Fiche n° 1294 du 29 juillet au 4 août 2015

Masaan de Neeraj Chaywan Cannes 2015 Sélection Un certain regard – Prix du jury – Prix Fipresci

Bénarès, la cité sainte au bord du Gange, punit cruellement ceux qui jouent avec les traditions morales. Deepak, un jeune homme issu des quartiers pauvres, tombe éperdument amoureux d'une jeune fille qui n’est pas de la même caste que lui. Devi, une étudiante à la dérive, vit torturée par un sentiment de culpabilité suite à la disparition de son premier amant. Pathak, père de Devi, victime de la corruption policière, perd son sens moral pour de l’argent, et Jhonta, un jeune garçon, cherche une famille. Des personnages en quête d'un avenir meilleur, écartelés entre le tourbillon de la modernité et la fidélité aux traditions, dont les parcours vont bientôt se croiser... Film indien­français réalisé par Neeraj Chaywan avec , , ... Sortie nationale le 24 juin 2015 (1h 43mn)

Premier long métrage d’un jeune cinéaste qui fut assistant à la mise en scène de sur les deux parties de et sur Ugly, coproduit par déjà au générique de Lunch Box de Ritesh Batra, Masaan est une nouvelle preuve convaincante de la renaissance du cinéma indien indépendant, loin des canons esthétiques et industriels de , entre modernité et retour à une certaine tradition littéraire et cinématographique. Neeraj Chaywan élabore un récit choral où se croisent plusieurs histoires et personnages reliés par les thèmes du deuil et de l’amour impossible, tous écrasés par le poids des castes et l’hypocrisie morale et religieuse, à Bénarès dans la Vallée du Gange. ( ...) La beauté du film parsemé d’éclats poétiques n’édulcore en rien la noirceur de son propos. réussit à étreindre une matière romanesque très riche, par l’intermédiaire d’un scénario foisonnant et néanmoins linéaire, et d’une mise en scène à la pudeur bienvenue. Masaan dresse un tableau peu reluisant de la condition féminine en Inde, de la corruption et des inégalités sociales, dans un pays qui a pourtant connu un développement et une modernisation rapides au cours des dernières décennies. L’actualité et les médias rendent trop souvent compte du harcèlement, des humiliations et des agressions faites aux femmes en Inde (pays qui n’a hélas pas le monopole de ces violences sexistes), il est intéressant de voir un cinéaste débutant oser aborder ce problème sans en faire un film à thèse, ni sombrer dans le sensationnalisme édifiant ou lacrymal. Olivier Père – www.Arte­tv .com

Du cinéma indien, on connaît surtout deux aspects opposés comme des pôles : d’un côté le cinéma de divertissement chanté et dansé, et de l’autre la nouvelle vague de films noirs. Le reste de la filmographie du pays, pourtant le plus gros producteur cinématographique au monde, demeure encore rare sur nos écrans. Masaan frappe dans un premier temps par son intérêt documentaire. Car le film nous montre un visage de l’Inde rarement vu sur nos écrans : le quotidien de membres de différents groupes sociaux, filmé de manière ni misérabiliste ni superficielle. Sans viser la mosaïque artificielle du film chorale, Masaan parvient à entremêler habilement deux histoires différentes. Celle d’un jeune homme tombant amoureux d’une fille d’une caste supérieure, et celle d’un père prêt à tout pour sauver sa fille d’un scandale sexuel… sauf à lui pardonner d’avoir couché. Grâce à cette fluidité narrative, Masaan fait du cinéma. Gregory Coutaut – www.filmdeculte.org

Vicky Kaushal Sanjay Mishra, Richa Chadda © Pathé Distribution © Pathé Distribution

Long­métrage bien mené et trouvant les moyens à ses ambitions, Masaan est le croisement de plusieurs itinéraires de vie qui se font écho, ce qui fait la richesse du scénario. Dans un rôle presque muet qu’elle parvient à rendre incroyablement expressif, Richa Chadda démontre son talent en interprétant le personnage de Devi. Jeune femme rongée par la culpabilité tout comme par le deuil, Devi trouve en elle la force la poussant à vouloir acquérir son indépendance. Sanjay Mishra – interprète de Pathak, le père de Devi – et Vicky Kaushal – dans le rôle de Deepak – offrent deux contrepoints masculins et deux performances de qualité face à l’interprétation de Richa Chadda. Les thèmes irriguant les trois intrigues de Masaan se croisent et se répondent avec habileté. Vicky Kaushal livre ainsi une interprétation honnête de Deepak, jeune ingénieur prometteur issu de la caste inférieure des « intouchables », lui aussi confronté à l’amour, à la perte et au poids des traditions. Grâce à Masaan, Neeraj Ghaywan engage une réelle réflexion sur la rencontre de l’héritage culturel traditionnel et du mode de vie contemporain : il ne s’agit pas de rejeter cet héritage mais de le repenser et de lui attribuer une nouvelle place dans la société. Marianne Renaud – www.avoir­alire.co m

Durant le mois d'août, Le Cinémateur est accueilli à l'Amphi