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Séquences : la revue de cinéma

Unsane Évasion du système Guillaume Potvin

Abdellatif Kechiche, Mektoub My Love : Canto Uno Numéro 314, juin 2018

URI : https://id.erudit.org/iderudit/89071ac

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Éditeur(s) La revue Séquences Inc.

ISSN 0037-2412 (imprimé) 1923-5100 (numérique)

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Citer ce compte rendu Potvin, G. (2018). Compte rendu de [ : évasion du système]. Séquences : la revue de cinéma, (314), 34–34.

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Unsane

Évasion du système GUILLAUME POTVIN « ... l’examen protocolaire Comment résister, à l’intérieur même de la suicidaires. Lorsqu’elle révèle cela lors d’une séance auquel croyait avoir structure hollywoodienne, à l’uniformisation thé- avec sa psychothérapeute, on la confie à l’urgence consenti Sawyer se révèle matique et formelle de ses productions ? C’est la psychiatrique pour être évaluée. Mais l’examen pro- plutôt comme étant la question qui semble guider le travail de Steven tocolaire auquel croyait avoir consenti Sawyer se première étape d’un séjour Soderbergh depuis sa montée fulgurante entamée révèle plutôt comme étant la première étape d’un séjour d’observation d’une semaine en compagnie d’observation d’une semaine par son Sex, Lies, and Videotape en 1996. Avec un pied sagement ancré dans le système des majors de patients en prise avec un éventail de problèmes en compagnie de patients (Traffic, Ocean’s Eleven, Magic Mike) et un pied de santé mentale. Il s’agit assurément d’un malen- en prise avec un éventail de rebelle planté hors de celui-ci (Full Frontal, Bubble, tendu ou d’une entourloupe, car Sawyer est mani- problèmes de santé mentale. » The Girlfriend Experience), le réalisateur a mené festement en pleine possession de ses moyens… ou une carrière manifestement limitrophe. Unsane se l’est-elle vraiment ? classe de toute évidence dans cette deuxième caté- Qui croire dans ce Catch-22 ? Le personnel gorie de films-expérimentations qui cherchent de de l’hôpital qui assure Sawyer que son séjour est nouvelles manières de porter des récits à l’écran. pour son bien-être ? Ou Nate ( Jay Pharoah, ap- C’est le genre familier du thriller psychologique — portant une sensibilité comique appréciée), le pa- avec quelques accents horrifiques — qui sert d’ancrage tient semblant être le plus rationnel du groupe, qui aux déviations esthétiques qui opèrent dans Unsane. prétend qu’ils sont victimes d’une arnaque visant à En effet, on remarque immédiatement le caractère ra- soustraire le plus d’argent possible à leurs compa- dicalement atypique de la direction photo assurée par gnies d’assurances ? Qui plus est, le tourmenteur de Soderbergh lui-même : les images sont unidimension- Sawyer refait surface. Soderbergh cultive la déso- nelles, présentant une profondeur de champ très com- rientation et multiplie les fausses pistes, mais s’as- pressée et une perspective curieusement tordue, voire sure toujours de demeurer accessible; en aucun mo- gondolée. Puisque chaque prise de vue contredit nos ment ne virons-nous en terrains aussi déstabilisants attentes de ce à quoi devrait ressembler une telle scène, qu’un Inland Empire, pour prendre un autre thriller notre visionnement — surtout lors de travellings et de psychologique tourné avec une caméra destinée aux gros plans — est ponctué par ces questions récurrentes : particuliers. Non, ici l’avant-gardisme s’en tient à la « Comment ces images ont-elles été tournées ? Quelle méthode de tournage et à la qualité des images plu- esthétique familière évoquent-elles ? » tôt qu’à la forme même du film. La réponse ne pourrait être plus embléma- Quelles avenues pourraient donc être ouvertes tique de notre époque, car Unsane a été tourné par les caméras des téléphones intelligents ? C’est avec la même caméra qu’on utilise couramment une réflexion enthousiasmante, surtout lorsque sur- — pour faire des appels vidéos ou prendre des gissent des films aussi novateurs que le Leviathan Une situation kafkaesque égoportraits : c’est-à-dire celle d’un iPhone 7 Plus. (2012) de Lucien Castaing-Taylor et Verena Paravel, Mais nul besoin de savoir cela pour ressentir les objet filmique qui ne pourrait exister sans les caméras effets de ce choix esthétique. Il s’installe en nous GoPro. Depuis quelques années, on vante le poten- une sorte de dissonance cognitive à la vue de ce tiel des téléphones intelligents et de leurs caméras. type d’images habituellement réservé aux écrans « Aujourd’hui, tout le monde peut faire un film ! », de nos appareils personnels gonflés ici à des pro- proclament les optimistes. Toutefois, force est de portions géantes : leur simple projection publique constater que pour l’instant, ceux tournés avec des paraît intrusive et voyeuse. téléphones font non seulement figure d’exceptions, L’état de paranoïa et de claustrophobie dans mais l’engouement qu’ils suscitent est justement DÉRANGÉE lequel nous sommes donc plongé colle de près à dû largement au caractère inusité de leur outil de Origine : États-Unis la situation kafkaesque dans laquelle se trouve la production. Rappelons par exemple la réception du Année : 2018 protagoniste Sawyer Valentini, interprétée bril- Tangerine de Sean Baker au festival de Sundance Durée : 1 h 38 lamment par Claire Foy. Nouvellement installée de 2015. Unsane se présente ainsi comme une Réal. : Steven Soderbergh Interprètes : Claire Foy, Joshua Leonard, en Pennsylvanie afin de fuir l’homme qui la harce- démonstration de faisabilité réussie par un des ci- Jay Pharaoh, Juno Temple, Aimee Mullins lait, la jeune femme souffre d’un trouble de stress néastes grand public les plus soucieux de la dispari- th Dist. : 20 Century Fox post-traumatique qui suscite en elle des pensées tion progressive de liberté créatrice à Hollywood.

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