DW • 50 DW • 51 A côté de bâtiments exceptionnels qu’il conviendra de Je pense, par exemple, aux projets que je fabrique actuel- préserver (au même titre que ceux des époques antérieu- lement à Lubumbashi (Katanga) et à N’gozi (Burundi). res), la grande majorité des innombrables constructions A une certaine époque, il était compréhensible que les de cette période demanderont d’importantes transforma- colons reproduisent dans ces régions un habitat en bri- tions pour rester vivables, contrairement à celles des pé- ques et en béton sur le modèle de ce qu’ils connaissaient riodes antérieures. en Europe, souvent en totale ignorance de la biosphère Les modes formelles se sont succédées sans relation in- locale. Mais, il n’en va plus de même aujourd’hui. Le bé- time avec l’art de construire, qu’il s’agisse du post-moder- ton armé et la brique, dont la cuisson dévaste encore les nisme, du mouvement dit « high-tech » ou même, au ris- forêts d’eucalyptus au Burundi, sont assurément exogène que de choquer, de l’engouement actuel et sans nuances à ces biotopes et l’image de modernité que ces matériaux pour les bâtiments dits « passifs ». véhiculaient jusqu’à présent est tellement désuète et éloi- En caricaturant un peu, on peut toujours retrouver, ca- gnée des préoccupations actuelles! chée derrière ces formes « à la mode », une construction Maintenant, on apprécie enfin à leur juste valeur lari- en briques et béton (en Europe) ou en acier et bois (aux chesse et la fécondité des cultures orales de ces lieux et USA). on découvre la pérennité de leur structure. La vigoureuse prise de conscience de l’impérieuse néces- Cela m’inspire aussi : il me semble, en effet, qu’il y a sité de renouer avec nos sens et avec la biosphère modifie «quelque chose», dans «la main» de l’artisan, qui est in- déjà profondément l’attitude actuelle de l’architecte: une timement lié au lieu et qui se transmet spontanément de nouvelle et merveilleuse aventure intellectuelle s’offre à génération en génération. La culture du lieu comporte lui. des savoir-faire traditionnels, très raffinés, en couture, J’ai été, à ce sujet, très impressionné par la lecture du en vannerie ainsi que, plus récemment, en ferronnerie. Il récent livre de Jeremy Rifkin «La troisième révolution in- s’agit donc de faire alliance avec cet artisanat pour réali- dustrielle». L’auteur y analyse avec rigueur et sans com- ser des constructions qui soient en phase avec le génie de plaisance l’état actuel de notre planète, mais il offre en lieu tout en répondant aux besoins contemporains. contrepartie une vision généreuse pour l’avenir et celle-ci Dans cet esprit, j’ai conçu les classes de l’école d’archi- m’enchante. Je partage sa feuille de route sur de nom- tecture de Lubumbashi en barres d’acier soudées, tôle breux sujets, tels que l’obligation de ne recourir (dans les ondulée et couverture en chaume, sous la forme de «ter- plus brefs délais) qu’aux seules énergies renouvelables, la mitières» pour assurer une bonne ventilation naturelle. nécessité de concevoir des bâtiments producteurs d’éner- Autre exemple, à Ngozi, de très grandes huttes en osier gie renouvelable et l’urgence de réfléchir en phase avec la sont suspendues à un filet en cordage d’aramide ancré biosphère. J’y ajoute l’importance de limiter la consomma- aux vieux eucalyptus. tion d’énergie nécessaire à l’édification des constructions, lesquelles doivent également redevenir démontables, et Est-ce que l’ est de l’art? de nous assurer de la libre jouissance de nos cinq sens. Non. Il y a l’art d’une part et l’architecture de l’autre Mes réflexions sur ces sujets captivants sont toujours ali- (même si les deux peuvent bien sûr s’associer). L’artiste mentées par la «fabrication» de mes projets d’architecture. travaille pour lui-même et propose son travail à la société. Comme cette fabrication a pour matières premières tant le On n’a jamais forcé Picasso à dessiner quoi que ce soit, «grand dessein » du maître de l’ouvrage que l’analyse fine il dessinait pour lui-même et cela a forcé l’admiration. du «génie du lieu», en ce compris la biosphère, elle donne Le fait que Michel-Ange ait peint la voûte de la chapelle forcément un résultat différent à chaque fois. Il ne vous Sixtine sur commande pour le Pape Jules II ne change étonnera donc pas que ces réflexions se construisent par finalement que très peu de chose au caractère «auto- bribes et morceaux, sur plusieurs sujets simultanément. centré» de la production de l’artiste. L’architecte, quant à De plus, les réflexions découlant d’une fabrication don- lui, ne dessine pas pour lui-même, mais toujours pour un née interfèrent toujours avec celles provenant des autres. commanditaire particulier et en un lieu bien défini. © Philippe SAMYN and PARTNERS – photo: Quentin Olbrechts Elles se complètent et s’additionnent ainsi graduellement Immeuble de bureau pour Eric Boulanger (BE) Notre travail d’architecte commence donc par l’écoute Nancy Banks-Smith disait: ‘L’architecture mo- au fil des projets et je tente, de temps à autre, d’en faire attentive du maître d’ouvrage et l’observation détaillée derne, c’est quand il faut allonger la jambe gau- une synthèse. de l’environnement. Les caractéristiques de ce dernier che pour maintenir fermée la porte des waters’. concernent autant les sciences humaines et naturelles que les sciences exactes : de l’histoire à la faune et la flore, Qu’en pensez-vous? de la géologie aux données climatiques. C’est dire toute Recontre avec Ir. Philippe Samyn... L’âme d’un architecte Samyn... L’âme avec Ir. Philippe Recontre Ir. Philippe Samyn: (rire) C’est une critique persiflante! l’importance de travailler en équipe multidisciplinaire où L’architecture suscite toujours de vifs débats! le sociologue, l’anthropologue, l’historien et le géogra- L’architecture dite « moderne », en particulier, de 1945 à phe contribuent autant à la réflexion que le botaniste, le nos jours, présente de nombreux aspects utopiques basés zoologue… ou l’acousticien et le thermodynamicien. sur une croyance excessive dans les progrès industriels. La suite du travail, basée sur ces données patiemment Elle n’a pas suffisamment puisé son inspiration dans les récoltées sans a priori, se compose d’un mélange de mé- progrès scientifiques et elle a superbement ignoré la bios- canismes d’invention, de découverte et de création com- Headquarters for the Council of the European Union (BE) Philippe SAMYN and PARTNERS, architects & , Lead and Design Partner, phère. Communal Centre Icibare for The Association Iriba (BU) binés en proportions très variables d’un projet à l’autre. Studio Valle Progettazioni architects, Buro Happold Limited engineers. DW • 52 DW • 53 Les concours sont une activité aussi périlleuse que magnifique. Quel est votre rôle dans votre société à part la créa- Il faut savoir résister, accepter d’en perdre dix ou quinze d’affi- tion ? Est-ce le suivi ou le contrôle? lée et, lorsqu’ils sont gagnés, accepter à nouveau qu’ils restent sans suite ou soient retardés comme c’est le cas de la gare Avec 62,2 architectes et ingénieurs équivalents temps plein au TGV Vesuvio Est au Sud de Naples dont nous avons gagné le 31 décembre 2011, notre équipe reste à l’échelle humaine. concours en 2009 déjà. J’en suis simultanément le concierge et l’animateur! Plus sérieusement, mes dix associés font tourner la «boutique» Vous êtes en train de construire le nouveau siège avec moi. Je peux me concentrer sur la conception de tous les du Conseil de l’Union européenne. Comment cela se projets grâce à leurs compétences et leur précieuse complicité. passe-t-il? Avez-vous gagné le concours? Cela me permet aussi de concevoir, de dessiner et de calculer sereinement, de vérifier et corriger tous les plans produits tant Oui, j’ai gagné le concours, à la tête d’un groupe composé par les membres de mon équipe que par le monde extérieur. aussi de Studio Valle Progettazione et Buro Happold. Cela ar- Tout est important dans la fabrication d’un projet, du concept rive! Il s’agit d’un ouvrage d’une grande complexité, qui se doit initial jusqu’au dernier boulon. d’être exemplaire. Il est donc normal que ce travail absorbe International Polar Foundation – Belgian Antarctic Base: princess Elisabeth (An) Photo: International Polar Foundation – René Robert une bonne partie de mon énergie depuis 2005 et continuera «La création est un désir en marche», comme dit le à l’absorber jusqu’en 2014. Ceci peut vous paraître long mais poète. Vous parlez de donner une «âme à une pier- C’est à ce moment qu’il est fécond d’associer l’art au projet. que me confia Eric Boulanger. c’est normal: l’architecture est un marathon, peut-être un dé- re». Allez-vous dans le même sens? L’architecte s’occupe d’espace et de lumière, il modèle le vide Quant à George Meurant, il crée régulièrement des composi- cathlon, mais en aucun cas un sprint ! au moyen de matériaux. Pour ma part, je n’ajoute pas de cou- tions polychromes pour mes constructions. C’est une façon elliptique de m’exprimer, mais je pense que leur, j’emploie les matériaux dans leur couleur naturelle: la pier- Quelles études avez-vous fait et depuis combien de cela dit bien ce que cela veut dire. Ontologiquement, la pierre Comment vient la commande? re bleue, la brique rouge, le bois blond, etc. Quand le matériau temps votre bureau existe-t-il, avez-vous une acti- n’a pas d’âme, bien sûr, mais nous éprouvons tous, dans notre doit absolument être peint ou coloré, je choisis des gris purs, Par «chance», si ce mot signifie le hasard dont on se rend vité académique? âme, l’impérieuse nécessité du contact avec la nature, nous aimons la sentir «résonner» avec notre âme humaine. En tant sans aucune nuance de couleur (entre le noir pur et le blanc compte. Cette chance s’obtient par concours en ce qui concer- J’ai fait des études d’ingénieur civil des constructions et obtenu qu’architecte, il me faudrait réellement faire preuve de maso- pur). La couleur ne fait pas partie des outils de l’architecte, elle ne les constructions publiques. un certificat complémentaire de programmation à l’Universi- chisme pour ne pas apprécier et rechercher le toucher des ma- est le fait du peintre. L’architecte qui peint un mur en jaune Contrairement à ce que l’on croit, et c’est très bien ainsi, c’est té Libre de Bruxelles (ULB) (1971), puis un Master of Sciences sort de son rôle et fait œuvre de peintre. Ce n’est pas interdit, le commanditaire qui choisit son architecte et ce dernier a be- tériaux naturels:Lubumbashi Schoolla pierre, of Architecture le bois,(RDC) la vannerie, les textiles, etc. in Civil Engineering au Massachusetts Institute of Philippe SAMYN and PARTNERS, architects & engineers. Personne ne reste insensible à ce que la nature nous offre et le bien sûr, mais cela doit être conscient. En ce qui me concerne, soin de lui pour œuvrer. (1973), puis le grade d’ingénieur urbaniste de l’ULB (1973). contact avec elle passe nécessairement par nos sens. je donne l’occasion chaque fois que c’est possible à des artistes J’aborde chaque concours avec un regard candide et curieux, Ensuite, j’ai obtenu un post-graduat en gestion à l’école de Mais notre environnement citadin, de plus en plus artificiel, d’enrichir l’espace que je crée par leur intervention, pas néces- avec enthousiasme mais sans illusions. J’y met toujours toute commerce Solvay de l’ULB (1985) et, last but not least, le di- sairement picturale d’ailleurs. mon énergie, j’y fais mes gammes en quelque sorte! J’y peau- plôme d’architecte devant le Jury d’Etat (1985). J’ai fait sur le C’est ainsi, par exemple, que Henri Pousseur composa un ca- fine aussi mon approche théorique. tard un doctorat à l’Université de Liège (1999). Mon activité rillon tridimensionnel pour habiter la cour de l’ensemble d’im- scientifique concerne la morphologie structurelle et en particu- meubles de bureaux «Espace Christian Dotremont» à Nivelles. lier la recherche des formes statiques les plus légères capable « Le Village Planétaire » qu’il créa pour l’occasion, est une de de résister à un ensemble de forces donné. ses œuvre majeures. Les merveilleux tympans polychromes de J’ai commencé ma vie professionnelle en 1972: à mi-temps ces bâtiments sont, quant à eux, de la main d’Yves Zurstras- chez l’architecte Albert De Doncker, qui fut mon maître de sen. stage bienveillant et éclairé, et à mi-temps comme ingénieur Une autre fois, c’est Kris van de Giessen qui maroufla une gi- calculateur au bureau d’ingénieurs-conseils Verdeyen et Moe- gantesque toile peinte sur le plafond du restaurant qui enjam- naert. be l’autoroute E19 à hauteur de Nivelles. Après deux ans de collaboration, Albert me permit de devenir A Louvain-la-Neuve, Olivier Strebelle colonisa la butte paysa- son associé, mais sa santé défaillante mettra prématurément gère qui je lui destinais au centre de recherche de Shell et, à fin à sa carrière, m’obligeant à fonder mon propre bureau en Waterloo, il réalisa la girouette du petit immeuble de bureaux 1977 en créant la société d’architectes et d’ingénieurs Philippe Samyn and Partners, telle qu’elle est encore aujourd’hui. Quant à mon activité académique, j’ai enseigné à la Vrije Uni- versiteit Brussel, Faculteit Toegepaste Wetenschappen, à la Fa- culté de Polytechnique de Mons et à la Cambre jusqu’en 2006. J’y ai ensuite renoncé par manque de disponibilité et en raison de mes incessants voyages à l’étranger. Je reste cependant attaché à mes travaux au sein de la Classe des Arts de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Arts de Belgique, où je siège depuis 1992, ainsi qu’à mon man- Château Cheval Blanc (FR) dat d’administrateur au Bureau de Contrôle Technique pour la Construction SECO, que j’exerce aussi depuis 1992. SECO joue aussi un rôle essentiel, à côté de nos universités et centres de recherche, dans la diffusion du savoir. Caserne de pompiers de Houten (PB) © Photo: Christian Richters. Château Cheval Blanc (FR) DW • 54 DW • 55

Pour revenir à la question de l’âme, un morceau de tissu ou un beaux brocards qu’ils réalisent pour nos plus grands couturiers. bout de bois ont une «âme», dans la mesure où ils sollicitent Outre leur aspect magnifique et l’histoire qu’elles contiennent, ces étoffes ont un toucher vo- luptueux! Finalement, l’«âme» est une question de charme. Je pense au livre de Fernand Pouillon: «Les pierres sauvages» qui exprime magnifiquement cet affect si fécond pour la ma- tière.

Selon Sardou : ‘Ce n’est pas le sang qui coule dans nos artères, mais la rivière de notre enfance’. Il y a souvent un événe- Lubumbashi School of Architecture (RDC) ment marquant de l’en- fance qui nous pousse à nos sens. Ce sont ces matériaux sensuels, alliés à l’espace archi- devenir soit architecte, soit écrivain, etc. Qu’est-ce tectural, qui transforment la simple beauté formelle du dessin qui vous a poussé à devenir architecte? en une beauté vivable, perceptible et propice à la jouissance (par exemple, la sensation délicieuse que l’on éprouve en mar- Nous avons été, mon frère Gilles et moi, éduqués avec amour chant sur un parquet). par notre père Edouard Samyn, gantois ingénieur et inventeur Total Fina Elf Europe – Service Station Orival Area (BE) génial, et notre mère Isaline Delmotte, lyonnaise et artiste, avec Photo: Christian Richters. Parmi les matériaux de construction, ceux qui ont une «âme» ont aussi le chic de vieillir harmonieusement, de recevoir les une main de fer dans un gant de velours. Nous avons grandi nous éloigne peu à peu de ce contact sensoriel avec la nature. l’environnement acoustique, forçant l’emploi systématique de coups avec élégance et d’être réparables: ils se patinent au lieu au bord d’un large méandre de la Lys à Veureweg, Afsnee près Observez les lieux de travail actuels: qu’est-ce qui nous oblige à panneaux absorbants acoustiques à faible durée de vie. Notre de se salir ou de se dégrader, comme c’est le cas de la plupart de Gent. Nos parents y avaient dessiné, et en partie construit vivre entourés de moquettes synthétiques, de plafonds suspen- toucher s’atrophie en l’absence de repères tactiles naturels. des matériaux trop industrialisés. d’ailleurs, une maison très proche de ce que l’on appelle main- dus en laine minérale agglomérée, de châssis en aluminium, de Le goût échappe heureusement à cet appauvrissement généra- Au fond, au-delà de toute considération technique, nous tenant une maison passive. vitrages réfléchissants collés dans un filin de mastic silicone, de lisé, car on ne lèche pas (encore?) les bâtiments… aimons spontanément certains matériaux plus que d’autres La partie sud du jardin était très fleurie avec toutes ces plantes meubles en plastique, etc. Même les nombreux règlements et Les préoccupations relatives aux économies d’énergie, qui do- parce qu’ils portent en eux des rêves, des histoires, des sou- et fleurs que l’on trouve dans les jardins de Flandre. Des aubé- normes ne l’imposent pas. minent la pensée architecturale et constructive actuelle, ris- venirs remontant à nos premiers contacts de l’enfance avec pines et un rang de saules têtards formaient la haie le long du Cet environnement en matériaux artificiels ne nous permet quent d’aggraver encore l’atteinte aux sens. Par exemple, les la nature. C’est sans doute pour cela que, par une sorte de Veureweg. La partie nord était plus naturelle avec une grande plus de jouir pleinement de nos sens: vision, odorat, audition verres très isolants ont une plus faible transmission lumineuse substitution poétique, nous leur attribuons intuitivement une prairie que nous fauchions avec notre père et dans laquelle, et toucher sont malmenés. Notre libre perception des couleurs et un moins bon rendu de couleurs que le verre «cristal» et les «âme». sans couper la merveilleuse vue vers le méandre, nous avons est bridée par les verres teintés et par le mauvais rendu des sources d’éclairage artificiel les plus économes en énergie ont C’est ainsi que la façade de l’atrium du Conseil de l’Union planté un bois de peupliers. Notre mère nous encourageait à couleurs des sources de lumière artificielle. Notre odorat est un moins bon rendu des couleurs. Autre exemple, l’améliora- européenne est conçue comme un patchwork de vieux châs- faire des gouaches et des aquarelles de cette magnifique vue incommodé par les gaz émanant des produits issus de la pé- tion de l’étanchéité à l’air d’une construction est souhaitable sis de chêne et de châtaigner récupérés dans les 27 pays de au nord. Elle m’envoya aussi faire une gouache de l’Agneau trochimie… quand ce n’est pas par les odeurs de la cantine. en soi, mais il importe qu’elle n’entraîne pas la réduction de la l’Union. Dans le même esprit, j’ai aussi développé des tissus, mystique de Van Eyck dans la Sint-Baafskathedraal. Notre audition est agressée par le peu d’attention portée à qualité de l’air intérieur. avec Tessitura Umbertino à Biella, à partir des chutes des plus De grandes explorations à vélo entre les champs et les fermes,

Total Fina Elf Europe – Service Station Orival Area (BE) DW • 56 DW • 57 salles à manger panoramiques particulières), une grande salle de spectacles dans une vieille carrière abandonnée et un hôtel dans une autre carrière. Très récemment, toujours grâce à ce prix, le père Zaman qui succéda à Sœur Emmanuelle, m’a demandé d’étudier le grand dais de l’église des coptes dans la cité des chiffonniers au Caire. J’appelle de tous mes vœux la concrétisation de ce projet, c’est presque mythique!

Quel est le plus beau voyage que vous avez fait?

Il y a de nombreux lieux, de nombreuses œuvres, qui m’ont enchanté au fil de mes voyages et qui continuent de nourrir ma réflexion d’architecte et ma sensibilité d’artiste. Par exemple, sans surprise, le Palais des Vents de Jaipur, Deir el-Bahari en Egypte ou la Chapelle Sixtine à Rome. Il y a aussi des œuvres nettement plus discrètes mais tout aussi puissantes, comme l’abbaye de Vaals aux Pays-Bas, entre Maastricht et Aachen, ou certaine grange anonyme quelque part dans la campagne du Gers, en France. Mais le plus beau voyage, c’est le prochain! Comme en cuisine, l’attrait de la découverte d’une nouvelle saveur est bien plus intéressant que l’évocation des succulences passées…

2012-05-19

Aula Magna UCL (BE) Photo: Georges De Kinder. des expéditions en barque sur la Lys, accompagnés de baigna- ment aux USA et au Japon. Le grand voyage est entré très tôt des, des parties de chasse aux papillons et aux hannetons en dans mon mode de vie. Encore aujourd’hui, je ne refuse jamais mai, rythmaient nos moments de distraction. Une éducation de donner une conférence où que cela soit sur la planète parce ouverte sur la nature, nous avons eu beaucoup de chance... que j’ai toujours la sensation d’y en retirer plus que ce que je Une enfance remplie de voyages culturels en Europe aussi, avec n’y donne. Je voyage donc beaucoup et même si je travaille Immeuble de bureau pour Eric Boulanger (BE) Photo : J. Bauters sprl. beaucoup de pinacothèques, sans compter les mois d’été chez aisément en avion, cela explique que je bouge peu en Belgique notre grand-mère à Cannes. pour me concentrer sur mes tâches avec mes collaborateurs. Je suis totalement disponible 24 heures sur 24, 365 jours par Est-ce cela qui vous a poussé à devenir architecte? an, ici ou ailleurs, prêt à «décoller» quand il le faut, même au J’ai l’impression d’être né avec cette détermination, je dessine pied levé comme la semaine passée pour nos trois projets à des constructions depuis mon plus jeune âge. A 12 ans, j’ai Zhoushan, en Chine. même envoyé un projet à Le Corbusier (il ne m’a jamais répon- C’est à Wang Shu, qui vient de recevoir le Pritzker Prize, que je du). Mais, comme mon père, ma mère et mon frère je m’inté- dois ces trois projets. ressais aussi à des tas d’autres questions captivantes. A dix-huit Comment avez-vous connu Wang Shu? ans, j’aimais particulièrement la peinture et les mathématiques. Je me suis dit alors que je ne perdrais jamais mon envie d’art Wang Shu est un architecte chinois célèbre qui reçut, une an- mais qu’il était plus judicieux de discipliner mon esprit par les née avant moi, le «Global Award for Sustainable Architecture». mathématiques appliquées. Je suis donc entré à l’Ecole Poly- Ce prix récompense chaque année, depuis cinq ans déjà, cinq technique de l’Université Libre de Bruxelles. architectes dont la démarche est respectueuse de l’environne- L’enseignement exceptionnel que j’ai eu le privilège d’y recevoir ment au sens large. Tous les récipiendaires de ce prix partagent m’a donné la première boîte à outils intellectuelle nécessaire. le même socle philosophique et nous formons donc un groupe Elle m’a permis de développer librement et progressivement très empathique. ma pensée et mon action, de me préparer progressivement à C’est ainsi que, lorsque jeTotal reçus Fina Elf Europe le prix – Service à Station la Villa Orival Area Savoye (BE) de mon «entrée en Architecture» aussi, puisque mon temps est Le Corbusier en présence de Wang Shu, il m’invita, avec sept toujours partagé entre architecture et ingénierie. autres de nos amis, à travailler avec lui au projet de village cultu- De généreuses bourses d’études universitaires m’ont permis à rel de Lujiazhi à Zhoushan. J’y fais le pavillon d’accueil (avec, Total Fina Elf Europe – Service Station Orival Area (BE) Total cette époque de faire mes premiers grands voyages, notam- entre autres, une tour de 22 étages composée uniquement de