MCED 86 JANVIER 2017

SOMMAIRE

MISE AU POINT MISE AU POINT : ANOMALIE DU CALCIUM 5 Classification et marqueurs théranostiques des tu- 50 Hyperparathyroïdie primaire : diagnostic et pièges meurs hypophysaires 54 Traiter ou non l’hyperparathyroïdie primaire 12 Les craniopharyngiomes de l’enfant : stratégie de prise 59 Les effets non-classiques de la vitamine D : niveau de en charge preuves et perspectives

ATELIER MISE AU POINT : SURRÉNALES 16 Le dosage des stéroïdes par spectrométrie de masse 62 Hyperaldostéronisme primaire, consensus de la SFE/ en tandem : une avancée majeure pour le diagnostic SFHTA/AFCE des endocrinopathies 70 Hyperplasie macronodulaire bilatérale des surrénales 23 Dénutrition chez le sujet obèse 30 Instabilité glycémique : démarche diagnostique et thé- CONFÉRENCE rapeutique 74 Parlons de glucagon 35 Thyroïde et grossesse 79 Le diabète de type 1 : une maladie auto-immune et de 40 Les hypogonadismes masculins la cellule bêta

Médecine Clinique Endocrinologie & Diabète Rédacteurs en chef : Philippe Chanson – Pierre Bougnères Directrice de la rédaction : Sophie Le Fur Comité de rédaction : Jacques Young – Bertrand Cariou – Frédéric Castinetti– Bruno Fève – Jean Girard – Pierre Gourdy – Véronique Kerlan – Etienne Larger – Laurence Leenhardt – Gérald Raverot – Patrice Rodien – Jean-Louis Wémeau. Secrétaire de rédaction : Nathalie Frament Endocrinologie : Thierry Brue – Reproduction : Nathalie Chabbert–Buffet – Thyroïde : Philippe Caron Comité francophone : Albert Beckers (Liège) – François Pralong (Lausanne) – André Scheen (Liège) Brèves : Sophie Le Fur – Pierre Bougnères – Philippe Chanson Mise en page et réalisation graphique : Sophie Valtat Editeur : Manner – 58 av de Wagram 75017 PARIS Directrice de la publication : Sonia Litwin Abonnements : Manner – 58 av de Wagram 75017 PARIS, [email protected] Fabrication : Inore Groupe – 4, rue Thomas Edison – 58641 Varennes-Vauzelles cedex Prix au numéro : 35 € ­– Abonnement annuel : Individuel, France et export : 120 € – Internes, France et export : 60€ – Institutions, France : 240 € – Institutions, Export : 290 € ISSN : en cours – Dépôt légal : à parution – Commission paritaire : 0518 T 82474

3 MCED n°86 – Janvier 2017 MCED n°86 – Janvier 2017

JNDES MISE AU POINT

Classification et marqueurs théranostiques des tumeurs hypophysaires

Alexandre Vasiljevic1, Julie Beauvy2, Marion Lapoirie2, Hélène Lasolle2, Gérald Raverot2,3 1 Centre de Pathologie Est, Groupement Hospitalier Est-Lyon, Université de Lyon, Université Lyon 1 2 Fédération d’Endocrinologie du Pôle Est, Groupement Hospitalier Est-Lyon, Université de Lyon, Université Lyon 1 3 INSERM U1052 ; CNRS UMR5286 ; Cancer Research Center of Lyon Mots clés : tumeur hypophysaire, classification, pronostic, marqueurs

es tumeurs hypophysaires dérivées de quement comme une maladie endocrinienne sont considérées comme agressives nécessi- Ll’antéhypophyse représentent 15 % des et non pas tumorale. Il est certain que les tant une prise en charge thérapeutique mul- tumeurs cérébrales [1]. Toutefois, du fait métastases sont rares mais près de 40 % de timodale combinant chirurgie, traitements de leur caractère généralement bénin, ces ces tumeurs sont invasives pour les sinus médicaux et radiothérapie [2]. tumeurs ont longtemps été considérées uni- caverneux, et un sous-groupe de ces tumeurs La classification de l’OMS date de 2004 [3]

A B C

D E F

Figure 1. Classification de Knosp « revisitée » adaptée de [5]. (A) Grade 0 : pas de contact avec le sinus caverneux. (B) Grade 1 : la tumeur pousse la paroi médiane du sinus caverneux mais ne dépasse pas une ligne virtuelle passant par le centre des deux segments carotidiens. (C) Grade 2 : la tumeur dépasse cette ligne mais ne dépasse pas la ligne tangente passant par les bords latéraux de ces deux segments artériels. (D) Grade 3A : la tumeur s’étend latéralement au-delà de la tangente latérale dans la partie supérieure du sinus caverneux. (E) Grade 3B la tu- meur s’étend latéralement au-delà de la tangente latérale dans la partie inférieure du sinus caverneux. (F) Grade 4 : englobement complet de la carotide interne. 5 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES MISE AU POINT

et identifie un groupe de tumeurs nommées en fonction du franchissement ou non de L’invasion du sinus caverneux reste le « atypiques », mais les critères de définition lignes virtuelles tracées entre la partie facteur pronostique principal des tumeurs sont flous et surtout aucune étude n’a validé intra et supracaverneuse des carotides hypophysaires. La limite anatomique que la valeur pronostique de cette classification. internes [4]. Les tumeurs de grade 3 et 4 constitue le sinus caverneux ne permet En l’absence de classification spécifique ou sont généralement considérées comme in- pas au chirurgien de réaliser une résec- de marqueurs pronostiques, il est actuelle- vasives. Toutefois, avec le développement tion complète de la tumeur. Ceci conduit ment impossible de proposer une stratégie de la chirurgie endoscopique, qui permet à la persistance d’un résidu post-opéra- thérapeutique adaptée à chaque situation une meilleure visualisation du sinus caver- toire qui est associé à un haut risque de clinique. neux, le groupe de Knosp a revu la valeur progression tumorale au cours du suivi L’objectif de cette revue est donc de re- prédictive de sa classification et a proposé (Tableau 1) [6]. prendre les critères clinico-pathologiques de diviser le groupe 3 en 2 sous-groupes 3A qui nous permettraient de mieux prendre et 3B en fonction de l’invasion de la partie Qu’est-ce qu’une tumeur hypophysaire en charge ces patients. supracarotidienne ou infracarotidienne du agressive ? sinus caverneux [5] (Figure 1). Le grade 3B Actuellement il n’y a pas de définition Identifier les tumeurs invasives semble être associé à un fort risque d’in- consensuelle de l’agressivité tumorale. En vasion contrairement au grade 3A (26,5 % effet, de nombreux auteurs utilisent les La fréquence des tumeurs hypophysaires versus 70,6 %). termes « invasif » et « agressif » comme invasives dans la littérature est très variable Il est important de souligner que l’extension des synonymes, ce qui est faux. La défini- en fonction des critères utilisés pour identi- suprasellaire ne doit pas être considérée tion d’agressivité est en fait clinique et cor- fier l’invasion : i) imagerie pré-opératoire, comme un signe d’invasion. Par contre, respond à une tumeur à croissance rapide, (IRM en général) ; ii) constatation per-opé- l’invasion sphénoïdale, parfois difficile à résistant aux traitements médicaux et qui ratoire par le chirurgien ; iii) invasion ana- évaluer lors de l’IRM préopératoire mais présente de multiples récidives ou une ré- tomopathologique. constatée par le chirurgien, est un signe cidive précoce malgré l’absence de résidu L’invasion radiologique du sinus caver- d’invasion qui peut être confirmé par l’ana- post-opératoire [7]. La limite de cette défi- neux est généralement évaluée en utili- tomopathologie avec l’invasion de la mu- nition repose sur le fait que l’on doit suivre sant la classification de Knosp en 4 grades queuse respiratoire. ces patients afin de classer leurs tumeurs

Tableau 1. Résultats post-opératoires des tumeurs gonadotropes et risque de récidive associé à la persistance d’un résidu tumoral d’après Cortet-Rudelli et al [6].

Récidive en l’absence Récidive en cas Auteurs Total/ sans RT Suivi (années) Type d’étude de résidu de résidu

Turner (1999) 65/65 6,3 Rétrospective 9/31 (20 %) 12/34 (35 %)

Woollons (2000) 72/22 5,3 Rétrospective 2/11 (18 %) 8/11 (73 %)

Soto-Ares (2002) 51/51 5,6 Prospective 0/17 (0 %) 13/34 (38 %)

Greenman (2003) 122/108 4,2 Prospective 6/30 (20 %) 41/78 (53 %)

Ferrante (2006) 226/150 8,1 Rétrospective 14/73 (19 %) 45/77 (58 %)

Dekkers (2006) 97/91 6,0 Rétrospective 1/27 (4 %) 9/64 (14 %)

van den Bergh (2007) 122/46 8,0 Rétrospective 1/18 (6 %) 16/28 (57 %)

436/355 4,5 Prospective Suivi sans progression à 5 ans Suivi sans progression à 5 ans Losa (2008) 87,1 % 39,2 %

O'Sullivan (2009) 126/126 5,7 Rétrospective 0/26 (0 %) 53/100 (53 %)

Brochier (2010) 142/127 6,9 Rétrospective 10/42 (24 %) 46/85 (54 %)

Reddy (2011) 144/144 6,1 Rétrospective 2/29 (7 %) 49/115 (43 %)

Total 1603/1285 45/304 (15 %) 292/626 (47 %)

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Tableau 2. Description des principales études évaluant la fréquence des tumeurs hypophysaires atypiques.

Proportion de Sous-type histologique (%) Schéma Nombre de Age moyen Ki67 Référence Année macroadé- de l’étude patients (%) (années) (moyenne) nomes Null GH ACTH PRL FSH/LH

2007 Retro 12/451 NA NA 3 4 3 1 1 NA Saeger (2,7) (25) (33,4) (25) (8,3) (8,3) Schei- 2006 Retro 6/78 NA NA NA NA NA NA NA NA thauer (14,7) 2011 Retro 18/121 48 94 % 5 5 5 2 1 7 % Zada (14,8) (16–70) (27,8) (27,8) (27,8) (11,1) (5,5) 2013 Retro 13/146 52,7 100 % 9 1 0 3 0 4,7 % Yildirim (8,9) (27–80) (69,3) (7,6) (0) (23,1) (0) 2015 Retro 64/343 42 78,1 % 20 17 10 16 3 % Chilorio (18,7) (31,2) (26,6) (15,6) (25%) Del Basso 2016 Retro 50/434 42,2 82 % 21 9 8 10 2 5,6 % De Caro (11,5) (9-86) (42) (18) (16) (20) (4) 163/1 573 58 36 26 32 4 Total (10,3) comme agressives. Ainsi aucune adaptation Classification clinicopathologique pronos- matostatine. Ceci pourrait s’expliquer par thérapeutique préventive ou adjuvante n’est tique des tumeurs hypophysaires une plus faible expression des récepteurs possible en période post-opératoire. Cette de somatostatine de type 2 [15]. évolution chronique peut mettre en jeu le Le compte rendu anatomopathologique pronostic vital même en l’absence de métas- d’une tumeur hypophysaire doit permettre Tumeurs hypophysaires “silencieuses” tase ce qui impose un suivi au long cours de au clinicien d’optimiser la prise en charge Le diagnostic de tumeur silencieuse est tous les patients. de son patient. Il doit comprendre le type généralement fait en post-opératoire histologique de la tumeur mais aussi, idéa- lorsque l’analyse histologique révèle l’ex- Classification de l’OMS 2004 : tumeurs lement, l’étude des marqueurs de prolifé- pression d’une hormone non identifiée en atypiques ration avec au moins le ki67 mais aussi le pré-opératoire du fait de l’absence de signe Selon cette classification, les adénomes nombre de mitoses et l’expression de la p53. clinique. En l’absence de signe clinique atypiques sont des tumeurs qui présentent les explorations biologiques préopéra- des « caractéristiques atypiques suggérant Le sous-type histologique toires sont généralement limitées, mais un comportement agressif tel que l’inva- L’analyse histologique va donc permettre dans certaines situations, il n’est pas rare sion tumorale » [3]. Ces caractéristiques de confimer le type sécrétoire mais éga- d’identifier des sécrétions anormales, comprennent « un index de mitose élevé, lement d’identifier des sous-types pou- en particulier pour les adénomes corti- un ki67 supérieur à 3 % ou un immuno- vant modifier le pronostic des tumeurs, cotropes silencieux, avec une discordance marquage étendu pour la p53 ». Le flou en particulier les adénomes corticotropes entre des taux d’ACTH relativement éle- entourant cette classification rend son silencieux et les adénomes somatotropes vés, et des taux de normaux et utilisation difficile par les anatomopa- paucigranulaires. une absence de freination de l’ACTH au thologistes. Depuis sa publication, seules test à la dexamethasone minute [7, 16, 17]. 6 études ont essayé d’évaluer la fréquence Adénome somatotrope paucigranulaire L’identification de ces adénomes corti- de ces tumeurs atypiques (Tableau 2) et au- (SG) cotropes silencieux est d’autant plus im- cune n’a pu analyser sa valeur pronostique. Ce sous-type de tumeurs somatotropes portante qu’ils semblent associés à un haut A la relecture de ces études, on voit que était historiquement caractérisé par des risque de récidive au cours du suivi [18] la fréquence des tumeurs atypiques va de études de microscopie électronique. ,et dans quelques cas à une transformation 2,7 % à 18,7 %. Ceci peut s’expliquer par Actuellement l’analyse de l’expression de tumorale responsable d’une hypersécré- la grande variété des critères utilisés entre la cytokératine par immunohistochimie tion cliniquement significative aboutissant les différents groupes et cela explique sa permet de différencier les adénomes pau- à une maladie de Cushing typique. Bien faible utilisation en routine [8-14]. De plus, cigranulaires (SG) de ceux ayant une den- que rare, la fréquence de ces tumeurs est aucune étude n’a évalué la valeur pronos- sité élevée (DG) [15]. très élevée dans les séries de carcinomes tique de cette classification sur le risque Les adénomes SG seraient plus résistants hypophysaires, justifiant une attention de récidive à long terme. aux traitements par analogues de la so- particulière [7]. 7 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES MISE AU POINT

Invasion Prolifération

Sinus caverneux (Knosp > 3) Mitose > 2 Ki67 > 3% p53 + Sinus sphénoïde

Non Oui 0 ou 1 marqueur 2 ou 3 marqueurs

1 2 A B

Figure 2. Classification clinicopathologique des tumeurs hypophysaires (adaptée de Trouillas et al [22]).

Marqueurs de prolifération : Ki67 et mitoses Vers une nouvelle classification clinico- de souligner que l’évaluation de la valeur Le nombre de mitoses et les atypies cel- pathologique des tumeurs hypophysaires pronostique de ces marqueurs est dépen- lulaires ne permettent pas de prédire à L’invasion tumorale étant le facteur pro- dante de la définition de ce que l’on consi- elles seules le pronostic tumoral. La va- nostique principal, nous avons voulu le dère comme une réponse (hormonale ou leur prédictive du comportement tumoral combiner aux marqueurs pathologiques tumorale). de l’index Ki67 est aussi cont roversée. De afin de proposer une classification en 5 nombreuses revues soulignent l’absence grades en fonction de l’invasion et de la Prédiction de la réponse aux analogues de de consistance quant à sa valeur prédic- prolifération analysée par la combinai- la somatostatine tive [19, 20]. son des 3 facteurs que sont le nombre de Les analogues de la somatostatine exercent Etudié seul, ce facteur a donc des limites, mitoses, l’index Ki67 et l’expression de leur effet anti-sécrétoire et anti-tumoral ce qui encourage à l’utiliser au sein d’une la p53 (Figure 2). sur les cellules antéhypophysaires par classification prenant en compte l’asso- La valeur pronostique de cette classifica- l’intermédiaire de leurs récepteurs. Les ciation d’autres paramètres. tion a été prouvée par une étude cas té- récepteurs de la somatostatine (SSTR) moins de 410 patients avec 8 ans de suivi sont constitués de cinq sous-types (SSTR1 Expression de la p53 post-opératoire. Les tumeurs de grade 2b à SSTR5). Dans l’hypophyse humaine, La surexpression de la p53 a été décrite sont associées à un risque de progression SSTR1, 2, et 5 sont les récepteurs les plus dans quelques adénomes et carcinomes et de récidive 12 fois plus élevé que les fréquemment exprimés. Les analogues hypophysaires, suggérant son potentiel tumeurs de grade 1a [22]. de la somatostatine de première généra- rôle pronostique. Dans une série de 77 tion (lan réotide et oct réotide) agissent par adénomes, l’expression de la p53 était re- Marqueurs théranostiques des tumeurs l’intermédiare de SSTR2 et ont l’AMM trouvée dans 15% des tumeurs invasives, hypophysaires pour le traitement des adénomes soma- dans 100 % des carcinomes hypophysaires totropes et thyréotropes. Pour l’heure, un et absente dans les tumeurs non invasives Les marqueurs théranostiques sont des seul analogue de deuxième génération de [21]. Toutefois, l’analyse de l’expression marqueurs qui permettent d’identifier les la somatostatine, ayant une affinité plus de la p53 est techniquement difficile et patients qui ont le plus de chance de répondre larges avec les récepteurs SSTR1, 2, 3 d’interprétation variable en fonction des à un traitement. Dans le cadre des tumeurs et 5 est disponible (pasiréotide) pour le pathologistes, ce qui explique sa faible hypophysaires, deux options thérapeutiques traitement des adénomes corticotropes utilisation en routine. Une expression nu- peuvent bénéficier de cette approche « en et adénomes somatotropes résistants aux cléaire faible étant fréquente, il est mainte- routine » : le traitement par analogues de la analogues de première génération [23-25]. nant admis que seul un fort signal nucléaire somatostatine et le traitement par un agent Bien que SSTR2 soit exprimé dans cer- doit être considéré comme positif [22]. alkylant (le témozolomide). Il est important tains adénomes gonadotropes, il n’existe 8 MCED n°86 – Janvier 2017 MISE AU POINT JNDES

pas d’étude clinique démontrant l’efficaci- té des analogues de la somatostatine pour A B le traitement de ces adénomes. L’essentiel des données de la littérature concernant la relation entre l’expression des SSTRs et la réponse aux traitements repose sur l’évaluation de la réponse aux analogues de la somatostatine dans l’acromégalie. Les études cliniques récentes soulignent que les analogues de la somatostatine de première génération ne normalisent l’hy- persécrétion de GH que dans 30 à 45 % des adénomes somatotropes [26-28]. Les pre- C D mières études de faibles effectifs reposant sur l’expression de l’ARNm des SSTRs, ont permis de montrer qu’il existait une corrélation positive entre l’expression de ces récepteurs et la sensibilité au traite- ment [29]. Le développement de nouveaux anticorps anti-SSTR2 et 5 permet une meilleure quantification de l’expression de ces récepteurs [15, 30] (Figure 3 A,B) et ainsi une évaluation reproductible de la corrélation clinique. Une seule étude évaluant la réponse au E F pasiréotide en fonction de l’expression des SSTRs dans les adénomes somatotropes est disponible à ce jour. Cette étude confirme que les adénomes résistants aux analogues de première génération avaient une faible expression de STTR2 et que seuls les adénomes ayant une expression forte de SSTR5 présentent une réponse Figure 3. Marqueurs théranostiques : Adénome somatotrope, Immunomarquage SSTR2 et favorable au pasiréotide [31]. SSTR5. (A) Expression forte (>75%) SSTR2. (B) Expression forte (>75%) SSTR5. Immunomar- Bien que l’ét ude de l’expression des SSTRs quage CK 18. (C) Granulations denses. (D) Granulations faibles. Immunomarquage MGMT. soit maintenant plus aisée, elle reste coû- (E) Absence d’expression en dehors des cellules endothéliales qui représentent un contrôle teuse. Une évaluation indirecte de cette positif interne. (F) Forte expression de MGMT dans environs 100% des cellules tumorales. MGMT : O6-methylguanine-DNA methyl-transferase ; SSTR : Recepteurs de la somatostatine. expression et de la réponse aux analogues de la somatostatine pourrait être obtenue en évaluant la granulation tumorale à par- ciée à ce signal IR M [36]. L’impact clinique nombreux cas cliniques et de petites sé- tir d’une étude immunohistochimique de doit être pondéré par le fait que près de 30 % ries cliniques ont démontré l’efficacité la cytokératine (Figure 3 C, D). Ainsi, les des adénomes somatotropes ont un signal d’un traitement par témozolomide chez adénomes faiblement granulaires (SG) ex- intermédiaire ou non quantifiable (adé- environ 40 % des cas [38]. Dans cette in- priment moins SSTR2 [15] et sont moins nomes kystiques) rendant toute prédiction dication, l’identification de marqueurs pro- sensibles que les adénomes richement de réponse impossible. De plus ces données nostiques de la réponse thérapeutique serait granulaire (DG) [32-34]. sont récentes et restent à confirmer. très utile afin de sélectionner les patients Cette évaluation de la granulation et donc présentant une forte chance de répondre à de l’expression pourrait même être suspec- Temozolomide et expression de cette chimiothérapie dont les effets secon- tée dès l’étude des séquences T2 de l’IRM l’O6-methylguanine-DNA methyl-trans- daires ne peuvent pas être négligés. Dans le hypophysaire. Ainsi les adénomes en hy- ferase (MGMT) cadre des glioblastomes, il a été montré que posignal T2 seraient plus sensibles aux Le témozolomide (TMZ) est un agent l’étude de la méthylation du promoteur de analogues de la somatostatine [35], et cela alkylant utilisé dans les chimiothérapies la MGMT pourrait prédire l’expression de pourrait être lié à la densité granulaire asso- des glioblastomes [37]. Depuis 2006, de la MGMT et la réponse au témozolomide. 9 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES MISE AU POINT

15. Chinezu L, Vasiljevic A, Jouanneau E, et al. Une forte expression de MGMT et donc une en charge dans le futur en proposant une Expression of somatostatin receptors, SSTR2A and absence de méthylation du promoteur serait thérapeutique plus intensive et un meilleur SSTR5, in 108 endocrine pituitary tumors using immunohistochemical detection with new specific associée à une résistance au traitement. suivi aux patients ayant un plus mauvais monoclonal antibodies. Hum Pathol 2014 ; 45 :71-7. Certaines études suggèrent que l’expres- pronostic, et au contraire un suivi allégé 16. Raverot G, Assié G, Cotton F, et al. Biological sion de la MGMT (Figure 3 E, F) pourrait en cas de pronostic favorable. and radiological exploration and management of non-functioning pituitary adenoma. Ann Endocrinol être également un marqueur prédictif de (Paris) 2015 ; 76 :201-209. la réponse au traitement dans le cadre des A. Vasiljevic, J. Beauvy, M. Lapoirie, H. Lasolle, 17. Raverot G, Wierinckx A, ouanneau E, et al. Clinical, hormonal and molecular characterization tumeurs hypophysaires [39-41]. Toutefois, G. Raverot of pituitary ACTH adenomas without (silent corti- cela n’a pas été confirmé par l’ensemble des [email protected] cotroph adenomas) and with Cushing’s disease. Eur études, et l’étude de la MGMT ne doit donc J Endocrinol 2010 ; 163 :35-43. 18. Jahangiri A, Wagner JR, Pekmezci M, et al. A pas être un critère unique permettant d’ini- Références Comprehensive Long-Term Retrospective Analysis tier le traitement [42] ce d’autant plus qu’il of Silent Corticotrophic Adenomas versus Hormone- 1. Aflorei, E.D, Korbonits M. Epidemiology and etio- Negative Adenomas. Neurosurgery 2013 ; Mar 5. existe également une grande variabilité pathogenesis of pituitary adenomas. J Neurooncol 2014 ; 117 :379-94. 19. Salehi F, Agur A, Scheithauer BW, et al. Ki-67 in interobservateurs [43]. pituitary neoplasms : a review--part I. Neurosurgery 2. Di Ieva A, Davidson JM, Syro LV, et al. Crooke’s 2009. 65 :429-37 ; discussion 437. L’étude de la méthylation du promoteur cell tumors of the pituitary. Neurosurgery 2015 ; de la MGMT n’a pas permis de mettre 76 :616 -22 . 20. de Aguiar PH, Aires R, Laws ER, et al. Labeling index in pituitary adenomas evaluated by means of en évidence une corrélation entre la mé- 3. DeLellis RA. Pathology and genetics of tumours MIB-1 : is there a prognostic role? A critical review. of endocrine organs. 2004, Lyon ; [Great Britain] : Neurol Res 2010 ; 32 :1060-71. thylation et l’expression de la MGMT par IARC Press. 21. Thapar K, Scheithauer BW, Kovacs K, et al. p53 immunohistochimie. La méthylation n’est 4. Knosp E, Steiner E, Kitz K, Matula C. Pituitary expression in pituitary adenomas and carcinomas : pas non plus corrélée à la réponse au trai- adenomas with invasion of the cavernous sinus space : correlation with invasiveness and tumor growth a magnetic resonance imaging classification com- fractions. Neurosurgery 1996 ; 38 :765-70 ; discus- tement par témozolomide. La régulation de pared with surgical findings. Neurosurgery, 1993 ; sion 770-71. 33 :610-17 ; discussion 617-18. l’expression de la MGMT ne dépend donc 22. Trouillas J, Roy P, Sturm N, et al. A new pro- pas uniquement de la méthylation de son 5. Micko AS, Wöhrer A, Wolfsberger S, Knosp E. gnostic clinicopathological classification of pituitary Invasion of the cavernous sinus space in pituitary adenomas : a multicentric case-control study of 410 promoteur, et la réponse au traitement par adenomas : endoscopic verification and its correla- patients with 8 years post-operative follow-up. Acta tion with an MRI-based classification. J Neurosurg Neuropathol 2013 ; 126 :123-35. teémozolomide n’est pas uniquement dictée 2015 ; 122 :803-11. par le niveau d’expression de la MGMT. 23. Fleseriu M. Medical treatment of Cushing di- 6. Cor tet-Rudelli C, Bon neville J F, Borson- Chazot F, sease : new targets, new hope. Endocrinol Metab Clin D’autres marqueurs pronostiques, notam- et al. Post-surgical management of non-functioning North Am 2015 ; 44 :51-70. pituitary adenoma. Ann Endocrinol (Paris) 2015 ; ment MSH6 (mutS homolog 6, protéine im- 76 :228 -38. 24. Öberg K, Lamberts SW. Somatostatin analogues in acromegaly and gastroenteropancreatic neuroen- pliquée dans la machinerie de réparation 7. Raverot G, Jouanneau E, Trouillas J. Management docrine tumours : past, present and future. Endocr de l’ADN) [44], ont été proposés mais les of endocrine disease : clinicopathological classifica- Relat Cancer 2016 ; 23 :R551-R566. tion and molecular markers of pituitary tumours for études restent limitées. 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Miermeister CP, Petersenn S, Buchfelder M, et al. controlled acromegaly (PAOLA) : a randomised, taux hormonaux, les données radiologiques Histological criteria for atypical pituitary adenomas phase 3 trial. Lancet Diabetes Endocrinol 2014 ; - data from the German pituitary adenoma registry 2 :875 - 8 4. et anatomopathologiques sont incapables suggests modifications. Acta Neuropathol Commun 2015 ; 3 :50. 29. Jaquet P, Savanu A, Gunz G, et al. Human soma- de prédire le comportement tumoral et la tostatin receptor subtypes in acromegaly : distinct réponse aux traitements. La classification 12. Saeger W, Lüdecke DK, Buchfelder M, et al. patterns of messenger ribonucleic acid expression and Pathohistological classification of pituitary tumors : hormone suppression identify different tumoral phe- tumorale prenant en compte l’invasion ra- 10 years of experience with the German Pituitary notypes. J Clin Endocrinol Metab 2000 ; 85 :781-92. Tumor Registry. Eur J Endocrinol, 2007 ; 156 :203-16. diologique et les marqueurs anatomopa- 30. Fougner SL, Borota OC, Berg JP, et al. The clinical 13. Yildirim AE, Divanlioglu D, Nacar OA, et al. thologiques est une première étape dans la response to somatostatin analogues in acromegaly Incidence, hormonal distribution and postopera- correlates to the somatostatin receptor subtype 2a personnalisation du traitement de chaque tive follow up of atypical pituitary adenomas. Turk protein expression of the adenoma. Clin Endocrinol Neurosurg 2013 ; 23 :226-31. patient. Le développement et l’étude de (Oxf) 2008 ; 68 :458-65. 14. Scheithauer BW, Gaffey TA, lloyd RV, et al. 31. Iacovazzo D, Carlsen E, Lugli F, et al. 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somatostatin analogues : an immunohistochemical tential marker for response to somatostatin analogs nomas and pituitary carcinomas given treatment study. Eur J Endocrinol 2016 ; 174 :241-50. in newly diagnosed acromegaly. Endocrine 2016 ; with temozolomide. J Clin Endocrinol Metab 2015 ; 32. K iseljak-Vassiliades K, Carlson N E, Borges MT, 52 :333-43. 100 :1689-98. et al. tumor histological subtypes 37. Wick W, Weller M, van den Bent M, et al. MGMT 42. Raverot G, Sturm N, de Fraipont F, et al. predict response to surgical and medical therapy. testing--the challenges for biomarker-based glioma Temozolomide Treatment in Aggressive Pituitary Endocrine 2015 ; 49 :231-41. treatment. Nat Rev Neurol 2014 ; 10 :372-85. Tumors and Pituitary Carcinomas : A French 33. Fougner SL, Casar-orota O, Heck A, et al. 38. Raverot G, Castinetti F, Jouanneau E, et al. Multicenter Experience. J Clin Endocrinol Metab Adenoma granulation pattern correlates with clinical Pituitary carcinomas and aggressive pituitary tu- 2010 ; 95 :4592-99. variables and effect of somatostatin analogue treat- mours : merits and pitfalls of temozolomide treat- 43. Bush ZM, Longtine JA, Cunningham T, et al. ment in a large series of patients with acromegaly. ment. Clin Endocrinol (Oxf) 2012 ; 76 : 769-75. Temozolomide treatment for aggressive pituitary Clin Endocrinol (Oxf) 2012 ; 76 :96-102. 39. McCormack AI, McDonald KL, Gill AJ, et al. tumors : correlation of clinical outcome with O(6)- 34. Brzana J, Yedinak CG, Gultekin SH, et al. Growth Low O6-methylguanine-DNA methyltransferase methylguanine methyltransferase (MGMT) promo- hormone granulation pattern and somatostatin recep- (MGMT) expression and response to temozolomide ter methylation and expression. J Clin Endocrinol tor subtype 2A correlate with postoperative somatos- in aggressive pituitary tumours. Clin Endocrinol Metab 2010 ; 95 :E280-90. tatin receptor ligand response in acromegaly : a large (Oxf) 2009 ; 71 :226-33. 44. Hirohata T, Asano K, Ogawa Y, et al. DNA mis- single center experience. Pituitary 2013 ; 16 :490-98. 40. Kovacs K, Scheithauer BW, Lombardero M, et al., match repair protein (MSH6) correlated with the res- 35. Potorac I, Petrossians P, Daly AF, et al. T2- MGMT immunoexpression predicts responsiveness ponses of atypical pituitary adenomas and pituitary weighted MRI signal predicts hormone and tumor of pituitary tumors to temozolomide therapy. Acta carcinomas to temozolomide : the national coope- responses to somatostatin analogs in acromegaly. Neuropathol 2008 ; 115 :261-62. rative study by the Japan Society for Hypothalamic Endocr Relat Cancer 2016 ; 23 : 871-81. and Pituitary Tumors. J Clin Endocrinol Metab 2013 ; 41. Bengtsson D, Schroder HD, Andersen M, et al. 98 :1130 -36. 36. Heck A, Emblem KE, Casar-Borota O, et al. Long-term outcome and MGMT as a predictive Quantitative analyses of T2-weighted MRI as a po- marker in 24 patients with atypical pituitary ade-

11 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES MISE AU POINT

Les craniopharyngiomes de l’enfant : stratégie de prise en charge

Stéphanie Puget1, Kevin Beccaria1, Claire Alapetite2, Dulanjalee Kariyawasam3, Michel Polak3, Delphine Zenaty4, Raphael Calmon5, Christian Sainte-Rose1

1 Hôpital Necker, Département de Neurochirurgie Pédiatrique, Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité 2 Médecin de centre, Institut Curie, Département de Radiothérapie 3 Hôpital Necker, Département d’Endocrinologie Pédiatrique, Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité 4 Hôpital Robert Debré, Département d’Endocrinologie Pédiatrique 5 Hôpital Necker, Département de Radiologie Pédiatrique, Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité Mots clés : craniopharyngiome, pédiatrie, hypothalamus, protonthérapie, qualité de vie

a prise en charge des craniopharyn- suivi. Au diagnostic, il est idéal de pouvoir Lgiomes de l’enfant est multidiscipli- Hydrocéphalie faire une évaluation la plus complète pos- naire, de moins en moins controversée, sible du statut visuel (fond d’œil, acuité et mais reste un défi chirurgical. Pendant de champ visuels) et endocrinien de l’enfant nombreuses décennies, les neurochirur- et d’obtenir une IRM avec au minimum giens considéraient que l’exérèse complète des séquences T1 et T2 fines jointives. de cette lésion histologiquement bénigne Les principales séquelles qui interfèrent était la meilleure option, mais un taux de avec la qualité de vie de l’enfant sont en récidive proche de 50% et l’apparition de rapport avec une souffrance hypothala- séquelles incompatibles avec une bonne mique qui peut être due à la tumeur elle- qualité de vie pour certains d’entre eux ont Fonctions même et/ou à son traitement, en particulier modifié cette stratégie vers une approche Vision hypothalamiques chirurgical [5-7]. Le syndrome hypothala- moins agressive, dans le but de limiter les mique associe essentiellement une obési- séquelles hypothalamiques. té, une perte de la satiété, une perturbation Fonctions endocriniennes des rythmes circadiens, des déficits endo- Une tumeur pas si « bénigne » Figure 1. Vue schématique de la région hy- criniens, des troubles du comportement et pothalamo-hypophysaire et du 3ème ventri- de la mémoire qui conduisent à une perte Les craniopharyngiomes de l’enfant sont cule (vue sagittale médiane), et signes indéniable de la qualité de vie et à une des tumeurs rares embryonnaires histo- cliniques en rapport avec un craniopharyn- réduction de l’espérance de vie [2, 5-9]. giome. logiquement bénignes dont l’incidence en France est d’environ 20-25 cas par an, (déficit endocrinien, surpoids, hyper- La stratégie de prise en charge (Figure 2) avec un âge médian de 6 ans. Elles se dé- phagie…) [3]. Ces signes sont en rapport veloppent à partir de reliquats de la poche avec la localisation du craniopharyngiome Partout dans le monde et jusqu’à la fin de Rathke, dans l’axe hypothalamo-hy- dans un environnement anatomique riche des années 90, les neurochirurgiens re- pophysaire. Leur diagnostic est souvent (Figure 1). commandaient une exérèse totale de cette fait tardivement [1] après l’apparition du La prise en charge d’un craniopharyn- tumeur histologiquement bénigne, car on premier signe qui n’est pas toujours re- giome de l’enfant est par conséquent supposait que son exérèse chirurgicale connu : un ralentissement de la croissance multidisciplinaire (neurochirurgien, en- complète devait permettre, en théorie, d’en [2]. Les signes les plus fréquents amenant docrinologue, ophtalmologue, éventuel- obtenir la guérison. Cependant, la morbi- à consulter sont constitués par une triade lement radiothérapeute) et à vie. D’autres dité parfois incompatible avec une quali- comportant (1) des signes en rapport avec difficultés sont à souligner, comme les té de vie normale et le taux de récidives une hypertension intracrânienne due à troubles des apprentissages et des troubles malgré l’absence de reliquat évident [10- une hydrocéphalie (céphalées, nausées/ psychologiques avec une anxiété accrue 14] ont fait prendre conscience que dans vomissements, macrocrânie chez le plus et une perte de l’estime de soi nécessitant certains cas l’exérèse complète pouvait petit, (2) des signes visuels (amputation un suivi spécialisé adapté [4]. Il est ain- entraîner des dommages hypothalamiques du champ visuel, baisse d’acuité), pouvant si important d’évaluer l’enfant au niveau inacceptables [5, 15, 16]. passer inaperçus chez l’enfant et (3) une scolaire et neuropsychologique, si possible A présent, la prise en charge optimale de dysfonction hypothalamo-hypophysaire au moment du diagnostic et durant son ces enfants atteints de craniopharyngiome 12 MCED n°86 – Janvier 2017 MISE AU POINT JNDES

ratoire qui, associé aux données cliniques, Découverte d’un craniopharyngiome guide le neurochirurgien pour la prise en Bilan IRM, charge du craniopharyngiome, dans le endocrinologique, but de respecter l’hypothalamus [5, 17, ophtalmologique 18] (Figure 3). L’évolution des techniques comme la neuronavigation, l’endoscopie (utilisée seule pour l’abord endonasal Fortuite ou jeune enfant ou en combinaison avec le microscope En urgence : ET HTIC / signes ophtalmologiques sans hydrocéphalie pour les approches par le crâne) ainsi ni signe ophtalmologique que l’imagerie per-opératoire (échogra- phie, IRM per-opératoire) peuvent aider le neurochirurgien à faire une exérèse la Surveillance par contrôle Kyste du V3 / hydrocéphalie : plus complète possible tout en respectant tous les 3 mois cathéter d’Omaya Exérèse planifiée (IRM, endocrinologique, l’hypothalamus. Il est reconnu que la ra- sous endoscopie ophtalmologique) reté de ces tumeurs fait qu’elles doivent être prises en charge par des équipes spé- cialisées, offrant de meilleures chances à Grade 0 l’enfant [5, 19]. Souvent infradiaphragmatique Grade 1 Grade 2 Exérèse complète Exérèse aussi complète La stratégie doit donc prendre en compte Exérèse incomplète souvent possible que possible en respectant en respectant l’hypothalamus (1) le degré d’urgence neurochirurgicale Privilégier l’abord endonasal l’hypothalamus endoscopique (2) l’âge de l’enfant [20] et (3) le degré d’en- vahissement hypothalamique estimé sur l’IR M pré-opératoire (grades 0, 1 et 2) [5]. A noter que nous recommandons d’être le Résidu hypothalamique ou moins invasifs possible si la découverte non opérable raisonnablement Proton thérapie du craniopharyngiome est « fortuite » sans signe visuel, sans hydrocéphalie et Figure 2. Algorithme de la stratégie de traitement dans les craniopharyngiomes pédia- a fortiori chez les plus jeunes enfants. On triques. peut en effet raisonnablement surseoir à la chirurgie et à la radiothérapie dans ce cas, à condition de mettre en place un suivi clinique et radiologique rapproché (tous les 3 mois environ).

La prise en charge en urgence Le diagnostic est parfois fait sur des signes d’hypertension intracranienne menaçants et/ou des signes visuels. Dans ces cas, un geste de décompression neurochirurgicale en urgence est requis. Les signes cliniques sont le plus souvent en rapport avec un kyste de craniopharyngiome développé dans le 3ème ventricule, venant obstruer les foramen de Monroe à l’origine d’une hydrocéphalie (Figure 4A). La mise en Figure 3. Grading pré-opératoire basé sur l’envahissement hypothalamique : (A) grade 0, place d’une dérivation ventriculo-périto- (B) grade 1, (C) grade 2. Imagerie post-opératoire d’un craniopharyngiome grade 0 opéré par néale doit absolument être évitée (risque voie endonasale endoscopique (D), d’un grade 1 (E) et d’un grade 2 (F) après résection incom- de dysfonction mais surtout d’hyper- plète respectant l’hypothalamus. drainage qui peut rendre un geste neuro- comporte une stratégie multimodale par Au début des années 2000, l’équipe de chirurgical d’approche transcalleuse qua- une combinaison de chirurgie(s) et parfois neurochirurgie de l’hôpital Necker a pro- siment impossible) et il est recommandé de radiothérapie, dont le but est de contrôler posé une classification de l’envahissement d’affaisser le kyste, classiquement par la la maladie et de limiter la morbidité [17]. hypothalamique basée sur l’IR M préopé- mise en place d’un réservoir d’Omaya 13 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES MISE AU POINT

tale bilatérale. Dans ce cas également une résection complète est possible, mais va dépendre des constatations peropératoires, et on essaiera toujours de préserver la tige pituitaire si celle-ci est identifiable.

• Craniopharyngiome de grade 2 préopératoire : il s’agit des formes de craniopharyngiomes qui envahissent Figure 4. (A) Imagerie IRM au diagnostic d’un craniopharyngiome charnu et kystique obstruant /naissent de l’hypothalamus, souvent les foramen de Monroe, à l’origine d’une hydrocéphalie. (B) Imagerie per opératoire lors d’une charnues et multi-kystiques et étendues approche endoscopique visualisant le kyste de craniopharyngiome au niveau du foramen droit. dans le troisième ventricule. (C) Imagerie scanner post opératoire (coupe coronale) après mise en place d’un cathéter dans le kyste permettant de rouvrir les voies d’écoulement du liquide cérébrospinal. Selon le déplacement des corps ma- millaires on choisira une voie trans- sous contrôle endoscopique (ou neurona- taille des ventricules et la présence éven- calleuse, ptérionale ou sous frontale vigation mais la capsule du kyste peut être tuelle d’un septum pellucidum. bilatérale. On est parfois amené à épaisse et un contrôle visuel nous semble combiner les voies d’abord au prix de préférable) (Figure 4B et C). Il est à noter • Craniopharyngiome Grade 0 préopé- plusieurs chirurgies, le but étant, dans que l’affaissement du kyste peut permettre ratoire : il s’agit des formes de cranio- ce cas, de ne pas enlever tout le cranio- de mieux apprécier le degré d’envahisse- pharyngiomes développées à distance pharyngiome et de respecter l’hypotha- ment de l’hypothalamus par le craniopha- de l’hypothalamus, le plus souvent un lamus. Dans notre expérience, environ ryngiome sur l’IRM post-opératoire [19]. craniopharyngiome développé dans la la moitié des craniopharyngiomes de Pour les formes purement kystiques qui selle turcique, en restant sous le dia- l’enfant sont développés dans l’hypo- sont rares, des équipes utilisent le cathéter phragme sellaire (parfois repoussé en thalamus. Pour les même raisons que pour l’injection d’agents de chimiothéra- supra sellaire). Dans ce cas, une voie cité plus haut, une voie endonasale n’a pie ou de radiothérapie intra-kystiques endonasale endoscopique est idéale et pas notre préférence dans cette forme (Yttrium-90, Phosphore-32, Rhénium ou l’âge pédiatrique n’est pas une limite de craniopharyngiome. Bleomycine), après un test de perméabilité à cette technique [23]. On peut être Cliniquement, nous avons remarqué car certains de ces agents peuvent être très amené à utiliser les outils de neurona- que chez ces enfants avec un cranio- toxiques en cas de f uite. Leur ef ficacité est vigation pour se repérer, en particulier pharyngiome de grade 2, on note tou- controversée et aucune étude randomisée si le sinus sphénoïdal n’est pas pneuma- jours un aspect de cellulite au niveau de n’a, jusqu’à présent, montré leur supério- tisé. Une résection complète est pos- l’abdomen au diagnostic et parfois déjà rité par rapport à une simple ponction-as- sible sans risque hypothalamique, en une augmentation de l’appétit. Même piration [21, 22]. essayant de préserver la tige pituitaire si les structures hypothalamiques sont si celle-ci est identifiable. préservées chirurgicalement, ces pa- La chirurgie basée sur l’envahissement tients sont le plus à même de prendre hypothalamique • Craniopharyngiome de grade 1 du poids en post-opératoire et les pa- Après un éventuel geste fait en urgence, préopératoire : il s’agit des formes de rents ainsi que l’enfant doivent être bien le neurochirurgien va planifier le geste craniopharyngiomes qui viennent au conscients qu’il faudra faire très atten- chirurgical en fonction (1) du degré d’en- contact de l’hypothalamus, ce dernier tion à suivre une hygiène de vie assez vahissement hypothalamique (grades restant toujours identifiable. Celui-ci stricte, tout au moins la première année IRM 0,1 ou 2) (2) de la localisation du est déplacé ou comprimé par la tumeur. post opératoire (car la prise de poids et craniopharyngiome et de l’identification Dans certains cas, et selon l’habitude la sensation de faim diminuent ensuite de repères importants pour le choix de la du chirurgien, une voie endonasale en- dans la majorité des cas), combinant voie d’abord. Ceux-ci sont l’emplacement doscopique peut être utilisée mais si une activité physique régulière et un du diaphragme sellaire, la longueur des le diaphragme sellaire est ouvert (par suivi diététique. nerfs optiques et la localisation de l’artère la tumeur ou le chirurgien), il faudra communicante antérieure quasiment tou- alors se méfier des adhérences aux ar- Traitement complémentaire et suivi jours contre le chiasma, la localisation des tères perforantes et du risque de fuite structures hypothalamiques (guidée par post-opératoire de LCS par les voies En cas de craniopharyngiome résiduel, on la forme du plancher du 3ème ventricule et nasales. Dans les autres cas, on optera s’expose à un risque de reprise évolutive le déplacement des corps mamillaires), la pour une voie ptérionale ou sous fron- mais son incidence et son délai sont très 14 MCED n°86 – Janvier 2017 MISE AU POINT JNDES

of hypothalamic involvement. J Neurosurg 2007 ; variables d’un enfant à l’autre et pour un avoir conscience qu’une exérèse complète 10 6 :3 -12 . même patient. De plus, aucune donnée ne met pas à l’abri d’une récidive, parfois 6. Sterkenburg AS, Hoffmann A, Gebhardt U, et al. ne permet à l’heure actuelle de l’anticiper plusieurs années après le diagnostic. Dans Survival, hypothalamic obesity, and neuropsycho- logical/psychosocial status after childhood-onset (absence de facteurs pronostiques liés à notre série d’enfants traités par chirurgie craniopharyngioma : newly reported long-term out- l’âge et marqueurs biologiques d’agressi- et protonthérapie, la récidive médiane était comes. Neuro Oncol 2015 ; 17 :1029-38. 7. Muller HL. Increased daytime sleepiness in vité). On discutera alors en réunion mul- de 44 mois. patients with childhood craniopharyngioma and tidisciplinaire d’une décision de simple hypothalamic tumor involvement : review of the literature and perspectives. Int J Endocrinol 2010 ; surveillance par IRM ou de l’indication Conclusion 2010 :519607. d’une radiothérapie complémentaire et 8. Karavitaki N, Brufani C, Warner JT, et al. du moment où celle-ci doit être mise en Les craniopharyngiomes de l’enfant sont Craniopharyngiomas in children and adults : syste- matic analysis of 121 cases with long-term follow-up. œuvre. Chez l’enfant et dans ce type de des tumeurs rares et devraient être discu- Clin Endocrinol (Oxf) 2005 ; 62 :397-409. pathologie, la protonthérapie est la tech- tés au cas par cas par des équipes multi- 9. Hoffmann A, Postma FP, Sterkenburg AS, et al. nique de radiothérapie de choix, épargnant disciplinaires spécialisées. Leur prise en Eating behavior, weight problems and eating disor- ders in 101 long-term survivors of childhood-onset le mieux les tissus fonctionnels alentour. charge optimale actuelle est basée sur le craniopharyngioma. J Pediatr Endocrinol Metab Il est important de savoir que la présence respect des structures hypothalamiques 2015 ; 28 :35-43. d’une composante kystique du craniopha- pour donner à l’enfant la meilleure qualité 10. Hoffman HJ, De Silva M, Humphreys RP, et al. Aggressive surgical management of craniopharyn- ryngiome est considérée dans notre équipe de vie possible. Leur traitement repose sur giomas in children. J Neurosurg 1992 ; 76 :47-52. comme une « contre-indication » à la ra- la chirurgie (respectant l’hypothalamus), 11. Choux M & Lena G. Bases of surgical mana- gement of craniopharyngioma in children [procee- diothérapie car le kyste répond mal initia- parfois en plusieurs temps en association dings]. Acta Neurochir Suppl (Wien) 1979 ; 28 :348. lement aux rayons et peut dans un premier avec une protonthérapie s’il existe un ré- 12. Pierre-Kahn A, Brauner R, Renier D, et al. temps progresser, parfois rapidement [24]. sidu non opérable raisonnablement (multi- [Treatment of craniopharyngiomas in children. Retrospective analysis of 50 cases]. Arch Fr Pediatr Cela entraînera parfois la nécessité d’un ples récidives, accollement aux vaisseaux, 1988 ; 45 :163-67. nouveau geste chirurgical qui retardera/ envahissement hypothalamique). Pour 13. Yasargil MG, Curcic M, Kis M, et al. Total re- interrompra le traitement. les plus jeunes (moins de 5 ans) n’ayant moval of craniopharyngiomas. Approaches and long-term results in 144 patients. J Neurosurg 1990 ; En cas de résidu charnu volontairement pas d’atteinte visuelle et sans signe d’hy- 73 :3-11. laissé en place dans l’hypothalamus, la pertension intracrânienne, on discutera 14. Zuccaro G. Radical resection of craniophar y ngio - radiothérapie sera le plus souvent, chez de surseoir à la radiothérapie si celle-ci ma. Childs Nerv Syst 2005 ; 21 :679-90. 15. DeVile CJ, Grant DB, Hayward RD, Stanhope R. l’enfant de plus de 5 ans, débutée dans les est indiquée, et de suivre régulièrement G row th and endocr ine sequelae of craniophar y ngio - 2 mois après l’intervention. Chez les plus l’enfant par des IR M t rimest rielles, afin de ma. Arch Dis Child 1996 ; 75 :108-14. petits et en cas de résidu, on essaiera de gagner du temps, toujours dans le soucis 16. Müller HL, Bruhnken G, Emser A, et al. Longitudinal study on quality of life in 102 survivors « gagner du temps » et de surseoir à la ra- de limiter la morbidité des traitements et of childhood craniopharyngioma. Childs Nerv Syst diothérapie quelques années. Chaque dé- de lui assurer la meilleure qualité de vie 2005 ; 21 :975-80. 17. Puget S. Treatment strategies in childhood cra- cision est prise au cas par cas en réunion de possible. niopharyngioma. Front Endocrinol (Lausanne) 2012 ; concertation pluridisciplinaire en prenant 3 :6 4. en compte (1) l’âge de l’enfant et son statut S. 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Neurosurg Focus 2016 ; 41 :E15. ou non de la chirurgie mais il faut bien classification and treatment according to the degree 15 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES ATELIER

ATELIER

Le dosage des stéroïdes par spectrométrie de masse en tandem : une avancée majeure pour le diagnostic des endocrinopathies

Najiba Lahlou1, Lionel Groussin2 Service d’Hormonologie - Métabolisme1 et Service d’Endocrinologie2, Hôpital Cochin Hôpitaux Universitaires Paris Centre Université Paris Descartes - Paris Mots clés : chromatographie liquide, urine, sérum, salive, cheveu

a spectrométrie de masse en tan- • les stéroïdes androgéniques à 19 atomes et la quantité d’insuline froide ajoutée au Ldem (Mass Spectrometer / Mass de carbone, dont les plus lourds, déshy- milieu d’incubation. L’immuno-essai par Spectrometer) comporte une chromato- droépiandrostérone et testostérone, ont compétition était né [1]. graphie liquide à haute performance (LC), une masse de 288 daltons ; puis une sélection séquentielle des molé- • les minéralo- et gluco-corticoïdes et leurs Immuno-essai par compétition cules ionisées par un premier spectromètre précurseurs, à 21 atomes de carbone, C’est un système de dosage dans lequel quadripole, puis une sélection des ions fils d’origine exclusivement surrénalienne, l’hormone à mesurer est mise en présence produits dans la cellule de collision par un dont le plus lourd, le cortisol, a une masse d’un anticorps ou d’un antisérum en quanti- deuxième quadripole. Cette technologie de 362 daltons. té limitée. L’hormone entre en compétition s’installe maintenant dans les laboratoires de De nombreux stéroïdes synthétiques sont avec un traceur marqué, soit par un compo- biologie médicale sous le sigle LC-MS/MS. aussi utilisés en thérapeutique, ou comme sé radioactif, luminescent ou fluorescent, Les hormones stéroïdes en sont une cible agents dopants, certains pouvant comporter soit par une enzyme, pour se fixer sur l’un privilégiée car les immuno-essais directs sur un atome de fluor comme la fludrocortisone. des sites disponibles de l’anticorps (Figure automate sont toujours affectés d’un certain Comme on le verra plus loin, la faible masse 2). degré de réaction croisée entre molécules de des stéroïdes les exclut des dosages immu- Longtemps, on a exclusivement utilisé, formes voisines, induisant une majoration de nologiques dits « sandwich », mais les rend pour les immuno-essais, des antisérums leurs taux réels. tout à fait appropriés aux dosages par spec- polyclonaux obtenus par immunisation trométrie de masse. d’un animal contre l’antigène hormonal Les hormones stéroïdes préparé, c’est-à-dire l’hormone elle-même, Dosage des stéroïdes par immuno-essai s’il s’agit d’une protéine, ou un complexe Ce sont des molécules formées essentielle- formé d’une protéine comme par exemple ment dans les gonades et les surrénales à par- Les immuno-essais reposent sur la recon- l’albumine d’une autre espèce animale, et tir du cholestérol et constituées uniquement naissance d’un épitope donné d’une chaîne d’une hormone si celle-ci n’est pas naturel- de carbone, hydrogène et oxygène. Elles ne peptidique par un anticorps. Dans les années lement antigénique comme c’est le cas des sont pas naturellement antigéniques. La pre- 1950, Solomon Berson et Rosalyn Yalow stéroïdes et des hormones thyroïdiennes. mière étape est la conversion du cholestérol (Prix Nobel 1977), étudiant la liaison de l’in- Mais cette méthode présente deux incon- en prégnénolone dans les mitochondries, les suline marquée à l’iode 131 par des sérums vénients majeurs. D’une part, l’antisérum étapes suivantes ont lieu dans les microsomes. de diabétiques traités par l’insuline bovine, animal obtenu est un mélange d’anticorps Ce sont de petites molécules classées en observèrent qu’un volume donné de sérum d’affinités et de spécificités différentes trois familles selon le nombre d’atomes de fixait une quantité donnée de radioactivité provenant de plusieurs clones de cellules carbone (Figure 1) : et que cette radioactivité pouvait être dépla- immunitaires. D’autre part, un animal ne • les stéroïdes œstrogéniques à 18 atomes cée par de l’insuline froide. Il existait une peut fournir qu’une quantité limitée d’an- de carbone, dont le plus léger, l’estrone, relation inverse, mais non linéaire, entre la tisérum, même s’il s’agit d’un gros animal a une masse de 270 daltons ; quantité de radioactivité liée à l’antisérum comme un mouton ou une chèvre. C’est la 16 MCED n°86 – Janvier 2017 ATELIER JNDES

dans le dosage immunométrique, l’ana- A LH lyte est mis en présence de deux anticorps différents dont chacun est spécifique d’un Cholestérol épitope particulier. La molécule à doser 17-hydroxylase-17-20-desmolase est ainsi prise en sandwich entre les deux anticorps réactifs monoclonaux (Figure 2). Prégnénolone 17OH-prégnénolone Déshydroépiandrostérone On peut utiliser dans ce système de grandes quantités d’anticorps, à la différence des systèmes par compétition, car l’objectif est Progestérone 17OH-progestérone ∆4-androsténédione ici de lier la plus grande quantité possible 17ß-hydroxystéroïde- de molécules de l’analyte au couple d’an- oxydoréductase ticorps. Mais ce système a une contrainte majeure : Testostérone puisque la molécule doit se lier à deux anti- Aromatase corps différents pour être détectée et quan- tifiée, elle doit avoir une taille minimale Estradiol FSH pour éviter un encombrement stérique entre les deux anticorps. Ainsi la taille des stéroïdes et des petits peptides comme la B TRH (3 acides aminés) ou la LHRH (10 ACTH acides aminés) ne permet pas la construc- tion d’un sandwich entre deux anticorps, la Cholestérol 17OH-progestérone ∆4-androsténédione taille requise minimale étant de l’ordre de 3ßHSD hépatique 2000 daltons, soit près de 20 acides aminés. Prégnénolone 17OH-prégnénolone Déshydroépiandrostérone La dispersion des dosages par immuno­ 3ßHSD 3ßHSD essai Progestérone 17OH-progestérone ∆4-androsténédione L’analyse des résultats des contrôles de 21-hydroxylase qualité inter-laboratoires montre que pour un même paramètre il existe une grande Désoxycorticostérone 11-désoxycortisol dispersion entre les méthodes de dosage 11ß-hydroxylase (Table 1). Cet te dispersion résulte de la plus ou moins grande précision des techniques, Corticostérone Cortisol mais surtout de la plus ou moins grande 18-hydroxylase spécificité des anti-sera utilisés. 18OH-corticostérone Ce problème de la spécificité des anti- corps est particulièrement aigu en ce qui concerne les hormones stéroïdes dont Aldostérone les différences de structure sont ténues. Figure 1. Schéma des stéroïdogénèses gonadiques (A) et surrénaliennes (B), montrant les Nous avons vu précédemment que l’on ne différentes voies de biosynthèse avec mention des enzymes impliquées à chaque étape. pouvait obtenir un anticorps anti-stéroïde 3ßHSD = 3ß-hydroxy-stéroïde déshydrogénase. qu’en couplant l’hormone à une protéine raison pour laquelle un antisérum polyclo- spléniques sont fusionnées avec des cel- d’une espèce étrangère à l’animal injecté nal n’est jamais disponible indéfiniment. lules tumorales pour former des hybri- pour former l’immunogène. Or la partie du domes capables de produire des anticorps stéroïde liée à la protéine immunogène est Immuno-essai « sandwich » des hormones indéfiniment. On peut sélectionner un masquée et, en quelque sorte, invisible pour protéiques clone particulier produisant un anticorps le système immunitaire de l’animal injecté. La technologie développée en 1975 [2] de caractéristiques définies en termes de Aussi une chimie élaborée est-elle indis- par Kohler et Milstein (Prix Nobel 1984) spécificité et d’affinité. Cette technologie pensable pour obtenir un bon immunogène surmonte les deux inconvénients exposés est particulièrement adaptée à la construc- en liant le stéroïde par l’intermédiaire d’un précédemment. Après immunisation d’un tion de systèmes dits immunométriques qui carbone sans groupement fonctionnel, animal, en général une souris, les cellules sont très gourmands en anticorps. En effet comme le carbone 7 par exemple. Ce sont 17 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES ATELIER

Dosage par compétition Tableau 1. Dispersion des valeurs observées dans les contrôles inter-laboratoires du College of American Pathologists, exprimée par le rapport H / B de la valeur extrême la plus haute (H) à la valeur extrême la plus basse (B). Adapté d’après Soldin et Soldin [3].

H / B H / B Stéroïde immuno-essais Spectrométrie de masse

Testostérone 2,8 1,2 – 1,4

Estradiol 9,0 1,0

Progestérone 3,3 1,1 - 1,3

lequel est prescrit le dosage. Par exemple, importante par « extraction » s’il s’agit Immunométrie 2 sites un antisérum anti-cortisol qui a une réac- d’une hormone stéroïde (prétraitement dite «sandwich» tion croisée de 20 % avec le 11-désoxycor- permettant d’extraire les stéroïdes tout en tisol n’obère en rien le dosage du cortisol se débarrassant des protéines existantes dans les situations courantes mais, chez dans le milieu à doser) puis HPLC, est un nouveau-né ayant un bloc complet de la introduit dans le spectromètre où les mo- + + + 11β-hydroxylase, et dont la concentration lécules sont d’abord ionisées par bombar- de 11-désoxycortisol est de 300 ng/ml, la dement électronique (Figure 4). Le premier concentration apparente du cortisol sera de spectromètre de masse analyse les masses 60 ng/ml alors que la vraie concentration des molécules qui lui sont présentées en Figure 2. Schéma des immuno-essais par peut être nulle. fonction de leur rapport masse sur charge compétition (en haut) et par immunomé- trie (en bas). Dans les immuno-essais par D’où l’intérêt croissant des biologistes pour (m/z), puis la molécule ionisée choisie est compétition l’anticorps est en quantité limitée les dosages en spectrométrie de masse. introduite dans la chambre de collision où et l’hormone à doser et le traceur (radioactif elle est fragmentée. Le deuxième spectro- ou non) sont en compétition pour s’accrocher La spectrométrie de masse en tandem mètre de masse analyse les masses des ions à l’anticorps. Dans les dosages immunomé- triques, l’hormone est prise en sandwich fils qui lui sont présentées et les envoie vers entre deux anticorps, l’un et l’autre en ex- Il y a une trentaine d’années, la spectromé- le détecteur. Grâce à l’incorporation dans cès, dont l’un est marqué par une molécule trie de masse couplée à la chromatographie l’échantillon brut d’un standard interne fluorescente ou luminescente, ou accroché à gazeuse était recherchée pour le dosage des deutéré (où l’hydrogène H1 a été remplacé une enzyme qui entraînera une réaction co- lorée. hormones stéroïdes, surtout plasmatiques, par le Deutérium H2), il est possible d’éva- Seuls les systèmes par compétition sont ap- mais elle a été supplantée, provisoirement, luer les pertes survenues dans la séquence propriés au dosage des petites molécules par les progrès faits par les immuno-es- préparation-purification, ce qui confère à comme les hormones stéroïdes. sais après les travaux princeps de Berson la spectrométrie de masse un haut niveau alors l’ensemble des groupes fonctionnels, et Yalow. d’exactitude, pour peu que le standard in- liés aux carbones 3, 11, 17, 21, et les méthyles Le principe de cette méthode physique est terne soit stable, c’est-à-dire préparé par 18 et 19, qui sont exposés en vue de la recon- la détection des molécules en fonction de synthèse chimique [4] et non par simple naissance par l’anticorps, et la probabilité leur masse, et plus précisément du rapport échange isotopique. est grande d’obtenir alors un anticorps très masse/charge après ionisation et, éventuel- spécifique. Finalement l’immuno-essai re- lement, fragmentation de la molécule. Ce qu’apporte la spectrométrie de masse pose bien sur la reconnaissance de la forme Les avancées technologiques dont a bénéfi- La spectrométrie de masse en tandem cou- dans l’espace de la molécule de stéroïde et si cié ce type de matériel l’a réinstallé au pre- plée à la chromatographie liquide haute la différence de forme entre deux stéroïdes mier plan, non seulement pour les stéroïdes, performance (HPLC/MS-MS) est appli- est faible, les anticorps générés contre l’un mais aussi pour les peptides hormonaux, cable à la détection et la quantification de la des stéroïdes pourront reconnaître l’autre si l’on se limite à l’hormonologie. Le « nec plupart des hormones stéroïdes naturelles, stéroïde de forme proche, de façon non in- plus ultra » est maintenant la spectromé- de même que des stéroïdes synthétiques tentionnelle et non souhaitable, et c’est ce trie de masse en tandem, c’est-à-dire deux [5, 6]. que l’on dénomme « la reconnaissance par spectromètres travaillant séquentiellement, Les dosages par spectrométrie de masse réaction croisée » (Figure 3). précédés par une séparation en chromato- en tandem ont pour qualité majeure une Les tableaux de réactions croisées fournis graphie liquide à haute pression / haute grande spécificité étant donné la succession par les fournisseurs de réactifs commer- performance (HPLC) ou même ultra-haute de plusieurs opérations de purification : ciaux doivent être examinés avec un esprit pression (UPLC). extraction, puis chromatographie, puis critique, en tenant compte du contexte dans L’échantillon qui a subi une préparation séparation des molécules ionisées, puis 18 MCED n°86 – Janvier 2017 ATELIER JNDES

séparation des ions fils. Ainsi ils peuvent Dihydrotestostérone Testostérone distinguer deux hormones très proches l’une de l’autre, comme par exemple cor- OH OH 291 289 tisol et prednisolone (métabolite principal de la prednisone ou Cortancyl®), ou testos- H H térone et dihydrotestostérone (Figure 3), ce qu’aucun immuno-essai ne réussit à 100 %. Cette avancée en spécificité se traduit, H H H H lors des contrôles inter-laboratoires, par O O une moindre dispersion des résultats par rapport aux immuno-essais (Tableau 1). De plus il est possible de quantifier en une seule injection, et d’un volume très limité, Cortisol Prednisolone 100µl en général, représentant un volume 10 à 20 fois inférieur que celui nécessité par OH OH les immuno-essais séquentiels, plusieurs O hormones de la même famille [4], ceci 362 360 O permettant des diagnostics très rapides, voire en urgence, qu’il serait impossible HO HO OH OH de réaliser par des dosages séquentiels. H H Ces avantages : rapidité, multiplexage, économie de sérum, sont particulièrement recherchés en néonatologie, où les situa- H H H H tions d’accumulation excessive de l’un ou O O plusieurs stéroïdes, coexistant avec un dé- ficit de certains autres stéroïdes que ce soit Figure 3. La parenté structurale entre dihydrotestostérone et testostérone d’une part, entre par bloc de la synthèse du cortisol, ou par cortisol et prednisolone (métabolite du Cortancyl®) d’autre part, fait qu’il existe toujours dans hypersécrétion d’origine tumorale, sont les immuno-essais une interférence de l’un dans le dosage de l’autre, ce que l’on appelle une réaction croisée. En revanche la très faible différence de masse entre les éléments de chacun mises en évidence de façon simultanée. des couples, permet à la spectrométrie de masse de les distinguer sans ambiguïté. La grande sensibilité permet par ailleurs le dépistage de pathologies encore frustes, ou de concentrations basales très basses Analyse de masse qui ne seraient pas détectées par les im- + muno-essais. + Application au dosage des stéroïdes

+ C’est la raison pour laquelle le dosage par Chambre de spectrométrie de masse en tandem passe fragmentation + progressivement en routine, notamment + + pour le dosage des précurseurs du cortisol Sélection pour lesquels on ne dispose pratiquement des ions pas de dosages sur automate, et dont les + réactifs pour RIA disparaissent progres- sivement. Pour chaque stéroïde une transition « molé- Analyse de masse cule mère - ion fils » est sélectionnée pour la quantification, comme par exemple dans le Tableau 2. Figure 4. Spectrométrie de masse en tandem : le premier spectromètre quadripôle analyse les molécules qui lui sont présentées à la sortie de la chambre d’ionisation, puis la molécule ionisée choisie est introduite dans la chambre de collision où elle est fragmentée en ions fils. Les avantages de la spectrométrie de Les ions fils sont ensuite analysés dans le deuxième quadripôle et quantifiés par référence à masse une gamme étalon. Les avantages de la spectrométrie de masse 19 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES ATELIER

Tableau 2. Temps de rétention sur la colonne Acquity et transitions molécule > ion fils pour libre sérique dont dépend le cortisol libre quelques stéroïdes (UPLC –MSMS Quattro Premier Waters). urinaire n’est pas nécessairement un reflet Temps de rétention fidèle de la production du cortisol puisqu’il Transition mn dépend aussi de la concentration de la trans- cortine ou CBG [revue in 9]. Cortisol 2,88 363,18 > 97,20 En fait le dosage par immuno-essai au- Corticostérone 3,94 347,18 > 121,10 tomatisé, à l’aide de la méthode sérique adaptée pour les urines, s’il n’est pas pré- 11-désoxycortisol 4,20 347,18 > 97,15 cédé d’une extraction, fournit des valeurs doubles des résultats par LC-MS/MS [10]. Androstènedione 4,98 287,18 > 97,11 En revanche si l’immuno-essai est précédé 331,21 > 97,17 d’une extraction efficace, les différences DOC 5,57 s’abrasent la plupart du temps. Un autre avantage de la LC-MS/MS par Testostérone 5,71 289,19 > 97,13 rapport aux immuno-essais est la possibi- 17-hydroxy-progestérone 6,27 331,21 > 97,17 lité de mesurer simultanément en une seule extraction plusieurs métabolites urinaires Progestérone 8,45 315,21 > 97,21 libres [11].

moderne sont évidents : Les stéroïdes urinaires Les stéroïdes sériques 1. La méthode est applicable à tous les mi- Les hormones stéroïdes sont éliminées C’est ce même point fort qui invite à doser lieux biologiques disponibles et sa très dans les urines, majoritairement sous la par LC-MS/MS les stéroïdes sériques et la basse limite de détection en font une mé- forme de métabolites hydrosolubles par technique par spectrométrie en tandem a thode de choix pour les milieux où les conjugaison avec l’acide glucuronique ou été validée aussi bien pour le dosage des sté- concentrations sont très faibles, comme l’acide sulfurique, Ces conjugués sont for- roïdes androgéniques [12-14], que pour les la salive ou les cheveux. més dans les tissus périphériques, essen- glucocorticoïdes [3, 5-7] et plus récemment 2. Il est possible en un seul temps, de doser tiellement foie et rein à partir des stéroïdes pour l’aldostérone [15-18], comme pour une dizaine de stéroïdes ou plus, ce qui sécrétés. D’où la nécessité de pratiquer une l’ensemble de la voie dite « Delta5 » allant est impossible pour un immuno-essai. hydrolyse des conjugués avant le dosage de la pregnénolone à l’androstènediol [19]. 3. La spécificité de la MS en tandem permet proprement dit, ce qui représente une perte En fait, il est possible, si l’on dispose de de mesurer sans confusion des stéroïdes de temps et un risque de sous-estimation si l’équipement approprié, de doser simul- dont la différence de masse est seulement l’hydrolyse n’est pas complète. tanément 8 à 15 stéroïdes sériques diffé- de une ou deux unités (Figure 3). D’autre part, un même métabolite peut être rents. La Figure 5 et le Tableau 3 en sont 4. La chromatographie à ultra-haute pres- issu de plusieurs molécules différentes, un exemple et d’autres exemples patholo- sion permet d’obtenir des résultats en par exemple les 17-cétostéroïdes urinaires giques seront discutés en atelier. quelques minutes, ce qui rend la tech- peuvent être issus du métabolisme de la nique appropriée pour les dosages en DHA, de l’androstènedione ou de la tes- Les stéroïdes salivaires urgence si la préparation (extraction + tostérone, d’où un résultat ambigu sur le La sensibilité du dosage par spectrométrie injection) est elle-même automatisée. plan sémiologique. Et il pourrait paraître de masse en fait un outil de choix pour le En revanche le temps d’obtention des paradoxal d’utiliser une technique aussi so- dosage des stéroïdes salivaires. Ils pro- mêmes résultats se calcule toujours en phistiquée que la spectrométrie de masse viennent des stéroïdes libres sériques par jours si on fait appel à des techniques ra- pour fournir des résultats ambigus. transfert actif à travers l’épithélium sali- dio-immunologiques, considérées, avant Reste le cas des stéroïdes urinaires libres, vaire. La vitesse de transfert des hormones le retour de la spectrométrie de masse, et notamment du cortisol urinaire libre, stéroïdiennes de la circulation sanguine comme des techniques de référence pour souvent symbolisé par le sigle FLU pour vers le liquide salivaire dépend de leur dif- les stéroïdes. « composé F Libre Urinaire ». Il s’agit là fusion à travers les couches lipidiques des d’un reflet direct du cortisol libre sérique capillaires sanguins et des cellules épithé- Les différents milieux transféré à travers le glomérule sans réab- liales glandulaires. Grâce à leurs propriétés La préparation de l’échantillon par extrac- sorption dans le tubule. Effectivement la hydrophobes, elles passent beaucoup plus tion liquide ou solide préalable rend le do- mesure du cortisol libre urinaire par LC- rapidement que les molécules hydrophiles sage par spectrométrie de masse adaptable MS/MS a été rapportée comme étant la telles que des peptides à travers la paroi ca- à tous les milieux biologiques. méthode la plus exacte pour le diagnostic pillaire, la membrane basale et les cellules d’hypercortisolisme [8], même si le cortisol acinaires [20]. 20 MCED n°86 – Janvier 2017 ATELIER JNDES

Ainsi les concentrations salivaires des hor- Tableau 3. Concentration de 8 stéroïdes mesurés simultanément chez un nouveau-né mâle mones stéroïdiennes reflètent les concen- normal, correspondant au spectre de la figure 5. trations des mêmes formes libres que dans le sérum car il y a un maintien de l’équilibre nmol/L Références entre les fractions sériques et les fractions salivaires selon un coefficient de perméa- Cortisol 275 276 - 552 bilité. Pour le cortisol, cela nécessite moins 9,8 1,3 - 36,5 d’une minute pour que cet équilibre soit Corticostérone atteint. La concentration de cortisol sali- 11-désoxycortisol 2,4 3,5 - 23 vaire est donc représentative de la fraction libre sérique même en situation de variation Androstènedione 1,20 1,05 à 4,19 rapide. Le cortisol salivaire hydrophobe re- présente ainsi 10 p.100 de la concentration DOC 0,105 0,073 - 0,358 sérique en cortisol libre [20]. La salive est donc un milieu biologique inté- Testostérone 2 0,35 - 3,12 ressant car elle permet de doser les mêmes 1,8 1,8 - 33,3 stéroïdes que dans le sérum c’est-à-dire non 17-hydroxy-progestérone conjugués pour la plupart, contrairement Progestérone 1,5 0,3 - 3,80 aux stéroïdes urinaires. Il a été rapporté de façon répétée que le dosage dans la salive en fin de nuit est plus informatif, pour le Nouveau-né normal diagnostic du syndrome de Cushing, que le cortisol libre urinaire [21] et que cette ap- proche est particulièrement efficace pour le diagnostic des formes infracliniques d’hy- percortisolisme [22]. Profil stéroïdien Le dosage dans la salive s’avère aussi par- ticulièrement approprié dans plusieurs circonstances, car il permet d’éviter une hospitalisation. C’est le cas notamment du test à la métyrapone avec dosages sé- riques du cortisol et du 11-désoxycortisol, habituellement pratiqué en hospitalisation, alors que le recueil de salive après prise de métyrapone peut être réalisé à domicile [23]. On peut ainsi doser simultanément cortisol et 11-désoxycortisol dans le pré- lèvement salivaire (Figure 5).

Les stéroïdes capillaires Figure 5. Profil stéroïdien d’un nouveau-né mâle normal montrant la quantification simultanée Enfin, le dosage par spectrométrie de de 8 stéroïdes sur une prise d’essai de seulement 100 µL de sérum. Les concentrations obte- masse est particulièrement adéquat pour nues sont représentées dans le tableau 3. le dosage des hormones stéroïdes dans les cheveux. Comme le prélèvement salivaire, nale, ce que les prélèvements urinaires notamment pour le diagnostic du syn- le prélèvement d’un échantillon de che- et encore moins sériques ou salivaires ne drome de Cushing, ont été publiées [24- veux est peu invasif. De plus chaque seg- peuvent fournir. Le cheveu est aussi une 26]. Mais, là encore, la spectrométrie de ment d’un cheveu est représentatif d’une matrice particulièrement stable car peu masse apporte exactitude et sensibilité et période de temps, d’autant plus éloignée biodégradable. Enfin la couleur naturelle permet le dosage de plusieurs stéroïdes du jour du prélèvement que le segment est des cheveux, la fréquence des lavages, simultanément, aussi bien les androgènes plus loin de la racine. Un segment de 3 cm l’âge et le sexe ont peu d’influence sur la que le cortisol et ses précurseurs [27]. est représentatif d’environ 3 mois d’impré- qualité du prélèvement. Nous montrerons au cours de l’atelier un gnation. On peut donc obtenir une image Certes, un certain nombre de données où exemple de profil stéroïdien dans les che- rétrospective de l’imprégnation hormo- le cortisol a été dosé par immuno-essai, veux. 21 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES ATELIER

Applications cliniques • la formation des opérateurs (techniciens, 42 :112-118. 11. Allende F, Solari S, Campino C, et al. LC-MS/MS biologistes) est longue ; Method for the Simultaneous Determination of Free Au cours de l’atelier seront discutés des • les étapes non automatisées sont encore Urinary Steroids. Chromatographia 2014 ; 77 :637-42. exemples de profil stéroïdien dans plusieurs trop nombreuses, notamment les ex- 12. Licea-Perez H, Wang S, Szapacs ME, Yang E. Development of a highly sensitive and selective situations cliniques : tractions « maison » sont chronophages, UPLC/MS/MS method for the simultaneous determi- 1. Tel patient présente-t-il une hypersécré- etc… nation of testosterone and 5alpha-dihydrotestosterone in human serum to support testosterone replacement tion surrénalienne ? Au profit de quel(s) therapy for hypogonadism. Steroids 2008 ; 73 :601- stéroïde(s) ? S’agit-il d’un corticosur- Il est très vraisemblable qu’un autre saut 610. 13. Janse F, Eijkemans MJ, Goverde AJ, et al. rénalome ? technologique, permettant de mettre à dis- Assessment of androgen concentration in women : 2. Tel enfant présente-t-il ou non un bloc position des laboratoires à grand débit une liquid chromatography-tandem mass spectrometry and extraction RIA show comparable results. Eur J enzymatique ou un autre trouble de la automatisation de la phase préanalytique, Endocrinol 2011 ; 165 :925-33. différentiation sexuelle ? en l’occurence la phase d’extraction, et per- 14. Quanson JL et al. High-throughput analysis of 3. Tel patient présente-t-il un syndrome mettant de s’affranchir pendant l’analyse 19 endogenous androgenic steroids by ultra-per- formance convergence chromatography tandem de Cushing ou un corticosurrénalome ? elle-même, des étapes manuelles, vienne mass spectrometry. J Chromatogr B Analyt Technol 4. Peut-on affirmer l’existence d’un syn- améliorer cette situation. Biomed Life Sci 2016 ; 1031 :131-138. drome de Cushing chez tel autre pa- 15. Meunier C, Blondelle D, Faure P, et al. Development and validation of a method using supported liquid ex- tient, ou pas? N. Lahlou, L. Groussin traction for aldosterone determination in human plas- 5. Tel sportif est-il dopé aux corticoïdes [email protected] ma by LC-MS/MS. Clin Chim Acta 2015 ; 447 :8-15. 16. Van der Gugten JG, Holmes DT. Quantitation ou non ? of Aldosterone in Serum or Plasma Using Liquid Références Chromatography-Tandem Mass Spectrometry (LC- Conclusion : bénéfices /contraintes MS/MS). Methods Mol Biol 2016 ; 1378 :37-46. 1. Yalow RS, Berson SA. Assay of plasma insulin in 17. Eisenhofer G, Dekkers T, Peitzsch M, et al. human subjects by immunological methods. Nature Mass Spectrometry-Based Adrenal and Peripheral La spectrométrie de masse, comme son 1959 ; 184 (Suppl. 21) :1648-49. Venous Steroid Profiling for Subtyping Primary nom l’indique, identifie les molécules par 2. Kohler G, Milstein C. Continuous cultures of fused Aldosteronism. Clin Chem 2016 ; 62 :514-24. cells secreting antibody of predefined specificity. 18. Travers S, Martinerie L, Bouvattier C, et al. leur masse, après ionisation. Il n’est donc Nature 1975 ; 256 :495-97. Multiplexed steroid profiling of gluco- and minera- plus question de différence de forme, mais 3. Soldin SJ, Soldin OP. Steroid hormone analysis locorticoids pathways using a liquid chromatogra- by tandem mass spectrometry. Clin Chem 2009 ; phy tandem mass spectrometry method. J Steroid de différence de masse. Mais la sélection de 55 :10 61- 6 6. Biochem Mol Biol 2017 ; 165 :202-11. la molécule à doser doit être précédée d’un 4. Dehennin L, A Reiffsteck, R Scholler. Simple 19. Kulle AE et al. Determination of 17OHPreg and traitement de l’échantillon biologique en vue methods for the synthesis of twenty different, highly DHEAS by LCMSMS: Impact of Age, Sex, Pubertal enriched deuterium-labeled steroids, suitable as inter- Stage and BMI on the Δ5-steroid-pathway. J Clin de réaliser une « pré-sélection » : extraction nal standards for isotope dilution mass spectrometry. Endocrinol Metab 2017, sous presse. et séparation par chromatographie liquide. Biomed Mass Spectrom 1980 ; 7 :493-99. 20. Vining RF, McGinley RA, Symons RG. Hormones 5. McWynney BC, Briscoe SE, Ungerer JP, Pretorius in saliva : mode of entry and consequent implications L’automatisation de ce traitement préalable CJ. Measurement of cortisol, cortisone, prednisolone, for clinical interpretation. Clin Chem 1983 ; 29 :1752- de l’échantillon, avant la mesure par spectro- dexamethasone and 11-deoxycortisol with ultra high 56 métrie de masse proprement dite, permettra performance liquid chromatography-tandem mass 21. Elias PC, Mar tinez EZ , Barone BF, et al. Late-night spectrometry : Application for plasma, plasma ul- salivary cortisol has a better performance than urinary certainement, à terme, une démocratisation trafiltrate, urine and saliva in a routine laboratory. J free cortisol in the diagnosis of Cushing’s syndrome. de ces appareils dans les laboratoires d’hor- Chromatography 2010 ; 878 :2863-69. J Clin Endocrinol Metab 2014 ; 99 :2045-51. monologie de routine. 6. Kushnir MM, Rockwood AL, Roberts WL, et al. 22. Palmieri S, Morelli V, Polledri E, et al. The role Liquid chromatography tandem mass spectrometry of salivary cortisol measured by liquid chromatogra- Plaident en faveur de la spectrométrie de for analysis of steroids in clinical laboratories. Clin phy-tandem mass spectrometry in the diagnosis of masse : sa sensibilité, sa spécificité, sa ca- Biochem 2011 ;44 :77-88. subclinical hypercortisolism. Eur J Endocrinol 2013 ; 7. Abdel-Khalik J, Björklund E, Hansen M. 168 :289-96. pacité de multiplexage, son économie du Simultaneous determination of endogenous steroid 23. Lahlou et al. Mass spectrometry to assess the short volume sanguin nécessaire, qui font que son hormones in human and animal plasma and serum test with salivary 11-deoxycortisol. 2017 by liquid or gas chromatography coupled to tandem (Soumis à publication). application dans le domaine du diagnostic mass spectrometry. J Chromatogr B Analyt Technol Biomed Life Sci 2013 ; 928 :58-77. 24. Gow R, Thomson S, Rieder M, et al. An assess- est une plus-value pour toute exploration des ment of cortisol analysis in hair and its clinical appli- 8. Ceccato F, Barbot M, Zilio M, et al. Screening Tests cations. Forensic Sci Int 2010 ; 196 :32-37. axes gonadique et surrénalien. for Cushing’s Syndrome : Urinary Free Cortisol Role Mais son implantation dans les laboratoires Measured by LC-MS/MS. J Clin Endocrinol Metab 25. Thomson S, Koren G, Fraser LA, et al. 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Noppe G, de R ijke Y B, Dorst K, et al. LC-MS/ MS- • le coût des réactifs prêts à l’emploi, quand sol chemiluminescent immunoassay and development based method for long-term steroid profiling in human ils existent, est élevé ; of a new reference range. Ann Clin Biochem 2005 ; scalp hair. Clin Endocrinol (Oxf) 2015 ; 83 :162-66. 22 MCED n°86 – Janvier 2017 ATELIER JNDES

Dénutrition chez le sujet obèse

Pauline Faucher1, Blandine Gatta Cherifi2, 3, Christine Poitou1 1 Service de Nutrition, Centre Intégré de l’Obésité Ile de France Centre, Institut de Cardiométabolisme et nutrition, ICAN, Hôpital Pitié- Salpêtrière 2 Service d’Endocrinologie, Diabétologie, Maladies métaboliques et Nutrition, Hôpital Haut Lévêque, CHU de Bordeaux, 3 Neurocentre Magendie, INSERMU1215, Université de Bordeaux Mots clés : obésité, sarcopénie, dénutrition, chirurgie bariatrique

’augmentation de la prévalence de augmentation des besoins liés à une patho- professionnelles/Septembre 2003, et Ll’obésité chez les sujets de plus de 65 logie (inflammation, néoplasie, agression, Révision 2012). ans a été constante ces dernières années, pathologies du t ube digestif, br ûlures etc.). Quel que soit l’IMC, les conséquences de passant de 11,2 % en 1997 à 18,7 % en 2012 La définition de la dénutrition protéi- la dénutrition sont l’augmentation de la (Enquête Obepi 2012). De plus, l’essor no-énergétique retenue par la Société morbi-mortalité, de la durée d’hospitali- considérable de la chirurgie bariatrique en Française de Nutrition Entérale et sation, et les conséquences des déficits en France s’est accompagné d’une augmen- Parentérale (SFNEP) est la suivante : micro-nutriments telles que la dépression tation majeure des situations de perte de « (elle) résulte d’un déséquilibre entre (carence en B6), l’anémie (carence en fer, poids importante chez des sujets obèses. les apports et les besoins protéino-éner- B9, B12), les malformations fœtales (ca- Le diagnostic et la prise en charge de la gétiques de l’organisme. Ce déséquilibre rence en B9 et anomalie de fermeture du dénutrition chez le sujet obèse sont ainsi entraîne des pertes tissulaires ayant des tube neural), les troubles neurologiques devenus des situations fréquentes à ne pas conséquences fonctionnelles délétères. Il (carence en B12 et sclérose combinée de méconnaitre. Nous aborderons dans cette s’agit d’une perte tissulaire involontaire. » la moelle). rev ue les définitions, les éléments physio- (ANAES/Service des recommandations pathologiques, les situations à risque en s’intéressant particulièrement à la chirur- Tableau 1. Critères de diagnostic de la dénutrition (HAS 2003, révision 2012 pour les plus de gie bariatrique, et enfin la prise en charge 70 ans). de la dénutrition, notamment chez le sujet obèse. Age < 70 ans Age ≥ 70 ans

Définitions et physiopathologie dans la Dénutrition population générale 2 2 IMC ≤ 17 kg/m < 21 kg/m La dénutrition est un problème majeur Perte de poids ≥10% en 6 mois ou ≥5% en 1 mois de santé publique mondiale, touchant 5% de la population européenne, particu- Albuminémie* < 30 g/L < 35 g/L lièrement les populations fragiles (âges extrêmes de la vie, milieux défavorisés, Pré-Albuminémie < 0,11 g/L maladies chroniques), et reste présente chez 30 à 40% des personnes hospitalisées Dénutrition sévère [1] aggravant alors le pronostic en termes / < 18 kg/m2 de morbi-mortalité et justifiant donc un IMC dépistage précoce [2]. Perte de poids ≥ 15% en 6 mois ou ≥10% en 1 mois La dénutrition protéino-énergétique résulte d’une inadéquation entre les be- Albuminémie* < 20 g/L < 30 g/L soins métaboliques de l’organisme et les réserves énergétiques disponibles (no- Pré-Albuminémie < 0,05 g/L tamment sous forme de protéines), par * en l’absence de syndrome inflammatoire défini par l’élévation concomitante de 2 des 3 des apports alimentaires insuffisants paramètres suivants : VS≥ âge/2 chez l’homme et VS> (âge +10)/2 chez la femme ; CRP > (anorexie, malabsorption), et/ou par une 15mg/L ; haptoglobine >2,5 g/L

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Tableau 2. Critères de diagnostic de la dénutrition (HAS 2003, révision 2012 pour les plus de 70 ans).

Tests Description Critères

H<8,51 Bio-impédancemétrie (BIA) Ratio masse musculaire/taille2 F<5,76 Perte de masse musculaire H < 7,26 kg/m2 Absorption biphotonique à rayons X (DEXA) IMM* F < 5,45 kg/m2 Mesure par dynamomètre de la force maximale de contraction des muscles Perte de force musculaire Force de préhension (handgrip test) H<30 kg F<20kg de la main conduisant à la flexion des articulations de la main Examen des capacités de l’individu à se tenir debout les pieds côte à côte, Short physical performance battery (SPPB) en décalé et l’un devant l’autre, à Score global <8 Diminution des perfor- effectuer une marche sur 8 pas et à se mances physiques lever et s’asseoir 5 fois d’affilée

Test de vitesse de marche sur 6 mètres Mesure de la vitesse de marche <1m/s sur 6 mètres

*IMM : index de masse musculaire squelettique = masse musculaire appendiculaire/taille2 ; H : hommes ; F : femmes En 2006, l’HAS a établi des outils de dia- liques (par exemple, défaut de synthèse involontaire, alors même qu’elle est de gnostic de la dénutrition, à partir de l’Indice en testostérone, ou résistance à l’insu- mauvais pronostic en termes de mor- de Masse Corporelle (IMC), c’est-à-dire le line) au cours du vieillissement [5] ; bi-mortalité [9]. rapport entre le poids (kg) et la taille au • une dénervation ainsi qu’une perte de la • Le poids global peut rester stable mal- carré (m), du pourcentage de perte de poids fonctionnalité des unités motrices [6] ; gré des modifications de la composition en 1 ou 6 mois, de l’albuminémie et de la • des dysfonctionnements mitochon- corporelle. Par exemple une prise de trans-thyrétinémie (ou préalbuminémie) : driaux entraînant la production d’es- masse grasse peut masquer une perte ces critères sont présentés dans le Tableau 1. pèces radicalaires, génératrices d’un de masse maigre, en particulier chez le stress oxydant [7]. sujet âgé [10]. La sarcopénie est définie par la perte de • Enfin, l’albuminémie est abaissée dans masse musculaire associée à la diminu- La sarcopénie dite « secondaire » est liée à de nombreuses situations telles que l’in- tion de la force musculaire ou des perfor- des pathologies graves (dysfonctions d’or- flammation qui accompagne l’obésité, mances physiques [3]. Elle est responsable ganes, inflammation chronique, néopla- l’hémodilution, l’insuffisance hépatique de conséquences cliniques fonctionnelles sies, maladies endocriniennes) entrainant ou les pertes urinaires parfois associées (diminution de la vitesse de marche, dif- une inadéquation entre les apports et les à l’obésité. ficultés à monter ou descendre des esca- besoins protéiques, et/ou liée à des mo- liers). Les critères définissant la sarcopé- difications des activités diminuant ainsi Il est donc important, pour appréhender nie avec leurs tests pratiques sont décrits l’anabolisme protéique (immobilisation, la dénutrition chez la personne obèse en dans la Tableau 2, issus du consensus du maladies neuromusculaires, etc). pratique clinique courante, de prendre en European Working Group on Sarcopenia compte différents arguments cliniques : in Older, People (EWGSOP) [3]. Définitions, mécanismes et causes de la • perte de poids rapide et importante (≥ 10 dénutrition chez la personne obèse % en 6 mois ou ≥ 5 % en 1 mois), De nombreuses causes sont impliquées • contexte clinique : agression physique dans la sarcopénie, impliquant un déficit de Les outils diagnostiques cliniques et bio- (infection par exemple), immobilisa- synthèse protéique et/ou une augmentation logiques utilisés pour définir la dénutri- tion, de la protéolyse. La « sarcopénie primaire » tion dans la population générale sont mis • évaluation des ingesta à comparer avec liée à l’âge est expliquée notamment par : en défaut dans l’obésité [8] pour plusieurs la dépense énergétique de repos, • une augmentation de l’extraction r a ison s : • diminution des capacités physiques, splanchnique des acides aminés (c’est- • L’IMC (par définition supérieur à 30 • élargir le bilan nutritionnel (vitamines à-dire une rétention des acides aminés kg/m2) ne peut plus être utilisé comme du groupe B, C, bilan martial, bilan vi- alimentaires par l’intestin et le foie pour critère diagnostique. tamino-calcique) en plus des facteurs leurs besoins propres) [4] ; • Une perte de poids peut être perçue biologiques habituels comme l’albumi- • des modifications hormonales anabo- comme favorable, y compris si elle est némie, la préalbuminémie et la CRP.

24 MCED n°86 – Janvier 2017 ATELIER JNDES

En outre, l’obésité peut s’accompagner Tableau 3. Principales situations au cours desquelles la dénutrition devra être suspectée chez d’une sarcopénie. L’obésité sarcopénique la personne obèse. n’a pas de définition consensuelle, elle cor- respond à la perte de masse musculaire as- Situations à risque important de dénutrition chez la personne obèse sociée à une masse grasse augmentée, et sa prévalence est estimée entre 2 et 22% des Situation d’agression, de stress aigus (infection, traumatisme, chirurgie) personnes âgées [11-13]. L’obésité sarco- pénique est un facteur pronostic péjoratif Insuffisance rénale et respiratoire, chroniques majeur en termes de morbi-mortalité [14], Pathologies digestives chroniques ainsi qu’en termes de capacités fonction- nelles motrices [13]. Cancers, chimiothérapie

Les origines et situations cliniques me- Troubles de la mastication, de la déglutition, troubles du comportement alimentaire nant à une dénutrition et/ou sarcopénie chez le sujet en obésité sont les mêmes Régimes restrictifs répétés que chez les personnes de corpulence Sédentarité importante normale. Néanmoins, certaines situations cliniques sont plus fréquentes chez la per- Précarité sonne obèse [15]. Les principales causes sont listées dans le Tableau 3. N’oublions Chirurgie (en particulier suite de chirurgie bariatrique) pas non plus que la prévalence de l’obésité est très nettement supérieure dans les caté- gimes restrictifs est aussi liée à la nécessité Dénutrition, carence nutritionnelles et gories socio-professionnelles défavorisées de fournir du au cerveau, ce qui va chirurgie bariatrique et le contexte de précarité est un facteur entraîner une utilisation d’acides aminées de risque majeur de dénutrition. glucoformateurs mobilisés à partir de la La chirurgie bariatrique, en plein essor Comme cela est déjà bien décrit, l’obé- masse maigre musculaire. L’importance de ces dernières années en France, est une sité et l’inflation de masse grasse s’ac- cette mobilisation d’acides aminés gluco- situation particulièrement à risque pour la compagnent d’une inflammation de bas- formateurs sera fonction de la profondeur personne en obésité. Les déficits nutrition- grade, associée à une insulinorésistance, du déficit énergétique et de la répartition nels peuvent être expliqués par différents responsable d’une altération de la fonction en macronutriments du régime (Évaluation mécanismes selon la technique utilisée. musculaire avec une résistance anabolique des risques liés aux pratiques alimentaires Ils associent une diminution de l’apport musculaire [16]. En plus de la perte abso- d’amaigrissement. Rapport d’expertise énergétique total (diminution des macro- lue de masse maigre, la modification de la collective, ANSES 2010). De plus ces ré- nutriments) et des déficits en micronutri- composition de la masse maigre est aussi ponses métaboliques au déficit énergétique ments et vitamines [20]. importante. L’infiltration de graisse dans peuvent être altérées avec le vieillissement, Tous les types de chirurgie sont respon- le muscle au cours de l’obésité va diminuer ce qui incite à proscrire des régimes trop sables d’une carence d’apport liée à la les propriétés fonctionnelles du muscle. restrictifs chez le sujet âgé [18]. restriction alimentaire et à l’intolérance L’obésité et la sarcopénie peuvent ainsi se possible à certains aliments (viande, lait, potentialiser l’une l’autre et entraîner, de En outre, le comportement sédentaire, fibres). Les techniques incluant une ex- façon synergique, une limitation physique lié au gain de poids, et donc particuliè- clusion d’une partie inférieure de l’esto- et des troubles métaboliques [17]. rement prévalent dans l’obésité, est aussi mac, comme le bypass gastrique ou la De plus, la situation malheureusement très un facteur de risque de sarcopénie. Il est sleeve, entraînent une maldigestion des fréquente de répétition de régimes itératifs à l’origine d’une faiblesse musculaire qui, aliments ainsi qu’une diminution de la chez les personnes obèses constitue une si- à son tour, va conduire à une réduction sécrétion d’acide gastrique nécessaire à tuation particulièrement à risque. En effet, de l’activité physique et à une perte de la l’absorption de certains micronutriments la perte de poids induite par ces régimes as- masse et de la force musculaires. Cette (B12 et fer). Les montages constit ués d’un socie une perte de masse grasse mais aussi sédentarité est particulièrement délétère court-circuit digestif tels que le bypass une perte de masse maigre. Or, la reprise lors de la perte de poids. Ainsi, dans une gastrique entraînent une maldigestion et de poids post-régime s’accompagne d’une méta-analyse publiée en 2010, Weiheimer une malabsorption duodéno-jéjunale. Le récupération préférentielle de la masse et al. montrent que l’association de l’exer- duodénum est le site d’absorption princi- grasse, constituant un facteur de risque cice physique à la restriction calorique pal du calcium, du fer et de la vitamine d’obésité sarcopénique. La perte de masse produit une diminution de la part de perte B1 (thiamine). Il se produit également une maigre qui survient au cours de ces ré- de masse maigre de 24 % à 11 % [19]. asynergie entre l’arrivée du bol alimen-

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Tableau 4. Les principaux déficits nutritionnels après chirurgie bariatrique.

Fréquence des déficits postopératoires Facteurs favorisants Conséquences cliniques

DBP ± DS BPG AGA ou sleeve

Premières semaines Perte de poids importante Faiblesse musculaire, perte 0 -1,4, jusqu’à 13 % Apports pauvres en protéines de masse musculaire Protéines 0 - 18 % 0 - 2 % si distal Vomissements Troubles des phanères Complications chirurgicales Oedème Maladie intercurrente Déficit préopératoire Saignement périopératoire Anémie, microcytose Fer 100 % à 5 ans 13,1 - 52 % 0 à 32 % Ménométrorragies Asthénie Faible apport de viande rouge Troubles des phanères Malabsorption Hypocalcémie Moindre que Déficit préopératoire Hyperparathyroïdie secon- pour les Vitamine D 17 - 63 % 10 - 51 % Faible exposition solaire daire, ostéomalacie chirurgies Malabsorption Ostéopénie ou ostéopo- malabsorptives rose, fractures Calcium 25 à 48 % 10 % (distal) Apports faibles Macrocytose, anémie Atteintes neurologiques Apports faibles d’aliments d’origine (myelopathie, myeloneu- 33 - 70 %, en animale (viande, produits laitiers) B12 12,5 - 22 % Rarement ropathie, neuropathie pé- moyenne 30 % Absence de supplémentation riphérique, manifestations Malabsorption neuropsychiatriques, neu- ropathie optique) Macrocytose, anémie Anomalies de fermeture B9 NR 1 à 20 % NR Faibles apports en fruits et légumes du tube neural (femme en- ceinte) Vomissements postchirurgicaux Neurologiques (polyneuro- Perte de poids importante B1 NR 1 % NR pathies, encéphalopathies Déficit préopératoire de Gayet Wernicke) Perfusion de glucose Visuelles (vision nocturne) A 12 - 69 % 10 NR rares Malabsorption Troubles de la coagulation K 50 - 64 % NR NR Perte de poids très importante rares Augmentation du stress E 4 - 5 % NR NR oxydant (non décrits) Aucune décrite dans ces Sélénium 14,5 % 22 % NR cas, atteinte cardiaque ? Perte de poids importante Zinc 10,8 à 50 % 36 % Alopécie ?

Magnésium 0 - 5 % 0 – 34 % NR Perte de poids importante Crampes

Diurétiques, vomissements, diar- Hypokaliémie surtout si as- Potassium 6,3 – 56 % rhées sociation avec diurétiques Polyneuropathies, ataxie Cuivre NR NR NR Perte de poids importante (non décrites dans le cadre de la chirurgie)

DBP : dérivation biliopancréatique, DS : duodénal-switch, BPG : bypass gastrique, AGA : anneau gastrique ajustable

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Tableau 5. Suivi nutritionnel après chirurgie bariatrique.

préopératoire 3 mois 6 mois 12 mois 18 mois 24 mois Annuellement

Poids, recherche de signes cliniques de carences, enquête × × × × × × × alimentaire Ionogramme, calcémie, glycémie, × × × × × × × bilan hépatique et lipidique

Hémogramme, plaquettes × × × × × × ×

Fer sérique, ferritine, coefficient × × × × × × de saturation

Albumine, préalbumine × × × × ×∆ ×∆

B12 × × × ×

Vitamine D, PAL, PTH × × × ×

Vitamines B1, B9 × ×∆ ×∆ ×∆

DEXA × × ×∆ ×∆

Ostéodensitométrie × × ß

ß S’il existe une anomalie l’examen est à refaire tous les deux ans ∆ si la perte de poids > 10 % du poids, alimentation très déséquilibrée, présence de signes cliniques ou facteurs favorisants une carence Des dosages supplémentaires sont à réaliser : - à 3 mois et à 6 mois en cas de déficit préopératoire - 3 mois après le début d’une supplémentation en cas de déficit spécifique. - en cas de programmation de grossesse taire et des sécrétions bilio-pancréatiques intervention bariatrique, une surveillance gnésium sanguins, bilan phosphocalcique dans la portion commune d’intestin. Enfin clinico-biologique régulière, par exemple sur urines de 24h, citrate, acide urique et des déficits nutritionnels notamment en à 3 mois, puis tous les 6 mois dans les oxalate sur urines de 24h). fer, vitamine D, B12 et folates préexistent deux premières années puis au moins une Aucun essai contrôlé n’a été mené pour souvent à la chirurgie : il convient de les fois par an au-delà de deux ans. Il faut déterminer quels sont les suppléments dépister et de les traiter afin d’éviter leur rechercher les signes cliniques à chaque et les doses à prescrire après chirurgie aggravation par la chirurgie. Les ca- consultation avec une attention particu- gastrique. En fonction des études et de rences nutritionnelles, en particulier les lière vis-à-vis des troubles neurologiques notre pratique clinique, nous recomman- vitamines du groupe B (B1, B6 et B12) périphériques ou centraux, des troubles dons de donner systématiquement un peuvent avoir des conséquences cliniques sensoriels et psychiques et de la fatigue supplément multivitaminique à vie après graves comme, par exemple, des atteintes (Tableau 4). Un exemple des examens une chirurgie malabsorptive et au moins neurologiques irréversibles [21]. complémentaires à demander et du rythme pendant toute la période de perte de poids Compte tenu de la fréquence des déficits de suivi est proposé dans le Tableau 5. Il après chirurgie restrictive. Cependant, on nutritionnels chez les patients obèses s’agit des explorations minimales que l’on ne connaît pas la proportion de chaque vi- (vitamine D, B12, folates, fer), il est im- peut élargir en fonction des moyens à dis- tamine ou minéraux ingérés réellement pératif de réaliser un bilan nutritionnel position. Par exemple, la composition cor- absorbée, le site principal d’absorption préopératoire complet. Une étude récente porelle par DEXA est importante à évaluer restant le duodénum court-circuité. Il est montre que malgré la prise de suppléments pour suivre l’évolution de la masse maigre donc important de connaître la composi- multivitaminiques, les carences nutrition- (sarcopénie). En cas de suspicion clinique tion des multivitamines disponibles. De nelles sont très fréquentes après un bypass de carence ou de chirurgie malabsorptive plus, les suppléments multivitaminiques gastrique [22]. Même après chirurgie res- type dérivation biliopancréatique, il est ne suffisent pas à couvrir les besoins tant trictive, comme par exemple après anneau aussi nécessaire d’élargir le bilan (zinc, en fer, qu’en vitamine B12 ou en calcium/ gastrique, surviennent des carences nu- sélénium, cuivre, vitamine B6, vitamine vitamine D. Il est donc impératif d’ajouter tritionnelles [23]. Cela justifie, pour toute A, E et K, INR, calcium, phosphore et ma- à la prescription ces quatre éléments.

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Il faut adapter la prescription en fonction En outre, notamment en cas de sarcopénie tuations cliniques qui doivent alerter sur des dosages réalisés au cours du suivi, de associée, l’exercice physique est primor- une éventuelle dénutrition. Les situations l’observance du patient à la forme galé- dial : l’activité physique doit être régulière à risque doivent conduire à utiliser des nique (comprimés, sirop, solution buvable) et adaptée, alliant des exercices en endu- marqueurs biologiques et nutritionnels, et à la situation clinique : pathologie inter- rance, permettant d’améliorer l’équilibre afin d’évaluer la composition corporelle currente, statut martial (femmes réglées statural, l’appétit, l’augmentation des ca- et les capacités physiques (handgrip+ test ou non) par exemple. Il faut également être pacités respiratoires et l’augmentation de de marche sur 6 m par exemple). Enfin attentif et rechercher des signes cliniques la synthèse protéique musculaire, et des l’évolution des fonctions physiques devrait évocateurs de carences (troubles des pha- exercices en force contre résistance per- être réalisée de façon systématique dans nères, amaigrissement très rapide, signes mettant d’augmenter la force musculaire le suivi après chirurgie bariatrique, en neurologiques, douleurs osseuses, fatigue et la qualité musculaire [25]. L’activité particulier chez le sujet de plus de 65 ans. persistante…), et tenir compte des éven- physique a en outre un effet positif sur la tuelles situations particulières pour adap- qualité de vie, la diminution de l’asthénie ter la supplémentation : vomissements et, chez la personne âgée, la prévention des P. Faucher, B. Gatta Cherifi, C. Poitou (risque de carence en B1), complication chutes. La prise de vitamine D3 permet [email protected] chirurgicale nécessitant une nutrition en- également de réduire le nombre de chutes térale (carences multiples), grossesse (as- en cas de sarcopénie, et est recommandée Références surer la supplémentation en folates dès la à la dose de 800UI/jour chez le sujet de 65 1. Corish CA & Kennedy NP. Protein-energy un- période pré-conceptionnelle pour éviter le ans et plus [26]. dernutrition in hospital in-patients. Br J Nutr 2000 ; risque de malformations du tube neural), Enfin, en cas de sarcopénie, quel que 83 :575 -91. 2. Kondrup J, Allison SP, Elia M, et al. ESPEN gui- adolescent (veiller au statut vitamino-cal- soit l’IMC, certaines études ont montré delines for nutrition screening 2002. Clin Nutr 2003 ; cique et à l’observance, parfois difficile). des bénéfices de la nutrition « pulsée », 22 :415 -21. Il est à noter que les suppléments multi- c’est-à-dire l’apport de 80% des besoins 3. Cruz-Jentoft AJ, Baeyens JP, Bauer JM, et al. Sarcopenia : European consensus on definition and vitaminiques et certaines vitamines (B1 protéiques sur un seul repas afin d’amélio- diagnosis : Report of the European Working Group par exemple) ne sont pas remboursés et rer la réponse anabolique post-prandiale, on Sarcopenia in Older People. Age Ageing 2010 ; représentent un coût mensuel non négli- mais est souvent difficile à mettre en place 39 :412 -23. 4. Boirie Y, P Gachon P, Beaufrere B. Splanchnic geable. Cette information doit être donnée chez le sujet âgé ; il n’a pas été démontré and whole-body leucine kinetics in young and elderly au patient avant l’intervention. qu’une complémentation à long terme men. Am J Clin Nutr 1997 ; 65 :489-95. en leucine soit efficace pour augmenter 5. Boirie Y. Physiopathological mechanism of sar- copenia. J Nutr Health Aging 2009 ; 13 :717-23. Prise en charge de la dénutrition chez la masse musculaire chez les sujets âgés 6. Vandervoort AA. Aging of the human neuromus- l’obèse [27] ; certains auteurs ont mis en évidence cular system. Muscle Nerve 2002 ; 25 :17-25. un effet de la prise de citrulline sur l’aug- 7. Hiona A & Leeuwenburgh C. The role of mitochon- drial DNA mutations in aging and sarcopenia : impli- Le dépistage systématique de la dénutri- mentation de la masse maigre, la baisse de cations for the mitochondrial vicious cycle theory of tion notamment en milieu hospitalier reste la masse grasse et la vitesse de synthèse aging. Exp Gerontol 2008 ; 43 :24-33. encore peu développé, d’autant plus chez protéique, sans recommandation actuelle 8. Kyle UG, Pirlich M, Lochs H, et al. Increased length of hospital stay in underweight and overweight pa- les patients obèses. La prise en charge, établie [28]. tients at hospital admission : a controlled population quel que soit l’IMC du patient, doit donc study. Clin Nutr 2005 ; 24 :133-42. 9. Pichard C, Kyle UG, Morabia A, et al. Nutritional débuter par l’évaluation de l’état nutri- Conclusion assessment : lean body mass depletion at hospital tionnel à l’aide des outils établis (Tableau admission is associated with an increased length of 1), en soulignant le fait qu’aucun outil ne La prévalence de la dénutrition et/ou de la stay. Am J Clin Nutr 2004 ; 79 :613-18. 10. Gallagher D, Ruts E, Visser M, et al. Weight sta- s’adresse spécifiquement à la dénutrition sarcopénie du sujet en obésité va augmen- bility masks sarcopenia in elderly men and women. chez l’obèse. La stratégie thérapeutique va ter dans les années futures compte-tenu du Am J Physiol Endocrinol Metab 2000 ; 279 :E366-75. dépendre de la sévérité de la dénutrition vieillissement de la population en paral- 11. Baumgartner RN. Body composition in healthy aging. Ann N Y Acad Sci 2000 ; 904 :437-48. et des ingesta du patient : moins le patient lèle de l’augmentation de la prévalence de 12. Newman AB, Kupelian V, Visser M, et al. va être capable de les augmenter, plus on l’obésité et du nombre croissant d’actes de Sarcopenia : alternative definitions and associations se dirigera vers une nutrition artificielle chirurgie bariatrique. Il est donc impor- with lower extremity function. J Am Geriatr Soc 2003 ; 51 :1602-9. en privilégiant la nutrition entérale (cf re- tant de savoir diagnostiquer et prendre en 13. Rolland Y, Lauwers-Cances V, Cristini C, et commandations françaises de la SFNEP charge la dénutrition. al. Difficulties with physical function associated with obesity, sarcopenia, and sarcopenic-obesity in du patient hospitalisé) [24]. Il n’y a pas de La perte de poids importante (comme par community-dwelling elderly women : the EPIDOS consensus établi sur la prise en charge de exemple après chirurgie bariatrique) et la (EPIDemiologie de l’OSteoporose) Study. Am J Clin la dénut rition spécifiquement chez le sujet succession de régimes restrictifs, les al- Nutr 2009 ; 89 :1895-900. 14. Rantanen T, Guralnik JM, Ferrucci L, et al. en obésité. térations des capacités physiques ou les Coimpairments as predictors of severe walking agressions physiques sont autant de si- disability in older women. J Am Geriatr Soc 2001 ;

28 MCED n°86 – Janvier 2017 ATELIER JNDES

49 :21-27. for sarcopenic obesity. Nutr Rev 2010 ; 68 :375-88. a prospective study in patients nutritionally at-risk. 15. Cederhol m T, Barazzoni R, Austin P, et al. ESPEN 20. Poitou Bernert C, Ciangura C, Coupaye M, et Clin Nutr 2009 ; 28 :134-40. guidelines on definitions and terminology of clinical al. Nutritional deficiency after gastric bypass : dia- 25. Short KR, Vittone JL, Bigelow ML, et al. Age and nutrition. Clin Nutr 2016 sept 14 (on line). gnosis, prevention and treatment. Diabetes Metab aerobic exercise training effects on whole body and 16. Guillet C, Delcourt I, Rance M, et al. Changes in 2007 ; 33 :13-24. muscle protein metabolism. Am J Physiol Endocrinol basal and insulin and amino acid response of whole 21. Hammond N, Wang Y, Dimachkie MM, Barohn Metab 2004 ; 286 :E92-101. body and skeletal muscle proteins in obese men. J RJ. Nutritional neuropathies. Neurol Clin 2013 ; 26. Bischoff-Ferrari HA, Dawson-Hughes B, Clin Endocrinol Metab 2009 ; 94 :3044-50. 31 :477- 89. Staehelin HB, et al. Fall prevention with supplemental 17. Santilli V, Bernetti A, Mangone M, Paoloni M. 22. Gasteyger C, Suter M, Gaillard RC, Giusti V. and active forms of vitamin D : a meta-analysis of Clinical definition of sarcopenia. Clin Cases Miner Nutritional deficiencies after Roux-en-Y gastric randomised controlled trials. BMJ 2009 ; 339 :b3692. Bone Metab 2014 ; 11 :177-80. bypass for morbid obesity often cannot be prevented 27. Verhoeven S, Vanschoonbeek K, Verdijk LB, et al. 18. Zeanandin G, Molato O, Le Duff F, et al. Impact by standard multivitamin supplementation. Am J Long-term leucine supplementation does not increase of restrictive diets on the risk of undernutrition in a Clin Nutr 2008 ; 87 :1128-33. muscle mass or strength in healthy elderly men. Am free-living elderly population. Clin Nutr 2012 ;31 :69- 23. Aron-Wisnewsky J, Verger EO, Bounaix C, et J Clin Nutr 2009 ; 89 :1468-75. 73. al. Nutritional and Protein Deficiencies in the Short 28. Moinard C, Nicolis I, Neveux N, et al. Dose- 19. Weinheimer EM, Sands LP, Campbell WW. A Term following Both Gastric Bypass and Gastric ranging effects of citrulline administration on plasma systematic review of the separate and combined ef- Banding. PLoS One 2016 ; 11 : e0149588. amino acids and hormonal patterns in healthy subjects : fects of energy restriction and exercise on fat-free 24. Thibault R, Goujon N, Le Gallic E, et al. Use of the Citrudose pharmacokinetic study. Br J Nutr 2008 ; mass in middle-aged and older adults : implications 10-point analogue scales to estimate dietary intake : 9 9 :855 - 62 .

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Instabilité glycémique : démarche diagnostique et thérapeutique

Jean-Pierre Riveline1, Hélène Hanaire2 1 Service d’Endocrinologie et de Diabétologie, Hôpital Lariboisière 2 Service de diabétologie, maladies métaboliques, nutrition, CHU de Toulouse Mots clés : diabète de type 1, variabilité glycémique, mesure continue du glucose

a relation entre l’équilibre glycémique cémique sur l’altération de la qualité de vie Cas clinique Lmoyen évalué par l’HbA1c et les com- sont certaines [7, 8]. plications du diabète a été démontrée à Le concept d’instabilité glycémique re- Mr B, 43 ans, consulte suite au départ à la la fois dans le diabète de type 1 [1] et de couvre en réalité différents phénomènes retraite de son précédent diabétologue. type 2 [2]. Ces études ont été à la base des qui parfois se recoupent : une variabilité de Il est artisan menuisier. Il a un diabète de recommandations établissant les objectifs la glycémie à jeun d’un jour sur l’autre, des type 1 depuis 20 ans, traité par insuline d’H bA1c, t raduisant l’exposition à l’hy per- excursions post-prandiales excessives, une Glargine au coucher et Aspart avant chaque glycémie dans les deux pathologies. variabilité de l’HbA1c au cours du temps, repas. Il n’a aucune complication dégénéra- Le rôle de la variabilité du glucose dans des épisodes d’hypoglycémies répétés. tive connue. Son poids est de 73 kg. le développement des complications mi- Le plus souvent, l’instabilité glycémique Ses doses quotidiennes en insuline sont les crovasculaires a été initialement suggéré désigne une variabilité de la glycémie sur suivantes : environ 50 UI par jour compre- par une analyse des données de l’étude 24 heures objectivée par les auto-mesures nant 28 UI d’insuline Glargine. DCCT [3] qui a montré que l’augmenta- glycémiques capillaires ou par la mesure Sa der nière H bA1c il y a 4 mois était à 7,2 %. tion de l’HbA1c n’expliquait pas entière- continue du glucose (MCG). Dans la majo- Vous le félicitez pour ce bon résultat mais le ment la variation du risque de rétinopathie. rité de ces situations, une origine compor- patient vous dit ne pas être satisfait de l’équi- Aujourd’hui encore, le rôle de l’instabilité tementale ou une pathologie intercurrente libre de son diabète : « Des fois, je suis très du glucose, indépendamment de l’HbA1c, sont retrouvées. Peu de patients ont un au- bien et puis des fois, ça monte comme ça sur le risque de développement de compli- thentique diabète instable, situation assez sans explication et le coup d’après je suis en cations micro [4] et macrovasculaires [5] du rare, quantifiée à environ 3 cas pour mille hypoglycémie, ça me fatigue… ». Il a oublié diabète est évoqué mais reste controversé patients [9]. La plupart d’entre eux ont un son carnet de glycémie et son lecteur. Vous [6]. Les conséquences de l’instabilité gly- diabète de type 1. lui demandez de vous faire parvenir une

Figure 1. Carnet d’autosurveillance glycémique d’un patient avec diabète instable : Le patient est compliant (10-11 glycémies par jour) – Variabilité glycémique intra-journalière – Variabilité glycémique inter-journalière – Risque hypoglycémique (une voire deux hypoglycémies quoti- diennes) 30 MCED n°86 – Janvier 2017 ATELIER JNDES

Tableau. Causes d’instabilité glycémique. excursion) : cet indice explore classi- quement la variabilité que présente le Tendance Hypoglycé- Tendance Hyperglycémique mique patient au cours d’une journée ou d’une période donnée ; Corrections excessives des Causes extrinsèques Phobies des hypoglycémies hyperglycémies • le MODD (Mean Of Daily Differences) : il estime la variabilité glycémique in- Resucrages excessifs Activité physique ter-journalière. Il se calcule en réalisant la moyenne des différences absolues Troubles du comportement Alcool alimentaire entre les valeurs de glycémies réalisées au même moment de la journée à 24h d’in- Dysmorphophobie : volonté de Troubles obsessionnels maintenir un état de maigreur compulsifs tervalle. Chez le diabétique de type 1, des valeurs supérieures à 60 mg/dl sont révé- Volonté de maintenir une latrices d’une variabilité importante, clas- HbA1c basse siquement plus influencée par des facteurs Médicaments : ie Glucocorti- Cause d’hypoglycémie au- Causes intrinsèques exogènes (repas, activité physique...) ; coïdes to-immune : Ac anti insuline • le CONGA (Continuous Overlapping Néoplasie Net Glycemic Action) : il s’agit de la dé- viation standard des différences entre Infections l’observation actuelle et l’observation n heures avant ; Endocrinopathie • le LBGI (Low Blood Glucose Index) : il Syndrome de Cushing, acromé- Insuffisance endocrinienne : évalue spécifiquement le risque d’hy- galies, Hyperthyroïdie surrénalienne, hypothyroïdie poglycémie.

Gastroparésie Ces indices parfois difficiles à calculer, Troubles de résorption de l’insuline : restent peu informatifs individuellement. lipoatrophie, lipohypertrophie La variabilité glycémique répond à une copie de son carnet par mail (voir Figure 1). • ils impactent sévèrement la qualité de vie ; définition purement clinique basée sur La question posée est la suivante : d’après • les données glycémiques issues des au- l’interrogatoire et l’analyse sémiologique vous ce patient est-il porteur d’un diabète to-surveillances ou d’une mesure conti- des accidents métaboliques (fréquence, instable ? nue du glucose (MCG) retrouvent une imprévisibilité, impact sur la qualité de Il est bien évidement impossible d’y ré- variabilité glycémique sévère. vie). Les outils de pratique courante pour pondre avant d’avoir franchi un certain évaluer la variabilité glycémique sont le nombre d’étapes : L’importance de cette variabilité peut être lecteur de glycémie capillaire, la MCG à • Affirmer l’instabilité glycémique et la calculée. Plusieurs indices existent mais usage personnel (type Freestyle libre), le quantifier. aucun d’entre eux n’est parfait. En voici CGM professionnel et l’évaluation de la • Eliminer une origine comportementale quelques exemples : perception des hypoglycémies. à cette instabilité. • Rechercher une cause curable. La déviation standard des glycémies par Démarche diagnostique • Envisager la stratégie thérapeutique. rapport à la moyenne (DS) : il s’agit de la moyenne des écarts à la moyenne des ré- La prise en charge du diabète de type 1 Comment définir l’instabilité ? sultats obtenus. La DS ne permet pas de instable est un travail de longue haleine. quantifier les excursions glycémiques Il est fondamental de prendre le temps du Les contours de l’instabilité glycémique (hypo ou hyper) majeures ou leur nombre. diagnostic et de l’évaluation initiale restent encore flous aujourd’hui. De façon pratique, cet indicateur reste un La démarche diagnostique d’un diabète Les critères suivants doivent être recher- outil fiable, facile d’accès, réalisable sur un instable comporte : ché s : cycle glycémique de 7 glycémies chez tout • un interrogatoire et un examen clinique : • des épisodes hypoglycémiques sévères patient diabétique. ○○ éliminer cause évidente d’instabilité : (nécessitant l’aide d’un tiers pour le re- D’autres indices ont moins d’intérêt en pra- corticothérapie, prise d’alcool, sucrage) et/ou acidocétosiques ; tique clinique et sont davantage utilisés au ○○ rechercher des causes d’instabilité • ces épisodes sont fréquents et imprévi- cours des essais : organique : endocrinopathie, infec- sible s ; • le M AGE (Mean Amplitude of Glycemic tions, néoplasie, 31 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES ATELIER

Débit de base

Zone cible

Figure 2. Bolus de corrections multiples en réponse aux excursions glycémiques, instabilité glycémique induite (données personnelles). Les histogrammes bleus matérialisent les bolus multiples. Les segments rouges matérialisent les changements de débit de base.

○○ révision des actes techniques d’injec- jections de glucagon, compte tenu du risque des glycémies postprandiales. Bien souvent, tion d’insuline, d’hypoglycémies sévères. l’enquête étiologique aura mis en évidence ○○ adaptation des doses en particulier la nécessité d’une reprise de l’éducation lors d’activité physique, Instabilité avec hyperglycémie thérapeutique. Il peut s’agir du changement • un cycle glycémique en 7 points sur 3 prédominante des sites d’injection pour éviter l’instabilité jours et/ou Mesure continue du glucose Elle se caractérise par une répétition des cé- induite par la variabilité de résorption de l’in- (aveugle) avec un journal alimentaire. toses ou acidocétoses. La tendance est plutôt suline injectée dans une zone de lipohyper- à la perte de poids avec un syndrome polyuro trophie. Il peut également s’agir de renforcer Cette démarche permet de distinguer deux polydipsique parfois invalidant. L’H bA1c est les compétences en matière de comptage formes d’instabilité (Tableau 1). dans ce cas largement supérieure à 9 %. des glucides, de calibration de la quantité Un certain nombre de causes organiques de glucides pour le resucrage, ainsi que de Instabilité avec hypoglycémie doit être évoqué (Tableau 1). Souvent, une la quantité et de la fréquence des bolus de prédominante phobie des hypoglycémies est retrouvée correction pour les hyperglycémies. Dans Elle est caractérisée par des épisodes de favorisée par un passé d’hypoglycémies tous les cas, l’autosurveillance glycémique re-sucrages fréquents, la disparition de la sévères traumatisant. L’absence d’auto-me- doit être intensifiée pour mieux repérer les sensation des hypoglycémies avec un seuil sures glycémiques, parfois même l’omission difficultés et évaluer l’efficacité des solutions de perception et une contre-régulation se d’injections d’insuline sont souvent obser- mises en œuvre. mettant en branle très tardivement parfois vée révélant une grande difficulté à suppor- Des outils de traitement plus ou moins so- pour des valeurs inférieures à 0,30g/L. Les ter les contraintes imposées par la maladie. phistiqués ont montré leur efficacité pour patients ici, ont plutôt tendance à prendre L’existence de pathologies psychiatriques réduire la variabilité glycémique. Certains du poids. Leur HbA1c sera sensiblement in- comportant des troubles du comportement d’entre eux, tels que les pompes à insuline et férieure à 7 %. Le risque d’hypoglycémie alimentaire ou une dysmorphobie est un à un moindre degré les dispositifs de mesure sévère est majeur. facteur aggravant qui alourdit considéra- continue du glucose sont aujourd’hui d’uti- Certaines causes extrinsèques doivent être blement la prise en charge. lisation courante. Dans les cas particulière- recherchées. Dans la majorité des cas, un ment complexes, le recours au traitement par défaut d’adaptation des doses d’insuline est Stratégie thérapeutique pompe à insuline implantable ou la greffe retrouvé, en particulier, à l’occasion d’une d’îlots de Langerhans ou de pancréas sont activité physique ou d’une consommation Si une cause curable a été identifiée, son les moyens les plus efficaces pour réduire la d’alcool excessive à distance d’un repas. traitement pourra atténuer l’instabilité gly- variabilité glycémique. Parfois, des corrections excessives des hy- cémique constatée. Il s’agit par exemple du perglycémies sont mises en évidence, en traitement d’une endocrinopathie intercur- Mesure continue du glucose particulier chez les patients sous pompe à in- rente. La prise en charge de troubles du com- La mesure continue du glucose apporte suline. Le téléchargement de la mémoire de portement alimentaire est déterminante. En une somme d’informations, impossibles à la pompe à insuline permet de constater des cas de gastroparésie, un aménagement de obtenir avec l’autosurveillance glycémique « sur-corrections » (Figure 2). Des troubles l’alimentation, la prescription de prokiné- capillaire conventionnelle : affichage instan- obsessionnels compulsifs sont souvent notés tiques et le recours à une pompe à insuline tané de la concentration de glucose en temps chez ces patients. avec administration de bolus carrés, étalés réel, flèche de tendance indiquant le sens et la Il est impératif de former l’entourage aux in- dans le temps, peut améliorer la variabilité rapidité de changement de la concentration 32 MCED n°86 – Janvier 2017 ATELIER JNDES

A 22,2

16,7

Zone cible 11,1

Glucose mml/L 5,6

Seuil d’arrêt hypo 0,0 Débit de base 3 h 6 h 9 h 12 h 15 h 18 h 21 h Heure B 22,2 Interruption Reprise 16,7

Figure 3. Système d’arrêt automatique de la pompe en cas d’hypo- 11,1 glycémie (LGTS) (données personnelles). 5,6 de glucose, alerte et alarme d’hypoglycémie gagnante pour Glucose mml/L ou de risque d’hypoglycémie. L’éducation maîtriser simul- 0,0 des patients à l’interprétation des données tanément HbA1c 3 h 6 h 9 h 12 h 15 h 18 h 21 h est cruciale. Plusieurs études ont montré l’ef- et hypoglycémies Heure ficacité de cet outil pour diminuer l’HbA1c, sévères, et ainsi ré- réduire les hypoglycémies sévères et la va- duire la variabilité Figure 4. Mesure continue du glucose chez un patient avec greffe riabilité glycémique [10]. glycémique [13]. d’îlots utilisant encore de l’insuline (A) et un patient avec greffe Dans les études in- d’îlots devenu insulino-indépendant (B). Pompe à insuline cluant des patients Le traitement par pompe à insuline permet sous pompe et des patients sous injections d’hypoglycémie sévère ou présentant des d’obtenir une amélioration de l’HbA1c de multiples, le bénéfice de l’ajout de la mesure hypoglycémies nocturnes non ressenties. l’ordre de 0,6 % par rapport au traitement continue du glucose sur l’H bA1c est plus im- Elles montrent une réduction importante par injections multiples dans le diabète de portant chez les patients sous pompe [14]. et significative du temps passé en hypog- type 1 et permet également de diviser par 4 la Chez les patients exposés aux hypoglycé- lycémie et de la fréquence des évènements fréquence des hypoglycémies sévères chez mies fréquentes ou mal ressenties, l’uti- hypoglycémiques dans le groupe « arrêt ceux qui y sont exposés [11]. Il s’agit donc lisation de la mesure continue du glucose automatique », ainsi qu’une suppression des d’une modalité de traitement efficace pour associée à la pompe à insuline peut réduire hypoglycémies sévères avec utilisation du réduire la variabilité glycémique. le temps passé en hypoglycémie et la fré- système d’arrêt automatique en cas d’hypo- quence de survenue des hypoglycémies glycémie, comparée à la pompe associée au Pompe à insuline et mesure continue du sévères [15, 16]. capteur seul [17, 18]. glucose Chez les patients traités par pompe à in- Systèmes d’arrêt automatique en hypog- Systèmes d’arrêt automatique en prévision suline, il existe une relation inverse entre lycémie (Low Glucose Threshold Suspend de l’hypoglycémie (Low Glucose Predicitve la concentration d’HbA1c et le nombre de systems : LGTS) Suspend systems : LGPS) surveillances glycémiques quotidiennes Dans ce système intégré, la pompe est in- Un pas nouveau a été franchi avec la mise [12], ce qui suggère l’intérêt que l’on peut formée en temps réel des données de la au point d’un système d’arrêt automatique attendre de la mesure continue du glucose mesure continue du glucose, et son débit de la pompe avant la survenue de l’hypo- associée à la pompe à insuline, puisqu’elle peut être arrêté automatiquement pendant glycémie grâce à un algorithme prédictif permet d’obtenir infiniment plus de mesures 2 heures quand la concentration du glucose (Low Glucose Predictive Suspend system). que l’autosurveillance glycémique usuelle, franchit une limite prédéfinie, par exemple Comparé à l’utilisation standard de la pompe ainsi que des informations en temps réel sur de 0,60 g/l. La pompe reprend ensuite spon- associée au capteur chez des patients diabé- les tendances d’évolution des glycémies. tanément son débit habituel (Figure 3). Deux tiques de type 1 à haut risque d’hypoglycémie L’association pompe à insuline + mesure études se sont attachées à évaluer l’intérêt de nocturne, ce dispositif permet une réduction continue du glucose est ainsi l’association ce dispositif chez des patients à haut risque de 50 % de la fréquence des hypoglycémies 33 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES ATELIER

6. Nalysnyk L, Her nandez-Medina M, K rishnarajah nocturnes et une diminution très sensible du Conclusion G. Glycaemic variability and complications in pa- temps passé en hypoglycémie [19]. tients with diabetes mellitus : evidence from a syste- matic review of the literature. Diabetes Obes Metab La prise en charge du diabète instable est un 2010 ; 12 :288-98. Pompes à insuline implantables vrai défi. Elle impose le recours à une prise 7. Kent LA, Gill GV, Williams G. Mortality and out- Le principe de ce traitement est d’apporter en charge multidisciplinaire (médecins, in- come of patients with brittle diabetes and recurrent ketoacidosis. Lancet 1994 ; 344 :778-81. l’insuline par voie intrapéritonéale, ce qui firmières, diététiciennes, psychologues). 8. Benhamou PY, Milliat-Guittard L, Wojtusciszyn permet d’obtenir une résorption prioritaire Le profil glycémique en 7 points, voire A, et al. Quality of life after islet transplantation : data from the GRAGIL 1 and 2 trials. Diabet Med par voie portale. La conséquence est la res- la mesure continue du glucose et la tenue 2009 ; 26 :617-21. tauration d’un rapport plus physiologique d’un carnet de bords des activités physiques 9. Gill GV, Lucas S, Kent LA. Prevalence and cha- entre l’insulinémie périphérique et l’insuli- et des repas sont des préalables indispen- racteristics of brittle diabetes in Britain. QJM 1996 ; némie portale. Ce traitement permet ainsi de sables au diagnostic étiologique des insta- 89 :839 - 43. 10. Pickup JC, Freeman SC, Sutton AJ. Glycaemic mieux contrôler l’HbA1c tout en réduisant bilités glycémiques. Un bilan d’instabilité control in type 1 diabetes during real time continuous de façon impressionnante les hypoglycé- glycémique doit être réalisé de façon sys- glucose monitoring compared with self monitoring of blood glucose : meta-analysis of randomised mies sévères et en améliorant la stabilité du tématique chez les patients instables avant controlled trials using individual patient data. BMJ diabète [20]. Il est indiqué chez les patients de proposer une prise en charge personnali- 2011 ; 343 :d3805. en échec de l’insulinothérapie sous-cutanée sée educative, par administration continue 11. Pickup JC, Sutton AJ. Severe hypoglycaemia and glycaemic control in Type 1 diabetes : meta-analysis intensive. d’insuline ou par transplantation d’organe of multiple daily insulin injections compared with dans les cas les plus réfractaires. continuous subcutaneous insulin infusion. Diabet Med 2008 ; 25 :765-74. Une insuline autorégulée : pancréas artifi- 12. Hammond P, Liebl A, Grunder S. International ciel, greffe d’îlots de Langerhans ou greffe survey of insulin pump users : Impact of continuous subcutaneous insulin infusion therapy on glucose de pancréas (Figure 4) JP. Riveline et H. Hanaire control and quality of life. Prim Care Diabetes 2007 ; Pour un diabétique instable, le rêve serait [email protected] 1 :143 - 4 6. que ses glycémies soient maîtrisées de fa- [email protected] 13. Hanaire H. MMM décembre 2016, sous presse çon automatique par un système autorégulé. Conflits d’intérêt 14. Riveline JP, Schaepelynck P, Chaillous L, et al. Assessment of patient-led or physician-driven conti- Dans le champ de la technologie, il s’agit du nuous glucose monitoring in patients with poorly pancréas artificiel, vers lequel les progrès JP. Riveline participe à des boards pour controlled type 1 diabetes using basal-bolus insulin regimens : a 1-year multicenter study. Diabetes Care récents nous conduisent. Cependant, ces dis- Abbott et a reçu des honoraires pour des 2012 ; 35 :965-71. positifs nécessitent toujours que le patient conférences pour Abbott et Johnson § 15. Battelino T, Phillip M, Bratina N, et al. Effect of continuous glucose monitoring on hypoglycemia in soit capable d’identifier les sit uations de dys- Johnson. type 1 diabetes. Diabetes Care 2011 ; 34 :795-800. fonctionnement et de réagir en reprenant la H. Hanaire participe à des boards pour 16. Choudhary P, Ramasamy S, Green L, et al. main. Nous ne sommes pas encore au stade Abbott et Medtronic et a reçu des hono- Real-time continuous glucose monitoring signifi- cantly reduces severe hypoglycemia in hypoglyce- où tout fonctionnera de façon automatique raires pour des conférences pour Abbott, mia-unaware patients with type 1 diabetes. Diabetes sans aucune intervention du patient. Lifescan et Medtronic. Care 2013 ; 36 :4160-62. Le remplacement des cellules beta par la 17. Bergenstal RM, Klonoff DC, Garg SK, et al. Threshold-based insulin-pump interruption for greffe de tissu pancréatique offre une so- Références reduction of hypoglycemia. N Engl J Med 2013 ; 18 :22 4 -32 . lution autorégulée par le niveau de glucose, 1. The Diabetes Control Complications Trial au prix du risque opératoire et du traitement Research Group. The effect of intensive treatment 18. Ly TT, Nicholas JA, Retterath A, et al. Effect of of diabetes on the development and progression of sensor-augmented insulin pump therapy and auto- immunosuppresseur, et dans un contexte où long-term complications in insulin-dependent dia- mated insulin suspension vs standard insulin pump betes mellitus. N Engl J Med 1993 ; 329 :977-86. therapy on hypoglycemia in patients with type 1 les greffons disponibles sont peu nombreux. diabetes : a randomized clinical trial. JAMA 2013 ; Aujourd’hui en France, la greffe de pancréas 2. UK Prospective Diabetes Study (UKPDS) Group. 310 :12 4 0 - 47. Intensive blood-glucose control with sulphonylureas est réalisée le plus souvent conjointement à la or insulin compared with conventional treatment and 19. Buckingham BA, Raghinaru D, Cameron F, et al. greffe rénale chez les patients dont la néphro- risk of complications in patients with type 2 diabetes Predictive Low-Glucose Insulin Suspension Reduces (UKPDS 33). Lancet 1998 ; 352 :837-53. Duration of Nocturnal Hypoglycemia in Children pathie le requiert. Les greffes de pancréas Without Increasing Ketosis. Diabetes Care 2015 ; 3. Lachin JM, Genuth S, Nathan DM, et al. Effect 38 :119 7-2 0 4. seul sont rares, parfois indiquées en cas de of glycemic exposure on the risk of microvascular 20. Spaan N, Teplova A, Stam G, et al. Systematic grande instabilité glycémique et d’hypogly- complications in the diabetes control and complica- tions trial--revisited. Diabetes 2008 ; 57 :995-1001. review : continuous intraperitoneal insulin infusion cémies sévères fréquentes. Le diabète ins- with implantable insulin pumps for diabetes mellitus. 4. Sartore G, Chilelli NC, Burlina S, Lapolla A. Acta Diabetol 2014 ; 51 :339-51. table est une indication reconnue de la greffe Association between glucose variability as assessed 21. Shapiro AM, Pokrywczynska M, Ricordi C. d’îlots de Langerhans. La greffe de pancréas by continuous glucose monitoring (CGM) and dia- betic retinopathy in type 1 and type 2 diabetes. Acta Clinical pancreatic islet transplantation. Nat Rev et la greffe d’îlots (Fig ure 4) per met tent dans Diabetol 2013 ; 50 :437-42. Endocrinol 2016 ; doi : 10.1038/nrendo.2016.178. un nombre important de cas de normaliser 5. Wadén J, Forsblom C, Thorn LM, et al. A1C va- 22. Sharples EJ, Mittal SM, Friend PJ. Challenges riability predicts incident cardiovascular events, in transplantation. Acta Diabetol 2016 ; l’H bA1c et les profils glycémiques, et de sup- microalbuminuria, and overt diabetic nephropathy 53 :871-78. primer les hypoglycémies sévères [21, 22]. in patients with type 1 diabetes. Diabetes 2009 ; 58 :2649-55.

34 MCED n°86 – Janvier 2017 ATELIER JNDES

Thyroïde et grossesse

Françoise Borson-Chazot1, Philippe Caron2 1 Fédération d’Endocrinologie, Hôpital Louis Pradel, Groupement Hospitalier Est, Lyon 2 Service d’Endocrinologie, maladies métaboliques et Nutrition, Pôle Cardio-Vasculaire et Métabolique, CHU Larrey, Toulouse Mots clés : hypothyroïdie, hyperthyroïdie, grossesse, fœtus

es dysfonctionnements thyroïdiens est trouvée chez 2,4 % des femmes en- do-myotonique ou un goitre. Le diagnostic Lsont fréquents chez la femme, en par- ceintes quand la TSH est supérieure ou d’hypothyroïdie périphérique est confirmé, ticulier en période d’activité génitale [1-3]. égale à 6 mU/l, tandis que la fréquence sur le plan hormonal, par une augmentation Au cours de la grossesse, d’une part, les n’est que de 0,3 % pour une valeur de de la concentration de la TSH alors que la besoins en iode augmentent, du fait de la TSH supérieure ou égale à 12 mU/l ; concentration de la T4 libre est fréquem- l’augmentation de la clairance rénale de • l’apport iodé moyen. Ainsi, quand l’ap- ment dans les limites normales (hypothy- l’iode et du transfert trans-placentaire de port iodé est important, la fréquence de roïdie sub-clinique). l’iode inorganique vers le fœtus et, d’autre l’hypothyroïdie sub-clinique est infé- part, l’activité fonctionnelle de la glande rieure à 0,2 % alors qu’elle se situe entre Conséquences thyroïde maternelle augmente du fait de 2 et 5 % dans les pays où l’apport iodé est Les conséquences d’une hypothyroïdie l’augmentation de la concentration plas- normal ou modérément carencé ; varient selon le moment de l’apparition de matique de la TBG (thyroxine-binding glo- • le contexte clinique de la patiente. l’hypothyroïdie au cours de la grossesse bulin), de l’action TSH-like de l’hormone L’hypothyroïdie est plus fréquente chez et l’étiologie. Ainsi, une carence iodée en- chorionique gonadotrophique (hCG) et de les patientes présentant une affection traîne une insuffisance thyroïdienne ma- l’apparition de l’activité de la désiodase auto-immune, et le risque d’hypothy- ternelle et fœtale avec ses répercussions placentaire de type 3. De même, au cours de roïdie est multiplié par 3 à 5 chez les pa- sur le développement cérébral fœtal. Lors la grossesse, l’activité immunologique ma- tientes présentant un diabète de type 1. d’une thyroïdite chronique auto-immune, ternelle est partiellement supprimée, ce qui la diminution de la réserve fonctionnelle entraîne une diminution de la production Etiologie thyroïdienne maternelle ne permet pas de des anticorps anti-récepteurs de la TSH, Au cours de la grossesse, l’hypothyroïdie faire face à l’augmentation physiologique responsables de l’hyperthyroïdie base- est le plus souvent due à une thyroïdite de l’activité thyroïdienne maternelle au dowienne. Ces données physiologiques chronique auto-immune. En dehors de la cours de la grossesse, mais la fonction thy- expliquent tout ou partie des particularités grossesse, l’hypothyroïdie peut être se- roïdienne fœtale est en revanche normale. des dysfonctionnements thyroïdiens, tels condaire à une chirurgie pour une affec- L’hypothyroïdie périphérique est classi- que l’hypothyroïdie et la thyrotoxicose, tion bénigne (maladie de Basedow, goitre quement associée à une augmentation du présentés par les femmes au cours de la nodulaire) ou un cancer thyroïdien, à une risque de fausse couche précoce spontanée grossesse. Le rôle du placenta est schéma- cause médicamenteuse (antithyroïdiens et à des complications obstétricales [4-5] : tisé sur la Figure 1. de synthèse, lithium) ou post-radiothéra- • maternelles, avec une augmentation de pique. Exceptionnellement en France, elle la fréquence de l’hypertension artérielle Hypothyroïdie et grossesse [1-8] peut être secondaire à une carence iodée liée à la grossesse ou de l’apparition très sévère. d’une pré-éclampsie, une fréquence Prévalence marquée des troubles cardiaques, des Au cours de la grossesse, la fréquence de Diagnostic épisodes d’anémie et des hémorragies l’hypothyroïdie varie selon : Le diagnostic d’une hypothyroïdie est aisé du post-partum ; • les critères de définition. chez les femmes présentant un antécédent • fœtales, avec un retard de croissance L’hypothyroïdie clinique qui associe thyroïdien personnel (thyroïdectomie, intra-utérin et un poids de naissance di- une TSH augmentée à une T4 libre traitement par l’iode radioactif, prise de minué, des accouchements prématurés basse serait présente chez 0,3 à 0,7 % médicaments interférant avec la fonction avec une morbidité et mortalité fœtales des femmes enceintes, alors que l’hypo- thyroïdienne) ou familial. Le diagnostic cli- et périnatales accrues. thyroïdie sub-clinique, définie par une nique d’hypothyroïdie doit être évoqué de- Ces complications obstétricales seraient concentration normale de la T4 libre vant une asthénie, une chute des cheveux, d’autant plus fréquentes que l’hypothyroï- et une TSH plus ou moins augmentée, une sécheresse cutanée, un bourrelet pseu- die est précoce et secondaire à une thyroï- 35 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES ATELIER

Mère Placenta Fœtus TSH hCG TRH 1,5 50 TSH TSH hCG 40 T4 T4

T3 (T3) 1,0 30 Ac anti-rTSH Anti-thyroïdiens Iode 20 ß bloquants TSH (µU/ml) 0,5 hCG (IU/L x 1000) 10

Figure 1. Rôle du placenta. 0 10 20 30 40 dite chronique auto-immune. Dans tous les enfants âgés de 7 à 9 cas, un traitement adapté de l’hypothyroï- ans, attestant d’une Semaines de gestation die diminue le risque de ces complications relation entre la pré- Figure 2. TSH et hCG au cours du 1er trimestre de la grossesse. maternelles et fœtales. sence d’une hypo- D’après Glinoer D et al. J Clin Endocrinol Metab 1990. Enfin, l’hypothyroïdie maternelle entraîne thyroïdie au cours des complications néonatales car, au cours de la première moitié de la grossesse et premier trimestre et inférieure à 3 mU/L au du 1er trimestre de la grossesse, la T4 fœ- l’apparition des anomalies du développe- cours du deuxième et troisième trimestre tale est exclusivement d’origine maternelle ment intellectuel de ces enfants. En 2012, de la grossesse. D’autre part, les besoins et les hormones thyroïdiennes ont un rôle JH Lazarus [8] a montré, chez les femmes en lévothyroxine peuvent augmenter de 40 important dès les premières étapes du dé- enceintes dépistées et présentant une hypo- à 50 % chez près de 80 % des femmes qui veloppement du cerveau humain. Plusieurs thyroïdie périphérique sub-clinique ou une présentent une hypothyroïdie avant la gros- études récentes ont montré une diminution hypothyroxinémie, qu’un traitement par la sesse. L’augmentation de la posologie de des capacités intellectuelles chez les enfants lévothyroxine n’améliorait pas le QI des en- lévothyroxine, variable selon les patientes, nés de femmes ayant présenté une hypothy- fants à l’âge de 3 ans. On remarquera que ne semble pas liée à une diminution de l’ab- roïdie pendant la grossesse [6]. En 1999, la supplémentation a été instaurée tardive- sorption intestinale de la lévothyroxine Haddow et al [7] rapportaient une diminu- ment (13 semaines ± 3 jours), que le QI n’est (une thérapeutique martiale, fréquemment tion des performances intellectuelles chez sûrement pas le meilleur test pour évaluer prescrite, doit être prise au moins 3 heures les enfants âgés de 7 à 9 ans nés de mères les éventuelles conséquences neuro-cogni- après la prise de lévothyroxine), mais elle présentant une hypothyroïdie (moyenne tives de l’hypothyroïdie maternelle à cet est corrélée à l’importance de la diminu- de la TSH à 13 mU/l) au cours du 2ème tri- âge, et qu’une hyperthyroxinémie avant la tion de la réserve thyroïdienne fonction- mestre de la grossesse. L’hypothyroïdie 18ème semaine d’aménorrhée, secondaire à nelle maternelle. Cette augmentation de la était soit non diagnostiquée et non traitée, la lévothyroxine (150 µg/jour), peut, elle- dose de lévothyroxine est essentiellement soit traitée de façon inadéquate, et elle était même, être associée à une diminution du secondaire à l’augmentation de la concen- secondaire à une thyroïdite chronique au- QI et à des anomalies du volume cortical tration de la TBG au cours du 1er trimestre to-immune chez 77 % des patientes. Le et de la substance grise à l’IRM cérébrale de la grossesse, à l’augmentation du vo- quotient intellectuel (QI) des enfants nés chez des enfants âgés de 6 ans [6]. lume plasmatique maternel, au transport de femmes hypothyroïdiennes non traitées trans-placentaire de la T4 et à l’activité de était significativement diminué (100 ver- Conduite à tenir la désiodase placentaire au terme de la gros- sus 107), alors que le QI des enfants nés Dans tous les cas, le diagnostic d’une hypo- sesse. Après l’accouchement, les besoins en de femmes hypothyroïdiennes traitées thyroïdie au cours de la grossesse impose lévothyroxine diminuent et redeviennent était comparable à celui des enfants nés un traitement substitutif précoce et rapide. comparables à ceux d’avant la grossesse. de femmes euthyroïdiennes (111 versus La dose de lévothyroxine (1,6 à 2,0 μg/kg/j 107). Dix-neuf pour cent des enfants nés pour une hypothyroïdie avérée, 1 μg/kg/j En pratique, chez les femmes qui ont un de mères présentant une hypothyroïdie au pour une hypothyroïdie sub-clinique) est antécédent personnel ou familial de dysthy- cours de la grossesse avaient un QI infé- prescrite d’emblée, et un dosage de la TSH roïdie ou qui présentent des signes cliniques rieur à 85 (versus 5 % pour les enfants nés réalisé après 4 semaines. La posologie de d’hypométabolisme, un bilan thyroïdien de femmes euthyroïdiennes). Par ailleurs, la lévothyroxine est adaptée pendant toute fonctionnel (dosage de la TSH ± T4 libre) la sévérité de l’hypothyroïdie maternelle la grossesse, afin de maintenir une concen- doit être réalisé, au mieux avant le début de était corrélée à la diminution du QI chez les tration de la TSH inférieure à 2,5 mU/L au la grossesse ou au cours du 1er mois de ges- 36 MCED n°86 – Janvier 2017 ATELIER JNDES

Tableau. Prévalence et causes des hyperthy- à la maladie ou à son traitement. De nom- thyroïdienne se discute, rarement, dans des roïdies pendant la grossesse. breuses publications consacrées à ce sujet cas difficiles. Le traitement sera essentiel- au cours des dernières années ont abouti lement symptomatique basé sur le repos, la Prévalence : 2-3 % des grossesses à des recommandations, les dernières en réhydratation, parfois une hospitalisation. (fonction de l’apport iodé) date étant celles de l’American Thyroid Le recours aux antithyroïdiens de synthèse Causes les plus fréquentes (> 90 %) Association [9]. est exceptionnel [9].

Thyrotoxicose gestationelle transitoire (2 %) Etiologies Conséquences L’hyperthyroïdie peut se révéler en début La maladie de Basedow au cours de la Maladie de Basedow (0,5 - 1 %) de grossesse chez une patiente sans antécé- grossesse expose à des complications ma- dents particuliers. Les étiologies sont alors ternelles et fœtales. En l’absence de traite- Causes exceptionelles (< 10 %) dominées par la thyrotoxicose gestation- ment, le risque de pré-éclampsie ou d’in- Adénome toxique nelle transitoire et la maladie de Basedow. suffisance cardiaque est accru. En revanche Les autres causes sont exceptionnelles l’hyperthyroïdie fruste n’a pas de consé- Thyroïdites (Tableau). quence sur le déroulement de la grossesse [9-10]. Le risque de dysthyroïdie fœtale et Grossesse molaire Diagnostic néonatale est lié au passage trans-placen- Les manifestations cliniques (tachycardie, taire des anticorps anti-récepteurs de TSH Hyperthyroïdie gestationnelle familiale (2 cas) palpitations) sont à différencier des signes (AC antirTSH) mais aussi aux antithyroï- sympathiques de la grossesse. L’absence de diens de synthèse (ATS). Les deux princi- tation. Si une hypothyroïdie périphérique prise de poids est évocatrice. Le diagnostic pales situations à risque sont résumées sur est diagnostiquée en cours de grossesse, repose, comme dans toute thyrotoxicose, la Figure 3. le traitement par la lévothyroxine doit être sur le dosage de TSH et de T4L mais on doit La dysthyroïdie fœtale et néonatale concerne instauré rapidement. Chez les femmes qui tenir compte de normes adaptées au terme 1-2 % des nouveaux nés de mères ayant une présentent une hypothyroïdie périphérique de la grossesse [9]. maladie de Basedow active ou conservant et qui poursuivent un traitement par lévo- A partir de la 6ème semaine de gestation, la des AC anti-rTSH après un traitement radi- thyroxine, la posologie de celle-ci doit être concentration plasmatique de TSH suit une cal [10]. L’hyperthyroïdie survient pendant augmentée précocement. Dès le diagnostic courbe inverse de celle d’hCG qui culmine la seconde moitié de la grossesse. Le dosage de la grossesse, la patiente augmentera de à la 12ème semaine (Figure 2). De ce fait, des AC anti-rTSH doit être réalisé en début 25 μg/j si la posologie de lévothyroxine était une diminution isolée de TSH est fréquente de grossesse et renouvelé à 18-22 puis 30- inférieure à 100 μg/j, et de 50 μg/j si la dose au 1er trimestre, et sans signification patho- 34 semaines d’aménorrhée [9]. Lorsque la était supérieure à 100 μg/j. Dans tous les logique [3]. Cette action TSH-like d’hCG concentration est > 5 UI/L (x 2-3 N, do- cas, une surveillance de la concentration peut aboutir à une thyrotoxicose gestation- sage de 2ème génération), une surveillance de la TSH doit être réalisée tous les mois nelle transitoire qui régressera, en général, rapprochée du fœtus par échographie est pendant les deux premiers trimestres, puis spontanément au 2ème trimestre. Elle est ob- nécessaire [10-11]. Le goitre fœtal est le au 8ème mois de grossesse, afin d’optimiser servée lorsque les concentrations d’hCG signe le plus précoce d’hyperthyroïdie fœ- le traitement substitutif, de maintenir une sont très élevées, en particulier lors des tale (Figure 4). L’échographie doit être réali- euthyroïdie et de prévenir ainsi les consé- grossesses multiples. En cas d’hyperémèse sée par un opérateur expérimenté et, en cas quences d’une hypothyroïdie maternelle gravidique, le bilan thyroïdien est perturbé d’anomalie, le suivi doit être réalisé dans un sur le développement cérébral fœtal. Enfin, dans 2/3 des cas. centre expert [10]. Des anticorps bloquants il n’existe pas de contre-indication à l’allai- Il faut savoir différencier la thyrotoxicose du récepteur de TSH peuvent aussi êt re pré- tement maternel chez les patientes poursui- gestationnelle transitoire d’une authentique sents. Les conséquences fœtales dépendent vant un traitement substitutif thyroïdien par maladie de Basedow débutante dont la prise de la balance entre l’action inhibitrice et la lévothyroxine. en charge sera bien différente. En cas de stimulante des AC anti-rTSH. En pratique, thyrotoxicose gestationnelle transitoire, les seuls les anticorps anti-récepteur de la Hyperthyroïdie et grossesse signes cliniques sont le plus souvent modé- TSH sont dosés en routine et ils suffisent rés. La présence d’un goitre diffus, d’une à identifier les femmes enceintes à risque Prévalence orbitopathie, d’antécédents personnels de dysthyroïdie fœtale ou néonatale [10-11]. Une hyperthyroïdie complique 2 à 3% des orientent vers une maladie de Basedow. Lorsque les AC anti-rTSH sont négatifs au grossesses. Il s’agit dans 0,5 à 1% des cas En cas de doute, le dosage des anticorps 3ème trimestre de grossesse chez une femme d’une maladie de Basedow justifiant une anti-récepteurs de la TSH fait le diagnostic. ne prenant pas de traitement antithyroïdien prise en charge adaptée pour éviter les La scintigraphie thyroïdienne est toujours de synthèse, aucun suivi néonatal spécifique complications maternelles et fœtales liées contre-indiquée. Le recours à l’échographie n’est nécessaire. 37 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES ATELIER

Maladie de Basedow Maladie de Basedow terminer le statut thyroïdien d’un fœtus active traitée par TTT radical dont la mère, traitée par ATS, présente des anticorps anti-rTSH à un titre élevé TSH TSH associant parfois des anticorps stimu- lants et bloquants. Les conséquences d’une prise en charge non adaptée peuvent être dramatiques (mort fœtale, séquelles neurologiques). Il faut donc avoir recours à l’expertise multidiscipli- TRAK ATS TRAK LT4 naire d’un centre expert qui sera à même de mettre en place un traitement adapté T4 T3 T4 T3 [9-10]. Le recours à une cordosynthèse Mère Mère est possible en cas de doute diagnostique Placenta mais reste exceptionnel en raison de ses Fœtus T4 T4 Fœtus risques. • D’autre part, les ATS peuvent être té- ratogènes. Ce risque bien connu pour les dérivés imidazolés (carbimazole, thiamazole) a été également rapporté récemment, à un degré moindre, avec les dérivés du thio-uracile [12]. L’exposition TSH TSH aux dérivés imidazolés entre la 6ème et la 10ème semaine d’aménorrhée peut Figure 3. Les situations à risque en cas de grossesse chez une femme basedowienne. conduire à des malformations de la paroi abdominale, du cuir chevelu (aplasia cu- tis) (Fig ure 5), des at résies de l’œsophage A B et/ou des choanes, et plus rarement des anomalies cardiaques (septum ventricu- laire). L’incidence a été estimée à 1/30 enfants exposés. Avec les dérivés du thio-uracile, les atteintes sont plus rares (1/40) et moins sévères, touchant prin- cipalement la tête et le cou ou les voies urinaires chez le garçon. De ce fait, il est recommandé en début de grossesse de prescrire un dérivé du thio-uracile plutôt qu’un dérivé imidazolé [9]. Un change- ment peut être envisagé au 2ème trimestre Figure 4. La constatation à l’échographie d’un goitre fœtal, signe le plus précoce de en raison des risques d’hépatotoxicité dysthyroïdie fœtale. (A) Goitre fœtal. (B) Thyroïde normale. de ces molécules [9]. L’alternative est, lorsque la situation le permet, d’inter- Prise en charge risque d’induire une hypothyroïdie fœ- rompre les antithyroïdiens au début de la Les ATS exposent à 2 types de risque chez tale et sont contre-indiqués pendant la grossesse, plus précisément de la 6ème à la le fœtus : grossesse [9-10]. La T4L maternelle doit 10ème semaine, sous surveillance étroite • D’une part, ils passent librement le être maintenue à la limite supérieure de des paramètres biologiques [10]. placenta et peuvent induire une hy- la normale voire à des concentrations pothyroïdie fœtale pour de faibles po- discrètement supra physiologiques. Le En pratique, en cas de projet de grossesse, sologies, la thyroïde fœtale étant plus signe le plus précoce d’hypothyroïdie une consultation endocrinologique est né- sensible à leur action que la thyroïde fœtale est la survenue d’un goitre visua- cessaire chez toute femme traitée pour une maternelle. La lévothyroxine passe, en lisé par l’échographie. Une diminution maladie de Basedow [9]. Elle permet d’in- revanche, très peu la barrière placentaire de volume après réduction de la posolo- former la patiente des risques potentiels, du (Figure 1). De ce fait, les traitements gie d’ATS confirme le diagnostic. Il n’est suivi nécessaire, de s’assurer de la normalité combinés, associant ATS et LT4 sont à cependant, pas toujours simple, de dé- du bilan thyroïdien et de réfléchir à la meil- 38 MCED n°86 – Janvier 2017 ATELIER JNDES

leure option thérapeutique. Dans les formes tions materno-fœtales d’une thyrotoxicose sévères, justifiant de fortes doses d’ATS et/ gravidique ou les conséquences fœtales et ou présentant des AC antirTSH élevés expo- néonatales d’une hypothyroïdie maternelle. sant au risque de dysthyroïdie néonatale, il Rappelons la nécessité d’une collaboration faut se poser la question d’une thyroïdecto- étroite entre gynécologues, obstétriciens et mie totale pour limiter les risques lors d’une endocrinologues pour la prise en charge future grossesse. On évitera les traitements d’une hypothyroïdie ou d’une hyperthyroï- par l’iode radioactif qui majorent durable- die au cours de la grossesse. ment la concent ration des AC anti-rTSH. Un arrêt du traitement par ATS dès le diagnostic F. Borson-Chazot, Ph. Caron de grossesse sera discuté chez les patientes franç[email protected] traitées médicalement depuis plus d’un an, Figure 5. Aplasia cutis chez un enfant âgé [email protected] de 3 semaines dont la mère était traitée non fumeuses avec un titre d’AC antirTSH par 60 mg de carbimazole pour maladie de négatif, le risque de récidive étant alors es- Basedow au début de la grossesse. timé à moins de 10% à 2 mois [10]. Lorsque Références le maintien d’un traitement antithyroïdien de mères ayant des AC anti-rTSH positifs sont 1. Andersen SL, Carlé A, Olsen J, Laurberg P. synthèse est nécessaire, on remplacera les à risque d’hyperthyroïdie néonatale. Un do- Hypothyroidism incidence in and around pregnancy : a Danish nationwide study. Eur J Endocrinol 2016 ; dérivés imidazolés par un dérivé thio-ura- sage d’AC anti-TSH, TSH et T4L doit être 175 :387-93. cile soit d’emblée, soit dès le diagnostic de systématique au sang de cordon et à J3-5 du 2. Stagnaro-Green A, Abalovich M, Alexander E, et grossesse. Il faudra prévenir les patientes post- partum pour orienter la surveillance al. Guidelines of the American Thyroid Association for the diagnosis and management of thyroid disease préalablement guéries de leur maladie par post-natale [10-11]. La survenue d’une hy- during pregnancy and postpartum. Thyroid 2011 ; un traitement radical des risques potentiels perthyroïdie néonatale pourra imposer si 21 :1081-125. liés à la persistance des AC anti-rTSH. En elle est sévère, la mise en place, d’un trai- 3. Glinoer D. The regulation of thyroid function in pregnancy : pathways of endocrine adaptation from revanche, on pourra rassurer les patientes tement ATS, à poursuivre jusqu’à négati- physiology to pathology. Endocrine Reviews 1997 ; traitées médicalement et en rémission de leur vation des AC anti-rTSH. L’hyperthyroïdie 18 :4 0 4 -33. maladie de Basedow plus d’un an après l’ar- néonatale peut survenir de manière retar- 4. Liu H, Shan Z, Li C, et al. Maternal subclinical hypothyroidism, thyroid autoimmunity, and the risk rêt des ATS [11]. dée (7 à 10 jours après la naissance) chez of miscarriage : a prospective cohort study. Thyroid En cas de maladie de Basedow active pen- les fœtus dont la mère était sous ATS. Il est 2014 ; 24 :1642-49. 5. Negro R, Schwartz A, Stagnaro-Green A. Impact dant la grossesse, le traitement ATS sera important de prévenir les mères du risque of Levothyroxine in Miscarriage and Preterm débuté seul et à dose minimale efficace en de reprise évolutive de l’hyperthyroïdie Delivery Rates in First Trimester Thyroid Antibody- Positive Women With TSH Less Than 2.5 mIU/L. J se fixant comme objectif une T4L à la li- après l’accouchement et de programmer Clin Endocrinol Metab 2016 ; 101 :3685-90. mite supérieure de la normale [9]. Le bilan la surveillance adéquate. L’allaitement est 6. Korevaar TI, Muetzel R, Medici M, et al. thyroïdien sera surveillé à 2 semaines puis possible. Bien que le PTU ait un moindre Association of mater nal thy roid f u nction du r ing early pregnancy with offspring IQ and brain morphology toutes les 2-4 semaines et le bilan hépatique passage dans le lait maternel que les dérivés in childhood : a population-based prospective cohort tous les mois bien qu’il n’y ait aucune preuve imidazolés, les données cliniques suggèrent study. Lancet Diabetes Endocrinol 2016 ; 4 :35-43. de l’efficacité préventive de cette mesure. l’absence de conséquences négatives sur le 7. Haddow JE, Palomaki GE, Allan WC, et al. Maternal thyroid deficiency during pregnancy and Un dérivé du thio-uracile sera prescrit au développement physique et intellectuel, et subsequent neuropsychological development of the 1er trimestre avec possibilité de revenir par sur le statut thyroïdien des enfants allaités child. N Engl J Med 1999 ; 341 :549-55. 8. Lazarus JH, Bestwick JP, Channon S, et al. la suite à un dérivé imidazolé. Lorsque l’hy- par des femmes traitées par méthimazole à Antenatal thyroid screening and childhood cognitive per thy roïdie sur vient en fin de grossesse, on des posologies allant jusqu’à 20 mg/j sous function. N Engl J Med. 2012 ; 366 :493-501. prescrira, d’emblée, un dérivé imidazolé. En surveillance de la fonction thyroïdienne du 9. Ross DS, Burch HB, Cooper DS, et al. 2016 American Thyroid Association Guidelines for cas de forme sévère, échappant au traitement nouveau-né [9-10]. Diagnosis and Management of Hyperthyroidism médical, une intervention chirurgicale pour- and Other Causes of Thyrotoxicosis. Thyroid 2016 ; ra être envisagée au 2ème trimestre. L’état de Conclusion 26 :1343-1421. 10. Laurberg P, Andersen SL. Endocrinology in pre- tolérance de la grossesse conduit à une amé- gnancy : Pregnancy and the incidence, diagnosing lioration spontanée au 2ème et 3ème trimestre La connaissance récente des relations phy- and therapy of Graves’ disease. Eur J Endocrinol 2016 ; 175 :R219-30. qui permet, le plus souvent, une réduction siopathologiques entre les dysfonctionne- 11. Abeillon-du Payrat J, Chikh K, Bossard N, et du traitement et même son interruption dans ments thyroïdiens et la grossesse, ainsi al. Predictive value of maternal second-generation plus de la moitié des cas. En revanche, la qu’un meilleur suivi de la fonction thyroï- thyroid-binding inhibitory immunoglobulin assay for neonatal autoimmune hyperthyroidism. Eur J reprise évolutive est pratiquement constante dienne maternelle au cours de la grossesse Endocrinol 2014 ; 171 :451-60. après l’accouchement justifiant la reprise chez les patientes présentant une hyperthy- 12. Andersen SL, Olsen J, Wu CS, Laurberg P. Birth defects after early pregnancy use of antithyroid d’un traitement imidazolé. roïdie ou une insuffisance thyroïdienne de- drugs : a Danish nationwide study. J Clin Endocrinol Après l’accouchement, les nouveau-nés de vraient permettre de prévenir les complica- Metab 2013 ; 98 :4373-81. 39 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES ATELIER

Les hypogonadismes masculins

Véronique Kerlan1, Jacques Young2 1 Service d’Endocrinologie, CHU de Brest 2 Service D’Endocrinologie et des Maladies de la Reproduction, Hôpital Universitaire de Bicêtre Université Paris Sud

Définitions

l’homme âgé en bonne santé est toujours Tableau 1. Manifestations cliniques d’un hy- ’hypogonadisme est traditionnelle- un sujet de controverse en l’absence d’une pogonadisme chez un adolescent. Lment défini comme l’incapacité du définition claire [6]. En revanche chez testicule à produire de la testostérone l’adulte mûr, l’obésité, le syndrome mé- Voix infantile (T) à des niveaux suffisants, pendant les tabolique et de nombreuses morbidités phases normales d’activation testiculaire ont été associés à des taux de T circulante Absence de barbe (pas de rasage) [1-4]. Ce dysfonctionnement peut être partiellement abaissés. Chez ces patients, la conséquence d’altérations hypotha- l’androgénothérapie systématique n’est Aspect gynoïde lamo-hypophysaires et/ou testiculaires. pas justifiée compte tenu d’une effica- Augmentation de la graisse abdominale L’hypogonadisme est responsable de cité contestable et de l’absence d’études signes fonctionnels et physiques en rap- ayant montré une innocuité à long terme. Aspect eunuchoïde (augmentation de port avec une carence en androgènes Certaines données suggérent même un l’envergure des membres supérieurs)* testiculaires (testostérone) et de leurs effet délétère. Masses musculaires de type infantile métabolites actifs [5]. A cette définition clinique globale s’ajoute une définition Une épidémiologie incertaine Absence de pilosité pubienne hormonale opérationnelle pratique qui est celle d’une baisse de la testostérone La prévalence de l’hypogonadisme mas- Verge infantile circulante. Un sujet est considéré comme culin n’a pas été établie de façon claire. Scrotum non plissé hypogonadique si la concentration plas- Elle a été estimée à 1 sur 200 hommes matique de testostérone totale (TT) est adultes (0,5 %) et serait plus importante Volume testiculaire réduit en dessous de 2 déviations standard par après 60 ans. Il est intéressant de noter rapport à la moyenne de sujets normaux que des travaux réalisés au Danemark ont Gynécomastie (formes partielles) d’une tranche d’âge donnée. montré que seul 10 à 30 % des hommes at- Le plus souvent le diagnostic est assez teints d’un syndrome de Klinefelter étaient Absence de poussée de croissance pubertaire (poursuite de la croissance facile devant l’existence d’une baisse im- diagnostiqués cliniquement pendant leur linéaire) portante de la testostérone totale. Dans existence [7]. On peut donc supposer que ces cas, les dosages des gonadotrophines d’autres causes d’hypogonadisme, en par- * Sauf retard pubertaire simple LH et FSH permettent de rattacher la ticulier acquisrs, où les signes cliniques défaillance testiculaire à une anomalie sont difficiles à mettre en évidence, soient duction de testostérone testiculaire (très hypothalamo-hypophysaire lorsque ces aussi insuffisamment diagnostiquées. rare) va aboutir lorsqu’elle est complète à hormones hypophysaires sont basses ou un phénotype féminin. Dans les atteintes « normales » donc inadaptées (hypogona- Présentation clinique partielles on observera une ambigüité disme hypogonatrophique ou déficit gona- sexuelle avec hypospadias périnéoscro- dotrope), où à une maladie primitivement Globalement les signes cliniques d’hy- tal ou au minimun un micropénis [3]. Si testiculaire lorsque les taux de FSH et/ou pogonadisme seront fonction de la date l’atteinte gonadique est sévère et apparaît de LH sont élevés [1, 2]. d’apparition et de la profondeur de celui-ci. après la masculinisation des OGE mais L’utilisation des dosages de testostérone En physiologie, la sécrétion testiculaire avant la naissance on peut observer un libre pour définir un hypogonadisme de testostérone est importante pendant la micropénis souvent associé à une cryp- doit être fortement déconseillée car elle vie fœtale, à la naissance et à partir de torchidie chez le nouveau-né [3]. C’est le conduit à une sous-estimation constante la puberté [3]. Compte tenu des effets de cas des déficits prénataux en gonadotro- de la T circulante et donc à des diagnostics la testostérone sur la masculinisation des phines hypophysaires. erronés (faux hypogonadismes). organes génitaux externes, chez les fœ- A ces signes précoces peuvent se surajouter L’existence d’un hypogonadisme chez tus XY une atteinte prénatale de la pro- l’absence de développement pubertaire si 40 MCED n°86 – Janvier 2017 ATELIER JNDES

male le diagnostic d’hypogonadisme est A beaucoup plus difficile. L’involution de la virilisation post-pubertaire ne s’observe en effet qu’après des années d’évolution d’un déficit gonadique complet. Un signe évocateur d’hypogonadisme masculin souvent méconnu par les médecins et les patients est la diminution de la libido, qu’il ne faut pas confondre avec les troubles de l’érection, très fréquents mais beaucoup plus rarement à une carence en testosté- rone, surtout si la libido est conservée.

Les hypogonadismes hypogonadotro- phiques (HH)

L’hypogonadisme hypogonadotrophique ou déficit gonadotrope est défini par une sécrétion insuffisante des gonadotro- phines LH (hormone lutéinisante) et FSH (hormone folliculo-stimulante) retentis- sant sur la fonction testiculaire [2-5]. Le déficit en gonadotrophines peut être isolé ou s’inscrire dans un tableau d’insuffi- sance anté-hypophysaire qu’il faut systé- B matiquement rechercher pour anticiper un risque d’insuffisance surrénale. L’origine du déficit de production des go- nadotrophines peut être primitivement hypophysaire ou secondaire à une ano- malie de la sécrétion hypothalamique de GnRH par lésion organique ou atteinte fonctionnelle d’origine génétique ou non. L’imagerie par IRM de la région hypo- thalamo hypophysaire est l’examen clé Figure 1. (A) Grande taille et aspect eunu- T : 0,22 ng/ml (3,1-9,0) de l’exploration étiologique des HH. Elle choïde d’un patient de 18 ans, atteint d’un permet de les rattacher dans de nombreux hypogonadisme hypogonadotrophique LH : 0,5 UI/L (3,6-8,2) cas à des processus tumoraux, infiltratifs congénital (HHC). Noter l’hypotrophie des organes génitaux externes (OGE), la gynéco- FSH : 0,3 UI/L (3,3-6,9) ou inflammatoires de l’hypothalamo-hy- mastie, l’aspect gynoïde et l’excès de graisse pophyse (Figure 2). Les principales causes Inhibine B : 166 pg/ml (82-332) abdominale. (B) Chez un autre patient âgé de génétiques des déficits gonadotropes 19 ans avec HHC, noter l’existence d’une PRL : 12 40 ng/ml (11-18) congénitaux sont indiquées dans le certaine pilosité pubienne, malgré l’hypotro- phie des OGE, qui résulte de la circulation VT : 15 ml (12-30) Tableau 2. Les causes des HH acquis sont résiduelle de testostérone d’origine surréna- Figure 2. Hypogonadisme hypogonadotro- résumées dans le Tableau 3. lienne. phique acquis à début pré-pubertaire le patient est examiné à l’adolescence car le causé par un adénome à prolactine. L’ex- Le HH congénital isolé (HHC) déficit en LH et FSH est chronique (Figure ploration hormonale de base et le volume tes- Il est le plus souvent suspecté devant une ticulaire (VT) sont indiqués. Les normes chez 1). Une absence de puberté sera aussi le l’adulte sont indiquées entre parenthèses. absence de développement pubertaire signe d’appel si un déficit gonadique post après l’âge de 14 ans (Tableau 1 et Figure natal complet se met en place pendant l’en- Les principaux signes cliniques d’un hy- 1). Le diagnostic peut être suspecté avant fance mais avant l’âge de la puberté (Figure pogonadisme important observés chez l’âge de la puberté devant l’existence 2) comme dans certains adénomes hypo- l’adolescent sont résumés dans le Tableau 1. d’une cryptorchidie uni ou bilatérale ou physaires ou des craniopharyngiomes. Lorsqu’il apparaît après une puberté nor- d’un micropénis [2, 3]. Il sera renforcé par 41 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES ATELIER

Tableau 2. Principales causes génétiques de retard statural contrairement au retard test à l’hCG dont la fiabilité est moyenne. responsables d’hypogonadisme hypogona- pubertaire simple. Lorsque le déficit go- Depuis quelques années on fait appel à dotrophique congénital isolé (HHC) et de syn- nadotrope est découvert à l’âge adulte, un la stimulation des gonadotrophines par drome de Kallmann. retard de maturation osseuse et une os- l’administration sous-cutanée de GnRH Causes Hypothalamiques téopénie peuvent s’observer [1-4]. La non ou d’agonistes de la Gn R H [11]. En fin, plus (déficit en GnRH) fermeture des cartilages de conjugaison récemment certains travaux évoquent l’in- HHC avec olfaction normale des os longs explique l’aspect eunuchoïde térêt du dosage de l’inhibine B plus acces- et la grande taille souvent observée chez soirement de l’hormone anti-Mullerienne GNRH1 ces patients après l’âge de 15 ans (Figure (AMH) [11]. En fait aucun test n’apporte KISS1 et KISS1R 1). de certitude à l’échelon individuel. Les TAC3 et TACR3 chevauchements importants de tous ces Diagnostic différentiel entre déficit gona- paramètres hormonaux entre RPS et HHC FGFR1 dotrope congénital et retard pubertaire s’expliquent par la sécrétion non nulle des PROK2 et PROKR2 simple (ou puberté différée) gonadotrophines dans les HHC partiels [2, Le retard puber taire simple (R PS) est sur- 4]. D’autre part, l’apparition d’une réponse HHC avec perte de l’odorat (Kallmann) tout fréquent chez le garçon [8-11]. Il se de l’axe gonadotrope aux tests de stimula- ANOS1/KAL1 présente comme un déficit gonadotrope tion chez les patients ayant un RPS est le FGFR1 et FGF8 et FGF17 avec absence de développement testicu- plus souvent contemporaine de l’augmen- laire après l’âge de 14 ans. Lors du suivi, tation de la taille des testicules. PROK2 et PROKR2 même en l’absence de tout traitement la En pratique, le RPS est un diagnostic CHD7 puberté apparaît à partir de l’âge de 16 d’élimination qui est fréquent en l’absence ans et se complète avant l’âge de 20 ans. d’éléments cliniques permettant de ratta- SOX10 Le RPS pose un problème diagnostique cher le retard pubertaire à un HHC sévère SEMA3A difficile avec un déficit HHC idiopathique ou syndromique et en l’absence d’anomalie normosmique et non syndromique et ceci de la région hypothalamo-hypophysaire à IL17RD jusqu’à l’âge de 20 ans. Au-delà le RPS l’imagerie par IRM (Figure 2). FEZF1 est considéré comme très rare. Le tableau Le traitement de ces sujets RPS par de Causes Hypophysaires clinique de RPS est celui d’un retard sta- faibles doses de testostérone permet un turo-pubertaire sans aucun élément cli- développement des organes génitaux GNRHR nique d’orientation évocateur d’un hypo- externes ce qui limite le retentissement LHß gonadisme hypogonadotrope congénital psychologique de l’impubérisme et per- (micropénis, cryptorchidie) ou d’un syn- met la surveillance en consultation. FSHß drome de Kallmann ou une autre étiologie L’augmentation spontanée du volume tes- les dosages hormonaux et par les analyses syndromique (anosmie, mouvements en ticulaire confirme l’absence de pathologie génétiques qui serviront pour l’enquête fa- miroir etc…). Les antécédents familiaux et le caractère simplement différé de la miliale et le conseil génétique [4]. Lorsque de retard pubertaire sont fréquents, mais puberté. Avant de retenir définitivement le le diagnostic est tardif après l’âge de la ne constituent pas un argument formel car diagnostic de RPS il est cependant prudent puberté, une pilosité pubienne peut appa- certains HHC sont aussi familiaux. Ces de s’assurer d’un développement puber- raître (Figure 1), secondaire à la conver- patients avec RPS consultent plus préco- taire complètement normal aussi bien cli- sion tissulaire des androgènes surrénaux cement que les HHC car le retard statural nique qu’au niveau hormonal. Au moindre en testostérone et en dihydrotestostérone est souvent au premier plan [8-11] ce qui doute le suivi doit être poursuivi dans le [5]. Ce signe clinique peut faire croire, à n’est pas le cas des HHC. Ce fait explique cadre d’une transition enfance-adulte de tort, à un développement pubertaire en que les RPS soient surtout recrutés dans façon à ne pas méconnaître un HHC par- cours si on omet de palper les testicules. les services d’endocrinologie pédiatrique. tiel. Les déficits gonadotropes partiels se ca- Au plan hormonal, le RPS se présente ractérisent par un certain degré de virili- comme le déficit gonadotrope congénital Les HHC dits réversibles sation et un volume testiculaire souvent avec une baisse concomitante de la testos- Les formes dites réversibles d’HHC ont compris entre 6 et 10 ml, parfois même térone et des gonadotrophines. De ce fait été identifiées il y a près de trente ans proche de la normale [2-4]. de nombreuses explorations hormonales sous forme de case reports essentielle- Chez les patients avec HHC, la croissance ont été proposées pour tenter de les distin- ment chez les patients de sexe masculin staturale pendant l’enfance est normale et, guer des HHC, avant l’âge de 18 ans. Les et avec syndrome de Kallmann. Elles ont malgré l’absence de pic de croissance pu- plus anciennes sont la mesure des gona- été identifiées en tant que formes cliniques bertaire, il n’y a pas chez ces adolescents dotrophines dans les urines des 24h ou le et bien caractérisées cliniquement et au 42 MCED n°86 – Janvier 2017 ATELIER JNDES

Tableau 3. Etiologie des hypogonadismes hypogonadotrophiques acquis (HHA). d’une fatigue physique et d’une baisse des performances. La diminution du vo- Tumeurs de la région hypothalamo-hypophysaire lume testiculaire qui traduit l’atteinte de la spermatogenèse ne s’observe que dans les Adénomes hypophysaires HHA complets et prolongés. Une inferti- Craniopharyngiome lité n’est que rarement la manifestation au Dysgerminomes, gliomes premier plan de l’hypogonadisme hypogo- nadotrope acquis. Par contre la diminution Métastase hypophysaire de la libido et l’indifférence sexuelle beau- Autres... coup plus qu’une « impuissance » érectile avec libido conservée, doivent faire évo- Processus infiltratifs hypothalamo-hypophysaires quer le déficit profond en testostérone. La Hémochromatose suspicion diagnostique d’hypogonadisme Sarcoïdose hypogonadotrophique chez l’adulte sans passé pathologique impose la recherche Hypophysite ou infundibulite d’un processus tumoral ou infiltratif hy- Histiocytose/tuberculose pothalamo-hypophysaire, la recherche de stigmates cliniques et biologiques d’hé- Iatrogèniques et traumatiques mochromatose ou de traumatisme crânien Chirurgie de la région hypothalamo-hypophysaire (Tableau 3) [13].

Radiothérapie hypophysaire ou encéphalique ou du cavum Exploration des hypogonadismes hypogo- Traumatisme crânien (prévalence peut-être sous-estimée) nadotrophiques Fonctionnelles La mesure de la testostérone sérique Hyperprolactinémie totale est la clé de voûte du diagnostic Carence nutritionelle (anorexie mentale, maladies chroniques, activité physique positif excessive avec malnutrition relative) Le diagnostic d’HH repose sur la mise en Hypercortisolisme, quelle qu’en soit l’étiologie évidence d’une concentration plasmatique de testostérone totale basse (Fig ure 3A) as- Tumeurs testiculaires ou surrénaliennes sécrétant des estrogènes (gynécomastie sociée à une baisse ou en tout cas une non associée) élévation des gonadotrophines LH et FSH Médicamenteuses (androgènes, anabolisants (dopage), oestro-progestatifs agonistes (Figure 3B) [2, 4]. Ce diagnostic est assez de la GnRH (pour traitement de cancer de la prostate), corticoïdes) aisé en présence d’un déficit gonadotrope plan endocrinien dans une série de pa- tion normale et sans mutation identifiable, complet où la testostérone totale est très tients étudiés avant les années 2000. Leur elles posent un problème diagnostique souvent inférieure à 1 ng/ml. Le diagnostic existence a été confirmée et il a été de plus difficile avec le retard pubertaire simple. est plus dif ficile dans les for mes par tielles démontré que la réversibilité du HHC était où la testostérone sérique peut être com- possible chez des patients avec HHC et Les hypogonadismes hypogonadotro- prise entre 2 et 2,5 ng/ml voire atteindre Kallmann atteints de mutations causales phiques acquis (HHA) des valeurs à la limite inférieure de celles très diverses mais rarement chez ceux observées chez les individus normaux. porteurs de mutations bi-alléliques sur Ils sont parfois difficiles à reconnaître cli- La difficulté est majorée par le caractère KISS1R ou hémizygotes KAL1/ANOS1 niquement [13]. En effet, une fois bien dé- pulsatile de la sécrétion de testostérone [12]. Leur relation avec l’apparition très veloppés, les caractères sexuels ne rétro- chez les sujets normaux qui peuvent par- retardée de l’activation de la sécrétion pul- cèdent le plus souvent que partiellement. fois présenter des nadirs compris entre 3 satile des gonadotrophines [12] a aussi été La fréquence des rasages ne diminue que et 2 ng/ml [14]. C’est dire l’intérêt dans bien montrée. Au niveau clinique, cette lentement du fait de l’auto-entretien. S’il ces formes d’effectuer plusieurs prélève- forme clinique doit être suspectée devant apparaît une dépilation complète, c’est ments de testostérone et de confronter les une augmentation du volume testiculaire qu’il existe un pan-hypopituitarisme pro- chiffres à la présentation clinique. en l’absence de traitement hormonal ou fond (Figure 2) avec absence complète Les kits commerciaux d’immunodosages sous traitement par testostérone. Lorsque de sécrétion d’androgènes gonadiques habituellement utilisés pour doser la testos- ces formes « réversibles » surviennent vers et de la corticosurrénale. La diminution térone totale permettent une mesure directe l’âge de 20 ans chez des sujets avec olfac- des masses musculaires est responsable de ce stéroïde dans le plasma ou sérum sans 43 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES ATELIER

A d’ammonium, pour Gonadotrophines plasmatiques 9 la mesure de la tes- Les dosages simultanés de TT et de LH et tostérone non liée à la de FSH permettent de différencier un hy- 8 SHBG (testostérone pogonadisme d’origine primitivement tes- 7 dite « biodisponible » ticulaire d’une atteinte hypothalamo-hy- 6 qui est la somme de pophysaire, dite « centrale » [2, 4]. Le la T libre et celle liée diagnostic de déficit gonadotrope est plus 5 à l’albumine). En fait, facile depuis l’utilisation des immuno-do-

(ng/mL) 4 la mesure de la testos- sages des gonadotrophines sensibles et térone biodisponible spécifiques. Il s’agit moins maintenant des 3 n’est que rarement techniques de type radioimmunologique Testostérone totale Testostérone 2 indispensable au dia- (RIA) mais plus souvent celles utilisant gnostic d’hypogona- des méthodes « sandwich » comme les do- 1 disme en dehors des sages immunofluorométriques (IFMA) ou 0 cas où il existe une immunoenzymatiques (EIA) très utilisées Jeune homme normal HHC baisse modérée de la actuellement du fait de leur automatisa- testostérone par di- tion. La sensibilité de ces dosages permet minution de la SHBG de différencier dans la grande majorité des FSH LH B 100 comme par exemple cas les sujets normaux des sujets ayant dans les obésités mor- des concentrations plasmatiques basses bides, le syndrome ou indétectables (Figure 3B). 10 métabolique, les hy- En pratique, cependant, les dosages des pothyroïdies, les hy- gonadotrophines ne sont jamais inter- perinsulinismes ou prétables sans un dosage simultané de 1 l’acromégalie [1]. La testostérone totale circulante. Certes des

(IU/L) mesure de la testosté- gonadotrophines très basses ou indétec- rone « biodisponible » tables ne s’observent qu’en présence d’un pourrait être utile en déficit gonadotrope complet, et sont asso- Gonadotrophines 0,1 deuxième ligne si on ciées à une concentration de testostérone suspecte un hypogo- totale basse, en l’absence de traitement. 0,01 nadisme chez un pa- Mais les patients atteints de déficit gona- tient alcoolique et/ou dotrope partiel peuvent avoir des concen-

HHC HHC cirrhotique où l’éléva- trations plasmatiques de gonadotrophines

Klinefelter Klinefelter tion de la SHBG peut dans la « zone normale », c’est-à-dire dans « masquer » la baisse l’intervalle des valeurs de référence des Homme normal Homme normal de la testostérone (JY hommes adultes eugonadiques mais elles données non publiées). sont pathologiques car associées à une tes- Figure 3. (A) Concentrations de testostérone très basses chez des patients avec hypogonadisme hypogonadotrophique congénital L’utilisation de ce do- tostérone abaissée (Figure 3A). (HHC). (B) Concentrations de gonadotrophines hypophysaires FSH sage implique de faire et LH chez des sujets normaux, chez des HHC et chez des patients appel à des labora- Inhibine B plasmatique avec Klinefelter de moins de 22 ans. Noter l’échelle logarithmique toires d’hormonologie Ce dosage est essentiellement réservé à la des ordonnées (adapté de [2]). spécialisés, habitués à recherche clinique. Depuis une vingtaine extraction par des solvants organiques. Ils cette technique et sur- d’années, un immuno-dosage spécifique mettent facilement en évidence un déficit tout ayant fait le travail d’établir des valeurs de l’inhibine B utilisant des anticorps mo- sévère en T. Les dosages radio-immuno- de référence normales ce qui est loin d’être noclonaux est disponible. Il permet d’ob- logiques, comme les techniques faisant la règle. A défaut, dans ces situations pa- jectiver une baisse de ce peptide témoin de appel à la spectrométrie de masse [5, 15], thologiques accompagnées d’une baisse de l’atteinte fonctionnelle Sertolienne dans bien que plus lents (non automatisés), sont la SHBG, on peut calculer l’index de tes- les déficits gonadotropes [2, 4]. La mesure très fiables et robustes et ils mesurent aussi tostérone libre (ITL) : Testostérone (nmol) x de cette hormone peptidique n’est pas in- la testostérone totale et donc aussi la frac- 100 / SHBG (nmol) qui est le rapport entre dispensable au diagnostic mais donne une tion liée à la protéine porteuse des stéroïdes la testostérone totale et la protéine porteuse indication sur la sévérité du déficit en go- sexuels SHBG [16]. de ce stéroïde SHBG qui est assez fiable et nadotrophines qui peut aussi être apprécié Celle-ci peut être éliminée par le sulfate souvent utilisé au niveau international [16]. par le degré d’atrophie testiculaire. 44 MCED n°86 – Janvier 2017 ATELIER JNDES

Le test à la GnRH incomplet dans les deux sexes. C’est le Appelé jadis test au LHRH, il explore la cas des hémochromatoses secondaires à sécrétion hypophysaire des gonadotro- des transfusions multiples qui entraînent phines après injection intraveineuse de une surcharge très précoce (prépubère) 100 µg de Gn R H ( gonadotropin releasing par exemple lors du traitement des tha- hormone) exogène. Mais ce test ne permet lassémies. Dans ces étiologies, la prédo- ni d’améliorer le diagnostic positif d’hy- minance masculine de l’HH est moins pogonadisme central ni aucunement de claire que dans les formes plus tardives, définir le siège hypothalamique ou hypo- peut-être en raison de l’absence de règles physaire du déficit en gonadotrophines. Il chez la petite fille. peut en effet être négatif dans les atteintes Un déficit gonadotrope acquis peut aussi hypothalamiques profondes ou « positif » s’installer plus ou moins rapidement au dans les atteintes hypophysaires partielles cours ou après l’achèvement de la puberté et vice-versa [17]. vers la fin de la deuxième ou au cours de la Dans les déficits gonadotropes congéni- troisième décennie. Ces HH, sans prédo- taux, la réponse au test est très variable et minance masculine, sont le plus souvent dépend du volume testiculaire [17]. Ainsi, associés à des hémochromatoses juvéniles. dans un HHC complet avec un volume tes- Ces malades sont souvent porteurs de mu- ticulaire inférieur à 3 ml, la réponse est T : 0,8 ng/mL tations des gènes HJV et HAMP codant souvent très faible ou absente alors que respectivement pour l’hémojuvéline et LH : 0,6 UI/L chez des patients ayant un déficit partiel l’hepcicidine, mais des cas de transmission (volume testiculaire > 4 ml et à fortiori > FSH : 2,9 UI/L digénique par mutations associées de HFE à 6 ml) la réponse peut être positive, voire PRL : 12 ng/mL et du récepteur de type 2 de la transferrine exagérée pour la LH [17]. chez les mêmes malades ont été décrits. Les En résumé, le test à la GnRH qui est le SDHEA : 1,6µg/mL HH secondaires à une hémochromatose ju- reflet de la profondeur d’un déficit gona- Figure 4. Aspect clinique et évaluation vénile sont souvent sévères avec un volume dotrope ne permet pas de faire le diagnos- hormonale chez un homme de 25 ans testiculaire très réduit, un effondrement des ayant des troubles du comportement ali- tic positif de celui-ci [17]. Il sera progres- mentaire (restriction calorique < 900 ca- gonadotrophines et de la TT et une azoos- sivement abandonné dans cette indication. lories /J) associés à une activité physique permie chez l’homme et une aménorrhée excessive (marathon > 4 km/J). L’explora- avec baisse majeure et concomitante de tion hormonale de base montre un HH avec Exploration globale des fonctions l’estradiol et des gonadotrophines chez la un effondrement concomitant de la testosté- hypophysaires rone et de la LH mais une FSH dans la limite femme [18]. Les hommes décrivent parfois Même si un déficit gonadotrope paraît iso- inférieure de la normale. une puberté chronologiquement normale, lé, l’évaluation hormonale de l’ensemble avec des rapports sexuels initialement nor- des fonctions ante-hypophysaires et de la gies différentes ou des cas cliniques isolés. maux et même parfois des paternités. Par la posthypophyse (recherche d’un diabète De ce fait il est difficile d’avoir une vision suite s’installe progressivement une perte insipide) est obligatoire pour ne pas mé- claire de l’épidémiologie et de l’histoire de la libido en rapport avec la baisse de la connaître un panhypopituitarisme et une naturelle de l’HHA en fonction de chaque testostérone. Des hémochromatoses juvé- hyperprolactinémie (Figure 2) [2, 4]. La cause d’hémochromatose. Comme les niles avec un HH plus précoce, empêchant normalité de cette exploration permet de autres complications, seule sa prédomi- le développement pubertaire, ont aussi été parler d’hypogonadisme hypogonadotro- nance masculine semble bien établie dans décrites. phique isolé. la forme de l’adulte. Indépendamment de la cause de la sur- La présentation de l’HHA de l’hémochro- charge en fer à l’origine de l’HH, ce der- Dépister une hémochromatose devant un matose va dépendre de sa date d’appari- nier, par le déficit en stéroïdes sexuels qu’il hypogonadisme tion, pré-, per- ou post-pubertaire, de sa entraîne, va être responsable d’une ostéo- L’hypogonadisme hypogonadotrophique durée et de la profondeur du déficit en porose plus ou moins sévère en fonction du acquis (HHA) post-natal est, par sa fré- gonadotrophines, lui même fonction de retard au diagnostique et donc de la durée quence, la deuxième complication endo- la sévérité de la surcharge en fer des cel- de l’hypogonadisme [18]. crine de l’hémochromatose à côté du dia- lules gonadotropes. Lorsque les lésions bète [18]. La littérature concernant cette par surcharge en fer des cellules gona- Dépister une carence nutritionnelle de- association est assez souvent ancienne et/ dotropes hypophysaires s’installent avant vant un hypogonadisme ou basée le plus souvent sur des petites l’âge de la puberté, la conséquence sera Un HH peut être associé à une anorexie séries incluant des sujets avec des étiolo- un développement pubertaire absent ou mentale ou une restriction calorique im- 45 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES ATELIER

Tableau 4. Etiologies des insuffisances testiculaires primitives. portante assez souvent accompagné d’une activité physique excessive (Figure 4). Chromosomiques Chez ces patients il existe très souvent Syndrome de Klinefelter (caryotype 47, XXY dans plus de 90% des cas) +++ une masse grasse effondrée associée à un déficit sévère en leptine circulante. Ce dé- Anomalies des gonosomes plus rares (XYY, XXYY, etc...) ficit en leptine induit une mise au repos de Hommes XX (avec translocation d'une portion du chromosome Y contenant la l’axe gonadotrope et donc une baisse des séquence de détermination testiculaire SRY) gonadotrophines FSH et surtout de LH qui induit le déficit en testostérone (Figure 4). Anomalies des autosomes (délétions, translocations)

Anorchidie Hypogonadismes hypergonadotrophiques ou insuffisances testiculaires primitives Lésionnelles (ITP) Torsion testiculaire bilatérale Elles résultent d’étiologies diverses à la Cryptorchidie bilatérale fois chromosomiques, génétiques, lé- sionnelles et iatrogènes (Tableau 4). Les Toxiques et traumatiques (les plus fréquentes) atteintes testiculaires primitives touchent Chimiothérapie anticancéreuse +++ (chez l’enfant ou l’adulte) le plus souvent et/ou plus profondément la fonction exocrine (spermatogenèse) et Radiations ionisantes +++ (chez l’enfant ou l’adulte) la fonction endocrine sertolienne avec Alcoolisme chronique +++ une préservation au moins partielle de la sécrétion leydigienne de testostérone [19, Insecticides, dibromochloropropane 20]. En réaction à cette défaillance testi- culaire (levée des rétrocontrôles négatifs Traumatisme testiculaire bilatéral par les stéroïdes sexuels et les peptides Castration chirurgicale bilatérale sertoliens), se produit une augmentation des gonadotrophines prédominant habi- Génétiques tuellement sur la FSH. Maladie de Steinert (Dystrophie myotonique) : autosomique dominante avec cataracte, calvitie, faiblesse musculaire, hypogonadisme. Présentation clinique Syndrome de Noonan (« Turner mâle ») : autosomique dominant avec cou palmé, Les ITP sont moins souvent responsables ptosis, hypogonadisme (cryptorchidie), sténose de l'artère pulmonaire, petite d’une absence totale de développement taille. Mutations PTPN11, KRAS, SOS1, RAF1. pubertaire que les déficits gonadotropes Orchites congénitaux en majorité complets. Lorsqu’un hypogonadisme est présent Ourlienne il est le plus souvent partiel (Figure 5). Autres : gonococcie, sarcoïdose, tuberculose, polyendocrinopathies autoim- De ce fait, les insuffisances testiculaires munes. primitives étaient fréquemment diagnos- Insuffisance testiculaire liée à la sénescence (avec déficit de l'axe hypothala- tiquées devant la découverte de petites mo-hypophysaire, appelé aussi déficit androgénique partiel des hommes âgés, gonades lors d’un examen systématique PADAM ou DALA). du testicule au cours du service militaire. Causes génétiques très rares Actuellement elles sont découvertes parfois à l’adolescence devant un retard Mutations de la protéine StAR pubertaire partiel ou un développement mammaire exagéré (gynécomastie péri- 17α-Hydroxylase et ou C17-20 lyase pubertaire) (Figure 5) mais surtout plus POR tardivement à l’occasion d’une consulta- tion pour gynécomastie ou infertilité. 3β-hydroxystéroïde déshydrogénase

17β-hydroxystéroïde-déshydrogénase Exploration hormonale Au plan hormonal la FSH plasmatique est Mutations des récepteurs de LH et de FSH pratiquement toujours augmentée (Figure 46 MCED n°86 – Janvier 2017 ATELIER JNDES

A C 10,0 n = 335

7,5

5,0 normale

B (ng/mL) 2,5 Testostérone totale Testostérone

0

Figure 5. Syndrome de Klinefelter typique diagnostiqué à l’âge Figure 6. Testostérone totale (TT) circulante chez des jeunes pa- adulte. (A) Noter l’aspect gynoïde, l’hypotrophie des organes génitaux tients (17-19 ans) atteints du syndrome de Klinefelter dépisté par externes, la gynécomastie et l’envergure des membres supérieurs. (B) la palpation testiculaire systématique et confirmé par un caryo- Les testicules sont très atrophiques (1 mL). (C) Gynécomastie plus type. Noter que la grande majorité de ces hommes avaient une TT importante chez un autre patient atteint de Klinefelter. normale, chez une minorité une TT < à 3 ng/mL. Ces patients avaient dans leur majorité une histoire de développement pubertaire normal. 3B). L’inhibine B est souvent basse voire le diagnostic sera Chez la grande majorité il n’y avait pas de signe clinique évident d’hy- indétectable, en rapport avec l’atteinte confirmé par la pogonadisme mais chez plus de 95 % le volume testiculaire était très réduit (< 4 mL) (voir aussi Figure 5). Sertolienne et des cellules germinales. réalisation d’une Dans ce contexte avec FSH élevée, l’IB IRM hypophysaire. Une gynécomastie bilatérale (Figure 5B) n’apporte pas d’élément diagnostic sup- est fréquente en raison du taux relative- plémentaire. Etiologies ment bas de testostérone, associé parfois Dans les ITP, la concentration de TT plas- Elles sont détaillées dans le Tableau 4. à une sécrétion testiculaire excessive matique est assez souvent normale mais Nous ne développerons que les plus fré- d’estradiol, conséquence de l’élévation peut aussi être modérément abaissée (entre quentes. chronique de la LH. 2 et 3 ng/ml) (Figure 6). Chez les rares La grande taille, lorsqu’elle existe, s’ac- patients présentant des signes cliniques Anomalies chromosomiques, génétiques compagne de macroskélie possiblement d’hypoandrisme sévère, des chiffres plus et congénitales attribué au surdosage du gène SHOX. bas de testostérone totale peuvent être ob- L’existence d’un déficit intellectuel est ser vés (< 1 ng/ml). L’élévation de la LH est • Le syndrome de Klinefelter encore discutée, souvent absent, parfois très fréquente, elle est proportionnelle à Il domine par sa fréquence puisqu’il atteint mineur et plus rarement profond avec la sévérité de l’atteinte Leydigienne mais près de 1 pour 600 des nouveau-nés mas- troubles du comportement. Dans ce der- reste le plus souvent inférieure à celle de culins [7, 19, 20]. Il résulte d’une anomalie nier cas le nombre de chromosomes sur- la FSH. du nombre des chromosomes sexuels avec, numéraires semble souvent supérieur à le plus souvent (près de 90 % des cas), une 1 (formules chromosomiques XXXY ou Diagnostic différentiel formule XXY. XXXXY). Pour certains, il s’agirait plus Chez l’adulte, un diagnostic différentiel Cliniquement, il se traduit le plus souvent de troubles des acquisitions que d’un vrai difficile mais très rare de l’ITP est le par une atrophie gonadique majeure avec déficit intellectuel [7, 19, 20]. macroadénome gonadotrope sécrétant de un volume inférieur à 3 ml qui contraste L’atteinte exocrine testiculaire avec la FSH. Dans les deux cas, le tableau peut parfois avec une virilisation correcte azoospermie est quasi constante dans associer des signes d’hypoandrisme, une (Figure 5) [7, 19, 20]. Les signes d’hy- les formes non mosaïques. Depuis la fin diminution du volume testiculaire avec poandrisme sont inconstants. Rarement du service militaire, l’infertilité est sou- une FSH plasmatique augmentée. Parfois il s’agit d’un impubérisme, et parfois d’un vent le principal motif de consultation. l’attention est attirée par l’existence d’un développement plus ou moins complet des La destruction progressive de la lignée syndrome chiasmatique ou caverneux qui caractères sexuels secondaires. Même si germinale se produit pendant la puberté oriente vers une atteinte hypophysaire. le déficit en testostérone précoce concerne [7, 19, 20] et serait étroitement liée à la Une baisse concomitante de la LH et de T une minorité de patients, vue la fréquence présence d’un X surnuméraire. plasmatiques, associée à une augmenta- du Klinefelter, ce diagnostic doit être évo- D’autres anomalies sont parfois associées, tion de la FSH, doit faire évoquer le dia- qué devant tout retard pubertaire avec FSH comme une intolérance au glucose, des gnostic par principe. Au moindre doute, élévée. bronchopneumopathies chroniques, une 47 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES ATELIER

pathologie auto-immune. La possibilité • Les orchites dysfonctionnement du couple hypotha- d’un cancer du sein, conséquence de la En période pré-pubertaire, l’infection par lamo-hypophyse. Dans ce dernier cas il gynécomastie, justifie une surveillance le virus des oreillons s’accompagne ra- faudra, comme chez le sujet plus jeune, clinique voire mammographique ré- rement d’orchite. En revanche, 25 % des écarter une lésion de cette région par la gulière. Le diagnostic de syndrome de hommes infectés en période pubertaire ou réalisation d’une IRM et pratiquer une me- Klinefelter est fait simplement grâce à la à l’âge adulte développeront une orchite sure de la prolactinémie compte tenu de la réalisation d’un caryotype. le plus souvent cliniquement évidente et fréquence des adénomes hypophysaires à unilatérale. Cependant, une biopsie tes- prolactine. L’erreur serait ici de considérer Les causes génétiques très rares d’ITP sont ticulaire réalisée au moment de l’atteinte l’HH comme étant simplement lié à l’âge rappelées dans le bas du Tableau 4 et ne gonadique met en évidence des lésions bi- et de négliger l’enquête étiologique. seront pas détaillées ici. latérales, expliquant la grande fréquence La situation est moins commode lorsque de l’infertilité chez ces patients (plus de la TT est comprise entre 2 et 3 ng/ml. Ici 4 Les insuffisances testiculaires acquises 60 %). L’atteinte isolée des tubules sémi- éventualités sont à envisager. Tout d’abord A côté du syndrome de Klinefelter elles nifères explique l’atrophie testiculaire. Un il peut s’agir d’une baisse partielle liée à sont à l’origine de la majorité des insuffi- certain degré d’insuffisance Leydigienne l’âge qui serait relativisée par l’existence sances testiculaires. est parfois observé. Depuis la pratique gé- de normes de testostérone adaptées à l’âge néralisée de la vaccination dans l’enfance, du sujet. En deuxième lieu il est souhai- • Les atteintes toxiques par les traitements l’incidence de l’orchite ourlienne a heureu- table de vérifier s’il existe une maladie anticancéreux sement diminué. chronique, une obésité, un syndrome mé- Les agents alkylants ainsi que l’irradiation tabolique ou des prises médicamenteuses testiculaire lèsent l’épithélium germinal. L’insuffisance testiculaire liée à l’âge ou pouvant retentir sur le fonctionnement go- Cette atteinte peut être transitoire. Pour « déficit androgénique du sujet âgé » nadique. La troisième possibilité est celle la radiothérapie, elle semble irréversible d’un chiffre bas par le simple fait que le au delà de 60 Grays, avec à la biopsie Il est aussi appelé « déficit androgénique prélèvement a été effectué au moment d’un testiculaire disparition des spermatogo- partiel lié à l’âge » PADAM. Il s’agit en fait nadir de la sécrétion de testostérone qui est nies. Ceci justifie la cryoconservation du d’un diagnostic d’élimination qui implique rappelons-le pulsatile. Dans ce cas un deu- sperme avant tout traitement agressif d’un d’avoir écarté les causes classiques d’hy- xième prélèvement, à réaliser dans tous les cancer. Une difficulté à cette conservation pogonadisme discutées plus haut. En pra- cas, montrant un chiffre normal, permet est que la qualité du sperme n’est pas sou- tique, le diagnostic de « PADAM » ne doit d’écarter un hypogonadisme. Finalement, vent normale chez les patients présentant être envisagé chez un sujet âgé (en pratique un chiffre de testostérone totale compris un testicule tumoral. après 55-60 ans) que si la testostérone to- dans cet intervalle peut témoigner d’un Au-delà de 80 Grays, une atteinte leydi- tale est au moins inférieure à 3 ng/ml et s’il hypogonadisme débutant ce qui nous ra- gienne surajoutée avec baisse de la tes- existe des signes spécifiques de carence mène à la situation précédente. tostérone est possible. Devant les progrès en androgènes [6]. C’est dans cette caté- Trancher entre ces quatre possibilités est réalisés dans le traitement des hémopa- gorie de sujets qu’il faut particulièrement un véritable défi quotidien pour l’endo- thies malignes de l’enfant, le nombre de déconseiller les dosages de « testostérone crinologue. survivants consultant à l’âge adulte pour libre » compte tenu de la sous-estimation A ce stade, nous devons répéter que insuffisance testiculaire augmente de jour constante de la testostérone circulante par compte tenu de la sous estimation très en jour [21]. cette technique [15, 16]. fréquente de la testostérone circulante En pratique, lorsque la testostérone totale par les kits du commerce de mesure de la • L’alcoolisme chronique chez un homme âgé, a priori en bonne « testostérone libre » ce type de dosage, C’est probablement une des causes santé, est inférieure à 2 ng/ml, le diagnos- qui risque de déclencher une épidémie de les plus fréquentes d’hypogonadisme tic d’hypogonadisme réel est probable. La faux hypogonadismes, ne peut être que hypergonadotrophique en France. démarche diagnostique est la même que déconseillé [16, 23]. L’insuffisance testiculaire aggrave ici chez un sujet jeune. Il faut donc localiser les troubles de la libido et de l’érection le niveau, hypothalamo-hypophysaire Conclusion liés directement à l’alcoolisme [22]. Le ou testiculaire, en dosant les gonadotro- diagnostic peut être difficile si on se base phines plasmatiques FSH et LH. Comme Les hypogonadismes masculins sont à sur le simple dosage de la testostérone chez l’homme jeune, une élévation, en la fois une maladie et un symptôme dont totale du fait de l’élévation de la SHBG particulier de FSH, témoigne d’une at- il faut toujours chercher la cause. Leurs liée à l’hépatopathie comme cela a été teinte testiculaire primitive, alors qu’une manifestations cliniques vont dépendre de évoqué plus haut. baisse ou des taux « normaux » des go- la date d’apparition et de la sévérité des nadotrophines sont en rapport avec un déficits testiculaires. Faire le diagnostic 48 MCED n°86 – Janvier 2017 ATELIER JNDES

precursors, and metabolite deficiencies in men with function. Endocrinol Metab Clinics North Am 1994 ; d’un hypogonadisme réel et sévère est isolated hypogonadotropic hypogonadism and pan- 23 :709-723. souvent aisé par une simple mesure de hypopituitarism : a GCMS-based comparative study. 15. Muram D, Zhang X, Cui Z, Matsumoto AM. J Clin Endocrinol Metab 2015 ; 100 :E292-6. testostérone totale. La mesure des gona- Use of Hormone Testing for the Diagnosis and 6. Wu FC, Tajar A, Beynon JM, et al. Identification of Evaluation of Male Hypogonadism and Monitoring dotrophines permet dans la grande ma- late-onset hypogonadism in middle-aged and elderly of Testosterone Therapy : Application of Hormone jorité des cas de trancher entre une cause men. N Engl J Med. 2010 ; 363 :123-35. Testing Guideline Recommendations in Clinical 7. Bojesen A, Juul S, Gravholt CH. Prenatal and Practice. J Sex Med 2015 ; 12 :1886-94. primitivement testiculaire et une origine postnatal prevalence of Klinefelter syndrome : a na- 16. Vermeulen A, Verdonck L, Kaufman JM. A criti- hypothalamo-hypophysaire. tional registry study. J Clin Endocrinol Metab 2003 ; cal evaluation of simple methods for the estimation of 88 :622-26. free testosterone in serum. J Clin Endocrinol Metab 8. Palmert MR, Dunkel L. Clinical practice. Delayed 1999 ; 84 :3666-72. V. Kerlan, J. Young puberty. N Engl J Med 2012 ; 366 :443-53. 17. Mosbah H, et al. Ann Endocrinol (Paris). 2016 ; [email protected] 9. Lawaetz JG, Hagen CP, Mieritz MG, et al. Congrès SFE, CO 040. Evaluation of 451 Danish boys with delayed puber- 18. You ng J. [Endocr i ne consequences of hemoch ro - ty : diagnostic use of a new puberty nomogram and matosis]. Presse Med 2007 ; 36 :1319-25. éférences R effects of oral testosterone therapy. J Clin Endocrinol 19. Young J. Syndrome de Klinefelter. In Traité d’En- Metab 2015 ; 100 :1376-85. 1. Bhasin S, Cunningham GR, Hayes FJ, et al. docrinologie. Chanson P, Young J, Paris Flammarion, Testosterone therapy in men with androgen defi- 10. Abitbol L, et al. Evaluation of delayed puberty : 2007. ciency syndromes : an Endocrine Society clinical what diagnostic tests should be performed in the see- 20. Kerlan V, Bouvattier C. Le syndrome de practice guideline. J Clin Endocrinol Metab 2010 ; mingly otherwise well adolescent? Arch Dis Child Klinefelter à l’âge pédiatrique et à l’âge adulte. 95 :2536-59. 2016 ; 101 :767-71. Médecine Clinique Endocrinologie & Diabète 2. Young J. Approach to the male patient with 11. Harrington J, Palmert MR. Clinical review : (MCED) 2015 ; 68 :48-53. congenital hypogonadotropic hypogonadism. J Clin Distinguishing constitutional delay of growth and 21. Levine J. Fertility preservation in children and Endocrinol Metab 2012 ; 97 :707-18. puberty from isolated hypogonadotropic hypogona- adolescents with cancer. Minerva Pediatr 2011 ; dism : critical appraisal of available diagnostic tests. J 63 :49-59. 3. Bouvat t ier C, Maione L, Bouligand J, et al. Neonat al Clin Endocrinol Metab 2012 ; 97 :3056-67. gonadotropin therapy in male congenital hypogona- 22. Adler RA. Clinical review 33 : Clinically impor- dotropic hypogonadism. Nat Rev Endocrinol 2011 ; 12. Dwyer AA, Raivio T, Pitteloud N. Management tant effects of alcohol on endocrine function. J Clin 8 :172 - 82 . of endocrine disease : Reversible hypogonadotropic Endocrinol Metab 1992 ; 74 :957-60. hypogonadism. Eur J Endocrinol 2016 ; 174 :R267-74. 4. Boehm U, Bouloux PM, Dattani MT, et al. 23. Handelsman DJ, Liu PY. Andropause : invention, Expert consensus document : European Consensus 13. Salenave S, Trabado S, Maione L, et al. Male prevention, rejuvenation. Trends Endocrinol Metab Statement on congenital hypogonadotropic hypogo- acquired hypogonadotropic hypogonadism : dia- 2005 ; 16 :39-45. nadism--pathogenesis, diagnosis and treatment. Nat gnosis and treatment. Ann Endocrinol (Paris) 2012 ; Rev Endocrinol 2015 ; 11 :547-64. 73 :141- 6. 5. Giton F, Trabado S, Maione L, et al. Sex steroids, 14. Winters SJ. Endocrine evaluation of testicular

49 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES MISE AU POINT

MISE AU POINT : ANOMALIE DU CALCIUM

Hyperparathyroïdie primaire : diagnostic et pièges

Brigitte Delemer

Service d’Endocrinologie, Diabète-Nutrition, CHU de Reims. Mots clés : hyperparathyroïdie primaire, PTH, hypercalcémie hypocalciurique, néoplasie endocrinienne multiple

’hyperparathyroïdie primaire est est la femme après 50 ans mais on peut en de mesurer les patients pour valider ou non Lune pathologie fréquente concernant rencontrer à tout âge, même chez les en- une perte de taille par rapport à leur taille jusqu’à 1 % de la population adulte et 3% fants, en dehors de syndromes génétiques. antérieure, puis de demander systémati- des femmes après la ménopause. Les ma- Les signes en rapport avec un excès de quement une radio simple de rachis à la re- nifestations cliniques sont variables et leur calcium concernent le rein, le système cherche de tassements vertébraux souvent gravité est parallèle au niveau d’hypercal- digestif, le système nerveux, l’os (dans ce non connus [3]. Puis, on recherchera une cémie. Les hyperparathyroïdies asymp- cas, dus à l’excès de PTH), les muscles, … déminéralisation par une ostéodensitomé- tomatiques, découvertes fortuitement, Ils sont représentés sur la figure 1 du plus trie nécessaire à signer l’atteinte osseuse sont largement les plus fréquentes. Elles banal très aspécifique comme la fatigue, en l’absence de fractures. imposent un bilan diagnostique précis car la constipation, les douleurs articulaires… elles sont parfois à l’origine de symptômes au plus grave s’inscrivant dans l’urgence. Diagnostic de l’hyperparathyroïdie pri- et complications peu évidents d’emblée. L’hypercalcémie aiguë demande une prise maire Leur prise en charge pose la question de en charge urgente avec des mesures de réa- la balance bénéfices-risques, ce qui a fait nimation quand elle dépasse 3,5 mmol/L Il est biologique et repose sur la consta- l’objet de nombreux consensus successifs. et/ou que les symptômes suivants, poten- tation d’une sécrétion de PTH inadaptée Le diagnostic d’hyperparathyroïdie pri- tiellement létaux, sont présents : confu- alors que la calcémie est élevée (parfois tout maire est globalement simple, repose sur sion, modification ECG avec raccour- juste limite supérieure) [4]. La calcémie doit la mise en évidence d’une hypercalcémie cissement du QT prémisses de troubles toujours être prélevée au même moment alors que la PTH est augmentée ou nor- du rythme rapides voire de mort subite, afin de pouvoir inter préter la concent ration male. Des nuances et des pièges existent pancréatite, insuffisance rénale aiguë. sanguine de PTH. Il est recommandé de cependant, nécessitant une confronta- Entre 3 et 3,5 mmol/L, la prise en charge faire ces dosages plutôt à jeun, en tout cas tion et une interprétation des différents doit être rapide et le contrôle de la calcé- à distance des repas pour éviter l’élévation dosages. Enfin, de nombreuses anomalies mie par des mesures médicales doit être post-prandiale de la calcémie. génétiques associées à l’hyperparathyroï- envisagé avant la chirurgie. die ou à sa forme familiale bénigne sont Les complications de l’hyperparathyroï- Le dosage de la calcémie maintenant connues et doivent être recher- die chronique doivent faire l’objet d’une Il est nécessaire dans un premier temps chées en fonction du contexte. recherche systématique. Au niveau rénal, de valider le diagnostic d’hypercalcémie même en dehors d’antécédents connus de vraie à différencier des situations d’hyper- Retentissement de l’hyperparathyroïdie : lithiases, il est recommandé de rechercher calcémie secondaires à une augmentation des formes asymptomatiques à l’urgence des microcalcifications par un scanner, de l’albuminémie, comme on l’observe médicale plus sensible que la simple échographie dans les situations de déshydratation. [2]. La fonction rénale sera également éva- Le dosage direct du calcium ionisé est L’hyperparathyroïdie retentit sur l’état de luée ainsi que la calciurie des 24h et le alors plus fiable, mais il demande des santé des patients par le biais de l’hyper- profil de risque lithiasique car le risque de conditions de prélèvement sans garrot et calcémie chronique qu’elle engendre et par lithiase dépend d’un ensemble de facteurs un dosage rapide en conditions d’anaéro- les conséquences de l’excès de parathor- et non pas de la calciurie seule. Au niveau biose, ce qui n’est possible que dans les mone sur l’os [1]. Le terrain de prédilection osseux, un geste clinique simple à faire est centres qui réalisent eux-mêmes ce dosage 50 MCED n°86 – Janvier 2017 MISE AU POINT JNDES

D’autres situations font varier la PTH : Rein Os et articulations âge, poids, variations horaires, variations Polyuropolydipsie Douleurs articulaires Coliques néphrétiques Chondrocalcinose ethniques… Néphrocalcinose Ostéomalacie Pour le moment, c’est à nous endocrinolo- Insuffisance rénale Ostéoporose radiologique gues d’interpréter ces différents dosages Tassements vertébraux toujours à faire dans le même temps : cal- Ostéite fibrokystique PTH cémie, PTH, 25OHD3… quitte, dans les cas limites, à se donner le temps du trai- tement par vitamine D pour réinterpréter Calcémie la concentration de PTH après correction d’un déficit en vitamine D.

Tube digestif Signes neuro-psy D’autres dosages sont-ils nécessaires Constipation Léthargie, fatigue, dépres- pour faire le diagnostic d’hyperparathy- sion Nausées roïdie primaire ? Ulcère peptique Troubles psy Pancréatite Confusion coma Le dosage du phosphore sanguin faisait partie des arguments en faveur du dia- gnostic d’hyperparathyroïdie primaire, Muscles en retrouvant une concentration basse Douleurs articulaires due à la réduction du taux de réabsorption Faiblesse musculaire du phosphore induit par la PTH. Sachant Complications cardiaques qu’il est souvent normal, celui-ci n’est plus un guide dans le diagnostic de l’hyperpa- Figure 1. Symptômes de l’hyperparathyroïdie primaire en fonction de la calcémie. rathyroïdie primaire. Le dosage de la calciurie des 24h est aug- et en tout cas ne doit pas être demandé sans lisé dans les laboratoires, dose l’hormone menté dans l’hyperparathyroïdie primaire prendre ces précautions. dans sa totalité mais peut croiser avec un témoin de l’hypercalcémie chronique. C’est la mesure du calcium corrigé qui fragment non actif de l’hormone (fragment Bien sûr, ce recueil de 24h n’est pas pourra valider le diagnostic d’hypercalcé- 7-84). Le dosage de 3 ème génération mesure simple, doit être rapporté à la créatininu- mie dans les cas limites, selon la formule : l’hormone native mais peut croiser éga- rie pour s’assurer de sa validité. De plus, Calcémie corrigée (mmol/L) = calcémie lement avec d’autres formes de PTH mo- il doit être accompagné d’un dosage de mesurée (mmol/L) - 0,025 (Albuminémie difiées en post-traductionnel, notamment la créatininémie et de la calcémie afin de g/L - 40) l’aminoPTH. Cette propriété est utilisée réaliser le rapport des clairances qui nous ou, de manière moins précise, pour reconnaître les très rares carcinomes aidera à éliminer les hypercalcémies avec Calcémie corrigée = calcémie mesurée parathyroïdiens qui sécrètent davantage de hypocalciurie familiale relevant d’une mmol/L/ (0,55 + Protidémie en g/L / 160) PTH 3G que de PTH 2G. étiologie génétique. D’autres situations L’évaluation de la PTH est confrontée à un d’hyperparathyroïdie vraie existent avec Le dosage de la PTH autre problème important qui est le lien hypocalciurie pouvant être difficiles à Il posera ensuite le diagnostic d’hyperpa- entre la concentration de PTH et l’impré- interpréter, notamment dans le cadre des rathyroïdie primaire, facilement quand il gnation en vitamine D du patient. En effet, insuffisances rénales. est supérieur à la normale du laboratoire, la vitamine D activée freine la sécrétion de Le dosage de la 1,25 di(OH)D3 n’apporte d’une manière plus nuancée s’il est tout PTH de manière physiologique. La valeur pas d’argument pour le diagnostic et est juste à la limite supérieure de la normale de la PTH doit aussi être interprétée en inutile en pratique courante. Les évalua- mais en tout cas non freiné alors que la fonction de la concentration circulante de tions des marqueurs osseux ne sont pas calcémie est élevée. Le dosage de la PTH 25OHD3. Plus basse est la concentration de non plus réalisées couramment. a évolué [5] depuis sa mise au point mettant Vitamine D, plus élevée sera la PTH, avec de côté les difficultés que l’on connaissait en parallèle, une taille plus importante de Quels sont les diagnostics différentiels pour faire la part entre la PTH biologi- l’adénome parathyroïdien en cause. biologiques ? quement active (la protéine 1-84) et des Ceci nous confronte au problème des nor- fragments inactifs de cette molécule qui males du dosage de la PTH, qui devraient Traitement par lithium étaient également reconnus par les anti- être réalisées dans une population non ca- Un diagnostic doit être évoqué dès la prise corps utilisés dans le dosage. Le dosage de rencée en vitamine D, ce qui n’est pas le en charge du patient, c’est le traitement par 2ème génération (PTH intacte) le plus uti- cas couramment à l’heure actuelle. lithium. En effet, celui-ci est dans 10 % 51 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES MISE AU POINT

des cas à l’origine d’un véritable tableau maire et d’un FHH : FHH avec calciurie non Adénome d’hyperparathyroïdie primaire avec hypo- effondrée, présentant parfois des lithiases ; Thyroïde parathyroïdien calciurie qui résulte d’une interaction avec hyperparathyroïdie avec hypocalciurie. le récepteur du calcium. Cette anomalie est résolutive le plus souvent à l’arrêt du Rechercher d’autres syndromes génétiques traitement. prédisposant aux hyperparathyroïdies [4]

Hypercalcémie avec hypocalciurie fami- Néoplasie endocrinienne multiple de liale bénigne (FHH) [4] type 1 (NEM1) C’est l’autre diagnostic à ne surtout pas La NEM1 a pour marqueur l’hy per parathy- ignorer. L’hypercalcémie avec hypocal- roïdie et il est exceptionnel qu’avant 40 ans Figure 2. Volumineux adénome parathy- ciurie familiale bénigne (FHH) est due les patients mutés ne l’aient pas exprimée. roïdien de découverte fortuite en écho- à une anomalie génétique qui réduit la Les parathyroïdes sont hyperplasiques, graphie. sensibilité du calcium sensor d’où une plusieurs sont visibles dès l’échographie, modification de l’équilibre calcique aux avec de possibles adénomes développés primaire normocalcémique de situations dépens d’une calcémie plus élevée. Les sur une hyperplasie. Cette notion dirige d’hyperparathyroïdie secondaire. conséquences sont très pauvres clinique- le traitement qui doit être celui d’une hy- Une carence en vitamine D est à rechercher ment, mais biologiquement on retrouve perplasie. L’autre maladie génétique rela- en premier et à substituer si elle existe. La une hypercalcémie le plus souvent modé- tivement fréquente est secondaire à une PTH se normalisera parfois en quelques rée mais parfois supérieure à 3 mmol/L, mutation du gène HRPT2 qui s’associe mois après normalisation de la 25OHD3. une concentration de PTH normale aug- soit à des adénomes soit à des carcinomes Les autres causes sont : mentée, une hypocalciurie franche due parathyroïdiens avec parfois tumeur de la • l’insuffisance rénale dès que la clai- aussi à cette anomalie du calcium sensor mâchoire. Les hypercalcémies peuvent rance de la créatinine devient inférieure dont l’activité diminue au niveau du tubule alors être intenses avec des complications à 60 ml/mn toute cause d’hypocalcé- rénal. importantes et de nombreuses séquelles. mie avec malabsorption digestive, hy- Trois formes de FHH sont décrites en percalciurie d’origine rénale, carence fonction des gènes mutés [6]. La plus fré- Autres NEM d’apport chronique en calcium ; quente est la FHH de type 1, due à une mu- L’hyperparathyroïdie peut se révéler au • l’utilisation de certaines drogues tation du récepteur du calcium lui-même. cours d’un NEM2 avec une atteinte beau- comme les thiazidiques, le lithium, les Récemment, les formes FHH2 et 3 ont été coup plus rare et plus tardive que le car- bisphosphonates et autres traitements décrites en rapport avec des mutations de cinome médullaire de la thyroïde qui est de l’ostéoporose. Gsalpha 11 et AP2S1 respectivement, ces le marqueur de cette pathologie. D’autres En l’absence de ces causes, le diagnostic molécules étant impliquées dans la trans- anomalies génétiques ont été décrites dans d’hyperparathyroïdie normocalcémique duction du message calcium à la cellule. des syndromes de prédisposition aux tu- pourra être retenu. Il faut noter que, dans Ces anomalies sont familiales, de trans- meurs endocrines avec hyperparathyroï- ce cas, la calcémie est fréquemment limite mission autosomique dominante. Leur die : NEM4 avec mutation de CDKN1B, supérieure plutôt que basse comme on reconnaissance est essentielle pour éviter atteinte d’autres cyclines dans quelques l’observe dans les hypercalciuries ou les des chirurgies parathyroïdiennes inutiles. rares cas d’hyperparathyroïdie. problèmes de malabsorption. Un test aux La découverte d’une hypercalcémie avec Etant donné la fréquence de ces anoma- thiazidiques permettra souvent de dévoi- PTH inadaptée chez un sujet jeune doit lies génétiques, toute hyperparathyroïdie ler cette hypercalcémie. Parfois, l’examen faire évoquer cette possibilité diagnos- survenant chez un sujet jeune ou dans morphologique seul fera le diagnostic avec tique, d’autant que le patient est peu symp- un contexte familial fera réaliser une re- une échographie qui peut montrer un vo- tomatique et que la calciurie est basse. La cherche de mutations NEM1, HRPT2 et lumineux adénome alors que la calcémie demande d’analyse génétique repose sur RCa ainsi qu’un dosage de Calcitonine. est encore normale (Figure 2). Pour ces un faisceau d’arguments : l’âge, les anté- formes, comme pour les autres hyperpa- cédents familiaux, l’élévation modérée de Le cas difficile et relativement fréquent de rathyroïdies, c’est le bilan de retentisse- la PTH et l’évaluation du rapport des clai- la consultation pour PTH isolément élevée ment qui guidera la prise en charge. rances du calcium/clairance de la créatinine [4, 7] très évocateur quand il est inférieur à 0,01 Une fois le diagnostic biologique fait, si mais à suspecter en fonction du contexte Ces patients nous sont adressés pour hy- on retient une indication opératoire, il faut entre 0,01 et 0,02. En effet, des zones de perparathyroïdie souvent dans un cadre réaliser le diagnostic de localisation. chevauchement existent entre les résultats de pathologie osseuse. Le problème sera Ce que l’on souhaite localiser, c’est l’adé- biologiques d’une hyperparathyroïdie pri- de différencier une hyperparathyroïdie nome parathyroïdien responsable de la 52 MCED n°86 – Janvier 2017 MISE AU POINT JNDES

pathologie. Celui-ci sera unique dans la ne sont pas encore diffusés sur tout le Références plupart des cas, mais pas toujours. Cette territoire (ne surtout pas demander un 1. Bandeira L, Bilezikian J. Primary localisation permettra au chirurgien de TDM habituel qui n’a aucune valeur, ni Hyperparathyroidism. F1000Res. 2016 Jan 4 ;5. faire un acte ciblé et minime au cours, une IRM). 2. Bilezi k ian J P, Brandi M L, Eastell R , et al. G u idel i nes for the management of asymptomatic primary hyper- le plus souvent, d’une chirurgie ambu- Un autre examen semble particulièrement parathyroidism : summary statement from the Fourth latoire. prometteur : la TEP choline [8]. Après International Workshop. J Clin Endocrinol Metab Des examens sont donc nécessaires pour avoir décrit la découverte fortuite d’un 2014 ; 99 :3561-69. 3. Cipr iani C, Biamonte F, Cost a AG, et al. Prevalence faire la part entre adénome unique, adé- adénome parathyroïdien lors de la réali- of kidney stones and vertebral fractures in primary nome double voire triple, hyperplasie des sation d’une TEP choline pour une patho- hyperparathyroidism using imaging technology. J Clin Endocrinol Metab. 2015 ;100 :1309-15. 4 glandes et leur localisation respective. logie prostatique, les publications se sont 4. Eastell R, Brandi ML, Costa AG, et al. Diagnosis of Si l’histoire du patient, son jeune âge, ses multipliées rapportant les performances asymptomatic primary hyperparathyroidism : procee- pathologies associées peuvent permettre de cet examen qui pourrait prendre le pas dings of the Fourth International Workshop. J Clin Endocrinol Metab 2014 ; 99 :3570-79. de suspecter une pathologie génétique sur la scintigraphie au MIBI dans l’avenir 5. Cavalier E, Delanaye P, Nyssen L, Souberbielle comme la NEM1 qui s’associe toujours étant donné la qualité des images. JC. Problems with the PTH assays. Ann Endocrinol à une hyperplasie des 4 glandes, le plus (Paris) 2015 ; 76 :128-33. 6. Vargas-Poussou R, Mansour-Hendili L, Baron souvent ce sont les examens de localisa- Conclusion S, et al. Familial Hypocalciuric Hypercalcemia tion qui permettront de guider le chirur- Types 1 and 3 and Primary Hyperparathyroidism : Similarities and Differences. J Clin Endocrinol Metab gien vers un ou plusieurs sites. Le diagnostic de l’hyperparathyroïdie pri- 2016 ; 101 :2185-95. A l’heure actuelle, on recommande de maire est maintenant grandement facilité 7. Souberbielle JC, Cavalier E, Cormier C. How to réaliser conjointement échographie cer- par des dosages très répandus et fiables. manage an isolated elevated PTH? Ann Endocrinol (Paris) 2015 ; 76 :134-41. vicale et scintigraphie au SestaMIBI à la Ceci explique certainement la fréquence 8. Michaud L, Burgess A, Huchet V, et al. Is recherche de localisations concordantes de ce diagnostic. Quoi qu’il en soit, devant 18F-fluorocholine-positron emission tomography/ computerized tomography a new imaging tool for aux 2 examens. La précision de la locali- chaque cas, une réflexion doit se faire pour detecting hyperfunctioning parathyroid glands in sation pour le chirurgien est renforcée en ne pas tomber dans les quelques pièges primary or secondary hyperparathyroidism? J Clin couplant scintigraphie et scanner. qui persistent : formes normocalcémiques, Endocrinol Metab 2014 ; 99 :4531-36. Cependant, ces examens sont parfois pris atteintes génétiques, hypercalcémies fa- en défaut. Actuellement les TDM cervi- miliales bénignes. caux avec clichés précoces obtiennent d’excellents résultats à condition de B. Delemer suivre des protocoles spécifiques qui [email protected]

53 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES MISE AU POINT

Traiter ou non l’hyperparathyroïdie primaire

Fritz-Line Velayoudom Cephise Service d’Endocrinologie-Diabétologie, CHU de Pointe-à-Pitre, Guadeloupe Mots clés : hyperparathyroïdie, adénome parathyroïdien, parathyroïdectomie, parathyroïdes, ostéodensitomètrie

a prise en charge de l’hyperparathy- ? Quand surveiller et comment ? une hypercalciurie pouvant entraîner des Lroïdie primaire (HPP) fait encore l’ob- En France, les critères opératoires ou épisodes de lithiase rénale (20 %) ou, jet de controverses dans la littérature car de surveillance, en présence d’une HPP plus rarement une néphrocalcinose [13]. la présentation clinique actuelle s’est mo- asymptomatique ont été validés par la Actuellement, aucune étude prospective difiée, dominée maintenant par les formes Société Française d’Endocrinologie en randomisée n’a permis de valider l’impact asymptomatiques de découverte biolo- 2006 et restent d’act ualité (Tableau 1) [5]. positif de la chirurgie sur la diminution gique fortuite (90 %). Ainsi les tableaux Des recommandations américaines ré- du risque de lithiases. dramatiques de douleurs, fractures et dé- centes (4ème workshop, 2014) permettent Au niveau intestinal, l’hydroxylation de formations osseuses, de néphrolithiases d’orienter la prise en charge médicale, la 25(OH)-vitamine D est stimulée par la avec insuffisance rénale terminale sont chirurgicale ou la surveillance de ces 1α-hydroxylase rénale qui favorise l’ab- devenus rares [1]. De plus, des formes formes d’HPP [2, 4, 6-9]. sorption intestinale du calcium et majore d’HPP normocalcémiques (10% des cas) l’hypercalcémie. sont décrites, en lien probablement avec Conséquences et complications de l’HPP Des manifestations peu classiques sont des variants d’HPP familiale, situation aussi décrites et doivent être considérées qui ne sera pas abordée dans ce texte [2]. L’histoire nat urelle de l’HPP est marquée lors de la décision de prise en charge du Avant de se poser la question de « Traiter par une progression biochimique lente patient : ou non l’hyperparathyroïdie primaire », il mais confirmée de l’hypercalcémie chez • d’abord, l’hypertension artérielle, dé- est nécessaire de confirmer le diagnostic 13% des sujets après 10 ans d’observa- crite chez plus de 50% des sujets avec d’HPP et d’éliminer l’HPP intégrée dans tion [10]. Les conséquences cliniques de HPP, et liée au rôle probable de la PTH un syndrome de prédisposition génétique l’HPP sont en lien avec l’hypercalcémie sur le système rénine angiotensine et car sa prise en charge diffère de celles chronique, l’hypercalciurie ou l’hyperpa- sur l’endothélium vasculaire [14, 15] ; des HPP sporadiques. Elle ne sera donc rathormonémie. • ensuite, les pathologies coronariennes pas traitée de façon exhaustive dans cette Au niveau de l’os, la résorption osseuse avec une association entre l’hyper- revue. Enfin, le caractère symptomatique est accrue par l’excès de parathormone calcémie et une possible surmortalité ou non de l’HPP doit êt re identifié car c’est (PTH) : l’activité ostéoblastique est frei- cardiovasculaire chez les sujets avec cette particularité qui détermine la prise née et le pool des ostéoclastes est augmen- HPP [16]. Néanmoins, excepté la en charge du patient. té. Ce phénomène accroît la calcémie et diminution du risque d’infarctus du Dans les situations d’HPP symptoma- la calciurie. Il en résulte un remodelage myocarde, la prise en charge chirur- tiques, l’indication de la chirurgie est osseux important et une diminution de gicale de l’HPP ne semble pas modifier validée par les endocrinologues et les la densité minérale osseuse favorisant significativement ce risque cardiovas- chirurgiens [3, 4]. La prise en charge l’apparition de l’ostéoporose (col fémo- culaire [17-19]. de l’hypercalcémie chronique observée ral et rachis lombaire) et des fractures • dans l’HPP est à différencier de celle de osseuses en particulier au niveau de l’os Les sujets avec HPP décrivent aussi des l’hypercalcémie aiguë qui est une urgence cortical (radius) [1]. L’évaluation de la symptômes peu spécifiques comme une thérapeutique engageant le pronostic vi- masse osseuse est ainsi recommandée asthénie, des symptômes dépressifs ou tal. devant toute HPP [4]. La masse osseuse anxieux, des troubles de concentration. La controverse concerne les formes et la qualité de vie des sujets s’améliorent Au final, le risque vital lié à l’HPP est d’HPP asymptomatiques. Leur prise en en postopératoire [11]. Cependant, ces faible, contrairement aux risques fonc- charge est en effet conditionnée par le résultats semblent dépendre de l’âge, du tionnels majoritairement rénaux (néphro- risque encouru par le patient : quelles sexe et du degré de sévérité de l’atteinte lithiases responsables d’insuffisance ré- sont les complications possibles sur le osseuse avant chirurgie [12]. nale terminale) et osseux (Figure 1) avec plan vital ou fonctionnel ? Quelles sont Au niveau rénal, la réabsorption tubu- déformations douloureuses, ostéopénie, les indications retenues pour la chirur- laire du calcium et l’excrétion urinaire de ostéoporose voire, de plus en plus rare- gie ? Quelles sont les options médicales phosphates sont augmentées. Il en résulte ment, des fractures osseuses. 54 MCED n°86 – Janvier 2017 MISE AU POINT JNDES

de la chirurgie doit ainsi tenir compte des A comorbidités associées à l’HPP. B Les complications de cette chirurgie sont C rares. La mortalité est proche de 0 % dans la majorité des séries en dehors des sujets âgés où elle est de l’ordre de 10 % et attri- buée aux comorbidités associées présentes dans 15 à 30 % des cas [23]. Les compli- cations classiquement décrites sont l’hy- pocalcémie (< 4 %), l’hématome cervical (< 0,5 %), la lésion du nerf récurrent (< 1 %) [24, 25]. L’apparition d’un « hungry bone syndrome » et de l’hypocalcémie post-opératoires, complications les plus fréquentes, semblent pouvoir être prédites par les concentrations préopératoires éle- vées des phosphatases alcalines et de la PTH [26].

Figure. (A) Ostéite fibrokystique. (B) Stries de Looser-Milkman (bassin, fémur). (C) Résorption En définitive, les sujets avec HPP ayant les des houppes phalangiennes. critères d’indication chirurgicale doivent être adressés à un chirurgien expérimenté Traiter l’hyperparathyroïdie primaire par lombaires et de la hanche à 6 mois de la [8]. La Société Américaine de Chirurgie la chirurgie chirurgie et du col fémoral à 12 mois, mais Endocrine a récemment publié les re- la population étudiée était constituée de commandations pour la prise en charge La chirurgie d’exérèse de la parathyroïde plus de 90 % de femmes ménopausées et des sujets avec HPP [27]. Elles incluent hyperfonctionnelle est le seul traitement donc en situation de masse osseuse plus l’évaluation initiale du statut en vitamine curatif des sujets avec HPP. Le dernier favorablement diminuée [21]. D et la substitution préopératoire en cas consensus du 4éme workshop recommande de déficience, le dosage de la calciurie des la chirurgie dans certaines situations La chirurgie semble améliorer la qualité 24h et la réalisation d’une densitométrie d’HPP asymptomatiques (Tableau 1). des parois vasculaires. Une étude récente osseuse. La chirurgie est indiquée chez La chirurgie permet ainsi d’améliorer la a mis en évidence que les sujets avec HPP, tous les sujets symptomatiques et doit être densité minérale osseuse, d’éviter l’altéra- en comparaison à des sujets sains, avaient discutée chez les sujets asymptomatiques, tion de la fonction rénale mais aussi d’amé- une épaisseur de l’intima-média de la caro- d’autant plus qu’elle reste l’option théra- liorer la qualité de vie des sujets avec HPP tide et une rigidité artérielle augmentées. peutique la plus intéressante sur le plan à court et à long terme [20]. Les effets de la A 6 mois de la chirurgie, les sujets avec médico-économique. chirurgie semblent dépendre du sexe. En hypercalcémie initiale amélioraient ces Mais le seuil de PTH à partir duquel une effet, une étude récente rapporte un gain paramètres vasculaires (comparés aux su- intervention est indiquée n’est toujours de masse osseuse au niveau des vertèbres jets normocalcémiques) [22]. L’indication pas validé.

Tableau 1. Indications de la chirurgie.

4ème workshop américain, 2014 Consensus de la SFE, 2006

Âge < 50 ans < 50 ans

Calcémie > 1 mg/dl (0,25 mmol/l) au-dessus de la norme > 2,75 mmol/l (110 mg/l)

> 400 mg/J - lithiases, néphrolithiases ou calcinoses confir- Calciurie > 10nmol/24h (400mg/24h) mées en imagerie

Clairance de la créatinine < 60 ml/mn/1,73 m2 60 ml/mn/1,73 m2

T score < -2,5 au niveau du rachis lombaire, col fémoral, T-score < -2,5 quel que soit le site osseux : DMO hanche ou 1/3 distal du radius rachis et/ou col fémoral Présence d’une fracture osseuse confirmée en imagerie

DMO : ostéodensitométrie os

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Traiter l’hyperparathyroïdie primaire par Tableau 2. Modalités de la surveillance. des approches pharmacologiques 4ème workshop, 2014 Consensus de la SFE, 2006 Des approches pharmacologiques sont Calcémie Annuelle A 6 mois puis annuelle possibles dans le but d’améliorer la Calciurie Non recommandée Non recommandée masse osseuse (vitamine D, œstrogènes, Modulateur Sélectif des Récepteurs des Clairance de la creatinine Annuelle Annuelle Estrogènes (SERM), biphosphonates) ou Créatinine Annuelle de réduire l’hypercalcémie (agent calci- mimétique activant le récepteur sensible Ostéodensitométrie Tous les 2 à 3 ans Tous les 2 à 3 ans au calcium ou CaSR). Œstrogènes et Modulateur Sélectif des masse osseuse particulièrement au niveau En parallèle, sont recommandés le main- Récepteurs des Estrogènes (SERM) du rachis lombaire et de la hanche sans tien d’une hydratation abondante et Cette approche concerne les femmes mé- modifier significativement et durablement l’éviction de certains médicaments qui nopausées. L’hypo-œstrogénie post-mé- les concentrations de calcium [34, 35]. aggravent l’hypercalcémie comme les nopausique favorise en effet la réduction diurétiques thiazidiques et le lithium. Il de la masse osseuse et la situation d’os- Calcimimétiques n’est pas recommandé de limiter l’apport téoporose. Les calcimimétiques sont des agents ca- en calcium des sujets avec HPP qui ne bé- Ainsi, les femmes de plus de 60 ans ayant pables d’activer le récepteur sensible au néficieront pas de la chirurgie. Un apport une HPP peuvent bénéficier d’une sup- calcium (CaSR) à la surface des cellules normal en calcium est donc à maintenir plémentation estrogénique en l’absence parathyroïdiennes. Le CaSR est aussi ex- (1g/jour). de contre-indications [7]. Les œstrogènes primé au niveau du néphron et régule la diminuent la résorption osseuse et amé- synthèse et la sécrétion de la PTH. Supplémentation en vitamine D liorent la masse osseuse mais n’ont aucun Le cinacalcet (Mimpara®) a une AMM Dans l’HPP, les concent rations de 25(OH) effet sur l’hypercalcémie ou l’élévation de dans l’HPP en cas d’échec ou de cont re-in- vitamine D sont classiquement basses. PTH [33]. dications à la chirurgie. À l’inverse des Une des explications serait que l’excès Les modulateurs sélectifs des récepteurs biphosphonates, il réduit l’hypercalcémie de PTH stimule la 1α--hydroxylase ré- des œstrogènes (SERM) sont des ligands mais son effet est modéré sur l’hyperpa- nale et favorise la transformation de la des récepteurs aux œstrogènes qui ont la rathormonémie et absent sur la masse os- 25(OH) D en 1,25-(OH)D. Une autre ex- capacité de bloquer l’action des œstro- seuse [36]. Chez des sujets avec une HPP plication serait l’inactivation de la 25OHD gènes dans certains tissus alors qu’ils la inopérable, la réduction de la calcémie est par la 24-hydroxylase [28, 29]. Le schéma limitent dans d’autres. Leur liaison avec le évaluée à au moins 1mg/dl chez 2/3 des substitutif en vitamine D à proposer en récepteur aux œstrogènes est 20 fois infé- sujets traités avec une excellente tolérance présence d’une HPP ne fait pas l’objet d’un rieure à celle du 17β-est radiol. Les risques de la molécule [37]. Néan moins, les ét udes consensus à l’heure actuelle [4, 30]. de cancer du sein ou de l’endomètre sont de l’impact de la molécule sur la densité Les objectifs de la correction de la dé- ainsi réduits. Le SERM le plus utilisé en osseuse ne sont pas convaincantes [38-40]. ficience en vitamine D en préopératoire France est le raloxifène mais on dispose restent aussi controversés. Celle-ci n’a de peu de données sur son utilisation dans Au vu des résultats précédents, une com- pas pour effet d’améliorer l’efficacité de l’HPP [7]. Aucun bénéfice n’a été rapporté binaison des biphosphonates au cinacal- la chirurgie en termes de normalisation sur les concentrations de PTH. cet semble raison nable afin de diminuer la de la calcémie ou de réduction des risques Dans cette situation, le rapport risques/ calcémie et d’améliorer la masse osseuse, d’hypocalcémie post-opératoire [31, 32]. bénéfices chez la femme sera toujours éva- mais pour l’instant aucune étude prospec- Cependant, du fait de son impact sur la lué avant l’utilisation de l’une ou l’autre de tive et randomisée ne permet de confirmer masse osseuse, les dernières recom- ces molécules. l’intérêt de cette association [41]. mandations rappellent l’importance du dosage de la 25(OH)vitamine D avant Biphosphonates Ne pas traiter l’hyperparathyroïdie pri- toute chirurgie et la nécessité d’une sup- Ce sont des analogues des pyrophosphates maire mais surveiller plémentation vitaminique en présence de qui ont une grande affinité pour l’os, où concentrations < 50 nmol/l (20 ng/ml). La ils se lient fortement à l’hydroxyapatite. En Europe, une étude observationnelle de substitution doit permettre d’atteindre un À l’échelon moléculaire, ils induisent sujets avec HPP symptomatique modérée seuil sanguin de vitamine D d’au moins l’apoptose des ostéoclastes. Ce sont de mais non traitée chirurgicalement a rap- 75 nmol/L (30 ng/mL). Il est proposé de puissants inhibiteurs de la résorption os- porté une progression de la maladie dans débuter la supplémentation à la dose ini- seuse. Le plus utilisé est l’alendronate qui 37% des cas après un suivi de 72 mois. tiale quotidienne de 800 à 1000 UI [7]. réduit le turn over osseux et améliore la L’analyse multivariée n’a pas identifié de 56 MCED n°86 – Janvier 2017 MISE AU POINT JNDES

paramètres prédictifs de cette évolution il n’y a pas de différence significative en tion chronologique biphasique de l’HPP [42]. Chez les sujets asymptomatiques et termes de qualité de la masse osseuse, de avec une élévation première de la PTH n’ayant aucun des critères requis pour la fractures, de néphrolithiases, d’évènement sans hypercalcémie puis le développement chirurgie, la surveillance est une option cardiovasculaire, de décès, de modifica- secondaire d’une hypercalcémie [49]. Elle sécurisante jusque 10 ans après le dia- tion de la qualité de vie et des signes neuro- était déjà identifiée lors des recommanda- gnostic. Toutefois, elle doit s’accompa- cognitifs chez les sujets opérés comparés tions de prise en charge de l’HPP asympto- gner d’une correction de toute déficience aux sujets surveillés. L’étude précédem- matique publiées en 2009 [50]. Il y était re- en vitamine D et de la prescription de bi- ment citée était la seule évaluant la densité commandé de surveiller ces sujets comme phosphonates en présence d’une réduction minérale osseuse et qui décrivait l’effet ceux avec une HPP asymptomatique mais de la masse osseuse [4]. bénéfique à 5 ans de la chirurgie [43]. hypercalcémiques. Un dosage annuel de Les modalités de la surveillance sont pré- La surveillance chez les sujets avec HPP la calcémie, de la PTH et une évaluation cisées dans le tableau 2. modérée sans indications chirurgicales est annuelle de la densité minérale osseuse une option sécurisante, en particulier en ce étaient préconisés. Ces recommandations Résultats des travaux comparant la qui concerne les conséquences osseuses sont toujours appliquables. chirurgie à la surveillance et la qualité de vie. Cependant des études En conclusion, le choix de traiter ou non prospectives de cohorte sont souhaitables l’hyperparathyroïdie primaire est condi- Une étude récente, prospective rando- afin de confirmer son innocuité sur le long tionné par différents critères cliniques, misée contrôlée (chirurgie versus sur- terme. biochimiques, morphofonctionnels qui veillance), rapporte les résultats chez sont toutefois bien identifiés. Dans cer- 191 sujets ayant une HPP modérée dont Cas particuliers de l’hyperparathyroïdie taines situations plutôt anecdotiques, il 145 suivis pendant 5 ans. Chez les sujets primaire dans le cadre d’une néoplasie est nécessaire de tenir compte de comor- opérés, à l’inverse des sujets surveillés, endocrinienne multiple de type 1 (NEM 1) bidités associées et de toujours évaluer le la calcémie et la PTH étaient normalisées risque par rapport au bénéfice pour le pa- sans modification des autres paramètres La chirurgie parathyroïdienne dans cette tient. Le traitement de l’HPP n’est jamais biochimiques. Une réduction significative situation est caractérisée par un taux de une urgence thérapeutique et le clinicien du Z-score au col fémoral était enregistrée récidive élevé de l’HPP [46]. De ce fait doit prendre le temps de la réflexion avec chez les sujets surveillés ainsi que l’appa- l’indication chirurgicale reste très contro- son patient afin de déterminer la meilleure rition de nouvelles fractures vertébrales versée de même que ses modalités et les prise en charge. chez 5 sujets à 5 ans. Aucune fracture modalités de surveillance à vie des sujets. n’était rapportée chez les sujets opérés. Il La pénétrance de l’HPP dans la NEM1 est F. Velayoudom Cephise n’y avait pas de différence entre les deux quasi complète (près de 100 % à l’âge de 50 [email protected] groupes en termes de complication lithia- ans). Dans plus de 70 % des NEM1, l’HPP sique. Néanmoins, cette étude était plutôt est la première manifestation clinique. Le Références en faveur du bénéfice de la chirurgie [43]. taux de récidive à 1 an de la chirurgie est 1. Fraser WD. Hyperparathyroidism. Lancet. 2009 ; Une étude antérieure au dernier consensus de 20 à 60 % (vs 4 % en cas d’HPP spo- 374 :145 -58. de 2014 a confirmé la stabilité de la masse radique) [47]. L’atteinte osseuse initiale 2. Eastell R, Brandi ML, Costa AG, et al. Diagnosis of asymptomatic primary hyperparathyroidism : procee- osseuse lombaire chez des sujets avec HPP diffère chez les sujets avec HPP dans le dings of the Fourth International Workshop. J Clin surveillés pendant 10 ans et comparés à cadre d’une NEM1 (Z-score lombaire, fé- Endocrinol Metab 2014 ; 99 :3570-79. des sujets opérés. Par contre une réduction moral et de la hanche plus altéré) comparés 3. Mihai R. Endocr Surg 2014 ; 32 : 548 de la densité de l’os cortical était notée aux sujets avec HPP sporadique. En cas de 4. Bilezi k ian J P, Brandi M L, Eastell R, et al. Guidelines for the management of asymptomatic primary hyper- plus précocement, au niveau du col fé- NEM1, l’évolution après chirurgie diffère parathyroidism : summary statement from the Fourth moral et du radius distal. Sans chirurgie, aussi des formes sporadiques, avec une International Workshop. J Clin Endocrinol Metab 2014 ; 99 :3561-69. l’HPP dans cette cohorte a progressé chez augmentation post-opératoire de la masse 5. Calzada-Nocaudie M, Chanson P, Conte-Devolx un tiers des sujets au cours des 15 ans de osseuse trabéculaire uniquement [48]. B, et al. [Management of asymptomatic primary hy- perparathyroidism : French Society of Endocrinology suivi. En définitive, c’est la question de la Dans la NEM1, le choix de la meilleure expert consensus]. Ann Endocrinol (Paris) 2006 ; 67 :7- durée du maintien de la surveillance chez période pour la chirurgie doit être discuté 12. ces patients qui se pose [44]. en réunion multidisciplinaire. 6. Eastell R, Brandi ML, Costa AG, et al. Diagnosis of asymptomatic primary hyperparathyroidism : procee- Une méta-analyse plus récente de Singh dings of the Fourth International Workshop. J Clin Ospina et al, à partir des données des Cas particulier des hyperparathyroïdies Endocrinol Metab 2014 ; 99 : 3570-79. études randomisées contrôlées ou des primaires normocalcémiques 7. Marcocci C, Bollerslev J, Khan AA, Shoback DM. Medical management of primary hyperparathy- études observationnelles, clarifie les effets roidism : proceedings of the fourth International bénéfiques potentiels attendus [45]. Du Cette forme d’HPP reste une entité vali- Workshop on the Management of Asymptomatic Primary Hyperparathyroidism. J Clin Endocrinol fait du manque d’évènements rapportés, dée : elle semble correspondre à l’évolu- Metab 2014 ; 99 :3607-18. 57 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES MISE AU POINT

8. Udelsman R, Åkerström G, Biagini C, et al. The 2016 ; 84 :39-47. perparathyroidism across a wide spectrum of disease surgical management of asymptomatic primary 23. Mor r is LF, Zelada J, Wu B, et al. Parathy roid su rge- severity. J Clin Endocrinol Metab 2011 ; 96 : E9-18. hyperparathyroidism : proceedings of the Fourth ry in the elderly. Oncologist 2010 ; 15 :1273-84. 38. Peacock M, Bilezikian JP, Klassen PS, et al. International Workshop. J Clin Endocrinol Metab Cinacalcet hydrochloride maintains long-term nor- 2014 ; 99 :3595-606 ; 24. UdelsmanR, Åkerström G, Biagini C, et al. The surgical management of asymptomatic primary mocalcemia in patients with primary hyperparathy- 9. Silverberg SJ, Clarke BL, Peacock M, et al. Current hyperparathyroidism : proceedings of the Fourth roidism. J Clin Endocrinol Metab 2005 ; 90 :135-141. issues in the presentation of asymptomatic primary International Workshop. J Clin Endocrinol Metab 39. Peacock M, Bolognese MA, Borofsky M, et al. hyperparathyroidism : proceedings of the Fourth 2014 ; 99 :3595-606. Cinacalcet treatment of primary hyperparathyroi- International Workshop. J Clin Endocrinol Metab dism : biochemical and bone densitometric outcomes 2014 ; 99 :3580-94. 25. Singh Ospina NM, Rodriguez-Gutierrez R, Maraka S, et al. Outcomes of Parathyroidectomy in a five-year study. J Clin Endocrinol Metab 2009 ; 10. Yu N, Leese GP, Smith D, Donnan PT. The natu- in Patients with Primary Hyperparathyroidism : A 94 :4860-67. ral history of treated and untreated primary hyperpa- Systematic Review and Meta-analysis. World J Surg 40. Khan A, Bilezikian J, Bone H, et al. Cinacalcet nor- rathyroidism : the parathyroid epidemiology and audit 2016 ; 40 :2359-77. malizes serum calcium in a double-blind randomized, research study. QJM 2011 ; 104 :513-21. 26. Kaya C, Tam AA, Dirikoç A, et al. Hypocalcemia placebo-controlled study in patients with primary hy- 11. 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Endocrinol Metab 2003 ; 88 :581-587. roidism offers greater bone recovery in patients with sporadic disease than in those with multiple endo- 20. Adler JT, Sippel RS, Schaefer S, Chen H. Surgery 35. Khan AA, Bilezikian JP, Kung AW, et al. improves quality of life in patients with « mild » hyper- crine neoplasia type 1-related hyperparathyroidism. Alendronate in primary hyperparathyroidism : a Surgery 2016 Nov 11. parathyroidism. Am J Surg 2009 ; 197 :284-90. double-blind, randomized, placebo-controlled trial. 21. Cipriani C, Abraham A, Silva BC, et al. Skeletal J Clin Endocrinol Metab 2004 ; 89 : 3319-25. 49. Cusano NE, Silverberg SJ, Bilezikian JP. changes after restoration of the euparathyroid state in Normocalcemic primary hyperparathyroidism. J Clin 36. Schwarz P, Body JJ, Cáp J, et al. The PRIMARA Densitom 2013 ; 16 :33-39. patients with hypoparathyroidism and primary hyper- study : a prospective, descriptive, observational stu- parathyroidism. Endocrine 2016 Oct 18. dy to review cinacalcet use in patients with prima- 50. Bilezikian JP, Khan AA, Potts JT Jr. Guidelines 22. Cansu GB, Yılmaz N, Özdem S, et al. ry hyperparathyroidism in clinical practice. Eur J for the management of asymptomatic primary hyper- Parathyroidectomy in asymptomatic primary hy- Endocrinol 2014 ;171 :727-35. parathyroidism : summary statement from the third perparathyroidism reduces carotid intima-media international workshop. J Clin Endocrinol Metab 37. Peacock M, Bilezikian JP, Bolognese MA, et al. 2009 ; 94 :335-59. thick ness and ar ter ial stiff ness. Clin Endocr inol (Oxf ) Cinacalcet HCl reduces hypercalcemia in primary hy-

58 MCED n°86 – Janvier 2017 MISE AU POINT JNDES

Les effets non-classiques de la vitamine D : niveau de preuves et perspectives

Jean-Claude Souberbielle Service des Explorations Fonctionnelles, Hôpital Necker-Enfants malades Mots clés : vitamine D, déficit en vitamine D, carence

a vitamine D a possiblement des effets, la vitamine D sur les cellules endothéliales vitamine D dépendent en partie des spécifi- Ldont la réalité clinique reste encore à vasculaires, mais aussi des effets indirects cités génétiques des individus. En effet les confirmer, sur de nombreuses fonctions car la vitamine D contrôle la sécrétion de différents polymorphismes du VDR et de de l’organisme, bien au-delà de ses effets l’insuline et la sensibilité à l’insuline, di- la 1α-hydroxylase ont potentiellement des classiques sur le système musculo-squelet- minue l’inflammation, contrôle des proté- conséquences sur les actions du calcitriol, tique et le métabolisme phosphocalcique. ines impliquées dans la formation de cal- ou la capacité à synthétiser ce métabolite. Le récepteur de la vitamine D (VDR) est cifications vasculaires, réduit la sécrétion présent dans quasiment tous les tissus de d’hormone parathyroïdienne, et contrôle Quel niveau de preuves ? l’organisme, et la 25-hydroxy-vitamine le gène de la rénine, ce qui lui confère des D (25OHD), le précurseur du métabolite propriétés anti-hypertensives. « Association » ne veut pas dire « cau- actif de la vitamine D, peut pénétrer dans salité », et en dehors de la réduction des ces tissus, soit de manière passive, soit de Risque de pathologie auto-immune fractures et des chutes, documentée par manière active via le système mégaline-cu- La vitamine D est un immunomodulateur. plusieurs études d’intervention contrô- buline, et être activée en calcitriol grâce à la Globalement, de nombreuses études expéri- lées contre placebo positives qui ont fait 1α--hydrolase locale. Ce calcitriol produit mentales plaident en faveur d’une inhibition l’objet de méta-analyses, les autres effets localement se lie au VDR présent dans ces de l’immunité acquise et d’une stimulation « non-classiques » de la vitamine D men- tissus et ne ressort pas de la cellule pour de l’immunité innée par la vitamine D. Cette tionnés ci-dessus sont surtout documentés participer à la régulation du métabolisme inhibition de l’immunité acquise par la par des études d’observation et des études phosphocalcique. 1,25(OH)2D semble bénéfique dans un cer- expérimentales. Toutefois, en plus des es- tain nombre de pathologies auto-immunes sais montrant une diminution du risque de Les potentiels risques non classiques as- (ou à composante auto-immune) comme chutes et de fractures non vertébrales, on sociés à la carence en vitamine D la sclérose en plaques, le diabète de type 1, dispose d’essais contrôlés récents (environ la polyarthrite rhumatoïde, le lupus….. La une centaine, sans compter les études, très De très nombreuses études ont rapporté modulation de l’immunité innée suggère des nombreuses, où l’administration de vita- une association entre déficit en vitamine propriétés anti-infectieuses de la vitamine D. mine D a fait baisser la PTH et/ou les mar- D et une incidence ou une sévérité accrues queurs biologiques du remodelage osseux), de différentes maladies, et ces associations Risque pendant la grossesse qui ont montré des effets bénéfiques sur des sont supportées par des études expérimen- Le déficit en vitamine D en début de gros- évènements cliniques ou, plus souvent, sur tales. sesse a été associé à un risque accru de des paramètres intermédiaires biologiques pré-éclampsie et de diabète gestationnel. ou cliniques. Les résultats de ces études ne Risque de cancer sont toutefois pas obligatoirement transpo- Un déficit en vitamine D est associé à une Risque de progression de l’insuffisance sables à la population générale et surtout, augmentation du risque relatif de dévelop- rénale ils ne permettent pas d’affirmer solidement per différents cancers, surtout colorectaux Chez l’insuffisant rénal non dialysé, le dé- la réalité de ces effets « non-classiques » de et du sein. ficit en vitamine D est associé à une pro- la vitamine D. En effet, soit il s’agit d’ana- gression plus rapide de la maladie rénale. lyses post-hoc (mais en général pré-spé- Risque d’événements cardiovasculaires cifiées), soit les résultats concernent des Un déficit en vitamine D est associé à un Risque de surmortalité objectifs secondaires, ou des variations de risque accru d’évènements cardio-vascu- Plus globalement, le déficit en vitamine D paramètres « intermédiaires », sans preuve laires mais aussi de mortalité cardio-vascu- est associé à une mortalité plus précoce. que les évènements cliniques puissent être laire. Les mécanismes possibles sont com- réduits. Des grands essais d’intervention plexes et concernent des effets directs de Ces effets classiques et non classiques de la contrôlés restent donc nécessaires. Par ail- 59 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES MISE AU POINT

Tableau 1. Quelques études et méta-analyses d’intervention où des discordances ont été constatées entre l’analyse en intention-de-traiter (IT) où la vitamine D ne faisait pas mieux que le placebo, et des analyses « post-hoc » où la vitamine D faisait mieux que le placebo.

Etude et ses objectifs Description de la population Résultat en IT Résultat d’une analyse post-hoc

Bischoff-Ferrari 2012 [4] Analyse « poolée » de 31 022 pa- 1 111 fractures de hanches En classant les patients non pas en fonction de Est-ce que la supplé- tients (76 ans en moyenne, 91 incidentes et 3 770 frac- la dose à laquelle ils étaient randomisés, mais en mentation en vitamine D % de femmes) ayant participé tures non vertébrales. fonction de la dose qu’ils avaient réellement re- réduit le risque de frac- à 11 RCT et pour lesquels les Réduction non significa- çue, une réduction significative de 30 % (IC : 14- ture ? auteurs connaissaient la dose tive de 10 % des fractures 44 %) des fractures de hanche et une réduction de vitamine D à laquelle ces pa- de hanche et réduction significative de 14 % (IC : 4-24 %) des fractures tients étaient randomisés, leur significative de 7 % des non vertébrales en général était constatée pour adhérence au traitement ainsi fractures non vertébrales des doses reçues allant de 792 à 2 000 UI/J. Pa- que les quantités de vitamine en général. radoxe intéressant, dans une grande étude où D qu’ils avaient prises en plus la consommation des suppléments en vitamine de la dose administrée dans le D que les patientes prenaient avant l’étude était cadre de l’étude. permise, certaines patientes du groupe placebo ont reçu plus de vitamine D que beaucoup de patientes du groupe « vitamine D ». Witham 2009 [5] Méta-analyse de 11 RCT Diminution non significa- Pas d’effet de la vitamine D « activée » sur la pres- Est-ce que la supplé- (717 patients) dont 4 RCT qui tive de la pression sys- sion artérielle. Pas d’effet de la vitamine D sur la mentation en vitamine D ont utilisé un analogue du calci- tolique (-3,6 mmHg, IC : pression artérielle chez les sujets normo-tendus. fait baisser la pression triol (vitamine D « activée »). -8,0 ; +0,7). Petite dimi- Diminution significative de la pression systolique artérielle ? nution significative de la (-6,2 mmHg ; IC : -12,3 à -0,04) avec la vitamine D pression diastolique (-3,1 native chez les patients dont la pression systolique mmHg ; IC : -5,5 ; -0,6). en début d’étude est >140 mmHg. Larsen 2012 [6] 130 patients modérément hy- La vitamine D n’a pas mo- En ne considérant que les 92 patients dont la Est-ce que la supplé- pertendus traités par IEC ou difié de manière significa- 25OHD de départ était < 32 ng/mL, on observe mentation en vitamine D ARA2 ont reçu 3 000 UI/J de tive la pression artérielle une baisse modeste mais significative de la pres- fait baisser la pression vitamine D3 pendant 20 se- des 24 heures qui était sion artérielle (- 4 et -3 mmHg pour la pression artérielle enregistrée sur maines. l’objectif principal. systolique et diastolique des 24 heures respec- 24 heures chez des pa- tivement). tients hypertendus ? Mason 2014 [7] 218 femmes en surpoids ou Pas de perte de poids En ne considérant que les participantes traitées Est-ce que la supplé- obèses (IMC 32,4 ± 5,8 kg/m²) supérieure chez celles par vitamine D dont la concentration de 25OHD mentation en vitamine D participant à un programme qui ont reçu la vitamine D s’est élevée au-dessus de 32 ng/mL, la perte peut permettre d’amélio- d’amaigrissement d’un an (ré- comparé à celles qui ont de poids est supérieure par rapport aux autres rer les résultats d’un pro- gime hypocalorique + activité reçu le placebo. (-9,9 % versus -6,2 % ; p=0,05), ainsi que la dimi- gramme d’amaigrisse- physique encadrée) et ayant nution du tour de taille (-6,6 cm versus -2,5 cm ; ment chez les obèses ? une concentration sérique de p=0.02) et du pourcentage de masse grasse 25OHD entre 10 et 32 ng/mL (-10,1 % versus -5,5 % ; p=0,04). ont reçu 2 000 UI/J de vitamine D3 ou un placebo. Chlebowski 2008 [8] 36 282 femmes ménopausées Pas de réduction du risque Dans une ré-analyse post-hoc de l’étude WHI Etude WHI : Est-ce que la ont reçu pendant 7 ans en de cancer du sein avec la [9] restreinte aux femmes qui ne prenait pas de supplémentation en cal- moyenne 400 UI de vitamine D3 supplémentation. supplément vitamino-calcique en plus de la dose cium + vitamine D réduit + 1 000 mg de calcium par jour d’intervention à laquelle elles étaient randomisées le risque de cancer du ou un placebo. dans l’étude (n = 15 646), on constate une réduc- sein ? tion significative de14 % (IC : 4-22 %) des cancers toutes formes confondues, de 18 % (IC : 3-30%) des cancers du sein en général et de 20 % (IC : 4-34 %) des cancers du sein « invasifs » . Tran 2014 [10] 644 personnes (60-84 ans ; Pas de réduction signifi- En stratifiant les résultats de l’étude en fonction Est-ce qu’une supplé- 54 % d’hommes, 46 % de cative de la consomma- de l’âge des participants, une réduction significa- mentation mensuelle en femmes) on reçu pendant 12 tion d’antibiotiques avec tive de 48 % (IC : 10-68 %) de la consommation vitamine D peut réduire mois soit 30 000 UI de vitamine la vitamine D mais une d’antibiotiques était constatée chez les sujets la consommation d’anti- D par mois, soit 60 000 UI par tendance non significative de 70 ans et plus qui avaient reçu 60 000 UI par biotiques ? mois, soit un placebo . (-28 % ; IC : -52 % à +7 %) mois. Pas d’effet dans les autres sous-groupes. chez ceux qui ont reçu 60 000 UI par mois. RCT : Randomized Controlled Trial ; IC : intervalle de confiance

60 MCED n°86 – Janvier 2017 MISE AU POINT JNDES

Tableau 2. Paramètres et conditions à contrôler pour une évaluation efficace des effets de la vitamine D dans des études d’intervention contrô- lées contre placebo.

Conditions permettant d’optimiser la puissance statistique (conditions communes aux essais de médicaments et de nutriments)

La taille de l’échantillon et la durée de l’essai doivent être calculées de manière appropriée en fonction de la fréquence de l’événe- ment étudié dans la population recrutée. Elles dépendent de l’état clinique de base des patients (échantillon plus grand et/ou durée plus longue si la maladie étudiée est peu active chez les patients recrutés). L’adhérence/observance doit être optimisée (les nouvelles technologies permettent de rappeler aux patients l’importance de prendre bien le traitement auquel ils ont été assignés).

Conditions particulières à un essai avec la vitamine D

Privilégier la vitamine D3 par rapport à la vitamine D2.

S’assurer que les apports calciques des patients sont corrects.

Administrer des doses journalières ou des doses « espacées ». Si le choix se porte sur des doses espacées, les doses ne doivent pas être trop fortes (< ou = 100 000 UI) et pas trop espacées (idéalement ≤ à 1 mois). Le choix de la dose à administrer dépendra de la pathologie à étudier (voir dans la littérature). La dose devra être au moins égale à 800 UI/jour (souvent plus).

Les éventuels suppléments de vitamine D pris par les patients avant l’étude devront être arrêtés.

Il sera important de recruter des patients ayant des taux bas de 25OHD (en tous cas des taux bien inférieurs aux concentrations qui seront ciblées dans l’étude) afin d’observer une franche élévation de ce paramètre biologique d’une part, et d’avoir un groupe placebo « déficitaire » d’autre part. leurs, de nombreuses autres études n’ont fiable des médicaments selon le concept de Références pas montré d’effets bénéfiques et seules la médecine fondée sur les preuves, ne de- 1. Sanders KM, Stuart AL, Williamson EJ, et al. deux études, où une très forte dose (500 000 vrait toutefois pas obligatoirement s’appli- Annual high-dose oral vitamin D and falls and frac- tures in older women : a randomized controlled trial. UI de vitamine D3 per os par an pendant 4 quer systématiquement à l’évaluation des JAMA 2010 ; 303 :1815-22. ans [1], et 300 000 UI IM par an [2]) a été effets de la vitamine D (ou de n’importe 2. Smith H, Anderson F, Raphael H, et al. Effect of administrée, ont rapporté des résultats plus quel autre nutriment), ou, tout du moins, de- annual intramuscular vitamin D on fracture risk in elderly men and women--a population-based, ran- mauvais dans le groupe traité par vitamine vrait être adaptée. Après tout, la vitamine D domized, double-blind, placebo-controlled trial. D que dans le groupe placebo avec un excès n’est pas vraiment un médicament ou, tout Rheumatology (Oxford) 2007 ; 46 :1852-57. transitoire (pendant les 3 mois qui suivaient du moins, n’est pas un médicament comme 3. Autier P, boniol M, Pizot C, Mullie P, et al. Vitamin D status and ill health : a systematic review. Lancet l’administration) de chutes et de fractures. les autres dont la concentration sanguine Diab Endocrinol 2014 ; 2 :76-89. Les raisons pouvant potentiellement expli- basale chez des sujets qui sont recrutés pour 4. Bischoff Ferrari H, willett WC, Orav EJ, et al. A quer les discordances entre les résultats de participer à une étude d’intervention est par pooled analysis of vitamin D dose requirements for fracture prevention. N Engl J Med 2012 ; 367 :40-49. ces différentes études d’intervention sont définition égale à zéro. Si on recrute des 5. Witham MD, Nadir MA, Struthers AD. Effect of multiples. Parmi les plus fréquemment patients pour une étude d’intervention avec vitamin D on blood pressure : a systematic review citées, on retiendra l’utilisation de doses de la vitamine D sans tenir compte de leur and meta-analysis. J Hypertens 2009 ; 27 :1948-54. 6. Larsen T, Mose FH, Bech JN, et al. Effect of trop faibles, une mauvaise observance, des concentration circulante de 25OHD, on cholecalciferol supplementation during winter effectifs trop faibles, une durée d’étude trop peut s’attendre à ce que la moitié environ ne months in patients withhypertension : a randomized, placebo-controlled trial. Am J Hypertension 2012 ; courte, et l’inclusion de patients non défici- soient pas déficitaires. Quelques exemples 25 :1215-22. taires en vitamine D. Il faut reconnaître que de discordances entre les résultats d’études 7. Mason C, Xiao L, Imayama I, et al. Vitamin D3 l’analyse en intention de traiter des essais ou méta-analyses analysées d’une part en supplementation during weight loss : a double-blind randomized controlled trial. Am J Clin Nutr 2014 ; d’intervention regroupés en méta-analyses IT et d’autre part après stratification sur cer- 99 :1015-25. conclut en général à une absence d’effets tains critères sont donnés dans le Tableau 1. 8. Chlebowski R, Johnson KC, Kooperberg C, et al. Calcium plus vitamin D supplementation and de la vitamine D sur ces cibles « non-clas- Cela dit, les essais contrôlés resteront le the risk of breast cancer. J Natl Cancer Inst 2008 ; siques » (c’est-à-dire en dehors des effets « gold standard » et il semble donc im- 10 0 :1581-91. sur les fractures, les chutes et le métabo- portant de définir des conditions pour ces 9. Bolland M, G rey A, Gamble GD, Reid I R. Calciu m and vitamin D supplements and health outcomes : a lisme phospho-calcique) ou tout du moins à études permettant d’éviter au mieux les reanalysis of the Women’s Health Initiative (WHI) des effets mineurs et souvent non significa- biais d’interprétation (voir le Tableau 2 limited-access data set. Am J Clin Nutr 2011 ; tifs [3], en dehors d’une réduction modeste pour une tentative de liste). 9 4 :114 4 - 49. 10. Tran B, Armstrong BK, Ebeling PR, et al. Effect mais significative de la mortalité (ce qui of vitamin D supplementation on antibiotic use : a n’est déjà pas si mal !). L’analyse en inten- JC. Souberbielle randomized controlled trial. Am J Clin Nutr 2014 ; 9 9 :156 - 61. tion de traiter, nécessaire à une évaluation [email protected] 61 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES MISE AU POINT

MISE AU POINT : SURRÉNALES

Hyperaldostéronisme primaire, consensus de la SFE/SFHTA/AFCE

Laurence Amar1, Jean Philippe Baguet2, Stéphane Bardet3, Philippe Chaffanjon4,5, Bernard Chamontin6, Claire Douillard7, Pierre Durieux8,9, Xaxier Girerd10, Philippe Gosse11, Anne Hernigou12, Daniel Herpin13, Pascal Houillier14, Xavier Jeunemaitre15, Francis Joffre16, Jean-Louis Kraimps17, Hervé Lefebvre18, Fabrice Ménégaux19,20, Claire Mounier-Véhier21, Juerg Nussberger22, Jean-Yves Pagny23, Antoinette Pechère24, Pierre- François Plouin12,Yves Reznik25, Olivier Steichen26, Antoine Tabarin27, Maria-Christina Zennaro28,29,30, Franck Zinzindohoue31, Olivier Chabre32 1 Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Hôpital Européen Georges Pompidou, Unité d’Hypertension Artérielle, 2 Service de Cardiologie, centre d’excellence en hypertension, Clinique Mutualiste de Grenoble, Grenoble 3 Centre François Baclesse, Service de Médecine Nucléaire, Caen 4 CHU Grenoble, Département de Chirurgie Thoracique, Vasculaire et Endocrinienne 5 Université Grenoble Alpes, LADAF-Laboratoire d’Anatomie Des Alpes Françaises, UFR de Médecine 6 Centre Hospitalo-Universitaire Rangueil, Service de Médecine Interne et d’Hypertension Artérielle, Toulouse 7 Service d’endocrinologie et des maladies métaboliques, Centre Hospitalier Régional Universitaire de Lille 8 Santé Publique et Informatique Médicale, Hôpital Européen Georges Pompidou 9 Centre Cochrane Français, Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris 10 Pôle Coeur Métabolisme, Unité de Prévention Cardiovasculaire, Groupe Hospitalier Universitaire Pitié-Salpêtrière 11 Service de Cardiologie/Hypertension CHU Bordeaux, Bordeaux, France 12 Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Hôpital Européen Georges Pompidou, Unité d’Hypertension 13 Service de Cardiologie, Centre Hospitalier Universitaire de Poitiers 14 Département des maladies rénales et métaboliques, Hôpital Européen Georges Pompidou, Assistance Publique– Hôpitaux de Paris 15 INSERM, UMRS 970, Paris Cardiovascular Research Center, Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Hôpital Européen Georges Pompidou, Service de Génétique 16 Centre Hospitalo-Universitaire Rangueil, Département de Radiologie, Toulouse 17 CHU Poitiers, Hôpital Jean Bernard, Chirurgie Générale et Endocrinienne, Université de Poitiers, Faculté de Médecine 18 Service d’endocrinologie, Centre Hospitalier Universitaire, Rouen 19 Sorbonne Universités, UPMC Univ Paris 06, Faculté de Médecine 20 AP-HP, Pitié Salpêtrière, Service de Chirurgie Digestive et Viscérale 21 Service de Médecine Vasculaire et Hypertension Artérielle, Centre Hospitalier Universitaire de Lille 22 Service de Médecine Interne (unité vasculaire et d’hypertension), Centre Hospitalier Universitaire de Lausanne, Suisse 23 Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Hôpital Européen Georges Pompidou, Département de Radiologie 24 Unité d’Hypertension, Hopital Universitaire de Genève, Suisse 25 Service d’Endocrinologie et Maladies Métaboliques, CHU Côte de Nacre, Caen 26 AP-HP, Hôpital Tenon, Service de Médecine Interne 27 Service d’Endocrinologie, Hôpital Haut Lévêque, CHU de Bordeaux 28 INSERM, UMRS 970, Paris Cardiovascular Research Center 29 Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité 30 Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Hôpital Européen Georges Pompidou, Service de Génétique 31 Service de chirurgie viscérale et digestive, Hôpital Européen Georges Pompidou 32 Endocrinologie, Pavillon des Ecrins, CHU de Grenoble Mots clés : hyperaldostéronisme, aldostérone, surrénale, adénome de Conn, HTA secondaire, hyperplasie

’hyperaldostéronisme primaire (HAP) importante que ne le voudrait le seul niveau spécifique. L’objectif de ce consensus est Lest une des causes les plus fréquentes tensionnel. Pour prévenir ces complications d’offrir un guide diagnostique et thérapeu- d’hypertension artérielle secondaire. Non il est essentiel que les patients porteurs d’un tique aux différents médecins susceptibles traité l’HAP est responsable d’une morbi- HAP puissent être identifiés, et bénéficier de prendre en charge des patients porteurs dité cardio-vasculaire considérable, plus d’un traitement médical ou chirurgical d’un HAP. 62 MCED n°86 – Janvier 2017 MISE AU POINT JNDES

Tableau 1. Recommandations abrégées sur les indications à rechercher un HAP.

N° Recommandations Force Preuve

HTA sévère* R1.1 grade 3, PA systolique≥ 180 mmHg Fort ++ et/ou PA diastolique ≥ 110 mmHg HTA résistante * R1.2 PA ≥ 140/90 mmHg malgré les règles hygiéno-diététiques et au moins trois médicaments antihypertenseurs à Fort ++ dose optimale, dont un diurétique thiazidique (ou de l’anse si insuffisance rénale) HTA et hypokaliémie R1.3 Kaliémie <3,5 mmol/l, de façon permanente ou intermittente, spontanée ou induite par un diurétique, en l’ab- Fort ++ sence de pertes digestives évidentes

R1.5 Incidentalome surrénalien avec HTA ou hypokaliémie Fort ++

HTA et retentissement sur les organes cibles ou morbidité cardiovasculaire disproportionnées avec le R1.6 Faible ++ niveau de PA et la durée d’évolution de l’HTA* ** * R1.4 y compris si la kaliémie est normale

** R1.7 Compte tenu de l’absence d’incidence thérapeutique, les indications de dépistage d’une atteinte des organes cibles sont les mêmes chez les patients avec HAP que dans la population hypertendue générale.

Hypertension avec au moins une des caractéristiques suivantes, méthode GRADE, avec une expression de ou associée à : la force de la recommandation et de son niveau de preuve. Trois réunions plénières ont eu lieu à Paris Hypokalémie* dans les locaux de la SFE et de la SFHTA en 2013 et de multiples échanges par voie élec-

Retentissement tronique ont eu lieu à l’intérieur de chaque Incidentalome disproportionné Sévère Résistante Hypokalémie* surrénalien groupe et entre les différents groupes. Les sur organes cibles textes des recommandations de chaque groupe ont été évalués et adaptés par l’en- semble du groupe. Une présentation orale du travail a eu lieu lors du congrès de la SFE à Paris le 6 Octobre 2013, et du congrès de Dépistage d’un hyperaldostéronisme primaire la SFHTA à Paris le 20 Décembre 2013. L’écriture des recommandations et des ar- * Hypokaliemie sans perte digestive évidente. ticles de synthèse de la littérature s’est en- suite poursuivie jusqu’en 2015, en prenant Figure 1. Situations cliniques justifiant un dépistage de l’hyperaldostéronisme primaire. en compte les travaux jugés significatifs publiés entre 2013 et 2015. Les textes des La Société Française d’Endocrinologie Ces experts se sont répartis en 7 groupes recommandations et des articles de syn- (SFE), en collaboration avec la Société de travail sur chacun des thèmes suivants : thèse ont été soumis à une révision interne Française d’Hypertension artérielle épidémiologie ; premières étapes diagnos- avant publication [1-8]. (SFHTA) et l’Association Francophone de tiques ; confirmation diagnostique ; dia- Le manuel présenté ci-dessous a été Chirurgie Endocrinienne (AFCE), a ainsi gnostic étiologique ; formes génétiques ; construit pour permettre un accès rapide pris l’initiative, en 2013, de construire un traitement chirurgical ; traitement médical. aux recommandations. Ce manuel repro- consensus sur la prise en charge de l’HAP, Chacun des groupes avait pour mission duit les résumés de chacun des articles de en réunissant un groupe de 27 experts d’élaborer des recommandations à partir synthèse, une présentation abrégée des francophones choisis parmi différentes d’une analyse des travaux scientifiques ju- recommendations contenues dans chaque spécialités concernées par cette pathologie : gés significatifs, publiés dans les 20 der- article et des schémas récapitulatifs. Pour endocrinologie, cardiologie, néphrologie, nières années. L’analyse de la littérature comprendre la base des recommandations chirurgie endocrine, médecine interne, gé- devait être documentée par un article de de chaque article il reste indispensable de nétique, radiologie, médecine nucléaire, et synthèse et la rédaction des recomman- prendre connaissance de chacun des ar- un méthodologiste. dations s’inspirer de celle proposée par la ticles de ce consensus. 63 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES MISE AU POINT

Suspicion d’hyperaldostéronisme primaire (HAP) (tension artérielle systolique [TAS] > 180 mmHg ou tension artérielle dias- tolique [TAD] > 110 mmHg). Aldostérone, rénine en conditions standardisées Calculer le RAR après correction des valeurs de rénine très basses • HTA résistante (TAS > 140 m m Hg ou Comparer le RAR au seuil diagnostique (SD) dans les unités appropriées TAD > 90 mmHg malgré trithérapie comprenant un thiazidique). • HTA associée à une hypokaliémie, Aldo > 550 pmol/L (200 pg/ml) 240 pmol/L (90 pg/ml) < Aldo < 550 pmol/L (200 pg/ml) Aldo < 240 pmol/L (90 pg/ml) et RAR > seuil et RAR > seuil et RAR < seuil qu’elle soit spontanée ou associée à la prise d’un diurétique. • HTA ou hypokaliémie associée à un incidentalome surrénalien. HAP confirmé Charge sodée intraveineuse* HAP éliminé Il faut souligner qu’un HAP peut être responsable d’HTA sans hypokaliémie * Si le test de charge sodée est contre-indiqué par une insuffisance cardiaque, réaliser un test au captopril. et, plus rarement, d’une hypokaliémie Figure 2. Diagnostic positif de l’hyperaldostéronisme primaire. sans HTA. Par ailleurs, dans la mesure où la morbi- Tableau 2A. Impact des traitements sur le SRAA et délai d’interruption du traitement avant dité cardiovasculaire et rénale de l’HAP exploration (RAR : rapport aldostérone sur rénine ; FN : faux-négatif ; FP : faux-positif) est plus élevée que celle observée dans une Délai d’interruption hypertension essentielle de même niveau Médications Aldostérone Rénine RAR (en semaines) tensionnel, il apparaît justifié de recher- cher un HAP : Diurétiques thiazi- gh hh i (FN) 2 diques • Lorsque le retentissement cardiovas- h hh i culaire ou rénal de l’hypertension ap- Diurétiques de l’anse (FN) 2 paraît disproportionné avec le niveau Antag. Rc minéra- h hh i(FN) 6 tensionnel. locortic.

IEC et Sartan i hh i (FN) 2 Premières étapes diagnostiques [3] et tests de confirmation [4] (Tableaux 2 et 3, Figure 2) h si RD h (FN) Inhibiteur de la rénine i 6 i si ARP h (FP) Chez les patients suspects d’hyperaldosté- i ii h β-bloqueur (FP) 2 ronisme primaire (HAP) la première étape Agoniste alpha2 cen- i ii h (FP ?) 2 (idéalement) diagnostique, dite de dépistage, doit avoir tral (clonidine) une sensibilité et une valeur prédictive AINS i ii h (FP) 2 (idéalement) négative élevées. Le rapport aldostérone/ rénine (RAR) est choisi car il présente IRS h h i (FN) ? une sensibilité meilleure et une variabilité moindre que les autres mesures (kaliémie, Tableau 2B. Seuils diagnostiques minimaux du rapport aldostérone sur rénine (RAR) pour le aldostéronémie, aldostéronurie). Le calcul diagnostic d’hyperaldostéronisme primaire chez un patient exploré en conditions standardi- sées du RAR est fait à partir de la mesure de l’aldostérone plasmatique (AP) et la mesure Activité rénine Activité rénine Rénine directe Rénine directe plasmatique plasmatique de la rénine : soit en activité (ARP), soit en mIU/l pg/ml= CmIU/L ng/ml/h pmol/l/mn mesure directe (RD). Ces mesures doivent être réalisées en Aldostérone 64 64xC 830 70 pmol/L conditions standardisées : • le matin, Aldostérone 23 23xC 300 25 • plus de 2 heures après le lever, pg/ml (=ng/l) • en position assise depuis 5 à 15 minutes, Epidémiologie de l’hyperaldostéronisme les patients hypertendus varie de 6 à 18 • en régime normosodé, en normo-ka- primaire (HAP) : chez qui rechercher un %. Cette prévalence est plus élevée dans liémie et sans traitement interférant HAP ? [2] (Figure 1, Tableau1) chacune des conditions, qui justifient de significativement avec le système rénine rechercher systématiquement un HAP angiotensine (Tableau 2A). Selon les études, la prévalence de l’hy- (une seule condition est suffisante) : Les médicaments qui peuvent être pour- peraldostéronisme primaire (HAP) chez • Hypertension artérielle (HTA) sévère suivis pendant l’exploration comprennent 64 MCED n°86 – Janvier 2017 MISE AU POINT JNDES

Tableau 3. Recommandations abrégées sur le diagnostic positif d’hyperaldostéronisme primaire.

N° Recommandations Force Preuve

R2.1 Mesure du Rapport Aldostérone/Rénine (RAR) en conditions standardisées Fort ++

R2.2 Valeurs seuils du RAR dans les différents systèmes d’unités (Tableau 2) Fort ++

R2.3 RAR < seuil et/ou Aldo<240 pmol/L (9 ng/dl) entre «à deux reprises» et «HAP exclu» Fort ++ R3.3

R3.4 RAR > seuil et Aldo>550 pmol/L (20 ng/dl, 200 pg/ml), à deux reprises : HAP affirmé Fort ++

RAR > seuil et 240 pmol/L (9 ng/dl)

Tableau 4. Recommandations sur le diagnostic étiologique d’un HAP.

N° Recommandations Force Preuve

Imagerie en coupe (TDM ou IRM) R4.1 Faible + à réaliser chez tous les patients Cathétérisme des veines surrénaliennes (CVS) : indication R4.2 Fort + pas de CVS chez les patients qui ne sont pas candidats à la chirurgie Cathétérisme des veines surrénaliennes (CVS) : indication R4.4 réaliser un CVS chez les candidats à la chirurgie de plus de 35 ans, quel que soit le résultat de l’imagerie Faible ++ des surrénales Cathétérisme des veines surrénaliennes (CVS) : réalisation cathétérisme simultané des deux veines surrénales, R4.3 sans stimulation par l’ACTH, Faible ++ seuil de sélectivité ≥2, seuil de latéralisation ≥4 Imagerie fonctionnelle R4.5 Faible + non indiquée Test de posture R4.6 Faible ++ non indiqué les alpha-bloquants et les inhibiteurs cal- Chez les patients qui présentent un RAR a des limitations et leur validation reste ciques (idéalement non dihydropyridi- supérieur au seuil diagnostique à deux incomplète. niques et de longue durée d’action). reprises, et une aldostérone plasmatique Nous recommandons d’utiliser le Pour éliminer les élévations du RAR liées supérieure à 550 pmol/L (20 ng/dL), le dia- test de freination de l’aldostérone par essentiellement à des valeurs de rénine gnostic d’HAP pourra être affirmé sans charge sodée intraveineuse. Si ce test est très basses, le calcul du RAR n’est appli- étape diagnostique supplémentaire. contre-indiqué par une fonction cardiaque qué que si l’aldostérone est > 240 pmol/L Chez les patients qui ne sont pas dans l’une trop altérée nous recommandons d’utili- (90 pg/mL) et on majorera à 5 mU/L les de ces deux situations, une étape diagnos- ser le test de stimulation de la rénine par valeurs de RD < 5mUI/L et à 0,2 ng/mL/h tique supplémentaire est nécessaire, sous administration de captopril. les valeurs d’ARP < 0,2 ng/mL/h. Il est la forme d’un test dynamique de confir- alors proposé un seuil du RAR dont l’ex- mation. Diagnostic étiologique d’un HAP [5] pression dépend des unités utilisées et des Plusieurs tests sont basés sur la mesure de (Tableau 4, Figure 3) facteurs de conversion (Tableau 2B). la freination d’aldostérone au cours d’une Chez les patients qui présentent un RAR expansion volémique par charge sodée ou L’enquête étiologique des hyperaldosté- inférieur au seuil diagnostique à deux re- par administration de fludrocortisone, ou ronismes primaires doit distinguer les cas prises, et/ou une aldostérone plasmatique au cours d’une inhibition de l’enzyme de avec ou sans hypersécrétion latéralisée, inférieure à 240 pmol/L (9 ng/dL), le dia- conversion par captopril. Un test est basé car seuls les premiers peuvent bénéficier gnostic d’HAP pourra être rejeté sans sur la stimulation de rénine par adminis- d’une surrénalectomie unilatérale pour étape diagnostique supplémentaire. tration de furosémide. Chacun de ces tests supprimer l’hypersécrétion, contrôler l’hy- 65 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES MISE AU POINT

Tableau 5. Recommandations abrégées sur le diagnostic génétique d’HAP.

N° Recommandations Force Preuve

R5.1.1 Recherche de FH-I si Fort ++ HAP avant 20 ans ou HAP et ATCD familial HAP ou HAP et ATCD familial AVC <40 ans R5.1.2 Diagnostic de FH-I Recherche du gène hybride CYP11B1/B2 Fort ++++ R5.1.3 Par long-range PCR ou Southern Blot R5.2.1 Recherche de FH-III si HAP avant 20 ans ou HTA résistante avec hypokaliémie avant 20 ans ou ATCD Familial HAP <20 ans ou Fort ++ HAP et Hyperplasie surrénalienne bilatérale à l’imagerie R5.2.2 Diagnostic de FH-III Démontrer l’absence du gène hybride CYP11B1/B2. Recherche d’une mutation récurrente du gène KCNJ5 Fort ++++ R5.2.3 par séquençage du gène KCNJ5 (exon 2) R5.3.1 Recherche de FH-II si Faible + HTA avec histoire familiale d’HAP confirmé R5.3.2 Diagnostic de FH-II Faible ++ Confirmation HAP. Exclusion diagnostic génétique de FH-I et FH-III R5.4.1 Recherche d’une maladie génétique associant HAP, crises épileptiques et syndrome neurologique chez l’enfant si Faible + HTA précoce et HAP dans le cadre d’un syndrome neurologique avec crises épileptiques R5.4.2 Diagnostic génétique d’un HAP avec crises épileptiques et syndrome neurologique Fort ++ Séquençage du gène CACNA1D R5.5.1 Recherche de FH-IV si Faible + HTA précoce et un HAP avant l’âge de 10 ans R5.5.2 Diagnostic de FH-IV Fort ++ Séquençage du gène CACNA1H pertension et s’il y a lieu l’hypokaliémie. HAP confirmé En dehors des cas exceptionnels d’hype- raldostéronisme familial de type 1 ou 3, Imagerie surrénalienne par TDM ou IRM pour lesquels il y a un diagnostic géné- tique mais pas d’indication opératoire, le diagnostic de latéralisation repose sur Age > 35 ans quelle que soit l’imagerie Age < 35 ans et adénome unilatéral l’imagerie en coupes et sur le cathétérisme Age < 35 ans toute imagerie sauf adénome unilatéral veineux surrénal. En effet les tests de posture n’ont pas de

Projet de chirurgie surrénalienne éventuelle HAP latéralisé valeur décisionnelle, la scintigraphie au 131I-norcholesterol a une performance in- suffisante et la tomographie par émission Refusé Accepté de positons au 11C-metomidate n’est pas encore disponible.

Cathétérisme des veines Proposition de chirurgie Nous suggérons la pratique d’une image- surrénaliennes (IS>2) surrénalienne rie en coupes dans tous les cas d’hype- raldostéronisme documenté. L’imagerie montre exceptionnellement un carcinome IL < 4 IL > 4 corticosurrénal où l’objectif opératoire est carcinologique. Elle peut montrer des sur-

HAP non latéralisé HAP latéralisé Acceptée Refusée rénales normales ou hyperplasiques ou un adénome unilatéral. Elle expose à des faux positifs (association d’un incidenta- Traitement médical Chirurgie surrénalienne unilatérale Traitement médical lome après 35 ans) et à des faux négatifs (hyperplasie primaire unilatérale). Figure 3. Diagnostic étiologique et traitement d’un hyperaldostéronisme primaire confirmé. Nous suggérons de la compléter, chez 66 MCED n°86 – Janvier 2017 MISE AU POINT JNDES

Tableau 6. Recommandations abrégées sur le traitement chirurgical de l’HAP.

N° Recommandations Force Preuve

Décision chirurgicale après informations suivantes au patient : • le nodule surrénalien est bénin • les résultats des traitements médical et chirurgical sont comparables R6.11 • le traitement médical est à vie, pas toujours bien toléré Fort + • le traitement chirurgical des formes latéralisées peut être différé si traitement médical • le traitement chirurgical permet de réduire le traitement médical, mais ne le supprime que dans 50% des cas La discussion chirurgicale doit avoir lieu avant le CVS. R6.12 Fort + La décision de réaliser un CVS peut être précédée d’un traitement médical d’épreuve.

R6.1 Voie d’abord laparoscopique pour la surrénalectomie Faible +++

Abord transpéritonéal, rétropéritonéal et chirurgie robot assistée possibles R6.2 Faible + Selon le choix du chirurgien et le profil du patient Surrénalectomie unilatérale totale pour HAP latéralisé, R6.3 Faible + plutôt que surrénalectomie unilatérale partielle

R6.4 Chirurgien expérimenté dans centre de référence Faible +

Chirurgie ambulatoire pour patients sélectionnés R6.5 Faible ++ dans un centre de référence Traitement préopératoire par antagoniste du récepteur des minéralocorticoïdes, et supplémentation R6.6 Faible + potassique si hypokaliémie Arrêt juste avant chirurgie des antagonistes du récepteur des minéralocorticoïdes, des autres antihy- R6.7 Faible + pertenseurs, du potassium, du régime hyposodé Surveillance post opératoire de PA et K+ Faible R6.8 Reprise antihypertenseur si HTA + Fludrocortisone si hypotension ou hyperkaliémie persistantes Réévaluation hormonale post opératoire : + R6.9 • si persistance HTA ou hypoK Faible + • envisageable même si rémission clinique et biologique Fort Pas de suivi après un an postop si PA et K+ normaux R6.10 + Suivi approprié au diagnostic (HTA essentielle ou HAP persistant) des patients restant hypertendus les candidats à la chirurgie de plus de 35 ce jour 4 formes d’HAP transmises de façon et aucun test génétique ne peut être proposé ans, par un cathétérisme veineux surrénal autosomique dominante ont été décrites : les aux patients. pour confirmer que l’hypersécrétion est hyperaldostéronismes familiaux (FH), de Le FH-III se caractérise par une HTA sé- unilatérale. type I à IV. vère, d’apparition précoce chez l’enfant et Nous suggérons un cathétérisme simulta- Le FH-I, ou hyperaldostéronisme suppres- résistante au traitement, accompagnée d’une né des deux surrénales, sans stimulation sible par les glucocorticoides, est caracté- hypokaliémie profonde. Des cas modérés, par l’ACTH ; de confirmer sa sélectivité risé par une hypertension (HTA) précoce ressemblant à un FH-II, ont été décrits. Il par une cortisolémie au moins double et sévère, le plus souvent avant l’âge de 20 est dû à des mutations gain-de-fonction du dans chaque veine surrénale que dans le ans. Il est dû à un gène hybride entre les gène KCNJ5. sang veineux mêlé ; et de considérer que gènes adjacents CYP11B1 (codant pour la Récemment une quatrième forme d’HAP l’hypersécrétion est latéralisée si l’aldos- 11β-hydroxylase) et CYP11B2 (codant pour familial, FH-IV, a été décrite chez des pa- téronémie standardisée par la cortisolé- l’aldostérone synthase). Le FH-I est souvent tients avec une HTA et un HAP avant l’âge mie est au moins quatre fois plus élevée du associé à une histoire d’accident vasculaire de 10 ans. Il est associé à des mutations du côté dominant que du côté opposé. cérébral avant l’âge de 40 ans. gène CACNA1H. Très rarement l’HAP Le FH-II présente les mêmes caractéris- peut s’associer à un syndrome neurologique Diagnostic génétique d’HAP [6] (Tableau 5) tiques qu’un HAP sporadique et n’est dia- complexe avec crises épileptiques (Primary gnostiqué que sur la base de deux ou plu- Aldosteronism, Seizures, and Neurologic Bien que la majorité des cas d’hyperaldosté- sieurs membres atteints dans une famille. Abnormalities (PASNA)) en relation avec ronisme primaire (HAP) soit sporadiques, à Il n’y a pas de gène causal identifié à ce jour des mutations de novo du gène CACNA1D.

67 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES MISE AU POINT

Tableau 7. Recommandations abrégées sur le traitement médical de l’HAP.

N° Recommandations Force Preuve

Spironolactone en première intention si HAP non latéralisé. R7.1 Fort +++ Spironolactone si HAP latéralisé mais chirurgie non acceptée ou impossible. Si intolérance à la spironolactone : amiloride R7.2 Fort ++ en remplacement ou en association avec dose plus faible Si hypokaliémie non maitrisée et intolérance à spironolactone R7.3 Fort + préférer amiloride à sels de potassium Eplérenone : R7.4 Fort + uniquement si intolérance à spironolactone et inefficacité de l’amiloride En deuxième ou troisième ligne R7.15 Faible + inhibiteur calcique et/ou un diurétique thiazidique.

Chirurgie surrénalienne dans l’hyperaldos- L’administration de spironolactone dans Traitement médical de l’hyperaldostéro- téronisme primaire [7] (Tableau 6, Figure 3) les semaines précédant la chirurgie per- nisme primaire [8] (Tableau7, Figure3) met de contrôler l’HTA et l’hypokaliémie, Le traitement de l’hyperaldostéronisme et peut-être de prévenir l’hypoaldostéro- La spironolactone, antagoniste du récep- primaire vise à prévenir ou corriger l’hy- nisme postopératoire. teur minéralocorticoïde, est le médica- pertension, l’hypokaliémie et le retentis- Dans la plupart des cas, la chirurgie corrige ment à proposer en première intention sement direct sur les organes cibles. l’hypokaliémie, améliore le contrôle de la dans le traitement médical de l’hyperal- Les patients avec une hypersécrétion la- pression artérielle et diminue la charge des dostéronisme primaire (HPA). Comme téralisée d’aldostérone et candidats à la traitements pharmacologiques ; dans environ la spironolactone est également antago- chirurgie peuvent bénéficier d’une surré- 40 % des cas elle guérit l’hypertension. niste du récepteur des androgènes et de la nalectomie laparoscopique. Toutefois, le contrôle de l’hypertension et la progestérone elle a des effets indésirables La surrénalectomie partielle et les abla- réversibilité du retentissement sur les organes en particulier chez l’homme. tions non chirurgicales n’ont pas d’avan- cibles sont comparables avec les antagonistes En cas d’intolérance à la spironolactone, tage avéré par rapport à la surrénalectomie du récepteur des minéralocorticoïdes. l’amiloride permet un bon contrôle de totale. La morbi-mortalité peropératoire Les préférences du patient pour ou contre l’hypokaliémie et nous suggérons que est faible dans les centres de référence, la chirurgie sont donc un élément impor- l’éplérénone, antagoniste plus sélectif du autorisant la chirurgie ambulatoire dans tant de la décision thérapeutique, après récepteur minéralocorticoide, soit utilisée des cas sélectionnés. information éclairée. en cas d’intolérance à la spironolactone

En résumé

La SFE, la SFHTA et l’AFCE ont élaboré des recommandations sur la prise en charge de l’hyperaldostéronisme primaire (HAP), à partir d’une analyse de la littérature par 27 experts formant 7 groupes de travail. Un HAP est recherché devant une hypertension artérielle (HTA) présentant une des caractéristiques suivantes : sévère ; résistante ; associée à une hypokaliémie ; associée à un retentissement disproportionné sur les organes cibles, et devant un incidentalome surrénalien avec HTA ou hypokaliémie. Le diagnostic repose sur le rapport aldostérone/rénine (RAR) mesuré en conditions standardisées. L’expression du seuil diagnos- tique (SD) dépend des unités de mesure. Lorsque le RAR est > SD et l’aldostérone > 550 pmol/L (> 200 pg/mL) à 2 reprises, le diagnostic est affirmé, si aldostérone < 240 pmol/L (< 90 pg/mL) ou RAR< SD il est rejeté. Un SD différent est utilisé si certains médicaments ne peuvent être arrêtés. Dans les situations intermédiaires, un test dynamique est réalisé. Une forme génétique d’HAP est recherchée chez le sujet jeune et/ou en présence d’histoire familiale. Une information sur les résultats des traitements médicaux et chirurgicaux de l’HAP doit être donnée au patient avant de proposer la recherche d’une latéralisation. Celle-ci repose sur le cathétérisme des veines surrénaliennes (CVS), sauf patients < 35 ans avec image d’adénome unilatéral. Si l’HAP est latéralisé, une surrénalectomie unilatérale peut être proposée, elle est encadrée d’adaptations du traitement médical. Si l’HAP n’est pas latéralisé ou si le patient refuse la chirurgie la spironolactone est utilisée en première intention, amiloride, éplérenone, et inhibiteurs calciques sont utilisés si elle est insuffisamment efficace ou mal tolérée.

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3. Douillard C, Houillier P, Nussberger J, Girerd et/ou d’efficacité antihypertensive insuf- X. SFE/SFHTA/AFCE Consensus on Primary fisante de l’amiloride. L. Amar, JP. Baguet, S. Bardet, P. Chaffanjon, Aldosteronism, part 2 : First diagnostic steps. Ann Endocrinol (Paris) 2016 ; 77 :192-201. En deuxième ou troisième ligne nous B. Chamontin, C. Douillard, P. Durieux, X. Girerd, 4. Reznik Y, Amar L, Tabarin A. SFE/SFHTA/ suggérons d’utiliser certains inhibiteurs P. Gosse, A. Hernigou, D. Herpin, P. Houillier, AFCE consensus on primary aldosteronism, part 3 : calciques et/ou un thiazidique. X. Jeunemaitre, F. Joffre, J-L. Kraimps, Confirmatory testing. Ann Endocrinol (Paris) 2016 ; 77 :2 0 2 -7. Le traitement médical de l’HAP semble H. Lefebvre, F. Ménégauxs, C. Mounier-Véhier, 5. Bardet S, Chamontin B, Douillard C, et al. SFE/ avoir une efficacité comparable au traite- J. Nussberger, JY. Pagny, A. Pechère, PF. Plouin, SFHTA/AFCE consensus on primary aldosteronism, ment chirurgical des formes latéralisées Y. Reznik, O. Steichen, A. Tabarin, MC. Zennaro, part 4 : Subtype diagnosis. Ann Endocrinol (Paris) 2016 ; 77 :208-13. d’HAP, sur le plan des résultats tension- F. Zinzindohoue, O. Chabre 6. Zennaro MC, Jeunemaitre X. SFE/SFHTA/AFCE nels et du retentissement cardiovasculaire [email protected] consensus on primary aldosteronism, part 5 : Genetic diagnosis of primary aldosteronism. Ann Endocrinol et rénal. (Paris) 2016 ; 77 :214-9. De ce fait le traitement médical de l’HAP Références 7. Steichen O, Amar L, Chaffanjon P, et al. SFE/ peut être proposé aux patients porteurs SFHTA/AFCE consensus on primary aldosteronism, 1. Amar L, Baguet JP, Bardet S, et al. SFE/ part 6 : Adrenal surgery. Ann Endocrinol (Paris) d’un HAP latéralisé qui refusent la SFHTA/AFCE primary aldosteronism consensus : 2016 ; 77 :220-25. I nt roduction and handbook. A n n Endocr inol (Par is). chirurgie ou aux patients porteurs d’un 2016 ; 77 :179-86. 8. Pechère-Bertschi A, Herpin D, Lefebvre H. SFE/ HAP qui refusent la réalisation d’un ca- SFHTA/AFCE consensus on primary aldosteronism, 2. Baguet JP, Steichen O, Mounier-Véhier C, Gosse part 7 : Medical treatment of primary aldosteronism. thétérisme veineux surrénalien néces- P. SFE/SFHTA/AFCE consensus on primary aldos- Ann Endocrinol (Paris) 2016 ; 77 :226-34. teronism, part 1 : Epidemiology of PA, who should saire pour déterminer si leur HAP est be screened for sporadic PA? latéralisé ou non. Ann Endocrinol (Paris) 2016 ; 77 :187-91.

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Hyperplasie macronodulaire bilatérale des surrénales

Anna Vaczlavik1, Jérôme Bertherat1,2 1 Institut Cochin, INSERM U1016, CNRS UMR8104, Université Paris Descartes 2 Centre de Référence des Maladies Rares de la Surrénale, Service d’Endocrinologie, Hôpital Cochin Mots clés : hypercorticisme, syndrome de Cushing, hyperplasie bilatérale des surrénales, génétique

es tumeurs de la corticosurrénale Dans l’HMBS, plusieurs macronodules Physiopathologie de l’hyperplasie macro- Lpeuvent se présenter sous des formes surrénaliens sont observés en règle dans nodulaire bilatérale des surrénales très variables selon leur taille, leur nature les deux surrénales, pouvant entraîner sécrétoire, leur potentiel évolutif malin ou une augmentation importante du volume Des réponses anormales du cortisol à des non et leur siège, unilatéral ou bilatéral. Les surrénalien. Les surrénales peuvent peser stimuli auxquels ne répond pas la surrénale plus fréquentes sont les adénomes bénins plus de 50 grammes chacune, soit dix fois normale ont été décrites dans l’HMBS. Ces qui peuvent présenter un niveau variable plus qu’une surrénale normale. L’atteinte réponses sont en général médiées par des de sécrétion de cortisol ou sécréter de est en général bilatérale, parfois asymé- récepteurs membranaires. Ceci a conduit l’aldostérone (adénome de Conn). Les tu- trique, et plus rarement unilatérale. Dans à établir le concept de « l’expression illé- meurs bilatérales sont dominées par l’hy- ce dernier cas il n’est pas rare que l’atteinte gitime » de récepteurs membranaires dans perplasie macronodulaire bilatérale des controlatérale se développe avec le temps les syndromes de Cushing d’origine sur- sur rénales (HMBS) et la dysplasie micro- après la surrénalectomie pour une affec- rénalienne. La première démonstration nodulaire pigmentée des surrénales. Cette tion en apparence initialement unilatérale de ce mécanisme de contrôle anormal de dernière est responsable d’un syndrome [1]. L’hypercortisolisme n’est pas toujours la sécrétion de cortisol a été faite pour le de Cushing surrénalien chez l’enfant et dominant dans la présentation clinique, Gastric Inhibitory Polypeptide (GIP) dans l’adulte jeune. L’HMBS a été dénommée l’autonomie de la sécrétion de cortisol le cadre du syndrome de Cushing dépen- sous différents vocables dans la littéra- étant très variable suivant les patients : dant de l’alimentation. Dans cette situa- ture, dont Hyperplasie Macronodulaire cette affection est actuellement aussi fré- tion le cortex surrénalien macronodulaire des Surrénales Indépendante de l’ACTH. quemment découverte de façon fortuite exprime le récepteur du GIP alors que la L’HMBS est diagnostiquée principa- par un examen d’imagerie (entrant alors surrénale humaine normale ne l’exprime lement chez l’adulte entre 40 et 65 ans, dans le cadre des incidentalomes surréna- pas. Ce récepteur est couplé à l’adénylyl avec une légère prédominance féminine. liens « bilatéraux »). cyclase comme le récepteur de l’ACTH. Le

Tableau. Gènes impliqués dans le développement des hyperplasies macronodulaires bilatérales des surrénales.

Altération de la Gène Locus Fonction Manifestations associées fonction Syndrome de McCune-Albright : taches café- GNAS 20q13 Active l’adénylate cyclase h au-lait, dysplasie fibreuse osseuse, acromé- galie, GMN, puberté précoce

MC2R 18q11 Récepteur à l’ACTH h

PKAR1A 17q22-24 i Protéine kinase, effecteur de la voie AMPc Atteinte surrénalienne isolée PKACA 19q13.1 h

PDE11A 2q31-35 Phosphodiestérase, dégrade l’AMPc i

Régulation de la transcription ; réplication et NEM1 : hyperparathyroïdie primaire, adénome Ménine 11q13 i réparation de l’ADN hypophysaire, TNE pancréatique Fumarate 1q42 Enzyme de conversion fumarate / malate i Syndrome HLRCC : cancer rénal, léïomyome hydratase Polypose adénomateuse familiale : adénome Dégradation de la β-caténine, inhibe la voie APC 5q12-22 i et adénocarcinomes coliques, cancers ex- Wnt/ β-caténine tra-coliques, lésions rétiniennes pigmentées

ARMC5 16q11 Rôle pro-apoptotique i Méningiome décrits

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p.R267X Variants identifiés en germinal p.A296Cfs*34 p.A702_S706del p.315W p.T715Lfs*2 p.57Efs*80X p.R315Q p.L754P p.I58Nfs45X P.L318V p.R764X P.Q86X p.R364X p.L548P p.S779X p.A104Gfs*7 p.365P p.C579Sfs*50 p.T643M p.H808P p.A110fs*9 p.W386X p.R593W p.C657R p.826H + microdélétion c.476-1G>C p.L394P p.R619X p.I664S p.R898W

Protéine Exon 1 Exon 2 Exon 3 Exon 4 Exon 5 Exon 6 ARMC5

Répétition Armadillo + LOH p.K31X p.A206Dfs*22 p.R315W p.A492Pfs*52 p.R654X p.F700del p.L40X p.L220Sfs*35 p.L331P p.T503Pfs*34 p.C657W p.L705Ffs*12 p.I58Nfs*44 p.Q235X p.P347S p.V584Afs*19 p.L708fs*9 p.A72Lfs*36 p.R362W p.R619X p.Y736S p.R76X p.R362L p.A80G(:)S82Vfs*5 p.E403X p.183Rfs*51 p.T444Pfs*17 p.P93Rfs*40 p.A97Gfs*4 p.103Gfs*22 p.A106Rfs*3 p.S107Gfs*9 Variants identifiés en somatique p.110Pfs*27 p.110Pfs9 p.C139R c.453-475+5del28*

Figure 1. Altérations génétiques d’ARMC5 identifiées à ce jour. GIP, sécrété physiologiquement en période s’intègrent dans des tableaux syndromiques faut de régulation de la voie canonique post-prandiale, entraîne alors une stimula- rares dont l’étiologie génétique est documen- Wnt-β/caténine, déjà connue pour son tion anormale de la sécrétion de cortisol. tée. On peut citer chez l’adulte : implication dans le développement de Chez les patients présentant un hypercor- • la Néoplasie Endocrinienne Multiple tumeurs bénignes et malignes du cortex tisolisme dépendant de l’alimentation ty- de type 1 (NEM1) par mutation ger- surrénalien [6] ; pique, le cortisol à jeun est bas et s’élève minale inactivatrice du gène de la me- • le syndrome léiomyomatose-can- en post-prandial. Le même type de réponse nine MEN1 (chromosome 11q13). La cer rénal qui implique des mutations anormale a aussi été observé pour la LH et ménine est impliquée dans le contrôle inactivatrices de la fumarate hydratase les substances adrénergiques, traduisant du cycle cellulaire et de la prolifération. (1q42.3-43). Une perte de fonction de une sensibilité anormale de la corticosur- La NEM1 associe principalement une cette enzyme mitochondriale est res- rénale aux substances stimulant les récep- hyperparathyroïdie, des adénomes hy- ponsable d’une accumulation de fuma- teurs béta-adrénergiques et le récepteur de pophysaires et des tumeurs pancréa- rate qui, simulant une pseudohypoxie, la LH. La recherche systématique de ré- tiques. Une étude française portant entraîne une augmentation de la gly- ponses anormales traduisant l’expression sur 715 patients atteints d’une NEM1 a colyse, une néovascularisation et une illégitime de récepteurs membranaires trouvé que 20,4 % des patients présen- inhibition de l’apoptose. Ces éléments dans l’HMBS démontre qu’il s’agit d’un taient une atteinte surrénalienne, bien favorisent le développement de tumeurs phénomène fréquent, voire constant, dans qu’une atteinte tumorale bilatérale n’ait rénales papillaires et de tumeurs cuta- cette étiologie particulière de syndrome de été identifiée que chez 1,3 % d’ent re eux nées et utérines aux dépens du muscle. Cushing [2]. Récemment, une production [4]. Des tumeurs du cortex surrénalien Chez un petit nombre de patients at- intra-surrénalienne d’ACTH a été démon- ont également été mises en évidence teints, il a pu être mis en évidence des trée dans cette affection, jouant un rôle chez des souris invalidées pour le gène lésions surrénaliennes multifocales de stimulation locale de la production de MEN1, avec une perte d’hétérozygotie voire bilatérales (4/255 dans une série cortisol [3]. pour le gène d’intérêt au sein du tissu de 2013 [7]) avec la mise en évidence tumoral dans 2/3 des cas, suggérant au niveau tissulaire d’une perte d’hété- Génétique de l’hyperplasie macronodulaire l’implication de MEN1 dans la forma- rozygotie pour le gène de la FH. bilatérale des surrénales (Tableau 1) tion de ces tumeurs [5] ; • le développement à un âge pédiatrique • une augmentation du risque de dévelop- d’une hyperplasie macronodulaire bila- Le caractère bilatéral des tumeurs dévelop- per une HMBS d’un facteur 2 à 4 chez térale primitive des surrénales est décrit pées aux dépens de la corticosurrénale et les patients présentant une polypose dans le syndrome de McCune-Albright la description de formes familiales d’HMBS colique adénomateuse familiale. Les (MAS). Il implique des mutations so- suggèrent une prédisposition génétique au mutations inactivatrices bi-alléliques du matiques activatrices de la sous-unité développement de cette pathologie. Parmi gène suppresseur de tumeur APC (chro- α de la protéine G. Les altérations gé- les formes familiales identifiées, certaines mosome 5q22) sont à l’origine d’un dé- nétiques surviennent en post-zygotique. 71 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES MISE AU POINT

Le phénotype est variable et dépend de B la distribution en mosaïque de la muta- A tion dans les différents tissus. La voie de signalisation de la sécrétion corti- solique peut être affectée puisque le récepteur surrénalien à l’ACTH MC2R (Melanocortin 2 Receptor) est couplé à une protéine G [8]. Des formes a minima de MAS avec atteintes surrénaliennes isolées ont été décrites [9]. Les différents acteurs de la voie de signali- sation A MPc/ PK A qui cont rôle la sécrétion cortisolique en réponse à l’ACTH peuvent être altérés et impliqués dans le développe- ment d’une HMBS. Seul un cas d’HMBS Figure 2. (A) Examen scanographique. (B) Scintigraphie au iodocholestérol dans une hyperpla- secondaire à une mutation activatrice du sie macronodulaire bilatérale des surrénales. récepteur MC2R a été décrit [10]. Les mé- canismes moléculaires de l’expression de la β-caténine. Son mode de transmission Explorations hormonales de l’hyperplasie récepteurs illégitimes activant la voie de répond au modèle en 2 étapes de Knudson : macronodulaire bilatérale des surrénales signalisation AMPc/PKA pour la sécrétion au premier évènement affectant la lignée de cortisol en réponse à des stimuli aberrant germinale s’ajoute un évènement soma- Les explorations biologiques objectivent ne sont pas connus. tique, ici identifié dans le tissu cortico- une élévation de la cortisolurie des 24h qui En aval du récepteur MC2R, des va- surrénalien. L’inactivation d’ARMC5 est souvent modérée et même inconstante riants rares de la phosphodiestérase 11A dans les cellules de la surrénale est res- en l’absence de syndrome de Cushing cli- (PDE11A) ont été retrouvés chez des pa- ponsable du développement de tumeurs nique. Le rythme nycthéméral de la corti- tients présentant une HMBS suggérant fonctionnelles bénignes. Par ailleurs, solémie est habituellement aboli, mais peut que des anomalies de dégradation de il a pu être mis en évidence expérimen- montrer des variations importantes et non l’AMPc affecteraient la voie de signa- talement que l’altération de la fonction physiologiques dans le cas d’un hypercor- lisation du cortisol et le développement d’ARMC5 entraîne un défaut dans le tisolisme dépendant de l’alimentation. Les de macronodules surrénaliens [11]. Des processus d’apoptose. Ces deux éléments concentrations d’ACTH sont basses et non duplications du gène codant la sous-unité suggèrent un rôle suppresseur de tumeur. stimulables par la Corticotropin Releasing- catalytique de la PKA ont également été Le développement de grands nodules de Hormone (CRH) lorsque le syndrome de identifiées dans l’HMBS [12]. la corticosurrénale serait l’élément clé de Cushing est patent. En l’absence d’auto- Plus récemment, les progrès des tech- l’hypercortisolisme puisque l’inactivation nomie franche du cortisol, la concentration niques de génomique ont per mis l’identifi- d’ARMC5 ne semble pas promouvoir la d’ACTH est le plus souvent dans les valeurs cation d’un nouvel acteur dans le dévelop- production de corticostéroïdes. basses de la normale mais reste souvent sti- pement de l’HMBS : ARMC5 (Armadillo A ce jour plus de 70 évènements géné- mulable, rendant l’interprétation des explo- Repeat Containing 5) [13]. Des mutations tiques ont été mis en évidence chez les rations hormonales délicate. Cependant, en inactivatrices d’ARMC5 sont identifiées patients HMBS séquencés. Il s’agit de général, le test de freinage-minute par 1 mg chez environ 25% des patients présentant mutations privées, c’est-à-dire différant le de dexamethasone est déjà pathologique. une HMBS (Figure 1). Ces patients pré- plus souvent d’une famille à l’autre et af- sentent un phénotype plus sévère de la fectant toute la séquence du gène ARMC5. Imagerie de l’hyperplasie macronodulaire maladie avec un syndrome de Cushing Après l’identification d’une mutation des surrénales clinique plus fréquemment rapporté, un inactivatrice d’ARMC5 chez un sujet plus grand niveau d’hypercortisolisme atteint d’HMBS, l’enquête génétique Le scanner surrénalien visualise des et la mise en évidence de tumeurs sur- familiale doit permettre d’identifier les masses surrénaliennes tissulaires bila- rénaliennes de plus grande taille et plus apparentés mutés et de les orienter vers térales, comportant, en règle, plusieurs nombreuses [14]. une surveillance clinique, hormonale nodules individualisables. Un nodule net- La fonction d’ARMC5 était jusqu’alors voire une imagerie surrénalienne afin de tement prédominant peut parfois donner inconnue. Il s’agit d’une protéine de 935 dépister précocement la survenue d’un hy- l’impression d’une masse unique, mais, en acides aminés caractérisée par la répéti- percortisolisme qui, bien que longtemps général, cet aspect n’est pas bilatéral et, à tion en tandem de domaines Armadillo infraclinique dans cette pathologie, est la différence d’un adénome unilatéral, il et dont la structure est proche de celle de dommageable. n’est pas visualisé de surrénale adjacente 72 MCED n°86 – Janvier 2017 MISE AU POINT JNDES

7. Shuch B, Ricketts CJ, Vocke CD, et al. Adrenal atrophique (Figure 2). La scintigraphie au par analogue de la somatostatine. Un trai- nodular hyperplasia in hereditary leiomyomatosis and nor-iodocholestérol confirme le caractère tement de ce type peut ainsi permettre de renal cell cancer. J Urol 2013 ; 189 : 430-35. autonome des deux surrénales avec une contrôler l’hypercortisolisme dépendant 8. Brown RJ, Kelly MH, Collins MT. Cushing syn- drome in the McCune-Albright syndrome. J Clin fixation bilatérale en présence de concen- de l’alimentation. Néanmoins, un échap- Endocrinol Metab 2010 ; 95 : 1508-15. trations effondrées d’ACTH. pement secondaire survient fréquemment. 9. Fragoso MC, Domenice S, Latronico AC, et al. Un traitement par béta-bloquant peut ré- Cushing’s syndrome secondary to adrenocorticotro- pin-independent macronodular adrenocortical hyper- Traitement de l’hyperplasie macronodulaire duire l’hypersécrétion de cortisol liée aux plasia due to activating mutations of GNAS1 gene. J des surrénales stimulations adrénergiques. Enfin un traite- Clin Endocrinol Metab 2003 ; 88 ; 2147-51. 10. Swords FM, Noon LA, King PJ, Clark AJ. ment par analogue de la GnRH permettant Constitutive activation of the human ACTH recep- Le traitement classique du syndrome de d’inhiber la sécrétion de LH peut permettre tor resulting from a synergistic interaction between two naturally occurring missense mutations in the Cushing dans l’HMBS repose sur la sur- de contrôler une hypersécrétion de cortisol MC2R gene. Mol Cell Endocrinol 2004 ; 213 :149-54. rénalectomie, actuellement réalisée le plus induite par cette gonadotrophine [1]. 11. Vezzosi D, Libé R, Baudry C, et al. souvent par voie cœlioscopique. Lorsque Phosphodiesterase 11A (PDE11A) gene defects in patients with acth-independent macronodular adre- l’atteinte est asymétrique une surrénalec- nal hyperplasia (AIMAH) : functional variants may tomie unilatérale peut être discutée. Une A. Vaczlavik, J. Bertherat contribute to genetic susceptibility of bilateral adrenal tumors. J Clin Endocrinol Metab 2012 ; 97 : E2063-69. étude rétrospective a rapporté de bon résul- [email protected] 12. Beuschlein F, Fassnacht M, Assié G, et al. tats d’un geste chirurgical unilatéral [17]. Constitutive activation of PKA catalytic subunit in Il est cependant possible qu’après une pé- Références adrenal Cushing’s syndrome. N Engl J Med 2014 ; 370 :1019-28. riode transitoire d’amélioration l’hyper- 1. Lacroix A. ACTH-independent macronodular 13. Assié G, Libé R, Espiard S, et al. ARMC5 mu- sécrétion induite par la surrénale restante adrenal hyperplasia. Best Pract Res Clin Endocrinol tations in macronodular adrenal hyperplasia with impose un traitement complémentaire. Le Metab 2009 ; 23 :245-59. Cushing’s syndrome. N Engl J Med 2013 ; 369 : 2. Libe R, Coste J, Guignat L, et al. Aberrant cortisol 2105-14. bénéfice d’un traitement médical par anti- regulations in bilateral macronodular adrenal hyper- 14. Espiard S, Drougat L, Libé R, et al. ARMC5 cortisoliques de synthèse, au moins tran- plasia : a frequent finding in a prospective study of Mut at ion s i n a L a rge C ohor t of P r i m a r y Ma c rono d u la r 32 patients with overt or subclinical Cushing’s syn- Adrenal Hyperplasia : Clinical and Functional sitoirement, est évident. Le résultat à long drome. Eur J Endocrinol 2010 ;163 :129-38. Consequences. J Clin Endocrinol Metab 2015 ; 100 : terme par un traitement anticortisolique 3. Louiset E, Duparc C, Young J, et al. Intraadrenal E926-35. seul a cependant été peu étudié. Les ob- corticotropin in bilateral macronodular adrenal hy- 15. Drougat L, Espiard S, Bertherat J. Genetics of perplasia. N Engl J Med 20 13 ; 369 : 2115-25. primary bilateral macronodular adrenal hyperplasia : servations de récepteurs illégitimes, à côté 4. Gat t a- Cher i fi B, Chabre O, Mu rat A, et al. Ad renal a model for early diagnosis of Cushing’s syndrome? de leur intérêt physiopathologique, per- involvement in MEN1. Analysis of 715 cases from the Eur J Endocrinol 2015 ; 173 : M121-31. mettent d’envisager des applications thé- Groupe d’etude des Tumeurs Endocrines database. 16. Fragoso MC, Alencar GA, Lerario AM, et al. Eur J Endocrinol 2012 ; 166 : 269-79. Genetics of primary macronodular adrenal hyper- rapeutiques, en particulier en préparation 5. Harding B, Lemos MC, Reed AA, et al. Multiple plasia. J Endocrinol 2015 ; 224 : R31-43. médicale avant la chirurgie ; dans quelques endocrine neoplasia type 1 knockout mice develop 17. Debillon E, Velayoudom-Cephise FL, Salenave parathyroid, pancreatic, pituitary and adrenal tu- S, et al. Unilateral Adrenalectomy as a First-Line cas, un contrôle durable et satisfaisant du mours with hypercalcaemia, hypophosphataemia Treatment of Cushing’s Syndrome in Patients syndrome de Cushing peut être obtenu au and hypercorticosteronaemia. Endocr Rel Cancer With Primary Bilateral Macronodular Adrenal point parfois d’éviter la surrénalectomie ou 2009 ; 16 : 1313-27. Hyperplasia. J Clin Endocrinol Metab 2015 ; 6. Ber thon A, Mar tinez A, Ber therat J, Val P. Wnt/β- 10 0 :4 417-2 4. d’autoriser un geste unilatéral. La sécrétion catenin signalling in adrenal physiology and tumour de GIP peut être inhibée par un traitement development. Mol Cell Endocrinol 2012 ; 351 : 87-95.

73 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES CONFÉRENCE

CONFÉRENCE

Parlons de glucagon

Etienne Larger1 et Ronan Roussel2 1 Service de diabétologie, Hôpital Cochin, Paris, Université Paris Descartes, INSERM U 1016 2 Service de diabétologie, endocrinologie et nutrition, Hôpital Bichat, Paris, Université Paris Diderot, INSERM U 1138 Mots clés : glucagon, diabète, pancréas

e glucagon est ainsi présenté par LWikipedia : « Le glucagon est une hor- Foie mone hyperglycémiante (…) sécrétée par h Production de glucose les cellules alpha des îlots de Langerhans h Oxydation lipide du pancréas, et qui agit principalement sur i Lipogénèse FGF21 le foie en provoquant une glycogénolyse. h Survie hépatocytes Il possède des propriétés antagonistes de l’insuline, qui est hypoglycémiante ». On a effectivement longtemps réduit l’action du Cerveau Tissu adipeux brun h glucagon à cette propriété hyperglycémiante Satiété h Thermogénèse i Production hépatique de glucose et glycogénolytique et on présente habituel- lement le glucagon comme une « anti-insu- line », mais la connaissance de sa biologie a Cœur Tissu adipeux blanc h Glucagon montré des actions passionnantes, allant bien Fréquence cardiaque h h Lipophyse au-delà de cette action hyperglycémiante… Oxydation lipides h i Thermogénèse (beige) qui n’existe d’ailleurs peut-être pas in vivo, Survie cardiomyocytes l’hyperglycémie n’étant pas un phénomène naturel (Figure 1). Les souris dépourvues de récepteur au glucagon ont une glycémie Tube digestif Rein h plus basse que les témoins, mais ne font pas i Mobilité intestinale Filtration glomérulaire h Réabsorption d’eau d’hypoglycémie [1], et le diabète est loin d’être une constante chez les patients por- Figure 1. Principales actions du glucagon (redessiné d’après [43]). Les actions en rouge teurs d’une tumeur sécrétant du glucagon [2, ont plutôt pour effet de diminuer la glycémie. 3] pour lesquels le symptôme révélateur est bien plus souvent la perte de poids. spécifiques du glucagon (Fig ure 2) et la lit té- qui génère plusieurs peptides selon le tissu Le nom de glucagon a été proposé par rature ancienne concernant le glucagon doit où il est exprimé. Le gène code pour un Kimball en 1923, qui, cherchant des pro- donc être considérée avec précaution [6, 7]. proglucagon, qui, à l’instar de la POMC par cédés de purification de l’insuline extraite L’absence de manifestation clinique majeure exemple, peut générer plusieurs peptides à de pancréas de bœuf, avait observé qu’avec en l’absence du récepteur au glucagon chez partir d’un même propeptide. Dans le cas certaines préparations l’effet, une hypergly- l’homme interroge cependant sur la physio- du proglucagon, les peptides terminaux cémie, était inverse de celui attendu. Il l’avait logie du glucagon [8]. diffèrent selon l’équipement cellulaire en attribuée à une substance d’action opposée à prohormone convertases (Figure 2). celle de l’insuline [4]. C’est 30 ans plus tard Le glucagon, gène et sécrétion Le proglucagon qui comporte 160 acides que le glucagon a été purifié [5] ouvrant la aminés est exprimé par les cellules alpha porte au dosage radio-immunologique [6] et Le clonage du gène du glucagon a été réa- du pancréas, les cellules L de l’intestin, le à l’étude de sa physiologie, mais beaucoup lisé en 1983 par G Bell [9], constituant une cerveau [10] et l’estomac, comme cela a de travaux ont été faits avec des dosages peu percée dans l’étude de ce gène complexe, été montré par M. Marre et R Assan [11]. 74 MCED n°86 – Janvier 2017 CONFÉRENCE JNDES

Proglucagon observations faites chez la souris qu’on est amené à revoir la physiologie du glucagon chez l’homme. 1 160 GRPP Glucagon Major proglucagon fragment Les souris sans récepteur au glucagon Pancréas PC2 1 30 33 61 72 158 Les souris nées sans récepteur du glucagon manifestent les anomalies suivantes [18] : Glicentin GLP-1 GLP-2 • pendant la gestation : hypoglycémie, anomalies placentaires, retard de crois- 1 69 78 107 126 158 sance fœtal et augmentation de la mor- GRPP Oxyntomodulin talité fœtale et néonatale ; Intestin • hyperplasie des cellules alpha et hyper- PC1 glucagonémie ; 1 30 33 69 • protection contre l’obésité induite par Glucagon 1-61 le régime ; • diminution de la survie hépatocytaire ; 1 61 • désordres métaboliques des glucides et lipides ; Figure 2. Peptides issus du proglucagon dans le pancréas et l’intestin (redessiné d’après [7]. • anomalies de la réponse au jeûne et à Le GRPP (glucagon reactive polypeptide) peut être produit par la prohormone convertase PC2 à partir du proglucagon ou par la PC1 à partir de la glicentine. La glicentine peut ainsi générer l’exercice ; soit GRPP et oxyntomoduline soit le glucagon 1-60 • diminution de la vidange gastrique et de Glucagon et glucagon 1-61 sont mesurés par les anticorps C-terminaux, glucagon, glicentine, la longueur intestinale ; oxyntomoduline le sont par les anticorps « latéraux » et glucagon et oxyntomoduline par les • dysfonction rénale ; anticorps N-terminaux : ainsi seuls les dosages avec 2 anticorps dirigés respectivement contre les extrémités N- et C-terminales dosent spécifiquement le glucagon 33-61 de 29 acides ami- • prévention du diabète en situation de nés, bioactif. carence en insuline.

S’il est écrit partout que l’hypoglycémie de glucagon sont l’ingestion de protéines Glucagon et foie stimule la sécrétion de glucagon, force est (essentiellement via les acides aminés ala- de constater que l’hypoglycémie n’est pas nine, arginine et glutamine et à l’exception L’effet du glucagon le plus connu est l’effet un phénomène naturel. La petite baisse de notable de valine, leucine et isoleucine, hépatique. Le glucagon active la glycogé- la glycémie qu’on observe au cours du jeûne non métabolisées par le foie [14]), certains nolyse et inhibe la synthèse de glycogène. ou de l’exercice physique est suffisante pour acides gras, l’activation du système ner- Ces effets étant antagonistes de ceux de stimuler la sécrétion de glucagon, mais veux autonome (dont on ne sait s’il s’agit l’insuline ils dépendent donc de la balance celle-ci est modulée par de multiples autres d’un effet direct ou d’un effet indirect via entre ces deux hormones et des stocks de stimuli (Figure 3). les cellules Bêta ou les cellules Delta) et glycogène. De plus le glucagon réduit Le récepteur du glucagon est principale- l’hypoglycémie [15]. Si l’effet inhibiteur le flux de la glycolyse à deux niveaux : ment exprimé par le foie et le rein, plus ac- de l’ingestion de glucose sur la sécrétion fructose-2,-6 bis-phosphatase et pyruvate cessoirement par le cœur, le tissu adipeux, de glucagon n’est pas difficile à concevoir, kinase. Glycogénolyse et inhibition de la les surrénales, le système nerveux central. l’effet stimulant des acides aminés sur la glycolyse permettent la mobilisation ra- Il ne semble pas y avoir d’expression du sécrétion de glucagon [16] peut paraître pide du glucose en vue de son export du récepteur du glucagon dans le muscle strié étrange mais il est amplement démontré foie vers la circulation sanguine. Le gluca- (à la différence bien entendu du récepteur qu’un repas mixte stimule la sécrétion de gon active par ailleurs plusieurs gènes clés de l’insuline qui est exprimé dans le muscle glucagon [17]. de la néoglucogenèse : PEPCK, PGC-1 et strié squelettique pour stimuler la captation La perfusion continue de somatostatine, glucose-6 phosphatase, ce qui permet la de glucose après les repas). Le glucagon est qui bloque à la fois la sécrétion d’insuline production soutenue de glucose lorsque les éliminé par le foie et le rein par endocytose et celle de glucagon, permettant de fixer les stocks de glycogène sont épuisés. Pour les du complexe glucagon-récepteur [12], mais concentrations d’insuline et de glucagon besoins énergétiques de la néoglucogenèse la dipeptidyl-peptidase 4 pourrait partici- par des perfusions multiples a beaucoup été (6 moles d’ATP consommées par mole de per à la clairance du glucagon [13]. La de- utilisée pour étudier la physiologie du glu- glucose produit), le glucagon active par mi-vie du glucagon circulant est de 7 min cagon, mais de nos jours on travaille plus ailleurs des gènes impliqués dans l’expres- chez l’homme. sur des souris dépourvues en récepteur du sion d’enzymes clés de la bêta-oxydation Les principaux stimulants de la sécrétion glucagon, et c’est à partir de certaines des des acides gras. Ainsi sont mis en place 75 MCED n°86 – Janvier 2017 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES CONFÉRENCE

rects, parmi lesquels la glucosurie, l’aug- Acides aminés SN Sympathique mentation de la natriurèse, la baisse de Glucose SN Parasympathique la pression artérielle sans augmentation Acides gras de la fréquence cardiaque mais aussi la Glucagon stimulation directe de la sécrétion de glu- GIP cagon [24], de la production hépatique de Oxyntomoduline Cellule alpha glucose, et un changement métabolique CCK qui favorise l’oxydation des lipides et la cétogenèse au détriment de la glycolyse Amyline [25, 26]. Certaines analyses des résul- Insuline Somatostatine tats de l’étude EMPA-REG éliminent un GABA possible rôle direct du glucagon dans les bénéfices cardiovasculaires [27]. Mais les Zinc GLP-1 mêmes auteurs estiment que l’élévation des concentrations circulantes de corps cétoniques sous inhibiteurs de SGLT2 Cellule bêta Cellule delta pourraient participer au bénéfice car- diovasculaire [26], en particulier parce qu’ils permettent d’améliorer l’efficience myocardique [28]. Ainsi le bénéfice car- Figure 3. Régulation de la sécrétion de glucagon. Redessiné et modifié, d’après [7]. Ce diovasculaire de l’empagliflozine pourrait qui stimule la sécrétion de glucagon est en noir, ce qui l’inhibe est en rouge. Pour ce qui est du être un effet indirect de l’hyperglucago- GLP-1 on ne sait pas si l’effet est direct ou s’il passe par la cellule Delta. On remarquera aussi que les incrétines, GLP1 et GIP ont des effets opposés sur la sécrétion de glucagon, alors némie, de l’élévation du rapport glucagon/ qu’ils sont synergiques sur celle de l’insuline. Pour ce qui est des messages issus de la cellule insuline et de l’augmentation de l’afflux Bêta (insuline, amyline, GABA, Zinc), on ne sait pas précisément lesquels prédominent. Mais d’acides gras au foie. ce que l’on sait, dans l’autre sens, c’est-à-dire la potentialisation de la sécrétion d’insuline par le glucagon, c’est qu’elle nécessite des contacts de cellule à cellule [48]. L’effet inhibiteur du glucagon sur sa sécrétion s’étend aussi à une inhibition de la prolifération des cellules alpha, Glucagon et cerveau puisque aussi bien chez la souris [1] que chez l’homme [8] dépourvu de récepteur du glucagon on observe une prolifération des cellules alpha. De multiples régions du SNC expriment le récepteur du glucagon et le glucagon les processus de la production d’énergie lioration de la survie et une diminution passe la barrière hémato-méningée. Assez pendant le jeûne : glycogénolyse puis néo- de la taille de l’infarctus après ligature paradoxalement si on envisage le glucagon glucogenèse hépatique qui est permise par de l’artère coronaire inter-ventriculaire comme une hormone de jeûne, le glucagon la stimulation de l’oxydation des lipides antérieure, des effets opposés à ceux ob- diminue la prise alimentaire et l’effet sti- dans le foie, et enfin cétogenèse. Le glu- servés chez les souris témoins après ad- mulant des acides aminés sur la sécrétion cagon est donc l’hormone clé qui régule ministration de glucagon [19] ; cependant, de glucagon explique peut-être leur effet les flux de substrats pendant le jeûne. On des résultats opposés ont été observés chez satiétogène [29], l’administration de glu- remarquera ainsi que malgré la sécrétion le chien [20] et la perfusion de glucagon cagon par différentes voies réduit la prise de glucagon pendant le jeûne, la glycémie pendant un infarctus du myocarde chez alimentaire [29] et, à l’inverse, l’inhibition baisse, ce qui ne fait donc pas du glucagon, l’homme a amélioré le choc cardiogénique du glucagon augmente la prise alimentaire autant qu’on le dit une hormone « hyper- [21]. Des résultats bénéfiques similaires et les diabétiques savent bien que l’injec- glycémiante ». ont été observés chez le chien : la fonction tion de glucagon, à dose pharmacologique, ventriculaire est améliorée après infarc- est suivie de nausées et vomissements. Glucagon et cœur tus, sans augmentation de la consomma- L’administration directe de glucagon tion d’oxygène [22]. dans l’hypothalamus médian a aussi un Le glucagon a des effets inotropes et La discussion doit ici revenir sur les ré- effet inattendu : elle diminue la production chronotropes par activation de l’adény- sultats de l’étude EMPA-REG [23] qui hépatique de glucose [30] et pire encore, late cyclase. La perfusion de glucagon a montré un bénéfice cardiovasculaire l’effet du glucagon sur le noyau dorsovagal est le traitement de l’intoxication aux chez des patients traités par empagliflo- est de diminuer la glycémie [31]. Ainsi, les bêta-bloquants. Néanmoins, les actions zine ; les causes de ce bénéfice cardio- effets du glucagon sur le système nerveux cardiaques du glucagon sont controver- vasculaire restent incertaines. En effet, central vont dans le même sens que ceux sées. D Drucker a montré que les souris les inhibiteurs de SGLT2 ont des effets de l’insuline. sans récepteur du glucagon ont une amé- métaboliques complexes, directs et indi- 76 MCED n°86 – Janvier 2017 CONFÉRENCE JNDES

Glucagon et rein dant mieux « glomérulopressine », et Lise suline [40], ou perte de l’effet incrétine [6, Ban kir a émis l’hy pothèse qu’il s’agisse de 41]. La démonstration que l’hyperglucago- La vision glucocentrique sur le glucagon l’AMP-cyclique, le second messager bien némie précède les anomalies de la gluco- a occulté son rôle dans le métabolisme et établi en aval des récepteurs du glucagon régulation chez des individus à risque de l’élimination des déchets azotés, récem- (qui ont donc une activité adénylate-cly- diabète est un argument en faveur d’un ment revu par Lise Bankir qui a contri- clase) dans les hépatocytes, et qui, sans événement précoce, qui précède la perte bué à le clarifier [32]. Le glucagon est un que l’on sache dans quel but la nature a de fonction Bêta [6, 42]. stimulus puissant pour la synthèse d’urée retenu ce processus coûteux énergétique- dans le foie, un processus couplé auto- ment, est sécrété par le foie dans la cir- Agonistes et antagonistes du glucagon en matiquement à la synthèse de glucose : culation [34]. Quels que soient les méca- recherche pharmacologique autrement dit, si on considère que la prio- nismes sous-jacents, on peut anticiper que rité est de synthétiser de l’urée pour se les thérapeutiques potentielles basées sur Compte tenu du rôle que le glucagon joue débarrasser de l’azote qui ne peut pas s’ac- l’agonisme ou l’antagonisme de la voie du dans la physiopathologie de l’hyperglycé- cumuler ni être stocké dans l’organisme glucagon seront susceptibles d’avoir des mie, et du fait qu’il est considéré comme sans qu’une toxicité ne se manifeste (cf le effets rénaux, en bien ou en mal, un aspect une « hormone hyperglycémiante », la re- syndrome urémique des insuffisants ré- qui n’est pas anodin dans le contexte du cherche pharmacologique s’est vite orien- naux ter minaux), le glucose produit à par- diabète et de la néphropathie diabétique. tée vers le développement d’antagonistes tir des acides aminés en parallèle n’en est du glucagon, essentiellement des antago- ici qu’un sous-produit inévitable. L’urée Glucagon et diabète nistes non peptiques du récepteur du gluca- produite est libérée dans la circulation et gon. Plusieurs ont été développés et/ou sont éliminée par le rein : cette excrétion est Roger Unger, qui a été le premier à mettre en cours de développement, mais certains aussi stimulée par le glucagon, et de fa- au point un dosage de glucagon au début ont vu leur développement interrompu as- çon coordonnée avec l’action hépatique des années 60, a rapidement montré des sez précocement en raison des effets indé- de celui-ci [33]. Bien que tous les méca- anomalies de la sécrétion de glucagon dans sirables [43, 44], pourtant attendus si l’on nismes expliquant cet effet ne soient pas le diabète de type 1 et dans d’autres formes considère la physiologie de cette hormone bien compris, l’augmentation de la filtra- de diabète [35], ce qui l’a conduit très vite et les anomalies observées chez les souris tion glomérulaire sous l’effet de la prise de à proposer un rôle essentiel du glucagon invalidées pour le récepteur. Les craintes protéines, avec la finalité claire d’accélérer dans la physiopathologie des diabètes [36], avec de telles molécules sont à plusieurs l’élimination des déchets azotés, a été sus- R Unger allant jusqu’à affirmer qu’il n’y niveaux : non seulement la crainte des hy- pectée de longue date. Un effet hyperfil- a pas de diabète, chez la souris au moins, poglycémies, mais aussi celle du dévelop- trant du glucagon, puisque l’élévation de en l’absence de glucagon [37]. Cette hy- pement de tumeurs des cellules Alpha, qui sa sécrétion est simultanée de l’effet sur la pothèse est plus compliquée à démontrer ont été observées dans tous les modèles filtration, a été proposé en particulier. Les chez l’homme puisqu’il y a des sources ex- d’invalidation du récepteur du glucagon, données expérimentales ont été assez peu trapancréatiques, digestives, de glucagon ainsi que chez les rares patients ayant une cohérentes pendant longtemps. Un effet [10], et que les cas humains de mutation mutation du récepteur au glucagon [8]. direct, puisque le récepteur du glucagon inactivatrice du récepteur se comptent sur De plus, les modèles de souris invalidées est abondamment exprimé dans le rein, les doigts d’une main. pour le récepteur au glucagon ont une di- est probable, mais n’a pas été mis en évi- Dans le diabète de type 1, l’hypergluca- minution de la survie hépatocytaire et les dence de façon univoque. Il se pourrait gonémie postprandiale parait essentielle- données humaines avec les antagonistes qu’un tel effet direct soit en fait mineur ment due à la perte du tonus inhibiteur ont constamment montré une élévation dans les aspects hémodynamiques de l’im- qu’exercent les cellules Bêta sur la fonction des transaminases et du cholestérol LDL pact rénal du glucagon. Dans les études des cellules Alpha [38], et les anomalies de sous traitement, et réversibles à l’arrêt de les plus récentes, il apparaît que 1) plus la réponse du glucagon à l’hypoglycémie celui-ci. Enfin, et de manière non surpre- que la glucagonémie, ce soit le rapport des [39] sont essentiellement fonctionnelles, nante, on observe une prise de poids sous concentrations plasmatiques du glucagon mais il y a des anomalies anatomiques des antagonistes du glucagon. et de l’insuline qui soit le déterminant de cellules Alpha chez les diabétiques de type Assez logiquement, c’est plutôt dans l’aut re l’hyperfiltration qui suit la prise d’un repas 1 (F Serrano, M Diedisheim et E. Larger, sens que des molécules sont en dévelop- protéiné, et 2) l’hypothèse la plus plau- manuscrit en préparation). pement, c’est-à-dire des agonistes du glu- sible soit celle d’un effet indirect, médié Dans le diabète de type 2, plusieurs hy- cagon dont l’indication pourrait être le par l’effet hépatique du glucagon et de pothèses ont été soulevées pour expliquer contrôle du poids chez les patients obèses. l’insuline : un facteur sécrété par le foie l’hyperglucagonémie : perte du tonus in- Ce sont essentiellement des doubles ago- sous la dépendance de ces deux hormones hibiteur, soit par per te de la fonction Bêta, nistes glucagon et GLP1, et triple agonistes agirait sur le rein ; il a été baptisé, en atten- soit par résistance des cellules Alpha à l’in- GIP-GLP1-glucagon qui sont en dévelop- 77 MCED n°86 – Janvier 2017 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES CONFÉRENCE

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Le diabète de type 1 : une maladie auto-immune et de la cellule bêta

Roberto Mallone INSERM U1016 – Institut Cochin, Equipe Immunologie du Diabète, DeARLab Paris Hôpital Cochin, Service de Diabétologie Mots clés : antigène, HLA, lymphocyte T, thymus, tolérance immunitaire

Le diabète de type 1 est une maladie au- to-immune Système immunitaire Système immunitaire inné Infection adaptatif (précoce, non-spécifique) Cancer lusieurs arguments expérimentaux (tardif, ciblé) Auto-immunité Pet cliniques plaident en faveur d’une contribution des défaillances du système immunitaire au développement du diabète de type 1 (DT1). D’une part, on dispose de modèles animaux tels que la souris non- obese diabetic ( NOD), modèles cer tes im- parfaits mais qui reproduisent plusieurs caractéristiques du DT1 humain : les expé- riences, dans ces modèles, montrent qu’il est possible de transmettre la maladie par transfert de lymphocytes T d’une souris diabétique à une souris saine. D’autre part, on dispose d’arguments cliniques : détection d’auto-anticorps anti-îlot chez les patients DT1, forte association de la maladie avec des allèles HLA de Classe II de prédisposition, qui codent pour des fonctions immunitaires, enfin présence Cellule dendritique Cellule NKT Bactérie d’infiltrats immunitaires dans les îlots Lymphocyte B Cellule NK Virus pancréatiques des sujets atteints. Lymphocyte T CD4+ ou CD8+ Macrophage Tissus du soi Anticorps Mastocyte Le fonctionnement du système immuni- Récepteur d’antigène (TCR) Complément taire Granulocytes (neutrophile, basophile, éosinophile) Avant d’exposer les mécanismes de la réponse auto-immune du DT1, il faut rappeler brièvement le fonctionnement Figure 1 Le système immunitaire dispose de deux lignes de défense, constituées par du système immunitaire (Figure 1). Les l’immunité innée et adaptative. choses ne sont pas très différentes qu’il s’agisse de la réponse physiologique vis- les cytokines et d’autres molécules. C’est par l’intermédiaire des anticorps pour les à-vis d’un microbe ou d’une cellule can- dans un deuxième temps que cette réponse lymphocytes B et des récepteurs d’anti- céreuse ou de la réponse pathologique devient plus ciblée, par l’intermédiaire du gène (aussi appelés TCR) pour les lym- vis-à-vis d’une cellule du soi comme la deuxième bras du système immunitaire phocytes T. cellule bêta. La première ligne de défense constitué par les cellules du système se met en place de façon rapide mais rela- adaptatif (lymphocytes B et T). C’est une De la tolérance immunitaire à l’auto-im- tivement stéréotypée, par l’intermédiaire réponse plus ciblée car ces cellules sont munité des cellules du système immunitaire inné capables de reconnaitre les structures telles que les neutrophiles et les macro- moléculaires, aussi appelées antigènes, Comment s’instaure une réponse au- phages. Ces cellules agissent en sécrétant propres à chaque microbe ou cellule du to-immune vis-à-vis de la cellule bêta ? des médiateurs de l’inflammation comme soi. Cette reconnaissance spécifique a lieu A l’intérieur de l’organisme, des cellules 79 MCED n°86 – Janvier 2017 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES CONFÉRENCE

Facteurs L’histoire naturelle du diabète de type 1 environnementaux En regardant le schéma de l’histoire natu- relle du DT1 (Figure 2), on s’aperçoit que Auto-immunité infra-clinique le diagnostic clinique est un événement immunologiqueDiagnostic tardif. En réalité, une phase d’auto-im- munité infra-clinique débute plusieurs Population mois voire années à l’avance, et elle peut génétiquement Diagnostic être aujourd’hui détectée par la mesure prédisposée clinique des auto-anticorps (anti-insuline, GAD, immuno-métaboliqueStratification Sujets à risque IA-2, ZnT8). Cette auto-immunité in- auto-anticorps + fra-clinique est déclenchée par des fac- teurs environnementaux agissant sur une Fonction ß-cellulaire prédisposition génétique. La stratification de cette auto-immunité infra-clinique et Auto-immunité : non Auto-immunité : oui thérapeutiqueSuivi du risque d’évolution vers un DT1 clinique Patients Hyperglycémie : non Hyperglycémie : non DT1 peut se faire à l’aide des auto-anticorps, mais reste aujourd’hui imparfaite. D’un Prévention Prévention Auto-immunité : oui côté, les sujets ayant un seul auto-anti- primaire secondaire Hyperglycémie : oui Soin corps positif ont un risque très faible mais Temps néanmoins significatif d’évoluer vers un diabète clinique. De l’autre, au fur et à me- Figure 2. L’histoire naturelle du diabète de type 1. sure que plusieurs auto-anticorps (2, 3 ou dendritiques sont présentes dans tous les réponse à des facteurs environnementaux 4) font leur apparition, le risque d’évolu- tissus. Leur rôle est de récupérer les débris qui restent mal connus. Leur sécrétion de tion vers le DT1 devient de plus en plus apoptotiques et de les digérer pour en pré- cytokines inflammatoires indique aux lym- important, mais reste dilué sur plusieurs senter des fragments peptidiques (les anti- phocytes T un signal de « danger », selon années. Cela pose des problèmes lorsqu’on gènes) à leur surface dans le cadre des mo- lequel l’antigène avec lequel ils sont entrés doit choisir le moment le meilleur pour lécules HLA. Il s’agit du moyen utilisé par en contact est potentiellement dangereux et mettre en place des essais cliniques de le système immunitaire pour transmettre que la cellule qui l’exprime doit donc être prévention. La Figure 1 montre également l’information sur l’état de santé de chaque éliminée. Les lymphocytes T CD4+ ainsi que le diagnostic clinique a lieu lorsque tissu. Ces cellules dendritiques vont mi- activés changent donc leur voie de différen- la masse bêta détruite atteint un niveau grer vers les ganglions drainants où des ciation vers un phénotype de type effecteur critique. En réalité, on ne sait pas si ce lymphocytes T transitent constamment, en ou pathogène. Ces lymphocytes T CD4+ déclin de la fonction bêta est linéaire ou provenance de la circulation sanguine. S’il activés commencent à orchestrer la réponse s’il n’évolue pas plutôt par poussées pro- n’y a pas de reconnaissance des antigènes immunitaire, en stimulant les lymphocytes gressives. présentés sur l’HLA de surface de la cellule B à produire les auto-anticor ps, en activant dendritique, les lymphocytes T repartent davantage d’autres cellules dendritiques et La génétique : tolérance centrale et péri- aussitôt vers le sang. Il s’agit du cas le plus en attirant dans les ganglions pancréatiques phérique fréquent car, en conditions physiologiques, des lymphocytes T CD8+ (cytotoxiques). les antigènes de la cellule bêta devraient en Ces lymphocytes T CD8+ reconnaissent En regardant les gènes de prédisposition principe ne pas être disponibles pour ce des antigènes bêta présentés sur la surface au DT1 (Figure 3), on s’aperçoit que les processus. Si au contraire des antigènes de la cellule dendritique et, en s’activant, allèles HLA de Classe II, qui sont codés bêta sont présentés sur la surface de la deviennent capables de migrer vers les îlots par le locus DQB1, ont, de loin, le poids le cellule dendritique, les lymphocytes T et de les détruire. plus important, alors que les autres gènes capables de les reconnaître vont entamer Trois éléments sont donc essentiels au dé- de prédisposition identifiés ont un rôle un processus de différenciation vers un clenchement de l’auto-immunité du DT1 : plus marginal. Les allèles HLA de pré- phénotype « protecteur » appelé régulateur. des lymphocytes T auto-réactifs capables disposition au DT1 sont les variantes DQ2 On est, en d’autres termes, dans un état de de reconnaître des antigènes bêta, la dis- et DQ8, qui confèrent un risque particu- tolérance immunitaire. ponibilité de ces antigènes bêta pour une lièrement élevé lorsqu’elles sont héritées Ce processus dévie vers l’auto-immunité telle reconnaissance, et un contexte in- ensemble. La Figure 3 montre également lorsque des cellules du système immuni- flammatoire dans le microenvironnement la distribution de ces allèles dans la popu- taire inné s’accumulent dans le pancréas, en de cette rencontre. lation DT1 et saine. L’association de DQ2 80 MCED n°86 – Janvier 2017 CONFÉRENCE JNDES

et DQ8 est particulièrement rare dans la population générale, mais fréquente chez DT1 Sains les diabétiques. Il faut également rappe- DQ6 ler que l’allèle DQ2 est en déséquilibre de Autre DQ2/x liaison avec l’allèle DR3, et l’allèle DQ8 DQ2/x avec l’allèle DR4, une notion utile pour Autre 7 interpréter les typages HLA qui peuvent DQ2/DQ8 DQ8/x parfois être demandés en clinique. L’allèle 6 DQ8/x DQ6 DQ6 est, en revanche, un allèle protecteur 5 DQ2/DQ8 en déséquilibre de liaison avec DR15. 4 Le deuxième message des études géné- 3

tiques conduites jusqu’à ce jour est que Odds ratio la majorité des gènes associés au DT1 2 produisent des protéines impliquées dans 1

des fonctions immunologiques. Comment 0

agissent-ils pour prédisposer au DT1 ? Ils IL2 INS IL7R IFIH1 DQB1 IL2RA CCR5 CTSH IL2RA RGS1 ERBB3PTPN2 CTLA4 PTPN2 CD226 TAGAP sont capables de moduler le potentiel au- SH2B3 PRKCQ BACH2 PTPN22 TNFAIP3 CLEC16A IL 18RAP CIQTNF6TNFAIP3 to-immun de l’individu, en contrôlant la UBASH3A génération et l’expansion des lymphocytes T auto-réactifs. Ces deux processus de gé- Figure 3. La génétique du DT1. Les principaux locus de prédisposition et leurs odds ratio. nération et expansion correspondent aux Distribution relative des allèles HLA de prédisposition (DQ2, DQ8) et protecteurs (DQ6) chez les sujets DT1 et sains. deux mécanismes de tolérance centrale (dans le thymus) et périphérique (dans cellules bêta. qui est certes très forte (30-65 %), mais les ganglions pancréatiques et les îlots) Certains gènes de prédisposition vont agir incomplète ; d’autre part, les études sur qui sont primordiaux dans le contrôle de au niveau de la tolérance centrale. C’est le les populations migrantes montrent que l’auto-immunité. cas par exemple du locus de susceptibilité l’incidence du DT1 tend plutôt à s’adapter En effet, trois défaillances critiques contri- INS VNTR, qui est une région régulatrice à celle du pays d’arrivée plutôt qu’à celle buent à la pathogenèse du DT1 (Figure 4). du gène de l’insuline. Cette région est ca- du pays d’origine, pourvu que la migra- La première a lieu dans le thymus, qui est pable de contrôler l’expression d’insuline tion ait eu lieu avant un certain âge. De l’organe chargé de l’éducation des lym- au niveau thymique. Les allèles de prédis- plus, l’augmentation croissante de l’inci- phocytes T en cours de développement. position induisent en effet une expression dence du DT1 dans les pays occidentaux Ici les lymphocytes T en maturation sont plus faible d’insuline dans le thymus, ce (+ 3-4% par an) ne peut pas être expliquée exposés à des cellules thymiques, qui vont qui mène à une élimination moins efficace par la génétique, car le génome humain leur présenter différents antigènes du soi. des lymphocytes T anti-insuline et à leur ne change pas si rapidement. D’autres Lorsqu’un lymphocyte T est capable de re- présence en quantité plus importante dans données suggèrent également que ces connaître ces auto-antigènes, il s’agit d’un la circulation. D’autres gènes de prédispo- facteurs environnementaux prennent de lymphocyte potentiellement dangereux : il sition vont eux agir au niveau des méca- plus en plus d’importance. En effet, lors- est donc éliminé sur place par la transduc- nismes de tolérance périphérique. C’est qu’on compare les diagnostics de DT1 tion d’un signal d’apoptose. On sait que ce le cas par exemple des allèles de prédis- faits dans les années ‘30-’70 par rapport processus n’est pas parfait, et que certains position CTLA4 qui codent une molécule à des diagnostics plus récents, on s’aper- lymphocytes auto-réactifs s’échappent « freinant » l’activation du lymphocyte T. çoit que les allèles HLA protecteurs sont vers la circulation, devenant plus tard Les variantes CTLA4 associées à la ma- de plus en plus présents chez les patients capables d’être activés et de déclencher ladie codent pour des molécules moins DT1 diagnostiqués ces dernières années l’auto-immunité. La deuxième étape clé efficaces dans cette action freinatrice. [2]. Cela montre que ces allèles, autrefois a lieu dans les ganglions pancréatiques, protecteurs, ne le sont plus autant, pro- où la reconnaissance des antigènes de la Les facteurs environnementaux bablement car ils sont confrontés à une cellule bêta dans un contexte inflamma- pression environnementale croissante qui toire va orienter la différenciation du lym- On sait aujourd’hui que les facteurs en- les rend inefficaces aujourd’hui. phocyte T vers un phénotype effecteur, vironnementaux jouent le rôle principal Quand les facteurs environnementaux pathogène. La troisième étape a lieu dans dans la pathogenèse du DT1 par rapport agissent-ils ? En regardant les métanalyses l’îlot pancréatique, où ces lymphocytes à la génétique [1]. Ce constat s’appuie des cohortes d’enfants à risque suivis de T pathogènes prennent le dessus sur les sur plusieurs arguments : d’une part la façon longitudinale dans différents pays régulateurs et commencent à détruire les concordance entre jumeaux monozygotes, comme la Finlande ou l’Allemagne, on 81 MCED n°86 – Janvier 2017 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES CONFÉRENCE

voit qu’environ 60% des enfants qui pro- Étape 1 : thymus gressent ensuite vers un DT1 développent les premiers auto-anticorps dans les deux premières années de vie [3, 4]. Cela sug- Lymphocyte T Cellule gère que les facteurs environnementaux immature épithéliale thymique peuvent probablement être en cause très précocement. Étape 2 : Étape 3 : Où les facteurs environnementaux ganglions pancréatiques îlots pancréatiques agissent-ils ? Leur action est probablement de faciliter la disponibilité des antigènes Cellule bêta à la reconnaissance par les lympho- dendritique cytes T et de rajouter l’ingrédient inflam- matoire nécessaire à leur activation com- Lymphocyte T anti-protéine ß plète. Le rôle d’agent déclencheur du DT1 Signaux régulateur joué par les entérovirus a été très débattu de danger ces vingt dernières années. D’après une (inflammation) méta-analyse récente [5], on s’aperçoit en effet que l’association est très significative. Cellule ß Comment ces entérovirus pourraient-ils Lymphocyte T Lymphocyte T anti-protéine ß agir ? D’une part, ils ont un tropisme pour anti-protéine ß pathogène la cellule bêta, ce qui en provoque la lyse et le relargage d’antigènes qui deviennent ainsi visibles pour le système immuni- taire. D’autre part, ils provoquent une in- flammation au niveau du pancréas. Des mécanismes de «mimétisme moléculaire » CD3 ont aussi été suggérés, selon lesquels la ré- HLA ponse physiologique vis-à-vis de certains antigènes entéroviraux pourrait devenir TCR une réponse détournée vers la cellule bêta car les antigènes viraux et bêta sont Fragment peptidique de protéine ß structurellement similaires et le système immunitaire n’est pas capable de faire la différence. Les études conduites récem- Figure 4. Les défaillances clés dans la progression auto-immune du DT1 (flèches rouges). ment par le réseau nPOD aux Etats Unis et par d’autres initiatives montrent des signes La dynamique de la réponse auto-im- neutrophiles circulants, chez les patients d’infection entérovirale dans les îlots d’un mune : les agresseurs et leurs cibles DT1 au diagnostic mais aussi chez les su- nombre significatif de patients DT1 [6], ce jets à risque, ce qui reflète leur migration qui a contribué à l’intérêt renouvelé vis-à- On a donc vu que, dans la réponse au- vers l’organe cible pancréatique [8]. Les vis de ces hypothèses. to-immune du DT1 comme dans une études du réseau nPOD nous montrent Pourquoi est-il si difficile d’identifier les réponse physiologique antivirale, une également que les lymphocytes T CD8+ facteurs déclencheurs environnementaux première ligne rapide et stéréotypée sont les cellules immunitaires les plus en cause ? C’est probablement parce qu’ils d’immunité innée est suivie d’une action nombreuses à infiltrer l’îlot. On observe sont nombreux et que le rôle des facteurs plus ciblée de l’immunité adaptative. En également une surexpression de la molé- stochastiques est également très important. effet, les études chez la souris montrent cule HLA sur les cellules bêta, ce qui les En effet, les trois éléments nécessaires à que les neutrophiles, cellules du système rend plus visibles au système immunitaire. l’activation auto-immune (des lymphocytes immunitaire inné, sont les premiers à in- Nous pouvons également tirer quelques T auto-réactifs, des antigènes bêta-cellu- filtrer le pancréas, suivis par les cellules enseignements des maladies auto-im- laires et l’inflammation) doivent pouvoir dendritiques et seulement plus tard par les munes iatrogènes, en particulier celles se rencontrer au même moment dans un cellules du système immunitaire adapta- déclenchées par les anticorps monoclo- même lieu. Il y aura donc par exemple une tif, lymphocytes T et B [7]. Des études naux anti-CTLA-4 ou PD-1 utilisés en bonne dose de chance dans l’issue d’une chez l’homme ont également montré qu’on oncologie. Il s’agit d’anticorps qui vont éventuelle infection à l’entérovirus. peut détecter une réduction du nombre des cibler des molécules de « freinage » du 82 MCED n°86 – Janvier 2017 CONFÉRENCE JNDES

lymphocyte T, dans le but de favoriser lule bêta cible ? En effet, lorsqu’on regarde cette fois dérivant non pas de mutations son activation vis-à-vis de la tumeur et les études nPOD, une autre observation génétiques mais d’autres voies qui sont ainsi de déclencher la réponse immune frappante est l’hétérogénéité de l’infiltrat renforcées par l’inflammation, comme naturelle capable de la rejeter. En effet, immunitaire présent dans différents îlots. l’épissage alternatif de l’ARN, capable la tumeur induit souvent un microenvi- On peut observer des îlots complètement de produire des néo-séquences traduites ronnement immunosuppresseur, qui va détruits par les lymphocytes T, d’autres ensuite en protéines [11], les modifications inhiber la capacité des lymphocytes T où l’infiltrat reste respectueusement à la post-traductionnelles, comme la citrulli- àl’attaquer. Ces anticorps se sont révélés périphérie sans invasion, d’autres îlots nation déjà décrite dans la polyarthrite t rès ef ficaces et sont en t rain de changer le encore qui sont complètement épargnés. rhumatoïde ; et la possibilité que certains pronostic de plusieurs cancers, mais leur Cet aspect est très évocateur d’une autre de ces fragments protéiques, lors de leur effet secondaire le plus fréquent est le dé- maladie auto-immune dont les lésions processing pour être présentés sur les mo- clenchement de différentes auto-immuni- sont plus facilement visibles, qui est le lécules HLA, puissent se fusionner entre tés, dont parfois un DT1. Une fois enlevés vitiligo. Pourquoi donc les cellules bêta eux en générant des antigènes «hybrides » les freins moléculaires par ces traitements devraient-elles être une cible privilégiée, complètement nouveaux [12]. Toutes ces par anticorps, il existe donc un potentiel et l’être plus ou moins selon l’îlot ? En hypothèses sont actuellement à l’étude. auto-immun prêt à se manifester dans la regardant la définition générique de la grande majorité des individus, avec des cellule endocrine, il s’agit d’une cellule Le dernier point à considérer est que la lymphocytes T auto-réactifs présents dans sécrétoire organisée en glandes, qui n’a cellule bêta n’est probablement pas une l’organisme qui peuvent être rapidement pas de système ductal et qui va sécréter victime si innocente de la destruction recrutés. des hormones directement dans le sang perpétrée par les lymphocytes T. D’un Des études récentes bouleversent notre par l’intermédiaire d’une riche vasculari- côté, l’inflammation qui l’entoure pro- vision de l’auto-immunité, en montrant sation. D’une part, cette riche vasculari- voque un changement de son «image que la sélection faite par le thymus (to- sation favorise probablement un contact immunologique » avec la présentation de lérance centrale) est probablement très physique direct avec les cellules immuni- néo-antigènes qui peuvent en augmenter défectueuse chez la plupart des sujets taires capables de la détruire. D’autre part, la vulnérabilité. De l’autre, la cellule bêta dans la population générale. Une étude les cellules endocrines sont de véritables est dotée d’un système immunitaire auto- récente du groupe de M. Davis a compa- « usines à hormones ». nome rudimentaire [13], qui a la capacité ré les lymphocytes T CD8+ reconnais- On estime que chaque cellule bêta produit de sécréter des cytokines inflammatoires sant des antigènes viraux auxquels les environ un million de molécules d’insu- et des chimiokines. Ces médiateurs vont individus analysés n’avaient jamais été line par minute ! Or, une cellule qui fait probablement ravitailler l’attaque, en at- exposés (VIH, VHC) aux lymphocytes T autant de protéines va faire aussi beaucoup tirant de nouvelles cellules immunitaires auto-réactifs reconnaissant des antigènes d’erreurs dans leur synthèse. Ces protéines dans le pancréas et en augmentant leur du soi, dont l’insuline et la GAD issues de qui ne sont pas correctement synthétisées activation. Mais ces médiateurs inflam- la cellule bêta. Avec grande surprise, ils vont être dégradées puis utilisées pour la matoires ont aussi un effet autocrine, qui ont constaté que la fréquence de ces lym- présentation d’antigènes dans le cadre provoque l’apoptose de la cellule bêta et phocytes T antiviraux qui n’avaient jamais de molécules HLA. Cette présentation une inhibition de sa capacité à secréter vu le virus (donc dans un état dit « naïf ») est donc particulièrement riche dans une l’insuline. n’était pas plus élevée que celle observée cellule endocrine. D’autre part, un îlot in- Il est donc possible que le DT1 soit initia- pour les lymphocytes T auto-réactifs [9]. flammatoire va aussi exprimer toute une lement un « homicide » de la cellule bêta Si le thymus avait bien fait son travail, ces série de nouveaux antigènes qui ne sont de la part des lymphocytes T, pour devenir derniers devraient se retrouver en nombre pas connus du système immunitaire, car le ensuite un « suicide », car la cellule bêta bien inférieur, ce qui n’est pas le cas. thymus n’est pas capable de les présenter et va réagir en mettant en place des méca- il n’éliminera donc pas les lymphocytes T nismes compensatoires bénéfiques dans Nous sommes donc tous un peu « au- capables de les reconnaître. En effet, l’on- l’immédiat mais délétères à long terme. to-immuns », ce qui est probablement le cologie nous a appris ces dernières années Cette composante intrinsèque à la cel- prix à payer pour disposer d’un système que les antigènes cibles préférés de la ré- lule bêta pourrait constituer un facteur immunitaire avec un répertoire le plus ponse immunitaire anti-tumorale dérivent aggravant sa destruction auto-immune, diversifié possible, qui puisse nous pro- de mutations génétiques à l’intérieur de la amenant même certains auteurs à propo- téger de tous les risques infectieux [10]. tumeur. Ces séquences antigéniques mu- ser qu’il s’agisse du primum movens du Cela mène toutefois à une autre considé- tées sont donc complètement étrangères DT1, et que la réaction auto-immune ne ration : si nous sommes tous auto-immuns, au système immunitaire et, de ce fait, for- serait qu’un évènement secondaire [14]. la différence entre un état de santé et le tement attaquées. Un processus similaire Le débat est ouvert et s’annonce intense DT1 ne serait-elle alors pas dans la cel- pourrait avoir lieu dans la cellule bêta, pour les prochaines années ! 83 MCED n°86 – Janvier 2017 MCED n°86 – Janvier 2017 JNDES CONFÉRENCE

of a low-grade enteroviral infection in the islets of Conclusions suline » : source d’erreurs de synthèse de langerhans of living patients newly diagnosed with protéines, et d’une vulnérabilité inflam- type 1 diabetes. Diabetes 2015 ; 64 :1682-87. Le diagnostic clinique du DT1 est tardif, matoire. 7. Diana J, Simoni Y, Furio L, et al. Crosstalk between neutrophils, B-1a cells and plasmacytoid dendritic précédé d’une phase variable d’auto-im- Le DT1 est très probablement une maladie cells initiates autoimmune diabetes. Nat Med 2013 ; munité infra-clinique. auto-immune ET de la cellule bêta. 19 :65 -73. 8. Valle A, Giamporcaro GM, Scavini M, et al. La prédisposition génétique est majo- Reduction of circulating neutrophils precedes ritairement liée aux haplotypes HLA ; Roberto Mallone and accompanies type 1 diabetes. Diabetes 2013 ; d’autres variants génétiques modulent [email protected] 62 :2072-77. les mécanismes de tolérance centrale et Références 9. Yu W, Jiang N, Ebert PJ, et al. Clonal Deletion 1. Afonso G, Mallone R. Infectious triggers in type Prunes but Does Not Eliminate Self-Specific αβ périphérique. 1 diabetes : is there a case for epitope mimicry? CD8(+) T Lymphocytes. Immunity 2015 ; 42 :929-41. Les facteurs environnementaux jouent le Diabetes Obes Metab 2013 ;15 : (Suppl 3) :82-88. 10. Sewell AK. Why must T cells be cross-reactive? Nat Rev Immunol 2012 ;12 :669-77. rôle le plus important, mais restent mé- 2. Gillespie KM, Bain SC, Barnett AH, et al. The rising of childhood type 1 diabetes and reduced 11. Ortis F, Naamane N, Flamez D, et al. Cytokines connus. contribution of high-risk HLA haplotypes. Lancet interleukin-1beta and tumor necrosis factor-alpha Une phase précoce de réponse immuni- 2004 ; 364 :1699-700. regulate different transcriptional and alternative 3. Parikka V, Näntö-Salonen K, Saarinen M, et al. splicing networks in primary beta-cells. Diabetes taire innée est suivie d’une réponse adap- Early seroconversion and rapidly increasing autoan- 2010 ; 59 : 358-74. tative (lymphocytes T, anticorps). tibody concentrations predict prepubertal manifes- 12. Delong T, Wiles TA, Baker RL, et al. Pathogenic tation of type 1 diabetes in children at genetic risk. CD4 T cells in type 1 diabetes recognize epitopes L’auto-immunité est un phénomène na- Diabetologia 2012 ;55 :1926-36. formed by peptide fusion. Science 2016 ; 351 :711-14. turel, et la progression vers la maladie 4. Ziegler AG, Bonifacio E ; BABYDIAB- 13. Randow F, MacMicking JD, James LC. Cellular clinique est influencée par les facteurs BABYDIET Study Group. Age-related islet autoan- self-defense : how cell-autonomous immunity pro- tects against pathogens. Science 2013 ; 340 :701-706. environnementaux, par une bonne dose tibody incidence in offspring of patients with type 1 diabetes. Diabetologia 2012 ;55 :1937-43. 14. Donath MY, Hess C, Palmer E. What is the role de chance et par la vulnérabilité de la cel- 5. Yeung WC, Rawlinson WD, Craig ME. Enterovirus of autoimmunity in type 1 diabetes? A clinical pers- lule bêta cible. infection and type 1 diabetes mellitus : systematic re- pective. Diabetologia 2014 ; 57 :653-55. view and meta-analysis of observational molecular La cellule bêta est une cible auto-immune studies. BMJ 2011 ;342 :d35. privilégiée car elle est une « usine à in- 6. Krogvold L, Edwin B, Buanes T, et al. Detection

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MCED n°86 – Janvier 2017 Collège des Enseignants d’Endocrinologie, Diabète et Maladies Métaboliques JN du DES 2017 Jeudi 5 & vendredi 6 janvier 2017 Espace Jean Monnet (FIAP) – 30, rue Cabanis – 75014 Paris

Programme des JN du DES 2017

Jeudi 5 janvier 2017 09h15 Accueil des participants > Rez-de-chaussée 10h00 Introduction, présentation des Journées, etc. > Amphithéâtre Bruxelles Antoine Tabarin & Nathalie Gauthier-Jeandidier 10h00 – 11h00 Mise au point > Amphithéâtre Bruxelles Modérateur : Philippe Chanson (Le Kremlin Bicêtre) • Classification théranostique des tumeurs hypophysaires Gérald Raverot • Les craniopharyngiomes : prise en charge Stéphanie Puget 11h00 – 11h40 Pause et visite des stands 11h45 – 12h30 Atelier A > Salle Madrid Atelier B > Salle Berlin Atelier C > Salle Oslo Atelier D > Salle Lisbonne Atelier E > Amphithéâtre Bruxelles 12h35-14h25 Repas 14h30 – 15h15 Atelier A > Salle Madrid Atelier B > Salle Berlin Atelier C > Salle Oslo Atelier D > Salle Lisbonne Atelier E > Amphithéâtre Bruxelles 15h20 – 16h25 Conférence > Amphithéâtre Bruxelles Modérateur : Hélène Hanaire Physiopathologie du DT1 Roberto Mallone 16h30 – 17h10 Pause et visite des stands 17h15 – 18h00 Atelier A > Salle Lisbonne Atelier B > Salle Berlin Atelier C > Salle Oslo Atelier D > Salle Madrid Atelier E > Amphithéâtre Bruxelles

17h00 – 19h00 Réunion du bureau du Collège des Enseignants > Salle Budapest

18h15 – 19h30 Assemblée Générale de l’Association Nationale des Internes d’Endocrinologie-Diabètologie > Amphithéâtre Bruxelles

ATELIERS

A Dosages des hormones stéroïdiennes (spectrométrie de masse) Lionel Groussin et Najiba Lahlou

B Dénutrition dans l’obésité (obésité sarcopénique) Blandine Gatta-Cherifi et Christine Poitou-Bernert

C Comment aborder un diabète instable ? Hélène Hanaire et Jean-Pierre Riveline

D Thyroïde et grossesse : actualités Françoise Borson-Chazot et Philippe Caron

E Hypogonadismes Véronique Kerlan et Jacques Young

Le secrétariat du Collège des enseignants est celui de la SFE :

Société Française d’Endocrinologie – Secrétaire : Sylvia Delplanque Adresse de correspondance (Centre d’affaires) : Chez Regus Paris Gare de Lyon – 37-39, avenue Ledru-Rollin – 75012 PARIS Siège social : 88, rue de la Roquette – 75011 PARIS Tel. : (33) 01 40 24 02 72 – Email : [email protected] – Site internet : http ://www.sfendocrino.org Le programme est également en ligne sur le site de la Société Francophone du Diabète : http ://www.sfdiabete.org/