés à transformer les EFP, les pouvoirs publics semblent souvent s'aventurer dans l'inconnu. En moyenne, les réformes durent au moins 12 ans, ce qui est trop long. Des recommandations pour respecter la feuille de route et éviter les écueils de la transformation des établissements pourraient contribuer à accélérer le processus sur une période beaucoup plus courte, avec des résultats dans les deux à trois ans.

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3. TOUR D'HORIZON DE LA BANQUE POSTALE DANS LE MONDE EN 2018

Le concept de banque postale s’est révélé efficace et s'est généralisé pour inclure et éduquer financièrement des segments de marché de masse non (ou peu) bancarisés. Dans une centaine de pays, près de 2 milliards de personnes utilisent les bureaux de poste comme point d’accès aux services financiers de base. Près de 1,9 milliard de comptes seraient détenus par 1,1 milliard de personnes. 900 millions de personnes environ utilisent également le bureau de poste comme point d’accès pour effectuer ou recevoir des paiements. Voir Tableau 1 sur http://www.wsbi-esbg.org/publications/Pages/Tables- Postal-FinancialServices-Report.aspx.

Dans 75 pays, des établissements financiers autonomes et agréés gèrent et exploitent ces services en utilisant les bureaux de poste comme des agences. Dans 24 autres pays, les établissements postaux financiers historiques, qui opèrent principalement en dehors du secteur financier régulé, sont enlisés dans un processus de réforme prolongé pour développer l'inclusion financière.

Vous trouverez dans cette section les faits saillants (a) du premier groupe de 75 pays dans lesquels l'EPF exerce ses activités, dans 51 pays, sous forme d'établissement financier autonome agréé en utilisant les bureaux de poste comme agence et moyen d'atteindre les segments de marché de masse, et du groupe des 24 pays dans lesquels les bureaux de poste sont les agences d'un ensemble multiple d'institutions financières agrées. Est également présenté (b) un groupe de 24 pays où les EPF opèrent en dehors du secteur financier régulé et se heurtent à des freins et des obstacles pour faire progresser l'inclusion financière dans un modèle économiquement viable. Il existe en outre une trentaine d'autres pays, parmi lesquels les États-Unis et le Canada, où de larges réseaux de distribution postale ne sont actifs qu'à une échelle limitée avec un service de mandat postal ou d’agence de recouvrement des factures. Les partenariats avec les fournisseurs de services financiers numériques pourraient accélérer l'inclusion financière en exploitant les bureaux de poste comme points d'entrée aisément accessibles.

a. Banques postales ou établissements postaux financiers

Dans 51 pays, la banque postale est gérée par une « Postbank » ou un EPF, sous forme d'établissement financier autonome agréé. Ce modèle économique est de loin le plus fréquemment observé, avec plus de 420 000 bureaux de poste, soit près des deux tiers des bureaux de poste dans le monde. Ces établissements comptent plus de 1,8 milliard de comptes détenus par environ 1 milliard d’adultes. S'ajoutent en outre près de 400 millions d'adultes ou plus qui utilisent ces bureaux de poste comme point d'accès pour payer des factures en espèces ou récupérer de l'argent par le biais d'un système de transfert de fonds, de pension ou d'autres systèmes de transfert. Voir tableaux 1 et 2 » avec « Voir tableaux 2 et 3

Vingt-six EPF, soit plus de 50 % de l'exploitation totale, sont détenus en partie ou en totalité par le secteur privé, 11 d’entre eux appartiennent aux 100 plus grandes banques mondiales classées par actifs (voir tableau ci-dessous). En nombre de comptes clients, Postal Savings Bank of China est la plus grande banque au monde. En termes de réseau de distribution physique, India Post Payments Bank arrive en première place. Les investissements du secteur privé dans le capital des EPF ces dernières années ont dépassé les 20 milliards USD. Plusieurs de ces EPF affichent une croissance rapide et stable. Voir tableau 4 sur http://www.wsbi-esbg.org/publications/Pages/Tables-Postal-FinancialServices-Report. aspx.

Dans huit autres cas, l’État est le principal actionnaire de l'EPF qui a conclu un contrat avec le service postal pour exploiter et distribuer ses services financiers également par le biais des bureaux de poste. Dans au moins quatre cas, il existe une intention déclarée de privatiser l'EPF à court et moyen terme, en fonction des conditions du marché. Les EPF gèrent essentiellement tous les services financiers rendus par les bureaux de poste. Ces services ne sont pas seulement ceux de l'EPF, mais aussi d’autres institutions avec lesquelles l'EPF ou la poste a un accord. Il peut s’agir d’autres banques, d'assureurs, de MTO ou de fonds communs de placement. Pour le régulateur financier, les bureaux de poste sont des agences de l'établissement financier postal.

A l’exception de la Chine, de l’Inde, du Japon et de la Russie, où presque tous les bureaux de poste sont détenus et exploités par la Poste ou un groupe postal, 60 % des bureaux de poste sont exploités par des entrepreneurs privés sous forme d'agence ou en franchise. Certains pays, comme l’Allemagne et le Royaume-Uni, sont de parfaits exemples de services postaux totalement privatisés.

Dans 35 de ces pays, soit 70 % de ce groupe, l’opérateur postal national (OPN) est lui-même une entité juridique autonome,

9 et dans 14 de ces pays, la Poste a été privatisée. Toutes ces Postes ou groupes postaux privatisés déclarent être rentables dans leur propre activité de transport et de logistique.

Toutefois, sur les 26 cas où la Poste est détenue par l'État, 11 déclarent des opérations déficitaires, souvent depuis au moins quatre ans. Cette situation suggère une corrélation entre statut autonome/privatisation et durabilité économique de l'EPF et de la Poste.

Dans tous les cas, les 51 EPF autonomes ont l’obligation de publier des états financiers distincts, de les faire auditer et de les communiquer au régulateur financier. Les Postes ou groupes postaux autonomes publient leurs propres états financiers. Plusieurs d’entre eux ont communiqué des résultats par secteur d’activité, conformément à la norme IAS 8. Vingt-deux de ces Postes, implantées dans l'Union européenne, ont également séparé et audité les comptes des services postaux fournis en vertu d'une obligation de service universel. Les régulateurs s'appuient sur le calcul du coût net de cette obligation pour évaluer la compensation de la charge de cette obligation ainsi que la politique tarifaire. La pratique de cette comptabilité séparée du coût net de l'obligation de service universel est rarement appliquée en dehors de la juridiction de l'UE et ses méthodologies ne sont pas largement diffusées.

Outre ces 51 EPF opérationnels, 12 autres pays ont établi assez récemment des EPF autonomes agréés. Sont concernés le Danemark, l’Estonie, la Finlande, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède, où la détention d'un compte atteint les 100 % d'après la base de données Findex 2017, et où les paiements scripturaux sont parmi les plus utilisés au monde. En général, ces EPF ont joué un rôle très important dans la réalisation d’un niveau important d'inclusion financière et de généralisation du paiement scriptural. La politique gouvernementale et le rôle des banques postales pourraient fournir certains enseignements. Les EPF ont également facilité la transformation des bureaux de poste en un réseau léger de points de service exploités par des détaillants, permettant ainsi à l’opérateur de courrier de réduire substantiellement ses coûts fixes tout en conservant une présence étendue. Les progrès accomplis dans la transition vers une économie totalement inclusive et sans monnaie ont finalement limité le besoin de recourir aux bureaux de poste comme un canal physique distinct des transactions en espèces, et ont abouti à la poursuite des services financiers de base uniquement sur une base numérique, directe ou en ligne.

Dans six pays, les nouvelles opportunités et conditions de marché ont incité le secteur privé à poursuivre ou à envisager d'investir dans un EPF distinct faible ou douteux. Géorgie, Hongrie, Irlande, Macédoine, Philippines et Espagne sont concernées. Malgré des différences entre ces pays, tous se sont appuyés sur une étude de rentabilité trop faible au regard des progrès de l'inclusion financière, de l'utilisation des services financiers numériques et de la taille et de l'état relatifs du réseau postal, ou des conditions d'utilisation. Les pays qui décèlent dans un EPF le potentiel de renforcer l'inclusion financière doivent à plus forte raison mettre en œuvre des réformes dans un délai relativement court en supposant que les prérequis et autres conditions essentielles sont déjà remplies ou peuvent être réunies prochainement.

La transformation des 51 entités postales étatiques spécifiques en établissements financiers autonomes agréés a été longue, durant souvent plus de 12 ans et parfois plus de 25 ans. Dans près de 20 pays sur ces 51, les réformes sont à mi- parcours et ne peuvent être considérées comme achevées.

Néanmoins, les expériences et les leçons tirées de ces réformes sont une référence précieuse pour d'autres pays qui souhaitent ou doivent réformer leurs EPF ou Postes existants.

Le défi consiste aujourd'hui à accélérer ces processus dans un délai beaucoup plus court. Il ne s’agit pas de réinventer la roue. b. Services d’agence pour plusieurs institutions financières

Dans environ 24 autres pays, plusieurs banques ou institutions financières utilisent les bureaux de poste comme un réseau d'agences pour fournir des services financiers de base. Les raisons de ce modèle sont multiples : historiques, marché, cadre juridique, réglementaire, financier ou opérationnel.

Limitées en termes de capacités ou d'engagement, les banques locales rencontrent souvent des difficultés à nouer des partenariats avec un réseau parfois 20 fois plus grand que leur propre réseau d'agences, ou la poste estime qu'un accord avec une banque ne permettrait pas une exploitation suffisante du réseau postal existant.

Dans certains cas, les services bancaires en agence ont remplacé un EPF en déclin ou en échec, ou au contraire, ont permis de progresser dans l'établissement d’un partenariat de banque postale, et dans d’autres, ces relations d’agence sont utilisées en combinaison avec les services fournis par un EPF.

Alors que plusieurs partenariats d'agence existent depuis des décennies, la pratique montre qu'ils peuvent être établis dans un délai relativement court, en trois mois, et évoluer à grande échelle dans l'année.

10 Toute la difficulté dans ce type de relations est de se mettre d’accord sur la portée exacte et les conditions des contrats. Certains éléments sont plus décisifs que d’autres, notamment la qualité du réseau, la capacité du personnel, les sites, la disponibilité des TIC, le coût des opérations et la réputation ou la marque. Sans entrer dans les détails des spécificités de ces accords, l’engagement à long terme dans un partenariat, comprenant l'investissement dans les bureaux de poste, dépend du degré d'autonomie de la poste, de la conformité et notamment du contrôle de la banque sur l’exploitation des bureaux de poste.

Ce modèle d’utilisation du bureau de poste est pour l'essentiel conforme à la réglementation du secteur financier. L'institution financière agréée exploite le réseau postal existant en complément d'autres infrastructures d'accès dans le respect des principes de concurrence.

Les accords de services d’agence combinés à plusieurs services financiers peuvent prendre diverses formes.

Dans une perspective de marketing stratégique, deux grands modèles se dégagent :

La Poste joue le rôle de « distributeur » pour une ou plusieurs banques qui s'occupent Modèle distributeur du marketing, des produits, des promotions, du back office et de la gestion des actifs. Dans ce modèle, la poste est un canal neutre ou « universel ».

La Poste joue le rôle d'intégrateur en créant une gamme de produits et en reconditionnant les produits d'un ou de plusieurs établissements qu'elle vend dans le Modèle intégrateur cadre de l'offre postale. La Poste se charge de tenir la base de données clients et du marketing croisé. Il n’y a pas de nouvelle institution financière mais une « banque postale » unique ou une marque postale de services financiers.

Marketing stratégique Dans 24 pays, 104 000 bureaux de poste sont les agences indispensables de banques agréées, d'assureurs et d'organismes de transfert d’argent.

En permettant la fourniture de services essentiellement financiers via son réseau de bureaux de poste, la Poste a largement diversifié ses revenus d'opérations postales. Dans 13 pays, soit 54 % de ce groupe, la diversification est supérieure à 40 %, alors que près de 60 % des points de vente sont des agences postales. Dans les marchés du courrier en déclin, les Postes tendent à rester viables lorsqu'elles poursuivent des stratégies de diversification pour maintenir un réseau postal relativement dense. Ces stratégies visent à augmenter les revenus grâce aux services d’agence et à réduire les coûts fixes élevés grâce à la conversion de bureaux de poste exclusifs en agences postales. c. Établissements postaux financiers historiques

Alors que les deux premiers groupes concernent des établissements financiers autonomes agréés qui recourent aux bureaux de poste pour fournir leurs services et exercent leurs activités dans le secteur financier régulé, cette partie s'intéresse à un troisième groupe qui opère en général en dehors du secteur financier sur la base d'une législation historique et dans un cadre institutionnel qui n’est pas ou pas entièrement réformé. Ces « dinosaures hybrides » jouent dans plusieurs pays un rôle très important pour l’inclusion financière. Ils sont également les garants de la continuité économique de la Poste ou du réseau de distribution postale. On trouve en outre dans ce groupe la plupart des cas posant problème.

Il comprend 24 pays où les EFP détiennent environ 125 millions de comptes et opèrent avec 37 500 points de vente postaux. Ces bureaux de poste servent aussi beaucoup plus de citoyens qui se déplacent pour payer une facture de service public ou pour récupérer l'argent d'un paiement de la sécurité sociale, d'un salaire, d'une pension ou d'une remise. Environ 50 % des bureaux de poste appartiennent à la Poste et les autres 50 % concernent les agences postales.

Près de 60 % de ce groupe déclare des pertes annuelles cumulées depuis plus de cinq ans. Ces cas pourraient être considérés comme insolvables sur le plan technique, ou comme une opération fiscale, entièrement dépendante de l'argent public et des contribuables. Toutefois, environ un quart de ces EFP affichent généralement des résultats nets positifs. Les 15 % restants font état de résultats proches du seuil de rentabilité, avec même parfois une légère perte. Dans la plupart des cas, les états financiers ne sont pas publiés et ne sont pas conformes aux normes IFRS ni audités de manière indépendante.

Sur ces 24 postes, vingt-et-une sont, sur le plan économique, des institutions financières de facto. Il s'agit de leur principale activité,

11 qui génère plus de 50 % de leur chiffre d’affaires total. Dans 16 pays, soit 66 % de ce groupe, les services financiers génèrent plus de 70 % des revenus ; dans six pays, soit un quart du groupe, plus de 80 %.

Pour autant, leur gouvernance et leur gestion sont principalement assurées par le ministère du gouvernement chargé de la Poste, échappant ainsi à la surveillance et à la réglementation applicables aux institutions financières. Dans 15 des 24 pays, le modèle classique prévaut : le ministère en charge du secteur postal intervient en tant que décideur politique, propriétaire, régulateur, directeur exécutif et superviseur de la Poste et de son EPF. Dans plus de 10 pays, l'EPF est effectivement dirigé par le directeur de la gestion financière et de la comptabilité ou par le directeur comptable. Dans certains cas, l'EPF est fragmenté en plusieurs unités, une pour l’épargne postale, une pour les comptes chèques postaux et une pour les mandats postaux.

La Banque Postale aux Comores arrive en tête du groupe en termes de diversification des revenus, avec 98 % de ses revenus provenant des services financiers. Seuls 2 %, soit 70 000 USD des revenus en 2016, proviennent d’un total annuel de 200 000 lettres et 100 colis, un volume qui pourrait être efficacement pris en charge par une petite entreprise de messagerie distincte. Seize des EPF, 75 % dans les pays en développement de ce groupe, reçoivent ou ont reçu l’aide de programmes internationaux et bilatéraux pour améliorer leur fonctionnement. L’efficacité de ces programmes n’a fait l'objet à ce jour d'aucun examen. d. Agent de caisse et service de mandat postal

Le quatrième groupe comprend environ 30 à 50 pays, où les EFP sont souvent moins importants et plus complexes à classer. De nombreux cas sont liés à l’activité des bureaux de poste dans une gamme limitée de paiements en espèces à un stade précoce de l’agence de paiement (par exemple, Kirghizistan, > 80 % des revenus) et aux mandats postaux perçus comme des services de transfert relativement archaïques pour les petits montants, en dehors du cadre de surveillance du régulateur financier.

En particulier, dans le cas des mandats postaux, la contribution effective aux efforts d'inclusion financière apparaît comme très marginale, voire négligeable, sans évaluation, tandis que le potentiel d'accroître l'accès aux services financiers est souvent important en exploitant le réseau postal existant dans le cadre d'une infrastructure qui s'inscrirait en complément des réseaux des banques, des institutions de micro-financement et d'autres institutions financières.

On peut citer en exemple, dans ce contexte, les États-Unis et le Canada où les cadres juridiques existants contraignent la Poste à proposer via ses bureaux de poste de détail certains services d'agence pour les paiements à destination ou en provenance d'établissements financiers agréés. Des contraintes limitent l’activité dans les zones rurales où l’infrastructure d’accès aux paiements comme les succursales bancaires, les agences et les distributeurs automatiques de billets est quasi inexistante.

Le modèle économique existant de ces Postes, avec sa structure de gouvernance et sa capacité de gestion, est souvent perçu comme un frein au potentiel relativement évident de nouer des partenariats avec des institutions financières agréées. Par ailleurs, la transformation efficace de ces Postes souffre de stratégies sans grande vision et trop ambitieuses quant au développement de leur propre banque postale, la gestion de la chaîne d'approvisionnement pour la logistique du commerce électronique afin de rénover et d'étendre leur propre réseau de bureaux de poste. Des directives et des politiques internationales pourraient aider à réorienter le courrier et à repousser les limites pour combler les lacunes dans l’inclusion financière. Le secteur bancaire établi tend en outre à s'opposer à un rôle plus actif des bureaux de poste dans la distribution de services financiers. La fourniture de services financiers numériques de base dans des bureaux de poste servant de points de contact pourrait constituer un autre facteur de transformation.

Après analyse de ces quatre groupes, le diagnostic suivant peut être posé :

• Les EPF et les réseaux postaux contribuent considérablement à l’accès universel aux services financiers ; les estimations font état de près de 2 milliards de citoyens utilisant les services financiers proposés par des bureaux de poste gérés principalement par des institutions financières autonomes et agréées ; • Le potentiel d’expansion de l’accès universel aux services financiers à plusieurs centaines de millions d’adultes sur une base concurrentielle par le biais des réseaux postaux existants est freiné, en particulier en termes de capacité de gouvernance et de gestion, et nécessite un processus de transformation accélérée. • La transformation est un processus complexe et multiforme. Dans de nombreux cas, les gouvernements et les parties prenantes pourraient bénéficier d’orientations et d’aide pour continuer d'avancer dans cette voie. Un graphique, dans le Tableau 5, est disponible sur le site Web du WSBI-ESBG à l'adresse www.wsbi- esbg.org/publications/Pages/Tables- PostalFinancial-Services-Report.aspx. Ce tableau présente les principales différences

12 entre le modèle de gouvernance classique mais obsolète d’un EPF associé à une activité de courrier dans un service gouvernemental ou une entreprise d’État et celui d'un EPF opérant en tant qu'entité juridique distincte en coopération avec un opérateur postal autonome ou un réseau postal.

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4. RÉFORMER LES EPF : LES MEILLEURES PRATIQUES

1. Justification : pourquoi les gouvernements devraient intervenir et établir un ordre de priorité ? L'analyse de rentabilité ou la thèse d’investissement

Intervenir et hiérarchiser la transformation des EPF et des Postes sont à l'évidence des arguments de poids dans les économies en développement. La réforme est perçue comme l'occasion de transformer l'entité publique en difficulté en une activité durable et permettant d'atteindre efficacement les objectifs de développement social et économique, prospère et compétitive en contribuant de manière significative à l'accès universel aux services financiers. De nombreux actifs et ressources nécessaires à la transformation de l'EPF sont déjà en place. La transformation nécessite de (a) poser la question de la gouvernance et de la capacité de gestion et (b) de séparer en toute transparence et de rentabiliser les services postaux pour lesquels la demande est marginale dans un monde en développement.

Cependant, les arguments ne sautent pas toujours aux yeux ou sont mal défendus. Les principaux aspects sont les suivants :

Préserver la situation actuelle Vers l'inclusion numérisée Poursuivre « en l’état »

• Dépendance directe et indirecte permanente • Contribution à l’accès universel aux services financiers vis-à-vis du budget de l’État • Contribution à la croissance économique et à • Baisse de la valeur liquidative l'éradication de la pauvreté • Risque accru de crise de liquidité à court • Facilitation du petit commerce, développement ou moyen terme nécessitant l'injection rural et administration en ligne de fonds publics, réduction des effectifs, • Valeur accrue des actifs et de la société fermeture des bureaux de poste et • Contribution à l’administration fiscale par cession des actifs le biais de l’impôt sur les sociétés et Dans la plupart des cas, le dénouement se solde d'autres impôts par la transformation de la Poste en une petite La transformation offre plusieurs dénouements possibles, société de messagerie locale avant de liquider parmi lesquels : une partie substantielle des actifs de l’Etat.

• Coopération/partenariats internationaux Voir : Géorgie, Guinée-Bissau, Rwanda • Privatisation et continuité des activités

Pour justifier une possible intervention, les éléments clés suivants devraient probablement être pris en considération :

1. Estimation de la valeur liquidative de l’entité, avec les résultats nets cumulés des cinq dernières années, et valeur des subventions directes ou indirectes fournies. Cette estimation permet d'avoir une idée de ce que l'État a payé pour soutenir l'EPF ou la Poste et le prix ou la valeur réelle.

2. Identification préalable des lacunes dans l'accès universel aux services financiers que l'entité pourrait combler par des approches compétitives adaptées à la demande.

3. Estimation préliminaire de la valeur réelle nette potentielle d’une analyse coûts/bénéfices d’un programme de redressement ou de transformation de l’entité avec des objectifs de développement pertinents. Cette estimation donnerait un aperçu des investissements nécessaires et du rendement attendu.

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Un autre élément est la manière dont l'intervention soutient les objectifs politiques du gouvernement en ce qui concerne : a. Le programme national d'inclusion financière

Porter une attention particulière à la proposition de valeur de l'EPF réformé dans les domaines suivants :

• Éducation financière par le biais des médias postaux et dans les bureaux de poste • Accès géographique aux services financiers de base • Ouverture du marché à la concurrence avec un accès à bas prix dans les communautés rurales et pour les segments pauvres • Aide à l'abandon progressif des paiements en espèces au profit des paiements scripturaux • Mobilisation de la petite épargne pour le développement économique productif • Facilitation du petit commerce et du commerce rural, des finances et de la communication • Meilleure transparence grâce à des produits simples aux conditions claires b. Le programme national pour le développement numérique

Par une meilleure exploitation du réseau postal existant et en particulier :

• L’exploitation des réseaux postaux pour développer une infrastructure d'accès aux TIC en milieu rural • La délivrance de documents d’identification (pièces d'identité, passeports) et d'autres documents officiels d’immatriculation • La connectivité des agences locales c. La transformation de l’entreprise d’État en situation de monopole en :

Une personne morale responsable, économiquement viable et capable de nouer des partenariats

• Qui fournit des services adaptés à la demande dans des conditions de concurrence équitables • Qui est conforme aux normes de gouvernance d’entreprise et à la réglementation du secteur financier • Dont l'utilisation des actifs publics est meilleure et efficace, et qui créé de la valeur pour les actifs publics et en tant que contribuable. La justification pourrait être davantage étayée si l'intervention visait spécifiquement à : d. Assurer la pérennité financière et opérationnelle

Il s’agit de :

• Redresser ou de transformer l'activité dépendante d'une subvention, déficitaire et ayant accumulé les retards de maintenance en une activité pleinement viable sur le plan financier et rentable ; l'impact et le coût du programme, à savoir la fermeture des bureaux de poste et la réduction des effectifs, pourraient également être pris en compte • Répondre aux évolutions du marché liées à l’inclusion sociale, financière et numérique • Développer des produits et renforcer l'accès financier, ce qui nécessite de moderniser les services et les infrastructures, et d'intégrer les tendances mondiales (services financiers numériques, administration électronique et commerce électronique)

15 e. Le programme d'inclusion financière et sociale

Un tel programme mettrait encore en évidence l’impact de l’intervention, en particulier lorsqu’elle s’inscrit dans un contexte

Caractérisé par :

• Une faible inclusion financière, avec un nombre limité de clients utilisant activement les comptes bancaires et encore moins de micro, petites et moyennes entreprises (MPME) ayant accès à des prêts et des produits financiers, en particulier dans les régions rurales • Le besoin pour les pouvoirs publics de fournir des services financiers et sociaux de base aux régions et aux groupes vulnérables sur une base durable • Le développement régional vers des conditions équitables en favorisant l’entreprenariat et la création d'emplois pour une meilleure qualité de vie Il n'existe pas de modèle universel pour accélérer la transformation des EPF existants et leurs Postes associées vers une meilleure inclusion financière. Le coût net ou les pertes liées à l'obligation de service postal universel doivent être déclarés de manière transparente dans un compte distinct et faire l'objet d'un audit indépendant. Sur la base du calcul de ce coût net (ou de cette perte), le propriétaire ou le régulateur postal doit trouver un moyen de financer ces pertes et préparer et émettre des mesures politiques et réglementaires pour limiter le recours à l’argent des contribuables. Pour autant, aucune de ces différences ne justifie de devoir partir de zéro. Les gouvernements bénéficieraient d’un soutien pour préparer et définir la portée de la transformation.

Trois grands modèles de transformation sont présentés ci-après.

A. Poste diversifiée avec EPF

Ce modèle repose sur une organisation postale dont les activités sont le courrier, la logistique et les services financiers, et exploitant un réseau adapté et relativement important de bureaux de poste. Les revenus traditionnels du courrier ont tendance à diminuer, sont relativement faibles et fonctionnent selon des obligations de service universelles coûteuses. Les pertes ne font l'objet d'aucun calcul ou financement à part, et sont couvertes au détriment de la compétitivité des services de courrier, express et de colis, tandis que les tentatives de diversification, en particulier dans les services financiers, par le biais d’un EPF propre, existant ou nouveau, stagnent en raison des limites du cadre réglementaire et des ressources financières.

Après évaluation préliminaire du marché et de l’établissement, les mesures suivantes peuvent être envisagées.

Le coût net ou les pertes liées à l'obligation de service postal universel doivent être déclarés de manière transparente dans un compte distinct et faire l'objet d'un audit indépendant. Sur la base du calcul de ce coût net (ou de cette perte), le propriétaire ou le régulateur postal doit trouver un moyen de financer ces pertes et préparer et émettre des mesures politiques et réglementaires pour limiter le recours à l’argent des contribuables. Ces mesures pourraient passer par une révision des tarifs, un ajustement (assouplissement) des obligations de collecte et de livraison, le maintien d’une infrastructure dense et l’amélioration de l’efficacité grâce à la réduction des coûts et du personnel. Il conviendrait par ailleurs d’établir des états financiers, au moins des comptes de résultat, des principaux secteurs d’activité de l’entité, comme les services postaux et les services financiers. Ces mesures liées à l’obligation de service postal universel pourraient être considérées comme une condition préalable pour que les parties prenantes postales coordonnent avec le régulateur financier la surveillance et la conformité de l'EPF et de ses opérations. Si l'EPF ne tient aucune comptabilité distincte, la première mesure à prendre est de lui imposer cette règle. L'EPF devrait alors être dirigé par une direction compétente issue du secteur financier, et soutenu par le renforcement des capacités en gestion financière et l'élargissement de son approche de commercialisation et de sa gamme de produits et par des processus métiers et des technologies restructurés.

Ces questions clés se rapportent aux progrès dans la transformation d'entreprise ; si la transformation se trouve à un stade précoce, le soutien du gouvernement ou de la communauté internationale est souvent la seule option, en particulier lorsqu’il n’est pas politiquement possible ou prudent de financer le coût de la transformation par la cession de certains actifs obsolètes ou superflus.

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Structure de gouvernance d'une société d'un groupe postal

Banque centrale Ministère des TIC et Fonds des biens (régulateur du Ministère des de la Poste (politique d'État secteur financier) Finances du secteur postal) (propriétaire)

Régulateur du secteur postal Assemblée Générale des actionnaires Groupe postal (établisse ment public)

Comité Conseil de d’audit surveillance

Audit PDG / Comités interne Président du exécutifs conseil

Secteur Secteur Autres activités d’activité d'activité Services Services financiers postaux Accord de niveau de service Source : rapports annuels de groupes postaux, présentations aux investisseurs, rapports sectoriels de l’IPC, étude de PFID.

Selon le stade de la transformation, il faudra :

• Procéder et achever la création d’une société type « Groupe » composée d'entités juridiques distinctes pour la logistique (Poste), les services financiers, le réseau de détail et l’immobilier, chacune surveillée par ses propres régulateurs, et tenant sa propre comptabilité, et, • Préparer et convenir d’accords de niveau de service entre les sociétés opérationnelles, puis envisager des partenariats pour chaque filiale. Dans le cadre de cette transformation, le groupe doit être totalement indépendant du gouvernement, l'actionnaire étant, par exemple, représenté par un fonds ou un organisme de gestion immobilière, et des administrateurs non exécutifs indépendants siégeant au conseil d’administration.

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Gouvernance interne et structure de gestion d’un groupe postal

Audit interne PDG/Président

Fonctions d'entreprise Conseil partagées RH, informatique, juridique, d'administration achats

Transport Bureaux Immobilier Établissement Services et de poste postal postaux logistique (vente au financier

Courrier & express U O Cour Colis et bli rier Autre Commerce ga courrier électronique tio (hors n Philatéli International de Accord de Accord de se e niveau de niveau de rvi service service ce Un ou quelques un centres Bureaux de poste iv logistiques (dépôt/retrait du courrier) Succursales er (transactions se propres Marché régionaux financières/agence) l des entreprises

Source : rapports annuels de groupes postaux, présentations aux investisseurs, rapports sectoriels de l’IPC, étude de PFID.

KazPost, Barid Al Mahreb / Al Barid Bank, PTT en Turquie ou la Poste gabonaise fonctionnent sur ce modèle. Les processus ont tendance à être lourds et longs, entre sept et douze ans, avec d'importants risques de délai ou de perturbation comme au Gabon dernièrement, par exemple.

Dans plusieurs pays d'Afrique du Nord — Algérie, Egypte, Tunisie — la transformation ne conduit pas encore à l'autonomie de la Poste au sein d'un groupe. Dans ces trois pays, l'EPF représente de loin le premier secteur d’activité, mais sa croissance est freinée en raison des difficultés à élargir sa gamme de produits.

La transformation pourrait être considérablement accélérée et stabilisée si et lorsque l'unité opérationnelle chargée des services financiers est prête à conclure un partenariat, sous forme de coentreprise par exemple, avec un établissement financier agréé existant. Ce mode opératoire nécessiterait moins de renforcement des capacités au sein de l’entité et obligerait à tirer parti du potentiel de synergie avec l’institution partenaire. En outre, un tel partenariat pourrait avoir des retombées bénéfiques sur les autres activités du groupe, et reproduire l’expérience pour les services postaux.

B. EPF/Poste en difficulté

Alors que le premier modèle se rapporte à une Poste dont l'EPF ne rencontre pas de problèmes majeurs, ce deuxième modèle concerne une organisation postale en difficulté avec un EPF affaibli. Liquidité réduite et adéquation des fonds propres extrêmement faible voire négative sont les principaux marqueurs du modèle. On en compte malheureusement plusieurs dizaines dans le monde. Les principales caractéristiques communes sont les suivantes :

L'activité traditionnelle du courrier postal est marginale, en bout du marché de la logistique, et est exploitée à forte perte ; le positionnement sur les segments du courrier, des services express et de colis est minime.

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Les tentatives de diversification dans les services financiers et les autres activités de détail échouent, ces activités finançant les pertes des services postaux ; l'activité courrier réduit à néant le potentiel de croissance de l'EPF. Si un EPF historique, généralement de petite taille, subsiste, il peut avoir des actifs illiquides, et être techniquement insolvable. Ses revenus nets servent à financer, sous forme de subventions croisées, les pertes postales et les dépôts de ses clients couvrent les déficits des opérations postales.

L'activité entière est prisonnière d'un cercle vicieux ou s'enfonce dans une spirale descendante. Directement ou indirectement, la Poste est une opération fiscale, subventionnée ou confrontée à une crise de liquidité.

La valeur potentielle des actifs publics et des ressources en main d’œuvre n’est pas exploitée.

Après évaluation du marché et de l’établissement, les options suivantes peuvent être envisagées :

A. Poursuivre en tant que « Poste » uniquement dans le domaine de la logistique, augmenter les tarifs postaux, et poursuivre les réductions d'effectifs et la cession d’une partie des actifs (immeubles de bureaux de poste), si possible, afin d'allouer les produits de ces actifs à la transformation de l'activité en un exploitant rentable, compétitif et liquider ou scinder en premier l'EPF (exemples : Poste en Géorgie, ). Une fois l'activité devenue une société logistique rentable, de nouvelles options peuvent être considérées. Cette approche ne vient pas compléter l’inclusion financière mais limite l’exposition au risque de stabilité financière.

Structure de gouvernance d'une entreprise postale financière

Banque Ministère des TIC et Fonds des biens Ministère des centrale de la Poste (politique d'État Finances (régulateur du du secteur postal) (propriétaire) secteur Régulateur du secteur postal Assemblée Générale des actionnaires Entreprise postale financi ère Comité Conseil de surveillance d’audit

Audit PDG / Comités interne Président du exécutifs conseil Secteur d'activité Services postaux Transport / Logistique

Réseau de bureaux Services financiers de

Source : rapports annuels d'EPF sélectionnés, études du PFID.

B. Les coûts de restructuration et les efforts déployés dans le cadre institutionnel existant sont considérés comme beaucoup trop élevés ou lourds. Des options pourraient alors être évaluées pour :

a) Dissocier et restructurer l'EPF en une institution financière réglementée avec une comptabilité autonome distincte qui exploite les bureaux de poste. C'est le cas en Tanzanie, au Niger et dans plusieurs autres pays africains. Risque élevé d’une approche longue et inefficace, comme au Niger.

b) Transférer l’ensemble de l’entité sous forme de PPP (BOT ou concession) à un établissement financier agréé dont la mission est de la restructurer et principalement de fournir des services financiers ou de vendre les actifs du bureau de poste et tout reliquat de l'EPF à une ou plusieurs banques en tant que réseau de succursales ou d’agences. Poursuivre les services de courrier ou trouver un partenaire en co-entreprise pour la Poste (logistique) dans un espace limité des immeubles de bureaux de poste sélectionnés en accord avec la ou les banques concernées. C'est le cas de la Banque postale du Cambodge et de la Banque postale du Congo.

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Gouvernance interne et structure de gestion d’un groupe postal

Banque centrale Ministère des TIC et Fonds des biens (régulateur du Ministère des de la Poste (politique d'État secteur financier) Finances du secteur postal) (propriétaire)

Régulateur du secteur postal Entreprise

postale

Assemblée Générale des actionnaires

Conseil de surveillance Banque

Audit PDG / Comités interne Président du exécutifs conseil

Secteur Secteur d'activité d'activité Services Bureaux de postaux poste (vente au Transport / détail/numériqu Logistique Accord de niveau de servicee)

Source : rapports annuels et rapports de gestion d'EPF et d'opérateurs postaux sélectionnés, rapports de l’UPU et études du PFID.

C. Poste sans EPF

Le cœur de métier de ce type d’entreprise postale est le transport et la logistique dans un marché concurrentiel. Il n’existe pas d’EPF distinct au sens d'entité ni, à ce jour, aucune opération ou plan significatif de distribution de services financiers propres. Dans plusieurs cas, les opérations postales sont économiquement viables, ou fonctionnent à l’équilibre, même si, le plus souvent, elles accumulent les pertes, et subissent des pressions pour réduire les coûts en diminuant les effectifs ou en réduisant les bureaux de poste propriétaires.

Si la possibilité d'exploiter les bureaux de poste existants pour la distribution de services financiers est identifiée, l’option la plus viable consiste à transformer contractuellement le réseau postal en agence ou partenaire d’un établissement financier agréé. Un appel d’offres concurrentiel, un partenariat public-privé ou une coentreprise pourraient permettre de développer ce potentiel. Exemples à noter : ECT / Banco Postal, Brésil ; Correios / Banco Postal, Angola ; Thailand Post avec Pay-at-Post comme agences de banques et d’autres institutions.

Ce processus pourrait être accéléré et amélioré grâce à (a) des lignes directrices sur la préparation et la structuration des accords d’agence et des partenariats, et grâce à la formation et à l’échange d’expériences, et (b) au moyen d'un ensemble de services de conseil transactionnel pour conclure et mettre en œuvre efficacement l’opération dans un délai raisonnablement court. 20 Exemple d’Al Barid Bank au Maroc

Al Barid Bank (ABB) au Maroc illustre parfaitement la manière dont les réseaux postaux peuvent contribuer à la croissance et à la diversification des produits de manière à renforcer l'inclusion financière. ABB est entièrement détenue par , société du groupe.

Suite à l’agrément du ministère des Finances et à un processus de transformation de trois ans durant lequel les opérations financières de Poste Maroc ont été transférées, ABB a été officiellement lancée en tant que nouvelle banque en juin 2010. À la fin de cette année, la banque centrale marocaine lui a délivré l'agrément bancaire complet. La capitalisation initiale, de 400 millions MAD (47,5 millions USD), a été augmentée à plusieurs reprises.

La banque a pour mission de renforcer l’inclusion financière en ciblant plus particulièrement les zones rurales. Avec 4 millions de clients à son lancement, la banque a gagné chaque année entre 500 000 et 1 million de nouveaux clients. Son offre restreinte de produits s’est étoffée. La banque propose aujourd'hui une gamme complète de produits financiers numériques, comprenant l’épargne, l’assurance et les transferts d’argent, en s’appuyant sur son réseau de près de 1 800 agences, dont la moitié en milieu rural, et en ouvrant 250 nouvelles agences dans les zones mal desservies en 2015. Depuis, la banque s'enrichit de centaines de petites agences et guichets. D’un point de vue économique, la banque est devenue le premier métier de la société du groupe et sa direction est directement en charge du réseau postal et de ses guichets. Bien que la création d’une nouvelle banque publique ne soit peut-être pas le meilleur modèle pour tous les pays, cette transformation a permis à ABB de pallier certains problèmes communs aux réseaux postaux dans les autres pays.

Cette transformation se caractérise en particulier par les éléments suivants :

• Poste Maroc a renforcé sa direction en recrutant de nouvelles équipes de gestion spécialistes de la banque de détail et du secteur privé.

• ABB a investi dans des études de marché et a choisi de collaborer avec des fournisseurs expérimentés, tels que SOFAC, premier établissement de crédit à la consommation au Maroc, pour l’aider dans la fourniture de crédits. Grâce à cette approche, ABB fidélise ses clients tout en fournissant un service fiable par l’intermédiaire de ses partenaires.

• ABB a amélioré la mauvaise gestion des ressources humaines en créant l’Université Barid Al Maghrib, divisée en trois départements : l'Institut des programmes de gestion et d'entreprise, l'Institut de professionnalisation des technologies bancaires, et l'Institut des technologies avancées pour le courrier et les colis.

• La banque a un besoin urgent de mettre à niveau son matériel et ses logiciels, et de former son personnel pour permettre aux réseaux postaux de gérer et de sécuriser les données à l'instar d'une institution financière moderne. ABB a investi plusieurs millions de dollars, parmi lesquels des acquisitions de matériel et de logiciels, pour mettre à niveau ses systèmes d’information. Ces investissements ont été nécessaires pour améliorer son offre de produits et réduire les risques.

• Au lieu de se concentrer sur de nouveaux produits et services jamais commercialisés, ABB s’est focalisée sur le marché éprouvé des envois de fonds. ABB a investi dans sa propre infrastructure de paiement et a été capable de capter près de 80 % du marché des transferts nationaux. Conscient que les envois de fonds internationaux représentent 5 % du produit intérieur brut, ABB a rejoint Eurogiro, qui lui a fourni un accès peu coûteux aux services de transfert internationaux. ABB a également modernisé ses plateformes de paiement pour fournir des services de paiement aux grandes sociétés de services publics et aux gouvernements.

Parmi les autres réformes, citons également :

• La mise en place d’une unité de gestion immobilière distincte, chargée de gérer tous les immeubles et terrains du groupe et d'encourager une exploitation et une maintenance optimales.

• De solides progrès dans l’utilisation des applications d’argent mobile et d’autres services financiers numériques avancés.

La Banque mondiale est intervenue avant l’obtention par ABB de son agrément et immédiatement après cette obtention. La banque avait par ailleurs déjà fourni de l'aide à divers stades de la réforme du modèle classique des services financiers postaux.

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5. INTERVENTION DES POUVOIRS PUBLICS ET SOUTIEN INTERNATIONAL

D'après l'étude du CGAP, les engagements des bailleurs de fonds en matière d’inclusion financière ont atteint un record historique de 37 milliards USD en 2017. Environ 75 % de ce montant était destiné au financement du portefeuille de prêts, et les 25 autres, soit 9,25 milliards USD, aux politiques, au renforcement des capacités et aux infrastructures.

La progression de l’inclusion imputable aux EPF en 2017, financée par ces organismes, est provisoirement estimée entre 0,1 % et 0,5 %, comme les années précédentes. Ces fonds sont destinés à élargir l'inclusion financière grâce aux EPF et aux bureaux de poste par le biais de politiques, du renforcement des capacités et des infrastructures.

Les principaux bailleurs de fonds de la progression de l’inclusion financière via les EPF et les bureaux de poste sont :

• Les pouvoirs publics (par exemple, l’Inde a dépensé plus de 2 milliards USD ces dix dernières années dans la transformation d'India Post en un réseau d’inclusion sociale et financière) ; et

• Le secteur privé (les investissements dans Japan Postbank, Postal Savings Bank China, / Banco Posta, CTT Bank, Banco Postal au Brésil, Pochtabank Russia et d’autres, par exemple, ont totalisé près de 25 milliards USD).

Nombreux sont les pays où la possibilité d’élargir l’accès aux services financiers grâce aux EPF et à la Poste est évidente. Cependant, les solutions d’accès au financement pour faire avancer l’inclusion financière restent assez limitées voire inexistantes. Les principales explications sont à chercher dans :

• Le syndrome de la poste fermée, ou le manque, voire l’absence de données internationales normalisées et objectives qui illustrent le rôle des EPF et des bureaux de poste dans l’inclusion financière ; le cadre de référence et les données comparatives s'en trouvent fortement limités.

• Le syndrome de la « lettre morte », ou le fait de percevoir, de manière subjective, les EPF et les bureaux de poste comme des vestiges hérités du passé. Accéder aux données et gérer les connaissances pourraient donner un meilleur aperçu des « bonnes pratiques ».

• L’aversion à toute forme d'intervention dans les cadres juridiques et institutionnels nationaux existants.

Au vu de ces raisons, en particulier la dernière, tous les gouvernements doivent avant tout déclarer leurs intentions de réformer l'EPF et la Poste.

À titre d'illustration, le rapport Findex 2017 indique que 46 % de la population mondiale non bancarisée vit dans seulement sept pays. Sur ces sept pays, les deux plus grands (la Chine et l'Inde) font état d'une inclusion financière, mesurée par la détention d'un compte, de l'ordre de 80 %. Les EPF et les réseaux postaux contribuent respectivement à hauteur de 59 % et de 46 %. Les bailleurs de fonds n'ont joué qu'un rôle assez limité dans les deux pays. En Chine, essentiellement après 2006, la Caisse d'épargne postale est devenue autonome et a reçu l'agrément grâce à une aide technique, puis une participation au capital de 300 millions USD en 2015 par l’IFC. India Post et sa Banque de paiements ont bénéficié des conseils de la Banque mondiale pour élaborer leur stratégie.

Dans quatre des cinq autres pays, l'implication de la communauté des bailleurs de fonds pour aider les EPF ou les Postes à faire progresser l'inclusion financière ne semble pas encore bien définie.

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Sept pays suivis par Findex : 46 % de la population mondiale non Total dont EPF/Postes bancarisée Chine 80 % 47 % Inde 80 % 37 % Indonésie 49 % ➣5 % Bangladesh 50 % N.D. Pakistan 21 % ➣5 % Nigeria 40 % 0 % Mexique 37 % 0 %

Indonésie : avec plus de 55 000 points d’accès, le réseau de distribution Post Indonesia particulièrement présent est utilisé par la plupart des plus grandes banques, assureurs et prestataires de services de paiement. Il participe activement à l’inclusion.

Bangladesh : initiatives pilotes propres à Bangladesh POSB en matière de technologie DFS (cartes et mobiles) et lancement de partenariats avec des banques mis en œuvre ; l'inclusion doit progresser par le biais des 8 900 bureaux de poste.

Pakistan : le gouvernement a lancé en février 2018 un appel à PPP (sous forme de concession ou de BOT) de 10 ans, à l'attention d'une banque agréée dans le but de transformer la POSB (« Pakpostbank ») en une activité compétitive et compatible avec la technologie DFS capable de faire progresser l'inclusion grâce aux quelque 12 000 bureaux de poste équipés de TIC.

Nigeria : le gouvernement (Nipost) recrute, depuis début 2018, des « conseillers en transactions » pour établir un PPP relatif à la technologie DFS avec une banque (baptisée « Nipostbank ») et pour mettre en œuvre l'alliance stratégique pour l'inclusion financière convenue avec la banque centrale afin d'exploiter les plus de 3 000 points d'accès de Nipost, qui se répartissent entre bureaux de poste et agences postales. Des progrès ont été réalisés dans le lancement de services bancaires pilotes en agence, sous la dénomination « bank@post ».

La question du soutien des communautés de bailleurs de fonds dans la transformation des EPF et des Postes reste discutable dans les quatre cas ci-dessus, et nombre d'entre eux pourraient contribuer davantage aux 54 % restants des adultes non bancarisés. a. Tour d'horizon des interventions et programmes récents et en cours

Un groupe assez important de pays a bénéficié d'un soutien aux EPF et aux Postes ces 20 dernières années (voir tableau ci- dessous). Dans la majorité des programmes, ce soutien a été employé pour renforcer les capacités dans le cadre de l'expansion ou de l'amélioration de la commercialisation, et en particulier l'exploitation technique des services financiers. Les programmes et pays suivants illustrent un tel soutien :

• L'initiative African Postal Financial Services (APFSI) déployée dans 11 pays dont quatre pour une mise en œuvre pilote visant à réduire le temps et les coûts des envois de fonds via les bureaux de poste. Cette initiative a été cofinancée par la Commission européenne, dirigée par le FIDA en collaboration avec la Banque mondiale, le WSBI, l'UPU et l'UNCDF (2013-2017). Cette initiative a également répondu au besoin d'études de marché indépendantes et de meilleures capacités en gestion financière. • Le programme du WSBI pour doubler les comptes d'épargne, ayant ciblé sept EPF en Afrique et en Asie, avec un renforcement des capacités dans les domaines de la commercialisation, de l'ingénierie des processus métiers, de la finance et de la gestion des ressources humaines ; le programme a été mené et géré par le WSBI et financé par la fondation BMGF (2009-2014) ; • Le programme d’inclusion financière postale de l’UPU, axé sur la recherche, la promotion, la formation et l’analyse d’environ 10 cas d'EPF, financé par la fondation BMGF (2011-2014) ;

• Le fonds d'assistance technique pour l'inclusion financière de l'UPU, 2016-2020, géré par l'UPU et financé par la fondation BMGF et la Fondation Visa dans le but d'apporter une assistance technique dans le lancement de services financiers numériques dans 20 pays en développement ;

• Programmes régionaux de mandats postaux : 23 – En Afrique de l'Ouest, dans quatre pays, programme financé par la Commission européenne et dirigé par Planet Positive avec l'UPU (2013-2016) – Financé par le FIDA et dirigé par l’UPU pour mettre en œuvre des solutions électroniques de mandat postal (2009- 2015). ■ Afrique de l’Ouest (2009-2011),

■ Asie centrale (2012-2014),

■ Asie du Sud (2013-2015) et

■ Burundi, soutien à la Poste (PCC/CNP) pour le traitement des paiements et des envois de fonds avec des TIC modernes et légères, avec le financement de l’OIM, sous la gestion de l’UPU (2016-2018)

■ Ouganda, Postbank, soutien aux envois de fonds à bas coût dans les zones rurales, y compris les camps de réfugiés, financés par le FIDA (2017-2019)

En outre, ces programmes ont souvent été mis en œuvre en tant que sous-composante d’un programme de la Banque mondiale et plusieurs programmes bilatéraux, essentiellement (co-) financés par la , l’Italie, les Pays-Bas, la Suède et la Suisse, dans environ 30 pays, ces 20 dernières années. Le PNUD a apporté son soutien en particulier dans la formation et la technologie dans certains cas, le FDNU dans la formation aux services financiers numériques, et l'UPU essentiellement dans le lancement de son service de mandat électronique.

Les programmes susmentionnés ne traitaient pas, ou que très peu, de la transformation de l’entreprise ou du développement institutionnel.

Dans plusieurs autres cas cependant, une aide a été apportée pour préparer la transformation ou progresser dans cette transformation. Il s’agit au moins des 23 cas suivants :

Alger (BM, 2002-2004), Azerbaïdjan (BM, 2006-2016), Cap-Vert (BM, 2007), Comores (BM, 2000), Congo (BM, 2004), Égypte (CE, BM, 2009-2012), Gabon (BM, 2006), Ghana (BM, 2008), Jordanie (BGC, États-Unis, 2004-2009), Kenya (BM, 2012), Kirghizistan (BM, 2012-2020), Laos (UNCDF, 2014), Mali (BM 2011), Maroc (CE, BM 1998-2008), Mozambique (CE, 2005), Niger (BM, en cours, et 2003-2006), Papouasie-Nouvelle-Guinée (BM, 2002), Sénégal (BM, 2002-2006), Serbie (SECO, 2010, BM 2012, BM, en cours), Sri Lanka (BM, 2006), Tanzanie (BM, 2001), Trinité-et-Tobago (BM, 2000-2004), Tunisie (Ce, en cours) Ouganda (BM, 1997, 2006).

Ces interventions ont été de durées variables, courte (moins de 3 mois) à plus longue (plus de 5 ans).

Le rôle des banques régionales de développement (par exemple dans le financement de projets et le financement d'entreprise) a été relativement limité ces 25 dernières années. La Banque européenne d’investissement fournit des financements de long terme à plusieurs Postes dotées d'EPF, la BERD finance trois ou quatre opérations en Europe du Sud- Est et de l’Est, la Banque asiatique de développement une en Asie centrale et la Banque africaine de développement a démarré un programme avec le Burkina Faso. La Banque islamique de développement a financé deux projets en Asie du Sud et centrale.

L’IFC est intervenue dans plusieurs pays comme l’Argentine, la Bulgarie, la Chine, la Roumanie et le Vietnam, et évalue d’autres projets.

Le FMI a conseillé des gouvernements ces 15 dernières années sur les réformes, l'autonomie ou la privatisation des Postes et des EPF au Cameroun, au Tchad, aux Comores, en Géorgie, en Namibie, au Niger, aux Philippines, en Roumanie, au Sénégal et en Serbie, entre autres.

À l’exception de quelques cas, l’aide reste généralement limitée en termes de portée, de temps ou d’efforts. Les interventions ont porté, dans de nombreux cas, sur les étapes préparatoires, la conception, la planification ou le pilotage à petite échelle des opérations, laissant la mise en œuvre réelle ou le déploiement à l’institution bénéficiaire. Dans certains cas, le bénéficiaire a mis en pratique l'aide reçue, mais souvent les moyens s'avèrent insuffisants pour faire face à un environnement relativement complexe et mener à bien le processus de mise en œuvre.

Lorsque les interventions sont plus longues et de plus grande ampleur, les réformes ont été perturbées par des changements soudains de gouvernance ou de gestion, ou bien ont porté sur une part plus importante que prévu de la capacité interne à gérer les opérations et la finance. La lenteur des réformes en termes de gouvernance et de transformation des institutions est un problème souvent ignoré.

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En conclusion, à ce jour, les interventions restent limitées et quelque peu fragmentées. Elles souffrent d'un manque de coopération internationale structurée nécessaire entre les différents pays, institutions et bailleurs de fonds. L’efficacité de l’aide pourrait être revue étant donné que bon nombre des EPF ont progressé dans leur transformation mais semblent stagner dans l’achèvement du processus.

En dépit de la croissance étonnante de l'inclusion financière postale et de sa position considérable sur le marché, le potentiel d'inclusion financière des EPF semble échapper à l'attention des organisations qui financent les efforts d'inclusion financière.

Les EPF et les bureaux de poste fournissent un accès à près de 35 % de la population mondiale adulte et représentent un levier évident pour étendre l'expérience dans d'autres pays où l'inclusion financière reste faible. Pour autant, l'engagement des bailleurs de fonds ne dépasse même pas 0,5 %, un chiffre largement décevant qui appelle une analyse et une évaluation plus approfondies. Le manque d'informations, de faits et de données, et partant le niveau élevé d'idées préconçues ou de préjugés en serait l'une des principales causes. Qui plus est, les EPF n'ont pas de moyens suffisants pour défendre leur intérêt auprès de leur propre gouvernement et régulateurs financiers. Une première mesure simple et assez facile à mettre en œuvre consisterait à améliorer la présentation de données normalisées aux autorités compétentes, telles que les régulateurs financiers, afin de percevoir et de comprendre le rôle de l’inclusion financière postale dans l’écosystème de l’inclusion.

Aucune évaluation de « l’efficacité de l’aide » ni aucun examen de l’aide apportée par les bailleurs de fonds n'ont été entrepris à ce jour. Ils pourraient être un instrument utile pour tirer des enseignements, en particulier en ce qui concerne la transformation des institutions. Une telle évaluation contribuerait en outre à améliorer la coordination entre les bailleurs de fonds. b. Impact et durabilité

Compte tenu de la très grande diversité des interventions réalisées et de l’absence d’évaluation globale, nous ne pouvons formuler que quelques observations :

• L’impact de la conception et de la planification de nouvelles stratégies, structures ou produits est réel si elles sont suivies et dirigées par un « champion » dans un environnement de parties prenantes engagées. Faute de « champion » aux côtés du bénéficiaire capable d'avancer et engagé à progresser, les plans écrits ont un impact très limité et se soldent fréquemment par un rapport ou sont relayés au second plan. • Des formations approfondies et des exercices pilotes produisent souvent plus d'effets, et apportent plus de visibilité et de crédibilité au potentiel de l’institution et aux étapes suivantes. Les effets tendent à être positifs à moyen terme si l’institution est dirigée par une équipe visionnaire et compétente capable de parvenir à un consensus avec ses principales parties prenantes. Toutefois, si le principal responsable ou le gouvernement change, la transformation peut être menacée ou ralentie et subir des perturbations ou une ingérence politique. Par ailleurs, le risque que la transformation ne progresse pas existe en raison d'une recherche soutenue de succès à court terme ou d'une forte résistance au changement. • Les interventions à plus long terme tendent à produire des résultats assez positifs, avec à la clé une transformation plus durable qui contribue à une inclusion financière compétitive et axée sur la demande. L'aide risque en outre de se tarir, ce qui exige d'ajuster au plus près le montant de l'aide en fonction des progrès dans le renforcement des capacités. Il ressort de ces quelques observations la nécessité de progresser dans les réformes visant à transformer les institutions dans des échéances relativement courtes et rapides, sans viser à tout prix une évolution législative. c. Premiers enseignements

Les premiers enseignements que l'on peut tirer de l’efficacité des interventions dans la progression et l'accélération de la transformation des Postes/EPF pour faire progresser l’inclusion financière sont les suivants :

• Le projet ou l'initiative doit être dirigé par un « champion », avec des capacités de gestion, une stature et une vision à la hauteur des programmes de réforme. Les exemples récents au Kazakhstan, en Moldavie, en Afrique du Sud, en Tanzanie et en Ukraine, entre autres, confirment que ce facteur est le plus décisif dans la réussite du programme. • La coordination intersectorielle entre les parties prenantes postales et les agences TIC concernées, le ministère des Finances (budget de l’État), le régulateur financier et les institutions financières doit être poursuivie pour parvenir à un consensus sur le rôle, la mission, la gouvernance et la propriété de l'EPF, de la Poste et du réseau

25 postal (vente de détail), en ce qui concerne le « service postal universel » et l’inclusion numérique et financière. Cette dimension complexe nécessite d’impliquer un « champion » capable de travailler avec les différentes parties prenantes.

• Les interventions doivent être conçues comme une série d'étapes à court terme dans un cadre à moyen terme, avec des options de sortie lorsque les progrès, l'engagement ou les changements dans l'environnement ne semblent pas permettre d'atteindre de manière satisfaisante les objectifs ultérieurs. Ces étapes à court terme doivent inclure des programmes pilotes pour démontrer la faisabilité, la crédibilité et la visibilité, et ainsi faciliter les processus structurels de transformation plus complexes.

• Le processus de transformation des Postes/EPF n’est pas, dans la plupart des cas, autonome une fois la conception terminée, testée et approuvée. La transformation exige d’adapter les opérations pilotes à un déploiement national, nécessitant le plus souvent à la fois :

- Des conseils en transactions pour organiser les PPP et le financement de projets pour catalyser la mise en œuvre des PPP, et

- Une assistance dans la planification et le contrôle des contrats fondés sur les résultats avec la direction de l'EPF et de la Poste et la participation à son conseil de professionnels en qualité d'administrateurs non exécutifs indépendants.

Le déploiement des opérations pilotes à plus grande échelle devrait à terme aboutir à :

• Établir une distinction claire et légale entre les personnes morales et entités juridiques et les décideurs publics (pour la Poste, service spécialisé du ministère, et pour l'EPF, le régulateur financier.), le propriétaire (agence ou fonds d’Etat si l'entité n'est pas privatisée), les régulateurs (autorités indépendantes pour le secteur postal [Poste] et financier [banque centrale]) et les opérateurs (EPF constitué doté d'une direction qualifiée) ;

• Établir des rapports financiers et une comptabilité conformes aux normes IFRS/IAS et faisant l'objet d'une vérification indépendante ;

• Dissocier en toute transparence la comptabilité financière et la gestion comptable du courrier, des services financiers et d'autres lignes d'activité, sur la base d'accords de niveau de service et de prix de transfert internes objectifs, en évitant de recourir aux subventions croisées internes ou politiques ;

• Une direction agréée tenue de rendre compte des résultats ;

• Mandater et missionner l'entité de gérer durablement l'EPF ou la Poste, de nouer des partenariats avec le secteur privé en ayant recours à des contrats, des co-entreprises, des ressources internes et l'externalisation, et de structurer le financement d'entreprise ; et

• Développer un réseau TIC doté d'une connectivité et d'une alimentation suffisantes servant d'infrastructure pour l’exploitation inclusive.

Les interventions doivent également, dans la plupart des cas, répondre au soutien apporté à l'élaboration d’un cadre réglementaire transparent et équilibré pour :

• Le secteur postal – régulateur des services courrier / colis / express pour traitement équitable ;

• Le secteur postal – définition claire et précise de la portée de l’obligation de service postal universel et financement (public) objectivé du coût de cette obligation [c’est-à-dire les pertes subies en raison des bas tarifs publics fixes et des exigences de livraison de petits volumes de courrier six jours par semaine partout] et d'une solution de frais terminaux pour l’échange international de courrier et de colis ;

• Le secteur financier – définition claire des exigences vis-à-vis des bureaux de poste en tant qu’agences non bancaires prenant part aux services financiers de faible valeur à titre d'agents intermédiaires, y compris dans les domaines tels que les informations à déclarer, la sécurité/la sûreté, la trésorerie, les liens avec les systèmes de paiement et la responsabilité du risque ;

• Le secteur financier – politiques et réglementations encourageant la communication avec les non(sous)-bancarisés, en reconnaissant le potentiel de l'EPF et des bureaux de poste et en l'intégrant dans, par exemple, une stratégie nationale d’inclusion financière ; 26 • Le secteur/les infrastructures des TIC - définition claire et financièrement viable du rôle du réseau postal (de détail) dans la fourniture d'un accès (public) aux TIC, en particulier l'administration électronique, en tant que branche d'activité potentielle, non basée sur la concurrence et dépendante d'accords financiers avec les agences gouvernementales.

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6. PRÉPARER L'AVENIR : LES DÉFIS À RELEVER

Il conviendrait d'envisager plusieurs mesures d'aide aux EPF et aux Postes pour exploiter le potentiel évident de ces établissements dans la généralisation de l'accès aux services financiers.

Comme mentionné à la section 5, le lancement d’un programme dépend largement de l’initiative prise par les gouvernements locaux. Cette initiative pourrait être résumée dans une lettre de deux pages en guise de demande adressée à la communauté internationale. La demande est ensuite présentée à la communauté internationale et, idéalement, suivie dans de brefs délais. Pour plusieurs raisons, ce suivi s'appuierait sur la coordination entre les institutions financières internationales (IFI), les agences des Nations Unies, d'autres bailleurs de fonds du secteur public et du secteur privé et les administrations représentant les EPF et les Postes intervenant dans la prestation de services financiers.

Une telle collaboration entre les principales parties prenantes internationales semble une condition préalable au vu des interventions jusqu'à présent relativement limitées et de la faible expérience et capacité antérieures des EPF et des Postes à se réformer. Aucune des IFI ou agences des Nations Unies n’emploie de personnel ayant une spécialisation ou une expérience attestée des réformes des EPF. La capacité de gestion des connaissances et les sources d'information chez les bailleurs de fonds sur cette question restent essentiellement ponctuelles. De nombreux EPF et Postes nationales ne disposent pas des ressources suffisantes pour défendre leur cas et leur besoin d'aide, et faire valoir leurs intérêts auprès des parties prenantes et des décideurs, parmi lesquels les gouvernements et la communauté internationale. La formation et le coaching pourraient permettre d'y remédier. Cet obstacle est d'autant plus dur à surmonter qu'il n'existe aucune voix mondiale ou association du secteur, ni aucune agence de l'ONU ou institution financière de développement ayant pour mission précise de représenter les intérêts des EPF/Postes dans la progression de l'inclusion financière directement au niveau international. La représentation des intérêts est dispersée entre plusieurs domaines ou secteurs, et vraisemblablement perçue comme délicate.

Avec à ce jour une vingtaine d'EPF membres sur les quelque 75 recensés, le WSBI pourrait endosser le rôle de chef de file sur cette question. Tout comme Eurogiro qui compte parmi ses membres actifs des EPF dans 40 pays traitant des volumes importants de paiements transfrontaliers de détail.

En dehors du WSBI et d'Eurogiro, l'Union postale universelle (UPU), agence spécialisée de l'ONU, rassemble des représentants de gouvernements en vue de coopérer sur les enjeux internationaux dans le secteur postal. En réponse au besoin urgent de réformer le secteur postal dans les pays en développement, l’UPU encourage les initiatives de réforme du secteur depuis les années 90 en qualifiant ces changements de révolution. Ces dix dernières années, les efforts se sont essentiellement concentrés sur la réponse à la révolution numérique et donc sur le développement des opérations et des technologies. L'UPU accompagne actuellement certains États membres sélectionnés dans l'inclusion financière numérique, en incluant les Postes ou les EPF opérant en dehors du secteur financier réglementé. La mission de l'UPU est formellement limitée à l'exploitation des mandats postaux internationaux. L’UPU compte environ 60 États membres qui exploitent ces mandats postaux internationaux en concurrence avec le secteur privé. Aucune donnée sur l'exploitation et les parts de marché n'est publiée. Parmi les unions régionales de l’UPU, seules deux — pan-Afrique et Asie-Pacifique — inscrivent les services financiers à leur ordre du jour.

Faute d'interactions suffisantes entre ces entités, les problèmes du secteur restent lettre morte auprès des organismes de financement. Du côté des EPF, il conviendrait d'encourager et de fournir des efforts plus importants de coordination des intérêts, prérequis pour plus de soutien aux EPF dans le développement de l'inclusion financière.

En prenant des premières mesures élémentaires dans une perspective d’avenir, les éléments suivants pourraient être pris en compte.

• Un examen de l'efficacité de l'aide des interventions entreprises dans le passé ; • La collecte et la publication de données améliorées et cohérentes sur les EPF ou l'inclusion financière postale, conformément aux données et statistiques utilisées dans le domaine et telles que définies par les organismes de normalisation internationaux. L’UPU et les organismes de réglementation postale pourraient encourager le recueil et l'échange en temps voulu de données avec les régulateurs financiers ; et • La mise en place d'une base de données de gestion des connaissances issues des précédentes interventions.

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Bases de données et portails en ligne :

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