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64 Saint-Germain-des-prés de l'après-guerre aux années 60 : jazz, chanson et cabaret

DOSSIER

Les Freres Jacques © Studio Lipnitzki / Roger-Viollet © Studio 64 Saint-Germain-des-prés de l'après-guerre aux années 60 Dossier Saint-Germain des-prés de l'après-guerre aux années 60 : jazz, chanson et cabaret

Les Freres Jacques Saint-Germain-des-prés de l'après-guerre aux années 60 de l'après-guerre Saint-Germain-des-prés Jazz, chanson à texte, cabaret-théâtre, caves enfumées où l'on danse jusqu'à l'aube... Au sortir de laJazz, seconde chanson guerre à texte, mondiale cabaret-théâtre, caves enfumées où l'on et pendant vingt ans, Saint-Germain-des-Présdanse jusqu'à réunit l'aube...aussi bien Au sortir de la seconde guerre mondiale l'avant-garde artistique qu'une jeunesseet pendantqui ne demandevingt ans, qu'à Saint-Germain-des-Prés réunit aussi bien s'amuser, hors des codes et des sentiersl'avant-garde battus. artistique qu'une jeunesse qui ne demande qu'à s'amuser, hors des codes et des sentiers battus.

Jazz, songs and cabaret in Saint-Germain-des-Prés:

Jazz music, lyrical songs, cabaret theatre, dancing till dawn dawn till dancing theatre, cabaret songs, lyrical music, Jazz from post-war years to the 1 in smoke-filled cellars… From the end of the Second World War and and War World Second the of end the From cellars… smoke-filled in for twenty years thereon, avant-garde artists and a new generation generation new a and artists avant-garde thereon, years twenty for of youngsters eager to have fun and discover new experiences, experiences, new discover and fun have to eager youngsters of away from rules and obligations, coexisted in Saint-Germain-des-Prés. in coexisted obligations, and rules from away

60s Dossier 65 © Studio Lipnitzki / Roger-Viollet Saint-Germain-des-prés de l'après-guerre aux années 60 Dossier 66 Saint-Germain-des-prés de l'après-guerre aux années 60

Ils sont vêtus comme les Boris Vian, le couple formé « Ce sont les Américains hipsters d’aujourd’hui, par Sartre et Beauvoir qui qui ont réellement lancé chaussettes rayées et vivaient au Flore, la naissance Saint-Germain-des-prés en chemises à carreaux, on et la scission du mouvement 1947. Le mythe n’est pas né les dit zazous ou bobby lettriste, la muse Gréco qui de l’existentialisme ni même soxers et la presse croit les dormait dans une chambre des caves du quartier, mais qualifier d’existentialistes, de l'hôtel la Louisianne dans les colonnes de la presse imaginant à leur tête un avec l'écrivaine Anne-Marie internationale ». Jean-Paul Sartre troglodyte. Cazalis, sans oublier l'éclaireur De même qu'une clientèle Jacques Prévert et son groupe Après la vogue des caves où d'intellectuels fréquente le Octobre, une troupe de l'on dansait sur des musiques Flore comme un club anglais, théâtre française d'agit-prop jazz ou caribéennes, Saint- où chacun connaît jusqu’aux qui adopte tôt Mouloudji, Germain-des-prés voit mœurs intimes de son voisin, adolescent livré à lui-même. émerger les cabarets où se de même ces jeunes gens Prévert emménage avec crée un nouveau type de cultivent l'entre soi et se sa femme sous les toits de chanson française, empreinte retrouvent dans des lieux la rue Dauphine dès 1932... de poésie, qui se distingue sélect où ils écoutent du Il faut aussi mentionner de la « variété ». Dans son be-bop, du swing, de la l'atelier où Picasso s'installe ouvrage très documenté rumba. On n'entre pas en janvier 1937, grenier sur Saint-Germain-des-Prés, facilement au Tabou ou des Grands Augustins, qui Gilles Schlesser, fils du aux Caves Saint-Germain, fut auparavant le lieu de il faut jouer des coudes et travail et de répétition de fondateur de l’Écluse, quai de ses relations au milieu Jean-Louis Barrault, voisin de des Grands-Augustin, évoque d'une foule avide d'entendre Michel Leiris. Sans oublier ces cabarets où s’est créée la chanson rive gauche : un Dossier les sensations musicales la présence des éditeurs du moment. « Il est à Grasset, Gallimard ou chanteur seul au piano, avec souligner que les caves sont José Corti avant la guerre, son texte et sa voix, loin généralement réservées aux l’installation des Éditions des paillettes et des succès denrées précieuses (...). Il de Minuit de Jérôme Lindon radiophoniques. Parallèlement n’était donc pas ridicule de les en 1941, avant Seghers ou s’invente à la Rose rouge, rue affecter à l'homme lui-même », Jean-Jacques Pauvert. Au de Rennes, un nouveau genre s'amuse Boris Vian. fond pourtant, ce ne sont pas de cabaret-théâtre mêlant les intellectuels qui ont fait mime et chanson avec les Tant de symboles sont le mythe de Saint-Germain- Frères Jacques, identifiables à attachés à Saint-Germain- des-prés, analyse Anne-Marie leurs tenues colorées, gants, des-prés... La trompette de Cazalis, mais les journalistes : moustache et parapluies.

Rue Dauphine, devant le Tabou. © Roger-Viollet Saint-Germain-des-prés de l'après-guerre aux années 60 de l'après-guerre Saint-Germain-des-prés Dossier 67 © Claude Poirier / Roger-Viollet © Claude Poirier

Juliette Greco

Dressed like the hipsters of of the lettrist movement, with this area came out today, with striped socks Gréco, the muse who shared of the international press, and checked shirts, they in a room in the Hotel La not from the existentialist were known as zazous or Louisianne with the writer movement or the cellars of bobby soxers and the press Anne-Marie Cazalis, and the neighbourhood. » associated them with the of course Jacques Prévert, Once the trend of dancing to existentialist movement, the pioneer, and his French jazz and Caribbean music in

picturing a troglodyte Jean-Paul agitprop theatre group called cellars died down, Saint- Dossier Sartre at their helm. Just like Octobre, which early on Germain-des-Prés became the group of intellectuals employed Mouloudji, then famous for its cabarets where who frequented le Flore, as a teenager. In 1932, Prévert a new type of French lyrical if it were a gentlemen’s club moved in with his wife in a song combined with poetry where everyone knows even flat on Rue Dauphine… There was emerging, completely the most intimate practices of is also Picasso’s workshop different to popular French his peers, these youngsters where he established songs. In his extremely well would come together in himself in 1937 in the attic documented book entitled classy places and listen to of the Grands Augustins, Saint-Germain-des-Prés, be-bop, swing and rumba which had previously been Gilles Schlesser, the son of the among themselves. It was not the rehearsal and working founder of L’Ecluse, located easy to enter the Tabou or space of Jean-Louis Barrault, at Quai des Grands-Augustins, the Caves Saint-Germain and Michel Leiris’ neighbour. talks at length about those hear the musical sensations And what of the publishing cabarets where the rive of the moment. You had to companies such as Grasset, gauche song was invented, push your way in and know Gallimard or José Corti who consisting of a singer and the right people. Boris Vian, were present before the his piano relying only on the jokingly, said that « usually, war, joined later by Jérôme power of his lyrics and his cellars are for preserving Lindon’s Editions de Minuit in voice: a simplicity that was far precious commodities (…). It 1941 and later still by Seghers from the glitter of commercial was therefore not such a bad and Jean-Jacques Pauvert. radio hits. In the meantime, idea for them to be destined But, according to Anne-Marie at the Rose Rouge on Rue for humans ». Cazalis, it is not so much de Rennes, a new style of Many symbols and icons the intellectuals who gave theatre-cabaret combining characterise the spirit of Saint-Germain-des-Prés its mime and song was born, Saint-Germain-des-Prés: mythical status, but rather the initiated by the Frères Boris Vian’s trumpet, the press: « It is the Americans Jacques, easily recognisable couple formed by Sartre and who created the fame of with their colourful costumes, Beauvoir who lived at the Saint-Germain-des-Prés in gloves, moustaches and

© Roger-Viollet Flore, the birth and dissolution 1947. The hype associated umbrellas. Saint-Germain-des-prés de l'après-guerre aux années 60 de l'après-guerre Saint-Germain-des-prés 68 Saint-Germain-des-prés de l'après-guerre aux années 60 Dossier © Roger-Viollet

Juliette Greco, Anne-Marie Cazalis et Boris Vian.  Boris Vian et Saint-Germain En 1950, dans le Manuel de et de la rue Saint Benoît : ce alors que Sartre ne fréquentait Saint-Germain-des-Prés sont le Flore, les Deux Magots, presque jamais les caves - au style léger et parodique Lipp, le Club Saint-germain, le certes il avait fait du Flore son qu'il destine à la collection Montana... « Un Germanopratin bureau, jusqu'à ce que touristes des Guides verts de l'éditeur ne peut sortir de son territoire et admirateurs importuns ne Toutain, mais qui ne sera édité sans se munir d'un équipement l'en délogent. Le mouvement qu'en 1974 aux éditions du spatial », écrit Vian qui vivait, lancé par Sartre, notamment Chêne grâce à Noël Arnaud, lui, au-dessus du Moulin Rouge. à travers sa conférence de Boris Vian décrit Saint-Germain Dans son guide, le romancier 1945, l'Existentialisme est un comme une île cernée de pataphysicien tire à boulets humanisme, ne doit pas être rues et de boulevards qui rouges sur les « pisse-copies » confondu, nous explique Vian, sont autant de bras de mers. diffamateurs qui se croient avec les troglodytes dont il livre Certains archipels comme journalistes sous prétexte une typologie humoristique. la rue de Rennes ou les qu'ils écrivent dans un journal. Chanteur, trompettiste, poète, Grands-Augustins - auxquels Peu soucieux de vérifier auteur de pièces dramatiques, appartiennent donc L’Écluse et l'information à la source, de polars, de romans oniriques la Rose rouge - peuvent y être ceux-ci ont confondu une et animateur de Saint-Germain, rattachés, mais le cœur battant jeunesse souterraine avec les Boris Vian est magnifiquement est localisé autour de l'église philosophes existentialistes, absent de son Manuel. Non Saint-Germain-des-prés de l'après-guerre aux années 60 de l'après-guerre Saint-Germain-des-prés Dossier 69

qu'il ne soit pris d'un excès de modestie, il était sont pas du goût général. Pas assez existentialiste, sûr de lui et s'adressait à tout le monde d'égal à sans doute... Pourtant, en se dégageant des égal, fût-ce un grand philosophe, un jazzman ou combats politiques de ses pairs, Vian était en un anonyme. avance sur son temps. Le verbicruciste Robert Mais s'il est l'un des principaux catalyseurs Scipion, qui participa à l'aventure des caves, le des nuits germanopratines, Vian n'éprouve remarque avec justesse : « Boris était plus fin, simplement pas le besoin de se mettre en plus en avance. Moins dupe. Nous devions nous scène. Son esprit potache suscite l'agacement comporter comme des moutons. Lui passait pour de l’entourage sartrien qui prend cet ancien un apolitique, et souvent, il a été dédaigné pour Polytechnicien pour un matheux en costume, et cela. En fait, il était en avance. Il avait compris que ses « Chroniques du menteur » qui paraissent tout cela tournerait court, par son tempérament, dans les Temps modernes, revue fondée par par un mélange d’égoïsme et de sens de Sartre en 1945 et dirigée par Merleau-Ponty, ne l’absurde. »

In 1950, in his Manuel de Saint-Germain-des- be confused, explains Vian, with a troglodyte Prés, Boris Vian describes Saint-Germain as movement of which he provides a humoristic an island locked in by roads and boulevards, account. which represent as many inlets. Written in a

Singer, trumpeteer, poet, playwright, novelist Dossier light and satirical tone, it was initially destined of criminal fiction and fantasies all in one, Boris as a guidebook for the Guides Verts collection, Vian is wonderfully absent of his Manuel, but published by Toutain. However, it was finally extremely present in the life of Saint-Germain. released only in 1974 by Chêne Editions, thanks Not that he suddenly became terribly modest. to Noël Arnaud. Therein, Rue de Rennes and He was a self-confident man who spoke on Grands-Augustins, where l’Ecluse and Rose Rouge equal footing to all, whether they were great are located, are depicted as archipelagos that can philosophers, jazz musicians or the average man be attached to the main island, but the heart of on the street. But although he was one of the it all is located around the Church of Saint Benoît main animators of the Saint-Germain social scene, where one can find the Flore, les Deux Magots, Boris Vian simply did not feel the need to shine Lipp, the Club Saint-Germain, the Montana… the spotlight on his own activities. His cheekiness, « When you are from Saint-Germain-des-Prés, however, was not to everyone’s liking among the you cannot leave the area without a spacesuit », followers of Sartre, who regarded this ex-alumni wrote Vian, who lived just above the Moulin of Polytechnique as a mathematical geek. His Rouge. « Liars’ Chronicles » which appeared in Les Temps In this guidebook, the creative writer strongly criticises the ill practice of certain journalists who Modernes, a publication founded by Sartre in 1945 believe they are journalists only because they and headed by Merleau-Ponty, was dismissed publish articles in a newspaper. Without double by many. Not existentialist enough, no doubt… checking their information and sources, they However, by not engaging in political struggle like wrongly amalgamated an underground youth his peers did, Vian was ahead of his time. Robert movement with the intellectual and philosophical Scipion, a cruciverbalist who regularly went to the existentialist movement, although Sartre himself cellars, observed: « Boris was shrewder, ahead hardly ever frequented the cellars. Of course, of his time. Less naïve. We all just followed the he did spend time in the Flore until the flow of pack. He was considered to be apolitical, and tourists and admirers made it impossible for was often depreciated for it. But in fact, he was him to work there anymore. But the movement a visionary. His temperament, his egoism and his initiated by Sartre in 1945 with his conference sense of absurdity, helped him understand before entitled Exisentialism is Humanism must not everyone else that it would come to an end ». Saint-Germain-des-prés de l'après-guerre aux années 60 de l'après-guerre Saint-Germain-des-prés 70 Saint-Germain-des-prés de l'après-guerre aux années 60

Le Tabou, le Club Saint-Germain,  la Rose rouge

L'aventure commence avec amis. » En réalité l'aventure ne à deux pas du Flore et des le club le plus célèbre, le dure que le temps de l'année Deux Magots, en face du Tabou, la première cave de 1948. Vian migre ensuite aux Montana. Idéal ! » En 1948, Saint-Germain. Au début, ce Club Saint-Germain, dont Vian y organise une réception bistrot sans caractère situé il assure la promotion et la exceptionnelle pour Duke 33 rue Dauphine a ceci de programmation musicale et Ellington. particulier qu'il ferme après les qui fera concurrence au Tabou. autres. L’anecdote a ici force Le Saint-Yves aussi est une de légende : le Tabou possède « On ne sait plus à qui faire adresse marquante, bien une cave qu'il n'exploite pas. endosser la paternité du Club que situé un peu au-delà de « Qui l'a découverte ? Bernard Saint-Germain, écrit Philippe l'épicentre germanopratin, 4 Lucas ? Michel de Ré ? Juliette Boggio dans son livre sur Boris rue de l’université. C'est un Gréco grâce à son manteau Vian : à Chauvelot, Doelnitz, petit hôtel où l'on entame tombé dans l'escalier ? », écrit Gréco, Cazalis ou Casadesus. deux fois par semaine des Schlesser. « Peu importe. La Sans doute à tous car ils vont poèmes et des tours de petite bande de la rue Jacob rarement les uns sans les chant, et dont le hall d'entrée se met à rêver : cette cave autres. L'un d'eux a sans doute voit passer des clients qui

Dossier serait parfaite pour répéter remarqué les soupiraux, au se mêlent aux artistes et des pièces de théâtre, écouter ras du trottoir d’un immeuble au public. On y danse des du jazz et bavarder entre situé au 13, rue Saint-Benoît, be-bop endiablés, comme en

Le Tabou Saint-Germain-des-prés de l'après-guerre aux années 60 de l'après-guerre Saint-Germain-des-prés Dossier 71

témoigne une photo célèbre ou « chanson à texte ». moqué avec humour par Jean- de Robert Doisneau. On écoute Jacques Douai, Pierre Darras et Philippe Noiret Créée en 1947 dans un « le troubadour des temps qui lâchent « C'est pas bon ça, restaurant africain de la rue de modernes », à l’Échelle de ça fait rive droite ! » aussitôt la Harpe, avant de déménager Jacob. Colette Magny se après un mauvais calembour. rue de Rennes, la Rose produit un peu plus loin, au C'est dans la cave du Quod rouge est fréquentée par des Cheval D'or, 33 rue Descartes, Libet aux mur recouverts de comédiens comme Alain Cuny, où chante également Boby papiers journaux et orné d'une Roger Blin, Simone Signoret, Lapointe. En 1958, Barbara estrade de fortune que Léo Gérard Philippe et Maria s'installe pour six ans à Ferré entame sa carrière, après Casarès, mais aussi par des l’Écluse, où André Schlesser être passé en 1946 au célèbre intellectuels comme Aragon, et Marc Chevalier chantent Bœuf sur le Toit, situé rue du Elsa Triolet ou Jean Genet. régulièrement sous le nom de Colisée, et qui fut l’épicentre Marc et André. Vers 1948, Ferré et le mime des années folles. Marceau ne réunissent plus Comédien et producteur de Quelques jeunes sans le sou grand monde, quand l'arrivée radio, Francis Claude crée en se retrouvent chez Moineau, des frères Jacques et de leur 1948 le Quod Libet dans les rue Guénégaud. La patronne pianiste inverse la tendance. sous-sol de l'hôtel où il loge traverse la scène qu'occupent Poursuivant cette lancée, Yves avec Ferré, rue du Pré-aux- les artistes pour amener leurs Robert en prend la direction Clercs. L'année suivante il en 1949. s’expatrie de l'autre côté de la plats aux clients. Moineau sera Seine pour donner naissance le théâtre de la scission entre à Milord L'arsouille qui les lettristes d'Isidore Isou

Saint-Germain voit aussi Dossier émerger ce qu'on appellera révélera , et les situationnistes de Guy la « chanson rive gauche » le seul cabaret rive droite Debord, ce dernier souhaitant à l’esprit rive gauche, selon conférer une dimension Gilles Schlesser. A l'inverse, politique à ce mouvement le Don Camillo, toujours actif d'avant-garde poétique. aujourd’hui, est sans doute A-t-on précisé que Gabriel le cabaret rive gauche à Pomerand, poète et peintre l'esprit rive droite. Soit un coté lettriste, était une figure du populaire, peut-être racoleur, Tabou et du Flore ?

"La Queue de la poele", Annie Girardot au Cabaret de la Rose Rouge © Roger-Viollet Lipnitzki / Roger-Viollet © Studio Saint-Germain-des-prés de l'après-guerre aux années 60 de l'après-guerre Saint-Germain-des-prés 72 Saint-Germain-des-prés de l'après-guerre aux années 60

Tabou, Club Saint-Germain,  Rose Rouge © Studio Lipnitzki / Roger-Viollet © Studio Dossier

It all started in the most famous of them all, the a stone’s throw away from the Flore and the Tabou, number one cellar-club in Saint-Germain. Deux-Magots, just opposite the Montana, and At first, this unimpressive bistro located at 33, thought: this is the perfect spot! » It is where, in Rue Dauphine had only one redeeming feature: 1948, Vian organised a grandiose reception for it closed later than all the others. But there was . more to it: the Tabou had a cellar that nobody Equally remarkable, the Saint-Yves is located at was using. « Who discovered it? Was it Bernard 4, Rue de l’Université, just a little further from the Lucas? Michel de Ré? Or could it be Juliette Gréco epicentre of Saint-Germain. It is a small hotel that when she dropped her coat in the staircase? » hosted poetry and singing events twice a week. asks Schlesser. « No matter who it was, the small In the main lobby, artists mixed with spectators group of Rue Jacob began to dream: it would be and clients. Wild parties with be-bop dancing an ideal cellar for rehearsals, listening to jazz and took place here, famously captured by Robert chatting among friends. » In reality, the dream Doisneau in one of his photographs. only lasted throughout the year of 1948. Vian Established in 1947 in an African restaurant on then moved to the Club Saint-Germain, where Rue de la Harpe before it finally moved to Rue he became the main promoter and musical de Rennes, La Rose Rouge was frequented by coordinator, competing with the Tabou. actors such as Alain Cuny, Roger Blin, Simone « It is hard to say who really founded the Club Signoret, Gérard Philippe and Maria Casares, Saint-Germain », Philippe Boggio explains in but also by intellectuals such as Aragon, Elsa his book on Boris Vian. « It could be Chauvelot, Triolet and Jean Genet. By 1948, Ferré and Doelnitz, Gréco, Cazalis or Casadeus. Or maybe all Marceau, the mime, were struggling to attract of them, as one rarely came without the others. more people. The arrival of the Frères Jacques But surely one of them must have noticed the and their pianist changed everything. In their cellar windows just above the pavement by the building located at 13, Rue Saint-Benoît, Saint-Germain-des-prés de l'après-guerre aux années 60 de l'après-guerre Saint-Germain-des-prés Dossier 73

Darry Cowl et Christian Duvaleix dans "La Queue de la poele" au Cabaret de la Rose Rouge Dossier

wake, Yves Robert took the helm in 1949. What cabaret of rive gauche with a true rive droite was known as « rive gauche songs » or « lyrical spirit, less intellectual and more provocative, and songs » emerged in Saint-Germain. Concerts of humorously mocked by Jean-Pierre Darras and Jacques Douai, « the bard of the modern age », Philippe Noiret when they coined a bad joke : took place at the Echelle de Jacob. Not far away, « This is no good, this has rive droite written at the Cheval d’Or, located at 33, Rue Descartes, all over it ». It was on a makeshift stage in the Colette Magny was the resident stage performer, cellar of the Quod Libet, its walls plastered with along with the singer Boby Lapointe. In 1958, newspaper, that Léo Ferré started his career after Barbara became the resident artist of the Ecluse a brief appearance in the illustrious Bœuf sur le for six years, and the singers André Schlesser Toit, on Rue du Colisée, the most iconic place of and Marc Chevalier, known as Marc and André, those golden years. were also regularly invited to perform. A few penniless youths would meet at the François Claude, an actor and radio producer, Moineau on Rue Guénégaud. To attend her set up the Quod Libet in 1948 in the cellar clients, the mistress of the house had to of the hotel he stayed at with Ferré on Rue walk across the stage where the artists were des Pré-aux-Clercs. The following year, he performing. But it is in the Moineau that the established the Milord L’Arsouille, which later lettrist movement of Isidore Isou separated revealed Serge Gainsbourg, on the other side from the situationist movement initiated by Guy of the Seine. According to Gilles Schlesser, this Debord, who wanted to add a political dimension was the only cabaret of rive droite that had to avant-garde poetry. Did we mention that the true rive gauche spirit. By contrast, Don Gabriel Pomerand, a lettrist poet and painter, was Camillo, still open today, is no doubt the only an icon of the Tabou and the Flore? Saint-Germain-des-prés de l'après-guerre aux années 60 de l'après-guerre Saint-Germain-des-prés 74 Saint-Germain-des-prés de l'après-guerre aux années 60 Les scènes de la chanson  et du cabaret-théâtre

Les spectateurs de la Rose sans honte ». Et si leurs codes En 1968, le café-théâtre sonne rouge assistent à la naissance peuvent sembler désuets le déclin du cabaret et la d'une nouvelle forme de aujourd’hui, ces chansons plupart des lieux ferment. Peu cabaret-théâtre incarnée guillerettes étaient entièrement d'adresses survivent au années par les Frères Jacques, qui inédites à l'époque. 70. Parmi elles, on compte combinent chant et mime en néanmoins Chez Georges, rue interprétant des chansons de C'est une dizaine d'années plus des Canettes, bel exemple de Prévert et Kosma, Guy Béart ou tard, en 1958, que Philippe Noiret cabaret rive gauche. Georges Serge Gainsbourg. Les quatre et Jean-Pierre Darras créent leur Abbe avait acheté avec sa chanteurs costumés reprennent duo de cabaret à l’Écluse. Après femme Minouche une épicerie aussi des airs connus comme une journée passée au TNP, buvette pourvue d'une cave le « Général Castagnetas » ou vers minuit, ils entament une qu'il avait aménagée. Il y « Son Nombril » pour, selon deuxième carrière de music hall. auditionnait de jeunes artistes Boris Vian, en faire des « chefs Il faut revoir aujourd’hui leurs qui attendaient sagement leur tour, impatients de chanter assis d’œuvres ». Plutôt que le sketchs où ils se répondent du sur une enclume. Alain Souchon, Pétomane Joseph Pujol qui fit tac au tac, jouant parodiquement dont un titre de l'album Au ras rire aux éclats la d'avant de leur stature de comédiens des pâquerettes s'intitule « Rive la première guerre mondiale, qui se regardent incarner les gauche », se rappelle y être Vian s'émerveille que les personnages de Racine ou passé à ses débuts.

Dossier Frères Jacques « plaisent au Corneille. La vigueur de leurs public sans être vulgaires », échanges n'a rien à envier aux Le Mephisto, boulevard Saint- ajoutant qu' « avec eux on rit duos actuels. Germain, résume à lui seul, sinon l’évolution de la scène de cette Barbara, a l'Ecluse époque, du moins la vitesse avec laquelle un lieu changeait de fonction. D'abord club privé où l'on croise après guerre et les journalistes de Combat, il devient en 1950, sous la houlette de Mouloudji, un cabaret-théâtre faisant honneur la chanson à texte, se reconvertit en une discothèque dirigée par Boris Vian, avant, enfin, de devenir une cave de jazz.

A lire : • Boris Vian, Manuel de Saint-Germain- des-Prés, Éditions du Chêne, 1974 • Gilles Schlesser, Saint-Germain-des-Prés, coll. les lieux de légendes, Parigramme, 2014. • Philippe Boggio, Boris Vian, Flammarion, 1993. Saint-Germain-des-prés de l'après-guerre aux années 60 de l'après-guerre Saint-Germain-des-prés © Claude Poirier / Roger-Viollet © Claude Poirier Dossier 75

Further reading : • Boris Vian, Manuel de Saint-Germain-

des-Prés, Éditions du Chêne, 1974 Lipnitzki / Roger-Viollet © Studio • Gilles Schlesser, Saint-Germain-des-Prés, Philippe Noiret et Jean-Pierre Darras coll. les lieux de légendes, Parigramme, dans leur duo parodique a l’ecluse 2014. • Philippe Boggio, Boris Vian, Dossier Flammarion, 1993.

The Rose Rouge saw the rise of a new form of Corneille. Their dynamic exchanges are no less cabaret theatre personified by the Frères Jacques impressive than the duos of today. who combined song with mime and interpreted In 1968, café-theatre culture became more songs by Prévert and Kosma, Guy Béart or Serge popular than cabaret and many places were Gainsbourg. This fully costumed quartet would forced to shut down. Few survived the 1970s, perform classics such as « Général Castagnetas » and among those was Chez Georges on Rue or « Son Nombril » and, according to Boris Vian, des Canettes, a fine example of a rive gauche turned them into « masterpieces ». Rather than cabaret. Georges Abbé and his wife Minouche Joseph Pujol, the famous flatulist who had the acquired a food shop serving drinks that had whole of France in tears before the First World a cellar they fitted out. Young artists came to War, Vian was glad to see that the Frères Jacques audition there, desperately seeking their moment could « amuse an audience without being of fame as they took a seat on the legendary vulgar », adding that « with them, it is possible to anvil. Alain Souchon, in his song « Rive Gauche » laugh without shame ». And even if today their featured on the album Au ras des pâquerettes style may seem a little out-of-date, their lively recalls his début there. songs were revolutionary at the time. But no other place than the Mephisto on Approximately ten years later, in 1958, Philippe boulevard Saint-Germain illustrates the rapid Noiret and Jean-Pierre Darras formed their duo at evolution of stage shows and venues at the time. the cabaret Ecluse. Around midnight, after a day’s Straight after the war, it was a private club where work at the TNP, they would start their second Albert Camus and the journalists of the Combat life in music hall. Their sketches are a must-see. would meet. In 1950, Mouloudji turned it into a Their repartee is astounding, as they play off cabaret theatre dedicated to lyrical songs before each other’s status as actors and observe each Boris Vian made it a night club. In the end, it other as they play the characters of Racine and became a jazz cellar. Saint-Germain-des-prés de l'après-guerre aux années 60 de l'après-guerre Saint-Germain-des-prés