HISTOIRE D’UN TERRITOIRE

saint-chamond.fr - 1

Sommaire

Introduction...... p.4

L’héritage : des communautés d’habitants à la reconnaissance des communes par la Révolution française...... p.5

Saint-Chamond à l’étroit : tentatives d’agrandissement...... p.11

La création de la commune de L’Horme : une longue marche...... p.23

Chavanne, La Valette : tentations sécessionnistes...... p.33

1964, naissance du « Grand Saint-Chamond » : un aboutissement ?...... p.36

1970 : le projet de « Grande Vallée »...... p.44

L’intercommunalité : une alternative...... p.50

Conclusion...... p.56

Chronologie...... p.57

Bibliographie...... p.58

Sources et sites internet...... p.59

saint-chamond.fr - 3 L’agglomération saint-chamonaise vue du ciel en 1953. Source, photographie IGN.

INTRODUCTION

En 1964, naissait de la fusion de quatre com- munes (Saint-Chamond, Izieux, Saint-Julien- en-Jarez, Saint-Martin-en-Coailleux) ce que l’on a appelé « le Grand Saint-Chamond ». Quarante ans après, les anciennes communes sont deve- nues des quartiers de Saint-Chamond, mais ont gardé une identité forte. La fusion de 1964 est un évènement important dans l’histoire de Saint-Chamond. Ignoré des jeunes générations, il reste à l’inverse parfois mal accepté par ceux qui l’ont vécu. Il intervient pourtant dans une histoire vieille de plusieurs siècles. Elle commence en 1244 avec la première charte de franchises accordée aux ha- bitants de Saint-Chamond, attise les passions au XIXe siècle, et se poursuit aujourd’hui avec l’aventure de l’intercommunalité. C’est cette histoire que cet ouvrage vous invite à découvrir.

4 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE L’HÉRITAGE DES COMMUNAUTÉS D’HABITANTS À LA RECONNAISSANCE DES COMMUNES PAR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

L’origine des communes actuelles se perd Mais la communauté rurale s’inscrit sur- dans les méandres du Moyen-Âge, et on tout dans le cadre de la seigneurie. Quelle sait peu de choses sur leur apparition. que soit sa personnalité (prince, comte, Celles qui nous concernent n’échappent établissement ecclésiastique), c’est le sei- pas à la règle. Les premières mentions gneur qui détient l’exercice des fonctions écrites de ces lieux apparaissent entre publiques, notamment le « ban » (le com- le Xe et le XIIe siècle (984, première men- mandement) et la justice. La communauté tion d’Izieux). Les habitants se regroupent villageoise ne dispose d’aucun organisme spontanément autour d’intérêts com- officiel pour la représenter, mais les habi- muns, en premier lieu pour répondre aux tants se réunissent en « assemblée géné- exigences de la vie agricole. La constitu- rale » pour régler les questions soulevées tion de paroisses joue également un rôle par la vie collective, avec l’autorisation du unificateur... seigneur. L’assemblée nomme parfois un procureur pour faire exécuter ses déci- sions. Progressivement, les communautés ru- rales parviennent à assurer elles-mêmes la gestion de leurs intérêts spécifiques, bien qu’elles demeurent en principe sous l’autorité du seigneur, qui continue à exer- cer la justice. À partir du XVIIe siècle, les communautés rurales passent progres- sivement sous tutelle royale : ce sont les intendants du roi et leurs collaborateurs, les subdélégués, qui les surveillent. Les villages d’Izieux, Saint-Martin-en- Coailleux et Saint-Julien-en-Jarez sont dans ce cas. Les trois paroisses semblent exister dès le XIe siècle et étendent leur in- fluence sur un vaste territoire rural.

Saint-Chamond et son château en 1771. Illustration tirée de l’Histoire de Saint-Chamond de J. Condamin.

saint-chamond.fr - 5 Saint-Chamond a une histoire un peu dif- consuls peuvent se réunir spontanément férente. Le bourg qui se constitue à partir pour débattre des intérêts de la cité, et du XIIe siècle sur la colline Saint-Enne- des prud’hommes peuvent arbitrer les mond est étroitement lié à la présence du litiges. Saint-Chamond devient ainsi « ville château seigneurial. franche1 », ce qui favorise son dévelop- À l’intérieur des murailles, les habitants pement : l’affranchissement des serfs au prennent progressivement conscience des bout d’un an et la sécurité procurée par les intérêts communs qui les lient et s’orga- remparts attirent de nouveaux habitants, nisent pour les gérer. l’exemption de certains droits seigneu- Le 11 novembre 1244, le seigneur, Guigon riaux encourage le commerce. Cependant, de Jarez, reconnaît cet état de fait en ac- Saint-Chamond n’est pas une commune : cordant aux habitants de Saint-Chamond les bourgeois n’ont pas de réel pouvoir, une charte de franchises : les habitants c’est le seigneur qui administre le bourg, sont exemptés de certaines taxes, des rend la justice, dispose du droit de ban.

Extrait de la carte de Cassini (fin du XVIIIème siècle). Source : IGN.

1. Cette charte de franchises est accordée un an après celle de Montbrison, sur le modèle de celle de Villefranche-sur-Saône.

6 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE La charte de franchises de 1224 est par débats, et devant l’ampleur de la révolu- la suite régulièrement confirmée par les tion municipale, la Constituante décrète le seigneurs qui se succèdent, et modifiée 12 novembre 1789 « qu’il y aura une muni- en 1496. Au XVIe siècle, les droits seigneu- cipalité dans chaque ville, bourg paroisse riaux sont plusieurs fois contestés par les ou communauté de campagne ». habitants, mais une charte de franchises Si l’identité multiséculaire des milliers de continue à régir les rapports entre le sei- communautés d’habitants est respectée, gneur et les habitants. La ville est égale- la Constituante décide de substituer à la ment sous la tutelle du pouvoir royal, re- variété des conditions municipales issues présenté par l’intendant. des coutumes locales un statut uniforme : Très tôt, Saint-Cha- c’est l’objet de la mond présente donc Saint-Chamond connaît loi du 14 décembre les caractéristiques 1789. La d’un bourg relati- un véritable essor économique, compte désormais 44 vement important, lié notamment au travail 000 communes, qui regroupé au pied disposent toutes des du château sei- de la soie. mêmes organes, des gneurial, mais dé- mêmes attributions pourvu d’un territoire rural étendu. Cela et des mêmes pouvoirs. reste vrai quand, à partir du XVIe siècle, La délimitation des communes reprend Saint-Chamond connaît un véritable essor largement celle des paroisses constituées économique, lié notamment au travail de dès le Moyen-Âge. Dans la vallée du Gier, la soie. Le bourg devient une petite ville Saint-Chamond se trouve dotée d’un tout qui s’étend le long du Gier et du et petit territoire, qui s’étend du couvent des compte bientôt trois paroisses. Minimes au Sud au sommet de la colline Saint-Ennemond au Nord. Tout autour Quand la Révolution française surgit, les s’étend le vaste territoire des communes villes et communautés rurales ont déjà rurales d’Izieux, Saint-Martin-en-Coailleux une longue histoire. Quand, à partir de et Saint-Julien-en-Jarez. septembre 1789, l’Assemblée Consti- tuante s’attaque à la réforme de l’admi- nistration des villes et villages de France, deux visions s’opposent. De nombreux dé- putés, dont Thouret, Sieyès et Condorcet, se prononcent pour la mise en place de 6 500 grandes communes. Selon eux, elles sont mieux adaptées pour permettre l’ex- pression populaire. Pour d’autres, et en premier lieu pour Mirabeau, le maintien de la situation existante, avec de multiples structures éparpillées, permet de mieux contrôler les citoyens. Après de nombreux

Saint-Martin-en-Coailleux, Place de l’église. Collection Médiathèque municipale Louise Labé.

saint-chamond.fr - 7 Dès 1791, la commune d’Izieux est sollici- Art. 180 – La réunion des agents munici- tée par les habitants de quelques hameaux paux de chaque commune forme la muni- isolés qui sollicitent leur annexion. Ochar- cipalité de canton. ra et Les Vignes sont rattachés à Izieux. Le Art. 181 – Il y a de plus un président de l’administration municipale, choisi dans 21 août de la même année, le conseil gé- tout le canton. » néral de la commune examine la demande Le canton de de la commune de Saint-Chamond Saint-Jean-Bonne- La Révolution française est est alors compo- fonds, qui souhaite une période de tâtonnements sé, outre le chef- annexer les ha- lieu, des com- meaux d’Ocharra, dans la mise en place de munes de La Valla, La Chalabrière, La Saint-Jean-Bonne- Vianière, La Viaure, nouvelles institutions. fonds, Izieux, Saint- La Chabure, La Bé- Martin-en-Coailleux et Saint-Julien-en- néchère, La Côte-des-Egaux, Pauguet et Jarez, qui comptent toutes moins de 5 000 Les Echalières. habitants. Au début du mois de novembre Selon la municipalité saint-jeandaire, 1795, les assemblées primaires se réu- ces hameaux sont plus proches de nissent pour élire les agents municipaux Saint-Jean-Bonnefonds que d’Izieux. Sur- et le président de l’administration muni- tout, leurs habitants doivent traverser le cipale. Pour surveiller la municipalité de Janon pour assister à l’office religieux ou canton, un commissaire de gouvernement aux enterrements, ce qui pose problème est nommé par le Directoire. Cette nou- lors des crues fréquentes. Mais les habi- velle organisation soulève une vive oppo- tants en question protestent contre le pro- sition de la part des communes rurales : jet et adressent une pétition à la municipa- leurs élus refusent dans un premier temps lité d’Izieux. Celle-ci l’adresse au Directoire de se joindre aux agents municipaux de du district de Saint-Étienne, qui donne sa- Saint-Chamond. Dans un contexte difficile, tisfaction aux pétitionnaires en rejetant les la municipalité de canton tente tant bien prétentions de Saint-Jean-Bonnefonds. que mal de maintenir un minimum d’ad- ministration locale. La Révolution française correspond à une période de tâtonnements dans la mise en En cinq ans, cinq présidents se succèdent place de nouvelles institutions. C’est ainsi à la tête de la municipalité : Hervier-Des- que la Constitution de l’an III (1795) modifie grand, Couchoud, Ardisson, Etienne le système de l’administration municipale Faure, Jean-Baptiste Perrochia. Tous ont mis en place 6 ans plus tôt, en instituant des difficultés à lever l’impôt ou à assu- notamment des municipalités de canton : rer un minimum de sécurité, sans parler du fonctionnement de l’administration en « Art. 179 – Il y a dans chaque commune, dont la population est inférieure à cinq elle-même, les agents municipaux faisant mille habitants, un agent municipal et un preuve à la fois d’absentéisme régulier et adjoint. d’incompétence.

8 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE Les municipalités de canton disparaissent Cette expérience de regroupement com- avec le régime qui les avait instituées, le munal autoritaire n’a duré que cinq ans. Directoire. Elle se solde par un relatif échec. En 1800, chaque commune retrouve son autonomie.

Maquette de la colline Saint-Ennemond en 1644. Photo Alain Rivory.

L’Hôtel de Ville de Saint-Chamond, installé dans l’ancien couvent des Minimes en 1792. Collection Médiathèque municipale Louise Labé (564 720).

saint-chamond.fr - 9 Place de l’Égalité. A gauche, le bureau d’octroi. Collection Médiathèque municipale Louise Labé (413 219).

La mairie de Saint-Julien-en-Jarez. Collection Médiathèque municipale Louise Labé (630 1154).

10 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE SAINT-CHAMOND À L’ÉTROIT : TENTATIVES D’AGRANDISSEMENT

Le 16 mai 1818, le maire de Saint-Cha- mond présente au Conseil municipal un rapport « sur la réunion à la ville de Saint-Chamond de la banlieue et de ses faubourgs ». Le Conseil est invi- té à émettre un vœu sur l’annexion par Saint-Chamond d’une partie des com- Or les limites de Saint-Chamond rendent munes adjacentes : Izieux, Saint-Julien- difficile le contrôle de l’entrée des mar- en-Jarez et Saint-Martin-en-Coailleux. chandises en ville et, selon la municipa- lité, facilitent même la fraude. Ainsi les Pour M. Ardisson, la délimitation de la maisons et les terrains qui bordent la commune a été mal conçue dès sa créa- place de la Croix de Beaujeu4, point de tion à la Révolution Française. Le terri- passage obligé des marchandises en pro- toire de Saint-Chamond est selon lui trop venance des fermes des coteaux du Jarez, étroit, et les territoires des communes voi- font partie soit de Saint-Chamond soit de sines enserrent la ville de toute part : ils Saint-Julien, ce qui complique fortement approchent tous les trois à moins de 200 la tâche des préposés à l’octroi. Cet impôt mètres de la principale place de la ville, étant la principale ressource financière de la place Royale2. Les limites ne sont pas la commune5, il est de son intérêt de fixer assez nettes et sujettes à discussion. Ainsi les limites avec les communes adjacentes Saint-Martin « a une maison dont la porte en rase campagne, pour décourager les d’entrée se trouve sur Saint-Chamond et fraudeurs. dont les appartement sont coupés par la Pour le maire de Saint-Chamond, la po- ligne formant la démarcation entre les pulation des parties des communes an- deux communes ». nexées a tout à gagner à rejoindre la com- mune centre. Avec le produit de l’octroi, Le problème essentiel soulevé par l’ad- il souhaite notamment créer une école à ministration municipale est la difficulté à Saint-Julien, « dont le besoin se fait sentir percevoir l’octroi3. Les droits d’octroi sont depuis longtemps dans un faubourg popu- une taxe indirecte prélevée sur les denrées leux, composé essentiellement d’ouvriers destinées à la consommation locale à leur peu aisés qui ne peuvent faire les frais entrée sur le territoire de la commune. d’un maître d’école ».

2. L’actuelle place de la Liberté 3. « Octroi » vient du verbe octroyer (accorder) : la ville octroie l’entrée de marchandises sur son territoire en échange d’une taxe. Impôt institué sous l’Ancien Régime puis supprimé en 1791, il est rétabli entre 1798 et 1803 au profit des communes, dont il devient la principale ressource. Il est définitivement aboli en 1948. 4. L’actuelle place de l’Egalité 5. En 1817, les recettes de Saint-Chamond s’élèvent à 26 161 francs et 93 centimes, dont 20 000 proviennent de l’octroi.

saint-chamond.fr - 11 Pour les parties d’Izieux et de Saint-Martin ter en eau les fontaines qu’elle projette rattachées à Saint-Chamond, il expose que d’établir en ville. Mais surtout, quelques le petit nombre d’enfants qui y résident « usines » se sont déjà installées le long bénéficiera des écoles de Saint-Chamond. du Gier pour mettre à profit sa force mo- Autre argument de poids : les accès à trice, « des usines alimentées par des Saint-Chamond sont difficiles en dehors négociants de Saint-Chamond » : l’ad- de la route de Saint-Étienne à , car ministration municipale souhaite donc les communes adjacentes n’ont pas les qu’elles se trouvent sur son territoire. Elle moyens d’entretenir convenablement la pressent peut-être le développement futur voirie communale (elles ne prélèvent pas de l’industrie métallurgique sur le site du de droit d’octroi). L’administration munici- Pré-Château, sous l’impulsion des Morel, pale se fait fort de résoudre le problème puis de Petin et Gaudet, qui quelques dé- sur son futur territoire. cennies plus tard donneront naissance à la Un autre enjeu motive la demande de « Compagnie des Forges et Aciéries de la la municipalité saint-chamonaise : l’an- Marine et des Chemins de fer ». nexion du lieu-dit le pré du Château, sur la commune d’Izieux. Baignée par les eaux Quoi qu’il en soit, le Conseil municipal vote du Gier, l’ancienne prairie du seigneur de en faveur de l’annexion, et le rapport de Saint-Chamond est convoitée par la mu- M. Ardisson est adressé au préfet. Il reste nicipalité qui veut l’utiliser pour alimen- lettre morte.

La mairie d’Izieux. Collection Médiathèque municipale Louise Labé (659 1306).

12 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE Aciéries de la Marine et Izieux. Collection Médiathèque municipale Louise Labé. En 1826, la question de l’extension des Saint-Étienne. Mais selon lui « la Ville de limites de Saint-Chamond est toujours Saint-Chamond semble seule immobile d’actualité. Le 1er août 1826, le maire, dans ce mouvement ». Alors que les deux M. Dugas Vialis, présente à son tour au villes les plus proches, Saint-Étienne et Conseil municipal un rapport « relatif à Rive-de-Gier, connaissent une croissance une nouvelle démarcation de la ville », accélérée, Saint-Chamond est loin de sou- comme l’avait fait son prédécesseur huit tenir la comparaison. ans auparavant. Dugas Vialis se lance alors dans l’énumé- L’homme est bon orateur, et ne manque ration des causes de la stagnation de la pas d’arguments. D’emblée, il donne le cité couramiaude. ton : Parmi elles, l’octroi, argument déjà utili- sé huit ans auparavant par son prédéces- « Messieurs, seur : celui-ci ne rapporte pas assez à la L’industrie, mère des arts et de la civilisa- ville, qui souffre de la concurrence des tion, étend ses rameaux bienfaisants sur communes voisines, les communes « ru- notre belle patrie. » … rales », qui ne prélèvent pas de droit d’oc- troi. Selon lui, les gens et les marchan- Un ton qui se fait vite alarmiste. Pour le dises de passage évitent Saint-Chamond maire de Saint-Chamond, les miracles au profit des communes adjacentes. Et il de ce que l’on appellera plus tard la ré- n’hésite pas à citer le maire d’Izieux, M. volution industrielle entraînent un dé- Royer, propriétaire d’une auberge floris- veloppement sans précédent du pays, sante, située à la limite de la commune de et notamment de l’arrondissement de Saint-Chamond.

saint-chamond.fr - 13 Sur ce plan figure le projet d’extension des limites de Saint-Chamond en 1826. Illustration tirée de l’Histoire de Saint-Chamond de J. Condamin.

Autre cause de stagnation : l’impossibili- de l’urbanisation et de la géographie de la té d’établir un abattoir destiné à alimen- vallée du Gier empêchent à priori que la ter la ville en viande, et source de revenus future ligne traverse Saint-Chamond. Le conséquents pour la commune qui perçoit tracé passera sans nul doute plus au sud, des droits sur chaque bête abattue. En ef- sur les communes d’Izieux, Saint-Martin fet, la législation oblige à construire un tel puis Saint-Julien. Dès lors, il faut absolu- établissement en dehors des murs de la ment modifier les limites de la commune ville, mais Saint-Chamond, enserrée dans pour qu’elle étende son territoire au-delà ses étroites limites, ne dispose pas d’as- du chemin de fer. Le premier magistrat est sez de terrain. persuadé que celui-ci engendrera un dé- Le maire de Saint-Chamond voit égale- veloppement économique qui permettra ment dans l’établissement d’une ligne de à Saint-Chamond de « sortir enfin de l’or- chemin de fer entre Saint-Étienne et Lyon nière où elle se trouve enfoncée ». un enjeu capital pour le développement de Selon Dugas Vialis, l’extension du territoire sa commune. S’il dramatise l’enjeu - « il de la ville de Saint-Chamond ne présente ne faut pas s’y tromper, c’est une ques- que des avantages. Le premier est qu’elle tion de vie ou de mort » - les contraintes permettra de percer de nouvelle rues et

14 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE routes, ce qui entraînera l’implantation de Ainsi la question de l’alimentation en eau nouvelles usines, puis de nouvelles mai- potable de la ville, commence à être cru- sons, et ainsi de suite. L’urbanisme est ciale. Les nombreux établissements in- déjà perçu comme participant au dévelop- dustriels situés le long des cours du Gier pement économique : les infrastructures et du Janon en amont de Saint-Chamond, doivent permettre le développement de donc sur le territoire de la commune l’industrie. Le maire évoque la situation d’Izieux, ont « corrompu les eaux ». La de la ville de Saint-Étienne6, qui a annexé ville souhaite construire un réservoir d’eau une partie des communes voisines de potable7 sur le territoire de sa proche voi- Valbenoîte, Outre- et Montaud en sine pour alimenter les fontaines qu’elle 1820, et dont le développement relève se- compte installer, mais se heurte à l’oppo- lon lui du « prodige » : sa population est sition des habitants d’Izieux. passée de 19 000 habitants en 1821 à 37 000 habitants cinq ans plus tard, en 1826 ! De la même façon, l’administration mu- L’extension du territoire doit également nicipale a conscience de la nécessité de permettre de régler différents problèmes. relier par des voies de communication correctes Saint-Chamond aux nombreux établissements industriels qui sont créés à proximité de la ville, mais là encore les communes voisines, qui ont moins de moyens financiers, se refusent à participer. Le projet de déplacer le cimetière, situé en 1826 à proximité du centre-ville (à l’em- placement de l’actuel square Lamartine) et qui commence à être trop étroit, à éga- lement du mal à aboutir, faute de terrain suffisant.

Enfin, une menace se profile à l’horizon de Saint-Chamond : l’établissement d’une nouvelle route royale8. La route royale de l’époque (l’actuelle rue de la République), bien qu’étroite, permet à la ville d’être re- liée directement aux autres villes, et les marchandises et les voyageurs qui l’em- pruntent lui assurent une certaine prospé- rité. Le nouveau tracé passerait forcément La première page du rapport de hors des limites trop étroites de la ville, Dugas Vialis, publié en 1826. ce qui ne manquerait pas d’entraîner sa Archives départementales de la . ruine.

6. En 1855, Saint-Étienne fusionne avec les communes de Valbenoîte, Montaud, Outre-Furan et Beaubrun (créée seulement en 1842). Sa population passe de 56 000 habitants en 1851 à 94 000 en 1856, date à laquelle le siège de la Préfecture du département de la Loire s’établit à Saint-Étienne. 7. Un réservoir sera construit par la suite, non loin de Plaisance. 8. Le tracé de la route nationale 88 ne sera modifié qu’en 1883-1884 (actuelles route de Saint-Étienne, rue Gambetta, rue Victor Hugo et route de Lyon).

saint-chamond.fr - 15 Le maire de Saint-Chamond clôt son long le maire de « donner la plus grande publi- rapport par deux propositions adressées cité à la délibération de ce jour » : elle sera au préfet de la Loire : un accroissement publiée sous la forme d’un petit fascicule. sensible du territoire de Saint-Chamond Elle s’achève sur un ton dramatique : « la pour permettre son développement, réunion sans laquelle la ville de Saint-Cha- ou alors « la réunion intégrale à la ville mond serait perdue » doit « la sauver de la de Saint-Chamond des communes de ruine prochaine et inévitable » ! Saint-Julien, Izieux et Saint-Martin ». Le rapport de Dugas Vialis déclenche une Les membres du conseil municipal de polémique qui va durer cinq ans. Car les Saint-Chamond approuvent sans réserve trois communes concernées par les visées ce rapport. Ils réclament au minimum la expansionnistes de Saint-Chamond sont réunion à Saint-Chamond du hameau de loin de partager les conclusions du rap- Plaisance (Izieux), des quartiers du Pré- port en question, et défendent farouche- Château (Izieux également), des Portes, ment l’intégrité de leur territoire et leur de la Réclusière et de Croupisson (tous les indépendance. trois sur le territoire de Saint-Julien), et Les maires des communes de Saint- demandent que soit examinée la réunion Martin9 et d’Izieux10 sont les premiers, dès des trois communes voisines. Ils chargent la fin de l’année 1826, à répondre publi-

Le bourg de Saint-Martin-en-Coailleux, qui surplombe Saint-Chamond. Collection Médiathèque municipale Louise Labé (886 97).

9. J.B. Perrochia, président de l’administration de la municipalité de canton d’avril 1799 à mai 1800. 10. Royer, maire d’Izieux depuis 1806. 11. Recensement de la population de 1826.

16 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE quement à la demande formulée par la ville de Saint-Chamond, suivis en juin 1827 par le maire de Saint-Julien, G. Neyrand. Les trois maires dénoncent « l’esprit d’in- vasion » dont fait preuve leur voisin. Pour le maire de Saint-Julien, « il n’échappera à personne que de tous temps cette com- mune a été tourmentée de la manie de s’agrandir sur ses voisins ». Celui d’Izieux a la dent plus dure : « je vous ferai remar- quer que ce n’est pas la première fois que l’ambition de MM. de Saint-Chamond […] les porte à faire des tentatives d’envahis- sement sur le territoire des communes voisines ». Tous trois réfutent point par point les arguments invoqués par le conseil mu- nicipal de Saint-Chamond, avec des rai- sonnements souvent assez proches. La Vue de Saint-Julien. comparaison avec Saint-Étienne notam- Collection Médiathèque municipale Louise Labé. ment est rejetée : quoi de commun entre mond, propriétaires de la plupart des les 37 000 habitants de la première et les usines situées dans les communes avoi- 6 800 habitants11 de la cité couramiaude ? sinantes, et qui assure leur fortune. Le Pour le maire d’Izieux, Saint-Chamond premier magistrat d’Izieux résume ainsi pêche par jalousie, et ses prétentions re- les relations économiques entre la ville et posent « bien plutôt sur un amour propre les communes rurales : « Nous travaillons mal entendu que sur un besoin bien réel ». et il vend. Voilà en deux mots son histoire et la nôtre ; et certes le plus grand profit Les trois édiles partagent le même point lui reste. Nous ne nous en plaignons pas ; de vue sur l’ambition de Saint-Chamond mais qu’il renonce à s’arroger le droit ridi- d’englober sur son territoire les manufac- cule de nous traiter en prolétaires ». tures, ateliers et usines qui fleurissent sur Le tracé du chemin de fer déclenche éga- leurs communes : elle est vouée à l’échec. lement de vives réactions. Pour le maire Ces établissements s’installent volontai- de Saint-Julien, s’il traverse sa commune rement à l’extérieur des villes, car la main ce n’est que justice, car « sa conception, d’œuvre y est moins chère et ils y paient son exécution ont pour cause unique l’éta- moins d’impôts. « Le commerce doit être blissement des hauts fourneaux pour la dans les villes et la fabrication dans les conversion du minerai en fer dans l’ar- campagnes », affirme le maire d’Izieux. rondissement de Saint-Étienne, et dont on Mieux, c’est un système qui a été initié doit l’initiative à la commune de Saint-Ju- par les riches commerçants de Saint-Cha- lien-en-Jarest ».

saint-chamond.fr - 17 Celui d’Izieux est persuadé que le tra- et qu’ils ne feront plus qu’un avec la ville, cé peut traverser Saint-Chamond, et alors le moment sera venu d’opérer une propose notamment qu’il suive le tracé réunion qui ne soit point factice ». En at- du Janon puis du Gier jusqu’à Saint-Ju- tendant, le conseil municipal d’Izieux pré- lien12 ! Et s’il ne le faisait pas, cela n’em- fère dans l’immédiat, si Saint-Chamond pêcherait pas la ville de bénéficier quand parvient à ses fins, la réunion intégrale de même de ce progrès. Saint-Étienne elle- la commune à la ville voisine, plutôt que même ne réclame pas que le chemin de son démembrement ! fer traverse absolument son territoire : Saint-Chamond devrait pouvoir s’en passer ! Les communes ayant exprimé leurs points de vue, c’est désormais au sous-préfet Les conseils municipaux des trois com- d’arbitrer entre les prétentions d’exten- munes prennent chacun une délibération sion de la ville de Saint-Chamond et les refusant la proposition du conseil munici- protestations des communes voisines. pal de Saint-Chamond, qu’ils considèrent Il nomme à cet effet une commission à la fois comme injuste et nuisible à leurs d’enquête, qui rend son rapport le 19 août intérêts. Le maire de Saint-Martin craint 1828. Elle se prononce pour l’extension que « rien, une fois le projet admis, ne sau- des limites de la commune de Saint-Cha- rait garantir les communes rurales d’une mond jusqu’à la ligne de chemin de fer de nouvelle invasion ». Pour le maire d’Izieux, Lyon à Saint-Étienne, dont le tracé exact la demande de Saint-Chamond vient trop était encore inconnu à la date des délibé- tôt : qu’elle laisse ses faubourgs se déve- rations respectives des conseils munici- lopper, et « lorsqu’ils seront assez peuplés paux des communes concernées.

Izieux. Boulevard Clémenceau. Collection Médiathèque municipale Louise Labé.

12. Cette solution sera retenue quelques 120 ans plus tard pour le tracé de l’autoroute reliant Saint-Étienne à Lyon…

18 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE Extrait du plan cadastral « napoléonien » d’Izieux, avec une partie du territoire de la commune cédé à Saint-Chamond en 1831. Archives municipales de Saint-Chamond.

saint-chamond.fr - 19 Elle justifie sa décision par une compa- Jarez, M. Neyrand, est également conseil- raison avec les villes de Saint-Étienne, ler général. Sous son impulsion, le conseil qui a annexé une partie des communes général donne un avis favorable au pro- voisines, mais aussi de Lyon, qui a annexé jet, mais en modifiant à nouveau légère- une partie des communes de La Guillo- ment la nouvelle délimitation : le quartier tière et de La Croix-Rousse, et qui depuis de La Réclusière restera dans le giron de ont prospéré. Selon la commission, la Saint-Julien. nouvelle délimitation qu’elle propose ré- duit nettement le nombre d’habitants rat- L’année suivante, les conseils munici- tachés à Saint-Chamond (environ 500) et paux des quatre communes sont appelés le préjudice pour les communes voisines : à se prononcer à nouveau sur le projet de leur opposition ne se justifie plus. Malgré nouvelle délimitation de la commune de tout, les maires des communes en ques- Saint-Chamond, en tenant compte des li- tion refusent de signer le procès-verbal et mites approuvées par le conseil général. persistent dans leur opposition. Les élus saint-chamonais acceptent de voir leur demande initiale réduite, alors Le 11 septembre 1828, c’est le Conseil que les élus d’Izieux et de Saint-Martin Général de la Loire qui se prononce sur persistent dans leur refus. La surprise le projet. Or le maire de Saint-Julien-en- vient du conseil municipal de Saint-Julien,

Izieux, nouvelle usine Chavanne-Brun. Collection Médiathèque municipale Louise Labé.

20 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE Izieux. Photographie L. Guilhot, Ville de Saint-Chamond. qui ne tient pas compte de l’assentiment refus avancés par les trois communes donné au projet par son maire en tant que concernées sont exagérés. Leurs pertes conseiller général, et maintient son refus, en nombre d’habitants notamment se- évoquant « l’inviolabilité » du droit de pro- raient minimes : 127 habitants en moins priété et le code civil pour ultime justifi- pour Saint-Julien, 350 pour Izieux, et seu- cation. lement 29 pour Saint-Martin.

La procédure suit néanmoins son cours, Malgré de dernières et vives protesta- avec une enquête « de commodo in com- tions des conseils municipaux des trois modo13 » conduite par le juge de paix du communes, une ordonnance royale du 1er canton de Saint-Héand, qui rend son rap- novembre 1831 fixe les nouvelles limites port le 23 septembre 1829. Le constat est entre la ville de Saint-Chamond et les com- net : le projet rassemble énormément munes de Saint-Julien-en-Jarret, Izieux d’opposants. L’affaire semble enterrée… et Saint-Martin-en-Coailleux. Le territoire de la commune de Saint-Chamond prend Mais en 1830, coup de théâtre : le nouveau un peu plus d’ampleur, la limite sud avec maire de Saint-Chamond, Ardaillon, ha- les communes voisines étant constituée bite sur la commune … de Saint-Julien ! par la ligne de chemin de fer, dont l’exploi- Il écrit en septembre au sous-préfet pour tation commence entre 1830 et 1832. relancer le projet de nouvelle délimitation de sa commune, devenu d’autant plus À partir des années 1840, le nombre de nécessaire à ses yeux que « le maire de communes va avoir tendance à augmen- Saint-Chamond est au nombre des admi- ter, notamment dans la région stépha- nistrés du maire de Saint-Julien ». noise. Un certain nombre de hameaux prennent Ce dernier argument semble porter, car de l’importance suite au développement le 15 décembre 1830, le sous-préfet de d’une activité industrielle à proximité, et l’arrondissement de Saint-Étienne donne ne tardent pas à réclamer leur érection en un avis favorable. Selon lui, les motifs de commune.

13. L’équivalent d’une enquête d’utilité publique actuelle.

saint-chamond.fr - 21 L’Horme - La Maladière. Collection Médiathèque municipale Louise Labé.

22 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE Mairie de l’Horme. Photographie L. Guilhot, Ville de Saint-Chamond. LA CRÉATION DE LA COMMUNE DE L’HORME UNE LONGUE MARCHE

Dans la vallée du Gier, Lorette est créée en 1847, sur une partie des communes de Saint- Paul-en-Jarez, Saint-Genis-Terrenoire, Rive-de-Gier et . Près de 3000 personnes vivent alors à Lorette et ses alentours, la majorité travaillant à la mine ou dans les forges de MM. Neyrand et Thiollière, moteurs de la création de la commune. Prenant de l’importance grâce à l’exploitation du charbon, le hameau de La Grand-Croix devient une commune en 1860, empruntant son terri- toire aux communes de Saint-Paul et de . En direction de Saint-Étienne, Terrenoire, qui se développe autour de l’industrie métallurgique, 1880 est formée en 1866 par un démembrement de la commune de Saint-Jean-Bonnefonds. 1905

saint-chamond.fr - 23 Sur le territoire de la commune d’Izieux, le l’aménagement de rues et de places. Elles hameau de La Chabure réclame brièvement fondent une école de filles en 1860. Puis son indépendance en 1857, mais le pro- L’Horme est érigée en paroisse en 1863, et jet échoue. Le conseil municipal izieutaire une église et un presbytère sont construits semble plutôt redouter ses voisins coura- entre 1864 et 1866, avec des subventions miauds. du conseil municipal de Saint-Julien mais En février 1868, il proteste énergiquement surtout avec le soutien des Fonderies et contre le projet d’annexion d’une portion Forges de l’Horme. C’est également dans d’Izieux par Saint-Chamond. Il nomme les années 1860 que les Forges d’Onzion une commission, présidée par M. le Maire couvrent la rivière qui leur a donné son (C. Taponnier), pour se renseigner sur la nom, faisant disparaître la limite physique portée du projet. entre les communes Un mois plus tard, Deux hommes jouent un rôle de Saint-Paul et de celle-ci rend son Saint-Julien-en-Ja- rapport : le projet majeur dans le développement rez. d’annexion n’était Deux hommes jouent qu’une rumeur « de l'horme : léonce marin, et un rôle majeur sans fondement » ! dans le développe- L’extension de charles neyrand (...°). ment de L’Horme : 1831 a laissé des Léonce Marin, l’un traces dans les mémoires… des directeurs des Fonderies et Forges de l’Horme (de 1849 à 1874), maire de C’est dans ce contexte qu’émerge le ha- Saint-Julien de 1855 à 1870, et Charles meau de L’Horme, à cheval sur les terri- Neyrand, qui lui succède à la tête de la toires de Saint-Julien et de Saint-Paul. Le commune (maire de Saint-Julien de 1870 long de la rivière qui sépare les deux com- à 1876 puis de 1884 à 1907), et qui dirige munes, l’Onzion, ainsi que le long du Gier, lui les Forges d’Onzion de 1862 à 1907. se développent dès les années 1820 un cer- Alors que sous le Second Empire les tain nombre d’ateliers qui se consacrent à maires sont désignés par le pouvoir cen- la métallurgie. Deux grandes entreprises tral, le préfet propose en 1855 comme jouent bientôt un rôle majeur : les Forges maire de Saint-Julien-en-Jarez, Léonce d’Onzion, créées en 1850, et les Fonderies Marin, qu’il présente en ces termes : « 46 et Forges de L’Horme, créées par Ardaillon ans, 18 000 francs de revenus, directeur et Girardet en 1847. des Fonderies et Forges de L’Horme : il Autour de ces deux entreprises qui exerce par sa position de chef d’usine une prennent de l’importance, toute une po- influence directe sur de nombreux ou- pulation d’ouvriers s’agglutine. Les Fon- vriers de Saint-Julien, et, par son esprit deries et Forges de l’Horme, qui disposent conciliant et ferme, pourra les maintenir d’un patrimoine foncier étendu, favorisent dans la voie de l’ordre ».

24 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE Bulletin de vote pour les élections cantonales de 1892 au nom de Charles Neyrand. Archives municipales de Saint-Chamond.

La construction d’une école de gar- rand, accepte les « subventions » offertes çons illustre parfaitement le poids des par la Compagnie des Fonderies et Forges deux hommes. En 1864, les habitants de de L’Horme et par les Forges d’Onzion de L’Horme adressent au maire de Saint-Ju- MM. Neyrand et Thiollière, mais aussi les lien, en l’occurrence Léonce Marin, une dons offerts personnellement par Léonce pétition réclamant la création d’une école Marin et par MM. Neyrand et Thiollière. de garçons. Le conseil municipal recon- En échange de leur participation, les trois naît l’utilité d’une telle école, d’autant plus hommes obtiennent que douze élèves que la Compagnie des Fonderies et Forges de la commune de Saint-Paul-en-Jarez de L’Horme, sous l’impulsion du même soient acceptés gratuitement à l’école de Léonce Marin, fournit gracieusement L’Horme. le terrain nécessaire à la construction. L’école ouvre ses portes en avril 1865. Très À L’Horme se structure donc progressive- vite, face à l’augmentation de la population ment une petite agglomération autour des de L’Horme, l’école doit être agrandie. En usines métallurgiques, sous l’œil bienveil- 1873, le conseil municipal de Saint-Julien, lant de leurs dirigeants. dont le maire est désormais Charles Ney-

saint-chamond.fr - 25 Mais au paternalisme protecteur de née suivante, les enfants du même sec- Léonce Marin et de Charles Neyrand suc- teur sont renvoyés de l’école de L’Horme. cède bientôt à la tête de la commune de Ces deux décisions mettent le feu aux Saint-Julien un nouveau maire, Philippe poudres… Berne, fabricant de lacets, élu en 187614. Le 14 mai 1880, un certain nombre d’habi- En 1879, le conseil municipal de Saint-Ju- tants des « territoires de L’Horme, de Gier, lien décide d’interdire l’inhumation dans le des Rouardes, du Fay, de La Chal, de La cimetière de L’Horme, créé il y a une di- Rossary, de Vauron et de La Maladière » zaine d’années, des habitants situés sur la adressent au préfet de la Loire une péti- rive droite de l’Onzion, c’est-à-dire sur la tion par laquelle ils demandent à être sé- commune de Saint-Paul-en-Jarez. L’an- parés des communes de Saint-Paul et de Saint-Julien-en-Jarez, « pour former une commune distincte qui prendrait le nom de com- mune de L’Horme ». La pétition rappelle les origines de L’Horme, le rôle majeur des deux grandes entreprises lo- cales dans le développement du bourg, et affirme la néces- sité de créer une commune à L’Horme. Les intérêts collectifs des habitants diffèrent de plus en plus de ceux des communes voisines, comme le montrent les récentes mesures prises par le conseil municipal de Saint-Julien.

Pour les signataires, c’est une évidence : « L’Horme est assez puissante pour jouir avec ses seules ressources de la pleine existence civile, intellectuelle et religieuse ! » Ils proposent donc une délimitation pour la future commune, qui disposera d’un territoire de 670 hectares et réunira une population de 2 400 à 2 600 habitants.

Bulletin de vote pour les élections cantonales de 1892 au nom de Charles Neyrand. Archives municipales de Saint-Chamond.

14. Élu lors de la séance du conseil municipal du 8 octobre 1876, il faut trois tours de scrutin pour le départager d’avec Charles Neyrand. Il est finalement élu par 12 voix contre 10 pour le maire sortant.

26 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE Extrait du plan cadastral napoléonien de Saint-Julien-en-Jarez. La partie orangée est celle cédée pour la création de la commune de l’Horme en 1905. Archives municipales de Saint-Chamond.

saint-chamond.fr - 27 Le préfet prend au sérieux la demande des L’affaire ne revient sur le devant de la habitants de L’Horme, et diligente une en- scène qu’en 1893. L’année précédente, la quête publique dans les deux communes Compagnie des Fonderies et Forges de concernées en juin 1880. Les opposants L’Horme a cédé gratuitement à la com- au projet sont largement majoritaires, mune de Saint-Julien, les rues et les notamment à Saint-Julien, où une seule places créées à L’Horme sur ses terrains. personne se rend en mairie pour se décla- Une commission syndicale est élue pour rer favorable à la création d’une nouvelle étudier le projet d’érection de différents commune. hameaux (L’Horme, Gier, les Rouardes, le Le 30 décembre 1880, le conseil munici- Fay, la Chol, Vauron et la Maladière) en pal de Saint-Julien est appelé à donner une commune. Elle publie sont rapport son avis sur la création de la commune «sur les avantages résultant de l’érection de L’Horme. Philippe Berne, le maire, a de L’Horme en commune distincte et sur un avis tranché : il les inconvénients « fait observer que de l’état actuel » cette pétition est pu- "L'’Horme est assez puissante(Saint-Chamond, rement fantaisiste ». Imprimerie B. Per- Le résultat du vote pour jouir avec ses seules richon). Ce rapport, est sans surprise : 17 qui reprend en par- voix contre le projet, ressources de la pleine tie les arguments 5 pour. existence civile, de la pétition de Malgré tout, le 1880, déclenche de Conseil Général exa- intellectuelle et religieuse » !vives réactions, no- mine la demande tamment de la part des habitants de de la commune de L’Horme en août 1881. Dans le rapport Saint-Paul. Le maire, Ambroise Granjon, présenté aux conseillers généraux, l’avis fait publier une délibération du conseil du Directeur des contributions indirectes municipal sous un titre sans équivoque : semble prémonitoire : « la solution de « Protestation contre le démembrement cette affaire est selon lui intimement liée à de la commune de Saint-Paul-en-Jarret la situation de Saint-Chamond ; cette ville demandé par des habitants de L’Horme ne formant, avec Saint-Julien et une par- et repoussé à Saint-Paul-en-Jarret par tie d’Izieux, qu’une seule agglomération la grande majorité des habitants » (Saint- dont les fractions sont appelées à se réu- Étienne, Imprimerie Théolier et Cie, 1893). nir un jour, il serait inopportun de toucher Pour sa commune, déjà amputée en 1847 aux limites actuelles de Saint-Julien ». Le par la création de Lorette, puis en 1860 par Conseil Général donne un avis défavorable celle de La Grand-Croix, l’érection d’une à la création d‘une commune à L’Horme : nouvelle commune sur une partie de son c’est un coup d’arrêt aux velléités d’indé- territoire serait un nouveau coup dur. pendance des L’hormois. Le conseil municipal de Saint-Julien s’op- pose lui aussi à nouveau au projet.

28 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE Pour Charles Neyrand, qui a retrouvé son mandat de maire en 1884, « L’Horme et Saint-Julien ne forment qu’une sorte de rue et entre les deux on trouverait à peine un espace de cent mètres dépourvu d’ha- bitations ». Il justifie également le refus de son conseil par les conséquences fi- nancières pour sa commune, une dimi- nution de ses ressources rendant difficile l’entretien de ses trente-cinq kilomètres de chemins vicinaux. Par contre, les communes voisines d’Izieux, de Saint-Martin et de Saint-Cha- mond donnent un avis favorable au pro- jet. À l’inverse, une grande partie15 des communes du canton de Rive-de-Gier s’y opposent : leur canton serait amputé, la nouvelle commune rejoignant celui de Saint-Chamond. Bien que l’érection de L’Horme en com- mune semble inéluctable, sa création tarde à aboutir. En 1899, le Conseil Géné- ral de la Loire examine à nouveau le pro- jet : dix-huit ans après sa première déci- sion négative, il donne un avis favorable au projet. En 1901, une nouvelle enquête publique est menée. Si 89 personnes se déclarent favorables à la création d’une nouvelle commune, 420 s’y opposent. La loi du 14 février 1905 officialise la naissance de la commune de l’Horme. Archives départementales de la Loire.

15. Onze des dix-sept communes du canton s’opposent à l’érection de L’Horme en commune.

saint-chamond.fr - 29 Fort de ce résultat, le maire de Saint-Ju- Paul n’est pas contre une telle création, à lien invite le conseil municipal à se pro- condition que la nouvelle commune n’em- noncer à nouveau sur la question. Le piète pas sur le territoire de Saint-Paul ! « non » l’emporte par 12 voix contre 8. Le 21 août 1902, le Conseil général donne Parmi les 8 conseillers favorables au pro- à nouveau un avis favorable au projet. jet, figurent les sept membres du conseil Mais les habitants de L’Horme patientent qui représentent la encore trois ans section électorale avant qu’une loi de L’Horme, em- vingt-cinq ans après « divisant en deux menés par André la pétition qui en réclame communes le ter- Langard, et dont le ritoire de Saint-Ju- programme électo- la création, lien-en-Jarret » ne ral était la création soit adoptée, le 14 d’une nouvelle com- la commune de l'horme février 1905. Vingt- mune. cinq ans après la Le préfet décide la voit enfin le jour ! pétition qui en ré- mise en place de clame la création, deux nouvelles commissions syndicales la commune de L’Horme voit enfin le jour ! pour examiner à nouveau le projet. Pour La nouvelle commune comprend les ha- les élections de la commission syndicale meaux de l’Horme, la Maladière, Belle- de Saint-Julien, le maire décide de ne pas vue, des Côtes de l’Horme, du Fay, pris ouvrir de bureau de vote à L’Horme, ce qui sur le territoire de Saint-Julien-en-Jarez, déclenche de vives protestations de la part et les hameaux des Rouardes, de Gier, de des conseillers municipaux de la section la Chol et de la Chapelle, dépendant au- l’hormoise. André langard est cependant paravant de Saint-Paul-en-Jarez, pour un élu président de cette commission, qui se total de 410 hectares et 3 409 habitants. prononce sans surprise pour la création André Langard est élu premier maire de d’une nouvelle commune. Celle de Saint- L’Horme.

La Maladière. Collection Médiathèque municipale Louise Labé.

30 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE Vue générale L’Horme. Collection Médiathèque municipale Louise Labé.

saint-chamond.fr - 31 Chavanne. Collection Médiathèque municipale Louise Labé.

32 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE Extrait de la pétition réclamant la création d’une commune à Chavanne (1892). Archives départementales de la Loire.

CHAVANNE, LA VALETTE : TENTATIONS SÉCESSIONNISTES

Alors même qu’elle est aux prises avec les prétentions sécessionnistes de L’Horme et de ses habitants, la commune de Saint-Julien-en-Jarez se trouve confrontée à la même volonté de la part des habitants de Chavanne. Ceux-ci ont créé un comité, présidé par un dénommé Gallot, propriétaire à Chavanne, qui adresse en 1892 une pétition au préfet de la Loire pour que leur territoire soit érigé en commune. Ils font référence à leurs concitoyens de L’Horme. Selon eux, le « village » de Chavanne, qui compte plus de 900 habitants et est constitué en paroisse, possède déjà les équipements nécessaires : un « magnifique groupe scolaire », une église neuve et son presbytère, une école libre dirigée par des religieuses. L’éloignement de Saint-Julien, situé à plus de 4 kilomètres, alors que Saint-Chamond ne l’est que de trois, semble poser aux habitants un certain nombre de désagréments. Le premier étant que « l’administration communale ne paraît nullement s’occuper de nous ». Les chemins notamment sont en mauvais état, et les habitants sont obligés de les entretenir eux-mêmes, ce qu’ils reprochent au maire, M. Neyrand.

saint-chamond.fr - 33 Leur isolement fait également qu’« ils Le comité achève son courrier par une for- voient chaque année, faute d’un garde mule de politesse dramatique : « Daignez champêtre, leurs fruits et légumes rava- agréer, Monsieur le Préfet, l’amitié que gés par les vagabonds du canton avec les- vous porte toute une population d’oppri- quels ils ont des luttes fréquentes ». més qui vous prie d’être son protecteur en dé- fendant ses libertés ». La future commune Cela ne suffit pas à que les habitants de "¨Daignez agréer, émouvoir le préfet, Chavanne appellent qui ne donne pas de leurs vœux n’au- Monsieur le Préfet, suite à l’affaire. Les rait besoin pour prétentions d’un ha- fonctionner que l'’amitié que vous porte meau rural ne sont d’un secrétaire de toute une population pas prises avec le mairie, un garde même sérieux que champêtre, et un d'opprimés qui vous prie les problèmes liés au budget pour l’entre- regroupement d’une tien des chemins. d'’être son protecteur en importante popula- défendant ses libertés.¨ tion ouvrière en un même lieu.

Place de la République. Photographie L. Guilhot, Ville de Saint-Chamond.

34 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE La place de la Valette, aujourd’hui place de la République. Collection Médiathèque municipale Louise Labé.

C’est bien une opposition ville-cam- En 1895, le conseil municipal est appelé à pagne qui déchire le conseil municipal de se prononcer sur le transfert de la mairie Saint-Martin à la fin du XIXe siècle. Entre le à La Valette : le projet est largement reje- bourg de Saint-Martin, au caractère rural té. À la fin de l’année 1898, les conseillers prononcé, et le quartier de La Valette, peu- de la section du bourg n’assistant plus aux plé essentiellement d’ouvriers et d’em- séances du conseil municipal, ceux de La ployés, les intérêts sont parfois divergents. Valette remettent le projet à l’ordre du jour, C’est pourquoi une partie des habitants de mais ils sont rappelés à l’ordre par le pré- La Valette adressent au préfet une pétition fet. réclamant le sectionnement électoral de Au début de l’année 1900, c’est dans ce la commune, considérant qu’ils ne sont climat de tensions que Joannès Ronze, pas suffisamment représentés au sein épicier et conseiller municipal de la sec- du conseil municipal. Le Conseil général tion de La Valette, propose l’érection de La approuve ce principe en 189016. Dès lors, Valette en commune indépendante, ou sa la commune est divisée en deux sections réunion à Saint-Chamond. Sa proposition électorales17, les électeurs de chacune est rejetée. La même année, les élections d’entre elles élisant leurs propres conseil- municipales amènent à la tête de la muni- lers municipaux. cipalité un nouveau maire, Armand Heur- Sous le mandat de François Humbert, teloup. Les querelles entre les deux sec- maire issu de la section de La Valette, les tions cessent d’elles-mêmes18. relations deviennent tendues entre les re- présentants de deux sections électorales.

16. Lors de la même séance, le Conseil général approuve la division de Saint-Julien-en-Jarez en trois sections électorales : le Bourg, L’Horme, Chavanne. 17. En 1891, la section du Bourg compte 1 295 habitants, et celle de La Valette 1 606 habitants, soit une popula- tion totale de 2 901 habitants pour la commune de Saint-Martin-en-Coailleux. 18. Le sectionnement électoral de Saint-Martin sera supprimé en 1949.

saint-chamond.fr - 35 NAISSANCE DU« GRAND SAINT-CHAMOND » : UN ABOUTISSEMENT ?

La première moitié du vingtième siècle tiplient : développement des services pu- est marquée par les deux guerres mon- blics, construction de logements H.L.M., diales et leurs conséquences sur la vie projets d’urbanisme, etc. Saint-Chamond quotidienne des civils : les querelles du a des projets et des moyens financiers siècle précédent liées aux territoires des pour les réaliser, mais ne possède plus communes semblent bien loin. de terrains disponibles, à l’inverse des Avec les « Trentes glorieuses », l’agglo- communes qui l’entourent, qui disposent mération saint-chamonaise renoue avec de beaucoup d’espace mais de peu de res- une forte croissance, et les projets se mul- sources financières.

Saint-Chamond vu du ciel en 1960. Photographie Albert Bellat. Archives municipales de Saint-Chamond.

36 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE Saint-Chamond et les communes voi- tués sur la commune de Saint-Julien, de- sines ne forment physiquement plus mandent leur rattachement à la commune qu’une seule agglomération, et les men- de L’Horme. Leur demande est examinée talités ayant évoluées, les municipalités par le Conseil général de la Loire, dont prennent l’habitude de travailler autour de le président n’est autre qu’Antoine Pinay. projets communs. La création d’un syn- Elle est finalement rejetée. dicat intercommunal du terrain d’aviation de Planèze, en 1948, participe à ce rap- Au début des années 60, toutes les condi- prochement. Seize communes de la vallée tions semblent réunies pour que les du Gier et des environs sont associées à cinq communes unissent leur destinée. l’aménagement et à l’exploitation du ter- Saint-Chamond joue un rôle fédérateur, à rain d’aviation situé sur la commune de la fois par sa position géographique, son L’Horme. poids démographique et ses équipements publics, qui la désignent naturellement Plus significatif encore est la création en comme le centre de la future ville, mais 1959 d’un syndicat intercommunal « pour aussi par la personnalité de son maire. la construction d’un collège intercommu- Antoine Pinay, maire de Saint-Chamond nal technique et moderne de garçons », depuis 1929, conseiller général depuis qui regroupe les communes de Saint-Cha- 1934, président du conseil général depuis mond, Izieux, L’Horme, Saint-Martin-en- 1949, élu par le passé député et sénateur, Coailleux et Saint-Julien-en-Jarez. L’ob- a également acquis une stature natio- jectif du syndicat est nale : trois fois ministre d’étudier et de réali- des Travaux Publics et ser la construction de Saint-Chamond des Transports sous nouveaux locaux pour la IVème République, loger le groupe sco- et les communes voisines président du Conseil et laire Claude Lebois, à ne forment physiquement ministre des Finances l’étroit dans l’aile du en 1952, puis ministre bâtiment de l’Hôtel- plus qu’'une seule des Finances de 1958 à de-Ville de Saint-Cha- 1960 ! Son parcours po- mond qu’il occupe de- agglomération litique et l’estime dont puis 1879. L’affaire est il bénéficie auprès de la rondement menée : le collège d’enseigne- population pèsent lourd dans la balance ment moderne et technique est transféré en faveur du regroupement. dans ses nouveaux locaux, situés sur la commune de Saint-Martin-en-Coailleux, C’est dans le courant de l’année 1963, au en septembre 1961. cours d’une des réunions périodiques des L’idée d’un regroupement des communes maires du canton, présidée par Antoine de Saint-Chamond, Izieux, L’Horme, Pinay, que le regroupement administratif Saint-Martin-en-Coailleux et Saint-Ju- des cinq communes est envisagé. En no- lien-en-Jarez fait son chemin dans les vembre 1963, les cinq conseils municipaux esprits des élus concernés. Dès 1959, la décident de confier la réalisation d’une municipalité de Saint-Julien demande la étude préalable à la Préfecture de la Loire. possibilité d’être rattachée à la commune L’étude est achevée au début du mois de de Saint-Chamond. Pourtant, les vieux dé- janvier 1964. En trente-trois pages, elle mons semblent ressurgir en 1960, lorsque présente les raisons qui militent en faveur des habitants du hameau de Voron, si- d’une fusion des cinq communes.

saint-chamond.fr - 37 Délimitation des quatre communes avant la fusion de 1964, sur une photographie aérienne actuelle. Système d’Information Géographique de la Ville de Saint-Chamond.

38 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE Saint-Martin-en-Coailleux. Collection Médiathèque municipale Louise Labé.

Ainsi les perspectives de croissance éco- faite dans chaque commune, d’une appar- nomique liées à l’ouverture de la future tenance à un complexe d’intérêts écono- autoroute entre Saint-Étienne et Lyon miques et sociaux qui ne s’arrête plus aux nécessitent un effort de modernisation et limites communales existantes ». Après d’équipement pour que l’agglomération avoir abordé les conséquences de la fusion ne devienne pas une «cité dortoir». Les sur l’organisation actuelle de l’administra- conséquences financières sont égale- tion et les perspectives d’avenir immédiat ment abordées. Pour les auteurs, « c’est pour la future commune, le secrétaire Saint-Chamond que le développement général de la Préfecture conclut en sug- historique a fait l’héritière essentielle gérant que « c’est surtout sur la dyna- d’une prospérité dont ne profitent que très mique du regroupement, sur l’expansion inégalement les communes voisines » : collective nouvelle, sur la participation à celles-ci ont, de ce point de vue, tout à une plus grande prospérité économique gagner à un éventuel regroupement. Au et sociale, qui doit résulter d’un accrois- niveau de l’urbanisme, les territoires de sement démographique sur un territoire cinq communes sont tellement liés et harmonieusement aménagé pour le re- leurs intérêts tellement convergents que cevoir, qu’il faut miser pour ajouter à l’ad- la fusion semble évidente, mais surtout dition de ce qui existe, ce qui n’existe pas s’avère nécessaire dans la perspective de encore aujourd’hui et qui, grâce au regrou- la poursuite du développement de l’ag- pement, pourrait exister demain. […] C’est glomération. L’étude souligne également [cela] qui, en définitive, risque de compter que l’opinion publique semble mûre pour surtout dans l’avenir ». un regroupement : « la conscience s’est

saint-chamond.fr - 39 En février 1964, les conseils municipaux lement à ce vote négatif. Enfin, la relative des cinq communes sont appelés à se pro- « jeunesse » de L’Horme, qui n’a obtenu noncer sur le principe de la fusion19. son indépendance qu’en 1905, au terme Le conseil municipal de l’Horme est le d’une longue procédure, n’est pas non premier à se prononcer, le 1er février. plus étrangère à cette décision. Par 16 « non » pour 4 « oui », il rejette le Le 7 février, c’est au tour du conseil mu- principe de la fusion. Pour justifier ce re- nicipal d’Izieux de se réunir pour se pro- fus, le maire évoque la prospérité de sa noncer sur le principe de la fusion. Le vote commune : « on se regroupe pour avoir un s’annonce difficile : un comité de défense grand essor économique et social. Mais où des intérêts communaux s’est constitué L’Horme peut-il se développer ? Les em- à Izieux, et dénonce le projet de Grand placements industriels sont tous occupés. Saint-Chamond comme contraire aux in- La commune n’a jamais connu de périodes térêts des habitants. Le maire, Vincent où son industrie, son commerce aient été Goujon, invite cependant les conseillers aussi florissants». La situation géogra- à se prononcer en faveur de la fusion des phique de la commune, la plus éloignée de désormais quatre communes. Saint-Chamond, participe sans doute éga-

Saint-Martin en Coailleux, actuel boulevard Ennemond Richard. Collection Médiathèque municipale Louise Labé.

19. La fusion des cinq communes a été préférée à d’autres possibilités de regroupement : un syndicat spécialisé, un syndicat à vocation multiple, la création d’un district.

40 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE Délibération du conseil municipal concernant la fusion des quatre communes. Archives municipales de Saint-Chamond Vue aérienne Saint-Chamond. IGN

saint-chamond.fr - 41 Le « oui » l’emporte de justesse, avec des quatre anciennes communes. Antoine douze suffrages, le « non » en récoltant Pinay est élu maire, Vincent Goujon, an- neuf. cien maire d’Izieux, devient son premier Le lendemain, c’est au tour du conseil adjoint, Antoine Fournel, ancien maire de municipal de Saint-Martin-en-Coailleux Saint-Julien-en-Jarez, est élu troisième de voter. Douze conseillers sur dix-sept adjoint, et Marcel Bouchacourt, ancien votent pour le regroupement, présenté par maire de Saint-Martin-en-Coailleux, est le maire comme « d’un intérêt primordial élu en tant que quatrième adjoint au maire. pour l’avenir de cette agglomération ». La nouvelle commune compte désormais Le 9 février, le conseil municipal de Saint- 35 860 habitants20, devenant ainsi la troi- Julien-en-Jarez, « considérant que le sième ville du département. Elle s’étend regroupement des sur 5 478 hectares, communes est deve- contre 142 hectares nu une nécessité évi- Un arrêté préfectoral pour Saint-Chamond dente », en adopte le avant la fusion. Dès principe par vingt voix officialise la fusion le conseil municipal pour, une contre et un du 27 mars 1964, la « nul ». des quatre communes, nouvelle municipalité C’est lors de sa qui devient effective approuve la création séance du 15 février de la zone d’habi- que le conseil munici- le 14 mars 1964. tation de Fonsala : pal de Saint-Chamond Saint-Chamond a do- est à son tour appelé à rénavant les moyens se prononcer sur la fusion des communes. de ses ambitions, et souhaite assurer son Celle-ci est approuvée par vingt-quatre développement. « oui » contre trois « non » : le Grand Lors des élections municipales de 1965, Saint-Chamond peut voir le jour. le conseil municipal se présente sous la conduite d’Antoine Pinay au sein de la liste Un arrêté préfectoral du 9 mars 1964 of- républicaine d’action communale. Celle-ci ficialise la fusion des quatre communes, est élue dès le premier tour, en recueillant qui devient effective le 14 mars 1964. Le 13 près de 74% des suffrages exprimés : un mars se tient le premier conseil municipal an après, la fusion des communes est en- du « grand » Saint-Chamond, composé de térinée par les électeurs. représentants des conseils municipaux

42 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE Ville de Saint-Chamond

saint-chamond.fr - 43 Vallée du Gier. Syndicat intercommunal du Pays du Gier – Nadine Touilleux

LE PROJET DE « GRANDE VALLÉE »

Suivant l’exemple de la création du la création d’un syndicat de communes, et « Grand Saint-Chamond », le projet de donne naissance aux syndicats intercom- créer un « Grand Rive-de-Gier » est envi- munaux à vocation multiple (SIVOM). Le sagé à partir de 1967. Celui-ci résulterait 31 décembre 1966 est adoptée la loi rela- du regroupement des communes de Rive- tive aux « communautés urbaines ». Le 10 de-Gier, Lorette, La Grand-Croix, Cha- juillet 1970, c’est la loi sur les « agglomé- teauneuf, Saint-Genis-Terrenoire, Saint- rations nouvelles » qui est promulguée. Joseph et Saint-Martin-la-Plaine. Après C’est également à la fin des années 60 une étude approfondie et de nombreuses que deux projets de loi envisagent la fu- réunions, le projet est finalement aban- sion de communes, mais ils restent lettre donné. morte.

Parallèlement, au niveau national, le dé- C’est dans ce contexte que voit le jour le bat sur les regroupements de communes projet de « Grande Vallée » : regrouper et sur la coopération intercommunale bat les communes de Chateauneuf, Rive-de- son plein. L’ordonnance n°59-29 du 5 jan- Gier, Lorette, la Grand-Croix, L’Horme et vier 1959 prévoit des règles simples pour Saint-Chamond.

44 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE Les maires des six communes concernées cie d’un site favorable, entre Saint-Étienne se retrouvent le 27 juillet 1970 à la mai- et Lyon. Le risque est pourtant élevé de rie de Lorette, pour envisager le regrou- la voir se transformer en « cité-dortoir ». pement de leurs communes. Elles de- Pour éviter d’en arriver là, « nombre de mandent aux services de la Préfecture une responsables ont pris conscience pour étude détaillée du projet, qui est présentée chacune des communes de l’impossibili- aux élus en septembre 1970. té de réaliser son propre développement Le document, conséquent (112 pages), dé- indépendamment de celui des autres col- taille les raisons qui militent en faveur du lectivités ». La solution préconisée est la regroupement des communes et les avan- fusion. La nouvelle commune regrouperait tages qui en résulteront pour les habitants 71 500 habitants21, devenant ainsi la cin- de la Vallée du Gier. quième commune de Rhône-Alpes, la 57e Pour les services de la Préfecture, l‘héri- de France, avec une surface de 8 753 ha. tage industriel et urbain du XIXe siècle est Elle s’étendrait sur 12 km de long. un handicap, mais la Vallée du Gier bénéfi-

21. Selon les chiffres du recensement de la population de 1968.

saint-chamond.fr - 45 Le passé commun qui unit les communes municipales de 1971. Saint-Chamond de la vallée est un premier argument : se verrait attribuer 21 des 37 sièges de « c’est la révolution industrielle qui a conseillers. Les services de la Préfecture créé le lien fondamental rassemblant les ne cachent pas que la délégation de pou- hommes dans cette vallée. La ville indus- voir à une nouvelle assemblée peut entraî- trielle […] a fait éclater les limites trop ri- ner des résistances de la part des élus en gides des communes ». La Vallée du Gier place, mais ils soulignent que l’enjeu vaut ne constituant plus qu’une seule agglomé- bien quelques concessions. ration urbaine, le regroupement des com- Au niveau des finances, l’État a mis en munes qui la constituent semble logique. place des majorations de subventions pour D’un point de vue économique, il semble inciter les communes à fusionner. Entre la nécessaire de structurer une aggloméra- fusion de 1964 et l’année 1970, Saint-Cha- tion d’une taille suf- mond a ainsi pu bé- fisante pour attirer néficier de 4,5 mil- des activités de ser- lions de francs de vice, offrir une offre ...structurer une subventions pour 17 cohérente de zones agglomération d'’une taille millions de francs de industrielles, amé- travaux, soit une aide liorer les relations suffisante pour attirer des de l’État supérieure à entre les flancs de 25%. la vallée et les axes activités de service, offrir une L’étude s’achève sur de communication, la question des équi- mais aussi avoir offre cohérente pements collectifs, une politique urba- de zones industrielles... l’enjeu majeur d’une nistique cohérente. éventuelle fusion Le rapport sou- des communes de lève notamment le la Vallée du Gier. Le problème des petites communes qui dis- quartier de Fonsala, en cours de réalisa- posent de grands espaces mais pas des tion, est montré comme projet exemplaire moyens pour les aménager, ou les dispa- rendu possible par la fusion de 1964. En rités entre les communes des coteaux où effet, la Zone à Urbaniser en Priorité (ZUP) se développent l’habitat individuel et les se situe intégralement sur le territoire des lotissements, et les communes du fond de anciennes communes de Saint-Julien et vallée qui financent les équipements. de Saint-Martin, qui avant la fusion n’au- Les conséquences administratives de la raient jamais pu assurer la maîtrise d’une fusion sont également abordées. La créa- opération d’une telle envergure. Sans par- tion d’une nouvelle commune entraînerait ler de la charge financière des travaux, ré- la dissolution des conseils municipaux partie sur les 38 000 habitants de la nou- existants, et la formation d’un conseil velle commune. municipal provisoire jusqu’aux élections

46 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE Article paru dans « La Tribune » du 27 juillet 1970. Archives départementales de la Loire.

saint-chamond.fr - 47 Les services de la Préfecture concluent cide d’organiser un référendum local sur leur étude sur le sens à donner à ce projet la question. Les débats sont animés, et de fusion : se concluent sur un résultat sans appel : « Comment faire que cette longue rue in- sur 1 500 votants, 1 000 Lorettois se pro- dustrielle, urbaine, qui cache des milliers noncent pour le non. L’ambitieux projet de de visages humains, ne soit pas seulement « Grande Vallée » ne verra jamais le jour. un fouillis d’initiatives contradictoires ou concurrentielles qui écraserait l’homme C’est peu de temps après cet échec que le au lieu de lui donner sa liberté ? gouvernement fait adopter une loi sur les Une solution est possible, […] c’est celle fusions et regroupements de communes. d’une politique cohérente. Souple dans La loi du 16 juillet 1971 prévoit de plani- ses modalités d’application, élaborée et fier au niveau de chaque département les choisie par une assemblée unique, elle fusions de communes sous l’impulsion du préserve l’autonomie et la personnali- préfet, tout en consultant les élus locaux. té de chaque partie Le préfet de la de la ville, les an- Loire adresse donc ciennes communes L’'ambitieux projet à toutes les com- qui doivent demeurer munes du dépar- des unités vivantes de "¨Grande Vallée¨ tement un ques- et pas seulement des tionnaire en vue de « quartiers ». Elle ne verra jamais le jour. la préparation du « applique à l’espace plan départemen- ce que Claude Le- tal de fusion et de vi-Strauss appelle le principe d’un « cane- regroupement de communes ». Au cours vas collectif » enrichi de « broderies par- de la séance du 5 mai 1972, le conseil mu- ticulières ». » nicipal de Saint-Chamond déclare qu’il « n’est pas demandeur » d’une éventuelle À la suite de l’étude de la Préfecture, le fusion, et précise « que le seul regroupe- débat prend une tournure publique, avec ment réalisable avec les communes voi- l’association de la population et l’entrée en sines ne pourrait éventuellement se faire scène de la presse locale, qui se fait l’écho qu’avec la seule commune de l’Horme ». du projet. Malgré cet avis, le préfet inscrit au plan départemental la fusion des six com- Puis les conseils municipaux des six com- munes de la vallée du Gier, fusion qui n’est munes sont appelés à se prononcer sur la pas réalisée, le préfet ne pouvant l’im- création d’une éventuelle « Grande Val- poser22. La page des regroupements de lée ». Cinq conseils municipaux émettent communes semble définitivement tournée un vote de principe favorable au projet. Le pour Saint-Chamond. dernier d’entre eux, celui de Lorette, dé-

22. La loi du 16 juillet 1971 est un échec : si dans les deux années qui ont suivi son adoption, le nombre de fusion a été relativement important (528 fusions en 1972 concernant 1 336 communes, 193 fusions en 1973 concernant 466 communes), il décroît ensuite rapidement, et dès 1978 le nombre de communes recommence à augmenter, certaines communes fusionnées ayant retrouvé leur autonomie.

48 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE Place des fours Banaux. Archives Municipales de Saint-Chamond – 6ssc340

saint-chamond.fr - 49 Le logo de la Conférence Intercommunale du Pays du Gier.

L’INTERCOMMUNALITÉ : UNE ALTERNATIVE

L’échec de la création d’une « Grande Vallée » À partir de n’empêche pas les communes de la vallée du Gier de continuer à travailler ensemble au sein de structures intercommunales, sur des domaines spécifiques comme l’alimentation en eau potable, l’assainissement ou le traitement des ordures ménagères. Cette démarche initiée en 1948 par 1984 la création du syndicat intercommunal du terrain d’aviation de Planèze se poursuit, avec par exemple en 1983 la création du syndicat inter- communal pour l’organisation et le développement des transports en commun publics.

Mais la démarche intercommunale prend une autre dimension à partir de 1984. Les villes de Saint-Chamond, Lorette, Rive-de-Gier et décident de s’inscrire dans la démarche des contrats « Banlieues 89 »23, signés entre l’Etat et les communes, qui ont pour objectif la promotion de projets urbains permettant d’améliorer la vie dans les banlieues. L’idée est de réhabiliter l’image de la vallée du Gier. Très vite, le groupe s’élargit à onze communes de la vallée et des côteaux, animées par une volonté de travailler en commun pour changer l’image de ce qu’il convient désormais d’appeler le « Pays du Gier ». En 1985 est créée une Conférence Intercommunale du Pays du Gier, qui regroupe 13 communes.

23. En mai 1984, les maires des quatre communes accueillent l’architecte Roland Castro, qui dirige la Mission Banlieues 89. Créée en novembre 1983, celle-ci doit permettre de « bâtir la ville en banlieue » et de préparer un plan d’aménagement du pourtour de Paris. R. Castro en parle comme d’une « mission d’agitation culturelle, un mouvement d’idées pour réaliser ». Une centaine de contrats Banlieues 89 sont signés entre l’Etat et les communes, dont certaines de la vallée du Gier. Banlieues 89 disparaît avec la création du ministère de la Ville, en décembre 1990.

50 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE La Maison du Pays du Gier, vitrine du syndicat intercommunal, sur l’aire d’autoroute qui porte son nom. Photographie L. Guilhot, Ville de Saint-Chamond.

Cette première structure de coopération se donner les moyens de leurs ambitions, doit permettre la mise au point d’un pro- les communes du Pays du Gier décident jet de développement et de promotion du en 1993 de créer un syndicat intercommu- Pays du Gier dans son ensemble. Cela se nal : le Syndicat Intercommunal du Pays traduit par la signature d’une « Charte In- du Gier, qui regroupe vingt et une com- tercommunale d’Aménagement et de Dé- munes. Doté d’un bureau syndical, d’un veloppement ». siège qui est aussi une vitrine locale (la Maison du Pays du Gier), d’un budget et Parallèlement, avec les lois de décentra- de personnel, il peut engager un certain lisation, la région et le département de- nombre d’actions de développement dans viennent des acteurs incontournables du ses domaines de compétence : environ- développement local. L’engagement réci- nement, développement social, contrat proque des différents partenaires qui in- de ville, développement économique, ur- terviennent sur un même territoire passe banisme et habitat, culture et tourisme. désormais par des contrats : Contrat de L’ensemble des communes ont désormais Développement Économique et de Bassin, une vision semblable de l’avenir de leur Pacte Urbain, Contrat d’Agglomération, territoire, chacune d’entre elles conser- etc. Face à cette complexification, et pour vant son identité et son autonomie.

saint-chamond.fr - 51 Dans le même temps, une réflexion sur Après de nombreuses réunions, le projet une possible coopération intercommunale reste finalement lettre morte. au niveau de l’agglomération stéphanoise Ce n’est que partie remise. En 1995, les se met en place. En septembre 1989, à communes du Syndicat Intercommunal l’initiative des maires de Saint-Étienne, de la Couronne Stéphanoise (SICOS) et la Andrézieux-Bouthéon et Saint-Priest-en- Ville de Saint-Étienne décident d’étudier Jarez, les maires la possibilité de se de 39 communes er regrouper en com- du bassin stépha- Le 1 janvier 2013, munauté de com- nois se réunissent Andrézieux-Bouthéon munes25. Le projet pour envisager la initial concerne 12 création d’un district et la Fouillouse communes, mais urbain24. Pour ces d’autres communes, élus, les communes intègrent à leur tour issues de la vallée de l’agglomération du Gier et de la val- stéphanoise doivent Saint-Étienne Métropole. lée de l’Ondaine, se unir leurs forces montrent intéres- pour avoir un poids suffisant pour peser sées. Elles sont finalement 22 à composer sur la région Rhône-Alpes et être un in- la communauté de communes créée par terlocuteur crédible pour Lyon face à l’ag- un arrêté préfectoral du 21 décembre 1995. glomération grenobloise, et au-delà pour Celle-ci prend le nom de Saint-Étienne que Rhône-Alpes ait sa place au niveau Métropole. Saint-Chamond en fait partie. européen. Plus concrètement, ils res- Le 12 décembre 2001, Saint-Étienne Mé- sentent notamment la nécessité de s’unir tropole devient une communauté d’agglo- pour défendre le projet d’une nouvelle au- mération26, étendant son périmètre qui toroute entre Saint-Étienne et Lyon : l’A45. compte alors 34 communes. Le 1er janvier Des groupes de travail sont créés pour 2003, 9 communes de la vallée du Gier re- étudier les différents aspects du projet. Le joignent la communauté d’agglomération. périmètre de réflexion du district s’étend Le 1er janvier 2013, Andrézieux-Bouthéon de Rive-de-Gier à , et de Saint-Ge- et la Fouillouse intègrent à leur tour Saint- nest-Malifaux à Montrond-les-Bains, en- Étienne Métropole, qui regroupe désor- globant 47 communes. mais 45 communes et près de 400 000 habitants.

24. La possibilité pour les communes de se constituer en district est créée par l’ordonnance du 5 janvier 1959. Un district est un établissement public à caractère administratif qui a des compétences obligatoires (services d’incendie et de secours, eau et assainissement, transports, etc.) et peut choisir d’en avoir d’autres. L’adhésion des communes est libre. En 1989, la France compte 165 districts. 25.La possibilité de constituer une communauté de communes est créée par la loi d’orientation du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République. 26. Les communautés d’agglomération sont créées par la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale : « La communauté d’agglomération est un établissement public de coopération intercommunale regroupant plusieurs communes formant, à la date de sa création, un ensemble de plus de 50 000 habitants d’un seul tenant et sans enclave, autour d’une ou plusieurs communes centre de plus de 15 000 habitants ».

52 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE Le territoire de Saint-Etienne Métropole. 3D TOPO IGN, Epures.

saint-chamond.fr - 53 Le logo de la communauté d’agglomération.

Avec la mise en place de la Taxe Profes- l’action publique territoriale et d’affirma- sionnelle Unique le 1er janvier 2000, Saint- tion des métropoles du 27 janvier 2014, lui Étienne Métropole se dote de ressources permettrait d’exercer des compétences propres qui lui permettent de conduire élargies. des actions dans les domaines de l’amé- nagement du territoire et des déplace- En parallèle, dans un contexte de mon- ments, de l’environnement et du cadre dialisation des échanges et de mise en de vie, de l’enseignement supérieur et concurrence des territoires, y compris au de l’éducation, du développement éco- niveau européen, la nécessité d’une coo- nomique, des équipements culturels et pération entre grandes agglomérations au sportifs. Le préambule des statuts de la sein d’une même aire urbaine s’impose communauté d’agglomération donne du progressivement. Pour encourager cette sens à l’ensemble : « la conviction de l’uni- démarche qui vise à rendre plus visibles té humaine, économique et sociale de cet et attractives les grandes métropoles espace, d’une histoire commune et d’un françaises sur la scène européenne, la ré- destin commun est largement partagée forme territoriale de 2010 crée le statut de par les différents acteurs de la vie locale. pôle métropolitain, qui permet une forme Elle les conduit à adhérer à l’idée de créer de coopération souple des territoires à une dynamique permettant de maîtriser l’échelle d’une métropole. son avenir et d’assurer sa place parmi les Dans la région lyonnaise, la réflexion grandes agglomérations françaises ». aboutit dès 2009 à une forme de coopéra- tion informelle entre les agglomérations Une démarche qui pourrait s’amplifier si de Lyon, Saint-Étienne, Bourgoin-Jallieu Saint-Étienne Métropole décide de devenir et Vienne, intitulée « G4 ». Cette gouver- une communauté urbaine. Cette possibili- nance métropolitaine est formalisée par té, offerte par la loi de Modernisation de la création du Pôle métropolitain lyonnais,

54 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE qui voit le jour en avril 2012. Cette nouvelle les formes de coopération ; la perspective entité regroupe près de 2 millions d’habi- de s’ouvrir à d’autres acteurs. La pla- tants vivant dans 144 communes sur un quette de présentation du Pôle Métropoli- territoire de 1 600 km². Les quatre struc- tain résume ainsi la démarche à l’œuvre : tures intercommunales concernées dé- « les flux économiques, les migrations cident de coopérer dans quatre domaines : résidentielles, les déplacements des sala- le développement économique ; la mobi- riés, les loisirs des citoyens... se jouent à lité et les déplacements ; l’aménagement une échelle plus large que celles du Grand du territoire et la planification ; la culture Lyon, de Saint-Étienne Métropole, de la et le tourisme. CAPI et de ViennAgglo, pris individuelle- Cette coopération s’appuie sur quelques ment. De fait, un bassin de vie, une com- principes fondateurs : le volontariat, dans munauté culturelle et des dynamiques le respect des identités et de la diversité économiques sont à l’œuvre au-delà des des territoires ; le pragmatisme, en pro- frontières des agglomérations. […] La vo- duisant des actions concrètes et généra- cation du Pôle est de traiter à la bonne trices de valeur ajoutée ; l’innovation dans échelle les sujets d’intérêt métropolitain. »

Novaciéries. CFA Rhône-Alpes Auvergne

saint-chamond.fr - 55 UNE HISTOIRE QUI CONTINUE DE S'ÉCRIRE...

La constitution du territoire de Saint-Chamond est une longue histoire. La Révolution française fixe le résultat d’une évolution multiséculaire, que le XIXe siècle s’empresse de bousculer. Le XXe siècle ramène tout le monde à la raison : la fusion de 1964 semble l’aboutissement d’un processus inévitable. Pourtant les choses continuent à évoluer : la coopération intercommunale offre de nouvelles perspectives de développement. L’his- toire n’est pas figée, elle continue à s’écrire sous nos yeux. Derrière cette histoire « administrative », il y a celles de femmes et d’hommes qui ont vécu ou vivent au quotidien à Saint-Chamond. La commune est l’aspect institutionnel de leur vie collective, mais il n’est pas le seul. L’histoire des habitants de Saint-Chamond reste à écrire !

Saint-Chamond en 2014. Photographie Laurent Guilhot, Ville de Saint-Chamond

56 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE CHRONOLOGIE

1244 : première charte de franchises accordée aux habitants de Saint-Chamond

1789 : loi du 14 décembre sur les municipalités

1791 : avril : plusieurs hameaux sollicitent leur annexion à la commune d’Izieux, dont Ocharra et Les Vignes, les deux seuls à obtenir satisfaction

août : Saint-Jean-Bonnefonds souhaite annexer une partie du territoire d’Izieux (dont Ocharra et La Chaburre)

1795 – 1800 : municipalité de canton

1818 : première tentative d’extension de Saint-Chamond

1826 : nouvelle tentative d’extension de Saint-Chamond. Rapport de Dugas-Viallis

1831 : extension de Saint-Chamond sur une partie des communes adjacentes

1857 : projet d’érection de la Chabure en chef-lieu d’une nouvelle commune

1880 : première pétition demandant la création de la commune e de L’Horme 1892 : pétition des habitants du hameau de Chavanne XIX demandant son érection en commune distincte 1900 : projet d’ériger La Valette en commune séparée ou de la réunir à Saint-Chamond

1905 : création de L’Horme

1964 : fusion des communes de Saint-Chamond, Izieux, Saint-Martin-en-Coailleux et Saint-Julien-en-Jarez

1970 : tentative de fusion des communes de la Vallée du Gier

1985 : création de la Conférence Intercommunale e du Pays du Gier XX 1995 : création de Saint-Étienne Métropole 2012 : création du Pôle Métropolitain lyonnais

saint-chamond.fr - 57 BIBLIOGRAPHIE

« Pétition ayant pour objet d’obtenir la création d’une commune à L’Horme » - Gerval ne17, 1er trimestre 1980, p.393 à 396.

Essai de Grand Saint-Chamond en 1826 : « Rapport du maire et Délibération du Conseil municipal d’Izieux, en réponse à la demande formée par la ville de Saint-Chamond, à l’effet d’obtenir un accroissement de territoire, au détriment des communes rurales. » - Gerval ne23, 3ème trimestre 1981, p.556 à 563, et ne24, 4ème trimestre 1981, p.598 à 602.

Centre d’Etudes et de Recherches du Patrimoine Industriel (C.E.R.P.I.) du Pays du Gier – L’Empire des Forges et Aciéries de la Marine, deux siècles d’histoire industrielle dans la Vallée du Gier - C.E.R.P.I., 1996.

CONDAMIN, James – Histoire de Saint-Chamond et de la seigneurie de Jarez depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours – Alphonse PICARD, Editeur, Paris, 1890.

DEFAY, Roger – Saint-Chamond du XIe au XVIe siècle : genèse d’une ville – Le Jarez d’Hier et d’Aujourd’hui ne37, juin 2001, p.17 à 38, et ne38, décembre 2001, p.37 à 40.

FOUGERE Louis, MACHELON Jean-Pierre, MONIER François (s.l.d.) – Les communes et le pouvoir de 1789 à nos jours – PUF, 2002.

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LAPOURRE J. – Histoire de la ville d’Izieux depuis ses origines – Imprimerie de « La Loire Républicaine », Saint-Étienne, 1921.

PARIZOT, Lucien – La Révolution à l’œil nu. L’exemple du Lyonnais vécu à Saint-Cha- mond et en Jarez – Val Jaris, 1987.

PERRIN, Eric – De Saint-Étienne à Saint-Chamond, une liaison mouvementée – Bulle- tin des Amis du Vieux Saint-Étienne ne194, 1999, p.5 à 64.

58 - - HISTOIRE D’UN TERRITOIRE SOURCES Archives départementales Archives municipales de la Loire de Saint-Chamond Modifications des territoires ou Registres des délibérations des conseils des dénominations des communes : municipaux de Saint-Chamond (1Dsc), 1 M 370 L’Horme, création, Izieux (1Diz), Saint-Julien-en-Jarez (1Dsj), 1880-1913 Saint-Martin-en-Coailleux (1Dsm) 1 M 385 Saint-Chamond, délimita- tion avec les communes de 4 Dsc 2 Dossier sur la fusion des quatre Saint-Julien-en-Jarez, communes, 1958-1975 Izieux et Saint-Martin-en- 12 W 60 Etude sur le projet de fusion des Coailleux, 1818-1832 communes de Chateauneuf, Rive 1 M 390 Saint-Julien-en-Jarez, de Gier, Lorette, Grand-Croix, projet d’ériger le hameau l’Horme, Saint-Chamond, 1970 de Chavanne en commune 12 W 9 Opération « Banlieues 1989 » : distincte, 1892 courriers, comptes-rendus de 1 M 393 Saint-Martin-en-Coailleux, réunions, délibérations du conseil projet de transfert du chef- municipal, 1985 lieu, 1895-1900 12 W 11 Conférence Intercommunale 11 J 348 « Expériences de regrou- du Pays du Gier puis Syndicat pement communal dans le Intercommunal du Pays du Gier : département de la Loire ». rapports, comptes-rendus de Étude, Préfecture de la réunions, statuts, correspondance, Loire, mai 1971. 1986-1995. 12 W 54 District urbain de l’agglomération stéphanoise : étude («Création d’un district de l’aggloméra- Sites Internet : tion stéphanoise», EPURES), comptes-rendus de réunions, Syndicat Intercommunal du Pays du Gier : www.paysdugier.org coupures de presse, courriers, Saint-Étienne Métropole : www.agglo-st-etienne.fr motion votée par la Conférence Ville de Saint-Chamond : www.saint-chamond.fr Intercommunale du Pays du Gier, 1989-1990. 26 W 9 Syndicat intercommunal de la couronne stéphanoise. - Réa- lisation d’une communauté de communes : rapport, avril 1995. Communauté de communes Saint-Étienne-Métropole. - Conseil de communauté : ordres du jour, rapports, procès-verbaux des séances, 1996-1997.

saint-chamond.fr - 59