Métal contre bois, industrie contre artisanat, équi- pement contre décoration, peuple contre élite. La création Les modernes à l’épreuve de l’Union des artistes modernes (UAM), en 1929, par René Herbst, Francis Jourdain, Robert Mallet-Stevens, Hélène Henry et Raymond Templier, est souvent présentée comme une scission des « modernes » contre les « anciens», réunis au sein de la Société des artistes décorateurs (Sad). Ces modernes, auxquels se joindront Pierre Cécile Tajan Chareau, Eileen Gray, Le Corbusier, les frères Martel, Charlotte Perriand, Jean Prouvé et bien d’autres, militent pour un art fonctionnaliste, sans ornement, destiné au plus grand nombre. Ils auraient tourné le dos aux Décora- teurs et à l’artisanat de luxe, incarné par l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925, pour créer un mouvement en phase avec les besoins de leur époque. Cet ouvrage retrace les moments décisifs de cette scission et la naissance de l’UAM, en s’appuyant notam- ment sur les archives des deux groupements comme sur de nombreux documents d’époque. Le contexte comme les difficultés rencontrées par les modernes et les Décorateurs — esthétique, fabrication, diffusion, réception —, les amitiés durables entre les créa- teurs de ces deux groupes comme les dissensions existant au sein de l’UAM permettent de faire la lumière sur ce moment charnière de l’histoire des arts décoratifs, du design industriel et de l’architecture et de l’ancrer dans les bouleversements de l’époque, entre crise éco- nomique de 1929 et incertitudes sur l’avenir.

Cécile TAJAN, historienne de l’art, est spécialiste au département Art déco d’Artcurial. Jean-Louis GAILLEMIN, historien de l’art, mène de front la recherche plastique et l’écriture.

UAM Les modernes à l’épreuve 19 € Cécile Tajan

Préface Jean-Louis Gaillemin

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UAM Les modernes à l’épreuve

Cécile Tajan

Préface de Jean-Louis Gaillemin

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UAM Les modernes à l’épreuve

Cécile Tajan

Coordination éditoriale Matthieu Flory Préface de Jean-Louis Gaillemin Révision Anne-Claire Juramie, Lorraine Ouvrieu

Direction artistique Vincent Gebel

ISBN 9782376660156 © Éditions Norma, 2018 149 rue de Rennes, 75006 Paris France www.editions-norma.com

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Cécile Tajan

Préface de Jean-Louis Gaillemin

UAM BAT 15042018.indd 3 16/04/2018 17:02 6 Biceps et bijoux Jean-Louis Gaillemin 4

14 Pour une histoire au-delà de l’instant

20 1929, le temps de la rupture

21 La crise du Salon de 1929 21 De la discorde à la fondation de l’UAM 23 La thèse officielle : le système nerveux détaché du corps 27 La Sad et les dissidents de l’UAM 27 Intransigeance de la Sad ? 28 Des tentatives de conciliation 31 L’UAM responsable de la désunion ? 33 Les modernes : pourquoi faire bloc ? 33 Une unité de choc pour affronter la concurrence 34 « En ce temps-là, l’argent ne rentrait pas » 35 Un refus des règles établies 38 Les orientations de la Sad en 1929 38 Un Salon officiel 42 La Sad et les industriels 43 La Sad et l’art moderne 46 Le « boarding house » du Deutscher Werkbund

50 L’UAM, groupement d’idées ou d’intérêts ?

51 Raisons d’être et buts de la nouvelle Union 51 Des artistes en sympathie de tendance et d’esprit 52 Pour l’art moderne, cadre de la vie contemporaine 54 L’UAM : un choix idéologique ? 54 Crise intellectuelle et engagement politique des artistes 57 Des passeurs entre action politique et action créatrice 60 Pour le salut moral et spirituel de l’homme moderne 61 Les limites de la notion de « communauté de valeur et d’esprit » 64 Les expositions de l’UAM : entre idéal collectif et intérêt individuel 67 L’UAM et l’art pour tous 67 Artisanat et industrie 69 Le modernisme : style ou éthique ? 71 « Adorer Vulcain ne suffit pas » 72 Les membres bienfaiteurs ou le Who’s Who de 1930 74 L’UAM : un corporatisme non avoué 74 Des artisans modernes 76 Les refusés de l’UAM 80 Un mouvement moderne 84 Entrer dans la lutte : le manifeste de 1934

UAM BAT 15042018.indd 4 16/04/2018 17:02 5 86 L’UAM : symptôme des difficultés des modernes ? 87 Au soir de dix belles années de mécénat privé 87 Sous la protection de mécènes avant-gardistes 92 Quand l’aventure moderne bascule 94 Les modernes face à la crise financière 97 Un nouveau regard sur les modernes 97 Des espoirs déçus 98 Pour un retour à la grâce 100 Quand les artistes s’éloignent de l’UAM 100 Des modernes indépendants 101 De timides engagements 105 L’appel du classicisme

108 Crépuscule

110 25 ans d’UAM

112 Notes

126 Annexes

127 UAM : membres, invités et refusés 133 Buts et objectifs de l’UAM, avant-projet pour le manifeste, Paris, 1933 136 Procès-verbaux de l’UAM 151 Procès-verbaux et extraits du Bulletin de la Sad

161 Bibliographie sélective

167 Index

175 Remerciements

UAM BAT 15042018.indd 5 16/04/2018 17:02 Biceps 6 et bijoux

Jean-Louis Gaillemin

UAM BAT 15042018.indd 6 16/04/2018 17:02 7 En 1929, Le Corbusier termine un penthouse au sommet d’un hôtel particulier en haut des Champs-Élysées. L’architec- ture est stricte, les murs nus, les baies immenses, le toit est en terrasse. Les photographies sévères de Lucien Hervé exaltent le purisme des volumes et, dans son commentaire, l’architecte encense « les jardins suspendus, éloquente réponse à la campagne payée de messieurs les fabricants de tuiles et d’ardoises » et vante les 4 000 mètres de câble électrique utilisés dans la maison. L’épithète « électrique » scande nerveusement le commentaire exalté du propagandiste. Mais ce qu’il oublie de dire, c’est que la fée Électricité, confinée dans la salle de bains et les pièces de service, se contentait de faire coulisser les baies, les cloisons, les haies du jardin, l’éclairage lui-même étant assuré « à la bougie ». Les bougies étaient, il est vrai, placées dans de monumen- taux lustres et appliques en cristal de roche fichés sur des miroirs de Venise en cristal gravé. Dans le salon, le cube de béton de la cheminée, très vite tempéré par un rinceau de palmettes en plâtre, est surmonté d’un miroir baroque en bois doré. L’escalier hélicoïdal se love autour d’une barre revêtue de cristal de Baccarat. Les roton- dités des confortables fauteuils Napoléon III et le vaste pouf capi- tonné reposent sur une moquette. Un bureau Boulle est placé contre les bibliothèques « intégrées » du puriste. Vogue y fait photographier les « discrets décolletés » de Maggy Rouff et de Lucien Lelong par George Hoyningen-Huene devant les volutes rococos d’une commode laquée de blanc. Mêmes échos de féerie baroque dans la salle à manger, sous le regard d’un Maure d’opéra aux plumes d’autruche en porcelaine. Dans les hauteurs, le penthouse prend des allures de Nautilus. On ne peut apercevoir Paris que lorsque les haies d’arbus- tes glissent soudain dans le sol pour l’enchantement des invités, ou si l’on entre dans la salle obscure du périscope qui projette sur une plaque blanche le panorama de la Ville lumière. Au sommet, recou- verte de gazon frais et close de murs, la « chambre du soleil » est un salon en plein air. La cheminée rococo en céramique est surmontée d’un miroir vide qui se détache à moitié sur le ciel comme un Magritte. « Un pot-pourri incroyable de Napoléon III, Le Corbusier, moder- nisme, mécanisme et surréalisme », raconte Cecil Beaton dans ses souvenirs. Charles de Beistegui, une des figures de la Café Society de l’époque, témoigne dans les années cinquante de son expérience moderne : « J’ai beaucoup aimé l’art moderne, mais avec les années, je me suis aperçu que tout ce qui était “mouvement moderne” abou- tissait à une impasse. Au vide de l’abstraction en peinture, au vide des intérieurs dépouillés des années trente. » Juste avant la guerre, il fera appel à Emilio Terry pour repenser et agrandir dans un néo- classique imaginaire « style Louis XVII » son château de Groussay.

UAM BAT 15042018.indd 7 16/04/2018 17:02 Même écho chez Charles de Noailles qui, avec sa femme 8 Marie-Laure, a été très tôt un chaud partisan des modernes, en com- mandant dès 1923 à Robert Mallet-Stevens, une « petite maison moderne » à Hyères : « Nous avions ma femme et moi expérimenté dans notre petite maison d’Hyères plusieurs innovations qui se sont révélées déplorables », se plaira-t-il à répéter dans les année soixante avant la rénovation de ce qui est aujourd’hui la villa Noailles. Il avait fait appel pour son aménagement à Pierre Chareau, Djo-Bourgeois, Eileen Gray, Francis Jourdain, Louis Barillet et Theo van Doesburg. Sybold van Ravesteyn y installa une chambre autour d’un Piet Mon- drian. Le jardin cubiste fut conçu par Gabriel Guevrekian, assistant de Mallet-Stevens. Man Ray y tourna son film Les Mystères du châ- teau de Dé et Jacques Manuel Biceps et bijoux à la gloire de cet hygiénisme luxueux. À Paris, dans leur hôtel de la place des États- Unis, c’est Jean-Michel Frank qui conçoit le grand salon aux murs revêtus de parchemin. Raymond Nasenta réalise le « boudoir moder- ne » de Marie-Laure avec quelques meubles de métal et verre signés Charlotte Perriand et Pierre Barbe. Mais les Noailles cèdent aussi à la tentation surréaliste : premier mécène de Dalí, à qui il achète Le Jeu lugubre de 1929, Noailles finance L’Âge d’or qui sera présenté dans le grand salon de leur hôtel. En 1938, Cecil Beaton photo- graphie Marie-Laure dans son « boudoir moderne », à genoux sur une chaise recouverte de lierre par Wolfgang Paalen. Ce parasi- tage ornemental, dans la droite ligne de la tasse en fourrure de Meret Oppenheim et de la brouette capitonnée d’Óscar Domínguez, autre ami de la maison, pourrait résumer à lui seul l’évolution du goût et les effets de mode auxquels les modernes eux-mêmes ne purent échapper. C’est également à Emilio Terry que Charles de Noailles fera appel pour redessiner une maison provençale à Grasse, lorsqu’il quitte Hyères après la guerre. Ces deux exemples suffisent à eux seuls à remettre en cause cette idée d’un modernisme social qui s’éveillerait autour de 1930, triomphant de l’Art déco luxueux des élites bourgeoises, puisque ce sont justement les grands noms de ce petit monde élitiste, Charles de Noailles, Charles de Beistegui, Paul Poiret, Jacques Doucet, Pierre David-Weill et tant d’autres, qui permirent au modernisme de triom- pher dans les années vingt. On pourrait même situer le triomphe des modernes vers 1925, lorsque le cinéma l’exalte dans L’Inhu- maine, dont la maison dessinée par Mallet-Stevens est meublée par Pierre Chareau. Qu’est-ce qui fait préférer à l’inhumaine Claire Lescot le charme de l’ingénieur Jaque Catelain à la splendeur du maharaja Philippe Hériat, sinon la magie moderne que l’ingénieur va lui révéler dans son studio mis en scène par Mallet-Stevens

UAM BAT 15042018.indd 8 16/04/2018 17:02 9 et Fernand Léger. 1930 signifierait donc plutôt la fin des grandes commandes privées et le déclin de ce qui était devenu un style, vulgarisé par les industriels du faubourg Saint-Antoine. Il n’y a rien qui ne vieillit plus vite que ce qui se croit moderne, et la crise finan- cière aidant, les clients riches, lassés de jouer les pauvres, ont besoin de se réconforter dans un retour ludique aux styles. L’Union des artistes modernes, créée en 1929 en sécession de la Société des artistes décorateurs, serait donc plus le résultat d’un réflexe corporatif devant les difficultés financières et le changement de goût que la volonté de favoriser un « art social pour tous ». L’État, malgré le Front populaire, s’inquiète plus de sauver le commerce de luxe que de financer des constructions ou des objets pour le plus grand nombre, lequel se satisfait parfaitement de ses buffets Henri II et, pour les plus audacieux, de ses « cosy corners ». C’est ce que montre avec une minutieuse exactitude Les Modernes à l’épreuve de Cécile Tajan, dont le point de départ est un mémoire de maîtrise d’histoire de l’art de 2005 sur « La scis- sion Sad-UAM de 1929 » dirigé par Bruno Foucart. En tête de son travail, Cécile Tajan rappelle la vulgate créée à l’époque, puis repri- se dans les années soixante, qui tendrait à faire croire « que 1929 n’est finalement que le point de rupture de l’éternelle querelle des anciens et des modernes », crise inévitable dès l’Exposition de 1925, où les futurs fondateurs de l’Union des artistes modernes « faisaient déjà figure d’outsiders ». Vision simpliste qui refusait de voir l’origina- lité de créateurs qui échappaient autant aux regroupements éphé- mères du moment qu’aux raccourcis naïfs des historiens de l’art. Vision que Cécile Tajan, en consultant les archives de l’UAM conser- vées au musée des Arts décoratifs de Paris (Mad) et de la Sad et en scrutant la presse de l’époque, a magistralement remise en cause. Il faut dire que la date de 1929 avait été plutôt mal choi- sie par les bons « modernes » de l’UAM puisque les méchants pas- séistes de la Sad avaient invité les artistes allemands du Werkbund à exposer au sein de leur exposition de 1930 sous la direction de Walter Gropius, avec la collaboration de quelques ténors du Bauhaus comme Marcel Breuer, Herbert Bayer et László Moholy-Nagy. Le retour des Allemands, exclus de l’Exposition de 1925, avait valeur de manifeste, comme le note Cécile Tajan : « Le thème retenu par les artistes allemands était un “boarding house” de dix étages dont la structure était conçue par Gropius et les aménagements intérieurs par Breuer et Bayer. Il s’agissait dans cet ensemble de proposer un espace d’habitation collectif, partagé entre espaces communs et appartements privés. [...] Dans une autre section, Moholy-Nagy et Breuer présentent des chaises en bois courbé et en tube d’acier,

UAM BAT 15042018.indd 9 16/04/2018 17:02 de même que des objets de série témoignant de la volonté du 10 Werkbund d’unir esthétisme et fabrication industrielle. » Cette présence allemande fit beaucoup de mal à l’UAM, qui pouvait difficilement rivaliser avec le Bauhaus, et dont la première exposition abritée au printemps de la même année au pavillon de Marsan ne put tenir la comparaison. Les fadeurs de son communi- qué de presse décrivant « les artistes modernes » comme « parti- culièrement sensibles à la beauté de notre époque, dégagés com- plètement des formules ornementales, répudiant l’ornement pour l’ornement et pratiquant les techniques nouvelles, génératrices de nouveaux moyens d’expressions et de beauté neuve » n’avaient d’ailleurs pu faire illusion. L’annonce d’« une exposition jeune, vivan- te », de « formes nouvelles » et de « techniques nouvelles » ne réus- sit pas à convaincre des critiques comme Léon Werth, qui se fit un plaisir de souligner, comme le note l’auteur, le manque de cohérence de l’exposition : « Certains conçoivent des ensembles logiques com- me Charlotte Perriand alors que d’autres présentent des ensembles “à la façon d’un poème” par des allusions mécaniques ou cubistes aux vertus purement ornementales. Les ambiguïtés du groupement sont encore plus flagrantes de par les “ruissellements de joyaux” ou les objets d’art, “véritables poèmes au verre et au métal en tant que tel”. » Et le critique de refuser de voir dans l’UAM l’homlogue du Werkbund, pour qui « le nickel n’est jamais un snobisme ». Un autre critique, Ernest Tisserand, conclut en mettant en garde les artistes de la nouvelle Union : « Que les artistes modernes ne l’oublient pas, leur groupement est un peu creux. Il faudra recruter ou bien mourir. » Ce « snobisme du nickel » résume à lui seul la situation : l’UAM et ses artistes travaillent pour une élite fortunée avant- gardiste dont les noms se retrouvent dans la liste des « membres bienfaiteurs » du catalogue : Charles de Noailles, Jacques Rouché, Pierre David-Weill, ainsi que dans la liste de leurs clients retrouvée par Cécile Tajan. Voilà qui rend d’autant plus creux le manifeste de l’UAM rédigé laborieusement cinq ans après sa fondation par Louis Ché- ronnet pour répondre aux critiques féroces de Paul Iribe. Intitulé Pour l’art moderne cadre de la vie contemporaine, ce texte reprend tous les poncifs véhiculés depuis le début du siècle par les francis- cains du décor comme Francis Jourdain, qui rêvait encore en 1929 de cellules pures pour tous : « Nous ne pouvons plus vivre dans ce bric-à-brac. Désencombrons. Et au besoin démeublons. » Mais comme le montrent ses besogneuses imitations des créations de la Wiener Werkstätte de Josef Hoffmann ou Koloman Moser et la simplicité affectée de ses céramiques rurales, n’est pas puriste qui veut, et

UAM BAT 15042018.indd 10 16/04/2018 17:02 11 « l’excessive simplicité » chère à Balzac n’est pas à la portée de toutes les bourses. Seul un Jean-Michel Frank a su avec talent dé- meubler l’appartement de Pierre Drieu La Rochelle et créer cet « étrange luxe du rien » selon la formule de François Mauriac, qui lui avait permis de « mettre tout Paris sur la paille ». Cet ouvrage permet aussi de comprendre les courants qui ont causé la perte de prestige et de succès des modernes dans les années trente. Comme celui représenté par Waldemar George, grand défenseur des modernes dès le début des années vingt et qui tente, vers 1933, de théoriser la lassitude générale du public et l’échec d’un mouvement qui avait eu valeur de purge mais ou- bliait, dans son obstination rigoriste fortement teintée de collecti- visme, les valeurs élémentaires de l’humanisme. Comme nous le rappelle l’auteur : « Waldemar George ne renie pas l’apport technique et hygiénique de l’architecture moderne mais conteste sa valeur esthétique. Il remet en cause cette mystique de la machine et les solutions radicales des artistes qui tendent à confondre selon lui, le beau et l’utile. » Il faut attirer aussi l’attention sur le surré- alisme qui, comme nous l’avons vu, a joué un rôle important chez des clients comme les Noailles ou Beistegui, et chez des créateurs comme Jean-Michel Frank, qui avait su réunir le talent d’Alberto et Diego Giacometti, Salvador Dalí, Christian Bérard et Emilio Terry. Typique en cela, Salvador Dalí qui, au milieu des années vingt, cite Le Corbusier et Ozenfant, exalte encore les modernes et les puris- tes contre les « pourris », avant de vanter en 1929 et d’encenser en 1933 « l’architecture terrifiante et comestible » du Modern Style dans la revue Minotaure, puis de souhaiter l’avènement d’une archi- tecture molle et poilue pour combattre le « sadisme » des modernes. Dans son studio encore conçu dans un environnement moderne, photographié par Man Ray en 1932, une céramique sur une table en tube de nickel, il nous montre que le ver est dans le fruit. Au-dessus de ce mariage incongru, le « Grand Masturbateur » exalte les valeurs perverses de l’Art nouveau. Dalí est rejoint ici par Tristan Tzara, qui avait dû regretter lui aussi d’avoir commandé sa maison de Montmartre à Adolf Loos : « L’architecture “moderne”, si hygiénique et dépouillée d’ornements qu’elle veuille paraître, n’a aucune chance de survivre – elle pourra vivoter grâce aux perver- sités passagères qu’une génération se croit en droit de formuler en s’infligeant la punition d’on ne sait quels péchés inconscients (la mauvaise conscience peut-être due à l’oppression capitaliste), car elle est la négation complète de l’image de la demeure. » Dans le même numéro de Minotaure étaient vantées les architectures mé- diumniques de Victorien Sardou, d’Hélène Smith ou l’architecture

UAM BAT 15042018.indd 11 16/04/2018 17:02 « automatique » du Facteur Cheval. Toujours dans Minotaure, en 1938, 12 Roberto Matta, qui avait été assistant de Le Corbusier, rêve à son tour de meubles mous, de parois vibratiles et de colonnes ioniques psychiques : « Ce serait un mobilier qui déchargerait le corps de tout son passé à angle droit de fauteuil, qui, délaissant l’origine du style de ses prédécesseurs, s’ouvrirait au coude, à la nuque, épousant des mouvements infinis selon l’organe à rendre conscient et l’inten- sité de vie. » Les recherches de Cécile Tajan, hier audacieuses, malgré les précautions oratoires de l’étudiante, apparaissent aujourd’hui d’une fracassante lucidité. Comme on l’a vu récemment au musée des Arts décoratifs, où l’exposition « L’esprit du Bauhaus » a fait voler en éclats une conception étroite de l’école de Weimar, c’est toute la vulgate moderniste qui aujourd’hui s’effiloche. Cela est dû aux études mono- graphiques des trente dernières années qui ont permis à nombre d’artistes d’échapper aux classifications hâtives et ont enfin brisé cette téléologie « De William Morris à Walter Gropius », pour repren- dre la formule de Nikolaus Pevsner qui date justement des années trente. Que soit ici célébré le rôle joué par Bruno Foucart qui avait dirigé cette étude, dans cette aventure de renouvellement de notre vision du XXe siècle. C’est grâce à lui que furent sortis de l’oubli et du mépris des architectes modernes comme Pierre Barbe, des décorateurs et designers comme Jean Royère, Emilio Terry, Jacques Adnet (sur lequel Cécile Tajan a écrit un texte que nous attendons avec impatience) et autres « décorateurs des années quarante ». L’analyse fine et détaillée de l’auteur est donc un bon préalable à la visite de l’exposition sur l’UAM au musée national d’Art moderne- Centre Georges-Pompidou, qui apportera sans doute de nouvelles informations sur le foisonnement de cette période clé de l’histoire du design et de l’architecture.

UAM BAT 15042018.indd 12 16/04/2018 17:02 UAM BAT 15042018.indd 13 16/04/2018 17:02 Pour une 14 histoire au-delà de l’instant

UAM BAT 15042018.indd 14 16/04/2018 17:02 15 Disons-le d’emblée, c’est une préhistoire de l’UAM qu’il faudrait écrire. Celle de ces dix années qui précèdent la rupture de 1929, lorsqu’un petit groupe d’artistes réunis autour de Robert Mallet- Stevens claque la porte de la Société des artistes décorateurs (Sad) et fonde l’Union des artistes modernes (UAM), qui lors de la pre- mière exposition rassemble une trentaine de membres actifs1. La plupart œuvraient à l’unisson depuis le début des années vingt dans le cadre de projets communs, livrant une approche novatrice de l’architecture et de l’aménagement intérieur. Ce sont les plus belles années de ces artistes, les plus audacieuses, les plus fécondes, les plus libres, celles qui ont vu naître leurs œuvres majeures. Pour écrire cette histoire de l’UAM avant l’UAM, on pourrait évoquer les expositions annuelles qui étaient alors l’occasion de démonstrations collectives bien avant celle de l’unité de choc de 1928. On pourrait également mentionner la section « Art urbain » du Salon d’automne et plus particulièrement la présentation de Mallet- Stevens en 1924, regroupant notamment René Herbst, Pierre Cha- reau, Francis Jourdain, Gabriel Guevrekian, Djo-Bourgeois et Jean Burkhalter autour d’un projet de place publique. Pierre Chareau serait aussi au cœur de ce récit et l’on rappellerait son orchestration du Salon des artistes décorateurs de 1924, où il réunit à ses côtés Mallet-Stevens, Pierre Legrain, Francis Jourdain et Eileen Gray. On pourrait évoquer encore le « groupe des cinq », qu’il fonde en 1926, avec Pierre Legrain, Jean Puiforcat, Raymond Templier et Dominique, et qui expose à la galerie Barbazanges. On pourrait en outre certai- nement citer le pavillon du Tourisme de l’Exposition internationale de 1925 élevé par Mallet-Stevens, orné de vitraux de Louis Barillet et de Jacques Le Chevallier, souligné sur ses murs intérieurs de bas- reliefs des frères Martel, ou le jardin cubiste conçu également par l’architecte et planté d’arbres en béton des mêmes frères Martel. On retrouverait également dans cette histoire les projets artis- tiques communs pour le cinéma. Les héros de Marcel L’Herbier, de L’Inhumaine en 1924 comme ceux de Le Vertige en 1926, évoluent dans des architectures de Mallet-Stevens, autour de meubles et de luminaires de Pierre Chareau et de tapis de Jean Lurçat. La moder- nité est partout, Jaque Catelain dans Le Vertige est habillé d’un pei- gnoir « simultané » de Sonia Delaunay. Difficile encore de ne pas mentionner Biceps et bijoux de Jacques Manuel et Les Mystères du château de Dé de Man Ray qui mettent en scène la villa des Noailles. Ces années vingt ont été celles des grandes réalisations com- munes. Celle de la villa Noailles à Hyères bien sûr, mais aussi celle des hôtels particuliers de la rue Mallet-Stevens. Le rôle de Jacques Doucet a été tout aussi essentiel, lui qui, dans son appartement

UAM BAT 15042018.indd 15 16/04/2018 17:02 de l’avenue du Bois, avait déjà réuni les œuvres d’Eileen Gray et de 16 Pierre Legrain avant de les orchestrer en 1928 dans son studio de la rue Saint-James à Neuilly-sur-Seine dans une présentation dense mélangeant les époques et les styles, des céramiques orientales aux toiles de Pablo Picasso ou du Douanier Rousseau en passant par les laques d’Eileen Gray et les masques fang, loin de l’idéal puriste des futurs membres de l’UAM. La villa E 1027, la Maison de verre de Pierre Chareau, l’appartement de Charles de Beistegui ou la villa Cavrois à Croix clôturent ce panorama. Cette histoire est foisonnante. Alors quand vient le temps des conflits au sein de la Sad autour du groupe de Mallet-Stevens qui ne pourra pas faire Salon dans le Salon, il est tentant pour l’historien de se ranger du côté des modernes et d’inscrire la naissance de l’UAM dans la continuité de l’heureuse aventure collective des années vingt. Il serait aisé de faire des dissidents les incompris de la Sad et même de l’Exposition internationale de 1925, où le grand public et les officiels se placent du côté des décorateurs Louis Sue, André Mare ou encore de Jacques-Émile Ruhlmann, tandis que Le Corbusier peine à convaincre avec son pavillon de l’Esprit nouveau niché derrière des palissades, l’histoire est connue. Au printemps 1929, l’UAM est née. Son premier comité di- recteur se compose d’Hélène Henry, René Herbst, Francis Jourdain, Robert Mallet-Stevens et Raymond Templier, secrétaire de l’Union. Les dissidents dénoncent le conservatisme de la Sad, et la presse se fait l’écho de ces accusations reconnaissant les frondeurs comme « le système nerveux détaché du corps, masse indolente et vaste ». Les déclarations de l’UAM et son manifeste de 1934 définissant l’art moderne comme un art véritablement social finissent de justifier la rupture. L’histoire de la naissance de l’UAM est écrite. Cette inter- prétation de la rupture devient la thèse officielle retenue dans les histoires des arts décoratifs. De la même manière que Mallet-Stevens est le perdant de l’histoire de l’architecture moderne française parce que de son vivant Le Corbusier et Siegfried Giedion l’avaient rangé du côté des formalistes et écarté des Ciam, cette histoire des arts décoratifs exclut de la modernité les fidèles de la Sad et ceux qui, comme Pierre Barbe ou Jean-Charles Moreux, après l’enthousiasme des débuts, feront le choix de s’éloigner de l’UAM. L’épisode de 1929 est ainsi considéré comme un des mo- ments décisifs de l’histoire des arts décoratifs du XXe siècle et perçu comme une véritable scission entre les anciens de la Sad et les modernes de l’UAM. L’état actuel des recherches stipule que 1929 n’est finalement que le point de rupture de « l’éternelle querelle des anciens et des modernes », crise inévitable dès l’Exposition de 1925,

UAM BAT 15042018.indd 16 16/04/2018 17:02 où les futurs fondateurs de l’UAM « faisaient déjà figure d’out- 17 2 siders ». De ce point de vue, concevant que l’UAM est bien en marche dès 1925, la rupture de 1929 n’est en définitive que le résultat d’un clivage qu’Yvonne Brunhammer résume en un débat tradition/avant-garde3, pouvant également se comprendre comme un débat entre art et industrie, pour ou contre l’ornement. La situation des arts décoratifs en 1929 se résumerait alors à une simple opposition Sad-UAM. D’un côté les « attardés » de la Sad, représentants de la tradition et du conformisme, qui poursui- vent des formules décoratives luxueuses mises au point en 1925 et s’adressent à une élite aisée en restant indifférents aux besoins nouveaux de l’homme de leur époque. De l’autre côté, les révolution- naires de l’UAM, hommes de leur temps, qui prennent en compte les réalités sociales et économiques, en affirmant le rôle social du créateur4 et qui, agissant pour le plus grand nombre en défendant une production de masse5, se proposent d’offrir un nouveau cadre de vie à l’homme du XXe siècle. Ainsi, l’histoire de l’UAM se super- poserait avec l’histoire de la modernité en France. L’UAM devenant même notre Bauhaus à la française, même si c’est oublier que les Allemands avaient fondé une école d’art et formé toute une généra- tion de créateurs. Mais cette théorie de la rupture est trop parfaite. Cette his- toire des arts décoratifs qui fait de la rupture de 1929 un acquis historique et qui tend à se focaliser sur les oppositions entre la Sad et l’UAM, mérite d’être revue. Réinterroger ce moment de 1929, mais aussi regarder au-delà de la rupture et prendre en compte la durée de l’histoire ont ainsi été le fil directeur de ce travail. Pour cela, il a fallu rassembler les différentes sources et les confronter, en considérant les diverses interprétations, sans pra- tiquer l’exclusion et sans juger la situation des arts décoratifs du point de vue des sources de l’époque. Il s’est agi d’approcher au plus près de l’objectivité, en tirant tout le bénéfice d’un regard posté- rieur, qui reste neutre et qui replace les propos des protagonistes et les orientations de la Sad et de l’UAM dans le contexte histo- rique de l’époque. Ainsi, les archives et les publications de la Sad, celles de l’UAM et les journaux spécialisés constituent la base de cette étude. Les archives de la Sad concernant les années vingt et trente ne sont guère fournies : un cahier de procès-verbaux et quelques photographies d’œuvres présentées aux expositions an- nuelles. Si les bulletins de la Société et les catalogues des Salons annuels, malgré leur ton officiel, ont permis de compléter l’analyse de la situation de la Sad au temps de la crise qui l’anime, il est regret- table de ne pas avoir retrouvé les projets d’exposition, comme les

UAM BAT 15042018.indd 17 16/04/2018 17:02 courriers échangés entre la Sad et son président, ses membres et 18 toute autre personnalité extérieure. On peut déplorer par ailleurs que le fonds d’archives André Tardieu6, déposé aux Archives natio- nales, n’ait livré aucun document relatif à sa présidence de la Sad. La même déception peut être exprimée pour tous les documents relatifs aux fonctions de vice-président de Charles Hairon, Henri Rapin et Léon Bouchet7. Tous ces documents auraient en effet permis de faire une analyse plus complète des conflits d’intérêts et des débats qui animaient la Société au moment de la rupture de 1929. Le fonds d’archives de l’UAM, déposé à la bibliothèque des Arts décoratifs de Paris à la mort de René Herbst8 en 1982, de par sa richesse, est un précieux témoignage de l’histoire de l’association. Parmi les nom- breux documents conservés, les statuts de l’association, ses publi- cations, procès-verbaux, demandes et refus d’admission, ainsi que les différents courriers furent la base de ce travail. Enfin, les revues spécialisées de l’époque constituèrent une autre source fondamen- tale permettant de saisir la nature et l’évolution des regards portés par les critiques sur l’UAM. Si leur analyse représente l’essentiel de cette étude, il a paru aussi nécessaire de s’intéresser aux créa- teurs, à leurs œuvres et à leurs commanditaires, ce qui permet proba- blement de mieux se faire une idée de la réalité de la situation des artistes en ce début des années trente. Ainsi, cette étude se propose de présenter une analyse claire et objective de la rupture Sad-UAM, d’en préciser les circonstan- ces exactes, seulement évoquées dans les travaux existant à ce jour, tout en étudiant comment l’événement fut justifié par les différents protagonistes et comment il fut compris par les contemporains. Que soit pardonnée l’étude minutieuse des événements qui s’avère néces- saire pour rendre compte de manière juste de la réalité du moment. Dans un second temps, afin de dépasser une analyse de la scission focalisée sur le seul événement, il a fallu s’interroger sur la destinée de l’UAM au cours des premières années qui ont suivi sa fondation. Au-delà du discours généreux et optimiste qui entoure l’histoire de la naissance de l’UAM une autre réalité transparaît. En révélant les ambiguïtés de l’engagement et des intentions des mem- bres de l’UAM, en exposant les difficultés qu’ils rencontrent dans la réalité quotidienne de leurs métiers comme dans la réception de leur œuvre, ce travail vise à nuancer les strictes oppositions éta- blies jusqu’à présent, afin de réévaluer la situation des arts décora- tifs en France à la charnière des années vingt et trente. L’UAM naît un an après la création des Congrès internationaux d’architecture (Ciam), fondés en juin 1928 au château de La Sarraz en Suisse à la suite de l’échec de Le Corbusier au concours pour

UAM BAT 15042018.indd 18 16/04/2018 17:02 19 la construction du palais des Nations à Genève. Les Ciam étaient une première tentative de regroupement des architectes modernes internationaux pour la défense de leurs idées et de leurs intérêts. Parmi les membres de la section française, constituée en septembre 1929, plusieurs architectes adhèrent à la même époque à l’UAM, guidés par une même logique militante. Il s’agit de Pierre Barbe, Pierre Chareau, Le Corbusier et Pierre Jeanneret, Gabriel Guevrekian, André Lurçat et Jean-Charles Moreux. L’engagement de ces artis- tes au Ciam comme à l’UAM en cette fin des années vingt est alors symptomatique des difficultés rencontrées par les modernes pour imposer leur vision.

UAM BAT 15042018.indd 19 16/04/2018 17:02 1929 20 Le temps de la rupture

UAM BAT 15042018.indd 20 16/04/2018 17:02 21 La crise du Salon de 1929

De la discorde à la fondation de l’UAM

Au Salon des artistes décorateurs de mai 1928, Djo-Bourgeois, René Herbst et Charlotte Perriand s’unissent autour d’un projet com- mun et demandent le même emplacement que celui attribué à Djo- Bourgeois l’année précédente, à l’extrémité de l’aile nord du Grand Palais, qui, bien que placé dans un cul-de-sac, avait obtenu un vif succès. Leur ensemble est un appartement modèle de quatre pièces, dont une salle à manger conçue par Charlotte Perriand, un fumoir par René Herbst, un living-room par Djo-Bourgeois, qui conçoit égale- ment la cuisine. Avec cette présentation groupée, les artistes défen- dent une nouvelle conception de l’espace intérieur, ouvert, dépouillé, clair et lumineux. Le mobilier est métallique, en tube, alors syno- nyme de simplicité et de fonctionnalité. La « joyeuse trinité » s’adjoint la participation d’autres créateurs. Ainsi, les tissus du living-room de Djo-Bourgeois sont des créations de sa femme Élise, et deux vitrines présentent des pièces des joailliers Jean Fouquet et Gérard Sandoz. Dans la salle à manger éclairée par une grande verrière, Charlotte Perriand dispose sur la Table extensible de l’orfèvrerie de Jean Puiforcat, de la vaisselle de Jean Luce et des verres à dégus- tation du marchand de vin Nicolas. Leur présentation séduit la critique et le public et allait en- courager de nouvelles initiatives collectives pour le Salon de 1929. En vue du Salon annuel de 1929, Pierre Chareau avait ainsi proposé au comité un projet regroupant plusieurs artistes. Malade, il renonce à superviser cet ensemble qui, sur l’intervention de René Herbst, est finalement repris par Robert Mallet-Stevens. Le projet comprenait un grand nombre d’exposants qui passèrent devant le jury avant qu’un emplacement ne leur fût accordé, mais insatisfaits de la proposition qui leur fut faite, les artistes préférèrent s’abstenir9. Le comité fut alors informé par la lettre de René Herbst du 29 mars 1929 des désistements de Louis Barillet, Jean Burkhalter, Pierre Chareau, Djo-Bourgeois, Jean Fouquet, Hélène Henry, René Herbst, Francis Jourdain, Robert Lallemant, Hélène de Mandrot, Jan et Joël Martel, Robert Mallet-Stevens, Jean Prouvé, Sonia Delaunay, Marguerite Steinlen, Raymond Templier, Gérard Sandoz et Jacques Le Chevallier10. Ils seront tous membres de l’UAM dès sa création, à l’exception d’Hélène de Mandrot qui ne participera qu’à la pre- mière exposition de l’Union en 1930, de Marguerite Steinlen qui sera

UAM BAT 15042018.indd 21 16/04/2018 17:02 refusée11 , de Pierre Chareau qui n’adhère à l’UAM qu’après 1930 et 22 de Djo-Bourgeois qui restera fidèle à la Sad. Très vite, les désistements se transforment en démissions. Djo-Bourgeois, le premier, démissionne du comité mais consent ce- pendant à réaliser la porte d’entrée de l’exposition, dont il est le con- cepteur. Alors que le président fera retour à Robert Mallet-Stevens et à René Herbst de leur lettre de démission, tous deux maintien- dront leur décision. Enfin, le 8 avril 1929, la lettre de démission de Charlotte Perriand parvient au comité12. Dès le mois qui suit, Pierre Barbe, Louis Barillet, Sonia Delau- nay, Jean Fouquet, Francis Jourdain, Jacques Le Chevallier, Pierre Le- grain, les frères Martel, Jean Puiforcat, Gérard Sandoz et Raymond Templier démissionnent13, suivis peu de temps après par Eileen Gray, Robert Lallemant et Raymond Templier14. La démission du groupe est annoncée officiellement lors de l’assemblée générale extraordinaire du 27 février 1930. Tout s’enchaî- ne très rapidement et, dès le mois d’avril 1929, les dissidents réflé- chissent à la nouvelle union et à son organisation. Le 3 mai a lieu la dernière réunion avant l’assemblée générale constitutive. À l’ordre du jour, la constitution de la société, la liste de ses membres, les propositions de membres pour le comité directeur, son siège social et déjà le local pour la prochaine exposition ainsi que son bulletin15. L’UAM est fondée par l’assemblée constitutive du 15 mai 1929, au siège social de l’association 7, rue des Grands-Augustins, chez Hélène Henry, membre du premier comité directeur aux côtés de René Herbst, Francis Jourdain, Robert Mallet-Stevens et Raymond Templier, secrétaire de l’association. La première liste des membres actifs de l’Union se compose en majorité d’artistes en rupture avec la Sad. Il s’agit de Pierre Barbe, Louis Barillet, Jean Burkhalter, Sonia Delaunay, Jean Fouquet, Eileen Gray, Hélène Henry, René Herbst, Francis Jourdain, Robert Lallemant, Jacques Le Chevallier, Le Corbu- sier et Pierre Jeanneret, Pierre Legrain, Robert Mallet-Stevens, Char- lotte Perriand, Jean Prouvé, Jean Puiforcat, Gérard Sandoz, André Salomon, auxquels se joignent les sculpteurs Joseph Csaky, Pablo Manes et Gustave Miklos. Le 31 mai 1929, l’association est déposée à la préfecture de police par le secrétaire Raymond Templier16. Une note manuscrite précise les buts de la nouvelle association : « Grouper des artistes en sympathie de tendance et d’esprit, en vue de rassembler leurs efforts et d’en assurer la manifestation au moyen d’une exposition internationale annuelle à Paris. » À la première liste des membres actifs s’ajoutent les noms de Jan et Joël Martel, démissionnaires de la Sad, et ceux d’Étienne Cournault17.

UAM BAT 15042018.indd 22 16/04/2018 17:02 23 Au cours des premiers mois de 1930, de nouveaux venus se joignent au groupe initial. Ce sont Rose Adler, Georges Bastard, Paul Colin, Louis Sognot et Charlotte Alix, ainsi que Lucie Holt Le Son18. Sollicités par l’UAM pour devenir membres actifs, Jean Carlu, Jean Dourgnon et Jean-Charles Moreux adhèrent eux aussi à l’association19.

La thèse officielle : le système nerveux détaché du corps

Si, en claquant la porte à la Sad, les artistes dissidents font clairement figure de protestataires, ils se sont paradoxalement peu exprimés sur les motivations de leur départ. Interviewé par Ernest Tisserand en mai 1929, Djo-Bourgeois explique qu’ils étaient une vingtaine d’artistes « de la même tendance », parmi lesquels Mallet- Stevens, Pierre Chareau, Francis Jourdain, René Herbst, Le Corbu- sier et Charlotte Perriand, à vouloir se grouper et présenter un en- semble « qui romprait avec la monotonie des cases individuelles, chères aux principes de la Société20 ». Mais l’accord n’a pu se faire et ils ont préféré s’abstenir : « Cela fera le bonheur de quelques-uns et le Salon sera plus homogène21. » Ainsi, Djo-Bourgeois, bien qu’il reste peu précis sur les raisons exactes du désaccord, laisse claire- ment entendre que ce projet de groupement perturbait l’ordonnan- ce du Salon et que son impact devait être jugé trop important par certains membres du comité pour pouvoir être accepté. C’est finalement la presse spécialisée qui livre les détails de cette scission. Les journalistes, majoritairement favorables aux dissi- dents, se sont emparés de l’événement et l’ont largement commenté. Ernest Tisserand, critique du journal L’Art vivant, est celui qui proposa l’analyse la plus détaillée de l’incident de la préparation du Salon de 1929. Selon lui, qui est plutôt favorable aux modernes, le projet de groupement bousculait l’ordonnance accoutumée du Salon, et le comité avait été effrayé « de voir se grouper autour de Francis Jourdain, le maître incontesté de l’art décoratif moderne, des artistes jeunes et décidés, des créateurs aussi courageux que Le Corbusier et Pierre Chareau ». Le comité de la Sad aurait donc voulu imposer la présence d’un « vieux tapissier anglicanisé » au centre de « l’intel- ligente présentation des artistes nouveaux », et ne pouvant accepter la proposition qui leur était faite, le groupe avait préféré s’abstenir : « Ils ont refusé. Ils se sont retirés. Ils ont bien fait22. » De la même façon que Tisserand, la majorité des journalistes ont imputé la scis- sion à l’intransigeance de la direction de la Sad face à la volonté des modernes de se grouper.

UAM BAT 15042018.indd 23 16/04/2018 17:02 Au-delà de la question de l’emplacement au Salon de 1929, 24 d’autres désaccords des dissidents ont été soulevés et l’orientation de la Sad à la fin des années vingt mise en cause. Francis Jourdain dénonce notamment une officialisation de la Société : « La modeste société fondée par René Guilleré a grandi et s’est enrichie ; elle s’est aussi officialisée. De façon à préserver leur place au soleil, les Décorateurs ont jugé tactiquement raison- nable de mettre leur direction entre les mains de politiciens en lorgnant sur les clés des palais nationaux (j’avais presque écrit “du Paradis”). Les membres du comité avaient des rangs importants dans les ministères, et les ministres des places importantes lors des réceptions et des banquets de la Société23. » Les membres de l’UAM accusent également la Sad de s’être détournée de ses buts d’origine et dénoncent les intérêts commer- ciaux qui présideraient aux orientations de la Sad et une perte d’in- novation de ses membres. Ainsi, lorsque Raymond Templier inter- rogé par Pierre Lazareff en 193024 s’exprime au sujet de la scission, il ne mentionne pas les incidents de la préparation du Salon de 1929, mais conteste les nouvelles orientations de la Sad dont le Salon était selon lui envahi par une quantité de nouveaux exposants, au détri- ment de la qualité, alors que l’époque réclamait de vrais créateurs. Il justifie de cette façon les démissions et la création de l’UAM, qu’il définit comme une nouvelle société d’artistes de tendance « très moderne » dans laquelle sont représentées « toutes les corporations se rattachant à l’art ». Les mêmes arguments sont énoncés par les membres de l’UAM dans une courte lettre adressée à l’architecte italien Alberto Sartoris à propos des origines de l’Union : « La fondation de l’UAM a été l’aboutissement d’un état d’esprit existant depuis pas mal de temps. Les fondateurs de l’UAM estiment en effet : qu’une société d’artistes doit rester beaucoup plus une réunion d’artistes créateurs originaux plutôt que s’augmenter sans qu’une grande circonspec- tion préside à l’admission des nouveaux membres25. » Par ailleurs, les discussions qui eurent lieu à l’UAM lors- qu’en 1931 les Décorateurs proposèrent aux démissionnaires de réintégrer la Sad donnent encore quelques renseignements. Elles sont d’autant plus intéressantes qu’on peut imaginer qu’elles furent plus spontanées et plus libres que les propos recueillis par la presse. Réunis le 2 février 1931, les membres du comité de l’UAM conclurent à l’impossibilité de retourner aux Décorateurs, « où la politique générale suivie est restée la même » et évoquent alors le nombre trop important d’exposants et de copistes26 rejoignant ainsi les arguments avancés par Raymond Templier au cours de son

UAM BAT 15042018.indd 24 16/04/2018 17:02 25 interview par Pierre Lazareff. Dans la réponse à l’invitation des Déco- rateurs, Templier laisse entendre que la Sad s’était détournée de son esprit d’origine et que c’est en petit groupe que les membres de l’UAM poursuivaient le but que la Sad s’était proposé à ses débuts27. Dans la presse, les journalistes reprennent en 1929 les accu- sations développées par les dissidents. Les attaques les plus viru- lentes contre la Sad sont dues au critique Louis Chéronnet28, haut défenseur des modernes qui, dans son article d’Art et décoration commentant la section française du XXe Salon des décorateurs, accuse la Société de faire preuve d’une complaisance envers les puissances de l’argent et de la production commerciale. Elle ne ferait alors que développer des formules acquises, cherchant « l’éloge facile et immédiat, le goût du triomphe sans péril dans des réalisations de tout repos29 ». C’est aussi ce qu’insinue un critique de L’Œuvre lors- qu’il dit respirer une atmosphère de grands magasins en visitant le riche Salon des décorateurs30. Les propos tenus dans un article con- sacré à l’UAM dans La Michodière ne sont pas plus modérés et dénoncent également les orientations commerciales que suivrait la Sad qui estimait « le style moderne créé et que dorénavant l’art décoratif moderne pouvait se vulgariser, que son existence même dépendait du goût du client et qu’il fallait, sous peine de périr, tenir le plus grand compte des desiderata de celui qui paie31 ». Les journalistes ont finalement résumé la scission en une sé- paration inéluctable entre les décorateurs attachés à une certaine tradition et les jeunes créateurs représentants de l’esprit moderne. Ainsi, René Chavance32 présente le Salon de 1929 comme une manifestation « à l’atmosphère figée », qui « non seulement n’encou- rage pas les tendances nouvelles mais incline à en prendre ombra- ge33 ». De son côté, Léon Werth s’inquiète de l’éclectisme qui y règne et fustige les décorateurs qui hésitent encore entre « le retour au passé et la simulation de l’anticipation », dans un style rationnel qui selon lui « atteint son point de vulgarisation34 ». Le Salon de 1929 n’enchante pas plus Paul Fierens qui, dans un article du Journal des débats, déclare n’y reconnaître que le « développement de formules bien établies » et qui n’apprécie guère « l’atmosphère de sécurité et de sérénité du Salon » amputé du groupe « qui venait semer l’inquié- tude, la féconde inquiétude dans les rangs de la déjà vénérable et puissante Société35 ». Ainsi, en 1929, les critiques portent un jugement sévère sur la Sad et tendent à donner raison aux artistes dissidents de l’UAM, qui apparaissent à la presse progressiste comme un groupe « jeune et combatif [...], le groupe le plus avancé et le plus audacieux des déco- rateurs contemporains36 », « les plus jeunes, les plus vigoureux, les

UAM BAT 15042018.indd 25 16/04/2018 17:02 éléments d’avenir37 » qui ne trouvaient plus leur place dans le Salon 38 26 de la Sad devenu, selon René Chavance, un Salon officiel . Pour Paul Fierens, il s’agit d’une « scission entre les partisans du bois et ceux qui cherchent, par l’emploi du métal ou d’autres matières, à créer de nouveaux types de mobilier, à simplifier le décor39 ». Dans le Salon de ceux que l’on perçoit comme les révolutionnaires, « on y fera des essais, des expériences, on y travaillera pour l’avenir40 ». Marcel Zahar allant même jusqu’à reconnaître en l’UAM le système nerveux déta- ché du corps, masse indolente et vaste41. La crise à l’origine du départ des modernes ne se limite pas à l’incident du Salon de 1929. Elle est bien plus complexe et pro- fonde. Parce que le climat à leur égard semblait hostile, parce que la Sad s’était officialisée et les orientations esthétiques de celle-ci, guidées par des intérêts commerciaux, étaient contraires à leurs idées et à leurs recherches, les modernes sont partis et ont créé leur propre union. La création de l’UAM, association d’artistes de « tendance très moderne42 », serait alors une réponse aux orienta- tions de la Sad qui, en cette fin des années vingt, ne seraient plus celles qu’elle s’était proposées à sa fondation. Mais, alors que l’histoire de l’art a jusqu’à présent admis comme une vérité absolue les prises de position des dissidents et les analyses des journalistes, il est intéressant aujourd’hui de s’inter- roger sur les circonstances de la scission et également d’entendre les arguments de la direction de la Sad, négligés jusqu’alors. Les procès-verbaux de la Société révèlent de nombreuses tentatives de conciliation jusque dans les années trente qui, bien que jugées inac-ceptables par les dissidents, méritent d’être rappelées. Il nous faut d’autre part regarder au-delà des problématiques centrées sur les divergences artistiques existant entre la Sad et les dissidents : pourquoi les modernes tenaient-ils tant à leur coalition au sein de la Sad ? Bien sûr, il faut aussi prendre en considération les points de désaccord des dissidents quant à l’orientation de la Sad. Quelle est la forme de cette officialisation dont on parle tant ? Quelles en sont les motivations ? Si les positions de la Sad en cette fin des années vingt semble bien constituer une rupture idéologique irréversible avec les membres de l’UAM, il nous revient d’aborder cette question avec un regard apaisé sans juger les partis pris des uns et des autres. Enfin, la question des orientations esthétiques. La Sad est- elle devenue ce conservatoire que dénoncent les modernes et leurs partisans ? Est-elle un foyer de copistes ? L’observation des Salons de cette période incite à nuancer ce point de vue qui est celui des dissidents. Djo-Bourgeois, actif défenseur du groupe Mallet-Stevens

UAM BAT 15042018.indd 26 16/04/2018 17:02 27 au moment de la crise de 1929, ne reste-t-il pas fidèle à la vieille Société ? La démonstration du Werkbund allemand en 1930 n’est-elle pas la preuve sinon d’une adhésion au mouvement moderne interna- tional du moins d’une ouverture d’esprit des dirigeants de la Sad ?

La Sad et les dissidents de l’UAM

La critique favorable aux modernes a largement fustigé la direction de la Sad en dénonçant l’intransigeance dont elle aurait fait preuve à l’égard du groupe des modernes lors de la préparation du Salon de 1929. C’est ainsi que la société mère fut directement rendue coupable du départ des modernes. Pourtant, si l’on confronte les différentes sources, les circonstances du désaccord entre la Sad et les dissidents restent floues.

Intransigeance de la Sad ?

Si Ernest Tisserand relate dans son article de L’Art vivant qu’un vieux tapissier anglicanisé avait été imposé au centre de l’en- semble du groupe43, Charlotte Perriand dans son autobiographie affirme que les emplacements leur furent distribués en ordre dis- persé44, tandis que Charles Hairon déclare que les artistes s’étaient retirés parce qu’ils avaient jugé l’emplacement qui leur était attribué insuffisant45. Alors, s’il est évident que la commission d’organisa- tion du Salon des décorateurs et les membres dissidents n’ont pas réussi à trouver un accord au sujet du projet et de son emplace- ment, aboutissant au départ de l’équipe, il est en revanche difficile de résumer l’incident à un refus catégorique de la Sad de laisser le groupe exposer. La Sad a semble-t-il fait diverses modifications du plan général de l’exposition afin de tenter de donner satisfaction au groupe mais s’est heurtée à un net refus des artistes de participer au Salon46. Alors, si la presse dénonce l’intransigeance du comité de la Sad et si Charlotte Perriand parle de proposition inaccep- table47, étant donné que nous ne disposons à l’heure actuelle ni du projet des modernes, ni des propositions d’emplacement des Déco- rateurs, il est difficile de dire si la Sad n’a pas su ou si elle n’a pas voulu donner satisfaction au groupe des modernes.

UAM BAT 15042018.indd 27 16/04/2018 17:02 Mais, dans tous les cas, il faut reconnaître que le projet des 28 modernes regroupait une vingtaine d’artistes s’opposant au principe des stands et réclamant un espace important. On peut se demander si ce projet d’un regroupement aussi vaste au sein même du Salon était suffisamment raisonnable pour être acceptable. Au sein de cet ensemble devait figurer le projet « Un équipement intérieur d’une habitation » de Charlotte Perriand, Pierre Jeanneret et Le Corbusier, qui représentait à lui tout seul une surface de 90 mètres carrés. On peut donc imaginer que la présentation de vingt artistes réunis aurait été particulièrement vaste, prenant ainsi une allure de « Salon dans le Salon48 », pour reprendre l’expression employée par Charlotte Perriand a posteriori. Une société d’artistes pouvait-elle réellement accepter une telle coalition au sein même de son Salon ?

Des tentatives de conciliation

Un autre élément tend à nous inciter à nuancer la respon- sabilité directe de la Sad dans la rupture. En effet, une chronologie précise de l’histoire de la scission et des relations entre les deux sociétés nous révèle que les Décorateurs ont, à plusieurs reprises, tenté de se rapprocher des dissidents et de mettre fin au conflit. Dès les premières démissions, celles de Djo-Bourgeois, René Herbst, Robert Mallet-Stevens et Charlotte Perriand, le comité de la Sad engage Charles Hairon à faire des démarches individuelles auprès des artistes démissionnaires et à obtenir la médiation de Francis Jourdain. Le comité adresse des lettres de regret à ses membres démissionnaires, Louis Barillet, Djo- Bourgeois, Joël Martel et Robert Mallet-Stevens, et décide de ne retenir leurs décisions que dans le cas où celles-ci seraient renou- velées un mois plus tard. Plusieurs membres du comité, dont Léon Bouchet et Pierre Selmersheim, avaient tenté de mettre fin au désaccord et cherché à faire revenir les démissionnaires. Charles Hairon, suite aux accusations portées par « certains critiques d’art49 » le rendant responsable de la scission, s’était engagé à démissionner du comité aussitôt que les démissionnaires seraient rentrés dans la Société50. Dès la rupture de 1929, la Sad a donc entrepris de multiples démarches auprès des artistes dissidents, mais sans succès. Les membres du comité qui avaient entrepris des démarches amicales se sont heurtés « à une volonté très nette et formelle des dissidents de s’opposer à toute conciliation51 ». René Herbst avait déclaré à

UAM BAT 15042018.indd 28 16/04/2018 17:02 Léon Bouchet, vice-président de la Sad, qu’il n’accepterait aucune 29 52 médiation d’aucune sorte . Francis Jourdain, contacté par Charles Hairon pour assister à la réunion du comité du 27 mai 1929, s’était excusé de ne pouvoir y assister et affirma n’avoir aucune informa- tion supplémentaire sur la décision du groupe des dissidents : elle était irrévocable et il les suivait53. À plusieurs reprises apparaît dans les procès-verbaux de la Sad le regret de voir partir tous ces artistes. Lors du procès-verbal du 26 mars 1929, à propos de « l’incident du groupe Mallet-Stevens », Charles Hairon dit regretter leur absence au prochain Salon et espé- rer qu’il s’agisse d’« un moment de mauvaise humeur ». À nouveau, lors de la réunion du comité du 27 mai 1929, Charles Hairon ex- prime son regret face à la décision des dissidents car, à son avis, rien ne les empêchait de former un nouveau groupe sans se sépa- rer de la Sad. Lors de l’assemblée générale du 15 mai 1930, Géo Lamothe, secrétaire général de la Société, après avoir évoqué le succès de l’exposition de 1929, déplore à son tour de voir de nom- breux artistes quitter la Sad : « Ici nous devons arrêter les expres- sions trop vives de notre contentement, nous devons jeter un regard attristé en arrière, et je ne craindrais pas de dire personnellement très attristé. Depuis vingt ans j’assiste à la montée lente mais sûre de notre Société ; chaque année, j’avais la satisfaction d’inscrire dans notre annuaire quinze ou vingt noms de nouveaux sociétaires, membres actifs. Cette année, au lieu d’ajouter, je retrancherai54. » Au début des années trente, alors que la rupture est déjà consommée depuis plus d’un an, la Sad engage à nouveau des démarches de conciliation auprès des membres de l’UAM. Dans une lettre datée du 27 janvier 1931 adressée à Raymond Templier, secrétaire de l’UAM, Joseph Hiriart exprime le désir de tous les membres de la Sad de voir les démissionnaires reprendre leur place dans la Société. La copie de cette lettre fut adressée indivi- duellement à tous les membres démissionnaires55. Ce courrier témoi- gne de la volonté de la Sad de voir se grouper à nouveau tous les artistes décorateurs modernes, « après le scandale de la représen- tation des beaux-arts à l’Exposition coloniale56 », ce qui lui permet- trait de ne pas être dédaignée à la veille de l’Exposition de 1937. Son souhait étant de devenir à nouveau « une Société unie, jeune, vivante, représentant les artistes décorateurs français modernes ». Et pour cela, elle demande le soutien des dissidents de l’UAM57. Parallèlement à cette lettre, les membres du comité eurent des conversations per- sonnelles avec les membres de l’UAM. Joseph Hiriart, Henri Favier et Géo Lamothe s’entretinrent avec René Herbst, Maurice Dufrène avec Francis Jourdain, et Étienne Kohlmann avec Hélène Henry58.

UAM BAT 15042018.indd 29 16/04/2018 17:02 Si, dans un premier temps, l’UAM envisage la possibilité d’ex- 30 poser au Salon des artistes décorateurs sous certaines conditions, elle prend très vite conscience de l’incompatibilité de cette position, même si une entente stratégique lui aurait permis d’obtenir un local pour exposer. La réponse à donner à la proposition de réintégra- tion de la Sad est à l’ordre du jour de la réunion du comité de l’UAM du 2 février 1931. Le comité, en désaccord avec la politique générale menée au Salon des artistes décorateurs, juge impossible d’y retour- ner. Parmi les reproches faits à la Société se trouvent l’augmentation du nombre des membres et la présence de nombreux copistes. D’autre part, ils estiment ne pouvoir accepter l’invitation car se poserait alors le problème des membres de l’UAM qui n’ont pas adhéré précédem- ment à la Sad et qui seraient obligés de passer devant le jury d’admis- sion. Mais, c’est finalement toutes les méthodes générales de la Socié- té que les dissidents de l’UAM remettent en cause. Ils envisagent de proposer à la Sad d’exposer avec un comité indépendant, dans une section à part, avec une affiche différente, à l’instar de la section alle- mande en 1930. Mais comme le fait remarquer Francis Jourdain, cette condition a peu de chance d’être acceptée par les Décorateurs59. Et en effet, si le comité de la Sad approuve les démarches de conciliation entreprises par ses membres, il refuse d’offrir aux artistes de l’UAM « une situation particulière et exceptionnelle » au prochain Salon60. S’il prend conscience de l’impossibilité d’exposer au Salon des artistes décorateurs, le comité de l’UAM décide cependant d’orga- niser une assemblée réunissant tous les membres actifs afin de les informer des démarches de la Sad et de prendre en compte leur point de vue. L’assemblée a lieu le 7 février 1931. Templier, après avoir exposé les démarches de la Sad, précise que la question posée est une question de principe et qu’elle doit être considérée en dehors du fait qu’ils aient ou pas un local pour leur exposition annuelle. La majorité des membres présents s’opposent à un retour à la Sad61. À l’occasion de l’Exposition coloniale, il est à nouveau pro- posé à l’UAM d’exposer aux côtés de la Sad. Grâce au soutien de François Carnot, directeur du musée des Arts décoratifs, les artistes de l’UAM se voient offrir la possibilité d’exposer à « la Coloniale ». Il s’agissait de réaliser la conception du salon d’honneur avec la collaboration de la Sad62. Mais l’UAM venant de refuser de parti- ciper au Salon de la Société, on pouvait s’attendre à ce qu’elle préfère ne pas exposer à la Coloniale plutôt que d’être représen- tée dans la section des Décorateurs. Les artistes de l’UAM souhai- taient présenter intégralement un ensemble, et après avoir con- sulté Francis Jourdain, Robert Mallet-Stevens, René Herbst et Robert Lallemant, le comité de l’UAM informa François Carnot de son regret

UAM BAT 15042018.indd 30 16/04/2018 17:02 de ne pouvoir exposer, puisque les circonstances ne lui permettaient 31 63 pas de réaliser un ensemble indépendant . Pourtant, la Sad qui avait obtenu un crédit de 200 000 francs afin de construire une annexe au pavillon des Beaux-Arts qu’elle était chargée de décorer, acceptait de l’offrir à l’UAM64. En 1931, alors que l’UAM n’a pas de local pour exposer, ses membres préfèrent refuser la proposition de la Sad, par principe, comme le souligne Templier. Et même si ce n’est pas la solution rêvée, ils préfèrent accepter la proposition de la galerie Georges Petit, solution plus raisonnable au goût de Puifor- cat, en attendant l’exposition au pavillon de Marsan en 193265. Ainsi, les membres de l’UAM n’ont donc cessé de vouloir affirmer leur indépendance.

L’UAM responsable de la désunion ?

Pour Maurice Dufrène, en 1931 l’UAM était la seule respon- sable de la désunion66. Celui qui avait défendu les dissidents dès les incidents de la préparation du Salon des artistes décorateurs de 1929 condamne en 1931 leur attitude. Dès les premiers incidents entre « le groupe Mallet-Stevens » et la Sad, Maurice Dufrène prend en effet la défense des dissidents. Lors de l’assemblée générale du 26 mars 192967, il demande à Charles Hairon, premier vice-président de la Société, de s’expliquer au sujet des abstentions au prochain Salon. En 1930, il revient sur la question sensible de la scission du printemps 1929 et, faisant remarquer l’absence de l’assemblée générale traditionnelle lors du Salon de cette même année, il demande à Charles Hairon de s’en expliquer. Selon lui, en effet, l’assemblée a été supprimée parce que le comité a eu des difficultés à donner des explications convain- cantes à propos des démissions68. Par ces deux interventions, Maurice Dufrène tente de mettre au jour les ambiguïtés autour de l’origine de la scission et cherche à révéler la part de responsabilité du comité et du bureau de la Sad. Au printemps 1930, Maurice Dufrène remet finalement sa lettre de démission à André Tardieu, président de la Sad, de même qu’aux trois vice-présidents, Charles Hairon, Henri Rapin et Pierre Montagnac69. Mais, s’il fut l’un des premiers à soutenir les modernes, leur départ un an plus tôt ne fut pas l’unique raison de sa démission. À plusieurs reprises lors des assemblées générales de la Société, Maurice Dufrène n’avait pas hésité à semer le trouble par ses inter- pellations au sujet de l’organisation et de la gestion de la Société70.

UAM BAT 15042018.indd 31 16/04/2018 17:02 À travers ses interventions et les réponses de Charles Hairon, on 32 devine d’ailleurs la relation conflictuelle que pouvaient entretenir les deux hommes. D’autre part, même s’il réfute par la suite l’interpré- tation qui fut faite de sa lettre de démission, il y a porté des accusa- tions de corruption sur les membres du bureau, déclarant que ceux- ci recevaient des avantages matériels ou profits particuliers71. La démission de Maurice Dufrène aurait donc été motivée non seule- ment par les incidents de la préparation du Salon de 1929, mais aussi par diverses pratiques malhonnêtes dont il accuse le bureau de la Sad de se rendre coupable, ainsi que par dissentiment personnel72. Dès le départ de Maurice Dufrène, le comité engage des dé- marches de conciliation. La tâche est confiée à Joseph Hiriart, aidé d’Henri Bouché-Leclercq, Pierre Selmersheim, Henri Favier et Étienne Kohlmann. Mais, s’il remercie le comité pour sa démarche affectueuse, Dufrène préfère rester à l’écart et maintient sa démission73. C’est en définitive en 1931, se disant sensible aux démarches de la Sad, qu’il considère que l’erreur des précédents bureaux est réparée. Les causes de sa démission n’existent plus, il demande sa réintégration à la Société comme membre actif74. Il faut alors noter que, depuis le 10 juillet 1930, Joseph Hiriart occupe le poste de premier vice-pré- sident de la Société en remplacement de Charles Hairon démission- naire. Ce n’est sans doute pas un hasard si Maurice Dufrène, qui a jusqu’ici refusé toute collaboration avec les Décorateurs, demande à réintégrer la Société tandis qu’un nouveau bureau est en place. Cherchant à favoriser la collaboration, Maurice Dufrène avait à plusieurs reprises affirmé ne retourner à la Sad qu’en même temps que les artistes démissionnaires, mais c’est seul qu’il la réintègre en 1931. Il avait pourtant engagé des démarches de conci- liation auprès de Francis Jourdain, mais n’avait pas reçu de réponse favorable75. Soulignant la belle attitude de la Sad, celui qui avait défendu les dissidents de l’UAM dès 1929 condamne à présent leur attitude76. La Sad a fait tout ce qu’elle devait pour réparer ses erreurs et l’UAM est désormais selon lui la seule responsable de la désunion. L’obstination des artistes dissidents à vouloir faire masse à l’intérieur du Salon des artistes décorateurs et à affirmer leur indé- pendance en s’opposant aux tentatives de conciliation de la Sad pose problème quant aux véritables raisons de la scission. Les artistes de l’UAM apparaissent moins comme le groupe des moder- nes contraints à faire sécession parce qu’ils ne sont pas acceptés à la Sad que comme la réunion d’artistes refusant l’ordre établi et se positionnant eux-mêmes en rupture.

UAM BAT 15042018.indd 32 16/04/2018 17:02 33 Les modernes : pourquoi faire bloc ?

Une unité de choc pour affronter la concurrence

La triple présentation de Djo-Bourgeois, René Herbst et Char- lotte Perriand au Salon des artistes décorateurs de 1928 constitue la première tentative de regroupement des modernes. Ernest Tisse- rand reconnaît dans cet ensemble l’association d’artistes que réunit certainement « une parenté intellectuelle », ce qui leur confère « une unité remarquable avec les inflexions personnelles qui font la véri- table originalité77 ». Il apparaît évident qu’une même conception de ce que doit être l’intérieur de leur temps est à l’origine de l’union de ces trois décorateurs, dont l’ensemble est perçu par René Chavance comme « le clair-logis78 » et par Henri Martinie comme la réponse « aux impératifs modernes d’hygiène, de netteté et de simplicité79 ». Au sein du Salon, le groupe fait figure de protestataire. Djo-Bourgeois n’hési- te pas à provoquer en présentant dans son living-room une méca- nique et un davier de dentiste disposé sur une table, marquant ainsi son appartenance à l’époque mécanique du XXe siècle. Démarche à travers laquelle Ernest Tisserand perçoit la volonté de « se moquer du bourgeois qui n’est pas Djo [...] de casser la tête aux Philistins80 ». Mais pour autant, faut-il croire que l’idée de cette présenta- tion groupée a été uniquement motivée par la sympathie que chacun de ces artistes porte au travail des autres ? En réalité, ce regroupement leur permet de faire bloc à l’inté- rieur du Salon et de former ce que Charlotte Perriand nomme « l’unité de choc81 ». Cette présentation groupée, si elle est une sorte de plaidoyer de leur conception de la modernité, est aussi un moyen de défendre des intérêts communs. Les grands décorateurs, les ateliers des grands magasins et les maisons de décoration occu- paient une large place au Salon de 1928 et prenaient les meilleurs emplacements. Disposant de moyens financiers importants pour mener à bien leur présentation, ils ne devaient avoir aucun mal à attirer la clientèle. Alors, bien que leur stand fût placé dans un large coin, leur union permettait à ce groupe d’artistes créateurs indépen- dants de s’imposer face à la concurrence, ce qu’ils n’auraient pu espérer en restant fidèles au principe des stands individuels et des vitrines. Ainsi, leur démarche leur permettait de se distinguer et de s’attirer l’attention des journalistes mais aussi et surtout du visiteur, c’est-à-dire du client.

UAM BAT 15042018.indd 33 16/04/2018 17:02 On comprend alors leur volonté de renouveler la démonstra- 34 tion pour l’année 1929 dans un groupement élargi à une vingtaine d’artistes, placé sous la direction de Mallet-Stevens. Mais, insatis- faits de la proposition qui leur est faite, les modernes démissionnent. Outre l’impossibilité de faire à nouveau masse à l’intérieur du Salon pour défendre leurs intérêts, des raisons purement économiques ont pu les conforter dans leur décision de quitter la Sad.

« En ce temps-là, l’argent ne rentrait pas »

La fin des années vingt ouvre une période d’incertitude éco- nomique et la crise sévit dans l’ameublement et la décoration. À propos des expositions annuelles de la Sad, Ernest Tisserand parle de « publicité collective82 ». Elles étaient pour les artistes un moyen de se faire connaître, mais les obligeaient à déployer des frais impor- tants alors que la période imposait plutôt de réduire les frais géné- raux83. Pour participer au Salon, les artistes sélectionnés devaient en effet payer des droits d’exposition, comprenant un droit de pré- sentation de 10 francs, un droit fixe nominatif de 100 francs dû par tous les participants et un droit proportionnel d’emplacement sur les œuvres exposées, plus ou moins onéreux suivant la catégorie des œuvres et la surface de l’emplacement84. Restaient encore à la charge de l’exposant les frais d’installation intérieure de son stand, les cloisons supplémentaires, l’installation de l’électricité, les assurances85… Un bureau spécial de renseignement pour la vente était organisé par le Salon, mais 10 % étaient prélevés sur le prix des objets vendus, pour frais de service. Dans une période difficile pour les décorateurs, la concurrence reprenait ses droits, et les conditions morales et matérielles dans lesquelles étaient organisées les expositions poussaient même les exposants possibles à s’affranchir du Salon des décorateurs. Jac- ques Adnet, directeur de la Compagnie des arts français, renonce à y participer en 1929 préférant exposer dans ses locaux du fau- bourg Saint-Honoré, lui permettant ainsi de réduire ses dépenses86. Pour les créateurs indépendants, le coût de la participation au Salon était à l’évidence d’autant plus prohibitif. « En ces temps-là, l’argent ne rentrait pas », raconte Charlotte Perriand87. En 1928, son mari, Percy Scholefield, avait entièrement financé la présentation coû- teuse de Djo-Bourgeois, Herbst et elle-même. En 1929, à l’occasion de la présentation d’« Un équipement intérieur d’une habitation » au Salon d’automne, c’est la firme Thonet qui permit à Charlotte

UAM BAT 15042018.indd 34 16/04/2018 17:02 35 Perriand, Le Corbusier et Pierre Jeanneret de faire face aux frais de leur démonstration. Il est donc tout à fait envisageable que les futurs dissidents de la Sad n’aient pas souhaité poursuivre leurs efforts financiers pour participer aux expositions de la Sad, alors qu’ils ne pouvaient se grouper et qu’ils se seraient retrouvés cachés par les puissants décorateurs et les grandes firmes disposant de moyens supérieurs aux leurs. Mais au-delà de l’impossibilité de former une coalition au sein de la Sad, n’est-ce pas en définitive la politique générale du Salon des artistes décorateurs que les modernes remettaient en cause ?

Un refus des règles établies

En quittant la Sad, les modernes échappaient au système de jury et de placement sur lequel reposait l’organisation du Salon, qui ne leur laissait pas la liberté et l’indépendance qu’ils souhaitaient. Dans sa chronique consacrée aux arts décoratifs dans le journal L’Art vivant, Ernest Tisserand fustige très souvent le jury du Salon de la Sad. Selon lui, les décisions du jury ne sont pas unique- ment motivées par des critères esthétiques mais aussi par des affinités ou des rivalités personnelles ; et la Sad est contrôlée par des personnes puissantes faisant la loi à leur usage et à leur profit. Ainsi, il voit « une certaine paresse du jury à l’endroit des amis, paresse que compense si peu élégamment une redoutable férocité à l’endroit des autres88 ». Et même lorsque le jury est bien composé, « il risque de suivre un avis perfide et de refuser des œu- vres excellentes89 ». En 1928, lorsque Tisserand félicite le jury d’avoir admis « des débutants ou de jeunes maisons qui n’avaient pour eux que leur talent et leur enthousiasme90 », on devine qu’il entend par-là que la Sad avait pour habitude de favoriser les décorateurs confir- més ayant déjà gagné les faveurs du public. C’est ainsi, que selon lui, les « pontes » de l’art décoratif luxueux « prennent les meilleures places et s’y étalent91 ». À l’inverse, beaucoup de jeunes artistes seraient refusés et ceux admis seraient victimes d’une foule de brimades92. Aussi, Tisserand évoque les méthodes auxquelles se livrent les exposants en vitrine, qui, à la recherche des meilleures places, ne respectent pas les emplacements initiaux et pratiquent ce qu’il appelle le « ôte-toi d’ici que je m’y mette ». D’autres artistes ver- raient leurs stands placés dans un cul-de-sac, comme Djo-Bourgeois à côté de Leleu en 1927.

UAM BAT 15042018.indd 35 16/04/2018 17:02 À ces accusations, les Décorateurs répondront que « le jury 36 des Artistes décorateurs est tiré au sort chaque année par roule- ment et qu’il remplit ses fonctions en toute indépendance et sans aucun parti pris93 ». Nous ne sommes pas en mesure de confirmer la véracité des accusations de Tisserand, principal dénonciateur des manœuvres douteuses qui auraient lieu à la Sad lors des exposi- tions. D’autre part, ses critiques quant aux sélections du jury doivent être prises en compte mais relativisées du fait de leur entière sub- jectivité. En revanche, il est certain que les conditions d’admission et les droits des sociétaires fixés par le règlement du Salon des déco- rateurs étaient stricts et réservaient à la commission d’organisation les pleins pouvoirs. Un jury était désigné avant chaque exposition. Il était com- posé des membres de la commission d’organisation de l’exposition, c’est-à-dire des membres du bureau et des artistes et architectes délégués à l’installation, ainsi que de douze adhérents tirés au sort parmi les membres actifs de la société exempts du jury. Toutes les œuvres, ensembles et vitrines devaient être soumis à l’examen du jury. À la suite des admissions, la commission se gardait le droit de faire exécuter toute modification d’installation jugée nécessaire pour la bonne présentation des œuvres, et de retirer toute œuvre ou ensemble qui n’était pas conforme aux projets présentés ou qui n’aurait pas été soumis à leur examen. Les vitrines, qui par leur style, leur forme ou leurs dimensions étaient nuisibles à la bonne présentation de l’exposition, étaient refusées, et l’exposant devait accepter le placement de ses œuvres par la commission. La com- mission d’organisation avait le pouvoir le plus absolu concernant la direction esthétique du Salon et la distribution des emplacements et veillait à ce que les artistes se plient strictement aux conditions d’admission et d’exposition fixées par le règlement. Le comité fixait aussi la surface maximale qui pouvait être accordée à un même expo- sant, ainsi que le nombre d’œuvres qu’il pouvait présenter dans la catégorie dans laquelle il s’était inscrit. Cependant, pour les mem- bres exempts du jury, les œuvres étaient directement admises aux Salons ultérieurs, et l’exposant n’était pas limité par le nombre d’œu- vres qu’il pouvait présenter dans la catégorie pour laquelle l’exemp- tion lui avait été décernée. Il paraît alors évident que le système sur lequel reposait l’orga- nisation du Salon laissait peu de liberté aux artistes. Leur acceptation au Salon de même que leur emplacement dépendaient de la compo- sition du jury, des orientations esthétiques qu’il souhaitait donner à l’exposition mais aussi de son « objectivité ». Sans que l’on puisse véritablement parler de brimades ou de manœuvres douteuses,

UAM BAT 15042018.indd 36 16/04/2018 17:02 37 comme le fait Ernest Tisserand, on peut imaginer qu’il était plus facile pour un décorateur à la renommée acquise que pour un jeune artiste d’obtenir la confiance de la commission et d’acquérir un bel emplacement au Salon ou de se voir décerner une exemption du jury. Ce système devait manifestement susciter plus de rivalités et de conflits d’intérêts que l’union et la solidarité entre artistes. Il est alors envisageable que ce soit finalement tout le système sur lequel reposait l’organisation du Salon des artistes décorateurs que les dissidents remettaient en cause. L’absence de jury d’admission pour les expositions de l’UAM semble confirmer cette hypothèse. Tout artiste nommé membre actif de l’UAM, après avoir été pré- senté par deux membres actifs et reçu à l’unanimité des membres actifs moins deux voix, peut participer à l’exposition annuelle. Ainsi, les membres de l’UAM s’opposent à tout système qui donnerait les pleins pouvoirs à un comité restreint et s’attachent à étendre les pouvoirs de décision à l’ensemble des membres de l’association. Lorsqu’en 1931, les artistes de l’UAM qui furent membres de la Sad sont invités à réintégrer la Société et à participer à son Salon annuel, il leur apparaît impossible d’accepter cette proposition à moins que la Sad ne change ses méthodes générales94. L’idée d’exposer exempt du jury et dans une section à part95 révèle bien l’opposition de ces artistes au système de commission d’exa- men et leur refus d’être contraints par l’autorité de la commission d’organisation quant à l’installation générale du Salon96. Il est plus juste d’envisager que la rupture de 1929 soit tout compte fait une réaction à la politique générale de la Sad : refusant l’ordre établi, les modernes s’en vont, créent l’UAM et se donnent ainsi les moyens de défendre leurs intérêts et leurs idées en toute liberté. Comme le préfigurait « l’unité de choc » en 1928, l’UAM appa- raît entre autres comme un moyen de faire bloc pour être plus fort face à la concurrence des grands magasins, « lesquels à coups de millions ayant institué le faubourg Saint-Antoine de l’art moderne, menacent d’étouffer l’artisanat créateur97 », d’imposer leur concep- tion de la modernité et de convaincre les acheteurs. La position de Charles Hairon à propos du départ des moder- nes mérite donc d’être reconsidérée. Selon lui, « la véritable raison de la rupture est que ces dissidents voulaient se grouper par affinités esthétiques, entre artistes sympathisants, afin d’opposer un bloc à celui des grandes firmes, qui, disposant de moyens puissants, font concurrence aux architectes et ensembliers isolés98 ». Jusqu’ici igno- rée ou écartée, cette thèse doit aujourd’hui être prise en compte dans l’étude de la scission Sad-UAM.

UAM BAT 15042018.indd 37 16/04/2018 17:02 Sans que cela soit contestable, l’UAM ne pourrait-elle pas 38 être une association dont le but était avant tout de défendre les intérêts des artistes créateurs modernes ? La question trouve peut- être une réponse dans une lettre de Raymond Templier à Jean Puiforcat au sujet de l’exposition « La Décoration française con- temporaine ». Templier lui reproche d’y avoir participé car, selon lui, il s’agit d’un regroupement de copistes et Puiforcat n’avait pas sa place parmi eux en leur donnant ainsi la consécration d’être en sa compagnie99.

Les orientations de la Sad en 1929

Les dissidents et la presse progressiste ont à plusieurs reprises condamné la Sad de s’être détournée de ses buts d’origine. Fondée en 1901 pour favoriser l’innovation dans les arts déco- ratifs, protéger les droits artistiques des artistes décorateurs et mé- nager un Salon spécial pour les arts décoratifs jusque-là relégués dans les arrière-salles des expositions de peinture et de sculpture, la Sad serait devenue à la fin des années vingt un groupe institu- tionnel. Son Salon se serait transformé en un conservatoire présen- tant des formules traditionnelles et luxueuses déterminées par des intérêts commerciaux, au lieu d’encourager l’innovation et une colla- boration avec les industriels qui aurait permis d’atteindre un plus vaste public.

Un Salon officiel

Francis Jourdain blâme les Décorateurs pour avoir choisi la voie officielle afin de défendre leurs intérêts100. En effet, lorsqu’en 1922 la Sad doit se trouver un nouveau président alors qu’elle ne dispose plus de locaux pour son Salon et qu’elle est presque sans ressource101, les membres de son nouveau bureau, Charles Hairon, Louis Follot, Henri Rapin, Léon Bouchet et Laurent Malclès, conscients de l’appui qu’ils pourraient trouver auprès d’une personnalité politique, offrent la présidence de la Société à Maurice Bokanowski102. Les six années de son man- dat furent pour les Décorateurs « une des périodes les plus belles et les plus actives », celle « de leurs meilleures joies et de leurs plus

UAM BAT 15042018.indd 38 16/04/2018 17:02 39 belles conquêtes103 ». Fortement soutenus par leur président, ils lui étaient redevables d’avoir obtenu la place d’honneur à l’Exposition de 1925104 et, suite à ce succès artistique et financier, une place honorable au Grand Palais pour leur Salon annuel. L’influence de la Société grandissait ; reconnue d’utilité publique en juin 1924 par le président Gaston Doumergue, elle voit « le nombre de ses adhé- rents augmenter dans des proportions remarquables, le nombre des visiteurs du Salon passer de vingt à cent mille et les disponibi- lités atteindre 300 000 francs105 ». À la mort de Maurice Bokanowski en septembre 1928, les artistes de la Sad, conscients que d’avoir eu à leur tête une person- nalité politique avait été un appui précieux pour la défense de leurs intérêts auprès de l’administration, émirent le vœu de choisir leur nouveau président parmi les hommes d’État. Leur choix se porta ainsi sur André Tardieu106, qui bien qu’occupé par ses fonctions offi- cielles, accepta d’apporter son soutien actif à la Sad107. L’homme est un mondain, issu de la grande bourgeoisie pari- sienne, d’une famille de médecins et de juristes, mais aussi de gra- veurs et d’artistes habitués de l’Académie des beaux-arts et de l’Institut de France. Au moment où il prend la présidence de la Sad en 1929, il est depuis 1926 député du vieux fief radical de Belfort, et avait fait partie du cabinet d’union nationale de Poincaré au minis- tère des Travaux publics108, avant d’être nommé au ministère de l’Inté- rieur en novembre 1928. Après la démission de Poincaré en juillet 1929, il est appelé par Gaston Doumergue le 1er novembre 1929 pour prendre la présidence du Conseil. Tardieu est un homme de centre droit, progressiste, représentant de la grande industrie et de la haute finance, proche des idées néocapitalistes, qui s’oppose aux théories marxistes. Il fustige la gauche socialiste qu’il accuse de défaitisme actif et de communisme latent, critique l’embrigadement des partis de gauche dont il ne comprend pas la vie militante. De son côté, la gauche socialiste manifeste une exclusive contre sa personne, et Léon Blum, dans un article paru dans Le Populaire le 6 mai 1930, le qua- lifie de « reflet et d’instrument du néocapitalisme ». Il inspire le mépris et la répulsion dans la presse de gauche qui l’attaque pour sa poli- tique de prospérité et sa collusion avec les milieux de l’argent109. Tout sépare le nouveau président de la Sad des dissidents de l’UAM. La politique qu’il mène, sa culture classique, mais aussi son goût pour le travail de Jacques-Émile Ruhlmann110 étaient en totale contradiction avec les idéaux sociaux, politiques et artistiques des modernes. Avec l’arrivée de Tardieu, la Sad confirmait la voie officielle dans laquelle elle s’était engagée en 1922. La composition de son

UAM BAT 15042018.indd 39 16/04/2018 17:02 comité de patronage est un autre témoin de la caution gouverne- 40 mentale qu’elle recevait. Y figurent le président de la République, le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts et le ministre du Commerce, de l’Industrie, des Postes et des Télégraphes, ainsi que plusieurs personnalités politiques et conservateurs de musées111 . En choisissant un homme d’État comme président et en atti- rant dans son comité de patronage les personnalités les plus influ- entes du monde politique et artistique de l’époque, les Décorateurs s’assuraient un soutien auprès de l’administration avec laquelle ils entretenaient des relations privilégiées, motivées par leur intérêt commun pour la défense de l’art français et des industries de luxe. Aux expositions étrangères, la Sad tenait à présenter les produits les plus artistiques des industries de luxe françaises dans le but d’entretenir le prestige des arts décoratifs nationaux et de développer des échanges commerciaux avec les autres pays112 . Elle défendait ainsi les intérêts de ses créateurs face à la menace que représentait pour eux le style international, ce qu’exprime clairement son vice-président Charles Hairon dans un discours prononcé à la Sad au printemps 1929 : « Les échanges littéraires et artistiques de nation à nation créent des besoins nouveaux, l’industrie veut et doit les satisfaire, mais alors que certains pays, et non les moindres, sollicitent comme une faveur la priorité et l’exclusivité de nos modè- les, d’autres nous pillent sans vergogne. Il en est d’autres qui tout en revendiquant par ailleurs des frontières économiques nettement délimitées, en rapport avec leur origine historique et leur culture ancestrale, veulent nous imposer un style international. Une telle suprématie serait fatale aux nations et aux artistes dont l’art n’aurait pas conservé l’empreinte d’une belle race et d’une forte personna- lité113 . » L’inquiétude que manifeste Charles Hairon trouve son écho dans les propos tenus en janvier 1930 par André François-Poncet, secrétaire d’État aux Beaux-Arts, membre du comité de patronage de la Sad, qui se pose explicitement en haut défenseur de l’artisa- nat et de la tradition française, cautionnant ainsi les Décorateurs114 . Les pouvoirs publics avaient en effet compris le rôle impor- tant que jouaient les arts décoratifs, et ce dès l’Exposition de 1925. À cette occasion, le ministère des Beaux-Arts avait financé la con- ception et la décoration du pavillon de la Sad, ensemble destiné à une ambassade française. La présentation luxueuse des Décora- teurs fut un immense succès artistique et économique, que salua le sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts Pierre Rameil, dans son discours prononcé lors du banquet offert au Lutetia en l’hon- neur des Décorateurs115 . Instrument de propagande de la France et de ses produits de luxe, les expositions de la Sad à l’étranger

UAM BAT 15042018.indd 40 16/04/2018 17:02 41 obtenaient des subventions de l’État. En 1928, la Sad exposa à Tokyo, participation entièrement financée par M. d’Oelnitz, attaché commercial auprès de l’ambassade de France116 . La même année, le ministre des Affaires étrangères, donnant des conférences à l’étranger, s’adressa à la Sad pour lui fournir des photographies et tout autre document pouvant lui être utile dans son action de propagande117 . Les Décorateurs contribuaient au prestige du pays et, soute- nant les industries de luxe, ils étaient des acteurs importants du commerce français et par là même de la restructuration de l’éco- nomie nationale. Leur importance pour la défense des intérêts nationaux aussi bien artistiques que culturels, nationalistes ou éco- nomiques, leur avait fait gagner la reconnaissance et le soutien de l’administration. Ils pouvaient alors espérer obtenir des commandes publiques, et le choix du thème du Salon de la Sad de 1930, « Une partie de la Maison de France à l’étranger, consacrée à la diffu- sion de l’art français et des industries de luxe », fut ainsi clairement déterminé par la déclaration du ministère des Affaires étrangères, annonçant l’éventualité d’achat, d’aménagement et d’ameublement d’hôtels diplomatiques à Prague, Luxembourg, Copenhague et San- tiago du Chili118 . La volonté de la Sad de répondre à un programme public visant au rayonnement de la France à l’étranger révèle la communauté d’intérêts qui existe entre l’association et l’État à la fin des années vingt. D’autre part, pour ce Salon de 1930, l’invitation des Allemands du Werkbund ne se concrétisa qu’après l’approba- tion du ministère des Affaires étrangères et du ministère de l’Ins- truction publique et des Beaux-Arts, et la Sad se vit promettre une subvention de l’administration119 . Ainsi se confirme l’alliance des Décorateurs et de l’État pour la défense de la position française sur la scène internationale, et le Salon de 1930, « gros effort de propa- gande nationale120 », prend une allure clairement officielle. À la fin des années vingt, la Sad entendait bien se mainte- nir dans la voie officielle qu’elle avait choisie dès 1922 en offrant sa présidence à Maurice Bokanowski. La reconnaissance officielle dont elle bénéficiait lui assurait un appui puissant pour la défense de ses intérêts de plus en plus menacés par l’internationalisme et l’incertitude économique mondiale.

UAM BAT 15042018.indd 41 16/04/2018 17:02 La Sad et les industriels 42

À la fin des années vingt, la Sad doit faire face à des difficultés liées à l’évolution des arts appliqués. Ce que Charles Hairon rappelle dans un discours prononcé en 1929 : « Les industriels tributaires de nos créations sont aujourd’hui en pleine renaissance, mais pourtant plus qu’hier, il nous faut veiller à ce que les auteurs véritables de cette prospérité conservent la place due à leur talent et le bénéfice moral et matériel que l’on tend de plus en plus à leur disputer121. » En effet, en juin 1928 avait été annoncée pour le début de l’année 1929 l’ouverture de l’exposition « La Décoration française contemporaine », réservée aux industriels. À cette annonce, le comité de la Sad décide que ses sociétaires à la fois artistes et éditeurs ne pouvaient participer aux deux manifestations et qu’ils devaient faire un choix122. Léon Bouchet, vice-président de la Sad, et Pierre Selmersheim, architecte du Salon, démissionnent du comité de la Décoration contemporaine, confirmant la rupture entre la Sad et les industriels. Le nouveau règlement du Salon de 1929 est annoncé lors de l’assemblée générale du 7 juillet 1929 : «Le Salon est ouvert à tous les créateurs, membres ou non de la Société, à condition toutefois qu’ils ne participent pas également aux expositions réser- vées aux industriels123 », « cette restriction ne concernant que les artistes qui participeraient en qualité d’exposant principal, c’est-à- dire en titre, à une exposition industrielle ; elle ne s’applique nulle- ment au créateur qui doit être mentionné en sous-titre quand il est l’auteur de l’œuvre exposée par l’éditeur124 ». D’autre part, afin de se distinguer notoirement des industriels, la Sad décide de ne participer officiellement qu’aux expositions comprenant une section beaux-arts pour être rattachée à celle-ci. Ainsi, la Société tentait de défendre les intérêts profession- nels des artistes décorateurs face à la menace de concurrence que représentaient les maisons du faubourg Saint-Antoine, récemment converties à l’art moderne125 et regroupées au sein de l’exposition « La Décoration française contemporaine ». La position de la Sad lui fut reprochée car elle semblait ne plus s’intéresser à une colla- boration avec les industriels et les commerçants pour une diffusion des arts décoratifs vers un large public, et s’éloigner de son ambi- tion de relèvement des arts appliqués. Son comité avait préféré répondre à son devoir de défense des intérêts collectifs et privés des créateurs de modèles126, et selon Charles Hairon le départ des dissidents au moment où les artistes avaient le plus besoin d’être défendus était regrettable127.

UAM BAT 15042018.indd 42 16/04/2018 17:02 43 À la fin des années vingt, la Sad n’est pas fondamentale- ment en contradiction avec les buts qu’elle s’était proposés à ses débuts. Elle est devenue un organisme puissant, où « chacun dans la limite de ses droits pourra trouver des avantages légitimes128 », et organise des expositions d’arts décoratifs en France et à l’étranger pour faire connaître ses artistes. Sa priorité reste la défense des droits et des intérêts des créateurs de modèles, et il est certain que pour répondre à cet engagement elle a dû abandonner certains de ses idéaux en empruntant la voie officielle. Cette alliance avec les pouvoirs publics pour la défense des intérêts nationaux artis- tiques et économiques est, on le devine, apparue immorale aux artistes les plus engagés, tel Francis Jourdain, qui depuis plusieurs années entendaient créer un art social et démocratique.

La Sad et l’art moderne

Le divorce entre les Décorateurs et l’UAM est souvent justi- fié par l’idée selon laquelle la Sad serait devenue un conservatoire hermétique aux idées modernes. Selon Francis Jourdain, les propo- sitions du Salon de 1928 ne sont que la vulgarisation du style moderne. Si les artistes s’attachent à épurer leurs formes et à employer le verre et le métal, ils ne font selon lui que simuler la nouveauté et développent des formules luxueuses s’adressant à une riche clientèle, au lieu de répondre aux besoins nouveaux du plus grand nombre. Charlotte Perriand perçoit son groupe comme l’avant-garde se détachant du ronron129 et rejoint ainsi les idées de la presse progressiste pour qui le départ des dissidents en 1929 est perçu comme la fin de l’innovation à la Sad. Il faut observer les propositions des décorateurs fidèles à la Sad pour venir nuancer ces propos. À cela s’ajoutent des faits majeurs venant relativiser cette interprétation de la rupture : la fidélité de Djo-Bourgeois à la Sad et surtout l’exposition du Werkbund en 1930. Depuis 1925, la Sad avait nous l’avons dit obtenu la recon- naissance officielle qu’elle cherchait. Ses adhérents étaient de plus en plus nombreux d’année en année, et les participants au Salon allaient en augmentant. Chaque année, les ensembles présentés se multipliaient : trente en 1927, quarante-cinq en 1928 et cinquante- cinq en 1929130. Le nombre de visiteurs grossissait, et c’est avec fierté qu’à la suite du Salon de 1929 le secrétaire général Géo Lamothe pouvait annoncer à l’assemblée que le Salon avait définitivement conquis le public131. Aussi, la situation financière de la Société

UAM BAT 15042018.indd 43 16/04/2018 17:02 connaissait une amélioration certaine au fil des années, et en 1930, 44 au moment de justifier la politique passée du bureau, Charles Hairon rappelle qu’il avait pris la société avec 30 000 francs de dettes et qu’il la laissait avec un actif de 611 113 francs132. La Société s’était enrichie et agrandie, elle était devenue une association puissante et influente, et ses Salons avaient conquis le public. Mais, selon les dissidents, cela s’était fait au détriment de la qualité : au Salon des artistes décorateurs, la quantité avait remplacé la qualité133. Les Salons de la Sad étaient hétérogènes, diverses tendances esthétiques s’y retrouvaient, allant des plus traditionnelles aux plus modernes, ce qui fera dire à Charlotte Perriand qu’il s’y mêlait « le pire et sans fausse modestie le meilleur134 ». Pourtant, on ne peut parler d’une perte d’innovation, ni com- parer la Sad à un conservatoire. En 1928, plusieurs créateurs, à travers des programmes variés, proposent des solutions innovantes, transformant l’aménagement intérieur en tentant de répondre aux problèmes d’espace, de range- ment, de confort et de logique. C’est ainsi que le bureau-bibliothèque d’Eugène Printz répond à ces problématiques tout en restant dans une veine élégante et luxueuse de la décoration. Les ateliers des grands magasins proposent eux aussi des solutions nouvelles et orientent leur travail vers des recherches pratiques et la générali- sation de l’emploi du métal, utilisé comme élément constructif et décoratif de leur mobilier. Maurice Dufrène présente une maison commune éditée par la Maîtrise des Galeries Lafayette, ensemble qui se veut fonctionnel et économique. Les formes sobres et géo- métriques caractérisent aussi bien les orientations du mobilier que des verreries, dinanderies, céramiques et autres disciplines. Il suffit pour cela d’observer les verreries de François Décorchemont ou les dinanderies de Jean Dunand. Les créations de la maison Mauboussin, dans lesquelles Tisserand reconnaît une « sensibilité toute moderne, ranimant un art de pure tradition135 », appartiennent à la même veine que celles présentées par Sandoz et Fouquet dans les vitrines du living-room de Djo-Bourgeois. Il faudrait encore mentionner les sièges en tôle emboutie de René Prou réalisés par Labormétal ou ceux en Duralumin qu’il conçoit avec la société Studal, les luminaires en tube de Jacques et Jean Adnet et leurs meubles en dalle de verre produits avec la firme Saint-Gobain pour montrer que les recherches techniques autour des nouveaux matériaux et procédés industriels ne sont pas l’exclusive des membres de l’UAM. Ainsi, on le comprend, l’appartenance ou la non-appartenance à l’un ou l’autre des groupements ne peut suffire à déterminer la modernité d’un artiste. L’étude de l’œuvre de Jacques Adnet, Michel Dufet,

UAM BAT 15042018.indd 44 16/04/2018 17:02 45 Eugène Printz ou encore de Jean Royère souligne par ailleurs l’actua- lité des recherches de ces créateurs bien au-delà de 1930. Alors que les artistes du « groupe Mallet-Stevens » avaient tous quitté la Sad et s’étaient rassemblés pour fonder l’UAM, Djo- Bourgeois, bien qu’il fût l’un des principaux instigateurs de la nou- velle Union, resta fidèle aux Décorateurs. Il sera à nouveau membre du comité de la Sad et continuera à participer au Salon entre 1929 et 1932, ainsi qu’en 1936 et 1937. Le choix de Djo-Bourgeois de ne pas prendre part à l’UAM n’en fait pas pour autant un exclu du mouvement moderne. Aux côtés des membres de l’UAM, il participe au début des années trente à plusieurs manifestations qui font incontestablement de lui un représentant du courant moderne. Il est en effet en 1929 respon- sable de l’élaboration des cinq volumes du portfolio Répertoire du goût moderne édité par Albert Lévy, qui a pour objectif de diffuser les créations modernes en présentant différents projets « d’artistes les plus représentatifs du mouvement d’art moderne136 », « pour tous ceux qui veulent vivre en accord avec leur temps137 ». En 1932, il fait partie du comité de patronage de la revue L’Architecture d’aujour- d’hui, créée en 1930 par André Bloc, et se trouve ainsi à nouveau aux côtés de Mallet-Stevens, Francis Jourdain, Jean Badovici ou encore André Lurçat. Parallèlement à sa participation à des publica- tions visant à diffuser les idées des modernes, son nom se retrouve associé à deux réalisations résolument modernes de ce début des années trente. Il participe tout d’abord avec Pierre Chareau, Charlotte Perriand, Francis Jourdain, Louis Sognot et Charlotte Alix, Robert Mallet-Stevens et les frères Martel, tous membres de l’UAM, à l’amé- nagement du journal La Semaine à Paris achevé en 1930. La même année, une table en métal et verre de Djo-Bourgeois fait partie d’un ensemble d’œuvres de créateurs modernes choisies pour le palais de Manik Bagh commandé à l’architecte Eckart Muthesius par le maharaja d’Indore. En 1935, il confirme son engagement dans le mouvement moderne en prenant part à la « Galerie des décorateurs », exposition collective organisée par Pierre Chareau et René Herbst au Salon des arts ménagers138. Ainsi la position de Djo-Bourgeois vient-elle nuancer la thèse selon laquelle les modernes étaient exclus de la Sad et tend à mettre en évidence leur obstination à refuser tout compromis. Elle incite également à repenser l’idée d’une rupture entre les anciens de la Sad et les modernes de l’UAM.

UAM BAT 15042018.indd 45 16/04/2018 17:02 Le « boarding house » 46 du Deutscher Werkbund

Pour son Salon annuel de 1930, la Sad invite le Deutscher Werkbund à se joindre à elle. L’exposition ayant lieu peu de temps après la rupture au sein de la Sad et la création de l’UAM, certains s’empressèrent de voir là un sursaut des Décorateurs, dont l’impul- sion aurait été donnée par les incidents de 1929. Ainsi, Charlotte Per- riand écrit : « Notre turbulence du printemps 1929 avait dû secouer et en même temps réveiller le comité du Salon des artistes décora- teurs car, en 1930, il organisa une vaste manifestation de l’art con- temporain en invitant à Paris la Deutscher Werkbund, l’avant-garde allemande139. » Cependant, elle semble ignorer que, dès 1928, la Sad envisage d’inviter les Allemands à participer à son Salon annuel. En effet, en juin 1928140, le docteur Grault, directeur du musée Grassi de Leipzig et organisateur d’une exposition en 1927 à la- quelle fut invitée la Sad, avait par une lettre adressée au directeur des Beaux-Arts émis le souhait d’organiser une exposition d’art déco- ratif allemand à Paris, si la Sad les y conviait141. Conscient que l’invitation de décorateurs allemands était une question sensible qui dépassait le cadre de la Sad, le bureau des Décorateurs, avant d’engager toute démarche, demanda l’approba- tion des autorités directement ou indirectement concernées. Aucun des ministères consultés, Affaires étrangères, Instruction publique et Beaux-Arts, ne s’opposant à cette invitation, la Sad put enfin convier le Werkbund à participer à son exposition annuelle. Il restait une difficulté pour la Sad : elle n’entendait pas réduire son espace d’exposition pour permettre aux Allemands de se joindre à elle. Elle tenta alors d’agrandir ses locaux habituels en engageant des pourparlers avec la Société des artistes français et la Société nationale des beaux-arts. N’obtenant pas satisfaction et souhaitant par ailleurs faire de gros efforts pour rivaliser avec l’exposition allemande, les organisateurs reportèrent l’invitation à l’année suivante. Les Allemands qui participaient déjà à l’Exposi- tion internationale de Barcelone de 1929, et préféraient s’y consa- crer pleinement, ne virent pas d’inconvénient à remettre leur venue au Salon des décorateurs de 1930142. Par une lettre du 7 mai 1929143, le Werkbund fut officielle- ment invité à prendre part au Salon annuel de la Sad, du 8 mai au 10 juillet 1930. Alors que le docteur Grault et Paul Bruno, architecte, vinrent visiter le XIXe Salon de la Sad afin de prendre connais- sance des locaux qui leur étaient destinés, le Deutscher Werkbund

UAM BAT 15042018.indd 46 16/04/2018 17:02 47 s’assurait le soutien financier du gouvernement allemand afin de mener à bien sa participation à l’exposition. Il se vit ainsi accorder une subvention de 150 000 marks, et le président du Deutscher Werk- bund put alors répondre favorablement à l’invitation de la Sad le 22 juillet 1929144. Ainsi, contrairement à ce que laisse entendre Charlotte Per- riand, les « turbulences » des dissidents de 1929 ne sont en rien à l’origine de l’invitation du Deutscher Werkbund au XXe Salon de la Sad. Les pourparlers ont débuté dès juin 1928 et tout était conclu au printemps 1929. La participation du Werkbund au Salon de la Sad est un évé- nement doublement exceptionnel, puisqu’il s’agit de la première invitation d’artistes étrangers au Salon de la Société et que, depuis la Grande Guerre, l’Allemagne avait été écartée de toute manifesta- tion officielle française145. À cette occasion, les Allemands du Werkbund bénéficièrent de la plus grande autonomie au sein de l’exposition, se voyant offrir une section autonome, leur propre catalogue et leur propre affiche. Le comité d’exposition du Werkbund confia sa direction artistique au professeur Walter Gropius, qui s’entoura de ses premiers colla- borateurs du Bauhaus, Marcel Breuer, Herbert Bayer et László Moholy-Nagy. Le thème retenu par les artistes allemands était un « boarding house » de dix étages dont la structure était conçue par Gropius et les aménagements intérieurs par Breuer et Bayer. Il s’agis- sait dans cet ensemble de proposer un espace d’habitation collectif, partagé entre espaces communs et appartements privés. Gropius conçut l’espace collectif, regroupant une salle commune, une galerie- bibliothèque et des cellules permettant de s’isoler pour écouter de la musique, jouer aux cartes ou lire. Breuer aménagea un appartement modèle, sobre et fonctionnel, composé d’un bureau et de deux cham- bres, séparées par une cuisine et une salle de bains. À ces espaces d’habitation devaient s’ajouter un gymnase et une piscine. Dans une autre section, Moholy-Nagy et Breuer présentèrent des chaises en bois courbé et tube d’acier, de même que des objets de série témoi- gnant de la volonté du Werkbund d’unir esthétisme et fabrication industrielle. Un dernier espace était réservé aux photographies et maquettes d’anciens projets du Werkbund et du Bauhaus. La section allemande, qui se voulait la manifestation de « l’es- prit nouveau des créateurs de formes de l’Allemagne contempo- raine146 », proposait ainsi un modèle idéal d’habitation collective, ima- giné de son plan d’ensemble jusque dans son aménagement intérieur et son mobilier. En utilisant les possibilités offertes par les nouveaux matériaux issus de l’industrie et les découvertes hygiénistes, les

UAM BAT 15042018.indd 47 16/04/2018 17:02 Allemands présentaient un ensemble sobre et dépouillé, répondant 48 à leurs préoccupations pratiques, hygiéniques et économiques. Le « boarding house » répondait à un certain style de vie motivé par des préoccupations sociales et économiques. Par son thème, la section française affichait des préoccupa- tions différentes de celles des Allemands du Werkbund. Il s’agissait d’« une partie de la Maison de France à l’étranger, consacrée à l’expo- sition et à la diffusion de l’art français et des industries de luxe147 ». Le caractère théâtral et luxueux de la présentation française contras- tait avec la sobriété des installations allemandes, tout comme le principe des stands individuels s’opposait à l’unité de la présentation des invités. Le thème choisi était plus indicatif qu’absolu148, et l’on trouvait à l’intérieur de la section française des ensembles variés, tels que des appartements et des salles de réception pour les ambas- sades, mais également des bureaux de renseignements et centres d’informations touristiques et autres projets destinés à des services administratifs149. Les tendances esthétiques étaient elles aussi très variées, et si les ensembles luxueux inscrits dans une tradotion fran- çaise et mettant en valeur un savoir-faire artisanal étaient les plus nombreux, d’autres plus contemporains témoignaient de l’ouverture de la Sad aux nouvelles recherches esthétiques de l’époque. Ainsi, la présentation française, par l’extrême variété des ensembles expo- sés et la diversité des tendances esthétiques, attestait de la grande hétérogénéité des membres de la Sad. La Sad de 1930 prend ainsi des allures de confrontations culturelles. La comparaison entre les présentations française et allemande met en évidence deux tendances esthétiques différentes, tout comme deux conceptions opposées du rôle de l’artiste et de l’orientation des arts décoratifs. Cependant, du fait même de cette confrontation, le XXe Salon des artistes décorateurs montre aussi l’ouverture de la Sad aux recherches étrangères autour de l’habi- tat collectif et économique. Ainsi, Charles Hairon, dans son intro- duction au catalogue de la section allemande, peut-il souligner tout l’intérêt pour le public de découvrir des œuvres d’artistes de forma- tions différentes, et pour les créateurs de confronter leurs œuvres à ce qui se fait ailleurs, tout en indiquant que « la sympathie que l’on éprouve pour les idées des autres n’oblige pas à changer de personnalité. En art comme en d’autres domaines, la comparaison est utile au progrès150 ». La thèse actuelle justifiant la rupture Sad-UAM stipule que « les modernes » quittent la Sad pour échapper aux brimades et à l’intransigeance de la Société, hermétique aux idées modernes. Cette thèse, faisant de la rupture une scission entre anciens et

UAM BAT 15042018.indd 48 16/04/2018 17:02 49 modernes, se révèle celle voulue par les dissidents, soutenus par la presse progressiste de l’époque, et peut sur certains points être contradictoire aujourd’hui. Les modernes se placent eux-mêmes en rupture et l’UAM s’avère un « instrument de combat151 » permettant aux dissidents de défendre leurs intérêts et leur conception de la modernité. Refusant toute conciliation, ils entretiennent cette idée de divorce qui leur permettait de se démarquer et de s’imposer en faisant de 1929 un moment décisif : celui de la scission entre les traditionalistes de la Sad tournés vers le passé et la jeune et dynamique UAM résolu- ment de son temps. L’étude des premières années de l’UAM présente donc plu- sieurs contradictions et oppositions au sein même de l’association, qui tendent à relativiser elles aussi la thèse d’une simple rupture entre tradition et modernité.

UAM BAT 15042018.indd 49 16/04/2018 17:02 L’UAM, 50 groupement d’idées ou d’intérêts ?

UAM BAT 15042018.indd 50 16/04/2018 17:02 51 Raisons d’être et buts de la nouvelle Union

Des artistes en sympathie de tendance et d’esprit

Suite à leur départ de la Sad, les dissidents se regroupent et fondent une nouvelle Union. Ils choisissent d’abord de prendre comme nom « Les Artistes associés », en référence directe à l’association des cinéastes américains, Mary Pickford, Douglas Fairbanks, David W. Griffith et Charlie Chaplin, unis en 1919 afin de produire, éditer et diffuser leurs films en toute liberté152. La référence n’est pas anodine, et sans doute pour éviter tout malentendu, l’association créée offi- ciellement par l’assemblée constitutive du 15 mai 1929 prend finale- ment le nom d’Union des artistes modernes. Si les statuts de l’UAM, établis le 31 mai 1929, définissent clai- rement les modalités de fonctionnement de l’association, les inten- tions du nouveau groupement restent floues : « L’association dite “UNION des ARTISTES MODERNES” a pour but de grouper des artistes en sympathie de tendances et d’esprit, de rassembler leurs efforts ou d’en assurer la manifestation au moyen d’une exposition internationale annuelle à Paris et d’un bulletin de propagande153. » La première déclaration publique de l’Union est une note adressée à la presse censée éclairer le public et les journalistes sur les raisons de la rupture avec la Sad et sur l’identité de la nouvelle association : « En réaction contre les Salons comprenant trop d’expo- sants de tendances et de qualités trop différentes, un groupe d’Artis- tes a fondé l’Union des Artistes Modernes ; groupe composé comme l’indiquent leurs statuts : d’artistes créateurs en sympathie de ten- dances et d’esprit non pas CHAPELLE ou CÉNACLE mais INDIVIDUA- LITÉS fortes et parmi les meilleures de notre temps, pratiquant le jeu d’équipe. À ce groupe original, sont venus s’adjoindre d’autres artistes de même valeur et de même esprit. L’Union des Artistes Modernes est à ce jour composée de : Pierre Barbe, Louis Barillet, Georges Bastard, Jean Burkhalter, Jean Carlu, A.M. Cassandre, Paul Colin, Étienne Cournault, Joseph Csaky, Sonia Delaunay, Jean Dour- gnon, Jean Fouquet, Eileen Gray, Hélène Henry, René Herbst, Lucie Holt Le Son, Francis Jourdain, Robert Lallemant, Jacques Le Che- vallier, œuvres de Pierre Legrain, Charles Loupot, Robert Mallet- Stevens, Pablo Manes, Jan et Joël Martel, Man Ray, Gustave Miklos,

UAM BAT 15042018.indd 51 16/04/2018 17:02 Jean-Charles Moreux, Charlotte Perriand, Jean Prouvé, Jean Puifor- 52 cat, André Salomon, Louis Sognot et Charlotte Alix, Raymond Templier. Pas de jury. Le choix des membres actifs ou des invités fait par la Société même. Statuts particulièrement sévères pour l’admission. Plus de deux voix contre suffisent à empêcher l’entrée dans la Société. Volonté de conserver l’union et l’esprit qui a prési- dé, à l’origine, à la création de cette société à laquelle de nombreux artistes pensaient depuis longtemps. Artistes particulièrement sensibles à la beauté de notre époque, dégagés complètement des formules ornementales, répudiant l’ornement pour l’ornement et pratiquant les techniques nouvelles, génértrices de nouveaux moyens d’expression et de beauté neuve. Ce sera une exposition jeune, vivante, où des formes nouvelles, des techniques nouvelles sembleront peut-être étranges, mais où l’observateur impartial aura un aspect de l’avenir154. » Cette déclaration ne précise toujours pas quel est le pro- gramme que comptent mener les membres de l’UAM, et lorsque s’ouvre la première exposition du groupe en juin 1930 au pavillon de Marsan, seule une maxime de Descartes avise le public de leur position : « Lorsqu’on est trop curieux des choses qui se pratiquaient aux siècles passés, on demeure ordinairement ignorant de celles qui se pratiquent en celui-ci. » Durant les premières années d’existence de l’UAM, les artistes affirment leur volonté de se grouper pour donner plus de poids à leurs démarches individuelles, mais aussi pour affirmer et diffuser leurs idées au moyen d’expositions et de publications. Néanmoins, ils restent peu précis quant à la notion de « sympa- thie de tendances et d’esprit ». Ils se présentent comme l’élite des créateurs de leur époque, mais aucune explication théorique con- crète ne vient informer le public et la presse sur les véritables raisons d’être et les objectifs du groupement. Il faut attendre le manifeste Pour l’art moderne cadre de la vie contemporaine, rédigé par Louis Chéronnet et publié en 1934, pour que le cadre d’action de l’UAM soit défini publiquement155.

Pour l’art moderne cadre de la vie contemporaine

À travers leur manifeste, Pour l’art moderne cadre de la vie contemporaine, les artistes de l’UAM se font les défenseurs et les propagandistes d’une modernité résolue.

UAM BAT 15042018.indd 52 16/04/2018 17:02 53 Selon l’idée qu’il faut être de son temps et que la vie moder- ne impose de nouveaux principes esthétiques, ils entendent adapter leur art aux possibilités qu’offre la fabrication industrielle, et prendre en compte les besoins et les aspirations de l’homme nouveau. Ainsi prônent-ils l’équilibre, la logique et la pureté, et défendent- ils l’idée que l’art moderne se doit d’être un art pur c’est-à-dire rationnel, pouvant être produit par l’industrie et diffusable au plus grand nombre à un prix raisonnable. Selon les principes esthétiques qu’ils défendent depuis les années vingt, la beauté moderne résidera dans la pureté des for- mes, réellement nouvelles et parfaitement adaptées à leurs fonc- tions, pour le confort de l’homme moderne et la satisfaction de son esprit. Réclamant un retour à une foi sociale et proclamant vouloir faire des intérêts sociaux le mobile de la création, les artistes de l’UAM affirment le rôle humanitaire qu’ils entendent jouer. Aussi, en déclarant que « l’art moderne est un art véritablement social156 », ils lui assignent une vocation d’intérêt public et manifestent explici- tement leur ambition de participer à la révolution des modes de vie des masses. L’UAM serait née d’un besoin : celui de « hâter l’évolution de concepts nouveaux157 ». Les expositions du groupe, démonstrations collectives des démarches individuelles des artistes, ont non seule- ment pour but d’opérer leur rêve d’une synthèse des arts, mais aussi et surtout d’informer et d’éduquer le public pour lui donner le goût de l’art moderne. « Par cela même se développera au sein même du groupement une puissance de cohésion. Par cela l’UAM vivace, imposera son autorité, en même temps qu’elle affirmera sa raison d’être de façon incontestable158. » Se donnant comme rôle de diffuser et de tenter d’imposer les idées modernes, l’UAM se veut bien plus qu’un groupement : un mouvement. Cependant, les artis- tes refusent catégoriquement l’image de révolutionnaires que cer- tains opposants ont voulu leur attribuer et, tels des guides, se donnent comme rôle « d’assurer le passage vers le futur à travers le présent159 ». Ainsi, que ce soit par l’obsession de la rupture avec le passé et la tradition, exprimée dans les premières déclarations de l’UAM et par le manifeste de 1934 dans lequel domine la notion de progrès, la démarche militante de la nouvelle Union s’inscrit dans l’esprit réfor- miste de son temps, donnant à l’UAM une dimension politique et idéologique indissociable du contexte dans lequel elle naît.

UAM BAT 15042018.indd 53 16/04/2018 17:02 L’UAM : un choix idéologique ? 54

« L’association dite “UNION des ARTISTES MODERNES” a pour but de grouper des artistes en sympathie de tendances et d’esprit160. » Si les artistes de l’association ont à plusieurs reprises revendiqué leur tendance résolument moderne, la notion de « com- munauté de valeurs et d’esprit161 » est peu explicite, et nous tou- chons là à la dimension politique et idéologique de l’UAM.

Crise intellectuelle et engagement politique des artistes

Au moment où se crée l’UAM, la France est dans une situa- tion de crise tant politique qu’économique, sociale et morale, et cela a son importance. Les échecs successifs des différents gouvernements d’après guerre aboutissent à la grave crise politique de la fin des années vingt. Les différents gouvernements n’ont pas su trouver de solu- tion pour redresser la situation du pays et répondre au désir de changement des Français, entraînant une large remise en cause du régime politique. À cela, il faut ajouter la crise économique qui frappe la France au cours des derniers mois de 1930 et ses consé- quences sociales, qui ne font que renforcer le malaise général et la sensation de décadence nationale déjà perceptibles à la fin des années vingt. Cette période charnière des décennies vingt et trente mar- que la fin d’une époque de prospérité et d’impression de stabilité. Les Français prennent conscience qu’un retour au temps de l’avant- guerre est illusoire, que celle-ci avait ouvert la voie à des temps nouveaux. La presse et la littérature contemporaine traduisent cette inquiétude et ce pessimisme. Georges Duhamel en 1930 dans Scènes de la vie future162 ou Paul Valéry dans Regards sur le monde actuel 163 publié en 1931 mettent ainsi en évidence ce malaise et ce manque de confiance en l’avenir. Dans cette période de crise, et face à l’incapacité du sys- tème politique à se renouveler, certains cherchent des voies nou- velles, en rupture avec la démocratie libérale, remettant en cause l’institution, le système économique et la société bourgeoise d’après guerre. Le communisme devient pour quelques-uns l’une de ces

UAM BAT 15042018.indd 54 16/04/2018 17:02 55 nouvelles alternatives, en adéquation avec leur sentiment de ré- volte, alors que le modèle soviétique apparaît pour d’autres comme un idéal. De nombreux intellectuels vont s’engager dans ce sens, pensant y trouver des réponses aux problèmes que le siècle pose au pays. Depuis le début des années vingt, des écrivains comme Louis Aragon, Henri Barbusse, Paul Éluard, André Malraux ou Paul Nizan s’étaient rapprochés du communisme et des associations militantes, telles que l’Association des artistes et écrivains révolu - tionnaires (AEAR) fondée en 1932. La création de ces divers grou- pements se plaçant en rupture des partis traditionnels, ainsi que l’engagement massif des intellectuels pour tenter de donner de nouvelles bases à la société française traduisent bien le climat de crise morale mais également d’effervescence dans lequel se crée l’UAM. Les artistes de l’UAM font partie de cette génération qui a vécu la guerre et qui a pour obsession de rompre avec le passé immédiat et les valeurs traditionnelles. Pensant qu’en faisant table rase du passé ils trouveraient de nouvelles solutions aux problèmes que pose l’après-guerre, ils prônent les techniques nouvelles, les formes pures génératrices d’une beauté neuve, rejoignant ainsi l’état d’esprit des intellectuels de leur époque, convaincus qu’il faut changer le monde, vivre autrement, sans pour autant propo- ser de programme précis. Proches de ces idées, plusieurs des artistes de l’UAM ont affirmé leur engagement politique et social en adhérant à un parti, mais aussi en s’engageant parfois active- ment dans des associations ou actions militantes. Dans un tel contexte, la dimension idéologique et politique des origines de l’UAM ne peut être écartée. Fondateur de l’UAM et membre de son premier comité direc- teur, Francis Jourdain est un des artistes de l’UAM qui se sont le plus activement engagés dans les événements politiques et sociaux de son époque. Dès sa jeunesse, il fréquente les cercles anarchis- tes et adhère en 1912 au parti socialiste, qu’il quitte finalement deux ans plus tard. Il publie dans plusieurs revues de gauche comme La Révolte, la revue anarchiste Ennemi du peuple ou Le Libetaire164. Durant les années vingt, il collabore aux Cahiers d’aujourd’hui, journal de gauche, ouvert aux idées sociales et à l’art moderne, et publie par ailleurs plusieurs articles dans L’Humanité, La Vie ouvrière, Monde ou Ce soir. Parallèlement à son activité créatrice, Francis Jourdain mène donc une vie militante qui s’intensifie à la fin des années vingt. En 1927, il est fondateur de l’association Les Amis de l’URSS, dont il

UAM BAT 15042018.indd 55 16/04/2018 17:02 est élu président d’honneur aux côtés d’Henri Barbusse, ce qui le 56 conduit à se rendre en Union soviétique. En 1928, il collabore à la revue L’Appel des Soviets et rédige Les Dents sans couteau dans lequel il fait un compte rendu enthousiaste des observations socia- les et politiques qu’il a pu faire en URSS. Au moment où se crée l’UAM, Francis Jourdain est vérita- blement un homme politique. En 1932, il est un des membres fonda- teurs de l’AEAR et fréquente la Maison de la culture dès 1936. Il milite activement pour la décolonisation de l’Indochine et de l’Afrique, mais aussi pour la lutte antifasciste, collabore à l’organisation du Congrès contre la guerre et fonde le Comité de défense des vic- times de l’hitlérisme. Sur le plan national, il sera de ceux qui, en 1936, se battront pour la constitution d’un gouvernement de Front populaire. Francis Jourdain est ainsi l’artiste de l’UAM le plus claire- ment engagé politiquement, mais nombreux sont les membres de la nouvelle Union qui partagent ses idées socialistes et militent pour celles-ci. André Lurçat, à la différence de Francis Jourdain, n’a jamais formellement manifesté ses convictions politiques et sociales avant la fin des années vingt. C’est à cette époque qu’il publie plusieurs textes dans la revue Monde, fondée par Henri Barbusse. En 1930, il publie quelques extraits sur la question sociale de son livre Archi- tecture dans « L’almanach ouvrier et paysan » de L’Humanité, ainsi que dans Grand’Route165. Il se rapproche également des jeunes com- munistes du journal Clarté et fréquente des intellectuels proches ou membres du PCF, dont le critique Léon Moussinac qui joua un rôle important pour renforcer ses liens avec le dirigeant commu- niste Paul Vaillant-Couturier166, maire de Villejuif en 1929 et membre fondateur de l’AEAR dont il est le secrétaire. La connivence de Lurçat avec ces intellectuels de gauche a pu le conforter dans ses idées et le convaincre de s’engager plus activement dans la vie politique, puisqu’il rejoint au début des années trente l’AEAR et le comité antifasciste. Son frère Jean Lurçat, peintre et membre également de l’UAM à partir de 1934, partage ses convictions politiques : il est un animateur des Amis de l’URSS, membre de l’AEAR, puis de la Maison de la culture à partir de 1936. Plusieurs autres artistes de l’UAM sont eux aussi des sympa- thisants de l’URSS et adhérents aux causes de la révolution poli- tique et sociale. Tout comme Francis Jourdain, Charlotte Perriand est ainsi enthousiaste face aux idées sociales et politiques de l’Union soviétique et lorsque, dans son autobiographie, elle évoque son dé- part pour l’URSS en 1931, elle ajoute : « Je partis à la rencontre de

UAM BAT 15042018.indd 56 16/04/2018 17:02 57 mes rêves167. » Comme plusieurs de ses camardes, elle fréquente les fêtes de L’Huma et adhère à l’AEAR en 1932, où elle rencontre André Lurçat et retrouve d’autres artistes de l’UAM, comme le créateur de bijoux Jean Fouquet168 et le peintre Fernand Léger169. À partir de 1936, plusieurs de ces artistes se retrouveront aux meetings de la Maison de la culture.

Des passeurs entre action politique et action créatrice

Les convictions et l’adhésion au débat politique du moment qui unissent ces acteurs de l’UAM ont d’autant plus de poids que ces militants d’un idéal de société se sont donné en tant qu’artis- tes le rôle de passeur entre l’action politique et l’action créatrice. L’engagement politique de Francis Jourdain est indissociable de son œuvre et de son combat pour la défense du rationalisme. Le créateur et l’homme politique qu’il est se sont incessamment battus pour les intérêts et le bien-être des classes les plus modestes, et cela aura son importance lors de la création de l’UAM. Dès avant guerre, Francis Jourdain défend des préoccupa- tions sociales et utilitaires, de même que la nécessité d’une liaison art-industrie. Il faut dire que dès l’âge de quinze ans les cercles anarchistes qu’il fréquentait plaçaient leurs débats autour de l’idée d’un art social, ce qui aura une influence certaine sur l’évolution de ses idées et de sa création170. Ainsi, dès 1898, en vue de l’Expo- sition universelle de 1900, Francis Jourdain et ses amis du « groupe des six » (Alexandre Charpentier, Jean Dampt, , Henri Nocq, Félix Aubert et Tony Selmersheim) entreprennent un projet, « Le foyer moderne », mettant en œuvre les principes ratio- nalistes pour le confort du travailleur moderne, et conçoivent à cette occasion une brochure explicative qui s’apparente surtout à une sorte de premier manifeste du mouvement rationaliste171. Au cours des années vingt, plusieurs publications de l’artiste sont autant d’occasions de défendre son idéal d’art démocratique. En 1913, c’est sur son initiative qu’est traduit dans Les Cahiers d’au- jourd’hui, publié par son ami Georges Besson, Ornement et crime de l’architecte autrichien Adolf Loos. Plus tard, conformément aux idées de Loos, Jourdain dénonce à plusieurs reprises la vanité et l’inutilité de l’ornement, défendant la clarté, la sobriété et le fonc- tionnalisme. L’Exposition de 1925 est en ce sens la plus importante

UAM BAT 15042018.indd 57 16/04/2018 17:02 occasion pour lui de s’opposer au luxe ostentatoire des arts décora- 58 tifs français et à l’absence de préoccupations sociales ou pratiques. En 1929, la publication d’Intérieurs aux Éditions Charles Moreau permet à Francis Jourdain de défendre à nouveau sa position sur l’évolution que doivent suivre les arts décoratifs : « Nous ne pou- vons plus vivre dans ce bric-à-brac. Désencombrons. Et au besoin démeublons172. » Depuis le début du siècle, Jourdain a donc placé ses connaissances, son engagement et son savoir-faire au service du plus grand nombre. Mais, si Francis Jourdain est un des initiateurs du courant rationaliste173, au moment de la création de l’UAM, il n’appartient plus aux novateurs. Il travaille peu et l’atelier qu’il avait ouvert chez lui rue Vavin se porte mal174. À la fin des années vingt, il est assez peu présent dans les expositions et il ne présentera pas d’ensemble mobilier à la première exposition de l’UAM en 1930. Après la deuxième manifestation de l’association, il n’y participera plus jusqu’à l’Exposition internationale de 1937. Sa présence au sein de l’UAM s’apparente donc davantage à une adhésion idéolo- gique et correspond à la poursuite de son engagement pour la défense des idées de l’avant-garde. Au sein de l’Union, il est ainsi très actif ; c’est lui qui, en 1930, exprime la position de l’UAM dans un article publié dans Creative Art175. Et même lorsqu’il ne sera plus membre du bureau, il sera régulièrement consulté pour toute discussion, projet ou rédaction de texte176. L’influence de Jourdain au sein de l’UAM est par conséquent forte, et la présence de cet actif militant socialiste au cœur du premier comité directeur tend à donner à l’Union sa dimension idéologique et politique. Le plus proche disciple de Francis Jourdain est sans doute René Herbst, haut défenseur d’un art rationnel et démocratique. Il est un acteur important lors de la création de l’UAM, et sa présence au sein du premier bureau ainsi que son rôle actif tout au long des années UAM confirment l’idée selon laquelle l’empreinte idéolo- gique socialiste de Francis Jourdain est nettement ancrée dans la nouvelle Union. Autre disciple : André Lurçat. Militant actif du mouvement moderne international, il appartient lui aussi à ces artistes qui ont mis leur art au service de leurs convictions politiques et sociales. À travers ses interventions aux Ciam de La Sarraz et de Francfort, tout comme dans ses deux publications majeures que sont Archi- tecture177 et André Lurçat, projets et réalisations178, il défend ses ambitions sociales pour la nouvelle architecture. Rejoignant l’idéal socialiste de Francis Jourdain, Lurçat reconnaît comme premier projet de l’architecture sa destination sociale, visant au bien-être

UAM BAT 15042018.indd 58 16/04/2018 17:02 59 du plus grand nombre. Et, cas exceptionnel, le complexe scolaire Karl-Marx de Villejuif qu’il construit en 1932 constitue la rencontre de ses ambitions esthétiques et éthiques et de la politique de réfor- me sociale d’une municipalité communiste, permettant de concré- tiser l’idéal social des avant-gardes qui restera le plus souvent à l’état de projet ou de vœu. Il faut enfin citer Le Corbusier, certainement le plus grand propagandiste français des idées de l’avant-garde internationale. Depuis le début des années vingt, celui-ci affirme d’abord dans la revue L’Esprit nouveau, fondée avec Amédée Ozenfant en octobre 1920, puis à travers Vers une architecture en 1923, L’Art décoratif d’au- jourd’hui, publié à l’occasion de l’Exposition de 1925, et Urbanisme paru cette même année, que les conditions sociales de l’homme du XXe siècle réclament de nouvelles formes de vie. Il défend active- ment un idéal de vie collective et la standardisation de l’aména- gement intérieur, doté d’un équipement minimal : il recherche des « solutions types » pour répondre aux « besoins types » de l’homme moderne. Confiant à l’architecte la responsabilité de contribuer à l’avancée des changements sociaux, il reconnaît à travers le loge- ment collectif et le standard les solutions ouvrant une perspective sur une vie sociale régénérée. Chez ces théoriciens, le rôle de passeur entre action politi- que et action créatrice qu’ils se proposent d’assumer s’affirme à travers leur volonté de contribuer à l’amélioration des conditions de vie du plus grand nombre. Pour l’affichiste Jean Carlu, membre du troisième comité directeur de l’UAM, activité créatrice et cons- cience politique et sociale se rejoignent à dessein de didactique ou de propagande. Jean Carlu crée en février 1932 l’Office de propa- gande graphique pour la paix, dont il est président et dont le vice-président, Édouard Dolléans, est un historien auteur de l’His- toire du mouvement ouvrier et futur membre du cabinet du secré- tariat d’État aux Loisirs et aux Sports de Léo Lagrange sous le gouvernement du Front populaire. L’Office soutient notamment au début des années trente l’action de la Société des nations pour la paix et Carlu présente lors de l’exposition de l’UAM de 1932 son affiche Pour le désarmement des nations qui fera alors scandale. Le procédé du photomontage, montrant une mère et son enfant sous les bombardements, et l’emploi du rouge et du noir, associés au style des artistes constructivistes russes, sont perçus par certains et en particulier par la presse de droite comme une propa- gande soviétique. Des accusations qui s’appuient également sur la présence des affiches d’El Lissitsky et des frères Sternberg dans l’exposition. L’affiche de Carlu sera retirée par la direction de

UAM BAT 15042018.indd 59 16/04/2018 17:02 l’Union centrale des arts décoratifs avant d’être raccrochée suite 60 aux vives réactions provoquées par cette censure et la décision des membres de l’UAM d’interrompre l’exposition. L’engagement de Carlu se poursuit durant les années trente. Il réalise plusieurs affiches pour des journaux de gauche comme La République (radical- socialiste) ou La Lumière (socialiste), et devient un des dessina- teurs les plus en vue du Front populaire. Bien qu’à cette époque Jean Carlu ne milite pour aucun parti et qu’il déclare, dans une inter- view donnée en 1981179, que l’orientation de son travail ne tendait pas à une idéologie particulière, il est indiscutable qu’à partir des années trente son œuvre prend un ton clairement engagé.

Pour le salut moral et spirituel de l’homme moderne

Au-delà de la conscience politique et sociale de ces artistes et de la responsabilité qu’ils s’assignent d’apporter un art démocra- tique à l’homme de leur temps, des ambitions plus élevées les ani- ment, et l’on touche là à la dimension morale de l’idéalisme des modernes. Francis Jourdain reprend à son compte une des théories d’Adolf Loos selon laquelle la simplicité est liée à l’éthique. Selon lui, le besoin de logique, d’ordre et de clarté de l’homme moderne va bien au-delà d’une simple exigence de confort. L’artiste se pro- pose donc de lui offrir des formes adaptées à ses besoins maté- riels et « dont la pureté contentera des besoins spirituels c’est-à- dire à sa raison180 ». Dans le même esprit mais d’une façon moins explicite, André Lurçat évoque au sujet de la nouvelle architecture une « vaste mise en ordre, d’organisation d’où naîtra l’harmonie181 ». Cette conception épurée de l’architecture et de l’aménage- ment intérieur devient un dogme chez Le Corbusier, qui à travers ses écrits se fait le brillant propagandiste de son idéal puriste. Il se fait le dénonciateur de ce qui est à ses yeux le mal absolu, c’est-à- dire l’art décoratif et ses ornements, qu’il oppose au bon design, à la ligne juste. Il dénonce la perversité stylistique mais aussi morale des décorateurs et de leurs clients, et loue l’architecte engagé à procurer à la société nouvelle les conditions pratiques à son exis- tence et qui, en imposant l’ordre et la raison, contribue à son bon- heur et à son bien-être spirituel. « Cet esprit de décorer tout autour de soi est un esprit faux, une abominable petite perversion182 »,

UAM BAT 15042018.indd 60 16/04/2018 17:02 61 déclare-t-il. L’heure de l’architecture a sonné. « Les rutilances vont à l’eau. Le moment de la proportion est venu. Il s’élève maintenant un peu partout, en Amérique, en Russie, en Allemagne, en Tchécoslo- vaquie, en Hollande, en France, des maisons où se débat, évadé du décor, le problème de la proportion et de la structure. Le décor est mort et l’esprit d’architecture s’affirme183. » L’idéal de pureté esthétique synonyme d’harmonie, qui anime plusieurs artistes de l’UAM et qui permettrait selon eux à l’homme moderne d’atteindre une sorte de pureté morale, rejoint la pensée des membres de la Cité nouvelle. Les liens entre cette communauté et certains membres de l’UAM ne sont donc pas surprenants. Cherchant des voies inexplorées, plusieurs artistes de l’UAM se retrouvent à la Cité nouvelle, créée en 1929 par Marcel Fredou, membre de l’UAM, partisan convaincu du style rationaliste et sain184. Ainsi, Francis Jourdain, André Lurçat et Jean Bossu se rendent régulièrement à la cité-jardin de Châtenay-Malabry185 pour participer à des retraites collectives fondées sur les principes du naturisme et du marxisme, visant à allier hygiène naturiste et hygiène sociale. Recrutés par annonce dans des revues de gauche ou naturistes, mais aussi par affichage dans les universités ouvriè- res et parmi les amis de l’AEAR, les membres de la Cité nouvelle sont unis par leurs convictions morales et politiques, et forment une petite communauté d’esprit en totale adéquation avec l’idéal puriste et l’utopie socialiste des artistes de l’avant-garde.

Les limites de la notion de « communauté de valeur et d’esprit »

Du fait de la présence de Francis Jourdain dans le premier bureau de l’UAM et de l’engagement actif des théoriciens de l’avant- garde membres de l’Union pour la diffusion de leurs idées, on a tendance à positionner l’UAM comme un groupement d’artistes d’avant-garde, détachés de la Sad, afin de mettre librement en œuvre leur réforme esthétique et sociale censée apporter les répon- ses aux problèmes mais aussi aux questionnements de l’individu perdu dans les bouleversements de ce premier tiers du XXe siècle. Cette compréhension de la scission, confortée par le manifeste de 1934 qui n’hésite pas à reprendre le dogme de l’avant-garde vou- lant que l’art moderne soit avant tout un art social, doit être nuan- cée. Car, si une lecture idéologique et politique de la rupture est convaincante au regard de l’engagement de certains des membres

UAM BAT 15042018.indd 61 16/04/2018 17:02 de l’UAM, elle ne peut en revanche expliquer à elle seule les origines 62 de la nouvelle Union. En effet, l’ensemble des membres de l’UAM n’appartient pas à cette avant-garde porteuse d’une idéologie réformiste, et beau- coup ne se sont engagés ni pour défendre leurs convictions poli- tiques, ni pour la promotion d’un art social. Alors que les journa- listes de l’époque et les histoires de l’art actuelles ont fait de la scission Sad-UAM une rupture entre les artistes de l’avant-garde, porteurs d’une philosophie de gauche et les réactionnaires de la Sad, défenseurs d’un art élitiste et national, il suffit de prendre en considération la liste de 1929 des membres actifs de l’UAM, de Louis Barillet à Raymond Templier en passant par Eileen Gray, pour venir fragiliser ces considérations. Le lien entre art moderne et poli- tique socialiste n’est pas systématique, tout comme l’appartenance d’un artiste à l’UAM n’est pas toujours synonyme d’aspiration à un art démocratique. Des scissions idéologiques existent bien au sein de l’UAM186. Par ailleurs, un autre facteur vient nuancer cette idée d’une rupture qui serait uniquement et radicalement politique et idéolo- gique, séparant l’avant-garde de l’UAM et la Sad. La position au sein de l’UAM de Le Corbusier, bien qu’il soit le chef de file de l’avant-garde en France, est celle d’un homme isolé. Le radicalisme de ses conceptions et le ton moralisateur et parfois même prophé- tique de ses écrits n’ont pas d’équivalent chez les défenseurs du courant rationaliste et membres de l’Union. Le Corbusier entrete- nait même des rapports conflictuels avec plusieurs d’entre eux, et plus particulièrement avec Robert Mallet-Stevens, à qui il reprochait de « trop aimer les formes, de trop en mettre187 ». Parce qu’il ne s’est pas intéressé à l’architecture sociale et qu’il n’a pas théorisé, Mallet-Stevens est alors rejeté dans la catégorie des formalistes par Le Corbusier, mais également par Siegfried Giedion. Il ne fera ainsi jamais partie des Congrès internationaux d’architecture moderne (Ciam). À l’intérieur de ce groupement, Le Corbusier et André Lurçat s’affrontent pour prendre les rênes du groupe Ciam-France. S’agissant des jeunes architectes de l’UAM, on devine le mépris que Le Corbusier devait avoir pour eux à la lecture de sa corres- pondance avec Charles de Beistegui au sujet du penthouse des Champs-Élysées. Agacé des directives données par le comman- ditaire, qui lui réclame de nouveaux dessins tenant compte du « petit croquis » qui lui a été remis, mais aussi contrarié d’être mis en concurrence avec André Lurçat et Gabriel Guevrekian, il livre le fond de sa pensée : « Je suis l’instigateur du mouvement architec- tural contemporain. Tous les pays le reconnaissent, appliquent mes

UAM BAT 15042018.indd 62 16/04/2018 17:02 63 méthodes, exploitent mes idées […] Comment voulez-vous donc que je ne sois pas quelque peu chagriné de savoir qu’en l’affaire qui vous (/nous ?) occupe je sois mis en concurrence avec des gens qui me suivent avec plus ou moins de talent et souvent beaucoup d’habileté. Vous hésitez entre le produit d’origine et les succédanés. Picasso, Braque ou Léger valent en soi, et les autres qui suivent n’ont pas côtez [sic] sur le marché188. » D’autre part, bien que son nom soit attaché à l’UAM dès ses débuts, durant les cinq premières années de l’Union, Le Corbusier n’entretient pas de contacts directs avec le groupe, et sa partici- pation aux activités de l’UAM n’existe que par l’intermédiaire de Charlotte Perriand. En 1932, il devient membre actif mais ne s’asso- cie véritablement au groupe qu’au moment de la préparation de l’Exposition internationale des arts et techniques de 1937. Ainsi, en 1935, après s’être vu refusé plusieurs de ses projets par le comité d’organisation, Le Corbusier envisage que les Ciam-France, l’UAM et les Peintres et Sculpteurs modernes189 se réunissent autour d’une exposition190. N’obtenant pas de subvention, ce projet, qui au- rait permis à Le Corbusier de propager ses idées et celles des Ciam, est abandonné. Au final, se voyant accorder un emplacement à la porte Maillot pour son pavillon des Temps nouveaux, sa participa- tion au sein du pavillon de l’UAM se limitera à quelques photogra- phies de la Cité radieuse et à quelques prototypes de cabinets sanitaires destinés à l’hôtellerie conçus en collaboration avec Charlotte Perriand et Pierre Jeanneret. Après l’Exposition de 1937, Le Corbusier collaborera une dernière fois avec l’UAM en 1944, et par la suite ses liens avec l’Union deviendront plus distendus. Il apparaît ainsi que Le Corbusier fut très peu engagé dans les activités de l’UAM. Avant 1935, il ne fait que s’appuyer sur les exposi- tions de l’Union afin de promouvoir ses projets les plus récents. Aussi, la valeur stratégique de son rapprochement en 1935 est évidente : se battant depuis plus d’une année pour obtenir l’autorisation de parti- ciper à l’Exposition internationale des arts et techniques de 1937 et ressentant une certaine hostilité des organisateurs face à son pro- gramme191, il lui a très certainement paru tactiquement plus sûr de se joindre à l’UAM pour mener à bien son projet. On touche à présent aux limites de cette idée de « commu- nauté de valeur et d’esprit » proclamée par les membres de l’UAM et la question de la réalité de cette notion se pose. Comme l’avait fait Pierre Chareau lors d’une réunion du comité en juillet 1931 192, une interrogation demeure : l’UAM est-elle un groupement d’idées ou d’intérêts ?

UAM BAT 15042018.indd 63 16/04/2018 17:02 Les expositions de l’UAM : 64 entre idéal collectif et intérêt individuel

L’UAM naît en mai 1929, cependant la première exposition du groupe n’est prévue que pour le printemps 1930. Afin de com- penser l’absence d’exposition pour l’année de sa fondation, les artis- tes décident de publier un bulletin donnant la liste des membres actifs et permettant à chacun d’entre eux de présenter une de leurs créations193. Ce premier et unique bulletin, dont la mise en pages et le logotype « UAM » de la couverture ont été conçus par Pierre Legrain, est une revue luxueuse. Ainsi se succèdent notamment, au fil des planches, le mobilier en tube de Jean Burkhalter, un poisson aérien d’Étienne Cournault, un sautoir de Jean Fouquet, le piano Pleyel de René Herbst, un intérieur de Francis Jourdain, une reliure de Pierre Legrain, une photographie de la rue Mallet-Stevens, la sculpture L’Homme et son destin de Gustave Miklos, la galerie de tableaux de la villa La Roche, un service à café de Jean Puiforcat ou encore un étui à cigarettes de Raymond Templier. Par sa mise en pages, cette publication tend à mettre en évidence la diversité des métiers et des tendances représentés à l’UAM et révèle moins ce qui unit ces artistes que ce qui les sépare. Plus encore, elle ne permet pas de percevoir l’esprit collectif auquel les artistes de la nouvelle Union prétendent. Dès la première exposition de l’UAM, qui se tient du 11 juin au 14 juillet 1930 au pavillon de Marsan, ces ambiguïtés apparais- sent d’autant plus visibles. L’adoption des stands individuels comme système de présentation ne peut que surprendre lorsqu’on se sou- vient que c’est ce principe même que les démissionnaires de la Sad remettaient en cause. En restant fidèles à ce modèle, les artistes de l’UAM s’éloignent de l’idéal de synthèse des arts qu’ils reven- diquent. Au lieu d’être la démonstration d’une idée collective témoi- gnant de l’esprit censé présider à leur union, les expositions de l’UAM font avant tout valoir des personnalités et leur expression individuelle. La question de la forme et des objectifs des expositions de l’UAM sera d’ailleurs soulevée par Pierre Chareau194, lors de l’éla- boration du programme du troisième Salon de l’UAM, prévu en 1932 au pavillon de Marsan. Au cours de cette réunion, il demande en effet à ce que soit déterminé le but proposé par l’association : est-ce un groupement d’intérêts ou un groupement d’idées ? Selon lui, l’UAM est un groupement d’idées, sans quoi il ne voit pas l’inté- rêt de s’être séparé des Décorateurs, qui disposent de moyens

UAM BAT 15042018.indd 64 16/04/2018 17:02 65 supérieurs aux leurs. Jean Fouquet le rejoint sur le fait qu’il est nécessaire d’établir une ligne de conduite qui permettrait de définir la tendance du groupement. En revanche, selon lui, les exposi- tions ne constituent qu’une partie de l’activité de l’UAM, et l’inté- rêt et l’idéal ne sont pas incompatibles. Pierre Chareau ne croit pas à cette compatibilité, il souhaite voir disparaître le principe des stands individuels et envisage à la place une présentation collective pour laquelle chacun des membres verserait à la collec- tivité la somme qu’il aurait consacrée à un stand individuel. Cette idée ne fait pas l’unanimité au sein du comité, et Charlotte Alix objecte qu’il serait difficile d’obtenir de la part de chaque membre une dépense égale à celle qu’il aurait effectuée pour une manifes- tation individuelle. En définitive, si comme l’affirme Jean Carlu tout le comité est d’accord pour voir évoluer le groupe dans un esprit collectif, il leur reste encore à étudier un plan d’action sur lequel ils devront se mettre d’accord. Au cours de la réunion du comité du 11 juillet 1931, Jean Fouquet réaffirme la nécessité d’établir un programme de l’UAM et déclare au sujet de son Salon annuel, qu’il doit être la démonstra- tion d’une idée directrice, d’une tendance générale. Un rapport du comité est ainsi présenté à l’assemblée générale réunie le 20 juillet 1931. Il fait état de quatre suggestions concernant l’action de l’UAM mais, en ce qui concerne les expositions, ne prévoit pas la suppression des stands individuels, comme l’appelle de ses vœux Pierre Chareau195. C’est finalement lors de la réunion du comité du 14 octobre 1931 que l’idée de disposition collective est adoptée. À ce moment-là, les membres du comité, conscients que les circonstances de l’époque contraignent à des économies, entre- voient l’intérêt d’une disposition qui dispenserait les exposants des stands onéreux196. Lorsque cette question sensible est soumise à l’assemblée générale, le groupe est divisé. Le procès-verbal197 fait état de l’objec- tion de Francis Jourdain, qui admet que sur le principe tout le monde est évidemment d’accord, mais qui s’interroge sur la manière de réaliser ce projet. Car selon lui, il ne faut pas perdre de vue que le stand individuel présentant un ensemble mobilier est une grande attraction pour le public. À cela, Jean Fouquet répond que la présen- tation collective devrait justement tendre à constituer elle aussi une attraction. Malgré les réticences de certains, un projet de présentation collective est élaboré par Robert Mallet-Stevens et Pierre Chareau. Il prévoit que le prix de l’exposition soit de 3 000 francs par membre198. Mais bien que ce projet collectif ait été envisagé afin de réduire les

UAM BAT 15042018.indd 65 16/04/2018 17:02 dépenses des exposants, il s’avère que la plupart des membres de 66 l’UAM ne sont pas en mesure de payer la somme demandée. Face à l’importance du nombre d’artistes non disposés à faire de fortes dépenses pour cette présentation, il est alors plus raisonnable pour le comité de revenir au principe des stands individuels afin d’éviter de compromettre le Salon. Après plusieurs discussions au cours desquelles il est envisagé d’annuler l’exposition en raison des difficultés financières des artistes et de l’association, déficitaire de 8 742,12 francs, il est décidé en définitive, selon les conseils de René Herbst, de centrer la troisième exposition de l’UAM sur une présentation d’affiches, d’arts graphiques et de photographies199. Les expositions de l’UAM et les débats qui les accompagnent révèlent donc les difficultés internes de la nouvelle Union. En effet, si ses membres perçoivent les ambiguïtés de leur groupement et s’ils s’accordent sur la nécessité de définir une idée directrice, les discussions entamées lors des réunions du comité et des assem- blées générales montrent les conceptions et les objectifs parfois contraires des membres de l’association. Si Pierre Chareau affirme que l’UAM est un groupement d’idées, les divergences autour du principe d’exposition collective et la mise en valeur d’individualités à laquelle tous les artistes ne sont pas prêts à renoncer, laissent penser que l’UAM n’est peut-être pas le groupement désintéressé qu’elle prétend être et que croit reconnaître la presse progressiste de l’époque. On peut présumer qu’idéal et intérêt sont à l’origine de leur union, ce que l’avant-projet du manifeste tend à confirmer : « Il semble que nous soyons groupés pour faire la démonstration collec- tive de nos recherches individuelles. C’est sur ce point que se fait la jonction entre l’idée et l’intérêt, l’abstrait et le concret200. » Si au cours de leurs expositions, les artistes de l’UAM ne réussirent pas à mettre nettement en évidence une idée directrice qui aurait permis de développer une puissance de cohésion au sein du groupe- ment et d’affirmer sa raison d’être de façon incontestable, il est clair que ces manifestations les faisaient bénéficier de la force d’impact d’une action collective, tout en leur garantissant une certaine indé- pendance et une vitrine pour leurs travaux. Ainsi, à travers les expositions de l’UAM, la notion de commu- nauté d’intérêts prédomine alors, tandis que celle de communauté d’idées est en grande partie restée à l’état de projet.

UAM BAT 15042018.indd 66 16/04/2018 17:02 67 L’UAM et l’art pour tous

L’idée prévaut que l’UAM est la réunion d’artistes conscients de la nécessité de créer un art utile et social, compatible avec la vie moderne. Cette conception des origines de l’UAM est fondée sur les déclarations généreuses et optimistes faites dans le manifeste de 1934, reprises par Georges-Henri Pingusson dans le manifeste de 1949 et par Francis Jourdain et Robert Mallet-Stevens à l’occasion des vingt-cinq années de l’Union201. Pourtant, l’étude de l’œuvre de ces artistes et de leurs clients incite à nuancer cette compréhension idéaliste des raisons d’être de l’UAM.

Artisanat et industrie

Dès la fondation de l’UAM, ses membres sont déjà séparés par leurs idées et leurs intentions. Tous n’appartiennent pas à l’avant- garde internationale, ne prennent pas en compte la réalité sociale et économique de l’époque, et sont éloignés des concepts de norma- lisation et de rationalisation. Pionnier de la modernité, Pierre Chareau ne s’intéresse pas pour autant à la question de la diffusion de sa création et aux effets sociaux qui en découleraient. Son appartenance à l’UAM ne le con- duit pas à modifier son rapport à l’industrialisation. Chareau reste dans le domaine de l’artisanat et de la petite série qu’il pratique à partir de 1932 mais sans jamais envisager une création véritablement industrielle. Son système de production repose sur une interdépen- dance entre un mécène commanditaire, le décorateur et l’artisan. Ce système est semblable à celui de la maison Ruhlmann ou à celui de beaucoup d’autres décorateurs de la Sad, alors qu’il va à l’encontre de l’idéal de collaboration entre l’artiste et l’industrie défendu par Le Corbusier, Pierre Jeanneret, Charlotte Perriand et les autres acteurs de l’avant-garde internationale, qui souhaitent atteindre une production de masse afin de répondre aux besoins qu’impose la conjoncture. De son côté, Mallet-Stevens œuvre pour une clientèle privée et ne s’intéresse que très peu à l’habitat minimal et à son équipe- ment standard. Il ne crée dans cette optique que la villa Trape- nard à Sceaux en 1932 et le prototype de cabine de paquebot pour l’Otua202, à l’occasion du Salon d’automne de 1934203. À l’exception de la chaise éditée par Tubor204, la conception de meubles destinés

UAM BAT 15042018.indd 67 16/04/2018 17:02 à une production industrielle reste marginale dans son activité 68 créatrice. Pour les villas qu’il aménage, Mallet-Stevens fait appel à ses amis créateurs. Et s’il dessine lui-même ses meubles qui sont par la suite mis au point par des artisans et des industriels, ses créations sont le plus souvent du sur-mesure, à l’opposé d’une production à grande échelle ou même en petite série205. Ainsi, si Mallet-Stevens refuse la copie de styles anciens tout comme le luxe ostentatoire, s’il invente un style moderne pour une époque nou- velle, il demeure, à de rares exceptions près, éloigné des concepts de rationalisation et de standardisation visant à atteindre une pro- duction de masse. D’autre part, si plusieurs artistes de l’UAM ont utilisé la tech- nique de l’industrie, ils n’ont pas systématiquement considéré qu’il fallait produire en grande série. Ainsi, les meubles en métal et verre de Pierre Barbe, Robert Lallemant ou Jean-Charles Moreux n’ont été produits qu’en pièces uniques ou en très petit nombre d’exemplai- res. Ce rapport complexe entre le modernisme et l’idée d’un art social est tout aussi ambigu chez les artisans d’art de l’UAM. Artiste moderne à part entière, Hélène Henry est la première à utiliser des soies et des cotons artificiels, et crée des tissus aux motifs abstraits et aux jeux de contrastes colorés. Cependant, elle ne s’intéresse pas à l’exploitation commerciale ou industrielle et tra- vaille sur des métiers manuels, ne concevant aucun tissu sans con- naître sa destination et réalisant essentiellement des pièces uniques pour des ensembliers. Robert Lallemant, qui adhère à l’UAM en tant que céramiste, s’intéresse à la multiplication de sa production, mais restera dans le domaine de la petite série, qui si elle lui permet de réduire son prix de revient ne lui donne pas la possibilité d’atteindre un vaste public. Enfin, par leur métier même, plusieurs artistes de l’UAM sont eux aussi éloignés des préoccupations sociales revendiquées dans le manifeste. Ainsi, les créations des joailliers, orfèvres ou relieurs appartiennent à l’artisanat de luxe. Les délicates plaques de verre décorées d’Étienne Cournault, les bijoux de Raymond Templier, les étuis laqués de Jean Fouquet et de Gérard Sandoz ou les services en argent et ébène de Jean Puiforcat ne peuvent que continuer à être destinés à une riche clientèle et rester à l’opposé du concept d’art utile et d’industrialisation.

UAM BAT 15042018.indd 68 16/04/2018 17:02 69 Le modernisme : style ou éthique ?

Si les membres de l’UAM n’ont pas de volonté commune de créer un art social, ils se prononcent en revanche clairement contre l’ornement et pour « les formules nouvelles génératrices de nouveaux moyens d’expression et de beauté neuve », et expriment avant tout leur volonté de diffuser un style moderne à l’image de leur époque. En effet, malgré la diversité des métiers et des personnali- tés présentes au sein de la nouvelle Union, le dépouillement des intérieurs, le goût des formes pures (géométriques ou inspirées de la machine), des matériaux bruts issus de l’industrie et l’intérêt pour les techniques modernes de fabrication et d’assemblage sont des dénominateurs communs à ces artistes. L’influence puriste et machiniste, qui apparaît dès 1925 dans les créations des futurs artistes de l’UAM, n’est pas systématique- ment et exclusivement guidée par une recherche de fonctionnalité ou une exigence d’économie. Ainsi, le mobilier en lames de métal et sycomore conçu par Mallet-Stevens pour le boudoir de la villa Cavrois est avant tout un jeu de construction cubiste. On pourrait encore citer la chaise « non conformiste » d’Eileen Gray ou les chaises en tubes de métal et sandows de René Herbst, qui sont davantage des jeux expressionnistes que des propositions ration- nelles répondant à des nécessités de confort. Même le fauteuil Grand Repos de Jean Prouvé en tôle d’acier plié doté d’une assise montée sur roulement à billes, avec ses lignes souples et longi- lignes, témoigne de la sensibilité du créateur pour la belle ligne dyna- mique, l’harmonie des pleins et des vides, alors qu’on le voudrait exclusivement préoccupé par des problèmes d’ordre fonctionnel. De la même façon, les constructions géométriques des services de l’orfèvre Jean Puiforcat ou des céramiques de Robert Lallemant n’est qu’une recherche purement esthétique et formelle, au même titre que celle des tissus de Sonia Delaunay et d’Hélène Henry ou des références machinistes des bijoux de Fouquet, Sandoz et Templier. Les modernes aiment les beaux matériaux, et la dominante géométrique des créations de Rose Adler, Georges Bastard ou de Raymond Templier n’exclut pas la préciosité des matières emplo- yées. Ainsi, Rose Adler use de maroquin et de peaux de reptiles pour ses reliures, tandis que Georges Bastard, issu d’une famille de tabletiers, travaille l’ivoire, la nacre et la corne. Raymond Templier associe quant à lui l’argent, la laque et le galuchat dans ses néces- saires à beauté, le platine et les diamants dans ses bagues et manchettes. Et si les décorateurs de l’UAM s’accordent tous sur

UAM BAT 15042018.indd 69 16/04/2018 17:02 l’impératif d’une architecture intérieure dépouillée, certains n’ont pas 70 pour autant véritablement banni les matériaux nobles ou coûteux. Mallet-Stevens choisit le bois de palmier pour le mobilier de la cham- bre des parents de la villa Cavrois. Gabriel Guevrekian utilise dans ses intérieurs des placages de marbre ou de palissandre. Pour son mobilier, il prend plaisir à allier préciosité et matériaux modernes et met en exergue les détails fonctionnels. Les sièges inclinables en mé- tal et maroquin qu’il conçoit en 1928 pour le fumoir de Pierre Delebart ne diffèrent pas véritablement de celui présenté par Ruhlmann un an plus tard au Salon des artistes décorateurs ou de la chaise longue créée cette même année pour le maharaja d’Indore. L’intérêt de plusieurs artistes de l’UAM pour les matériaux modernes est avant tout guidé par la recherche d’une esthétique nouvelle. Louis Sognot et Charlotte Alix imaginent ainsi un para- vent à structure en tube et panneaux en plaques de métal perfo- rées qu’ils présentent à la deuxième exposition de l’UAM, en 1931. Une observation attentive de la pièce, avec ses perforations irré- gulières, révèle une exécution artisanale. Les lampes de Jacques Le Chevallier, qu’il exécute lui-même de manière artisanale avec l’aide de Raymond Kœchlin, sont de véritables constructions de style cubiste et machiniste dans lesquelles les recherches formelles précèdent l’intention fonctionnelle. Ses Lampes liseuses sont ainsi un jeu d’assemblage de feuilles d’aluminium découpées, de cubes de bois et d’ébonite avec vis de montage laissées volontairement apparentes pour former une sorte d’ornement moderne évoquant un objet engendré par l’industrie. Ses Lampes sphères en feuilles d’aluminium sont des sculptures lumineuses avant d’être des appa- reils d’éclairage. Quant aux Suspensions à peignes, évocation d’un outil industriel, elles sont les parfaits témoins de cette esthétique machiniste qui caractérise l’œuvre de l’artiste. Si le dessin est une réussite, d’un point de vue pratique Raymond Kœchlin remarquera que « l’éclairage n’est pas fameux, on voit beaucoup l’ampoule et les éventails masquent complètement les côtés206 ». Malgré ce constat, le prototype ne sera pas modifié. Pierre Chareau est sans doute celui dont les créations reflè- tent le mieux ce double intérêt technique et esthétique pour les maté- riaux nouveaux que sont le métal et le verre. Il appartient aux modernes qui aiment les matières nobles, les bois exotiques, mais qui jouent autant des possibilités esthétiques offertes par le métal. La Maison de verre, rue Saint-Guillaume à Paris, est à l’évidence le plus bel exemple de cette synthèse entre réflexion fonctionnaliste et recherche d’une esthétique moderne, compromis entre modernis- me et luxe qui qualifie l’œuvre de Pierre Chareau207.

UAM BAT 15042018.indd 70 16/04/2018 17:02 71 La frontière entre certains artistes de l’UAM et les décora- teurs les plus modernes de la Sad n’est pas toujours claire, tout comme l’homogénéité de l’UAM se révèle illusoire. Tous les artistes de l’Union n’appartiennent pas à l’avant-garde internationale, et des divergences de fond les séparent. Pour beaucoup d’entre eux, la volonté d’un renouveau esthétique n’est pas synonyme d’évolution vers un art industriel et démocratique, et bien souvent le moder- nisme défendu par les membres de l’UAM s’avère plus un style connotant l’esprit moderne qu’une éthique208.

« Adorer Vulcain ne suffit pas »

La première exposition de l’UAM, où « le Tout-Paris mondain était représenté209 », nous dit le journaliste Marcel Zahar, révèle ces contradictions. Plusieurs critiques spécialisés ne manquent pas de les souligner. Léon Werth, généralement favorable aux modernes, note que l’exposition « permet de saisir des points limites, des oppo- sitions presque absolues de tendances210 ». Selon Ernest Tisserand, « l’esprit d’unité et d’homogénéité manque au groupement211 ». En effet, bien plus que ce qui les rassemble, l’exposition met à nouveau en évidence les divergences de fond qui séparent ces artistes. Selon Léon Werth, il y a ceux qui comme Jean Prouvé tentent de répondre à des problèmes techniques, et ceux qui comme Robert Lallemant répondent à des problèmes d’art et de goût, « sophisme soutenu par une mode fugitive212 ». Certains conçoivent des ensembles logiques comme Charlotte Perriand, alors que d’autres présentent des ensembles « à la façon d’un poème » par des allusions mécaniques ou cubistes aux vertus purement ornementales. Les ambiguïtés du groupement sont encore plus flagrantes de par les « ruissellements de joyaux » ou les objets d’art, « véritables poèmes au verre et au métal en tant que tel ». Car, selon Léon Werth, « adorer Vulcain ne suffit pas [...], la technique ne se paye pas de mots, elle ne se contente pas d’un lyrique hommage par allusion213 ». Beaucoup d’artistes de l’UAM ne renoncent pas au chef- d’œuvre conçu par un individu pour un individu, restant ainsi éloi- gnés des notions de standard et de série. « La plupart des exposants n’ont pas osé aller jusqu’au bout de leur pensée et présenter brave- ment des meubles nettement utilitaires, conçus pour l’exécution en série. Même quelques-uns ont voulu faire de l’art par les procédés les moins défendables214 », écrit Léon Werth. Ainsi, les contradic- tions de l’UAM apparaissent dans toutes leurs forces au pavillon

UAM BAT 15042018.indd 71 16/04/2018 17:02 de Marsan. L’exposition de l’UAM ne montre qu’un groupement de 72 créateurs et ne prend pas en compte la réalité économique. Léon Werth le signale vigoureusement et refuse de reconnaître en l’UAM l’homologue français du Werkbund allemand pour qui « le nickel n’est [ici] jamais un snobisme » et chez qui « la vie est là, la vie d’aujourd’hui215 ».

Les membres bienfaiteurs ou le Who’s Who de 1930

Il faut à présent se pencher sur le cercle de commanditaires des artistes de l’UAM. L’esthétique moderniste des créateurs et leur discours engagé ont eu bien souvent tendance à faire oublier la composition de leur clientèle. Contrairement à leur opposition à un art d’exception et à leur volonté d’aller à la rencontre de leurs contemporains exprimée dans leur manifeste, beaucoup des artistes de l’UAM ont travaillé pour une élite fortunée. Leurs clients font partie d’un cercle restreint, où se retrouvent les grands noms de l’aristocratie française comme les Noailles ou les Rothschild, mais aussi les princes étrangers comme l’Aga Khan ou le maharaja d’Indore. Les commanditaires des modernes se comptent également dans l’univers de la mode (Jeanne Tachard, Jacques Doucet, Paul Poiret et Jacques Heim) et parmi de riches collectionneurs (les Dalsace, Jacques Rouché et Léonce Rosenberg). Les modernes se passent en outre commande entre eux. Plusieurs des créations de Pierre Chareau sont comman- dées par ses camarades, comme Hélène Henry ou Georges- Henri Pingusson. Jan et Joël Martel ainsi que Louis Barillet confient la réalisation de leurs ateliers à Mallet-Stevens, tandis qu’Eileen Gray décore l’appartement de Jean Badovici et que Louis Sognot aménage les ateliers de Jean Carlu. Il est particulièrement intéressant de s’arrêter sur la caté- gorie des membres bienfaiteurs de l’UAM. Il s’agit, selon les statuts de l’association, de tous ceux qui s’intéressent à l’Union des artistes modernes, reçus à l’unanimité de l’assemblée générale216. La seule liste des membres bienfaiteurs rendue publique est celle publiée dans le catalogue de la première exposition de 1930. Y figurent l’orfèvre Louis Puiforcat (père de Jean) et le joaillier Paul Templier (père de Raymond) et l’on comprend alors pourquoi Ernest Tisserand n’hésite pas à déclarer que « les bijoutiers ont fait naître l’Union » et que « [s’ils] n’y étaient pas, l’Union n’y serait peut-être pas non plus217 ».

UAM BAT 15042018.indd 72 16/04/2018 17:02 73 Apparaissent encore parmi les membres bienfaiteurs les éditeurs d’art Albert Lévy et Charles Moreau, dont les publications partici- pent à la diffusion de l’art des modernes. Albert Lévy est l’éditeur des cinq volumes du Répertoire du goût moderne, publié en 1929, auxquels collaborent plusieurs artistes de l’UAM. Charles Moreau a notamment édité gratuitement le manifeste de l’UAM et sera admis membre actif de l’Union sans cotisation. Autre bienfaiteur, la Compa- gnie royale asturienne des mines, qui financera plusieurs exposi- tions de l’UAM. Citons encore trois grands mécènes des modernes : le vicomte de Noailles, Jacques Rouché et Pierre David-Weill218. L’UAM est donc financée par ses membres les plus riches et par un mécénat. Si ces personnalités sont les seules à figurer dans le catalogue de l’exposition de 1930, le procès-verbal de l’assemblée générale du 5 mai 1931 fait état du souhait de l’ébéniste parisien Georges Selz, qui travaille en particulier à la réalisation du mobilier conçu par Mallet-Stevens pour la villa Cavrois, de devenir membre bienfaiteur219. Le procès-verbal du 18 juin 1931 indique l’admission de Charles Peignot comme membre bienfaiteur. D’autre part, de nom- breuses personnalités furent contactées par l’UAM afin d’apporter leur appui à l’association, soit comme membre bienfaiteur soit comme donateur220. Pour cela, plusieurs membres de l’UAM avaient propo- sé au bureau une liste de leurs clients et de leurs connaissances portant un intérêt à « l’art de [leur] époque221 » et qu’il serait alors souhaitable de solliciter. Les personnalités contactées par l’UAM appartiennent à l’élite financière et intellectuelle, et sont pour la plupart de riches collec- tionneurs ouverts à l’esprit du temps, que symbolise l’UAM. Il s’agit de l’aristocratie de l’époque telle qu’Henri et Robert de Rothschild, les Faucigny-Lucinge, la princesse Murat, le baron Empain, le baron Stern, le baron de Lassus, de même que de riches industriels comme Voisin, Roussel ou Jules Desurmont, ainsi que les principaux ac- teurs de l’industrie automobile, Bugatti, Citroën et Renault. Il faut encore ajouter les marchands Léonce Rosenberg et Paul Guillaume, le couturier Jean Patou et les éditeurs Albert Morancé et Robert Draeger222. Et si ces personnalités ne figurent pas parmi les membres bienfaiteurs de l’UAM en 1930, il est cependant tout à fait envisa- geable que plusieurs d’entre elles aient apporté un soutien finan- cier à l’association. Ce système de mécénat sur lequel repose une partie des ressources de l’UAM est à l’image du système de production dont dépendent ses membres qui travaillent pour et grâce à de riches commanditaires avant-gardistes. L’UAM dépend d’un cercle réduit qui la fait vivre et tend à l’éloigner des valeurs socialistes que

UAM BAT 15042018.indd 73 16/04/2018 17:02 défendent plusieurs de ses membres et que reprend son manifeste 74 en proclamant que « l’art moderne est un art véritablement social ». Il est certain que l’attachement des classes moyennes aux copies de meubles de style et la crise économique furent des facteurs compromettant pour la démocratisation de leurs créations, mais il faut également voir que ces créateurs sont restés attachés à un certain culte de la personnalité et de l’expression individuelle et qu’ils n’ont pas su ou n’ont pas voulu tenter d’établir de solution d’ensemble capable d’aboutir à une pédagogie ou à une produc- tion industrielle. L’interprétation faisant de la scission de 1929 une véritable rupture opposant des artistes de la Sad fidèles à un art décoratif élitiste et des dissidents militants pour un art social démocratique engagés dans un effort commun pour offrir un art appliqué destiné à la masse se révèle illusoire.

L’UAM : un corporatisme non avoué ?

Les artistes de l’UAM se présentent comme un groupe véritablement moderne, reniant l’héritage de leurs aînés et souhai- tant doter l’homme de leur époque d’un cadre raisonnable. Il faut toutefois dépasser cette définition généreuse et quelque peu idéa- liste et reconnaître avant tout l’UAM comme une association de pro- fessionnels, architectes, décorateurs et artisans d’art, réunis pour défendre leurs intérêts.

Des artisans modernes

Beaucoup de membres de l’UAM sont à la fois créateurs et fabricants. Ils partagent ainsi le double objectif de produire et vendre. Les joailliers de l’UAM, Jean Fouquet, Gérard Sandoz et Raymond Templier, et l’orfèvre Jean Puiforcat appartiennent à de vieilles maisons familiales. Ils se sont ainsi formés dans les ateliers de leurs pères avant d’assurer la direction de ces maisons et de perpétuer un artisanat d’art de luxe. Ces artisans modernes appar- tiennent tous à la liste des membres fondateurs de l’UAM et tiennent des rôles essentiels dans la direction et le financement de l’association. Raymond Templier est en effet, dès la création de l’UAM, son trésorier et Jean Fouquet sera le secrétaire du second

UAM BAT 15042018.indd 74 16/04/2018 17:02 75 comité directeur. Enfin, on trouve parmi les membres bienfateurs de l’association les pères de Raymond Templier et de Jean Puiforcat. Plusieurs décorateurs de l’UAM conçoivent mais également fabriquent leurs créations. Francis Jourdain, membre du premier comité directeur de l’Union, avait ouvert dès 1926 un atelier chez lui, rue Vavin à Paris. René Herbst, qui fait lui aussi partie du premier bureau de l’Union, édite lui-même ses meubles qu’il vend sur catalogue et, en 1932, Marcel Gascoin installe en outre sa première maison d’édition de mobilier. D’autre part, Louis Sognot et Charlotte Alix, qui étaient membres de l’atelier de création du Prin- temps (Primavera), s’associent en 1928 et ouvrent le Bureau interna- tional des arts français, rue de l’Abbé-Grégoire. En 1930, ils cessent de travailler pour Primavera, devenant alors des artistes indépen- dants et adhèrent à l’UAM. Dès le mois de décembre, Charlotte Alix rejoint le nouveau comité directeur de l’association. Le ferronnier d’art Jean Prouvé adhère à l’UAM dès 1929. Cet homme de métier dirige ses propres ateliers installés à Nancy depuis 1924. En 1929, il appartient encore à l’artisanat d’art, et mê- me lorsqu’en 1931 il s’orientera vers les méthodes issues de l’in- dustrie, il oscillera encore entre ces deux types de production. D’autres chefs de fabrique s’associèrent à l’UAM dès sa création. C’est le cas de l’ingénieur éclairagiste André Salomon, qui possédait déjà sa petite entreprise, Perfecla, « Société pour le per- fectionnement de l’éclairage », créée en 1927 et financée par des membres de sa famille et des amis. Il en va de même du maître verrier Louis Barillet, qui possède ses propres ateliers dans lesquels travaille Jacques Le Chevallier avec qui il collabore à de nombreux projets pour des architectes modernes. Le céramiste Robert Lallemant, membre du second comité directeur de l’UAM, appartient lui aussi à cet artisanat moderne. Son père lui achète en 1926 une petite usine de céramique sur le déclin, installée rue du Passage-d’Orléans à Paris. En 1930, Robert Lalle- mant déménage et installe ses fours quai d’Auteuil. Hélène Henry, membre du premier comité directeur de l’UAM, avait ouvert un atelier de tissage en 1918, rue des Grands-Augustins à Paris. Son travail attire rapidement l’attention des décorateurs modernes. Son nom est alors inséparable de futurs membres de l’UAM tels Pierre Chareau, Francis Jourdain ou Lucie Holt Le Son, tout comme de décorateurs tels Léon Bouchet et Jules Leleu. Éloignée des concepts de standardisation et d’industrialisation, sa contribution à la création de l’UAM a été surtout motivée par un esprit de solidarité : « On se renvoyait l’ascenseur, car chacun

UAM BAT 15042018.indd 75 16/04/2018 17:02 considérait que le travail des membres de l’UAM formait un tout 76 homogène, que l’équipe s’autodynamisait par les qualités respec- tives de chacun223. » Réunion de créateurs modernes, l’UAM l’est assurément. Mais ce regroupement de représentants de l’artisanat moderne sous toutes ses formes a des allures de regroupement corporatiste, sorte de sursaut face aux difficultés qui s’annoncent pour ces artistes. La présence de René Herbst, des joailliers Raymond Templier et Jean Fouquet, comme d’Hélène Henry aux côtés de Mallet-Stevens dans le comité directeur de l’association n’est pas anodine.

Les refusés de l’UAM

La majorité des artistes refusés à l’UAM au cours de la décennie trente n’appartenaient pas à l’avant-garde ou n’avaient pas fait suffisamment leurs preuves pour être en mesure de convaincre les modernes qu’ils avaient leur place au sein de l’Union224. En revanche, quelques cas plus ambigus, comme ceux de Gaston- Louis Vuitton, Jean Royère et Paul Bonifas, méritent d’être étudiés. En 1929, Gaston-Louis Vuitton, à la tête de la fameuse maison d’articles de voyage et de maroquinerie, prend connaissance de la naissance de l’UAM par une note parue dans Le Figaro. Ignorant tout du nouveau groupement mais portant une réelle sympathie à certains de ses membres, il émet aussitôt le souhait de se joindre à eux225. Il n’est pas surprenant que cet homme, passionné par les technologies nouvelles, travaillant en collaboration avec l’industrie automobile et aéronautique et multipliant les recherches pour le con- fort des voyageurs, ait souhaité adhérer à l’association. Mais pour quelles raisons cette véritable icône de l’esprit moderne n’a-t-elle pu intégrer l’UAM ? Les membres du bureau de l’association affirment dans leur réponse qu’ils ne veulent pas, à ce moment-là, augmenter le nombre de ses membres. Pourtant, à la même période et au cours des mois qui suivent, plusieurs artistes, tels que Louis Sognot, Lucie Holt Le Son ou Georges Bastard, sont invités à se joindre à l’UAM226. Il faut rappeler que la maison Vuitton, fondée en 1854, et dont la fabrique était installée à Asnières, avait su s’implanter progressi- vement dans le monde entier jusqu’à devenir la référence du savoir- voyager. En 1929, la société, au capital d’un million de francs, pos- sédait des magasins à Nice, Paris, Vichy et Londres, ainsi que tout un réseau de dépôts en France mais aussi en Hollande, en Algérie,

UAM BAT 15042018.indd 76 16/04/2018 17:02 77 en Égypte, aux États-Unis, au Canada, en Argentine, en Inde et en Thaïlande. Il est alors très probable que l’appartenance de Vuitton à la grande industrie du luxe international a compromis son accep- tation au sein de l’UAM. Une hypothèse qui confirme l’idée selon laquelle les membres de la nouvelle Union se voulaient les repré- sentants d’une conception de la modernité exclusive et d’un certain entre-soi. Un autre refus tout aussi ambigu est celui du décorateur Jean Royère. C’est au nom de la maison d’ameublement, d’installation et de décoration Drouard227 que Jean Royère adresse sa demande de participation à la future exposition de l’UAM, où il envisage de pré- senter quelques meubles métalliques228. Cette demande lui sera refusée. Pourtant, bien qu’il soit encore à ses débuts, les comman- des qu’il réalise à cette époque tendent à démontrer qu’il aurait pu trouver sa place au sein de l’association. Le mobilier qu’il conçoit en 1932 pour l’aménagement intérieur de l’appartement et du cabinet du docteur Philippe Decourt témoigne de son adhésion au mouve- ment fonctionnaliste : il imagine à l’occasion un mobilier en tube et lattes de métal chromé, crée à partir de formes standard s’adaptant à plusieurs types de meubles. En 1933, Royère travaille à l’aména- gement des salons de la brasserie Le Carlton229 sur les Champs- Élysées, pour lesquels il élabore à nouveau un mobilier en tube de métal chromé, bakélite et rotin230. Ces toutes premières réalisations reflètent clairement ses préoccupations concernant la rationalisa- tion de l’aménagement intérieur et d’un vif intérêt pour la création d’un mobilier pratique et fonctionnel, exploitant les possibilités offertes par les nouveaux matériaux industriels. À cette époque, l’artiste adhère pleinement aux concep- tions soutenues par les modernes, et la réflexion qu’il va mener quelques années plus tard, en 1936, sur le mobilier de série et l’habitat minimum, dans le cadre de l’aménagement de la fondation Bloch à Suresnes et de la cité ouvrière d’Aplemont à Frileuse, vient confirmer son engagement sur la voie du mouvement moderne. Nommé responsable du département contemporain de la maison Gouffé en 1934, il développera les idées modernistes sur le fonc- tionnalisme et l’utilisation des matériaux issus de l’industrie tels que le tube ou la tôle perforée. Il intègre pleinement ces nouveaux matériaux dans ses projets, se montrant capable de s’appuyer sur les possibilités offertes par l’industrie pour développer du mobilier de série, comme l’atteste le mobilier en cornière de métal et tôle présenté à l’Exposition de l’habitation en 1936. Royère poursuivra sa réflexion sur l’organisation de l’espace intérieur et le dévelop- pement de l’éclairage, comme l’illustre l’aménagement de son

UAM BAT 15042018.indd 77 16/04/2018 17:02 cabinet de travail en 1934. À la fin des années trente, les idées 78 modernes perdent la rigueur théorique des premiers temps. Elles deviennent un socle sur lequel Royère va bâtir une œuvre libre, redonnant sa place à la couleur, l’ornement et la fantaisie, et crée un style moderne personnel qui fera son succès. Ainsi mis à l’écart de l’UAM, Royère a développé une œuvre originale et unique qui prend ses sources dans les théories modernistes pour mieux les dépasser. Son œuvre, celle d’un décorateur bourgeois, membre de la Sad, ne peut être, les études récentes l’ont prouvé, écartée de l’histoire de la modernité. Pour tenter d’expliquer les raisons du refus des modernes de voir Jean Royère exposer à leurs côtés, ce ne sont sans doute pas des divergences de conceptions esthétiques qu’il faut alors avancer, mais bien plutôt le fait que les artistes de l’Union n’ont probablement pas perçu l’intérêt qu’ils avaient de collaborer avec un créateur encore à ses débuts. Il ne faut pas non plus perdre de vue que Royère contacte l’UAM au nom du fabricant de meubles Drouard pour le compte duquel il travaille à ce moment-là. Le refus de l’UAM relève par conséquent plus vraisemblablement de l’hos- tilité de créateurs indépendants face à la concurrence que peuvent représenter les maisons du quartier de la Bastille, récemment con- verties au style moderne. Enfin, le refus de la demande d’adhésion du céramiste suisse Paul Bonifas est certainement celui qui conduit le plus à s’interroger sur les véritables conditions d’admission à l’UAM. En novembre 1929, Paul Bonifas, maître potier à Ferney- Voltaire dans l’Ain depuis 1922, soumet sa candidature231 à l’UAM afin de pouvoir présenter ses œuvres à la future exposition du groupe, mais ne reçoit pas le nombre de voix suffisant lors du vote de l’assemblée générale de l’Union pour qu’elle soit retenue232. Ce refus est quelque peu troublant dans la mesure où Paul Bonifas fut lié au mouvement moderne parisien dès le début des années vingt, puisqu’il fut secrétaire de rédaction du journal L’Esprit nouveau233 et travailla entre 1921 et 1925 auprès de Le Corbusier et Ozenfant. Par ailleurs, si l’on prend en considération les créations de Bonifas, et plus spécialement ses terres lustrées noires, il apparaît encore que celui-ci partage avec les membres de l’UAM cette volonté de concevoir des produits beaux et utiles, débarrassés de tout ornement et réalisables en grande série afin d’en abais- ser le prix et de pouvoir les diffuser au plus grand nombre. Les visées théoriques et même éthiques de Bonifas ne sont donc pas en contradiction avec celles des artistes modernes. Bonifas fait en

UAM BAT 15042018.indd 78 16/04/2018 17:02 79 effet partie de ceux qui défendent une coopération entre l’artiste et l’industriel : « Il faut surtout constater que l’art et les techniques industrielles modernes peuvent faire bon ménage ; leurs produits peuvent être accessibles à toutes les bourses, tout en ayant des qualités d’aspect, d’agrément et d’usage pratique que n’ont pas les fabrications industrielles sans le concours de l’art234. » Attaché à cette volonté de diffusion commerciale de ses modèles au plus bas prix, Bonifas a su dès 1927 mettre en œuvre cet idéal et produit sous la marque BOAS une série de terres noires lustrées qu’il présente dans une plaquette promotionnelle235. Ainsi, à la suite du Werkbund et du Bauhaus, il veut jouer le rôle de « designer ». On trouve donc chez lui cette notion éthique de service avec cette volonté de se placer à la fois comme artiste créateur et comme industriel. Alors comment expliquer le refus de sa candidature à l’UAM ? Faut-il évoquer le fait que, si Bonifas réalise des pièces de série, il n’a jamais abandonné la création de pièces uniques desti- nées à la pure délectation esthétique ? C’est peu convaincant si l’on considère certaines œuvres des artistes de l’UAM, celles de Jean Fouquet ou d’Étienne Cournault par exemple, qui bien qu’esthétique- ment modernes restent souvent des pièces uniques pour quelques clients privilégiés. Il est peut-être plus vraisemblable que la raison de ce refus soit liée à l’esthétique des créations de Bonifas qui, malgré leurs formes simples et dépouillées, pleinement adaptées à leur fonction, demeurent inspirées par un certain classicisme contraire aux conceptions esthétiques de l’UAM. Néanmoins, cette question formelle est peu justifiée dans la mesure où Bonifas a su utiliser ses références classiques pour atteindre un idéal de clarté formelle que défendaient les artistes du purisme et qu’il a su les mettre au service d’une logique productive moderne. À ce sujet, il est intéres- sant d’évoquer le texte de Lucienne Florentin qui parle de l’impact de l’œuvre de Bonifas sur le public : « Les artistes admiraient des œuvres d’une intégrité absolue, dont le lustre était tout à la fois austère et somptueux. Les amateurs reconnaissaient des pièces que leurs nobles qualités artistiques permettaient de placer dans leurs collections. Les industriels enfin se trouvaient pour la première fois devant des œuvres variées d’aspect – malgré leur caractère géométrique – mais dont la stricte discipline ne détruisait pas ce qui demeure en tout chef-d’œuvre d’humaine sensibilité. Pour la première fois, des œuvres fabriquées mécaniquement offraient le triple et profond accord de la matière, de la forme et de la technique ; pour la première fois le caractère franchement indus- triel ne détruisait pas la valeur artistique. C’est que Paul Bonifas, au

UAM BAT 15042018.indd 79 16/04/2018 17:02 lieu d’exiger des moyens mécaniques ce qu’ils refusent à donner, 236 80 leur fit rendre, au contraire, tout ce qu’ils pouvaient donner . » Ainsi, le refus au sein de l’UAM de Bonifas, bien que celui-ci soit parvenu à mettre en œuvre les ambitions esthétiques et éthi- ques défendues par les artistes de l’UAM, ne fait que souligner toute l’ambiguïté des conditions d’admission au sein du groupe- ment. On peut imaginer que les raisons de ce refus sont alors le fruit de rivalités personnelles. En effet, à la suite de la rupture qui intervient entre Jeanneret et Ozenfant en 1925, Bonifas reste proche de ce dernier. Le Corbusier a donc pu avoir un certain ressentiment vis-à-vis de Bonifas qui a pu compromettre son entrée à l’UAM. D’autre part, Robert Lallemant est le seul céramiste de l’UAM, il est possible que, pour des raisons de concurrence, il se soit opposé à la nomination de Bonifas comme membre. Si Paul Bonifas ne fut pas admis comme invité comme il l’avait demandé, une de ses terres noires apportée par les soins de Pierre Chareau fut présentée dans un coin du premier Salon de l’UAM, ce qui confirme encore toute l’ambiguïté des conditions d’admission de l’association. « Pourquoi ne pas avoir donné à ce bel artiste la place d’invité de choix qu’il mérite237 », s’interroge Ernest Tisserand, qui est d’ailleurs le seul critique à mentionner sa partici- pation à l’exposition de 1930. Dans un précédent article consacré à l’UAM, il avait déjà fait part de son incompréhension face à l’ab- sence du céramiste suisse au sein de l’Union : « Ses terres noires, logiques, nobles, utilitaires et peu coûteuses, ses faïences blan- ches, fraîches et dépouillées, devraient parer certains stands [mais] si l’esprit d’unité et d’homogénéité manque au groupement, il n’en est peut-être pas moins de l’esprit de coterie238… » Ernest Tisserand touche là à une question intéressante. L’ambiguïté des refus de Royère, Vuitton et Bonifas, lesquels sont surtout motivés par des questions d’intérêts et de rivalités personnelles, lui donne raison.

Un mouvement moderne

Commentant l’exposition de 1930, Ernest Tisserand conclut en mettant en garde les artistes de la nouvelle Union : «Que les artis- tes modernes ne l’oublient pas, leur groupement est un peu creux. Il faudra recruter ou bien mourir239. » Dès les origines de l’association, ses membres fondateurs avaient pris conscience qu’il leur fallait s’agrandir s’ils voulaient faire autorité. Ainsi, ils s’activèrent à obte- nir les adhésions de Georges Bastard, Cassandre, Pierre Chareau240,

UAM BAT 15042018.indd 80 16/04/2018 17:02 81 Étienne Cournault, Jean Dourgnon et Lucie Holt Le Son 241, et suite à la première exposition du groupe, Pierre Chareau, Marcel Gascoin, Jean Lambert-Rucki et Joep Nicolas, qui faisaient partie des invités, furent nommés membres actifs. Dans les années qui suivirent, le principe de parrainage sur lequel reposait l’association devait lui permettre de s’augmenter d’un grand nombre d’artistes travaillant dans le style moderne. Par la force du nombre, les artistes de l’UAM pouvaient espérer donner plus de poids à leurs démonstrations et une plus grande crédibilité au groupe de propagande des idées modernes qu’ils se proposaient d’être242. L’invitation d’artistes étrangers et la nomination de certains d’entre eux comme membres actifs témoignent de la volonté de l’UAM de prendre une dimension internationale. Au-delà d’une reconnaissance réciproque du travail des uns et des autres, ces échanges participent aussi d’un intérêt commun pour la diffu- sion de leurs œuvres. Dans un courrier adressé à René Herbst en 1930, Alfred Gellhorn émet l’idée d’un échange de métier entre artistes français et allemands, dans le but d’organiser des exposi- tions réciproques, mais également d’obtenir des débouchés pour la production et la vente de leurs créations243. Il envisage les exposi- tions comme un moyen de se faire connaître et de s’imposer face aux tendances officielles des deux pays. L’objectif étant de travail- ler pour les ateliers aux tendances modernes, de posséder des places officielles, de s’assurer les concours de sociétés françaises et allemandes avec l’appui des gouvernements, d’obtenir des appuis financiers, des locaux d’exposition et des financements des firmes responsables de la vente. Et Alfred Gellhorn envisage que cette collaboration franco-allemande débute par son invitation et celle d’Emanuel Josef Margold à participer à la prochaine exposition de l’UAM. Chose faite puisque tous deux prendront part au Salon de l’UAM de 1930 et seront nommés membres actifs en 1931. Les échanges établis entre l’UAM et l’architecte italien Alberto Sarto- ris, actif propagandiste de la nouvelle architecture, attestent eux aussi de l’intérêt qu’a pu trouver l’UAM à se lier aux acteurs de l’avant-garde internationale. Nommé membre actif de l’UAM en 1931, Sartoris donna en effet la possibilité aux artistes de l’UAM de se faire connaître en Italie en faisant paraître des photographies de leurs créations dans la revue Casabella244. Le rôle de passeur de Sartoris entre les créateurs de l’UAM et le monde artistique italien, ainsi que le projet d’union franco-allemande de Gellhorn et Margold dépassent une simple affinité de tendance. Ces échanges artis- tiques internationaux mettent en évidence les difficultés des archi- tectes et créateurs modernes à s’imposer dans les années trente, et

UAM BAT 15042018.indd 81 16/04/2018 17:02 la nécessité de se grouper pour trouver des appuis afin de diffuser 82 leurs créations. Une lettre de l’UAM à Marcel Lods et Eugène Beaudouin confirme cette hypothèse, puisqu’elle évoque la néces- sité d’une collaboration efficace « étant donné les nombreuses diffi- cultés qui sont sur la route des créateurs modernes et pour les- quelles [ils doivent] sans relâche mener le combat245 ». Les membres fondateurs de l’UAM ambitionnent également d’élargir leur groupement à d’autres créateurs de domaines artisti- ques pour former « une masse imposante de signataires » qui ferait ainsi autorité. Ces « membres associés » apporteront, dès 1931, un appui moral et la force du nombre dans les campagnes de l’UAM246. Déjà en vue du Salon de 1930, Mallet-Stevens avait proposé d’ins- taller une scène de théâtre où Gaston Baty, Charles Dullin, Louis Jouvet et Georges Pitoëff pourraient présenter des décors247. Ces quatre metteurs en scène, bien qu’ayant des styles différents, reniaient tout l’héritage des aînés et militaient pour un théâtre d’avant- garde. Ils s’étaient groupés en 1927 sous le nom de Cartel, pour la défense de leurs intérêts professionnels et moraux. Leur invitation au premier Salon de l’UAM, si elle manifeste un attrait certain pour leur travail, ne révèle-t-elle pas aussi le sentiment de camaraderie que les membres de l’UAM ont pu avoir pour un groupe d’artistes qui mène le même combat que le sien ? En 1933, plusieurs représentants du cinéma et de la musique en communauté d’idées avec l’UAM sont proposés comme membres associés248. Il s’agit des cinéastes René Clair, Georg Wilhelm Pabst, Victor Trivas et Jean Vigo, et des compo- siteurs du Groupe des Six249, Georges Auric, Arthur Honegger, Darius Milhaud et Francis Poulenc, ainsi que de Maurice Ravel, Marcel Delan- noy, Georges Migot, Henri Sauguet et Kurt Weill. Si les compositeurs Marcel Delannoy et Georges Migot adhèrent à ce moment-là à l’UAM, aucun document n’atteste de l’adhésion des autres artistes propo- sés. En 1934, l’UAM, qui n’avait jamais accepté de peintres jusque-là, obtient l’adhésion d’Albert Gleizes et de Fernand Léger afin de partici- per aux activités de l’UAM et à la défense de leurs idées250. À travers son militantisme actif, l’UAM s’avère un véritable groupe de combat pour la promotion de l’idéal moderne et la dé- fense de ses acteurs. Dès sa création, l’UAM rédige pour cela une courte note à la presse qui sera diffusée gratuitement dans les journaux grâce au soutien de Joseph Van Melle, secrétaire de direc- tion des messageries Hachette et mari d’Hélène Henry. À nouveau en 1930, l’UAM envisage de publier une note de cinquante lignes afin d’informer le public sur ses raisons d’être et de « populariser » le mouvement avant que ne s’ouvre sa première exposition251.

UAM BAT 15042018.indd 82 16/04/2018 17:02 83 Conscients de l’impact que peut avoir une exposition, les artistes de l’UAM, qui entendent bien convaincre les institutions du bien-fondé de leur démarche, convient à leur exposition les présidents de sociétés d’art, le sous-secrétaire d’État aux Beaux- Arts, les présidents des Chambres et du Sénat et trois ministres252. Ils n’ignorent pas non plus le rôle déterminant des journalistes qui peuvent faire des expositions de véritables événements. Ainsi, l’en- semble des journalistes spécialisés, favorables ou non aux moder- nes, sont conviés au vernissage253. Les membres du comité de l’UAM ont par ailleurs compris que le cinéma peut être un moyen de propagande efficace, et bien que l’on ne sache pas si le projet vît le jour, Jean Carlu avait rencontré la Paramount qui aurait fait volontiers un film sur le premier Salon de l’UAM254. Durant ses premières années, le comité de l’UAM s’active donc à faire rayonner l’association et ses artistes. Mais entamant la troisième année de leur union, conscients des faiblesses et des contradictions de leur groupement, les modernes perçoivent la né- cessité d’établir un programme afin de maintenir l’intérêt du groupe- ment, la solidarité de ses membres et pour que la société conserve sa vitalité : « L’UAM doit rester ce qu’elle semblait être, à ses débuts, un mouvement255. » Dans l’idée que leur action ne devait pas se résumer à des expositions collectives, ils envisagent de mener au nom de l’UAM différentes campagnes sous forme de lettres ouvertes à certains organes de presse, de questions ou de protestations, « ceci chaque fois qu’un fait dûment contrôlé, dans quelque pays que ce soit, prouvera la carence, l’inertie, le manque de compréhension d’une administration, l’action néfaste de certaines affaires et cha- que fois [qu’ils estimeraient] les pouvoirs publics et l’opinion devoir être saisis256 ». Cette même action pouvant être affectée par voie d’affiches ou au moyen de pétitions. Il était également prévu que la troisième exposition de l’UAM consacre un emplacement à la récapitulation visuelle des campagnes que l’Union aurait entreprises (manifestations, tracts, pétitions, affiches, graphiques, schémas, photographies ou tout autre document). Mais probablement en raison des difficultés financières que rencontre l’UAM à ce moment- là, ses campagnes resteront bien souvent à l’état de projet, et la récapitulation visuelle qui aurait permis de donner une dimension plus collective à l’association ne vit pas le jour.

UAM BAT 15042018.indd 83 16/04/2018 17:02 Entrer dans la lutte : 84 le manifeste de 1934

Dès 1929, les artistes modernes connaissent des attaques violentes de la part de plusieurs critiques. Un des détracteurs les plus féroces du mouvement moderne est sans doute Camille Mau- clair qui, à travers ses articles parus dans diverses revues d’art, a largement condamné « l’affreux nudisme » de l’architecture et des arts décoratifs modernes. Il mène cette campagne répressive en collabo- ration avec l’Association des critiques d’art français, qui réclame elle aussi « l’habillage du nudisme mobilier257 ». Ensemble, ils s’accordent à dénoncer le manque d’intimité et la tristesse des nouvelles con- ceptions architecturales. Plus encore, ils condamnent le nudisme et le progrès machiniste pour être selon eux directement responsables du chômage qui sévit à l’époque dans le bâtiment et l’artisanat d’art. Camille Mauclair résumera sa pensée dans son livre L’Architecture va-t-elle mourir ? La crise du panbétonnisme intégral258, publié en 1933 tandis que la crise économique prend de l’ampleur et que la critique contre les modernes s’exacerbe. Le décorateur Paul Iribe développe également des accusa- tions franches envers les architectes et décorateurs modernes. Il publie en 1930 Choix259, dans lequel il se fait l’avocat de l’artisanat de luxe, menacé, croit-il, par le rationalisme et le purisme du style international. En 1932, tandis que la crise économique touche sérieusement le secteur de la production artistique, Iribe publie une seconde brochure, Défense du luxe260, qui s’apparente à un véritable plaidoyer pour les industries de luxe françaises. Il y dénonce les con- séquences ruineuses du modernisme, accusant le progrès industriel d’être responsable de la crise qui touche les ébénistes et artisans d’art, et réclame ainsi plus généralement un retour aux traditions françaises. L’engagement d’Iribe dépasse donc les questions esthé- tiques et se rapporte davantage à la défense des intérêts corpora- tifs des artisans. Dans une période de crise internationale, à la fois politique, économique et sociale, les campagnes contre le style international se multiplient, et l’on trouve un écho des accusations d’Iribe dans une conférence organisée à la salle Wagram le 14 mars 1932. Selon les informations relatées par Maximilien Gauthier dans L’Art vivant, M. Umbdenstock, architecte en chef du gouvernement, professeur à l’École polytechnique, chef d’atelier à l’École des beaux-arts, aurait fait à cette occasion un discours exalté contre « l’emploi de formules ultra-rationalistes », accusées de tuer les métiers d’art

UAM BAT 15042018.indd 84 16/04/2018 17:02 85 français261. Le débat devient politique, et c’est le critique Thiébault- Sisson qui porte les attaques les plus violentes au mouvement moderne dans un article du journal L’Entreprise française, organe officiel de la Fédération nationale du bâtiment et des travaux publics. Il accuse l’association, qui a invité des affichistes sovié- tiques, d’être à la solde d’un gouvernement étranger262. Jean Fouquet sera chargé de répondre dans ce même journal aux accusations du critique263. C’est finalement en décembre 1932, sur l’initiative de Robert Mallet-Stevens et de Jean Carlu, que l’UAM contacte le critique Louis Chéronnet afin de rédiger son manifeste. Le comité de l’UAM demande à Louis Chéronnet de répondre notamment à deux alléga- tions : que l’art moderne n’est pas français et qu’il est trop simple et trop facilement copiable et par conséquent responsable de la crise qui frappe l’artisanat et le commerce d’art264. Le manifeste, titré Pour l’art moderne cadre de la vie contemporaine, sera mis en pages par Jean Carlu et publié gratuitement par l’imprimerie de Vaugirard. Dans sa longue déclaration, Chéronnet reprend point par point les débats de l’époque autour de questions économiques, techniques, stylistiques ou encore politiques. « La leçon de l’histoire », « Copie ou création », « Le progrès et l’art », « La machine et l’art », « La socié- té et l’art », « La crise économique et l’art », « Style clinique ? », « Dé- truisons les parasites de l’esthétique », « La nouveauté hostile » sont ainsi quelques-uns des chapitres aux formules choc qui rythment le manifeste. Par sa forme et le ton employé, il constitue une vérita- ble brochure de propagande de l’idéal moderne. Pour son lancement, une réception spéciale est orchestrée le 5 juillet 1934 chez Mallet-Stevens265. Les critiques d’art et les représentants officiels conviés reçurent le manifeste introduit par une allocution sans détour de Jean Carlu au nom des artistes de l’UAM dénonçant les attaques qui visent alors les modernes et affirmant la raison d’être de leur manifeste : « Au moment où de jeunes artistes croient pouvoir récolter les fruits de leurs efforts et de leurs constantes recherches, il a paru à l’UAM, seul groupement constitué d’artistes d’avant-garde, qu’il était de son devoir d’entrer effectivement dans la lutte266. »

UAM BAT 15042018.indd 85 16/04/2018 17:02 L’UAM : 86 symptôme des difficultés des modernes ?

UAM BAT 15042018.indd 86 16/04/2018 17:02 « Artistes modernes ! Malice ou noble ambition ? Les deux 87 267 ensemble, peut-être . » À travers cette déclaration, François Carnot, président de l’Union centrale des arts décoratifs, se trouve assez proche de la vérité. Les convictions et l’engagement de Francis Jourdain et des artistes de l’avant-garde, pour un art qui prendrait en compte la réa- lité sociale et économique afin de répondre aux besoins matériels et spirituels de l’homme moderne, donnent à l’UAM une origine idéo- logique et politique indissociable du contexte dans lequel elle se crée. Mais l’UAM c’est aussi le regroupement des créateurs et produc- teurs qui, dans un esprit de camaraderie, se soutiennent pour la défense de leurs idées et de leurs intérêts professionnels quand les temps deviennent difficiles.

Au soir de dix belles années de mécénat privé

Sous la protection de mécènes avant-gardistes

Lorsque l’UAM se constitue, la plupart de ses membres vien- nent de vivre dix belles années d’activité créatrice. Les modernes s’étaient rencontrés au début des années vingt dans les exposi- tions et les Salons officiels, dans lesquels ils s’étaient rassemblés autour de projets communs. Dès 1922, la section « Art urbain » créée par Marcel Temporal au sein du Salon d’automne réunit Djo- Bourgeois, Gabriel Guevrekian, André Lurçat et Robert Mallet- Stevens, tous futurs protagonistes de l’UAM à l’exception de Djo- Bourgeois. L’expérience sera renouvelée l’année suivante, pour aboutir en 1924 à la création du groupe Art urbain268 au sein duquel se trouvent notamment Jean Burkhalter, René Herbst, Francis Jour- dain et Robert Mallet-Stevens, futurs membres de l’UAM. Ces pre- miers regroupements des modernes annoncent les différents projets d’expositions et manifestations de groupe des années ultérieures, qui visent à présenter au public leurs tentatives de renouveau de la création architecturale et décorative. Plutôt que de démontrer l’esprit collectif de ces artistes et le dynamisme du mouvement moderne à travers l’analyse de leurs

UAM BAT 15042018.indd 87 16/04/2018 17:02 expositions communes, il s’est avéré plus pertinent dans le cadre 88 de ce travail de s’attacher à la réelle activité créatrice des modernes qui révèle le système heureux mais fragile dont dépendaient les futurs membres de l’UAM : le mécénat avant-gardiste. Pour cela, deux cas sont particulièrement révélateurs : il s’agit des artistes de Jacques Doucet et du cercle d’artistes « collaborateurs » réunis autour de Robert Mallet-Stevens, qui constitueront le noyau de l’UAM. Plusieurs des artistes de l’UAM venaient du petit groupe d’artistes que Jacques Doucet avait réuni autour de lui au début des années vingt, et pour certains comme Eileen Gray, avant même la Première Guerre mondiale269. Le couturier et ancien collectionneur de l’art du XVIIIe siècle s’était pris de passion pour les artistes de son temps, « ceux qui cherchaient des voies nouvelles, ceux qui rencontraient le plus d’obstacles et livraient le plus dur combat, […], il les aida de son goût, de son influence et de son argent270 ». Eileen Gray avait rencontré le couturier au Salon des artis- tes décorateurs de 1913, et le paravent Le Destin comme les célè- bres tables Lotus et Bilboquet furent installés dans l’appartement du 46, avenue du Bois dans lequel Jacques Doucet avait emménagé en décembre 1913 après avoir quitté la rue Spontini. Pierre Legrain, qui avait commencé sa carrière comme dessinateur satirique notamment pour Le Témoin et La Baïonnette, revues dirigées par Paul Iribe, fait la connaissance de Doucet par l’intermédiaire du décorateur. Legrain réalise pour lui des reliures ainsi qu’un certain nombre de meubles dont ses tabourets africanistes, une armoire en noyer à décor sculpté par Joseph Csaky ou encore un meuble d’appui orné d’une plaque émaillée de Gustave Miklos, tous deux aujourd’hui conservés dans les collections du musée des Arts décoratifs à Paris. C’est par l’intermédiaire de Pierre Legrain qu’au Salon des décorateurs de 1923, Rose Adler rencontre le cou- turier mécène qui lui passe commande de trois reliures. Les années suivantes, elle réalise à sa demande d’autres reliures, de même que des cadres pour des œuvres de Pablo Picasso ou encore de Francis Picabia et quelques éléments mobiliers. Jean-Charles Moreux, re- marqué par Doucet lors de l’Exposition internationale de 1925, fait également partie du cercle des débuts puisqu’il conçoit autour de 1925 pour madame Doucet le bureau à gradins en bois laqué vert, parchemin et verre lui aussi dans les collections du musée des Arts décoratifs. Moreux crée en outre à cette période une table basse éclairante en placage d’ébène et d’ivoire, peau de crocodile et verre, que l’on retrouvera dans le vestibule du studio Saint-James.

UAM BAT 15042018.indd 88 16/04/2018 17:02 89 Pour l’aménagement de son studio au 33, rue Saint-James à Neuilly-sur-Seine en 1928, Jacques Doucet fait appel à l’archi- tecte Paul Ruaud. Une partie du mobilier de l’avenue du Bois, en particulier les créations d’Eileen Gray, de Pierre Legrain et de Rose Adler, est intégrée dans le nouveau décor. D’autres créations viennent compléter cet ensemble. Joseph Csaky réalise notamment la rampe d’escalier en métal à décor de paon et de plaques de verre gravées. C’est aussi en 1928 que Doucet découvre les pein- tures sur miroir d’Étienne Cournault exposées à la galerie Vavin- Raspail de Max Berger ; il fera l’acquisition de plusieurs pièces de l’artiste qui seront placées dans des montures de Rose Adler et de René Moulaert, lequel est par ailleurs le concepteur de l’éclairage zénithal du studio. Pour les tapis, il s’adresse à Jean Lurçat, Pierre Legrain et Gustave Miklos. Cette relation privilégiée entre Doucet et ces artistes s’arrête brutalement à l’automne 1929, à la mort du collectionneur. Eileen Gray, Pierre Legrain et les sculpteurs Csaky et Miklos avaient inté- gré l’UAM à sa fondation, quelques mois plus tôt. Ils seront rejoints par Étienne Cournault et Jean-Charles Moreux avant que ne s’ouvre le premier Salon en mai 1930. Bien que son nom ne figure pas sur la liste des invités, il semble que René Moulaert fut convié par Miklos à participer à cette première exposition du groupe271. Rose Adler adhère elle aussi à l’association en 1933272. Ces artistes, autoproclamés modernes en 1929, étaient déjà les modernes de Doucet au milieu des années vingt. Il n’était alors pourtant pas question d’art social, d’industrie, d’équipement de l’habitation ni de démocratisation. Doucet réunit des artistes d’horizons divers et des œuvres d’époque et de continents variés. Dans l’appartement de l’avenue du Bois puis dans l’orchestration du studio de la rue Saint- James, les créations d’Eileen Gray, de Pierre Legrain et des autres futurs membres de l’UAM trouvaient leur place aux côtés de celles de Marcel Coard, de René Lalique, de Paul Iribe. À leurs côtés étaient réunies des céramiques orientales, des sculptures d’Afrique ou d’Asie, des toiles de Marie Laurencin, Modigliani, De Chirico, Picasso ou du Douanier Rousseau. Le noyau principal de l’UAM se compose essentiellement de créateurs qui travaillaient depuis le début des années vingt aux côtés de Mallet-Stevens. Celui-ci avait en effet su s’entourer d’architectes, de décorateurs, d’artisans d’art et d’artistes, qui partageaient sa conception de la modernité et qui furent à la fois ses amis et ses fidèles collaborateurs. Deux réalisations majeures de l’architecte révèlent plus particulièrement la connivence qui existait entre ces créateurs.

UAM BAT 15042018.indd 89 16/04/2018 17:02 Robert Mallet-Stevens reçoit sa première grande commande 90 en 1923 :la villa du vicomte Charles de Noailles à Hyères. Pour les aménagements intérieurs, il a su s’adjoindre la participation de ses amis, rencontrés pour la plupart au Salon d’automne de 1922. Il con- seille au vicomte l’intervention de Pierre Chareau, Djo-Bourgeois, Eileen Gray, Charles Hess et Francis Jourdain273. Dès 1925, Djo- Bourgeois intervient et conçoit le mobilier intégré de la salle à man- ger, ainsi qu’un meuble-bibliothèque pour le salon. Il est également l’auteur d’un bar d’angle, de même que du lit de la vicomtesse. En 1926, il complète le mobilier de la salle à manger agrandie, et c’est à lui que Charles de Noailles confie l’aménagement des nouvelles chambres de ce qu’il nomme la « petite villa ». Pierre Chareau crée entièrement la chambre du vicomte et la « chambre en plein air, à l’américaine », située sous le porte-à-faux de la terrasse de la cham- bre. Le vicomte de Noailles commande par ailleurs une table à jeux pliante à Charlotte Perriand. C’est au demeurant par l’intermédiaire de Mallet-Stevens qu’en 1928 Charles de Noailles commande à Gabriel Guevrekian le jardin cubiste, conçu sur le modèle du « jardin d’eau et de lumière » réalisé par l’architecte à l’Exposition interna- tionale des arts décoratifs de 1925. Enfin, Mallet-Stevens s’adjoint la participation d’artisans d’art, Eileen Gray pour les tapis et Louis Barillet en 1927 pour la verrière monochrome du salon rose. Le chantier de la villa Noailles constitue ainsi le point initial de la collaboration régulière entre ces artistes qui s’établit au cours des années vingt. Lorsqu’à partir de 1926 Mallet-Stevens entreprend le chan- tier de la rue qui porte désormais son nom, il nomme comme chef des travaux son collaborateur depuis 1922 Gabriel Guevrekian274. Dans cette entreprise, il est à nouveau entouré de ses amis, qui participent à l’aménagement des différents hôtels particuliers. À l’hôtel de madame Reifenberg, Pierre Chareau aménage le premier étage, tandis que Francis Jourdain s’occupe de la concep- tion des chambres. Jean Prouvé, nouveau venu aux côtés de Mallet- Stevens, se voit confier la réalisation de la grille destinée à la porte d’entrée de l’hôtel particulier. Cette première participation à l’œuvre de Mallet-Stevens marque le début d’une collaboration suivie entre l’architecte et le ferronnier d’art nancéen. À l’hôtel des frères Martel se retrouvent les noms de Barillet, Guevrekian, Jourdain, Perriand et Prouvé. Jourdain élabore le mobilier du living-room, la grande chambre-studio est l’œuvre de Guevrekian, alors que Barillet réalise plusieurs vitraux et Prouvé la porte d’en- trée et des travaux de serrurerie.

UAM BAT 15042018.indd 90 16/04/2018 17:02 91 Parmi les cinq hôtels particuliers de la rue, ce sont finalement l’hôtel et l’agence de Mallet-Stevens qui constituent sans doute la meilleure démonstration de ce que fut le « cercle Mallet-Stevens ». On découvre dans le salon des tapis dessinés par Fernand Léger et des tissus d’Hélène Henry, un piano dû à Pierre Chareau, une lampe de Jacques Le Chevallier et des sculptures de Jean Burkhal- ter et des frères Martel. Des vitraux de Louis Barillet éclairent le hall d’entrée, où se trouve le bureau en bois et métal de Pierre Cha- reau. Enfin, Mallet-Stevens fait appel à Jean Prouvé pour la rampe d’escalier, ainsi qu’à André Salomon qui met en place une double corniche lumineuse pour l’éclairage de l’agence de l’architecte. Si la villa d’Hyères et la rue Mallet-Stevens sont à l’évi- dence les meilleures applications de la collaboration de l’architecte et de ses amis modernes, la même logique de travail est poursui- vie sur les nombreux chantiers qu’ils entreprennent à la fin des années vingt. Ainsi, aux villas de messieurs Gaertner, Gompel et Cavrois, tout comme à l’immeuble de rapport de la rue Méchain ou au casino de Saint-Jean-de-Luz, les mêmes noms se retrouvent276. Mallet-Stevens a mis en place un étroit réseau d’artisans d’art. Jean Prouvé pour les travaux de ferronnerie, Louis Baril- let, Jacques Le Chevallier et Théodore Hanssen pour les vitraux. André Salomon et Jean Dourgnon pour l’éclairage. C’est d’ailleurs aussi à André Salomon que font appel René Herbst, Le Corbu- sier, Jean Lurçat, Pierre Chareau, Gabriel Guevrekian ou Francis Jourdain. Pour les tissus, Mallet-Stevens choisit Hélène Henry, qui travaille d’autre part régulièrement avec Pierre Chareau, René Herbst et Francis Jourdain. Les tapis sont de Jean Burkhalter et sont édités par Chareau. Les peintres Sonia Delaunay et Fernand Léger participent quant à eux au décor textile des intérieurs de Mallet-Stevens. Pour la sculpture, il choisit les frères Martel avec qui il partage la volonté d’intégrer la sculpture à l’architecture, comme en témoignent la décoration sculptée du Casino de Saint- Jean-de-Luz ou le miroir polyédrique de l’entrée de l’hôtel particu- lier des sculpteurs. Ces architectes décorateurs, artisans d’art et sculpteurs, qui avaient travaillé en étroite collaboration durant les années vingt, rejoindront l’UAM en 1929. En février 1930, quelques mois après la scission, l’inauguration des bureaux du journal La Semaine à Paris est avant même la première exposition de l’UAM une nouvelle démonstration des liens artistiques et économiques de ces artistes.

UAM BAT 15042018.indd 91 16/04/2018 17:02 Quand l’aventure moderne bascule 92

Les années vingt sont pour les modernes dix belles années durant lesquelles ces architectes, artisans d’art et artistes ont pu rassembler leurs compétences et imposer leur idéal d’esthétique totale à une riche clientèle, qui refusait le luxe ostentatoire et recon- naissait dans le style fonctionnaliste le symbole de l’esprit moderne auquel elle aspirait. Mais les noms se croisent et se recroisent, les modernes tra- vaillent par recommandation pour un petit cercle de clients fortunés, font appel les uns aux autres pour enrichir leurs œuvres, éditent ou vendent les créations de leurs amis et se passent parfois commande entre eux. Cette interdépendance constitue un système fragile. Lors- que, peu après 1930, la crise financière atteint la France, elle fait bas- culer l’aventure moderniste commencée dix ans plus tôt. En ce début des années trente, Le Corbusier achève la villa Savoye à Poissy, Mallet-Stevens termine la construction de la villa Cavrois et Chareau celle de la Maison de verre du docteur Dalsace. Ces trois réalisa- tions majeures de l’architecture moderne marquent pour leurs pères les débuts d’une baisse importante de leur activité. En 1931, la livraison de la Maison de verre, dont la concep- tion avait été amorcée en 1925, correspond pour Pierre Chareau à l’aboutissement d’une décennie de commandes qui avait débuté en 1919 avec l’aménagement de l’appartement d’Annie et Jean Dalsace boulevard Saint-Germain à Paris. Premiers clients de Chareau, les Dalsace recommandent alors ses services à leurs proches. C’est ainsi que Chareau réalise les années suivantes l’appartement d’Hé- lène Bernheim ou encore celui d’Edmond Fleg ou de Daniel Dreyfus. Les années vingt sont rythmées de projets majeurs, tels que l’amé- nagement du club-house du Golf Hôtel de Beauvallon commandé en 1926 par Émile Bernheim, oncle d’Annie Dalsace, où celui du Grand Hôtel de Tours, commandé par Paul Bernheim. Durant la décennie trente, si Chareau demeure actif sur la scène artistique, le temps des grands projets d’aménagement est terminé. La crise et le peu de commandes le placent dans une situation financière délicate, ce que confirment ses courriers au directeur général des Beaux-Arts lui demandant de lui venir en aide notamment en faisant acheter par l’État les éléments du bureau- bibliothèque de l’Exposition de 1925 et en formulant l’espoir de com- mandes. Durement frappé par la crise, Chareau rendra compte des difficultés des architectes dans l’article « La création artistique et l’imitation commerciale » publié dans L’Architecture d’aujourd’hui en 1933276. Lui qui s’est très peu exprimé dans la presse montre là

UAM BAT 15042018.indd 92 16/04/2018 17:02 93 une vision assez pessimiste de la situation de l’architecture en France. À travers cet article qui dénonce les hommes d’argent et de pouvoir transparaît une certaine amertume vis-à-vis de ceux qui ont constitué sa clientèle durant les dix années passées. La crise financière avait eu une retombée inévitable sur le petit monde des commanditaires intéressés par l’architecture et les arts décoratifs modernes, qui n’ont plus les moyens de soutenir mais qui, il faut bien le dire, commençaient aussi à se lasser de la rigueur du fonctionnalisme. La construction de la villa Noailles à Hyères se poursuit jusqu’en 1933, mais, si Mallet-Stevens avait pu dans les premiers temps influencer le programme et conseiller le vicomte dans le choix des artistes décorateurs, durant les dernières années son rôle s’amenuise et les dernières extensions de la villa sont le résultat d’une étroite collaboration entre le vicomte et son maître d’œuvre local Léon David. À ce moment-là, Charles de Noailles s’est désin- téressé d’une expérience moderniste qu’il n’était plus le seul à avoir entreprise et qui par ailleurs se révélait coûteuse et présentait différents problèmes de mise en œuvre. Ainsi, en 1980, le vicomte dira à propos de la villa d’Hyères : « Nous avions ma femme et moi expérimenté dans notre petite maison d’Hyères plusieurs innovations qui se sont révélées déplorables. » Las de l’expérience fonctionnaliste, lorsqu’il s’agit de repenser la décoration des salons de l’hôtel Bischoffsheim, place des États-Unis à Paris, Charles et Marie-Laure de Noailles font appel au décorateur Jean-Michel Frank. Le chantier qui débute durant la fin de l’année 1925 est achevé en juin 1926. Dans le salon-fumoir ouvert sur la place des États- Unis, Frank livre un espace dépouillé dont les murs ont été entiè- rement tendus de plaques de parchemin, les portes monumentales sont en bronze patiné, tandis que le manteau de cheminée est pla- qué de feuilles de mica. Les lampes en bloc de quartz ou en lames d’ivoire disposées ici et là sur des meubles et des tables en marque- terie de paille, bois blond ou gainé de parchemin, diffusent de subtils halos lumineux. Les Noailles avaient trouvé chez Jean-Michel Frank une autre modernité, moins formelle, moins expressive, dont les réfé- rences sont moins évidentes, plus lointaines et plus mystérieuses. De la même façon, Charles de Beistegui, qui avait commandé en 1929 à Le Corbusier un penthouse sur le toit d’un immeuble haussmannien en haut de l’avenue des Champs-Élysées, s’appro- priera pleinement les lieux. À l’intérieur de cette construction rigou- reuse, il constituera un décor mêlant le style vénitien du XVIIIe et le style Napoléon III. Pas de corniches lumineuses, de réflecteur en métal ou d’effets de lumière de haute technologie. Le propriétaire

UAM BAT 15042018.indd 93 16/04/2018 17:02 explique son choix dans une interview donnée à Roger Baschet : 94 « Cet appartement n’était pas destiné à être habité, mais à servir de cadre de grandes fêtes comme on savait jadis en donner lors- que scintillaient les innombrables flammes des lustres ; remarquez, d’ailleurs, qu’il n’est point ici d’éclairage électrique et que la bou- gie a repris tous ses droits parce qu’elle seule donne une lumière vivante. » Les recherches techniques conduites par Le Corbusier se doivent de faire vivre ce lieu de fête. Ainsi, le maître des lieux pouvait d’un simple bouton faire disparaître les parois de verdure du jardin et dévoiler à ses convives une vue spectaculaire sur la capitale. Charles de Beistegui confirme cette inclination pour le style et la fantaisie en 1938 en achetant le château de Groussay à Montfort-l’Amaury, où il entreprend un important chantier de déco- ration mené en collaboration avec l’architecte et décorateur Emilio Terry277. À Groussay, l’éclectisme sera synonyme de renouveau. La confrontation des styles anciens surprendra les visiteurs comme ils s’étonnaient dans les années vingt de la netteté de l’architecture moderne et de l’efficacité fonctionnaliste. Ne pouvant plus compter sur la protection de l’élite finan- cière, dont l’engouement pour l’expérience moderniste a vécu, les modernes en sont à espérer des commandes publiques. Mais celles-ci ne viendront pas suppléer le mécénat privé. Le malaise provoqué par la crise économique et la montée du fascisme et du communisme se traduisent sur le plan artistique par une large remise en cause des solutions radicales de l’avant-garde. L’État préfère soutenir les industries de luxe françaises, alors que le grand public refuse une architecture et un art décoratif fonctionnalistes qu’il juge froids et inhumains et se tourne plutôt vers les décorateurs parti- sans d’un retour au style.

Les modernes face à la crise financière

« En ce temps-là, nous n’avions pas d’argent278 . » Charlotte Perriand décrit ainsi sa situation et celle de Le Corbusier et Jean- neret avec qui elle travaillait à la fin des années vingt. Il s’avère en effet que, sans le soutien financier que la firme Thonet leur apporta, leur participation au Salon d’automne de 1929 n’aurait jamais été possible279. Francis Jourdain connaît lui aussi des difficultés. Au moment de la fondation de l’UAM, il travaille peu, et son atelier, installé rue Vavin depuis 1926, se porte mal. Il est alors très peu présent dans

UAM BAT 15042018.indd 94 16/04/2018 17:02 95 les Salons, et bien que membre fondateur de l’UAM, sa partici- pation à la première exposition du groupe se limite à quelques scul- ptures d’animaux en fer plat280. En 1931, il se contente de présenter des photographies de son travail d’aménagement de la boutique Iseult et, par la suite, ne participe plus aux manifestations de l’UAM jusqu’à l’Exposition internationale de 1937. Eileen Gray ferme sa boutique Jean Désert en décembre 1930. Le magasin, ouvert huit ans auparavant, enregistrait trop peu de ventes pour être rentable. « J’avais tant de mal avec ma galerie, se souviendra-t-elle, les gens n’entraient pas. Ils trouvaient ce que je faisais inquiétant281. » Dès 1931, les joailliers de la rue Royale sont eux aussi tou- chés par la crise économique. Gérard Sandoz ferme la maison fami- liale en 1931 pour se consacrer à la peinture et au cinéma. Jean Fouquet, qui travaillait depuis la fin de la guerre dans la maison de son père, réduit à ce moment-là considérablement son activité. En 1936, il est finalement contraint de fermer l’entreprise. En 1932, alors que la villa Cavrois est inaugurée, Jacques Le Chevallier et Raymond Kœchlin, qui avaient été appelés par Robert Mallet-Stevens à réaliser les luminaires, mettent un terme à leur association. Jacques Le Chevallier se consacrera par la suite à l’art sacré et ouvrira après la guerre son propre atelier de vitrail à Fontenay-aux-Roses. De son côté, Étienne Cournault quitte Paris en 1930. La crise économique est là et Jacques Doucet, son commanditaire princi- pal, est décédé. Il s’installe à La Douëra à Malzéville, en Lorraine, maison familiale de style maureque, et abandonne peu à peu, les années suivantes, ses créations décoratives sur verre pour se tourner vers la peinture et la gravure. En 1933, Robert Lallemant ferme ses fours qu’il avait ins- tallés quai d’Auteuil, et André Salomon, qui craignait que son entre- prise Perfecla, financée par des membres de sa famille et des amis, ne résiste pas à la crise, avait préféré accepter un poste d’ingénieur- conseil chez Mors282. Enfin, les quelques lettres que Jean Lambert-Rucki adresse à l’UAM au cours des années trente révèlent la misère dans laquelle se trouve alors le sculpteur283. Les répercussions qu’a pu avoir la crise de 1929 sur la clien- tèle des modernes entraînent les artistes dans une période diffi- cile. La baisse d’activité des membres de l’UAM et ses conséquen- ces financières rejaillissent sur l’association, qui connaît dès 1931 des difficultés matérielles importantes. La crise économique et poli- tique internationale prenant de l’ampleur à partir de 1933, la situa- tion de l’UAM se dégrade.

UAM BAT 15042018.indd 95 16/04/2018 17:02 « Les expositions de l’UAM au pavillon de Marsan, à la galerie 96 Georges Petit, à la galerie de La Renaissance, eurent un énorme suc- cès, malgré de très faibles moyens284 », rappelle Robert Mallet-Stevens dans un article publié en 1937 dans L’Architecture d’aujourd’hui. Outre un regard optimiste sur la réception des expositions de l’UAM, cette déclaration de l’architecte ne tait pas les difficultés financières qu’a connues l’association au cours de la décennie trente. Dès 1931, le troisième Salon est compromis : « Les circons- tances présentes contraignent à des économies285. » Faute de moyens, le comité envisage d’abandonner le principe onéreux des stands individuels pour une présentation collective. L’association est en effet déficitaire de 8 742,12 francs, et son secrétaire Raymond Templier a alors invité tous les membres encore débiteurs à lui faire parve- nir des fonds286. Face à la crise, les artistes envisagent de renoncer à leur exposition, mais convaincus par René Herbst qu’ils peuvent concentrer le Salon de 1932 sur une présentation d’agrandissements photographiques, d’affiches et d’arts graphiques, l’exposition ouvrit du 4 février au 7 mars au pavillon de Marsan. À cette occasion, l’UAM a sollicité l’Union centrale des arts décoratifs pour obtenir une sub- vention afin de couvrir ses frais d’électricité287. Mais, face à la répon- se négative de l’Ucad, les artistes se voient contraints de fermer leur Salon tous les jours à cinq heures, afin de réduire leurs frais288. Les années suivantes, la situation financière de l’UAM ne s’améliore pas. En 1933, confronté à des difficultés matérielles et des problèmes pour trouver des locaux, le comité envisage de rem- placer le Salon annuel par un dîner-débat auquel seraient conviés les critiques d’art favorables au mouvement moderne289. Ce projet sera abandonné puisque l’UAM aura tout compte fait la possibilité d’ouvrir son Salon à la galerie de La Renaissance du 30 mai au 28 juin 1933290. Après 1933, l’UAM entre dans une période plus incertaine. En raison de ses difficultés économiques, elle ne peut plus espérer maintenir son Salon annuel et se trouve contrainte de se joindre à d’autres manifestations dont elle se sent proche. Ainsi, en 1934, Pierre Barbe, Pierre Chareau, Marcel Gascoin, René Herbst, Robert Mallet-Stevens et Georges-Henri Pingusson représentent l’association au Salon d’automne, dans le cadre du concours lancé par l’Otua sur le thème de l’aménagement d’un paquebot291. En 1935, l’UAM est représentée au Salon de la lumière, au Salon nautique international et à l’Exposition internationale de Bruxelles. En 1936, plusieurs de ses membres participent au Salon d’automne, mais aussi à l’exposition de « L’habitation d’aujourd’hui » organisée par le journal L’Architecture d’aujourd’hui dans le cadre du Salon des arts ménagers292.

UAM BAT 15042018.indd 96 16/04/2018 17:02 97 Après quatre années d’incertitude, c’est finalement à l’Expo- sition internationale de 1937 que l’UAM, qui dispose de son propre pavillon, peut à nouveau affirmer la cohésion du groupe. En 1935, commentant « La galerie des décorateurs » réunissant les artistes de l’UAM au Salon des arts ménagers, Georges Brunon- Guardia prononce une formule prémonitoire : « Cet étroit assemblage est très symbolique. Hier, beaucoup d’entre ceux-là triomphaient. Accablés de commandes, aux quatre coins de vastes expositions. Aujourd’hui, ils se resserrent frileusement coude à coude293. »

Un nouveau regard sur les modernes

Des espoirs déçus

Si, au moment de la scission avec la Sad, la critique était majo- ritairement favorable aux dissidents et traduisait l’événement en une rupture entre les anciens et les modernes, dès la première expo- sition de l’UAM, le ton change. Plusieurs critiques généralement favorables aux modernes perçoivent les contradictions du groupe- ment et se disent déçus de ne pas trouver de réponses aux espoirs qu’ils avaient formulés lors de la scission. L’idée d’une simple rupture entre des artistes rétrogrades et élitistes, et des artistes modernes prenant en compte les réalités sociales de leur époque, se révèle illusoire une fois la scission opérée : « On aurait pu compren- dre qu’un Salon dissident s’ouvrît sur la base de ces principes de stricte utilité et de prix minimum. Or que voyons-nous chez Georges Petit ? Des œuvres dont le luxe ne le cède pas aux plus somptu- euses du Grand Palais294. » Les critiques de la revue Art et décoration (René Chavance, Gaston Varenne et Léon Werth), bien qu’ils restent favorables à l’UAM, relèvent les contradictions entre artisanat de luxe et industrialisation, ainsi que les divergences de fond qui peu- vent exister entre ces créateurs tous réunis pourtant sous le même vocable : artistes modernes.Jean Gallotti s’interroge sur l’avenir de l’expression moderniste :les artistes de l’UAM vont-ils persévérer dans le parti pris du rationalisme295 ? Certains critiques, comme Gaston Varenne, ne lui accordent qu’une valeur momentanée296. Autant de débats qui témoignent d’une certaine désillusion quant aux espoirs formulés après la séparation d’avec la Sad.

UAM BAT 15042018.indd 97 16/04/2018 17:02 Pour un retour à la grâce 98

Outre les prises de position virulentes de Camille Mauclair ou de Paul Iribe évoquées précédemment, d’autres considérations sur le modernisme méritent d’être rappelées. Celles des journalistes Waldemar George et Armand Pierhal révèlent ainsi une évolution de la conception de la modernité qui s’établit aux alentours de 1930 pour se confirmer peu avant 1935. Au moment de l’Exposition internationale de 1925, le critique d’art Waldemar George était apparu comme un actif défenseur du fonctionnalisme. Au-delà de 1930, il opère un revirement tout à fait inattendu en rejoignant les opposants du mouvement d’avant-garde. Il expose ses idées dans plusieurs articles publiés en 1933 dans la revue Forme, de même que dans L’Amour de l’art, dont il est le secré- taire général, et résume finalement sa pensée dans un ouvrage, Profits et pertes de l’art contemporain297. Interrogé cette même an- née dans le cadre de l’enquête « Évolution ou mort de l’ornement » menée par la revue Art et décoration, Waldemar George évoque une conception de l’intérieur qui aurait selon lui évolué vers une forme machiniste inhumaine, « dont l’homme [aurait] cessé d’être le module, le principe premier298 ». Waldemar George ne renie pas l’apport technique et hygiénique de l’architecture moderne mais con- teste sa valeur esthétique. Il remet en cause cette mystique de la machine et les solutions radicales des artistes qui tendent à confondre, selon lui, le beau et l’utile. Parce qu’elle est, à son avis, révélatrice d’une société en décadence, il s’oppose à l’esthétique moderne des acteurs de l’UAM et prône une évolution vers un art fondé sur « des bases plus humaines, plus concrètes, plus sen- sibles299 ». Appelant à un retour à des valeurs humanistes, il devient l’apôtre d’un art de bâtir exprimant « l’art de vivre ». À l’occasion de l’Exposition de 1937, c’est dans « La maison d’une famille fran- çaise » d’André Arbus, sanctuaire de la vie de famille et non « froide machine à habiter300 » de Le Corbusier, que Waldemar George recon- naît ce retour à l’humain, qu’il appelle de ses vœux et assimile à une manière française. Waldemar George n’est pas réactionnaire, et son revirement par rapport à sa position initiale de défenseur de l’avant-garde n’est pas l’expression d’un soudain besoin nostalgique de retour à la tradition. D’ailleurs, il ne croit pas à la loi des retours mais admet le mouvement en spirale tel qu’Henri Bergson l’a défini. La réappari- tion de l’ornement en ce début des années trente n’est pas selon lui un retour pur et simple mais « un ajustement301 ». Waldemar George

UAM BAT 15042018.indd 98 16/04/2018 17:02 99 appartient à ces désillusionnés du mouvement moderne qui perçoi- vent en ce début des années trente les limites des solutions abso- lues et de cette obsession de la rupture avec le passé, de cette révolte contre les aînés. Il est de ceux qui, après la table rase nécessaire, au nom d’une humanisation de l’architecture et du décor intérieur, souhaitent désormais voir évoluer l’art vers une modernité qui sache prendre en compte les acquis de l’histoire. Sa position illustre l’émergence d’une autre conception de la modernité. Pour Waldemar George comme pour beaucoup d’au- tres, le temps de la synthèse entre le temps présent et la tradition classique est venu. L’exposition « Formes d’aujourd’hui » en est une démonstration. Organisée en 1936 par Waldemar George à la galerie de l’orfèvre Christofle rue Royale, elle réunit en particulier André Arbus, Jean-Michel Frank, Max Ingrand, Marc du Plantier, Gilbert Poillerat et deux dissidents de l’UAM, Pierre Barbe et Jean- Charles Moreux302. Les années suivantes, Waldemar George défen- dra cet « esprit de suite » dans de nombreux articles et notamment le numéro spécial de La Renaissance de mars-avril 1937303. À partir de 1930, le critique Armand Pierhal tient chaque mois dans le journal L’Art vivant une chronique consacrée à un décorateur moderne. Il est intéressant de constater que son intérêt ne se porte pas sur les artistes de l’UAM, mais essentiellement sur des créateurs restés fidèles au Salon des artistes décorateurs. Parmi ceux qu’il considère comme les « décorateurs modernes » se trouvent entre autres André Arbus, Robert Block, Michel Dufet ou Marc du Plantier. Dans l’article consacré à ce dernier, Pierhal fait une constatation intéressante : « Il semble que les grandes surfaces nues, la sobriété, pour ne pas dire l’indigence aient fait leur temps. On revient à un art où la fantaisie a plus de place. Il suffit d’un œil sur les récentes créations de Marc du Plantier pour s’en convain- cre. Mais cette fantaisie, il y atteint tout de même par des moyens modernes, par des matériaux que nous avons su employer, sinon les premiers, du moins sous une forme nouvelle, le métal, la dalle de verre304. » Ces observations, que Pierhal reformulera à plusieurs occasions, témoignent du tournant qui se produit au cours des premières années de la décennie trente dans le regard porté sur le mouvement moderne. Le choix d’artistes comme du Plantier ou Arbus pour un article consacré aux décorateurs modernes révèle une préférence pour des solutions esthétiques plus modérées, pour un compromis entre modernité et tradition. La chronique de Pierhal tend à illustrer l’évolution des inclina- tions du journal L’Art vivant. Alors que depuis sa création en 1925, la revue avait plutôt eu tendance à soutenir les modernes, après

UAM BAT 15042018.indd 99 16/04/2018 17:02 1930 son ton change. Le critique Marcel Zahar définit le rationa- 100 lisme en architecture comme une étape nécessaire ayant permis de sortir l’architecture des poncifs. Il avait pourtant défendu les moder- nes avec ardeur, mais en 1932 il apparaît selon lui que l’étape de « l’architecture primitive » arrive à sa fin : « Le virement qui se produit en architecture affirme encore la toute-puissance de l’humanisme. C’est parce que le système Le Corbusier ne s’y réfère pas qu’il est voué à disparaître après un court et utile fonctionnement305. » Jacques Guenne affirme lui aussi que la réaction fonctionnaliste fut néces- saire pour se débarrasser des copies de style. Mais selon lui, après avoir « nettoyé la maison », il faut « la meubler et la rendre agréable », car « il est bien certain que nous ne voulons plus de machines à habi- ter306 ». « Vers un humanisme en architecture », « Le retour de la grâ- ce », les titres des articles de Marcel Zahar et Jacques Guenne donnent le ton des nouvelles orientations de l’architecture et de la décoration intérieure307. Les articles de L’Amour de l’art traduisent tout autant les nouvelles préoccupations qui émergent dans les années trente. Le journaliste René Chavance s’interroge : « L’art décoratif moderne est-il de notre temps308 ? » Et Bernard Champi- gneulle recherche le style de son époque : « Lorsque les valeurs hu- maines auront retrouvé leur hiérarchie, lorsque la vie de société aura repris son équilibre entre l’apport traditionnel et l’élan créateur, entre l’esprit de géométrie et l’esprit de finesse, entre les dispo- sitions du corps et celles de l’âme, nous entreverrons peut-être l’éclosion d’un style309. » Une pensée que partage Eugène Marsan, qui appelle : « La raison mais l’âme dans un art complet310. »

Quand les artistes s’éloignent de l’UAM

Des modernes indépendants

Plusieurs artistes pressentis pour devenir membres actifs de l’UAM déclinèrent l’offre. Ainsi, le verrier Maurice Marinot, contacté dès 1930 par Georges Bastard, ne répond pas à l’invitation de l’UAM311 . La logique de travail de Marinot et ses œuvres sont loin de l’esprit des modernes, ce qui peut expliquer son désintérêt pour le groupe. Maurice Marinot, qui a un rapport individualisé à l’objet, rejette la division du travail et la gestion d’une équipe de praticiens que cela

UAM BAT 15042018.indd 100 16/04/2018 17:02 101 implique. Il procède d’une appropriation progressive des procédés techniques, et toutes ses verreries sont des pièces uniques au caractère précieux, qui « naissent les unes des autres312 ». Depuis 1921, Marinot expose régulièrement à la galerie Hébrard de la rue Royale et n’a certainement pas vu l’intérêt de se joindre à un mouve- ment collectif engagé. Le sculpteur Constantin Brancusi fut lui aussi contacté dès la première année de l’UAM pour devenir membre actif. Il sera à nouveau sollicité en 1933, mais n’adhérera jamais à l’association313. Pourquoi cet artiste d’avant-garde n’a-t-il pas rejoint l’association ? Sans doute a-t-il préféré se situer en dehors de tout groupement et garder sa liberté. Enfin, le décorateur Paul Dupré-Lafon, bien qu’il ait été invité à participer à la première exposition de l’UAM314, ne manifestera jamais d’intérêt pour l’association. Dupré-Lafon est éloigné des considé- rations sociales et des problèmes de logement collectif qui sous- tendent le discours du mouvement moderne. Il travaille pour une clientèle prestigieuse et fortunée, et restera en marge de tout groupe- ment, comme des expositions et Salons annuels. Dupré-Lafon est demeuré à l’écart du débat tradition/avant-garde, qui animait les arts décoratifs à cette époque, et n’a vraisemblablement pas senti le besoin de s’associer au groupe des modernes pour prouver qu’il était bien de son temps.

De timides engagements

Dès la fondation de l’UAM, Pierre Chareau est convié à se joindre à la nouvelle association. Bien qu’il se dise solidaire des dissi- dents, il décide de rester à l’écart de tout mouvement collectif afin de pouvoir « parachever des travaux importants315 ». Invité à la pre- mière exposition de l’UAM, il adhère finalement à l’association quelques mois plus tard, le 12 décembre 1930, après avoir été à nouveau sollicité316. Mais Chareau n’est pas d’un tempérament exclusif, il n’est ni un théoricien ni un militant et n’a jamais vérita- blement pris position sur la question de la destination de la création. De ce fait, sa place au sein du groupe reste marginale, et l’on peut se demander si son refus d’adhérer à l’UAM lors de sa création ne vient pas d’une hésitation à se placer en rupture et à s’engager dans l’action de propagande menée par l’UAM. D’autres artistes, bien qu’étant membres fondateurs de l’as- sociation, et pour certains d’actifs propagandistes du modernisme

UAM BAT 15042018.indd 101 16/04/2018 17:02 depuis le début des années vingt, se sont rapidement éloignés du 102 groupe au-delà de 1930. Si lorsque Charlotte Perriand commente les débuts de l’UAM dans son autobiographie, revendiquant amplement le rôle moteur qu’elle aurait joué aux côtés de Djo-Bourgeois et de René Herbst au moment de la scission avec les Décorateurs, elle avoue aussi avoir été très peu présente au sein de l’UAM317. Son travail chez Le Corbusier et ses voyages en URSS en 1930 et 1934 l’en tiennent éloignée les premières années. Comme Perriand, André Lurçat est un membre de l’UAM peu présent. Il rejoint Moscou en 1934 où il travaillera à différents projets jusqu’en 1937. Pour d’autres artistes, passé l’ivresse des premiers temps, les limites de l’action de l’UAM et peut-être également les contrain- tes idéologiques les ont encouragés à retrouver leur indépendance. Sonia Delaunay qui, malgré plusieurs rappels du comité, n’a pas payé sa cotisation ni ses frais de participation à la première exposition de l’UAM, est finalement considérée comme démission- naire en 1931318. On pourrait penser que c’est par manque de moyen que l’artiste ne paie pas ses cotisations et qu’elle est alors con- trainte de quitter le groupe, mais on peut douter du fait que l’UAM ait exclu un artiste en raison de ses difficultés financières. En effet, en 1931, Elsa Triolet expose à l’UAM sans payer de frais d’expo- sition, et malgré le solde déficitaire de l’association, Raymond Templier et Francis Jourdain se déclarent partisans « d’accepter sans leur demander de rétribution les artistes ayant beaucoup de valeur et peu d’argent319 ». L’absence de cotisations de Sonia Delaunay témoigne ainsi davantage d’un certain désengagement. Eileen Gray, bien qu’elle ait adhéré à l’UAM dès sa fonda- tion, est restée elle aussi peu engagée au sein de l’Union. Après avoir présenté des photographies de la villa E 1027 au cours de la première exposition de 1930, elle n’exposera plus. Les recherches récentes ont en effet montré qu’elle ne présente rien l’année suivante320. Si elle cotise encore quelque temps, elle s’éloigne totalement de l’UAM au-delà de 1933321. Cette année-là, l’UAM est en pleine préparation de son manifeste et connaît par ailleurs de sérieuses difficultés matérielles. Est-ce un hasard si Eileen Gray rejoint alors le Salon des artistes décorateurs ? Est-ce par réticence face à la constitution d’une proclamation qui dicte une marche à suivre ? C’est également en 1933 que Gabriel Guevrekian se retire de l’UAM et de la scène architecturale parisienne322. Pourtant, il s’était engagé dans le mouvement moderne dès 1922 en devenant le collaborateur de Mallet-Stevens, ce qu’il confirme en 1928 en

UAM BAT 15042018.indd 102 16/04/2018 17:02 103 se mobilisant dans l’aventure des Ciam, et à nouveau en 1930, en se joignant au comité de patronage de la revue L’Architecture d’aujourd’hui. Mais la crise économique touche les commanditaires de l’architecture moderne et, contrairement à Mallet-Stevens qui se lance dans les concours et les grands projets urbains, Guevrekian préfère renoncer au mouvement moderne. Il quitte Paris en 1933 et s’installe à Téhéran en Iran, où il est nommé architecte en chef de la municipalité et de la Société de construction iranienne. Il faut rappeler les mots de Jean Puiforcat adressés à Raymond Templier lors de l’Exposition internationale de 1937. Séparé de l’UAM et exposant dans son propre pavillon, Puiforcat portera un regard assez pessimiste sur l’Union, dont il avait pourtant été l’un des mem- bres fondateurs : « Hélas ! L’UAM a vécu323. » Après avoir participé en tant qu’invités à la première exposi- tion de l’UAM, Pierre Chareau, Marcel Gascoin et Jean Lambert- Rucki adhèrent à l’association. En revanche, Blanche Klotz, Claude Lévy, Hélène de Mandrot, Hilda Polsterer, Man Ray, Eyre de Lanux et Evelyn Wyld ne s’associèrent plus à l’UAM par la suite. Pourquoi, tandis que certains confirment leur engagement au sein de l’UAM, d’autres s’en éloignent-ils ? Au cours de sa réunion du 5 avril 1930, le comité de l’UAM décide de « proposer à l’assemblée générale de n’inviter les artistes qu’une fois324 ». Bien qu’on ne soit pas en mesure de dire comment ce principe fut reçu par l’assemblée, le fait que ces artistes ne participent pas aux expositions suivantes de l’UAM fait penser qu’il a certainement été adopté. Mais cette restriction n’empêchait pas pour autant les artistes d’adhérer au groupement. Alors, peut-être parce qu’ils étaient moins révolutionnaires que les autres, ou parce qu’ils n’ont pas vu l’intérêt de cette nouvelle Union, ces créateurs ont préféré rester à l’écart. Peut-être ont-ils aussi été réticents face au dogmatisme du mouvement moderne. Le cas de Man Ray est en ce sens intéressant. Artiste d’avant-garde, proche du cercle des Noailles, il avait réalisé en 1929 Les Mystères du château de Dé, court métrage qui met à l’honneur la villa d’Hyères. Ce lien qui s’établit entre Man Ray et l’œuvre de Mallet-Stevens aurait pu faire penser qu’il se joindrait à l’UAM. Or, bien qu’il ait été pressenti comme membre actif dès novembre 1929, c’est en tant qu’invité qu’il présente des photographies à la première exposition du groupe, pour finalement s’en éloigner définitivement325. De son côté, Evelyn Wyld, ancienne compagne et collabo- ratrice d’Eileen Gray, est associée depuis 1927 avec l’Américaine Eyre de Lanux, et toutes deux participent en 1930 à la première exposition de l’UAM en présentant une chambre en bois laqué et

UAM BAT 15042018.indd 103 16/04/2018 17:02 gravé inspiré par l’art océanique, ainsi que quelques tapis. Elles 104 resteront par la suite à l’écart du groupement. Eyre de Lanux est animée par d’autres projets, puisqu’elle envisage d’ouvrir une galerie à New York où elle pourrait exposer l’œuvre de Jean-Michel Frank, Djo-Bourgeois et Pierre Chareau326. L’étude des archives de l’UAM et des articles de l’époque a permis de mettre au jour la participation au premier Salon de l’Union de plusieurs artistes dont les noms ne figurent pas dans le cata- logue édité à cette occasion : le décorateur Félix Aublet, le créateur de meuble Émile Guillot, de même que René Moulaert et peut-être Zadkine327. Leur participation à cette exposition constitue leur unique collaboration avec l’UAM. Les cas des décorateurs Émile Guillot et Félix Aublet sont assez déconcertants et méritent de s’y arrêter. Émile Guillot, dont le nom apparaît dans le compte rendu de la réunion du 5 mai 1930 chez Mallet-Stevens328, travaillait pour la firme Thonet en tant que créateur indépendant et ses créations se révèlent en totale adéquation avec les conceptions esthétiques des modernes. Pourquoi n’a-t-il pas rejoint l’UAM ? La même interrogation peut être soulevée au sujet de Félix Aublet. Son nom n’apparaît jamais dans les comptes rendus des réunions ou des assemblées générales de l’UAM, pas plus qu’il ne figure dans tout autre document des archives de l’association. Pourtant, l’artiste évoque sa participation à la première exposition dans un entretien avec Waldemar George en 1952329. Une photo- graphie de Jean Colas, non datée, montrant trois sièges en tube métallique de l’artiste, présentés dans le hall du musée des Arts décoratifs avec au mur des clichés de la rue Mallet-Stevens, a permis à Yvonne Brunhammer de présumer qu’elle ait été prise au premier Salon de l’UAM, ce qui attesterait la participation d’Au- blet à ce Salon330. Son hypothèse peut être aujourd’hui confirmée, puisque Gaston Varenne commentant l’exposition dans L’Amour de l’art mentionne le nom d’Aublet331. Les sièges en métal d’Aublet prouvent son adhésion aux solutions modernistes ; Aublet confie par ailleurs devoir beaucoup à Le Corbusier, avec qui il avait pris contact lorsqu’il aborda la création de meuble en 1929, et qui fut son pre- mier maître332. Mais Félix Aublet est un esprit libre, artiste touche-à- tout, à l’imagination débordante, et il ne cherchera pas à rejoindre l’UAM, ne voyant sans doute pas l’intérêt d’adhérer à une associa- tion et de porter des revendications. Il est à cette époque tout occu- pé à son œuvre, menant de nombreux projets d’aménagements d’appartements privés et d’équipements publics. Il expose réguliè- rement notamment au Salon de la lumière ou au Salon de l’art mural. En mars 1936, il fonde avec Robert Delaunay l’association

UAM BAT 15042018.indd 104 16/04/2018 17:02 105 Art et Lumière et travaille à la réalisation des décors monumentaux du pavillon des Chemins de fer et du pavillon de l’Air de l’Exposi- tion internationale de 1937. Cette prise de distance d’artistes, dont les créations montrent l’attachement aux idées modernes, prouve que l’adhésion à l’UAM ne constituait pas la seule voie possible pour un artiste moderne. Leur position est probablement celle de créateurs réticents face à la dimension quelque peu corporatiste de l’UAM : ils préféraient se consacrer à leur œuvre et à leur clientèle, en restant à l’écart de toute prise de position et publicité collective.

L’appel du classicisme

L’architecte et décorateur Pierre Barbe commence sa carrière en 1926 et s’engage dans le mouvement moderne en devenant un de ses plus actifs représentants. Membre de la Sad à partir de 1928, il fait sécession un an après pour se joindre au groupe des membres fondateurs de l’UAM. Lors de la première assemblée générale de la nouvelle Union, il est chargé avec Mallet-Stevens d’organiser la section d’architecture à la prochaine exposition du groupe prévue en juin 1930 au pavillon de Marsan. Cette année-là, il est nommé membre du comité direc- teur pour un an, aux côtés de Georges Bastard, Hélène Henry, Ro- bert Lallemant et Raymond Templier333. Très actif au sein du groupe, il se charge de l’organisation de la seconde exposition de l’UAM prévue en 1931 à la galerie Georges Petit. En 1932, il est élu secré- taire général de l’association et organise également le Salon, dans lequel il présente un ensemble de pièces mobilières.L’engagement de Pierre Barbe à l’UAM est à l’image de son investissement dans le mouvement moderne. Il est en effet depuis 1929 délégué ad- joint au Ciam et fait partie des représentants français du congrès de Francfort en 1929, puis de Bruxelles en 1930. Comme beau- coup de ses camarades de l’UAM, Pierre Barbe est aussi membre du comité de la revue L’Architecture d’aujourd’hui, fondée en 1930 par Pierre Vago, et qui a pour objectif de diffuser les idées et les réalisations des architectes modernes français et étrangers334. Cependant, à partir des années trente, on observe un revire- ment assez surprenant dans la carrière du créateur. Après la réu- nion du Cirpac à Berlin en 1931, son activité au sein des Ciam sera plus sporadique. En 1934, au moment où l’UAM publie son manifeste, il devient moins présent au sein de l’association et ne paye plus

UAM BAT 15042018.indd 105 16/04/2018 17:02 ses cotisations. Alors, comment cet actif militant du style interna- 106 tional a-t-il pu tourner le dos à l’avant-garde ? Le désengagement de Barbe doit être mis en relation avec l’évolution de sa pensée et de son œuvre335. À partir de 1932, ses créations architecturales tout comme ses aménagements intérieurs ou son mobilier attestent d’une nouvelle manière. La villa de ma- dame Lasserre à Saint-Jean-Cap-Ferrat, construite en 1932, marque une première rupture dans sa création architecturale. Il s’agit d’un revirement dans le répertoire formel de l’architecte qui s’éloigne des solutions puristes et opte à présent pour un vocabulaire s’ins- pirant de l’architecture méditerranéenne. Les années suivantes, il œuvre dans la discrétion et définit pour ses clients la maison intem- porelle. Il retient la leçon moderne et regarde les exemples de l’archi- tecture classique et régionale pour ancrer son architecture dans les permanences. Plus de formalisme moderniste comme pouvait l’être la boutique La Plaque tournante (1929), mais pas de retour démons- tratif aux styles du passé. Pierre Barbe choisit la voie de la sobriété. Le mobilier de cette époque témoigne aussi d’une nouvelle tendance. Le métal employé depuis 1927 est abandonné au profit du bois tra- vaillé de façon traditionnelle et, s’il lui arrive d’utiliser l’acier, il l’as- socie à des formes classicisantes. Ainsi, pour l’aménagement de l’appartement de mademoiselle Marsan en 1933, il mêle exigences fonctionnalistes et formes héritées du XVIIIe siècle, montrant une volonté d’associer les acquis modernes et l’équilibre classique. La position de Pierre Barbe est celle d’un artiste qui a voulu s’éloigner des excès du fonctionnalisme et du style cubiste, qui bien souvent était plus une question de style qu’une réponse à des problèmes d’ordre pratique. Barbe choisit alors de revenir à la simplicité et à la pureté classique. Il abandonne le style international pour s’orienter vers un classicisme mesuré et sobre conduisant Waldemar George à reconnaître dans ses meubles « les mesures françaises336 ». Jean-Charles Moreux se convertit à la doctrine rationa- liste dès sa rencontre avec André Lurçat en 1923. Avec celui-ci, il est un des premiers architectes français à adhérer au mouvement moderne et à promouvoir la doctrine avant-gardiste, en rejoignant en 1928 la section française des Ciam. Durant les années vingt, Moreux pense trouver dans la logi- que rationaliste les réponses aux questions de confort et d’hygiène. Il tente de trouver une solution pour la construction architec- turale standard et mène des recherches sur l’équipement intérieur et sur le meuble utilitaire de série. Parallèlement à ses recherches sur l’habitat minimum, Moreux réalise ses premières constructions pour mécène et ses premiers décors d’hôtels particuliers pour les-

UAM BAT 15042018.indd 106 16/04/2018 17:02 107 quels il met en œuvre ses principes rationalistes et puristes, en refu- sant tout ornement et en travaillant sur l’hygiène, la lumière et la distribution de l’espace. Les deux exemples majeurs de ses recher- ches sont la maison Brugier à Saint-Cloud, construite entre 1926 et 1927, et la nouvelle aile de bâtiment, accueillant une piscine et une salle de sports, construite entre 1927 et 1929 dans le jardin de l’hôtel particulier du baron Robert de Rothschild au 23, avenue de Marigny. Dès 1929, l’UAM contacte Jean-Charles Moreux pour adhérer au groupement. Il semble qu’il ait hésité à rejoindre la nouvelle Union à laquelle il n’adhère qu’un an plus tard, après avoir été sollicité à plusieurs reprises337. Il y participe sans grande conviction, y est très peu actif et une lettre du mois de décembre 1930, lui faisant part du souhait des membres de l’UAM de le voir rester parmi eux, fait penser que quelques malentendus ont pu exister entre celui-ci et les membres associés338. Enfin, bien qu’il signe le manifeste de 1934, sa participation à l’UAM demeure sporadique et prend fin en 1937. Il expose au Salon des artistes décorateurs à partir de 1939 et adhère à la Sad en 1947. Dans ses créations architecturales, ainsi qu’en décoration, Moreux suit les conceptions rationalistes jusqu’aux alentours de 1930. Dès la fin des années vingt, il se place en marge du courant fonctionnaliste pour devenir un de ses opposants dans les années trente. Comme Pierre Barbe, il abandonne les solutions puristes pour renouer avec la tradition française, évoluant vers des solutions architecturales et décoratives qui savent prendre en compte l’héri- tage du passé et l’assimiler aux apports des technologies nouvelles. Il trouve ce compromis entre modernisme et tradition au moment de sa collaboration avec la décoratrice Bolette Natansson et de l’ouverture, en 1929, de leur boutique Les Cadres. En 1931, l’hôtel Reichenbach est leur première grande commande et témoigne de cette volonté d’opter pour un ensemble sobre et rationnel, asso- ciant la mesure néoclassique aux apports du modernisme. La con- clusion de l’article de Marcel Zahar consacré à cet aménagement annonce des temps difficiles pour les « purs » : « Après le mot d’ordre rationalité et utilité, il semble que nous entrons dans une phase nouvelle, période où chaque auteur se dégage des formules connues et cherche à traduire son individualité avec plus de souplesse et d’auto- rité […] M. Le Corbusier, merveilleux destructeur, beau rhéteur, nous paraît déjà en arrière de son temps, avec sa complaisance à ressas- ser des formules, jadis armes efficaces, aujourd’hui théories suran- nées et ennuyeuses339. » Après cette première réaction contre le purisme, Moreux deviendra dans les années quarante un des repré- sentants majeurs du néobaroque340.

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UAM BAT 15042018.indd 108 16/04/2018 17:02 109 En s’éloignant de l’UAM, en cheminant du modernisme au classicisme, Pierre Barbe et Jean-Charles Moreux pouvaient sembler avancer à contre-courant. Le désengagement de ces artistes, s’il contrarie la lecture linéaire de l’évolution de la modernité, n’est pour- tant pas un revirement mais bien une évolution. Leur parcours rejoint celui de Waldemar George et des désillusionnés du modernisme, qu’ils soient journalistes ou commanditaires. Il est symptomatique du désaveu que connaît le mouvement moderne dès le début des années trente. Nous sommes au soir de l’aventure moderniste. Les fonda- teurs de l’UAM ambitionnaient de créer un mouvement. Ils ont été affaiblis par les difficultés internes du groupement et ses contradic- tions. Ils se sont heurtés à la crise économique et morale de cette période charnière mais aussi au changement de goût de l’époque. Les voix appelant un retour à la grâce et à l’humain résonnent de plus en plus haut au cours des années trente. Cette volonté de s’inscrire dans la continuité historique en prenant en compte l’héritage du passé se traduit par un retour à la mesure classique et à l’orne- ment que l’on souhaite réconcilier avec les avancées modernes des années vingt. Lors de l’Exposition internationale de 1937, le pavillon « La maison de la famille française » d’André Arbus et les ensembles des décorateurs, de Jacques Adnet à Louis Sue, livraient une démonstra- tion de ce point d’équilibre que l’on pensait avoir atteint. Pour les organisateurs de la manifestation comme pour les commentateurs, l’Exposition mettait en lumière les dons incomparables qui distingue- raient la France entre toutes les nations : « La hardiesse tempérée par le sens de la mesure, l’imagination conseillée par la raison, la sensi- bilité la plus aiguë contrôlée par l’intelligence la plus vive341. » Edmond Labbé, commissaire général de l’Exposition, déclarait : « Que l’art moderne ait abouti dès à présent à cet équilibre merveilleux qui s’éloigne autant de l’utilitarisme désuet que les monstrueux capri- ces des styles “baroques”, que l’austère sagesse du technicien et l’imagination du décorateur aient réalisé une de ces alliances fécon- des qui engendrent les chefs-d’œuvre. Un proche avenir nous le dira […] Nous n’avons rien négligé, en ce qui nous concerne, pour que l’art vivant s’enrichisse dans le sens ornemental, qu’il se libère du maillot dogmatique qui l’entrave encore, qu’il s’épanouisse, qu’il s’adapte au climat français, qu’il tienne compte des besoins et des ressources nationales, qu’il s’humanise un peu sans rien perdre de son originalité. Les artistes ont, dans ce domaine, puisé des enseignements précieux, et une évolution s’est indubitablement produite342. »

UAM BAT 15042018.indd 109 16/04/2018 17:02 Dans ce contexte, la démonstration de l’UAM, au sein du 110 pavillon dessiné par Georges-Henri Pingusson en collaboration avec Frantz Jourdain et André Louis, ne pouvait que difficilement convain- cre. Dans la section des ensembles, aux côtés des photographies de réalisations passées, le mobilier tubulaire de Charlotte Perriand et de René Herbst ou encore le « Logis d’une travailleuse manu- elle ou intellectuelle » de Francis Jourdain et la « Chambre type pour quatre skieurs » de Mallet-Stevens, présentés dans des stands indi- viduels, rappelaient les rigoureuses propositions fonctionnalistes des années vingt sans pour autant avoir réussi à être édités en série. Une autre section plus réduite était consacrée aux objets usuels et de quincaillerie selon l’idée d’un bazar proposée par Francis Jourdain. C’est finalement le grand hall dédié aux arts graphiques et à l’imprimerie, où affiches publicitaires et essais typographiques, fresques de Fernand Léger, Albert Gleizes et Léopold Survage, dialoguaient avec les sculptures de Joseph Csaky, Jan et Joël Mar- tel, Gustave Miklos et Jean Lambert-Rucki, qui a retenu l’attention des observateurs. Le retour à l’ornement et au style observé au pavillon de la Sad en 1937 s’affirme au Salon de 1939 comme dans la section française de l’Exposition internationale de New York et trouvera sa pleine expression au cours de la décennie suivante. Les artistes de l’UAM, qui avaient refusé de participer au Salon de la Sad de 1939, n’exposent plus en groupe et voient leurs projets arrêtés par la guerre. Ils se dispersent. Ainsi, parmi les membres historiques, Pierre Chareau fuit l’Europe et se réfugie aux États-Unis, où s’instal- lent également Jean Carlu et Fernand Léger. Charlotte Perriand part pour Tokyo en juin 1940, invitée par le ministère du Commerce et de l’Industrie japonais. Mallet-Stevens, malade, se retire dans le Sud- Ouest de la France. Il meurt le 8 février 1945, peu de temps après son retour à Paris.

25 années UAM

Après la guerre, emmenée par son nouveau président Georges-Henri Pingusson et augmentée d’une nouvelle génération de créateurs, l’UAM cherche sa place sur la scène artistique fran- çaise. En 1949, alors que certains de ses membres réintègrent à titre individuel le Salon de la Sad, l’UAM souhaite réaffirmer son unité avec un nouveau manifeste. Celui-ci reprend les idées déve- loppées vingt ans plus tôt et reste dominé par la notion de progrès :

UAM BAT 15042018.indd 110 16/04/2018 17:02 111 « Il y a deux façons d’inviter l’homme au voyage : l’évasion dans l’histoire et la géographie, solutions faciles du pastiche et de l’exo- tisme, source de tant d’aberrations, ou bien la recherche du réel dans ce qui est la nature profonde de l’homme, la recherche de l’homme nouveau qu’il porte en lui pour la préparation du nouvel âge. C’est vers cette recherche plus difficile et moins propice au succès que l’UAM s’est tournée dès sa formation, et à quoi elle reste fidèle. » Cette même année, au mois de décembre, l’exposition « Formes utiles, objets de notre temps », présentée au musée des Arts déco- ratifs, est la première manifestation commune des membres de l’UAM depuis 1937. Ce sera aussi la dernière. Les années suivantes, l’UAM continue à vivre à travers sa section Formes utiles, initiée par André Hermant, qui s’impose au Salon des arts ménagers dans des présentations thématiques mettant en avant les objets utilitaires du quotidien et les équipements domestiques. Les pein- tres, sculpteurs et artisans d’art des premières heures de l’UAM ne trouvent plus leur place au sein de ces manifestations et l’engage- ment des débuts se dissipe. Tandis que l’UAM ne parvient pas à définir un projet commun adapté au temps de la reconstruc- tion, l’indépendance de la section Formes utiles apparaît de plus en plus évidente. Elle est fermement défendue par René Herbst, qui ne semble plus croire à l’avenir de l’UAM dont il avait été membre fondateur. Ce dernier publie en 1956 25 années d’UAM, ouvrage sous forme de bilan illustré des réalisations passées qui semble annoncer une fin prochaine. Après de nombreux débats, l’association Formes utiles est créée au mois de décembre. Pour- vue de ses propres statuts, Formes utiles développera son program- me à travers ses expositions et par le biais de sa revue. René Herbst en prend la présidence, accompagné de vice-présidents, André Hermant, Jean Prouvé, René Yribarren, Paul Breton, d’un secrétaire général, Hervé de Looze, d’un trésorier, René-Jean Caillette, et d’un secrétaire, Jean Poirier. Une nouvelle histoire est en marche. L’UAM, née en 1929, disparaît officiellement en 1958. Sa des- tinée se sera déroulée en parallèle de celle des Congrès interna- tionaux d’architecture moderne (Ciam), créés un an plus tôt et dont la dernière rencontre a lieu en 1956.

UAM BAT 15042018.indd 111 16/04/2018 17:02 Notes 112

1 Pierre Barbe, Louis Barillet, Georges Bastard, Jean Burkhalter, Jean Carlu, Paul Colin, Étienne Cournault, Joseph Csaky, Sonia Delaunay, Jean Dourgnon, Jean Fouquet, Eileen Gray, Hélène Henry, René Herbst, Lucie Holt Le Son, Francis Jourdain, Robert Lallemant, Jacques Le Chevallier, œuvres de Pierre Legrain, Robert Mallet-Stevens, Pablo Manes, Jan et Joël Martel, Gustave Miklos, Jean-Charles Moreux, Charlotte Perriand, Jean Prouvé, Jean Puiforcat, André Salomon, Gérard Sandoz, Louis Sognot et Charlotte Alix, Raymond Templier. 2 Yvonne Brunhammer, « Sad Société des artistes décorateurs », dans Les Années UAM : 1929-1958, Paris, musée des Arts décoratifs, 1989, p. 127-131. 3 « L’histoire de la Société des artistes décorateurs de 1926 à 1929 est occupée par le débat tradition avant-garde qui peut aussi s’écrire pour ou contre l’orne- ment. Il aboutit à l’exode d’une partie de ses membres, qui fondent en 1929, une nouvelle association, l’Union des artistes modernes. » Yvonne Brunham- mer et Suzanne Tise, Les Artistes décorateurs. 1900-1942, Paris, Flammarion, 1990, p. 121. 4 « […] volonté d’affirmer le rôle social du créateur, non plus exclu du quotidien mais agissant au contraire pour le plus grand nombre. » Arlette Barré-Despond, UAM. Union des artistes modernes, Paris, Éditions du Regard, 1986, p. 35. 5 « […] qu’ils renoncent ou pas à l’ornement, les artistes décorateurs dépendent d’un schéma de production triangulaire reposant sur le mécène commandi- taire, l’artiste dessinateur et l’artisan réalisateur. Ce système s’oppose à celui que proposent les avant-gardes internationales, en France, les fondateurs de l’UAM : basée sur les besoins sociaux, la nécessité d’utiliser l’outil industriel pour une production de masse, il confie à l’artiste le rôle de créateur de mo- dèles. » Yvonne Brunhammer et Suzanne Tise, Les Artistes décorateurs. 1900- 1942, op. cit., p. 122. 6 André Tardieu est président de la Sad de 1929 à 1937. 7 Charles Hairon, Henri Rapin et Léon Bouchet sont les trois vice-présidents de la Sad au moment des incidents entre la Société et les dissidents. 8 René Herbst est un des membres fondateurs de l’UAM, il fait partie du premier comité directeur aux côtés d’Hélène Henry, Francis Jourdain et Robert Mallet- Stevens. 9 Procès-verbal, assemblée générale, 26 mars 1929, Bulletin de la Sad, février 1930, p. 4. 10 Procès-verbal, réunion du comité, 8 avril 1929, archives de la Sad. 11 Procès-verbal, assemblée générale, 2 avril 1931, archives de l’UAM, bibliothè- que des Arts décoratifs, Paris. 12 Ibid. 13 Procès-verbal, réunion du comité, 27 mai 1929, archives de la Sad. 14 Procès-verbal, assemblée générale extraordinaire, 27 février 1930, Bulletin de la Sad, mars 1930, p. 8. 15 Lettre de Raymond Templier, 27 avril 1929, archives de l’UAM, bibliothèque des Arts décoratifs, Paris. 16 Association no 79501-8967. 17 Étienne Cournault est sollicité par l’UAM pour devenir membre actif le 7 mai 1929. Il accepte d’adhérer à ce « groupe intéressant » le 29 mai 1929 et appa- raît sur la liste des membres actifs établie lors de la réunion du 31 mai 1929. 18 Le procès-verbal de la réunion du comité de la Sad du 22 mai 1930 fait état des démissions de Rose Adler, Louis Sognot et Lucie Holt Le Son. C’est après avoir été sollicités par l’UAM pour devenir membres actifs que Georges Bas- tard, Lucie Holt Le Son, ainsi que Louis Sognot et son associée Charlotte Alix adhèrent à l’UAM et apparaissent sur la liste des membres actifs établie lors de la réunion du 6 mars 1930. 19 Jean Carlu accepte l’invitation de l’UAM par une lettre du 20 février 1930. Jean Dourgnon est sollicité par un courrier du 14 janvier 1930 et renvoie son

UAM BAT 15042018.indd 112 16/04/2018 17:02 bulletin d’adhésion le 17 janvier 1930. L’UAM propose à Jean-Charles Moreux 113 de devenir membre actif dès le 8 mai 1929, mais il ne devient adhérent que le 19 mars 1930. Cf. archives de l’UAM, musée des Arts décoratifs, Paris. 20 Ernest Tisserand, « Le prochain Salon des décorateurs : ce qu’on y verra et ce qu’on n’y verra pas », L’Art vivant, mai 1929, p. 372. 21 Ibid. 22 Ibid., p. 372-376. 23 Francis Jourdain, « Origin and raison d’etre of the new society », Creative Art, vol. VIII, juillet-décembre 1930, p. 369. 24 Pierre Lazareff, interview de Raymond Templier, Paris-Midi, 14 mai 1930. 25 Lettre de l’UAM à Alberto Sartoris, 28 août 1930, archives de l’UAM, biblio- thèque des Arts décoratifs, Paris. 26 Procès-verbal, réunion de l’ancien et du nouveau comité de l’UAM, 2 février 1931, archives de l’UAM. 27 Procès-verbal, assemblée générale, 18 juin 1931, Bulletin de la Sad, 15 no- vembre 1931, p. 35. 28 Louis Chéronnet est un des critiques du journal Art et décoration avant de de- venir son rédacteur en chef à partir de 1930. Aux côtés des autres critiques du journal comme Léon Werth, René Chavance et Gaston Varenne, il soutiendra les artistes de l’UAM. En 1934, il est l’auteur du premier manifeste de l’Union. 29 Louis Chéronnet, « La section française du XXe Salon des décorateurs », Art et décoration, juillet-décembre 1930, p. 1-2. 30 Article paru dans L’Œuvre, coupures de presse, archives de l’UAM. 31 Article signé A.R. paru dans La Michodière le 20 juin 1933, coupures de presse, archives de l’UAM. 32 René Chavance est un des critiques de la revue Art et décoration qui, à travers les articles de ses chroniqueurs, se positionne plutôt du côté des artistes de l’UAM. 33 René Chavance, « Le XIXe Salon des artistes décorateurs », Art et décoration, juillet-décembre 1929, p. 8. 34 Léon Werth, « Le premier Salon de l’UAM », Art et décoration, juillet- décembre 1930, p. 33-40. 35 Paul Fierens, « Le Salon des artistes décorateurs », Journal des débats, 8 juin 1929. 36 Ivanhoé Rambosson, « Les artistes dissidents du Salon des décorateurs exposent au pavillon de Marsan », Comoedia, 11 juillet 1930. 37 Article d’Ernest Tisserand paru dans European le 15 mai 1929, coupures de presse, archives de l’UAM. 38 René Chavance, « Le XIXe Salon des artistes décorateurs », Art et décoration, juillet-décembre 1929, p. 8. 39 Paul Fierens, art. cit. 40 Ibid. 41 Article de Marcel Zahar paru dans les Nouvelles littéraires le 13 juin 1930, coupures de presse, archives de l’UAM. 42 Interview de Raymond Templier par Pierre Lazareff, Paris-Midi, 14 mai 1930. 43 Ernest Tisserand, art. cit., mai 1929, p. 375. 44 Charlotte Perriand, Une vie de création, Paris, Éditions Odile Jacob, 1998. 45 Procès-verbal, assemblée générale de la Sad, 26 mars 1929, Bulletin de la Sad, février 1930. 46 Procès-verbal, réunion du comité de la Sad, 8 avril 1929. 47 Charlotte Perriand, Une vie de création, op. cit. 48 Conversation de Suzanne Tise avec Charlotte Perriand en 1985. Cf. Yvonne Brunhammer et Suzanne Tise, Les Artistes décorateurs. 1900-1942, op. cit. 49 Charles Hairon fait ici référence aux accusations portées par Ernest Tisserand dans son article du 1er mai 1929 paru dans L’Art vivant. Cf. Ernest Tisserand, art. cit., mai 1929, p. 372. 50 Procès-verbal, assemblée générale, 27 février 1930, Bulletin de la Sad, mars 1930, p. 14. 51 Ibid.

UAM BAT 15042018.indd 113 16/04/2018 17:02 52 Procès-verbal, réunion du comité de la Sad, 30 octobre 1929, archives de la Sad. 114 53 Procès-verbal, réunion du comité, 27 mai 1929, archives de la Sad. 54 Procès-verbal, assemblée générale extraordinaire, 27 février 1930, Bulletin de la Sad, mars 1930, p. 8. 55 Procès-verbal, réunion du comité, 29 janvier 1931, archives de la Sad. 56 Il semble que ce soit une référence aux difficultés qu’a rencontrées la Sad pour obtenir un emplacement à l’intérieur du palais des Beaux-Arts pour l’Exposition coloniale de 1931. Cf. procès-verbal Sad, 18 juin 1931, Bulletin de la Sad, 15 no- vembre 1931, p. 36. 57 Lettre de la Sad adressée à Jean Puiforcat, archives de l’UAM, bibliothèque des Arts décoratifs, Paris. 58 Procès-verbal, assemblée générale extraordinaire, 7 février 1931, archives de l’UAM, bibliothèque des Arts décoratifs, Paris. 59 Procès-verbal, réunion du comité, 2 février 1931, archives de l’UAM, biblio- thèque des Arts décoratifs, Paris. 60 Le comité de la Sad fut informé des propositions de l’UAM par Charles Hairon, qui avait eu une conversation officieuse avec René Herbst. Cf. procès-verbal, réunion du comité, 29 janvier 1931, archives de la Sad. 61 Sur les trente-trois membres actifs, vingt-sept ont voté contre le retour aux Décorateurs et les sept absents n’ont pas répondu à la convocation. Cf. pro- cès-verbal, assemblée générale de l’UAM, 7 février 1931. 62 Procès-verbal, réunion du comité, 28 mars 1931, archives de l’UAM. 63 Ibid. 64 Procès-verbal, réunion du comité, 28 février 1931, archives de la Sad. 65 Lettre de Puiforcat à Templier, 5 février 1931, archives de l’UAM, bibliothèque des Arts décoratifs, Paris. 66 Lettre de Maurice Dufrène, 13 février 1931. 67 Procès-verbal, assemblée générale, 26 mars 1929, Bulletin de la Sad, 15 février 1930, p. 4. 68 Procès-verbal, assemblée générale, 27 février 1930, Bulletin de la Sad, mars 1930, p. 13. 69 Procès-verbal, réunion du comité de la Sad, 22 mai 1930. 70 Procès-verbal, assemblée générale, 27 février 1930, Bulletin de la Sad, mars 1930. 71 Procès-verbal, réunion du comité de la Sad, 5 juin 1930. Maurice Dufrène consentit à ce que sa lettre et le rapport ne soient pas publiés dans le Bulletin de la Sad mais conservés dans les archives de la Société. Aujourd’hui, aucun des documents n’a été retrouvé. 72 Procès-verbal, réunion du comité de la Sad, 5 mars 1930. Charles Hairon y déclare que c’est surtout à lui que Maurice Dufrène en veut. 73 Procès-verbal, réunion du comité de la Sad, 5 juin 1930. 74 Lettre de Maurice Dufrène au vice-président de la Sad, 13 février 1931, Bulletin de la Sad, 15 novembre 1931, p. 36. 75 Procès-verbal, réunion de l’ancien et du nouveau comité, 2 février 1931, archi- ves de l’UAM, bibliothèque des Arts décoratifs, Paris. 76 Lettre de Maurice Dufrène, 13 février 1931. 77 Ernest Tisserand, « Ce qu’on verra au Salon des artistes décorateurs et ce qu’on n’y verra pas », L’Art vivant, mai 1928, p. 363. 78 René Chavance, « Le Salon des artistes décorateurs », Les Échos des indus- tries d’art, juin 1928. 79 Henri Martinie, « Le XVIIIe Salon des artistes décorateurs », Art et décoration, janvier-juin 1928. 80 « […] Pour se moquer du bourgeois qui n’est pas Djo, l’artiste a placé un instru- ment de torture sur la table […] dans un coin, une mécanique, qui fait pendant à la mâchoire d’acier que Djo-Bourgeois a placé sur sa table pour casser la tête aux Philistins. » Cf. Ernest Tisserand, « Le XVIIIe Salon des artistes déco- rateurs », L’Art vivant, juin 1928, p. 4 27. 81 Charlotte Perriand, Une vie de création, op. cit.

UAM BAT 15042018.indd 114 16/04/2018 17:02 82 Ernest Tisserand, art. cit., mai 1929, p. 375. 115 83 Ibid. 84 Les œuvres étaient classées en trois catégories déterminant les droits à payer, qui augmentaient suivant qu’il s’agissait d’œuvres d’artistes exerçant une pro- fession libérale ou artisans non soumis au régime du commerce ; d’œuvres d’artistes à la fois chef de commerce ou d’industrie ; ou bien d’œuvres d’artis- tes éditées ou vendues par une firme commerciale, industrielle ou une société. Le prix à payer dépendait ensuite de la taille de l’emplacement ou de la vitrine. 85 Articles 16, 20, 21 et 22, règlement du XIXe Salon des artistes décorateurs, catalogue du XIXe Salon des artistes décorateurs, p. 60 et 66 à 69. 86 Ernest Tisserand, art. cit., mai 1928. 87 Charlotte Perriand évoque les difficultés financières des modernes en 1985 dans le catalogue de l’exposition du musée des Arts décoratifs, Charlotte Per- riand, un art de vivre, ainsi que dans son autobiographie en 1988. 88 Ernest Tisserand, art. cit., juin 1928, p. 4 31. 89 Ernest Tisserand, art. cit., mai 1928, p. 365. 90 Ibid. 91 Ernest Tisserand, « Le XVIIe Salon de la Société des artistes décorateurs », L’Art vivant, 1927, p. 414. 92 Ibid. 93 Dont acte suite à l’article du 1er mai par Ernest Tisserand, art. cit., juin 1928. 94 Procès-verbal, réunion du comité, 2 février 1931, archives de l’UAM, biblio- thèque des Arts décoratifs, Paris. 95 Ibid. 96 Le problème qui se pose en 1929 pour le groupe des modernes est finalement celui qui touche le Salon dans son acception générale. Ce refus de la sélection et cette volonté de liberté est par exemple à l’origine de la création du Salon des indépendants en 1884 qui, en excluant jury et récompense, organise les « refusés » et rivalise sans difficulté avec le Salon des artistes français. Cet ac- croissement d’exigence de liberté conduira finalement à l’éclatement du Salon. 97 Article paru dans le journal Le Jour le 28 janvier 1929, coupures de presse, archives de l’UAM, bibliothèque des Arts décoratifs, Paris. 98 Procès-verbal, assemblée générale, 27 février 1930, Bulletin de la Sad, mars 1930, p. 14. 99 Lettre de Raymond Templier à Jean Puiforcat, 14 février 1931, archives de l’UAM. 100 Francis Jourdain, art. cit., p. 369. 101 Paul Vitry, qui avait été le président de la Sad pendant neuf ans, ne pouvait renouveler son mandat. L’Union centrale des arts sécoratifs, qui avait accueilli jusqu’alors les Décorateurs au pavillon de Marsan pour leur Salon annuel, leur demande en 1922 de trouver d’autres locaux. D’autre part, leur participation à l’exposition des Artistes français au printemps 1922 les laissait sous la me- nace d’un procès en paiement de 30 000 francs. Cf. procès-verbal, assemblée générale de la Sad, 19 décembre 1928, Bulletin de la Sad, mars 1929, p. 14-15. 102 Maurice Bokanowski est à ce moment-là député de la Seine, rapporteur général du budget, président de la commission d’étude de l’Exposition de 1925, fondateur du groupe parlementaire des Travailleurs intellectuels ainsi qu’avocat. Il est considéré au début des années vingt comme l’un des parle- mentaires maîtrisant le mieux les finances publiques et l’économie internatio- nale. Il est nommé ministre de la Marine en 1924, puis ministre du Commerce, de l’Industrie, de l’Aéronautique et des PTT en 1926 au sein du gouvernement Poincaré. 103 Avant-propos du Bulletin de la Sad, mars 1929, p. 1. 104 Le pavillon de la Sad, « Appartements de réception et d’intimité d’une ambassade française », se trouvait au bout de l’axe principal de l’Exposition, sur l’esplanade des Invalides. 105 Procès-verbal, 19 décembre 1928, Bulletin de la Sad, mars 1929, p. 15. 106 Charles Hairon s’était occupé de chercher le nouveau président parmi les personnalités politiques. Le choix du bureau de la Sad se porta sur André Tardieu, qui accepta la présidence. Il fut nommé à l’unanimité par le comité

UAM BAT 15042018.indd 115 16/04/2018 17:02 de la Sad lors de la réunion du 10 janvier 1929, et sa nomination fut ratifiée à l’unanimité lors de l’assemblée générale du 26 mars 1929. 116 107 Tardieu apporta notamment son soutien aux Décorateurs en les envoyant au sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts pour leur faire obtenir des locaux au Grand Palais pour l’Exposition coloniale de 1931. Il mit également les Décora- teurs en rapport avec le ministre de la Marine marchande, qui leur promit de faire pression sur les compagnies de navigation pour qu’elles fassent appel aux artistes de la Sad pour l’installation de leur prochain paquebot. Cf. procès- verbal, réunion du comité, 29 novembre 1930. 108 Il mène une politique de modernisation de la France qui fut essentiellement consacrée aux infrastructures du pays. Évoquée par les Décorateurs au moment de la ratification de sa nomination lors de l’assemblée du 26 mars 1929, cette politique leur apparaît d’un puissant intérêt. Cf. procès-verbal, assemblée gé- nérale, 26 mars 1929, Bulletin de la Sad, février 1930, p. 3. 109 Pour la biographie d’André Tardieu, on renverra à François Monnet, Refaire la Répu- blique, André Tardieu (1876-1945), une dérive réactionnaire, Paris, Fayard, 1993. 110 Collectionneur de Jacques-Émile Ruhlmann, il acquiert le bureau de l’apparte- ment-studio d’un prince héritier, présenté au Salon des artistes décorateurs de 1929. 111 La liste des membres du comité de patronage de la Sad est publiée dans les catalogues de ses Salons annuels. 112 Au sujet des enjeux des expositions étrangères et des buts que se propose la Sad, voir le rapport de la classe 66 des Artistes décorateurs à l’Exposition internationale de Barcelone en 1929, Bulletin de la Sad, février 1930, p. 23-27. 113 Charles Hairon, avant-propos, Bulletin de la Sad, mars 1929, p. 2 114 André François-Poncet, « Une opinion ministérielle sur l’art décoratif moderne », Les Échos d’art, no 54, janvier 1930, p. 28. 115 « Vous êtes appelés à jouer un rôle capital et je pèse, croyez-le bien, tous mes termes, un rôle capital non seulement dans la vie artistique, mais dans la vie économique d’aujourd’hui et de demain. On peut faire fond sur vous ! On ne fait bien je crois que ce que l’on fait avec amour. Sans vain chauvinisme, je déclare qu’à mes yeux l’art décoratif français est le plus beau, le plus “chic” du monde, et je ne crains guère d’être démenti ! » Cf. Pierre Rameil, Bulletin de la Sad, 1er octobre 1926, p. 36. 116 Bulletin de la Sad, mars 1930, p. 4. 117 Procès-verbal, réunion du comité, 23 janvier 1928, archives de la Sad. 118 Procès-verbal, assemblée générale, 26 mars 1929, Bulletin de la Sad, février 1930, p. 10-11. 119 Procès-verbal, assemblée générale, 26 mars 1929, Bulletin de la Sad, février 1930, p. 13. 120 Procès-verbal, réunion du comité, 17 mars 1930, archives de la Sad. 121 Charles Hairon, avant-propos, Bulletin de la Sad, mars 1929, p. 1-2. 122 Procès-verbal, réunion du comité de la Sad, 27 juin 1928. 123 Cette nouvelle rédaction de l’article 2 du règlement du Salon de 1929 est adoptée lors de l’assemblée générale du 7 juillet 1928. Cf. Bulletin de la Sad, 15 mars 1929, p. 9. 124 Le sens de la restriction que le nouvel article 2 apporte aux conditions d’ad- mission est précisé à l’assemblée générale du 19 décembre 1928. Cf. Bulletin de la Sad, 15 mars 1929, p. 22. 125 Certaines maisons de décoration du faubourg Saint-Antoine abandonnent la copie des styles anciens et adoptent le style moderne. Pour cela, les chefs d’industrie confient la direction de leurs ateliers à des décorateurs ou créent eux-mêmes dans le sens moderne. 126 « La Société des artistes décorateurs, fondée en 1901, pour la défense des intérêts collectifs et privés des créateurs de modèles, le relèvement des arts appliqués et la défense de la propriété artistique, ne faillira pas à son devoir. » Cf. Charles Hairon, avant-propos, Bulletin de la Sad, mars 1929, p. 1. 127 Procès-verbal, réunion du comité de la Sad, 8 avril 1929.

UAM BAT 15042018.indd 116 16/04/2018 17:02 128 Procès-verbal, assemblée générale de la Sad, 27 février 1930, Bulletin de la Sad, 117 mars 1930, p. 19. 129 Conversation de Suzanne Tise avec Charlotte Perriand en 1985. Cf. Yvonne Brun- hammer et Suzanne Tise, Les Artistes décorateurs. 1900-1942, op. cit., p. 133. 130 Procès-verbal de la Sad, 26 mars 1929, Bulletin de la Sad, février 1930, p. 4. 131 Procès-verbal, assemblée générale, 27 février 1930, Bulletin de la Sad, mars 1930, p. 6. 132 Ibid. 133 Raymond Templier interviewé par Pierre Lazareff, Paris-Midi, 14 mai 1930. 134 Arlette Barré-Despond, UAM. Union des artistes modernes, op. cit., p. 40. 135 Ernest Tisserand, art. cit., juin 1928, p. 426-431. 136 Parmi les artistes qui collaborent à ce répertoire se trouvent plusieurs membres ou futurs membres de l’UAM, dont Rose Adler, Pierre Chareau, Gabriel Guevrekian, Lucie Holt Le Son, Francis Jourdain, Robert Mallet-Stevens, Pierre Legrain, Jean Luce, André Lurçat, Jean-Charles Moreux, Charlotte Perriand, Jean Puiforcat, Louis Sognot, mais aussi des membres de la Sad : Jean et Jacques Adnet, Djo-Bourgeois, Da Silva Bruhns, Dominique, Maurice Dufrène, Joubert et Petit, Étienne Kohlmann, Pierre Montagnac, René Prou, Jacques-Émile Ruhlmann. 137 Répertoire du goût moderne, préface de l’éditeur, Paris, Éditions Albert Lévy, 1929. 138 Y participent : Pierre Chareau ; René Herbst (meubles métalliques) ; Robert Mallet-Stevens (cheminée en brique) ; Djo-Bourgeois (baignoire en verre) ; Pierre Vago et René Drouin (chambre d’enfant) ; Jean-Paul Sabatou (jardin d’hi- ver) ; Frantz-Philippe Jourdain et André Louis (coin de feu) ; André Lurçat (cui- sine) ; Pierre Barbe ; Jean Ginsberg ; Georges-Henri Pingusson ; J. Posener ; Louis Sognot. 139 Charlotte Perriand, Une vie de création, op. cit. 140 Procès-verbal, réunion du comité de la Sad, juin 1928. 141 Une invitation officielle de la Sad permettait en effet aux organisateurs alle- mands d’obtenir de leur gouvernement un appui financier afin de mener à bien l’exposition. 142 Procès-verbal, réunion du comité de la Sad, 21 novembre 1928 ; procès-verbal de l’assemblée générale du 19 décembre 1928, Bulletin de la Sad, no 51, 15 mars 1929, p. 22 ; procès-verbal de l’assemblée générale du 26 mars 1929 ; Bulletin de la Sad, 15 février 1930, no 52, p. 12. 143 Lettre d’invitation de la Sad, Bulletin de la Sad, 15 février 1930, no 52, p. 12. 144 Ibid. 145 La dernière participation des Allemands à une exposition parisienne était le Salon d’automne de 1910. 146 Introduction du catalogue de la section allemande à l’exposition de la Sad de 1930. 147 Procès-verbal, assemblée générale, 26 mars 1929, Bulletin de la Sad, 15 février 1930, no 52, p. 11. 148 Charles Hairon, introduction au catalogue de la section allemande. 149 Procès-verbal, assemblée générale, 26 mars 1929, Bulletin de la Sad, p. 11. 150 Charles Hairon, introduction au catalogue de la section allemande. 151 Charlotte Perriand, Une vie de création, op. cit., p. 36. 152 Arlette Barré-Despond, UAM. Union des artistes modernes, op. cit., p. 45. 153 Statuts de l’Union des artistes modernes, article 1er. 154 Note à la presse non datée, mais la liste des membres qu’elle présente permet de penser qu’elle date certainement du début de l’année 1930. Archives UAM, bibliothèque des Arts décoratifs, Paris. 155 Louis Chéronnet, Pour l’art moderne cadre de la vie contemporaine (manifeste de l’UAM), Paris, 1934. 156 Ibid. 157 Francis Jourdain, Genèse et raison d’être de la nouvelle société, Paris, 1930. L’idée que la constitution de l’UAM répondait à un besoin est en effet reprise dans l’avant-projet pour le manifeste de l’UAM, daté de 1933. 158 « Buts et objectifs de l’UAM », avant-projet pour le manifeste, 1933, archives de l’UAM.

UAM BAT 15042018.indd 117 16/04/2018 17:02 159 Louis Chéronnet, Pour l’art moderne cadre de la vie contemporaine (manifeste de l’UAM), op. cit. 118 160 Statuts de l’Union des artistes modernes, article 1er. 161 Note à la presse, archives de l’UAM. 162 Georges Duhamel, Scènes de la vie future, Paris, Éditions Mille et une nuits, 2003. 163 Paul Valéry, Regards sur le monde actuel, Paris, Éditions Folio-Essais, 1988. 164 Francis Jourdain, Sans remords ni rancune, Paris, Éditions Corréa, 1953. 165 Revue dirigée par Renaud de Jouvenel et liée au courant planiste. Cf. Jean-Louis Cohen, André Lurçat 1894-1970, autocritique d’un moderne, Liège, Éditions Pierre Mardaga, 1995. 166 Bien qu’André Lurçat soit attaché à la politique communiste dès 1933 à l’occa- sion du chantier du groupe scolaire de Villejuif, il n’adhère au PCF qu’en 1942. 167 Charlotte Perriand, Une vie de création, op. cit. 168 Jean Fouquet adhère aux causes de la révolution esthétique et politique. Proche des idées de Le Corbusier, il est à l’origine de la rencontre entre celui-ci et Charlotte Perriand à la suite du Salon d’automne de 1927. 169 Proche de l’UAM dès sa fondation, Fernand Léger y adhère finalement en 1934. 170 Dans ces années-là, Francis Jourdain devient l’ami d’Alexandre Charpentier, sculpteur et décorateur, défenseur d’un art social et des principes rationalistes, dont Jourdain reconnaîtra l’influence. 171 Texte cité par Arlette Barré-Despond dans Jourdain : Frantz 1847-1935, Francis 1876-1958, Frantz-Philippe 1906, Paris, Éditions du Regard, 1988. 172 Francis Jourdain, Intérieurs, Paris, Éditions d’art Charles Moreau, 1929. 173 Jourdain ouvre dès 1911 les Ateliers modernes et fabrique un mobilier écono- mique, combinable et exempt de tout décor. 174 Francis Jourdain s’installe rue Vavin en 1913 dans l’immeuble à gradins construit par . 175 Francis Jourdain, art. cit., juillet-décembre 1930. 176 Arlette Barré-Despond, Jourdain : Frantz 1847-1935, Francis 1876-1958, Frantz-Philippe 1906, op. cit. 177 André Lurçat, Architecture, Paris, Au Sans Pareil, 1929. 178 André Lurçat, André Lurçat, projets et réalisations, Paris, Éditions Fréal & Cie, 1929. 179 Il s’agit d’une interview donnée à Alain Weill en 1981, à l’occasion de la rétros- pective de l’artiste et retranscrite dans Rétrospective Jean Carlu, Paris, musée de l’Affiche, 1981. 180 Francis Jourdain, Intérieurs, op. cit. 181 André Lurçat, André Lurçat, projets et réalisations, op. cit. 182 Le Corbusier, L’Art décoratif d’aujourd’hui, Paris, Éditions G. Grès et Cie, 1925. Réédition Flammarion, 1996, p. 91. 183 ibid, p. 138. 184 Arlette Barré-Despond, UAM. Union des artistes modernes, op. cit. 185 La cité-jardin de Châtenay-Malabry est conçue sur le modèle anglo-saxon du « Garden Suburb », conciliation entre la ville et la campagne, la réalité et l’uto- pie, en réponse aux problèmes d’une mutation sociale et urbaine profonde. 186 La plus importante rupture idéologique au sein de l’UAM prouvant que des artistes membres de l’Union peuvent être à titre individuel qualifiés de réac- tionnaires est sans doute celle qui aboutit à l’exclusion de Robert Lallemant, Eugène Beaudouin, Charles Loupot et Maximilien Vox, « dont la conduite durant l’Occupation donne lieu à des reproches ». Cf. procès-verbal de l’UAM, réunion du comité 23 janvier 1945, archives de l’UAM. 187 Le Corbusier, « L’exposition de l’École spéciale d’architecture », L’Esprit nou- veau, no 23, 1924, p. 28. 188 Lettre de Le Corbusier à Charles de Beistegui, 5 juillet 1929, citée dans Wim Van Den Bergh, Beistegui avant Le Corbusier, Paris, Éditions B2, 2015, p. 95-97. 189 Un avant-projet de liste fait apparaître les noms de Braque, Chagall, Derain, Gleizes, Kandinsky, Lipchitz, Maillol, Matisse, Picasso, etc., cité dans Les An- nées UAM : 1929-1958, op. cit., p. 92.

UAM BAT 15042018.indd 118 16/04/2018 17:02 190 Le projet de Le Corbusier est présenté à l’assemblée générale de l’UAM du 119 18 juin 1935. L’UAM accepte cette collaboration à la condition de garder son indépendance sur le groupe des Ciam. 191 Ce sentiment d’hostilité est évoqué dans les archives de Le Corbusier relatives à la préparation de l’Exposition de 1937. Voir Le Corbusier : une encyclopédie, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 1987, p. 422. 192 Procès-verbal de l’UAM, réunion du comité, 2 juillet 1931, archives de l’UAM, musée des Arts décoratifs, Paris. 193 Album de l’UAM, Paris, Éditions d’art Charles Moreau, 1929. 194 Pierre Chareau fait partie du nouveau comité de l’UAM, élu à l’unanimité lors de l’assemblée générale du 18 juin 1931. Le nouveau comité se compose de Charlotte Alix, Jean Carlu, Pierre Chareau, Jean Fouquet (secrétaire), Robert Mallet-Stevens et de Raymond Templier comme trésorier. 195 Procès-verbal de l’UAM, assemblée générale, 20 juillet 1931, archives de l’UAM. 196 Procès-verbal de l’UAM, réunion du comité, 14 octobre 1931. 197 Procès-verbal de l’UAM, assemblée générale, 16 octobre 1931. 198 Procès-verbal de l’UAM, réunion du comité, 29 octobre 1931. 199 Procès-verbal de l’UAM, réunion du comité, 11 décembre 1931. 200 « Buts et objectifs de l’UAM », avant-projet pour le manifeste, Paris, 1933, archives de l’UAM. 201 Le manifeste de 1949 et les déclarations de Francis Jourdain, Robert Mallet- Stevens et Georges-Henri Pingusson furent publiés dans l’album conçu à l’occa- sion du vingt-cinquième anniversaire de l’UAM. Cf. René Herbst, 25 années d’UAM, Paris, Éditions des Arts ménagers, 1956. 202 Otua : Office technique de l’utilisation de l’acier. 203 Mallet-Stevens conçoit une cabine de troisième classe en collaboration avec la société Flambo pour sa réalisation, et André Salomon pour l’éclairage. 204 Sur la question de l’attribution du siège métallique et de la contribution de Mallet-Stevens à sa diffusion, voir Valérie Guillaume, « “Un certain état d’esprit moderne”. Étude d’un siège en tube métallique », dans Robert Mallet-Stevens, architecte (1886-1945), Paris, Éditions du Centre Pompidou, 2005, p. 62-64. 205 Cependant, du fait de la disparition des archives de son agence (Mallet-Stevens avait demandé que l’on fasse disparaître ses archives), il reste difficile d’avoir une idée objective de la production sortie de son atelier de création. 206 Lettre de Raymond Kœchlin à Jacques Le Chevallier, 20 août 1929. Cité dans Jean-François Archiery (dir.), Jacques Le Chevallier 1896-1987 : la lumière mo- derne, Paris, Éditions Gourcuff Gradenigo, 2007, p. 111. 207 La Maison de verre est réalisée par Pierre Chareau entre 1928 et 1931 pour le docteur Dalsace. Au-delà des recherches de fonctionnalité, les poutres mé- talliques apparentes, les cloisons en tôle perforée, les manivelles pour ouvrir les vasistas témoignent d’un net parti pris pour une esthétique machiniste. L’ensemble des pièces est forgé sur place, dans la cour de l’immeuble, par le ferronier Dalbet. 208 Cette idée est aussi développée par Gladys Fabre (commissaire de l’exposition « Léger et l’esprit moderne ») lorsqu’elle cherche à définir l’UAM. Cf. Léger et l’esprit moderne, Paris, musée d’Art moderne de la ville de Paris, 1982, p. 400. 209 Marcel Zahar, « L’UAM au pavillon de Marsan », Art et industrie, juillet 1930, p. 25-28. 210 Léon Werth, art. cit. 211 Ernest Tisserand, « Chronique de l’art décoratif : le Salon de l’Union des artistes modernes », L’Art vivant, juillet 1930, p. 540. 212 Léon Werth, art. cit. 213 Ibid. 214 Ernest Tisserand, art. cit., juillet 1930. 215 Léon Werth, art. cit. 216 La cotisation annuelle des membres bienfaiteurs de l’UAM est fixée à 1 000 francs. Cf. statuts de l’Union des artistes modernes, article 2 et article 14.

UAM BAT 15042018.indd 119 16/04/2018 17:02 217 Ernest Tisserand, art. cit., juillet 1930, p. 540. 218 La liste des membres bienfaiteurs est publiée dans le catalogue de la première 120 exposition de l’UAM. Cf. catalogue UAM, 1930. 219 Pour la réalisation de son mobilier, Mallet-Stevens collabore régulièrement avec Georges Selz, notamment pour la villa Cavrois. L’association des deux hommes explique très certainement la volonté de l’ébéniste de rejoindre les membres bienfaiteurs de l’UAM. 220 Lettre proposée pour être adressée aux éventuels donateurs, procès-verbal de l’UAM, 5 avril 1930, archives de l’UAM. 221 Ibid. 222 La liste a été établie à partir des noms indiqués dans les lettres de Jean Pui- forcat, Pierre Barbe et Georges Bastard, ainsi qu’à partir de ceux mentionnés dans les procès-verbaux de l’UAM. 223 Arlette Barré-Despond, UAM. Union des artistes modernes, op. cit. 224 Voir liste complète des artistes refusés en annexe. 225 Lettre de Gaston-Louis Vuitton à l’UAM, 20 juin 1929, archives de l’UAM. 226 Lettre de l’UAM à Gaston-Louis Vuitton, 21 juin 1929, archives de l’UAM. 227 Maison Drouard, ameublement, installation, décoration, 134, boulevard Dide- rot, Paris. Royère fait ses débuts dans cette maison de 1931 à 1933. 228 La lettre n’est pas datée mais la réponse de l’UAM date du 17 juillet 1933. 229 L’inauguration a lieu le 9 novembre 1933. Royère est alors remarqué par Pierre Gouffé qui lui offre la direction du département de mobilier contemporain de son affaire boulevard Saint-Antoine. 230 Royère a joint à sa demande de participation à l’exposition de l’UAM des pho- tographies de ses créations. On peut alors imaginer qu’il s’agisse de celles du mobilier conçu à l’occasion de ces deux premiers travaux de décoration, ou de création témoignant du même esprit. 231 Bonifas a joint à sa candidature plusieurs documents afin de permettre aux membres de l’UAM de juger son travail lors du vote de l’assemblée : il s’agit de sept photographies de ses terres noires (dont deux éditées à tirage limité et cinq de série), d’un numéro de L’Art vivant contenant un article d’Ernest Tisse- rand et de deux numéros de L’Œuvre (journal de l’association suisse romande dans lequel il publie des articles régulièrement). 232 Assemblée générale de l’UAM, 11 décembre 1930, au siège social. En avril 1931, sa candidature est à nouveau rejetée. Cf. procès-verbal de l’UAM, assem- blée générale, 2 avril 1931, archives de l’UAM. 233 Revue d’esthétique moderne créée par Le Corbusier et Ozenfant, qui paraît de 1920 à 1925. 234 Entretien radiophonique à propos de l’art décoratif moderne, Radio Genève, 1934. 235 Fascicule accompagné d’un texte signé Lucienne Florentin que Paul Bonifas a joint à sa candidature à l’UAM : « J’ajoute une plaquette éditée par mes soins dont le texte dû à un critique français vivant à Genève, vous donnera quelques détails sur mon point de vue. » 236 Ibid. 237 Ernest Tisserand, « L’exposition de l’Union des artistes modernes », L’Art vivant, août 1930, p. 628. 238 Ernest Tisserand, art. cit., juillet 1930, p. 540. 239 Ernest Tisserand, art. cit., août 1930, p. 6 31. 240 À ce moment-là, Pierre Chareau préférera ne pas s’engager et n’adhérera à l’UAM qu’après l’exposition de 1930. 241 En réponse à sa nomination comme membre actif à l’UAM, Lucie Holt Le Son se dira honorée d’être sur la liste des élus, ce qui tend à révéler la dimension charismatique de l’UAM. Cf. lettre de Lucie Holt Le Son, 14 janvier 1930, archi- ves de l’UAM. 242 Plusieurs lettres de l’UAM adressées à ses nouveaux adhérents indiquent que l’engagement de ses membres consiste avant tout à participer à ses démons- trations et à se montrer actif propagandiste des idées modernes. 243 Lettre d’Alfred Gellhorn à René Herbst, 16 avril 1930, dossier Gellhorn, archives de l’UAM.

UAM BAT 15042018.indd 120 16/04/2018 17:02 244 Alberto Sartoris indique dans un courrier adressé à l’UAM daté du 11 août 1930, 121 qu’il fera passer un article sur l’exposition de l’UAM accompagné de photogra- phies dans le numéro de septembre de la revue Casabella. 245 Lettre de l’UAM à Lods et Beaudouin, 17 octobre 1934, archives de l’UAM. 246 Procès-verbal de l’UAM, assemblée générale, 20 juillet 1931. 247 Le procès-verbal mentionne l’adoption du projet, pourtant aucun document ne permet de confirmer qu’il fut réalisé. Cf. procès-verbal de l’UAM, assemblée générale, 12 novembre 1929, archives de l’UAM. 248 Procès-verbal de l’UAM, assemblée générale, 9 mai 1933. 249 Le Groupe des Six appartient à la révolution musicale parisienne d’après la Première Guerre mondiale et réunit des artistes en réaction contre tout héri- tage esthétique. Parmi les artistes du groupe, seuls Louis Durey et Germaine Tailleferre ne seront pas proposés comme membres associés de l’UAM. 250 Albert Gleizes et Fernand Léger sont admis à l’UAM lors de l’assemblée géné- rale du 12 novembre 1934. 251 Cette note pourrait être celle non datée retrouvée dans les archives de l’UAM, mais dont la liste des membres qu’elle communique semble indiquer qu’elle date du début de l’année 1930. 252 Procès-verbal, réunion du comité, 30 mai 1930, archives de l’UAM. 253 Les critiques invités sont : Alexandre, René Chavance, René Jean, Guillaume Jeanneau, Claude Roger-Marx, Gabriel Mourey, Léon Moussinac, Ivanhoé Rambosson, Robert Rey, Émile Sedeyn, Ernest Tisserand, Léandre Vaillat et Waldemar George. Cf. procès-verbal de l’UAM, réunion du comité, 5 avril 1930, archives de l’UAM. 254 Procès-verbal de l’UAM, réunion du comité, 6 mars 1930, archives de l’UAM. 255 Procès-verbal de l’UAM, réunion du comité, 11 juillet 1931. 256 Procès-verbal de l’UAM, assemblée générale, 20 juillet 1931. 257 Dans son article « Pudeur et progrès », Ernest Tisserand répond à Paul Brulat, Georges Rémon et Duplay, membres de l’Association des critiques d’art fran- çais, qui condamnent le nudisme. Cf. Ernest Tisserand, « Pudeur et progrès », L’Art vivant, mars 1931, p. 114-115. 258 Camille Mauclair, L’Architecture va-t-elle mourir ? La crise du panbétonnisme intégral, Paris, Éditions Nouvelle Revue critique, 1933. 259 Paul Iribe, Choix, Paris, Éditions Iribe, 1930. 260 Paul Iribe, Défense du luxe, Paris, Éditions Draeger, 1932. 261 Témoignage de Maximilien Gauthier dans « Le manifeste de l’UAM », L’Art vivant, août 1934. 262 Thiébault-Sisson, « À propos du Salon de l’Union des artistes », L’Entreprise française, 25 février 1932, p. 9-10. 263 Réponse de l’UAM dans « À propos du Salon de l’Union des artistes modernes », L’Entreprise française, 25 avril 1932, p. 9. 264 Procès-verbal de l’UAM, réunion du comité, 7 décembre 1932, archives de l’UAM. 265 Procès-verbal, réunion du comité, 7 décembre 1932, archives de l’UAM. 266 Allocution prononcée par Jean Carlu au nom des artistes de l’UAM le 5 juillet 1934 lors de la réception organisée chez Mallet-Stevens. Retranscrite dans Arlette Barré-Despond, UAM. Union des artistes modernes, op. cit., p. 548- 549. 267 Extrait d’une lettre de François Carnot adressée à René Herbst à l’occasion du 25e anniversaire de l’UAM. Cf. René Herbst, 25 années d’UAM, op. cit. 268 Le groupe d’Art urbain est fondé en 1924 sur l’initiative de Robert Mallet- Stevens et de Marcel Temporal. S’y joignent Djo-Bourgeois, Burkhalter, Jour- dain, Dufour, Herbst, Rigault, Nathan, Poiret, Le Même. Le groupe organise les années suivantes différentes manifestations qui ont pour but de sensibiliser le public à l’art moderne. 269 Sur Jacques Doucet, voir François Chapon, Mystère et Splendeur de Jacques Doucet 1853-1929, Paris, J.-C. Lattès, 1984, et Jacques Doucet ou l’art du mécénat, Paris, Éditions Perrin, 1996. 270 André Joubin, « Le studio de Jacques Doucet », L’Illustration, 1930.

UAM BAT 15042018.indd 121 16/04/2018 17:02 271 Le procès-verbal de la réunion du comité de l’UAM du 3 mars 1930 indique que René Moulaert est invité par Gustave Miklos. D’autre part, dans une lettre 122 adressée à l’UAM, celui-ci communique l’adresse de Moulaert en ajoutant : « Je vous remercie de tout cœur que vous ayez bien voulu appuyer ma pro- position le concernant. » Ce qui confirme l’idée que Moulaert participa à la première exposition de l’association, bien que son nom ne figure pas sur la liste des invités. Cf. lettre de Gustave Miklos à l’UAM, 9 avril 1930, archives de l’UAM. 272 Procès-verbal de l’UAM, assemblée générale, 17 octobre 1933. 273 Djo-Bourgeois et Charles Hess n’adhéreront pas à l’UAM. 274 Gabriel Guevrekian devient collaborateur de Mallet-Stevens en 1922. Il mène parallèlement une carrière indépendante et il n’est finalement pas surprenant de retrouver dans son entourage des artistes qui travaillent régulièrement aux côtés de Mallet-Stevens, tels que les Martel, Chareau, Delaunay, Léger, Salo- mon, etc. 275 Robert Mallet-Stevens, architecte (1886-1945), op. cit. 276 Article retranscrit dans Olivier Cinqualbre (dir.), Pierre Chareau architecte un art intérieur, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 1993, p. 26-27. 277 Sur Emilio Terry, cf. Bruno Foucart et Jean-Louis Gaillemin, Les Décorateurs des années 40, Paris, Éditions Norma, 1998. 278 Charlotte Perriand évoque les difficultés financières des modernes en 1985 dans le catalogue de l’exposition du musée des Arts décoratifs Charlotte Per- riand, un art de vivre, ainsi que dans son autobiographie, Une vie de création, publiée en 1988. 279 « Thonet dont les sièges en bois courbé forçaient notre admiration. Ce fut cette firme qui nous permit de faire face aux frais de notre démonstration. Nous n’avions pas d’argent. » Cf. Charlotte Perriand, Charlotte Perriand, un art de vivre, op. cit., p. 21. 280 Francis Jourdain présente douze essais en cuivre, tôle laquée et tôle nickelée. Cf. UAM, cat. exp., 1930. 281 Évelyne Schlumberger, « Eileen Gray », Connaissance des arts, no 258, 1973, p. 71-78. 282 Robert Mallet-Stevens, architecte (1886-1945), op. cit. 283 Lettres de Jean Lambert-Rucki à l’UAM, dossier Rucki, archives de l’UAM. 284 Extrait de l’article « UAM » de Mallet-Stevens paru dans L’Architecture d’au- jourd’hui en 1937 et reproduit dans l’album édité pour les vingt-cinq ans de l’UAM. Cf. René Herbst, 25 années d’UAM, op. cit. 285 Procès-verbal de l’UAM, réunion du comité, 14 octobre 1931, archives de l’UAM. 286 Procès-verbal de l’UAM, assemblée générale, 16 octobre 1931. 287 Procès-verbal de l’UAM, réunion du comité, 26 novembre 1931. 288 Procès-verbal de l’UAM, assemblée générale, 8 janvier 1932. 289 Procès-verbal de l’UAM, réunion du comité, 11 avril 1933. 290 Procès-verbal de l’UAM, assemblée générale, 2 mai 1933. 291 L’UAM accepte que certains de ses membres participent à l’exposition de l’Otua à titre individuel mais sous le patronage de l’UAM. Cf. procès-verbal de l’UAM, assemblée générale, 17 octobre 1933. La liste des participants est établie lors de l’assemblée générale du 25 octobre 1933. 292 Sur l’Exposition des arts ménagers, on renverra à Jacques Rouaud, 60 ans d’arts ménagers, t. 1 : 1923-1939, le confort, Paris, Éditions Syros-Alternatives, 1989. 293 Pierre Chareau, René Herbst, Robert Mallet-Stevens, Djo-Bourgeois, Pierre Vago, René Drouin, Jean-Paul Sabatou, Frantz-Philippe Jourdain, André Louis, André Lurçat, Pierre Barbe, Jean Ginsberg, Pingusson, J. Posener et Louis Sognot participaient à cette exposition collective organisée par Pierre Chareau et René Herbst. Cf. Georges Brunon-Guardia, L’Intransigeant, 3 février 1935, cité dans Jacques Rouaud, 60 ans d’arts ménagers, op. cit., p. 241-242. 294 Armand Pierhal, « Les Salons de l’art décoratif, l’UAM », L’Art vivant, juin 19 31. 295 Jean Gallotti, « La IIIe exposition de l’Union des artistes modernes », Art et décoration, 1932, p. 97.

UAM BAT 15042018.indd 122 16/04/2018 17:02 296 Gaston Varenne, « L’Union des artistes modernes », L’Amour de l’art, septembre 123 1930, p. 367-373. 297 Waldemar George, Profits et pertes de l’art contemporain, Paris, Éditions des Chroniques du Jour, 1933. 298 Extrait de la réponse de Waldemar George à l’enquête « Évolution ou mort de l’ornement », Art et décoration, supplément Les Échos d’art, juin 1933, p. V. 299 Ibid. 300 Waldemar George, « La maison d’une famille française », L’Amour de l’art, août 1937. 301 Réponse de Waldemar George à l’enquête « Évolution ou mort de l’ornement », art. cit. 302 Waldemar George, « Formes d’aujourd’hui », Art et industrie, avril 1936, p. 7. 303 Waldemar George, « L’art français et l’esprit de suite, témoignages de MM. André Arbus, Marcel Gimond, Roland Oudot, Louis Sue », La Renaissance, mars-avril 1937. 304 Armand Pierhal, « Décorateurs modernes : Marc-Nicolas du Plantier », L’Art vivant, avril 1932. 305 Marcel Zahar, « Vers un humanisme en architecture », L’Art vivant, décembre 1932, p. 5 97. 306 Jacques Guenne, « Le retour à la grâce », L’Art vivant, décembre 1932, p. 575. 307 Jacques Guenne, art. cit. et Marcel Zahar, art. cit. 308 René Chavance, « L’art décoratif moderne est-il de notre temps ? », L’Amour de l’art, 1937, p. 13-15. 309 Bernard Champigneulle, « En quête d’un style », L’Amour de l’art, novembre 1935, p. 319-324. 310 Eugène Marsan, « La raison mais l’âme dans un art complet », L’Amour de l’art, février 1935, p. 41-42. 311 Procès-verbal de l’UAM, réunion du comité, 3 mars 1930. 312 Extrait dans le chapitre « Travail à chaud » d’un essai autobiographique inédit mais dactylographié et diffusé sous forme de photocopies par la femme de Marinot. Cf. Maurice Marinot, peintre et verrier, Paris, Éditions de la RMN, 1990. 313 Brancusi est proposé comme membre actif à la réunion du comité du 3 mars 1930 et à nouveau à l’assemblée générale du 17 octobre 1933. Cf. procès-verbaux de l’UAM. 314 Procès-verbal de l’UAM, assemblée générale, 12 novembre 1929. 315 Lettre de Pierre Chareau à l’UAM, 3 mai 1929, dossier Chareau, archives de l’UAM. Pierre Chareau terminera le chantier de la maison du docteur Dalsace en 1932. 316 Chareau accepte d’adhérer à l’UAM par une lettre du 19 décembre 1930. Cf. archives de l’UAM. 317 Charlotte Perriand, Une vie de création, op. cit. 318 Sonia Delaunay est radiée de l’association en 1931, après plusieurs lettres de rappel de cotisation et de participation aux frais du premiers Salon. Cf. pro- cès-verbaux de l’UAM, 11 décembre 1930, 7 février 1931, 5 mai 1931. 319 Lettre de Raymond Templier à Pierre Chareau, 2 juin 1931, dossier Chareau, archives de l’UAM. 320 Élise Koering, « Eileen Gray et l’UAM », dans Eileen Gray, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 2013, p. 128-131. 321 Ce n’est qu’après guerre, en 1953, qu’Eileen Gray se rapproche à nouveau de l’UAM et expose. 322 Guevrekian se retire de l’UAM, bien qu’il apparaisse encore sur la liste de 1955 et qu’il en restera apparemment membre jusqu’à la fin en 1958. 323 Lettre de Jean Puiforcat à Raymond Templier, 22 juillet 1937, dossier Puiforcat, archives de l’UAM. 324 Procès-verbal de l’UAM, réunion du comité, 5 avril 1930. 325 Man Ray apparaît sur la liste des membres actifs proposés lors du procès-ver- bal de l’assemblée générale du 12 novembre 1929. Il figure finalement sur la liste des invités du catalogue de l’exposition de 1930.

UAM BAT 15042018.indd 123 16/04/2018 17:02 326 Pierre-Emmanuel Martin-Vivier et Bruno Foucart (préf. de), Jean-Michel Frank : l’étrange luxe du rien, Paris, Éditions Norma, 2006, p. 41. 124 327 Le nom d’Émile Guillot apparaît dans le procès-verbal de la réunion du comité du 9 mai chez Mallet-Stevens. Celui de Moulaert, invité par Miklos, dans le procès-verbal de la réunion du 3 mars 1930. Le procès-verbal de l’assemblée générale du 16 avril indique que Zadkine est accepté comme invité s’il y a de la place. Le nom de Félix Aublet n’est mentionné sur aucun document des archives de l’UAM conservées à la bibliothèque des Arts décoratifs de Paris. 328 Procès-verbal de l’UAM, 5 mai 1930, archives de l’UAM. 329 Article de Waldemar George, « Une heure avec Félix Aublet, architecte et anima- teur de la publicité qui roule », Équipement automobile, n° 280, octobre 1952, p. 95-96. Cité dans Félix Aublet, 1903-1978 : art, technique, lumière, mouve- ment, Aix-en-Provence, musée Granet/musée des Tapisseries, 2001. 330 Félix Aublet, 1903-1978 : art, technique, lumière, mouvement, op. cit., p. 47-56. 331 Gaston Varenne, « L’Union des artistes modernes », art. cit. 332 Waldemar George, « Une heure avec Félix Aublet, architecte et animateur de la publicité qui roule », art. cit. 333 Le nouveau comité est élu lors de l’assemblée générale du 11 décembre 1930. 334 Les membres de l’UAM appartenant au comité de patronage de L’Architecture d’aujourd’hui sont Pierre Chareau, Gabriel Guevrekian, Francis Jourdain, André Lurçat, Georges-Henri Pingusson et Robert Mallet-Stevens. 335 Sur Pierre Barbe, cf. Jean-Baptiste Minnaert, Pierre Barbe architecte, Paris, Mardaga, 1991. 336 Waldemar George, « Les meubles de Pierre Barbe », L’Amour de l’art, février 1934, p. 5. 337 Le procès-verbal de l’assemblée générale du 12 novembre 1929 indique que Moreux n’a pas répondu à la proposition de Templier et qu’il est donc décidé de le relancer. Une lettre de l’UAM lui est adressée le 8 mai 1930, lui proposant à nouveau de rejoindre l’association. C’est seulement à ce moment-là que Moreux accepte de devenir membre actif. 338 « Je vous rappelle que nous serions heureux de vous voir rester parmi nous. » Lettre de l’UAM à Moreux, 17 décembre 1930, archives de l’UAM. 339 Marcel Zahar, « L’architecture nouvelle : l’hôtel de M. Reichenbach », L’Art vivant, octobre 1932. 340 Susan Day, Jean-Charles Moreux : architecte, décorateur, paysagiste, Paris, Éditions Norma, 1999. 341 Jean Locquin, Livre d’or officiel de l’Exposition internationale des arts et tech- niques dans la vie moderne, Paris, ministère du Commerce et de l’Industrie, 1937, p. 27. 342 Edmond Labbé, « Les leçons de l’Exposition. L’art et l’exposition », Livre d’or officiel de l’Exposition internationale des arts et techniques dans la vie mo- derne, op. cit., p. 20-21.

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UAM BAT 15042018.indd 125 16/04/2018 17:02 Annexes 126

Les recensements d’artistes présentés ci-après ont été établis à partir des archives de l’UAM. Ils rendent compte de la physionomie du groupement et de son évolution au cours des premières années de son existence. Les recherches dans les archives ont égale- ment permis d’établir la liste des personnalités que les artistes ont souhaité solliciter pour devenir membres bienfaiteurs. Une liste qui tend à se superposer avec celle des commanditaires et dessine un réseau de riches amateurs d’art, proches des modernes depuis les années vingt.

L’avant-projet de manifeste de 1933, comme la sélection d’extraits de procès-verbaux des réunions de l’UAM, retranscrits ici pour la première fois, montrent un groupement naissant qui cherche à définir son identité et l’orientation de ses actions. Ils révèlent les difficultés de ses membres à mettre en place un programme précis en raison de divergences internes et de problèmes économiques limitant ses actions. À la lecture de ces documents, on mesure à quel point chaque exposition du groupe a relevé d’une gageure.

Enfin, la sélection d’extraits de procès-verbaux des réunions et assemblées générales de la Sad révèle les débats qui agitent la Société au moment de la scission de 1929 et apporte un éclairage nouveau sur l’épisode comme sur la préparation de l’exposition du Werkbund de 1930.

UAM BAT 15042018.indd 126 16/04/2018 17:02 127 UAM

Assemblée générale constitutive de l’UAM, 15 mai 1929 Au siège social 7, rue des Grands-Augustins, Paris

Comité directeur Membres actifs

Hélène Henry, Francis Pierre Barbe (architecte) Jourdain, René Herbst, Louis Barillet (maître-verrier) Robert Mallet-Stevens Jean Burkhalter (décorateur) Joseph Csaky (sculpteur) Sonia Delaunay (décorateur, Secrétaire tissus) Jean Fouquet (bijoux) Raymond Templier Eileen Gray (décorateur) Robert Lallemant (céramiste) Jacques Le Chevallier (décorateur) Le Corbusier (architecte) Pierre Jeanneret (architecte) Pierre Legrain (décorateur) Pablo Manes (sculpteur) Gustave Miklos (sculpteur) Charlotte Perriand (décorateur) Jean Prouvé (ferronnier d’art) Jean Puiforcat (orfèvre) André Salomon (éclairagiste) Gérard Sandoz (bijoux)

UAM BAT 15042018.indd 127 16/04/2018 17:02 Première exposition au pavillon 128 de Marsan 11 juin-14 juillet 1930

Membres de l’UAM Artistes représentés à l’exposition de 1930 Pierre Barbe, Louis Barillet, ne figurant pas dans le Georges Bastard, Jean catalogue de l’exposition Burkhalter, Jean Carlu, Paul Colin, Étienne Cournault, Félix Aublet, Paul Bonifas, Joseph Csaky, Sonia Delau- Émile Guillot, René Moulaert, nay, Jean Dourgnon, Jean Ossip Zadkine. Fouquet, Eileen Gray, Hélène Henry, René Herbst, Lucie Holt Le Son, Francis Jourdain, Artistes invités s’éloignant Robert Lallemant, Jacques de l’UAM après la première Le Chevallier, œuvres de exposition de 1930 Pierre Legrain, Robert Mallet- Stevens, Pablo Manes, Jan et Félix Aublet, Émile Guillot, Eyre Joël Martel, Gustave Miklos, de Lanux et Evelyn Wild, Claude Jean-Charles Moreux, Charlotte Lévy, Hélène de Mandrot, Man Perriand, Jean Prouvé, Jean Ray, Hilda Polsterer. Puiforcat, André Salomon, Gérard Sandoz, Louis Sognot et Charlotte Alix, Raymond Artistes ne répondant pas Templier. aux sollicitations de l’UAM pour devenir membres actifs

Constantin Brancusi, Invités Djo-Bourgeois, Paul Dupré- Lafon, Maurice Marinot, Pierre Chareau, Alfred Gellhorn, Man Ray. Marcel Gascoin, Jean Ginsberg, Blanche Klotz, Jean Lambert- Rucki, Eyre de Lanux et Evelyn Wild, Bart van der Leck, Claude Lévy, Berthold Lubetkin, Hélène de Mandrot, Man Ray, Emanuel Josef Margold, Joep Nicolas, Willem Penaat, Hilda Polsterer, Gerrit Rietveld, Jean Hébert-Stevens.

UAM BAT 15042018.indd 128 16/04/2018 17:02 129 Membres actifs de l’UAM en 1934

Liste établie par René Herbst dans 25 années d’UAM, Paris, Éditions du Salon des arts ménagers, 1956.

Rose Adler, Pierre Barbe, Louis Barillet, Georges Bastard, Francis Bernard, Jean Burkhal- ter, Carlo Rim, Jean Carlu, A. M. Cassandre, Pierre Chareau, Paul Colin, Étienne Cournault, Joseph Csaky, Sonia Delaunay, Jean Dourgnon, Jean Fouquet, Marcel Gascoin, Adrienne Górska, Gabriel Guevrekian, Hélène Henry, René Herbst, Lucie Holt Le Son, Francis Jourdain, Frantz Jourdain, Robert Lalle- mant, Jean Lambert-Rucki, Jacques Le Chevallier, Le Corbu- sier et Pierre Jeanneret, Claude Lemeunier, Charles Loupot, André Lurçat, Robert Mallet- Stevens, Jan et Joël Martel, Gustave Miklos, Jean-Charles Moreux, Charlotte Perriand, Georges-Henri Pingusson, Jean Prouvé, Jean Puiforcat, André Salomon, Gérard Sandoz, Louis Sognot et Charlotte Alix, Raymond Templier, Maximilien Vox.

UAM BAT 15042018.indd 129 16/04/2018 17:02 Refus d’admission à l’UAM : 1929-1937 130

1929 Conti (reliure), Louise Geffroy, Constantin Popoff (peintre), Gaston-Louis Vuitton pour la Simone Delattre (arts maison Louis Vuitton (articles de décoratifs), Léo Labusquière voyage, maroquinerie, automo- (architecte, décorateur), bilisme, aéronautique), Fernand Maurice Trochain-Ménard Windels (créateur et éditeur de (peintre, décorateur), André tapis modernes), Azemanera Guédon (installation d’intérieur), (décoration, César Bonanomi (peintre). installation, publicité), Siegfried Boès (bijoutier), Paul Bonifas (céramiste), Platon-Argyriades 1933 (céramiste verrier). Léon Barsacq (architecte), Gabriel Chéreau (dessinateur), 1930 M. Haye, Michel Kamenka (architecte décorateur), Jean Thérèse Bonney (photographe), Royère pour la maison Drouard Ernesto Bunge (architecte), (décorateur), Marthe Marquardt Pierre Carrel (dinandier), (arts décoratifs), Eugène Nagy Louise-Denise Germain (reliure), (architecte), Pierre Gaudin Jacques Lenoble (céramiste), (vitrail et mosaïque), Alexandre maison Van Cleef & Arpels Reimer (peintre), M. Saint Max. (joaillier), Marguerite Steinlen (peintre), Eva Révai (arts décoratifs), Sabino (verrier 1934 d’art). René Legrand (architecte).

1931 1937 Paul Bonifas (céramiste), Jacques Lenoble (céramiste), Henri Valensi. Jean Tranchant (luminaires), Maurice Estève (peintre). 1932

Roger Houck (peintre), Jenny Laure Garcin (peintre), Anita

UAM BAT 15042018.indd 130 16/04/2018 17:02 131 Amateurs à contacter pour être membres bienfaiteurs de l’UAM

Liste établie lors de la réunion Liste proposée par Jean du comité du 6 mars 1930 Puiforcat. Lettre à Raymond Templier, 1er avril 1930 Charles de Noailles, baron de Lassus, David-Weill, baron Madame Pedro Baro Robert et Henri de Rothschild, (La Havane), madame Kemp frères Draeger, André Lévy, (rue Chapon), monsieur Estevez André Racine, Patou, Gustave (villa Saïd), Philippe Berthelot Lyon, Roger Lyon chez Pleyel, (boulevard Montparnasse), Paul Guillaume, Marcel monsieur Sanchez Abreu (rue Monteux, Roger Gompel, de Bellechasse), monsieur Daniel Dreyfus, Citroën, Voisin, Alcorta (31, avenue Pierre- Renault, Roussel (demander de-Serbie), Pierre Bonnet (41, à Charlotte Alix), Dr Boucart, avenue du Bois), Edward Tuck Sonrel, Compagnie royale (château de Vernon, Rueil), asturienne des mines, Marcel Jean Patou, baron Empain Blum, Jacques Rouché, Léonce (Bruxelles), André Saint, Rosenberg, Albert Morancé. Guillermo Séré (Buenos Aires), (Seuls les noms qui ont pu être monsieur Stern (38, rue de déchiffrés sur le document Lisbonne), Faucigny-Lucinge, manuscrit sont ici mentionnés). Robert de Rothschild, Ettore Bugatti. (Noms tels qu’ils apparaissent dans la liste de Jean Puiforcat).

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Proposition de Jean Prouvé. Liste proposée par Georges Lettre à Raymond Templier, Bastard, 11 juillet 1930 7 avril 1930 Tachard, Noailles, Weill, Eugène Corbin (Nancy) M. Bonabeau, princesse Murat, « Jusqu’ici, je n’ai pas eu de Robert Zunz, monsieur et succès quant aux membres madame Halphen, Rothschild, bienfaiteurs et donateurs ; Richet, Bloch, René Baschet. monsieur Corbin E. collec- tionneur et aussi sur lequel je comptais le plus s’est rétracté Liste proposée par Pierre hier. Vous devriez essayer Barbe. Lettre à Raymond de le toucher de votre côté. Templier du 28 avril 1931 (Monsieur E. Corbin rue du Sergent-Blandan à Nancy) » Jules Desurmont, madame O. Roditi, monsieur Jean Lambiotte

Membres bienfaiteurs de l’UAM en 1930

monsieur Jacques Rouché, monsieur David-Weill, monsieur le vicomte de Noailles, monsieur André Lévy, monsieur Louis Puiforcat, monsieur Paul Templier, monsieur Charles Moreau. La Compagnie royale asturienne des mines.

UAM BAT 15042018.indd 132 16/04/2018 17:02 133 Buts et objectifs de l’UAM, avant-projet pour le manifeste, Paris, 1933

Texte publié dans Arlette Barré-Despond, UAM, Paris, Éditions du Regard, 1986.

L’UAM a trois ans. Malgré les difficultés qu’elle a rencon- trées à ses débuts (absence totale de Salon la première année, absence de Salon fixe), elle a pu vivre grâce au bon esprit de ses membres et ensuite parce que sa constitution répondait à un besoin. Non seulement elle a pu vivre, mais encore elle s’est déve- loppée par l’adhésion de nouveaux membres (de nationalités diver- ses), dont certains ont de ce fait abandonné leur ancienne société. Tout de suite, elle accrocha l’intérêt d’un noyau de public capable d’assurer une diffusion. Qu’on le veuille ou non, l’UAM est donc plus qu’un groupe- ment, c’est un mouvement. Et pour continuer de vivre, il faut qu’elle reste mouvement ; c’est là sa raison d’être. Notre Société diffère d’autres Sociétés apparemment simi- laires par l’esprit qui l’anime, exempt de routine et d’imitation. Nos statuts en sont une preuve. De même, nous trouvons chez nos mem- bres un esprit objectif, qui jusqu’à présent nous a tenus éloignés des intrigues et des querelles intestines. On objectera que cet esprit que nous possédons et qui pro- cède d’un sentiment de solidarité a pu exister jadis dans les autres Sociétés, de même que plus tard, quand l’UAM aura prospéré, cet esprit disparaîtra. Il ne faut pas que cet esprit disparaisse. C’est pourquoi notre groupement doit rester mouvement. Ainsi pourra être entretenue la foi nécessaire pour assurer la vitalité de l’UAM. Maintenir cet état d’esprit, cette solidarité, cette foi, c’est l’une des tâches des comités qui se succéderont. Cela, ils le pourront en faisant œuvre cons- tructive, suivant un programme. En assurant, par tous les moyens réglementaires, l’élimination des tendances individualistes. Ceci posé, il convient de savoir qu’elle est l’allure de notre groupement, puisque le problème a été posé : groupement d’inté- rêts ou groupement d’idées ? À vrai dire, ce ne sont pas deux alter- natives, ni deux principes inconciliables ; je crois même qu’en l’occurrence les deux ne peuvent exister l’un sans l’autre. Est-ce une question d’intérêt qui nous a engagés à fuir les Décorateurs, est-ce une question d’idées ? C’est sans conteste une question d’incompatibilité d’humeur. Mais n’avons-nous pas compris que

UAM BAT 15042018.indd 133 16/04/2018 17:02 notre intérêt n’était pas de rester avec ceux qui, n’ayant pas évolué, 134 ne possédaient pas le même esprit que nous tous, en se servant parfois de nos idées ? Donc intérêts et idées nous ont poussés à constituer l’UAM, afin de montrer ce que nous étions capables de faire, et de le réaliser. Et maintenant ?… Évidemment, nous ne pouvons prétendre au groupement d’intérêt. Nous ne sommes pas une union corporative. Nous avons par- mi nos membres des représentants de trop d’industries, et chacune de ces industries est représentée par un nombre trop restreint d’indi- vidus pour que l’UAM soit un groupement efficace d’intérêt. Du point de vue industriel ou commercial, nous ne pouvons songer à être une coopérative de production ni une coopérative de vente. Néanmoins, nous trouvons un intérêt certain dans la propa- gande collective. Mais constituons-nous un groupement d’idées ? Pouvons- nous l’être ? Nous ne nous sommes pas établis avec le projet bien déterminé de lutter pour une idée. Nous nous sommes réunis et nous avons mis en commun tous nos désirs de produire. Là-dedans se trouvaient en vrac nos idées (les idées de nous tous et de chacun d’entre nous). Nous ne sommes pas des théoriciens. Nous pensons à ce que nous faisons, nous pensons à ce que nous créons, mais nous n’avons pas à établir de doctrine. D’ailleurs, parmi nous, beau- coup ont une personnalité dans leur travail, même de l’originalité dans leurs conceptions, qui ne peuvent abdiquer devant une forme scolastique, chacun crée à sa manière. L’ensemble des travaux déter- mine une tendance. La tendance de notre groupement est faite d’un ensemble de tendances particulières. C’est cette tendance de notre groupement qu’il convient de déterminer afin d’établir la ligne générale d’où sortira notre plan d’action. Nous réunissons des créateurs attachés à la recherche du confort ou de la récréation pour le corps ou l’esprit de l’homme actuel. Chacun travaille à sa manière, mais il y a un désir commun de s’affranchir des formules afin d’examiner librement les problè- mes qui se posent. C’est ainsi que cela doit être, c’est la seule condition de travailler avec la foi, et il ne faut parmi nous que ceux qui ont la foi. L’impression d’un manque de sincérité chez les décorateurs a fait beaucoup pour nous éloigner d’eux. Retomber dans la même faute serait la fin de l’UAM. De même que l’on ne peut dire que notre groupement soit un groupement d’intérêt, on ne peut dire que ce soit un groupe- ment d’idées. Cela ne signifie pas que notre groupement doive méconnaître nos intérêts et nos idées. Au contraire, chaque fois que nous le pourrons, nous devrons dégager l’un et l’autre. Mais l’Union des artistes modernes n’est pas une école. Nos travaux ont un caractère trop objectif pour qu’il puisse en être ainsi. Il semble

UAM BAT 15042018.indd 134 16/04/2018 17:02 135 que nous soyons groupés pour faire la démonstration collective de nos recherches individuelles. C’est sur ce point que se fait la jonction entre l’idée et l’inté- rêt, l’abstrait et le concret. Dès lors, notre programme se trouve défini. Recherches : tous ceux qui veulent vivre et produire selon les progrès nous intéressent ; tous les créateurs. C’est ainsi que l’UAM peut s’étendre vers d’autres branches, vers toutes les expressions de notre époque. C’est ainsi que, dès maintenant, elle peut embras- ser un ensemble de membres sympathisants sous forme de corres- pondants, avec qui un échange pourrait être effectué. Démonstrations : voilà où tendent nos Expositions, voilà ce qu’elles doivent être ; une démonstration. Sous cette forme, chacun de nos Salons devra comporter une idée directrice : tendre vers une fin. Il exigera un programme qui corresponde à un problème posé, d’ordre social, économique, géographique, esthétique, etc. Cela permettra chaque fois à l’UAM de publier un manifeste qui expliquera exactement ce que se propose, non pas de résoudre, mais de démontrer ce Salon. Et, en appelant l’attention du public sur certaines questions, nous le préparerons à nous mieux regarder, à nous comprendre. Par cela même se développera au sein même du groupement une puissance de cohésion. Par cela, l’UAM, vivace, imposera son autorité, en même temps qu’elle affirmera sa raison d’être de façon incontestable.

UAM BAT 15042018.indd 135 16/04/2018 17:02 Procès-verbaux de l’UAM 136

Réunion de l’ancien et du nouveau comité le 2 février 1931 au siège social

Présents : Henry, Jourdain, Herbst, Mallet-Stevens, Barbe, Bastard, Martel, Templier.

Ordre du jour : suite à donner à la lettre du président de la Société des artistes décorateurs.

Après conversation où Herbst relata ses conversations avec Hiriart, Favier, Géo Lamothe et Francis Jourdain, sa conversation avec Du- frène et Hélène Henry, sa conversation avec Kohlmann, il a été reconnu impossible que nous retournions aux Décorateurs, où la politique générale suivie est restée la même. Trop grande augmentation du nombre des membres, trop de copis- tes, etc. D’autre part, les membres de l’UAM n’ayant pas fait partie des Décorateurs se trouveront cachés par nous et devront suivre la [procédure] pour rentrer eux aussi aux Décorateurs. Y exposer exempt du jury. Membre actif. etc. D’autre part, nous ne pouvons rentrer aux Décorateurs que s’ils changent leurs méthodes générales et ceci est impossible à leur demander. Proposition : leur proposer d’exposer à côté d’eux sous notre nom avec notre catalogue et nos affiches comme la section allemande. Les comités de l’UAM à titre consultatif décident de faire une assemblée générale des membres actifs de l’UAM le vendredi 6 février à 17 h au siège social.

Assemblée générale extraordinaire du 7 février 1931 au siège social

Présents : Martel, Herbst, Fouquet, Mallet-Stevens, Barillet, Sognot, Alix, Miklos, Salomon, Lambert-Rucki, Csaky, Henry, Le Chevallier, Chareau, Templier, Bastard, Perriand, Gascoin, Carlu.

Ordre du jour : réponse à faire à la lettre des artistes décorateurs.

Templier expose les démarches faites par la Sad et les conversa- tions qui ont eu lieu entre Herbst, Hiriart, Lamothe, Kohlmann et Hélène Henry. Dufrène et Francis Jourdain.

UAM BAT 15042018.indd 136 16/04/2018 17:02 137 Signale que la question posée est une question de principe et doit être envisagée en dehors du fait que nous avons ou que nous n’avons pas de local cette année. Mallet-Stevens demande que le vote soit secret. Vote : 18 membres actifs présents, 18 non : décision de ne pas ren- trer à la Société des artistes décorateurs. Lucie Holt Le Son avait mandaté Herbst. Sandoz avait donné son avis défavorable à Templier. Puiforcat avait donné son avis défavorable à Templier par lettre. Prouvé aussi Lallemant lors d’une visite. Barbe lors de la réunion du comité du 2. De même que Francis Jourdain. Burkhalter transmis par Martel. Soit un total de 18 votants contre et 8 par procuration ; 26/33 mem- bres actifs. Les 7 absents n’ayant pas répondu à la convocation. L’idée de proposer aux AD d’exposer à côté d’eux notre autonomie est jugée impossible autant pour eux que pour nous. Décision prise d’accepter le pavillon de Marsan. Nous signalons aux camarades le projet chez Georges Petit en mai. Tous d’accord location pour 3 semaines. Templier indique que quel que soit le vote il n’eût naturellement pas été question de cacher nos camarades de l’UAM qui n’ont jamais fait partie des Décorateurs, et que si le vote décidait de rentrer aux Décorateurs il serait exigé qu’ils rentrent en même temps s’ils le désirent. Après le vote, décision de donner au comité la mission d’écrire la lettre de réponse à la société des AD. Le comité rédige la lettre de réponse.

Réunion du comité du 2 juillet 1931 au siège social

Sont présentés les cinq membres du comité : Alix, Fouquet (secrétaire), Mallet-Stevens, Chareau, Carlu. Templier (trésorier).

Fouquet rappelle l’objet de la réunion du comité : envisager le programme du prochain Salon de l’UAM en janvier-février 1932 au pavillon de Marsan.

Il fait part de l’état des démarches que Csaky a été chargé d’effec- tuer lors de la dernière AG afin de solliciter la participation des artistes tchécoslovaques au dit Salon : Csaky a écrit à Prague à Charles Teige et n’a pas encore reçu de réponse. Il doit en outre se rendre à la légation tchécoslovaque afin d’obtenir un appui officiel.

UAM BAT 15042018.indd 137 16/04/2018 17:02 Mallet signale le nom d’un artiste tchécoslovaque : Joseph Cocar et 138 propose en outre que la direction des installations tchécoslovaques au prochain Salon soit confiée à l’architecte Feuerstein qui habite en France. Mallet-Stevens propose également que l’on réunisse quelques documents photographiques sur des œuvres de jeunes artistes espagnols afin de les exposer au prochain Salon. Ces questions sont adoptées dans leurs principes. Jean Fouquet souhaite que l’on envisage une extension du groupe- ment vers d’autres catégories d’art ou de créateurs ou bien même dans certaines parties qui ne concernent pas les arts plastiques, que l’UAM puisse avoir des correspondants afin d’échanger des idées. Pierre Chareau demande alors que le but que se propose l’UAM soit déterminé : est-ce un groupement d’intérêts ou un groupe- ment d’idées ? Il lui semble que ce soit un groupement d’idées car où serait l’intérêt de la scission avec les Décorateurs qui ont des moyens supérieurs aux nôtres. Jean Fouquet préconise en ce cas l’adoption d’une ligne de conduite qui permettrait de définir la tendance du groupement, selon lui les expositions n’étant qu’une partie de l’UAM. D’ailleurs l’idéal est-il incompatible avec l’intérêt ? Pierre Chareau pense que oui. Il envisage une nouvelle méthode de présentation dans les expositions, il voudrait voir disparaître le prin- cipe des stands. Mallet-Stevens demande des précisions. Pierre Chareau émet l’idée que l’on pourrait demander à chacun de verser à la collectivité la somme qu’il aurait consacrée à un stand individuel de manière à permettre une présentation collective. Charlotte Alix objecte que l’on obtiendrait difficilement ainsi de la part de chaque membre une dépense égale à celle qu’il aurait effectuée pour une manifestation individuelle. Jean Carlu accepterait volontiers une évolution de notre société dans un esprit collectif. Tout le comité est d’accord sur ce point.

Réunion du 11 juillet 1931 au siège social

Présents : Alix, Fouquet, Mallet-Stevens, Chareau, Carlu. Templier trésorier.

Jean Fouquet lit quelques notes : pour mieux tenir de l’intérêt du groupement la solidarité des membres de l’UAM et pour que cette société conserve sa vitalité, il faut qu’un programme soit déter- miné. Il faut que l’UAM reste ce qu’elle semblait être à ses débuts : un mouvement. Le Salon annuel n’est qu’une des formes de notre manifestation, il faut qu’il soit la démonstration d’une idée

UAM BAT 15042018.indd 138 16/04/2018 17:02 139 directrice, d’une tendance générale. Il demande que l’UAM s’étende en prenant dans d’autres branches (arts, lettres, sciences…) des membres correspondants. Un plan déterminé permettra de publier pour chaque Salon un manifeste. Jean Carlu approuve le principe du manifeste. Le comité est d’ac- cord sur les avantages que présenterait un plan déterminé. Reste à savoir sur quelles bases il devrait être établi. Pierre Chareau voudrait voir disparaître les stands individuels com- me système de présentation. Mallet-Stevens suggère qu’en englobant d’autres membres nous formerions une masse imposante de signataires pour protester par des lettres ouvertes à la presse contre l’inertie dont font preuve parfois les pouvoirs publics, principalement dans le domaine des arts. Lorsqu’une faute serait relevée dans ce sens, une lettre sous forme de questionnaire pourrait être adressée à un journal qui le publierait. Cette lettre étant signée de tous les membres de l’UAM et non adhérents. On aurait donc ainsi intérêt à récolter le plus grand nombre de signataires possibles, ces signatures feraient autorité. Jean Fouquet trouve l’idée excellente mais pense qu’il vaut mieux que l’UAM manifeste d’abord son action.

Assemblée générale du 20 juillet 1931 au siège social

Présents : Alix (comité), Barbe, Barillet, Carlu (comité), Chareau (comité), Csaky, Fouquet (comité secrétaire), Holt Le Son, Jourdain, Mallet-Stevens (comité), Martel, Prouvé, Templier (trésorier). Excusée : Charlotte Perriand.

Le secrétaire donne communication du rapport qu’il a rédigé au nom du comité, qui contient les quatre suggestions suivantes :

1. Des lettres ouvertes seront adressées par le comité au nom de l’UAM à certains organes de presse, posant des questions, ou bien sous forme de protestation. Ceci chaque fois qu’un fait dûment contrôlé, dans quelque pays que ce soit, prouvera la carence, l’inertie, le manque de compréhension d’une administration, l’action néfaste de certaines affaires et chaque fois que nous estimerons les pouvoirs publics ou l’opinion devoir être saisis. Il s’agit bien entendu de fait concernant l’intérêt général d’où seront exclues

UAM BAT 15042018.indd 139 16/04/2018 17:02 toutes questions politiques ou confessionnelles. Ces manifestations 140 n’auront pas par ailleurs un caractère spécifiquement agressif. La même action pourra être affectée par voie d’affiches ou au moyen de pétitions. Les rédactions porteront les signatures des membres actifs de l’UAM. Néanmoins, si l’assemblée le préfère, il sera déci- dé que jusqu’à nouvel ordre, avant d’entreprendre une action, l’UAM la soumettra à l’approbation de l’assemblée générale. Le comité, dans le cas où cela semblera plus efficace, ne fera figurer que les membres de nationalité française. De toute manière, le comité s’engage à consulter de manière suivie Me Peytel, avocat à la cour, avocat de notre société, afin de ne rien entreprendre qui puisse engager notre société dans des difficultés d’ordre judiciaire. Ce programme fera l’objet d’une modification aux statuts.

2. Une nouvelle catégorie de membres sera créée : les mem- bres associés. Faible cotisation. Apporteront un appui moral et la force du nombre dans les campagnes de l’UAM. Ils joindront leurs signatures à celles des membres actifs. Ils seront élus à la majorité absolue de l’AG composée de membres actifs et ne participe- ront pas à l’élaboration des Salons. Mais, ainsi que les membres bienfaiteurs, ils pourront être convoqués aux AG, sur décision du comité. Ces dispositions feront l’objet d’un article en addition aux statuts de l’UAM.

3. Au 3e Salon de l’UAM en 1932, un emplacement sera réservé pour l’aménagement d’une salle qui comportera la récapitu- lation visuelle des campagnes entreprises par l’UAM avec manifes- tations, tracts, pétitions, affiches, graphiques, schémas, photos, et tout doc. ou reprod. de doc. susceptible d’accrocher l’attention des visiteurs. Jean Carlu et René Herbst seront chargés de l’aménage- ment de cette salle.

4. Au Salon de 1932, chaque exposant devra exposer une œuvre ancienne avec mention de la date. Ceci afin de lutter contre le désir de nouveauté à tout prix qui se manifeste dans tous les Salons, de démasquer les copieurs, d’établir un caractère commun à toutes les présentations dans le 3e Salon.

Après discussion, les 4 suggestions sont adoptées dans leur principe, sauf les réserves suivantes : le comité devra prévenir les membres actifs des campagnes qu’il souhaite entreprendre. Cam- pagne ajournée si une réponse négative de la part d’un membre associé, sa signature sera écartée.

UAM BAT 15042018.indd 140 16/04/2018 17:02 141 Réunion du comité du 14 octobre 1931

Chez Jean Fouquet. Présents : Alix, MS, Carlu, Chareau, Fouquet, Herbst convoqué est présent, Csaky convoqué s’est excusé.

Fouquet informe le comité qu’il est sans nouvelles des Tchécoslo- vaques qui avaient été invités à participer au Salon de l’UAM. Vaine- ment, Csaky a tenté de se mettre en rapport avec Tiege. Il n’a reçu aucune nouvelle/ses démarches auprès de la légation n’ont pas reçu de solution. La dernière lettre plus pressante, écrite par le secré- taire de M. Safranek de la légation tchécoslovaque, est demeu- rée sans réponse. Décidé de ne pas poursuivre les sollicitations et de procéder à l’éla- boration de ce Salon. Pierre Chareau revient à son idée de disposition collective. Tous OK. Tout le comité estime que les circonstances présentes contraignent à des économies. Les exposants du prochain Salon seront donc tous disposés à envisager une disposition qui dispense de stands onéreux. Question sera soumise à la prochaine AG. Si expo collective accep- tée, présentation générale établie par Chareau et Mallet-Stevens.

Assemblée générale du 16 octobre 1931 au siège social

Présents : Herbst, Salomon, MS, Templier, Chareau, Dourgnon, Fouquet, Gascoin, Carlu, Rucki, Jourdain, Henry, Lallemant, Alix, Sognot, Miklos, Barillet, Holt Le Son. Excusés : Perriand, Barbe.

Templier (trésorier) donne connaissance des comptes de l’UAM : solde déficitaire 8 742,12 francs. Insiste donc auprès des membres encore débiteurs qui lui adressent des fonds. Proposition d’une expo collective. Ceci sans préjudice pour le projet d’une salle réservée aux manifestes et questions. Francis Jourdain pense que sur le principe évidemment tout le monde est d’accord. Mais comment réaliser ce principe ? On ne doit pas perdre de vue que le stand individuel présentant un ensemble est une grande attraction pour le public. Fouquet estime que précisément, la présentation collective devra tendre à constituer également une attraction. Après discussion, Mallet-Stevens et Chareau sont chargés d’élaborer un projet.

UAM BAT 15042018.indd 141 16/04/2018 17:02 Assemblée générale du 11 décembre 1931 142 au siège social

Présents : Alix, Chareau, Fouquet, Templier, Barbe, Barillet, Miklos, Bastard, Lallemant, Henry, Herbst, Martel, Salomon, Jourdain. Excusés : Robert Mallet, Jean Carlu.

Plus sage de renoncer à l’exposition que prendre le risque d’une piteuse manifestation. Vote : majorité contre l’exposition. René Herbst déplore cette décision et considère que l’absence de Salon cette année serait néfaste pour l’UAM. Il aimerait que la question soit posée à nouveau sous un autre angle. Il se fait fort d’organiser à peu de frais une exposition intéressante qui compor- terait de nombreux documents photographiques. Une grande part serait réservée aux affiches et aux arts graphiques. Présentation sans stand. Dépense d’électricité réduite au minimum. Fouquet et Jourdain ne sont pas partisans d’une exposition (?) […] Vote : majorité en faveur de René Herbst. Le 3e Salon de l’UAM aura donc lieu au pavillon de Marsan de février à mars 1932. Herbst s’en occupera avec Salomon, Dourgnon, Martel.

Assemblée générale du 15 avril 1932 au siège social

Présents : Alix, Herbst, Lallemant, Salomon, Henry, Templier, Górska, Carlu, Fouquet. Excusé : Martel.

Jean Fouquet informe l’assemblée de l’affaire Thiébault [le journa- liste Thiébault-Sisson] et informe de la réponse donnée qui sera vraisemblablement publiée le 24 avril. Approuvé par l’assemblée. Fouquet rappelle que M. Metman conservateur de l’Ucad a annoncé que l’UAM ne devait plus compter sur l’hospitalité au pavillon de Marsan pour les années à venir étant donné l’incident relatif à l’affiche de Carlu [Carlu expose lors de l’exposition de l’UAM de 1933 son affiche « Pour le désarmement des nations » qui fera alors scandale. L’affiche de Carlu sera retirée par la direction de l’Union centrale des arts décoratifs avant d’être raccrochée suite aux vives réactions provoquées par cette censure et la décision des membres de l’UAM d’interrompre l’exposition].

UAM BAT 15042018.indd 142 16/04/2018 17:02 143 Fouquet doit se renseigner pour savoir si décision indiscutable avant de chercher un autre lieu d’exposition pour 33. Barbe chargé provisoirement de surveiller au point de vue architec- ture et installation notre participation éventuelle à l’Expo des arts décoratifs etc. de 37. Fouquet est chargé de s’informer de la possibilité qu’il y aurait pour quelques membres de l’UAM à profiter des travaux votés par la Ville de Paris et des formalités pour que l’UAM adhère à la CTI [Confédération des travailleurs intellectuels].

Réunion du comité du 11 avril 1933 au siège social

Présents : Herbst, Henry, Martel, Templier, MS, Carlu, Barbe. Absent : Jourdain.

Exposition : Décision de ne pas exposer cette année étant donné les difficultés matérielles et surtout à trouver une salle. Décision de remplacer par un dîner auquel seront conviés les criti- ques d’art favorables au mouvement moderne. Au cours de ce dîner, nous remettrons aux journalistes des pochettes contenant des photos des œuvres des membres de l’UAM à raison d’une photo par mem- bre. On pense qu’il y aura une trentaine de critiques et le secrétaire écrira à chaque membre pour lui demander de faire tirer 35 épreuves de la photo d’une œuvre de 18/24. Un premier dîner, où n’assisteront que les membres du comité, aura lieu le 24 avril au restaurant Léon, 37, rue des Martyrs avec un certain nombre de critiques pour discuter des attaques dont l’art moderne est l’objet.

Assemblée générale du 2 mai 1933 au siège social

Présents : Miklos, Puiforcat, Sognot, Alix, Salomon, Lemeunier, Górska, Herbst, Henry, Templier, Martel, Mallet-Stevens, Carlu, Barbe, Barillet, Lambert-Rucki, Csaky, Dourgnon, Lallemant, Lurçat. Absent : Jourdain.

Exposition : exposition est finalement décidée. Templier expose les conditions sous lesquelles il serait possible d’exposer à l’ancienne galerie de La Renaissance : approuvé 30 mai-28 juin. Barbe prévient membres.

UAM BAT 15042018.indd 143 16/04/2018 17:02 Assemblée générale du 9 mai 1933 144 au siège social

Présents : Henry, Herbst, Martel, Templier. Excusé : Barbe. Absent : Jourdain. Membres présents : Górska, Barillet, Chareau, Lallemant, Lemeunier, MS, Miklos, Carlu, Le Son, Salomon, Puiforcat, Csaky, Maximilien Vox, Lurçat.

Décidé que font partie de la société les membres associés aussi bien que les membres étrangers. Ces membres associés repré- sentent la musique, le cinéma et tous les arts ayant des affinités avec les nôtres. Seront présentés comme membres associés les musiciens : Honegger, Ravel, Milhaud, Delannoy, Migot, Poulenc, Auric, Sauguet, Kurt Weill. Les cinéastes : René Clair, Pabst, Trivas, Jean Vigo.

Il a été décidé qu’une soirée serait organisée à la fin de l’exposition afin de présenter notre manifeste. […] Il a été décidé que le comité recherchera pour la présentation de notre exposition une homogénéité en groupant les œuvres des camarades et non en les dispersant.

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UAM BAT 15042018.indd 150 16/04/2018 17:02 151 Procès-verbaux et extraits du Bulletin de la Sad

Extrait du procès-verbal de l’assemblée générale du 19 décembre 1928, Bulletin de la Sad, no 5, mars 1929, p. 22

Un groupement d’artistes décorateurs allemands, le Werk- bund, par l’intermédiaire de M. le docteur Grault, qui avait organisé l’Exposition de Leipzig, l’an dernier, avait, depuis plusieurs mois, engagé des pourparlers avec le Bureau de la Société pour parti- ciper à notre prochain Salon, avec un ensemble complet couvrant 1 500 mètres carrés. Cette participation, à vrai dire, subordonnée à l’autorisation gouvernementale et à l’obtention de locaux suffisants, nous dépassait quelque peu, mais elle ne manquait pas d’intérêt. Pour le moment, il n’en est plus question, le docteur Grault nous ayant informés que les artistes allemands avaient décidé de reporter tout l’effort qu’ils comptaient faire à Paris sur l’Exposition de Barcelone.

Extrait du procès-verbal de l’assemblée générale du 26 mars 1929, Bulletin de la Sad, no 52, 15 février 1930, p. 10-12

NOTRE PROCHAIN SALON Dates Le 20e Salon de la Société aura lieu au Grand Palais des Champs- Élysées, du mercredi 14 mai au samedi [sic] 13 juillet 1930. Les visites de la presse auront lieu le mardi 13 mai. Le vernissage, le mercredi 14 mai ; l’ouverture ordinaire, le jeudi 15 mai ; la visite officielle, le vendredi 16 mai, en soirée.

Programme Nous avons été informés que le service des Œuvres françaises à l’étranger avait été sollicité d’accorder son patronage à un projet tendant à créer, sous le nom de « Palais de France », un vaste building où seraient groupés la plupart des services officiels français (consulat général, attaché commercial, office du tourisme, service des Beaux-Arts, etc.) et où des locaux seraient réservés aux commerçants et industriels français. L’intérêt de pareilles créations à l’étranger, pour la propagande de nos industries d’art, nous est apparu aussitôt ; d’autant plus qu’un article de la dernière loi de finances a mis à la disposition de M. le

UAM BAT 15042018.indd 151 16/04/2018 17:02 ministre des Affaires étrangères une somme de 23 800 000 francs 152 pour l’achat, l’aménagement et l’ameublement d’hôtels diploma- tiques à Prague, Luxembourg, Copenhague et Santiago du Chili, et que sur ces crédits une somme de plusieurs centaines de mille francs est prévue pour l’achat de mobiliers. Ceci a donc déterminé notre choix pour le thème du 20e Salon : « Une partie de la Maison de France à l’étranger, consacrée à l’expo- sition et à la diffusion de l’art français et des industries de luxe. » Ce programme comprend les galeries d’objets d’art, de peinture, de sculpture, d’étalages, de documentation, les arts du livre, les servi- ces administratifs, les bureaux de renseignement du centre d’infor- mation artistique, touristique et d’urbanisme français, ainsi que les appartements de réception du résident et ceux des attachés. Des avant-projets ont été demandés à tous les architectes et ensembliers de notre Société et le comité a donné son approbation au plan de présentation générale établi par M. Expert, architecte. Ce plan fut mis à la disposition de tous ceux qui ont désiré participer au Salon.

Section allemande

Le Salon de 1930 comprendra une section allemande. Les pourparlers pour l’organisation de cette section sont engagés depuis juillet 1928. Le docteur Grault, directeur du Grassi Museum, à Leipzig, qui avait accueilli, très aimablement, notre Société à Leipzig, en 1927, par une lettre adressée à M. le directeur des Beaux-Arts, exprimait le désir de voir organiser à Paris une exposi- tion d’art décoratif allemand dont il dirigerait l’organisation si « de la part de la Société des artistes décorateurs français, une invitation officielle à l’adresse du musée de Leipzig permettait aux organisa- teurs allemands de demander à leur gouvernement l’appui néces- saire pour mener à bonne fin ladite exposition ». Les services du ministère des Affaires étrangères et du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, consultés, ne firent aucune opposition de principe à ce que cette invitation soit adres- sée aux Décorateurs allemands. Néanmoins, elle ne put l’être pour le Salon de 1929 : l’accord avec la Société des artistes français et la Société nationale des beaux-arts pour obtenir une extension de nos locaux habituels n’ayant pas abouti en temps voulu, et les Décorateurs allemands, d’autre part, occupés par l’Exposition de Barcelone, trouvant le temps trop court pour préparer en même temps une exposition à Paris, exprimèrent le vœu de remettre cette participation à notre Salon, au printemps 1930.

UAM BAT 15042018.indd 152 16/04/2018 17:02 153 Extrait du procès-verbal de l’assemblée générale du 26 mars 1929, Bulletin de la Sad, février 1930, p. 4

M. Maurice Dufrène voudrait avoir quelques renseignements sur les incidents du groupe Mallet-Stevens. M. Hairon lui répond qu’il n’y a pas d’incident, et qu’il regrette qu’aucun membre de ce groupe ne soit présent à l’assemblée, d’autant plus que quatre font partie du comité. Ce qu’il peut dire, c’est que M. Chareau avait demandé d’étudier un projet groupant plusieurs artistes, mais que M. Chareau, malade, s’est récusé et a renoncé à mettre sur pied ce qu’il voulait réaliser. Sur l’intervention de M. Herbst, M. Mallet-Stevens s’est chargé de reprendre ce projet que nous avons attendu très long- temps. Les opérations du jury avaient eu lieu, des ensembles avaient été reçus quand il nous est enfin parvenu. On s’aperçut alors qu’il comportait un grand nombre d’exposants, qui devaient passer au jury avant que l’emplacement ne soit accordé. Nous avons dû rema- nier plusieurs fois le plan général, déplacer des ensembles déjà attribués, notamment celui de M. Follot qui était assez important. Il n’a pu être donné entière satisfaction à M. Mallet-Stevens, mais nous pensions que tout s’arrangerait par la suite. Depuis, nous avons été avertis que certains exposants de ce groupe n’expo- seraient pas, faute d’un emplacement suffisant. C’est tout l’incident. Le président ajoute que, comme M. Dufrène, il regrette l’absence de ce groupe au prochain Salon, mais il espère que c’est un moment de mauvaise humeur. Si cependant cette question prend de l’impor- tance, elle doit être d’abord examinée par le comité avant d’être discutée en assemblée générale.

Réunion du comité du 8 avril 1929 sous la présidence de Charles Hairon

Le président met le comité au courant d’incidents survenus à propos du Salon à la dernière séance, messieurs Mallet-Stevens, Herbst, Djo-Bourgeois, mécontents de l’emplacement qui leur était attribué s’étaient retirés. M. Selmersheim ayant remanié son plan une fois de plus devait voir M. Mallet-Stevens. Il a vu M. Herbst qui a maintenu pour tout le groupe le refus de prendre part au Salon. De fait, le président donne lecture d’une lettre du 29 mars de M. Herbst dans laquelle il informe que se désistent messieurs Barillet, Barbe, Burkhalter, Chareau, Djo-Bourgeois, Fouquet, Henry, Herbst, Francis Jourdain, Lallemant, Mandrot, Morhange, Jan et Joël Martel, Mallet-Stevens, Prouvé, Sonia Delaunay, Sandoz, Stein- len, Templier, Le Chevallier.

UAM BAT 15042018.indd 153 16/04/2018 17:02 Depuis, le président a reçu une lettre de démission du comité 154 de M. Djo-Bourgeois. Cependant, il consent à surveiller l’exécution de la porte d’entrée de l’exposition dont il avait conçu le projet. Le président fait connaître qu’il a reçu également une lettre de démission de MM. Mallet-Stevens et Herbst dont il a fait retour. Aujourd’hui même, il a reçu une nouvelle lettre de monsieur Herbst maintenant sa décision, ainsi qu’une lettre de démission de Mlle Perriand, qui cependant avait déclaré être satisfaite de l’empla- cement qui lui avait été concédé. Commentant ces démissions, le président est d’avis que l’incident du Salon n’est qu’un prétexte. Que depuis longtemps, un mouvement de scission se dessinait ; que le groupe dont il est ques- tion voulait se défendre contre les grands magasins et faire des expositions sans les éditeurs. Le président estime que cela serait une grande faute, la Société à l’origine a été créée pour défendre les créateurs contre les industriels et les commerçants et aujour- d’hui plus que jamais ils ont besoin d’être défendus. Le comité décide d’attendre la prochaine réunion pour prendre une décision. Il engage le président à faire les démarches individuelles auprès des démissionnaires et l’invite à obtenir la médiation de M. Francis Jourdain.

Réunion du comité du 27 mai 1929 sous la présidence de Charles Hairon

Démissions précédentes et nouvelles : Herbst, Djo-Bourgeois, Martel, Perriand, Sandoz, Fouquet, Puiforcat, Barillet, Legrain, Temp- lier, Barbe, Le Chevallier, Delaunay, Jourdain. Le président rend compte qu’il a écrit à M. Jourdain comme on le lui avait demandé, il l’avait même convoqué à la réunion de ce jour. Francis Jourdain s’est excusé de ne pouvoir venir, au surplus il n’a aucun renseignement sur la décision du groupe qui est irrévo- cable et qu’il les suit. Le comité regrette la décision des membres dissidents. Rien ne les empêchait de former un nouveau groupe sans se séparer de la Société. La vérité c’est qu’ils veulent être séparés des expositions où figurent les éditeurs et que cette affaire vient de l’affaire Moreau. Le président propose d’écrire une lettre aux démissionnaires qui faisaient partie du comité, pour leur exprimer le regret de la décision prise et leur avis que leur démission ne sera considérée comme valable que si elle est renouvelée dans un mois. Le président met au courant de l’article de Tisserand dans L’Art vivant. Communique lettres échangées. Il donne connaissance

UAM BAT 15042018.indd 154 16/04/2018 17:02 155 de la protestation par les membres du jury au gérant de L’Art vivant et demande au comité s’il ne décide pas à son tour d’écrire une lettre de protestation. Comité charge Bouchet et Lamothe d’envoyer cette protestation.

Extrait du procès-verbal de l’assemblée générale du 27 février 1930, Bulletin de la Sad, mars 1930, p. 8

Ici, nous devons arrêter les expressions trop vives de notre contentement, nous devons jeter un regard attristé en arrière, et je ne craindrai pas de dire personnellement très attristé. Depuis 20 ans, j’assiste à la montée lente mais sûre de notre Société ; chaque année, j’avais la satisfaction d’inscrire dans notre annuaire quinze ou vingt noms de nouveaux sociétaires, membres actifs. Cette année, au lieu d’ajouter, je retrancherai. Le procès-verbal de la dernière assemblée générale vous a mis au courant d’un incident survenu au moment de la préparation du Salon qui vient de finir ; un groupe d’exposants, trouvant insuf- fisant l’emplacement qui lui était attribué, avait décidé de s’abste- nir. Depuis, cet incident a grossi, les abstentions sont devenues des démissions, et pour employer le terme de la presse, dont les commentaires n’ont pas manqué, nos camarades seraient devenus des « dissidents ». Simple historiographe, nous vous dirons seulement le regret que nous avons de vous informer des démissions de MM. Pierre Barbe, Louis Barillet, Mmes Sonia Delaunay, Eileen Gray, MM. René Herbst, Francis Jourdain, Jacques Le Chevallier, Mallet-Stevens, Jan Martel, Joël Martel, Mme Charlotte Perriand, MM. Jean Puiforcat, Gérard Sandoz, Raymond Templier, membres actifs. Et de MM. Jean Fouquet, Robert Lallemant, Paul Templier, membres associés. Nous ajouterons deux autres démissions pour raisons person- nelles : M. Émile Alder et Mme Lehucher-Méry.

Extrait du procès-verbal de l’assemblée générale du 27 février 1930, Bulletin de la Sad, mars 1930, p. 13-14

Il [M. Dufrène] pose à nouveau sa question sur la suppres- sion de l’assemblée générale du Salon et ajoute que la véritable raison est bien connue, c’était la difficulté pour le comité de donner des explications suffisantes du départ du groupe des dissidents.

UAM BAT 15042018.indd 155 16/04/2018 17:02 M. Hairon répond que la question des dissidents ne l’a jamais 156 embarrassé. De même que Dufrène l’avait déjà fait en pareilles circonstances, le comité a voulu demander à tous les exposants de respecter les règlements ; il n’était pas possible d’accorder un emplacement important pour tout un groupe avant de savoir si tous les membres de ce groupe seraient reçus par le jury. Ils se sont retirés, refusant toute tentative de conciliation et ont adressé suc- cessivement leur démission, quelques-uns comme Francis Jourdain en termes très aimables ; M. Hairon ajoute que, pris à partie par certain critique d’art qui prétendait le rendre responsable de cette scission, il a offert de démissionner du comité sitôt que les dissi- dents seraient rentrés dans la Société. Plusieurs membres du comité, dont MM. Bouchet, Pierre Selmersheim, ont cherché un terrain d’entente ; ils se sont butés à une volonté très nette et formelle des dissidents de s’opposer à toute conciliation. La véritable raison de la scission est que ces dissidents voulaient se grouper par affinité esthétique, entre artis- tes sympathisants, afin d’opposer un bloc à celui des grandes fir- mes, qui, disposant de moyens puissants, font concurrence aux architectes et ensembliers isolés.

Réunion du comité du 30 octobre 1930 sous la présidence de Charles Hairon

Le président fait connaître qu’il n’a pas de réponse des dis- sidents. Herbst a déclaré à M. Bouchet qu’ils n’accepteraient aucune médiation d’aucune sorte.

Réunion du comité du 29 janvier 1931 sous la présidence de Joseph Hiriart

Le président met le comité au courant de ses démarches auprès des dissidents de l’UAM. Il résulte d’une conversa- tion toute officieuse avec M. Herbst que les membres de l’UAM seraient disposés à prendre part à notre prochain Salon à la condi- tion d’être traités comme la section allemande en 1930, c’est-à- dire même emplacement à part, liberté de se manifester comme ils l’entendent, affiche particulière. M. Hiriart donne lecture de sa lettre du 27 janvier à M. Temp- lier, secrétaire de l’UAM, dans laquelle il lui exprime le désir que les membres démissionnaires reprennent normalement leur situa- tion ancienne dans la Société. Copie de cette lettre fut adressée à chacun des démis- sionnaires individuellement.

UAM BAT 15042018.indd 156 16/04/2018 17:02 157 Le comité approuve entièrement cette lettre amicale, mais est d’avis de ne pas offrir à l’UAM, une situation particulière et exceptionnelle au prochain Salon.

Réunion du comité du 28 février 1931 sous la présidence de Joseph Hiriart

Les dissidents : le président donne lecture d’une lettre de M. Templier au nom des membres de l’UAM dont l’organisation actuelle ne leur permet pas de collaborer dès maintenant d’une façon plus étroite avec la Société. Dufrène : le président donne lecture d’une lettre de M. Dufrène qui demande sa réintégration pure et simple comme membre de la Société. Le comité à l’unanimité charge le président de répondre à M. Dufrène que tous les camarades sont heureux de son retour. Le comité décide de proposer M. Dufrène sur la liste des membres actifs à la sortie du Salon de 1931. La Coloniale : autre question, M. François Carnot a demandé que le groupe des UAM soit représenté dans notre section. C’était délicat au moment où ce groupe refuse de participer à notre Salon, il collaborait avec nous à l’Exposition coloniale. M. Bérenger avait « convoqué » M. Templier qui n’a pas pu venir. Enfin, il a été demandé un crédit de 200 000 francs pour cons- truire une annexe au pavillon des Beaux-Arts que nous sommes chargés de décorer. Nous pourrions l’offrir à l’UAM.

Extrait du procès-verbal de l’assemblée générale du 18 juin 1931, Bulletin de la Sad, novembre 1931, p. 35

Votre comité a débuté par une démarche auprès de nos « dissidents », membres de l’Union des artistes modernes. Plusieurs conversations eurent lieu, plusieurs lettres furent échangées. Malheureusement, notre démarche arrivait trop tard… peut-être trop tôt, et nous recevions une dernière lettre que je vais vous lire…

Cher camarade, Les membres actifs de l’Union des artistes modernes, réunis en assemblée générale extraordinaire, le 6 février, ont pris connaissance de votre lettre du 27 janvier. Nous avons tous apprécié votre geste amical et vous en remercions, et, pourtant, nous avons le regret de vous informer, qu’à l’unanimité, il n’a pas été jugé possible

UAM BAT 15042018.indd 157 16/04/2018 17:02 de donner suite à votre proposition. 158 Nous tenons à ce que vous ne voyez pas dans ce refus un geste inamical, nos relations de camaraderie restant entières. Lorsque nous faisions partie de la Société des artistes déco- rateurs, nous n’avons pas ménagé nos efforts pour conser- ver à la Société l’esprit de ses débuts. Actuellement, en groupe volontairement restreint, nous réalisons ce but. Veuillez agréer, mon cher camarade, avec nos regrets renou- velés, l’expression de nos sentiments les plus cordiaux. Le secrétaire : Raymond Templier.

Est-ce définitif, l’avenir nous le dira. En tous les cas, si nous avons perdu définitivement des sociétaires, nous savons que nous avons à côté de nous une Société composée de camarades et c’est plus agréable que ces situa- tions fausses, et la guerre sourde et pénible, émaillée de malen- tendus. La collaboration que nous n’avons plus pour notre Salon, nous la retrouverons sur d’autres terrains où notre intérêt commun est de rester amis. En même temps que ces démarches auprès d’un groupe, nous en faisions d’autres, parallèlement auprès d’autres membres démissionnaires pour des raisons diverses. Et une particulière auprès de M. Dufrène, comme c’était de notre devoir de le faire, après la démarche officieuse faite par quelques membres du bureau qui nous a précédé. Je vais vous lire la réponse de votre ancien vice-président.

Extrait du procès-verbal de l’assemblée générale du 18 juin 1931, présentation de la lettre adressée par Maurice Dufrène au vice-président et retranscrite dans le Bulletin de la Sad, 15 novembre 1931, p. 35

Paris, le 13 février 1931. Mon cher vice-président, Je reçois votre lettre me communiquant la réponse de l’UAM. Je ne veux pas la juger ici, ni dans ses termes, ni dans ses pensées. Je regrette profondément que le très digne geste de la Société des artistes décorateurs n’ait pas reçu la réponse courtoise, franche et amicale qu’elle méritait. J’estime que la Société des artistes décorateurs, par sa démarche, a fait tout ce qu’elle devait et par-là répare, en cette affaire, l’erreur des précédents bureaux. Sans porter atteinte à son esprit même, elle ne pouvait faire ni plus, ni mieux.

UAM BAT 15042018.indd 158 16/04/2018 17:02 159 J’ai donné ma démission de sociétaire pour des causes qui n’existent plus. En réponse à vos très aimables démarches qui m’ont infiniment touché, j’ai toujours répondu que je rentrerais en même temps que les artistes dissidents. Je ne cherchais qu’à faciliter la collaboration et l’amitié. En présence de la belle attitude de la Société, et de celle de l’UAM qui est désormais seule responsable de la désunion, je ne veux pas qu’on me pense capable d’approuver une conduite que je déplore. En conséquence, je vous serais très obligé de bien vouloir prier le comité, et par la suite l’assemblée générale, d’accepter ma demande de réintégration pure et simple à la Société des artistes décorateurs comme membre actif. Je vous prie, mon cher vice-président, de croire à mes très sincères sentiments de sympathie. Maurice Dufrène.

M. M. Dufrène s’est présenté, cette année, devant votre jury, ayant été admis par lui, il a exposé. Le comité, sur la proposi- tion du jury, le présente comme membre actif. Mais cette question reviendra à son rang dans l’ordre du jour qui appelle la nomination des membres actifs.

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UAM BAT 15042018.indd 160 16/04/2018 17:02 161 Bibliographie sélective

Archives

Archives de l’Union des artistes modernes (bibliothèque des Arts décoratifs, Paris, fonds no 8832 F1- F10) Statuts de l’UAM établis le 31 mai 1929. (F1) Procès-verbaux des réunions du bureau de l’UAM, 1929-1937. (F1) Procès-verbaux des assemblées générales de l’UAM, 1929-1937. (F1- F2) Demandes d’admission. (F3) Dossiers individuels. (F7) Courriers. (F8) Textes préparatoires. (F8) Coupures de presse. (F8)

Publications de l’Union des artistes modernes Union des artistes modernes, Paris, Éditions d’art Charles Moreau, 1929. Première exposition de l’Union des artistes modernes, catalogue d’exposition, pavillon de Marsan, 1930. CHÉRONNET, Louis, Pour l’art moderne, cadre de vie contemporaine (manifeste de l’UAM), Paris, 1934.

Archives de la Société des artistes décorateurs Procès-verbaux de la Société des artistes décorateurs, 1925-1932.

Publications de la Société des artistes décorateurs Bulletin de la Société des artistes décorateurs, 15 mars 1929. Bulletin de la Société des artistes décorateurs, 15 février 1930. Bulletin de la Société des artistes décorateurs, 15 mars 1930. Catalogues d’exposition de la Société des artistes décorateurs de 1926 à 1932.

Ouvrages

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UAM BAT 15042018.indd 162 16/04/2018 17:02 LEMOINE, Bertrand (dir.), Paris 1937. Cinquantenaire de l’Exposition internationale des 163 arts et des techniques dans la vie moderne, Paris, IFA/Paris-Musées, 1987. LUCAN, Jacques (dir.), Le Corbusier. Une encyclopédie, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 1987. LURÇAT, André, Architecture, Paris, Éditions Au Sans Pareil, 1929. André Lurçat. Projets et réalisations, Paris, Éditions Fréal & Cie, 1929. MARCILHAC, Félix, Joseph Csaky. Du cubisme à la figuration réaliste, Paris, Les Éditions de l’Amateur, 2007. Maurice Marinot (1882-1960), artisan verrier. Catalogue raisonné de l’œuvre de verre, Paris, Les Éditions de l’Amateur, 2013. MARTIN-VIVIER, Pierre-Emmanuel (préface de Bruno FOUCART), Jean-Michel Frank. L’étrange luxe du rien, Paris, Éditions Norma, 2006. MARTIN-VIVIER, Pierre-Emmanuel (préface de Jean-Louis GAILLEMIN), Jean Royère, Paris, Éditions Norma, 2017. MAUCLAIR, Camille, L’Architecture va-t-elle mourir ? La crise du panbétonnisme intégral, Paris, Éditions Nouvelle Revue critique, 1933. MIDANT, Jean-Paul (dir.), Dictionnaire de l’architecture du XXe siècle, Paris, Hazan, 1996. MINNAERT, Jean-Baptiste (préface de Bruno FOUCART), Pierre Barbe architecte, Paris, Mardaga, 1991. MONNET, François, Refaire la République, André Tardieu (1876-1945), une dérive réactionnaire, Paris, Fayard, 1993. MONNIER, Gérard, Histoire critique de l’architecture moderne en France 1918-1950. Architecture, culture, modernité, Paris, Philippe Sers, coll. « Histoire des arts », 1990. MOUILLEFERINE, Laurence, POSSÉMÉ, Évelyne (dir.), Bijoux Art déco et avant-garde, Paris, Les Arts Décoratifs/Éditions Norma, 2009. MOUILLEFERINE, Laurence, RISTELHUEBER, Véronique, (préface de Philippe COLIN-OLIVIER), Raymond Templier. Le bijou moderne, Paris, Éditions Norma, 2005. PASQUIER, Jacqueline du, Robert Lallemant, 1902-1954. Céramiste et décorateur d’une génération incertaine, Paris, Somogy, 2014. PERRIAND, Charlotte, Une vie de création, Paris, Éditions Odile Jacob, 1998. ROUARD, Jacques, 60 ans d’arts ménagers, tome 1 : 1923-1939, le confort, Paris, Éditions Syros-Alternatives, 1989. SCHLANSKER KOLOSEK, Lisa, L’Invention du chic. Thérèse Bonney et le Paris moderne, Paris, Éditions Norma, 2002. SIRINELLI, Jean-François, UAM. Union des artistes modernes, Paris, Éditions du Regard, 1986. SIRINELLI, Jean-François (dir.), La France de 1914 à nos jours, Paris, Quadrige/Puf, 2004. SULZER, Peter, Jean Prouvé. Œuvre complète, volume 1 : 1917-1933, Bâle, Éditions Birkhauser, 1999. Jean Prouvé. Œuvre complète, volume 2 : 1934-1944, Bâle, Éditions Birkhauser, 2000. VAN DEN BERGH, Wim, Beistegui avant Le Corbusier. Genèse du penthouse des Champs-Élysées, Paris, Éditions B2, 2015. WOLFE, Tom, Il court, il court le Bauhaus, Paris, Les Belles Lettres, 2017.

UAM BAT 15042018.indd 163 16/04/2018 17:02 Articles de journaux 164 et de revues cités dans le texte

ANONYME, « Sur les toits de Paris, le jardin enchanté de monsieur Charles de Beistegui », Vogue, octobre 1932. « Les jeux de style dans un appartement moderne », Vogue, janvier 1933. CHAMPIGNEULLE, Bernard, « Avant l’Exposition de 1937. Meubles en quête d’un style », L’Amour de l’art, novembre 1935. CHAVANCE, René, « Le Salon des artistes décorateurs », Les Échos des industries d’art, juin 1928. « Le XIXe Salon des artistes décorateurs », Art et décoration, juillet-décembre 1929. « À l’Union des artistes modernes », Les Échos des industries d’art, juillet 1930. « L’art décoratif moderne est-il de notre temps ? », L’Amour de l’art, 1937, p. 13-15. CHÉRONNET, Louis, « La section française du 20e Salon des décorateurs », Art et décoration, juillet-décembre 1930. FIERENS, Paul, « Le Salon des artistes décorateurs », Journal des débats, 8 juin 1929. FRANÇOIS-PONCET, André, « Une opinion ministérielle sur l’art décoratif moderne », Les Échos d’art, no 54, janvier 1930, p. 28. GALLOTTI, Jean, « La troisième exposition de l’Union des artistes modernes », Art et décoration, 1932. GAUTHIER, Maximilien, « Le manifeste de l’UAM », L’Art vivant, août 1934. GEORGE, Waldemar, réponse à l’enquête « Évolution ou mort de l’ornement ? », Art et décoration, supplément Les Échos d’art, juin 1933, p. V. « Les meubles de Pierre Barbe » L’Amour de l’art, février 1934. « Formes d’aujourd’hui », Art et industrie, avril 1936. « L’art français et l’esprit de suite », numéro spécial, La Renaissance, mars-avril 1937. « La maison d’une famille française », L’Amour de l’art, août 1937. « Les beaux métiers du Palais de la nouveauté. La maison d’une famille française », L’Art vivant, 1937. GUENNE, Jacques, « Le retour à la grâce », L’Art vivant, décembre 1932. JOUBIN, André, « Le studio de Jacques Doucet », L’Illustration, 1930. JOURDAIN, Francis, « Origin and raison d’etre of the new society », Creative Art, vol. VIII, juillet-décembre 1930. LE CORBUSIER, « L’exposition de l’École spéciale d’architecture », L’Esprit nouveau, no 23, 1924, p. 28. MARSAN, Eugène, « La raison mais l’âme dans un art complet », L’Amour de l’art, février 1935. MARTINIE, Henri, « Le XVIIIe Salon des artistes décorateurs », Art et décoration, janvier-juin 1928. PIERHAL, Armand, « Les Salons de l’art décoratif, l’UAM », L’Art vivant, juin 19 31. « Décorateurs modernes : Marc-Nicolas du Plantier », L’Art vivant, avril 1932. RAMBOSSON, Ivanhoé, « Les artistes dissidents du Salon des décorateurs exposent au pavillon de Marsan », Comœdia, 11 juillet 1930. SCHLUMBERGER, Évelyne, « Eileen Gray », Connaissance des arts, no 258, 1973, p. 71-78. TEMPLIER, Raymond, interviewé par Pierre Lazareff, Paris-Midi, 14 mai 1930. THIÉBAULT-SISSON, François, « À propos du Salon de l’Union des artistes », L’Entreprise française, 25 février 1932. TISSERAND, Ernest, « Le XVIIe Salon de la Société des artistes décorateurs », L’Art vivant, 1927. « Ce qu’on verra au Salon des artistes décorateurs et ce qu’on n’y verra pas », L’Art vivant, mai 1928.

UAM BAT 15042018.indd 164 16/04/2018 17:02 « Le XVIIIe Salon des artistes décorateurs », L’Art vivant, juin 1928. 165 « Le prochain Salon des décorateurs : ce qu’on y verra et ce qu’on n’y verra pas », L’Art vivant, mai 1929. « Le Salon des artistes décorateurs », European, 15 mai 1929. « Chronique de l’art décoratif : le Salon de l’Union des artistes modernes », L’Art vivant, juillet 1930. « L’exposition de l’Union des artistes modernes », L’Art vivant, août 1930. « Pudeur et progrès », L’Art vivant, mars 19 31. VAILLAT, Léandre, « Le décor de la vie : l’UAM », Le Temps, 8 juillet 1930. VARENNE, Gaston, « L’Union des artistes modernes », L’Amour de l’art, septembre 1930. WERTH, Léon, « Le premier Salon de l’UAM », Art et décoration, juillet-décembre 1930. ZAHAR, Marcel, « L’UAM au pavillon de Marsan », Art et industrie, juillet 1930. « SAD et UAM », Nouvelles littéraires, 13 juin 1931. « L’architecture nouvelle : l’hôtel de M. Reichenbach », L’Art vivant, octobre 1932. « Vers un humanisme en architecture », L’Art vivant, décembre 1932.

Catalogues d’exposition

1979, Paris Centre George-Pompidou, Paris-Moscou : 1900-1930, 31 mai-5 novembre, Paris, Gallimard. 1979, Paris Centre Georges-Pompidou, Paris-Berlin : 1900-1933, 31 mai-5 novembre, Paris, Gallimard. 1981, Paris musée de l’Affiche, Rétrospective Jean Carlu, 26 novembre 1981-29 mars 1982, Paris, musée de l’Affiche. 1982, Paris musée d’Art moderne de la Ville de Paris, Léger et l’esprit moderne, 17 mars-6 juin, Paris, musée d’Art moderne. 1984, Paris musée des Arts décoratifs, Les Fouquet. Bijoutiers et joailliers à Paris, 1860-1960, 18 janvier-26 mars, Paris, Flammarion. 1985, Paris musée des Arts décoratifs, Charlotte Perriand, un art de vivre, 4 février-1er avril, Paris, Flammarion. 1987, Paris Centre Georges-Pompidou, Le Corbusier : une encyclopédie, 8 octobre 1987-4 janvier 1988, Paris, Éditions du Centre Pompidou. 1989, Paris musée des Arts décoratifs, Les Années UAM : 1929-1958, 27 septembre 1989-29 janvier 1990, Paris, musée des Arts décoratifs. 1990, Paris musée de l’Orangerie, Maurice Marinot. Peintre et verrier, 27 février-22 mai, Paris, RMN. 1992, Bordeaux musée des Arts décoratifs, Céramiques de Robert Lallemant, 11 mai-24 août, Bordeaux, musée des Arts décoratifs. 1993, Paris Centre Georges-Pompidou, Pierre Chareau ; architecte, un art intérieur, 3 novembre 1993-3 janvier 1994, Paris, Éditions du Centre Pompidou. 1994, Paris Galerie Jacques de Vos, UAM. Petits meubles de grands noms, 27 octobre-26 novembre, Paris, galerie Jacques de Vos. 1997, Genève musée Ariana, Paul Bonifas. Céramiste du purisme, 12 juin-22 septembre, Genève, musée d’Art et d’Histoire. 2001, Aix-en-Provence musée Granet, Félix Aublet, 1903-1978. Art, technique, lumière, mouvement, 16 juin-26 août, Ville d’Aix-en-Provence. 2005, Paris Centre Georges-Pompidou, Robert Mallet-Stevens, architecte (1886-1945), 27 avril-29 août, Paris, Éditions du Centre Pompidou. 2005, Paris Centre Georges-Pompidou, Charlotte Perriand, 7 décembre 2005-27 mars 2006, Paris, Éditions du Centre Pompidou.

UAM BAT 15042018.indd 165 16/04/2018 17:02 2007, Paris Grand Palais Design contre design. Deux siècles de création, 26 septembre 2007-7 janvier 2008, Paris, RMN. 166 2008, Paris galerie Anne-Sophie Duval, Étienne Cournault, œuvres sur verre et mirroir, 1928-1930, 8-27 septembre 2008, Paris, Éditions Galerie Anne-Sophie Duval. 2009, Paris Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, Jean-Michel Frank, un décorateur des années 30, 2 octobre 2009-3 janvier 2010, Paris, Éditions Norma 2013, Paris Centre Georges-Pompidou, Eileen Gray, 20 février-20 mai 2013, Éditions du Centre Pompidou. 2015, Nantes musée des Beaux-Arts, Étienne Cournault (1891-1948). La part du rêve, 6 novembre 2015-7 février 2016, Gand, Snoeck Éditions. 2015, Paris Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, Jacques Doucet-Yves Saint Laurent. Vivre pour l’art, 15 octobre 2015-14 février 2016, Paris, Flammarion/ Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent. 2016, Paris Les Arts Décoratifs, L’Esprit du Bauhaus, 19 octobre 2016-26 février 2017, Paris, Les Arts Décoratifs.

Films

Marcel L’Herbier, L’Inhumaine, 1924. Marcel L’Herbier, Le Vertige, 1926. Marcel L’Herbier, L’Argent, 1928. Jacques Manuel, Biceps et bijoux, 1928. Man Ray, Les Mystères du château de Dé, 1929.

Travaux universitaires

BILLÉ, Raphaèle, Djo-Bourgeois, un créateur entre tradition et modernité, mémoire de DEA sous la direction de Serge Lemoine et Arlette Despond-Barré, université Paris IV-Sorbonne, 2000. ETTER, Caroline, Waldemar George et les arts décoratifs, mémoire de DEA sous la direction de Bruno Foucart, université Paris IV-Sorbonne, 2002. KOERING, Élise, Eileen Gray et Charlotte Perriand dans les années 1920 et la question de l’intérieur corbuséen. Essai d’analyse et mise en perspective, thèse de doctorat sous la direction de François Loyer, université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. SALMON, Laurence, Pierre Legrain (1888-1929) et le décor moderne, mémoire de maîtrise, université Paris I-Panthéon-Sorbonne, Paris, 1992. TAJAN, Cécile, La Scission SAD-UAM, mémoire de maîtrise sous la direction de Bruno Foucart, université Paris IV-Sorbonne, 2006.

UAM BAT 15042018.indd 166 16/04/2018 17:02 Berthelot, Philippe, 131 167 Index Besson, Georges, 57 Bloc, André, 45 Bloch, M., 132 Block, Robert, 99 Les chiffres précédés de N. renvoient Blum, Léon, 39 aux notes. Blum, Marcel, 131 Boès, Siegfried, 130 Adler, Rose, 23, 69, 89, 112 (N. 18), Bokanowski, Maurice, 38, 39, 41, 117 (N. 136), 129 115 (N. 102) Adnet, Jacques, 12, 34, 44, 109, Bonabeau, M., 132 117 (N. 136) Bonanomi, César, 130 Adnet, Jean, 44, 117 (N. 136) Bonifas, Paul, 76, 78, 79, 80, Aga Khan, 72 120 (N. 231, 235), 128, 130, 147 Alcorta, M., 131 Bonnet, Pierre, 131 Alder, Émile, 155 Bonney, Thérèse, 130 Alexandre, 121 (N. 253) Bossu, Jean, 61 Alix, Charlotte, 23, 45, 52, 65, 70, 75, Boucart, docteur, 131 112 (N. 1, 18), 119 (N. 194), 128, 129, 131, Bouché-Leclercq, Henri, 32 136, 137, 138, 139, 141, 142, 143 Bouchet, Léon, 18, 28, 29, 38, 42, 75, Aragon, Louis, 55 112 (N. 7), 154, 155, 156 Arbus, André, 98, 99, 109 Bourgeois, Élise, 21 Aubert, Félix, 57 Brancusi, Constantin, 101, 123 (N. 313), Aublet, Félix, 104, 124 (N. 327), 128 128 Auric, Georges, 82, 144 Braque, Georges, 63, 118 (N. 189) Azemanera, 130 Breton, Paul, 111 Badovici, Jean, 45, 72 Breuer, Marcel, 9, 47 Barbe, Pierre, 8, 16, 19, 22, 51, 68, 96, Brulat, Paul, 121 (N. 257) 99, 105, 106, 109, 112 (N. 1), Brunhammer, Yvonne, 17, 104 117 (N. 138), 120 (N. 222), 122 (N. 293), Bruno, Paul, 46 127, 128, 129, 136, 137, 139, 141, 142, Brunon-Guardia, Georges, 97 143, 144, 148, 153, 154, 155 Bugatti, famille, 73, 131 Barbusse, Henri, 55, 56 Bunge, Ernesto, 130 Barillet, Louis, 8, 21, 22, 28, 51, 62, 72, Burkhalter, Jean, 15, 21, 22, 51, 64, 87, 75, 90, 91, 112 (N. 1), 127, 128, 129, 136, 91, 112 (N. 1), 121 (N. 268), 127, 128, 139, 141, 142, 143, 144, 153, 154, 155 129, 137, 153 Baro, Mme Pedro, 131 Caillette, René-Jean, 111 Barré-Despond, Arlette, 132 Carlu, Jean, 51, 59, 60, 65, 72, 83, 85, Barsacq, Léon, 130 110, 112 (N. 1, 19), 119 (N. 194), Baschet, Roger, 94, 132 121 (N. 266), 129, 136, 137, 138, 139, Bastard, Georges, 23, 51, 69, 76, 80, 140, 141, 142, 143, 144 100, 105, 112 (N. 1, 18), 120 (N. 222), Carnot, François, 30, 87, 121 (N. 267), 128, 129, 132, 136, 142 157 Baty, Gaston, 82 Carrel, Pierre, 130 Bayer, Herbert, 9, 47 Cassandre, A. M., 51, 80, 129 Beaton, Cecil, 7, 8 Catelain, Jaque, 9, 15 Beaudouin, Eugène, 82, 118 (N. 186), Cavrois, Paul, 91 121 (N. 245) Chagall, Marc, 118 (N. 189) Beistegui, Charles de, 7, 8, 11, 16, 62, Champigneulle, Bernard, 100 93, 94, 118 (N. 188) Chaplin, Charlie, 51 Bérard, Christian, 11 Chareau, Pierre, 8, 15, 19, 21, 22, 23, Bérenger, M., 157 45, 64, 65, 66, 67, 70, 71, 72, 75, 80, Berger, Max, 89 81, 90, 91, 92, 96, 103, 104, 110, Bergson, Henri, 98 117 (N. 136, 138), 119 (N. 194, 207), Bernard, Francis, 129 122 (N. 274, 293), 123 (N. 315, 318), Bernheim, Émile, 92 124 (N. 334), 128, 129, 136, 137, 138, Bernheim, Hélène, 92 139, 141, 142, 144, 145, 153 Bernheim, Paul, 92 Charpentier, Alexandre, 57, 118 (N. 170)

UAM BAT 15042018.indd 167 16/04/2018 17:02 Chavance, René, 25, 26, 33, 97, 100, Dreyfus, Daniel, 92, 131 113 (N. 28, 32), 121 (N. 253) Drieu La Rochelle, Pierre, 11 168 Chéreau, Gabriel, 130 Drouard, 77, 78, 120 (N. 227), 130, 148 Chéronnet, Louis, 10, 25, 52, 85, Drouin, René, 117 (N. 138), 122 (N. 293) 113 (N. 28) Dufet, Michel, 44, 99 Citroën, famille, 73, 131 Dufour, 121 (N. 268) Clair, René, 82, 144 Dufrène, Maurice, 29, 31, 32, 44, Coard, Marcel, 89 114 (N. 66, 71, 74, 76), 117 (N. 136), 136, Cocar, Joseph, 138 153, 155, 156, 157, 158, 159 Colas, Jean, 104 Duhamel, Georges, 54 Colin, Paul, 23, 51, 112 (N. 1), 128 Dullin, Charles, 82 Compagnie royale asturienne des Dunand, Jean, 44 mines, 131, 132 Duplay, 121 (N. 257) Conti, Anita, 130 Dupré-Lafon, Paul, 101, 128 Corbin, Eugène, 132 Durey, Louis, 121 (N. 249) Cournault, Étienne, 22, 51, 64, 68, Éditions Albert Lévy, 45, 73 79, 81, 89, 95, 112 (N. 1, 17), 128, Éditions Charles Moreau, 58, 73 129 El Lissitsky, Lazar Lissitsky, dit, 59 Csaky, Joseph, 22, 51, 88, 89, 110, Éluard, Paul, 55 112 (N. 1), 127, 128, 129, 136, 137, 139, Empain, baron, 73, 131 141, 143, 144 Estève, Maurice, 130 Da Silva Bruhns, Ivan, 117 (N. 136) Estevez, M., 131 Dalí, Salvador, 11 Expert, Roger-Henri, 152 Dalsace, Annie et Jean, 72, 92, Fabre, Gladys, 119 (N. 208) 119 (N. 207) Facteur Cheval, Ferdinand Cheval, dit, Dampt, Jean, 57 12 David-Weill, Pierre, 8, 10, 73, 131, 132 Fairbanks, Douglas, 51 David, Léon, 93 Faucigny-Lucinge, famille, 73, 131 De Chirico, Giorgio, 89 Favier, Henri, 29, 32, 136 Décorchemont, François, 44 Fierens, Paul, 25, 26 Decourt, Philippe, 77 Flambo, 119 (N. 203) Delannoy, Marcel, 82, 144 Fleg, Edmond, 92 Delattre, Simone, 130 Florentin, Lucienne, 79, 120 (N. 235) Delaunay, Robert, 104 Follot, Louis, 38, 153 Delaunay, Sonia, 15, 21, 22, 51, 69, Fondation Bloch, 77 91, 102, 112 (N. 1), 122 (N. 274), Foucart, Bruno, 9, 12 123 (N. 318), 127, 128, 129, 153, Fouquet, Jean, 21, 22, 44, 51, 57, 64, 65, 154, 155 68, 69, 74, 76, 79, 85, 95, 112 (N. 1), Delebart, Pierre, 70 118 (N. 168), 119 (N. 194), 127, 128, 129, Derain, André, 118 (N. 189) 136, 137, 138, 139, 141, 142, 143, 153, Descartes, René, 52 154, 155 Desurmont, Jules, 73, 132 François-Poncet, André, 40 Djo-Bourgeois, Georges Bourgeois, dit, Frank, Jean-Michel, 8, 11, 93, 99, 104 8, 15, 21, 22, 23, 26, 28, 33, 34, 35, Fuerstein, 138 43, 44, 45, 87, 90, 102, 104, 114 (N. 80), Gaertner, M., 91 117 (N. 136, 138), 121 (N. 268), Galerie Barbazanges, 15 122 (N. 273, 293), 128, 153, 154 Galerie Christofle, 99 Doesburg, Theo van, 8 Galerie de La Renaissance, 96, 143 Dolléans, Édouard, 59 Galerie Georges Petit, 31, 96, 105, 137 Dominguez, Óscar, 8 Galerie Hébrard, 101 Dominique, 15, 117 (N. 136) Galerie Vavin-Raspail, 89 Douanier Rousseau, Henri Rousseau, Gallotti, Jean, 97 dit le, 16, 89 Garcin, Jeny Laure, 130 Doucet, Jacques, 8, 15, 72, 88, 95 Gascoin, Marcel, 75, 81, 96, 103, 128, Doucet, Jeanne, 88 129, 136, 141 Doumergue, Gaston, 39 Gaudin, Pierre, 130 Dourgnon, Jean, 23, 51, 81, 91, Gauthier, Maximilien, 84 112 (N. 1, 19), 128, 129, 141, 142, 143 Geffroy, Louise, 130 Draeger, Robert, 73, 131 Gellhorn, Alfred, 81, 120 (N. 243), 128

UAM BAT 15042018.indd 168 16/04/2018 17:02 George, Waldemar, 11, 98, 99, 104, 106, Hoyninguen-Huene, George, 7 169 109, 121 (N. 253) Ingrand, Max, 99 Germain, Louise-Denise, 130 Iribe, Paul, 10, 84, 88, 89, 98 Giacometti, Alberto, 11 Jean, René, 121 (N. 253) Giacometti, Diego, 11 Jeanneau, Guillaume, 121 (N. 253) Giedion, Sigfried, 16, 62 Jeanneret, Pierre, 19, 22, 28, 35, 63, 67, Ginsberg, Jean, 117 (N. 138), 80, 94, 127, 129 122 (N. 293), 128 Joubert et Petit, 117 (N. 136) Gleizes, Albert, 82, 110, 118 (N. 189), Jourdain, Francis, 8, 10, 15, 16, 21, 22, 121 (N. 250) 23, 24, 28, 29, 30, 32, 38, 43, 45, 51, Gompel, Marcel, 91, 131 55, 56, 57, 58, 60, 61, 64, 65, 67, 75, Górska, Adrienne, 129, 142, 143, 144 87, 90, 91, 102, 110, 112 (N. 1, 8), Gouffé, maison, 77, 120 (N. 229) 117 (N. 136), 118 (N. 170, 173, 174), Grault, docteur, 46, 151, 152 119 (N. 201), 121 (N. 268), 122 (N. 280), Gray, Eileen, 8, 15, 16, 22, 51, 62, 69, 124 (N. 334), 127, 128, 129, 136, 72, 88, 89, 90, 95, 102, 103, 112 (N. 1), 137, 139, 141, 142, 143, 144, 153, 154, 123 (N. 321), 127, 128, 155 155, 156 Griffith, David W., 51 Jourdain, Frantz-Philippe, 117 (N. 138), Gropius, Walter, 9, 12, 47 122 (N. 293) Guédon, André, 130 Jourdain, Frantz, 110, 129 Guenne, Jacques, 100 Jouvenel, Renaud de, 118 (N. 165) Guevrekian, Gabriel, 8, 15, 19, 62, 70, Jouvet, Louis, 82, 122 (N. 293) 87, 90, 91, 102, 103, 117 (N. 136), Kamenta, Michel, 130 122 (N. 274), 123 (N. 322), 124 (N. 334), Kandinsky, Vassily, 118 (N. 189) 129 Kemp, Mme, 131 Guillaume, Paul, 73, 131 Klotz, Blanche, 103, 128 Guilleré, René, 24 Kœchlin, Raymond, 70, 95, 119 (N. 206) Guillot, Émile, 104, 123 (N. 327), 128 Kohlmann, Étienne, 29, 32, 117 (N. 136), Hairon, Charles, 18, 27, 28, 29, 31, 136 32, 37, 38, 40, 42, 44, 48, 112 (N. 7), L’Herbier, Marcel, 15 113 (N. 49), 114 (N. 60, 72), 115 (N. 106), La Maîtrise, 44 153, 154, 156 La Semaine à Paris, 45,91 Halphen, M. et Mme, 132 Labbé, Edmond, 109 Hanssen, Théodore, 91 Labormétal, 44 Haye, M., 130 Labusquière, Léo, 130 Hébert-Stevens, Jean, 128 Lagrange, Léo, 59 Heim, Jacques, 72 Lalique, René, 89 Henry, Hélène, 16, 21, 22, 29, 51, 68, Lallemant, Robert, 21, 22, 30, 51, 68, 69, 72, 75, 76, 82, 91, 105, 69, 71, 75, 80, 95, 105, 112 (N. 1), 112 (N. 1, 8), 127, 128, 129, 136, 141, 118 (N. 186), 127, 128, 129, 137, 141, 142, 142, 143, 144, 153 143, 144, 153, 155 Herbst, René, 15, 16, 18, 21, 22, 23, 28, Lambert-Rucki, Jean, 81, 95, 103, 110, 29, 30, 31, 33, 34, 45, 51, 64, 66, 69, 122 (N. 283), 128, 129, 136, 141 75, 76, 81, 87, 91, 96, 102, 110, 111, 112 Lambiotte, Jean, 132 (N. 1, 8), 114 (N. 60), 117 (N. 138), 120 Lamothe, Géo, 29, 43, 136, 143, 155 (N. 243), 121 (N. 267, 268), 122 (N. 293), Lanux, Eyre de, 103, 104, 128 127, 128, 136, 137, 140, 141, 142, 143, Lasserre, Mme, 106 144, 153, 154, 155, 156 Lassus, baron de, 73, 131 Hériat, Philippe, 9 Laurencin, Marie, 89 Hermant, André, 111 Lazareff, Pierre, 24, 25 Hervé, Lucien, 7 Le Chevallier, Jacques, 15, 22, 51, 70, Hess, Charles, 90, 122 (N. 273) 75, 91, 95, 112 (N. 1), 119 (N. 206), 127, Hiriart, Joseph, 29, 32, 136, 156, 157 128, 129, 136, 153, 154, 155 Hoffmann, Josef, 11 Le Corbusier, Charles-Édouard Holt Le Son, Lucie, 23, 51, 75, 76, 81, Jeanneret, dit, 7, 11, 12, 16, 18, 19, 22, 112 (N. 1, 18), 117 (N. 136), 120 (N. 241), 23, 28, 35, 59, 60, 62, 63, 67, 78, 91, 128, 129, 137, 139, 141, 144 92, 93, 94, 98, 100, 102, 104, 107, Honegger, Arthur, 82, 144 118 (N. 168, 188, 190), 119 (N. 191), Houck, Roger, 130 120 (N. 233), 127, 129

UAM BAT 15042018.indd 169 16/04/2018 17:02 Le Même, Henry Jacques, 121 (N. 268) Martel, Jan et Joël, 15, 21, 22, 28, 45, Leck, Bart van der, 128 51, 72, 91, 110, 112 (N. 1), 128, 129, 136, 170 Léger, Fernand, 9, 57, 63, 82, 91, 110, 137, 139, 142, 143, 144, 153, 154, 155 118 (N. 169), 121 (N. 250) Martinie, Henri, 33 Legrain, Pierre, 15, 16, 22, 51, 64, Matisse, Henri, 118 (N. 189) 88, 89, 112 (N. 1), 117 (N. 136), 127, Matta, Roberto, 12 128, 154 Mauboussin, 44 Legrand, René, 130 Mauclair, Camille, 84, 98 Lehucher-Méry, Mme, 155 Mauriac, François, 11 Leleu, Jules, 35, 75 Metman, M., 142 Lelong, Lucien, 7 Migot, Georges, 82, 144 Lemeunier, Claude, 129, 143, 144 Miklos, Gustave, 22, 51, 64, 88, 89, 110, Lenoble, Jacques, 130 112 (N. 1), 121 (N. 271), 123 (N. 327), Lescot, Claire, 9 127, 128, 129, 136, 141, 142, 143, 144 Lévy, André, 131, 132 Milhaud, Darius, 82, 144 Lévy, Claude, 103 Modiglani, Amadeo, 89 Lipschitz, Jacques, 118 (N. 189) Moholy-Nagy, László, 9, 10, 47 Lods, Marcel, 82, 121 (N. 245) Mondrian, Piet, 8 Loos, Adolf, 11, 57 Montagnac, Pierre, 31, 117 (N. 136) Looze, Hervé de, 111 Monteux, Marcel, 131 Louis, André, 110, 117 (N. 138) Morancé, Albert, 73, 131 Loupot, Charles, 51, 118 (N. 186), 129 Moreau, Charles, 132 Lubetkin, Berthold, 128 Moreux, Jean-Charles, 16, 19, 23, 52, Luce, Jean, 21, 117 (N. 136) 68, 88, 89, 99, 106, 107, 109, 112 (N. 1), Lurçat, André, 19, 45, 56, 57, 58, 60, 113 (N. 19), 117 (N. 136), 124 (N. 337), 61, 62, 87, 102, 106, 117 (N. 136, 138), 128, 129 118 (N. 166), 122 (N. 293), 124 (N. 334), Morhange, 153 129, 143, 144 Morris, William, 12 Lurçat, Jean, 15, 56, 89, 91 Moser, Koloman, 11 Lyon, Gustave et Roger, 131 Moulaert, René, 89, 104, 121 (N. 271), Magritte, René, 7 123 (N. 327), 128 Maharaja d’Indore, 45, 70, 72 Mourey, Gabriel, 121 (N. 253) Maillol, Aristide, 118 (N. 189) Moussinac, Léon, 56, 121 (N. 253) Malclès, Laurent, 38 Murat, princesse, 73, 132 Mallet-Stevens, Robert, 8, 15, 16, 21, 22, Muthesius, Eckart, 45 23, 26, 28, 29, 30, 31, 34, 45, 51, 62, 65, Nagy, Eugène, 130 67, 68, 69, 70, 72, 73, 76, 82, 85, 88, Nasenta, Raymond, 8 89, 90, 91, 92, 93, 95, 96, 102, 103, 104, Natansson, Bolette, 107 105, 110, 112 (N. 1, 8), 117 (N. 136, 138), Nathan, 121 (N. 268) 119 (N. 194, 201, 203, 204, 205), 120 Nicolas, Joep, 81, 128 (N. 219), 121 (N. 266, 268), 122 (N. 274, Nizan, Paul, 55 284, 293), 123 (N. 327), 124 (N. 334), Noailles, vicomte Charles de, 8, 10, 11, 127, 128, 129, 136, 137, 139, 141, 142, 15, 72, 73, 90, 93, 103, 131, 132 143, 144, 153, 154, 155 Noailles, vicomtesse Marie-Laure de, 8, Malraux, André, 55 11, 15, 72, 93, 103, 132 Man Ray, 8, 11, 15, 51, 103, Nocq, Henri, 57 123 (N. 325), 128 Oelsnitz, M. d’, 41 Mandrot, Hélène de, 21, 103, 128, Oppenheim, Meret, 8 153 Ozenfant, Amédée, 11, 59, 78, 80, 120 Manes, Pablo, 22, 51, 112 (N. 1), 127, (N. 233) 128 Paalen, Wolfgang, 8 Manuel, Jacques, 8, 15 Pabst, Georg Wilhelm, 82, 144 Mare, André, 16 Paramount, 83 Margold, Emanuel Josef, 81, 128 Patou, Jean, 73, 131 Marinot, Maurice, 100, 101, Peignot, Charles, 73 123 (N. 312), 128 Penaat, Willem, 128 Marquardt, Marthe, 130 Perfecla, 75, 95 Marsan, Eugène, 100 Perriand, Charlotte, 8, 10, 21, 22, 23, 27, Marsan, Mlle, 106 28, 33, 34, 43, 44, 45, 46, 47, 52, 56,

UAM BAT 15042018.indd 170 16/04/2018 17:02 63, 67, 71, 90, 94, 102, 110, 112 (N. 1), Rothschild, Robert de, 72, 73, 107, 131, 171 115 (N. 87), 117 (N. 136), 118 (N. 168), 132 122 (N. 278), 127, 128, 129, 136, 139, Rouché, Jacques, 10, 72, 73, 131, 132 141, 154, 155 Rouff, Maggy, 7 Pevsner, Nikolaus, 12 Roussel, famille, 73, 131 Picabia, Francis, 88 Royère, Jean, 12, 45, 76, 77, 78, 80, 120 Picasso, Pablo, 16, 63, 88, 89, (N. 227, 230), 130, 148 118 (N. 189) Ruaud, Paul, 89 Pickford, Mary, 51 Ruhlmann, Jacques-Émile, 16, 39, 67, Pierhal, Armand, 98, 99, 100 116 (N. 110), 117 (N. 136) Pingusson, Georges-Henri, 67, 72, 96, Sabatou, Jean-Paul, 117 (N. 138), 122 110, 117 (N. 138), 119 (N. 201), (N. 293) 122 (N. 293), 124 (N. 334), 129 Sabino, 130 Pitoëff, Georges, 82 Saint-Gobain, 45 Plantier, Marc du, 99 Saint, André, 131 Platon-Argyriades, Nicolas, 130 Saint, Max, 130 Pleyel, 131 Salomon, André, 22, 52, 75, 91, 95, Pleytel, Me, 140 112 (N. 1), 119 (N. 203), 122 (N. 274), Plumet, Charles, 57 127, 128, 129, 136, 141, 142, 143, 144 Poillerat, Gilbert, 99 Sanchez Abreu, M, 131 Poincaré, Raymond, 115 (N. 102) Sandoz, Gérard, 21, 22, 22, 44, 68, 69, Poiret, Paul, 8, 72, 121 (N. 268) 74, 95, 112 (N. 1), 127, 128, 129, 137, Poirier, Jean, 111 153, 154, 155 Polsterer, Hilda, 103, 128 Sardou, Victorien, 11 Popoff, Constantin, 130 Sartoris, Alberto, 24, 81, 113 (N. 25), Posener, J., 117 (N. 138), 122 (N. 293) 120 (N. 244) Poulenc, Francis, 82, 144 Sauguet, Henri, 82, 144 Primavera, 75 Sauvage, Henri, 118 (N. 174) Printz, Eugène, 44, 45 Scholefield, Percy, 34 Prou, René, 44, 117 (N. 136) Sedeyn, Émile, 121 (N. 253) Prouvé, Jean, 21, 22, 52, 69, 71, 75, 90, Selmersheim, Pierre, 28, 32, 42, 153, 156 91, 111, 112 (N. 1), 127, 128, 129, 132, Selmersheim, To ny , 57 137, 139, 153 Selz, Georges, 73, 120 (N. 219) Puiforcat, Jean, 15, 21, 22, 31, 38, 52, Séré, Guillermo, 131 64, 68, 69, 72, 74, 75, 103, 112 (N. 1), Smith, Hélène, 11 114 (N. 57, 65), 115 (N. 99), 117 (N. 136), Sognot, Louis, 23, 45, 52, 70, 72, 75, 120 (N. 222), 123 (N. 323), 127, 128, 76, 112 (N. 1, 18), 117 (N. 136, 138), 129, 131, 137, 143, 144, 149, 154, 155 122 (N. 293), 128, 129, 136, 141, 143 Puiforcat, Louis, 72, 132 Sonrel, Pierre, 131 Racine, André, 131 Steinlen, Marguerite, 21, 130, 153 Rambosson, Ivanhoé, 121 (N. 253) Stern, baron, 73, 131 Rameil, Pierre, 40 Sternberg, frères, 59 Rapin, Henri, 18, 32, 38, 112 (N. 7) Studal, 44 Ravel, Maurice, 82, 144 Sue, Louis, 16, 109 Ravesteyn, Sybold van, 8 Survage, Léopold, 110 Reifenberg, Mme, 90 Tachard, Jeanne, 72, 132 Reimer, Alexandre, 130 Tailleferre, Germaine, 121 (N. 249) Rémon, Georges, 121 (N. 257) Tardieu, André, 18, 31, 39, 112 (N. 6), Renault, famille, 73, 131 115 (N. 106), 116 (N. 109) Révai, Eva, 130 Teige, Charles, 137 Rey, Robert, 121 (N. 253) Templier, Paul, 72, 155 Richet, M., 132 Templier, Raymond, 15, 16, 21, 22, Rietveld, Gerrit, 128 24, 25, 29, 30, 38, 52, 62, 64, 68, Rigault, 121 (N. 268) 69, 72, 74, 75, 76, 96, 102, 103, 105, Rim, Carlo, 129 112 (N. 1, 15), 114 (N. 65), 115 (N. 99), Roditi, Mme O., 132 119 (N. 194), 123 (N. 319, 323), 128, Roger-Marx, Claude, 121 (N. 253) 129, 131, 132, 136, 137, 139, 141, 142, Rosenberg, Léonce, 72, 73, 131 143, 144, 146, 147, 149, 153, 154, 155, Rothschild, Henri de, 72, 73, 131, 132 156, 157, 158

UAM BAT 15042018.indd 171 16/04/2018 17:02 Temporal, Marcel, 87, 121 (N. 268) Terry, Emilio, 7, 8, 11, 12, 94, 172 122 (N. 277) Thiébault-Sisson, François, 85, 142 Thonet, 35, 94, 104 Tise, Suzanne, 113 (N. 48), 117 (N. 129) Tisserand, Ernest, 10, 23, 27, 33, 34, 35, 36, 37, 44, 71, 72, 80, 113 (N. 49), 115 (N. 93), 120 (N. 231), 121 (N. 253, 257), 147 Tranchant, Jean, 130 Triolet, Elsa, 102 Trivas, Victor, 82, 144 Trochain-Ménard, Maurice, 130 Tubor, 67 Tuck, Edward, 131 Tzara, Tristan, 11 Umbdenstock, Gustave, 84 Vago, Pierre, 105, 117 (N. 138), 122 (N. 293) Vaillant-Couturier, Paul, 56 Vaillat, Léandre, 121 (N. 253) Valensi, Henri, 130 Valéry, Paul, 54 Van Cleef & Arpels, 130 Van Melle, Joseph, 82 Varenne, Gaston, 97, 104, 113 (N. 28) Vigo, Jean, 82, 144 Vitry, Paul, 115 (N. 101) Voisin, famille, 73, 131 Vox, Maximilien, 118 (N. 186), 129, 144 Vuitton, Gaston-Louis, 76, 77, 80, 120 (N. 226), 130, 146 Weill, Alain, 118 (N. 179) Weill, Kurt, 82, 144 Werth, Léon, 10, 25, 71, 72, 97, 113 (N. 28) Windels, Fernand, 130 Wyld, Evelyn, 103, 128 Yribarren, René, 111 Zadkine, Ossip, 104, 123 (N. 327), 128 Zahar, Marcel, 26, 71, 100, 107 Zunz, Robert, 132

UAM BAT 15042018.indd 172 16/04/2018 17:02 173 Les auteurs

Historienne de l’art, Cécile Tajan est diplômée de l’université de Paris IV-Sorbonne et de l’École du Louvre. Elle se spécialise dans les arts décoratifs du xxe siècle, et notamment la période de l’entre- deux-guerres. Le présent ouvrage est issu d’un travail de recherche mené sous la direction de Bruno Foucart et de Jean-Louis Gaillemin. Cécile Tajan termine actuellement une thèse de doctorat consacrée à Jacques Adnet et à la Compagnie des arts français. Elle est spécia- liste au département Art déco d’Artcurial.

Jean-Louis Gaillemin mène de front la recherche plastique et l’écriture. Décorateur au Palace puis collagiste, il s’est lancé dans le journalisme en créant Beaux-Arts magazine et L’Objet d’art. Il a ensei- gné l’histoire de l’art contemporain et du design à Paris IV-Sorbonne. Il est l’auteur aux Éditions Norma d’André Dubreuil, 2006, d’Hubert Le Gall, 2013, et de Pucci de Rossi, 2017, et le coauteur, avec Bruno Foucart, des Décorateurs des années 40, 1998. Il a préfacé l’ouvrage Jean Royère de Pierre-Emmanuel Martin-Vivier en 2017.

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UAM BAT 15042018.indd 174 16/04/2018 17:02 175 Remerciements

Je remercie en tout premier lieu Bruno Foucart†, qui a dirigé ma maîtrise d’histoire de l’art, mais aussi Jean-Louis Gaillemin, qui m’a incitée et encouragée à entreprendre cette étude, ainsi qu’Arlette Barré-Despond, qui m’a apporté son aide et ses conseils dans l’élaboration de ce travail.

Ma gratitude s’adresse à la bibliothèque des Arts décoratifs, et tout particulièrement à Guillemette Delaporte, qui m’a facilité l’accès aux archives de l’UAM.

Mes remerciements s’adressent également à la Société des artistes décorateurs, qui a mis ses archives à ma disposition.

Toute ma reconnaissance va par ailleurs, pour leurs conseils et leur soutien, à : Yves Badetz, Jacques Barsac, Raphaèle Billé, Yvonne Brunhammer, Élise Koering, Francis M. Lamond, Pierre-Emmanuel Martin-Vivier, Pierre Tajan ;

et aux départements Art déco et Design d’Artcurial : Sabrina Dolla, François Tajan, Emmanuel Bérard, Claire Gallois, Capucine Tamboise, Fabien Naudan, Alma Barthelemy et Hervé Poulain.

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Achevé d’imprimer en avril deux mille dix-huit sur les presses de Jouve, France

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