UAM Les Modernes À L'épreuv E

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UAM Les Modernes À L'épreuv E Métal contre bois, industrie contre artisanat, équi- pement contre décoration, peuple contre élite. La création Les modernes à l’épreuve de l’Union des artistes modernes (UAM), en 1929, par René Herbst, Francis Jourdain, Robert Mallet-Stevens, Hélène Henry et Raymond Templier, est souvent présentée comme une scission des « modernes » contre les « anciens», réunis au sein de la Société des artistes décorateurs (Sad). Ces modernes, auxquels se joindront Pierre Cécile Tajan Chareau, Eileen Gray, Le Corbusier, les frères Martel, Charlotte Perriand, Jean Prouvé et bien d’autres, militent pour un art fonctionnaliste, sans ornement, destiné au plus grand nombre. Ils auraient tourné le dos aux Décora- teurs et à l’artisanat de luxe, incarné par l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925, pour créer un mouvement en phase avec les besoins de leur époque. Cet ouvrage retrace les moments décisifs de cette scission et la naissance de l’UAM, en s’appuyant notam- ment sur les archives des deux groupements comme sur de nombreux documents d’époque. Le contexte comme les difficultés rencontrées par les modernes et les Décorateurs — esthétique, fabrication, diffusion, réception —, les amitiés durables entre les créa- teurs de ces deux groupes comme les dissensions existant au sein de l’UAM permettent de faire la lumière sur ce moment charnière de l’histoire des arts décoratifs, du design industriel et de l’architecture et de l’ancrer dans les bouleversements de l’époque, entre crise éco- nomique de 1929 et incertitudes sur l’avenir. Cécile TAJAN, historienne de l’art, est spécialiste au département Art déco d’Artcurial. Jean-Louis GAILLEMIN, historien de l’art, mène de front la recherche plastique et l’écriture. UAM Les modernes à l’épreuve 19 € Cécile Tajan Préface Jean-Louis Gaillemin UAM COUV BAT EXE.indd 1 16/04/2018 16:34 2 UAM Les modernes à l’épreuve Cécile Tajan Préface de Jean-Louis Gaillemin UAM BAT 15042018.indd 2 16/04/2018 17:02 UAM BAT 15042018.indd 1 16/04/2018 17:02 2 UAM Les modernes à l’épreuve Cécile Tajan Coordination éditoriale Matthieu Flory Préface de Jean-Louis Gaillemin Révision Anne-Claire Juramie, Lorraine Ouvrieu Direction artistique Vincent Gebel ISBN 9782376660156 © Éditions Norma, 2018 149 rue de Rennes, 75006 Paris France www.editions-norma.com UAM BAT 15042018.indd 2 16/04/2018 17:02 UAM Les modernes à l’épreuve Cécile Tajan Préface de Jean-Louis Gaillemin UAM BAT 15042018.indd 3 16/04/2018 17:02 6 Biceps et bijoux Jean-Louis Gaillemin 4 14 Pour une histoire au-delà de l’instant 20 1929, le temps de la rupture 21 La crise du Salon de 1929 21 De la discorde à la fondation de l’UAM 23 La thèse officielle : le système nerveux détaché du corps 27 La Sad et les dissidents de l’UAM 27 Intransigeance de la Sad ? 28 Des tentatives de conciliation 31 L’UAM responsable de la désunion ? 33 Les modernes : pourquoi faire bloc ? 33 Une unité de choc pour affronter la concurrence 34 « En ce temps-là, l’argent ne rentrait pas » 35 Un refus des règles établies 38 Les orientations de la Sad en 1929 38 Un Salon officiel 42 La Sad et les industriels 43 La Sad et l’art moderne 46 Le « boarding house » du Deutscher Werkbund 50 L’UAM, groupement d’idées ou d’intérêts ? 51 Raisons d’être et buts de la nouvelle Union 51 Des artistes en sympathie de tendance et d’esprit 52 Pour l’art moderne, cadre de la vie contemporaine 54 L’UAM : un choix idéologique ? 54 Crise intellectuelle et engagement politique des artistes 57 Des passeurs entre action politique et action créatrice 60 Pour le salut moral et spirituel de l’homme moderne 61 Les limites de la notion de « communauté de valeur et d’esprit » 64 Les expositions de l’UAM : entre idéal collectif et intérêt individuel 67 L’UAM et l’art pour tous 67 Artisanat et industrie 69 Le modernisme : style ou éthique ? 71 « Adorer Vulcain ne suffit pas » 72 Les membres bienfaiteurs ou le Who’s Who de 1930 74 L’UAM : un corporatisme non avoué 74 Des artisans modernes 76 Les refusés de l’UAM 80 Un mouvement moderne 84 Entrer dans la lutte : le manifeste de 1934 UAM BAT 15042018.indd 4 16/04/2018 17:02 5 86 L’UAM : symptôme des difficultés des modernes ? 87 Au soir de dix belles années de mécénat privé 87 Sous la protection de mécènes avant-gardistes 92 Quand l’aventure moderne bascule 94 Les modernes face à la crise financière 97 Un nouveau regard sur les modernes 97 Des espoirs déçus 98 Pour un retour à la grâce 100 Quand les artistes s’éloignent de l’UAM 100 Des modernes indépendants 101 De timides engagements 105 L’appel du classicisme 108 Crépuscule 110 25 ans d’UAM 112 Notes 126 Annexes 127 UAM : membres, invités et refusés 133 Buts et objectifs de l’UAM, avant-projet pour le manifeste, Paris, 1933 136 Procès-verbaux de l’UAM 151 Procès-verbaux et extraits du Bulletin de la Sad 161 Bibliographie sélective 167 Index 175 Remerciements UAM BAT 15042018.indd 5 16/04/2018 17:02 Biceps 6 et bijoux Jean-Louis Gaillemin UAM BAT 15042018.indd 6 16/04/2018 17:02 7 En 1929, Le Corbusier termine un penthouse au sommet d’un hôtel particulier en haut des Champs-Élysées. L’architec- ture est stricte, les murs nus, les baies immenses, le toit est en terrasse. Les photographies sévères de Lucien Hervé exaltent le purisme des volumes et, dans son commentaire, l’architecte encense « les jardins suspendus, éloquente réponse à la campagne payée de messieurs les fabricants de tuiles et d’ardoises » et vante les 4 000 mètres de câble électrique utilisés dans la maison. L’épithète « électrique » scande nerveusement le commentaire exalté du propagandiste. Mais ce qu’il oublie de dire, c’est que la fée Électricité, confinée dans la salle de bains et les pièces de service, se contentait de faire coulisser les baies, les cloisons, les haies du jardin, l’éclairage lui-même étant assuré « à la bougie ». Les bougies étaient, il est vrai, placées dans de monumen- taux lustres et appliques en cristal de roche fichés sur des miroirs de Venise en cristal gravé. Dans le salon, le cube de béton de la cheminée, très vite tempéré par un rinceau de palmettes en plâtre, est surmonté d’un miroir baroque en bois doré. L’escalier hélicoïdal se love autour d’une barre revêtue de cristal de Baccarat. Les roton- dités des confortables fauteuils Napoléon III et le vaste pouf capi- tonné reposent sur une moquette. Un bureau Boulle est placé contre les bibliothèques « intégrées » du puriste. Vogue y fait photographier les « discrets décolletés » de Maggy Rouff et de Lucien Lelong par George Hoyningen-Huene devant les volutes rococos d’une commode laquée de blanc. Mêmes échos de féerie baroque dans la salle à manger, sous le regard d’un Maure d’opéra aux plumes d’autruche en porcelaine. Dans les hauteurs, le penthouse prend des allures de Nautilus. On ne peut apercevoir Paris que lorsque les haies d’arbus- tes glissent soudain dans le sol pour l’enchantement des invités, ou si l’on entre dans la salle obscure du périscope qui projette sur une plaque blanche le panorama de la Ville lumière. Au sommet, recou- verte de gazon frais et close de murs, la « chambre du soleil » est un salon en plein air. La cheminée rococo en céramique est surmontée d’un miroir vide qui se détache à moitié sur le ciel comme un Magritte. « Un pot-pourri incroyable de Napoléon III, Le Corbusier, moder- nisme, mécanisme et surréalisme », raconte Cecil Beaton dans ses souvenirs. Charles de Beistegui, une des figures de la Café Society de l’époque, témoigne dans les années cinquante de son expérience moderne : « J’ai beaucoup aimé l’art moderne, mais avec les années, je me suis aperçu que tout ce qui était “mouvement moderne” abou- tissait à une impasse. Au vide de l’abstraction en peinture, au vide des intérieurs dépouillés des années trente. » Juste avant la guerre, il fera appel à Emilio Terry pour repenser et agrandir dans un néo- classique imaginaire « style Louis XVII » son château de Groussay. UAM BAT 15042018.indd 7 16/04/2018 17:02 Même écho chez Charles de Noailles qui, avec sa femme 8 Marie-Laure, a été très tôt un chaud partisan des modernes, en com- mandant dès 1923 à Robert Mallet-Stevens, une « petite maison moderne » à Hyères : « Nous avions ma femme et moi expérimenté dans notre petite maison d’Hyères plusieurs innovations qui se sont révélées déplorables », se plaira-t-il à répéter dans les année soixante avant la rénovation de ce qui est aujourd’hui la villa Noailles. Il avait fait appel pour son aménagement à Pierre Chareau, Djo-Bourgeois, Eileen Gray, Francis Jourdain, Louis Barillet et Theo van Doesburg. Sybold van Ravesteyn y installa une chambre autour d’un Piet Mon- drian. Le jardin cubiste fut conçu par Gabriel Guevrekian, assistant de Mallet-Stevens. Man Ray y tourna son film Les Mystères du châ- teau de Dé et Jacques Manuel Biceps et bijoux à la gloire de cet hygiénisme luxueux. À Paris, dans leur hôtel de la place des États- Unis, c’est Jean-Michel Frank qui conçoit le grand salon aux murs revêtus de parchemin. Raymond Nasenta réalise le « boudoir moder- ne » de Marie-Laure avec quelques meubles de métal et verre signés Charlotte Perriand et Pierre Barbe.
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