Rapport de présentation du projet de classement au titre des sites (art. L.341-1 du code de l’Environnement)

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête Communes concernées : Cevins et La Bâthie () Photographie de couverture (© DREAL AURA) : Vue aérienne des lacs de la Tempête et du massif du Grand Mont (Cevins, Savoie).

Ci-contre : Chemin d’accès au col de La Bâthie (Beaufort-sur-Doron). @ Vincent Neyrinck

2 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête SOMMAIRE

Introduction et situation p. 4 Un patrimoine minéral p. 29 Origine du projet p. 6 - Une frontière entre le Beaufortain et vallée de l’Isère p. 30 Une qualité paysagère préservée p. 7 - Géomorphologie glacière des lacs p. 31 Les unités paysagères p. 9 Un milieu naturel remarquable p. 33 - Bellachat p. 9 Une faune et une flore typique alpine p. 34 - Lavouet p. 10 • Carte des deux Znieffs p. 35 - Col de La Bâthie p. 11 - Un grand intérêt biologique p. 36 - Les ardoisières p. 12 - Les lacs de la Tempête p. 13 Des usages en évolution p. 37 - La Grande Maison p. 14 - Les usages traditionnels p. 38 - Comborsier p. 15 - Les nouveaux usages du site p. 38 - Le Bénétant p. 15 La proposition de classement p. 41 - Les Grandes Ravines p. 16 - La justification du classement p. 42 - Le périmètre de classement p. 42 Des paysages historiques p. 17 • Carte de délimitation du site p. 43 Les alpages p. 18 • Limite du site sur fonds BD ortho p. 44 - Les alpages d’hier p. 18 - Les orientations de gestion p. 45 - Les alpages d’aujourd’hui p. 22 - La procédure et les effets de classement p. 46 Les ardoisières p. 23 - Les modalités d’enquête publique p. 47 Conclusion p. 48 Des lacs et des cascades p. 25 Les lacs p. 26 Annexes p. 49 Les cascades p. 28 Archives sur les ardoisières p. 50

Étude réalisée par : Olivier Pasquet, architecte-géographe, auteur des photos dont le crédit n’est pas précisé. Septembre 2017

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 3 Introduction © Pascal Joly

Dans l’axe du Mont Blanc, le col de La Bâthie, vu de la Dent du Corbeau (Esserts-Blay, Savoie). tent l’accès aux plus grandes stations Le Grand Mont domine, sur son versant touristiques de Savoie (, Les Sud-Ouest, un ensemble de vallées Ménuires, La Plagne, Les Arcs, , d’altitude plongeant vers la grande val- Val-d’Isère, etc.), si ce n’est son débou- lée de la Tarentaise. Parmi ces vallées, ché sur la vallée de l’Isère, à hauteur du les vallées confluentes des lacs de La- hameau d’Arbine (La Bâthie). vouet aux lacs de la Tempête, creusées Pour en avoir une vue générale, il faut par les ruisseaux de l’Arbine, du Béné- se hisser sur les sommets des commu- Le site positionné sur une carte Michelin. tant et leurs affluents, caractérisées par nes voisines d’Esserts-Blay et de Saint- leur qualité et leur cohérence paysagè- Paul-sur-Isère (voire un peu plus loin de re, sont proposées au classement. Pussy-La Léchère et de Bonneval-Ta- rentaise) ; les versants pentus, en vis- Compte tenu de la configuration topo- à-vis du site, sont pour l’essentiel cou- graphique de la vallée de la Basse Ta- verts de forêts qui ferment les points de rentaise, où se situent les chef-lieux des vue. deux communes concernées par le pro- Seuls les sommets, offrent une large jet de classement, Cevins et La Bâthie, vue d’ensemble sur le site, avec en le site envisagé pour un classement (art. arrière plan le massif du Mont Blanc. L.341-1 du code de l’Environnement) Pourtant, depuis les points culmi- est peu visible depuis le fond de vallée, nants de ce versant (La Grande Lan- occupé par des axes de communica- che -2 110 m- et la Dent du Corbeau tion particulièrement fréquentés (ligne -2 286 m-) il est impossible de voir si- ferroviaire /Bourg-Saint-Mau- multanément l’intégralité des deux val- rice et route nationale 90) qui permet- lées qui descendent du Grand Mont. Vue sur la partie basse du site, depuis la RN 90, à la hauteur du chef-lieu de La Bâthie (Savoie).

4 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête Le Grand Mont, 2 686 m (à droite) et le massif des Pointes de Bizard et Comborsier et de la Tournette, vus du Grand Crêtet, sur la commune de Naves/La Léchère. Les sommets de la Grande Pointe de Bizard (2 507 m) et de la Pointe de Com- borsier (2 534 m), masquent le plateau des Lacs de la Tempête. L’accès au site proprement dit se fait à partir des routes et pistes carrossa- bles qui conduisent jusqu’aux alpages des vallées précitées : “montagnes” de Bénétant pour la vallée du Bénétant ; de la Grande Maison pour la vallée du Couard, du Nant du Beurre, pour la haute vallée de Naves. Mais, une grande partie de la fré- quentation du site s’opère à partir du Beaufortain voisin et du versant sep- tentrional du Grand Mont (barrage de Saint-Guérin, village du Planey d’Arê- ches-Beaufort), car l’itinéraire allant du col de La Bâthie/lacs de la Tempête/au col de la Louze fait partie intégrante du “Tour du Beaufortain”. La vallée de la Grande Maison (au centre dans l’axe du Mont Blanc) et le Grand Mont (à gauche), vus de l’alpage de Lachat (Bonneval-en-Tarentaise).

Le Grand Mont et la Pointe du Dard (au centre) dominant la vallée de l’Arbine, vus du chalet communal du Darbelay à Esserts-Blay (Savoie).

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 5 Cette attractivité du site pour les ran- donneurs venant du Beaufortain est également partagée par ceux qui fré- quentent les alpages et sommets des communes de Naves/La Léchère, Gra- nier et La Côte-d’Aime avec des passa- ges obligés bien connus : refuge du Nant du Beurre (Naves) et Cormet d’Arêches. Enfin, pour préciser l’importance du Grand Mont pour la commune de Beaufort-sur-Doron et plus largement le Beaufortain, il faut signaler que le sommet est envahi par des centaines de spectateurs venant assister chaque année au passage des concurrents de la célèbre course de ski alpinisme “La Pierra Menta”.

Piste de ski vers la Grande Combe (Arêches) Origine du projet Le col de La Bâthie, Quelques jours après, une cinquantaine vu coté Arêches. Le projet de classement trouve pour de manifestants montent au col de La partie son origine dans les velléités de Bâthie, lors d’une étape de la course de in Dauphiné Libéré la commune de Beaufort-sur-Doron ski alpinisme “La Pierra Menta”, pour du 15 mars 2005. Domaine skiable d’étendre son domaine skiable sur les déployer des banderoles témoignant de d’Arêches-Beaufort hauteurs ensoleillées de La Bâthie et l’opposition des bâthiolains à ces pro- l’idée formulée par certains élus locaux jets. de réaliser une liaison téléphérique en- Une mobilisation s’organise relayée par tre Arêches et La Bâthie qui mettrait le la presse (Dauphiné Libéré, Montagne domaine skiable d’Arêches à 15 minu- Magazine, etc.) et réunit associations tes de la RN 90. locales et nationales (Frapna, CAF, FF- Le 4 mars 2005, pendant que le conseil CAM, Mountain Wilderness, etc.). municipal de La Bâthie vote une déli- Les élections municipales de mars 2008 bération pour autoriser la commune voient le succès de la liste “La Bâthie de Beaufort-sur-Doron à “faire réaliser pour tous” qui fait de l’abandon du pro- à ses frais une étude de faisabilité sur jet d’aménagement du col de La Bâthie la réalisation de quelques remontées une priorité ; ceci “pour préserver notre mécaniques sur le versant de La Bâthie, patrimoine et nos paysages”. Appuyée entre le col du même nom et le col de par l’association de défense des mon- la Grande Combe”, une manifestation tagnes de La Bâthie (ADMLB), la nou- rassemble devant la mairie de La Bâthie velle municipalité contacte en 2009, la plus d’une centaine de personnes. Les DREAL pour envisager la mise en place opposants à cette décision, membres de d’une procédure de classement de site l’association de chasse et randonneurs, sur le secteur du col de La Bâthie. dénoncent l’impact désastreux sur la Une visite sur le site est organisée par la faune et l’environnement de ces projets. commune le 19 Août 2010. Ci-contre : Le col de La Bâthie et en arrière plan, le Mont Blanc. (© Vincent Neirinck)

6 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête Une qualité paysagère préservée...

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 7 Unités paysagères des vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête (sur fond BD orto IGN)

N Légende : limites communales limite des unités paysagères

8 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête Ceci explique l’état de préservation tout à fait exceptionnel du site dont les uni- Une qualité paysagère préservée... tés paysagères n’ont pour la plupart (ex- ception faite des pistes du Plan du Jeu et du col de La Bâthie) connu aucune transformation importante et conservent une qualité remarquable ainsi qu’une dimension patrimoniale évidente.

Unité de Bellachat

L’alpage de Bellachat constitue un vas- te plateau d’altitude, en contre bas de la Pointe de la Grande Journée. On l’at- teint après avoir emprunté une longue route forestière serpentant les flancs pentus de la forêt communale de Tétaz Bonaz qui abrite une belle hêtraie. C’est un lieu particulièrement fréquen- Au fond, surplombant la forêt de Tetaz Bonaz, l’alpage de Bellachat (La Bâthie), première étape vers la Grande Journée (2 460m). À droite, la Pointe du Dard. té par les randonneurs qui viennent y cueillir les myrtilles. Les unités paysagères Neirinck © Vincent L’accès au site depuis les deux com- munes concernées par le classement et les trois communes limitrophes peut s’effectuer d’abord par des routes et pistes carrossables particulièrement longues qui partent des chefs-lieux de La Bâthie, Cevins, à environ 400 m d’al- titude ou par le village de Grand Naves (1 315m) pour gagner des parkings en montagne (Bellachat à 1 820 m, Béné- tant à 1300 m, La Frachette à 1 384 m, Grande Maison à 1 630 m, Tovet à 1 500 m ou Nant du Beurre à 2 075 m). Ensuite, il faut continuer à pied pour ga- gner les cols (col de La Bâthie, 1 889 m, et col de la Louze, 2 119 m), puis les sommets : La Grande Journée (2 490 m), La Pointe de Comborsier (2 534 m) et Le Grand Mont (2 686 m). Par le versant du Beaufortain, l’accès est tout aussi long et uniquement pédestre. Le replat de l’alpage de Bellachat et la piste vers l’alpage de Soufflet et le col de La Bâthie. Au fond, la Dent du Corbeau et La Grande Lanche (Esserts-Blay).

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 9 © Vincent Neirinck © Vincent © Vincent Neirinck © Vincent

Cairn au sommet de la Grande Journée (2 460 m). Unité de Lavouet Les alpages de Lavouet et leurs lacs qui s’étendent sous la Pointe de la Grande Journée, jusqu’à l’alpage de Bellachat sont traversés par l’itinéraire de randon- née du “Tour du Beaufortain”. Ils sont donc particulièrement fréquentés. Même si l’ascension à la Pointe de la Grande Journée est moins courue que celle au Grand Mont, elle offre un point de vue exceptionnel sur le Beaufortain et le Massif du Mont Blanc d’un coté et de l’autre sur la basse vallée de la Ta- rentaise et le bassin albertvillois. Au pied de la Pointe de la Grande Journée, le lac Sans Fond. Au second plan, la Pointe du Dard et les ardoisières. Au fond, le Grand Mont. © Vincent Neirinck © Vincent

L’alpage de Lavouet, surplombant celui de Bellachat. Au fond à gauche, les Pointes de Bizard et Comborsier. En contre-bas à droite, l’entrée de la vallée de la Tarentaise et le bassin Albertvillois.

10 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête Vu du promontoire dominant les ardoisières de Cevins, le col de La Bâthie, sous la Pointe de Lavouet. À l’extrême gauche, l’alpage de Bellachat ; à droite, les traces des anciennes ardoisières de La Bâthie. Unité du col de La Bâthie Le col de La Bâthie est un lieu réputé, passage traditionnel entre la vallée de la Tarentaise et celle du Beaufortain, étape obligée pour les randonneurs du Tour du Beaufortain. C’est avant tout un vaste alpage dont la facilité d’exploitation est assez ex- ceptionnelle à pareille altitude. Ceci explique son entretien soigné et son Le col de La Bâthie, en Juillet 2011. Un troupeau au pâturage, non loin de la salle de traite mobile. importance pour l’agro-pastoralisme de Tarentaise. Une piste d’alpage réalisée récemment est la seule transformation du site coté Tarentaise. Il n’en va pas de même coté Beaufortain où les aménagements du domaine skiable (remodelage de terrain, décapage de sol, canons à neige, etc.) ont un impact paysager marqué. Ceci est d’autant plus regrettable que l’itinéraire depuis La Bâthie offre un pa- norama exceptionnel sur le Massif du Mont Blanc et une bonne partie de la vallée du Beaufortain. Vue du col de La Bâthie et de la Pointe de Lavouet, prise en contre-haut du col.

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 11 Unité des ardoisières Vue d’ensemble des anciennes ardoisières de Cevins, avec quelques vestiges de bâtiments en ruine. Au fond à droite l’alpage de Bellachat. L’unité paysagère des ardoisières com- versants pentus et boisés, d’un ac- prend pour l’essentiel les carrières et cès long et, par endroit, dangereux. les installations en ruine des anciennes Elle occupe une place centrale dans le ardoisières de Cevins (les plus gran- site envisagé pour le classement. Son des) et celles (plus modestes et moins grand intérêt patrimonial en fait déjà un “équipées”) de La Bâthie. Elle s’accro- but de randonnée prisé et assez connu, che sous la Pointe du Dard au flanc de même si son caractère spectaculaire mériterait qu’on lui porte une plus gran- de attention.

Vue du versant des anciennes ardoisières de La Bâthie et de Cevins, depuis la piste du col de La Bâthie. Les ardoisières de Cevins, perchées à près de 2 000 m, sous la Pointe du Dard.

12 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête Surplombés par le Grand Mont, quatre des sept lacs de la Tempête : à droite, le Grand Lac du Dard, en direction du col de la Louze (au fond) ; sur la gauche trois autres lacs de la Tempête. Unité des lacs de la Tempête Le secteur des lacs de la Tempête est une des destinations de randonnée les plus prisées de la Basse Tarentaise et du Beaufortain. Accessible depuis le Beaufortain par Saint-Guérin et le col de la Louze, il est aussi accessible par la vallée de la Grande Maison (Naves) et par l’itinéraire plus “sportif” de la cascade du Dard. Avec ses sept lacs qui se succèdent en escalier, cette unité est au plan paysa- ger tout à fait exceptionnelle.

Marque des glaciers sur le plateau des lacs. Sur la berge d’un des lacs centraux de la Tempête, dominé par le sommet du Grand Mont.

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 13 Unité de Grande Maison Depuis le col de la Louze, la vallée de la Grande Maison (du nom de l’alpage du même nom), descend dans une faille rectiligne de plus de onze kilomètres qui se termine dans le lit de l’Isère, près de 1 500 m plus bas. C’est un des accès principaux au site concerné par le projet de classement. Le col de la Louze est un passage très fréquenté entre le Beaufortain (secteur du lac de Saint-Guérin) et la Basse Ta- rentaise (vallée de Grande Maison), mais également pour les excursions à Sur le chemin vers les lacs de la Tempête, le col de la Louze, à gauche, et la Pointe de Riondet qui domine la vallée de la Grande Maison. la journée des randonneurs venant du Beaufortain admirer les lacs de la Tem- pête. L’unité de Grande Maison, qui englobe la partie supérieure de cette vallée, jux- tapose des alpages très bien entretenus, malgré leur accès difficile dans la partie supérieure et de la haute montagne. La présence de formation géologiques particulièrement spectaculaires, du coté de Naves, donne à cette unité une “magie” et une étrangeté toute particu- lière qui prépare à la découverte du site proposé pour le classement. Depuis le col de la Louze, la perspective sur la vallée de la Grande Maison et au premier plan l’alpage de Coard.

En montant vers le lac du Plan du Jeu, vue sur la vallée de la Grande Maison, avec, à gauche la Pointe de Riondet, et en face la forêt d’Acray dominée par la Pointe de Dzonfié.

14 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête Depuis le replat du lac du Plan du Jeu, les alpages du Plan du Jeu et leur chalet récemment rénové et aujourd’hui desservi par une piste d’alpage. Unité de Comborsier Un des accès vers le site, l’unité de Comborsier est un ensemble de prairies d’altitude, au relief assez peu accidenté sur le versant oriental des Pointes de Bizard et de Comborsier qui surplombe la partie amont de la vallée de la Grande Maison. Le lac du Plan du Jeu est un des élé- ments paysagers remarquables de cet- te unité, dont la qualité a été récemment affectée par le prolongement d’une pis- te agricole de grande largeur jusqu’au bâtiment d’alpage du Plan du Jeu.

Les prairies du fond du vallon de Bénétant, sont le seul espace entretenu du versant pentu de l’unité de Bénétant, abandonné à la reforestation. Unité de Bénétant L’unité de Bénétant est constituée par les pentes prononcées et boisées du flanc occidental du chaînon de Com- borsier et de Bizard. Le hameau de Bénétant et ses prai- ries forment aujourd’hui le seul espace ouvert de l’unité sur laquelle l’abandon de l’exploitation pastorale a engendré une reforestation ou un réembroussaille- ment généralisé de tous les alpages. Ci-contre : La vallée de la Grande Maison, en Depuis le site des ardoisières, vue d’ensemble de l’unité de Bénétant, dominée par le chaînon de Comborsier, la Pointe de Bizard et la Tournette. montant vers le Plan du Jeu.

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 15 Unité de la Ravine d’Arbine L’unité de la Ravine d’Arbine surplom- be la basse vallée de l’Isère pour se terminer un peu au dessus de l’usine d’électro-métallurgie (Péchiney, puis Al- can, et aujourd’hui Altéo) construite en 1895 et qui utilise le courant électrique fourni par le turbinage des eaux des- cendant du Grand Mont pour produire du corridon et de l’Abral. Elle est consi- tituée par les pentes raides et pratique- ment entièrement occupée par la forêt d’une vallée très encaissée. La Ravine, vue depuis Esserts-Blay. Le village d’Arbine et les ateliers de l’usine Altéo. L’entrée de l’usine Altéo à Arbine (La Bâthie). © DREAL AURA Vue panoramique de l’unité de la Ravine d’Arbine, sur la gauche et du village d’Arbine (La Bâthie), depuis Saint-Paul-sur-Isère. Conduite forcée du Bénétant.

Vue panoramique de La Bâthie et de l’unité de la Ravine d’Arbine (à droite au dessus du village d’Arbine), depuis la plaine de l’Isère (Esserts-Blay).

16 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête Des paysages historiques...

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 17 versifié. La proximité avec la vallée de Beaufort, domaine de la “grande mon- Des paysages historiques... tagne privée”, explique sans doute cette diversité foncière et la coexis- © R.T.M. Savoie (dans le secteur des ardoisières) avec le tence entre propriété privée de certains chalet des Chappes, de la Combe, de grands alpages (Grande Maison, à Na- Lionget et celui du Cul du Plan), ves, etc.) et alpages communaux (Mon- - Naves (sur le cadastre de 1885) : tagne des Fruits Communs, de Plan Bé- Montagne de la Grande Maison avec le rard à Naves, Montagne de Bellachat et chalet du même nom, Montagne com- Montagne de Sofflet à La Bathie, etc.). munale de Plan Bérard et plus haut vers Mais, la moindre importance de la bas- le col de la Louze, Montagne du Coard se vallée dans l’économie pastorale de (avec son chalet), montagne de Botten- la Tarentaise s’applique également aux tre avec un bâtiment et Montagne de données historiques disponibles sur ce Charvetan avec trois bâtiments. À quoi secteur. il faut ajouter la Montagne de la Thui- En 1922, Philippe Arbos décrit pourtant le, celle de À Simile et celle des Fruits les modes d’exploitation des alpages communs. sur les communes concernées : Dans le cadre du système de la “grande - La Bâthie : Arbos rattache la commune montagne” qui caractérise la vallée de au type Macôt qui distingue les étages la Tarentaise, le régime de l’exploitation d’exploitation suivants, village, remue, de ces alpages ou “montagne” est di- montagnette et montagne.

Troupeau au piquet sur l’alpage de Rivard (Cevins), en 1934. Montagne de Sofflet avec un chalet, Les alpages Montagne de Bellachat avec les chalets Les alpages d’hier de Bellachat, Montagne des Prés avec Pendant des siècles le secteur concer- les chalets des Prés. né par la présente étude a été considéré - Feissons-sur-Isère (sur le cadastre de essentiellement comme un territoire de 1883) avec les montagnes et chalets de pâturage pour l’agropastoralisme, une Bizard et de Retord. juxtaposition de “montagnes” avec - Cevins (sur le cadastre de 1876) : leurs bâtiments d’exploitation qui Montagne de Retord avec le chalet de étaient encore fidèlement répertoriées Retord (à coté du lac du Plan du Jeu), par le cadastre “français” de la fin du Montagne du Dard et les chalets du Dard XIXe siècle. et de Chizeruz, Montagne et chalet de - La Bâthie (sur le cadastre de 1873) : Priolet, Montagne des Cornaches avec Montagne des Arolles (sans bâtiment), un bâtiment, Montagne des Chappes Carte extraite du livre de P. Arbos “La vie pastorale dans les Alpes françaises” (1922)

18 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête La montagne communale de Plan Bérard Naves (La Léchère) et ses bâtiments d’exploitation.

- Cevins : Il l’apparente au type “Sainte- - Plan Bérard = montagne louée, pour Foy”, qui fait coexister village, monta- 60 bêtes. gnette pastorale-agricole et montagne. E. Bonnefoy cite parmi “les plus impor- - Naves : Arbos rattache la commune tantes montagnes particulières et les au type “Val d’Isère” qui ne connaît que plus beaux pâturages” trois montagnes deux étages ; celui du village et celui de de Naves : Les Thuiles (150 vaches), La la montagne. Grande Maison (150 vaches) et Char- vettan-Quard (120 vaches). L’ouvrage “La Tarentaise, son bétail, ses montagnes pastorales et ses as- Certains documents conservés aux Ar- sociations fruitières”, écrit en 1887 par chives départementales de la Savoie l’instituteur E. Bonnefoy-Cudraz, ignore permettent d’appréhender l’importance les communes de Cevins et La Bâthie. de ces alpages pour les communautés. Il ne s’attache, pour le secteur qui nous Ainsi, le bail passé en Juillet 1861, par la concerne, qu’à la commune de Naves commune de Naves pour la location de où il mentionne l’existence de sept la montagne de Plan Bérard. montagnes privées et quatre monta- gnes communales : - Le Fruit commun = montagne à fruit commun, sans halles, pour 150 va- ches. - Derrière La Chaz et Le Touvet = mon- tagne pour bœuf et génisses, pour res- départementales de la Savoie © Archives pectivement 100 et 200 bêtes. Délibération du conseil municipal de Naves, 1861.

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 19 D’autres dossiers conservés aux Archi- Cette construction s’effectue pour par- ves départementales permettent d’ap- tie grâce à la souscription de 161 jour- préhender l’importance du bâti dans nées volontaires (travail des habitants) l’économie pastorale traditionnelle. et le Sous Préfet précise au Préfet : Un de ces dossiers concerne la recons- “Aussi, malgré l’état de ses finances, la truction du bâtiment d’alpage que la commune croit faire de la bonne admi- commune de La Bâthie venait de faire nistration en contribuant à cette dépen- construire, en 1875, sur la montagne se ; elle espère en couvrir le solde par communale de Sofflet et qui a“ été en- le dernier 1/5 des mobilisés et produits levé presque complètement et les ma- de l’exploitation de la carrière [d’ardoi- tériaux désassemblés et grandement ses] en 1875. J’ai donc lieu de croire détériorés” ; reconstruction à partir des que l’autorité supérieure voudra bien plans du premier bâtiment (“toutefois en approuver cette mesure et autoriser la en changeant l’emplacement”). continuation du bail pour 9 ans. La mon- tagne n’a jamais été louée au prix du Dans un courrier, adressé au Préfet de bail actuel (1140 Francs) ; elle est tenue Savoie le 13 Juillet 1875, concernant la par un fermier intelligent qui, pour enga- construction du premier chalet le Sous ger la commune à faire la construction Préfet d’Albertville précise que “la mon- en question, a fait l’année dernière des tagne dont il s’agit est en effet une des conduites d’eau pour l’arrosage sur une plus élevées et sans abri et, comme son longueur de près de 1 000 mètres.” nom l’indique, exposée à des tourmen- tes qui peuvent entraîner les bestiaux C’est le fermier de l’alpage qui se verra dans les précipices qui l’avoisinent”. confier la construction du bâtiment. © Archives départementales de la Savoie © Archives Devis reconstruction du chalet de Sofflet (1876). Troupeau pendant la traite à proximité du chalet de Sofflet (La Bathie), en Juillet 2010.

20 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête Chalet de Retord (Cevins), en 2011. © R.T.M. Savoie © R.T.M. Chalet de Sofflet (La Bâthie), en 1934. Le Préfet reviendra sur l’autorisation d’emprunt qu’il avait accordé à la com- La reconstruction du bâtiment connaî- mune, refusant que les revenus des tra pas mal de déboires. ardoisières soient détournés de leur af- Le 9 septembre 1877, une délibération fectation première, l’entretien des che- du conseil municipal de La Bâthie consi- mins vicinaux. dère “que la reconstruction du chalet de Et le bâtiment construit au final est celui la montagne de Sofflet détruit par une qui existe toujours aujourd’hui. avalanche est d’une nécessité absolue pour les soins de cette montagne” et En 2011, un certain nombre de bâti- décide d’emprunter 2 000 Francs sur ments associés à l’exploitation des les 2 200 Francs du devis de construc- alpages ont été abandonnés et sont à tion approuvé après consultation des l’état de ruines (Chalets du Dard à Ce-

entreprises. vins...). Les autres sont toujours utilisés Savoie © R.T.M. par les alpagistes (Bellachat, Retord,...), Chalet de Retord (Cevins), en 1934. mais ont été réhabilités sans toujours Le projet connaîtra maints rebondisse- Dans tous les cas, ils constituent un pa- prendre en compte leur qualité archi- de valoriser en rappelant, quand cela est ments. Le premier entrepreneur ferra trimoine qu’il convient de préserver et possible, l’histoire de ces bâtiments. faillite. tecturale d’origine.

Chalet de Chizeruz, sur la montagne du Dard, à coté du Lac Vert (Cevins).

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 21 © V. Neirinck © V. Neirinck

Le “fruitier” de l’alpage de Bellachat (La Bâthie), dans la “cave”. Troupeau de tarines au repos près du lac de Lavouet (La Bâthie). Les alpages d’aujourd’hui dans le bas de la vallée de la Grande Coté Cevins, les alpages sont eux aussi exploités par plusieurs alpagistes qui Les contreforts Ouest et Sud du massif Maison et se répartissent sur les dif- contribuent au bon entretien du site. du Grant Mont constituent un secteur férentes “montagnes”. Seule celle du Sur l’alpage de Chizeruz, les ovins ont important pour l’agro-pastoralisme de Kouar (la plus haute) est désormais remplacé les bovins et, mis à part le la Basse Tarentaise. pâturée par les ovins. Sur les grandes étendues herbeuses autour du Nant du chalet de Chizeruz, tous les anciens Pour ce qui est des abords constituant Beurre, vers le Grand Crêtet, jusqu’au bâtiments d’exploitation son tombés en les voies d’accès au site proposé pour col de Charvatan et aux confins du ruine. Plus loin, l’alpage du Priolet est le classement : Beaufortain sont laissées au parcours abandonné à la broussaille et aux rho- À Feissons-sur-Isère, l’alpage est com- des ovins transhumants. La “monta- dodendrons. munal, mais c’est un alpagiste, installé gne des Génisses” a perdu la vocation, à qui l’exploite. Il y monte avec toujours mentionnée sur les cartes IGN, un troupeau d’environ soixante laitières que lui avait confiée la toponymie. et des chèvres. Il livre l’essentiel de son Pour ce qui est du site des vallées lait à la coopérative de Moutiers, mais confluentes des lacs de Lavouet aux fabrique aussi de la tomme et des fro- lacs de la Tempête : mages de chèvres. Coté La Bâthie, trois alpagistes mon- À Naves, les bovins inalpent toujours tent exploiter le secteur et se répartis- sent les pâturages entre la montagne de Sofflet, celle de Bellachat et celle des Près. L’alpagiste en charge de la mon- tagne de Bellachat fabrique sur place le fromage de Beaufort avec un stockage et un point de vente. Celui-ci, à proximi- té immédiate du chemin d’accès au col de La Bâthie, est un élément important qui souligne la dimension patrimoniale des paysages de ce site. Á Bellachat au départ du chemin vers le col. Chalets de La Carre (ou du Kouar), Naves. Troupeau pâturant sous le Grand Crétet (Naves).

22 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête Les ardoisières de Cevins (à droite) et de La Bâthie (à gauche) sous la Légette du Grand Mont. (Cevins). Les ardoisières Les anciennes carrières d’ardoises de au Nord, vers le col de La Bathie, elles Cevins et celles attenantes de La Bâ- ont sans doute été exploitées un peu thie constituent aujourd’hui le principal plus tardivement ; l’acheminement des vestige historique patrimonial existant ardoises vers le fond de vallée emprun- sur le site, en précisant que le site des tait pour toutes les deux le même par- ardoisières proprement dit est d’un ac- cours. cès relativement difficile. Il n’est ouvert“ au public” que du 1er mai au 30 novem- Les ardoises étaient descendues à dos bre, surtout en raison de la configura- de mulets (par la suite par câble) et mi- tion du tronçon final dusentier “ des ses à l’abri dans des entrepôts à La Ra- ardoisières” qui nécessite de traverser voire et à Arbine pour être ensuite ache- des dalles d’ardoises pentues qui peu- minées (du moins au XVIIIe siècle) sur vent s’avérer glissantes par temps plu- des barges descendant l’Isère jusqu’à vieux et plus généralement en période Montmélian. d’humidité (fonte des neiges, etc.). Les nombreux documents conservés Cet accès un peu hasardeux, conjugué aux archives départementales attestent à l’isolement du site, s’étageant entre de la réputation de ces ardoises qui 2 000 et 2 600 m d’altitude, en dehors auraient servi à couvrir le Louvre à Paris, des “grands” itinéraires de randonnées le château d’Annecy et que les nobles voisins, réduit un peu sa fréquentation. de Savoie et de se disputaient L’exploitation de ce gisement ardoisier pour couvrir leurs châteaux. est très ancienne, remontant sans dou- Au XVIIIe siècle, le Roi attribuait d’ailleurs te avant le XIVe siècle pour atteindre son e avec parcimonie les autorisations d’ex- apogée à la fin du XVIII siècle. portation des ardoises. Le port fluvial de Si les ardoisières de Cevins sont d’une Montmélian faisait à cette époque office taille plus importante que celles de La de centre de dédouanement. Bâthie situées, sur le même versant de Ruine des Installations pour la descente la Légette du Grand Mont, un peu plus des ardoises. (Cevins).

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 23 À la révolution française, Jean Baptiste de Dassy vend tous ses biens à Ce- vins. En 1802, un exploitant unique loue l’ensemble des ardoisières (La Bâthie et Cevins, propriétés privées comme communales. En 1856, la société Des- champs et Grumery qui exploitent cet ensemble “industriel” produit de 700 à 900 000 ardoises par saison et font tra- vailler là haut plus de cent ouvriers.

Les différents exploitants qui se suc- cèdent donnent aux ardoisières une dimension vraiment industrielle pour atteindre une production de 1,35 mil- lions d’ardoises un peu avant que la guerre de 1870 n’éclate. Il était même prévu une exploitation annuelle de 12 millions d’ardoises.

Malgré la construction, au début des années 1890, d’un câble descendant les ardoises de 2 000 m jusqu’à 1 200m,

© Archives départementales de la Savoie © Archives la production des ardoises, qui dépassa Dossier d’archives juridiques 1839. 2 millions d’unités entre 1867 et 1869, © fonds Marc Poinet © fonds Marc Il est facile d’imaginer que l’exploitation va peu à peu péricliter pour s’interrom- des ardoisières était une entreprise par- pre en 1954. Au départ du treuil de descente des ardoises, dans les derniers temps de l’exploitation (Cevins). ticulièrement pénible et dangereuse. Vue rapprochée du site des ardoisières de Cevins. Vue rapprochée des ardoisières de La Bâthie. À la fin du XIXe siècle près de 130 per- sonnes travaillaient sur le site. Un document juridique de 1839 relate le décés tragique d’un mineur originaire de la vallée de Suze, tué par l’exploision d’une mine qui s’était déclenchée trop tôt.

Dans son ouvrage “Les ardoisières de Cevins-La Bâthie” (n° 164 des Cahiers du Vieux Conflans, 2003), Marc Pointet raconte en détail l’histoire de ce site. La propriété des ardoisières a d’abord été féodale. Les Comtes de Cevins, sei- gneur de Bassy qui les loue à des ex- ploitants privés se lancent dans la petite aventure industreille des ardoisières. Ci-contre : Le Grand lac du Dard (Cevins).

24 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête Des lacs et des cascades...

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 25 Des lacs et des cascades... Les lacs et les cascades ont contribué, Le site proposé pour le classement pour une grande part, à établir la noto- compte neuf lacs : riété du site. Les lacs affirment la qualité - Sur le versant de la Pointe de La du site. Les cascades en renforcent la Grande Journée (pour partir du lac du dimension spectaculaire. plus haut au plus bas) : le lac Sans Fond Les lacs de la Tempête et la cascade du (un des lacs de Lavouet sur le cadastre Dard constituent, ainsi, des buts ou des de 1876), les lacs de Lavouet et les lacs étapes célèbres et réputés pour les ran- du Soufflet. données dans ce secteur. - Sur le secteur de la Tempête : Les lacs aujourd’hui connus sous le nom Les lacs de montagne sont nombreux “générique” de lacs de la Tempête, et répartis sur l’ensemble du site. Ils ces lacs étaient distingués sur le pre- constituent tantôt un atout pour le pas- mier cadastre “français” de 1876, par toralisme (abreuvoir ou réserve d’eau les noms suivants : lac du Golliat pour pour le bétail), tantôt un milieu écologi- celui donnant vers Naves et la Grande

que d’une très grande richesse, quand Maison ; Grand Lac du Dard, pour le départementales de la Savoie © Archives ce n’est les deux. plus grand au centre ; sans nom par- Cadastre “français” de 1876 : extrait du tableau d’assemblage de Cevins. ticulier pour les deux plus petits en descendant vers Chiseruz (toponyme déformé aujourd’hui en “Chiseraz”) ; lacs des Besaces, en contre-haut et toujours désignés sous ce nom ; lac Vert pour celui de la “cuvette” de Chiseruz. Il convient de noter la proximité de trois autres lacs : sur Feissons, le lac du Plan du Jeu et celui de Cornache ; sur Naves le lac de la Thuile.

Le Grand lac du Dard, le plus grand des sept lacs de la Tempête (Cevins). Le lac de Golliat (Cevins).

26 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête Les lacs des Besaces (Cevins). © Vincent Neyrinck © altituderando.com Un des lacs du Soufflet (La Bâthie). Lac des Cornaches (Cevins). © Vincent Neyrinck Le lac Sans Fond (ou de Lavouet) (La Bâthie).

Deux des lacs (sans nom) de la Tempête (Cevins). © Vincent Neyrinck © Vincent Neyrinck Un des lacs de Lavouet (La Bâthie) . Le lac du Plan du Jeu (Cevins). Un des lacs du Soufflet (La Bâthie).

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 27 Le lac Vert, asséché en automne (Cevins).

Vue générale de la cascade du Dard (Cevins).

Source du ruisseau du Coard Naves (La Léchère). Signalétique à la cascade du Dard (Cevins). Il convient d’ajouter à cette énumération ble de loin (route du Daru à Bénétant, etc.) de lacs, les nombreuses zones humides que depuis le chemin escarpé qui la qui donnent aux paysages d’alpage longe. une étrangeté étonnante. Compte tenu de la dangerosité du site, la commune de Cevins a pris un arrêté Les cascades pour y interdire le canyoning. Une cascade plus modeste mais de Pour ce qui concerne les cascades, la grande qualité paysagère, et plus vi- plus spectaculaire est celle du Dard qui sible que celle du Dard, descend du développe un saut de plus de 200 m de Lavouet, sous la Pointe de la Grande hauteur, descendant de la montagne du Journée. Elle est très visible depuis la Dard pour plonger vers les prairies du piste conduisant au col de La Bâthie. hameau de Bénétant. C’est un site fré- quenté et réputé. L’itinéraire direct qui mène de Bénétant aux lacs de la Tempête longe le cours de cette cascade. C’est un itinéraire de randonnée un peu difficile qui a été aménagé (équipé de câbles métalliques de sécurisation, etc.). Compte tenu de La cascade du Dard vers 1920 (Cevins). Un canyon de la cascade du Dard (Cevins). la configuration du terrain (boisements, etc.), la cascade est beaucoup plus visi- La cascade du Lavouet (La Bâthie). Ci-contre : Stries glaciaires et roche moutonnée sur le plateau de la Tempête (Cevins).

28 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête Un patrimoine minéral...

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 29 Pointe de la Grande Journée Pointe du Dard Grand Mont Col de la Louze Pointe de Comborsier Col de La Bâthie Chainon de Comborsier © Jacques Plassiard Vue générale du massif du Grand Mont, depuis la Grande Pointe de Bizard (Cevins). millions d’années), recouvert par les Un patrimoine minéral... Une frontière entre sédiments de la mer alpine (220 à Beaufortain et vallée 140 millions d’années), et bordé à l’Est par un épais sillon sédimentaire de l’Isère (le “sillon valaisan”, 100 à 70 millions d’années, qui se prolonge vers le Nord, Les vallées confluentes des lacs de puis vers l’Est dans le Valais suisse).

© altituderando.com Lavouet aux lacs de la Tempête se situent sur la rive orientale de la basse Ce sillon sera imbriqué avec les vallée de la Tarentaise et, à ce titre, se sédiments de la mer alpine lors de la rattache d’un point de vue géologique collision continentale entre l’Europe et au massif de Belledonne. Celui-ci est l’Afrique, formant la Chaîne des Alpes, l’un des massifs cristallins externes, qui entre 40 et 25 millions d’années. constituent les fragments occidentaux Le périmètre du site proposé pour le du socle antétriasique des Alpes classement comprend les roches de françaises. Il se situe entre les vallées socle et les sédiments de la mer alpine. de la Romanche au sud et de l’Isère au nord. Le vieux socle se compose, en partie, d’un rameau externe de micaschistes Le Grand Mont et les sommets qui le satinés - en marron sur la coupe ci- jouxtent, Pointe de la Grande Journée, contre - (socle ancien de sédiments du Dard et de Riondet, jusqu’au Crêt précambriens de plus de 600 Ma), du Rey, marquent la frontière avec bien visibles au Mont Mirantin ou à la le Beaufortain et la vallée de l’Isère, Pointe de la Grande Journée. Plus à prolongation naturelle de la chaîne de l’est, un Rameau interne est constitué Belledonne vers le nord. principalement de gneiss, un socle Le site repose ainsi sur un vieux socle ancien de granite et de sédiments, Vue générale du Grand Mont, à gauche, et du sillon des lacs de la Tempête, au centre (Cevins). de la Chaîne hercynienne (600 à 310 déformés et cuits en profondeur, il y

30 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête  

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sud. © altituderando.com Versant sud de la Pointe de Comborsier, vu de la Pointe de Bizard ; socle ancien de granite et de sédiments.

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 31 © Gilles de Broucker

Bloc de quartz laiteux blanc, provenant d’une veine Petite amas de Microgranite dans le gneiss près de quartz dans le gneiss du Grand Mont (Cevins). de l’antécime du Grand Mont (Cevins). Géomorphologie glaciaire Comme dans les massifs voisins du Mont Blanc et de la Lauzière, l’abon- des lacs de la Tempête dance des cristaux a donné lieu au dé- Les lacs de la Tempête sont une suite veloppement d’une activité de collec- tage professionnel. de petites dépressions et verrous Déblais d’ardoises sur le site des ardoisières de Cevins. creusés et modelés par les glaciers La toponymie locale avec le “Passage dans la roche dure de socle, le gneiss des Cristaux” du Grand Mont en témoi- synclinaux pincés entre les formations du Rameau interne. gne. Des quartz fantômes ont été trou- cristallophylliennes.

Le secteur du plateau des lacs de la vés sur ses versants. Dans son “Étude géologique de la zone © N. Fagou Tempête et plus largement le massif du Pour ces cristaux de quartz, les fantô- synclinale de Cevins”, E.M. Bunge, évo- Grand Mont offre une leçon de géolo- mes n’entraînent pas une modification que en 1924 la qualité des ardoises de gie à ciel ouvert : traces bien visibles du de la forme des cristaux, mais ils leurs Cevins. “G. de Mortillet, en 1850, donne frottement des glaciers sur les rochers, apportent une plus-value. l’exemple suivant pour prouver l’excel- blocs erratiques dispersés autour des lente qualité des ardoises de Cevins : lacs, affleurement de cargneules, etc. Dans la commune voisine de Doucy, la Prison d’État de Miolans (château de une concession est exploitée vers la fin Miolans), près Saint-Pierre-d’Albigny, En 1924, le géologue E.M. Bunge a du XVIIe siècle. Ces cristaux sont ex- était entièrement couverte en ardoises consacré un livre entier à la zone syncli- clusivement destinés aux tailleries, no- de Cevins : celles-ci s’étaient si bien nale de Cevins en Tarentaise. tamment celles de Suisse et des États conservées qu’elles furent vendues d’Italie. comme neuves aux habitants des envi- D’anciens travaux du même type ont rons qui venaient les enlever.” Fantôme de chlorite, trouvé vers le Grand Mont. été signalés au Grand Mont (coté d’Arê- ches). Autre richesse minérale du secteur les ardoises exploitées dans les carrières de Cevins et La Bâthie. Ces ardoises noires du Lias sont des roches sédimentaires de la zone des

© Vincent Neyrinck Ci-contre : Le Rubanier à feuilles étroites Affleurement de cargneule près du col de la Louze. massifs cristallins, qui se trouvent en étend sa toile sur un des lacs de la Tempête.

32 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête Un milieu naturel remarquable...

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 33 Un milieu naturel remarquable... © Mimosa Les pentes environnantes présentent

Un faune et une flore des habitats naturels, une faune et une © Franck Le Driant typique alpine flore typiquement alpines : frange supé- rieure de la forêt et brousse d’arbustes La richesse du milieu naturel sur le sec- abritant le Sizerin flammé ou le Tétras teur concerné par le classement est lyre, landines à éricacées, pelouses et attestée par la mise en place de deux rochers avec le Lagopède alpin ou le ZNIEFF de type 1. Merle de roche.” Sizerin flammé. La première zone naturelle concerne le Une seconde zone naturelle, celle de la plateau des lacs de la Tempête et le Grande Maison, jouxte le site proposé La violette de Thomas. La luzule penchée. Grand Mont. pour le classement. On doit la traver- Grand Naves. Il illustre une grande di- ser pour y accéder depuis Naves. “Entre les sommets du Grand Mont et de versité d’habitats naturels et d’espèces : la pointe du Comborsier, le site est bien “Le site comprend la vallée de la Grande - le pied de versant dominant la vallée connu des randonneurs et pêcheurs Maison mais plus largement tout le bas- de l’Isère est marqué par les affleure- pour ses sept lacs qui s'échelonnent sin versant du torrent de Glaize de 500 à ments rocheux, les falaises et les forêts entre une série de verrous rocheux. 2500 m d’altitude. Il englobe également thermophiles (recherchant la chaleur) ; les versants ouest de la Grande Pointe Au-delà de cet intérêt paysager, ces on y observe le Faucon pèlerin et, en de Bizard, et le versant sud-est du Roc matière de flore remarquable, le Sabot plans d'eau et les petites zones humides Marchand dominant la vallée voisine de annexes (tourbières de pente et mares) de vénus, présentent un grand intérêt biologique. La Stemmacanthe rhapontique. - les forêts fraîches de l’étage subalpin On citera, entre autres, trois espèces (pessières principalement) abritent la d'amphibiens : le Triton alpestre, la Gre- Clématite des Alpes ou le Lycopode en © Franck Le Driant nouille rousse et le Crapaud commun, massue, et des plantes intéressantes telles que le Rubanier à feuilles étroites. Le Rhododendron ferrugineux. © G. Chritian La clématite des Alpes. © Franck le Driant © Bruehlmeier

34 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête Carte de localisation des deux ZNIEFF sur le secteur concerné.

â

ZNIEFF du Plateau des lacs de la Tempête (1 037 ha)

ZNIEFF de vallée de la Grande Maison (4 038 ha)

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 35 © Daniel Phillips

© Daniel Phillips Le Crapaud commun. © Daniel Phillips La Grenouille rousse. Le Triton alpestre.

- les pâturages et mégaphorbiaies (for- Plusieurs lacs, mares, et petits marais Dans les nombreux lacs du secteurs Ces derniers lacs sont peuplés de Truite mations à hautes herbes) du fond de de pente apportent un élément supplé- et plus particulièrement les lacs de la fario ainsi que de quelques Cristivomers vallée de la Grand Maison hébergent mentaire de diversité avec leur cortège Tempête, un repeuplement de soutien et de vairons. une flore remarquable, avec la Stem- de libellules, d’amphibiens, et la flore en alevins de truite fario est effectué par macanthe rhapontique ou la Céphalaire des milieux humides.” les pécheurs. des Alpes, - les landes supra forestières : brousses Des Akènes femelles murs d’aulne vert. Le Lygopode en massue. Le Rubanier à feuilles étroites. à Aulne vert du versant nord du roc Mar- chand, ou à rhododendron de la Croix de Sècheron et du versant sud-est de

la pointe de Comborsier, constituent le © Lucien Richard

biotope d’oiseaux tels que le Tétras lyre © christinelerat.blog et le Sizerin flammé,- les pelouses et ro- chers de l’étage alpin abritent le Merle de roche ou le Lagopède alpin, ou des plantes comme la violette de Thomas ou la Luzule penchée. Aigle royal et Crave à bec rouge, qui nichent en falaise, sont ici réguliers.

Le Cristivomer ou Omble du Canada.

Ci-contre : Des randonneuses équestre s’accor- dent une pause dés l’arrivée au col de la Louze,

© Pecheboreon © Vincent Neyrinck.

36 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête Des usages en évolution...

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 37 Des usages en évolution...

Dans la cave de l’alpage de Bellachat (La Bâthie). Ruine sur la montagne du Coard (Naves). Les usages traditionnels le secteur de Bellachat, du col de La Le site concerné par le projet de clas- Bâthie (La Bâthie). sement est pour l’essentiel encore très Néanmoins, il convient de signaler que, préservé. Ceci tient pour une bonne sur le site proposé pour le classement, part sans doute à sa difficulté d’accès comme sur les secteurs voisins atte- (longues routes de montagne non dé- nants au site, plusieurs “montagnes” neigées en hiver, partant des principaux ont été totalement (ou presque) aban- chefs lieux, La Bâthie, Cevins, Feis- données. Alpages abandonnés de la montagne de Priolet (Cevins). sons-sur-Isère ou du village de Naves), Ainsi, les montagnes de Priolet, des changement d’usage. - Malgré l’éloignement des villages du qui nécessitent des durées de trajet im- Cornaches et de Retord (Cevins) ont Si le pastoralisme ovin s’accompagne fond de vallée, les migrations estivales portantes. été complètement abandonnées et sont d’un entretien plus extensif (voire une ont perduré pour les propriétaires de bâ- C’est pourquoi ce sont surtout les acti- en voie de reboisement. dégradation) des paysages, il n’est pas timents d’altitude. C’est surtout le cas vités et les usages traditionnels qui se Cet abandon a touché également les subordonné à la réalisation de piste pour ceux du hameau de Bénétant (Ce- sont maintenus en assurant la gestion montagnes Charvetan, Combe Borchet d’alpage ayant un impact très fort dans vins) dont la plupart des bâtiments sont du site. et Severêt sur le territoire de l’ancienne le paysage. toujours utilisés et ont pour beaucoup - En premier lieu, les agriculteurs et commune de Tessens, aujourd’hui par- Là où le pastoralisme bovin s’est maintenu été rénovés, parfois sans référence à la les alpagistes continuent à inalper leur tie rattachée à la commune d’Aime. de nouvelles pistes ont été créées récem- qualité architecturale ancienne. ment (col de La Bâthie, Plan du Jeu). troupeaux et à entretenir les pâturages Les montagnes du Dard et du Challier de façon remarquable en particulier sur (Cevins), comme celles de la Grande Maison, de Bellentre, Charvétan, et du Coard pour Naves, après des siècles de pastoralisme bovin sont désormais af- fectées à l’élevage ovin. Ceci est clairement lisible dans le pay- sage avec en particulier la ruine de plu- sieurs bâtiments autrefois voués à la production et à la conservation du fro- mage. À signaler que la propriété privée de ces montagnes (comme celle de la La cave de l’alpage de Bellachat (La Bâthie). Grande Maison à Naves) explique ce Une partie du hameau de Bénétant (Cevins).

38 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête Groupe de randonneurs sur les rives du Grand Lac du Dard (Cevins).

Les nouveaux usages Son impact paysager est moindre. Les du site randonneurs laissent leur voiture sur les parkings prévus à cet effet et respectent À ces usages traditionnels du site, sont l’interdiction de circulation sur les pistes venus se greffer de nouvelles activités d’alpages réservées aux alpagistes. touristiques.

Bâtiment d’exploitation de l’alpage de Bellachat (La Bathie). Il s’agit pour l’essentiel de randonnée pédestre ayant pour but la fréquentation partie basse des forêts partagées entre des lieux réputés (lacs de la Tempête, forêts communales gérées par l’ONF Ardoisières), mais aussi de circulation (qui font toutes l’objet de plans de ges- sur des itinéraires touristiques “classi- tion) et boisements privés. ques” (“Tour du Beaufortain” et ses va- Une seule forêt est classée comme fo- riantes), et de ski de fond (domaine de rêt de protection (contre l’érosion et les Grand Naves) et de ski de randonnée. avalanches). Elle se situe sur le territoi- La fréquentation du site depuis la Ta- re de la commune de Cevins en limite rentaise est modérée mais, pour l’accès avec celui de Naves/La Léchère et de par Naves, répartie entre été et hiver. Pécheur au Grand Lac du Dard (Cevins). Feissons-sur-Isère.

Décapage du sol au col de La Bâthie (La Bâthie). Bien évidemment, il n’est pas possible de dissocier ces migrations de celles des chasseurs, en soulignant leur impli- cation dans la vie locale (participation à la reconstruction du chalet de Plan du Jeu à Cevins, au programme de sauve- garde du Tétra Lyre à La Bâthie, etc.). - Enfin, il convient de souligner que le © Vincent Neyrinck secteur concerné comprend dans sa © Vincent Neyrinck Maison forestière ONF de Grande Maison (Naves). Signalétique du Tour du Beaufortain (La Bâthie). Parking de Grande Maison (Naves/La Léchère).

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 39 Randonneurs au col de la Louze (Cevins). Skieurs de randonnée au Grand Crêtet (Naves).

L’ancien chalet-refuge du Nant du Beur- La pression venant du coté Beaufortain re à Naves vient d’être remplacé par est plus forte en période estivale. En une construction neuve de plus grande termes de randonnée la grande majori- capacité qui témoigne de l’importance té des randonneurs se rendant aux lacs des passages sur cette variante du Tour de la Tempête vient majoritairement de du Beaufortain. Le nouveau refuge offre Saint-Guérin ou d’Arêches. Ils arrivent une capacité de 31 places réparties en par le col de la Louze ou celui de La Bâ- dortoirs de 2, 4, 5 et 6 places. thie, pour aller aux lacs de la Tempête. Il propose restauration, demi-pension, La pression de l’utilisation hivernale du versant Beaufortain du Grand Mont est nuitée seule, et dispose d’une salle- © Jocelyne Chavy hors sac avec douche et WC. Le refuge elle aussi très forte. Au sommet du Grant Mont pour une étape de la course de ski alpinisme Pierra Menta (Beaufort/Doron). a ouvert à la mi-décembre 2012. Point n’est besoin de rappeler que le La célèbre course de ski alpinisme, la projet de classement s’est pour partie “Pierra Menta”, support très médiatisé lancé en réaction au projet de télécabi- de la promotion touristique du Beaufor- ne reliant le domaine skiable d’Arêches/ tain, investit chaque année le sommet. Beaufort au fond de la vallée de la Ta- Il convient aussi de signaler le dévelop- rentaise. pement de projets de micro-centrales L’aménagement des pistes de ski a hydroélectriques, notamment un projet même débordé au col de La Bâthie sur concernant le ruisseau du Bénétant à le territoire de la commune de La Bâ- Cevins. thie. Rochers déplacés au col de La Bâthie (La Bâthie). © Vincent Neyrinck Le nouveau refuge du Nant du Beurre en construction en 2011 (Naves/La Léchère). Piste de ski sous le col de La Bâthie (Beaufort). Ci-contre : Lacs de la Tempête @ Vincent Neyrinck

40 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête La proposition de classement

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 41 La proposition de classement Justification du projet (alpages) vouées jadis au pastoralisme bovin a limité la création de pistes d’al- de classement pages ; les pistes forestières ne se sont pas elles non plus multipliées ; les amé- Le site des vallées confluentes des lacs nagements hydroélectriques anciens, de Lavouet aux lacs de la Tempête est comme ceux actuellement à l’étude, encadré par deux sommets, la Pointe de sont cantonnés en fond de ravine et de la Grande Journée et la Grande Pointe vallée. de Bizzard et deux cols très fréquentés, le col de La Bâthie et le col de la Louze. Pourtant, certains signes et projets ont Il intègre, en haute montagne, des sec- alerté les élus locaux et les associations teurs naturels remarquables, comme le sur la fragilité de ce site, voisinant avec célèbre plateau des lacs de la Tempête, des secteurs dont la pression touristi- mais aussi à une altitude plus basse que notable finit par déborder en fran- des alpages toujours exploités et répu- chissant les cols. tés, tel celui de Bellachat à La Bâthie, La maîtrise de ces risques, la préser- où le fromage est encore fabriqué sur vation d’une qualité paysagère remar- Cairn en contre-haut d’un des lacs de la Tempête (Cevins). l’alpage, ainsi que ceux du Soufflet et quable mais aussi les perspectives de de Chiseruz. valorisation des éléments patrimoniaux Carte IGN (Top 25 n° 3532 OT) passant par la pointe du Dard, le passa- les plus réputés du site, ardoisières de Départ à l’extrémité nord du site, Pointe ge du Dard, et le sommet culminant du L’accès à ce territoire depuis le fond de Cevins et La Bâthie, lacs de la Tempête, de la Grande Journée, point coté 2460, Grand Mont). la vallée de la Tarentaise est difficile, li- cascade du Dard, justifient pleinement au croisement des limites de communes - à partir de ce point, une ligne fictive mité à différentes routes de montagne le projet de son classement au titre des de La-Bâthie, Beaufort-sur-Doron au vers le sud-ouest jusqu’au point coté longues et étroites qui ne sont pas dé- paysages. neigées ce qui en interdit aux voitures nord, et Tours-en-Savoie à l’ouest. 2272, extrémité est de l’arête du “chaî- l’usage hivernal. Cette difficulté a sans non de Comborsier” doute constitué une protection du site Description du périmètre La Bâthie : - vers l’ouest l’arête du “chaînon de en limitant sa fréquentation touristique. proposé pour le classe- - Point de départ : Pointe de la Grande Comborsier” jusqu’à la Pointe de Com- ment Journée à la cote 2460 au croisement borsier point coté 2534 (en passant par Les paysages ont, de ce fait, conservé des limites de communes de La Bâthie, les points cotés 2334, 2402, 2448, 2487, 2479). pour l’essentiel une qualité tout à fait re- Le projet de classement de site des val- Beaufort-sur-Doron et Tours-en-Savoie. - vers l’ouest en suivant l’arête culmi- marquable, et par là même une dimen- lées confluentes des lacs de Lavouet - la limite de commune entre La Bâthie et nante du relief, jusqu’à la grande pointe sion patrimoniale rare, au cœur d’un aux lacs de la Tempête concerne les Beaufort-sur-Doron jusqu’au point coté de Bizard, point coté 2507, également territoire densément développé (voies territoires de deux communes : Cevins, 2473, et point de rencontre avec la limite sur la limite de commune entre Cevins communication, urbanisation, tourisme et La Bâthie (canton d’Albertville Sud). de commune de Cevins (en passant par d’hiver, etc.). la pointe de Lavouet, le col de la Bâthie , et Feissons-sur-Isère (en passant par le point coté 2492). Délimitation du site la pointe de la grande combe, la Légette L’évolution des usages locaux du site du Grand Mont). - vers l’ouest, la limite de commune en- tre Cevins et Feissons-sur-Isère égale- ne s’est pas accompagnée de trans- du Nord au Sud, ment arête culminante du relief, jusqu’au formations importantes du paysage. La dans le sens des aiguilles d’une montre Cevins : moindre importance du bâti n’a pas en- - la limite de commune entre Cevins et point coté 2448, en passant par le point coté 2403. gendré de réhabilitations architecturales Département de la Savoie Beaufort-sur-Doron jusqu’au croise- - de ce point descendre vers l’ouest sur à fort impact paysager ; le passage à Commune de La-Bâthie, et de Cevins. ment des limites de commune de Cevins l’élevage ovin de plusieurs “montagnes” Beaufort-sur-Doron et La Léchère (en l’arête jusqu’à La Tournette, point coté

42 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête Carte : (sur fond IGN 1/25 000e) Le périmètre proposé au classement du site des Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête.

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 43 - descendre sur l’arête vers le nord- Le périmètre proposé au classement pour le site ouest, jusqu’au point coté 1932, - continuer la descente sur l’arête vers le des Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête. nord-ouest jusqu’au point coté 790 (en (sur fond BD orto IGN) passant par le point coté 855). - De ce point, suivre la ligne de plus grande pente vers le nord-ouest jusqu’au point fictif A situé dans le lit du ruisseau de Bénétant. Légende : limites communales : périmètre proposé au classement : La Bâthie :

- De ce point fictif A, remonter vers le nord-est jusqu’au point coté 1266 en dessous du hameau de Mondon (en passant par le point coté 879), - de ce point rejoindre la borne co- tée 1867 (en passant par le point coté 1608), - de ce point, reprendre vers le nord la ligne de crête jusqu’au point coté 2051 (en passant par croix de Dormiaz), - de ce point, continuer vers le nord en suivant la ligne de crête jusqu’à la pointe de la grande journée point coté 2460, point de départ de la description (en passant par les points cotés 2051, 2101, 2154, 2257, 2219).

NB : Les groupements bâtis du Daru, de Mondon et Lachat, situés sur la commu- ne de La Bâthie et celui de Bénétant sur la commune de Cevins sont exclus du périmètre de classement.

N © DREAL AURA Vue aérienne du site, surplombant la vallée de l’Isère et le hameau d’Arbine (La Bâthie)

44 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête Orientations générales de gestion et de mise en valeur

Les orientations générales de gestion s’attacheront prioritairement aux élé- ments du site qui constituent le moteur de sa fréquentation : les lacs de la Tem- pête et les ardoisières (principalement celles de Cevins ; celles de La Bâthie étant moins “commodes” d’accès et de moindre ampleur). Sur ces secteurs, il s’agira de veiller à ce que la qualité paysagère soit très stric- tement préservée et notamment à ce que les dispositifs spécifiques qui pour- Le Grand lac du Dard, un des sept lacs de la Tempête (Cevins). raient être mis en place pour accompa- gère et devront respecter le milieu na- gner la fréquentation des randonneurs La mise en place d’un système physi- turel protégé sur une grande partie du (signalétique, panneaux d’information, que (barrière, etc.) de limitation de la secteur par deux ZNIEFF. dispositifs de sécurisation, etc.), soient circulation motorisée, à l’entrée de ces très bien intégrés (implantation, choix différentes pistes, pourrait être propo- - Une attention particulière sera portée des matériaux, etc.) et limités au mini- sée. à la réhabilitation comme à la construc- mum strictement nécessaire. tion neuve de bâtiments d’alpage. Ce même souci devrait s’attacher aux - Cette restriction de circulation (qui est, col de La Bâthie, ainsi qu’à ses abords dans les faits, déjà plutôt bien respec- Des actions de réhabilitation devront © Vincent Neyrinck immédiats. Ces lieux sont fragiles, car tée), nécessite que les aires de station- être envisagées pour réparer certaines Chalet du Coard (Naves/La Léchère), sur une des sujets à dégradation compte tenu de nement soient adaptées à l’importance dégradations ponctuelles. Il s’agit no- voies d’accès au site proposé au classement. leur fonction d’étape “obligée” pour tous de la fréquentation, accédant au site tamment : les randonneurs (piétinement, etc.). depuis la vallée de Tarentaise. Toutefois, - des travaux de décapage et de stoc- cette adaptation ne doit pas engendrer kage de blocs rocheux au col de La Bâ- D’un point de vue plus général : un surdimensionnement (calibré sur les thie. périodes de pointe) et dégrader la qua- - Sur l’ensemble du site concerné, par- lité paysagère. La préservation d’un ca- tagé entre deux communes et deux ractère naturel doit rester un impératif. cantons, l’harmonisation de la signalé- tique est un objectif important. La gestion du site par les agriculteurs devra faire l’objet d’un accompagne- - La gestion de la circulation automobile ment spécifique : nécessite une vigilance particulière. - La création de nouvelles pistes agri- Ceci concerne les pistes permettant une coles devra s’attacher à ne pas porter circulation à l’intérieur même du site : atteinte à la qualité paysagère du site. piste permettant l’accès au col de La Bâthie (La Bâthie), qui sont tracées sur - Les projets de réhabilitation d’alpages le territoire des communes de Cevins, abandonnés devront être accompagnés Feissons-sur-Isère et Naves/La Léchère. pour optimiser leur intégration paysa Vue des ardoisières de Cevins, en face de l’alpage de Bellachat (La Bâthie).

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 45 La procédure au titre de l’Environnement Les principaux effets du - Camping et caravaning, sauf déro- gation ministérielle. classement Les étapes de la procédure Travaux soumis à autorisation ministé- Quelques principes du code de rielle après avis de la commission dépar- l’environnement tementale des sites, notamment pour : L’acte de classement n’a pas d’effet ré- - Travaux d’infrastructures : terras- troactif. Ses effets ne s’appliquent qu’aux sements, création ou modification travaux et aménagements nouveaux ou d’emprises de voiries, pistes par- aux modifications d’installations exis- kings, etc. ; tantes. La conséquence essentielle du - Travaux soumis à permis de construi- classement est de soumettre à autori- re : construction ou extension de bâti- sation toute modification de l’état ou de ment ; l’aspect du site. La protection des sites - Démolitions ; concerne uniquement le paysage du ter- - Déboisements. ritoire intéressé et n’a aucun effet sur la Travaux soumis à autorisation du pré- faune et la flore. fet du département après avis de l’ar- Le classement du site devra être reporté chitecte des bâtiments de France (délais sur les documents d’urbanisme des cinq de deux mois), notamment pour : communes concernées : Cevins, Feis- - Canalisations souterraines ; sons-sur-Isère, La Bâthie, Naves (La Lé- - Installations techniques d’alimen- chère) et Tessens (Aime) sont dotées cha- tation en eau potable de moins de cune d’un Plan Local d’Urbanisme. 20 m2 et de 3 m de haut ; Le régime d’autorisation - Ouvrages techniques nécessaires au maintien de la sécurité routière ; Une fois prise la décision de classement, - Travaux soumis à déclaration préala- tous les projets s’inscrivant en tout ou ble au titre du code de l’urbanisme ; partie dans le périmètre du site classé - Clôtures. seront soumis à la procédure légale d’autorisation de travaux en site classé Travaux non concernés par le régime (article L 341-10 du code de l’environ- d’autorisation : nement, décret du 15 décembre 1988). - Travaux d’entretien courant sans Cette procédure permettra d’apprécier modification d’aspect. Les travaux l’opportunité et les conditions d’inté- d’exploitation forestière prévus grations paysagères des aménage- dans un plan de gestion constituent ments. Ces modalités d’autorisation des travaux d’entretien courant et sont précisées ci-après selon la nature des ne sont pas soumis à autorisation. travaux concernés. - Toute activité humaine (circulation, activités de loisirs, chasse, pêche, Interdits par la loi : etc.) dès lors qu’elle ne donne pas - Lignes aériennes téléphoniques et lieu à des travaux ou installations lignes aériennes électriques nouvel- et n’a pas d’impact sur l’état ou les de moins de 19 KV ; l’aspect des lieux. - Publicité quelle qu’en soit la forme ;

46 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête Quelques remarques Les modalités pour l’enquête publique L’initiative de la mesure de protection peut être prise par Exemple de dépliant destiné à faire connaî- tout intéressé : particulier as- tre au public un site sociation, collectivités locales, classé. administration, commission des

sites, etc. ► Si le site à classer appartient à une ou plusieurs personnes privées, une enquête est orga- nisée, par arrêté préfectoral, au Exemple d’affi- cours de laquelle tout intéressé chette utilisée peut présenter ses observa- pour annoncer tions. Les conseils municipaux l’ouverture de des communes concernées l’enquête publique sont appelés à donner leur avis sur un site classé. sur le projet. À l’issue de l’enquête, la com- mission départementale de la nature, des sites et des paysa- ges émet également son avis. Dans les zones de montagne, la décision du classement est prise après consultation du comité de Massif. Le dossier est ensuite transmis au ministère chargé des sites qui consulte la commission Exemple d’affichage en mairie supérieure des sites. et d’annonce dans la presse Si les propriétaires intéressés d’une enquête administrative rela- n’ont pas manifesté d’opposi- tive à un classement. tion au classement, celui-ci est prononcé par arrêté ministériel. Dans le cas contraire, seul un décret en conseil d’État peut classer le site. La décision de classement est publiée au journal officiel, au bureau des hypothèques, et la limite du site figure au plan local d’urbanisme du territoire Exemple d’affiche concerné. annonçant une exposition réalisée sur un site à classer.

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 47 Conclusion Le projet de classement au titre des si- tes (art. L.341-1 du code de l’Environne- ment) d’un vaste secteur géographique constitué par les vallées confluentes des lacs de Lavouet et aux lacs de la Tempête descendant vers la basse val- lée de l’Isère en Tarentaise doit garantir une protection durable de ce territoire montagnard en le préservant des trans- formations qui pourraient affecter la re- marquable qualité de ses paysages.

Le projet de classement de ce site veut aussi attirer l’attention sur l’intérêt pa- trimonial de ses paysages, qui dépasse à l’évidence un cadre seulement local. Il doit éviter la banalisation qui menace de les affecter par débordement depuis les vallées voisines.

La dynamique engendrée par cette procédure doit également déboucher sur une plus grande cohérence dans la valorisation et la gestion de ce site, à travers une attention particulière portée à ses secteurs les plus fréquentés, mais aussi aux projets d’entretien et de réha- bilitation associés aux activités pasto- rales traditionnelles.

Cairn sur un bloc de rocher sur le chemin vers le plateau des lacs de la Tempête (Cevins).

Ci-contre : le chalet de Chizeruz (Cevins).

48 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête Annexes

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 49 Cette carrière en commune qualité avec C’est pourquoi par les présentes de no- Archives sur les ardoisières celle de La Bâthie, vu sa situation étant tre certaine science et autorité royale en dans une montagne limitrophe entre sur ces lois de notre conseil, nous avons ces deux communautés et qui abonde accordé et accordons au dit Seigneur de part et d’autre en égale matière. L’on Vassal Prosper Carelly de Bassy la per- pourra reconnaître les frais d’exploita- mission de faire transporter hors de nos tion sur la carrière, et du transport en se états par Radeaux sur la rivière de l’Izére conformant à la Tabelle de la paroisse les ardoises qu’il tirera de ses carrières de La Bâthie.” de la Roche de Cevins en Tarentaise, sous les conditions, cependant que les Autorisation d’exportation dits radeaux ne pourront être construits de bois de chênes, mais seulement de Un autre document daté de la même chevrons et poutres de trente à trente année autorise l’exportation des ardoi- cinq pieds de longueur avec les plan- ses de Cevins hors de Savoie. ches de bois blanc purement nécessai- res pour le transport des ardoises et que “Concession en faveur de Noble Pros- tant les bois et planches composants per Carrely Seigneur de Bassy, faire les dits radeau que les ardoises dont transporter hors des États par Radeaux ils seront chargés, seront laissés entre- par la Rivière d’Izére les ardoises qu’il posés en vente sur le chantier à Mont- tirera de ses Carrières de La Roche et meillant pendant deux mois consécutifs, Cevins sous les conditions exprimées afin que ceux de nos sujets qui- pour dans les termes présents. raient en avoir besoin s’en assortissent Charles Emmanuel par la grâce de Dieu, à part équitables, voulons qu’à ces fins Roy de Sardaigne, de Chipre et de Jé- les dits radeaux soyent consignés au rusalem, Duc de Savoye, de Montferrat commis de la douane de Montmeillant, © Archives départementales de la Savoie © Archives et Prince de Piedmont Décompte de l’extraction de l’ardoisière des Arolles (Cevins), entre le 1er juillet et 14 septembre 1789. lequel moyennant l’exécution des di- tes conditions, et après l’expiration du Le vassal Prosper Carrely de Bassy susdit terme de deux mois en donnera montagne limitrophe entre La Bâthie nous ayant très humblement supplié de Rapport de 1776 son certificat qui devra être présenté à et Cevins et s’étendant en égale bonté lui permettre de faire transporter hors l’intendant général de la Savoye auquel sur chacune des deux communautés ; de nos états par radeaux sur la rivière En 1776, un rapport est fait concernant nous mandons d’expédier en consé- le prix en est fixé dégradativement par de l’Izére, les ardoises des carrières de l’activité des deux ardoisières : quence les ordres nécessaires pour écair comme ci-après, de même que le la terre de Cevins en Tarentaise qu’il ne laisser les dits radeaux d’ardoises hors “Relation des carrières d’ardoises, port par charge de mulets des la car- pourrait pas trouver à débiter en Savoye, de nos États moyennant le payement loses, ou pierres plates, consécutive à la rière à l’entrepôt. […] en nous représentant que pareille per- des droits de sortie et de faire procéder lettre circulaire de ce bureau du 6 mars mission a été accordée par patentes du Cevins et pourvoir en cas de contravention, or- 1776 à tous les secrétaires des commu- 3 Janvier 1726, le 22 Juin 1731 au Com- Il y a une seule carrière d’ardoises de donnons que les présentes soyent enre- nautés de la Tarentaise à forme de lettre te François de Montfalcon, Seigneur de la meilleure qualité de la province, pra- gistrées au bureau du sis-dit intendant du bureau de : La Bâthie St Pierre qui en a jouis jusqu’au temps tiquée depuis très long temps, appar- général, telle étant notre volonté, donné de son contrat de mariage de sa fille tenant à Mr Le Comte de Bassy qui en à Turin le neuvième du mois de Janvier Il n’y a dans le territoire de la commu- avec le susdit seigneur, il céda à ce der- fourni même dans le Duché de Savoie. Il de l’an de grâce mil sept cent soixante nauté de La Bâthie qu’une seule carrière nier tous les droits qu’il avait rière la dite d’ardoises de très bonne qualité appar- les vend à forme de la Tabelle, ci après de notre règne le trente et unième. dans un entrepôt situé à Arbine, hameau terre de Cevins qui lui appartenait, nous tenant à la communauté. La facilité de avons bien voulu écouter favorablement de la paroisse de La Bâthie. Signé Charles Emmanuel et Scellé son exploitation est commune avec sa demande. celle de Cevins. Cette carrière étant une

50 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête Prix des ardoises Le port coûte autant cela produire les ardoises. “État de ce que coutent les ardoises tant Conflans le 2 Mai 1776” pour exploiter que pour le transport au chef lieu de La Bathie. Refus d’exportation Le millier de grandes coûte de façons quinze livres. Un homme qui sera seul “Monsieur, sans qu’on lui aide à déblayer n’en fera En vous remerciant des observations que 100 par jour et il gagne trente sols que vous m’avez transmises, je réponds et il en coûte autant pour la voiture at- à l’une des trois lettres que vous avez tendu qu’en deux jours de la montagne pris la peine de m’écrire, Monsieur, le de La Bâthie à la plaine il ne font que 10 de ce mois concernant l’exportation trois voyages. des bois et ardoises suppliée par Mr le Des secondes, un homme en fait cent Marquis de Montainard (Monteynard vingt par jour il gagne trente deux sols pour son château situé à Tencin en Isère ce qui fait treize livres six sols huit de- ?, je vous préviens que Sa Majesté n’a niers par milliers et autant pour le port. pas voulu lui permettre la sortie des dits Les troisièmes coûtent cinq livres dix bois, mais finalement des 60 milliers huits sols six deniers. De façons par mil- d’ardoises en les voiturant par terre ou liers, un homme en fait deux cent qua- sur des bateaux, ainsi cette affaire est rante par jour. Il gagne vingt huit sols. finie. |…] Des petites, la façon est de cinq livres Chambéry le 14 mai 1779 dix sols le millier. Un homme en fait dans Votre très obéissant serviteur Secchi” le jour 300. Il gagne trente trois sols. © Archives départementales de la Savoie © Archives

Évaluation du coût de la descente des ardoises de La Bathie, en 1776. Installations en ruine sur le site des anciennes ardoisières (Cevins).

Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête 51 Bibliographie

Ouvrages généraux

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Études et articles

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52 Vallées confluentes des lacs de Lavouet aux lacs de la Tempête