SPECTACLE DU MONDE

LES MERCREDIS DE PAUL VI

TRAVAUX ET MÉMOIRES DE LA FACULTÉ DE DROIT

ET DE SCIENCE POLITIQUE D'AIX-MARSEILLE

N° 19

SPECTACLE DU MONDE LES MERCREDIS DE PAUL VI (Sciences sociales : analyses de contenus)

par Christian LOUIT et Jean-Claude RICCI

Préface de Jean PIVASSET Maître de Conférences, agrégé à la Faculté de Droit et de Science Politique d'Aix-Marseilie

PRESSES UNIVERSITAIRES DE

108, boulevard Saint-Germain, 1974

PRÉFACE

On a plaisir à présenter au public les études de sciences sociales de Messieurs Louit et Ricci : comme le lecteur en jugera probablement, chacune est intéressante par son sujet, originale comme monographie, sérieuse dans son traitement documentaire, enfin prudente et avertie dans ses interpréta- tions. Leur réunion dans une publication apporte un enseignement supplémentaire, en attirant l'attention sur la méthode respectivement choisie par chaque auteur. M. Louit se proposait de faire une "étude de presse", susceptible d'offir un éclairage plus complet et nuancé sur la physionomie de certaines tendances de la droite française. M. Ricci voulait cerner le but particulier des "au- diences générales" du mercredi à l'intention des pèlerins, et la fonction qu'assigne à cette institution le Pape Paul VI. Pour atteindre au mieux ces objectifs, Messieurs Louit et Ricci ont appliqué délibérément et complètement le principe de l'ajustement de leur méthode à l'objet d'étude (et non pas l'inverse) : "Le fond commande la méthode" a été leur règle d'or dans tous les choix méthodologiques. En conséquence, ils ont abouti à des conclusions pratiques opposées au niveau des techniques d'analyse. L'un conscient de ce que l'"analyse de contenu" dans ses règles maintenant bien établies, aurait eu d'un peu raide et contraint, appliquée à son sujet, a choisi de tirer au mieux la ligne d'un compromis entre d'une part, l'analyse classique de texte utilisée par exemple dans la critique littéraire ou histo- rique, critique interne et critique externe, et d'autre part, le type d'analyse caractérisé par la quantification et une certaine formalisation. Soumettant l'organe de presse à une étude globale, M. Louit ne renonce pas pour autant à intégrer dans ses développements documentaires les informations qui ressortent d'une étude quantitative plus limitée portant sur un corpus choisi et délimité à l'intérieur de son matériau global. Mais pour lui, il s'en explique suffisamment, l'analyse dite de contenu n'est qu'une technique subsidiaire, encore qu'utile. L'autre auteur a été amené à utiliser au contraire exclusivement l'analyse de contenu, quantitative, dans ses caractéristiques rigoureuses : c'est qu'il avait à sa disposition, lui, un corpus aisément accessible et précisément délimité ; c'est aussi qu'il se proposait de rendre compte non point de l'institution des audiences générales, ou de la pensée du Pape Paul VI, mais précisément de la politique des audiences générales que l'on peut éventuelle- ment dégager de leur contenu. De là le caractère bien différent de cette étude, lorsqu'on la compare à celle de M. Louit. On notera la grande attention que les auteurs des deux études portent aux qualifications des catégories et autres concepts qu'ils utilisent, témoi- gnant d'une inquiétude méthodologique chez M. Louit, nourrie d'un souci de rigueur théologique chez M. Ricci. Quant à l'intérêt et à la sympathie particulière que chacun éprouve pour son sujet, il n'y a rien là qui l'amène à renoncer à des observations critiques, lorsque jugées nécessaires. Regrettera-t-on que les significations sociales des contenus politiques mis au jour par M. Louit n'aient pas été analysées ? Regrettera-t-on que notre curiosité ne soit qu'imparfaitement satisfaite par les développements succints que M. Ricci consacre à l'examen des catégories les plus "mondaines" et politiques des audiences pontificales ? L'un et l'autre auteur pourrait faire valoir qu'une telle demande excèderait les limites de leurs projets respectifs et pour être satisfaite, représenterait un infléchissement, dans le sens d'une dilution et d'une interprétation au second degré (pour l'étude de M. Louit) ou dans le sens d'une sur-politisation des contenus (pour l'étude de M. Ricci). Félicitons les de leur austérité, qui témoigne de leur scrupule scientifique.

Jean PIVASSET Maître de Conférences Agrégé à la Faculté de Droit et de Science politique d'AIX — MARSEILLE Associate Professor University of Massachussetts Amherst ÉTUDE DE PRESSE

LA REVUE

« SPECTACLE DU MONDE »

Christian LOUIT

Diplomé de l'Institut d'études politiques Chargé de cours à la Faculté de droit et de Science politique d'Aix-Marseille

INTRODUCTION

La droite française a souvent bénéficié de l'appui d'une presse de qualité et de grande audience, de "l'Intransigeant" d'Henri de Rochefort au "Gau- lois" d'Arthur Meyer, à "l'Action française", "Gringoire" ou "Je suis partout". La seconde guerre mondiale et ses répercussions en France ont modifié la situation de cette presse. "Avant 1939, c'étaient "Candide" et "Gringoire" qui avaient les gros tirages. Aujourd'hui c'est "l'Express"" ( 1 ). Par là même, les journaux de droite ont perdu une partie de leurs moyens financiers : le capital ne s'intéresse qu'aux affaires rentables. On avait dit de la presse écrite qu'elle était le "Quatrième pouvoir". On admet aujourd'hui que son influence est limitée par la télévision et par un certain nombre d'autres facteurs : c'est le public qui choisit ses journaux, il est plus facile pour ceux-ci de structurer les opinions individuelles que de les former véritablement, la presse est même, en définitive, le résultat de l'opinion publique (2). Malgré ces réserves, la droite française s'est toujours efforcée de maintenir ses organes de presse : il s'agit, devant la "montée de la gauche", de prévenir "l'intoxication", de préserver les valeurs traditionnelles sur lesquelles elle repose. Mais cette presse est souvent confidentielle et éphémère, parce qu'elle dispose en définitive de moyens réduits. Désormais, c'est elle qui fait figure de parent pauvre, malgré les talents qui s'y dépensent (3), et se trouve dans une certaine mesure en butte à l'ostracisme de la profession. René Rémond (4) classe dans cette presse de droite le mensuel "Spec- tacle du Monde", magazine illustré d'information générale relativement mal connu. Cette affirmation ne pourrait surprendre que les lecteurs peu attentifs de la revue. Au demeurant toute publication d'information générale relève le plus souvent d'une tendance politique. Il est cependant intéressant de connaître les raisons et le degré de cet engagement : celui-ci s'explique-t-il par l'existence de liens financiers avec tel ou tel parti ou groupe de

(1) René Rémond, "la droite en France", p. 341 - Aubier, 1968. (2) Bernard Voyenne, "la presse dans la société contemporaine", p. 179 et suivantes - A. Colin, Collection "U", 1962. (3) René Rémond s/cité. (4) s/cité. pression ? Est-il occasionnel ou permanent, virulent ou nuancé ? Se limite- t-il aux rubriques politiques ou s'étend-il aux articles littéraires et aux critiques artistiques ? D'autre part, aux dires de M. Remond lui-même, la droite française n'est pas une. Il y a parfois plus de différence entre les diverses familles de cette droite qu'entre celle-ci et ce que l'on appelle la gauche. Dire de la revue "Spectacle du Monde" qu'elle est de droite ne suffit donc pas à la connaître. Une telle affirmation ne clot pas le sujet, elle l'introduit. La formule d'Harold Lasswell (5) précisant les grandes lignes de "l'analyse de contenu" appliquée à l'étude des communications "Qui parle ? Que dit-on ? Par quel moyen, à qui et avec quels résultats le dit-on ? " est désormais classique. Rechercher en effet les caractéristiques de la société éditrice, la personnalité des collaborateurs de la revue et de ses lecteurs dans le cadre d'une étude de presse semble tomber sous le sens ; analyser l'orientation de la revue également. Seules relèvent d'ailleurs de l'analyse du contenu "stricto sensu" les questions "que dit-on ? " et "par quel moyen ? L'originalité de l'analyse du contenu tient au fait que l'on a introduit, dans les réponses à ces dernières questions, des recherches statistiques, une analyse "quantitative". Les sciences sociales, par souci d'objectivité, rejoi- gnent ici, avec plus ou moins de bonheur, la statistique. Méthode ambitieuse, difficile à manier dans le cadre d'une étude non dirigée, incontestablement ennuyeuse pour le chercheur, l'analyse quantitative n'exclut pas une recher- che ouvertement plus subjective, qualifiée de "qualitative" par opposition à la première. L'analyse de contenu, en raison des techniques qu'elle emploie, est nécessairement longue à réaliser. Pour cette raison, nous avons centré notre travail sur l'année 1970. Cependant, contrairement à l'attitude adoptée pour l'analyse du contenu proprement dit, il ne nous a pas semblé logique de faire de cette limitation une règle absolue pour l'étude de "l'émetteur" et du "récepteur" (6). I partie : La Compagnie française de journaux, "Spectacle du Monde" et ses lecteurs. II partie : le contenu de "Spectacle du Monde".

(5) Harold Lasswell, "l'analyse du contenu et le langage de la politique", R.F.S.P., vol. II, n° 3, juillet-septembre 1952, p. 505-520. (6) Vocabulaire employé par Mme Grawitz, "Méthodes des sciences sociales ", Dalloz 1966, p. 468. PREMIÈRE PARTIE

LA COMPAGNIE FRANÇAISE DE JOURNAUX, < SPECTACLE DU MONDE » ET SES LECTEURS

On s'est souvent demandé si la presse influençait l'opinion publique ou si l'opinion publique conditionnait la presse. En fait, ces deux propositions ne s'excluent pas ; un journal résulte de la conjonction de plusieurs élé- ments : une société éditrice, des journalistes d'opinions parfois divergentes, des lecteurs représentant plusieurs catégories sociales. Il est le résultat de leur interaction. On ne peut donc connaître "Spectacle du Monde" sans avoir de données sur la Compagnie française de journaux, qui l'édite, et sur la clientèle qui lit la revue. Il n'est pas indifférent par exemple que "Spectacle du Monde" ne relève pas des grands groupes qui dominent la presse française (Hachette, Franpar, Amaury ...). Ces renseignements contribuent à éclairer le contenu de la revue.

CHAPITRE I

LA COMPAGNIE FRANÇAISE DE JOURNAUX ET SES PUBLICATIONS

La Compagnie française de journaux, qui édite le mensuel "Spectacle du Monde" et l'hebdomadaire "", c'est d'abord un homme, . Il dirige cette entreprise au caractère familial assez prononcé, et a su imposer une relative cohésion à des collaborateurs dont les choix, notamment politiques, sont parfois différents.

SECTION I - RAYMOND BOURGINE

"Self-made man", Raymond Bourgine est l'âme de la "Compagnie française de journaux" et de la revue "Spectacle du Monde", qui est sa création. Devenu une personnalité du monde de la presse, Raymond Bourgine s'intéresse de plus en plus aux affaires politiques. Né le 9 mars 1925 à Diégo-Suarez (), il est le fils d'un ancien gouverneur des colonies. Peu attiré par les études supérieures, il entre très jeune, après un bref passage à la Faculté de droit d'Alger, puis à l'Institut d'études politiques, dans la carrière journalistique : il est à 17 ans rédacteur- traducteur d'anglais à l'Agence France-Afrique. Mobilisé dans l'Armée de l'Air de 1943 à 1945, il n'est pas véritablement mêlé aux déchirements de la seconde guerre mondiale. Il entre, en 1945, comme rédacteur stagiaire dans un quotidien du matin paru à la libération, "Paris-Matin", qui devient "Ce matin, le pays", après sa fusion avec "Résistance, le pays". Raymond Bourgine est alors au service économique du journal (il collaborera également en 1946 au journal économique et financier " française"), Maurice Eisner, futur collaborateur de "Spectacle du Monde", étant au service étranger. C'est par Jean-Louis Finot, rédacteur en chef du journal qui participe également à l'hebdomadaire "Aux écoutes du monde" de Paul Lévy, que Raymond Bourgine a sa première chance. Paul Lévy veut en effet faire reparaître "Aux écoutes de la finance" (dont la publication a été interrompue pendant la guerre) et a besoin d'un jeune rédacteur. Très vite, Raymond Bourgine devient rédacteur en chef avec des pouvoirs étendus, Paul Lévy s'intéressant essentiellement à "Aux écoutes du monde". Le 1 janvier 1955, il est cogérant de la S.A.R.L. éditrice de "Aux écoutes de la finance" avec la moitié des parts. Un an et demi plus tard, le rachat de la deuxième moitié des parts fait de lui, à 32 ans, le Président Directeur Général de la Société éditrice de "Aux écoutes de la finance". Le titre évolue vers "Finance" qui, en 1961, a 23 000 abonnés, 14 000 acheteurs au numéro, et se situe au second rang pour le tirage et la diffusion dans la presse financière française. Une étude faite par Claude Tannery (1) montre, en s'appuyant sur les chiffres de l'O.J.D. (2), que l'affaire progresse. Elle souligne d'autre part ce qui sera une caractéristique de la Compagnie française de journaux : l'accroissement des abonnements et la diminution des ventes au numéro. Nous sommes alors au moment de la guerre d'Algérie et Raymond Bourgine s'intéresse à la politique ("Finance" contient d'ailleurs déjà un éditorial ou un article purement politique). Sans être "pied-noir", il a d'autre part des attaches familiales en Algérie. De ce désir de faire du journalisme politique naît le mensuel "Spectacle du Monde" en avril 1962, naissance que Raymond Bourgine impose contre l'avis de la majorité de son équipe. Le mensuel trouvera d'ailleurs très vite sa place sur le marché. En décembre 1962, la société modifie sa dénomination, devient la Compagnie française de journaux. Le mensuel "Spectacle du Monde" était une étape. En novembre 1966, "Finance" se transforme en "Valeurs Actuelles" hebdomadaire politique du format "Express" dont l'originalité tient, en raison de son histoire, à l'importance de la rubrique financière. L'hebdomadaire devient assez rapide- ment viable : en 1969-1970, il tire en moyenne à 106 366 exemplaires pour une diffusion de 97 265 (à titre de comparaison, pour la même période, l'"Express" tirait à 611 640 exemplaires pour une diffusion de 509 640) (3). — A ce stade, Raymond Bourgine est devenu une personnalité du monde de la presse : Il est membre du Conseil d'administration de la "Revue des deux mondes", dont la Compagnie française de journaux a acheté des actions, revue dirigée un temps par Claude Jeantet (4).

(1) Claude Tannery, "La sociologie des lecteurs de la presse économique et financière", Travaux et recherches de la Faculté de droit et des Sciences Economiques de Paris, PUF 1963. (2) Office de Justification de la Diffusion. (3) Source : O.J.D. En 1971-1972, le tirage moyen de "Valeurs Actuelles" est tombé à 100 566 numéros. (4) Ancien journaliste de "Je suis partout", condamné aux travaux forcés à perpétuité à la libération. Il est, à titre provisoire, de 1966 à décembre 1970, Président Directeur Général de la Société de l'"AGEFI" (Agence économique et financière). Rappelons que l'AGEFI est un quotidien (possédant le format d'une grande feuille affichable) d'information économique et financière qui occupe une place très importante dans les milieux d'affaires. L'AGEFI a, en 1966, des difficultés financières. Elle sera restructurée, après sa prise en charge par la Société Anonyme "La documentation technique internationale" (R. Bourgine fait partie du Conseil d'administration de cette dernière), qui rachète 90 % de ses parts (le rachat est d'ailleurs rendu possible par l'augmentation du capital de la "D.T.I.", réalisée grâce à l'apport de sociétés contrôlées par Péchiney, Citroën, la Compagnie Générale d'Electricité, Rhône-Poulenc, la Compagnie Suez ... les liens de l'AGEFI avec le "patronat" sont étroits). Raymond Bourgine lance en 1967 "Le Nouveau Journal", quotidien du soir destiné à remplacer "l'Information" qui reprenait sous forme d'articles les dépêches publiées le matin dans l'AGEFI. Parti d'un déficit, il dégage en 1970 un "cash-flow" (qui indique les possibilités d'autofinancement) de deux millions de francs, démontrant ainsi ses qualités de gestionnaire. Son départ en 1970 était prévu (5). Raymond Bourgine reste au demeurant Conseiller de l'AGEFI. Sa notoriété de journaliste et de gestionnaire est suffisamment établie pour qu'il participe, en 1972, à un débat télévisé sur l'avoir fiscal avec le Ministre des Finances, Valéry Giscard d'Estaing. — Mais le champ d'action de Raymond Bourgine déborde le journa- lisme. Il fait partie du Conseil d'Administration de la Faculté libre, autonome et cogérée de droit (FACO), il s'intéresse aussi à la politique : Membre du "brain-trust" de Jean-Louis Tixier - Vignancour lors des élections présidentielles de 1965, puis animateur de l'Alliance républicaine pour les libertés et le progrès fondée par Tixier-Vignancour au lendemain de ces élections, il a suivi l'évolution de ce dernier en soutenant aux élections présidentielles de 1969, et contre son équipe, la candidature de . Economiste libéral, lié aux milieux d'affaires, il adhère par la suite au Centre National des indépendants. Son hostilité au Gaullisme orthodoxe le conduit à être candidat aux élections législatives de 1973 dans le 8 arrondissement de Paris, contre Maurice Couve de Murville (6). Il représente assez bien la droite traditionnelle, libérale en économie, mais adepte d'un Etat fort. Bon gestionnaire, Raymond Bourgine est incontestablement le patron du "Groupe Bourgine" et son empreinte marque nettement les orientations de la revue "Spectacle du Monde".

(5) Pour la revue "L'Expansion" (janvier 1971 n° 37), ce départ pourrait s'expli- quer par le fait que Raymond Bourgine n'a pu obtenir la participation au capital qu'il souhaitait comme récompense. (6) Arrivé en 3e position au 1er tour, derrière l'ancien Premier Ministre et le can- didat réformateur, il se retirera au 2e tour. SECTION II - LA COMPAGNIE FRANCAISE DE JOURNAUX

La "Compagnie Française de journaux" constitue l'essentiel du groupe Bourgine, qui comprend cependant aussi une "Société française de librairie", éditant quelques journaux, mais dont l'importance est moindre. La Compa- gnie française de journaux est une société anonyme, au capital de 240 000 francs (ce qui est modeste), issue en décembre 1962 du changement de dénomination de la Société Anonyme éditrice de "Finance". Elle a son siège au 14 rue d'Uzès, Paris 2 où se trouve le service de publicité. En revanche les expéditions, le stockage des numéros, les ateliers sont sis 6-8 rue d'Uzès. Raymond Bourgine est le principal propriétaire et l'animateur d'une société dont les résultats financiers sont satisfaisants.

Paragraphe I — Les propriétaires et les dirigeants de la Compagnie française de journaux. — Raymond Bourgine est l'actionnaire majoritaire (51 % des actions) de la Compagnie française de journaux. Les autres actionnaires sont tout d'abord Madame Jeanine Bourgine (épouse de Raymond) et Joseph Raoul Bourgine (père de Raymond), ce qui donne à l'entreprise un caractère familial assez marqué. Madame Jeanine Bourgine collabore d'ailleurs à "Spectacle du Monde" (Iconographie) et à "Valeurs actuelles" (photographie) et Madame Gisèle Bourgine faisait partie jusqu'à une époque récente du service des relations extérieures du mensuel. Parmi les autres actionnaires, on relève également les noms de collabo- rateurs des publications de la Compagnie : Jean Loustau-Chartez, rédacteur en chef de "Spectacle du Monde" et de "Valeurs actuelles", François d'Orcival (pseudonyme d'Amaury de Chaunac-Lanzac) et Claude Jacquemart, tous deux assistants du rédacteur en chef de "Valeurs actuelles", Robert Renaut, qui appartient au service économique de cet hebdomadaire et Jacques Mauxion. Le reste du capital est partagé entre Fabienne Joiny, Madame Becke- Raud, Nicole Esquirol, Christian Demund, et Jacques Rebèche. — Les mêmes noms se retrouvent évidemment au Conseil d'Administra- tion : Raymond Bourgine, qui dirige la Société et est responsable des publications, Madame Becke-Raud, Jacques Rebèche, Raoul Bourgine, Christian Demund et Pierre Guitard (qui fait partie de la direction de "Valeurs actuelles" et de la rédaction de "Spectacle du Monde"). Il se dégage de ces renseignements l'impression d'une équipe soudée et solidaire. La Compagnie française de journaux est une entreprise où le travail et le capital ne sont pas distincts. Une anecdote citée par M. Raymond Bourgine permet d'illustrer ce lien : "A la fin du mois de mai 1968, on pouvait craindre que de grands dégâts fussent causés à notre entreprise par la grève prolongée. L'ensemble de notre équipe, réunie autour de moi, a pris alors une décision dont je ne connais pas d'autre exemple, ni dans la presse, ni même ailleurs : elle a accepté, en vue d'assurer l'avenir, une diminution immédiate et importante des appointements. Il n'y a pas eu une réticence. La suite a prouvé que nos craintes étaient injustifiées. Les appointements normaux ont depuis été rétablis avec rappel" (7). Cette anecdote, la faiblesse du capital social, le fait que beaucoup d'actionnaires sont également des collaborateurs des deux publications de la Compagnie française de journaux, permettent de penser que la société est financièrement indépendante. Cette indépendance est renforcée par une gestion financière satisfaisante.

Paragraphe II — La gestion financière La compagnie française de journaux est une société bien gérée, à l'heure où les difficultés sociales (conflits de "Paris-Normandie", de "Sud-Ouest", de "Paris-Jour") et financières ("l'Humanité", "Combat") se multiplient dans la presse. Elle est d'ailleurs une des rares entreprises de presse à publier (avec "" et l'hebdomadaire "Minute" notamment) des comptes som- maires destinés à l'information de ses lecteurs. Les chiffres ainsi révélés permettent quelques constatations relatives au compte d'exploitation et au bilan de la société. Il ne nous a cependant pas été possible d'obtenir les comptes intégraux de la Compagnie française de journaux pour ces dernières années : seuls ces comptes autorisent une étude financière approfondie.

A) Le Compte d'Exploitation Le compte d'exploitation présente les charges et les recettes normales d'une entreprise au cours d'un exercice. Il révèle ici tout d'abord la progression du chiffre d'affaires de la Compagnie française de journaux : il est passé de 8,8 millions de francs en 1966 à 16,3 millions en 1970. Cependant, le chiffre d'affaires de "Spectacle du Monde" plafonne (5,6 millions en 1967, 6,35 millions en 1969, 6,4 mil- lions en 1970) et est maintenant largement dépassé par celui de l'hebdo- madaire "Valeurs actuelles" (9,8 millions en 1970). Ceci s'explique par les recettes de publicité plus importantes réalisées par ce dernier. Globalement, pour les deux publications, la part de la publicité dans leurs recettes était en 1970 de 47 %, les 53 % restant provenant essentielle- ment des abonnements. Cette proportion est très inférieure à celle atteinte par certains journaux (82 % de recettes publicitaires dans "", en 1970, par exemple (8)). Elle reste également inférieure à celle qui est souhaitée par la revue, 50 % (Raymond Bourgine estime qu'au delà de ce pourcentage l'indépendance du groupe serait menacée).

(7) "Compte rendu à nos abonnés", "Spectacle du Monde", Décembre 1968. (8) "Valeurs actuelles" n° 1795 du 26 avril au 2 mai 1971. Le déséquilibre est surtout marqué pour le mensuel "Spectacle du Monde", où la part des ressources d'abonnement atteint 63,9 % du total des recettes, contre 46,1 % pour "Valeurs actuelles". D'autre part, pour le mensuel, l'évolution dénote une diminution du nombre annuel de pages publicitaires. La part de la publicité dans le chiffre d'affaires de "Spectacle du Monde" est d'ailleurs tombée de 38,5 % en 1969 à 36,1 % en 1970 : Outre l'explication conjoncturelle (l'année 1970 a été en général une mauvaise année pour la presse sur le plan des recettes publicitaires), Raymond Bourgine a pu dénoncer le barrage rencontré par la revue de la part des agences de publicité (9). Le directeur de la publicité, M. Rochelle, a précisé cette position en faisant valoir l'orientation de gauche de nombreuses agences de publicité (10). Mais d'autres raisons expliquent aussi, selon ce dernier, la modicité des ressources publicitaires : la relative faiblesse du tirage et de la diffusion de la publication d'une part, le fait que cette dernière soit assez mal connue d'autre part. Les tarifs de la publicité ne semblent pas en cause. Ils sont sensiblement comparables à ceux pratiqués par la revue "Réalités" par exemple, et nettement inférieurs à ceux d'une publication comme "l'Express" (11 ).

(9) "Spectacle du Monde", Décembre 1968. (10) Entretiens, Paris 1971. (11) A titre de comparaison, les tarifs publicitaires de la revue "Réalités" au 1/1/1971 étaient, en quadrichromie, de 9 500 F la page, 5 000 F la demi-page, 2 600 F le quart de page, et, en noir et blanc, respectivement de 7 000, 3 600 et 1 850 F. Une dégressivité de 1 % par page est accordée à partir de deux pages, jusqu'à 10 %. En fait, la signification d'une telle comparaison est limitée : il faut notamment tenir compte du tirage et de la diffusion de la revue, qui permettent de connaître le nombre des personnes touchées par le message publicitaire. Les tarifs publicitaires sont largement fonction de ces données et justifient, pour beaucoup de revues, un tirage important. Cet élément fait considérablement diminuer le prix véritable de la publicité dans des revues comme "Paris-Match" ou "l'Express". Les annonceurs tiendront également compte des caractéristiques de la clientèle d'une publication, des articles de fond en contradiction avec la publicité, etc. Le tarif n'a donc de signification que par rapport au résultat obtenu. La compagnie française de journaux a mené des études qui permettent de déterminer le coût réel et le coefficient de pénétration de la publicité, dans un milieu "cadre supérieur" pour certaines revues et certains produits. On peut en donner quelques exemples (page quadrichromie) pour 1970 :

(11) Suite Les tarifs publicitaires de "l'Express" sont bien plus élevés. En octobre 1970, pour l'édition France métropolitaine, ils étaient les suivants : (Sources : "Tarif media")

(Sources : "Tarif media") Quadrichromie annonces margées annonces fonds perdu

3e page couverture (rabat) — 98 000 F double page centrale - 80 000 F double page ordinaire 57 000 F 66 000 F

Noir et blanc

double page 32 600 F 37 500 F page (non divisible) 16 500 F 19 000 F Ces chiffres permettent de constater qu'après pondération, "Spectacle du Monde", qui nous intéresse particulièrement ici, n'est pas mal placé du point de vue de ses tarifs publicitaires. Mais le développement de sa publicité est freiné par la faible couverture de la population visée par les produits que nous avons donnés en exemple. Ceci est d'autant plus sensible que la population retenue ici est composée de cadres supérieurs uniquement. Ils constituent la catégorie socio-professionnelle la plus importante de la cli- entèle de "Spectacle du Monde". Les pourcentages élevés de couverture utile réalisés par "l'Express" et "Paris-Match" s'expliquent évidemment par leur tirage et leur diffusion : ils détermineront les annonceurs à s'adresser, pour un prix réel à peine plus élevé, à ces publications. Le compte d'exploitation de la Compagnie française de journaux laisse donc apparaître, plus particulièrement pour la revue "Spectacle du Monde", une donnée financièrement négative : l'insuffisance des ressources publici- taires. Malgré cela, les éléments de bilan présentés par la Compagnie traduisent une situation satisfaisante.

B) Le Bilan Le bilan est l'inventaire, en général annuel, de tout ce que l'entreprise possède (actif) et de tout ce qu'elle doit (passif). D'après les comptes embryonnaires présentés en 1970, le bilan de la Compagnie française de journaux est sain. Les sommes mises en réserve, qui doivent permettre de faire face à des évènements imprévus, à une mauvaise conjoncture, sont importantes (1,635 million pour un capital social de 240 000 francs). Le rapport d'endettement général est bon. Plus ce rapport (ou ratio)

est élevé, plus l'indépendance et la sécurité de l'entreprise sont assurés, "plus il sera facile à une entreprise de surmonter une crise économique qui pourrait déterminer une crise de confiance et un resserrement des crédits" (12). Il est de 1,19 en 1970 à la Compagnie française de journaux, c'est-à-dire que l'ensemble des fonds empruntés est plus que couvert par les capitaux propres de l'entreprise : ceci est une garantie pour les prêteurs. D'autre part, l'emploi des fonds empruntés semble normal. On considère notamment que les crédits à court terme ne doivent pas financer les valeurs immobilisées (constructions, machines ...) : ceci peut en effet créer des difficultés de remboursement. Or, ici les immobilisations sont couvertes par les capitaux propres de la Société, ces derniers permettant même de dégager un fonds de roulement propre (13). La structure de l'actif est satisfaisante. Les immobilisations n'en repré- sentent qu'une partie limitée (1/5 environ. Le ratio

est en 1970 de 4,7). Les économistes estiment qu'une entreprise qui a immobilisé une trop grande partie de son actif résiste difficilement aux crises économiques. Du point de vue des résultats financiers, l'entreprise est dans l'ensemble bénéficiaire (762 000 F en 1966, 421 000 francs en 1967, 385 287 francs en 1970) (14) et elle pouvait annoncer un "cash-flow" (15) de 1,06 million en 1970, et 1,469 million en 1971. Le bilan de la Compagnie française de journaux est donc dans l'ensemble favorable. M. Maurice Eisner, collaborateur de la Société, disait de celle-ci : "C'est une affaire de petite taille, qui grandit lentement, sans coup d'éclat, et tourne autour d'une personnalité". L'équipe de "Spectacle du Monde" regroupe, autour de cette personna- lité, une partie des actionnaires de la Compagnie, mais aussi des personnes financièrement étrangères à l'entreprise.

SECTION III — L'EQUIPE DE "SPECTACLE DU MONDE"

La liste des collaborateurs permanents ou occasionnels de "Spectacle du Monde" en 1970 (choisie comme année de référence) est assez longue, puisqu'on ne relève pas moins de 71 signatures. Si, dans l'ensemble, ces collaborateurs se situent à droite, il y a souvent entre leurs options politiques plus que des nuances.

(12) Depallens "Gestion financière de l'entreprise" p. 201, Sirey 1970. (13) Voir Depallens, s/ci, p. 197 et suivantes. (14) Les résultats de 1968 et 1969 ne nous sont pas connus. Il semble que la Société ait eu des difficultés financières au cours de ces années. (15) Le "cash-flow" exprime les possibilités d'autofinancement d'une entreprise. La notion de "cash-flow" est cependant discutée (v. Depallens, p. 360 et suivantes). Paragraphe I — La Composition de l'équipe en 1970 L'équipe de "Spectacle du Monde" s'articule autour d'un noyau central qui comprend deux rédacteurs en chef, Raymond Bourgine (responsable de la publication), et Jean Loustau-Chartez, Jeanine Bourgine à l'iconographie, Marie-Paule Trottet, secrétaire de rédaction, Jean Colin et Michel Hove respectivement pour les maquettes et la mise en page, enfin Pierre Guitard, Maurice Eisner, Jean-Daniel Scherb, Jean-Claude Varanne et Gisèle Bourgine aux relations extérieures. En fait, l'équipe est largement confondue à celle de l'hebdomadaire "Valeurs Actuelles", tant pour les correspondants à l'étranger (16) que pour les principaux collaborateurs de la revue, Pierre Toulza (politique intérieure), Jean Grandmougin (politique extérieure), François Vinneuil, pseudonyme de Lucien Rebatet (cinéma), Robert Poulet (littérature), Georges Hilaire (pein- ture), Paul Chambrillon (théâtre). Les journalistes qui participent à la rédaction de la revue "Spectacle du Monde", soit qu'ils fassent partie de la Compagnie française de journaux, soit qu'ils collaborent occasionnellement, peuvent être classés par ordre de fréquence des signatures (année 1970).

(16) Pierre Hofstetter (Londres), Charles Hoffer (Bonn), Luis de Velasco (Madrid), Piero Sampieri (Rome), Jacques Mirel (Beyrouth), Jean Pappas (Athènes). Le nombre de signatures pour les 12 numéros de l'année 1970 est relativement important. Qui sont ces journalistes, d'où viennent-ils, quelles sont leurs options politiques ? Répondre à ces questions, c'est préparer l'analyse de l'orientation de la revue.

Paragraphe II — Les tendances politiques de l'équipe de "Spectacle du Monde"

L'équipe de "Spectacle du Monde" est relativement hétérogène. On pourrait y distinguer les "anciens" (F. Vinneuil, pseudonyme de Lucien Rebatet, Grandmougin, Merry Bomberger, de Villemarest), qui ont été mêlés aux évènements de la seconde Guerre Mondiale, et les "jeunes" (F. d'Orcival, ...) venus bien plus tard au journalisme.

Au demeurant, parmi "les anciens", les attitudes au cours de la guerre furent souvent différentes, voire opposées, des "collaborationnistes" Lucien Rebatet et Jean Scherb aux Vichystes Paul Dehème (pseudonyme de Paul de

(17) A l'article publié par Raymond Bourgine, il faut ajouter les deux "lettres aux lecteurs" parues la même année. Méritens, chargé de Mission au cabinet de Jean Bichelonne, Secrétaire d'Etat à la production industrielle et aux communications de 1942 à 1944, et rédacteur d'une "Lettre d'information" très connue) et Louis Rougier, de Jean Grandmougin, prisonnier puis engagé dans l'armée du Général Patton à Pierre Faillant de Villemarest, Chef de groupe franc dans le Vercors. On peut cependant noter, avec Loustau-Chartez, Georges Hilaire et André Thérive, aujourd'hui disparu, une prépondérance des deux premiers groupes. — Deux grandes tendances politiques se dessinent au sein des journa- listes : l'extrême droite et la droite, mais il est parfois difficile de situer certains des collaborateurs de la revue. Retenir cette distinction, c'est évidemment accepter, par commodité, une schématisation des opinions de chacun. D'autre part, la coupure entre l'extrême droite et la droite peut être profonde ou superficielle : certains courants d'extrême droite ne représentent que l'accentuation des positions traditionnelles de la droite, la plupart sont ou se veulent radicalement différents. Le professeur René Rémond a déjà souligné l'extrême complexité du courant de droite (entendu dans un sens large), complexité qui rend tout classement malaisé et relatif. Deux points communs établissent, de façon générale, le lien entre des personnalités souvent très différentes : La défense de l'Algérie française, pour laquelle un certain nombre de collaborateurs connaîtront l'exil ou la prison, L'antimarxisme. L'analyse du contenu permettra d'autre part de constater que les options de "Spectacle du Monde" ne sont pas aussi tranchées que celles de certains journalistes qui y écrivent.

A) L'extrême droite fasciste ou nationaliste Quoique les opinions soient sur ce point partagées, il nous semble que l'extrême droite se différencie en général nettement de la droite classique. Elle s'oppose à cette dernière sur de nombreux points, et notamment le capitalisme (18). Révolutionnaire et sociale (19) ou ultra-réactionnaire (ce qui est une autre façon d'être révolutionnaire), l'extrême droite n'est cependant pas une : les schismes et excommunications qui la secouent périodiquement rappellent ceux de l'extrême gauche.

(18) Le programme du "Rassemblement européen de la liberté", d'extrême droite, aux élections législatives de 1967, comprenait notamment "le remplacement du contrôle des banques sur l'Etat par le contrôle de l'Etat sur les banques" ("Le Monde", 1 décembre 1966). (19) Drieu la Rochelle pouvait écrire "La réaction croit que les révolutions sont inutiles. Nous croyons joyeusement qu'elles sont nécessaires. La réaction s'oppose à de nouvelles révolutions, du moins qui prolongeraient par quelque côté les précédentes. Nous les voyons en train et nous nous réjouissons" "Socialisme fasciste", p. 52 ; Gallimard, 1934. Si l'on accepte la schématisation, l'extrême droite représente incontesta- blement un groupe important dans l'équipe de "Spectacle du Monde" : Lucien Rebatet, François d'Orcival, Alain de Benoist, Jean Mabire, Robert Poulet (20) qui collabora longtemps à la revue d'extrême droite belge "Europe-Magazine", Jean Loustau-Chartez ... Il est évidemment hors de question de présenter une biographie de chacun d'entre eux. Nous essaierons simplement de dégager les tendances les plus caractéristiques, ou de situer les personnalités les plus marquantes. — Lucien Rebatet occupe une place à part dans la mesure où il est et se veut fasciste. Ce pamphletaire virulent (Jean Touchard parle du "fascisme truculent" de Rebatet) (21 ), né en 1903, débute dans la presse par la critique musicale et cinématographique sous le pseudonyme, qu'il a conservé, de François Vinneuil. Il est ainsi rédacteur à "l'Action Française" de 1929 à 1939. Ce n'est qu'en 1935 qu'il publie ses premiers articles politiques dans "Je suis partout", que dirige alors Pierre Gaxotte, et auquel il collabore jusqu'à la disparition du journal, avec Jean Scherb, chargé des relations extérieures de "Spectacle du Monde". A la même époque, il écrit dans "Candide", "La Revue Universelle", "Le Jour", et plus tard, il collabore régulièrement au "Petit Parisien" et au "Cri du peuple" (socialiste). Rebatet est assez tôt attiré par la pensée de Maurras. Mais déjà les tendances fascistes se dessinent quand, à 20 ans, il écrit à un ami "Nous souffrons depuis la Révolution d'un grave déséquilibre, parce que nous avons perdu la notion du chef... j'aspire à la dictature, à un régime sévère et aristocratique" (22). Il s'oppose assez rapidement à l'Action Française (23), à laquelle il reproche son impuissance, son goût de la doctrine pour elle-même, et à Charles Maurras, dont il estime l'antigermanisme démodé et dérisoire face aux nouvelles réalités internationales. Collaborationniste convaincu, il dénonce le régime de Vichy où "les assurances prodiguées aux travailleurs étaient bientôt suivies d'un renforce- ment des trusts" (24), Vichy qui, pour lui, s'est "acoquiné avec un super- patronat, une dictature de l'argent" (25). Cet homme de droite est en effet un révolutionnaire, antimarxiste, antisémite certes, mais aussi opposé au capitalisme et à l'église ("le désastre (de 1940) n'était même pas consommé et déjà les ratichons déployaient leurs manches et leurs soutanes") (26) qu'il

(20) Auteur de "Contre l'amour, la jeunesse, la plèbe", Denoël, 1971. (21) "Histoire des idées politiques", PUF 1965, T.2, p. 815. (22) "Les décombres" p. 20. (23) Qui, après la le guerre mondiale, n'est plus qu'"un rassemblement d'abbesses, d'antiques vierges, de dames et de puceaux d'oeuvres ..." ("Les décombres" p. 124). (24) "Les décombres" p. 533. (25) "Les décombres" p. 678. (26) "Les décombres" p. 386. accuse d'avoir pactisé avec ses pires ennemis. Très hostile aux "dévots tricolores" de la droite ou de l'extrême droite classiques ("croix de feu" etc.), il est le tenant d'un parti unique rassemblant l'élite de la Nation. Réfugié à Sigmaringen (alors que Brasillach avait refusé de partir) avec ses collaborateurs de "Je suis partout" Claude Jeantet et Pierre-Antoine Cousteau, il est condamné à mort, puis grâcié par le Président Auriol et sort de prison en 1952. Il est, jusqu'à sa mort, survenue le 24 août 1972, un des principaux rédacteurs des revues d'extrême-droite "Les écrits de Paris" et "Rivarol". On lui doit un certain nombre d'ouvrages : "Les décombres" (1942), "Les deux étendards" (1952), "Les épis mûrs" (1954), "Une histoire de la musique".

— Fusillé, c'est aussi le sort que Michèle Cotta, rédactrice à "l'Express" et à "Europe n° 1" a réservé à Jean Loustau-Chartez dans un petit ouvrage insuffisamment documenté consacré à "la Collaboration 1940-1944". En fait Jean Loustau-Chartez, rédacteur en chef de la revue, est actuellement un élément fondamental de l'équipe de "Spectacle du Monde". Né à Paris en 1915, il est jusqu'en 1944 un des principaux journalistes du nationalisme, avant de participer, entre 1957 et 1959 à "Artaban", hebdomadaire politique et littéraire dirigé par J. Hébertot qui réunit Thierry Maulnier, Henri Bordeaux, Pierre Gaxotte, et deux collaborateurs actuels de "Spectacle du Monde", Guy Vinatrel et Georges Hilaire. Il écrit également, avec Lucien Rebatet, dans "C'est-à-dire", magazine de tendance nationaliste qui fait faillite en 1959 tandis que son directeur est poursuivi pour activités subversives. Plus jeune que Rebatet, il ne fait cependant pas partie de l'équipe de journalistes issue de la nouvelle extrême droite française qui s'affirme à partir de 1954.

— Tout un groupe de journalistes de "Spectacle du Monde" est ou a été très lié à l'extrême droite française issue du mouvement nationaliste "Jeune Nation" créé en 1954 et dirigé par Pierre Sidos et Dominique Venner : Pierre Hofstetter (correspondant à Londres), François d'Orcival (pseudonyme d'Amaury de Chaunac-Lanzac), Alain de Benoist (qui signe parfois Fabrice Laroche), Jean Mabire, Jean-Claude Valla ... On peut situer ces journalistes à travers l'évolution, à partir de 1954, de l'extrême droite. Le mouvement "Jeune Nation", auquel appartint Pierre Hofstetter (qui collabora également à la revue "Défense de l'Occident", lancée par Maurice Bardèche, beau-frère de Brasillach, revue hostile à la démocratie) eut une grande influence sur la vie politique française : opposés au régime parlemen- taire, au capitalisme comme au marxisme, défenseurs de l'Afrique française et de l'Etat, les militants de ce mouvement avaient pour avocat Jean-Louis Tixier-Vignancour. TRAVAUX ET MÉMOIRES DE LA FACULTÉ DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D'AIX - M A R S E IL L E

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