Histoire de famille en pays Mantois Gilles Bodin

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Gilles Bodin. Histoire de famille en pays Mantois. Histoire. 2019. ￿dumas-02288266￿

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Distributed under a Creative Commons Attribution - NonCommercial - NoDerivatives| 4.0 International License DU GÉNÉALOGIE & HISTOIRE DES FAMILLES SESSION « À DISTANCE » ANNÉE UNIVERSITAIRE 2018 – 2019

Promotion Sophie Brahé

« Histoires de famille en pays Mantois »

par Gilles BODIN

sous la direction de Stéphane COSSON

J’adresse mes plus sincères remerciements

à M. Stéphane COSSON, pour sa patience, ses conseils, sa disponibilité, et la confiance qu’il sait nous apporter,

à l’ensemble de l’équipe pédagogique de ce diplôme d’université, pour la qualité de ses cours et son écoute, au personnel des archives départementales des , pour sa compétence, sa gentillesse, ses réponses dans un contexte difficile, ... et pour l’intérêt qu’il a porté à mes recherches,

à Mme. Nadège BESSAGUET de la mairie d’Aulnay-sur-Mauldre, pour son accueil et son attention, au personnel du service historique de la défense à Vincennes et des archives nationales à Paris, pour son efficacité et sa courtoisie, au regretté Daniel BRICON, qui a fait connaître Épône aux épônois, enfin à ma fille Perrine, qui a appris la généalogie des rois de France jusqu’à Saint-Louis.

Je, soussigné Gilles Bodin, certifie que le contenu de ce mémoire est le résultat de mon travail personnel. Je certifie également que toutes les données, tous les raisonnements et toutes les conclusions empruntés à la littérature sont, soit exactement recopiés et placés entre guillemets dans le texte, soit spécialement indiqués et référencés dans une liste bibliographique en fin de volume. Je certifie enfin que ce document, en totalité ou pour partie, n’a pas servi antérieurement à d’autres évaluations, et n’a jamais été publié.

Sommaire

Introduction...... 3 Méthodologie...... 7 - Choix de la famille………………………………………………………...... 7 - Les archives départementales des Yvelines……………………………………………… 8

- État civil et BMS………………………………………………………………………… 9

- Recensements…………………………………………………………...... 10

- Contrôle des actes et insinuations………………………………………...... 11

- Fonds des notaires………………………………………………………...... 11

- Enregistrement et déclarations de succession……………………………………………. 13 Épône, une petite ville des coteaux de la Seine...... 15 - Épône sous l’Ancien Régime…………………………………………………………….. 15

- La Révolution et l’Empire………………………………………………...... 20

- De la Restauration à la Belle-Époque, vers la modernisation…………………………… 23

- Les deux guerres…………………………………………………………………………. 26

- Vers le XXIème siècle……………………………………………………...... 28

- Le château………………………………………………………………...... 29 Une famille de Seine & Mauldre...... 33 - Le couple Malèvre – Garochaud……………………………………….. 33 - Les parents de Jacques Malèvre…………………………………………...... 36

- Les parents d’Alexandrine Garochaud…………………………………...... 37

- Opérations immobilières…………………………………………………………………. 39

- Successions……………………………………………………………...... 41 - Les ascendants : la branche Surgis…………………………………….. 42 - Joseph François Surgis – Marie Catherine Beaucher……………………...... 42

- Gabriel Surgis – Agnès Réaubourg……………………………………………………… 44

- Gabriel Surgis – Marie Charpentier……………………………………………………… 50

- François Surgis – Gabrielle Baril………………………………………………………... 51

- Ponthus Surgis – Françoise Louredit……………………………………...... 52

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Aulnay-sur-Mauldre (fin XIXème – début XXème siècle)...... 55 - Présentation du village…………………………………………………………………… 55

- La papeterie……………………………………………………………………………… 57 Une famille de Seine & Mauldre (suite)...... 61 - Les enfants de Jacques et Alexandrine……………………...... 61 - Les descendants : la branche Frichot………………………………….. 62 - François Honoré Frichot – Pauline Alexandrine Malèvre………………...... 62

- Victor Honoré Frichot – Marie Marguerite Mathurine Faudet…………...... 66

- Marcel Honoré François Frichot – Marie Thérèse Durget………………...... 68

- James Théodbald Victor Frichot – Jeannine Reine Lucette Éveillard…………………… 70 La parcelle B1027...... 73 Histoires militaires...... 87 - Jean Jacques Joseph Malèvre……………………………………………...... 87

- Jean Baptiste Ambroise Silvestre Malèvre………………………………...... 89

- Charles Alexandre Malèvre………………………………………………...... 89

- Prosper Léon Ory………………………………………………………………………… 93 Conclusion...... 95 Bibliographie...... 97 Iconographie...... 99 Annexes...... 101

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Introduction

Ce mémoire s’inscrit dans le cadre du DU « Généalogie et Histoire des Familles » de l’université de Nîmes, pour l’année universitaire 2018-2019.

Les recherches nécessaires à sa réalisation, le processus de synthèse des informations recueillies, l’effort de réflexion lié à son élaboration, la difficulté de certains choix, sa rédaction et sa mise en forme sont autant d’étapes faisant de ce cas pratique davantage qu’un simple exercice, un vrai travail généalogique.

Le cahier des charges en est le suivant : étudier un couple s’étant marié entre 1833 et 1842, le présenter, ainsi que ses frères et soeurs, présenter les parents de ce couple, puis choisir l’un de ces parents et en remonter l’ascendance en présentant chaque génération de la manière la plus exhaustive (conjoint, frères et soeurs, y compris ceux du conjoint), le but étant de remonter le plus haut possible. Même chose pour les descendants du couple, choisir un de ses enfants et en descendre la branche de la même manière.

Un historique de la commune de mariage du couple est également demandé, ainsi que d’effectuer des recherches utilisant les ressources archivistiques les plus étendues et les plus variées possibles.

Ces éléments imposés ont été des guides indispensables à l’aventure généalogique espérée. Ils m’ont permis de conserver de la cohérence dans mes recherches et dans mon organisation de travail au moment de faire certains choix, et aussi de me fixer un cap en établissant des échéances. La gestion du temps fut également d’un apprentissage délicat face au foisonnement des opportunités de recherches, mais la maîtrise de ce facteur est une des clés du trousseau d’un généalogiste professionnel.

Et puis... quel plaisir que celui de la découverte ! Quel intérêt de parcourir un terroir ! Quel voyage que celui des siècles ! C’est parfois avec une émotion – certes mesurée – mais très sincère que je me suis permis de ressusciter certains disparus, souvent le temps de quelques lignes.

Ce mémoire est structuré par chapitres, dont quelques-uns sont dédiés spécifiquement à certaines sources d’archives. Les notes nécessaires à l’identification des références archivistiques et à la bonne compréhension du récit sont directement consultables au bas de chaque page. Pour plus de clarté, les numéros renvoyant à ces notes s’initialisent au début de chaque chapitre. Une bibliographie, une iconographie et un recueil d’annexes sont disponibles à la fin de ce mémoire.

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Ces cartes permettent de visualiser l’environnement géographique du récit :

Les principales communes habitées par la famille étudiée : Épône, Mézières, Aulnay-sur-Mauldre, et leurs hameaux.

Les trois communes principales et leur environnement urbain en 2019. 4

L’histoire de la commune de la famille a fait l’objet de deux chapitres distincts. La raison en est que le couple choisi et ses ascendants ont fait leur vie essentiellement sur le territoire d’un village (Épône) ou ses environs immédiats, et que la branche descendante étudiée s’est développée presque exclusivement dans un des bourgs voisins (Aulnay-sur-Mauldre), distant de quelques kilomètres.

Un chapitre est consacré à la méthodologie employée, mais des parenthèses méthodologiques se rencontrent parfois au cours du récit, et sont inscrites dans des cadres à fond bleu.

Des abréviations sont utilisées dans les notes de bas de page, leurs significations sont les suivantes :

AD... : source consultée aux archives départementales, ADN... : source numérisée consultée en ligne sur le site des archives départementales, AM... : source consultée aux archives municipales, RCS : recensements, CAD : cadastre, ENR : enregistrement, NMD : registres d’état civil (naissances, mariages, décès), BMS : registres paroissiaux (baptêmes, mariages, sépultures), AN Paris : archives nationales, site de Paris, CARAN : archives nationales, fonds des notaires parisiens, RM : registres matricules, SHD Vincennes : service historique de la défense, site de Vincennes, JMO : journal des marches et opérations.

Si la grande Histoire est connue, il m’a ainsi été possible de découvrir celle, plus modeste, de ces franciliens presque normands, de ces banlieusards pas tout-à-fait parisiens, dans ces paysages de coteaux creusés par la Seine et les siècles.

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MÉTHODOLOGIE

Le travail de recherche généalogique, envisagé dans sa plus grande étendue, la plus complète, nécessite l’utilisation de ressources archivistiques très variées, le maniement de différents supports, et parfois des visites à des services dont l’organisation et les conditions de consultation qu’on y rencontre demandent adaptation.

S’il apparaît indispensable au généalogiste de maîtriser la plus grande partie de ces ressources, on doit aussi constater que le travail archivistique ne peut se mener que de manières très inégales selon la nature du service consulté et sa localisation.

Ainsi, les différences rencontrées entre les services nationaux, départementaux, municipaux, influant sur les cadres de classement des archives, leurs modes de présentation et de consultation, l’accès à leurs ressources en ligne, les conseils que l’on peut y trouver, mettent le généalogiste sur le chemin d’une découverte permanente, propice au questionnement et à l’investigation.

J’expose dans ce chapitre les raisons de mon choix de la famille étudiée, les ressources archivistiques m’ayant permis de progresser dans ma recherche, les difficultés rencontrées. Certaines sources, comme le cadastre, les hypothèques, les archives militaires ou des tribunaux de commerce, faisant l’objet de chapitres spécifiques, seront détaillées de manière séparée.

Choix de la famille

Mon idée était de travailler sur une famille m’étant totalement inconnue, mais locale et ancrée dans le pays Mantois où je réside. Après avoir beaucoup étudié ma propre famille, écumé les archives bretonnes, l’occasion était trop belle de réaliser – enfin ! – une recherche sur des personnes ayant peuplé ma terre d’adoption, Épône et ses environs, et de découvrir davantage l’histoire de ce petit territoire.

Pour des questions également pratiques, comme j’espérais limiter mes déplacements aux seules archives départementales des Yvelines, je me mis à chercher une famille dont le couple principal avait convolé à Épône entre 1833 et 1842, dont une branche ascendante au moins pouvait se suivre dans les alentours sur une durée suffisamment longue, et dont une branche descendante au moins avait persisté à s’établir dans le département.

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Je me suis alors servi des sites internet Généanet et Filae, et du remarquable travail de dépouillement des registres d’état civil et paroissiaux de nombreuses communes du nord des Yvelines par l’association ACIME 78 (Association culturelle pour l’information de Maule et des environs). Après quelques jours de travail, je suis parvenu à identifier plusieurs familles répondant aux critères recherchés. Aucune d’entre-elles ne présentant à première vue de caractère très particulier pouvant agrémenter encore davantage la découverte, mon choix définitif dut, finalement, beaucoup au hasard.

J’optai pour le couple formé par Jacques Philippe Marie Malèvre et Alexandrine Apolline Garochaud, dont le mariage fut célébré à Épône le 14 janvier 1841. Pour la branche ascendante, je choisis celle de la mère d’Alexandrine, la famille Surgis, que l’on parvient à retrouver dans les registres paroissiaux des environs jusqu’au XVIème siècle. Pour la recherche descendante, je décidai de suivre celle de la fille aînée du couple de départ, Pauline Alexandrine, qui rejoint en 1861 la famille Frichot.

Jacques Malèvre et Alexandrine Garochaud ayant eu cinq enfants, il existait un vaste choix de branches descendantes. Je me suis finalement orienté vers la famille Frichot car son trait particulier est que beaucoup de ses membres ont travaillé à la fin du XIXème siècle et au début du XXème pour la même entreprise, une papeterie d’Aulnay-sur-Mauldre.

Les archives départementales des Yvelines

Le service des archives départementales des Yvelines, situé depuis 2003 près de Versailles à Montigny-le-Bretonneux, fut logiquement l’endroit que j’ai fréquenté le plus régulièrement pour mes recherches. Auparavant, ce service occupait le bâtiment des Grandes Écuries, face au château de Versailles.

Je connaissais déjà les lieux, et me réjouissais de travailler dans la magnifique salle de lecture, très vaste, moderne, fonctionnelle, lumineuse. Or à la fin de l’été 2018, il est apparu qu’une faiblesse structurelle dans le faux plafond de cette salle pouvait provoquer un effondrement fort dommageable pour les lecteurs, les employés et les documents. Il fut donc décidé de fermer la salle dès le mois de septembre, et des travaux d’une durée de plusieurs mois furent entrepris.

La salle de lecture fut transférée dans une partie des salles d’expositions, beaucoup moins spacieuses et pratiques. La qualité d’éclairage, cette fois essentiellement artificiel, y est très moyenne, ce qui explique la médiocre qualité des photographies de documents que j’ai dû réaliser, dont quelques-unes sont reproduites dans ce mémoire.

La consultation de certaines ressources en fut également affectée. Les usuels, les cartes, les plans, sont devenus incommunicables. Fort heureusement, le cadastre napoléonien est entièrement numérisé dans les Yvelines, et consultable en ligne. Plus gênant, les microfilms ne pouvaient plus être visionnés, ce qui a grandement compliqué l’utilisation des ressources

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des hypothèques, les tables alphabétiques des registres des formalités hypothécaires des bureaux des Yvelines n’étant conservées que sur ce support. Quelques détours furent par conséquent nécessaires.

Le cadre de classement dans les Yvelines diffère un peu de ce que l’on a l’habitude de rencontrer généralement. Pour exemple, les archives de l’enregistrement et les déclarations de successions, classées en 3Q d’après la circulaire de 1965, le sont en 9Q dans les Yvelines. Les hypothèques, ordinairement référencées en 4Q, le sont ici en 10Q. Les registres de contrôle des actes ne bénéficient pas d’un classement en 2C mais sont regroupés avec les autres archives des administrations provinciales d’Ancien Régime dans la seule série C.

Un petit effort d’adaptation est donc requis au début de la recherche, le cadre de classement doit être souvent consulté. Par bonheur, celui-ci est fort complet, et facilement disponible en ligne par des fiches très détaillées.

Quelques désagréments furent également rencontrés par suite d’erreurs de dévolution commises au moment de la réorganisation des départements franciliens en 1964. Si le site de Seine-et-Oise est devenu celui des Yvelines, des archives départementales furent alors créées dans l’Essonne et le Val-d’Oise. Certains registres ou cartons concernant à la fois des communes yvelinoises et essonniennes, principalement des archives militaires du premier Empire et de la Révolution, furent transférées d’un seul bloc, sans que des copies soient conservées.

État civil et BMS

Bien qu’aidé des sites internet Généanet et Filae pour la construction de la structure de la famille étudiée, il me fut assurément indispensable de vérifier l’existence de chaque source, la bonne transcription de chaque document tiré des registres d’état civil et paroissiaux. Des imprécisions ont pu être réparées, et surtout quelques oublis évités.

Ces actes d’état civil et BMS ont été d’une grande utilité avant tout pour établir ou rétablir quelques ascendances, mais aussi pour faire une ébauche du portrait social des individus (professions, relations, place dans la famille, …) et les localiser, même si certains documents, surtout parmi les plus anciens, à la rédaction très succincte, ne délivrent que très peu d’informations.

Les communes les plus concernées par mes recherches furent Mézières-sur-Seine (pour le XVIIème siècle), Épône (pour le XVIIIème siècle puis jusque vers 1880), et Aulnay-sur-Mauldre (pour la fin du XIXème siècle jusqu’à nos jours). Ces trois communes, rurales, de modeste importance, ne sont distantes chacune que de quelques kilomètres, dans la grande banlieue sud de la métropole locale, la sous-préfecture de Mantes-la-Jolie.

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L’acte le plus ancien utilisé dans mes recherches est un baptême de 1593 du village de (Yvelines).

Pour Mézières-sur-Seine, on trouve des registres jusqu’en 1602. Jusqu’au milieu du XVIIème siècle, le registre se présente sous forme d’un petit carnet, peu lisible et surchargé, mais tout de même exploitable. Pas de lacunes pour la période m’intéressant, les recherches purent être soutenues sans grande difficulté pour cette paroisse. Bien entendu, l’absence de tables décennales ou annuelles sous l’Ancien Régime m’obligea à quelques battues un peu fastidieuses.

Pour Épône, aucune période lacunaire, l’apparition d’une table annuelle dès 1784, puis des tables décennales en 1792, facilita naturellement mes recherches et vérifications.

Pour Aulnay-sur-Mauldre, la consultation des actes d’état civil en ligne est possible jusqu’en 1912, puis en salle de lecture des archives départementales jusqu’en 1927. Les tables décennales sont disponibles en ligne jusqu’en 1932.

Sur des périodes plus récentes, lorsque cela s’avéra nécessaire, il me fut possible de consulter des actes de décès dans plusieurs mairies comprises dans un rayon d’environ dix kilomètres autour d’Épône.

Recensements

Les recensements nominatifs de la population me sont d’une grande utilité pour vérifier la composition d’une famille dans le temps, les adresses où elle vécut, les personnes partageant le même toit (aïeuls, collatéraux, domestiques, …) et les moyens d’existence. Ces recensements me servent parfois à déterminer une date de naissance ou une origine, m’aident souvent à réduire considérablement une période de recherche dans les registres d’état civil. Je les ai systématiquement dépouillés pour toutes les communes sur lesquelles j’ai travaillé.

De même, il m’est arrivé plusieurs fois de devoir me mettre à la recherche d’une famille, d’un couple ou d’un individu ayant subitement déserté sa commune d’origine. Cette situation devient plus fréquente au XIXème siècle, grâce aux nouvelles perspectives offertes par le développement des transports, et la mobilité se faisant aussi professionnelle. Une utilisation associée de différentes ressources, généralement les registres de matricules militaires, les registres d’état civil et les recensements m’ont permis de lever la plupart de mes interrogations.

Aux archives départementales des Yvelines, les recensements nominatifs de population sont consultables en ligne jusqu’en 1936, en salle de lecture jusqu’en 1975.

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Contrôle des actes et insinuations

Le bureau d’Épône, qui fut créé en 1701, établissait le contrôle des actes notariés et sous signatures privées pour les communes limitrophes d’Épône, dont Mézières-sur-Seine. Son activité dura peu de temps, il fut fermé dès 1711. Un seul registre de contrôle des actes existe pour ce bureau, couvrant l’ensemble de la période, et consultable aux archives départementales. Sa lecture complète ne m’a malheureusement pas permis de progresser dans mes recherches.

Épône et Mézières-sur-Seine se rattachèrent en 1711 au bureau de Mantes, créé en 1694, et dont l’activité se poursuivit jusqu’en 1792. Ce bureau possède des documents qui sont une véritable mine d’or pour le chercheur, et qui me furent d’une aide considérable. En effet, ses tables alphabétiques des registres du centième denier et des insinuations présentent la liste, dans un ordre alpha-chronologique, des actes contrôlés entre 1705 et 1770.

Il est vrai, le premier de ces registres, couvrant la période 1705-1745, est incommunicable, car en trop mauvais état. Mais le second, pour 1745-1770, m’a permis de faire rapidement et facilement de vraies découvertes dans les fonds de plusieurs notaires de Mantes. En général, le nom du notaire auteur de l’acte y est directement mentionné. En cas d’absence de l’information, j’ai pu m’en rapporter aux registres de contrôle des actes pour les dates correspondantes, dans lesquels les résumés des actes sont souvent plus détaillés, afin de trouver le nom du notaire concerné.

Pour la période 1711-1745, j’optai plutôt pour une recherche ciblée sur les périodes précédant les mariages dans la famille étudiée et suivant les décès pour découvrir des contrats de mariage ou des inventaires après décès, inventaires hélas assez rares dans cette région. Je me suis également intéressé aux périodes précédant les décès, dans l’éventualité de testaments ou codicilles de dernière minute, sans succès.

Fonds des notaires

La finalité de l’interrogation des registres de contrôles des actes est d’y trouver, outre des traces de documents notariés, une date s’y associant, ainsi qu’un nom de notaire ou d’étude. Ces découvertes offrent la possibilité d’une consultation rapide et efficace des minutiers, tant que l’étude en question a bien versé ses archives au service adéquat.

Par ce procédé, j’ai pu découvrir plusieurs actes notariés concernant la branche Surgis étudiée au XVIIIème siècle dans différentes études des Yvelines et de Paris. Dans les fonds des notaires de Mantes, et dans deux études distinctes, une donation entre vifs, une vente à rente et un contrat de mariage ; dans une étude d’Épône, deux ventes de terres et prés ; dans une étude du Pecq (Yvelines), près de Saint-Germain-en-Laye, deux autres ventes de terres. J’ai

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pu trouver également dans les fonds de deux études parisiennes un autre contrat de mariage et une transaction immobilière. Dans ces derniers cas, les actes ont dut être consultés au CARAN de Paris (Centre d’accueil et de recherche des archives nationales).

Les fonds des notaires peuvent aussi se révéler utile pour y trouver des documents établis avant la création des bureaux de contrôle des actes. Le procédé est alors tout différent, il faut fouiller, décortiquer les liasses de minutes au cours de battues prolongées. Cette opération peut être facilitée par l’existence de registres ou de tables alphabétiques de clients.

Lors de mes explorations, j’ai malheureusement constaté que les fonds des notaires d’Épône, ceux qui pouvaient potentiellement m’intéresser le plus, étaient pour une bonne part en très mauvais état et absolument incommunicables. Les archives départementales des Yvelines en ont d’ailleurs tiré une série de photographies, à titre d’exemple sur les conséquences de mauvaises conditions de conservation :

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Enregistrement et déclarations de successions

Les archives des bureaux de l’enregistrement, successeurs des bureaux de contrôle des actes, mettent à la disposition du chercheur de nombreux registres et des tables thématiques permettant de faciliter son travail.

Le principe est toujours de pouvoir identifier un acte, d’en découvrir le notaire responsable et d’en localiser l’étude afin de consulter la minute correspondante. Mais une interrogation directe de certains registres permet souvent une progression plus rapide.

Ainsi, les tables des successions et absences renvoient aux registres des déclarations de mutations par décès, dans lesquels les actes sont détaillés avec précision. Ces tables et registres constituèrent ma principale source documentaire du XIXème siècle pour étoffer ma recherche. J’eus en revanche peu de succès dans les autres tables disponibles (baux, vendeurs- acquéreurs, testaments, contrats de mariage). Il est à noter que toutes ces tables furent ouvertes à la consultation en ligne à l’automne 2018 sur le site des archives départementales des Yvelines.

Les communes d’Épône et Mézières-sur-Seine dépendirent du bureau de l’enregistrement de Mantes de 1792 à 1969, puis de celui de Mantes-Est. La commune d’Aulnay-sur-Mauldre fut rattachée au bureau de Maule de 1792 à 1810, puis à celui de Meulan de 1810 à 1969, et enfin à celui de -Ouest.

L’étude des déclarations de successions aux XIXème et XXème siècles m’a permis de juger de l’évolution des biens des familles dans le temps, d’établir ce qui fut transmis et dans quelles conditions, mais aussi de lever quelques doutes et interrogations sur certaines dates, sur la localisation de couples, ou sur la composition de ces familles. J’ai pu ainsi découvrir quelques dates de décès grâce auxquelles j’ai pu progresser dans mes recherches, je suis parvenu à retrouver la trace d’un couple disparu pendant vingt ans, et je me suis aperçu de l’existence d’un enfant, oublié jusqu’alors.

Cette source archivistique me fut aussi essentielle pour retracer l’histoire d’une maison d’Aulnay-sur-Mauldre, son évolution et ses mutations successives, par la quantité d’informations données au moment de la succession, en particulier des références précises à des actes notariés antérieurs.

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Épône, une petite ville des coteaux de la Seine

L’essentiel de cet exposé sur l’histoire d’Épône est issu de l’étude de l’ouvrage de Daniel Bricon1 « Épône raconté aux épônois – Histoire d’une petite ville de l’ouest parisien », prix départemental d’histoire locale du conseil général des Yvelines en 1988, et de la très complète monographie d’Épône réalisée en 1899 par Étienne Adolphe Lecomte, alors instituteur de l’école des garçons de la ville, consultable en ligne aux AD782.

L’histoire d’Épône est celle d’un petit bourg rural situé dans une zone de grand passage, pour le pire et le meilleur. Surplombant la Seine et sa vallée, voies majeures de communication et de déplacement entre Paris et les ports de la Manche, Épône dut accueillir au cours des siècles un nombre considérable de visiteurs, aux intentions très diverses.

Tour à tour riche ou pauvre, convoitée ou délaissée, peuplée ou désertée, cette ville connut transformations et ruptures, à l’image de l’évolution de notre pays.

Épône sous l’Ancien Régime

Après avoir subi durant le IXème siècle les effets dévastateurs des invasions des vikings, comme la plupart des communautés peu éloignées des berges de la Seine, la seigneurie d’Épône est confiée dès le siècle suivant aux chanoines du chapitre de Paris, devenu par la suite le chapitre de Notre-Dame de Paris, ainsi que les rentes et bénéfices qui y sont associés. Cette situation perdurera jusqu’à la Révolution.

Au milieu du XVIème siècle, le Mantois se relève des malheurs de la peste et de la guerre de cent ans. Le 26 août 1449, Charles VII fait son entrée à Mantes, dernière étape avant la reconquête de la Normandie, les habitants de la vallée de la Seine peuvent envisager la reconstruction du pays dévasté. Terres abandonnées, couvertes par les taillis, vignes disparues sous les ronces, familles éteintes, exploitations détruites, tout est à reconstruire, à repeupler.

1. Ancien Président du Centre de recherches archéologiques de la région mantaise. 2. ADN78 – 1T mono 4/7 (Monographie)

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Le beau XVIème siècle des campagnes françaises produit ses effets à Épône comme ailleurs : reprise des terres, sursaut démographique donc extension du domaine cultivable, accalmies guerrières et épidémiques.

La peste se réveille par sursauts en 1562, 1583, 1586 et 1600. Mais ce sont les guerres de religion qui s’installent durablement dans le pays, qu’elles ont pourtant épargné jusqu’à la fin du XVIème siècle. L’insécurité gagne, des partis armés se répandent dans les campagnes poussant devant eux des cohortes de réfugiés venant de l’ouest. Dans ce climat de crainte, les habitants d’Épône et de Mézières demandent la permission au roi Henri III de fortifier le bourg épônois, ce qui leur est accordé le 26 janvier 1588.

Le chapitre de Paris et les villageois parviennent à rassembler les 30 000 livres nécessaires à la construction des murs, tourelles et poternes composant l’ouvrage de fortification. Les recherches archéologiques menées par Daniel Bricon, dont les résultats sont exposés dans son ouvrage3, permettent de rapporter sur une photographie d’Épône en 2018 la manière dont les remparts enserraient la ville :

mur d’enceinte

portes de la ville

3. « Épône raconté aux épônois – Histoire d’une petite ville de l’ouest parisien » p. 70 (cf. bibliographie)

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L’excroissance constatée formant une pointe au sud-est de la cité est due à la présence sur ces hauteurs d’Épône de l’exploitation Gicquel, la principale ferme de l’époque, qu’il faut essayer de protéger.

Quelques vestiges subsistent encore aujourd’hui de ce grand ouvrage, comme la tourelle de la rue de la Brèche.

Mais en 1590, le Mantois se trouve au cœur des opérations militaires. L’armée catholique d’Henri de Mayenne est sur l’Oise, les éléments avancés de celle d’Henri de Navarre sont à Rosny, à quinze kilomètres d’Épône, chez son ami Maximilien de Béthune, futur Duc de Sully. Des affrontements ont lieu en contrebas d’Épône, pour le passage de la Seine. Le moulin de la cité y est détruit à coups de canon. Quelques jours plus tard, Henri de Navarre remporte la bataille d’Ivry, dans l’Eure, et peut faire son entrée dans Mantes, en attendant Paris, quatre ans plus tard.

Le parti du roi Henri IV, qui demeure le parti des protestants, domine la région. Or la seigneurie d’Épône appartient au chapitre de Paris, fidèle à la ligue et aux Guise ultra- catholiques. Ses fortifications toutes neuves, rassurantes face à des troupes peu nombreuses, ne font pas d’Épône une place forte pour autant. Elles ne peuvent rien face à l’armée d’Henri IV et de Maximilien de Béthune. C’est la curée : l’église est saccagée, les cloches fondues, les maisons du Chapitre sont pillées, les registres paroissiaux des années 1569 à 1590 sont détruits, ainsi que les documents comme livres terriers ou titres de noblesse. Les maisons des habitants sont également pillées, et hors du bourg le bétail est abattu, le vin, le blé et la paille sont emportés, les vignes arrachées et les arbres fruitiers coupés et brûlés.

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Le fermier du Chapitre, également procureur fiscal, décrit l’étendue du désastre lors d’une enquête rédigée le 29 novembre 15904 :

« Depuis deux ans, les gens de guerre et autres gens sans aveu, tous en grand nombre, tant du parti du Roi que de la ligue, contraire à son service, ont logé, séjourné et vécu à discrétion depuis ledit temps de deux ans, sans qu’il se soit passé quinze ou vingt jours sans que les villages d’Épône et Mézières aient été foulés et opprimés desdits gens de guerre vivant sur eux et ne rien payant, leur prenant tout, chevaux, bestiaux, meubles et ustensiles. Les terres sont depuis deux ans sans labour et culture, vignes non taillées, échalats brûlés. Le seigneur de la Guiche et autres grands seigneurs en nombre de mille deux cents chevaux logés plus de quinze jours dans Épône, vivant à discrétion. Les troupes du vicomte de Touraine ont séjourné neuf jours. Le capitaine Raullet et ses troupes, avec quatre cents chevaux, demeurèrent quatre jours, enlevant tout, bestiaux et chevaux, disant qu’on ne leur avait pas ouvert les portes assez à temps, prirent et ravagèrent les bestiaux et chevaux. Quatre jours après, le seigneur de Sainte-Marie survient avec gens en pareil nombre de trois à quatre cents, restèrent aussi quatre jours, à discrétion. Le sieur de Biron, comte de Soissons, venant une autre fois ayant plus de six mille chevaux, pendant l’espace de trois semaines. Gens passants, premiers pillards sont venus loger peu après que le moulin du pont Galon fut abattu par l’armée du duc de Mayenne lorsqu’il vint assiéger Meulan, lequel moulin a été, comme il est à présent, inutile. Les armées passées en plusieurs fois, plus de vingt mille personnes et la moitié autant de chevaux, tout cela nourris. »

Sans évoquer les exactions contre les personnes, ce témoignage nous renseigne sur ce que furent peut-être les pires moments de l’histoire d’Épône depuis la fin du Moyen Âge. Enfin, en 1593, Henri IV fait sa messe pour Paris et est sacré en 1594. L’édit de Nantes, signé en 1598, met un terme aux premières guerres de religion et achève de pacifier villes et campagnes.

Cette période troublée et très instable dans le Mantois est la cause de revirements d’opinion assez amusants, vus par le recul des siècles. Ainsi, cette histoire relatée par Étienne-Gabriel Peignot5 dans ses « Predicatoriana6 » :

« Cette conduite nous rappelle l’histoire plaisante de ce bon curé des environs de Mantes qui, tout embrasé d’un saint enthousiasme pour la ligue, ne laissait passer aucun dimanche sans terminer la prière de son prône par ces mots : « Mes chers frères, je vous recommande un Avé pour la très sainte et très glorieuse ligue, ainsi que pour ses soutiens.

4. « Épône raconté aux éponois » D. BRICON, p. 71 (cf. bibliographie) 5. Bibliographe français (1767-1849) 6. « Predicatoriana ou révélations singulières et amusantes sur les prédicateurs », p.120 (cf. bibliographie)

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Soyons bien persuadés que ce sont là nos rois véritables et que le réprouvé gascon n’est qu’un tyran, maudit de l’Église et des hommes ». Mais il arriva que monsieur d’Aumale (Charles de Lorraine), commandant les troupes de la ligue, en fit passer quelques-unes à travers le village si bien endoctriné, et le régiment traita le presbytère en pays ennemi. Le dimanche suivant, le même curé commença ainsi son prône : « Mes frères, mes bons amis et paroissiens, vous savez tous comme sont venus ici les enragés gens d’armes du Lorrain ; comment ils ont tordu le cou à mes poules, tiré le lard de mon pot, le vin de ma cave, la farine de mon grenier, et de son lit, ô misère ! la pauvre Catherine, ma bonne servante. Et bien ! Sachez que tous ces rois de la ligue ne sont rien que des incarnés tyrans, et que nous n’avons et ne devons avoir, connaître et aimer, que le très brave et très aimable Henri de Bourbon. » »

Quelque temps après la fin des troubles, un recensement de 16207 nous apprend que le bourg d’Épône, hameaux compris, aurait connu à cette époque environ 315 feux, et le proche village de Mézières 340 feux. Si l’on suit les préconisations actuelles des historiens de compter 4,5 individus par feu, Épône aurait eu une population d’environ 1400 habitants, et sa voisine Mézières un peu plus de 1500 habitants. Les villages du Mantois avaient pu reprendre leur développement en profitant des années d’accalmie du règne d’Henri IV.

Après ce répit, les difficultés reviennent vite, tout d’abord par de nouveaux assauts de la peste, réguliers entre 1624 et 1632, particulièrement en 1627. Puis par la guerre menée par Louis XIII et le cardinal de Richelieu contre les Habsbourg qui influence la vie des épônois, par une rude pression fiscale et parfois par leur participation indirecte aux opérations militaires, comme en 1636 quand ils doivent travailler pendant trois mois à la consolidation des fortifications de Meulan en y apportant charrettes et outils, et y effectuer des tours de garde, tout cela en pleine période de récoltes et de vendanges.

D’autre part, la petite période de croissance économique des premières années du XVIIème siècle fait s’accentuer un mouvement de constitution de vastes domaines agricoles par des familles de laboureurs aisés ou quelques bourgeois de Mantes. Tous ceux-ci font ensuite travailler leurs terres par une main-d’œuvre de petits paysans n’ayant plus accès à la propriété et devenant des salariés. La population d’Épône est nombreuse, l’offre de travailleurs agricoles est supérieure à la demande, les campagnes se paupérisent, le pain devient bien cher pour certains.

C’est l’époque d’un premier exode rural, essentiellement vers Paris et surtout les grands chantiers de Versailles, à trente kilomètres d’Épône. C’est aussi le début de la proto- industrialisation du village, avec l’installation à domicile d’installations de tissage de bas au métier, qui seront très nombreuses au XVIIIème siècle. Les industries du tissage parisiennes et normandes, en permettant d’obtenir des ressources complémentaires, trouvent ainsi une main- d’œuvre bon marché.

7. AN Paris S 249 (Titres relatifs aux biens ruraux du chapitre de Notre-Dame situés hors Paris)

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Les dernières années du XVIIème siècle sont dures : nouvel épisode de peste en 1668, mauvaises récoltes en 1693, famine en 1694. La fin du règne de Louis XIV est vécue par une population épônoise fragilisée par les épreuves (épidémies, conditions climatiques dégradées comme lors du terrible hiver de 1709) et une conjoncture économique défavorable (chômage, impôts, saisies).

Encore très dépendante des contraintes climatiques (mauvais été 1725, très long hiver 1740), l’agriculture entame néanmoins une lente évolution vers les années 1740. La culture des céréales s’étend au détriment de la vigne, autrefois majoritaire sur les coteaux, celle des fourrages se développe et permet d’élever davantage de bétail. On se tourne aussi vers les cultures à but industriel, comme le chanvre pour les cordages, le houblon ou le pastel. Beaucoup de cerisiers sont plantés, ainsi que des noyers, dont le bois de bonne qualité peut facilement se recycler dans le commerce ou l’artisanat.

Suivant l’exemple des physiocrates anglais, l’agriculture prend une tournure plus scientifique. On tente d’optimiser les rendements grâce à l’excès de fumures produites par un bétail abondant. Meilleure protection des cultures, meilleure sélection des semences et des reproducteurs : cette agriculture épônoise devient méthodique, optimisée, rationnalisée.

Si ce secteur se modernise, il demeure vulnérable à plusieurs facteurs. Une suite d’étés humides dans les années 1770, la guerre des farines de 1775, mouvements spéculatifs sur cette ressource, provoque des difficultés. Une grêle désastreuse le 13 juillet 1788 détruit de 10 à 50 % des récoltes selon les cantons et provoque une hausse record des prix des grains l’année suivante, le tout dans un contexte politique en plein malaise.

La Révolution et l’Empire

Le 14 juin 1789, les notables d’Épône envoient aux États Généraux de Versailles une longue lettre8 rappelant le contenu du cahier de doléances que la population épônoise avait rempli, comme partout en France. On y évoque les catastrophes climatiques, les mauvaises récoltes qui en découlent, les pénuries et les hausses des prix qui s’ensuivent, enfin l’extrême dénuement qui atteint la population et son accablement face à une pression fiscale apparaissant disproportionnée.

Quelques jours après les évènements de Versailles et de Paris, les épônois se trouvent plongés dans la « Grande Peur », une campagne de désinformation mettant villes et campagnes en émoi. Le 28 juillet 1789, plusieurs personnes tiennent pour établi qu’une armée de brigands venant de Paris arrive par la vallée de l’Oise et met tout à sac. Ce climat délétère

8. « Épône raconté aux épônois » D. BRICON, p. 130 (cf. bibliographie)

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d’insécurité entraîne la création d’une milice, forte de treize compagnies de vingt hommes chacune, chargée de maintenir l’ordre et la tranquillité dans la paroisse. Tout au long de l’été, elle surveille les moissons et les récoltes, escorte les transports de denrées, et se fait signaler les étrangers de passage.

Les 14 et 15 février 1790 se déroulent les premières élections municipales d’Épône. Il faut justifier d’une imposition au moins égale à trois journées de travail ou 3 livres pour être électeur, de dix journées de travail ou 10 livres pour être éligible. Sans oublier, bien sûr… qu’il faut être un homme majeur. Sur une population d’environ 950 âmes, la liste électorale comprend 155 électeurs dont 134 éligibles.9 Le premier maire d’Épône est Philippe Desvignes, le notaire de l’étude principale du bourg, élu par 94 voix sur 131 votants. Il est décidé que l’équipe municipale se réunira, sauf cas urgents, chaque premier dimanche du mois… à l’issue des vêpres.

En juillet 1790, Épône est peuplé de 980 habitants, mais avec ses annexes paroissiales (Nézel, La Falaise, Mézières, Aulnay), l’agglomération atteint 2 000 habitants. Elle est le siège principal de la justice pour ces quatre communes et celle d’. Rattachée au canton de Limay, sur l’autre rive de la Seine, Épône est tout de même chef-lieu d’une section de ce canton, mais le conseil municipal réclame un canton à part entière. La commune comprend une école de garçons et une école religieuse de filles, ainsi qu’un établissement de charité comprenant soixante sœurs qui s’occupent des malades.

Épône traverse la période révolutionnaire comme bien des communes des campagnes françaises, en devant s’adapter à un appareil d’État de plus en plus présent (tribunaux révolutionnaires, comités de surveillance pour hâter l’exécution des lois et contrôler les suspects, Comités de Salut Public), soumise aux pressions policières (surveillance de la population), économiques et fiscales (fixation des prix et des salaires, taxations), militaires (réquisitions d’hommes, de chevaux, d’armes) et logistiques (réquisitions de matériel et de certains artisans pour des travaux).

Lors de la levée en masse de 1793, Épône doit fournir onze hommes sur les trois cent mille que demande la Convention. Ils sont finalement quatorze volontaires à partir, dotés de 690 livres par une collecte pour leur équipement10. Ils seront soixante à quitter leur foyer en un an, la vie des familles concernées s’en trouve modifiée, le rôle des femmes y prend une importance nouvelle.

Aux premières heures du XIXème siècle, le Consulat redonne une stabilité aux affaires et au pays. Une liste établie au début de 180111 nous permet de faire un état des lieux des professions exercées à Épône après la Révolution. On y trouve pour l’essentiel des cultivateurs, des

9. Chiffres issus de « Épône raconté aux épônois » D. BRICON, p. 138 (cf. bibliographie) 10. Idem, p. 163 11. Idem, p. 181

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journaliers ou manouvriers, et des tisserands. Ces trois professions représentent 71 % des personnes actives sur la commune. Les artisans y sont surtout cordonniers, serruriers, maçons, tonneliers, tailleurs, et boulangers. Il ne subsiste plus qu’un seul vigneron, mais beaucoup de cultivateurs possèdent de la vigne sur leur exploitation. Le tiers des tisserands et le quart des manouvriers se déclarent indigents.

Le répertoire des habitants autorisés à voter aux assemblées cantonales en 180612 nous montre, cinq ans plus tard, quelques évolutions dans ces professions. La moitié des cultivateurs a refait de la vigne son activité principale, le métier de vigneron devenant ainsi le plus pratiqué à Épône. Les vignerons, journaliers, tisserands et les autres cultivateurs y représentent alors les deux tiers des professions. La part de l’artisanat y est un peu plus importante qu’en 1801, et on voit surtout s’installer à Épône pas moins de sept aubergistes et cabaretiers !

Sous le premier Empire, la population épônoise subit néanmoins une baisse continue : 1028 habitants en 1800, 961 en 1806, 937 en 1808, environ 900 en 1816. La commune connaît de brutales épidémies en 1813 et 1814 (variole, typhus, choléra) qui font doubler la mortalité sur cette période : 67 décès en 18 mois. Officiellement, une quinzaine d’hommes est tombée sur les champs de bataille napoléoniens entre 1805 et 1814, il y en eut sans doute d’autres hors de cet intervalle. L’exode professionnel se fait plus fréquent, surtout vers Paris ou Rouen. La natalité restant stable, la population ne diminue que de 56 personnes entre 1806 et 181713.

L’occupation étrangère qui suit la défaite de Waterloo en 1815 touche durement la région et rappelle les sombres heures des guerres de religion, par les réquisitions et prélèvements effectués par les troupes d’occupation, essentiellement prussiennes et hanovriennes. Le patrimoine communal et les réserves privées sont exsangues, et il n’est pas rare de voir arriver à l’improviste dans ce petit bourg déjà occupé des contingents de trois à quatre cents hommes et autant de chevaux qui se logent de force.

Tous ces évènements vécus par Épône sur une petite trentaine d’années l’entraînent vers un déclin lent, mais inévitable. La commune perd peu à peu de son importance, et s’endort quelque temps.

12. Chiffres issus de « Épône raconté aux épônois » D. BRICON, p. 186 (cf. bibliographie) 13. Idem p. 185 et Wikipédia (« Épône » - https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89p%C3%B4ne), tableau d’évolution de la population.

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De la Restauration à la Belle-Époque, vers la modernisation

De 1028 individus en 1800, la population d’Épône passe à seulement 810 habitants en 1851, soit une perte d’environ 20 %. Après une reprise de la natalité vers 1815, la commune va connaître un déficit démographique assez notable tout au long du XIXème siècle, enregistrant 205 décès de plus que de naissances entre 1815 et 189414. Pourtant, même dans une période d’exode professionnel important, le nombre d’épônois se maintient tout au long du siècle, et tend à augmenter après 1880. On comprend que c’est grâce à des apports extérieurs que le bourg ne sombre pas dans le déclin, Épône bénéficiant à ce moment de son histoire de la proximité de Paris et de la Seine, axe majeur de communication.

La situation sanitaire de la vallée de la Mauldre, qui baigne un petit chapelet de communes (Épône, Nézel, La Falaise, Aulnay, Maule, Mareil), est préoccupante. Territoire très humide, cette vallée est inondée presque six mois par an, au moins en partie. La conséquence en est la multiplication des épidémies. Le paludisme y tue une trentaine de personnes entre 1825 et 1830, et beaucoup d’autres en sont affectées durablement. Plus grave encore, plusieurs épidémies de choléra y sévissent, en 1832 puis 1849-1850 (quarante-six morts), et très régulièrement de 1854 à 1859 (une dizaine de décès chaque année). Encore d’avril à novembre 1862, une épidémie qui cette fois s’étend et fait environ six mille morts en Seine-et-Oise. En 1865-1866, une poussée de variole double la mortalité15.

Des projets sont entrepris : réaménagement des routes et chemins, création de caniveaux et d’un réseau de distribution d’eau. Mais la grande aventure du milieu du XIXème siècle, qui va révolutionner les transports, le commerce, l’économie et les habitudes, fut bien celle du chemin de fer.

Créer une ligne de Paris à la mer est une priorité du gouvernement du Roi Louis-Philippe. Un immense chantier mobile descend pendant des mois la vallée de la Seine avant la grande inauguration, le 4 mai 1843, de la ligne Paris-Rouen. Le premier train régulier venant de Paris s’arrête le 9 mai le long des quais de la toute nouvelle gare d’Épône-Mézières, après une heure et demie de voyage.

14. Chiffres issus de « Épône raconté aux épônois » D. BRICON, p. 193 (cf. bibliographie) et Wikipédia (« Épône » - https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89p%C3%B4ne), tableau d’évolution de la population. 15. Chiffres issus de « Épône raconté aux épônois » D. BRICON, p. 194 et 200 (cf. bibliographie)

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Quelques menus et curieux évènements viennent rythmer la vie du bourg au milieu du siècle. En 1840, le Roi Louis-Philippe et son épouse doivent s’arrêter à Épône pour une raison joliment expliquée par Jean-François Loiseau16, alors maire de la commune :

« La vie a des besoins que les Princes, Princesses, satisfont chaque jour jusque dans leur vieillesse, en allant tour à tour, avec un air discret, contraints par la nature, au cabinet secret. »

La Reine Marie-Amélie doit descendre dans une petite maison dont le propriétaire reçoit 10 F en remerciement…

Toujours en 1840, le 12 décembre, une grande partie de la population du Mantois se porte au bord de la Seine afin d’y apercevoir le navire « La Dorade », venant de Rouen, et emmenant à Paris les cendres de l’Empereur Napoléon Ier.17

Mais de nouveaux visiteurs vont bientôt se présenter aux alentours de la vallée de la Seine. Le 19 juillet 1870, la guerre est déclarée contre la Prusse. Début septembre, l’ennemi se rue vers Paris. Versailles est prise le 19, deux jours plus tard, la 5ème division de cavalerie prussienne, les uhlans, se dirige vers la Seine par la vallée de la Mauldre, et pousse jusqu’à Mézières, alors que les francs-tireurs de la région et le 1er régiment des éclaireurs de la Seine rallient Mantes.

Le lendemain, les francs-tireurs attaquent Mézières, mais sont rapidement repoussés par les uhlans. Afin de contenir certaines ardeurs, ceux-ci décident de brûler Mézières pour l’exemple. Quatre-vingts maisons seront détruites, pour six morts parmi la population. Puis les prussiens s’en vont bombarder Mantes, qui tombe le 23 septembre. Beaucoup d’habitants d’Épône avaient fui le bourg et étaient partis se cacher avec famille et bestiaux dans les bois et les carrières de craie souterraines.

Les combats à l’ouest de Mantes durent jusqu’au 26 novembre, puis c’est à nouveau le temps de l’occupation, avec son lot de réquisitions et de contributions financières. Déjà, le 11 novembre, une somme de 2 551 F est prélevée par l’occupant. Après l’armistice, les troupes prussiennes repassent, mais dans l’autre sens. Du 8 au 26 février 1871, Épône doit héberger plusieurs centaines de soldats, qui repartent avec 776 F.

16. Maire de 1833 à 1855 (Wikipédia (« Épône » - https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89p%C3%B4ne), tableau des maires de la commune. 17. Anecdotes rapportées dans « Épône raconté aux épônois » D. BRICON, p. 199 (cf. bibliographie)

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En 1876, Épône compte 860 habitants répartis en 304 foyers. Vingt ans plus tard, il y a 984 épônois. Les apports extérieurs de population continuent de largement compenser le déficit démographique de la commune. Si l’agriculture demeure encore le premier employeur en 1896 (436 personnes), le commerce (105 emplois) et surtout l’industrie (218) se développent rapidement dans la région. Mais rares sont encore les industries épônoises : une féculerie (25 ouvriers) et la chocolaterie « La Coupe d’Or » (5 ouvriers)18.

L’épidémie de phylloxéra de 1880-1885 porte un dernier coup fatal à la vigne, qui disparaît pratiquement du paysage des coteaux du Mantois.

Une nouvelle ligne de chemin de fer est réalisée de 1898 à 1901 entre Épône et Versailles (qui va aujourd’hui jusqu’à Paris-Montparnasse), empruntant la vallée de la Mauldre au cours désormais mieux maîtrisé. D’autres réseaux pittoresques suivent ce tracé à cette époque, comme un tramway reliant Maule à Épône ou le « CGB » (Chemin de fer de grande banlieue), de Versailles à Maule, modes de transport aux performances décevantes et aux retards incessants, tous abandonnés dans les années 1930.

Épône poursuit ses travaux de modernisation, se dote d’un nouveau réseau de distribution d’eau, voit en 1910 l’arrivée de l’électricité, est éclairé au gaz, et goudronne ses routes principales pour faire meilleure place à l’automobile.

Enfin, pour clore cette Belle-Époque, il faut évoquer l’extraordinaire crue de la Seine du début de 1910, dont les nombreuses archives photographiques sont si parlantes, et qui noie pendant plus d’un mois les vallées de Seine et Mauldre, ainsi que le bas d’Épône, dont sa gare.

18. ADN78 – RCS Épône 1896 et Wikipédia (« Épône »), tableau d’évolution de la population.

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Les deux guerres

La guerre est déclarée le 31 juillet 1914, les hommes partent très nombreux, les moissons et les récoltes sont terminées par les femmes, les enfants et les anciens. Durant quatre années, les epônois vivent dans l’attente, la crainte de funestes nouvelles, sans que la vie quotidienne n’y soit particulièrement troublée.

Bien sûr, on a eu peur à l’été 1914 de revoir rapidement des occupants s’installer à nouveau dans le pays. Mais hormis les premiers flots de réfugiés venant de la Somme et de l’Oise, le territoire d’Épône put rester à l’écart du conflit.

Ce n’est qu’en mars 1918 que la commune devient le centre d’instruction du 9ème bataillon du 95ème régiment d’infanterie. Les jeunes recrues et les blessés guéris emplissent et réveillent les rues, les auberges, les cabarets. À la fin du printemps, ce sont les américains qui installent un chantier de réparation navale. Leurs rapports avec la population sont très bons. Ils dépensent sans compter chez les commerçants, et beaucoup d’entre eux parlent français, à cause d’ascendances québécoises.

Ce n’est qu’en 1919 que vient l’heure du bilan : 31 épônois sont morts ou disparus sur les champs de bataille.

Une conséquence inattendue de la guerre est la création d’un nouveau quartier d’Épône, celui d’Élisabethville, partagé avec la commune voisine d’Aubergenville. C’est en effet la Reine Élisabeth de Belgique qui décide dès la fin du conflit la création d’une cité jardin destinée aux anciens combattants et victimes de la guerre français et belges. Elle obtient l’acquisition de terres vacantes pour Épône et Aubergenville, et y implante son projet. Ce quartier se peuple rapidement entre 1923 et 1930, et connaît ensuite un essor plus important dans les années 1950 à la suite de l’installation toute proche des usines Renault de Flins. Élisabethville est aussi le théâtre d’une première mondiale en 1929 : l’inauguration de son église Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus, la toute première… en béton armé.

La Prévoyance Mutuelle, qui lotit Élisabethville, tente une opération audacieuse en mettant sur pied un projet de station balnéaire sur la Seine, censée concurrencer Deauville ! La société fait construire un casino, une piscine, des promenades, une vaste plage artificielle. Elle inaugure un golf, fait installer une machine à produire des vagues. Tout est achevé pour 1933. Des yachts illuminés font croisière en partant du pont Alexandre III à Paris, emportant à bord la haute société parisienne. Une campagne publicitaire tapageuse produit un effet de mode, pour un temps seulement, celui de la découverte pour un milieu parisien curieux et festif, mais versatile. Les nuits d’Élisabethville retrouvent bien vite leur calme, une fois terminé le premier été.

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Les épônois sont vite rattrapés par la dure réalité de la situation diplomatique en Europe. À la nouvelle mobilisation générale de 1939 succède la débâcle de 1940. Mantes est évacuée le 9 juin, beaucoup d’épônois fuient vers le sud et tentent de franchir la Loire. Leur retour est vite organisé par l’occupant, dont le désordre est l’ennemi.

Les allemands s’installent à Épône à partir du 13 juin, souvent chez l’habitant. Le rationnement se met en place et la pénurie règle la vie des épônois. On est sans nouvelles de René Dreyfus19, maire depuis 1929, de confession juive, parti se cacher en zone libre.

Petite ville rurale, Épône souffre moins des privations que les grands centres urbains. Chaque foyer utilise la majeure partie de son jardin pour y faire des cultures d’appoint. Les petits élevages se multiplient. De la Normandie toute proche, on peut rapporter à vélo des œufs, du lait, du beurre, même de la viande. En revanche, les produits manufacturés demeurent difficilement remplaçables. Les vêtements et les chaussures manquent à l’approche de l’hiver, comme le combustible.

Épône a une importance particulière pour les allemands. Ils profitent de la situation du château, sur lequel nous reviendrons en détail plus tard. Situé au sommet de la ville et dominant largement la vallée de la Seine, il attendait avant le début des hostilités la livraison d’un émetteur radiophonique. Les services de propagande allemands en prennent possession, le baptisent « Calais one-Calais two », et diffusent des émissions destinées à saper le moral de la population britannique. Le poste est gardé par un détachement de SS et par la police allemande. L’énorme antenne et ses ancrages sont implantés dans le parc du château, qui est quelque peu transformé par l’installation de canons de défense anti-aérienne.

Mantes est bombardée par les forces alliées le 30 mai 1944, on recense 1 265 victimes. Les gares de la ligne Paris-Rouen sont régulièrement visées, celle d’Épône-Mézières est détruite, son quartier est durement touché. Après la nouvelle du débarquement en Normandie, les épônois attendent encore deux mois avant que les opérations militaires se rapprochent. Le 18 août, les allemands font sauter l’émetteur et le château en même temps. Le lendemain, le premier char américain pénètre dans le bourg, venant des hauteurs. Il est suivi par un détachement d’infanterie. Après un court duel d’artillerie vers les berges du fleuve, Épône est définitivement libérée.

19. Suppléé par Raoul Thiboust pendant l’occupation, il retrouva son poste en 1945 jusqu’en 1950. (Wikipédia – « Épône » https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89p%C3%B4ne), tableau des maires de la commune.

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Vers le XXIème siècle

Le Mantois connaît de grands bouleversements après la guerre. Le paysage agricole évolue rapidement. En 1925, Épône compte encore quarante exploitations, souvent de très petites dimensions. Leur nombre chute dès les années 1950. Les terres sont remembrées, les parcelles beaucoup plus étendues. L’heure est désormais aux grands domaines, à l’équipement modernisé et motorisé.

Une centrale électrique, la plus grande des nouvelles centrales de la région parisienne, se construit à , de l’autre côté de la Seine. Une gigantesque usine Renault s’ouvre à Flins, en bordure du quartier d’Élisabethville. Elle comptera jusqu’à vingt mille ouvriers et sera le principal employeur du Mantois pendant plus de soixante ans. Le constructeur automobile achète même des terrains à Épône, pour y faire bâtir les premiers immeubles de la ville, destinés au logement de ses ouvriers. L’apport de nouvelles populations est brutal et colossal, le nombre d’épônois double en huit ans, passant de 1 682 individus en 1954 à 3 239 en 1962. Il double à nouveau en vingt-huit ans, atteignant son record de 6 706 habitants en 199020.

Cette explosion est parfaitement visible sur cet histogramme de l’évolution de la population épônoise jusqu’à nos jours, la commune finissant par abandonner peu à peu sa ruralité :

Wikipédia – Histogramme de l’évolution démographique d’Épône – 2018

20. Wikipédia (« Épône » - https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89p%C3%B4ne), tableau d’évolution de la population.

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Le château

Le premier document décrivant en détail le château d’Épône est un acte de vente du 13 novembre 1706 par lequel Anne Armande Marie de Saint-Gelais, duchesse de Créqui, cède ce château à Louis Hérault, de bonne noblesse normande, pour une somme de 108 000 livres21.

La propriété se compose d’un corps de logis, de deux gros pavillons et de deux petits dont l’un est une chapelle, d’un parc clos de murs de trente à quarante arpents, d’un colombier, d’écuries, granges, remises de carrosses et autres bâtiments servant au logement des domestiques, ainsi que d’une cour et d’une allée plantées d’ormes, le tout accompagné d’une ferme sur le domaine et de caves.

La duchesse de Créqui tenait ce château de sa mère, Marie de Vallée-Fossez, décédée en 1667, qui était la veuve d’Henri de Mesmes, issu d’une grande famille de robe. Il avait fait édifier le château au cours du XVIIème siècle.

Le dernier seigneur d’Épône, Marie Jean Hérault de Séchelles, petit-fils de Louis Hérault, tient un rôle important au cours de la Révolution. Épousant les idées nouvelles, il est élu député de la Seine en 1791, puis président de la Convention en novembre 1792. Adjoint avec Saint-Just au Comité de Constitution, il en présente le nouveau texte le 9 juin 1793. Élu plusieurs fois au Comité de Salut Public, il est à nouveau président de la Convention en août 1793, à la suite de Danton. Mais sa position attise des jalousies. Sa nature prudente et son ancienne noblesse de robe le font passer pour insincère auprès de Robespierre et Saint-Just. On l’accuse de fuites de décisions du Comité de Salut Public au bénéfice d’agents royalistes. Arrêté le 15 mars 1794, il fait partie le 5 avril de la charrette n° 560 du Tribunal Révolutionnaire, qui l’emporte à l’échafaud en compagnie de Danton, Desmoulins et Fabre d’Églantine22.

Suite à l’exécution de son propriétaire, le domaine du château est saisi et mis en vente. Le château et le parc sont adjugés par jugement du tribunal civil de la Seine du 5 septembre 1803 à Félix Besnier, contre la somme de 91 800 F23.

21. « Épône raconté aux épônois » D. BRICON, p. 101 (cf. bibliographie) 22. Idem p. 172 23. Idem p. 178

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En 1841, Félix Besnier lègue le château à son frère Félix Marie, qui le vend le 2 octobre 1842 pour 41 500 F à Claude Marie Rivet, négociant à Paris. Son fils, Victor Alphonse, en hérite en 189524.

C’est le gendre de Victor Alphonse Rivet, Maurice Jarry, qui reprend les destinées du château vers 1900, à la mort de son beau-père. Le nouveau propriétaire disparaît à son tour en 1921, et le domaine est acheté par la société « Information et Transmission ».

Cette entreprise prend le contrôle en 1938 de Radio-Normandie, qui cherche à implanter près de Paris un puissant émetteur. Le site du château d’Épône paraît idéal, mais un certain Max Brusset, proche collaborateur de Georges Mandel25, actionnaire de la société et administrateur de Radio-Normandie, veut plutôt utiliser l’émetteur pour la propagande anti-hitlérienne, en installant au château « Radio International Épône ». Pour cela, un émetteur de 500 kw est commandé aux usines Thomson de Houston (USA). En attendant, on aménage le château, ses sous-sols qui doivent abriter l’émetteur, le parc où doit se dresser un pylône de 170 m de haut avec ses câbles d’ancrages.

24. ADN78 – 1T mono 4/7 (Monographie) 25. Alors ministre des colonies.

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Mais les troupes allemandes arrivent à Épône avant l’émetteur, le 13 juin 1940. Les occupants profitent de l’aubaine, et contraignent la société Thomson à livrer et installer l’émetteur comme prévu. « Radio International Épône » est rebaptisée « Calais one-Calais two », et sert à diffuser de la propagande, cette fois pro-hitlérienne, vers la Grande Bretagne.

Le parc du château est fortement transformé par l’installation de l’antenne et de canons de défense anti-aérienne. Si de nombreux arbres disparaissent, un classement hâtif et providentiel au titre des monuments historiques en 1941 du petit Temple de l’Amitié du fond du parc, sauve sans doute ce dernier de la destruction. Ce bâtiment fut construit en 1785 pour célébrer l’indépendance américaine. Il fut surnommé « Temple de David » car le peintre, ami de Marie Jean Hérault de Séchelles, y avait tracé des dessins au fusain, malheureusement effacés au cours d’une rénovation au début du XXème siècle.

Le 18 août 1944, les allemands en fuite dynamitent le château et son émetteur. Le château d’Épône disparaît sous la forme d’un tas de gravats.

Complètement dévasté, le domaine est rendu à son propriétaire, la société qui l’avait acquis avant-guerre. Elle s’en sépare rapidement et le vend à Max Brusset26, qui fait reconstruire quelques communs, une partie de la ferme et le mur d’enceinte, et réaménager le parc de l’ancien château, transformant l’ensemble en vaste résidence.

L’endroit est dans les années 1950 un lieu de rencontres politiques. Mme. Brusset est la nièce de Louis Pasteur-Valéry-Radot, académicien et fondateur du Rassemblement du Peuple Français (RPF), parti du général de Gaulle. Le « château27 » d’Épône devient ainsi l’un des quartiers généraux des gaullistes en 1958. Des personnalités politiques comme Jacques Soustelle28 et Michel Debré29 viennent y préparer activement le retour du général au pouvoir et y jeter les bases de la constitution d’une Vème République, adoptée par les français le 28 septembre 1958.

Dans les années 1960, Max Brusset cède le domaine à sa fille Jacqueline et son mari Dominique de Roux, éditeur et écrivain, qui meurt en 1977. C’est peu après que la commune d’Épône acquiert le château et son parc. Le 28 novembre 1981 y est inauguré l’Office municipal des arts d’Épône, aujourd’hui « centre culturel Dominique de Roux ».

26. Alors député de Charente-Maritime, futur maire de Royan. 27. Malgré sa destruction, c’est sous ce terme que le domaine est encore aujourd’hui désigné par les épônois. 28. Futur ministre de l’information de Charles de Gaulle. 29. Futur premier ministre de Charles de Gaulle.

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Une famille de Seine & Mauldre

Le couple Malèvre – Garochaud

Jacques Philippe Marie Malèvre épouse Alexandrine Apolline Garochaud le 14 janvier 1841 à Épône (Seine-et-Oise).

De ce couple naîtront cinq enfants, tous à Épône :

. Pauline Alexandrine, née le 10 juillet 1842, . Eugène, né le 19 septembre 1845, . Charles Alexandre, né le 13 novembre 1849, . Clémentine, née le 13 février 1853, . Estelle, née le 5 janvier 1857.

Jacques Philippe Marie Malèvre est né le 19 septembre 1818 à Épône, de Jean Baptiste Ambroise Silvestre Malèvre (décédé le 15 avril 1854) et Marie Catherine Victoire Marais (décédée le 10 août 1849), qui s’étaient mariés à Épône le 4 novembre 1817.

De ce couple naquirent cinq enfants, tous à Épône, dont Jacques, l’aîné, fut l’unique survivant, ses trois frères et sa sœur étant tous décédés en bas âge :

. Eulalie, née le 20 octobre 1819, décédée le 9 septembre 1820, . Jean Baptiste, né le 24 février 1821, décédé le 7 octobre 1821, . Frédéric Ambroise, né le 17 mai 1824, décédé le 7 octobre 1825, . Jean Baptiste, né le 5 avril 1826, décédé le 23 février 1829.

Alexandrine Apolline Garochaud est née le 2 novembre 1817 à Épône, de Jean Baptiste Garochaud (décédé le 16 février 1855) et Marguerite Anastasie Surgis (décédée le 22 novembre 1836), qui s’étaient mariés à Épône le 23 juin 1810.

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De ce couple naquirent trois filles, toutes à Épône, dont Alexandrine était la deuxième. Ses deux sœurs étaient :

. Louise Adélaïde, née le 11 février 1811 - mariée le 14 mai 1839 à Épône avec Charles Hippolyte Lemaître, - décédée le 5 octobre 1870 à Pontoise (Seine-et-Oise),

. Julie Françoise, née le 17 février 1823 - mariée le 21 avril 1849 à Épône avec Alexandre Brochet, - décédée le 29 décembre 1865 à Épône.

À l’heure d’épouser Alexandrine, dans les premiers jours de l’année 1841, Jacques a vingt- deux ans. Il est cultivateur, comme son père, qui possèdera au moment de son décès environ 34 ares de terres et de bois sur la commune d’Épône, et 2 ares de terres dans le tout proche village de Mézières.1

Alexandrine a vingt-trois ans, et vit chez son père, veuf depuis 1836. Elle est couturière2 comme sa sœur Louise, qui a quitté le domicile familial depuis son mariage deux ans plus tôt avec Charles Lemaître, alors fabriquant de bas au métier.

Le mariage concrétisé, le jeune couple s’installe chez les parents de l’époux3, dans la maison que ces derniers viennent de faire construire rue de la Geôle.4 La famille s’agrandit les années suivantes : Pauline naît en 1842, Eugène la suit en 1845. C’est en 1846 que les parents de Jacques, Jean Baptiste et Marie Catherine, décident de vendre cette maison5 et d’en acquérir une nouvelle, rue de la Tricherie.6

Les trois générations continuent de résider sous le même toit.7 C’est au cours de l’été 1849 que meurt la mère de Jacques. À l’automne, Jacques et Alexandrine ont un troisième enfant, Charles, qui sera suivi par Clémentine en 1853. L’année suivante, c’est Jean Baptiste Malèvre, le père de Jacques, qui décède à son tour.

1. Déclaration de succession n° 42 du 14/10/1854 (AD78 - 9Q 1198) 2. ADN78 – RCS Épône 1836 3. ADN78 – RCS Épône 1841 4. ADN78 – CAD Épône – Matrice des propriétés foncières 1824-1914 5. ADN78 – CAD Épône – Matrice des propriétés foncières 1824-1914 6. ADN78 – ENR Mantes – Table des acquéreurs et nouveaux possesseurs 1846 7. ADN78 – RCS Épône 1851

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On peut visualiser sur le plan de la section F dite « du village » du cadastre napoléonien d’Épône, datant de 1810, la situation dans le bourg de la maison de la rue de la Geôle (parcelle F563) et de celle de la rue de la Tricherie (parcelle F715) :

Parcelle F563

Parcelle F715

Fin 1854, Jacques se trouve donc à la tête d’un petit patrimoine constitué d’une maison de ville, et d’environ 36 ares de terres cultivables et de bois, le tout évalué à un peu plus de 2000 F.8

Mais Jacques abandonne la profession de cultivateur – il se déclare charretier lors de la naissance de sa fille Estelle en 1857 – et se sépare d’une grande partie de ses biens9 :

. 10/07/1854 : 2 ares de terres vendus 106 F à Jean Louis Drouard, bourrelier, . 13/02/1855 : 5 centiares de terres vendus 65 F à Fulgence Langlois, cultivateur, . 12/11/1855 : 2 ares de bois vendus 40 F à Alexandre Brochet, son beau-frère, . 23/03/1857 : 6 ares de bois vendus 100 F à Jean Laurent Drouard, bourrelier, . 02/08/1862 : 9 ares de terres vendus 180 F à Pierre Andrieu, boucher.

8. Déclaration de succession n° 42 du 14/10/1854 (AD78 - 9Q 1198) 9. ADN78 – ENR Mantes – Tables des vendeurs et précédents possesseurs de 1852 à 1865

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Le couple s’installe rue de la Brèche10, après avoir vendu la maison de la rue de la Tricherie.11 Jacques se fait garçon laitier et Alexandrine reprend une activité professionnelle comme journalière.12 Pauline est la première à quitter le domicile familial par son mariage en 1861 avec François Frichot, un tonnelier du village voisin d’Aulnay-sur-Mauldre.

Jacques Malèvre meurt le 23 février 1866 à Épône à l’âge de quarante-sept ans. Veuve et ayant plusieurs enfants à charge – Estelle et Clémentine ne sont encore âgées que de neuf et treize ans – Alexandrine poursuit ses activités de journalière, et finit par exercer le métier de blanchisseuse, au moins jusqu’à l’âge de soixante-dix-sept ans.13

Alexandrine Malèvre, née Garochaud, continue d’habiter rue de la Brèche, en compagnie de son fils Charles, resté célibataire14, puis y décède le 8 janvier 1903, âgée de quatre-vingt-cinq ans.

Les parents de Jacques Malèvre

Le père de Jacques, Jean Baptiste Ambroise Silvestre Malèvre, naît à Épône le 31 décembre 1781. Deuxième enfant à naître dans sa fratrie, il reste néanmoins l’aîné, son premier frère étant décédé en bas âge.

Outre Jean Baptiste, ses parents, Jean Charles Malèvre (né à Épône le 23 novembre 1756) et Marie Madeleine Hallé (née dans le village limitrophe de La Falaise le 24 janvier 1753), mariés à Épône le 17 janvier 1780, eurent quatre autres enfants :

. Jean Ambroise, né le 20 octobre 1780, décédé le 15 mai 1781, . Jean Jacques Joseph, né le 30 décembre 1783, - marié à Aubergenville (Seine-et-Oise) le 26 septembre 1835 avec Augustine Cabit, - décédé à Aubergenville le 8 juin 1858, . Jean Baptiste Germain, né le 30 juillet 1786, décédé le 11 nivôse an VII (31 décembre 1798), . Marie Clotilde, née le 17 juillet 1790, - mariée à Épône le 23 juin 1827 avec Maclou Doré, - décédée à Épône le 29 décembre 1850.

10. ADN78 – RCS Épône 1856 11. ADN78 – CAD Épône – Matrice des propriétés foncières 1824-1914 12. ADN78 – RCS Épône 1856 13. ADN78 – Décès Estelle Malèvre NMD Épône 1893-1903 14. ADN78 – RCS Épône 1906 et décès Charles Alexandre Malèvre NMD Épône 1914-1923

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La mère de Jacques, Marie Catherine Victoire Marais, naît à Épône le 8 octobre 1782. C’est la deuxième fille de ses parents Jean Baptiste Marais (né à Épône le 14 décembre 1748) et Marie Madeleine Beaucher (née à Épône le 18 août 1746), mariés dans cette même ville le 17 juin 1776, qui eurent également :

. Marie Madeleine, née le 6 août 1780, - mariée à Épône le 1er mai 1809 avec Jacques Bruno Lemaître, . Athalie, née le 19 septembre 1785, - mariée à Épône le 10 octobre 1809 avec Étienne Nicolas Avisse, - décédée à Épône le 15 mai 1880.

Jean Baptiste Malèvre et Marie Catherine Marais viennent tous deux de familles d’agriculteurs. Les activités de leurs parents étaient variées à la fin du XVIIIème siècle, ainsi Jean Charles Malèvre, le père de Jean Baptiste, fut successivement journalier, vigneron, marchand fruitier, avant de s’établir cultivateur. Jean Baptiste Marais, le père de Marie Catherine, fut plutôt un cultivateur-vigneron.

Jean Baptiste et Marie Catherine se marient en 1817, et à son tour, Jean Baptiste cultive son petit domaine, environ 36 ares de terres et de bois, dont 25 seront apportés par Marie Catherine.15

Après la naissance de leur fils Jacques en 1818, le couple connaît des malheurs familiaux au cours de la décennie suivante. Quatre autres enfants viennent au monde entre 1819 et 1826, aucun n’atteignant son troisième anniversaire, ni même son premier pour trois d’entre eux. Jacques, leur unique enfant, va les côtoyer tout au long de leur vie, les suivant dans leurs domiciles successifs, même après son mariage, et peuplant leurs maisons de cinq petits-enfants.

Marie Catherine s’éteint le 10 août 1849 à l’âge de soixante-six ans. Jean Baptiste la suit le 15 avril 1854, âgé de soixante-douze ans.

Les parents d’Alexandrine Garochaud

Le père d’Alexandrine, Jean Baptiste Garochaud, naît à Dampierre (Yvelines) le 20 septembre 1789. C’est le dernier né des quatre enfants de Jean Pierre Garochaud (né à Dampierre le 6 avril 1750) et Marie Anne Grésillon, son épouse depuis leurs noces du 23 juillet 1782 à Méré (Yvelines).

15. Déclaration de succession n° 71 du 06/02/1850 (AD78 – 9Q 1193)

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Avant l’arrivée de Jean Baptiste, trois enfants sont donc nés à Dampierre :

. Marie Anne Geneviève, née le 30 janvier 1783, - mariée à Villette (Seine-et-Oise) le 2 décembre 1806 avec Pierre Marc Moreau, - décédée à Villette le 11 novembre 1845, . Henriette Françoise, née le 15 décembre 1784, - mariée à Villette le 23 décembre 1817 avec Denis Noël Maillet, . François, né le 11 février 1787, décédé le 6 mai 1791.

La mère d’Alexandrine, Marguerite Anastasie Surgis, naît à Épône le 23 février 1788. C’est le troisième des six enfants de Joseph François Surgis (né à Épône le 20 juin 1755) et de Marie Catherine Beaucher (née à Guerville (Yvelines) le 12 septembre 1755).

Issus du mariage de Joseph et Marie Catherine, célébré à Épône le 15 novembre 1779, les cinq frères et sœurs de Marguerite, tous nés dans cette ville, sont :

. Marie Julienne, née le 16 février 1780, - mariée à Épône le 8 mai 1805 avec Pierre Fauveau, - décédée à Orgeval (Seine-et-Oise) le 19 juillet 1851, . Louise Olimpiade, née le 16 septembre 1785, - mariée à Épône le 3 novembre 1818 avec Pierre David, - décédée à Aubergenville le 26 juin 1856, . Marie Catherine, née le 11 novembre 1791, - mariée à Mézières le 6 janvier 1813 avec Étienne Gabriel Guitel, . Marie Anne Agnès Louise, née le 17 prairial an II (5 juin 1794), - décédée à Épône le 15 février 1857, . Gabriel Raphaël, né le 7 juin 1796, - marié à Épône le 20 mai 1818 avec Marguerite Germinale Joséphine Beautier, - décédé à Paris 10ème le 1er juillet 1856.

Au moment de son mariage avec Marguerite Surgis en 1810, Jean Baptiste Garochaud travaille comme meunier et charretier. Ce n’est qu’à la naissance de sa dernière fille en 1823 qu’il semble ne plus exercer que la seconde de ces professions, précisant même à l’officier d’état civil le nom de son employeur du moment (Lecoutre).16

16. Naissance de Julie Françoise Garochaud NMD Épône 1819-1829

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Né en 1789, Jean Baptiste voit rapidement ses parents disparaître. Il a deux ans et demi quand il se retrouve orphelin. Son père Jean Pierre, maréchal-ferrant, meurt à Dampierre le 28 octobre 1790. Sa mère Marie Anne s’y éteint à son tour le 14 février 1792. Une mise sous tutelle est décidée dès le 27 du mois par le juge de paix du canton de (Seine-et-Oise)17. C’est un cousin, Martin Fosset, qui est désigné comme tuteur de Jean Baptiste.

Quand Jean Baptiste décide d’épouser Marguerite au printemps 1810, son tuteur est décédé. Or il est encore mineur, n’étant âgé que de vingt ans. Pour procéder au mariage dans les formes légales requises, sa situation exige une nouvelle mise sous tutelle afin d’obtenir l’accord de son second tuteur pour la réalisation dudit mariage.

Ce qui fut fait le 29 mai 1810 par réunion du conseil de famille présidé par le juge de paix du canton de Chevreuse18, désignant Pierre Moreau pour tuteur, le beau-frère de Jean Baptiste par son mariage avec sa sœur Marie Anne (la transcription intégrale du compte-rendu de ce conseil de famille est consultable en annexe).

Ainsi, Jean Baptiste peut convoler avec Marguerite, vingt-deux ans, issue d’une famille d’agriculteurs épônois, son père François se déclarant alors cultivateur, après avoir été auparavant vigneron et charretier à la ferme du château d’Épône.

Marguerite meurt à Épône le 22 novembre 1836 à l’âge de quarante-huit ans. Resté veuf, Jean Baptiste s’en va résider rue d’Antar chez sa cadette Julie, mariée en 1849 avec Alexandre Brochet, principal clerc de notaire19. Jean Baptiste s’y éteint le 16 février 1855, âgé de soixante-cinq ans.

Opérations immobilières

Il est apparu, à l’examen des matrices cadastrales d’Épône, que les couples Jean Baptiste Malèvre – Marie Catherine Marais, puis Jacques Malèvre – Alexandrine Garochaud ont été les acteurs de plusieurs opérations immobilières au milieu du XIXème siècle.

Dans ces matrices20, le folio 937, attribué à Jean Baptiste Malèvre, nous apprend que l’intéressé est propriétaire sur la parcelle F563 d’une maison, dont l’entrée dans le patrimoine est datée en 1842. Il est aussi précisé que le bien n’a pas de folio d’origine, portant l’indication « construction nouvelle ».

17. Registre du bureau de paix et de conciliation du canton de Chevreuse 1792-1793 (AD78 – 53 L 18) 18. Registre de la justice de paix du canton de Chevreuse 1810 (AD78 – 4U / Chevreuse 30) 19. ADN78 – RCS Épône 1851 20. ADN78 – CAD Épône – Matrice des propriétés foncières 1824-1914

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En effet, on trouve trace de la construction d’une maison pour le compte de Jean Baptiste Malèvre au chapitre « augmentations » de cette matrice, bâtiment achevé en 1841. Il s’agit de la maison de la rue de la Geôle, dans laquelle Jean Baptiste et son épouse accueilleront le jeune ménage formé par leur fils Jacques et Alexandrine Garochaud.

Cette maison est indiquée sortie du patrimoine en 1848, et portée au folio 1 985, hélas lacunaire dans les archives des anciennes matrices cadastrales d’Épône. La table des vendeurs et précédents possesseurs du bureau de l’enregistrement de Mantes manque également pour les années 1846 et 1847. Or la table des acquéreurs et nouveaux possesseurs du même bureau pour l’année 1846 montre que Jean Baptiste Malèvre et son épouse ont acheté une nouvelle maison le 14 juin 1846, rue de la Tricherie.

Il était donc vraisemblable que la vente de la maison de la rue de la Geôle soit intervenue entre 1846 et 1848, date de sa sortie du folio 937 de Jean Baptiste Malèvre.

Il est apparu qu’à l’étude des tables des vendeurs du bureau de Mantes de 1854 à 1866, le fils Jacques Malèvre avait réalisé plusieurs ventes de terres et de bois, comme indiqué plus haut. Or les actes de ces ventes ont été signés chez le même notaire, Me Aquilas Durville à Épône.

Une recherche dans les répertoires21 de ce notaire pour les années 1846 à 1848 fait finalement découvrir que la vente de la maison de la rue de la Geôle s’est concrétisée le 19 juillet 1846 au profit de Jean Baptiste Joseph Galément d’Épône, pour la somme de 800 F (minutes lacunaires pour Me Durville de fin 1845 à fin 1846).

Jean Baptiste Malèvre et son épouse ont donc acheté une nouvelle maison, rue de la Tricherie, le 14 juin 1846. En effet, cette maison sise sur la parcelle F715 apparaît bien au folio 937 des matrices cadastrales. Indiquée entrée en 1847, elle a pour origine le folio 947, attribué à Laurent Charles Marais.

La table des acquéreurs du bureau de Mantes pour 1846 précise que la transaction fut le résultat d’une adjudication réalisée chez Me Durville d’Épône, et qu’il en coûta 1 693 F à Jean Baptiste Malèvre.

Après la mort de ses parents, Jacques Malèvre – leur seul héritier – devient possesseur de la maison de la rue de la Tricherie que sa famille occupe. La consultation du folio 937 indique que la date de sortie de cette maison du patrimoine est fixée à 1856, et que le bien est porté au folio 1 599, lacunaire ici aussi.

21. Greffe des tribunaux des Yvelines – Répertoires Aquilas Durville (AD78 – 8U 28)

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Le père Jean Baptiste Malèvre étant décédé le 15 avril 1854, sa déclaration de succession ayant été établie le 14 octobre suivant, et la maison de la rue de la Tricherie faisant bien partie de cette succession, il est probable que la vente de cette maison se soit réalisée entre octobre 1854 et 1856, date de sa sortie du folio 937.

Curieusement, les tables des vendeurs du bureau de Mantes pour les années 1852 à 1859 ne mentionnent pas la transaction. Une nouvelle recherche dans les répertoires de Me Durville permet de découvrir que l’acte de vente fut dressé le 30 décembre 1854 au profit d’André Louis Pierre Serant, cultivateur à Épône, moyennant la somme de 1 800 F (minutes de Me Durville aussi lacunaires pour la fin 1854).

Successions

Suite au décès le 10 août 1849 de Marie Catherine Marais, la mère de Jacques Malèvre, la consultation de la table des successions et absences du bureau de Mantes pour les années 1849 à 1854 montre qu’une déclaration de succession a été établie le 6 février 1850 au profit du fils Jacques et du conjoint survivant Jean Baptiste, tous deux désignés sous le titre global de « donataires et légataires ».

La lecture de cette déclaration, n° 71, dans le registre des déclarations de mutations par décès du bureau de Mantes22 révèle que les biens constituant la communauté entre la défunte et son époux se composaient de la maison de la rue de la Tricherie et de 11 ares de terres et de bois. Les 25 autres ares de terres possédés par le ménage faisaient partie des biens propres de Marie Catherine.

Mais la déclaration indique également que la défunte avait fait établir par Me Durville le 19 juillet 1846 (le même jour que la vente de la maison de la rue de la Geôle) un acte d’aliénation de propres. Les minutes de Me Durville pour cette période étant lacunaires, il est difficile d’en savoir davantage sur cette aliénation. Cependant, la déclaration de succession n° 42 établie le 14 octobre 185423 par suite du décès de Jean Baptiste Malèvre six mois plus tôt montre que l’ensemble des biens présents dans la succession de son épouse se retrouve à nouveau dans celle de Jean Baptiste.

Ainsi, Jacques Malèvre hérite à ce moment de la totalité des biens de ses parents, la maison de la rue de la Tricherie et 36 ares de terres et de bois à Épône et alentour, le tout évalué à 2 027 F. Du mobilier et des effets lui reviennent également (lit, armoire, table, deux chaises, des habits complets, six chemises, quatre draps, deux taies d’oreiller), le tout évalué à 53 F.

22. AD78 – 9Q 1193 23. AD78 – 9Q 1198

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Suite à de nombreuses ventes réalisées entre 1854 et 1862, y compris celle de la maison, le patrimoine de Jacques Malèvre s’amenuise. Sur la déclaration de succession le concernant, n° 144 du 20 août 186624, ne restent que 16 ares de terres évalués 299 F et un peu de mobilier pour 76 F, que se partagent ses cinq enfants héritiers.

L’épouse de Jacques, Alexandrine Garochaud, avait hérité avant même son mariage d’une partie des biens de ses parents. En effet, sa mère Marguerite Surgis, décédée en 1836, fut l’objet de la déclaration de succession n° 97 du 4 avril 183725, qui se composait d’une maison et d’un jardin, évalués 400 F, et de mobilier pour 414 F. Ces biens furent partagés entre les trois héritières, Louise, Alexandrine et Julie, le jardin restant à leur père Jean Baptiste Garochaud.

Lequel Jean Baptiste, finissant sa vie chez sa fille Julie, fit du mari de celle-ci, Alexandre Brochet, son légataire pour les biens qui lui restaient, comme le précise la déclaration de succession du 10 avril 185526, c’est-à-dire un jardin à Épône évalué 60 F et divers mobilier pour 200 F.

Les ascendants : la branche Surgis

Joseph François Surgis – Marie Catherine Beaucher

Le grand-père maternel d’Alexandrine Garochaud, Joseph François Surgis, né à Épône le 20 juin 1755, est issu du mariage de Gabriel Surgis et Agnès Réaubourg, qui s’épousèrent à Épône le 29 octobre 1732.

Joseph est le troisième enfant d’une fratrie aussi composée de :

. Jeanne, née vers 1739, - mariée à Épône le 28 janvier 1765 avec Martin Gojard, - décédée à Épône le 24 avril 1773 âgée d’environ trente-quatre ans,

24. AD78 – 9Q 1217 25. AD78 – 9Q 1179 26. AD78 – 9Q 1198

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. Gabriel, né à Épône le 6 septembre 1739, - marié à (Yvelines) le 4 novembre 1771 avec Marie Catherine David, - remarié à Rolleboise le 8 janvier 1787 avec Marie Marguerite Chevalier, - décédé à Rolleboise le 17 novembre 1819, . Marie Catherine Louise, née à Épône vers 1758, - mariée à Rolleboise le 7 février 1785 avec François Fouet, - décédée à Rolleboise le 5 juin 1840 âgée de quatre-vingt-deux ans.

Il est constaté un écart important de seize ans entre la deuxième et la troisième naissance. De même, la première naissance ne se produit qu’après sept ans de mariage environ. L’examen des registres paroissiaux d’Épône et des communes alentour sur ces périodes n’a pas permis de découvrir d’autres enfants du couple. Il n’en est pas non plus fait mention dans les BMS concernant le couple et la fratrie.

La grand-mère maternelle d’Alexandrine Garochaud, Marie Catherine Beaucher, née à Guerville (Yvelines) le 12 septembre 1755, est issue du mariage de Louis Beaucher et Marie Guyard, célébré à Arnouville-lès-Mantes (Yvelines) le 24 janvier 1752.

Marie Catherine est la deuxième fille d’une fratrie aussi composée de :

. Marie Françoise, née à Guerville le 17 janvier 1753, - mariée à Senneville, paroisse de Guerville, le 20 janvier 1781 avec Pierre Brout, - décédée à Mézières le 31 octobre 1807, . Julienne, née à Senneville le 19 avril 1758, - mariée à Guerville le 31 janvier 1785 avec Louis Laguerre.

Joseph François Surgis épouse Marie Catherine Beaucher à Épône le 15 novembre 1779. Six enfants naissent de cette union entre 1780 et 1796.

Au cours des évènements de la vie que sont mariages, naissances et décès, Joseph François se déclare charretier à la ferme du château d’Épône de 1780 à 1788, puis vigneron de 1791 à 1794, cultivateur en 1796, enfin journalier en 1818.

Il a soixante-treize ans au moment de son décès le 28 avril 1829 à Épône. La déclaration de succession n° 303 du 28 septembre 182927 donne une image de son patrimoine, dont l’essentiel est partagé entre ses six enfants : une maison accompagnée d’une cour, d’un jardin et de dépendances, et 12 ares de terres, le tout évalué à 814 F, ainsi qu’un peu de mobilier pour 96 F.

27. AD78 – 9Q 1173

43

Veuve, Marie Catherine demeure à Épône en compagnie de Marie Anne28, son seul enfant resté célibataire, jusqu’à son décès le 13 décembre 1844, à quatre-vingt-neuf ans. Elle ne possédait guère plus que son mobilier évalué à 96 F, comme le précise la déclaration de succession n° 140 du 24 mai 184529.

Gabriel Surgis – Agnès Réaubourg

Le père de Joseph François, Gabriel Surgis, né à Mézières le 14 octobre 1704, est issu du mariage de Gabriel Surgis et Marie Charpentier, célébré à Auteuil (Yvelines) le 21 juin 1694.

Gabriel est le septième né d’une fratrie de quatorze enfants, tous nés à Mézières, comprenant aussi :

. Marie Françoise, née le 6 avril 1695, - mariée à Versailles, paroisse Notre-Dame, le 3 février 1729 avec Jean François Desjardins, . Jeanne, née le 2 mai 1697, . Gabrielle, née le 1er octobre 1698, . François, né le 16 juin 1700, - marié à Mézières le 23 septembre 1723 avec Louise Mottet, . Restitude, née le 6 janvier 1702, décédée à Mézières le 27 août 1719, . Élisabeth, née le 29 juillet 1703, décédée le 21 septembre 1703, . Madeleine Françoise, née le 2 janvier 1706, décédée le 10 mars 1718, . Marie Élisabeth, née le 29 janvier 1708, - mariée à Mézières le 11 janvier 1734 avec Guillaume Deslandres, - décédée à Mézières le 23 novembre 1798, . Catherine, née le 25 novembre 1709, - mariée à Sailly (Yvelines) le 19 juillet 1757 avec Jacques Bourgeois, . Louise, née le 20 octobre 1711, décédée le 16 septembre 1719, . Suzanne, née le 26 novembre 1713, - mariée à Paris, paroisse Saint-Gervais, le 19 avril 1751 avec Claude Adrien Guillin Blanchard, - décédée à Saint-Germain-en-Laye le 17 brumaire an IX (8 novembre 1800),

28. ADN78 – RCS Épône 1841 29. AD78 – 9Q 1187

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. Jean Baptiste, né le 18 mars 1716, - marié à Mézières le 25 janvier 1752 avec Marie Clotilde Lecocq, - décédé à Mézières le 24 mai 1790, . Pierre, né le 15 mars 1719, décédé le 16 avril 1719.

Cinq de ces enfants sont morts jeunes, dont deux (Louise et Restitude, âgées de huit et dix-sept ans) au moment de l’épidémie de dysenterie qui frappe le royaume à la fin de l’été 1719, faisant environ 450 000 victimes30. En outre, on ne trouve plus trace de Jeanne et Gabrielle (nées en 1697 et 1698) dans les registres paroissiaux de Mézières et des communes alentour après leur baptême.

La mère de Joseph François, Agnès Réaubourg, est issue du mariage de Jean Réaubourg et Agnès Manet, célébré à Mézières le 4 juillet 1707.

Trois autres enfants sont nés de ce couple :

. Nicolas, né à Épône le 16 février 1708, décédé le 20 février 1708, . François, né à Épône le 10 novembre 1709, . Marie Anne, née vers 1725, - mariée à Épône le 22 septembre 1744 avec Jean Baptiste Marais, à l’âge de dix-neuf ans, - décédée à Épône le 15 nivôse an III (4 janvier 1795).

Au cours de sa vie, Gabriel travaille principalement comme laboureur, même s’il se désigne surtout vigneron sur les actes de baptême et de mariage de ses enfants entre 1755 et 1765. À l’âge de quatre-vingt-un ans, il se déclare encore charron au mariage de sa fille Marie Catherine en 1785.

Des recherches effectuées dans les registres de contrôle des actes du bureau de Mantes montrent que quelques frères et sœurs de Gabriel ont suscité une certaine activité auprès des notaires des environs, et même de Paris.

Le 18 février 1747, Gabriel Surgis (père) et son épouse Marie Charpentier, demeurant au hameau de la Villeneuve, paroisse de Mézières, font établir par Me Lhuistre, notaire à Mantes, un acte de donation31 en faveur de leurs deux enfants restés vivre au domicile familial et non mariés, Catherine (trente-huit ans) et Jean Baptiste (trente-et-un ans).

30. Thierry Sabot (Contexte, éd. Thisa, 2017) 1715-1719 31. AD78 – 3E22 800

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Pour les remercier de leur assistance et de leurs services depuis de longues années, Gabriel et Marie souhaitent « (…) leur payer leurs gages et services au lieu de prendre des domestiques étrangers qu’il auroit fallut nourrir et payer, ce qu’ils ont fait depuis que chacun d’eux avoit acquis seize ans. »

La donation se compose d’une somme de 275 livres pour chacun des enfants, et des biens immobiliers suivants :

- la maison familiale de la Villeneuve, avec dépendances, écuries, étable, grange, cour et jardin, - 18 perches de vergers avec mare à la Villeneuve (soit environ 7,5 ares), - 190 perches de terres à Mézières et Épône (soit environ 80 ares), - 18 perches de vignobles à Mézières (soit environ 7,5 ares), le tout estimé à 400 livres, à partager entre Catherine et Jean Baptiste. Les parents demeurent usufruitiers de la maison et du jardin jusqu’à leur décès (la transcription complète de l’acte est consultable en annexe).

Nanti d’un petit capital, Jean Baptiste œuvre rapidement à l’agrandissement de son patrimoine personnel. Il commence par faire du placement immobilier en achetant, dès le 30 septembre 1748 à Anne Rousset veuve Leleu, demeurant à Paris, une maison avec bail, habitée par un locataire, accompagnée d’un jardin-verger et de 10 perches de terres (soit environ 4 ares), l’ensemble étant situé à la Villeneuve, le hameau de ses parents.

L’acte de vente est rédigé par Me Jean Louis Jourdain, notaire à Paris, le montant de la transaction s’élevant à 200 livres32.

Les parents de Catherine et Jean Baptiste sont déclarés décédés en 1757, au moment du mariage de Catherine. Lors du mariage de Jean Baptiste en 1752, seul le père était encore en vie. C’est donc après la disparition de ses parents, comme le stipule l’acte de donation de 1747, que Jean Baptiste peut s’approprier la totalité de la maison familiale de la Villeneuve en achetant la moitié de celle-ci à sa sœur Catherine.

L’opération se réalise par un acte de vente à rente chez Me Hua, notaire à Mantes, le 13 juillet 175733, quelques jours avant le mariage de Catherine. Jean Baptiste achète donc la moitié de la maison revenant à sa sœur, en échange d’une rente foncière de 20 livres par an.

32. AN Paris – CARAN – MC/ET/LXXV/606 33. AD78 – 3E22 817

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Quelques années plus tard, Jean Baptiste fait une série d’acquisitions sur le territoire de Mézières. D’abord le 29 juin 1766, il achète à Jean Baptiste Guitel, demeurant au Pecq, près de Saint-Germain-en-Laye, 28 perches de terres (soit environ 12 ares). La vente se concrétise lors d’un acte passé devant Me Fournier, notaire au Pecq, pour la somme de 84 livres34.

Puis un acte de vente du 21 janvier 1768 signé devant Me Desvignes, notaire à Épône35 fait Jean Baptiste possesseur de 20 nouvelles perches de terres (soit environ 8,5 ares), acquises de Jean Deslandes pour 60 livres.

Enfin, le 22 avril 1768, Jean Baptiste sollicite à nouveau Me Desvignes d’Épône pour l’acquisition de 8 perches de prés (soit environ 3,5 ares), achetées 90 livres à Alexis Hubert36.

Pourvue elle aussi d’un capital intéressant, Catherine trouve à se marier à l’âge de quarante- sept ans, avec Jacques Bourgeois, de Sailly (Yvelines). Quelques jours avant la cérémonie, le 13 juillet 1757, Catherine profite de la signature de l’acte de vente à rente évoqué plus haut chez Me Hua, notaire à Mantes, pour faire établir un autre acte, de donation cette fois, de la part de sa sœur aînée Marie Françoise Surgis.

Marie Françoise, soixante-deux ans en 1757, avait épousé en 1729 Jean François Desjardins, alors valet de chambre de Son Altesse Sérénissime Louis Alexandre de Bourbon, Monseigneur le Comte de Toulouse. Devenu par la suite conseiller du Roi au parlement de Bordeaux, Jean François était déjà décédé en 1757.

Cet acte de donation37 comporte une liste des biens cédés par Marie Françoise à Catherine, ainsi rédigée :

« État des meubles que Marie Françoise Surgis, v(euv)e de Jean François Desjardins, vivant con(seill)er du Roy au parlement de Bordeaux, donne à Catherine Surgis, sa sœur :

Premièrement vingt-deux draps de toille de chanvre prisée………………160 lt Item trois douzaines de chemises………100 lt Item quatre napes et deux douzaine et demye de serviette estimé……………..50 lt

34. AD78 – 3E36 147 35. AD78 – 3E10 87 36. AD78 – 3E10 87 37. AD78 – 3E22 817

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Item deux aulnes et demy de toille de cotton estimée……………………………6 lt Item un tour de lit blanc estimé…………..8 lt Item un lit de plume………………………24 lt Item deux couvertures de laine blanche……………………………………..36 lt Item une armoire de bois outremer…....33 lt Item un corps et corset de draps……….18 lt Item trois casaquintes de toille de cotton…………………………………...27 lt

Total……………………………………...462 lt »

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En 1751, une autre sœur de Catherine et Jean Baptiste, Suzanne Surgis, se marie avec Claude Blanchard, maître d’hôtel à Paris. À cette occasion, les deux futurs époux font rédiger un contrat de mariage par Me Sauvaige, notaire à Paris, le 1er avril 175138.

Le contrat commence par un état des lieux des possessions des futurs mariés. Pour Suzanne, ils consistent « P(remièremen)t en deux cent livres de rente au principal au d(eni)er vingt de quatre mille livres constituée à son proffit sur le clergé général de France par contrat passé devant Me Bronod et son confrère no(tai)re (roy)al à Paris le premier avril mil sept cent quarante sept n° 983, et d(euxièmemen)t en meubles meublant deniers comptants (…) de la valeur de quatre mille livres, le tout provenant des gains et épargnes de lad(ite) D(emoise)lle future épouse(…) »

Suzanne a donc participé à la constitution du don gratuit de 1747, vaste opération de souscription publique du clergé pour l’État, et dont ce dernier garantissait une rente au « denier vingt », c’est-à-dire au vingtième de la valeur du montant prêté, donc 5 %.

Le contrat de constitution de rente évoqué, passé devant Me Bronod, notaire à Paris, le 1er avril 174739, est hélas incommunicable jusqu’à l’été 2019, en raison de la rénovation des magasins de conservation du site de Paris des archives nationales.

Les biens de Claude Blanchard « consistent en pareille somme de huit mille livres composée tant de meubles meublants que marchandises de son commerce (…) »

Le détail de la communauté est ensuite établi : « Desdits biens des S(ieur) et D(emoise)lle futurs époux il entrera en la communauté trois mille livres de la part de ladite D(emoise)lle future épouze et pareille somme de trois mille livres de la part dudit futur époux, et le surplus des livres et biens ensemble ceux qui leur écheront par la suitte tant en meubles qu’immeubles, par succession, donnation, legs ou autrement, seront et demeureront propres et aux leurs de chaque côté et ligne. »

Suzanne et Claude placent 6000 livres dans la communauté, et choisissent donc le régime de la séparation pour les acquêts.

La future succession est également évoquée : « Ledit Sieur futur époux a doué et doté lad(ite) D(emoise)lle future épouze d’une somme de trois mille livres de douaire précisément (…) dont elle jouira du jour qu’il aura lieu sans être tenue d’en faire demande en justice, à l’avoir à prendre sur tous les biens présents et à venir dudit futur époux, et demeurera le douaire

38. AN Paris – CARAN – MC/ET/VIII/1093 39. AN Paris – CARAN – MC/ET/LXXXVIII/603

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propre aux enfans qui naitront dud(it) mariage. Le survivant desd(its) futurs époux prendra par préciput avant partage des biens de lad(ite) communauté en meubles ou immeubles tels d’yceux qu’ils voudront choisir suivant la prisée de l’inventaire qui en sera faite et souscrite jusqu’à concurence de la somme de quinze cent livres ou lad(ite) somme en deniers comptants au choix du survivant. »

Un douaire a donc été constitué, et le conjoint survivant, mari ou épouse, ne sera pas oublié... (La transcription de ce document est intégralement consultable en annexe).

Gabriel Surgis – Marie Charpentier

Le père de Gabriel (fils), Gabriel Surgis, né à Mézières le 7 février 1664, est issu du mariage de François Surgis et Gabrielle Baril, célébré à Mézières le 26 novembre 1655.

Outre Gabriel (fils), sept autres enfants sont nés de ce couple, tous à Mézières :

. Marie, née le 24 septembre 1656, . Aubin, né le 24 janvier 1659, décédé à (Yvelines) le 29 août 1693, . Thomas, né le 5 octobre 1666, - marié à Aulnay-sur-Mauldre (Yvelines) le 30 janvier 1701 avec Jeanne Lamy, . Ponthus Nicolas, né le 17 janvier 1670, inhumé le 21 janvier 1670, . Jean, né le 17 janvier 1670, inhumé le 21 janvier 1670, . François, né le 27 septembre 1671, inhumé le 19 août 1676, . Françoise, baptisée le 14 juillet 1675, - mariée à Mézières le 31 janvier 1701 avec Jacques Bocher.

La mère de Gabriel (fils), Marie Charpentier, née à Boinville-en-Mantois (Yvelines) le 4 mai 1673, est issue du mariage de Pierre Charpentier et Élisabeth Pigier, célébré à Maule (Yvelines) le 17 janvier 1667.

Outre Marie, deux autres enfants sont nés de ce couple à Boinville-en-Mantois :

. Philippe, né le 23 octobre 1668, . Françoise, baptisée le 28 mai 1675, inhumée à Maule le 13 septembre 1679.

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Gabriel Surgis (père) est vigneron en 1702 à la naissance de sa fille Restitude, du nom de l’église de Mézières. Les très grands froids observés lors des hivers du début du XVIIIème siècle mettent à mal une grande partie des vignobles des coteaux de la Seine. Il apparaît que Gabriel change d’activité et se déclare marchand en 1729, puis laboureur en 1732 et même en 1752 à l’âge de quatre-vingt-huit ans.

François Surgis – Gabrielle Baril

Le père de Gabriel (père), François Surgis, baptisé à Mézières le 29 septembre 1630, est issu du mariage de Ponthus Surgis et Françoise Louredit.

François est le deuxième d’une fratrie de six enfants, aussi composée de :

. Sébastienne, née vers 1628, - mariée à Mézières le 14 juillet 1653 avec Hubert Gallien, - inhumée à Nézel (Yvelines) le 6 janvier 1685, . Adrien, baptisé à Mézières le 10 mai 1633, . Denis, né vers 1634, - marié à Mézières le 17 juillet 1662 avec Élisabeth Lecomte, - inhumé à Mézières le 23 février 1709, . Jacques, baptisé le 2 mars 1638, - marié en janvier 1664 avec Françoise Thévenon, inhumée le 8 février 1672, - remarié le 13 novembre 1672 avec Geneviève Renault, - inhumé le 28 avril 1692, (le tout à Mézières) . Aubin, baptisé à Mézières le 29 octobre 1640, - marié à Mézières le 7 février 1666 avec Françoise Hauducoeur.

La mère de Gabriel (père), Gabrielle Baril, née vers 1638, est issue du mariage de Clément Baril et Marie Cheval.

Gabrielle est la soeur cadette de deux garçons :

. Charles, né vers 1633, - marié à Mézières le 21 novembre 1651 avec Marguerite Bréard, - remarié à Mézières le 1er mars 1677 avec Jacqueline Michel, . François, baptisé le 29 novembre 1635, - marié le 5 février 1663 avec Michelle Becquet, - décédé le 10 juin 1680, (le tout à Mézières).

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La famille de François Surgis et son épouse Gabrielle Baril fut durement frappée par le terrible hiver de 1709. La température descendit jusqu’à -23°C le 13 janvier40. À Aubergenville, paroisse toute proche d’Épône et de Mézières, le curé rapporte dans ses registres41 : « L’hiver de 1709 fut le plus froid dont on ait connaissance. La gellée ne prit que le 5 janvier, mais si violemment que ce jour-là même, la glace s’arrêta sur la Seine. Les bleds gelèrent totalement. »

En moins d’un mois, la mort emporte François Surgis (le 27 janvier), son épouse Gabrielle (le 7 février), et l’un de ses frères, Denis (le 23 février).

Ponthus Surgis – Françoise Louredit

Le père de François, Ponthus Surgis, est issu de l’union de Denis Surgis et Sébastienne Frichot. Ponthus eut une soeur et quatre frères, tous de Goussonville (Yvelines) :

. Guenette, baptisée le 8 août 1593, . Estienne, baptisé le 14 novembre 1595, . Louis, baptisé le 24 février 1598, . Adrian, baptisé le 12 juillet 1600, . Antoine, baptisé le 5 mars 1606.

Le seul document trouvé concernant directement Ponthus est un acte de confirmation de baptême, datant du 11 février 1597, pour une cérémonie s’étant déroulée la veille à Mantes42 :

40. Wikipédia, « Le grand hiver de 1709 » - https://fr.wikipedia.org/wiki/Grand_hiver_de_1709 41. ADN78 – BMS Aubergenville 1674-1720 42. ADN78 – BMS Goussonville 1588-1700

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« En l’an mil VC IIIIXX et dix sept, le mardy dixiesme jour de febvrier environ sur les trois heures après midy, Ponthus, fils de Denis Surgis et de Sébastienne Frichot, receut le sacrement de confirmation en la ville de Mentes, le légat y faisant ses ordres mineurs ce mesme an et jour que dessus, ce que je certifie estre devant tesmo(i)ng moy (...) et mis l’onziesme jour dud(i)t mois. Signé J Lisière »

Si aucun document renseignant sur l’ascendance et la fratrie de la mère de François, Françoise Louredit, n’a pu être découvert, c’est l’acte de baptême de la soeur de Ponthus, prénommée Guenette, qui constitue le document le plus ancien de cette généalogie, daté du 8 août 1593 à Goussonville43 :

« Du dimanche VIII(ème) jour d’aust aud(i)t an fut baptizée Guenette, fille de Denis Surgis et de Sébastienne Frichot ses pères et mères, furent ses parains et marainnes Symon Thibault et Catherinne Milon et Marguerite Frichot fille de déffunct Claude, de Boinville, laquelle donna le nom. »

Des parents de Ponthus, Denis Surgis et Sébastienne Frichot, rien n’a pu être découvert, sinon leur descendance, et qu’ils ont sans doute résidé à Goussonville au moins entre 1593 et 1606.

43. ADN78 – BMS Goussonville 1588-1700

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Aulnay-sur-Mauldre (fin XIXème – début XXème siècle)

Pauline Alexandrine Malèvre, la fille aînée de Jacques Malèvre et Alexandrine Garochaud, quitte Épône pour s’installer à Aulnay-sur-Mauldre avec son époux François Honoré Frichot, suite à leur mariage en 1861.

Ce village fut pendant quelques décennies le centre de vie de la famille Frichot, dont de nombreux membres furent employés par la principale industrie locale, la papeterie Larnaude.

Présentation du village

Ce bref exposé sur le village d’Aulnay-sur-Mauldre tire essentiellement ses références des deux monographies communales consultables en ligne sur le site des archives départementales des Yvelines, la première de l’instituteur Lucien Larcher en 1899, la seconde de Paul Aubert, écrite après 1940.

Aulnay-sur-Mauldre est situé à trois kilomètres au sud d’Épône1, au fond d’un vallon, dominée de part et d’autre par des coteaux boisés. Le village est baigné par la Mauldre, qui constitue son principal atout de développement économique au milieu du XIXème siècle. L’humidité permanente qu’elle confère au vallon permet l’essor de cultures maraîchères, exportées en grande partie vers Versailles par la route. En 1861, la force motrice de son courant fait travailler deux moulins et une modeste usine à papier de santé précaire.

La Mauldre n’apporte pas que des bienfaits au pays. Ses débordements sont fréquents, ses abords marécageux génèrent encore des épidémies chroniques de paludisme. Peu à peu, dans le courant du XIXème siècle, des travaux sont réalisés pour mieux maîtriser le cours de la rivière, et assainir le vallon.

1. cf. plan de la région d’Épône dans le chapitre « Introduction ».

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En 1861, au moment de l’arrivée de Pauline à Aulnay-sur-Mauldre, ce bourg compte 303 habitants. L’agriculture y fait vivre 238 personnes, et les industries seulement 49 personnes. Trente-cinq ans plus tard, la situation s’est inversée : en 1896, sur 334 habitants, les industries font vivre 295 individus, et l’agriculture plus que 129. Le secteur industriel s’est donc développé, particulièrement la filière papier.

Entre 1898 et 1901 est réalisée la ligne de chemin de fer d’Épône à Versailles, puis jusqu’à Paris (gares des Invalides puis gare Montparnasse), avec un arrêt en gare de Nézel-Aulnay, ce qui facilite grandement les exportations des produits agricoles de la commune vers les grandes halles centrales, et des productions industrielles vers Paris.

La population d’Aulnay-sur-Mauldre ne va commencer à augmenter de façon notable qu’après la première guerre mondiale, avant deux importants sursauts, d’abord au début des années soixante puis surtout dans les années quatre-vingts, évolutions liées à l’implantation des grandes industries automobiles dans la vallée de la Seine. Ainsi, le village voit sa population presque doubler en quinze ans, de 1975 à 1990. Depuis le début du XXIème siècle, le nombre des aulnaysiens s’est stabilisé autour de 1 150 personnes2.

Histogramme de l’évolution démographique d’Aulnay-sur-Mauldre – Wikipédia

2. Évolution de la population d’Aulnay-sur-Mauldre – Wikipédia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Aulnay- sur-Mauldre).

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La Papeterie

En 1856, un certain Louis Napoléon Lizerai fait détruire le moulin acquis quelques années auparavant, sis parcelle B 1091 du cadastre napoléonien d’Aulnay-sur-Mauldre3, au bord de la Mauldre et à l’intérieur même du village. Il remplace ce moulin par une papeterie, en débute l’exploitation, mais fait malheureusement faillite deux ans plus tard4.

En 1861, l’usine est achetée par Charles Henri Viollet et Charles Henri Grouzelle5, qui tentent d’en relancer la production, sans davantage de succès6.

Enfin, en 1867, le site est acquis par Jean Baptiste Larnaude7, qui décide de réaménager l’endroit. La papeterie connaît deux ans de travaux, subissant tout d’abord une démolition partielle,, précédant la construction de nouveaux bâtiments, achevés en 18698.

La papeterie Larnaude entre alors dans une longue période prospère de développement régulier. Si Jean Baptiste Larnaude ne débute son activité industrielle qu’avec quelques ouvriers, ceux-ci seront une soixantaine dans les années 1880. Entretemps, le propriétaire avait cédé son entreprise à son fils Émile en 18859.

Situation de la parcelle B1091 dans le village.

3. ADN78 – CAD Matrice des propriétés foncières 1825-1914 4. ADN78 – Monographie d’Aulnay-sur-Mauldre par Lucien Larcher 5. ADN78 – CAD Matrice des propriétés foncières 1825-1914 6. ADN78 – Monographie d’Aulnay-sur-Mauldre par Lucien Larcher 7. ADN78 – CAD Matrice des propriétés foncières 1825-1914 8. ADN78 – CAD Matrice des propriétés foncières 1828-1912, augmentations-diminutions 9. ADN78 – Monographie d’Aulnay-sur-Mauldre par Paul Aubert

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Émile Larnaude remplace également son père au poste de maire d’Aulnay-sur-Mauldre après les élections de mai 1886. C’est pour lui le début d’une belle carrière politique locale : demeurant maire jusqu’à sa mort en 1935, il est élu en 1911 au conseil général de Seine-et-Oise, dont il devient le vice-président en 193310.

Ses réussites politiques et professionnelles lui permettent de devenir chevalier de la Légion d’Honneur en 1921. Sa décoration lui est remise par son gendre Pierre Charles Hoschet, déjà promu en 1915. Émile Larnaude est ensuite élevé au grade d’officier en 193411.

Sous sa direction, la papeterie est transformée, modernisée par un apport d’outillage plus perfectionné. L’usine emploie une centaine d’ouvriers en 1899, sa production passe de 80 t de papier par mois dans les années 1880 à 260 t par mois à la fin du XIXème siècle12.

Le premier conflit mondial achevé, Émile Larnaude décide de transmettre son patrimoine industriel à ses deux fils, Pierre et Jacques. Les archives du tribunal de commerce de Versailles indiquent qu’une SARL13 a été constituée par procès-verbal du 18 novembre 192514.

Le document précise les rôles au sein de l’entreprise : Jean Louis Rousse, trente-sept ans, second gendre d’Émile Larnaude, est nommé directeur de la papeterie ; les propriétaires en sont désormais Pierre Larnaude, trente-neuf ans, libraire rue de l’Université à Paris, et Jacques Larnaude, trente-six ans, industriel, qui apporte ses compétences techniques, de même que Pierre Charles Hoschet, premier gendre d’Émile Larnaude, trente-cinq ans, ingénieur de l’école centrale.

L’ancien propriétaire, soixante-neuf ans, demeure néanmoins présent au comité directeur en prenant la fonction de gérant.

10. ADN78 – Monographie d’Aulnay-sur-Mauldre par Paul Aubert 11. Base Léonore – Dossier d’Émile Larnaude 12. ADN78 – Monographie d’Aulnay-sur-Mauldre par Lucien Larcher 13. Société anonyme à responsabilité limitée 14. AD78 – 6U 535 / 17

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Pierre Charles Hoschet, qui avait remis la décoration de chevalier de la Légion d’Honneur à son beau-père quelques années plus tôt, s’était vu distingué au même titre en 1915 pour faits de guerre, alors qu’il était sous-lieutenant au 27ème régiment d’artillerie. Engagé volontaire alors qu’il était sursitaire car élève d’une grande école, il est blessé en août 1914 lors de la bataille de Dinant (Belgique), puis réformé15.

Après quelque temps passé à la papeterie Larnaude, Pierre Charles Hoschet part pour l’Argentine, où il passera le reste de sa vie. Administrateur de la célèbre brasserie Quilmes, la plus importante du continent sud-américain, et acteur important de la coopération financière et commerciale entre la France et l’Argentine, il est promu au grade d’officier de la Légion d’Honneur en 193716.

Pierre et Jacques Larnaude, restés seuls dirigeants de la société après le décès d’Émile Larnaude en 1935 puis de Jean Louis Rousse en 194017, cèdent la papeterie en 1947 à Jean Marie Château, d’après le registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Versailles18. L’entreprise prend le nom de « Papeterie d’Aulnay-sur-Mauldre » en 1951 et poursuit ses activités jusqu’à sa fermeture définitive en 197519.

La papeterie Larnaude au début du XXème siècle.

15. ADN75 – RM 1910, 6ème bureau, mat. 2308 16. Base Léonore – Dossier de Pierre Charles Hoschet 17. ADN78 – Monographie d’Aulnay-sur-Mauldre par Paul Aubert 18. AD78 – 6U 581 19. ACIME 78 – Aulnay-sur-Mauldre (http://acime.free.fr/decouverte.html#decouverte-aulnay)

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Une famille de Seine & Mauldre (suite)

Les enfants de Jacques et Alexandrine

Jacques Philippe Marie Malèvre a épousé Alexandrine Apolline Garochaud le 14 janvier 1841 à Épône (Seine-et-Oise).

De ce couple sont nés cinq enfants, tous à Épône :

. Pauline Alexandrine, née le 10 juillet 1842, - mariée à Épône le 30 novembre 1861 avec François Honoré Frichot, - décédée à Aulnay-sur-Mauldre le 18 novembre 1904, . Eugène, né le 19 septembre 1845, - marié à Maule le 20 juillet 1871 avec Désirée Caroline Gouache, - décédé à Épône le 5 octobre 1903, . Charles Alexandre, né le 13 novembre 1849, - décédé à Épône le 15 mai 1915, . Clémentine, née le 13 février 1853, - mariée à Épône le 11 avril 1874 avec Louis Eugène Maignant (décédé le 29 janvier 1880), - remariée à Épône le 5 juillet 1884 avec Alexandre Jean Marie Tricot, . Estelle, née le 5 janvier 1857. - mariée à Épône le 16 décembre 1876 avec Auguste Genestre, - décédée à Épône le 12 février 1894.

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Les descendants : la branche Frichot

François Honoré Frichot – Pauline Alexandrine Malèvre

Fille aînée de la famille, Pauline Alexandrine Malèvre fut la première à quitter le giron familial en épousant François Honoré Frichot à Épône le 30 novembre 1861.

Cinq enfants naissent de ce couple, tous à Aulnay-sur-Mauldre, sauf l’aîné :

. Victor Honoré, né à Paris 7ème le 25 août 1862, - marié à Aulnay-sur-Mauldre le 28 avril 1888 avec Marie Marguerite Mathurine Faudet, - décédé à Aulnay-sur-Mauldre le 1er février 1934, . Pauline Alexandrine Élisabeth, née le 17 août 1863, - mariée à Aulnay-sur-Mauldre le 14 juillet 1886 avec Charles Joseph Perrin, - décédée à Aulnay-sur-Mauldre le 10 mars 1941, . Louis Honoré, né le 30 décembre 1865, - marié à Aulnay-sur-Mauldre le 27 juillet 1895 avec Augustine Stéphan, - décédé à Aulnay-sur-Mauldre le 10 décembre 1945, . Olive Victorine, née le 23 septembre 1878, - mariée à Aulnay-sur-Mauldre le 8 août 1908 avec Prosper Léon Ory, - décédée à Aulnay-sur-Mauldre le 25 décembre 1962, . Julia, née le 2 octobre 1880, - mariée à Aulnay-sur-Mauldre le 31 juillet 1902 avec Édouard Joseph Cretté, - décédée à Aulnay-sur-Mauldre le 16 avril 1957.

Le mari de Pauline, François Honoré Frichot, né à Aulnay-sur-Mauldre le 10 novembre 1836, est le dernier des huit enfants d’Étienne François Frichot et Marie Honorine Béguin, mariés dans ce même village le 5 juillet 1819. Quatre d’entre eux étant morts en bas âge, François Honoré n’eut finalement que deux frères et une soeur.

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Outre François Honoré, les sept autres enfants du couple sont :

. François, né le 30 décembre 1820, - marié à Nézel le 12 juin 1845 avec Geneviève Gontier, - décédé à Nézel le 13 mai 1900, . Marie Augustine, née le 7 avril 1822, - décédée le 6 mai 1822, . Louise Honorine, née le 12 octobre 1823, - mariée le 22 avril 1845 avec Pierre Louis Maignant, - décédée à Versailles le 6 mars 1897, . Marie Marguerite, née le 29 août 1825, - décédée le 26 septembre 1825, . Marie Marguerite, née le 28 mars 1827, - décédée le 3 avril 1827, . Marie Victorine Honorine, née le 14 juin 1832, - décédée le 30 août 1835, . François Eugène, né le 9 juillet 1834, - marié le 30 avril 1859 avec Louise Virginie Cheval, - décédé à Paris 8ème le 22 octobre 1865.

Sauf exceptions signalées, tous les actes d’état civil de la fratrie furent établis à Aulnay-sur-Mauldre.

Après un bref passage à Paris – François Honoré et Pauline habitent au 205, rue Saint-Dominique dans le 7ème arrondissement au moment de la naissance de leur premier enfant Victor – le couple rejoint Aulnay-sur-Mauldre, « domaine » de la famille Frichot. Quatre autres enfants y naissent entre 1865 et 1880.

François Honoré est d’abord tonnelier, puis devient journalier après son installation au village, activité qu’il pratique souvent en alternance avec celle de chauffeur dans les industries locales. En 1878, il est ouvrier papetier chez Larnaude, où il travaillera au moins jusqu’en 1902, à l’âge de soixante-six ans, au poste de mécanicien.

À l’instar de son mari, Pauline travaille comme journalière à son arrivée à Aulnay. Elle se déclare blanchisseuse en 1886, puis rejoint l’entreprise Larnaude, où elle est employée comme ouvrière en 1895.

Dans les années suivantes, la papeterie va engager quatre des cinq enfants du couple – seul Louis sera maçon – ainsi que deux gendres et une belle-fille.

Pauline et François Honoré demeurent à Aulnay-sur-Mauldre jusqu’à leurs décès, respectivement les 18 novembre 1904 et 4 décembre 1914.

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Le patrimoine de Pauline et François Honoré se constituait essentiellement de deux jardins à Aulnay-sur-Mauldre pour un total d’environ 11 ares de terres et d’une maison sise dans ce même bourg, parcelle B995 du cadastre napoléonien.

Pauline n’avait reçu qu’un maigre héritage de ses parents, le cinquième d’un peu de mobilier et d’un modeste capital, l’ensemble étant évalué à 375 F1. La maison d’Aulnay-sur-Mauldre était à l’origine celle des parents de François Honoré, Étienne François Frichot et Marie Honorine Béguin.

Suite au décès de Marie Honorine, survenu le 8 août 1866, la déclaration de succession établie le 7 février 18672 indique que la propriété de la maison revient aux trois enfants survivants (François, Louise et François Honoré), et aussi que leur père Étienne pourra continuer à jouir de l’ensemble des possessions du couple, Marie Honorine l’ayant désigné usufruitier de tous les biens par un testament signé le 17 février 1837 devant Me Louis Casimir Barbu, notaire à Maule3.

Au décès de Pauline, la déclaration de succession n° 57 du 10 mai 1905 montre qu’une maison fait partie du patrimoine de son ménage avec François Honoré. Ladite maison se retrouve dans la déclaration de succession de ce dernier, n° 63 du 6 mars 1916, faisant partie de la communauté restant non liquidée après la succession de son épouse4. Vérification faite dans les matrices cadastrales d’Aulnay-sur-Mauldre5, il s’agit bien de la maison des parents de François Honoré.

Il apparaît donc vraisemblable que sa soeur Louise et son frère François, respectivement installés à Versailles et au village voisin de Nézel suite à leur mariage, ont cédé leurs droits sur cette maison à son profit, mais aucun acte établissant une transaction n’a cependant pu être découvert.

Les cinq enfants de Pauline et François Honoré héritèrent ainsi dans un premier temps d’un jardin de 5 ares environ d’une valeur de 250 F et de 80 F de mobilier, et onze ans plus tard du reste des biens de la communauté : la maison, évaluée 2 000 F, d’un autre jardin de 5 ares valant 250 F et de 100 F de mobilier.

1. Déclaration de succession de Jacques Philippe Marie Malèvre (AD78 – 9Q 1217) 2. AD78 – 9Q 2493 3. AD78 – 3E25 338 4. AD78 – 9Q3 58 5. AD78 – CAD Aulnay-sur-Mauldre – Matrice des propriétés bâties 1910-1933

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À propos des affaires militaires, François Honoré6, comme son frère François Eugène7, eut l’avantage de piocher un bon numéro au cours de la cérémonie de tirage au sort en sous-préfecture de Mantes8. Dispensés tous deux de service militaire, ils imitèrent ainsi leur père Étienne, qui, en 1816, fut « exempté pour mauvais état général de ses dents »9. En effet, de bonnes dents étaient nécessaires à l’époque pour déchirer l’enveloppe des cartouches renfermant la poudre nécessaire à la propulsion des balles...

Mais les deux fils de Pauline et François Honoré durent s’investir bien davantage dans leurs parcours militaires. La loi Cissey10 de 1872 avait instauré un service militaire obligatoire. Le tirage au sort existait toujours, mais n’avait plus d’influence que sur la durée du service.

L’aîné, Victor Honoré, tire le n° 16 du canton de Meulan en 1882, puis est confirmé propre au service armé11. Il part donc sous les drapeaux pour une durée de cinq ans. Intégré en 1883 au 14ème régiment d’infanterie de ligne, il franchit la Méditerranée en 1885 pour rejoindre en Algérie le 2ème régiment de zouaves, en attente de renforts pour la fin de sa campagne dans le sud-oranais12. Victor y reste deux ans, revient en métropole en 1887 avant sa libération en 1888. Définitivement dégagé de ses obligations militaires en 1908, Victor échappe aux horreurs de la Grande Guerre.

Son frère Louis Honoré a plus de chance. Bien que tirant le n° 20 du canton de Meulan en 1885, il est dispensé de service militaire, car ayant déjà un frère – Victor – sous les drapeaux13. Il effectue néanmoins quelques périodes d’exercice dans la réserve en 1888 et 1889, avant d’être affecté au 18ème régiment d’infanterie territoriale d’Évreux (Eure) en 1899. Définitivement libéré en 1911, il ne participe pas lui non plus à la première guerre mondiale.

6. Tableaux cantonaux de recensement dans l’arrondissement de Versailles, classes 1855-1866 (AD78 – 4R 93) 7. Tableau de recensement du canton de Meulan, 1854 (AD78 – 1R 181) 8. Compte-rendu du déroulement du tirage au sort pour le canton de Mantes, an XIII (AD78 – 1R 43), transcription intégrale disponible en annexe. 9. Liste du tirage au sort du canton de Meulan, 1816 (AD78 – 1R 208) 10. « Service militaire en France » - Wikipédia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Service_militaire_en_France) 11. ADN78 – RM cl. 1882 – mat. 1234 12. « Historique du 2ème régiment de zouaves » par le Lieutenant Joseph Spitz, 1898 (SHD Vincennes – 4M 116) (cf. bibliographie) 13. ADN78 – RM cl. 1885 – mat. 2127

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Victor Honoré Frichot – Marie Marguerite Mathurine Faudet

Victor Honoré Frichot, l’aîné de la famille, tout juste sorti de ses aventures africaines, épouse Marie Marguerite Mathurine Faudet, vingt-deux ans, à Aulnay-sur-Mauldre le 28 avril 1888.

Trois enfants naissent de cette union :

. Marcel Honoré François, né le 4 février 1889, - marié le 24 juillet 1913 avec Marie Thérèse Durget, . Hector Victorien Louis, né le 18 mai 1893, - marié à Maule le 28 octobre 1920 avec Madeleine Albertine Thimont, - décédé à Paris 14ème le 5 juin 1965, . Robert Victor, né le 30 septembre 1908, - marié le 29 septembre 1932 avec Simone Alphonsine Cheval, - décédé à Mantes-la-Jolie le 29 juin 1980.

Sauf exceptions signalées, tous les actes d’état civil de la fratrie furent établis à Aulnay-sur-Mauldre.

L’épouse de Victor Honoré, Marie Marguerite Mathurine Faudet, est née à Plounévez-Moëdec (Côtes-du-Nord) le 11 mai 1866. Ses parents, François Marie Faudet et Marie Mathurine Le Coquier, eurent ensuite un autre enfant :

. François Marie, né à Plounévez-Moëdec le 4 septembre 1868, - marié à Paris 14ème le 21 juillet 1892 avec Maria Louise Maraine (décédée à Yport (Seine Inférieure) le 13 janvier 1893), - remarié à Paris 14ème le 24 juin 1897 avec Marie Louise Barbou.

Marie Marguerite Faudet a entre six et dix ans lorsqu’elle arrive à Aulnay-sur-Mauldre. Ses parents participant au grand exode breton vers les centres industriels et urbains de la fin du XIXème siècle, ils s’installent dans le bourg entre 1872 et 187614. Déjà ouvrier papetier en Bretagne à la naissance de ses enfants, François Marie (père) trouve tout naturellement du travail à la nouvelle papeterie Larnaude d’Aulnay-sur-Mauldre.

14. ADN78 – RCS Aulnay-sur-Mauldre 1872 et 1876

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Son épouse Marie Mathurine l’a rejoint chez Larnaude, déjà en 1888. Elle y travaillera jusqu’à son décès en 1905 à l’âge de soixante-sept ans. François Marie (père) l’avait précédée dès 1895, âgé de cinquante-huit ans. Née Le Coquier, d’après son acte de naissance du 26 décembre 1837 à Uzel (Côtes-du-Nord), Marie Mathurine apparaît tour à tour sous les noms de Coyec, Le Coyec ou Le Coyet au fil des actes d’état civil, recensements ou déclarations de succession...

Marie Marguerite Faudet épouse Victor Honoré Frichot en 1888, qui se déclare journalier lors de son mariage et dans les mois qui suivent. Marie Marguerite est blanchisseuse. Bien vite, Victor Honoré se fait embaucher par la papeterie du village. En 1893, il y est ouvrier, puis contremaître dès 1895, poste qu’il occupera au moins jusqu’en 191115.

Parmi les enfants du couple, seul le petit dernier Robert fera carrière chez Larnaude, au moins pendant vingt ans, de 1926 à 194616.

Devenu contremaître dans la principale industrie locale, Victor Honoré agit également en épargnant avisé. Suite à son décès en 1934, la déclaration de succession qui s’ensuit, n° 51 du 10 janvier 1936, est éloquente17. L’inventaire réalisé le 28 juillet 1934 par Me Delaunay, notaire à Maule, indique que Victor Honoré et Marie Marguerite possédaient :

- Un peu plus d’un hectare de terres et bois sur Aulnay-sur-Mauldre et les communes alentour, pour une valeur estimée de 3 565 F, - une maison à Aulnay-sur-Mauldre, sise parcelle B1027, issue pour moitié de la succession des parents de Marie Marguerite, l’autre moitié ayant été rachetée à son frère François Marie (fils), d’une valeur de 3 875 F, - un capital très conséquent en valeurs boursières (actions, obligations, bons, rentes diverses) d’un montant de 144 292 F.

Les 213 F du livret de caisse d’épargne font pâle figure...

Par un acte du 26 mars 1931 passé chez Me Delaunay de Maule, Victor Honoré avait pris la précaution de désigner son épouse comme donataire de l’usufruit de l’universalité de leurs biens.

15. ADN78 – RCS Aulnay-sur-Mauldre 1891 à 1911 16. ADN78 – RCS Aulnay-sur-Mauldre 1926 à 1946 17. AD78 – 9Q3 93

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Marie Marguerite disparaît à son tour en 1949, à l’âge de quatre-vingt-deux ans. La déclaration de succession n° 27 du 15 septembre 194918 fait l’exposé de la communauté non liquidée précédemment :

- Les possessions en terres et bois se sont agrandies à 1,24 hectare pour une valeur estimée de 39 753 F (le Franc aussi a évolué...) - la maison d’Aulnay-sur-Mauldre, alors évaluée 200 000 F, - les valeurs boursières s’élevant à présent à 106 046 F.

Tout ceci partagé entre les trois enfants du couple, Marcel, Hector et Robert, par un acte du 30 août 1949.

Marcel Honoré François Frichot – Marie Thérèse Durget

L’aîné des trois frères, Marcel Honoré François Frichot, se marie à Aulnay-sur-Mauldre le 24 juillet 1913 avec Marie Thérèse Durget. Marcel a vingt-quatre ans, et Marie Thérèse est une jeune institutrice de vingt ans.

Le couple aura trois enfants, dont le premier, une fille, décèdera en bas âge :

. Catherine Mathurine Aurélie, née à Lyon 2ème (Rhône) le 10 avril 1917, - décédée à Bron (Rhône) le 15 mai 1917, . James Théodbald Victor, né à Boulogne (Seine) le 2 mars 1918, - marié à Chevreuse (Seine-et-Oise) le 15 juillet 1953 avec Jeannine Reine Lucette Éveillard, - décédé le 21 octobre 2001, . Thérèse Marie Marcelle, née à Chevreuse le 29 août 1921, - mariée à Chevreuse le 25 juillet 1950 avec Roger Henri Caron.

Marie Thérèse Durget, née à Merrey-sur-Arce (Aube) le 27 novembre 1892, est la fille aînée de Théobald Eugène Durget et Aurélie Marie Girardin, mariés à Amoncourt (Haute-Saône) le 23 janvier 1892.

Marie Thérèse a une soeur :

. Noémie Louise, née à Merrey-sur-Arce le 25 juin 1894, - mariée à Aulnay-sur-Mauldre le 21 septembre 1922 avec Eugène Ludovic Sergent, - décédée à Chevreuse le 9 juin 1953.

18. AD78 – 9Q3 125

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Théobald, le père de Marie Thérèse, est conducteur de machines en papeterie dans l’Aube au moment de la naissance de ses filles. Le couple vient s’installer à Aulnay-sur-Mauldre entre 1896 et 190119. Théobald est engagé à la papeterie Larnaude et y reste employé au moins jusqu’en 1936, à l’âge de soixante-dix ans20.

Le début de l’histoire familiale du couple de Marcel et Marie Thérèse est influencé par les évènements de la première guerre mondiale. Mariés en juillet 1913, les époux sont séparés un an plus tard par la mobilisation générale.

De 1910 à 1912, Marcel, mécanicien, avait passé deux ans de service militaire21 au 1er régiment du Génie basé à Versailles, dans la caserne des Petites-Écuries. Il est ensuite affecté comme réserviste chez les sapeurs aérostiers de Versailles. Lors de la mobilisation, Marcel reste dans le Génie et rejoint le 1er groupe d’aérostation à Lyon. Rapidement, il passe au 2ème groupe d’aviation et sa 11ème section d’aéronautique au fort de Bron, en banlieue lyonnaise.

Aux premiers jours de 1916, Marcel est détaché comme mécanicien à la maison Farman de Lyon. Son mari désormais employé par une entreprise civile éloignée du front, Marie Thérèse vient le retrouver dans le Rhône. Le couple habite à Lyon, puis à Bron. Catherine, le premier enfant du ménage, arrive au printemps 1917, mais décède à l’âge d’un mois.

Quelques semaines plus tard, Marcel est muté chez la maison mère de la société Farman, dans ses gigantesques usines de Billancourt (Seine), considérées à la fin de la Grande Guerre comme la plus grande entreprise de construction aéronautique d’Europe, et peut-être du monde. À cette époque, le site industriel de Billancourt produit 300 avions par mois22.

À nouveau, Marie Thérèse le suit, cette fois accompagnée de sa soeur Noémie, dactylographe, âgée de vingt-quatre ans. En 1918, ils logent tous les trois au 229, rue du Vieux Pont de Sèvres à Boulogne (Seine), quand naît James, le 2 mars. Enfin Marcel retourne aux usines Farman de Lyon à la fin de l’été 1918, jusqu’à sa démobilisation un an plus tard, et reçoit la médaille commémorative française de la Grande Guerre.

Marcel et Marie Thérèse s’installent à Saint-Forget (Seine-et-Oise) dans les années 192023, puis à Chevreuse24. Marcel se déclare patron-mécanicien à la naissance de Thérèse en 1921.

19. ADN78 – RCS Aulnay-sur-Mauldre 1896-1901 20. ADN78 – RCS Aulnay-sur-Mauldre 1936 21. ADN78 – RM cl. 1909 – mat. 2305 22. Article du forum universitaire de l’ouest parisien (cf. bibliographie) 23. ADN78 – RCS Saint-Forget 1921-1926 24. ADN78 – RCS Chevreuse 1931-1946

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Le parcours militaire de Marcel a peut-être influencé celui de ses deux frères, une intervention de sa part est même possible pour l’un d’entre eux.

Hector, de quatre ans son cadet, était en plein service militaire lors de la mobilisation générale de 1914. Incorporé en 1913 au 24ème régiment d’infanterie25, il reste cantonné au dépôt de l’unité en région parisienne pendant tout le début du conflit, quand en mai 1915, il est appelé comme mécanicien par le 2ème groupe d’aviation, celui de son frère Marcel... Hector conserve cette affectation jusqu’à sa démobilisation en 1919, puis est décoré de la médaille interalliée en 1934.

Mais Hector n’en a pas encore terminé avec ses devoirs militaires. Il est mobilisé à nouveau en 1939, à l’âge de quarante-six ans. Bien que souffrant d’une hernie inguinale double, il est maintenu dans le service armé par la commission de réforme de Versailles. Fin 1939, il est classé dans l’affectation spéciale de mécanicien garagiste en charge de produits chimiques à Mareil-sur-Mauldre, à quelques kilomètres de chez lui, puis finit au printemps 1940 à un poste de mécanicien au service agricole de Seine-et-Oise.

Quant au frère cadet de la famille, Robert, s’il effectue son service militaire de 1929 à 1930 au 60ème régiment d’infanterie dans l’armée d’occupation de la Rhénanie26, il n’en est pas moins rappelé pour trois mois en 1937 à la base aérienne de Chartres (Eure-et-Loir), affecté comme ajusteur aux établissements Bloch, société aéronautique de Bois-Colombes (Seine). Résidant à Courbevoie (Seine), Robert passera en 1939 sous l’administration du bureau mobilisateur de Versailles et sera maintenu à la base aérienne de Villacoublay (Seine-et-Oise).

James Théodbald Victor Frichot – Jeannine Reine Lucette Éveillard

Le fils de Marcel et Marie Thérèse, James Théodbald Victor Frichot, épouse Jeannine Reine Lucette Éveillard à Chevreuse le 15 juillet 1953.

Jeannine, née à Paris 14ème le 23 mai 1930, est la fille de Louis Éveillard, né à Bonnétable (Sarthe) en 1900 et de Yvonne Germaine Léonie Montreuil, née à Marolle-les-Braults (Sarthe) le 15 novembre 1897.

Les recensements de 1936 et 1946 à Chevreuse indiquent que Jeannine serait fille unique du couple, que son père est employé de banque au CIC Paris et que sa mère est femme de ménage chez un certain Henri Bracon.

25. ADN78 – RM cl. 1913 – mat. 633 26. AD78 – RM cl. 1928 – mat. 8876

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James, né en 1918, obtient en 1938 un sursis à son incorporation27 selon l’article 23 de la loi de 1913 sur le recrutement militaire. Cet article 23 s’applique aux élèves de grandes écoles, et mentionne en particulier l’école polytechnique, l’école centrale, l’école des mines, l’école des ponts-et-chaussées et l’école normale supérieure28.

Il est néanmoins concerné par la mobilisation générale de septembre 1939, et intègre le 107ème bataillon de l’air. En mars 1940, il est détaché à la base aérienne de Chartres (Eure-et-Loir) comme candidat au peloton d’élèves officiers, puis participe trois mois plus tard aux opérations de défense contre l’invasion allemande. Resté libre, il est démobilisé après l’armistice du 22 juin 1940.

Élève d’une grande école, James se déclare ingénieur en radio-transmission lors du recensement de 1946 à Chevreuse. Pendant l’occupation, c’est sans doute à ce titre qu’il est envoyé chez la société Lorenz à Berlin29. Cette entreprise30, ancienne filiale de Philips, spécialiste du radioguidage et de l’atterrissage sans visibilité, équipait de ses systèmes l’aéroport de Berlin-Tempelhof. Sous le régime nazi, elle recevait la plupart de ses commandes de la Luftwaffe31.

À la fin des journées de travail, l’entreprise Lorenz propose des cours d’allemand à ses employés étrangers. James y participe, ce qui lui sera profitable par la suite.

En septembre 1943, James est arrêté par la Gestapo32 avec les membres du groupe de résistance « Union européenne ». Cette organisation, d’influence socialiste, était en contact avec le parti communiste allemand clandestin. Elle fut un acteur de l’unification des luttes des structures de résistance des travailleurs déportés étrangers et des groupes allemands anti nazis. Elle aida de diverses manières des persécutés du régime nazi (juifs, opposants politiques)33.

Il s’ensuit une vague de procès au Volksgerichtshof (« Tribunal du peuple »)34, sous la présidence de Roland Freisler35.

27. AD78 – RM cl. 1938 – mat. 676 28. « Annales de démographie historique » par Philippe Boulanger, p. 11 à 34 (cf. bibliographie) 29. « Traduire l’exil » par Michaela Enderle-Ristori, p. 201 (cf. bibliographie) 30. « Le groupe ITT dans la seconde guerre mondiale » par Emmanuel de Chambost (cf. bibliographie) 31. Armée de l’air allemande 32. Police politique du régime nazi 33. « Union européenne (groupe de résistance) » - Wikipédia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Union_europ%C3%A9enne_(groupe_de_r%C3%A9sistance)) 34. « Volksgerichtshof » - Wikipédia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Volksgerichtshof) 35. « Roland Freisler » - Wikipédia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Roland_Freisler)

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Le Volksgerichtshof était une cour spéciale visant la condamnation pour haute trahison et atteinte à la sûreté de l’État. En activité de 1934 à 1945, ce tribunal prononça 5 179 condamnations à mort et près de 11 000 peines de prison. En seulement trois ans de présidence, de 1942 à 1945, Roland Freisler y prononça environ 2 600 condamnations à mort.

Ouverture d’une session du Volksgerichtshof par Roland Freisler

Au cours des douze procès concernant quarante membres du groupe « Union européenne », quatorze sentences de condamnation à mort sont rendues. James échappe à la peine capitale, peut-être grâce aux cours d’allemand suivis chez Lorenz, qui lui permirent de comprendre immédiatement les questions de Roland Freisler36.

Relaxé faute de preuves, James fut néanmoins envoyé en déportation à Dachau, Auschwitz, puis Buchenwald, où il sera libéré le 11 avril 194537. Il rentre en France avec d’importantes séquelles médicales38 et retrouve le domicile familial du 5 rue de Dampierre à Chevreuse39.

En 1953, James, trente-cinq ans, épouse Jeannine, vingt-trois ans. En 1961, le couple s’installe à Argenteuil (Seine-et-Oise)40. James meurt le 21 octobre 200141, à l’âge de quatre- vingt-trois ans.

36. D’après le témoignage de Jeannine, sa veuve, le 2 juin 2006 (« Traduire l’exil » - cf. bibliographie) 37. « Fondation pour la mémoire de la déportation – Les déportés internés à Dachau » (http://www.bddm.org/liv/details.php?id=III.8.) 38. AD78 – RM cl. 1938 – mat. 676 39. AD78 – RCS Chevreuse 1946 40. AD78 – RM cl. 1938 – mat. 676 41. « Union européenne (groupe de résistance) » - Wikipédia

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La parcelle B1027

La succession de Victor Honoré Frichot et Marie Marguerite Faudet, mariés à Aulnay-sur-Mauldre en 1888, et décédés respectivement en 1934 et 1949, comprend une maison dans ce même village, sise rue du Haha, sur la parcelle B1027 du cadastre. Voyant une occasion d’explorer les ressources cadastrales, notariales et hypothécaires, j’ai voulu découvrir les origines de la maison et de la parcelle, et ses précédents propriétaires.

Ci-dessus, situation de la parcelle B1027en 1821 dans le cadastre napoléonien d’Aulnay-sur-Mauldre. La partie pleine à sa gauche est constituée par une autre parcelle, B1028. Ci-dessous, la situation de l’ancienne parcelle en 2019, aujourd’hui parcelles 38 et 40. On remarque le prolongement de la rue du Haha, qui enserre l’ancienne parcelle B1027.

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La parcelle B1027 du cadastre napoléonien d’Aulnay-sur-Mauldre figure dans la case n° 33 de la matrice des propriétés foncières attribuée à Victor Honoré Frichot, découverte grâce à la table alphabétique des propriétaires y figurant1.

En remontant le fil des matrices, on peut établir la liste des différents propriétaires, d’après le cadastre :

. Victor Honoré Frichot - case 33 (nouvelle matrice), sans changement de 1910 à 1933, issue en 1910 de : - case 69 (ancienne matrice2), prend la suite de : . François Marie Faudet - case 69, buanderie construite en 1891, maison issue en 1884 de : . Étienne Avisse, les héritiers - case 4, issue en 1882 de : - case 892 (première matrice3), issue en 1873 de : . Étienne Avisse (fils) - case 899, maison agrandie en 1869, issue en 1866 de : . Pierre Tostain - case 859, maison construite en 1842, parcelle issue en 1831 de : . Pierre Laligne - case 593, sans changement depuis le début de la matrice en 1825.

Pour obtenir davantage de précisions sur les dates de changement de propriétaires, sur la nature des transactions ou successions, et sur les propriétaires eux-mêmes, j’entame alors une recherche systématique des actes concernant ces différentes évolutions.

Déclaration de succession n° 49 du 15 septembre 1949

Cette déclaration4, établie suite au décès de Marie Marguerite Faudet, veuve Frichot, survenu le 26 février 1949, mentionne dans la communauté non liquidée de la succession de son époux, mort en 1934, une maison à Aulnay-sur-Mauldre, parcelle B1027, d’une valeur estimée à 200 000 F.

1. AD78 – CAD Aulnay-sur-Mauldre – Matrice des propriétés bâties 1910-1933 2. ADN78 – CAD Aulnay-sur-Mauldre – Matrice des propriétés bâties 1882-1910 3. ADN78 – CAD Aulnay-sur-Mauldre – Matrice des propriétés foncières 1825-1914 4. AD78 – 9Q3 125

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Les biens du couple reviennent aux trois enfants, Marcel, Hector et Robert, qui établissent un partage par acte du 30 août 19495.

En ce qui concerne la maison, l’étude de la déclaration de succession de Victor6 peut indiquer une origine de propriété.

Déclaration de succession n° 51 du 10 janvier 1936

La succession de Victor, décédé le 1er février 1934, mentionne la maison, alors évaluée à 3 875 F, comme faisant partie des biens de la communauté du couple, et indique également l’origine de propriété : un acte de vente du 19 mars 1905 établi par Me Marie Joseph Perreau, notaire à Maule7.

Acte de vente du 19 mars 1905

L’acte en question est une licitation – faisant cesser une indivision – de la moitié de la maison et des jardins accolés appartenant à François Marie Faudet (fils) et son épouse, Marie Louise Barbou, au profit de sa soeur Marie Marguerite Faudet épouse Frichot, au prix de 1 343,35 F.

La maison est décrite à cette occasion : « Maison rue du Haha, corps de bâtiment au fond de la cour à usage de cuisine, deux chambres à côté, deux voûtes dessous, grenier et grange à côté des voûtes, petit bâtiment sur le devant servant de buanderie, cour entre les bâtiments, deux jardins accolés. »

L’origine de propriété vient de la communauté des biens de François Marie Faudet (père) et son épouse Marie Mathurine Lecoyec (Le Coquier en réalité...). François Marie (père) étant décédé le 21 février 1895, les biens du couple revinrent à ses deux enfants François Marie (fils) et Marie Marguerite, qui les conservèrent en indivision jusqu’au décès de leur mère Marie Mathurine, usufruitière8, le 7 février 1905.

Cet acte du 19 mars 1905 va plus loin : il indique aussi l’origine antérieure de propriété. La maison fut acquise par une adjudication du 28 janvier 1883 réglée par Me Jules Louis Sénicourt, notaire à Maule9, transcrite aux hypothèques de Versailles le 2 mars suivant, sous le n° 667 (volume 2 829).

5. Incommunicable 6. AD78 – 9Q3 93 7. AD78 – 3E25 523 8. Déclaration de succession n° 105 de Marie Mathurine Le Coquier du 7 juillet 1905 (AD78 – 9Q3 40) 9. AD78 – 3E25 448

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Adjudication du 28 janvier 1883

Cette adjudication – vente aux enchères – est initiée par les héritiers de Louis Étienne Avisse, décédé le 4 mai 1871. La déclaration de succession correspondante10, du 24 novembre 1871, précise les noms des légataires de Louis Étienne Avisse. Ses quatre filles survivantes : Angélina Françoise Avisse épouse Delaunay, Ernestine Maria Avisse épouse Thorel, Marie Louise Eugénie Avisse épouse Lamy, Prudence Avisse, et aussi deux de ses petits-enfants : Marie Louise Augustine Avisse et Louis Théophile Avisse, descendants de son fils Julien Vincent Avisse, auparavant décédé le 9 mars 1871.

La déclaration de succession stipule également que la veuve du défunt, Marie Catherine Solleret, fut désignée usufruitière des biens du couple. La transcription n° 667 du 2 mars 1883 de l’adjudication par les hypothèques de Versailles11 indique que l’opération fut réalisée par un acte passé devant Me Arlot, notaire à Maule le 1er mai 187112.

Marie Catherine Solleret décédant à son tour le 28 octobre 1882, les héritiers décident de mettre les biens aux enchères, par lots.

Le lot comportant la maison est enlevé pour la somme de 875 F par François Marie Faudet (père). L’état descriptif du lot montre que la buanderie de 1905 n’était en 1883 qu’un « petit bâtiment servant d’écurie et d’étable à porcs, couvert en paille ». C’est en effet le nouvel acquéreur qui va construire la buanderie en 1888, comme l’indique la page des augmentations des matrices cadastrales de la commune13.

Déclaration de succession du 24 novembre 1871

Cette déclaration, peu ordinaire, explique que le défunt, Louis Étienne Avisse, laisse à ses héritiers certains biens dont il n’a jamais eu la possession de son vivant.

En effet, l’intéressé est mort le 4 mai 1871, quelques jours après son fils, Eugène Théophile Avisse, décédé le 19 avril précédent, qui était célibataire, sans enfant, et possesseur de la maison de la rue du Haha.

La déclaration de succession14 d’Eugène Théophile, faite le même jour que celle de son père, indique que ses biens reviennent à ce dernier, déjà décédé.

10. AD78 – 9Q 2499 11. AD78 – 10Q4 4446 12. AD78 – 3E25 416 13. ADN78 – CAD Aulnay-sur-Mauldre – Matrice des propriétés bâties 1882-1910 14. AD78 – 9Q 2499

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Déclaration de succession du 24 novembre 1871 (bis)

Le document précise l’origine de propriété de la maison, qui vient d’une adjudication faite le 2 octobre 1864 par Me Jules Dieudonné Frémaux, notaire à Maule15, dont l’acte a été transcrit aux hypothèques de Versailles le 15 novembre suivant sous le n° 60 198 (volume 1 280).

Adjudication du 2 octobre 1864

L’opération est initiée par Marie Geneviève Tostain épouse Gazier et son frère Jean Baptiste Tostain. Pour une enchère de 985 F, le lot contenant la maison est emporté par Eugène Théophile Avisse, qui la fera agrandir en 1869, d’après les matrices cadastrales.

L’acte précise que les origines de propriétés seraient reliées à l’acte d’adjudication ultérieurement, mais celles-ci demeurent introuvables. C’est la transcription n° 60 198 du 15 novembre 1864 aux hypothèques de Versailles16 qui révèle l’information : le bien vient d’une donation faite le 30 juin 1864 devant le même Me Frémaux à Maule17.

Donation du 30 juin 1864

La donation est réalisée à titre de partage anticipé par Pierre Tostain et son épouse Marie Madeleine Laligne au profit de leurs enfants Marie Geneviève et Jean Baptiste, quelques jours avant le décès de leur mère le 2 juillet suivant.

La maison est cédée en indivision aux deux enfants en échange d’une rente viagère de 200 F par an, les donateurs en restant usufruitiers. Une disposition de l’acte de donation stipule qu’au décès du premier donateur, le conjoint survivant aura la faculté d’abandonner cet usufruit aux enfants, ce qui fut fait par Pierre à la mort de son épouse. Ainsi, Marie Geneviève et Jean Baptiste ont pu vendre rapidement la maison par adjudication.

Le bien est présenté comme étant issu d’une donation-partage faite le 27 septembre 1829 devant Me François Aimé Doublet, notaire à Maule18.

15. AD78 – 3E25 175 16. AD78 – 10Q4 2897 17. AD78 – 3E25 174 18. AD78 – 3E25 103

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Donation-partage du 27 septembre 1829

L’affaire est faite par Marie Madeleine Cheval, veuve Laligne, au profit de ses enfants Jacques Étienne Laligne, Joseph Laligne, Marie Madeleine Laligne épouse Tostain et Jean Baptiste Laligne, et doit assurer à la veuve une rente viagère de 220 F par an.

Marie Madeleine se voit attribuer un lot par tirage au sort, dans lequel ne figure aucune maison, juste un petit bâtiment servant d’étable, qui deviendra une buanderie en 1888. La case 859 de la matrice des propriétés foncières de la commune19 montre que c’est Pierre Tostain, le mari de Marie Madeleine, qui fera construire la maison en 1842.

L’acte précise que la parcelle B1027 est une partie du douaire de Marie Madeleine Cheval, constitué suite au décès de son époux le 22 avril 1827 (déclaration de succession du 4 octobre 182720).

Déclaration de succession du 4 octobre 1827

Cette déclaration donne le nom des héritiers de Nicolas Pierre Laligne (les quatre enfants précités), la liste de ses possessions (dont la parcelle B1027), et indique que son épouse possède la faculté de se constituer un douaire avant partage entre les héritiers par effet d’un contrat de mariage passé le 23 novembre 1792 devant Me Jacques Morel, notaire à Maule21.

Contrat de mariage du 23 novembre 1792

Cet acte signé par les futurs époux Nicolas Pierre Laligne et Marie Madeleine Cheval (finalement mariés à Aulnay-sur-Mauldre le 27 novembre suivant) précise les dispositions successorales à prendre en cas de décès du mari, en particulier de permettre à son épouse de se constituer un douaire sur les biens propres de ce dernier, avant partage entre les héritiers à venir.

Le détail des biens propres de Nicolas Pierre Laligne ne mentionne aucune parcelle, la commune d’Aulnay-sur-Mauldre n’ayant pas été cadastrée à cette époque, et ne précise aucune origine de propriété.

19. ADN78 – CAD Aulnay-sur-Mauldre – Matrice des propriétés foncières 1825-1914 20. AD78 – 9Q 2462 21. AD78 – 3E25 64

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Je m’aperçus alors, à la lecture de ces trois derniers documents, que Nicolas Pierre Laligne possédait une maison à Aulnay-sur-Mauldre, et qu’elle fut placée sur la parcelle B1027. Cette maison fut comprise dans le douaire que sa veuve Marie Madeleine a pu se réserver, et fut finalement intégrée au partage de 1829 entre les quatre enfants.

C’est alors que la parcelle B1027 fut séparée en deux lots distincts, attribués à deux héritiers différents, les deux éléments séparés continuant à être chacun désignés dans le cadastre comme parcelle B1027. Je n’avais donc remonté qu’une partie de l’histoire, je m’attachai à en découvrir l’autre partie, mais en sens inverse...

Le premier propriétaire de ladite parcelle étant connu (Nicolas Pierre Laligne, case 593 de la première matrice cadastrale22 d’Aulnay-sur-Mauldre), en descendant cette fois le fil de ces matrices, il est possible d’établir à nouveau une liste des différents propriétaires :

. (Nicolas) Pierre Laligne - case 593, premier propriétaire connu, partie de la parcelle contenant la maison sortie du patrimoine en 1831 vers : . Jean Baptiste Laligne (fils du précédent) - case 647, sortie en 1860 vers : . Michel Horeau - case 426, sortie en 1862 vers : . Joseph et Théodore Lefébure (mineurs) - case 818, sortie en 1871 vers : . Louis Jacques Presles - case 125, sortie en 1882 vers : - case 60 (deuxième matrice23), maison détruite puis reconstruite en 1891, sortie en 1910 vers : - case 55 (troisième matrice24), sortie en 1921 vers : . Émile Pierre Larnaude - case 39, sortie en 1927 vers : . Papeterie Larnaude - case 86, sans changement jusqu’en 1933.

22. ADN78 – CAD Aulnay-sur-Mauldre – Matrice des propriétés foncières 1825-1914 23. ADN78 – CAD Aulnay-sur-Mauldre – Matrice des propriétés bâties 1882-1910 24. AD78 – CAD Aulnay-sur-Mauldre – Matrice des propriétés bâties 1910-1933

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Donation-partage du 27 septembre 1829

Cette opération étudiée précédemment indique que la maison d’origine de la parcelle B1027 figurait dans le lot n° 4 de la procédure de partage par tirage au sort dirigé par Me Doublet, à Maule.

Ce sort qui attribua la maison en question à Jacques Étienne Laligne, l’un des fils de Nicolas Pierre Laligne et Marie Madeleine Cheval.

Mais cela ne correspondait pas avec ce que j’avais trouvé dans les matrices cadastrales : Jacques Étienne et Jean Baptiste sont certes frères, mais néanmoins deux personnes distinctes.

Pour trouver des traces des transactions suivantes, je me suis fié aux informations données par l’acte de donation-partage, les écritures des matrices pouvant subir un décalage temporel parfois important avec les évènements : je connaissais le propriétaire en 1829 (Jacques Étienne Laligne).

En consultant les tables des vendeurs du bureau de l’enregistrement de Meulan de 1829 à 1860 (lacunaires de 1831 à 1835), je ne trouvais rien tout d’abord. Le cadastre me donnant le nom du propriétaire en 1860 (Michel Horeau), je me livrais à la même opération sur les tables des acquéreurs, en remontant le temps à partir de 1860. Je découvrais alors que la maison avait été acquise par le nouveau propriétaire par un acte de vente passé le 5 décembre 1858 chez Me Frémaux à Maule25.

Or, la lecture de cet acte m’apprit que la maison avait déjà changé deux fois de mains entretemps, par une vente du 1er janvier 1832 réalisée chez Me Doublet à Maule26 et par un partage du 19 octobre 1856 chez Me Frémaux à Maule27...

er Vente du 1 janvier 1832

L’acte indique que Jacques Étienne Laligne vend la maison à son frère Jean Baptiste contre une somme de 300 F.

25. AD78 – 3E25 161 26. AD78 – 3E25 108 27. AD78 – 3E25 157

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Partage du 19 octobre 1856

Ce partage est fait entre Jean Baptiste Laligne et son fils Hyppolite Thomas, à la suite du décès de l’épouse de Jean Baptiste, Marie Victoire Thibault.

L’acte indique que Marie Victoire étant décédée le 3 août 1840, une déclaration de succession a été établie le 29 janvier 184128.

Déclaration de succession du 29 janvier 1841

Marie Victoire Thibault épouse Laligne meurt en laissant son mari Jean Baptiste et un fils de neuf ans, Hyppolite Thomas. La déclaration précise que les conquêts du mariage sont répartis à parts égales entre le veuf et son fils, encore mineur.

Partage du 19 octobre 1856 (retour)

Depuis le décès de Marie Victoire, Jean Baptiste s’est remarié avec Marie Catherine Neveu, et Hyppolite Thomas est devenu majeur en 1853.

Le père et le fils décident d’établir un partage des biens issus de la succession de Marie Victoire quinze ans auparavant. Jean Baptiste prend la maison et le terrain de la parcelle B1027, Hyppolite Thomas reçoit du mobilier, du matériel et une grosse partie du capital.

Vente du 5 décembre 1858

Jean Baptiste Laligne et son épouse Marie Catherine Neveu vendent la maison et le terrain à Michel Horeau pour le prix de 400 F.

28. AD78 – 9Q 2469

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Pour trouver la transaction suivante, j’utilisais les informations données : le nom du propriétaire en 1858 (Michel Horeau), et le nom des propriétaires en 1862 d’après le cadastre (Joseph et Théodore Lefébure).

Je cherchais à nouveau dans les tables des vendeurs du bureau de l’enregistrement de Meulan depuis 1858, et trouvais trace d’une adjudication faite le 29 avril 1860 chez Me Arlot, notaire à Maule29.

Adjudication du 29 avril 1860

L’opération est initiée par Michel François Horeau, mettant aux enchères une partie de son important patrimoine immobilier, réparti par lots. La parcelle B1027 et sa maison constituent le lot n° 8 de la vente.

Mis à prix 200 F, ce lot n° 8 est enlevé pour 425 F par Isidore Jean Baptiste Lefébure, propriétaire à Rouen (Seine Inférieure), pour ses fils Joseph Michel François Jules et Théodore Émile Albert, encore mineurs à cette date.

La suite se complique. Je connais les noms des propriétaires en 1860 (les frères Lefébure), et celui du propriétaire en 1871 d’après le cadastre (Louis Jacques Presles). Mais je ne peux plus m’aider des tables des acquéreurs, celles-ci ayant été arrêtées en 1865 au bureau de l’enregistrement de Meulan. Je ne peux pas non plus utiliser les ressources hypothécaires, les tables alphabétiques des registres des formalités, disponibles sur microfilms uniquement, n’étant pas consultables pendant la durée des travaux aux archives départementales des Yvelines.

J’ai alors orienté mes recherches vers les répertoires des notaires exerçant à Maule entre 1860 et 1871, en particulier ceux de Me Arlot30, organisateur de la dernière adjudication.

J’y trouvais trace d’une nouvelle adjudication, à la date du 6 juin 186931.

29. AD78 – 3E25 386 30. AD78 – 3E25 289 31. AD78 – 3E25 411

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Adjudication du 6 juin 1869

Joseph et Théodore Lefébure, maintenant majeurs, décident la vente aux enchères de plusieurs de leurs biens immobiliers dans le Mantois, dont la maison de la parcelle B1027, placée dans le lot n° 2.

C’est Louis Jacques Presles qui emporte le lot pour la somme de 420 F.

Par la suite, Louis Jacques Presles conserve la maison jusque vers la fin de la première guerre mondiale. Les pages des diminutions et augmentations des matrices du cadastre d’Aulnay-sur-Mauldre révèlent que la maison d’origine de la parcelle B1027, datant d’avant 1792, est démolie en 1888 pour être reconstruite, les travaux s’achevant vers 1891.

Ce n’est qu’en 1921 qu’apparaît sur le cadastre un nouvel acquéreur en la personne d’Émile Pierre Larnaude, propriétaire de la papeterie du village. Les recherches sur cette transaction dans les répertoires32 et minutes de Me Paquier, notaire à Maule jusqu’en 1920, n’amènent aucun résultat.

La maison passe en 1927 dans la case échue à la papeterie Larnaude. Elle faisait déjà partie du patrimoine immobilier de la société depuis au moins deux ans, figurant dans le procès-verbal de constitution de SARL du 18 novembre 192533.

Avec tous ces éléments, et pour davantage de clarté, suit une chronologie de l’histoire de la parcelle B1027 :

 23 novembre 1792 : contrat de mariage entre Nicolas Pierre Laligne et Marie Madeleine Cheval. La maison fait partie des biens propres du futur époux.  27 novembre 1792 : mariage à Aulnay-sur-Mauldre de Nicolas Pierre Laligne et Marie Madeleine Cheval.  22 avril 1827 : décès de Nicolas Pierre Laligne.  4 octobre 1827 : déclaration de succession de Nicolas Pierre Laligne, la maison revient en douaire à sa veuve.

32. AD78 – 3E25 624 (répertoire) 33. AD78 – 6U 535 / 17

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 27 septembre 1829 : donation-partage, la parcelle B1027 est scindée en deux parties, la maison revient à Jacques Étienne Laligne, le petit bâtiment est pour Marie Madeleine Laligne épouse Tostain.

Chronologie de la partie dite « de la maison » :

 1er janvier 1832 : vente de la maison à Jean Baptiste Laligne (frère) et son épouse Marie Victoire Thibault.  3 août 1840 : décès de Marie Victoire Thibault épouse Laligne.  29 janvier 1841 : déclaration de succession de Marie Victoire Thibault, les biens de la parcelle reviennent à parts égales à Jean Baptiste et à son fils Hyppolite Thomas.  19 octobre 1856 : partage des biens entre Jean Baptiste et Hyppolite Thomas, la maison revenant au père et sa seconde épouse Marie Catherine Neveu.  5 décembre 1858 : vente de la maison à Michel François Horeau.  29 avril 1860 : adjudication, la maison est enlevée par Isidore Lefébure au profit de ses fils Joseph et Théodore, mineurs.  6 juin 1869 : adjudication, la maison est enlevée par Louis Jacques Presles.  1888 : démolition de la maison d’origine.  vers 1891 : fin de la construction de la nouvelle maison.  vers 1920 : acquisition par Émile Pierre Larnaude.  18 novembre 1925 : la maison est incluse dans le patrimoine immobilier de la SARL « Papeterie Larnaude ».

Chronologie de la partie dite « du petit bâtiment » :

 vers 1842 : achèvement de la construction d’une maison sur cette partie. Pierre Tostain et Marie Madeleine Laligne épouse Tostain propriétaires.  30 juin 1864 : donation aux enfants Jean Baptiste Tostain et Marie Geneviève Tostain épouse Gazier. Parents donateurs usufruitiers.  2 juillet 1864 : décès de Marie Madeleine Laligne épouse Tostain. Son époux Pierre Tostain abandonne l’usufruit de la maison à ses enfants.  2 octobre 1864 : adjudication, la maison est acquise par Eugène Théophile Avisse.  vers 1869 : travaux d’agrandissement, la maison passant de deux à cinq ouvertures.  19 avril 1871 : décès d’Eugène Théophile Avisse, célibataire et sans enfant.  4 mai 1871 : décès de son père Louis Étienne Avisse.  24 novembre 1871 : déclarations de succession du fils et du père. La maison du fils revient au père décédé, et revient aux héritiers du père, ses quatre filles survivantes et deux de ses petits-enfants. Marie Catherine Solleret veuve Avisse usufruitière.  28 octobre 1882 : décès de Marie Catherine Solleret.

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 28 janvier 1883 : adjudication, la maison est acquise par François Marie Faudet et son épouse Marie Mathurine Le Coquier.  vers 1888 : le petit bâtiment servant d’écurie et d’étable à porcs est démoli puis reconstruit pour devenir une buanderie.  21 février 1895 : décès de François Marie Faudet.  14 août 1895 : déclaration de succession de François Marie Faudet, les biens de la parcelle reviennent à ses deux enfants François Marie (fils) et Marie Marguerite. Marie Mathurine Le Coquier veuve Faudet usufruitière.  8 février 1905 : décès de Marie Mathurine Le Coquier.  19 mars 1905 : licitation, Marie Marguerite Faudet épouse Frichot achète à son frère sa moitié des biens issus de la succession de leur père.  1er février 1934 : décès du mari de Marie Marguerite Faudet, Victor Honoré Frichot.  10 janvier 1936 : déclaration de succession de Victor Honoré Frichot, la parcelle reste possession de sa veuve, dans la communauté non liquidée.  26 février 1949 : décès de Marie Marguerite Faudet veuve Frichot.  15 septembre 1949 : déclaration de succession de Marie Marguerite Faudet, les biens de la parcelle reviennent à ses trois fils Marcel, Hector et Robert Frichot.

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Histoires militaires

Certains personnages des familles Malèvre et Frichot, ainsi que quelques individus collatéraux, ont connu au cours de leur service militaire des aventures originales et mouvementées, tout au long du XIXème siècle et jusqu’à la Grande Guerre. L’exploitation des archives du service historique de la défense de Vincennes et des ressources militaires des archives départementales des Yvelines m’a permis d’en découvrir les détails.

Jean Jacques Joseph Malèvre

Né le 30 décembre 1783 à Épône, Jean Jacques Joseph Malèvre est l’oncle de Jacques Philippe Marie Malèvre, l’ « homme » du couple-souche étudié au départ.

La loi Jourdan du 19 fructidor an VI (5 septembre 1798) a institué la conscription universelle et obligatoire. Le service militaire avait une durée de cinq ans, et pouvait être prolongé indéfiniment en cas de guerre. Le décret impérial de Napoléon Ier du 8 nivôse an XIII (29 décembre 1804) a ensuite instauré le tirage au sort et le conseil de révision1.

Répondant à l’appel de la classe XIII, Jean Jacques se présente le 17 ventôse an XIII (8 mars 1805) à la sous-préfecture de Mantes pour participer aux toutes premières opérations de tirage au sort du canton2. Le sort lui attribue le n° 4, ce qui lui assure le départ en garnison, s’il ne se fait pas remplacer ou s’il n’est pas reconnu inapte par la commission médicale.

Le registre de recensement de la classe XIII du département de Seine-et-Oise3 donne une description détaillée du futur soldat Jean Jacques Malèvre : « 1,693 m, cheveux et sourcils châtains, yeux gris, front couvert, nez bien fait, bouche petite, menton long, visage mâle, teint brun ».

Ce conscrit de l’an XIII part de Mantes le 4 prairial (24 mai 1805) pour le 86ème régiment d’infanterie de ligne, dans lequel il a été affecté. Jean Jacques y arrive le 10 prairial (30 mai 1805). À cette époque, le dépôt du régiment se trouvait à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine)4.

1. « Vos ancêtres à travers les archives militaires » (cf. bibliographie) 2. AD78 – Appel classe XIII (1R 100), transcription intégrale de ce tirage au sort en annexe. 3. AD78 – Recensement classe XIII (1R 43) 4. SHD Vincennes – « Historique du 86ème régiment d’infanterie » (4M 76) (cf. bibliographie)

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En 1807, le 86ème régiment d’infanterie est intégré au corps d’observation de la Gironde, et doit établir sa garnison à Bayonne (Basses-Pyrénées). D’abord fusilier, Jean Jacques devient grenadier. Il franchit la Bidassoa5 en 1810 avec son régiment pour prendre part à la campagne d’Espagne.

Après avoir progressé jusqu’au Portugal, le 86ème régiment d’infanterie revient en Espagne en 1811. Confronté à la résistance d’une coalition anglo-hispano-portugaise commandée par le Duc de Wellington, le régiment de Jean Jacques ne sortira plus du Pays Basque. En 1813, une offensive dirigée par l’armée britannique vers le nord de l’Espagne repousse les positions françaises au-delà de Burgos, dans les environs de Vitoria.

Jean Jacques est fait prisonnier par les britanniques le 18 juin 1813 dans le hameau d’Osma, commune de Valdegovia, au Pays Basque espagnol6.

Après une marche jusqu’à Lisbonne (Portugal), les prisonniers étaient généralement convoyés par bateau jusqu’en Angleterre. Grenadier – 1813 Le dépouillement des quelques dizaines d’états nominatifs conservés des soldats de l’Empire libérés par les anglais lors de la paix de 1814 indiquent que la plupart revenait des pontons- prisons de Portsmouth et Plymouth7.

À ce moment, environ 40 600 fantassins sont détenus en Angleterre8. 33 000 d’entre eux sont libérés en 1814. Jean Jacques rentre en France le 22 août 1814. Les restes du 86ème régiment d’infanterie sont absorbés par le 74ème régiment d’infanterie, duquel Jean Jacques est réformé le 30 octobre 1814.

Jean Jacques se marie tardivement en 1835, à l’âge de cinquante-et-un ans, avec Augustine Cabit. En 1857, il apparaît parmi les ayant-droit à la médaille de Sainte-Hélène9, créée par Napoléon III au début du Second Empire. Jean Jacques Joseph Malèvre meurt l’année suivante, sans enfant, âgé de soixante-quatorze ans10.

5. Fleuve frontalier sur ses dix derniers kilomètres entre la France et l’Espagne. 6. SHD Vincennes – Contrôle des troupes du 86ème régiment d’infanterie 1785-1806 (GR 21 Yc 666) 7. SHD Vincennes – États nominatifs de prisonniers français revenant des prisons anglaises (GR Yj 10 à 15) 8. « Les prisonniers français en Grande-Bretagne de 1803 à 1814 » (cf. bibliographie) 9. AD78 – Fiches d’anciens soldats de la Révolution et de l’Empire (3R 37), transcription intégrale de la demande de médaille de Sainte-Hélène de Jean Jacques Joseph Malèvre disponible en annexe. 10. ADN78 – ENR Mantes – Table des successions et absences 1858-1863

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Jean Baptiste Ambroise Silvestre Malèvre

Jean Baptiste Ambroise Silvestre Malèvre, né le 31 décembre 1781, est le père de Jacques Philippe Marie Malèvre, et le frère de Jean Jacques Joseph Malèvre, dont les aventures sont évoquées ci-dessus.

On trouve trace de Jean Baptiste dans le registre du bataillon de réserve de Seine-et-Oise pour les années XI et XII11. Les informations y figurant sont très succinctes : il n’aurait été incorporé comme fusilier en compagnie de réserve qu’en 1806, puis rapidement rayé des contrôles.

Les états nominatifs de la compagnie de réserve de Seine-et-Oise12 (1802-1814) offrent davantage de renseignements : Jean Baptiste, incorporé le 24 floréal an XIV (14 mai 1806), fut déclaré déserteur dès le 20 prairial (9 juin 1806).

Il est jugé par le tribunal militaire de Versailles le 29 messidor an XIV (18 juillet 1806), et condamné par contumace à trois ans de travaux d’intérêts généraux et 1 500 F d’amende. Heureusement pour lui, l’Empire ne fut pas trop avare en lois d’amnistie13, dont celle de 1807, mais surtout celle entraînée par le second mariage de l’Empereur en 1810, qui permirent à nombre d’insoumis de sortir de la clandestinité. En principe, les intéressés devaient tout de même finir par effectuer leur service militaire, mais cela n’a pu être constaté pour Jean Baptiste Ambroise Silvestre Malèvre...

Charles Alexandre Malèvre

Né le 13 novembre 1849, Charles Alexandre est le troisième enfant du couple de Jacques Philippe Marie Malèvre et Alexandrine Appoline Garochaud.

Petit-fils de déserteur mais petit-neveu de héros des guerres napoléoniennes, Charles Alexandre est appelé le 7 août 187014 pour rallier le 12ème régiment d’infanterie de ligne stationné à Châlons-sur-Marne (Marne).

11. AD78 – 1R 92 12. AD78 – 4R 3 13. « La conscription sous le Premier Empire » (cf. bibliographie) 14. ADN78 – RM 3ème corps – cl. 1869 – mat. 538

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La suite des aventures de Charles Alexandre Malèvre au cours de la guerre franco-prussienne de 1870-1871 peut être évoquée par l’étude des historiques des régiments dans lesquels il a combattu.

Charles Alexandre intègre tout d’abord le 12ème régiment d’infanterie de ligne. Trois historiques en sont consultables au SHD Vincennes15. Le registre de contrôle de troupe de ce régiment16 nous apprend également que Charles Alexandre est rapidement passé au 6ème régiment d’infanterie, le 1er septembre 1870. Un historique de ce régiment17 étant aussi disponible au SHD Vincennes, on peut en suivre les évolutions au moment de la présence de Charles Alexandre dans ses rangs.

J’ai choisi de présenter ces évènements de manière chronologique, ne pouvant déterminer avec précision le rôle que Charles Alexandre Malèvre a pu y tenir.

Au 12ème régiment d’infanterie :

 07 – 11 août 1870 : en garnison au camp de Châlons-sur-Marne,

 12 août : mouvement vers Metz, entrée en Moselle,

 13 août : au repos à Montigny-lès-Metz,

 14 août : bataille de Borny, le 12ème RI reste en réserve sous le fort de Queuleu, à la redoute Saint-Privat,

 15 août : mouvement vers Saint-Marcel et Rezonville,

 16 août : bataille de Rezonville, le 12ème RI compte 2 morts et 45 blessés,

 17 août : mouvement vers Saint-Privat-la-Montagne,

 18 août : bataille de Saint-Privat-la-Montagne, le 12ème RI fait face aux régiments saxons et poméraniens de la garde royale prussienne. Bombardement des positions jusqu’en début d’après-midi, puis assaut. Le 12ème RI résiste jusqu’à épuisement de ses munitions, puis est évacué le soir. 690 morts dans ses rangs,

15. SHD Vincennes – 4M 14 (cf. bibliographie) 16. SHD Vincennes – GR 34 Yc 554 17. SHD Vincennes – 4M 6 (cf. bibliographie)

90

 19 – 23 août : au repos à la ferme Saint-Éloi, entre Thionville et la Moselle,

 24 – 25 août : occupation de la route de Thionville,

 26 août : passage de la Moselle au fort Saint-Julien. Combats : 1 mort et 1 blessé. La Moselle est repassée durant la nuit,

 27 – 30 août : au repos à la ferme Saint-Éloi,

 31 août : nouveau passage de la Moselle au fort Saint-Julien.

Le 1er septembre 1870, Charles Alexandre part renforcer le 6ème régiment d’infanterie, en difficulté à Mézières (Ardennes). Ce régiment a été étoffé à cette date par des détachements issus de différents corps18, dont le 12ème RI.

Au 6ème régiment d’infanterie :

 1er septembre : le 6ème RI est encerclé à Mézières,

 5 septembre – 14 octobre : un armistice local et provisoire est conclu afin de permettre l’évacuation des blessés de Sedan. Les détachements de soutien parviennent à rejoindre le 6ème RI dans Mézières. La garnison profite de l’accalmie pour parfaire l’instruction des jeunes recrues et mettre la ville en position de défense,

 15 octobre : fin de l’armistice, reprise des combats, début effectif du siège de Mézières,

 20 octobre : contacts avec l’ennemi à Mohon, Saint-Laurent et Prix,

 21 – 22 octobre : cavalerie prussienne repoussée à La Francheville,

 13 novembre : combat des jeunes recrues à Sept-Fontaines,

 30 décembre : ultimatum du commandement prussien : si la garnison ne se rend pas dans les vingt-quatre heures, la ville sera rasée,

 31 décembre : début du bombardement de Mézières, au rythme de dix obus par minute. Le froid est si intense que l’eau gèle dans les pompes et empêche tout secours contre l’incendie,

18. « Historique du 6ème régiment d’infanterie » (SHD Vincennes – 4M 6) (cf. bibliographie)

91

 1er janvier 1871 : sous la pression du conseil municipal, la garnison capitule,

 2 janvier : la garnison – dont le 6ème RI – est constituée prisonnière. Elle comptait encore 1 128 soldats, qui sont tous envoyés en Allemagne.

Localisation des combats livrés au sud de Mézières, à Sept-Fontaines, Prix, Mohon, Saint-Laurent et La Francheville.

ème Plan des fortifications de Mézières d’après une carte d’état-major du milieu du XIX siècle.

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La captivité des hommes du 6ème RI ne dura que le temps de l’hiver 1871. Dès le 27 mars, les hommes libérés rejoignent le dépôt du régiment à Rochefort (Charente-Inférieure).

De 1871 à 1875, le 6ème RI se voit confier des missions de surveillance du littoral. Ses différents bataillons sont disséminés sur la côte (La Rochelle, Fouras, Brouage) et sur les îles (Ré, Aix, Oléron). Puis en avril 1875, le régiment établit sa nouvelle garnison à Saintes.

Charles Alexandre est libéré de ses obligations militaires après cinq ans dans l’armée le 30 juin 1875. Au cours des années suivantes, il effectue quelques périodes d’exercice au 18ème régiment d’infanterie territoriale d’Évreux (Eure).

Célibataire, Charles Alexandre Malèvre meurt à Épône en 1915 à l’âge de soixante-cinq ans.

Prosper Léon Ory

Marié le 8 août 1908 avec Olive Victorine Frichot, Prosper Léon Ory est le gendre de Pauline Alexandrine Malèvre, la fille aînée du couple-souche de cette étude.

Prosper est natif d’Ille-et-Vilaine, venu au monde à Erbrée le 12 décembre 1876. Vingt ans plus tard, il tire le n° 5 du canton de Vitré-Est19, mais est finalement dispensé, un de ses frères étant mort au service.

Prosper part néanmoins pour quelques mois au 70ème régiment d’infanterie de Vitré, tout près de chez lui. Incorporé le 13 novembre 1897, il est mis en congé dès le 19 septembre 1898.

La mobilisation générale d’août 1914 l’envoie au 18ème régiment d’infanterie territoriale d’Évreux, qui se rend dans le Pas-de-Calais à l’automne 1914. Prosper est blessé le 18 novembre à Sailly-au-Bois par des éclats d’obus, cet évènement est cité dans le journal des marches et opérations du 18ème RIT20 : « Plusieurs obus allemands tombent sur Sailly-au-Bois. L’adjudant Pinard Fernand (4ème compagnie) est tué et trois soldats de la même compagnie sont blessés : Sanson Auguste, Angonin Émile, Ory Prosper Léon ». Prosper en sera quitte pour une cicatrice de 14 centimètres à la fesse gauche...

Après être passé au 84ème régiment d’infanterie territoriale en 1917, Prosper fait preuve d’héroïsme le 31 août 1918, ce qui lui vaut une citation à l’ordre du régiment le 26 janvier 1919 : « Excellent soldat à tous les points de vue, au front depuis le début. Le 31-08-1918 est resté à son poste de combat sous un violent bombardement, s’y est maintenu en combattant jusqu’au moment où il a été blessé par une balle de mitrailleuse ». Cette fois, Prosper récupère une cicatrice de 17 centimètres dans la région lombaire droite,

mais pas de pension, son invalidité étant inférieure à 10 %...

19. ADN35 – RM Vitré – cl. 1896 – mat. 5 20. Mémoire des hommes – JMO 18ème RIT 1914-1915

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Conclusion

À titre personnel, je considère que le résultat de toutes ces recherches est une preuve supplémentaire que partant d’individus pris au hasard – ou quasiment – le généalogiste peut découvrir des histoires, des faits pouvant susciter l’intérêt.

Ce mémoire m’a permis de m’aventurer dans certaines zones jusqu’ici méconnues, et d’apprendre à y pénétrer. La compétence essentielle du généalogiste étant une connaissance approfondie des ressources archivistiques, ce que l’on peut en faire, ce que l’on peut y trouver, alors ce travail pratique « grandeur nature » aura été profitable en bien des points.

Néanmoins, l’histoire des Malèvre, Garochaud, Surgis ou Frichot ne s’arrête pas à cette étude. Bien d’autres pistes auraient peut-être pu être exploitées, vers d’autres lieux, d’autres personnages, des réussites, des drames... Un travail généalogique conservera toujours cette particularité de rester ouvert, évolutif.

En somme, cette histoire est finie... mais loin d’être terminée !

« Ces papiers, ces parchemins laissés là depuis longtemps ne demandaient pas mieux que de revenir au jour. Ces papiers n’étaient pas des papiers, mais des vies d’hommes. »

Jules Michelet « Histoire de France »

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Bibliographie

 PHILIPPE BOULANGER, « Les conscrits de 1914 : la contribution de la jeunesse française à la formation d’une armée de masse », article paru dans « Annales de démographie historique », 2002/1 (n° 103), p. 11 à 34, https://www.cairn.info/revue-annales-de-demographie-historique-2002-1-page-11.htm

 DANIEL BRICON, « Épône raconté aux épônois – Histoire d’une petite ville de l’ouest parisien », édition Ville d’Épône, 1982,

 Capitaine adjudant-major DEHON-DAHLMAN, « Historique du 12ème régiment d’infanterie », éditions Tanera, Paris, 1877,

 MICHAELA ENDERLE-RISTORI, « Traduire l’exil », Presses universitaires François-Rabelais, 2012,

 SANDRINE HEISER et STÉPHANE MOLLET, « Vos ancêtres à travers les archives militaires », édition service historique de la défense, 2013,

 PATRICK LE CARVÈSE, « Les prisonniers français en Grande-Bretagne de 1803 à 1814 », article paru dans « Napoléonica, la revue » 2010/2 (n° 8), p. 3 à 29, www.cairn.info/revue-napoleonica-la-revue-2010-2-page-3.htm#

 ÉTIENNE-GABRIEL PEIGNOT (dit « G.P. PHILOMNESTE »), « Predicatoriana ou révélations singulières et amusantes sur les prédicateurs », éditions Victor Lagier, Dijon, 1841,

 THIERRY SABOT, « Contexte – un guide chrono-thématique », éditions Thisa, 2017,

 Lieutenant JOSEPH SPITZ, « Historique du 2ème régiment de zouaves », éditions Lachèse et Cie, Angers, 1898,

 Capitaine TINES, « Historique du 86ème régiment d’infanterie », 1886,

 Commandant THIERRY DE VILLE D’AVRAY, « Historique du 12ème régiment d’infanterie », éditions Lavauzelle, Paris et Limoges, 1890,

97

 « Historique du 12ème régiment d’infanterie », manuscrit, 1873,

 « Historique du 6ème régiment d’infanterie (1776-1878)», manuscrit des archives historiques de la guerre, 1878,

 EMMANUEL DE CHAMBOST, « Le groupe ITT pendant la seconde guerre mondiale », article paru dans « L’histoire de la CSF sous l’occupation – L’enfance de Thalès », http://siteedc.edechambost.net/CSF/ITT_Seconde_Guerre_mondiale.html

 MICHEL FARMAN, « Les frères Farman : des pionniers, hommes de leur temps », conférence pour le forum universitaire de l’ouest-parisien, http://www.forumuniversitaire.com/index.php/les-conferences/les-conferences-en-texte/sciences/la- conquete-de-l-air/499-les-freres-farman-des-pionniers-hommes-de-leur-temps

 ALAIN PIGEARD, « La conscription sous le Premier Empire », article paru sur napoleon.org (fondation Napoléon), https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/la-conscription-sous-le-premier-empire/

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Iconographie

 p. 4 (haut) : carte IGN d’Épône et ses environs, 2018, Géoportail (www.geoportail.gouv.fr),

 p. 4 (bas) : carte IGN classique d’Épône et ses environs, 2018, Géoportail, retouches Paint,

 p. 12 : photographies de l’inventaire de la sous-série 3E10 (fonds des notaires d’Épône) des archives départementales des Yvelines, 2003,

 p. 16 : photographie aérienne d’Épône, IGN OpenStreetMap, 2018, Géoportail, retouches Paint,

 p. 17 : « Vestiges d’une tour des anciens remparts d’Épône, rue de la Brèche », photographie de J.H. Mora, 2006, Wikimédia Commons, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:%C3%89p%C3%B4ne_-_rue_de_la_Br%C3%A8che02.jpg

 p. 25 : « Inondation (crue de la Seine) en 1910 à Épône, la gare », carte postale ancienne, Wikimédia Commons, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:%C3%89p%C3%B4ne_-_Inondation_gare_1910_01.jpg

 p. 28 : « Histogramme de l’évolution démographique d’Épône » d’après la base Cassini de l’EHESS et la base INSEE, 2018, Wikipédia, https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89p%C3%B4ne

 p. 30 : « Épône – Le château », carte postale ancienne, photographie d’A. Bertran, éditions Paillet (ADN78 – 137J / 187 / 23),

 p. 35 : plan du cadastre napoléonien d’Épône, section F dite « du village », 1810 (ADN78 – 3P2 / 119 / 25), retouches Paint,

 p. 48 : acte de donation entre vifs de Marie Françoise Surgis veuve Desjardins pour Catherine Surgis, passé le 13 juillet 1757 chez Me Hua, notaire à Mantes, état des meubles (AD78 – 3E22 817), photographie personnelle, 2019,

 p. 52 : acte de confirmation de baptême de Ponthus Surgis du 11 février 1597 à Mantes (ADN78 – BMS Goussonville 1588-1700),

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 p. 53 : acte de baptême de Guenette Surgis du 8 août 1593 à Goussonville (ADN78 – BMS Goussonville 1588-1700),

 p. 56 : « Histogramme de l’évolution démographique d’Aulnay-sur-Mauldre » d’après la base Cassini de l’EHESS et la base INSEE, 2018, Wikipédia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Aulnay-sur-Mauldre

 p. 57 : plan du cadastre napoléonien d’Aulnay-sur-Mauldre, section B2 (1ère partie) dite « du village », 1821 (ADN78 – 3P2 / 59 / 6), retouches Paint,

 p. 58 : portrait d’Émile Larnaude, photographie tirée de la monographie communale de Paul Aubert, 1940 (ADN78 – J3211 / 3 / 11),

 p. 59 : « Aulnay-sur-Mauldre, l’usine et le pont transbordeur », carte postale ancienne, éditions Thibault, Paris, http://aulnaycpost.canalblog.com/archives/2011/01/10/20094367.html

 p. 72 : Volksgerichtshof, procès du 20 juillet 1944, de gauche à droite : Hermann Reinecke, Roland Freisler, Ernst Lautz », auteur inconnu, Wikimédia Commons, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bundesarchiv_Bild_151-39- 23,_Volksgerichtshof,_Reinecke,_Freisler,_Lautz.jpg

 p. 73 (haut) : plan du cadastre napoléonien d’Aulnay-sur-Mauldre, section B2 (1ère partie) dite « du village », 1821 (ADN78 – 3P2 / 59 / 6), retouches Paint,

 p. 73 (bas) : photographie aérienne d’Aulnay-sur-Mauldre, IGN OpenStreetMap, 2018, Géoportail, retouches Paint,

 p. 88 : « Infanterie de ligne – Grenadier – 1813 », illustration de Bernard Coppens pour www.1789-1815.com,

 p. 92 (haut et bas) : carte d’état-major de Mézières et ses environs 1820-1866, IGN OpenStreetMap, Géoportail, retouches Paint.

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Annexes

(Sommaire)

Annexe I (Compte-rendu de la procédure de tirage au sort du recrutement militaire du canton de Mantes – 17 ventôse an XIII)...... I Annexe II (États de service de Jean Jacques Joseph Malèvre – dossier de demande de médaille de Sainte-Hélène – 1857)...... XI Annexe III (Acte de donation entre vifs de Gabriel Surgis et Marie Charpentier, son épouse, pour Marie Catherine et Jean Baptiste Surgis, leurs enfants du 18 février 1747)...... XV Annexe IV (Contrat de mariage entre Claude Adrien Guillin Blanchard et Suzanne Surgis du 1er avril 1751)...... XXXI Annexe V (Procès-verbal du conseil de famille du 29 mai 1810, demandé par Jean Baptiste Garochaud)...... XLI Annexe VI (L’expansion urbaine d’Épône depuis la construction de ses remparts en 1588)...... XLVII

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Annexe I - Compte-rendu de la procédure de tirage au sort du recrutement militaire du canton de Mantes (17 ventôse an XIII).

I

II

Canton de Mantes

Du dix sept ventose an treize,

à Mantes en la grande salle de la sous préfecture, par devant nous sous-préfet de l’arrondissement de Mantes, ont été présents :

M. Boyer, officier de recrutement,

M. Regardin, officier de gendarmerie,

M. Boutroy, chirurgien, demeurant à Poissy,

et M.M. les maires et adjoints soussignés de toutes les communes formant le canton de Mantes, lesquels ont composé la commission cantonale pour le recrutement dudit canton.

Les conscrits étant réunis, nous avons procédé à la vérification de la liste générale du canton. Après avoir entendu les observations qui nous ont été faites, nous l’avons close et arrêtée sur le tableau n° 1 au nombre de cent vingt quatre conscrits.

Nous avons procédé à la séparation des conscrits qui n’ont pas la taille requise. Deux conscrits ont été reconnus dans ce cas, réformés et portés au tableau n° 2.

Nous avons composé, conformément au décret du 8 nivose dernier la commission spéciale pour la visite des conscrits. Quarante neuf conscrits ont été présentés à la visite.

Trente ont été trouvés incapables de servir et portés sur le tableau n° 2, dix huit ont été trouvés propres au service et portés sur le tableau n° 8, et un conscrit a été réformé provisoirement, les opinions de la commission ayant été partagées sur ses infirmités et a été porté sur le tableau n° 3.

Nous avons reconnu qu’un conscrit devait être extrait de

III

IV

la liste comme appartenant à l’armée de terre et nous l’avons inscrit sur le tableau n° 6.

Enfin nous avons reçu la déclaration de deux conscrits ayant opté pour la réserve d’après la faculté que leur donnent les lois et nous les avons inscrits sur le tableau n° 7.

Nous avons vérifié que soixante et dix conscrits n’avaient présenté aucun motif valable d’exemption ou d’exception, nous les avons portés sur le n° 8 comme devant, ainsi que les prétendus infirmes trouvés capables de servir, concourir aux désignations.

Nous avons fait la récapitulation du nombre d’individus portés aux tableaux de 2 à 8 inclusivement, et nous avons trouvé ce nombre égal à celui des conscrits portés sur le tableau n° 1.

Nous avons porté à la première colonne du n° 9 une série de numéros de 1 à quatre vingt dix, nombre des conscrits portés aux tableaux 8 et 7.

Nous avons inscrit à la seconde colonne du tableau n° 9 en regard des n°s vingt cinq et vingt six les noms des conscrits ayant opté pour la réserve, le sort a déterminé le rang qu’ils occupent entr’eux.

Nous avons ensuite tracé sur quatre vingt dix huit bulletins les n°s inscrits sur le tableau n° 9 à côté desquels n’ont été portés aucuns noms. Après avoir donné connaissance aux conscrits de tout ce qui peut les intéresser, nous avons ostensiblement plié lesdits bulletins que nous avons comptés et trouvés en nombre

V

VI

égal aux noms portés sur le tableau n° 8 ; nous les avons jetés dans une urne ; nous avons fait l’appel de tous les conscrits ; chacun a tiré ou fait tirer un billet ; le numéro inscrit sur led(it) billet a déterminé le rang du conscrit sur la liste de désignation. Nous avons eu égard aux arrangements faits à l’amiable entr’eux et nous avons ensuite définitivement clos et arrêté la liste de désignation, en portant sur le tableau n° 9 le nom de chaque conscrit en regard du numéro qui lui a été assigné par le sort ou par les arrangements particuliers qu’il a faits. Une copie des désignations pour l’armée active et pour la réserve a été remise à l’officier de recrutement et une copie à l’officier de gendarmerie.

Nous avons rappelé aux conscrits les obligations de ceux qui sont destinés aux armées, à la réserve ou au dépôt ; des remplaçants et des remplacés, après quoi nous nous sommes occupés de donner notre opinion sur les indemnités à payer par les réformés. Nous avons retiré les certificats de contributions, nous avons porté sur le tableau n° 10 les noms de neuf conscrits que nous avons considérés comme passibles de l’indemnité et sur le n° 11 les noms de vingt quatre que nous avons jugés exempts.

Nous avons reconnu que le nombre des noms portés sur les deux tableaux est égal à celui des hommes portés aux tableaux n° 2 et 3.

Enfin=

VII

VIII

nous avons vérifié les onze différents tableaux formant l’ensemble de notre opération, nous les avons trouvé réguliers, nous les avons fait signer par tous les membres de la commission, nous avons certifié conforme la copie qui en a été faite pour le Préfet ; nous l’avons adressée à ce magistrat avec copie du présent que nous avons clos lesdits jour et an que dessus.

Pour copie conforme à la minute le Sous Préfet du premier arrondissement du départ(emen)t de Seine et oise.

Bormel

IX

X

Annexe II - États de service de Jean Jacques Joseph Malèvre (dossier de demande de médaille de Sainte-Hélène – 1857).

XI

XII

République Française

Liberté, Égalité, Fraternité.

Par ordre du ministre de la Guerre Le secrétaire général

Certifie à tous qu’il appartiendra que des registres matricules et documents déposés aux Archives de la Guerre a été extrait ce qui suit :

Malèvre (Jean Jacques Joseph), fils de Jean et de Marie Madeleine Halet, né le 21 Xbre 1783 à Épône (Seine-et-Oise),

Soldat au 86ème de ligne (852) le 10 Prairial an 13, grenadier, le Prisonnier de guerre par les Anglais à Osmas (Espagne) le 18 Juin 1813, Rentré et incorporé au 86ème / 74ème régiment (70), le 22 août 1814, Réformé, le 30 8bre 1814.

En foi de quoi il a été délivré le présent Certificat, pour servir et valoir ce que de raison.

Fait à Paris, le 21 Juin 1850 (signé) Bourjade

Pour copie conforme certifiée par nous Maire de la Commune d’Épône, canton de Mantes, à Épône ce 8 Octobre 1857.

Lefebvre

/...

XIII

En marge :

Ministère de la Guerre

Secrétariat général

Bureau des Lois et Archives

Enregistré n° 21531

Expédié : (signé) Morlay

Vérifié : (signé) Le sous chef Debèse

Le chef du Bureau (signé) Moraun

Délivré gratis à M. le Maire (d’) Épône (Seine et Oise) (en) (r)éponse à sa lettre (du) ... Mai 1850

XIV

Annexe III - Acte de donation entre vifs de Gabriel Surgis et Marie Charpentier, son épouse, pour Marie Catherine et Jean Baptiste Surgis, leurs enfants (18 février 1747).

XV

XVI

18 febv(rier) 1747 Do(nati)on entre vifs de 1550 lt

Furent pr(ése)nts Gabriel Surgis l’ainé, laboureur, et Marie Charpentier sa femme qu’il autorise à l’effet des pr(ése)ntes, dem(euran)ts à la Villeneuve, p(aroi)sse et sur Mézières, baillage de Mante, lesquels ont dit et déclaré de bonne foy que lorsque Marie Catherine Surgis, à pr(ése)nt âgée de trente sept ans ou environ et Jean Baptiste Surgis, âgé d’environ trente un an, leurs fils et fille, ont esté en estat de servir comme domestiques, ils les ont priez de consentir qu’ils se retirassent de la maison de leurs père et mère pour servir comme domestiques chez des personnes étrangères pour gagner des gages et faire leur proffit particullier comme ont fait plusieurs de leurs autres enfants. Ils obligèrent lesd(its) Jean Baptiste et Marie Catherine Surgis leurs enfants à rester avec eux en leur maison et les arêttèrent comme des domestiques étrengers pour leur ayder à faire valloir et cultiver leurs biens et héritages sous promesses verballe de leur payer leurs gages et services au lieu de prendre des domestiques étrangers qu’il auroit fallut nourir et payer, ce qu’ils ont fait depuis que chacun d’eux avoit acquis seize ans jusqu’à pr(ése)nt, à cause de quoy ils reconnoissent estre débiteurs et redevables ausd(its) Jean Baptiste et Marie Catherine Surgis la somme de cinq cens cinquante livres, ce qui fait pour chacun d’eux celle de deux cens soixante quinze livres, et voullant lesd(its) Gabriel Surgis et sa femme s’acquitter de cette somme si légitimement dus mesme les égaller à ce que aucuns de leurs enfants mariées ont eu en dot de mariage et autrement.

Iceux Gabriel Surgis et Marie Charpentier sa femme ont par ces p(rése)ntes donné, céddé et délaissé par donnation perpétuelle et irrévocable faitte entre vifs par la meilleure forme et manière que donnation peut se

XVII

XVIII

valloir, et pour plus de seureté d’icelle promettent et s’obligent solidairement sous les renonciations des droits requies, garantie de tous troubles et autres enpêschements générallement quelconques ausdits Jean Baptiste Surgis et Marie Catherine Surgis, frère et soeur majeurs, leurs enfants cy devant nommez, dem(euran)ts avec eux aud(it) lieu de la Villeneuve, p(aroi)sse de Mézières, en leur maison et comme leurs domestiques, à ce p(rése)nts et acceptant pour eux et leurs hér(itie)rs et ayants causes chacun pour moitié, premièrement, une maison sise à la Villeneuve, susd(ite) p(aroi)sse de Mézières en laquelle lesd(its) donnateurs sont dem(euran)ts, couverte de thuille et chaulme appliquée à plusieurs corps de logis et bastiments, écuries, foulloir, estables, granges, lieux cours et jardin, encloz de murs, app(...), circo(...) et depend(...) sans en rien réserver, tenant d’un costé les hér(itie)rs de Romain Lecocq, d’autre costé Laurent Thévenon, d’un bout M(onsieu)r et M(ademois)ele de Marville, et d’autre bout le chemin du vuide, item dix huit perches de terre plantée en partye d’arbres fruitiers dans lesquelles il y a une mare d’eau, et de saulles, sise aud(it) lieu de la Villeneuve, devant la porte de lad(ite) maison, d’un costé lad(ite) vuide, d’autre costé la v(eu)ve Estienne Louchard, d’un bout le chemin et d’autre bout lad(ite) Leleu, item cinquante trois perches et demye de terre au terroir de Mézières, lieud(it) le Cornouiller, d’un costé le s(ieu)r Saussay, d’autre costé lesd(it)s Desjardins, d’un bout le chemin, d’autre bout lad(ite) Mazade, item cinquante perches de terre au terroir d’Éposne lieud(it) le Pestre, d’un costé led(it) sieur de Marville, d’autre costé Louis Maraire, d’un bout le chemin, d’autre bout plusieurs, item quarante perches de terre aud(it) terroir lieud(it) les Grosses Pierres, d’un costé la terre de la chapelle de S(ain)te Restitude, d’autre costé led(it) sieur de Marville, d’un bout le chemin, d’autre bout plusieurs,

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item vingt deux perches de terre aud(it) terroir de la Villeneuve, encloz de hayes vifs par un costé et un bout dans les maisons tenant d’un costé la veuve Romain Surgis, d’autre costé Gabriel S(ain)t Aubin et Laurent Hauducoeur, d’un bout le chemin, d’autre bout la vuide des maisons, item vingt cinq perches de terre au terroir de Mézières lieud(it) la Haute Couche, d’un costé Sébastien Febvrier, d’autre costé Denis Masson et Guillaume Faverot, d’un bout Jacques Thévenon, d’autre bout Ambroise Pelletier, item huit perches de vigne aud(it) terroir et mesme lieu, d’un costé Jean Baptiste Marais, d’autre costé les hé(ritie)rs de Nicolas Placet, d’un bout Jacques Thévenon, d’autre bout le meurger de pierre.

Lesdites maison, lieux et dépendances et héritages cy dessus expliquez et donnez ainsy qu’ils se poursuivent et comportent et sans aucune livraison de Mézières appartenants auxd(its) donnateurs, et les meubles vifs et morts app(artenan)ts auxd(its) donnateurs contenus et détaillez dans un état et mémoire qui en a esté fait estimez à la somme de quatre cens livres demeuré annexé à ces p(résen)tes, signé et paraphé desd(its) Surgis père et fils et à la réquisition des partyes par les no(tai)res sous(signés) pour estre trenscript en fin des expéditions des p(résen)tes, pour desd(its) biens, meubles et immeubles cy dessus donnez jouir par lesd(its) donnataires chacun pour moitié en pleine proprietté, faire et disposer dès à p(rése)nt comme leur app(artenan)ts sous la réserve néantmoins que font lesd(its) donnateurs

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de l’usufruit et jouissance seullement de lad(ite) maison, lieux cours, jardin et dépendances cy dessus donnez, pendant leurs vies et jusqu’à leurs décès et jusques au décès du dernier vivant sans aucune diminution par le décès du premier mourant à titre de constitut et de précaire suivant la coutume, qui seront réunis et consolidez à la proprietté de lad(ite) maison et lieux au moment du décès du dernier vivant, consentant lesd(its) donnateurs à l’effet des p(résen)tes que lesd(its) donnataires prennent la délivrance desd(its) meubles cy dessus donnez, contenus et détaillez dans led(it) état et mémoire, quand ils aviseront, qui sont présentement dans lad(ite) maison et lieux et en faire le partage entr’eux ainsy que desd(its) héritages donnez quand ils aviseront bon estre, et sous lad(ite) réserve d’usufruits, jouissances et revenus de lad(ite) maison, lieux et dépendances, lesd(its) donnateurs se sont démis, désaisis et dévestus de tous lesd(its) biens, meubles et immeubles et proprietté d’yceux, voulant et consentant que lesd(its) donnataires leurs hé(ritie)rs et ayans causes en soient vestus, saisis, mis et receus en bonne et deus possession par qui et ainsy qu’il appartiendra, constituant à cette fin leur procureur le porteur des p(résen)tes, luy en donnant pouvoir, et ont les partyes estimé lesd(its) biens, meubles et immeubles de lad(ite) donnation, scavoir lad(ite) maison, cours, jardin, lieux et dépendances et lesd(ites) dix huit perches de terre scituée devant lad(ite) maison cinq cens cinquante livres, les autres héritages six cens livres et lesd(its) meubles contenus aud(it) état et mémoire quatre cens livres.

Cette donnation entre vifs faitte à la charge des cens et droits seigneuriaux pour l’avenir dont les biens immeubles sont chargez annuellement et

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pour demeurer quitte par lesd(its) donnateurs envers lesd(its) donnataires leurs enfants de la somme de cinq cens cinquante livres, à laquelle est cy devant estimé et évallué ce qui leur est deub de loyer et service, au pardessus, des habits et entretiens à eux fournyes jusqu’à p(rése)nt en nouritures, et le surplus montant à mil livres en avancement d’hoirie sur les successions futures desd(its) donnateurs leurs père et mère, et pour plus de validité de la p(rése)nte donnation, les partyes en ont consenty l’ynsinuation aux greffes et bureau du centième denier du baillage de Mante et partout ailleurs, et dans les temps que besoin sera suivant les édits arrests et déclarations du Roy, et constitué leur procureur le porteur des p(rése)ntes, luy en donnant pouvoir, car ainsy pro(mettant), obl(igeant), re(nonçant), fait et passé aud(it) Mante en l’estude de Lhuistre, l’un des no(tai)res soussignez, le dix huit febvrier mil sept cent quarante sept, et ont signé à la réserve de lad(ite) Charpentier et de lad(ite) Marie Catherine Surgis qui ont déclaré ne scavoir écrire ny signer de ce interpelléez et ont fait leurs marques ord(inai)res

(signé) gsurgis J’B’Surgis Daret Lhuistre marque de lad(ite) Charpentier marque de lad(ite) Surgis

Controllé et vérifié à Mantes le 25 febvrier 1747 (...) la somme de vingt huit livres et quatre sols.

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État et mémoire des meubles vifs et morts app(artenan)ts à Gabriel Surgis l’aîné et Marie Charpentier sa femme dont ils veulent faire donnation à Jean Baptiste Surgis et Marie Catherine Surgis leurs enfants, premièrement deux vaches, l’une sous poil brun loup et l’autre sous poil noire, item deux cavalle sous poil noires avec leurs enharnachures, item une couverture de laine blanche, item soixante aulne de toille de chanvre neuve en deux pièces, item deux coffres de bois fermant à clefs, l’un de merizier et l’autre de chêne, item une cuve à cuver vin de bois de chêne couverte de cerceaux contenante environ quatre muids, qui est toutte dressée dans la maison, item une charue de bois d’orme garnye de son socq, contre, et fermant, item une charette à deux grandes roues ferrées et l’essieu de fert, item une autre grande charette sans roues ny essieu contenante treize à quatorze pieds de charges, item un acquet de bois d’ormes propre à charger du vin, item un tombereau de bois sans roues ny essieu, item un grand chaudron, une bassinoire, un réchaux, le tout de cuivre, item deux marmittes de fert, l’une grande

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et l’autre petitte avec leurs couverts, item deux plats et un bassin, une pinte et une chopine, une éguière, quatre assiettes, le tout d’étin commun et fin, item deux douzaines de chemises de toille de chanvre commune, scavoir une d’usage d’homme et l’autre d’usage de femme, item seize draps de pareille toille de trois aulnes et demye chacun, item une table carrée avec ses pieds de bois de chêne, item un bois de lit de merizier avec la paillasse de toille, tous lesd(its) meubles estimez ensemble la somme de quatre cens livres.

Paraphé au desin du contrat de donation entre vifs de ce jourd’huy dix huit(ièm)e febvrier mil sept cent quarante sept passé par les no(tai)res du Roy à Mantes sous(signe)z,

(signé) gsurgis J’B’Surgis Daret Lhuistre

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Annexe IV - Contrat de mariage entre Claude Adrien Guillin Blanchard et Suzanne Surgis (1er avril 1751).

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Mariage

Furent présents Claude Adrien Guillin Blanchard, marchand de vin à Paris, fils de déffunt Adrien Blanchard et de déffunte Madeleine d’Houssie sa femme, ses père et mère, lorsqu’ils vivaient demeurant en la p(aroi)sse de Fonsomme, diocèze de Noyon, demeurant à Paris rue de Jouy, p(aroi)sse S(ain)t Gervais, pour luy et en son nom d’une part, et Suzanne Surgis, fille majeure demeurante à Paris rue S(ain)t Marc, p(aroi)sse S(ain)t Eustache, fille de Gabriel Surgis et de Marie Charpentier sa femme, ses père et mère, demeurant au hameau de la Villeneuve, p(aroi)sse de Mézières proche Mantes sur Seine, desquels ses père et mère elle a dit avoir le consentement à l’effet des présentes, pour elle et en son nom d’autre part.

Lesquelles parties sont convenues entre elles des clauses et conditions qui suivent, du futur mariage dud(it) Claude Adrien Guillin Blanchard avec lad(ite) Suzanne Surgis qui sera incessament célébré en face et sous la licence de l’Église, à la première réquisition de l’un ou de l’autre d’eux ainsy qu’ils le promettent et s’y obligent respectivement.

En la présence de s(ieu)r Jean Blanchard, bourgeois de Paris, oncle du futur époux, de s(ieu)r Pierre Blanchard, aussi bourgeois de Paris, aussi oncle du futur époux, de m(aîtr)e Martin le Seig(neu)r, payeur des gages des officiers du parlem(en)t de Bordeaux, de d(am)e Marie Anne Françoise Desjardin son épouse, neveu et nièce de la future épouse, de M. le Président Dubois, de M. Dubois d’Anizy, con(seill)er au parlement, de M. Dubois de Courvat, aussi con(seill)er au parlem(en)t et comm(issai)re aux requêtes du palaisn de M. Texier de Maisoncelle, brigadier des armées du Roy, lieutenant-colonel du régiment de cavalerie Clermont-Prince, de M. le Duc et de Mad(am)e la Duchesse de Broglie, de Mad(am)e la Baronne de Bézenval, née Comtesse Bielinska, de M(ademoisel)le la nièce de Broglie, de M. Poulet, s(ei)g(neu)r de la Tour, mestre de camps de cavalerie, de M. de S(ain)t Martin, p(rocureu)r général de la connétablie, de Mad(am)e son épouse, de M(ademoisel)le de Blais, de M. Fournier, directeur [es fermes, du s(ieur) Jean David, bourgeois de Paris et de d(emoise)lle Marie Anne Prévot son épouse, amis desd(its) futurs époux.

C’est à scavoir que lesd(its) futur et d(emoise)lle future époux

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seront communs en tous biens meubles et conquêts immeubles, suivant la coutume de Paris, au désir de laquelle leur communauté sera régie et les biens d’icelles partagés et réglés de même que les conditions dud(it) mariage, quand même ils seraient cy après leur(dite) demeure, et des acquisitions en paye(men)t de dispositions et viager contraires auxquels il est expressément dérogé et renoncé.

Ils ne seront néantmoins tenus des dettes et hypotèques l’un de l’autre, faites et créées avant la célébration de leur mariage, et si il y en a, elles seront payées et acquittées par celuy desd(its) futurs époux qui en sera tenu, et sur ses biens sans que ceux de l’autre en puissent être tenus et chargés ny de lad(ite) communauté en puissent être chargés.

Lesd(its) futurs époux se prennent aux biens et droits à chacun d’eux appartenant et qui leur appartiendront par la suite.

Ceux de lad(ite) future épouze consistent p(remièremen)t en deux cens livres de rente au principal au d(enie)r vingt de quatre mille livres constitués à son proffit sur le clergé général de France par contrat passé devant m(aîtr)e Bronod et son confrère, no(tai)res à Paris le premier avril mil sept cens quarante sept n° 983, et d(euxièmemen)t en meubles meublant, deniers comptans, hardes, effets, le tout de la valeur de quatre mille livres, le tout provenant des gains et épargn(es) de lad(ite) d(emoise)lle future épouze et qu’elle s’oblige à fournir et délivrer aud(it) sieur futur époux avec la grosse dud(it) contrat la veille de leur mariage.

Quant aux biens dud(it) futur époux, ils consistent en pareille somme de huit mille livres composés tant de meubles meublant que marchandises de son commerce dont il a justiffié à lad(ite) future épouze.

Desd(its) biens desd(its) s(ieur) et d(emoise)lle futurs époux, il entrera en lad(ite) communauté trois mille livres de la part de lad(ite) d(emoise)lle future épouze et pareille somme de trois mille livres de la part dud(it) futur époux, et le surplus de leurd(its) biens, ensemble ceux qui leur écheront par la suitte, tant en meubles qu’immeubles par succession, donnation, legs ou autrement, seront et demeureront propres et aux leurs de chaque côté et ligne, ledit futur époux a doté et doué lad(ite) d(emoise)lle future épouze d’une somme de trois mille livres de douaire préfix une fois payé dont elle jouira du jour qu’il aura lieu sans être tenue d’en faire demande en justice, à l’avoir et prendre sur tous les biens présens et à venir dud(it) futur époux, et demeurera le fonds dud(it) douaire propre aux enfans qui naîtront dud(it) mariage.

Le survivant desd(its) futurs époux prendra par préciput et avant partage des biens de lad(ite) communauté immeubles ou dépendances

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tels d’iceux qu’ils voudront choisir suivant la prisée de l’inventaire qui en sera faite et souscrite jusqu’à concurrence de la somme de quinze cens livres, ou lad(ite) somme en deniers comptans, au choix du survivant.

L’action pour les remploys des propres qui seront vendus, rachetés ou élliminés constant led(it) mariage appartenant à l’un ou à l’autre desd(its) futurs époux est stipulé et demeurera immobiliaire et propre à chacun d’eux ou aux leurs de chaque côté et ligne respectivement.

Arrivant la dissolution de lad(ite) communauté, lad(ite) d(emoise)lle future épouze et les enfans qui naîtront dud(it) mariage, en y renonçant reprendront tout ce que lad(ite) d(emoise)lle future épouze aura apporté aud(it) mariage et ce qui luy sera (cédé) durant iceluy à quelque titre et de telle nature que ce soit ou puisse être, même lad(ite) d(emoise)lle future épouze survivante, ses douaire et préciput cy dessus stipulés, le tout franc et quitte de dettes ou hypotèques de lad(ite) communauté, quand même lad(ite) d(emoise)lle future épouze s’y serait obligée ou y aurait été condamnée, dont elle et sesd(its) enfans seront acquités et indemnisés par led(it) futur époux et sur ses biens pour raison de laquelle indemnité, ensemble pour l’exécutio(n) desd(ites) autres charges et conditions du présent contrat, il y aura hypotèque de ce jour sur tous les biens présens et à venir dud(it) s(ieur) futur époux.

Et pour l’estime singulière que lesd(its) futurs époux ont dit avoir l’un pour l’autre et désirant s’en donner des marques, ils se sont par ces présentes respectivement fait donnation entre vifs et irrévocable pour les survivant d’eux, ce qu’ils ont accepté chacun à leur égard pour led(it) survivant, de tous les biens meubles, immeubles auquels conquêts et propres, droits et actions et autres, sans aucune exception ny réserve, en quelques lieux qu’ils se trouvent, ou scitués et assis, qui se trouveront appartenir au premier mourant au jour de son décès, pour par led(it) survivant en jouir en usufruit sa vie durant, à sa caution juratoire lesd(ites) parties se dispensant respectivement en donner caution, mais à la charge de faire faire bon et fidel inventaire.

Laquelle donnation au surplus est ainsy faite pourvu qu’au jour du décès le premier mourant desd(its) futurs époux, il n’y ait aucun enffant, né ou à naître dud(it) mariage, car si il y en a lad(ite) donnation demeurera nulle et sans effet et néantmoins elle reprendra sa force et vertu si lesd(its) enfans viennent à décéder en minorité sans laisser d’enfans, ou si ils font profession en relligion en minorité.

Et pour faire insinuer ces présentes partout où besoin sera,

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lesd(ites) parties ont fait et constitué leur procureur le porteur auquel elles lui donnent pouvoir, car ainsy à ce convenu promettant et obligeant, chacun à son égard renonçiant.

Fait et passé à Paris, scavoir par l’appose auxd(its) s(ieur) et d(emoise)lle futurs époux en l’étude de Sauvaige l’aîné et no(tai)res soussignés et quant aux autres parties en leurs demeures, l’an mil sept cens cinquante un, le premier avril avant midy et ont signé

(signé)

Dubois Dubois d’Anizy la Duchesse de Broglie Dubois de Courvat Maisonsel la Baronne de Besenval née C(omte)sse Brelinska Besenval de Broglie le Duc de Broglie M(aîtr)e Blais Marade De Blais de Connay Suzanne Surgis C a g Blanchard J. Blanchard Poulet de la Tour Leseigneur Martin Fournies de StMartin Fournier David Blanchard Prevost Desjardins Leseigneur (De Sintray) Sauvaige

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Annexe V - Procès-verbal du conseil de famille du 29 mai 1810, demandé par Jean Baptiste Garochaud.

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Conseil de famille qui autorise Jean Baptiste Garochaut, Expédition délivrée mineur, à contracter mariage avec Margueritte Anastasie Surgis dem(euran)te à Épône. N° 43

Aujourd’hui vingt neuf mai mil huit cent dix, devant nous Perrin Pasquier Prisson, juge de paix du canton de Chevreuse, trois(ièm)e arrondissement du dép(artemen)t de Seine et oise, assisté de notre greffier, est comparu Jean Baptiste Garochaut, domestique, demeurant de présent commune de Villette, arrondissement de Mantes, mineur, âgé de vingt ans huit mois, étant né le vingt sept septembre mil sept cent quatre vingt neuf dans la commune de Dampierre, fils du déffunt Jean Pierre Garochaut, maréchal ferrant et de feue Marie Anne Grésillon sa femme, ses père et mère, tous deux décédés commune dudit Dampierre les vingt huit octobre mil sept cent quatre vingt dix et quatorze février mil sept cent quatre vingt douze.

Lequel nous a dit qu’étant dépourvu de tuteur par le décès du s(ieu)r Martin Fosset, vigneron audit Villette, qui avait été nommé pour tuteur par l’avis des parents et amis suivant le procès verbal qui en a été rédigé par Charles Robert Legendre, juge de paix de ce canton, le vingt trois février mil sept cent quatre vingt douze, enregistré à Chevreuse le vingt sept dudit mois de février, il a convoqué ce jourd’hui volontairement devant nous en conseil de famille ses parents et amis à l’effet de délibérer sur l’objet ci après.

Lesquels parents et amis sont 1e Pierre Marc Moreau, tisserand, demeurant audit lieu de Villette, beau frère dudit Jean Baptiste Garochaut à cause de Marie Anne Geneviève Garochaut sa femme, 2e Jean Baptiste Grésillon, garde des propriétés de Monsieur de Chevreuse, demeurant à la porte de la Ferté, commune de Dampierre, oncle maternel dudit Jean Baptiste Garochaut, 3e Louis Nicolas Bénard, rentier, 4e Pierre François Simon, propriétaire, 5e Pierre Lesbatz, peruquier, 6e et Jean Robert, cordonnier, demeurants tous quatre audit Chevreuse, ces quatre derniers, amis dudit Jean Baptiste Garochaut comme pour avoir induy relations habituelles d’amitié avec ses père

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et mère.

Tous les six composant sous notre présidence le conseil de famille dudit Jean Baptiste Garochaut, auquel conseil de famille ledit Garochaut a exposé que ses père, mère, ayeux et ayeules étants décédés, et désirant se marier, il a convoqué cedit jour devant nous la formation dudit conseil de famille pour délibérer sur le mariage qu’il se propose de contracter avec Margueritte Anastasie Surgis, âgée d’environ vingt deux ans, fille de François Joseph Surgis, charretier, et de Marie Catherine Beaucher sa femme, demeurant tous à Épone, susdit arrondissement de Mantes.

Ledit conseil de famille, après avoir prêté le serment en pareil cas requis, considérant que le mariage projetté entre ledit Jean Baptiste Garochaut et ladite d(emoise)lle Margueritte Anastasie Surgis ne peut être qu’avantageux audit s(ieu)r Garochaut, nous a dit et déclaré qu’il est unanimement d’avis d’autoriser comme de fait il autorise ainsi que nous, président dudit conseil de famille, ledit Garochaut à contracter mariage avec ladite d(emoise)lle Surgis d’après les formes voulues par la loi.

Comme aussi ledit conseil de famille nous a dit et déclaré qu’il est unanimement d’avis de nommer comme de fait il nomme, ainsi que nous président, pour tuteur spécial à l’effet d’assister en tout que besoin ferait ledit Garochaut dans sondit mariage, ledit s(ieu)r Moreau, son beau frère, lui donnant à cet effet toute autorisation que besoin fera. Ledit s(ieu)r Moreau ayant déclaré accepter ladite charge a aussitôt prêté en nos mains le serment de bien et fidèllement s’acquiter de ses fonctions.

Dont et de tout ce que dessus a été rédigé le présent procès verbal que nous avons lu aux comparants, lesquels ont signé avec nous et notre greffier à l’exception dudit Garochaut et dudit Moreau qui ont déclaré ne savoir écrire ni signer de ce requis suivant la loi.

(signé) Jean Baptiste Grésillon Benard Simond Jean Robert Barré Lesbatz Prisson

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Annexe VI - L’expansion urbaine d’Épône depuis la construction de ses remparts en 1588.

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Mézières

Velannes

mur d’enceinte

portes de la ville

Depuis la fin du XVIème siècle et la construction des fortifications, et jusqu’à la fin du XXème siècle, le développement urbain d’Épône s’est réalisé essentiellement au nord du bourg, le long des principaux axes de communication terrestres, la route de Mantes à Paris et la voie de chemin de fer Paris - Normandie.

Les villages d’Épône et Mézières s’en sont trouvés reliés après la seconde guerre mondiale, mais c’est surtout dans les années 1970 et 1980 que ces bourgs se sont étoffés, par l’afflux de travailleurs de l’industrie automobile.

Les hauteurs d’Épône, au sud, ont ensuite accueilli l’implantation de plusieurs résidences pavillonnaires, densifiant l’habitat des zones plus rurales de la commune en direction du hameau naguère isolé de Velannes.

L’expansion urbaine fut aussi professionnelle, par la création de zones commerciales et industrielles au nord du bourg, de l’autre côté de la route de Mantes à Paris.

Le tracé des anciennes fortifications d’Épône montre le chemin parcouru en quatre cents ans.

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