Quand les étangs de Saint-Eloi faillirent disparaitre au XIX e siècle Origine des étangs Jusqu’au moyen âge le pays de la Dombes géographique était couvert d’une vaste foret trouée par quelques ‘’leschères ‘’ (marécages). Les étangs furent une création artificielle à l’origine développé par des communautés religieuses (au XI e siècle par les moines pour leur alimentation) puis par les seigneurs féodaux qui y trouve une bonne rentabilité, ceux-ci le font librement sans aucune résistance et pour cause la Dombes est un pays ruinée et dépeuplée, certains étangs remplaceront même des habitats, ensuite l’extension se poursuit jusqu’au XVIIIe siècle. Sur le territoire de Saint- Eloi il y aura 5 étangs, Grand et petit Clachères, Boisset, Vavre et Armont. Les étangs sont créés dans les faibles dépressions du terrain que l’on a barrées par une digue ou chaussée de terre, et au centre est une vanne ou petite écluse (le thou) autrefois en bois de chêne. Ils sont alimentés par les eaux de ruissellement et les pluies. Leur exploitation suit un cycle généralement triennal : mise en eau de 2 ans pour l’élevage piscicole (évolage) et mise en culture de un an pour l’assec céréalier. Sous l’ancien régime le propriétaire de l’eau est un noble ou un ecclésiastique il est plus avantagé grâce au revenu de la pèche (plus sur) que ne l’est le propriétaire du terrain (en principe un bourgeois) dont le rendement est bien moindre. La polémique à propos des étangs Commencée au milieu du XVIIIe siècle le système des étangs fut mis au banc des accusés entre ceux qui veulent les assécher pour une meilleure exploitation des sols (surtout la bourgeoisie Lyonnaise) et ceux qui considèrent que c’est une richesse (grands propriétaires, nobles et clergé). En réalité plusieurs causes seront à l’origine de cette polémique : Social : l’on accusait les étangs de tous les maux (maladie, fièvre, paludisme, mortalité) d’où appauvrissement et mortalité de la population. Economique : le progrès agricole qui remet en cause l’utilité des étangs, les assécher augmenterait la surface de terrain à cultiver, aussi on peut améliorer les voies de communication. Politique : les restes de féodalité et privilèges concernant la répartition inégale des revenus entre propriétaires (noblesse propriétaire de l’évolage) contre bourgeoisie propriétaire du terrain (assec). La révolution et la vente des biens nationaux mettra un terme à la dispute et le 20/09/1792 une loi est votée pour le desséchement suivie d’une autre en 1793 qui ordonnait le dessèchement immédiat et absolu des étangs dans les 2 mois, cette loi ne fut pas exécutée. En 1830 on réveilla la polémique, les nouveaux acquéreurs de ses terres et étangs se recrutant principalement dans la paysannerie aisée, la bourgeoisie rurale et la bourgeoisie lyonnaise c'est-à-dire dans les rangs des pourfendeurs du système des étangs prétextant que les étangs sont insalubres. En 1850 l’aménagement de la Dombes des étangs fut regardé comme une question d’état (en réalité plutôt guidé par la construction d’une voie de chemin de fer et de routes). L’état s’engagea donc à prendre une loi en 1859 sur le dessèchement, assortie de primes d’encouragement et d’éviction. Le dessèchement ne fit bien sur pas l’unanimité et son exécution entraina des divisions. Les partisans du dessèchement obtinrent finalement gains de cause sous le second empire et en 1856 sous l’impulsion du conseil général de l’ et du comité ( lobby constitué de notables , grands propriétaires Dombistes ou lyonnais ) une loi est promulguée dite ‘’ de licitation ‘’qui permet de passer outre les blocages nés de l’indivision entre les propriétaires d’un même étang tout en utilisant les ressources conjuguées du code civil et de l’expropriation pour utilité publique ( construction de routes et chemins de fer ) , aussi la surface en eau des Dombes passa de 20000 ha à 8700 ha en 1874.

A Saint-Eloi deux étangs vont êtres considérés comme insalubre : Le grand Clacheres 12 ha qui se déverse dans le petit clachères et l’étang Boisset 12ha qui se déverse dans celui de Vavre L’étang dit de grandes Clachères fera l’objet d’une vente par licitation le 16 aout 1859. Cet étang avait 5 propriétaires : dont 2 rentiers Gabriel PASSERAT de la Chapelle et Jean FAUCHER les autres étant cultivateurs ou cultivateurs propriétaires demeurant à Saint-Eloi. Vente aux enchères avec mise à prix de 4000Frs. L’étang dit Boisset fera également l’objet d’une vente par licitation le 16/08/1859.Cet étang avait 14 copropriétaires : dont 2 rentiers Benoit THIBAUDIER négociant de LYON et Jean FAUCHER les autres cultivateurs ou cultivateurs propriétaires demeurant à Saint-Eloi. Mise à prix 7000Frs. Puis viendra celui de petites clachères le conseil municipal de Saint-Eloi signale l’insalubrité de l’étang et en demande sa suppression le 07/09/1871. Saint-Eloi ne voulait plus de ses étangs.

Le maire de Saint-Eloi A.F. FIARD (maire de 1848 à 1861) avait pour adjoint Monsieur Jean FAUCHER. Ce Jean FAUCHER fit en 1863 un mémoire (de 20 pages) à son excellence le ministre de l’agriculture du commerce et des travaux publics sur le dessèchement du Grand Clachères et sur la question des étangs dépendants dans la Dombes. Puis en 1865 il fit une pétition (16 pages) pour le dessèchement d’un étang de la Dombes cette pétition fut discutée au sénat en séance du 27/02/1866, Jean FAUCHER était partisan de l’assèchement mais de façon modérée et progressive. Etant propriétaire d’étangs qu’avait-il à gagner à s’en séparer ?? Le futur maire Frédéric FOURNIER était du même avis, n’a t’il pas planté 10000 sapins dans la vallée du Longevent afin d’assainir le pays .Pensons plutôt que ces hommes croyants et pratiquants avait le souci du bien être de leurs concitoyens, il pensait que la misère physique des habitants des Dombes avait pour cause la proximité des étangs comme le disait bon nombre de médecins de l’époque. Voici ce qu’en disait : Le docteur M.BOTTEX de la société de médecine de Lyon en 1840 : ‘’ On reconnait l’indigène de la Dombes à son teint blême et terreux , à ses traits allongés , ridés ou bouffis , à l’expression terne et languissante , hébétée de son regard , à la flaccidité des ses chairs , à la mollesse de ses mouvements , à ses jambes grêles sillonnées de grosses veines ou frappées d’ulcères variqueux , à l’énorme saillie de l’abdomen ,saillie qui provient ordinairement de l’engorgement de la rate etc.…etc.… Le chanoine François MARTIN : ‘’ il a la mine abattue, le corps débile, l’esprit borné, tempérament aussi sombre que sa demeure tapie aux fonds des marais fangeux ‘’ (le clergé s’était aussi rallié aux déssécheurs, à cela une raison, l’implantation en 1863 d’une abbaye au Plantay ; Notre Dame des Dombes sur des terrains occupés par des étangs.) Monsieur BOSSI préfet de l’Ain en 1808 : ‘’Tous les Dombistes ont un teint pale et livide, l’œil terne et abattu, les paupières engorgées, les épaules étroites, la poitrine resserrée, la peau sèche et inondée de sueurs débilitantes ils sont vieux à 30 ans, cassés et décrépis à 40 ans. Le Docteur VAULPRE en 1849 écrit au sujet des maisons : ‘’ Les maisons des Dombes sont toutes construites en pisé ; elles sont étroites, sombres et humides. L’eau suinte de toutes parts dans les appartements ; le bas des murs jusqu’à une hauteur de 1 mètre, se couvre d’un byssus vert. Les pieds des lits et des armoires pourrissent en peu de temps , les souliers s’y couvrent de moisissures , le sel , quoique placé dans le voisinage du foyer , est constamment humide , le fer se couvre de rouille Souvent les maisons sont situées plus bas que le sol environnant de telles sortes que les eaux de pluies et de fumier pénètrent fréquemment dans l’habitation , qui n’est ni carrelé ; ni boisée , aussi se trouve-t-on dans la boue ; les fenêtres ne sont n’y assez nombreuses , ni assez grandes ; lorsque les portes sont fermées on n’y voit pas clair au milieu du jour etc.….etc. ….(celui ci n’avait pas tout à fait tort et on peut de nos jours le constater, beaucoup de nos anciennes fermes étaient très humide .) Ce qui est plus sur c’est que le mauvais état sanitaire des habitants étaient plutôt dus à une alimentation insuffisante et à une mauvaise qualité de l’eau (eau de récupération), les habitations mal chauffées, hygiène déplorable et des travaux pénibles. A noter que le fumier était disposé à l’entrée des habitations, peigné avec un râteau il était un signe de richesse, le problème c’est que la mare (bassin ou on avait extrait la terre à pisé pour construire la ferme) et ou on y puisait l’eau à consommer était toute proche et bien sur contaminée. Aussi beaucoup pensait que ce sont les étangs qui étaient la cause de tous les maux.A noter que l’existence du paludisme n’a jamais été démontré. Francisque GUILLEBEAU soyeux Lyonnais et maire du Plantay fut aussi un des partisan les plus acharné à la disparition des étangs afin soi disant de rendre la Dombes plus heureuse par la bonne culture et l’élevage des bestiaux. En 1860 nous trouvons son nom en tète d’un mémoire présenté au conseil général en compagnie de Gabriel PASSERAT de la Chapelle () , J.Richard ( ), Cognet de la Roue( ), de Valbreuse( Saint trivier sur Moignans) , de Tricaux (Ambérieux en Dombes) ,Jules Julien ( Saint Jean de Niost ) des Garets ( Ars ) Clément Desormes ( Le Chatelard ) Claudius Morgon ( Chatenay ) Laurent Nivier ( La saulsaie ) A. de la Batie , le Viconte de Peloux , et bien sur notre Jean FAUCHER (Saint-Eloi ) , cocorico ! Antoine MANIGAND de Vonnas dans son livre ‘’les étangs de la Dombes ‘’ en 1902 écrivait à leurs propos : ‘’tous ces hommes ont droit au souvenir de leur vie pour leurs actions d’humanité ‘’.

Les partisans du dessèchement, par une conjonction d’intérêts, d’espoirs et de dévouements mêlant buts agricoles et spirituelles souhaitaient sauver cette région plutôt déshéritée. Puis le temps passe et Le docteur PASSERAT en 1897 écrira un livre ‘’mouvement de la population de la Dombes’’ il argumente que le dessèchement des étangs n’a pas fait croitre la population comme on aurait pu le penser et pour cela il étudia la population de 3 villages : Saint-Eloi , et Lapeyrouse il observe que la population de ces villages a plutôt décliné depuis la disparition des étangs et qu’on y observe une émigration très marquée de la population. D’autres constats diront que le dessèchement des étangs à conduit après plusieurs années de culture à un dépérissement des sols d’ou des sols de moindres valeurs. Bref, revirement de situation, la loi Bérard (député de l’Ain) du 25/11/1901 autorise finalement la remise en eau des étangs .C’est alors que ceux qui avaient gardés leurs étangs en eau, protestèrent (en principe de très grands propriétaires qui avait refusé les primes) , ils s’y opposaient car cela contribuait à une chute du prix des poissons dont ils avaient maintenant le monopole. Que dire aussi des primes qui furent données aux propriétaires qui ont asséchés leurs étangs et qu’ils ne rendront que partiellement lorsqu’ils les remirent en eau .On peut dire que le dessèchement des étangs fut déplorable pour nos cultivateurs par contre très fructueux pour les habiles financiers qui l’ont conduit (achat d’action à la compagnie des Dombes) . Revenons à Jean FAUCHER celui-ci était natif de Niévroz et marié le 07/07/1829 à Annette PLANTIER de Saint Maurice de Gourdans , il était négociant à LYON 3 ème ( fabricant de produits chimiques probablement pour la soierie ) et propriétaire entre autres sur la commune de Saint-Eloi depuis 1846. Il nous fit don le 16 Mai 1857 de la croix située à l’entrée du village sur laquelle est indiqué en latin ‘’Salut o croix notre unique espoir ‘’ (c’est le refrain d’un hymne latin écrit par Fortuna évêque de Poitiers au VII e siècle). Il décèdera à sa propriété de Saint-Eloi le 27/08/1875 il avait 73 ans, son fils François héritier et propriétaire à Assieu (Isère) décèdera aussi à Saint-Eloi le 22/05/1898.

Aujourd’hui une autre menace apparait, c’est celle de la grippe aviaire, nos étangs seront t-ils de nouveau asséché ??