1918 “ EDITION SPECIALE

Il est nécessaire de transmettre aux jeunes Il aura fallu l’obstination de Clémenceau C’est ainsi que titrait le journal générations les éléments passés avec sincérité « On les aura ... » et la ténacité des « poilus » La Liberté le 11 novembre 1918, date de car cette histoire c’est aussi leur histoire. face à la « Grosse Berta » qui envoyait des obus l’armistice de la Première Guerre Mondiale. de 800 kilos pour vaincre et conduire à cet Cette histoire est basée sur nos valeurs démo- armistice du 11 novembre 1918 à 11h. Nous connaissons tous cette date qui a marqué cratiques et républicaines et constitue un héri- notre histoire, mais que s’est-il passé ici à tage pour lequel nos parents et arrières grands Le temps est passé, la réconciliation avec l’en- Estevelles pendant la Grande Guerre 14-18 ? parents ont combattu. nemi est venue, la paix des braves a été faite. Depuis des décennies nous vivons en paix avec A ma demande, depuis deux ans, des estevel- Cet héritage est désormais inscrit dans notre nos voisins mais une autre guerre est interve- lois, passionnés d’histoire et de patrimoine. Il nous faut le préserver car la nue, celle du terrorisme qui frappe aveuglé- patrimoine ont consulté les archives souvent considérée comme l’un des ment tel un cancer qui ronge nos sociétés. pour retracer cette histoire d’Estevelles pen- plus beaux pays du monde, l’est, non seule- dant la première guerre mondiale. ment pour ses paysages, mais aussi et surtout Alors comme il y a 100 ans, soyons unis autour pour ses valeurs. de nos valeurs, solidaires et acteurs de notre Ce travail intense, a été piloté par la Municipa- société. Construisons ensemble notre avenir lité avec la Commission chargée de la Vie Lo- Cet héritage n’est pas le fruit du hasard, c’est plutôt que nous déchirer dans des luttes cale, dirigée par Mme Danel, en liaison avec celui de l’action de dizaines de millions de stériles. l’association du Neuf à Etef, présidée par françaises et de français solidaires et enthou- Mme Collart. siastes pour vivre ensemble grâce à la Liberté, Mais n’oublions pas, n’oublions jamais ces l’Egalité et la Fraternité. Estevellois qui ont reçu la Croix de Guerre, Je remercie vivement tous les contributeurs n’oublions pas les alliés venus combattre ici, pour cette publication exceptionnelle, vous en Nous devons tous être fiers de ce que nos par exemple, le Lieutenant Indra Lal Roy trouverez la liste détaillée en fin d’ouvrage. parents ont réalisé pour nous, car aujourd’hui abattu dans son avion au dessus d’Estevelles En effet, non seulement ils ont pu reconstituer c’est ce qui nous permet tout alors qu’il avait 20 ans. l’histoire de notre village à cette époque mais simplement d’être libre. ils ont su également retracer l’histoire de cer- N’oublions pas tous les combattants et les tains de nos concitoyens . populations civiles qui ont été confrontés Le sacrifice de ces femmes et de ces hommes, durant quatre longues Vous allez, à la lecture, de ces lignes ressentir en France et ici à Estevelles, les efforts im- années à l’horreur de la ce qu’était la vie ici il y a cent ans. Il est im- menses de reconstruction de notre pays et la g u e r r e . portant de comprendre pourquoi ces femmes volonté farouche d’y arriver coûte que coûte, Alain Szabo, et ces hommes se sont battus pour démontrent qu’un pays uni et réuni peut sur- Maire d’Estevelles votre liberté. monter tous les obstacles.

Estevelles 1918 - Edition spéciale du Journal Municipal 1 “ ESTEVELLES 1918 “

SOMMAIRE

Introduction page 3

Situation géopolitique page 2

Pour 1914 page 3

Pour 1915 page 5

Pour 1916 page 6

Pour 1917 page 7

Pour 1918 page 8

Conséquences de la guerre page 9

Monument aux morts page 13

La Bataille de page 14

Remerciements page 20

Estevelles 1918 - Edition spéciale du Journal Municipal 2 “ ESTEVELLES 1918 “ 2.Situation géopoli- tique, A Estevelles, entre les années 1884 et 1894, les naissances sont en moyenne de 7 enfants par an, garçons et filles confondus pour une population de 336 habitants, soit un taux de natalité de 2%. Le village est ru- ral, même si des hommes vont travailler dans les puits de mines (, ). Le devoir de mémoire se transmet entre génération Notre village, compte 8 débits de boissons, une mercerie, 2 1.Introduction foudroyés en pleine jeunesse épiceries, une forge, une blan- lors de violents combats, chisserie et une menuiserie. Depuis un an, suite à la de- certains d’entre eux n’ont tou- Dès 1880, Estevelles a son mande de Mr le Maire, nous jours pas de sépulture à ce jour. école (route de Pont à Vendin avons travaillé à la plaquette La population quant à elle a aujourd’hui rue Blanche Dupont) que vous tenez entre vos mains. souffert de privations et de et sa mairie. Le village même s’il Ce document a été voulu afin brimades, c’est une population n’a pas de boulangerie, peut de célébrer le centenaire rurale qui a dû donner quasi- compter sur les fournils des agri- de la grande guerre. ment tout ce qu’elle possédait à culteurs pour faire le pain. Un groupe d’environ huit l’ennemi. personnes a mené des Nous avons essayé dans ce do- 3.Pour l’année 1914, recherches sur ce que pouvait cument de retracer la chronolo- Les Estevellois au début du être la vie de notre village gie des évènements, en mettant conflit. durant toute cette période. notre actualité en perspective, Au 1er août, jour de la mobilisa- La classe de CM 2 a été asso- afin que vous et vos enfants tion française, le chiffre des mo- ciée à ces travaux et une sortie puissiez vous rendre compte de bilisables est donc d’une qua- organisée le 10 novembre 2017 la façon dont notre village a vé- rantaine d’hommes selon les re- a démontré l’intérêt des plus cu pendant ces 4 ans, mais aus- gistres communaux. C’est envi- jeunes pour leur histoire. si retrouver des lieux de vie ou ron 11% de la population. de passage que vous verrez De ces 40 hommes, 11 laisse- peut-être de façon différente à ront leur vie sur les champs de Notre ambition au travers de l’avenir. bataille, d’autres en sont reve- cette plaquette est de montrer Nous espérons, comme les en- nus. Ces jeunes hommes âgés que, dans ce premier conflit fants des écoles avant vous, de 20 à 37 ans sont pour la mondial, même s’il n’a pas été que ce document vous permet- plupart d’origine modeste, au cœur des événements tels tra de mieux connaître votre et certains pères de famille. que ceux qui se sont déroulés à village et d’apprécier ainsi A ce jour, il ne nous est pas pos- Vimy et ses environs, notre vil- toutes les transformations qui sible de dire le nombre exact ni lage a contribué et a subi les se sont produites depuis. des prisonniers, ni des blessés horreurs de la guerre. militaires, ni des hommes enrô- Il a d’abord donné 11 de ses fils lés au travail obligatoire.

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Le 3 août, près de 2000 jeunes du canton partent dans des trains qui les conduisent à leur dépôt respectif. Entre le 25 août et le début sep- tembre 1914, c’est l’arrivée sur le secteur des premiers évacués de Maubeuge et de Tournai. Ce sont eux qui ap- prennent à la population que l’ennemi est à leur porte… Le 25, deux régiments de réser- vistes vendéens sont mis à mal Un groupe de Uhlans, cavaliers Allemands équipés d’une lance. par quelques boulets ennemis et se retirent sur Cysoing. zones du front, les Français sont Le 3 octobre, le Maire incorporés dans des colonies d’Estevelles Alfred THERY et Entre septembre et octobre, la agricoles ou ouvrières, soit en sa fille sont tués, par méprise, bataille se livre le long de la France occupée soit en lors d’une embuscade par Deûle entre Courrières et An- Allemagne. Durant cette pé- l’armée française. Cette période nay. riode, aucune information n’est prend très vite la tournure d’un A compter du 29 septembre, communiquée sur les évène- désastre rempli d’événements L’ordre est donné par le gouver- ments, les journaux s’en tien- douloureux avec un nombre im- neur militaire de Lille à tous les nent aux déclarations officielles portant de victimes. mobilisables de 18 à 50 ans. du gouvernement. Le front se fixe sur une ligne Tous doivent partir dans les di- Le 30 septembre, les premiers « Lens-La Bassée » et s’y rections de Saint Pol et . Uhlans (Lanciers Allemands à maintient pendant quatre an- En fait, ils se trouvent pris dans cheval) font leur entrée dans le nées durant. Dans Estevelles un cul de sac, dans des dépôts secteur de Lens-Carvin. occupée, c’est le logement des non préparés à les recevoir, et Ils arrivent en commettant plu- troupes et la cohabitation avec reviennent dans leur foyer. sieurs atrocités, des maisons l’occupant qui est de mise.

sont incendiées, des hommes Le couvre-feu est bien évidem- Certains mobilisables sont donc fusillés et des femmes violées. ment de rigueur avec en plus les rentrés au village avant l’arrivée amendes, les menaces, les des Allemands. Par la suite, une Le canon tonne toute la journée listes d’otages. Il ne faut pas ou- ordonnance allemande fait du 5 octobre, le gros de l’armée blier les arrestations, les dépor- procéder au recensement des a suivi et va maintenir ses posi- tations, la famine, et sans comp- hommes de 17 à 55 ans, qui tions sur Lorette, Loos, La Bas- ter les énormes dégâts causés seront considérés comme sée. par les bombes et les obus. prisonniers de guerre et seront Le 8 octobre, le corps d’armée Béthune est alors la ville de astreints au travail obligatoire. des hussards de la mort arrive concentration du régiment de sur Carvin, venant de la Marne L’occupant les force à signer un réservistes du 273° RI. par Lens, s’installe et vit aux engagement volontaire de tra- Ce régiment est composé exclu- frais de la population. Carvin, vail, ceux qui refusent sont enrô- sivement de « gars » du Nord et Courrières et le Pont Maudit lés dans des bataillons discipli- de mineurs en grand nombre. sont occupés. naires en Allemagne. Dans les

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Puis les Westphaliens sont en majorité catholiques moins rudes et moins audacieux. Les Bavarois : industrieux et courageux, organisateurs, se font passer pour les premiers soldats de l’empire, courtois et plus civilisés que les Prussiens, leur immoralité va de pair avec leur foi chrétienne. Nul ne les surpasse dans l’organisation du vol. Dès novembre 1914, cette ar- Lignes de fronts en octobre 1914 mée de réservistes vêtus de noir, arrive avec ses autos vider En 1914, quatre Estevellois DELVALLEZ-Charles-Pierre, les stocks de cuir, bois, fer et tombent au Champ d’Hon- (1893-1914), 25° RA qui est sta- toute chose utile à l’armée … neur, tionné à Châlons/Marne, engagé Les infirmiers saxons : d’une du- dans la bataille de la Marne, tué reté terrible vis-à-vis des bles- TOURNEMINE-Gustave, le 10/09/1914. sés au début du conflit, ils (1886-1914) mineur à la fosse sont relevés et remplacés n°11 des mines de Lens est en- DELCROIX-Georges, par d’autres qui se signalent par gagé avec son régiment dès le (1889-1914) du 1° RI stationné à leur propreté et leur dévouement 23 août sur le champ de bataille Cambrai, et engagé dans la ba- qui s’étend volontiers aux civils. de la Meuse à Dinan et à taille de la Marne tombe lui le A noter que le premier hiver du Voulpaix le 30 août où il fut tué à 15/09/1914 à Port à Binson. conflit est marqué par la fièvre l’ennemi. Les deux premiers mois de con- Typhoïde. flit ont donc coûté la vie à 4 Es- Fin août et début septembre, tevellois tombés au champ Maubeuge est le théâtre du La Kommandantur, c’est à la d’honneur. premier siège sur le sol français, fois la mairie et le poste de mené par l'Empire allemand, il 4.Pour l’année 1915, police, elle est présente dans chaque ville ou village du débute le 28 août et se termine Estevelles n’est pas le théâtre canton. De là partent les ordres officiellement le 8 septembre de combats engagés, mais est de réquisitions de tous les blés lors de la capitulation de la ville. plus vouée aux opérations de et elle fixe les rations de soutien de l’armée allemande CLIN-Fernand, par rapport au front de Vimy et a (1888-1914), ouvrier mineur, du sans doute connu quelques 145ème RI perd la vie le 1er bombardements. septembre 1914. Dans le même temps, est menée la campagne Occupation allemande, de la Meuse. stabilisation du front. Deux autres Estevellois tombent Les premiers soldats d’occupa- au champ d’honneur en ce mois tion sont Prussiens, luthériens, de septembre 1914. paresseux, rapineurs féroces et Le siège de la Kommandatur d’une immoralité repoussante. d’Estevelles

Estevelles 1918 - Edition spéciale du Journal Municipal 5 “ ESTEVELLES 1918 “ nourriture pour la population, les Le 6 Avril, journée noire pour combats, son régiment a Allemands réquisitionnent aussi les enfants d’Estevelles. reçu sa première citation : les légumes et les fruits des vil- En effet 2 d’entre eux vont « Honneur au 87ème qui, dans lageois. L’infirmerie est installée perdre la vie à l’ennemi le même une mêlée terrible, soutenue sur dans la rue Blanche Dupont. jour. les parapets des tranchées con- Par ordre militaire, les fruits des CLIN Emile (1892-1915) du 18° quises, a rejeté l’adversaire, qui jardins sont réquisitionnés. Il est bataillon de Chasseurs meurt au à la faveur des nuages de fu- strictement défendu aux habi- combat de Maizeray. mée, des liquides incendiaires, tants de les cueillir. Un autre s’était élancé pour reconquérir DESPREZ Fidèle (1878-1915) avis donne l’ordre de porter à la ses anciennes positions. ». A Ouvrier mineur, du 6 ° régiment mairie cinq kilos d’orties par mé- noter que son nom ne figure pas d’Infanterie Coloniale, incorporé nage. au monument aux morts et que à Lyon au début de la guerre, le relevé militaire signale en participe à la bataille de Bel- note « ligne rayée ». Cela reste gique, il est tombé au champ une énigme. d’honneur à quelques kilomètres d’Estevelles dans le village de . C’est dans ce secteur que l’ar- mée allemande utilise pour la première fois des projectiles lan- cés par des minenwerfer *.

*Le Minenwerfer, mortier « léger Mess des officiers Allemands, » de 76 mm, pesait tout de rue Georges Clémenceau même 100 kg» 5.Pour l’année 1916, DERAEDT- C’est une guerre de position qui Durant cette année 1915, six Martial, s’installe, le front est figé Estevellois laissent leur vie au (1887-1915) et les soldats épuisés. combat 1°régiment La guerre en cette année d’artillerie BARREZ-Arthur.Charles, est au point mort. Fait mar- engagé à (1893-1915) affecté au 165° quant : première utilisation des Dunkerque régiment d’infanterie engagé sur gaz toxiques par les puis dans la le terrible champ de bataille de allemands lors des combats de bataille de la l’ARGONE, mort le 15 Janvier Ypres. Création des masques à Somme, il 1915, au bois Brabant. gaz pour les troupes du front. meurt le 11 LEGRAND-Ernest, juillet 1915 Un seul Estevellois tombe à l’en- (1888-1915) : Enfant assisté du de ses blessures à nemi : DELECROIX Juste, Pas de , domestique de sans avoir revu Estevelles. (1878-1916) cultivateur dans le ferme, tombé dans le bois de civil, il laisse sa vie à Souville Et enfin DALLE Martial, du 87° Beauséjour (bataille de la (Bataille de Verdun et l’une des RI. Parti de St Quentin, tombe à Marne) dans des conditions ter- plus « grosses boucheries » de l’ennemi le 30/06/1915 lors ribles les régiments étant à moi- la guerre 14-18). Il fait l’objet d’âpres combats au bois de tié ensevelis dans la boue. d’une citation le 14 juillet 1916 Saint Rémy. A l’occasion de ces Porté disparu le 16 février 1915. « Excellent soldat très dévoué

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1917 fut aussi l’année des inno- vations militaires, la bataille de Cambrai a été le premier théâtre d’engagement de tanks au monde , c’est une invention an- glaise.

L’essor de l’aviation de guerre L’utilisation des avions remplace celle des ballons et zeppelins. L’aviation permet dans un Utilisation des premiers tanks en 1917 à Cambrai premier temps de photographier le théâtre des opérations afin de depuis le début de la campagne, bassin minier exploité par les situer les positions et de per- a été tué en assurant le ravitail- Allemands sera reconquis. mettre aux artilleurs un réglage lement de sa compagnie sous Pourtant, les armées alliées sont mieux adapté aux bombarde- un violent bombardement». arrêtées et butent sur la défense ments. Dans un second temps, ennemie littéralement protégée l’aviation munie des cartes re- 6.Pour l’année 1917, par un système de défense pro- vient mitrailler les tranchées. En avril 1917, par précaution, les fonde, prolongé jusqu’à la ligne L’armée de l’air prend alors une Allemands évacuent la popula- Hindenburg, derrière laquelle ils importance considérable. tion d’Estevelles qui sera dirigée se sont solidement retranchés. Les pilotes sont considérés vers la gare de à desti- Ces combats sont d’une comme des demi-dieux à l’esprit nation de la Belgique. violence inouïe, les belligérants chevaleresque qui combattent sont obligés de creuser des eux aussi dans des conditions Changement de stratégie, sapes afin de prendre à revers terribles, combats souvent mor- Le commandement allié : Joffre les ennemis, les faisant exploser tels, puisque le parachute puis Nivelle pour les Français et afin de gagner du terrain sans n’existe pas encore. Ces com- Haig pour l’état-major anglais, savoir si le lendemain les rôles bats aériens sont le baromètre planifient une offensive surprise, ne seraient pas inversés. Cette de la tranchée et soulèvent dans en avril sur le Chemin des bataille aura fait 150 000 les deux camps un engouement Dames. victimes côté allié et 120 000 souvent macabre. La presse Les divisions canadiennes, aus- côté allemand s’empare de cette nouvelle arme traliennes, écossaises et terre- et en fait souvent ses gros titres. neuviennes quant à elles, seront Notre Dame de Lorette est la chargées de faire diversion dans plus grande nécropole fran- l’Arrageois. çaise. Au sommet de cette col- Le 9 avril, après un travail line, sur quelques 13 hectares, préparatoire de l’artillerie, 20 000 tombes, dont celles du l’assaut de la crête de Vimy général Bardot, des soldats mu- est donné, les Canadiens sulmans, juifs de France, s’en emparent jusqu’à Belle- Zouaves d’Afrique, côtoient 23 court, où se sont les 000 soldats inconnus, dont les Australiens qui s’illustrent. dépouilles sont rassemblées en Le 11 ème Bataillon Ecossais a participé On pense à un moment que le sept ossuaires. aux combats sur Estevelles Estevelles 1918 - Edition spéciale du Journal Municipal 7 “ ESTEVELLES 1918 “ à partir de 16h00 le 16 octobre,. rapatriée en Allemagne et Dès le lendemain, ils reprennent dissoute au cours de l'année leur marche sur , 1919. Lille et la Belgique. Le lieutenant de réserve Fritz Paffenrath est le dernier adju- Extrait du Journal de guerre dant du régiment à la manœuvre de R.Lindsay Mackay, et laisse un journal de bord dans 16 octobre, une journée de lequel il consigne les derniers rumeurs terribles. Un ordre est jours d’occupation de la zone. suivi puis contredit par un autre Extraits de son récit :

Robert Lindsay Mackay (1896-1981), et cela successivement. Enfin, il Septembre/octobre 1918 : Officier du 11ème Bataillon Ecossais a été décidé de marcher vers Quatre compagnies du bataillon Vendin-le-vieil et Pont à VendIn de réserve se trouvent où il y avait beaucoup de 7.Pour l’année 1918, à Estevelles, vingt fusils difficultés à avancer: ponts cas- mitrailleurs. Le régiment est Les forces en présence sur la sés., chevaux morts, énormes chargé de mettre en œuvre zone d’Estevelles, cratères de mine. Finalement l’opération « HEIMDAHL » nom Le 10 janvier, pour la seconde nous avons atteint Estevelles et de code pour évacuer la zone fois, l’ordre est de porter les ma- Epinoy à 16 heures. Carvin, Annay, Pont à Vendin, Estevelles autour du canal de la telas à la Kommandantur. Seuls Côté allemand, la 11e division Deûle et du pont Maudit. les vieillards et les malades sont d’infanterie est reconstituée, L’ordre est d’évacuer les lieux autorisés à en garder un. puis engagée au cours du prin- dans le bon ordre, les véhicules Une prime est attribuée temps 1918 dans la tentative indispensables à la bataille sont aux « soldats » qui apportent le allemande de prise de Com- reculés vers Nomain et Orchies. zinc des gouttières de maisons, piègne. À compter de cette at- Tout ce qui ne peut- être récu- les tuyaux de gaz, etc... taque, la 11e division est péré doit être démoli (gares, Estevelles reste occupée contrainte de défendre les lignes routes, canaux, ponts, installa- jusqu’en Octobre 1918. allemandes devant les poussées tions téléphoniques, installations Les alliés traversent le canal de successives alliées. Après minières). la Haute Deûle et finalement l'armistice, la division est prennent Estevelles et Meur- chin. Le 11° bataillon Ecossais du Argyll and Sutherland Highlanders qui participait depuis 1915 aux combats intervient le 16 octobre 1918 suite à la pagaille causée par la destruction des ponts sur la Deûle. Robert Lindsay note dans un rapport qu’en plus des ponts démolis, il y a beaucoup de chevaux morts et de grands cratères causés par des mines. Lens, à sa libération début octobre 1915 Ils stationnent chemin d’Epinoy

Estevelles 1918 - Edition spéciale du Journal Municipal 8 “ ESTEVELLES 1918 “ de l’armistice, fin du conflit armé. 8.Conséquences de la guerre : Le conflit armé de 1914-1918 a modifié quelque peu le visage de la commune. Une pièce d’artillerie et un poste d’observation pour ballon captif ont été construits « rue basse » sur l’emplacement actuel de la La Mairie d’Estevelles en 1918 résidence Narcisse LEPREUX. Deux autres blockhaus ont été Les démolitions par incendie xième, des postes de surveil- édifiés Rue Blanche Dupont l’un sont interdites car elles peuvent lance et derrière dans la troi- d’entre eux est toujours visible renseigner l’ennemi sur le recul. sième, se trouve le commandant dans les prairies à droite en sor- Les démolitions de villages sont et ses réserves. tant d’Estevelles vers la route elles aussi interdites ainsi que Cet ensemble couvre 1100 nationale. les pillages. Les préparatifs de mètres. L’ordre est donné, qu’en démolition sont menés afin que cas de bataille décisive, la ligne Moins banal, une voie ferrée à tout ce qui doit être démoli de commandement doit être ren- voie métrique a été installée afin puisse sauter en même temps. due impraticable, en utilisant les de permettre le ravitaillement de La population quant à elle est munitions qui y sont entrepo- l’armée allemande. Venant de avisée, qu’en cas de feu enne- sées. Ce sont ces positions qui Carvin, elle aboutissait au carre- mi, elle doit s’abriter dans des seront évacuées le 16 octobre four actuel de la rue de Constan- tranchées ou des caves. D’autre 1918. Ce 16 octobre, le Pas de tine et de l’avenue de la fosse. part, des panneaux en français Calais est officiellement libéré. Il n’en existe plus de trace à ce et anglais sont dressés aux en- A noter que les villages de jour. Afin de compléter le dispo- trées et sorties afin de rensei- Meurchin et Estevelles ont sitif, un dépôt de munitions se gner les ennemis sur les popula- été les derniers villages libé- situait rue Ryback au bout de la tions des rés du Pas de Calais. rue. villages. Le 11 novembre 1918, signature Les villages, où il reste encore de la population, sont évacués. Dès le 11 octobre, l’ordre est donné à la population de rester sur place, sauf celle en âge d’être incorporée ou capable de travailler. Le but est de laisser cette population à l’ennemi. Le principe de défense s’articule sur trois lignes composées de trois tranchées. La première tranchée est occupée de deux doubles postes de garde, la deu- 17 octobre, entrée des troupes britanniques à Lille et liesse populaire rue Faidherbe.

Estevelles 1918 - Edition spéciale du Journal Municipal 9 “ ESTEVELLES 1918 “ Il a été assez difficile de retrou- ver son « histoire » car comme presque tous ceux qui sont rentrés de ce conflit, il n’a jamais parlé de cette « maudite guerre » à ses enfants et petits- enfants, sans doute pour oublier les horreurs vécues.

Blanche DUPONT (1877- 1946)

Alfred Bocquet, inscrit au Livre d’or de Verdun

Que sont devenus les la connaissance de sa fille Claire qu’à son retour le 24 fé- mobilisés de 1914 ? vrier 1917…Le 21 Juin 1916, Nous n’avons retrouvé au touché par un éclat d’obus, il est cimetière du village que la blessé à la tête et à l’épaule. Il sépulture de Juste DELE- terminera son service à l’arrière CROIX. garde. Renvoyé dans son foyer en février 1917, Croix de guerre Alfred BOCQUET, sa petite et inscrit au livre d’or fille Martine LAMPAERT, des soldats de Verdun. a retrouvé le fascicule mili- taire de son grand-père. Il reprend son travail à la mine Blanche Dupont est née en et se remarie le 9 juin 1919 1877 à Lille. Dès 1915, elle fera avec Blanche Petit, sœur partie du réseau « Alice » aux de sa défunte femme. côtés de Louise De Bettignies, Il est Sapeur-pompier à qui donnait des informations sur Estevelles en tant que lieutenant les déplacements des troupes durant 5 ans, garde champêtre allemandes. et conseiller municipal jusqu’en Elle est arrêtée par les Alle- 1941, il décédera d’emphysème mands et sera ensuite libérée, le 11 février 1974 dans sa 90° mais très traumatisée. Elle sera année. décorée de la Croix de Guerre. Elle vient alors s’installer chez sa sœur Marguerite, à Este- velles, qui tenait le bar-café en face de la place d’Estevelles.

Né le 24 avril 1884 à Estevelles, On l’appelait « Mademoiselle marié le 15 Septembre 1910, Blanche », elle était toujours as- mobilisé le 30 Octobre 14, il part sise dans le café de sa sœur, au à Verdun et laisse son épouse coin du feu : visage très pâle, enceinte. Il ne la reverra pas cheveux blancs coiffés en puisqu’elle meurt à la naissance La médaille de Guerre pour Alfred Bocquet chignon. Elle avait une voix très de sa fille début 1915. Il ne fera Estevelles 1918 - Edition spéciale du Journal Municipal 10 “ ESTEVELLES 1918 “ douce, lisait beaucoup et s’expri- année et enterré à Estevelles. mait avec intelligence. Lieutenant INDRA LAL ROY, Elle meurt en 1946, célibataire, Né le 2 décembre 1898 à Cal- sans enfant. Son enterrement fut cutta (Inde) et mort le 22 juillet particulier car son cercueil fut 1918 au dessus d’Estevelles, il transporté sur l’affût de pompier était un as de l'aviation indienne. (ancienne charrette de pompier) Il a servi durant la Première pour la mettre à l’honneur. Sa Guerre Mondiale au sein du tombe est au cimetière d’Este- Royal Flying Corps, puis de velles. la Royal Air Force. Il est le fils de deux bengalîs, P.L. et Lolita Roy.

Quand la Première Guerre Le Lieutenant ROY, mondiale éclate, Indra Lal, est inscrit à la St Paul's School de cembre, Roy se blesse lors du Londres, en Angleterre. crash de son S.E.5 dû à un Cinq mois après avoir fêté son atterrissage raté. Après une dix-huitième anniversaire, en période de convalescence, avril 1917, il s'engage dans le Roy reprend du service, et est Royal Flying Corps, où il est transféré vers l'escadron n°40 Louise de Bettignie (1880-1918) nommé sous-lieutenant le 5 du capitaine irlandais George Chef du réseau « Alice » juillet. Mac Elroy en juin 1918. Après son retour au service

Après s'être entraîné et formé au actif, alors que des incertitudes Homère GAMBIEZ (1893-1990) tir à Vendôme et à Turnberry, il subsistaient sur sa capacité à Mineur à la fosse, engagé rejoint l'escadron n°56 le 30 oc- reprendre le combat, Roy obtient comme boiseur démineur au 3° tobre. Roy fait alors partie du dix victoires aériennes en treize régiment du génie d’, com- groupe « A », commandé par jours. battant aux chemins des Dames. l'as Richard Maybery, capitaine La première le 6 juillet au- A la fin du conflit, il est retourné gallois. dessus de Drocourt. Celle-ci est à la mine. Décédé dans sa 97° Deux mois plus tard, le 6 dé- suivie de trois autres victoires en l'espace de quatre heures. Le 8 juillet il abat deux Hanovre C et un Fokker D.VII. Puis Roy sort victorieux deux nouvelles fois, le 13 juillet, un Hanovre C et un Pfalz D.III, et le 15 juillet au-dessus de . Puis trois jours plus tard il abattra un DFW C.V. Finalement, Roy obtient sa der- nière victoire le 19 juillet, abattant un Hanovre C au-dessus de . L’avion du Lieutenant ROY, un SE5 équipé d’un moteur de 200 chevaux

Estevelles 1918 - Edition spéciale du Journal Municipal 11 “ ESTEVELLES 1918 “ Il est tué au-dessus d' Este- plus gros dommages de guerre, la Première Guerre mon- velles le 22 juillet 1918, dans un refuse de renvoyer les diale (1914-1918), la victoire combat aérien et est décoré à Allemands dans leur pays, elle des Alliés et la défaite totale de demande réparation et conserve l'Allemagne, mais il ne s'agit ses prisonniers afin de les pas d'une capitulation au sens employer comme main-d’œuvre. propre. Si les Français rentrent Les signataires sont Ferdinand quelques jours après l’armistice, Foch pour les Alliés et Matthias les Allemands ne repartiront Erzberger pour l'Allemagne. qu’à partir de janvier 1920… Le cessez-le feu est effectif à Ils rentrent en bon état physique. onze heures, entraînant dans Ne resteront en France que l'ensemble de la France des vo- ceux qui font l’objet d’une déci- lées de cloches et des sonneries sion de justice ou simplement de clairons, et annonçant la fin ceux qui ont décidé d’y rester d'une guerre qui a fait pour l'en- La tombe du Lieutenant Roy, pour motif personnel. semble des belligérants plus cimetière d’Estevelles Jules Dekeyser a fait le choix de de 18,6 millions de morts, titre posthume avec la rester à Estevelles. Logé, il d'invalides et de mutilés, dont Distinguished Flying Cross. travaille à la ferme Wartelle au 8 millions de civils. Les géné- Il est enterré au cimetière com- 75, rue Blanche Dupont. raux allemands et alliés se réu- munal d'Estevelles. A sa mort, il est enterré au nissent dans un wagon- cimetière du village. restaurant aménagé provenant DEKEYSER-Jules, du train d' État Ma- Soldat allemand prisonnier, il est jor du maréchal Foch, dans resté en France après la guerre. L’école, la clairière de Rethondes, Le 11 novembre, la défaite alle- Durant la première guerre mon- en forêt de Compiègne. mande rend caduque les précé- diale, l’école (un bâtiment seule- Plus tard, le 28 juin 1919, dents accords régissant le traite- ment) était occupée par les à Versailles, est signé le traité ment des prisonniers de guerre. Bavarois et les Prussiens. de paix, qui met réellement A la fin de la guerre, il y aura Les enfants n’avaient pas classe fin à l'état de guerre. 600 000 prisonniers français car ils devaient travailler durant côté allemand et 400 000 cette difficile période : travail La médaille militaire, dans les champs, nettoyage Allemands détenus côté fran- La commune d’Estevelles s’est des rues, ramassage des çais. Lors de la signature de l’ar- vue attribuée la croix de guerre orties, lessive des soldats. mistice, la France qui a subi les 14-18 le 25 septembre 1920. La cour de l’école était en terre

battue. Les enfants jouaient aux billes, aux cerceaux, à la corde, à la balle au camp, ou avec des toupies en bois et des pistolets en bois, mais il n’y avait pas de ballon. La fin des combats, L’armistice de 1918, signé le 11 novembre 1918 à 5 h 15 marque la fin des combats de

Estevelles 1918 - Edition spéciale du Journal Municipal 12 “ ESTEVELLES 1918 “ 1914-1918 : A ses martyrs : Civils :

TOURNEMINE Gustave - 30 août 1914 THERY Alfred - 3 octobre 1914 DACHEVILLE Auguste - 21 mai1940 CLIN Fernand - 1 Septembre 1914 THERY Marie - 3 octobre 1914 DERAM Marie CARLIER Octave - 4 Septembre 1914 DERAM François DELVALLEZ Gilles - 10 Septembre 1914 1939-1945 : PARSY Georgette DELECROIX Georges - 15 Septembre 1914 SAINT MAXENT Jacques BARREZ Arthur - 15 Janvier 1915 GRARD Cornélie - 8 avril 944 LEGRAND Ernest - 16 Février 1915 FAINE Edouard - 8 juillet 1941 MAZUR Wladi DESPREZ Fidèle - 6 Avril 1915 DELANGHE Rémy CLIN Emile - 6 Avril 1915 DELVALLEZ Carolus DERAEDT Martial - 11 Juillet 1915 DERAEDT Nabar DELECROIX Juste - 10 Mai 1916 RYBAK Tadeusz TOURNEMINE Gustave WYPLIER Francisque KIRCHNER François

Liste des noms inscrits au Monument aux Morts d’Estevelles

ment en bronze à la mémoire de pal, sous la Présidence d’Hon- ses soldats morts pour la patrie neur de M. Stirn, Sous-Préfet de et aux victimes civiles de Béthune, de M. Cuvelette, direc- la grande guerre 1914-1918. teur général des mines de Lens et de M. Couhé, Député. Ce monument a été exécuté par un artiste, M. Omer Dehay, mar- Et il fallait également noter la- brier-sculpteur à Carvin. présence des maires des com- L’inauguration de ce monument munes voisines, de la population a eu lieu dimanche dernier, 22 d’Estevelles toute entière et de juin. ses nombreux parents et amis Cette cérémonie est organisée qui avaient répondu avec em- sous la direction de M. Camille pressement à l’invitation des Delvallez, Maire. Celui-ci a été autorités et des habitants de la assisté de son Conseil Munici- commune… ».

Le monument aux morts, En 1924, en hommage aux vic- times, la municipalité fait élever un monument aux morts. 1914-1918 : La commune d'Es- tevelles à ses héros ».

A ce sujet, Le Réveil du Nord du 28 juin 1924 rapporte l’inaugura- tion du monument aux morts d’Estevelles.

« La commune d’Estevelles a fait élever un superbe monu- Estevelles, après la guerre

Estevelles 1918 - Edition spéciale du Journal Municipal 13 “ ESTEVELLES 1918 “ l'artillerie puisse suivre leur avance et régler son tir, l'état- major obligea les soldats à coudre un carré de tissu blanc dans leur dos. Ce qui en fit des cibles toutes désignées pour les Allemands. Malgré cela, les hommes parvin- rent à franchir les quatre lignes de tranchées allemandes au bois de la Folie en 1 h 30. Ce succès totalement inattendu et largement au-delà de toute pré- vision devint un gros problème. Les renforts ne suivirent pas les troupes de l'avant et comme l'ar- La Bataille de Vimy, Entre 1914 et le début de 1917, tillerie vint à manquer de muni- toutes les tentatives de con- tions, les hommes se retrouvè- Le sacrifice consenti par les Ca- quêtes alliées échouèrent. Les rent totalement isolés en terri- nadiens pour obtenir la victoire pertes dépassèrent les 150000 toire ennemi. Pierre Miquel écri- lors de la bataille de Vimy en hommes . Une de ces offensives ra dans son livre "La butte san- avril 1917 constitue pour beau- fut confiée à la division "La Ma- glante" que "la Marocaine aura coup l'acte fondateur de l'auto- rocaine". eu tort d'être vainqueur". nomie du Canada. Cette division fut formée au Ma- De novembre 1915 à mars roc par le général Lyautey avec 1916, la guerre des mines fit En remerciement pour leurs des ressortissants de 52 nations rage sur la colline de Vimy. Les actes de bravoure, les Cana- différentes. Ces hommes, habil- Français, Britanniques et diens furent invités à signer en lés d'une chéchia rouge et d'un Allemands firent exploser 57 leur nom propre le traité de Ver- pantalon bouffant, étaient des mines totalisant 160 tonnes sailles mettant fin à la 1re Guerre Italiens, des Russes, des Grecs, d'explosifs. À cela s'ajoutent mondiale. En 1922, la France des Suisses, dont Blaise Cen- d'innombrables petits camouflets céda au Canada une centaine drars, des Algériens, des Tuni- (explosion souterraine) destinés d'hectares au sommet de la col- siens, etc., mais aucun Maro- à détruire les tunnels de l'adver- line de Vimy, la côte 145, pour cain. saire. qu'il y soit érigé un mémorial en La division fut rapatriée en En mars 1916, les troupes bri- l'honneur des 66 000 Canadiens re France en août 1914. Le 9 mai tanniques remplacèrent les tués lors de la 1 Guerre mon- 1915, elle se lança à l'attaque Français sur le front des diale. de la colline de Vimy. Pour que Flandres. La colline de Vimy fut occupée par les Allemands à partir d'octobre 1914. C'était un point stratégique permettant l'obser- vation et le bombardement des positions françaises et britan- niques et le contrôle du bassin minier de Lens. Les 10 000 Allemands station- nés sur la colline en firent un point fortement fortifié avec de nombreuses lignes de tranchées et de barbelés, de nombreuses casemates à mitrailleuses et des tunnels de liaison.

Estevelles 1918 - Edition spéciale du Journal Municipal 14 “ ESTEVELLES 1918 “

rie avec des réseaux d'approvi- sionnement par chemin de fer participaient à la défense de cette forteresse. Les Allemands avaient également creusé un important réseau de mines sous les positions britanniques. De leur côté, les Canadiens repri- rent les travaux que les sapeurs français et britanniques avaient abandonné et creusèrent égale- ment de nombreuses mines sous les lignes allemandes. Après la bataille de la Somme, les Britanniques et les Cana- Les Canadiens montent à l’assaut diens tirèrent les leçons de leurs échecs. Julian Hepworth George Parmi ces troupes se trouvaient çaises. Le plan d'attaque fut ce- Byng (1862-1935), commandant quatre divisions canadiennes pendant maintenu. Les Britan- du corps d'armée canadien, éla- (35 000 hommes) qui prirent po- niques, fers de lance à l'ouest, bora un grand plan d'action. Il a sition devant la colline de Vimy. seraient les premiers à attaquer ainsi défini que si une brigade À la fin de 1916, le général au printemps 1917. Les Cana- était tenue en échec alors les Joffre et l'état-major alliés con- diens devaient prendre la autres devaient arrêter d'atta- çurent un grand plan de bataille côte 145. quer à cet endroit et devaient pour 1917 afin d'attaquer les Al- contourner le point d'achoppe- lemands sur deux fronts. Les En 1917, la colline de Vimy, ment. Les troupes de réserves Britanniques devaient attaquer à d'une longueur de 14 km, com- devaient également être échan- l'ouest dans le secteur d'Arras prenait, côté allemand, trois ran- gées de manière alternative tandis que les Français atta- gées de tranchées, plusieurs avec les troupes en train d'atta- quaient dans l'Aisne au niveau ceintures de fils de fer barbelés, quer. du "chemin des Dames". d'imposantes redoutes en béton Chaque homme participant à et des abris étanches à l'eau et équipés d'éclairage électrique et l'offensive devait être informé de En décembre 1916, le général de téléphone. l'objectif à atteindre. Afin de par- Nivelle remplaça le général faire l'entraÏnement, des ma- Joffre à la tête des armées fran- D'importantes batteries d'artille- quettes, grandeur nature,

Vimy, plan des tranchées

Estevelles 1918 - Edition spéciale du Journal Municipal 15 “ ESTEVELLES 1918 “

ment des lignes allemandes de manière intensive et durant plu- sieurs jours. L'attaque de l'infanterie fut pré- vue pour 5 h 30. Après la prise de la "Black Line", une pause de 40 minutes devait servir à assurer la position. La prise de la "Red Line" était pré- vue 20 minutes plus tard. La di- vision 3 (Lipsett) et la division 4 (Watson) devaient ensuite se porter sur la côte 145 tandis que la division 1 (Currie) et la divi- sion 2 (Burstall) prenaient une pause de 2 h 30 pour fortifier les Tranchée restaurée sur la colline de Vimy lignes conquises. Après cette pause, les troupes de réserves re seraient construites à l'arrière du Line" (la 1re ligne) correspondant devaient enjamber la 1 ligne et front. Il fut mis en œuvre un nou- à la moitié de la crête. Durant la prendre position devant la vel obus qui explosait à l'impact 2e phase, il fallait prendre la "Brown Line" qu'elles attaque- au lieu d'exploser en l'air ou en "Red Line", la côte 145 et la raient après 90 minutes de sous-sol permettant ainsi la des- ferme "La Folie". La 3e phase pause. truction des barbelés. prévoyait la prise de la "Blue Après la sécurisation de la Line" (la 2e ligne), le village de "Brown Line" devait se dérouler Lors des attaques, l'artillerie utili- Thélus et de la côte 135. La 4e l'assaut final sur le "bourgeon". sera le feu roulant précédant phase concernait la prise de la L'offensive débuta le 20 mars l'attaque. Toutes les 3 minutes, "Brown Line" (la ligne de sou- 1917. La moitié de l'artillerie l'artillerie décale son tir de tien) et la batterie du bois Fra- mise en position ouvrit le feu à 100 m pour que les obus précè- bus et de Goulot. En dernier de- raison de 2500 tonnes d'obus dent directement les fantassins. vait être attaqué le site culmi- par jour. En tout plus d'un million Les soldats bénéficièrent d'un nant nommé le "bourgeon" (the d'obus furent tirés. Le 2 avril entrainement spécial pour pou- Pimple). 1917, 983 canons commencè- voir utiliser les mitrailleuses et Le plan prévoyait un bombarde- les canons abandonnés par les rent la destruction méthodique Allemands lors de leur retraite afin de mieux repousser les contre-attaques. Au niveau de la colline de Vimy furent creusés 13 tunnels, totali- sant une longueur de plus de 10 km, afin de déployer les hommes discrètement en 1re ligne. Ces tunnels étaient équipés d'abris souterrains pour les hommes et les munitions. Le tunnel Goodman avait ainsi une longueur de 1720 m. Il était muni d'un éclairage électrique et même de latrines. Le plan d'attaque de la colline de Vimy élaboré par Julian Byng prévoyait cinq phases. En 1er Vestige d'un « minenwerfer »allemand devait être prise la "Black Estevelles 1918 - Edition spéciale du Journal Municipal 16 “ ESTEVELLES 1918 “

leurs morts ne furent pas retrou- vé et par conséquent sont tou- jours sur le terrain. En 1922, la France concéda à perpétuité au Canada le terrain formant la crête de Vimy. Le Ca- nada décida d'y ériger, au som- met de la côte 145, un mémorial dédié aux 66 000 morts et aux 170 000 blessés. Le Canada avait mobilisé au cours de la 1reGuerre mon- Poste de mitrailleuse dans la tranchée allemande diale 650000 des siens. La con- ception du mémorial fut confiée à l'architecte canadien Walter des routes d'accès, des tran- À 12 h la majeure partie de la Seymour Allward. La construc- chées et des lignes de commu- crête de Vimy fut entre les mains e tion débuta en 1925 et dura jus- nication allemandes. Les Alle- des Canadiens, mais la 4 divi- qu'en 1936. mands désigneront cette période sion était maintenue en échec comme la "semaine de souf- devant la côte 145. Elle fut prise e L'inauguration eut lieu le 26 juil- france". d'assaut à 18 h par la 11 bri- let 1936 par le roi Édouard VIII gade qui s'en rendit maitre à d'Angleterre et le président fran- Le 8 avril 1917, les troupes sont re l'aube du 10 avril 1917. Le 12 çais Albert Lebrun. Sur un socle avancées près de la 1 ligne à avril 1917 à 6 h, le "bourgeon" constitué de 11 000 tonnes de 100 m des lignes allemandes. fut considéré comme sécurisé béton et de 100 tonnes d'acier Chaque homme avait un paque- par les Canadiens. Les Alle- s'élèvent deux tours hautes de tage de 36 kg à trimballer. mands s'étaient retirés à 3 km 35 m. Ces deux tours, l'une or- de la colline de Vimy. Le plan À 5 h 30, le pilonnage d'artillerie née de la feuille d'érable et d'attaque s'était déroulé comme redoubla avec tous les canons l'autre de fleurs de lys, symboli- prévu sauf pour la prise de la disponibles, les sapeurs mirent à sent les sacrifices consentis par côte 145. re feu cinq des quatorze mines les deux pays durant la 1 Guerre mondiale. qu'ils avaient posées sous les Les pertes canadiennes furent tranchées allemandes et l'infan- de 3598 tués et de 7104 bles- Au pied des tours, face à l'est, terie se lança à l'assaut. sées. Les pertes allemandes fu- se trouve, au-dessus d'un mur, Le tir de l'artillerie se décala de rent équivalente auquel il faut une statue d'une femme affligée 100 m toutes les 3 minutes. rajouter les 3400 prisonniers drapée d'une longue pèlerine. faits par les Canadiens. Les Al- Les Allemands qui se tenaient Elle symbolise le Canada pleu- lemands ont estimé que 95 % de dans leurs abris souterrains rant ses morts, le regard tourné n'eurent pas le temps de rega- gner leurs postes de tir et furent surpris par les fantassins cana- diens qui attaquaient à la baïon- nette. La 1re ligne allemande fut prise sans difficulté. La 2e ligne offrit un peu plus de résistance, mais tomba également aux mains des Canadiens. À 6 h 25, les divi- sions 1, 2 et 3 avaient conquis 750 m de terrain lorsque les troupes de réserves prirent le relais. Les Canadiens débou- chèrent au sommet de la colline d'où ils virent les Allemands en Vimy, le monument Canadien pleine débâcle. Estevelles 1918 - Edition spéciale du Journal Municipal 17 “ ESTEVELLES 1918 “

lance et la Sympathie. À la base des tours est placé un jeune sol- dat mourant (l'esprit du sacrifice) accompagné d'un autre tendant le flambeau à ses camarades. De part et d'autre de l'escalier, côté ouest, se trouvent un homme et une femme en deuil. Le monument est constitué de 6000 tonnes de pierre calcaire, la pierre de Seget, provenant d'une ancienne carrière romaine de l'ile de Brac en Croatie. Toutes les statues furent sculp- tées directement sur place. Le mémorial a été restauré entre 2005 et 2007 puis inauguré le 7 avril 2007 par la reine d'Angle- terre Élisabeth II. vers l'aube d'un nouveau jour. Le terrain autour du mémorial a été laissé dans l'état où il se Cette statue fut, comme les trouvait à la fin de la guerre. Le autres, sculptée sur place dans site ne fut pas déminé, mais un un bloc de calcaire de 30 arbre fut planté pour chaque tonnes. mort canadien (d'après la lé- gende). l'horreur vécue en ces lieux. Elle surplombe un tombeau ten- À quelques mètres du mémorial, du de branches de laurier avec Le centre d'interprétation du site les tranchées canadiennes et un casque et une épée. Côté est en partie financé par la reine allemandes furent restaurées. est, face au bassin de Lens, des Élisabeth II. Les sacs de sable furent repla- escaliers mènent au pied du mur cés à leurs emplacements ini- sur lequel sont gravés les noms Les bénévoles du groupe Du- tiaux. des 11 285 Canadiens disparus rand ont également, à ce jour, Les cratères de mines furent en France. découvert six des mines posées laissés en l'état et leur vision par les Canadiens et non utili- Dans un rayon de 30 km autour vous permet d'entrevoir un peu de Vimy reposent 7000 Cana- diens dans une trentaine de ci- metières. Au pied des marches des esca- liers, côté est, sont placées les statues "des Défenseurs". Le 1er groupe représente la "Rupture de l'épée" et l'autre la "Sympathie pour les sans- défenses". Au-dessus de chaque groupe est placé un canon sur lequel reposent des branches de lau- riers et d'oliviers. En haut des tours sont placées les statues de la Paix et de la Justice. En des- sous de celles-ci se trouvent, côté ouest, la Vérité et la Con- Cratères d’obus à Vimy naissance et côté est, la Vail- Estevelles 1918 - Edition spéciale du Journal Municipal 18 “ ESTEVELLES 1918 “

Témoignage de W.R. leurs bastions, donc qu'ils se trouvait avec moi, a crié : Lindsay du 22e-Bataillon, n'avaient pas à s'inquiéter, et « Êtes-vous blessé? » Comme qu'ils pouvaient rester. Nos je ne pouvais répondre, il a ap- avions ont survolé ces bastions J'étais à Vimy avec le puyé son pouce sur mon œil 22e Bataillon, la compagnie A, le et ont rapporté quelques infor- premier peloton. Nous étions mations. Nous nous en sommes pour vérifier si j'étais encore en bien sûr sur la ligne entre Vimy tenus à cela pendant trois se- vie. C'est ce que nous faisions maines, et au matin du 9 avril, à et Neuville-Saint-Vast ; mais ce- d'habitude, appuyer avec le 5 h 30, les Canadiens ont lui-ci a été totalement détruit. Le pouce pour faire cligner l'œil. jour, nous restions dans nos d'abord lancé des obus à gaz maisons, au sous-sol, là où les sur les bastions allemands qui Trois autres camarades ont es- habitants conservaient leur vin. ont ainsi été paralysés. Nous y sayé de me transporter, de avons réussi sans trop de diffi- m'installer dans un trou d'obus. cultés. Le travail a été fait. Nous Ces caves étaient de vastes De fait, ils ne m'ont pas trans- lieux sous terre. Nous ne pou- nous attendions à trois jours de vions ni voyager, ni aller aux combat, et tôt le matin, nous porté, et c'est heureux. Ils m'ont tranchées, car Saint-Vast se étions au sommet de Vimy. À seulement tiré sur le sol par les l'aller, j'ai été blessé. Je n'ai pas trouvait en contrebas de Vimy. bras. L'ennemi était là-haut, et nous été jusqu'à Vimy même, j'ai été blessé avant d'y arriver…/ en bas dans la vallée. Nous Et tout à coup, quelque chose sommes restés là une partie de comme un canon de quatre l'hiver, en attendant avril. …/J’ai dû me coucher au sol et livres et de quatre pouces a at- Vimy a été attaquée par trois j'ai été atteint par un explosif dé- terri tout près de nous, et ils sont fois il me semble, dont deux fois tonnant. J'ai été touché au tombés. Je n'ai rien entendu. Je par des Français. C'est ce qu'on coude, dans l'os iliaque, et au- suis resté là un certain temps, m'en a dit. Français et Anglais ont entrepris trois tentatives pour dessus du bas de la colonne presque entièrement recouvert s'emparer de la crête de Vimy, vertébrale. Mon ordonnance, qui de terre. Une heure après, lors- puis il a été décidé que le 9 avril, nous -- le Corps canadien -- de- vions à notre tour tenter de pren- dre Vimy. Tout le corps se trou- vait là, avec l'artillerie et tout le reste. Nous sommes partis le matin à la pointe du jour, vers 5 h 30 environ, nous avons ou- vert le feu à cette heure-là. C'était terrible. Nous ne pou- vions ni parler, ni rien faire. Vous savez, le bruit était incessant. Le sol était préparé. Nous avions bombardé, au cours des trois semaines précédentes, les points faibles de la ligne alle- mande, afin d'immobiliser l'enne- mi. Les Allemands se disaient que nous ne toucherions pas à

Estevelles 1918 - Edition spéciale du Journal Municipal 19 “ ESTEVELLES 1918 “ que la seconde ligne est arrivée, ralysé. Alors j'ai ajouté : « Garde WR Lindsay fut ensuite récupéré un ami a marché sur moi. Ce tes hommes, tu auras besoin et transféré à l’hôpital de Man- camarade, Bellamy LaCorte, ve- d'eux. » Il est parti après avoir chester où il fut soigné et survé- nait de Gaspé. Je le connaissais parlé avec moi .../ cu à ses blessures. bien. Nous avions été à l'école ensemble, puis au collège, et ainsi de suite. Il a simplement marché sur moi.

J'avais bien mal, mais j'ai retenu un sifflement. Je savais que quelqu'un arrivait ; il s'est arrêté et m'a dit : « Je vais te faire transporter. ».

« C'est inutile, lui ai-je répondu, je suis déjà presque mort. » J'avais reçu un terrible coup à la colonne vertébrale, dans mon dos, et tout mon corps était pa- Les canadiens, à Vimy dans les tranchées avant l’assaut

Les mots croisés du « Poilu » REMERCIEMENTS

Nos remerciements pour leur forte implication dans la création de cette publication vont tout d’abord aux auteurs :

Mr Jean Michel Collart (Estevelles 1918), Mr Jean Wartelle (Estevelles 1918), Mr et Mme Lampaert (Estevelles 1918), Mr Karas (Vimy, la Bataille),

Mais aussi aux contributeurs:

Mme Joly, Mr Formanczak, et aux enfants de la classe de CM2, Mr Valcke, L’association du Neuf à Etef présidée par Mme Collart.

Et aux élus qui ont permis que ce projet aboutisse: Mme Danel, Adjointe à la Vie Locale et Associative et les élus de sa commission,

Mr Alain Szabo, Maire d’Estevelles

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