Inflation ? Déflation ? Nous intégrons catalogues et varia pour nommer celui-ci catalogue 7.

Nous sommes heureux d’annoncer à l’occasion de la sortie de ce catalogue la création de notre site internet : www.deproyart.com

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www.deproyart.com catalogue 7

2015

Conditions de vente conformes aux usages du Syndicat de la Librairie Ancienne et Moderne N° 103. Max Ernst, Rêve d’une petite fille qui voulut entrer au carmel. 1930. et aux règlements de la Ligue Internationale de la Librairie Ancienne Exemplaire sur japon N° de TVA. : FR21 478 71 326 Trois livres imprimés à Venise, dont deux incunables, aux provenances prestigieuses.

• La Cité de Dieu de saint Augustin (1470) : quatrième livre imprimé à Venise, sur peau de vélin, par Johannes et Wendelinus de Spira, les premiers imprimeurs de cette ville. L’exemplaire fut enluminé et offert à un membre de la famille Loredan.

• L’Histoire naturelle de Pline (1476) : première édition en langue vernaculaire. L’exemplaire appartint à l’une des plus anciennes familles de Venise, les Zancaruolo.

• Le De Nola Opusculum de Ambrogio Leone (1514), premier livre d’archéologie. Exemplaire d’étienne Leonardo Loredan, par Giovanni Bellini. Baluze, bibliothécaire de Colbert. Londres, National Gallery Puis exemplaire des ducs de Luynes.

4 5 [1] AUGUSTIN, saint De Civitate Dei Venise, Johannes et Wendelinus de Spira, 1470.

LE QUATRIÈME LIVRE IMPRIMÉ À VENISE PAR LE PREMIER ATELIER TYPOGRAPHIQUE VÉNITIEN QUI PUBLIA SON PREMIER LIVRE EN 1469.

SUPERBE EXEMPLAIRE DE PRÉSENT IMPRIMÉ SUR PEAU DE VéLIN, ENLUMINÉ ET OFFERT À UN MEMBRE DE LA FAMILLE LOREDAN ET SANS DOUTE AU DOGE DE VENISE, LEONARDO LOREDAN (1436-1521).

ANCIENNE COLLECTION DES DUCS DE DEVONSHIRE ET DE JOST R. RITMAN

Troisième ou quatrième édition de ce texte, la première publiée à Venise

In-folio (370 x 250mm) Caractères romains, 50 lignes à la page. Encres rouges et noires COLLATION : 14 feuillets (Table des chapitres), 257 feuillets (texte). Soit 271 feuillets sans signature ni foliotation : (271 sur 274), sans les trois feuillets blancs de la Table (le premier, f. 16 et le dernier) TIRAGE : exemplaire imprimé sur peau de vélin

ENLUMINURE ET ORNEMENTATION : GRANDE BORDURE ENLUMINÉE FORMÉE DE DEUX TRÈS GRANDES INITIALES (I et C) en or sur fond tréflé bleu, rouge et vert avec un décor de feuillage, une tête de cerf et des armes peintes, se poursuivant sur toute la hauteur de la page et rejoignant l’initiale dorée du deuxième chapitre 21 INITIALES enluminées dans le même style, en tête de chacun des chapitres, rubrication avec pieds-de-mouche et initiales en rouge en tête des paragraphes

RELIURE ANGLAISE DU XVIIIe SIÈCLE. Maroquin rouge, encadrement d’une large roulette dorée, dos à nerfs orné, tranches dorées sur témoins

PROVENANCE : un membre de la famille des Loredan, sans doute Leonardo Loredan (1436- 1521), doge de Venise de 1501 à 1521 (armes peintes en pied de la première initiale) -- ducs de Devonshire (ex-libris, Nineteen printed books 1459-1501 and two illuminated manuscripts from the Chatsworth Library, Londres, 1974, I, n° 95, £ 22.000) -- J. R. Ritmann (ex-libris «Bibliotheca Philosophica Hermetica»)

Dos restauré

6 7 Ce livre, l’un des plus grands textes de la culture politique occidentale, fut imprimé par les frères Spira, introducteurs de l’imprimerie à Venise. Il est le quatrième livre à être imprimé dans cette ville. Le colophon donne des renseignements d’un intérêt capital sur le chiffre des tirages et le temps d’exécution des deux ouvrages publiés l’année précédente par Wendelin et Johannes de Spire : le Cicéron et le Pline, imprimés chacun à cent exemplaires à trois mois d’intervalle.

L’ouvrage est l’un des premiers imprimés en caractères romains annonçant déjà ceux de Nicolas Jenson (cf. le Pline de 1476, au n°2 du précédent catalogue). Ce De civitate Dei de Venise est précédé par les deux éditions de Sweynheym et Pannartz données à Subiaco puis Rome en 1467 et 1468. Ces deux imprimeurs l’éditèrent à nouveau à Rome en 1470. On ne parvient toujours pas à départager chronologiquement ces deux éditions de 1470 du De Civitate Dei.

«For the first time a comprehensive survey of human history is presented. History, he maintained, has a goal. Salvation by God’s grace is not just cyclical, haphazard occurence of events. In Augustine’s view the victory of faith is historically inevitable». (Printing and the mind of man).

L’imprimerie débuta à Venise par Jean de Spire, avec son frère Vindelin pour auxiliaire. Il publia en 1469 son Epistolas ad familiares de Cicéron, premier livre imprimé à Venise, aussitôt réédité, puis sa Naturalia historia avant de mourir vers la fin de 1469. Son frère dirigea alors l’atelier. L’année suivante, en 1470, Christoph Valdarfer publia à Venise un autre Cicéron (De Oratore libri tres) avant de livrer au public en 1471 son fameux Boccace, célèbre par l’enchère du duc de Roxburghe en 1812.

Cet exemplaire enluminé et sur peau de vélin fut offert à un membre de la famille Loredan dont les armes sont peintes au pied de la page de titre, et sans doute à Leonardo Loredan (1436-1521), doge de Venise de 1501 à 1521 et modèle de prudence politique, dont le célèbre portrait, peint par Bellini, est conservé à la National Gallery. Ni lui ni aucun autre membre de sa famille ne sont connus comme des bibliophiles passionnés. Il existe néanmoins un livre d’heures de cette même période, exécuté en Lombardie pour un Loredan, sans doute aussi pour le Doge, conservé à l’université de Liège (La Miniature italienne du Xe au XVIe siècle, Bruxelles, 1969, n° 90).

De cette édition de saint Augustin, Van Praet recense huit exemplaires imprimés sur peau de vélin. Cinq d’entre eux sont conservés dans des bibliothèques publiques : à la BnF, au Musée Condé (anciennement celui du comte Melzi, à Milan, passé au duc d’Aumale), à la British Library, à la Huntington Library (exemplaire Sunderland) et à la bibliothèque de Nysa (Pologne).

RÉFÉRENCES : Van Praet, Bibliothèque du Roi, I 381 -- Goff A-1233 -- Hain, Repertorium, 2048 -- BMC, XV century, V, p. 153 (IC. 19510) -- GKW 2877

P. S. D.

8 9 [2] PLINE Historia Naturale Venise, Nicolaus Jenson, 1476.

PREMIÈRE ÉDITION DE PLINE EN LANGUE VERNACULAIRE. TRADUCTION DE CRISTOFORO LANDINO.

EXEMPLAIRE ENLUMINÉ, AYANT APPARTENU À UNE GRANDE FAMILLE PATRICIENNE DE VENISE. RELIURE DE SIMIER

PREMIÈRE ÉDITION EN LANGUE VERNACULAIRE, traduite du latin en italien par Cristoforo Landino

Deux volumes in-folio (415 x 275mm). 50 lignes à la page. Caractères romains et grecs. Espace laissé vacant pour les initiales (peintes à l’époque par un artiste italien, voir ci-dessous) COLLATION: [413] feuillets. Sans le premier et le dernier feuillet blanc

ENLUMINURE et ORNEMENTATION : cet exemplaire a été enluminé par un artiste italien, probablement vénitien. La première page de texte est ornée d’une longue bordure de fleurs et de feuillages enroulés, enluminés et peints en rose, bleu et vert, initiale haute de onze lignes, enluminée et peinte représentant l’auteur avec sa barbe blanche tenant un livre et un astrolabe. En bas de page, armes peintes et enluminées de la famille Zancaruolo. La même main a également réalisé les autres initiales de l’exemplaire : celle de la préface, haute de 13 lignes, les six initiales préliminaires et les 35 initiales d’une hauteur de 10 ou 11 lignes ouvrant chacun des 35 livres (sauf le livre 33, omis), toutes enluminées sur un fond peint en rose, vert et bleu semé de petites fleurs blanches et jaunes. Petites initiales de deux lignes, bleues et rouges dans les deux volumes

RELIURES SIGNÉES DE SIMIER. Maroquin bleu nuit, encadrement doré à la Du Seuil, filets à froid, dos à nerfs ornés

PROVENANCE : famille Zancaruolo de Venise (armes peintes) -- Edward Herbert, second comte de Powis (1785-1848) (signature avec date d’acquisition « 1841 » sur les pages de garde des deux volumes)

Habile restauration d’une déchirure ayant touché la bordure sur le premier feuillet. Petite restauration touchant quelques lettres du dernier feuillet. Quelques rousseurs. Quelques initiales pâlies probablement quand l’exemplaire fut à nouveau relié par Simier

10 11 Cette édition, la première traduite du latin dans une langue vernaculaire, l’italien, constitue la somme des savoirs de l’Antiquité dans tous les domaines : mathématiques, physique, géographie, astronomie, médecine, zoologie, botanique, géologie, minéralogie, autant que la philosophie, l’histoire et les arts. Ces connaissances exercèrent depuis l'Antiquité une influence continue sur la pensée occidentale.

Les archives conservées à Florence attestent que le grand humaniste Cristoforo Landino (1425-1498), ami de Laurent le Magnifique et exégète de Dante, Virgile et Horace, réalisa cette traduction grâce au financement des puissants banquiers Filippo et Lorenzo Strozzi.

Les armes peintes en bas du premier feuillet sont celles d’une des plus anciennes familles de Venise, les Zancaruolo (ou Zancarolo) dont la présence dans la ville des doges daterait du Ve siècle. Ils fondèrent notamment les églises San Nicolo al Lido, Santa Maria del Carmini et l’église de Santa Maria della Carità dans le sestiere du Dorsoduro.

Ce prestigieux exemplaire a appartenu à la célèbre collection du deuxième comte de Powis (1785-1848) « who before his father’s death in 1830 not infrequently appears as « Lord Clive » in the priced catalogues of London sales. » (Seymour de Ricci, p.115)

RÉFÉRENCES : Dibner, Heralds of Science, 75 (pour l'édition originale de 1469) -- Goff P-801 -- BMC V, 176 -- Horblit 84 : « the first important printed book in science. » -- Klebs 787.1 -- Printing & the Mind of Man, 5 -- Schuh, Mineralogy & Crystallography : A Biobibliography, 1469 to 1920, 3866

475 000 €

12 13 [3] [LEONE, Ambrogio] De Nola Opusculum Venise, Joannis Rubri Vercellani, 1514

LE PREMIER LIVRE D’ARCHÉOLOGIE.

EXEMPLAIRE D’ÉTIENNE BALUZE, BIBLIOTHéCAIRE DE COLBERT, PUIS DES DUCS DE LUYNES, AU CHÂTEAU DE DAMPIERRE

ÉDITION ORIGINALE

In-4 (292 x 209mm) Bandeaux et initiales gravés sur bois COLLATION : a-i6 k4 A-B4 : 66 feuillets ILLUSTRATION : quatre planches gravées sur cuivre par Girolamo Mocetto, (dont trois dépliantes) : 1. vue de la baie de Naples avec le Vésuve, Herculanum, Pompéi et Nola ; 2. plan de l’ancienne Cité de Nola ; 3. plan de la Cité de Nola, ville nouvelle ; 4. Cité de Nola avec ses fortifications. Les quatre planches du Nola ont été indifféremment imprimées en bleu pâle, sanguine ou noir. Les trois premières planches sont connues en deux états. Dans cet exemplaire, la première planche est en premier état (avant l’ajout des trois bateaux et du motif floral). La deuxième planche, en bleu pâle, est en état intermédiaire (avec une trace de burin sur les Le Nola est le premier livre d’archéologie au sens moderne du terme, c’est-à- « Antiquae Balneae »). La troisième planche est en deuxième état avec l’ajout des trois motifs dire fondé sur une iconographie et des relevés topographiques réels, et non floraux en pied (seul l’exemplaire du British Museum est connu comme ayant cette troisième dépendant d’une tradition érudite et littéraire. planche en premier état). La quatrième planche n’existe qu’en un seul état Ambrogio Leone (mort en 1525) est originaire d’une vieille famille de RELIURE VERS 1750. Veau brun, double filet doré et roulette estampée à froid en encadrement, marchands de Nola, cité étrusque et l’une des plus anciennes de Campanie. dos à nerfs Il s’installa à Venise vers 1504, probablement à cause des guerres et des inondations qui avaient lieu dans son pays, et entreprit des études de médecine PROVENANCE : Étienne Baluze, de Tulle (signature sur le titre : « Stephanus Baluzius à l’université de Padoue. Il y fréquenta le cercle des humanistes réunis autour tutelensi »). En plus de sa signature, il marqua, sur la page de titre, de la même encre brune, d’Alde Manuce et entretint une correspondance régulière avec érasme. En le nom de l’auteur du livre « Ambrosii Leonis » et l’adresse de l’impression, ainsi qu’une cote 1514, il acheva la rédaction de son grand œuvre, le De Nola. La première partie (G.2.17) sur le feuillet de garde, sans doute aux fins de rédaction du catalogue de Colbert -- de l’ouvrage témoigne de son ample culture et de la qualité de sa formation bibliothèque des ducs de Luynes reçue au sein de l’Académie napolitaine. Leone est attentif à l’examen des inscriptions, des ruines et des monuments visibles sur le site, au point de Léger empoussiérage du titre, pâle mouillure dans la marge inférieure de la première planche, petite reconstruire en esprit la Nola antique. Dans les seconde et troisième parties, restauration angulaire à la dernière planche, galerie de vers dans la marge extérieure des derniers Leone transmet l’image de la ville réelle, la Nola moderne, ses institutions, feuillets. Dos et coins renforcés son organisation sociale et religieuse.

14 15 Les quatre planches furent gravées par Girolamo Mocetto (mort en 1531), Grâce à une fortune préservée pendant la Révolution, il travailla dans une originaire d’une famille de peintres verriers de Murano qui apprit la technique grande indépendance en finançant lui-même ses nombreuses expéditions et en du vitrail avant de devenir le disciple de Giovanni Bellini, à Venise, en 1507. Elles publiant des ouvrages pour lesquels il utilisa, l’un des premiers, la technique furent imprimées en différentes couleurs selon une logique encore mystérieuse. de la lithochromie. Il offrit la majeure partie de ses collections archéologiques à l’état. La Bibliothèque nationale de France lui rend en ce moment hommage Cet exemplaire porte la signature d’étienne Baluze (1630-1718) qui fut professeur par l’exposition de sa collection de vases grecs (De Rouge et de Noir. Les vases de droit canon au collège de France et l’un des fondateurs de la méthode historique grecs de la collection de Luynes, 28 octobre 2013-31 octobre 2015). moderne, en particulier grâce à un travail d’édition des sources anciennes. Il devint bibliothécaire de Colbert à partir de 1667. La soixantaine d’ouvrages Seuls trois exemplaires du Nola, dont celui-ci, ont été proposés à la vente qu’il écrivit ou édita (textes anciens ou médiévaux, traités historiques) et son depuis quarante ans : celui d’Otto Schäfer (New York, 8 décembre 1994, n° abondante correspondance le placent au premier rang des savants de la fin du 106, $42.500 sans les frais, avec les trois premières planches en second état), XVIIe siècle. et un autre relié en vélin au XVIIIe siècle (New York, 7 octobre 1997).

L’exemplaire rejoignit ensuite la collection des ducs de Luynes, au château de RÉFÉRENCES : Adams L-479 – Hind, History of Engraving, p. 65 – Hind, Early Italian Dampierre, sans doute à la suite du mariage du duc de Chevreuse avec la fille Engravings, V, 159-171– J.-C. Brunet, Manuel du libraire, III, 982 – Mortimer, Italian, 255 du Grand Colbert. Honoré d’Albert, duc de Luynes, fut le plus grand mécène -- Sander 3914 des recherches archéologiques en France au XIXe siècle. Nul doute qu’il sut apprécier l’importance du De Nola dans l’histoire de l’art. 15 000 €

16 17 [4] TORY, Geoffroy. Aediloquium item, epitaphia septem, de Amorum aliquot passionibus... Paris, Simon de Colines, 1530

GEOFFROY TORY INVENTE LE « BLASON DOMESTIQUE », GENRE POÉTIQUE NOUVEAU PLUS TARD INSCRIT PAR JEAN GROLIER DANS LE PROGRAMME DéCORATIF DE SA DEMEURE PARISIENNE.

CE LIVRE, COMPOSé ET ILLUSTRé PAR GEOFFROY TORY LUI-MêME, EST D’UNE GRANDE RARETé

[Relié en tête et en fin du volume :] SALMONIUS, Joannes, dit MACRINUS. Epithalamiorum liber unus. Paris, Gérard Morrhy 1531 -- MELANCHTHON, Philipp. Orationes. Hagenau, Johann Secer, 1528

ÉDITION ORIGINALE

In-8 (156 x 99 mm) Titre dans un cadre gravé, sept vignettes gravées sur bois attribuées à Geoffroy Tory, représentant des coeurs transpercés de flèches, des coeurs dans un bateau, des coeurs blessés par un porc, et illustrant, chacune, l’une des sept épitaphes. Caractères italiques COLLATION : a-c8 : 24 pages CONTENU : a1r titre, a2r avis de Geoffroy Tory au lecteur candide (« lectori candido ») et au verso deux épigrammes en cinq distiques, a3r-b3v : Aediloquium, b4r : Sententia in quaque domi literis majusculis scribenda : « qui ressemble beaucoup aux recommandations que certains hommes d’affaires américains font, dit-on, de nos jours, afficher dans leur bureau » (E. Picot), b4v : 4 distiques de Geoffroy Tory, b5r Epitapha de amorum aliquot passionibus » dans lesquels Tory a tenté de reproduire les formes archaïques de la langue latine. Cette tentative n’est pas sans intérêt pour l’histoire de l’humanisme

ANNOTATIONS : quelques notes, d’une main contemporaine, dans les marges RELIURE DE L’ÉPOQUE. Veau, encadrement de filets estampés à froid, dos à nerfs PROVENANCE : “Romano. 1840. 10” (note manuscrite à l’encre en haut du second contreplat) -- Librairie Paul Jammes, 1977 -- Arthur Vershbow (1977)

Coin inférieur du feuillet b4 manquant, sans perte de texte. Dos restauré

Un an après son Champfleury (1529), Geoffroy Tory publiait l’Aediloquium, soit une collection de distiques à inscrire sur les diverses parties des maisons, en ville comme à la campagne. Pour la bibliotheca, Tory propose deux distiques dont celui-ci : au format

18 19 Ne videare tuum deses consumere tempus, Hic tibi librorum copia iusta patet

[Pour ne pas voir ton temps se consumer dans l’oisiveté, Ici s’offre à toi une bonne provision de livres]

Pour certains, cet usage de la poésie relève d’un genre mineur. Ils sont alors victimes d’un anachronisme et « du préjugé romantique qui confond poésie et lyrisme personnel » (C. Daverdin). Car E. Picot a bien vu l’originalité de l’Aediloquium : où l’on « trouve la première idée des Blasons domestiques de Gilles Corrozet ». Publiés en 1539, ils s’inscrivaient dans le cadre du blason marotique, lui-même héritier des blasons héraldiques et autres bestiaires médiévaux. La maison fait donc l’objet d’un découpage emblématique, pièce par pièce. Parlant de Corrozet, C. Daverdin écrit ce qui pourrait être appliqué à Tory : « le lecteur sera conduit de la cour au jardin, de la cave au grenier, de la cuisine à la « salle et chambre », sans oublier la chambre secrète ou retrait » (op. cit., p. 46). La forme du blason « amoureux » ou « domestique », si en vogue dans les années 1530, obéit ainsi à une logique énumérative. Il s’agit d’une sorte d’inventaire « à la Prévert », à la fois poétique, emblématique et toujours jubilatoire. De même que le blason amoureux ne décrit pas un corps réel, le blason domestique de Tory ou Corrozet ne décrit pas une maison « réelle », mais une sorte de demeure idéale Cette innovation poétique de Tory devint une rareté bibliographique. Elle est en propre à tout véritable « courtisan » français. outre imprimée dans son style si particulier et élégant. Le privilège pour cette oeuvre fut donné le 18 juin 1531. Il ne l’imprima pas dans l’Aediloquium lui- Chaque distique peut donc être apposé sur les murs des différentes pièces qui même mais en 1531, dans sa traduction des Economica de Xénophon. A. Bernard sont ici énumérées. Cet usage de la poésie, devenue pratique d’ornementation, affirme que l’Aediloquium fut achevé dans les premiers mois de 1531, soit en est peu référencé, à l’exception notable des quelques informations connues sur la 1530 selon le calendrier ancien. L’encadrement gravé sur bois de la page de titre, demeure parisienne de Jean Grolier. De retour d’Italie, il se maria et s’installa typique du style de Tory, est l’un de ceux précédemment utilisés par l’artiste dans le bel hôtel de la Chasse, situé rue des Bourdonnoys, non loin de l’actuel dans ses Heures de 1527 imprimées par Simon de Colines. Certains des sept bois Musée du Louvre. Grolier entreprit de le décorer à son goût, comme l’a montré gravés illustrant les épitaphes présentent des animaux imprimés en noir avec les A.R.A. Hobson : détails ressortant en blanc.

« Although redecorated to Grolier’s specifications, the house must have been predominantly Aucun autre exemplaire de l’Aediloquium n’a été présenté sur le marché national gothic, and not Italianate in style. At least one Renaissance feature was planned. Geoffroy et international des ventes aux enchères depuis cinquante ans. Tory described in his Champfleury how when lying in bed on the morning of the Feast of Kings (6 January) 1523, he remembered some antique letters he had previously made for the RÉFÉRENCES : J.-C. Brunet, Manuel du libraire, V, 898-899, qui ne cite qu’un seul exemplaire house of the War Treasurer, maistre Iehan groslier (...) Tory’s Roman inscriptional capitals -- C. Daverdin-Liaroutzos, « De pièces et de morceaux. Les Blasons domestiques de Gilles were evidently intended for the hotel de la Chasse, perhaps for a classical maxim to form a Corrozet », Littérature, n° 78, 1990, pp. 46-53 -- E. Picot. Catalogue des livres composant la frieze in one of the courtyards, as in Laurana’s ducal palace in Urbino » (Renaissance book bibliothèque de feu M. le baron James de Rothschild, t. IV, n° 2785, exemplaire relié par Trautz- collecting, Cambridge, 1999, p. 49). Bauzonnet -- R. Mortimer French 525 -- Renouard Colines, p. 169 -- A. Bernard, Geoffroy Tory, peintre et graveur..., Paris, 1865, pp. 46-47 -- Graesse, Trésor des livres rares et précieux, art. L’art du “blason domestique”, maîtrisé par Tory dès le début des années 1520 et « Blasons domestiques » : « C’est une des innovations de Geoffroy Tory, mais qui n’a pas subsisté. » proposé à Jean Grolier pour sa demeure parisienne, serait alors l’une des sources possibles de la fameuse devise qui orne ses reliures (...et amicorum). 42 000 €

20 21 [5] GRÉBAN, Arnoul et Simon, et Jehan Michel S’ensuit le mistere de la Passion de nostre Seigneur Jésuchrist... Lequel mistere fut joué à Angiers moult triomphalement... Avec le nombre de personnages qui sont à la fin dudit livre. Et sont en nombre Cxli Paris, Alain Lotrian, 1541-1542

BEL EXEMPLAIRE DES « MYSTÈRES DE LA PASSION », L’UNE DES PLUS GRANDES PIÈCES DU THÉÂTRE MÉDIÉVAL

In-8 (180 x 127mm) Titre imprimé en rouge et noir. Initiales gravées COLLATION conforme à Bechtel : 254 feuillets ILLUSTRATON : douze figures gravées sur bois : une sur le titre C[ hrist en croix], une au verso [saint Jean l’Evangéliste], neuf dans le texte et la douzième au verso du dernier feuillet [armes royales]. Les neuf bois dans le texte sont les suivants : ff. - a2 saint[ Jean prêchant], - c4 [tentation de Jésus], - i2 [Jaïrus et sa fille], - i3v [le Christ et la Samaritaine], - l1v [la décollation de saint Jean], - x2 [l’aveugle-né], - A4v [Jésus sur l’âne], - EE4v [la Crucifixion] et - HH4v [la descente aux enfers].

RELIURE : daim gris-vert, dos à nerfs, tranches rouges PROVENANCE : Maurice Desjardins (ex-libris)

Le Mystère de la Passion d’Arnoul et Simon Gréban est considéré comme l’œuvre maîtresse du théâtre religieux du XVe siècle. On connaît peu de choses des frères Gréban, sinon qu’ils sont originaires du Mans, et qu’Arnoul (né avant 1420, mort vers 1485) fut un temps organiste de la Cathédrale Notre-Dame de Paris. Clément Marot a pu écrire : « Les deux Gresban ont le Mans honoré. » (Epigramme 223). Le Mystère de la Passion fut écrit à la demande des échevins d’Abbeville et joué pour la première fois à Paris, vers 1450. Dans son état originel, il comptait près de 35.000 vers et se divisait en un prologue et quatre journées embrassant « le Commencement et la Création du monde, la Nativité, la Passion et la Résurrection de nostre sauveur Jésus-Christ »

L’œuvre des frères Gréban fut augmentée par Jehan Michel, docteur en médecine angevin (mort en 1493). Il composa sa propre Passion en y incorporant les vers de Gréban. La longueur du drame doubla et atteignit 65.000 vers divisés en dix journées. Cette nouvelle Passion présente des aspects plus plaisants que l’œuvre originale des Gréban, et même des passages profanes assez curieux comme les amours de Judas et la vie mondaine de Madeleine. Bechtel ne cite que deux exemplaires de cette édition : celui conservé à la BnF (cote Rés. Yf-1602(2), et un incomplet (Paris, 14 juin 1996, n° 84)

RÉFÉRENCES : G. Bechtel, Catalogue des gothiques français, G-209 – J.-C. Brunet, Manuel du Libraire, III, 1974

12 000 €

22 23 [6] VILLEGAGNON, Nicolas Durand de. De bello Melitensi, & [7] eius eventu Francis imposito, ad Carolum Caesarem V Officio de la Gloriosa Vergine Maria... secondo la Corte Romana, Paris, Charles Estienne, avril 1553. tradoto nella volgar lingua. Novamente revisto, & historiato Venise, Agostino Bindoni, 1555 RARE : RÉCIT PAR VILLEGAGNON DE LA PRISE DE MALTE ET DE TRIPOLI PAR LES TURCS. REMARQUABLE EXEMPLE DE RELIURE VÉNITIENNE, EN PARFAIT aventuriers et commandos au xvie siècle ÉTAT DE CONSERVATION, ISSUE DE L’ATELIER DU « FUGGER BINDER » ET PROVENANT DE L’ANCIENNE COLLECTION DU FAMEUX COMTE ÉDITION ORIGINALE du texte latin, publiée la même année en traduction française. GUGLIELMO LIBRI. Petit in-4 (190 x 140mm). Marque typographique d’Estienne gravée sur la page de titre. Bandeau TRÈS RARE OUVRAGE, ILLUSTRÉ DE CHARMANTES GRAVURES SUR BOIS et initiale gravés sur bois PREMIER TIRAGE. Titre avant la suppression de la mention « & eius eventu Francis impositio », ÉDITION ORIGINALE fausse imputation de la défaite des Français devant les Impériaux COLLATION : A-F4 G6 : 30 feuillets In-12 (140 x 73mm). Imprimé en rouge et noir. Nombreuses initiales gravées sur bois et de différentes dimensions tantôt à fond criblé ou parfois historiées RELIURE MODERNE : Percaline brune à motifs imprimés COLLATION : π12 A-P12 Q6, A1r-Q6r foliotés 1-186, H4 mal signé H3 ILLUSTRATION : 14 gravures sur bois (3 répétées) : le Triomphe de la Vierge imprimé sur la page Quelques brunissures, page de titre légèrement rognée en pied de titre et au dernier feuillet, un grand bois à pleine page à la fin du calendrier et représentant la Vierge, un bois à mi-page (D6v) représentant la Nativité, petits bois de l’Annonciation, de la Nicolas Durand de Villegagnon (1510-1571) est un grand chef militaire et un Visitation (E6v) et des Rois Mages (F7v), quatre bois à mi-page représentant la Vierge à l’Enfant remarquable explorateur français du XVIe siècle. Il fit ses premières armes lors (F10v), l’Annonciation (G1v, répété en I12v et en M11r), la Nativité (K12v, ne répétant pas le du siège d’Alger (1542), quatorze ans avant de s’illustrer au Brésil en établissant précédent), et le Roi David (L5r), deux petit bois imprimés dans le texte représentant une Vierge une première colonie française dans la baie de Rio de Janeiro. En 1531, il était à l’Enfant (O10r) et une Crucifixion (P9v) entré dans l’ordre de Malte sur la recommandation de son oncle le grand-maître Philippe de Villiers de l’Isle-Adam. D’une force prodigieuse, il y déploya un RELIURE VÉNITIENNE DE L’ÉPOQUE ATTRIBUABLE À L’ATELIER DU « FUGGER courage frisant la témérité. En 1548, il accompagna Marie Stuart en Ecosse BINDER ». Maroquin rouge, grand décor doré aux fers et au filet, fleuron central à la Croix avant de réaliser l’exploit de contourner l’écosse par le Nord avec ses galères. grecque ornée et fleurie, bordée des lettres grecques « IC » « XC » « NI » « KA » pour ιησους En 1551, il se battit à Malte et Tripoli avant de prendre un commandement en χριστος νικα (le fer a été maladroitement frappé sur le plat supérieur), petite rosette estampée Hongrie et au Piémont en 1553. En août 1555, il partit pour sa célèbre expédition à froid, bordure en encadrement avec un fer répété, dos à sept nerfs, entre-nerfs ornés d’une du Brésil où il fonda Rio et sa « France Antarctique » à la triste destinée. Il a palette estampée à froid à décor de fruit et de feuillages, tranches dorées légèrement ciselées d’une été immortalisé par Ruffin dans son roman Rouge Brésil. L’auteur fait ici le récit bordure au pointillé, traces de lacets, gardes de papier de la guerre de Malte et de la prise par les Turcs de l’île et de Tripoli qu’il avait PROVENANCE : cote de bibliothèque non identifiée à l’encre sur la première garde : « α ii » -- comte été secourir à la demande des chevaliers de Malte. Les Impériaux rendaient les Guglielmo Libri (Catalogue de la partie réservée de la collection Libri, Sotheby’s, 28 juillet 1862, n° 691, Français coresponsables du sac de Gozzo, une île près de Malte, et de la perte de pp. 139-140) -- A. Arnold, acquis chez Pickering en juillet 1874, note au crayon sur l’une des gardes Tripoli. Villegagnon, témoin des graves défaites subies par l’Ordre de Malte en -- E. Arnold, son fils (ex-libris ; cf. A Catalogue of the Library formed by Edward Arnold, 1921, n° 839) 1551, en rejette la responsabilité sur le Grand Maître et sur les éléments espagnols de la garnison de Tripoli. Il disculpe les Français, en particulier l’ambassadeur Très minime restauration en tête et en queue du dos d’Aramont, le gouverneur Vallier et lui-même. Cette reliure au décor élégant, et si remarquablement conservée, a été réalisée par RÉFÉRENCES : J.-C. Brunet, Manuel, V, col. 1236 -- Renouard, Annales, pp. 105-106 n° 16, l’atelier du « Fugger binder », connu aussi sous le nom du « Venetian Apple binder », traduction française placée sous le n° 17 -- Adams, Books printed on the Continent of Europe 1501- qui travailla pour les plus grands bibliophiles du temps : Johan Jakob Fugger, le 1600 in Cambridge Libraries, V-778 -- STC (French) 146 -- pas dans Schreiber cardinal Antoine Perrenot de Granvelle et Diego Hurtado da Mendoza. Le décor présente en effet plusieurs fers communs à un grand nombre de spécimens issus de 8 000 € cet atelier. Les fers frappés ici au-dessus et en-dessous du motif central, ou dans les

24 25 angles, se retrouvent dans les décors de trois reliures reproduites par Mme Mirjam Foot (The Henry Davis Gift, III, 2010, p. 354 n° 294, p. 356 n° 295 et p. 357 n° 296). De même, les dos de cette reliure et celui du n° 296 précité possèdent le même décor estampé à froid à décor de fruit que l’on rencontre sur de très nombreuses autres créations du « Fugger Binder ».

Cet Officio de la Gloriosa Vergine Maria a appartenu à la fameuse collection du comte Libri. Il est ainsi décrit dans le catalogue de sa vente : « jolie reliure vénitienne du XVIe siècle parfaitement conservée ». Libri la jugeait donc digne de prendre place dans ses Monuments où elle figure sur la planche numérotée 50. Dans Renaissance book collectors, A.R.A. Hobson a dressé une liste de cent vingt et une reliures issues de l’atelier du « Fugger Binder » sans mentionner celle-ci. De même, et quoiqu’illustrée par Libri, elle n’apparaît ni dans le recensement de Tammaro de Marinis (La Legatura artistica in Italia nei secoli XV et XVI) ni dans les différents travaux de Mrs Foot consacrés au Henry Davis Gift.

Le motif central à la croix enserrée des lettres grecques IC/ XC/NI/KA signifieιησους χριστος νικα, soit « Jésus Christ vainqueur ». Il semble probable que cet Office de la Vierge ait été relié pour un membre inconnu de la nombreuse communauté grecque de rite byzantin présent à Venise à cette époque.

Le livre en lui-même n’a pourtant rien du rite chrétien byzantin, écartant toute idée d’une quelconque reliure d’édition, puisque, comme le précise son titre, il obéit à l’usage de la Cour de Rome. A la différence d’autres pays d’Europe, l’Italie des XVe et XVIe siècles a produit peu de livres d’heures. On connaît la rareté spectaculaire de ces petits ouvrages illustrés de gravures sur bois et destinés à une piété toute populaire. Cet Office de la Vierge publié par Agostino Bindoni en 1555 n’échappe pas à la règle et ne se rencontre pas, malgré la mention de novamente revisto & historiato : aucun exemplaire passé en vente, aucun dans les grandes bibliothèques publiques (BL, BnF, Library of Congress, Vatican, Pierpont Morgan, Harvard, Yale ou Princeton) ni sur les catalogues collectifs des différentes bibliothèques européennes (Edit16, VD16/17, ICCU, CCFr). Le seul autre exemplaire repérable se trouve à la Bibliothèque du Monastère du Saint-Sauveur, à Jérusalem.

RÉFÉRENCES : Monuments inédits ou peu connus faisant partie du cabinet de Guillaume Libri et qui se rapportent à l’histoire de l’ornement chez différentes peuples,L ondres, 1864, pl. 50 - A. R. A. Hobson, Renaissance book collectors, Cambridge, 1999, appendix 8, pp. 255-259

12 000 € au format

26 27 [8] DU BELLAY, Joachim [Oeuvres]. La Défense et illustration de la langue française avec L’Olive de nouveau augmentée. La Musagnœomachie. L’Antérotique de la vieille et de la jeune amiee. Vers lyriques, etc. Paris, Frédéric Morel, 1561.

IMPORTANTE ET RARE PRÉFIGURATION DE LA PREMIÈRE ÉDITION COLLECTIVE DE DU BELLAY

Première édition in-4 (245 x 156mm) de La Défense et illustration de la langue françoise et première édition de ce texte augmenté de La Musagnœomachie (Tchemerzine III, p. 40 c). [Suivi de] : (II) : L’Olive et autres œuvres poétiques. Paris, Frédéric Morel, 1561. Cette édition accompagne l’édition précédente de La Défense et illustration, Tchemerzine III, p. 43 g). (III) : La Monomachie de David et de Goliath. Paris, Frédéric Morel, 1561. Première édition séparée à la date de 1561, avec l’ « Ode à Phoebus » comprise dans la pagination, Tchemerzine III, p. 71 b). (IV) : Recueil de poésies Présenté à très illustre Princesse Madame Marguerite,… revu et augmenté. Paris, Frédéric Morel, 1561. Tchemerzine III, p. 47 b) : « Est souvent réuni aux Oeuvres publiées la même année, avec pagination séparée ». (V) : Deux livres de l’Enéide de Virgile, le Quatrième, et Sixième. Paris, Frédéric Morel, 1561. Seconde édition des deux livres de Virgile traduits et réunis, Tchemerzine III, p. 49 c). (VI) : Epithalame sur le mariage du très illustres Prince Philibert, duc de Savoie et très illustre Princesse Marguerite de France, soeur unique du Roy. Paris, Frédéric Morel, 1561. Troisième édition, augmentée, Tchemerzine III, p. 66 c). (VII) : Discours au Roy sur la trêve de l’an MDLV. Hymne au Roy sur la prince de Calais. Les Furies contre les infracteurs de Foy. Paris, Frédéric Morel, 1561. PREMIÈRE ÉDITION COLLECTIVE de ces trois pièces, Tchemerzine III, p. 65 d). (VIII) : Le Premier Livre des antiquités de Rome. Paris, Frédéric Morel, 1562. ÉDITION ORIGINALE avec titre de relais, l’édition originale datant de 1558, Tchemerzine III, p. 51 b) : « Même édition sous nouvelle date ». (IX) : Les Regrets et autres oeuvres poétiques. Paris, Frédéric Morel, 1565. Quatrième édition, la première datant de 1558, la deuxième de 1559, la troisième de 1561, toutes chez Frédéric Morel avec un titre à chaque fois renouvelé, mais celle de 1565 comporte des « corrections », Tchemerzine III, p. 53 b). (X) : Ode sur la naissance du petit duc de Beaumont, fils de Monseigneur de Vandosme, roy de Navarre. Paris, Frédéric Morel, 1565. Seconde édition avec un titre de relais, Tchemerzine III, p. 73 b). (XI) : Divers jeux rustiques et autres Dès 1561, un an après la mort de Du Bellay, Frédéric Morel avait entrepris oeuvres poétiques. Paris, Frédéric Morel, 1565. Cinquième édition, la première en 1558, toutes par une sorte d’édition collective fragmentée. Car Charles L’Angelier l’avait pris Morel avec la même collation et à chaque fois un titre de relais, Tchemerzine III, p. 56 c). (XII) : de vitesse. L’habituel imprimeur de Du Bellay avait en effet omis de faire Discours au Roy contenant une brève et salutaire instruction pour bien et heureusement régner. Paris, confirmer son privilège après la mort de François II. L’Angelier s’engouffra Frédéric Morel, 1566. ÉDITION ORIGINALE d’une grande rareté, Tchemerzine III, p. 87 a) dans la brèche, se fit concéder un privilège en avril 1561 et publia à la hâte deux éditions très partielles des Oeuvres datées de 1561 ou 1562 mais, au Exemplaire finement réglé de rouge. Marques typographiques sur les pages de titre (12), bandeaux demeurant, fort incomplètes. Frédéric Morel fut rétabli dans ses droits dès et initiales gravés sur bois juin 1561 (cf. Le Premier Livre du présent volume, avec ce privilège au verso du dernier feuillet, c6v). La première édition véritable des oeuvres complètes RELIURE DU XXe SIÈCLE. Maroquin rouge janséniste, double filet doré sur les coupes, de Du Bellay, avec page de titre générale, est publiée en 1569 (cf. Mignonne dentelle intérieure, tranches dorées sur marbrure allons voir si la rose. Fleurons de la bibliothèque poétique Jean-Paul Barbier- PROVENANCE : Librairie Sourget (catalogue 5, 1988, n° 39) Mueller, 2007, p. 130).

28 29 Ce volume est donc une préfiguration de la grande édition collective de 1569 qui, de composition strictement identique, comporte néanmoins quatre-vingt- treize poèmes alors inédits. Comme celle-ci, il est constitué de parties ayant chacune une page de titre séparée et une foliotation particulière : « Cette organisation permettait d’une part une vente « au détail » et donnait d’autre part la possibilité aux acheteurs de l’ensemble de faire relier ces textes en plusieurs minces volumes plus maniables » (idem, p. 130).

Ce superbe exemplaire réglé est l’un des plus grands connus (245 x 156mm) puisque l’exemplaire De Backer ne mesurait que 225mm. Il présente, au total, un excellent ensemble permettant d’avoir quasiment tout Du Bellay dans des éditions intéressantes. Parmi les nombreuses éditions collectives de Du Bellay, cet exemplaire et celui ayant figuré dans la vente aux enchères du 16 juin 1995 à Paris sont les plus anciens et les plus complets à être passés sur le marché depuis 1994, date de la recension établie par Jean-Paul Barbier. Par comparaison, l’exemplaire de la collection privée de Pierre Berès (20 juin 2006, n° 31), certes relié dans un magnifique vélin ivoire de l’époque, ne datait que de 1592.

RÉFÉRENCES : Jean-Paul Barbier, Ma bibliothèque poétique, 1994, III, p. 183 et ssq., n° 26 à 37 -- pour les références à Tchemerzine, cf. supra

10 000 €

[9] VASARI, Giorgio Le vite de’ piu eccellenti pittori, scultori, e architettori Florence, Giunta, 1568.

SUPERBE EXEMPLAIRE GRAND DE MARGES et RELIÉ EN MAROQUIN ROUGE au XVIIe SIÈCLE.

LA PLUS BELLE ÉDITION DES VIES DE VASARI : À L’ORIGINE DE L’HISTOIRE DE L’ART. PMM 18

PREMIÈRE ÉDITION ILLUSTRÉE

3 volumes in-4 (238 x 161mm) Pages de titre imprimées dans des encadrements architecturaux gravés sur bois. Les armes des Médicis, en tête, répondent à une vignette représentant Florence COLLATION conforme à Mortimer : volume I : A-B4 +-5+4 A-Z4 2A-Z4 3A-T4 V2 ; volume II : *-5*4 a-z4 2A-Z4 3A2 ; volume III : A2 +-5+4 2a-e4 3A3 3B-Z4 4A-Q4 4R2 4S-Z4 5A-Z4 6A-H4 (sans 6H4 blanc)

30 31 ILLUSTRATION : portrait de Vasari en B4v (volume I), répété en 6D1v (volume III), 144 portraits d’artistes dans des médaillons et des encadrements de figures féminines représentant les arts

RELIURES UNIFORMES DU XVIIe SIÈCLE. Maroquin rouge, encadrement de filets dorés, dos à nerfs ornés, tranches dorées PROVENANCE : Amedeo Svajer (ex-libris ; (1727-1791), libraire vénitien d’origine allemande, dont une partie de la collection fut acquise en 1793-1794 par la Biblioteca Marciana de Venise)

Giorgio Vasari (1511-1574), natif d’une famille modeste d’Arezzo, fut élevé à Florence. Il devint un architecte et un peintre reconnu, travaillant au service des Médicis et du pape. Vasari fut le premier à avoir utilisé, en 1550, le mot « rinascita », « renaissance », pour désigner la résurrection des lettres et des arts renouant avec l’Antiquité. La première édition des Vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes italiens depuis Cimabue jusqu’à notre époque parut sans illustration en 1550. Vasari avait pour amis certains des artistes dont il fit le portrait dans les Vite, notamment Michel-Ange.

L’édition illustrée des Vite, considérablement augmentée, parut en 1568. La galerie d’artistes composée de cent vingt « vies », depuis Cimabue jusqu’à Michel-Ange, est divisée en trois périodes. La première commence au milieu du XIIIe siècle avec les artistes toscans qui, « abandonnant le vieux style, se mirent à copier les Anciens avec entrain et diligence ». Giotto domine cette première phase tendant à libérer la peinture de l’influence byzantine. La seconde période correspond au XVe siècle, qui voit d’immenses améliorations techniques. Elle est marquée par Brunelleschi qui conçut la coupole du Duomo à Florence, Masaccio qui perfectionna la perspective, et Donatello. Selon Vasari, ces créateurs cherchaient à imiter la nature, « mais rien de plus ». Leurs oeuvres sont encore « sèches et dures », attachées au modèle. Cette floraison artistique est indissociable du mécénat des Médicis à Florence. La troisième période, contemporaine de Vasari, est celle de la « manière parfaite », incarnée par Léonard de Vinci, Raphaël et surtout Michel-Ange. Cette époque est, pour Vasari, celle durant laquelle « l’art a réalisé tout ce qui est permis à un imitateur de la nature ; il s’est élevé si haut que son déclin serait maintenant à redouter plutôt que d’autres progrès à attendre ».

Ces interprétations et cette méthodologie de Vasari formèrent la colonne vertébrale d’une nouvelle discipline, l’histoire de l’art. La possesion d'un bel exemplaire de cet ouvrage a donc toujours été considéré comme nécessaire à toute collection tournée vers les arts.

RÉFÉRENCES : Printing and the Mind of Man, 88 (« the first modern history of art ») -- Mortimer Italian 515 -- Adams V-296 -- Gamba 1725

75 000 €

32 33 [10] ANDROUET DU CERCEAU, Jacques Le premier [second] volume des plus excellents Bastiments de France Paris, Benoit Prevost, 1576 et 1579.

LE PLUS CÉLÈBRE ouvrage D’ARCHITECTURE DE LA RENAISSANCE FRANçaise.

« UN DES PLUS BEAUX livres JAMAIS PRODUITS PAR UN ARCHITECTE » (Françoise Boudon).

BEL EXEMPLAIRE, GRAND DE MARGES ET ENTIéREMENT EN éDITION ORIGINALE

ÉDITION ORIGINALE DES DEUX PARTIES, aux bonnes dates. la plupart des exemplaires présentent en effet leur seconde partie dans la seconde édition datée de 1607

2 parties en un volume in-folio (388 x 288mm)

COLLATION et ILLUSTRATION : A8 + 64 planches ; 2A8 + 61 planches. Soit 125 planches dessinées et gravées sur cuivre par Androuet du Cerceau. Il fut l’un des premiers à utiliser la gravure sur cuivre à la place de la gravure sur bois dans le domaine de l’architecture CONTENU : tome I (1576) : le Louvre, Vincennes, Chambord, Boulogne (château de Madrid), Creil, Coucy, Folembray, Montargis, St-Germain-en-Laye, La Muette, Vallery, Verneuil, Ancy- le-Franc, Gaillon, Maulnes. Tome II (1579) : Blois, Amboise, Fontainebleau, Villers-Cotterêts, Charleval, Les Tuileries, St-Maur-des-Fossés, Chenonceau, Chantilly, Anet, Écouen, Dampierre, Challuau, Beauregard, Bury

RELIURE FRANÇAISE DU XVIIIe SIÈCLE. Veau marbré, dos à nerfs orné, tranches mouchetées de rouge PROVENANCE : Père Joseph Jacques (ex-libris manuscrit sur la page de titre) -- Librairie de Nobele (1965)

Charnières renforcées. Quelques rousseurs

Jacques Androuet du Cerceau (vers 1515-1585) est l’auteur du plus célèbre ouvrage d’architecture de la Renaissance française. Ses Plus excellents Bastiments de France ne proposent pas un ensemble aléatoire de vues de châteaux, mais une suite choisie de dossiers homogènes contenant, pour chaque édifice, au moins deux des trois représentations canoniques : un plan, une élévation et une vue généralement en perspective. Depuis un demi-siècle,

34 Chapelle d’Anet 35 36 37 sous l’impulsion de François Ier et de Henri II, la France, se couvrait de groupés au début. Les gravures, seules au centre de la feuille ou associées à grandes demeures. Pour les hommes de la génération de Du Cerceau, les plus une ou deux autres, encadrées de grandes marges, sont toujours disposées excellents Bastiments désignaient proprement ces châteaux. dans le bons sens, celui de l’ouverture du livre. Cette mise en page généreuse valorise l’image. Mais, pour assurer le succès commercial de l’entreprise, il A ces dossiers iconographiques, Du Cerceau ajoute autant de notices riches limita la taille du livre et donc le nombre des châteaux représentés. en informations architecturales et topographiques et en observations personnelles. Dans les notices des châteaux d’Écouen et d’Anet, il revendique Il retint dix-sept châteaux royaux, de construction récente ou ancienne. d’être allé sur place pour prendre des informations et relever un bâtiment. Il inclut également dans l’ouvrage les demeures des grands du royaume et « L’ouvrage, si nouveau dans son fond et dans sa forme, est unique en son profita de leur protection et argent. Ces châteaux, dont un grand nombre genre dans toute l’Europe : Du Cerceau délaisse provisoirement l’élaboration a été détruit depuis, sont représentés avec leurs plans, leurs jardins et les de modèles pour publier des édifices réels et particulièrement des châteaux » détails de leur somptueuse décoration. Androuet du Cerceau a parfois disposé (Françoise Boudon, p. 257). Mais la démarche est coûteuse et écrasante : « des silhouettes de personnages – cavaliers, seigneurs et dames en costumes telle œuvre ne se peut faire sans grans frais, peine et travail : attendu aussi d’apparat, ouvriers et autres gens de professions diverses –, évoquant la société que cela requiert soy transporter sur les lieux où il y va du temps et dépense. » française qui gravitait autour de ces merveilleuses constructions. Pour chaque (Dédicace du Livre de grotesques, 1566) bâtiment, et souvent pour les jardins, les élévations et les ornements succèdent au plan général. Les monuments les plus importants, comme le Louvre, sont De plus, les circonstances rendaient les voyages difficiles : entre le début et la représentés en une succession de planches permettant de diversifier les parties fin de l’entreprise, les guerres se rallumèrent six fois. Androuet, d’autant moins les composant. assuré qu’il était protestant (protégé par Renée de France), ne pouvait travailler que dans les périodes d’accalmie. Il poursuivit néanmoins son travail, « Nul autre pays ne peut offrir un monument aussi précieux et digne d’autant d’éloges. On ne sait vraiment qui l’on doit le plus admirer, du Cerceau de l’avoir exécuté, ou les rois de France « esperans que nos pauvres Français (ès yeux et entendements desquels ne se presente Henri II, François II et Charles IX d’avoir eu l’intelligence de persévérer dans cette entreprise maintenant autre chose que desolations, ruines et saccagements, que nous ont apportés au-dessus de laquelle Catherine de Médicis, sans doute, veillait aussi avec son intelligence des les guerres passées) prendront, peult-estre, en respirant, quelque plaisir et contentement, à choses de l’architecture » (Geymüller, Les Du Cerceau, 1887, pp. 312-313). contempler icy une partie des plus beaux et excellens edifices dont la France est encore pour le iourd’huy enrichie ». Androuet réalisa autour de 1570, pour un amateur féru d’architecture française, un extraordinaire ensemble de dessins représentant les trente Le projet fut donc mené au jour le jour, selon les circonstances et les aléas châteaux, aujourd’hui conservé au British Museum. de l’entreprise, ce qui explique sans doute en partie les choix des châteaux représentés et la structure de l’ouvrage. Les exemplaires entièrement en édition originale sont très rares. La plupart d’entre eux sont composites, la seconde partie étant en seconde édition (1607) : Au milieu de 1576, comme il le rappelle dans la dédicace, Du Cerceau profita « les planches de cette édition de 1607 sont fatiguées, et même plusieurs des du bref temps de calme qui suivit la « Paix de Monsieur » signée le 6 mai cuivres qu’on y a employés se trouvent mutilés dans les extrémités supérieures » 1576, pour publier le premier volume des Plus excellents bâtiments de France, (Brunet). imprimé très probablement à Paris par Gilles Beys. Bien que l’entreprise ait été patronnée par Henri II puis Charles IX, l’ouvrage n’est pas dédié au roi RÉFÉRENCES : Millard, Architectural Collection, n° 9, p. 15 – Fowler Architectural Collection, mais à la reine mère, Catherine de Médicis, personnage le plus puissant du p. 20 – J.-C. Brunet, Manuel du libraire, I, 280 -- Brun, p. 188 -- Destailleur, pp. 26-27 -- H. royaume. Son soutien conditionnait la suite de l’entreprise. Il ne lui fit pas von Geymüller, Les Du Cerceau (1887), pp. 202-207, 336-337 -- Mortimer, French, 23 -- Katalog défaut : trois ans plus tard, le second volume parut chez Gilles Beys. der Ornamentstichsammlung, 2360 – Françoise Boudon, « Du Cerceau et Les Plus excellents bastiments de France », in Jacques Androuet du Cerceau, éd. par J. Guillaume et de P. Führing. A un moment de l’élaboration du projet, Du Cerceau arrêta la maquette du Paris, Picard, 2010 livre. Il décida de publier un ouvrage de luxe, de grand format, illustré de planches gravées à l’eau-forte accompagnées de textes à la typographie soignée 50 000 €

38 39 [11] CASTIGLIONE, Baldassare Le Parfait Courtisan du comte Baltasar castillonnois en deux Langues Lyon, Bourcicaud pour Jean Huguetan, 1585

LE PARFAIT COURTISAN, EN ÉDITION BILINGUe. EXEMPLAIRE EN VéLIN DE L’éPOQUE

Traduction de Gabriel Chapuis. Texte en français et en Italien, sur deux colonnes. Bandeaux, lettrines gravés. 8 6 8 8 In-8 (168 x 104mm). COLLATION : * ** a-z A-V

RELIURE DE L’ÉPOQUE. Vélin souple à rabats, titre manuscrit au dos PROVENANCE : Peri Julione Laslo, 1586 (ex-libris manuscrit sur le titre) -- Rasponi, Anno 1810, Siena (ex- libris manuscrit)

Manque en haut du dos. Petite galerie de vers traversant la marge des premiers feuillets

Le Libro del Cortegiano fut publié par Alde au printemps 1528. La première traduction française de Colin parut en 1537. Gabriel Chapuis (1546-1611), le principal traducteur de l’époque de Henri III, donna du Cortegiano une nouvelle version en français, qui LA GRANDE ÉDITION PROTESTANTE DE MONTAIGNE. parut en 1580, à Lyon, chez Louis Cloquemin, avec le texte italien en regard ; elle PREMIÈRE APPARITION DU TITRE SOUS SA FORME DÉFINITIVE : LES ESSAIS fut réimprimée en 1585 par Claude Broudelle, dit Bourcicaud pour Jean Huguetan, libraire actif à Lyon de 1559 à 1598. La traduction de Chapuis servit de base à l’édition In-12 (135 x 80mm) anglaise, trilingue (1588). On appréciera l’élégance sobre et remarquable de cette reliure Page de titre en premier état, sans la mention « Chevalier de l’Ordre ». Sans les deux feuillets en vélin souple sur l’un des grands textes de la littérature européenne au XVIe siècle. *2 comportant la « Préface de l’autheur » et le sonnet de Claude Expilly, non requis pour la complétude de l’ouvrage (ajoutés après 1598 dans certains exemplaires et imprimés sur un papier RÉFÉRENCES : Baudrier, Bibliogaphie lyonnaise, I, 60-61 -- Bingen, Maître italien, p. 299, n° 58 différent, aux pontuseaux inversés). Gros fleuron gravé sur bois imprimé sur la page de titre ; 6 5 7 6 5 500 € bandeaux et initiales gravés sur bois ; i , 2a mal signés i , 2a COLLATION : *12 2*12 a-z 2a-r12 2s2 ANNOTATIONS à l’encre d’une main contemporaine (soulignements) : pp. 96-100 [12] MONTAIGNE, Michel de RELIURE (ITALIENNE ?) VERS 1650. Vélin ivoire à plats rigide, dos long avec pièce de titre peinte de brun et dorée, tranches mouchetées Les Essais de Michel de Montagne divisez en trois livres PROVENANCE : Gustav Leonhardt, célèbre claveciniste hollandais et maître de l’histoire de Lyon [mais Genève], François le Febvre, 1595 la musique baroque

EXEMPLAIRE DE GUSTAV LEONHARDT, CÉLÈBRE CLAVEciNISTE Très pâle mouillure dans la marge intérieure allant s’atténuant, petite galerie de vers négligeable dans HOLLANDAIS ET GRAND HISTORIEN DE LA MUSIQUE BAROQUE, la marge intérieure de quelques cahiers et dans la marge inférieure des cahiers 2i-s avec infime atteinte RELIÉ AU XVIIe SIÈCLE EN VÉLIN IVOIRE. au bas du texte à la fin du volume, petit manque angulaire sans atteinte au texte à la p. 675

40 41 « Impression genevoise sans privilège, censurée par les soins de Simon Goulart et composée à partir de l’édition lyonnaise de 1593 publiée par Lagrange... Le Febvre indique sur la page de titre qu’il est « de Lyon », mais il est évident qu’il reçut l’approbation des autorités genevoises pour la publication de cette édition huguenote des Essais. » (Ph. Desan). Cette édition a le mérite double et paradoxal d’être la première à accorder au titre Essais le superlatif de l’article Les qu’il conservera à tort jusqu’à nos jours, tout en censurant Montaigne pour la première fois. Le libraire François Le Febvre qui exerçait à Lyon dût s’enfuir à Genève pour cause de religion. Il est ainsi « évident » (Ph. Desan) que ce livre fut imprimé et censuré à Genève. Montaigne fut transformé en auteur pudibond. Toutes les allusions gaillardes aux women, sex and religion (Sayce) sont amputées ou transformées. Les chapitres III et IV sont contractés et particulièrement le long passage commençant par « je dirai cecy des erreurs de ma jeunesse ».

Cette édition est rare. On ne recense depuis 1977 que l’exemplaire Pottié- Sperry en vélin du XVIIe siècle (vente, 2003), semblable à celui-ci, et l’exemplaire détérioré de Graham Pollard vendu à un prix très remarquable en Allemagne (Hartung, 7-9 novembre 2011, lot 180). Fait curieux, la pièce de titre de cet exemplaire semble italianiser Montaigne en le prénommant « Michele ».

RÉFÉRENCES : Sayce & Maskell, Bibliography of Montaigne’s Essais, Londres, 1983, n° 6(a) -- A. Tchemerzine, Bibliographie des éditions originales et rares d’auteurs français, IV, p. 875 -- Ph. Desan, Bibliotheca Desaniana. Catalogue Montaigne, Paris, 2011, n° 20

14 500 €

[13] CONTANT, Paul Le jardin, et cabinet poetique de Paul Contant, apoticaire de Poictiers A Très haut et très puissant Monseigneur Maximilian de Béthune, Duc de Sully, Pair de France... super Intendant des Finances de France, Gouvernr et Lieutenant gnal pour Sa Maté en poictou Poitiers, Anthoine Mesnier, 1609

LE PREMIER CATALOGUE D’UN MUSÉE, CELUI DE PAUL CONTANT, APOTHICAIRE DE POITIERS À LA FAMEUSE DEVISE : « DU DON DE DIEU, JE SUIS CONTANT »

EXEMPLAIRE DES DUCS DE LA TRÉMOILLE AU CHÂTEAU DE SERRANT

ÉDITION ORIGINALE

In-4 (195 x 130 mm)

42 au format 43 Titre gravé. ILLUSTRATION : 10 eaux fortes dont 9 planches de spécimens gravées à pleine-pages et une planche dépliante représentant les plantes rares du jardin de Paul Contant

RELIURE VERS 1700. Veau granité, dos à nerfs orné, tranches mouchetées PROVENANCE : « Serrant », cachet des ducs de La Trémoille apposé au début du XXe siècle.

Le cabinet de curiosités de Paul Contant (1562-1629) rassembla l’une des plus grandes collections d’Europe. Fils de Jacques Contant et, comme lui, apothicaire à Poitiers, Paul entreprit plusieurs voyages en France, en Allemagne, en Italie, visita les cabinets curieux et organisa dans sa ville natale un jardin botanique et un célèbre cabinet de curiosités au premier étage de sa maison située non loin de la cathédrale. Il en rédigea ce catalogue avec la grande particularité d’y décrire ses collections en un long poème en alexandrins. Contant présentait à ses visiteurs un jardin planté de végétaux rares, comme les anémones reçues de Charles de l’Écluse ou cet if si rare : « il s’en void un grand aux Carmes de ceste ville de Poictiers, et un autre en mon jardin, et n’en sçache d’autres en ceste ville ny pays circonvoisins » (Contant, Commentaires sur Dioscoride, chap. XIX). L’étage de la maison était encombré de singularités et d’objets d’art plus extraordinaires les uns que les autres. Son Jardin, et Cabinet poétique est un étonnant ouvrage, à la fois catalogue, poème et livre d’images.

Ce premier catalogue de musée imprimé, véritable récit illustré, est très rare. Il est dédié au compatriote huguenot de Contant, le duc de Sully, et Antoine Schnapper souligna l’importance des origines protestantes de l’auteur. Chaque exemplaire a été assemblé pour servir de programme aux visiteurs privés. Ce caractère éphémère expliquerait sa rareté. L’inventaire de Contant fournit également un précieux document sur certains éléments remarquables de cette très ancienne collection. Les nombreuses références à des espèces ou specimens américains (toucan brésilien, armadille, canoë) lui valent une place dans les bibliographies d’americana (Alden et Landis 609.23).

44 au format 45 Paul Contant décrit chacun des spécimens avec méthode. Il insère des numéros de renvoi dans le poème, désignant au lecteur une double entrée d’index et d’illustration. Les quarante-trois spécimens d’animaux - comprenant notamment un gros poisson « Blow Fish », un étrange chien à huit pattes et un mouton borgne - sont représentés dans une série de neuf planches, tandis que la flore est illustrée sur une seule planche dépliante formant un très riche bouquet. Ce système de classification permet au lecteur de se reporter au nom et à l’image de chaque spécimen pendant qu’il lit sa description, dans une sorte de visite guidée à travers le jardin et le cabinet de Contant.

OCLC répertorie seulement trois exemplaires du Jardin, et cabinet poetique de Paul Contant : ceux du Getty, de Northwestern, et de la Hunt Botanical Library. Un exemplaire est également conservé dans la collection privée de Florence Fearrington.

RÉFÉRENCES : J.-C. Brunet, Manuel du libraire, II, 241 -- Hunt 188 -- Alden / Landis 609/23 -- Fearrington, Rooms of Wonder no. 6 -- Librairie Paul Jammes, Cabinets de Curiosités, Collections, Collectionneurs, Paris, 1997, no. 93 (incomplet) -- l’ouvrage a fait récemment l’objet d’une édition critique : Paul Contant, Le Jardin, et Cabinet poétique. Établissement du texte, introduction et notes par Myriam Marrache-Gouraud et Pierre Martin, 2004 -- cf. aussi http://curiositas.org/curios169 et http://curiositas.org/cabinets-et-curieux-du-poitou-aux-xvie-et-xviie-siècles

50 000 €

détail

46 47 [14] MALHERBE, François de Lettre de consolation à Madame la Princesse de Conty sur la mort de Monseigneur le Chevalier de Guise, son frère Paris, Toussaint du Bray, 1614

L’UNE DES TRÈS RARES OEUVRES PUBLIÉE PAR MALHERBE DE SON VIVANT. IL FIT ENTRER LA LITTéRATURE DANS L’ÂGE CLASSIQUE

ÉDITION ORIGINALE

In-8 (158 x 102mm) COLLATION : A-G4 : 28 feuillets

RELIURE SIGNÉE DE CAPÉ. Veau blond, encadrement de filets dorés, dos à nerfs orné, tranches dorées PROVENANCE : Librairie Pierre Berès (pas dans les catalogues de ventes aux enchères)

Trait à l’encre violette sur le titre et renfort de la marge extérieure, avec quelques lettres reprises à la plume, quelques piqûres. Charnière restaurée et fragile

De son vivant François de Malherbe (1555-1628) ne publia que quelques petites plaquettes. Ce grand réformateur de la langue française codifia et simplifia le langage poétique. Il annonce les grands versificateurs à venir, La Princesse Louise-Marguerite de Conti, née en 1574, était belle. Aimée par notamment Corneille. Ses discours et lettres dessinent une éloquence qui Henri IV, avant d’être écartée par Gabrielle d’Estrées, légère et volage, elle se déploiera chez Bossuet et Pascal. Cependant la très grande partie de son fut la maîtresse de Bellegarde et épousa François de Bourbon-Condé, Prince oeuvre ne fut publiée que de manière posthume à partir des papiers qu’il de Conti. Malherbe adressa cette lettre de consolation à la Princesse de Conti avait laissés. Les publications ante-mortem de Malherbe sont très rares, qu’il à la mort de son frère, François-Alexandre-Paris, chevalier de Guise (1589- s’agisse de poèmes de quelques feuillets ou de cette courte et incisive Lettre 1614) tué, aux Baux par l’éclat d’un boulet de canon : de consolation. Ces quelques oeuvres, recensées par Tchemerzine, sont les suivantes : Les Larmes de Saint Pierre (1587), Les Bouquet des Fleurs de Sénèque Mais puisque l’espérance de revoir ceux que nous aimons est la consolation de leur (attribué à Malherbe, 1590), deux Odes (dont l’une signalée comme « non éloignement, pourquoi ne peut-elle être employée en cette absence, comme en toutes celles vu » par Tchemerzine), Vers du Sieur de Malherbe (1610, décrit comme étant qui autrefois l’avoient séparé de vous ? Il n’y a pas d’apparence qu’il doive revenir au le « seul recueil de vers paru du vivant de l’auteur »), puis cette Lettre de monde : mais y en a t’il que vous ne deviez point aller au ciel ? (F8) Consolation (1614). Tchemerzine puis Lucien Scheler ne mentionnent aucun exemplaire de ces quelques ouvrages. Les grandes collections - dont celle de RÉFÉRENCES : Tchemerzine, Editions originales et rares, IV, p. 336 -- Mignonne, allons voir..., Jean Bonna - possèdent le plus souvent un exemplaire de l’édition posthume Fleurons de la bibliothèque poétique de Jean-Paul Barbier-Mueller, n° 142 -- Brunet ne recense que de ses Oeuvres parue en 1630, deux ans après sa mort. Aucun ouvrage de les Oeuvres de 1630 et suivantes Malherbe publié de son vivant n’est recensé, ni dans le fichier Pierre Berès, ni dans les grands annuaires des ventes aux enchères depuis plus de trente ans. 6 500 €

48 49 [15] SERRES, Olivier de, seigneur du Pradel Le Théâtre d’agriculture et Mesnage des champs Paris, chez Abraham Saugrain, 1617.

UNE LANGUE FRANCAISE REMARQUABLE MISE AU SERVICE D’UNE INVENTION : LA CAMPAGNE

Petit in-4 (227 x 160mm). Remise en vente en 1617 de l’édition de 1615, deux dernières éditions revues, corrigées et publiées du vivant de l’auteur. Vignettes, bandeaux et culs-de-lampe gravés sur bois, diagrammes représentant l’arborescence logique gravés en tête de chaque « lieu » ou livre, sans le dernier feuillet blanc. ILLUSTRATION : titre-frontispice gravé par C. de Mallery, un planche dépliante hors texte et 15 gravures sur bois dans le texte représentant des « portraits » de parterres décoratifs, dits « à compartiments », et réalisés par Claude Mollet pour Henri IV aux Tuileries, à Saint-Germain et à Fontainebleau

RELIURE DU XVIIIe SIÈCLE. Basane claire légèrement mouchetée, dos long et doré, tranches rouges

Premier grand traité français d’agronomie et d’économie domestique, dédié à Henri IV, qui, selon Scaliger, se le faisait souvent lire après dîner.

RÉFÉRENCES : En Français dans le texte, 79 (pour l’édition originale de 1600) -- Thiébaud, Bibliographie des ouvrages français sur la chasse, p. 842 -- Vicaire, Bibliographie gastronomique, col. 788-789 -- Kress 236

3 000 €

[16] SAINT-AMANT, Marc Antoine de Girard, Sieur de La Rome ridicule... ; Caprice Paris, 1647 [17] BRAHÉ, Tycho ÉLÉGANT EXEMPLAIRE, AVEC UNE PIÈCE LIBERTINE DE Opera omnia sive astronomiae instauratae progymnasmata SAINT‑AMANT : « CAPRICE » Francfort, Johannes Godofred Schoenwetter, 1648

In-12 (141 x 80mm) PREMIÈRE ÉDITION COLLECTIVE DES OEUVRES DE TYCHO BRAHÉ. COLLATION : π1 A6 B4 C8 D4 TRÈS RARE EXEMPLAIRE EN MAROQUIN AUX ARMES RELIURE DU XIXe SIÈCLE. Maroquin janséniste vert bouteille, encadrement de filets estampés à froid, dos à nerfs, tranches dorées. PROVENANCE : ex-libris du XIXe siècle avec 2 parties en un volume in-4 (230 x 185mm) monogramme non identifié -- J. C. Courbin (ex-libris) Marque typographique imprimée sur les deux pages de titre, bandeaux et initiales gravés sur bois, très nombreux diagrammes, illustrations et tableaux imprimés dans le texte. Les deux feuillets Caprice est une pièce libertine fort rare, la seule que Saint-Amant écrivit. Elle encense occupés par la dédicace à l’archevêque de Munich sont reliés à la fin du volume les pouvoirs du sexe masculin. L’édition originale de La Rome ridicule date de 1643. COLLATION : (I) : A-Z4 2A-Z4 3A-O4 (dernier blanc) ; (II) : a-z4 2a-d4 3e):(2 ILLUSTRATION : 9 gravures sur bois imprimées à pleine page, qui représentent des constellations 800 € et les instruments scientifiques de l’auteur (quadrant, sextant, sphère armillaire, etc.)

50 51 RELIURE DE L’ÉPOQUE (SUD DE LA FRANCE). Maroquin rouge, décor doré, armes au centres plats, roulette d’encadrement, dos à nerfs, tranches mouchetées PROVENANCE : François de Rignac (1580-1633), Procureur général à la Cour des Aides de Montpellier (cf. Olivier-Hermal-de Roton, pl. 1902 et Guigard, Nouvel armorial du bibliophile, II, 413)

Papier bruni comme tous les exemplaires publiés à la fin de la dramatique Guerre de Trente Ans, petite galerie de vers comblée sur le bord des vingt derniers feuillets du volume, supprimant quelques lettres (certaines retouchées à l’encre)

Cette première édition des oeuvres de Tycho Brahé contient ses deux textes les plus importants, à savoir le Progymnasmata (1602) et le De mundi aetherrei (1603). La Première partie traite de la nouvelle étoile découverte en 1572 et la Seconde partie de la fameuse comète de 1577. Ces textes jettent les fondements des systèmes astronomiques que développeront Kepler et Newton. Tycho Brahé (1546-1601) doit sa réputation à un remarquable talent d’observation qui lui fit découvrir le 11 novembre 1572 une étoile nova dans la constellation de Cassiopée. En 1577, il observa une comète et montra qu’elle ne pouvait pas se mouvoir dans l’atmosphère terrestre. Ces observations le conduisirent à composer sa célèbre Introduction à la Nouvelle Astronomie. La substance de ce livre, reprise et développée dans plusieurs éditions, constitue donc le tome I de ces Opera omnia. Le titre en est De restitutione motuum solis et lunae stellarumque inerrantium tractat. Brahé y étudie la position des étoiles fixes, les précessions et le mouvement annuel du soleil, sur la base de l’observation de la nova de 1572. Dans ce texte divisé en dix chapitres, l’auteur dialogue avec ses prédécesseurs et ses contemporains dont plusieurs documents rapportent les opinions contradictoires.

La reliure de ce superbe exemplaire est typique des ateliers du sud de la France, notamment de celui de Corberan, le relieur de Peiresc. Si François de Rignac épousa en 1627 une certaine Jeanne de Fabry, celle-ci n’a rien à voir avec son homonyme originaire d’Aix, Nicolas Fabri de Peiresc, quoique la reliure de cet exemplaire aurait pu laisser imaginer des liens de famille. En 1682, Colbert avait reçu en don, selon Léopold Delisle, cent quatre manuscrits de M. de Rignac, Conseiller à la cour des Aides de Montpellier et héritier des livres de François de Rignac. Vic et Vayssète racontent dans leur Histoire du Languedoc qu’Étienne Baluze avait repéré dès 1677 la bibliothèque de « feu M. de Lignac ».

RÉFÉRENCES : Houzeau & Lancaster 2704 -- Norman 321 -- Waller 12004

80 000 €

52 53 [18] HOBBES, Thomas Elemens philosophiques du citoyen. Traicté politique, ou les fondemens de la société sont découverts Amsterdam, Blaeu, 1649

bel EXEMPLAIRE EN MAROQUIN DE DERÔME

Première édition en français

In-8 (148 x 91mm) ILLUSTRATION : frontispice et portrait de l’auteur en vis-à-vis de l’épitre dédicatoire au duc de Devonshire

RELIURE SIGNÉE DE DERÔME. Maroquin rouge, triple filet avec fleurons d’angle, dos à nerfs orné, gardes de papier dominoté or et blanc, tranches dorées PIÈCE JOINTE : avertissement du traducteur, Samuel de Sorbière, faisant normalement partie de la deuxième édition, parue la même année que celle-ci. Cet avertissement est ici en 16 pages et non en 13 comme le mentionne Brunet

Les Elemens philosophiques furent publiés en latin, dans leur version définitive en 1647, puis traduits en français par Samuel de Sorbière (1616-1670), ami et secrétaire de Thomas Hobbes. Deux éditions en français parurent la même année : « on recherche les exemplaires de l’édition d’Amsterdam, contenant le portrait de l’auteur et une curieuse épitre dédicatoire au duc de Devonshire » (A. Barbier)

Fils d’un ecclésiastique protestant, Thomas Hobbes (1588–1679) est l’un des premiers penseurs de l’Etat moderne et fondateur de la philosophie civile. Il débute comme précepteur de la famille Cavendish, comte de Devonshire et s’intéresse aux mathématiques et à la physique. Il profite de déplacements de son élève sur le continent pour rencontrer des savants comme Galilée et Mersenne. Lors de la révolution anglaise, Hobbes s’installe à Paris, en 1640, où il fréquente Descartes et Cassendi. Il subit l’influence des libertins et publie les Eléments philosophiques du citoyen. En 1651, il retourne en Angleterre pour Quatre ans après sa mort, ses œuvres furent condamnées par l’Université ne pas être contraint de se convertir au catholicisme. Cette attitude reflète d’Oxford et brûlées sur un bûcher. moins sa fidélité au protestantisme que son anticléricalisme et ses convictions de la supériorité que doit avoir l’État sur l’Église. Il publie alors le Léviathan, RÉFÉRENCES : J.-C. Brunet, Manuel du libraire, III, 240 -- A. Barbier, Dictionnaire des écrit en France. Cette œuvre et les suivantes le font accuser par le clergé anglais ouvrages anonymes et pseudonymes, n° 4836 d’antireligiosité. Il est alors contraint de se réfugier à Chatsworth chez le comte de Devonshire. 9 500 €

54 55 [19] MAROLLES, Michel de, abbé de Villeloin Catalogue de livres d’estampes et de figures en taille douce. Avec un dénombrement des pièces qui y sont contenuës. Paris, Frédéric Léonard, 1666.

UN MOMENT DU MARCHÉ DE L’ART EN FRANCE AU XVIIe SIÈCLE.

RARE CATALOGUE DE LA VENTE EN BLOC DES CÉLÈBRES « LIVRES D’ESTAMPES » DE L’ABBÉ DE MAROLLES. ILS FURENT ACQUIS PAR COLBERT POUR LE COMPTE DE LOUIS XIV ET SERVIRENT DE SOCLE À LA FONDATION DU « CABINET DES ESTAMPES » DE LA BNF.

EXCEPTIONNEL EXEMPLAIRE EN MAROQUIN ROUGE DE L’ÉPOQUE

ÉDITION ORIGINALE

In-8 (167 x 115mm) Vignette gravée sur la page de titre COLLATION : A-X4 Y2, 167–(15) pp., saut de pagination sans manque dans la numérotation (pp. 80-89) CONTENU : A1r : titre, A2r : Discours en forme de préface, C2v : catalogue commençant par Raphaël d’Urbin, V3v : Avertissement nécessaire pour le dessein de l’Autheur, X4r : Table des noms de quelques peintres, statuaires & Architectes, dont il sera fait mention dans les 3. 4 & 5 livres de l’Histoire générale...

RELIURE DE L’ÉPOQUE. Maroquin rouge, filet à froid en encadrement, dos à nerfs très orné, tranches dorées. Étui PROVENANCE : Jean Fürstenberg

Infimes rousseurs sur la page de titre et à la fin du volume

Cette première collection de Marolles fut acquise par Louis xiv en 1667, à l’instigation de Colbert, pour un montant de 26.000 livres. Au XVIIe siècle, l’estampe joue un rôle pédagogique et heuristique perdu depuis lors. Elle donne accès par l’image à une multitude de mondes qui vont du grand art (peinture, sculpture et architecture) à la politique (cartes et voyages). L’abbé de Marolles avait pour projet d’écrire une histoire des arts fondée sur une collection décrite avec précision et proprement « dénombrée », puisqu’elle était à vendre. S’intéressant à l’image, il croise également de très nombreux imprimés dont il offre ici les premières formes de collation, qui ne sont encore que simples « dénombrements ». Sa collection comporte aussi de nombreux et remarquables dessins.

56 57 Michel de Marolles (1600–1681) était fils de Claude Marolles, capitaine des Cent-Suisses du roi et ancien ligueur qui destina son rejeton à l’état ecclésiastique et lui obtint plusieurs bénéfices. En 1644, cet homme de lettres commence une collection d’estampes. Il deviendra le grand client du jeune Pierre ii Mariette (né en 1634). Pendant plus de vingt ans, Marolles enrichit considérablement sa collection. Les 123.400 pièces de plus de Six mille Maistres en Quatre cents grands volumes (p. 15) vont servir d’ossature au cabinet des estampes de la Bibliothèque du roi. En 1666, Colbert avait en effet installé les collections royales rue Vivienne, à proximité de son hôtel. Une fois la bibliothèque de Marolles acquise, Colbert déménagea les dessins, antiques et médailles conservés au Louvre et chargea Pierre de Carcavi du soin du cabinet des antiques, origine du cabinet des médailles. De leur côté, les collections de livres s’accrurent de façon considérable grâce à l’apport contraint de la bibliothèque de Foucquet et à des échanges avec la Mazarine. Sans l’impulsion de Colbert, les collections royales n’auraient pas connu le même développement.

Dans son très intéressant Discours en forme de Préface (19 pp.), Marolles développe son projet d’une Histoire des peintres (p. 14). Il précise que, n’ayant pas de famille, il réalise ce catalogue pour le cas où il aurait à se défaire de sa collection. Clément de Ris, dans son ouvrage Les Amateurs d’autrefois, indique avoir cherché les termes du marché avec Colbert, sans les trouver. Il pense que, lorsque Marolles rédige le catalogue, la collection est implicitement vendue et que le catalogue est demandé par Colbert.

Surtout, Marolles se livre à des considérations d’amateur avisé sur la rareté des estampes. Il distingue celles qui sont « originales », c’est-à-dire gravées par le maître lui-même de celles qui ne le sont pas. Il identifie un nombre considérable de graveurs, pratique et fournit non pas des collationnements, mais ce qu’il appelle un « dénombrement » par artiste de la quantité d’images créées par lui ou d’après lui. Marolles « dénombre » aussi les planches de très nombreux livres illustrés, traitant soit de cartographie (par exemple les atlas de Blaeu, pp. 120–121), d’architecture (les livres d’Androuet du Cerceau Au reste, il ne faut pas appréhender d’en remplir toutes les pages d’un livre pourvu qu’elles pp. 123, les Vitruve du XVIe siècle, Palladio, Philibert de l’Orme, etc. pp. ne maculent point comme parlent les Libraires (...) Et certes, elles y seront toujours beaucoup 140–141), de voyage (Lindschot, p. 154). Il s’intéresse aux incunables célèbres mieux de la sorte que si on ne les y mettoient que d’un côté, & qu’il y demeurast toujours vis comme ce livre de la Mer des Histoires d’un vieux Maistre qui ne marque point à vis une page blanche qui ne servirait qu’à choquer la veuë, & à multiplier mal à propos les son nom. Marolles se présente aussi comme un maître du goût. Il professe son volumes [pour mieux] réduire en cinq cents volumes assez considérables ce que je n’eusse pu talent dans le choix des estampes. Il explique aux futurs amateurs comment renfermer en plus de mille » (p. 10). les « conditionner » dans de grands volumes appelés « livres d’estampes » qui recueillaient ses gravures, tous reliés en maroquin du Levant de teinte RÉFÉRENCES : Hoefer, t. 33, col. 914-918 –– A. Schnapper, Curieux du grand siècle, les incarnate et bordés d’une large dentelle d’or. Les gravures doivent être amateurs d’art au XVIIe siècle, Paris, 1994 et Le Géant, la licorne et la tulipe, Paris, 1998) –– C. Grell, Le Dix-huitième siècle et l’histoire de l’antiquité en France, t. I, Foundation, 1995 « propres & bien choisies (...) de belles impressions, & disposées en bon ordre, soit qu’on les arrange par les oeuvres des Maistres, ou qu’on les dispose par sujets différents. 8.000 €

58 59 [20] PYBRAC, Faure et Mathieu, sieurs de Les Quatrains des sieurs Pybrac, Favre, et Mathieu. Ensemble les Plaisirs de la Vie Rustique Paris, Jean-Baptiste Loyson, 1667

EXEMPLAIRE RELIÉ EN VÉLIN DE L’ÉPOQUE

In-8 (162 x 109mm) Titre-frontispice ILLUSTRATION : quatre figures gravées en taille-douce

RELIURE DE L’ÉPOQUE. Vélin souple, titre à l’encre sur le dos ANNOTATION : quatrain manuscrit page 78 PROVENANCE : plusieurs traces d’ex-libris anciens, à la plume, sur la reliure, les gardes et le titre

Cette édition illustrée comprend l’ensemble des quatrains moraux de Guy du Faur de Pybrac (1529-1584) et de ses épigones, soit cinq cent quatrains en décasyllabes.

RÉFÉRENCES : Brunet, Manuel du libraire, IV, 628 -- Graesse, Trésor de livres rares et précieux, V, 279 -- Canivet, L’illustration de la poésie et du roman français au XVIIe s., n°110.

600 €

[21] BOSSUET, Jacques Bénigne Oraison funèbre de Henriette Marie de France, reine de la Grand’ Bretagne Prononcée le 16. Novembre 1669. en presence de Monsieur Frere unique du Roi, & de Madame, en l’Eglise des Religieuses de Saincte Marie de Challiot (sic), où repose le Coeur de sa Majesté Paris, Sébastien Mabre-Cramoisy, 1669

LA PREMIÈRE ORAISON FUNÈBRE DE BOSSUET : CELLE DE LA REINE HENRIETTE-MARIE DE FRANCE, REINE D’ANGLETERRE. CETTE ÉDITION ORIGINALE D’UNE GRANDE RARETÉ EST L’UNE DES PLUS RECHERCHÉES DE LA LITTÉRATURE FRANÇAISE DU XVIIe SIÈCLE : « la plus rare des oraisons funèbres de bossuet » (catalogue j. a. bonna)

ÉDITION ORIGINALE

60 61 In-4 (225 x 168mm) Vignette aux armes de Henriette de France, reine d’Angleterre gravée sur la page de titre, fait du catholicisme le socle de l’état. A entendre Bossuet, au couvent des bandeau et cul-de-lampe gravés tels que décrits par Le Petit pour l’édition originale de 1669, Visitandines de Chaillot, la cour de France buvait le lait du paradis : Bossuet initiale gravée. Certains exemplaires de l’édition originale, comme celui-ci, portent au bas de la fut nommé précepteur du Dauphin en septembre 1670. Il abandonna aussitôt page de titre la mention « avec privilège de sa majesté », d’autres pas son évêché gascon pour préférer les fastes de Louis XIV qui bientôt s’installera COLLATION : π2 A-G4, sans le premier ni le dernier feuillet blanc à Versailles.

RELIURE SIGNÉE PAR CHAMBOLLE-DURU. Maroquin bleu, triple filet doré en Cette édition originale manque au Cabinet des livres de Chantilly alors que le encadrement, tranches dorées duc d’Aumale, en raison des liens qui unissaient le Grand Condé et l’évêque de Meaux, était parvenu à réunir une très belle collection de Bossuet. Worldcat Cette première des six oraisons funèbres de Bossuet, la plus rare, inaugure ne recense qu’un seul exemplaire aux Etats Unis, celui de la Newberry Library l’un des grands moments de la littérature française. L’oraison funèbre n’est à Chicago. Il provient du Séminaire de Saint Sulpice à Paris mais les huit pas née avec Bossuet, mais sa superbe maîtrise de la langue l’a fait changer premières pages de texte, anciennement manquantes, ont été complétées par de registre. des feuillets manuscrits. Le manuscrit de cette oraison a disparu ; il subsiste un exemplaire d’épreuves conservé à la British library. On sait aussi que bon Henriette Marie de France, fille de Henri IV et de Marie de Médicis, naît nombre des sermons de Bossuet nous sont restés inconnus puisqu’il n’en le 25 novembre 1609. Elle se marie à Charles Ier d’Angleterre en 1625 et conservait pas les manuscrits. Son art oratoire jaillissait après une courte et devient Reine de la Grand’ Bretagne. Ce roi Stuart est celui que Cromwell intense méditation commencée peu de temps avant de monter en chaire. renversa et fit décapiter le 30 janvier 1649. Henriette Marie s’était donnée le surnom de « reine malheureuse ». Dès son mariage, elle avait refusé de se RÉFÉRENCES : V. Verlaque, Bibliographie raisonnée des oeuvres de Bossuet, Paris, 1908, p. 2 : convertir à la religion de son Prince. Le cardinal de Bérulle avait organisé sa « la première et la plus rare des six grandes Oraisons funèbres de Bossuet. Le manuscrit n’existe Chapelle privée - dont parle Bossuet - et avait confié l’âme de la reine à une plus » -- A. Tchemerzine, Bibliographie des éditions originales et rares d’auteurs français, I, 836 -- J. dizaine d’oratoriens suractifs qui eurent tôt fait d’exaspérer les commerçants Le Petit, Bibliographie des éditions originales d’écrivains français du XVe au XVIIIe siècle, p. 404 -- de la Chambre des Communes. Ils ne craignaient riens moins que le retour V. de Diesbach-Soultrait, Bibliothèque Jean Bonna. Six siècles de littérature française, XVIIe siècle, du catholicisme. Il aurait signifié pour eux l’annulation de la confiscation n° 29, pp. 51-52 : « la plus rare des Oraisons funèbres de Bossuet » des biens du clergé qu’Henry VIII avait généreusement distribués. Cette Chapelle de Somerset House devint un foyer de contestation catholique. On 16 000 € le perçoit sous le propos de Bossuet comparant la situation des catholiques anglais à celle des juifs à Babylone : « Ainsi la pieuse Reine consoloit la captivité des Fidèles, & relevoit leur espérance » (p. 13). Le roi Charles avait [22] BOSSUET, Jacques Bénigne en effet saisi l’incompatibilité entre l’établissement d’une monarchie absolue Oraison funèbre de Henriette Anne d’Angleterre, duchesse en Angleterre, calquée sur le modèle façonné par Richelieu pour Louis XIII, d’Orléans Prononcée à Saint Denis le 21. jour d’Aoust 1670. et la (bienfaisante) liberté des consciences. L’église catholique était bien la Par Messire Jacques Benigne Bossuet, Conseiller du Roi en ses Conseils, seule capable de l’aider dans la construction d’un état anglais qui lui aurait permis de tenir son rang en Europe. Au lieu de cela, le Parlement lui refusait Evêque de Condom, Précepteur de Monseigneur le Dauphin tout subside, l’empêchait de lever des armées et le réduisait à jouer les seconds Paris, Sébastien Mabre-Cramoisy, 1670 rôles. Et l’église anglicane se perdait en chicanes théologiques infinies. « MADAME SE MEURT, MADAME EST MORTE ». Cette première oraison funèbre de Bossuet est donc une oraison politique ; la seconde, celle de Henriette duchesse d’Orléans, sera plus intime et plus L’UNE DES PLUS BELLES ET DES PLUS DRAMATIQUES ORAISONS DE dramatique. S’affligeant sur la mort de la reine et sur les troubles incessants BOSSUET de l’histoire de l’Angleterre, l’évêque de Condom, tout juste nommé, dessine en creux la force évidente d’un absolutisme louis-quatorzien naissant qui ÉDITION ORIGINALE

62 63 In-4 (235 x 170mm) [23] LA ROCHEFOUCAULD, Vignette gravée aux deux cigognes (marque de François, duc de Mabre-Cramoisy) sur la page de titre, bandeaux Mémoires de M.D.L.R. sur les gravés aux armes de Henriette représentant un tombeau entouré de femmes qui pleurent, initiale Brigues à la mort de Louis XIII et cul-de-lampe gravés, la gravure de ce dernier Cologne, Pierre van Dyck, 1669 signée par K. Audran Les notes de l’édition de la Pléiade (p. 1226) RARE EXEMPLAIRE EN MAROQUIN signalent deux corrections qui seront intégrées à la ET PROVENANCE DU TEMPS. L’UN nouvelle édition de 1671. Elles ont été ici corrigées DES TEXTES LES PLUS PASSIONNANTS (p. 12 : on trouve « si son rang la distinguoit » DU XVIIe SIÈCLE. ESSENTIEL À LA au lieu de « si son rang l’élevoit si haut » pour COMPRÉHENSION DES MAXIMES le premier état non corrigé ; p. 13 : l’erreur de QU’IL PRÉFIGURE PUISQUE L’AUTEUR syntaxe (« ne craint point de les envisager de près ») EST ICI ACTEUR est devenue dans l’état corrigé : « ne craint point d’envisager de près ses défauts ») SIXIÈME ÉDITION ORIGINALE, d’après COLLATION : A-G4, avec le dernier feuillet blanc Rochebilière, composée d’après les deux premières éditions de 1662 comme l’a établi Jean Marchand RELIURE DE CHAMBOLLE-DURU. Maroquin bleu, triple filet doré en encadrement, dos à In-12 (130 x 70mm) nerfs ornés, tranches dorées RELIURE DE L’ÉPOQUE. Maroquin rouge, triple La mort de Henriette fut douteuse. Le chevalier de Lorraine, amant de filet doré, dos richement orné, tranches dorées Philippe d’Orléans, a longtemps été soupçonné de l’avoir organisée. Henriette PROVENANCE : Nicolas de Malezieu (1650-1727 ; d’Angleterre avait vingt-six ans, lorsque, après avoir bu un verre d’eau de ex-libris manuscrit) -- Guillaume de Chavaudon, chicorée, elle ressentit de violentes douleurs abdominales. Elle mourut en Président au Parlement (ex-libris armorié) -- C. Thisse (ex-libris)- -- Jacques Dennery (ex-libris ; quelques heures. L’hypothèse d’un empoisonnement fut pour finir écartée. Paris, 20 juin 1984, n° 100, FF2500) Mais la brutalité de cette mort frappa vivement la cour. Sa mère était morte quelques mois plus tôt, le 16 novembre 1669. Bossuet avait fait l’oraison de Les Mémoires de La Rochefoucauld sont indispensables à la connaissance de l’auteur la mère, il fit aussi celle de la fille. S’emparant des vanités dénoncées par des Maximes. C’est ici que le moraliste naît et s’incarne, dans cette inestimable galerie l’Ecclésiaste, Bossuet prononça, à Saint Denis, parmi ses plus belles et ses de portraits des principaux protagonistes de la Fronde : Madame de Chevreuse, plus célèbres paroles : Condé, Conti, Madame de Longueville, le cardinal de Retz etc. Sans oublier le portrait de La Rochefoucauld lui-même, infatigable protagoniste de complots et Nous devrions être assez convaincus de notre néant : mais s’il faut des coups de surprise cabales menés par les femmes contre Richelieu et Mazarin puis en militant d’une à nos coeurs enchantés de l’amour du monde, celui-ci est assez grand et assez terrible. Ô aristocratie dépassée, déçu par la politique. L’autoportrait (ou autofiction, dirait-on nuit désastreuse ! ô nuit effroyable, où retentit tout à coup, comme un éclat de tonnerre, aujourd’hui) est de 1659 ; les superbes Maximes de 1664. Le plaidoyer pro domo des cette étonnante nouvelle : Madame se meurt ! Madame est morte ! Mémoires constitue le prélude et le commentaire des Maximes, dévoilant l’expérience qui donne naissance au savoir désenchanté de l’un des plus grands écrivains français. RÉFÉRENCES : V. Verlaque, Bibliographie raisonnée des oeuvres de Bossuet, Paris, 1908, p. 3 -- J. La bibliographie de La Rochefoucauld est un casse-tête, qu’il s’agisse des Maximes Le Petit, Bibliographie des éditions originales d’écrivains français du XVe au XVIIIe siècle : « Une des (avec la fameuse édition de 1664) ou des Mémoires, tous deux plusieurs fois réédités oraisons les plus recherchées de Bossuet » -- A. Tchemerzine, Bibliographie des éditions originales et transformés du temps même de leur auteur. Jean Marchand a défini les éditions et rares d’auteurs français, I, p. 838 -- V. de Diesbach-Soultrait, Bibliothèque Jean Bonna. Six différentes et souligné leurs qualités originales. De l’édition de 1662 dite originale siècles de littérature française. XVIIe siècle, n° 30, pp. 52-54 et qualifiée d’ « inachevée » par J. Marchand (car il y eut une première édition « disparue » imprimée à Rouen), on rencontre souvent des exemplaires dans de 4 800 € sobres, mais anonymes, reliures de vélin.

64 65 Sachant ces deux textes nécessaires à toute collection littéraire, on peut comme [24] LEEWEN, Simon van Édouard Rahir posséder la séquence des éditions originales différentes. Il est aussi possible de privilégier les rares exemplaires en reliure de maroquin de De Origine et progressu juris civilis romani l’époque témoignant d’une appropriation par un lecteur contemporain. C’est Leyden, Arnold Doude et Cornelius Driehuysen, 1671. le cas de celui-ci, qui appartint à Nicolas de Malézieu, précepteur du duc du Maine et du duc de Bourgogne, ami de Fénelon et de Bossuet, familier de la EXEMPLAIRE RELIÉ POUR HÉLIE DU FRESNOY, L’UN DES PLUS FINS cour de la duchesse du Maine à Sceaux. Il était homme de lettres, membre de COLLECTIONNEURS ET AMATEURS DE LIVRES DU TEMPS DE LOUIS XIV l’Académie française, traducteur d’Euripide et scientifique. Le décor du dos de la reliure, sans doute réalisée par Antoine Ruette, présente un fleuron déjà ÉDITION ORIGINALE utilisé par son père, Macé Ruette : petit vase garni de fleurs, amélioré par un chardon central avec un oiseau de chaque côté. In-8 (184 x 110mm) ILLUSTRATION : frontispice gravé à l’eau-forte par G. Wingendorp RÉFÉRENCES : J. Marchand, Bibliographie générale raisonnée de La Rochefoucauld, Paris, RELIURE DE L’ÉPOQUE. Maroquin rouge, décor doré, armes au centre des plats, filets Giraud-Badin, 1948, p. 54, n° 15 -- Tchemerzine, Bibliographie d’éditions originales et rares courbes et droits, fleurons, dos à nerfs orné, tranches dorées sur marbrure d’auteurs français, IV, 30 - Rochebilière, n° 441 -- ce texte manque à la collection Jean A. Bonna PROVENANCE : Hélie du Fresnoy (armes et chiffres dorés) -- Lord Borthwick (ex-libris manuscrit) « Les livres de cet amateur sont remarquables par la beauté et la richesse de 6 000 € l’habillement » (Guigard, Armorial du Bibliophile, tome II, p. 190)

66 67 Hélie du Fresnoy, était le fils d’un apothicaire et avait pour frère cadet le peintre Charles-Alphonse du Fresnoy. Ce dernier fut proche de Mignard et on lui doit un traité sur la peinture. Hélie du Fresnoy fut Premier commis au secrétariat de la Guerre sous Louvois. Il épousa vers 1663, alors âgé de cinquante ans, une jeune fille qui devint la maîtresse de Louvois. Le baron Pichon recensait vingt-huit ouvrages aux armes de Du Fresnoy.

RÉFÉRENCES : Guigard, Armorial du Bibliophile, tome II, p. 190 -- Baron Pichon in Bulletin du Bibliophile, 1893, pp. 420 et suivantes

6 000 €

[25] BLONDEL, François Cours d’architecture enseigné dans l’Académie royale d’architecture … Première partie Paris, Aubouin et Clouzier, 1675

EXEMPLAIRE EN MAROQUIN, AUX ARMES DE COLBERT.

LE MINISTRE DE LOUIS XIV PLAÇA BLONDEL À LA TÊTE DE LA TOUTE NOUVELLE ACADÉMIE ROYALE D’ARCHITECTURE ET FAVORISA L’ÉDITION DE CET OUVRAGE.

LE GRAND LIVRE DE RÉFÉRENCE POUR L’ENSEIGNEMENT DE L’ARCHITECTURE, EN FRANCE, À L’ÂGE CLASSIQUE.

ANCIENNEs COLLECTIONs DE L’ARCHITECTE PIERRE-FRANçois fontaine, du professeur jacques millot et de jacques BEMBERG

ÉDITION ORIGINALE

Un volume in-folio (419 x 274mm) COLLATION : π2 é2 i2 a-c2 A-B2 C-X4 (dernier blanc) ILLUSTRATION : un frontispice gravé d’après La Boissière, 25 planches gravées sur cuivre

RELIURE DE L’ÉPOQUE. Maroquin rouge, encadrement à la Du Seuil, chiffre couronné dans les coins, armes dorées au centre, dos à nerfs orné du même chiffre, tranches dorées PROVENANCE : Jean-Baptiste Colbert (armes au centre des plats et chiffre doré ; mention manuscrite « Bibliotheca Colbertina » ; Paris, 24 mai 1728, n° 3613 : « Cours d’architecture du même Blondel : première partie. Paris, 1675. Figur. G. P. mar. ») – P.-L. Fontaine (cachet) – Millot (Cat. I, 1975, n° 88) – J. Bemberg

68 69 Le Cours d’architecture de François Blondel (1618-1686) s’inscrit au cœur du programme d’enseignement de la nouvelle Académie royale d’architecture, tout juste créée, en 1671. La visée de cette institution, voulue par Jean- Baptiste Colbert, est d’« enseigner les véritables règles aux jeunes gens qui se proposent d’embrasser la profession d’architecture » (brevet royal). François Blondel, architecte de la ville de Paris, fut son premier directeur.

Tout comme les autres entreprises éditoriales confiées par Colbert à Claude Perrault, André Félibien et Antoine Desgodets, le but du Cours d’architecture n’est pas simplement d’offrir une encyclopédie aux architectes débutants, mais de construire un discours officiel façonné par les concepts et la terminologie académiques, dans lequel on apprécierait à leur juste valeur les talents des architectes du roi ; soit, de servir la gloire du roi. Le Cours d’architecture est dédicacé à Louis XIV, mais cet exemplaire-ci, aux armes de Colbert, devient quasiment un exemplaire de dédicace quand on connaît les liens qui unissaient alors le ministre et l’architecte. Les quatre autres parties du Cours d’architecture furent publiées peu de temps après la mort de Colbert, en 1683.

L’enseignement de Blondel à l’Académie se composait de cours publics sur l’architecture et les mathématiques, professés le mardi et le vendredi après- midi devant un groupe privilégié d’une vingtaine de jeunes architectes. Ces conférences formèrent le contenu du Cours d’architecture, comme l’indique clairement le sous-titre du livre. Le premier volume, publié en 1675, offrait une présentation détaillée des cinq ordres juxtaposant les proportions de Vitruve, Vignole, Palladio et Scamozzi. Le prestige institutionnel de l’Académie assura au livre une audience durable. Malgré une seule réédition (1698), le Cours exerça une influence considérable sur l’enseignement de l’Académie et sur les publications architecturales suivantes.

RÉFÉRENCES : BAL, IV, 296 – The Fowler Architectural Collection, 46 – The Mark J. Millard Architectural Collection, I, 24 – Katalog der Ornamentstichsammlung, Berlin, 2382 -- Anthony Gerbino, François Blondel : Architecture, Erudition, and the Scientific Revolution, London, New York, Routledge, 2010 -- Olivier-Hermal-de Roton, 1296, fers n° 6 et 9

35 000 €

70 71 [26] BOSSUET, Jacques Bégnigne Discours sur l’Histoire universelle à Monseigneur le Dauphin Paris, Sébastien Mabre-Cramoisy, 1681.

BEL EXEMPLAIRE RELIÉ EN MAROQUIN ROUGE, PROVENANT DE L’ANCIENNE COLLECTION JACQUES DENNERY ET SEMBLABLE À L’EXEMPLAIRE D’ÉDOUARD RAHIR.

L’UN DES PLUS GRANDS TEXTES DE BOSSUET QUI, SELON CHATEAUBRIAND, ILLUSTRE « L’INFLUENCE DU GÉNIE DU CHRISTIANISME SUR LE GÉNIE DE L’HISTOIRE » (Mémoires d’Outre- tombe).

PMM 157 : « A NOBLE SPECIMEN OF CLASSICAL FRENCH PROSE »

ÉDITION ORIGINALE

In-4 (252 x 185mm) Vignette gravée sur la page de titre, grands bandeau et cul-de-lampe gravés par J. Jollain d’après Le Pautre, initiales gravées COLLATION : π1 A-Z 2A-Z 3A-Z 4A-B4

RELIURE DU XVIIIe SIECLE. Maroquin rouge, décor doré, triple encadrement de filet avec rosette aux angles, dos à nerfs avec rosette dans les caissons, tranches dorées PROVENANCE : Jacques Dennery (ex-libris, 1984, n° 28)

Pâle mouillure angulaire dans les premiers feuillets n’affectant pas le texte

Le Discours sur l’histoire universelle est un cours d’histoire générale composé pour l’instruction du Grand Dauphin. Après un résumé chronologique des principaux événements dans une première partie intitulée « Les époques », Bossuet retrace, dans « La suite de la religion » les étapes de l’expansion chrétienne, depuis Moïse jusqu’au triomphe de l’Église. Dans la troisième partie, « Les Empires », il étudie les empires de l’Antiquité, analyse les causes de leur grandeur et de leur décadence, leur unification par les Romains et la diffusion de l’Évangile.

A propos du Discours sur l’histoire universelle, Voltaire écrit : « on fut étonné de cette force majestueuse avec laquelle il [Bossuet] a décrit les mœurs, le gouvernement, l’accroissement et la chute des grands empires, et de ces traits rapides d’une vérité énergique, dont il peint et juge les nations » (Le Siècle de Louis XIV, ch. 32)

RÉFÉRENCES : Printing and the Mind of Man, n° 157 -- A. Tchemerzine, I, p. 842

12 000 €

72 73 COLLATION ET CONTENU : 476 ff à pagination continue (sans trois feuillets blancs), conforme à Tchmerzine

RELIURE DE L’ÉPOQUE. Veau fauve, armes au centre des plats, dos à nerfs ornés PROVENANCE : Pierre-Daniel Huet (armes ; ex-libris gravé) -- B. Vacheron (ex-libris manuscrit avec cote « D.de D. 7867 »)

Reliure légèrement frottée, coiffes renforcées

Né dans une famille de protestants convertis, Pierre-Daniel Huet (1630-1721) étudie chez les Jésuites de Caen. A vingt ans, il se lie d’amitié avec Gabriel Naudé. En 1670, il assiste Bossuet, alors précepteur du Dauphin, et dirige l’édition des classiques dite ad usum Delphini. Il entre à l’Académie française en 1674. Il légua sa bibliothèque aux Jésuites de Paris : 8000 volumes réliés pour la plupart très simplement en veau. A la fin du XVIIe siècle, Bossuet s’engagea dans les tentatives de réunification de l’Église. Il publia l’Histoire des variations des églises protestantes (1688) auxquelles le ministre protestant Pierre Jurieu répondit. Bossuet publia ces Six Avertissements aux protestants sur les lettres du ministre Jurieu contre l’Histoire des variations.

RÉFÉRENCES : Tchemerzine, Éditions originales et rares xv-xviiie siècle, I, pp. 864-868 -- Olivier-Hermal-de Roton, pl. 1684

6 000 €

[28] FERRAND, Anne de Bellinzani, présidente Lettres de Bélize à Cléante. [Manuscrit]. circa 1685.

S’AIMER PAR LETTRES : LES AMOURS DE LA PRÉSIDENTE FERRAND ET DU BARON DE BRETEUIL. [27] BOSSUET, Jacques Bégnine COPIE MANUSCRITE, ANTÉRIEURE À LA PUBLICATION SELON PIERRE LOUŸS, DE L’UN DES BEAUX ROMANS D’AMOUR PAR LETTRE AU XVIIe Premier-Sixième avertissement aux protestants SIÈCLE. EXEMPLAIRE RELIé À L’ÉPOQUE EN VéLIN DORÉ ET AYANT Paris, Veuve de Sébastien Mabre-Cramoisy, 1689-1691. APPARTENU à PIERRE LOUŸS

EXEMPLAIRE DE PIERRE-DANIEL HUET, RELIÉ À SES ARMES. IL FUT COLLATION : [231] pages in-8 (165 x 107mm) calligraphiées à l’encre brune ÉLÈVE DE BOSSUET ET PRÉCEPTEUR DU DAUPHIN RELIURE DE L’ÉPOQUE. Vélin ivoire, décor doré, motif central à fleurons aux motifs de feuillage, de fleurs et d’étoiles, encadrement à la Du Seuil, dos long orné d’un fleuron losangé, ÉDITION ORIGINALE gardes de papier peigne, tranches dorées PROVENANCE : Joyeuse, signature de l’époque plusieurs fois répétée -- Pierre Louÿs, avec une 6 parties en un volume in-4 (234 x 169mm). Fleurons et bandeaux gravés. Marque d’imprimeur note de sa main à l’encre violette (Bibliothèque de M. Pierre L****, Paris, 1918, n° 531, mais cette sur les pages de titre vente n’eut pas lieu)

74 75 [29] MALVASIA, Carlo Cesare Le Pitture di Bologna Bologne, Pier-Maria Monti, 1706

RELIURE EN VÉLIN D’ÉPOQUE.

PETIT TRAITÉ DES PEINTURES DE BOLOGNE

Préface et Lettres de Giampietro Zanotti en édition originale. Les Pitture di Bologna de Malvasia avaient d’abord paru du vivant de leur auteur, en 1686

In-12 (139 x 79mm)

RELIURE DE L’ÉPOQUE. Vélin, dos long avec Anne de Bellinzani naquit en 1657. Elle était la fille d’un Intendant de commerce titre à l’encre, gardes de papier bleu fortuné. Introduite très tôt dans le monde parisien, elle s’éprit éperdument à l’âge de quatorze ans de Louis Le Tonnelier, baron de Breteuil, qui en avait Premier cahier partiellement décousu. Reliure vingt-trois. S’en suivit l’une des grandes histoires d'amour de la fin du XVIIe légèrement brunie siècle. Breteuil est occupé ailleurs et marié. Anne de Bellinzani se retira dans un couvent, puis fut marié au Président Ferrand. Le riche beau-père Bellinzani Carlo Cesare Malvasia (1616-1693) est le grand historien d’art de la ville de tomba en disgrâce en 1681. Une séparation fut prononcée. Durant ces années, Bologne. Il privilégia, dans ses Pitture les figures exemplaires d’artistes qui Breteuil et la Présidente Ferrand s’étaient aimés. Elle avait accouché d’une fille formèrent l’“école de Bologne”, et, parmi eux, la célèbre famille des Carracci. naturelle qui ne fut reconnue qu’en 1738. Anne de Bellinzani vivait recluse dans Cette édition est due à Giampietro Zanotti (1674-1765) qui en rédigea la un appartement de la rue du Bac. Douée d’un véritable talent d’écrivain, elle préface, la lettre aux lecteurs, ainsi qu’un important index par lieu, par sujet fit très vite circuler des lettres d’amour qu’elle avait recomposées sous la forme ou par artiste. C’est pourquoi son nom fut inscrit par une main contemporaine de ces Lettres de Belize à Cléante. Elle les publia sous forme de livre en 1689 : au dos de cet exemplaire. Zanotti fut un critique d’art de Bologne, dans la Histoire nouvelle des amours de la jeune Bélize et de Cléante. lignée directe de Malvasia, connu pour avoir créé l’académie des Beaux-Arts de Bologne, alors appelée académie clémentine. Cette copie manuscrite retint l’attention de Pierre Louÿs. Une note de sa main, jointe à l’exemplaire, précise que ce manuscrit « est antérieur à l’impression et RÉFÉRENCE : Stefano Benassi, “Les origines de l’Accademia Clementina”, in Les Fins de la assez différent du texte connu ». peinture, Paris, éditions Desjnquères, 1990

2 500 € 1 800 €

76 77 [30] THOMAS, Antoine Brevis relatio eorum, quae spectant ad Declarationem Sinarum Imperatoris Kam Hi circa coeli, cumfucii, et Avorum cultum, datam anno 1700... Opera PP Societ. Jesu Pekini pro Evangeli propagatione laborantium Pékin, 29 juillet 1701

L’EUROPE SI PROCHE DE LA CHINE : LE GRAND TEXTE DES JÉSUITES SUR LA QUERELLE DES RITES.

RARE IMPRESSION XYLOGRAPHIQUE DUE AUX FAMEUSES PRESSES DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS À PÉKIN

ÉDITION ORIGINALE

In-4 (245 x 156mm) COLLATION : 61 feuillets imprimés d’un seul côté, xylographiés sur papier de chine, les deux feuillets blancs sont conservés CONTENU : § 1 : Acta ante declarationem, au verso de la page de titre, avec le Libellus supplex à l’Empereur de Chine imprimé en latin et Mandchou. § 2 : Libelli Supplicis versio, in quo continetur Declaratio Rituum quorundam, § 3 : Consecuta post Declarationem divulgatio, avec la loi impériale en traduction chinoise et latine, § 4 : Effectus Declarationem consequentes, § 5 : Testimonia primatum, § 6 : Clarissima Divini Cultus ex Traditione Monumenta. La dernière page est signée par les neuf jésuites qui ont participé à la rédaction du livre sous la direction du R. P. Antoine Thomas

RELIURE : brochage des feuillets à la chinoise, couture postérieure. Boîte PROVENANCE : Travel and Exploration, Portugal and Spain, Reiss et Auverman, 3-4 avril 1989, n° 438

Antoine Thomas naquit à Namur en 1644 et mourut à Pékin en 1709. Il entra dans la Compagnie de Jésus en 1660 et devint prêtre en 1678. Il étudia la philosophie au Collège de Douai en 1665, puis à Lille et Namur avant d’achever un cycle de théologie de nouveau à Douai entre 1671 et 1675. De 1678 à 1680, il étudia les mathématiques à Coimbra, au Portugal. Cet esprit universel si typique des grands jésuites du XVIIe siècle voulait depuis son plus jeune âge partir pour la Chine. Il embarqua le 4 avril 1680 sur un bateau appelé le San Antonio. Thomas se rendit au Siam, à Macao puis à Canton où il arriva en 1685. Le Vice-roi le convainquit alors de se rendre à Pékin.

78 79 Il passa un an à Nankin et, de là, enfin à Pékin, le 7 novembre 1686 où il devint l’assistant du célèbre P. Ferdinand Verbiest (mort en 1688). En 1699, l’empereur Kangxi (règne 1662-1722) utilisa ses compétences d’ingénieur pour contenir le cours capricieux du Fleuve jaune (Huang He). Thomas fixa aussi la mesure d’un degré de longitude et cartographia la région de Pékin, époque à laquelle l’empereur fit de son principal conseiller un mandarin. Il fut Vice-provincial des jésuites de la Chine et l’un des plus ardents disciples de la christianisation de ce pays. Thomas était aussi devenu Vice-directeur puis même directeur du Bureau d’astronomie de Pékin.

Les Jésuites pensaient en effet que la sinisation des rites chrétiens et la création d’un clergé chinois étaient nécessaires à l’évangélisation de la Chine. Ils avaient obtenu du pape l’autorisation de remplacer le latin par le chinois littéraire dans la liturgie et ils acceptaient avec tolérance la pratique des rites confucéens. L’interdiction faite aux chrétiens par Mgr Charles-Thomas Maillard de Tournon (1668-1710), vicaire apostolique du Fujian guidé par un jansénisme aveugle, en 1693, d’exercer leurs rites envers le Ciel, Confucius et les ancêtres, allait déclencher la fameuse « Querelle des Rites ». Elle divisa l’église et porta un coup d’arrêt à la mission des Jésuites en Chine. Ce n’est qu’en 1939 que le Vatican reconnut le bien fondé des positions jésuites. Thomas fut aussi, depuis la Chine, l’un des correspondants directs de Leibniz et donc l’une de ses meilleures sources d’informations dans la querelle des rites. On dit que la brouille entre Rome et son maître Kangxi fut cause de sa mort précoce.

Par malheur, cette « Querelle » s’inscrivit dans la grande controverse qui opposait les Jésuites aux Jansénistes. Ces derniers finirent, au nom du respect d’une orthodoxie trop rigoureuse, par avoir raison de l’une des plus grandes entreprises d’acculturation tentée par des européens. La correspondance de Leibniz témoigne qu’on attendait comme imminente, à la cour de Louis XIV et dans toute l’Europe, la conversion de l’empereur de Chine au christianisme.

Au plus fort de la controverse, les Jésuites adressèrent un placet à l’empereur Kangxi qui avait promulgué, à leur instigation, en 1692, un édit de tolérance en faveur du christianisme. Ce placet, approuvé par l’empereur le 30 novembre 1700, exposait leur interprétation de la signification philosophique des rites chinois. Afin de faire connaître au monde l’approbation impériale, ils publièrent cette Brevis Relatio... qui donne successivement le texte du placet en latin, en mandchou et en chinois.

Cette édition princeps parut à Beijing en 1701, et dès l’année suivante, une réédition fut exécutée à Canton. Calquée sur la présente édition originale,

80 81 elle offre quelques variantes, essentiellement des corrections dans la [32] FÉNELON, François de Salignac de La Mothe coupure des mots et dans l’accentuation. Seuls une vingtaine d’exemplaires Dialogues sur l’éloquence en général, et sur celle de la chaire de l’édition originale sont répertoriés dans les collections publiques dont en particulier quatre à la Bibliothèque nationale. Fait étrange, l’un d’eux fut relié pour Napoléon Ier. Depuis 1977, et à l’exception de celui-ci, seul l’exemplaire des Paris, Florentin Delaulne, 1718 ducs de Devonshire a été proposé sur le marché international des ventes aux enchères (Christies, 24 février 1982). Le Manuel de Brunet ne cite que deux « ON PARLE POUR PLAIRE & POUR PERSUADER ». exemplaires : ceux de Rémusat et de Libri. C’est, avec l’Innocientia Victrix gravée à Canton en 1671, l’un des plus longs textes latins ainsi publié en EXEMPLAIRE DE CHOIX EN BELLE RELIURE ANCIENNE DE MAROQUIN Chine. ARMORIÉ, PORTANT L’EX-LIBRIS GRAVÉ D’UN PRÉSIDENT À MORTIER, MEMBRE DE LA FAMILLE DES LE PELETIER RÉFÉRENCES : J.-C. Brunet, Manuel du libraire, I, col. 1249 -- Boxer, C. R. A., « Some Sino- European xylographic books 1662-1728 », Journal of the Royal Asiatic Society, 1947, pp. 209 ssq., ÉDITION ORIGINALE accompagnée de la réimpression de la célèbre lettre de Fénelon écrite à n° 6 -- Cordier, Bibliotheca sinica, 2:892–893 -- P. Pelliot, « La Brevis Relatio » T’oung Pao 23 l’Académie Françoise : sur l’éloquence, la Poësie, l’Histoire, etc. (1924), pp. 355–372 -- Sommervogel, VII, 1978 -- J.-P. Duteil, Le mandat du Ciel. Le rôle des jésuites en Chine, Paris, 1994, p. 370 qui donne une collation de l’ouvrage In-12 (162 x 94mm) COLLATION : (4 ff.), 409 pp., (1 f.). 60 000 € RELIURE DE L’ÉPOQUE. Maroquin noir, chiffre doré au centre des plats surmonté d’une couronne de marquis, encadrement d’un filet estampé froid, dos à nerfs, pièce de titre de maroquin rouge, tranches dorées sur marbrure [31] FÉNELON, François de Salignac de La Mothe PROVENANCE : chiffre couronné non identifié - un membre de la famille des Le Peletier (ex-libris armorié gravé du xviiie siècle conforme à Olivier-Hermal-de Roton, pl. 897, fer 1) Recueil des mandemens... à l’occasion des Jubilez, du Carême, & des qui fut Président à mortier du Parlement comme l’atteste l’emblème de sa charge surmontant Prières publiques depuis le 15 Novembre 1701 jusqu’au 23 Février 1713 la couronne sans que l’on puisse pour autant identifier son possesseur, qu’il soit Le Peletier de Paris, Chez François Babuty, 1713. Rosanbo, de Mortefontaine, de Souzy ou de Saint-Fargeau

FÉNELON EN DISGRÂCE, AU JOUR LE JOUR, À CAMBRAI. EXEMPLAIRE L’enseignement de l’éloquence, négligé par Bossuet, Bourdaloue et d’autres DES DUCS DE LUYNES émules du Cygne de Cambrai est entrepris ici par le plus sensible et le plus talentueux des maîtres de cet art. Sous forme de dialogues, Fénelon examine ÉDITION ORIGINALE les fondements, les ressources et les mécanismes de l’éloquence. La lettre à l’Académie que Fénelon a jointe traite de plusieurs projets : le dictionnaire, une In-8 (164 x 90mm) grammaire, une rhétorique, une poétique, un traité sur la tragédie, d’autres sur la comédie et sur l’histoire, etc. Elle se termine par une Réponse à une Objection RELIURE DE L’ÉPOQUE. Veau jaspé, dos à nerfs orné, tranches mouchetées sur ces divers Projets. Fénelon évoque l’ardeur et l’émulation des Anciens : PROVENANCE : ducs de Luynes (cotes à l’encre brune, étiquette de cote en tête du dos, grande étiquette au contreplat inférieur) J’avouë que l’émulation des Modernes seroit dangereuse, si elle se tournait à mépriser les Anciens, & à négliger de les étudier. Le vrai moyen de les vaincre, est de profiter de tout ce qu’ils ont Les années d’exil furent particulièrement dures pour Fénelon, dans les pays du d’exquis, & de tacher de suivre encore plus qu’eux leurs idées de l’imitation de la belle nature. Si Nord détruits par les folies guerrières de Louis XIV : « la rareté, la cherté des jamais il vous arrive de vaincre les Anciens, c’est à eux-mêmes que vous devrez la gloire de les avoir aliments..., la misère qui met les peuples dans l’impuissance de les acheter » vaincus... Rien ne marque tant une nation gâtée que ce luxe dédaigneux, qui rejette la frugalité (p. 163) des Anciens. C’est cette dépravation qui renversa Rome.

750 € 1 300 €

82 83 [33] Arrest de la Cour de Parlement rendu entre les Inspecteurs de Police et les Aubergistes de Paris Paris, Veuve Saugrain, 1717

RACKET DES AUBERGISTES PAR LA POLICE. LES RIPOUX AU XVIIIe SIÈCLE

ÉDITION ORIGINALE

In-4 (238 x 179mm) Bandeau et initiale gravés COLLATION : 2 feuillets

RELIURE à la bradel, en papier marbré

La cour de Parlement confirme un arrêt rendu en 1717 entre les Inspecteurs de police et les « Aubergistes, Gargotiers ou Louëurs en Hôtels ou Chambres Garnies de cette Ville de Paris ». Il était intimé aux inspecteurs de restituer les sommes et les meubles indûment perçus. Bref, qu’ils « fussent condamnés solidairement et par corps de rendre et restituer à tous ceux qui avaient été In-4 (248 x 185mm) obligés de payer ». On ne peut rêver meilleure définition du racket. Fleuron aux armes royales gravé sur la page de titre. Deux grands bandeaux gravés par Audran d’après Coypel 950 € RELIURE DE L’ÉPOQUE. Veau granité, dos à nerfs ornés, tranches mouchetées

Petite restauration au mors supérieur [34] COYPEL, Antoine Discours prononcez dans les conférences de l’Académie royale L’épître dédicatoire, imprimée avec les beaux caractères de Moreau (et dont de peinture et de sculpture Par M. Coypel, Ecuyer, Peintre du Roy, de Collombat possédait les matrices) s’adresse au Régent Philippe d’Orléans dont Coypel était le peintre officiel. Ses célèbres conférences, fondées sur les goûts Monseigneur le duc d’Orléans Régent, & Directeur de l’Académie Royale de et les pratiques du peintre, présentent la véritable érudition artistique de celui Peinture et de Sculpture qui fut le défenseur de la couleur. Mais, entre dessin et couleur, entre Poussin Paris, de l’Imprimerie de Jacques Collombat, 1721 et Rubens, Coypel sut imposer une position intermédiaire qu’il illustrait par le paradigme du Malade imaginaire. Pour Coypel, choisir l’un ou l’autre UN LIVRE INTELLIGENT, CONSTAMMENT CITÉ PAR LES PLUS GRANDS HISTORIENS DE L’ART, DE CHENNEVIÈRES À SCHNAPPER c’est détruire une partie pour en faire valoir une autre (...) C’est vouloir suivre le conseil de Toinette dans le Malade imaginaire : c’est vouloir se couper un bras afin que l’autre se porte NE PAS CHOISIR ENTRE DESSIN ET COULEUR, ENTRE RUBENS ET mieux, et se faire crever un oeil pour voir plus clair de l’autre. Il est vrai, disais-je, qu’un tableau POUSSIN : LA FORMULATION PAR COYPEL DU « PARADIGME DE ne peut être parfait sans coloris ; mais comment veut-on que le coloris subsiste sans le dessin (p. TOINETTE » 88 du présent volume).

ÉDITION ORIGINALE 1 800 €

84 85 [35] MONTFAUCON, Dom Bernard de. L’Antiquité expliquée et représentée en figures. Supplément à l’Antiquité expliquée Paris, Delaulne, Giffart, etc., 1722-1757

LA MONUMENTALE ENCYCLOPÉDIE FRANCAISE DE L’ANTIQUITÉ.

LA MEILLEURE ÉDITION, ILLUSTRÉE DE PLUS DE 1500 PLANCHES GRAVÉES A L’EAU-FORTE

Seconde édition, considérablement augmentée. Suppléments en édition originale

10 tomes en 15 volumes in-folio (432 x 276mm) Titre imprimé en rouge et noir ILLUSTRATION : frontispice gravé par Le Clerc, portrait du comte d’Estrée gravé par Audran d’après Largillière, et près de 1 500 planches gravées à l’eau-forte

RELIURES UNIFORMES DE L’ÉPOQUE. Veau brun, dos à nerfs ornés, tranches mouchetées de rouge PROVENANCE : Librairie Pierre Berès (Drouot, 17 décembre 2007, n°175)

Une des charnières du premier volume fendue, accrocs et restaurations aux reliures. Quelques rousseurs

Cet ouvrage, « qui n’a jamais vraiment été remplacé » (Brunet, III, 1861), offre une des visions les plus complètes sur l’Antiquité égyptienne, grecque et romaine, dans tous les aspects de la société, de la religion et de l’art.

Bernard de Montfaucon, originaire du Languedoc, est considéré comme l’inventeur de l’archéologie en France. Peu de temps après avoir servi dans le corps des cadets de Perpignan, il entra au monastère bénédictin de Toulouse, où il étudia le grec, l’histoire de l’art, la philosophie et la théologie. Après un séjour en Italie, il se retira à l’abbaye parisienne de Saint-Germain-des-Prés pour y poursuivre ses études et où il fut enterré en 1741.

La première publication de l’ouvrage, en 1719, suscita un intérêt considérable en Europe, tout le monde voulant lire et voir le livre. En deux mois, tous les exemplaires imprimés furent épuisés. Cette réédition, parue trois ans après, fut considérablement augmentée de volumes de Suppléments.

RéFéRENCE : Brunet, Manuel du libraire, III, 1861

14 000 €

86 87 [36] LE BRUN, Charles Grand escalier du château de Versailles dit Escalier des Ambassadeurs Paris, Louis Surugue, [1725]

L’ESCALIER DES AMBASSADEURS OU LE THÉÂTRE PEINT ET SCULPTÉ DU POUVOIR DE LOUIS XIV. CET OUVRAGE EST L’UN DES RARES TÉMOINS PERMETTANT DE RESTITUER L’UNE DES SPLENDEURS DE VERSAILLES, DÉTRUITE EN 1752 PAR LOUIS XV.

EXEMPLAIRE DU DUC ALBERT DE SACHSEN-TESCHEN, BEAU-FRÈRE DE MARIE-ANTOINETTE

ÉDITION ORIGINALE

In-folio (525 x 400mm). Grand bandeau gravé par L. Surugue d’après Parocel daté 1725 et représentant l’Entrée d’un ambassadeur à Versailles, COLLATION et ILLUSTRATION : titre gravé, 9 pages de texte gravées recto-verso sur cinq feuillets, 24 planches gravées par L. Surugue et Simonneau d’après J. M. Chevotet dont 6 SUR DOUBLE PAGE, la dernière planche représentant le plafond a été gravée d’après le dessin de Charles le Brun lui-même CONTENU : (titre des illustrations) : Vue extérieure de l’entrée du Grand Escalier (double) ; Plan du Grand Escalier des Ambassadeurs (double) ; Vestibule du Grand Escalier de Versailles (double) ; Plafond du passage à droit(e) ; Plafond du passage à gauche ; Vue intérieure du Grand Escalier de Versailles (côté opposé à l’entrée) ; Fontaine ; Valenciennes emporté d’assaut ; Les différentes Nations de l’Europe ; Le Buste de Louis le Grand ; Les différentes nations de l’Amérique ; Reddition de Cambray ; Palliers de marbre en haut des degrés ; Vue du costé gauche du grand escalier de Versailles ; Trophée des armes d’Hercule ; Vue intérieure du Grand Escalier de Versailles du côté de l’Entrée ; Prise de Saint Omer ; Les différentes Nations de l’Asie ; Les armes de France et de Navarre ; Les différentes Nations de l’Afrique ; Bataille de Cassel ; Vue du côté droit du Grand Escalier de Versailles ; Trophée des armes de Minerve ; Plafond du Grand Escalier

RELIURE AUTRICHIENNE DE LA FIN DU XVIIIe SIÈCLE. Maroquin rouge, décor doré, roulette d’une guirlande fleurie en encadrement, dos à nerfs très orné, gardes de papier marbré bleu et jaune, tranches dorées PROVENANCE : duc Albert de Sachsen-Teschen (1738-1822), avec son étiquette de cote (A 51 ; P 2 ; N° 20) -- Jacques Bemberg (ex-libris)

Le Grand Escalier de l’appartement du Roi à Versailles était appelé le Grand degré ou l’Escalier des Ambassadeurs. Imaginé par l’architecte Louis Le Vau, il est l’œuvre de son successeur, François d’Orbay, et du peintre Charles Le Brun, entre 1672 et 1679.

88 89 90 91 Très richement décoré de marbres polychromes, de bronze doré et de peintures, il est éclairé à la voûte par une verrière de « glaces de cristal », premier exemple d’éclairage zénithal. L’ensemble de son décor célèbre la victoire du roi dans la guerre de Hollande (1672-1678). Sur le palier, plusieurs peintures en trompe-l’œil révèlent la gloire militaire de Louis XIV ; les cartouches sont comme une fenêtre sur un paysage. Au centre trônait le buste du roi en marbre, sculpté par Warin. L’image majestueuse du souverain cuirassé et vêtu du paludamentum fait référence à la Rome antique.

Mal éclairé, assez délabré, l'escalier sera peu utilisé sous Louis XV, sauf pour les grandes audiences diplomatiques ou pour quelques pièces de théâtre ou opéra puisqu’Acis et Galatée de Lully y sera donné en janvier 1749. L’escalier sera donc détruit en 1752 à la demande du roi, à cause des problèmes d’entretien de la verrière et pour permettre l’extension de son appartement intérieur. Il ne reste aujourd’hui que bien peu d’éléments de ce décor grandiose.

Ce monument remarquable de l’architecture de cour en France nous est connu par différentes sources : le texte de Jean–François Félibien conservé à l’état de manuscrit à la BnF et publié dans le Mercure galant (« Description de l’Escalier de Versailles », septembre 1680), le manuscrit de la Vie de Charles Le Brun par Claude Nivelon (BnF), le remarquable ensemble des cartons et projets de Le Brun conservé au Musée du Louvre, et enfin cet ouvrage et surtout sa préface explicative écrite par L. C. le Fevre. Les gravures de Surugue permirent aux générations à venir de visualiser cet escalier grandiose. Celle de la Vue intérieure du Grand Escalier de Versailles constitue ainsi la source évidente de la célèbre peinture de Jean-Léon Gérôme représentant la [37] MONVILLE, Simon-Philippe Mazière, abbé de « Réception du Grand Condé à Versailles » et peinte en 1878 (Musée d’Orsay). La Vie de Pierre Mignard, Premier peintre du Roy Avec le Poëme de Molière sur les Peintures du Val-de-Grâce, et Deux Dialogues de M. de L’Escalier des ambassadeurs était donc entré dans la légende et dans l’imaginaire des sociétés de cour européennes. De nombreuses et célèbres réalisations l’ont très Fénelon Archevêque de Cambray, sur la Peinture tôt pris pour modèle et imité tout au long des XVIIIe et XIXe siècles, comme, Paris, Jean Boudot et Jacques Guérin, 1730. par exemple, l’escalier de Charles de La Fosse à Montagu House (1690), celui de Dietzenhoffer à Pommersfelden vers 1715, ou, bien plus tard encore, ceux BON EXEMPLAIRE D’UNE BIOGRAPHIE D’ARTISTE AU XVIIIe SIÈCLE : construits par Destailleur pour le palais Rothschild de Vienne (1876), ou pour CELLE DU PEINTRE PIERRE MIGNARD, RÉDIGÉE D’APRÈS LES Louis II de Bavière à Herrenchiemsee (1878–1886), pour le duc Engelbert–Marie MÉMOIRES DE SA FILLE, CATHERINE MIGNARD d’Arenberg dans son palais de Bruxelles (1906), pour Boni de Castellane au Palais rose (1896–1902), sans oublier l’escalier d’Oldway Mansion (Devon). Il n’y a donc ÉDITION ORIGINALE de la Vie de Pierre Mignard, PREMIÈRE ÉDITION des Dialogues sur rien d’étonnant à ce qu’Albert de Saxe–Teschen, modèle du courtisan à l’âge des la Peinture de Fénelon Lumières, ait possédé un exemplaire richement relié de ce recueil somptueux. In-12 (161 x 95mm) RÉFÉRENCES : Charles Le Brun 1619-1690. Le décor de l’escalier des Ambassadeurs à Fleuron gravé sur bois, sur la page de titre, culs-de-lampes et bandeaux gravés sur bois Versailles, préf. par J. Thuillier, cat. par L. Beauvais, Versailles, 1990-1991 –– BAL, II, 1796 –– CONTENU : dédicace au Roi, préface, pp. LI-LXXII : Catalogue des oeuvres gravées d’après les Ornamentstichsammlung Katalog Berlin, 4025 –– Millard, French books, I, 89 –– Guilmard, Les Tableaux de Pierre Mignard, premier Peintre du Roy, pp. 1-190 : Vie de Pierre Mignard, pp. 191- Maîtres ornemanistes, p. 76, n° 4 203- : La Gloire du Val-de-Grâce (1669) de Molière qui prend ici la défense de Mignard, pp. 207-235 : Dialogues sur la peinture de Fénelon, puis Approbation, Privilège et Errata 9 500 € ILLUSTRATION : autoportrait de Mignard gravé par R. Hecquet

92 93 RELIURE DE L’ÉPOQUE. Veau granité, dos à nerfs orné et doré, décor doré, armes au centre des plats (apposées postérieurement), filet d’encadrement, tranches rouges PROVENANCE : Guillaume Pavé de Vendoeuvre (1779-1870), baron et pair de France

Pierre Mignard (1612-1695) fut l’un des plus grands peintres du XVIIe siècle français. En 1687, Louis XIV anoblit l’élève de Simon Vouet à Paris et de Poussin à Rome. Il devint Premier peintre du Roi en 1690. On doit à cette coqueluche des dames de la Cour le célèbre portrait de Molière, qui est aussi l’auteur de la défense du peintre du Val-de-Grâce ajoutée ici. Mignard eut une fille, Catherine-Marguerite (1652-1742) qui épousa en 1696 le comte Jules de Pas de Feuquières. Son père la peignit de multiples fois. Selon Saint-Simon, elle fut « répétée en plusieurs de ces magnifiques tableaux historiques qui ornent la grande galerie de Versailles ». Elle est à l’origine de cette biographie et du catalogue des peintures de son père, auquel elle entend rendre hommage : « la comtesse de Feuquières est cette fille chérie... C’est sur ses Mémoires qu’on a écrit la vie de son illustre père ». L’information sur la vie du peintre est donc puisée à la source familiale et n’a pour seul défaut que le manque de chronologie. Enfin, le texte de Fénelon, disciple de la peinture « d’après nature » c’est-à-dire surtout « d’après l’antique », est un moment important dans l’histoire de la notion de beauté au XVIIIe siècle.

2 400 €

[38] VIC, Claude de, et Joseph Vaissète Histoire générale de Languedoc Paris, Jacques Vincent, 1730-1745

BEL ET RARE EXEMPLAIRE DE LA GRANDE HISTOIRE DU LANGUEDOC RELIÉ EN MAROQUIN, AUX ARMES DU DUC DE CHOISEUL-PRASLIN

ÉDITION ORIGINALE

5 volumes in-folio (390 x 253mm) Vignettes gravées par Cochin, Rigaud et Tardieu ILLUSTRATION et COLLATION : Volume I : 8 planches et une carte, volume II : 2 planches et 2 cartes, volume III : 2 planches, volume IV : 9 planches et une carte, volume V : 14 planches. Soit un total de 33 planches et de 6 cartes avec traits aquarellés, dessinées par J.-B. Nolin, Rolin, A. Cadas, Gleyse, Dufour, Despax et gravées par C.-A. de Bercy, Claude Lucas, Le Parmentier, C.-N. Cochin, C.-L. Lucas

RELIURES UNIFORMES DE L’ÉPOQUE. Maroquin rouge, armes dorées au centre des plats, filets et fleurons dorés en encadrement, dos à nerfs ornés, tranches dorées PROVENANCE : César-Gabriel, duc de Choiseul-Praslin (armes)

94 95 Claude De Vic (ou Devic, 1670-1734) et Joseph Vaissette (1685-1756) César-Gabriel, duc de Choiseul-Praslin (1712-1785) est d’abord lieutenant- travaillèrent pendant trente ans à fournir le plus monumental livre d’histoire général de cavalerie, avant de quitter le service en raison de son mauvais état régionale jamais imprimé en France : l’histoire du Languedoc en cinq volumes de santé. En 1758, il remplace son cousin, le duc de Choiseul-Stainville, en in-folio. La méthode employée marque un tournant dans l’appréhension du tant qu’ambassadeur à Vienne. Il occupe les fonctions de Secrétaire d’état passé. Chacun des cinq volumes, comprend trois parties : un récit historique, aux Affaires étrangères en 1761. L’année suivante, Louis XV le fit chevalier des notes savantes, puis des pièces justificatives (les « preuves »). Ainsi, cette de l’ordre du Saint Esprit. En 1766, le duc de Choiseul-Praslin passa au Histoire générale de Languedoc commence-t-elle avec celle du Pont du Gard. En département de la Marine. Il agrandit la flotte, fortifia le port de Brest et l’absence de textes antiques, et à une époque où l’archéologie n’en était qu’à ses confia le projet de voyage autour du monde à Bougainville. Il fut disgracié en balbutiements, la datation était très incertaine : Vic et Vaissette étaient plutôt 1770, en même temps que le duc de Choiseul-Stainville, Premier ministre de d’avis que c’était Hadrien (76-138) qui l’avait fait bâtir. Le parcours du canal Louis XV. À sa mort, son éloge funèbre fut prononcé par Condorcet. était connu, et ils relevaient à juste raison qu’il était destiné à amener l’eau de la Fontaine d’Eure jusqu’à Nîmes près de « la Tour Magne, où était le regorgement RÉFÉRENCES : J.-C. Brunet, Manuel du Libraire et de l’amateur de livres, V, 1029 – Cohen-de des eaux et le grand réservoir qui les fournissoit à la ville ». Les trois premières Ricci, Livres à gravures du XVIIIe siècle, 1011 – Olivier-Hermal-de Roton, Manuel de l’amateur de planches de cette somme historique concernent donc ledit pont. L’ouvrage sera reliures armoriées françaises, 815 -- Gaston Saffroy, Bibliographie généalogique, II, 26377 (« ouvrage réimprimé en 1749 au format in-12, puis refondu et « complété » au siècle suivant. célèbre et justement estimé ») Fruit de ces investigations, 131 volumes de documents se trouvent aujourd’hui au Cabinet des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France. 35 000 €

96 97 [39] [CHASSE] De par le Roy ordonnance pour faire allandonner les Chiens. Angers, 6 juin 1736

LA FRANCE, PAYS ADMINISTRÉ : RÉGLEMENTATION DE LA CHASSE EN ANJOU AU XVIIIe SIÈCLE. LES CHIENS ERRANTS, DESTRUCTEURS DE GIBIER, DOIVENT ÊTRE « ALLANDONNÉS »

ÉDITION ORIGINALE

In-folio (350 x 230mm). Papier vergé, vignette royale et lettrines gravées sur bois

« A tous ceux qui ces presentes Lettres verront, Pierre Le Hay, Seigneur de Villeneuve, Conseiller du Roy, Maître des Eaux & Forêts d’Anjou en la Maîtrise Particulière d’Angers (...) Il a été enjoint aux Laboureurs, Closiers, Fermiers, Bergers d’allandonner leurs Mâtins & Chiens de garde, afin qu’ils ne puissent détruire le Gibier, ce qui est d’autant plus nécessaire dans les saisons où les Perdrix sont à la couvée, & les autres Gibiers femelles chargés ; cependant il n’a pas été possible d’y réussir, ce qui est l’effet d’un entêtement endurci de la part desdits Fermiers, Closiers, Laboureurs, Bergers & Villageois, à quoi il est nécessaire de pourvoir (...) [Mention manuscrite en bas de page :] publié et affiché a son de tambour et Cry public à la porte du Palais, Carroirs et lieux accoutumés de la ville d’Angers »

600 €

[40] BLONDEL, Jacques-François De la distribution des maisons de plaisance et de la décoration des édifices en général Paris, Charles-Antoine Jombert, 1737-1738.

SUPERBE EXEMPLAIRE DE DENIS-CHARLES TRUDAINE.

PREMIER OUVRAGE PUBLIÉ PAR LE FONDATEUR DE LA PREMIÈRE ÉCOLE D’ARCHITECTURE EN EUROPE.

IL EST RARE DE RENCONTRER LES GRANDS TRAITÉS D’ARCHITECTURE DU XVIIIe SIÈCLE DANS DES RELIURES D’INTENTION : ICI, EN MAROQUIN AUX ARMES AVEC UN GRAND DÉCOR DORÉ AU FER À L’OISEAU ET DE MAGNIFIQUES GARDES EN PAPIER D’AUGSBOURG.

ANCIENNE COLLECTION des comtes STROGANOV

98 99 ÉDITION ORIGINALE, PREMIER TIRAGE, avec l’errata du premier volume et le faux-titre, Blondel et en grande partie gravées par lui-même Traité d’architecture dans le goût moderne, supprimé dans le second tirage RELIURES FRANÇAISES DE L’ÉPOQUE. Maroquin vert, grand décor de dentelle doré aux petits fers et avec le fer à l’oiseau, armes au centre des plats, pièces d’armes dans les angles, dos à nerfs très 2 volumes in-4 (290 x 212mm) ornés, pièces d’armes en queue du dos, GARDES DE PAPIER D’AUGSBOURG, tranches dorées Dédié à Michel-Etienne Turgot (1690-1751), prévôt des marchands, avec ses armes gravées sur la PROVENANCE : Daniel-Charles Trudaine, marquis de Montigny, armes et pièces d’armes [Olivier- première vignette. Fleurons de Cochin, bandeaux, vignettes, culs-de-lampe et lettrines Hermal-de Roton, 1194, fer 3] -- Grigori Alexandrovitch Stroganov (1823-1878 ; ex-libris), petit- ILLUSTRATION : 2 frontispices de Cochin fils, gravés par Soubeyran (seule la présence d’un fils du comte Grigori Alexandrovitch Stroganov (1770-1857) qui constitua l’une des plus grandes frontispice au vol. I est requise par les bibliographies), et 155 planches d’après Jean-François collections de la Russie impériale, digne de celle des Tsars, dont une fastueuse bibliothèque de

100 101 22.000 volumes que son petit fils donna à l’Université de Tomsk en Sibérie, puisque les Stroganov possédaient d’immenses intérêts dans cette région -- Université de Tomsk, avec son cachet humide ; Ce grand théoricien de l’architecture classique, auteur du Cours d’architecture les livres Stroganov furent vendus aux enchères dans les fameuses ventes des Soviets des années 1920 (1675), s’était longuement opposé aux théories du moderne Claude Perrault -- collection Bemberg (sans doute acquis dans les années 1920 par le père de J. Bemberg) comme à celles des défenseurs du style baroque italianisant. En 1671, François Blondel avait été nommé par Colbert à la direction de l’Académie Jacques-François Blondel (1705-1774) appartient à une dynastie d’architectes parisiens d’architecture qu’il venait de créer ; il y professa son Cours de 1675 à 1683. Le qu’avaient déjà illustrée ses oncles : Jean-François Blondel (1683-1756) d’abord, qui fut neveu Jacques-François réalisa quelques oeuvres, surtout en province, comme le maître du jeune Jacques-François, et surtout François Blondel (1618-1686). à Metz ou Strasbourg.

102 103 Dans ce Traité d’architecture dans le goût moderne de 1737-1738, rapidement appelé de son titre demeuré célèbre : De la distribution des maison de plaisance, Blondel propose une architecture clé-en-main permettant à l’aristocratie européenne de choisir sur plan, selon ses moyens, de somptueuses demeures de plaisance. Si le Prince allemand veut un château de « cinquante toises de face » (environ 100m), il prendra celui décrit dans la première partie ; s’il ne peut s’offrir qu’une façade de 45 toises (87m), il prendra la deuxième, etc.

La construction inspirait moins Blondel que l’enseignement. Il créa vers 1739 une école d’architecture, l’Ecole des Arts (1743), rue de La Harpe, tout entière tournée vers la grammaire des ordres davantage que vers l’urbanisme. Son confrère Pierre Patte racontera : « avant 1740, il n’y avait pas d’École à Paris où un jeune Architecte pût se former, et apprendre tout ce qu’il lui importait de savoir... Il fallait qu’il se transportât successivement chez différents Maîtres pour s’instruire de chacun de ces objets, ce qui allongeait beaucoup ses études ». Blondel se retrouvera rapidement à cours de moyens et l’Ecole des Arts fermera deux fois (1747 et 1754) puis rouvrira avant d’être mise en faillite en 1754.

De la distribution des maisons de plaisance n’est pas un livre rare ; on n’en connaît cependant pas de beaux exemplaires. Ainsi le Guide de l’amateur de livres à gravures du XVIIIe siècle ne recense aucun bel exemplaire, ni en simple maroquin et encore moins aux armes. Pourtant Henry Cohen et Seymour de Ricci, entre leurs différentes éditions de ce même Guide, couvrent à eux deux près de cinquante ans de librairie et de ventes aux enchères (1870-1912) pendant lesquels le commerce des beaux livres du XVIIIe siècle était particulièrement florissant. Cet exemplaire aux armes de Trudaine le corps des ingénieurs des Ponts et Chaussées. En 1775, l’école prendra son nom leur était légitimement resté inconnu puisqu’il dût sa réapparition aux célèbres définitif. Grand administrateur, Trudaine donna l’impulsion à nombre de grands déstockages soviétiques des années 1920 lorsque surgirent de très beaux exemplaires travaux : les ponts d’Orléans, de Moulins, Tours, Joigny... quelques 10 000 km de aux provenances russes prestigieuses. routes empierrées reliant Paris aux frontières et aux principaux ports de mer. Ce réseau routier, connu pour aller de « clocher à clocher », est considéré comme l’un Mais cet exemplaire ne porte pas par hasard les armes de Daniel-Charles Trudaine des meilleurs d’Europe. Il se lit encore dans le paysage français où dominent ces (1703-1769). Ce parfait modèle du haut fonctionnaire français épris des Lumières anciennes « routes royales » aussi rectilignes que possible, d’une largeur de 60 pieds est d’abord le fils de Charles Trudaine (1660-1721), prévôt des marchands de Paris - (19,40 mètres), autrefois bordées d’arbres fournis par les pépinières royales et de fossés comme Turgot auquel le volume est dédié. Denis-Charles Trudaine fut conseiller au entretenus par les corvées des riverains. Trudaine réalise aussi une cartographie très Parlement de Paris dès sa jeunesse, maître des requêtes (1728), intendant d’Auvergne précise de vingt-deux généralités connue sous le nom d’Atlas de Trudaine, qui ne fut (1730), conseiller d’état en 1734, intendant des Finances en octobre 1734 et membre jamais gravé et dont les cartes manuscrites sont conservées aux Archives nationales. de l’Académie des Sciences en 1743. Cette même année, il fut choisi par le contrôleur général Orry pour diriger, en qualité d'intendant des Finances, le service des Ponts et L’Ecole des Arts de Jean-François Blondel, malgré sa grande utilité, allait Chaussées. Son premier soin fut de créer à Paris en 1744 un bureau de dessinateurs depuis 1743 de difficultés en difficultés. Trudaine, devenu proche de dont la mission était de lever et conserver les plans des grandes routes du royaume. Blondel, eut l’idée de rapprocher les ingénieurs des architectes et de leur En 1747, un arrêt du conseil du Roi transformera ce « bureau » en école et confiera offrir ainsi un meilleur enseignement. L’Ecole des Arts fut en 1753 absorbée à Jean-Rodolphe Perronet (dont le portrait par Van Loo est au Louvre) la mise en par les Ponts et Chaussées ; Perronet et Blondel travaillèrent alors ensemble. place d’une formation spécifique des géomètres et dessinateurs de plans et cartes. En Blondel y gagna une place à l’Académie royale d’Architecture qui lui ouvrit 1749, Trudaine est nommé Directeur du commerce, fonction considérable puisqu’il l’accès à la commande royale. Les circonstances de ce rapprochement sont gouverne l’ensemble des intendants du commerce de France. En 1750, Trudaine crée établies dans le Mercure de France de juin 1753 par une Lettre de M. de

104 105 Morand sur l’Ecole des Arts établie à Paris par M. Blondel vantant le succès de cette fusion :

Les succès de l’Ecole des Arts furent en effet si heureux qu’ils ne tardèrent pas à parvenir aux oreilles de M. de Trudaine, Ministre éclairé... Il venait lui-même de former un Bureau pour l’instruction des élèves des Ponts & Chaussées, sous la direction de M. Perronnet... et ce Ministre reconnaissant combien les leçons de M. Blondel leur seraient utiles, il les confia aussitôt à cet habile Maître pour la partie de l’Architecture. Content de leurs progrès, M. Trudaine encouragea par ses libéralités plusieurs de ces élèves, mais non moins sensible aux mérites de leur Maitre, il l’honora d’une bienveillance particulière. Il voulut bien parler en sa faveur à M. le Garde des Sceaux qui obtint de Sa Majesté, le 4 février dernier, une Gratification pour M. Blondel, une grâce si distinguée par laquelle le Roi lui-même se déclare protecteur du nouvel établissement...

Daniel-Charles Trudaine était donc devenu en 1753 le protecteur direct de Jean-François Blondel. On comprend alors que son traité d’architecture le plus célèbre ait fait l’objet d’une somptueuse reliure aux armes du mécène, ornée d’une grande dentelle présentant le fameux « fer à l’oiseau » souvent attribué à Derôme, sans que l’on sache pour autant départager le statut exact de ce livre : exemplaire personnel ou exemplaire de présent.

RÉFÉRENCES : Katalog der Ornamentstichsammlung 2400 -- J.-C. Brunet, Manuel du libraire, I, 977 -- H. Cohen et S. de Ricci, Guide de l’amateur de livres à gravures du XVIIIe siècle, 156- 157 -- L.-H. Fowler & E. Baer, The Fowler architectural collection of the John Hopkins University, 38-39 -- Millard, The Mark J. Millard Architectural Collection, French Books, 25 -- A. Prost, J.-F. Blondel et son oeuvre, Metz, 1860

75 000 €

[41] MONTESQUIEU, Charles-Louis de Secondat, baron de La Brède et de De l’Esprit des Loix Genève, Barrillot & fils, 1748.

L’ESPRIT DES LOIx : BLANC ET CARRÉ. Remarquable EXEMPLAIRE, AUX MARGES IMMENSES, ET RELIÉ EN VÉLIN DE L’ÉPOQUE.

L’UN DES PLUS GRANDS TEXTES DE PHILOSOPHIE POLITIQUE. PMM, n° 197

ÉDITION ORIGINALE, avec les deux « r » au nom de l’éditeur, et avec les divers cartons

2 volumes in-4 (266 x 208mm) RELIURES DE L’ÉPOQUE. Vélin rigide, titre et tomaison inscrits à l’encre, au dos des volumes, par une main contemporaine, tranches marbrées de rouge

106 107 De l’Esprit des Loix paraît à Genève à la fin du mois d’octobre 1748. Le nom de l’éditeur est orthographié avec deux « r ». Il n’y a pas d’errata et on trouve, à leurs places respectives, les divers cartons nécessités par les corrections faites en cours de tirage par l’auteur et les exigences de la censure : « it took four years to write, and when it was finished almost all his friends advised him not to publish it » PMM( ). Le livre fut immédiatement mis à l’index, ce qui le rendit particulièrement rare à l’époque. Une deuxième édition parut quelques mois plus tard, à Paris.

Sa rareté rend L’Esprit des Loix tout de suite très cher : « dix-huit francs (un prix extrêmement élevé) pour l’édition originale, qui arrive difficilement à Paris depuis la mi-novembre ; quinze pour la réimpression dont Paris est inondé fin janvier » (C. Volpilhac-Auger). Les deux éditions sont ainsi nettement différenciées par leur diffusion, mais aussi par leur écart de prix. Il en découle que ce n’est pas avant l’impression parisienne de la mi-janvier que la fureur pour L’Esprit des Loix put se donner libre cours. On ne compte pas moins de vingt-deux éditions et contrefacons publiées dans les deux années qui suivirent. Le Président de Brosses, collectionneur de livres, écrivait le 20 août 1749 à Loppin de Gémeaux : « Il faut toujours avoir la première édition de ces sortes d’ouvrages. C’est l’original sorti des mains de l’ouvrier ; elle est devenue très chère depuis qu’on en a imprimé d’autres ».

Du fait de son interdiction, l’abbé de Raynal, qui suit de très près l’actualité littéraire parisienne, ne fait l’éloge de l’ouvrage que dans la livraison de février 1749 en des termes sans équivoque : « L’Esprit des Loix imprimé depuis quelques mois à Genève et réimprimé depuis peu de jours furtivement à Paris, a tourné la tête de tous les Français » (in Nouvelles littéraires, cité par Grimm). Il salue l’ouvrage comme un chef-d’œuvre et son auteur comme « un très grand homme et qui bien plus est un homme à la mode » (ibid).

La parution de cet ouvrage capital marque une rupture dans l’histoire politique des Lumières. De l’Esprit des Loix offre un contre-modèle, fondé sur l’équilibre des pouvoirs, à la monarchie absolue en vigueur, quinze ans avant que Rousseau écrive Du Contrat social.

Montesquieu’s theories underlay the thinking which led up to the Americans and French revolutions, and the United States Constitution in particular is a lasting tribute to the principles he advocated (Printing and the Mind of Man).

RÉFÉRENCES : Printing and the Mind of Man, n° 197 -- J.-C. Brunet, Manuel du libraire, III, 1859 -- IV 929 -- Tchemerzine, Bibliographie des éditions originales et rares d’auteurs français, IV, p. 929 -- Catherine Voipilhac-Auger, Un auteur en quête d’éditeurs ? Histoire éditoriale de l’oeuvre de Montesquieu (1748-1964), Lyon, 2011 – Grimm, Correspondance littéraire, Paris, Garnier, sous la dir. de Maurice Tourneux, t. I, 1877, XLI, p. 265

45 000 €

108 109 [42] LA FONTAINE, Jean de Contes et nouvelles en vers Amsterdam [Paris], 1762.

UN PHÉNOMÈNE BIBLIOPHILIQUE : LA CÉLÈBRE ÉDITION DES FERMIERS GÉNÉRAUX. EXEMPLAIRE RELIÉ PAR DERÔME, EN PREMIER ÉTAT, AVEC LES GRAVURES AU TIRAGE BIEN CONTRASTÉ. ancienne collection HENRI BORDES

PREMIER ÉTAT

Deux volumes in-8 (181 x 115mm) ILLUSTRATION : 2 portraits, celui de la Fontaine d’après Hyacinthe Rigaud au t. I et celui d’Eisen d’après Vispré au t. II (exceptionnellement ici, en double état), tous deux gravés à l’eau- forte par Ficquet, et 80 FIGURES dessinées par Eisen et gravées à l’eau-forte par Aliamet, Baquoy, Choffard, Delafosse, Flipart, Lemire, Leveau, Longueil et Ouvrier, 4 VIGNETTES et 53 CULS-DE-LAMPE d’après Pierre Ph. Choffard dont le dernier contient son portrait. Le Cocu battu et content gravé par de Longueil et non par Leveau (p. 23). Le Cas de conscience, Le Diable de Papefiguière, Les Lunettes et Le Bât découverts. Le Rossignol, également découvert : « excessivement rare » (Cohen)

RELIURES DE L’EPOQUE SIGNÉES DE DERÔME (étiquette sur le premier volume : « rue Saint Jacques au-dessus de Saint Benoît »). Maroquin rouge, encadrement de filets dorés, dos longs ornés, tranches dorées PROVENANCE : Lessore (ex-libris) -- Henri Bordes (ex-libris)

Petit manque de papier dans l’angle du feuillet P4, infimes rousseurs, très éparses

« Parmi les livres illustrés du XVIIIe siècle, cette édition dite des Fermiers généraux, parce qu’ils en firent les frais, est celle dont l’ensemble est le plus beau et le plus agréable ; c’est en outre le chef-d’œuvre d’Eisen... aussi quoiqu’assez commune, est- elle très recherchée et d’un prix élevé, surtout lorsque les épreuves sont de premier choix, et que la reliure est élégante et bien exécutée » (Cohen-De Ricci).

Les Contes de La Fontaine trouvent ici l’une de leur plus heureuse expression. que Cohen-de Ricci enrichit constamment de ces dernières découvertes au fil Les dessins d’Eisen gravés par les meilleurs artistes du XVIIIe siècle créent des différentes éditions du Guide de l’amateur de livres à gravures du XVIIIe le décor d’un univers « rocaille » fait de couvents, d’embrasures de fenêtres, siècle. L’édition des Contes des Fermiers généraux est ainsi devenue un de lits à baldaquins... dans lequel l’érotisme galant devient fantasme pour véritable phénomène bibliophilique dont le charme un peu suranné se goûte les bibliophiles du temps. Les amateurs créèrent une rareté bibliophilique particulièrement avec un exemplaire tel que celui-ci : simple et de bon goût. sophistiquée, élargissant la hiérarchie des prix en fonction de critères touchant aux différents états des gravures et à la richesse des reliures réalisées par les plus RÉFÉRENCE : Cohen-De Ricci, Guide de l’amateur de livres à gravures du XVIIIe siècle, 558-571 grands maîtres. Les collectionneurs du XIXe siècle français allaient amplifier ces hiérarchies comme le montrent les treize colonnes de description bibliographique 10 000 €

110 111 [43] ROUSSEAU, Jean-Jacques Du Contrat social ; Principes du droit politique Amsterdam, Marc Michel Rey, 1762

RAre EXEMPLAIRE, à toutes marges, NON ROGNÉ, DANS SA PREMIÈRE RELIURE EN CARTONNAGE D’ATTENTE : as such

« IT HAD THE MOST PROFOUND INFLUENCE ON THE POLITICAL THINKING OF THE GENERATION FOLLOWING ITS PUBLICATION » (PMM, 207)

ÉDITION ORIGINALE. Type B, selon la classification de Dufour. 3e état selon Leigh

In-8 (213 x 132mm)

RELIURE DE L’ÉPOQUE. Cartonnage, non rogné PROVENANCE : famille von Erlach, au chateau de Spietz (ex-libris sur le contre- plat)

En décembre 1761, les épreuves de Du Contrat social parvenaient à Rousseau à raison d’une feuille par courrier. Fin février 1762, Rousseau écrivait à Rey : « je trouve votre titre trop confus. Il faudrait que l’œil y distinguât trois parties bien séparées par des blancs. 1° Le titre de l’ouvrage, 2° le nom et le titre de l’auteur, 3° l’épigraphe ; et que cette épigraphe ne se confondît point dans la vignette. Arrangez cela, je vous prie, du mieux que vous pourrez ». A quoi Rey répondit le 10 mars : « Je suis mortifié que la vignette vous plaise si peu. Pour en faire usage, je fais mettre un faux-titre, où il y aura Du Contrat social, et le grand titre ne tiendra que le surplus, rangé comme vous me l’avez indiqué ». A la fin du mois de mars 1762, Rey fit donc graver une nouvelle vignette et recomposer le titre d’une manière plus aérée. La note sur le mariage aux pages 321-322 fut supprimée, et le catalogue de l’éditeur Rey fut placé en dernière page. Mais Rey avait très probablement déjà tiré son édition lorsqu’il reçut la lettre de Rousseau, et il « n’osa peut-être pas lui avouer que le tirage était déjà fait et le volume terminé » (Dufour, p. 118).

« Ce traité allie à la profondeur de son propos une telle beauté de parole que l’on comprend aisément que Kant, pour ne pas se laisser trop rapidement séduire par l’écorce de la langue, ait jugé nécessaire de se déprendre de la magie du style en lisant maintes et maintes fois le texte jusqu’à ne plus voir que la pensée pour elle-même » (En Français dans le texte)

RÉFÉRENCES : Tchemerzine, éditions originales et rares, V, pp. 543-544 -- R.A. Leigh, Unsolved problems in the bibliography of Rousseau, Cambridge, 1990, pp. 18-22 -- Dufour, Recherches bibliographiques des oeuvres de J. J. Rousseau, Paris, 1925, p. 117 -- Printing and the Mind of Man, 207 -- Rousseau, Oeuvres complètes, Pléiade, III, sous la direction de Bernard Gagnebin, p. 1866

20 000 €

112 113 [45] PILLEMENT, Jean [Recueil de fontaines [44] MARILLIER, Clément-Pierre chinoises] Nouveaux trophées ou cartouches [Paris, 1770] représentant les arts et les sciences composé RARE SUITE GRAVÉE PAR avec les atributs qui les caractérisent L’UN DES GRANDS PEINTRES inventés et dédiés à Mr. Morlot peintre par DU XVIIIe SIÈCLE. son élève et son ami Marillier Paris, Chez Mondhare, vers 1765. ÉDITION ORIGINALE

EXEMPLAIRE OTTO SCHÄFER In-folio (340 x 240mm) ILLUSTRATION : 6 planches gravées ÉDITION ORIGINALE par Jeanne Deny d’après Jean Pillement EN FEUILLES, dans un portefeuille In-folio (335 x 220mm) de carton noir ILLUSTRATION : titre dessiné et gravé par Marillier, 12 planches dessinées par Marillier gravées par J. Le Roy, Jean Pillement (1728-1808), Jacob, Rivet, Chalmandrier, Ch. G. Coupeau, Bose, peintre et graveur de fleurs, fut Arrivet représentant l’agriculture, la théologie, l’architecture, la géographie, la médecine, la l’un des grands représentants peinture et la sculpture, la musique, la guerre, l’histoire, la jurisprudence, la poésie et l’éloquence, du style rocaille à travers la philosophie l’Europe. Il voyagea beaucoup, principalement à Lisbonne (juste RELIURE : brochage de papier peigne avant et après le tremblement de PROVENANCE : Librairie Weinreb -- Otto Schäfer (OS 1069, Sotheby’s Londres, 27 juin terre de 1755), à Londres, à Vienne, en Pologne et en Russie. Comme Watteau, 1995, n° 136) Boucher et Huet, Pillement sacrifia au goût chinois dès 1743, date de son passage aux Gobelins. Les ébénistes utilisèrent ses motifs décoratifs ou s’en inspirèrent Marillier (1740-1808) fit ses études dans sa ville natale, à Dijon, avec le (petit salon du musée Carnavalet provenant de l’hôtel de Lariboisière), de même peintre Morlot puis avec Noël Hallé. Il se spécialisa dans les illustrations de que les manufactures de soie et d’indienne : « Tous les ornements employés dans livres. A partir de 1763, l’éditeur et marchand d’estampes Mondhare édita les nombreuses compositions de ce maître ont le cachet du style Louis XV : les son Recueil de Nouveaux Ornements composés dans le goût le plus moderne. rinceaux qui accompagnent ses chinoiseries, genre dans lequel il excellait, sont Marillier réalisa aussi beaucoup de médaillons et de chiffres. Dans cette suite, rocailles, et aucune des pièces formant son oeuvre n’offre le caractère de l’époque dédiée à son maître, il propose des trophées des arts et des sciences, motifs Louis XVI » (Guilmard). de décoration très prisés par les peintres de décoration. Selon Guilmard ses estampes offraient des « charmantes compositions pur Louis XVI ». RÉFÉRENCES : Désiré Guilmard, Les Maîtres ornemanistes, Paris, 1880, p. 189, n° 80 -- Berlin Kat., 449 – Georges Pillement, Jean Pillemement, Paris, 1945, p. 91 – Maria Gordon-Smith, RÉFÉRENCES : Guilmard, p. 234, n° 45 – Lhuillier 1886 -- Berlin Kat., 461 -- Jervis 1984, p. 321 Pillement, Cracovie, 2006, p. 195 et fig. 189

1 400 € 2 500 €

114 115 [46] BUFFON, Georges-Louis Leclerc, comte de Histoire naturelle des oiseaux Paris, Imprimerie royale et Suivant la copie de l’Imprimerie Royale [VII-X], 1770- 1786.

REMARQUABLE EXEMPLAIRE DE L’UN DES PLUS GRANDS LIVRES D’ORNITHOLOGIE, AVEC QUATORZE AQUARELLES ORIGINALES, DONT DIX SIGNÉES DE FRANÇOIS-NICOLAS MARTINET, L’UN DES PRINCIPAUX INITIATEURS DU RENOUVEAU ARTISTIQUE DE L’HISTOIRE NATURELLE AU SIÈCLE DES LUMIÈRES.

LES DESSINS DE MARTINET SONT PARTICULIÈREMENT RARES ET MANQUENT AU MUSEUM D’HISTOIRE NATURELLE.

10 volumes in-folio (450 x 325mm) ILLUSTRATION : 973 planches dessinées par François-Nicolas Martinet (1731-1800) et remarquablement gravées sous la direction de Louis Jean-Marie Daubenton (1716-1799), toutes délicatement coloriées à la main à l’époque de leur publication

ILLUSTRATIONS ORIGINALES AJOUTÉES : quatorze aquarelles originales, dont dix signées de François-Nicolas Martinet. Les dessins sont au format et portent la même numérotation sur la planche correspondante dans le livre. Ils sont dans le même sens que la gravure, particularité connue du talentueux graveur qu’était Martinet. Ils appartienent tous à la dernière livraison de l’Histoire naturelle. Chacun de ces dessins est relié à la suite de son eau-forte : - neuf dessins et eaux fortes sont signés et numérotés de la main de Martinet : 989, Canard musqué ; 995, Canard du Nord ; 999, Sarcelle de l’île Ferroé ; 1001, le Morillon ; 1002, le Millouinam ; 1003, le Pingouin ; 1004, la femelle du Pingouin ; 1007, le Canard brun ; 1008, le Canard de Miclon - un dessin est signé de Martinet mais l’eau-forte qui lui correspond est non signée : 1000, Sarcelle d’Egypte - à l’inverse, trois dessins n’ont pas de signature alors que les eaux-fortes leur correspondant sont signées de Martinet : 993, le Petrel ; 1005, le Manchot ; 1006, Oye des terres magellaniques - un dessin et son eau-forte ne sont pas signés, ni l’un ni l’autre : 988, Hirondelle de Cayenne

RELIURE SIGNÉE DE MESSIER (vers 1820). Veau brun poli, double encadrement de bordures et filets dorés ou à froid sur les plats, dos à nerfs

Dessin original

116 117 Dessin original Gravure

118 119 François-Nicolas Martinet (1731-1800), ingénieur et graveur, réalisa la gravure Un article de Mme Kathryn E. Zaharec, du Smithsonian Institute, décrit des ouvrages d’histoire naturelle les plus influents de son siècle. À la fin de sa le rôle majeur tenu F.-N. Martinet dans l’évolution de la représentation de carrière, Martinet, très expérimenté dans la gravure des oiseaux, publia son la nature au siècle des Lumières. Nous nous permettons d’en citer quelques propre ouvrage d’ornithologie. Le réalisme de ses gravures d’oiseaux le rendit passages : célèbre. Les illustrateurs avaient coutume de ne pas respecter les proportions dans leurs dessins, ne rendant l’identification des oiseaux possible que par des “In the 1700s most of the illustrators, engravers, and other skilled craftsmen and ornithologues expérimentés. - women who worked on bird illustrations for books were generally considered to be quite separate from the “fine” artists who made paintings of birds for Les techniques de conservation des oiseaux n’étaient pas très efficaces et les their artistic beauty. This distinction reflects the fact that ornithological méthodes variaient beaucoup : conservation dans un liquide, chauffage de books to that point had been produced primarily for the identification and l’animal dans un four très chaud ou plongeon dans du vernis, impliquant une classification of the birds, and draftsmanship was more important than artistic modification systématique de la coloration du plumage. Les couleurs de leurs composition and other aesthetic considerations (although there are many modèles ne correspondaient pas toujours à la stricte réalité, en particulier notable exceptions in which both science and art are achieved). Printing was in pour certains spécimens exotiques. Pour ne pas altérer l’identité des oiseaux, black and white, and any coloring had to be added by hand to the individual Martinet, comme bien d’autres par la suite, les reproduisait à partir de prints afterward. Thus, illustrations in books tended more often to be plain sujets morts, simplement éviscérés et rembourrés. Son atelier fournissait des black-and-white ; they were more affordable to produce and therefore more estampes réalisées à partir de dessins signés de lui-même et de différents affordable to purchase. Hand-colored illustrations were produced in selected artistes, illustrant des sujets divers dont les planches d’oiseaux commandées instances, but they were labor-intensive, time-consuming, and expensive and par Diderot pour l’Encyclopédie, le Buffon, une Description de Paris ; il est consequently were available only to the wealthy. Among those who could aussi l’auteur d’estampes d’architecture, de paysages, de portraits de genre. afford them, natural-history books containing hand-colored engravings Sa carrière est particulièrement identifiée à partir de 1756, moment où il became increasingly popular during the late 1700s. It became fashionable to est nommé graveur au Cabinet du Roi, fonction dépendant du Service des display folios of hand-colored plates in one’s home ; and individual, loose Menus Plaisirs. Il signe ses estampes comme graveur ou comme dessinateur, illustrations were sold for display in portfolios or on walls, again much as we parfois les deux. Auprès de lui travaillent également ses deux sœurs, ainsi que still do.” [nous : Buffon lui-même avait accroché un nombre considérable de différents artistes, notamment Gravelot et Queverdo. planches de Martinet aux murs de sa maison de Montbard].

En 1766, alors qu’il préparait son Histoire naturelle générale et particulière, François Martinet became well respected for his engravings because he learned Buffon écrivait à son ami Richard de Ruffey : “Je fais faire en même temps, en how to bring realism to his bird illustrations, a skill not easily acquired. Earlier planches enluminées, tous les oiseaux qui ont besoin d’être présentés avec des engravings often depicted birds disproportionately, or outright incorrectly, couleurs pour être bien connus, et cela abrège les descriptions de plus de moitié”. in stiff, unnatural poses, making it difficult for anyone but an experienced ornithologist to identify the species concerned. Only the most obvious birds Le tirage de ces estampes coloriées à la main, nécessairement limité, ne permit such as the hoopoe, with its orange plumage and distinctive headpiece (see pas à Buffon de les intégrer dans son grand ouvrage, pour lequel il fit graver 262 plate 24 in Ornithologie), were easily recognizable. In the 1760s, prior to the figures en noir. Il décida, en revanche, de consacrer aux oiseaux cette publication bird section’s appearance and while sales of the overall set were slumping, de luxe séparée, qu’il fit tirer dans les formats in-4 et in-folio. Les textes, rédigés L.J.M. Daubenton had conceived the idea of issuing a set of colored plates of par Gueneau de Montbelliard et par l’abbé Bexon, furent revus par Buffon. specimens from the royal collections in his care. Daubenton commissioned Martinet to produce the plates and began issuing them in 1765 in cahiers Comme très souvent, les 35 planches d’insectes en noir n’ont pas été insérées (parts or folders) of 24 plates at a time. Although there does not seem to have dans l’ensemble. Le relieur a commis une erreur de placement pour les been a title page ever issued for them, they were referred to in contemporary planches 224 et 449. publications, by Linnaeus for example, under the general title Miscellanea. The

120 121 Dessin original Gravure

122 123 Dessin original Gravure

124 125 first four cahiers (96 plates) consisted primarily of birds but included also 35 plates of other kinds of animals : 28 of insects, 3 of reptiles and amphibians, and 4 of corals. From cahier 5 forward, only birds were illustrated.

In 1767, after cahier 6 was published, Daubenton and Buffon seem to have had a falling-out over the purpose and title of the plates, with Buffon prevailing in his desire that they be issued as part of the Histoire Naturelle des Oiseaux. As a result L.J.M. Daubenton (called “the elder”) withdrew from the project ; Buffon and Daubenton’s cousin Edmé Louis Daubenton (1732- 1786, called “le cadet,” or “the younger”) continued issuing the plates under the title Planches Enluminées for the planned section on birds. Thus, the Histoire Naturelle des Oiseaux was published both in quarto as volumes 16-24 of the larger work (1770-1783) with 262 black-and-white plates drawn by De Sève, and in a large-paper or folio edition, matching Martinet’s colored plates in size.

The Planches Enluminées, whether alone or bound with the text of the Histoire Naturelle des Oiseaux consists of 42 cahiers (6 issued by Daubenton the elder, and 36 by the younger) of 24 plates each, for a total of 1,008 engraved, hand- colored plates. Of this total, 973 are of birds. Although as many as 80 artists were involved in the project, Martinet served as the engraver for all 1,008 of them... It is an altogether extraordinary suite of illustrations.

La popularité de François Nicolas Martinet et la reconnaissance de son talent en tant que peintre et graveur d’oiseaux ne cessèrent de prendre de l’importance tout au long du XVIIIe siècle, comme en témoigne sa contribution aux plus importants livres d’ornithologie de son temps :

Mathurin Jacques Brisson. Ornithologie. Paris, 1760. John Ray. L’Histoire Naturelle. Paris, 1767 Denis Diderot et Jean d’Alembert. Encyclopédie. Paris 1768. 21 planches Edmé Billardon-Sauvigny. Histoire Naturelle des Dorades de la Chine. Paris, 1780. Benjamin Franklin. Oeuvres de M. Franklin. Paris, 1773. François Nicolas Martinet. L’Histoire et Description de Paris. Paris, 1779-1781. François Nicolas Martinet. Adresse... Aux Représentans de la Nation Française [Paris], 1790. Denis Pierre Jean Papillon de La Ferté. Description du Mausolée pour... Marie Josephe Albertine de Saxe, Dauphine de France... le 3 Septembre 1767. [Paris], 1767. Description du Mausolée de... Marie-Charlotte-Sophie-Félicité Leszczynska. [Paris], 1768

RéFéRENCES : Nissen, VBI, 158 -- Zimmer, 104-106 -- Anker, 77

300.000 €

Dessin original

126 127 Dessin original Gravure

128 129 [47] DURANTI de Lironcourt, Gustave-Adolphe, chevalier de Il reçoit le grade de lieutenant de vaisseau an 1786, époque à laquelle il sert Instruction élémentaire et raisonnée sur la construction-pratique dans les mers du Nord de l’Amérique. Il apposa donc son ex-libris manuscrit des vaisseaux, en forme de dictionnaire. Ouvrage publié par ordre de entre 1786 et 1793. Il devient en effet capitaine de vaisseau en janvier 1793. Decrès participa à la bataille des Saintes sous les ordres de l’amiral de Grasse Monseigneur de Boynes, Secrétaire d’Etat, ayant le département de la Marine et devint membre de l’ordre des Cincinnati. L’auteur de ce dictionnaire naquit Paris, Chez J. B. G. Musier, 1781. en 1743.

LA LANGUE DES MARINS AU XVIIIe SIÈCLE : ÉTONNANT DICTIONNAIRE 1 300 € DE CONSTRUCTION NAVALE.

EXEMPLAIRE DU FUTUR DUC DECRèS, ALORS LIEUTENANT DE VAISSEAU, ET BRILLANT OFFICIER DE LA GUERRE D’INDéPENDANCE [48] TAYLOR, John AMéRICAINE Lettres politiques, commerciales et littéraires sur l’Inde ; ou vues et intérêts de l’Angleterre, relativement à la Russie, à l’Indostan et à ÉDITION ORIGINALE l’Egypte In-8 (190 x 120mm). Vignette gravée sur la page de titre, fleuron gravé Paris, Imprimerie de Marchant, 1801. COLLATION : XXXII pp, 271 pp. ILLUSTRATION : 2 tableaux dépliants hors texte EXEMPLAIRE DU VICE-AMIRAL DECRÈS, MINISTRE DE LA MARINE DE NAPOLÉON Ier RELIURE DE L’ÉPOQUE. Basane marbrée, filet d’encadrement, dos long orné et doré PROVENANCE : Denis duc Decrès (ex-libris manuscrit sur le premier feuillet de garde de la ÉDITION ORIGINALE reliure : « De Crès lieutenant de vaisseau » ; ex-libris imprimé « Decrès » au contreplat) In-8 (198 x 115 mm). 477 pages imprimées Interversions de feuillets au premier cahier. Légère restauration à la reliure RELIURE DE L’ÉPOQUE. Dos et coins en veau vert olive, dos long, plats de papier vert L’autorisation d’impression de ce manuel de construction navale destiné aux PROVENANCE : vice-amiral Decrès (1767-1820) élèves officiers de la marine, les fameux Gardes de la Marine, est donnée par le célèbre chevalier de Borda. Il justifie la présentation sous forme de dictionnaire Le lieutenant-colonel Taylor passa sa jeunesse en Inde avant d’entreprendre et l’absence d’illustration de l’ouvrage par la nécessité d’apprendre sur le terrain : une carrière dans la Compagnie des Indes orientales. Il rédigea plusieurs « c’est dans le chantier et le livre à la main qu’un jeune homme doit suivre la ouvrages défendant les intérêts de l’Angleterre dans cette partie du monde. description imprimée : si elle était accompagnée de figures, le lecteur serait tenté Ses Letters on India parurent en 1800 avant d’être traduites, l’année suivante, de rester dans sa chambre » (p. xxix). Denis Decrès, futur ministre de la marine en français. Taylor qui dut quitter un temps l’Inde pour l’Angleterre put y de Napoléon Ier, fait duc en 1813, fut un brillant officier de la Royale. Il est retourner y mourir, en 1808. garde-marine en 1779, prend part aux opérations des Antilles de 1780 à 1783, est enseigne de vaisseau en 1782. 400 €

130 131 DE L’ÉPOQUE. Veau raciné, encadrement d’une roulette dorée, dos orné, doublures et gardes de papier bleu marbré PROVENANCE : vice-amiral Denis Decrès, ministre de la marine de Napoléon Ier

William Coxe, historien et biographe anglais (1747-1828) effectua de nombreux et longs voyages en europe, en qualité de précepteur d’enfants de la noblesse. Il en ramena divers récits dont cette fameuse relation des expéditions russes sous Catherine II.

« A considerable part of the material in Coxe’s work is made up of translations from previously published (mostly in German) narratives. However, he took advantage of his stay in Russia to ascertain the reliability of these original sources, for which he consulted no lesser authorities than G.F. Müller and P.S. Pallas. » (Lada-Mocarski, nº 29).

L’édition originale anglaise avait paru à Londres l’année précédente.

RÉFÉRENCES : Cordier, Sinica, 2448 -- Sabin, 17310 -- Chadenat, Bibliothèque, 1980, n.1081

4 500 €

[50] HOWELL, Thomas Voyage en retour de l’Inde, par terre, et par une route en partie inconnue jusqu’ici suivi d’Observations sur le passage dans l’Inde par l’Égypte et le grand désert, par James Capper. Paris, Imprimerie de la République, An V [1797]

[49] COXE, William REMARQUABLE RÉCIT D’UN VOYAGEUR ANGLAIS QUITTANT L’INDE POUR TRAVERSER LA PERSE ET L’ARABIE. DESCRIPTIONS DE BAGDAD Les Nouvelles Découvertes des Russes, entre l’Asie et l’Amérique, avec ET DE CONSTANTINOPLE l’histoire de la conquête de la Sibérie, & du commerce des Russes & des Chinois Paris, Hôtel de Thou, 1781 EXEMPLAIRE DE DENIS DECRÈS, GRAND DE MARGES.

EXEMPLAIRE DU MINISTRE DE LA MARINE DE NAPOLÉON Ier, DENIS Première édition française de l’ouvrage de Thomas Howel. Une première traduction des DECRÈS. Observations de James Capper avait été publiée en 1788

LES EXPÉDITIONS RUSSES SOUS CATHERINE II In-4 (257 x 189mm) COLLATION : 2 ff.n.ch., XVI, 385 pp.ch., 1 f.n.ch. et 2 cartes Première édition française. Traduction de Demeunier ILLUSTRATION : les 2 cartes, gravées par Bouchet, montrent les itinéraires de Howel et Capper, et l’Égypte avec les routes de la Mer Rouge à la Méditerranée In-4 (255 x 195mm) ILLUSTRATION : 5 planches gravées : une grande vue dépliante de Maimatschin, ville frontière RELIURE DE L’ÉPOQUE. Veau raciné, encadrement d’une roulette dorée, dos orné, doublures chinoise, et 4 cartes dépliantes : Carte générale de l’empire de Russie, Voyage de Krenitzin et de et gardes de papier bleu marbré Levasheff aux Isles des Renards, en 1768, et 1769, Carte du voyage de Synd, vers les parages de Tschukotskoi Noss, et Carte du voyage de Shalaurof (mer du Nord ou mer Glaciale). RELIURE Restauration en tête du dos et à la charnière inférieure

132 133 [51] RENNELL, James Description historique et géographique de l’Indostan traduite de l’anglais par J.B. Bouscheseiche... à laquelle on a joint des Mélanges d’Histoire et de Statistique sur l’Inde, traduits par J. Castéra. Paris, Imprimerie de Poignée, 1800 (An VIII)

EXEMPLAIRE DU VICE-AMIRAL DENIS DECRÈS.

AVEC L’ATLAS, SOUVENT MANQUANT

Première édition française. Traduction de Bouscheseiche

3 volumes in 8 (192 x 120mm) ILLUSTRATION : 11 cartes, certaines finement rehaussées de couleurs à l’époque

RELIURES DE L’ÉPOQUE. Veau raciné, encadrement d’une roulette dorée, dos à nerfs ornés, tranches marbrées. Atlas : Papier marbré rose de l’époque PROVENANCE : vice-amiral Denis Decrès, ministre de la marine de Napoléon Ier

James Rennell (1742-1830) est considéré comme « le premier grand géographe britannique » car il a systématisé les collectes de données, l’étude de terrain ainsi que la compilation de nombreuses sources à la fois européennes et locales. Élevé par le vicaire G. Burrington, il est très vite enrôlé dans la marine et envoyé sur les navires à destination du sous-continent indien. Il occupe successivement les fonctions de dessinateur de cartes maritimes, puis d’ingénieur dans la construction du College of Fort William à Calcutta où les élites indiennes enseignent leurs savoirs locaux aux Britanniques. Il est ensuite La relation de Thomas Howel contient d’intéressants détails sur l’Anatolie, chargé de réaliser des enquêtes sur les rives du Gange afin d’y définir les eaux l’Arménie, le Kurdistan et l’Irak, ainsi que des appendices rédigés par navigables. En 1767, il est promu inspecteur général du Bengale. Il réalise un Mandar concernant, entre autres, les villes visitées par le voyageur anglais et important relevé de toutes les données territoriales et sociales afin de pouvoir l’hospitalité chez les arabes. L’ouvrage de Capper, agent de la Compagnie des définir les caractéristiques de la région la plus riche du sous-continent indien. Indes, se compose de deux documents : une lettre décrivant le voyage en Inde Devenu membre de la Royal Society en 1781, il rédige son œuvre majeure en par la Mer Rouge, Suez et l’Égypte, et un journal de l’itinéraire de l’Inde à 1782, Mémoire de la carte de l’Indoustan, accompagnée d’une carte générale. Alep, en passant par la Mésopotamie et le désert d’Arabie. C’est de tous les écrits qui ont paru sur l’Inde, celui qui fait le mieux connaitre la On trouve in fine un autre document publié en 1750 par deux agents de la division géographique et politique de cette contrée (Boucher de la Richarderie) Compagnie des Indes, Plaisted et Eliot, intitulé : « Itinéraire de l’Arabie déserte ou Lettres sur un voyage de Bassora à Alep, par le grand et le petit désert ». RÉFÉRENCE : Gilles Boucher de la Richarderie, Bibliothèque universelle des voyages, Paris, 1808, V, 43 RÉFÉRENCES : Gay, 2066 -- Blackmer, 282 (pour l’originale anglaise de la relation de Capper, 1783) 2 500 € 3 500 €

134 135 [52] LABILLARDIERE, Jacques Julien Houton de Relation du voyage à la recherche de La Pérouse fait par ordre du gouvernement françois, pendant les années 1791, 92, 93 et 94 Londres, Deboffe, 1800.

REMARQUABLE EXEMPLAIRE DU DUC DECRÈS. L’UN DES PLUS IMPORTANTS VOYAGES DE DECOUVERTES AUX TERRES AUSTRALES

ÉDITION ORIGINALE de l’Atlas pour servir à la relation du voyage de La Pérouse fait par ordre de l’Assemblée Constituante pendant les années 1791, 1792 et pendant la 1ère et 2eme année de la République Française, A Paris, chez H. J. Jansen, An VIII.

In-folio (516 x 332mm). ILLUSTRATION : une carte dépliante et « réduite de la mer des Indes » dressée par Barbier du Bocage gravée par d’Houdan d’après Dien et figurant les différentes routes de l’expédition. 43 planches montrant parfois deux sujets, soit 14 planches de botanique d’après P.-J. Redouté, 3 planches d’oiseaux d’après Audebert, 26 planches de portraits et de vues d’après les dessins de Piron, gravées par Dien, Copia et Perrée l’Australie puis explorèrent la Nouvelle Calédonie, les îles Salomons, les îles Volumes de texte : édition in-8 (200 x 123mm) parue la même de l’Amirauté, l’île Tonga. La disparition de d’Entrecasteaux et la nouvelle année que l’édition du texte en deux volumes in-4 de la mort de Louis XVI conduisirent le second d’Auribeau, monarchiste, à interrompre l’expédition pour se placer sous la protection de la Hollande et RELIURES À DÉCOR UNIFORME DE L’ÉPOQUE. faire arrêter les officiers républicains comme Labillardière. Rossel put s’enfuir Basane racinée pour les deux volumes in-8, plats de papier et emporter le manuscrit en France. violet pour l’atlas, dos longs ornés, tranches jaunes PROVENANCE : Denis, duc Decrès, Ministre de la Marine Les anglais se saisirent des relevés scientifiques qui furent rendus à la France de Napoléon Ier en 1796. Le texte du républicain Labillardière fut publié en premier ; il fallut attendre la Restauration pour lire celui de d’Entrecasteaux. L’énigme de Quelques restaurations à la reliure de l’Atlas la disparition de La Pérouse demeurait entière mais Labillardière avait pu prélever plus de 4000 plantes, la plupart inconnues en Europe. Les navigateurs En février 1791, la Constituante décida d’envoyer avait côtoyé des populations encore inconnues dont l’environnement culturel, une expédition à la recherche de La Pérouse. Elle fut ethnologique et linguistique est ici minutieusement décrit. Le vocabulaire confiée au vice-amiral Bruny d’Entrecasteaux et au de nombreuses populations est en effet rapporté : les Malais, les habitants capitaine Huon de Kermadec qui commandaient du cap de Diemen, ceux des Iles des Amis, de l’ile Wagyou, de la Nouvelle respectivement La Recherche et l’Espérance. J.-J. Calédonie. de Labillardière (1755-1834) avait été embarqué comme naturaliste. Il fut ainsi l’un des premiers RÉFÉRENCES : Brunet, Manuel, III, 711 -- Ferguson 307 -- cf. Hill, 178 -- Sabin 38420 à faire connaître la flore des Terres australes. Les deux bateaux firent deux fois le tour de 8 000 €

136 137 [53] MARIA FEODOROVNA, Sophie-Dorothée de Lettre bouleversante de l’épouse du tsar Paul Ier, mort assassiné le 12 mars 1801, Wurtemberg, Impératrice de Russie quatre jours seulement avant la mort de leur fille Alexandra, épouse de Joseph Lettre autographe signée « marie » à son beau-frère l’empereur de Habsbourg, grand palatin de Hongrie (1776-1847). Sophie-Dorothée de Wurtemberg (1759-1828) était la belle-soeur de François II, empereur d’Allemagne : d’Autriche francois ii de habsbourg. Moscou, 13 octobre 1801 « Monsieur mon très cher frère, la promptitude du départ du prince de Schwarzenberg m’a empêchée de témoigner à Votre Majesté Impériale ma juste sensibilité de la part qu’elle a prise à À PROPOS DE L’ASSASSINAT DE son mari PAUL Ier ET DE LA MORT de mes grands et cruels malheurs ; mon coeur en est et en sera éternellement ulcéré. L’amitié peut leur fille ALEXANDRA PAVLOVNA. seule adoucir mes peines. Je suis et serai constamment sensible à celle de Votre Majesté. Je reçois les assurances qu’elle veut MERVEILLEUX MOTS DE POLITESSE DANS UN FRANÇAIS PARFAIT : LE bien me donner de ses sentiments avec celui d’une parfaite GRAND DÉSARROI DES CRIMES DE LA COUR DE RUSSIE reconnaissance et d’une entière réciprocité. Puissent ces expressions prouver à Votre Majesté combien sincèrement je Une page in-16 sur papier de deuil, enveloppe avec cachet armorié de cire noire parfaitement puis l’assurer de la haute considération et de l’amitié parfaite conservée avec la suscription : avec laquelle je suis, Monsieur, mon très cher frère, de votre Majesté impériale, la bonne soeur et amie » « A Sa Majesté L’Empereur des Romains, Monsieur mon très cher frère, A Vienne » 2 500 €

138 139 [54] GOLBERRY, Silvester Meinrad Xavier Fragments d’un voyage en Afrique fait pendant les années 1785, 1786 et 1787 Paris, Treuttel et Wurtz, 1802 (An X)

EXEMPLAIRE DECRÈS. L’AFRIQUE À LA VEILLE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

ÉDITION ORIGINALE

2 volumes in-8 (195 x 122mm) ILLUSTRATION : volume I : grande carte dépliante de l’Afrique, une carte du fleuve Sénégal, une vue de Saint-Louis. Volume II : plan de l’île de Gorée et trois planches représentant des autochtones

RELIURES DE L’ÉPOQUE. Veau raciné, encadrement d’une roulette dorée, dos longs ornés

Coiffes légèrement renforcées

Le Voyage en Afrique de Sylvain Meinrad Xavier de Golbéry (ou Golberry, 1742-1822) fait partie de ces grands voyages voulus par Louis XVI dans la course engagée contre l’Angleterre pour assoir la supériorité maritime et territoriale de la France. Les Français venaient de reprendre, en 1783, le Sénégal aux Anglais.

2 000 €

[55] ORLÉANS, Charles d’ Poësies Grenoble, J. L. Giroud, 1803.

ÉDITION PRINCEPS DES POÉSIES DE CHARLES D’ORLÉANS

ÉDITION PRINCEPS Fait rare dans l’histoire de la littérature, la somptueuse poésie de Charles d’Orléans resta méconnue jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. En 1778 parurent In-12 (176 x 102mm). Petit fleuron sur la page de titre quelques poèmes, tirés à peu d’exemplaires dans les Annales poétiques ou Almanach des Muses. Puis, cette édition de 1803, dite à juste titre princeps, révéla ILLUSTRATION ORIGINALE AJOUTÉE SUR UN FEUILLET DE PEAU DE VÉLIN placé le grand poète à un monde romantique épris de style néo-troubadour. Ce goût et en tête de l’ouvrage : bel encadrement enluminé à décor de feuillage et de rinceaux et avec le nom cette découverte expliquent sans doute la somptuosité de ce livre. de l’auteur et le titre peint à l’encre rouge et bleu RELIURE DE L’ÉPOQUE. Chagrin bleu, non rogné Vendu

140 141 [56] PRATSCH, Iwan Sobranié narodnykh Rousskikh [Recueil de chansons populaires russes avec leurs voix mises en musique par Ivan Pratsch] Saint-Pétersbourg, Imprimerie Schnor, 1805.

TRÈS RARE. LE RECUEIL DES CHANTS POPULAIRES QUI SERVIT DE MODÈLE A BEETHOVEN, MOUSSORGSKI, RIMSKI-KORSAKOV ET ROSSINI

exemplaire de serge lifar

Seconde partie en ÉDITION ORIGINALE Deux parties en deux volumes in-4 (257 x 204mm) COLLATION et CONTENU : Vol. : I : xvi pp. (titre, dédicace, liste des souscripteurs, préface, 74 ff. de texte avec feuillet de musique gravée en regard. Manquent le f. de musique n°13, les ff. 59 et 65. En revanche, 2 et 3 ff. de musique en regard des feuillets manquants. (xv pp. et 18 cahiers de 4 ff.). Donc plutôt erreur de foliotation. Pas de feuillet de musique n°13, et 2 et 3 ff. en regard, folios 60 et 66. Vol. II : 2 ff. n. ch. (titre, table), 77 ff. avec musique gravée en regard. Manquent ( ?) le f. de musique n° 21, les ff. 24, 66 et 75, en revanche 2 ff. de musique en regard du f. 24 manquant. (Titre, 18 cahiers de 4 ff. + 2 ff. foliotés 74 et 76 pour le cahier 19). Idem. Manquerait un ou 2 ff. en fin ( ?). Sans feuillet de musique n°21 et 3 ff. de musique en regard du folio 25 (non folioté).

RELIURE moderne : vélin rigide PROVENANCE : Serge de Diaghilev (?) -- Serge Lifar (cachet sur chacun des volumes)

Feuillets manquants (voir collation)

Vassili Sopikov (mort en 1818), dans son indispensable Essai de Bibliographie, considérait déjà cette édition comme « assez rare » (II, 10939). Ce recueil a longtemps été un modèle pour la collecte des chansons populaires. Les airs qu’il contient, recueillis par Nikolaï Lvov, seront utilisés par Beethoven, Moussorgski, Rimski-Korsakov et Rossini. J

Johann Gottfried (ou Iwan) Pratsch (vers 1750-1818), compositeur originaire de Silésie, était dès 1784 « maître de clavicorde » à l’Institut de Théâtre de Saint- Pétersbourg. Pratsch a composé un Fandango pour violon et piano, des pièces pour clavier et une marche funèbre à l’occasion de la mort du général Koutouzov. Il a transcrit pour clavier et voix deux des opéras écrits par Catherine II et publié en 1816 une méthode complète de piano. Cette édition fut rééditée par Souvorine en 1896. Aucun exemplaire de ce recueil n’a été proposé sur le marché des ventes internationales et nationales depuis plus de trente-cinq ans

RÉFÉRENCE : Sopikov, Essai de bibliographie russe, Saint-Pétersbourg, 1825

4 500 €

142 143 [57] HEGEL, Georg Wilhelm Friedrich System der Wissenschaft. Erster Theil, die Phänomenologie des Geistes Bamberg & Würzburg Joseph Anton Goebhardt 1807

L’UN DES PLUS GRANDS TEXTES DE PHILOSOPHIE

ÉDITION ORIGINALE

In-8 (198 x 117mm)

RELIURE DE L’ÉPOQUE. Papier marbré, dos à la bradel, orné. La pièce de titre porte la tomaison I mais la deuxième partie ne fut jamais composée

Dos légèrement fané, restauration au papier des plats

Anticipation géniale de toute la philosophie hégélienne, La Phénoménologie de l’Esprit influença les grands courants de l’idéalisme et du post-idéalisme allemand en même temps que ses principaux critiques (Kierkegaard, Schopenhauer, Nietzsche et bien sûr Karl Marx, qui lui emprunta son arsenal dialectique). Francis Herbert Bradley en Angleterre, Benedetto Croce en Italie se chargèrent de propager, en les révisant, les thèses du philosophe allemand.

Par la médiation de Jean Hyppolite, Alexandre Kojève et Eric Weil (entre autres), l’auteur de la Phénoménologie devient enfin une référence majeure de la philosophie française du XXe siècle. Les leçons de Kojève prononcées dans les années 30, qui tiraient déjà l’hégélianisme vers un existentialisme sui generis, marquèrent Jacques Lacan et Raymond Queneau, dont le roman Les Dimanches de la vie (1952) aborde des thèmes hégéliens transposés dans la vie quotidienne. C’est encore en France que Maurice Merleau-Ponty a étudié, dans Sens et Non-sens (1948), « l’existentialisme de Hegel », philosophe dont la lecture lui semble incontournable pour la philosophie contemporaine.

Il y a un Hegel pour tous les philosophes, pour toutes les disciplines – histoire, droit, religion, esthétique, logique –, mais l’hégélianisme, développé le plus souvent sur le mode dogmatique, ne s’est jamais autant exprimé avec sa puissance créatrice originelle (Ursprung) que dans cet extraordinaire ouvrage de jeunesse.

RÉFÉRENCE : Steinhauer, 214

12 000 €

144 145 Crimée sur le modèle récemment donné par Volney dans son Voyage en Syrie et en Egypte. La qualité de son travail lui valut un parcours social meilleur que celui de Stendhal : il fut comme lui auditeur au Conseil d’Etat, puis Maître des Requêtes. Il mourut à Pise en 1810, des suites d’un duel, alors qu’il avait été nommé Préfet du département de l’Arno en 1809

1 800 €

[59] SCOTT, Walter Rokeby ; a poem Edimbourg, James Ballantyne and Co., 1813.

EXEMPLAIRE DE LA POÉTESSE ET DRAMATURGE ÉCOSSAISE JOANNA BAILLIE

ÉDITION ORIGINALE

In-4 (273 x 212mm) RELIURE ANGLAISE DE L’ÉPOQUE. Veau brun, encadrement de roulettes dorées ou estampées à froid, dos orné PROVENANCE : Joanna Baillie (ex-dono : »from the author » et ex-libris « Joanna Baillie », les deux de la main de Joanna Baillie, sur les pages de titre et de faux titre) [58] REUILLY, Jean Racault, baron de Dos refait Voyage en Crimée et sur les bords de la Mer Noire pendant l’année 1803 ; suivi d’un Mémoire sur le commerce de cette mer Joanna Baillie (1862-1851) est née à Bothwell, dans le Sud-Ouest de l’Ecosse. Paris, Bossange, Masson et Besson, 1806. Elle vécut en divers endroits de cette région, notamment à Glasgow, lorsqu’elle était adolescente, et que son père, professeur d’Université, tenait la chaire de TOUJOURS D’ACTUALITÉ. théologie. Elle séjourna aussi à Londres avant de s’établir définitivement à AVEC LE PLAN DE SÉBASTOPOL ET UNE BELLE CARTE DE LA CRIMÉE. Hampstead avec sa soeur. Elle voyagea en Europe, entretenant de nombreuses EXEMPLAIRE DU VICE AMIRAL DENIS DECRÈS. amitiés, dont certaines très célèbres. Son premier livre est un petit recueil de poèmes qu’elle publia de façon anonyme en 1790, Fugitive Verses ; elle connut ÉDITION ORIGINALE la gloire avec le premier volume de A Series of Plays, publia plus de vingt- sept pièces, cent poèmes et chansons, un traité de religion et divers essais In-8 (213 x 135mm). 6 vignettes gravées par Duplessis-Bertaux théoriques. Sa carrière littéraire s’acheva un mois avant sa mort, à l’âge de ILLUSTRATION : une grande carte de la Crimée, un plan de Sébastopol et trois planches 88 ans, avec la publication d’un volume de 847 pages (qu’elle appelait « the RELIURE DE L’EPOQUE. Cartonnage vert, dos à la bradel, non rogné great monster book »), rassemblant la majorité de son oeuvre. Ses Plays on PROVENANCE : Denis, duc Decrès, Ministre de la Marine de Napoléon Ier (ex-libris) the Passions en 3 volumes (1798–1812), lui apportèrent une grande célébrité de son vivant, mais elle reste principalement connue pour son amitié avec Cette remarquable description de la Crimée a été écrite par l’un des premiers Walter Scott d’une part, et ce premier petit recueil de poèmes, Fugitive Verses. français à avoir parcouru la péninsule taurique. Jean de Reuilly (1780-1810) Son oeuvre est à nouveau étudiée et enseignée depuis quelques années. Son s’y était rendu en 1803 avec le jeune duc de Richelieu que le tsar venait de influence a été majeure sur William Wordsworth, Lord Byron, et Percy Bysshe nommer gouverneur d’Odessa. Conseillé par Pallas, Reuilly décrivit la Shelley. Sir Walter Scott et Joanna Baillie, tous deux écossais, échangèrent une

146 147 [60] Das Ungrische National- Museum zu Pesth Vienne, Anton Strauss, 1814

HISTOIRE DES MUSÉES : RÉCIT DES DOUZE PREMIÈRES ANNÉES DU « MUSÉE NATIONAL HONGROIS », DE SA FONDATION PAR LE COMTE FRANZ SZÉCHÉNYI EN 1802 À 1814.

RARE

ÉDITION ORIGINALE

In-4 (238 x 192mm) COLLATION : (1)-16pp

RELIURE DE L’ÉPOQUE. Brochage d’origine en papier marbré bleu

En 1802, le comte Franz Széchényi (1754-1820) offrit à sa patrie 13 000 imprimés, 1 200 manuscrits, des centaines de mappemondes, cartes et estampes sous la condition qu’ils forment le noyau d’une future bibliothèque nationale, devenue depuis lors Bibliothèque nationale Széchényi. Sa femme, la comtesse Széchényi donna à son tour l’année suivante une collection de correspondance régulière. Il la décrit comme étant « the immortal Joanna ». minéraux sous les mêmes conditions. En 1807, le parlement hongrois créa Sa mort en 1832 fut l’une des grandes peines de Joanna Baillie. Elle écrivit le Musée national hongrois dans l’intention de regrouper la bibliothèque et l’un de ses plus beaux poèmes, « Lines Written on the Death of Sir Walter d’autres collections d’objets d’art « hongrois ». Ce livret publié en 1814 retrace Scott » dans lequel elle loue la pureté de la langue de Walter Scott. Lord l’histoire des premières années du Musée national et l’enrichissement de ses Byron est un autre grand admirateur de Joanna Baillie. Il essaya en vain de collections par de multiples dons comme celui du Prince Grassalkovich : faire monter ses pièces à Drury Lane. Baillie relata ce refus dans une lettre médailles précieuses, objets d’art de l’antiquité ou des premiers souverains de qu’elle écrivit à William Sotheby en décembre 1815 : « Lord Byron, after Hongrie, herbiers et minéraux, etc. Les collections furent regroupées dans un inviting me in the most gratifying manner last spring to prepare some of my même bâtiment de style néo-classique construit sur les plans de l’architecte plays for Drury Lane, and after having pushed the matter very earnestly with Mihail Pollack à la fin des années 1830. Ce texte décrit aussi le système his Colleagues and the managers there, has at last been obliged to give up the de classement des objets et l’adminisration nécessaire à leur conservation, point » (Letters I:200). prévoyant même les émoluments des différents directeurs et conservateurs.

4 200 € 1 200 €

148 149 [61] TURPIN, Pierre-Jean-François et Jean-Gabriel PRÊTRE Dictionnaire des Sciences Naturelles dans lequel on traite méthodiquement des différens êtres de la nature, considérés soit en eux mêmes, d’après l’état actuel de nos connaissances, soit relativement à l’utilité qu’en peuvent retirer la médecine, l’agriculture, le commerce et les arts... par plusieurs Professeurs du Jardin du Roi et des principales écoles de Paris Strasbourg et Paris, F. G. Levrault et Le Normant, 1816-1829.

REMARQUABLE EXEMPLAIRE BROCHÉ, À TOUTES MARGES, ET CONSERVÉ DANS SES COUVERTURES D’ORIGINE. AVEC LE RARISSIME PROSPECTUS DE LIQUIDATION. CET OUVRAGE EN 61 VOLUMES ILLUSTRÉS DE 1240 PLANCHES REHAUSSÉES DE COULEURS À L’ÉPOQUE CONSTITUE LA GRANDE SOMME ENCYCLOPÉDIQUE DES SAVANTS DU MUSEUM D’HISTOIRE NATURELLE.

CETTE ENTREPRISE MARQUE L’ABOUTISSEMENT DE L’ENCYCLOPÉDIE DE DIDEROT ET D’ALEMBERT, ET DE L’HISTOIRE NATURELLE DE BUFFON, PEU DE TEMPS AVANT LA RÉVOLUTION DARWINIENNE

ÉDITION ORIGINALE 61 volumes de texte in-8 (216 x 134mm); 61 cahiers de planches in-8 (250 x 165mm) ; trois volumes d’index in-8 (245 x 165mm) brochés, un prospectus. Soit 125 volumes et cahiers

Les AUTEURS de ce livre sont : Antoine-Laurent de Jussieu, Georges Cuvier, Jean-Baptiste de Lamarck, Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, Antoine-François Fourcroy, Bernard Germain de Lacépède, et par ordre alphabétique : Brochant de Villiers (cristallographie), Alexandre Brongniart (minéralogie), Ducrotay de Blainville (vers et zoophytes), Frédéric Cuvier (mammifères), Hippolyte Cloquet (poissons et reptiles), Ducrotay de Blainville (conchyliologie), Dumont de Sainte-Croix (ornithologie), André-Marie-C. Duméril (insectes), Anselme-Gaétan Desmarest (crustacés), Lacroix (physique générale), Chevreul (chimie), Defrance (Minéralogie), Desfontaines (botanique), Henri Cassini (botanique), Leman (botanique), Loiseleur Deslongchamps (botanique), Massey (botanique), Poiret (botanique), Tussac (botanique), Flourens (zoologie), Dumont (oiseaux), Leach (crustacés). On compte en outre des articles donnés par des collaborateurs ponctuels, parmi lesquels Alexandre de Humboldt VOLUMES DE TEXTE : BROCHÉS, non rognés. Couvertures roses d’origine, avec titre lithographié sur les plats CAHIERS DE PLANCHES : EN FEUILLES, non rognés, chemises cartonnées bleues d’origine avec le titre lithographié dans un encadrement sur le plat supérieur, certaines fermées par des cordons de soie.

150 151 ILLUSTRATION : 1218 planches (sur 1220) imprimées en noir et REHAUSSÉES DE COULEURS À LA MAIN, À L’ÉPOQUE. Collation sur demande. ILLUSTRATION prospectus retrace l’histoire de AJOUTÉE : 68 planches supplémentaires : 56 sont des doublons, 48 sont en couleurs (dont 12 cette édition immense. Il déclare de Supplément), et 20 sont en noir. Soit un total de 1286 planches PIÈCE JOINTE : prospectus l’ouvrage complet en 1220 intitulé « Trois ans de crédit. Ouvrage terminé. Livraison immédiate » planches et propose des facilités PROVENANCE : Madame Berger-Levrault -- François Jacques Antoine Mathieu de de paiement pour liquider ce qu’il Reichshoffen, héritier au XIXe siècle d’une importante famille de financiers strasbourgeois. Les en reste. Reichshoffen financèrent entièrement le Dictionnaire, pour le compte l’éditeur alsacien Levrault. Ce dernier ne rentrant pas dans ses frais, dût céder la totalité des exemplaires à ses créanciers, Des Suppléments, auxquels Turpin, les Reichshoffen mort en 1840, ne prit aucune part, furent à peine commencés La tâche de cette édition fut immense. Elle sollicita plus de trente auteurs et et abandonnés. Il existe aussi un artistes placés sous la direction de Cuvier pour le texte et de Turpin pour les volume de portraits, postérieur à planches. Un processus méthodique et scientifique fut adopté, tant dans la la publication du livre et souvent réalisation des illustrations que dans leur jeu de renvoi avec les volumes de incomplet, qui n’est pas requis texte. Les planches ont pour modèle des dessins originaux peints sur peau par Anker. Nissen le considère de vélin, lesquels constituent le plus bel exemplaire connu du Dictionnaire comme auxiliaire (Suppléments des sciences naturelles. Ces dessins originaux servirent aux graveurs et aux et portraits ne figurent d’ailleurs coloristes pour réaliser des planches ressemblant au mieux à leur modèle. pas dans les index de planches). La gravure des plaques fut donc faite à l’envers des dessins pour que les Cet ouvrage gigantesque est par planches et les dessins soient dans le même sens. Le coloris des planches fut conséquent très rare sur le marché. également conditionné par celui des dessins d’origine. On lit des indications Il se présente le plus souvent sous de couleurs écrites en bas des dessins orignaux, à l’usage des coloristes. forme de fragments isolés ou avec Dans la réalisation de ces planches, le talent artistique servit la plus grande les planches non coloriées et le plus rigueur scientifique. Chacun des volumes de texte indique, dans une note souvent très mal relié. Les deux à part, au bas de la liste des auteurs, que « Pierre Jean François Turpin, seuls exemplaires homogènes, avec les planches en couleurs, passés en vente naturaliste, est chargé de l’exécution des dessins et de la direction de la aux enchères possédaient 1219 planches (celui de Marie-Louise, New York, gravure ». La formule est d’importance. Turpin choisit de s’adjoindre Prêtre, 13 novembre 1987, n° 104) et 1220 planches (Londres, 1er mai 1991, n° 167). le talentueux dessinateur d’oiseaux. A eux deux, ils vont accomplir cette Le livre, originellement destiné à des souscripteurs, est plus fréquent dans les tâche immense d’illustrer les mondes organisés et inorganisés. D’autre part, grands bibliothèques publiques d’Europe et d’Amérique. Mais aucun de ces un système de renvois entre les volumes de texte et les volumes de planches exemplaires ne donne la même collation, les rares fois où elle est mentionnée. est établi dans un cahier à part de « Titre et tables des planches ». Une grille L’exemplaire conservé au Museum d’Histoire naturelle, possède moins à plusieurs colonnes donne les correspondances entre les planches (noms, de planches que le nôtre, ses reliures sont hétérogènes et particulièrement numéros et cahiers) et les explications de ces planches (numéro des volumes défraichies. Un tel exemplaire, entièrement broché, rehaussé de couleurs à et pages). Un index alphabétique complète cette grille. Ce système a pour l’époque et selon les indications de Turpin, conservé dans ses séduisantes but d’aider « les gens du monde à trouver, sur le champ, ce qu’ils désirent couvertures bleues d’origine, et avec le précieux prospectus de liquidation est sans être obligés d’étudier un livre entier, et le plaisir pour un savant de unique. se rappeler sans peine une partie de ce qu’il a appris » (Introduction, p. XIV). Le livre fut financé au moyen de souscriptions. Le prix considérable RÉFÉRENCES : Pierre Jean François Turpin, Notice des travaux de M. P.J.F. Turpin, Paris, engagé à l’époque par les éditeurs s’éleva à plus de 330.000 francs ; il dépassa 1833 -- Nissen, Die Zoologische Buchillustration, I, 4614 (Contrairement à la collation que donne le montant des souscriptions. En 1840, vingt-cinq ans après le début de Nissen, le Supplément ne recquiert que 10 planches) -- Jean Anker, Bird Books and Bird Art : an l’entreprise, l’éditeur Berger-Levrault fit faillite, mais l’ouvrage était achevé. Outline of the Literary History and Iconography of Descriptive Ornithology, Arno, 1974 Les acquéreurs du stock firent imprimer un prospectus qui commence par ces mots : « Trois ans de crédit. Ouvrage terminé. Livraison immédiate. » Ce 14 000 €

152 153 [62] Le comte Grégoire Vladimir Orloff (1777-1826), descendant de Grigorii HOOK, Théodore Grigoriévitch Orloff, favori de Catherine II, était membre de l’Académie Facts, illustrative of the treatment of Napoléon Buonaparte in des sciences de Saint-Pétersbourg. Il dût quitter la Russie pour des raisons Saint Helena being the result of minute enquiries and personal research de santé. Il effectua alors un tour d’Italie comme il était d’usage dans la in that island formation classique des peintres et des écrivains. Quelques années plus tôt, Stendhal avait publié son Histoire de la peinture en Italie (1817) et Goethe Londres, Printed for William Stockdale, 1819. son Italienische Reise (1816-1817). Orloff publia en français une Histoire de la Musique (1822) et un Voyage dans une partie de la France (1824). L’UN DES PREMIERS GRANDS TÉMOIGNAGES ANGLAIS SUR LA VIE DU CAPTIF DE SAINTE HÉLÈNE L’Essai sur l’histoire de la peinture en Italie débute par l’origine mythologique de la peinture chez les Anciens et la description de sites comme Pompéi et ÉDITION ORIGINALE Herculanum. Orloff s’attache ensuite naturellement aux écoles et aux artistes majeurs de la Renaissance, ainsi qu’à leurs productions les plus distinguées. Ses In-8 (205 x 130mm), faux-titre. Avec le catalogue des livres publiés par Stockdale relié à la fin descriptions et ses portraits font souvent référence à la Storia pittorica dell’Italia ILLUSTRATION : 3 aquatintes imprimées en couleurs par Clarke (1796) de Luigi Lanzi, considéré comme le père de l’historiographie moderne. RELIURE DE L’ÉPOQUE. Dos de veau brun à décor romantique estampté à froid et doré, plats de papier marbré gris 1 200 € Petites usures le long des charnières [64] BAKER, Ezechiel Théodore Hook, haut fonctionnaire anglais de retour des Indes, arriva à Sainte Hélène le 2 novembre 1818 et y resta trois semaines. C’est un témoignage de Remarks on rifle guns being the result of forty years practice and première main, sans concessions, sur la vie du captif, à la fois historique et observations : with specific remarks on fowling pieces... to which is visuel grâce à ces trois jolies aquatintes. added a supplement, respecting an Additional Improvement in gun and door locks, and spring bolts... containing a description of a new machine 1 200 € for taking true sight in shooting flying, and important remarks on the percussion lock [63] ORLOFF, Grégoire comte Londres, Printed by E. Justins sold by E. Baker, 1823 Essai sur l’histoire de la peinture en Italie, depuis les temps les ÉTONNANT LIVRE SUR LA FAMEUSE CARABINE D’EZEKIEL BAKER, plus anciens jusqu’à nos jours ENTIÈREMENT COLORIÉ À L’ÉPOQUE. L’ARME FATALE AUX OFFICIERS Paris, Galerie de Bossange père, 1823 FRANÇAIS DURANT LA BATAILLE DE WATERLOO

HISTOIRE DE LA PEINTURE EN ITALIE PAR UN RUSSE, EN FRANÇAIS. ILLUSTRATION : frontispice gravé par Barlow représentant un rifleman presenting, un tableau lithographié d’après B. Haseldine montrant les tirs du Prince de Galles effectués à Brighton le 11 BEL EXEMPLAIRE EN RELIURE JONQUILLE DE L’ÉPOQUE décembre 1805, 3 autres lithographies gravées par Barlow représentant les différentes positions de tir et de visées d’un hommé doté d’une carabine, une planche d’instruments pour fabriquer ÉDITION ORIGINALE des balles, 2 lithographies gravées par Barlow représentant le tir sur un mannequin-cible. Toutes les planches, à l’exception de celle des balles, ont été REHAUSSÉES À L’ÉPOQUE D’UN Deux volumes in-8 (215 x 131mm) DÉLICAT COLORIS

RELIURES DE L’ÉPOQUE. Dos de veau blond clair, plats de papier jonquille RELIURE DE L’ÉPOQUE. Dos de veau rouge à coins, plats de papier marbré dans les tons ocres, étiquette de titraison en veau rouge insérée sur le plat supérieur, tranches marbrées de Quelques rousseurs rouge

154 155 Huitième édition d’un livre qui en connut onze, toutes différentes. La première édition date de 1800 et ne comportait que dix-huit pages ; la dernière fut publiée en 1835. Ezekiel Baker (1758-1836) fut l’un des grands armuriers anglais ; son atelier se situait à Whitechapel. En 1800, les performances des fusils anglais étaient inférieures à ceux des armées révolutionnaires. Un test grandeur nature, destiné à stimuler la production anglaise, fut organisé à Woolwich le 4 février 1800. La carabine de Baker, largement inspirée des armes de chasse allemandes, remporta le concours. Elle équipa dès lors les nombreux régiments de carabiniers anglais pendant toutes les guerres napoléonienne et joua un rôle décisif à Waterloo contre des Français qui privilégiaient la baïonnette... avant d’être utilisée par de nombreux chasseurs (cf. H. L. Blackmore, Hunting weapons : from the Middle Ages to the twentieth century, 1971).

« les Anglais en équipent plusieurs régiments : le 60th (Royal American), le 95th Regiment of Foot, ainsi que les bataillons légers de la King German Legion (KGL). Armés de la carabine Baker, produite à 22.000 exemplaires, ils participent au combat de la Péninsule et à Waterloo. La Baker a un énorme avantage sur son équivalent français. Elle se complète du sabre du fantassin comme d’une baïonnette ! En outre, elle a une portée double de celle du fusil anglais. A Waterloo, environ 8% de l’infanterie anglaise est équipé de carabines. Le colonel Lebeau constate que, pendant l’attaque du château d’Hougoumont à Waterloo, la quasi-totalité des officiers de son régiment dont lui-même est blessée par des balles tirées par des carabines, au contraire des soldats de son unité. Il en conclut que les troupes anglaises sont spécialement entraînées pour abattre l’encadrement ennemi avec des carabines » (E. Dauriac, Les armes de Napoléon, 2011, p. 33).

L’ouvrage édité par Baker est rare en bon état et avec les gravures en coloris d’époque. Ici, il est en outre préservé par une élégante et sobre reliure d’époque alors que les mains pleines de poudre des rifleman les ont le plus souvent détruites ou abîmées.

2 500 €

156 157 [65] HÖLDERLIN, Friedrich Gedichte Stuttgart und Tubingen, J. G. Cotta, 1826

LE PREMIER RECUEIL DE POÈMES DE HÖLDERLIN. PARMI LES PLUS BEAUX POÈMES JAMAIS ÉCRITS

ÉDITION ORIGINALE.

In-8 (168 x 98mm) Avec les cartons aux pages 79, 125, 127, 131, 151, 167 et173 RELIURE DE L’ÉPOQUE. Veau raciné, roulette dorée en encadrement, dos à la bradel orné, tranches jonquilles

Cet ouvrage, le premier recueil poétique de Friedrich Hölderlin (1770-1843), fut publié par les écrivains souabes Ludwig Uhland, Gustav Schwab et Justinus Kerner à l’insu de leur auteur alors en convalescence pour troubles mentaux dans une tour à Tübingen, mise à sa disposition par le menuisier Heinrich Zimmer.

Les poèmes que Hölderlin avait éparpillés dans des petits almanachs pour dames qui furent longtemps le support imprimé de ses vers, sont ici réunis en volume pour la première fois. Certes, Hölderlin avait aussitôt désavoué cette édition « fabriquée » dans son dos, désapprouvant le choix de certaines pièces et craignant peut-être qu’on ne remette l’accent sur son jacobinisme. Mais dès 1826, avec cette édition des Gedichte, Uhland, Schwab et Kerner dressent, en soixante-dix poèmes, un tableau étourdissant de l’art poétique et philosophique de leur compatriote. Parmi ces poèmes se trouvent ceux écrits pour Suzette Gontard, son amour malheureux, rebaptisée Diotima en référence au roman Hypérion (1797-1799), l’hymne Der Neckar, Andenken (Souvenir), l’élégie Heidelberg, un fragment de la tragédie inachevée Der Tod des Empedokles, les poèmes Der Wanderer, An den Aether, Der Archipelagus, et surtout l’hymne Der Rhein qui, comme Andenken et d’autres pièces, fut analysé par Martin Heidegger dans des études recueillies en volume, ou dans les grands cours des années 40 publiés après sa mort.

RÉFÉRENCES : Seebass, Hölderlin Samtliche Werke Historisch-Kritische Ausgabe, p. 12 -- Karl Goedeke, Grundriss zur Geschichte der deutschen Dichtung aus den Quellen, 472.2

18 000 €

158 159 [66] VIGNY, Alfred de Cinq-Mars ou une conjuration sous Louis XIII Paris, Urbain Canel, 1826.

ENVOI D’ALFRED DE VIGNY À EDMOND DE BEAUVAU-CRAON, PRINCE DE CRAON, SON « AMI D’ENFANCE » (Mémoires inédits).

L’UN DES HUIT ENVOIS AUJOURD’HUI CONNUS SUR CE TEXTE, ET L’UN DES MEILLEURS APRÈS CELUI ADRESSÉ À . LE PREMIER ROMAN HISTORIQUE FRANÇAIS

ÉDITION ORIGINALE

2 volumes in-8 (207 x 128mm) ENVOI sur le faux-titre : A M. Le Prince de Craon, témoignage d’une ancienne amitié, Alfred de Vigny

RELIURES DE L’ÉPOQUE. Dos de veau vert, à nerfs très ornés et dorés, pièce de titraison et de tomaison en maroquin havane, plats de papier marbré PROVENANCE : Edmond de Beauvau-Craon, Prince de Craon (1795-1861) -- Librairie Pierre Berès, cat. 75, n° 836, illustration à pleine page, au prix de 35.000FF

Insignifiantes rousseurs

Edmond de Beauvau (1795-1861), Prince de Craon, fut le camarade de régiment et « l’ami d’enfance » de Vigny selon la formule de ses Mémoires inédits (Paris, 1958, p. 61). Ce Prince de Craon avait épousé, en 1825, Ugoline du Cayla, fille de Zoé Talon, comtesse du Cayla, favorite de Louis XVIII et dernière grande maîtresse royale. Vigny fréquentait, avec Victor Hugo, le salon des Beauvau- Craon. On notera que dans le roman, Cinq-Mars présente le baron de Beauvau à la reine Anne d’Autriche. Le duc de Bouillon vante aussitôt le courage des futurs conjurés que sont le grand écuyer Cinq-Mars, de Thou et Beauvau : « ce n’est qu’en eux que nous pouvons espérer désormais : ils sont à présent bien rares, car le grand niveleur [richelieu] a passé sur la France une grande faux ». Le 7 avril 1830, c’est le « Prince de Craon qui conduit Montalembert à l’un des « mercredi » d’Alfred de Vigny », rencontre qui entraînera la collaboration du poète à l’Avenir (G. Bonnefoy et J. Pommier, La pensée religieuse et morale d’Alfred de Vigny, p. 138). La Princesse de Craon, née du Cayla, fut en correspondance avec Alfred de Vigny (cf. trois lettres au vol. 1 de la Correspondance, Paris, PUF, 1989).

« Premier roman historique français, cette oeuvre présente des traits communs avec les compositions de Walter Scott. Vigny y fait revivre l’une des plus célèbres conjurations de l’histoire de France, celle dirigée par Henri d’Effiat, marquis de Cinq-Mars, contre Richelieu ; d’abord favori de Louis XIII, ayant l’appui du roi, de la reine et de la Cour, Cinq-Mars se retrouva abandonné de ses protecteurs et périt, avec de Thou, victime du Cardinal » (Cat. Pierre Berès).

160 Madeleine Ambrière, éditrice de la Correspondance du poète, recense sur ce texte huit envois de Vigny, dont celui-ci, l’un des plus remarquables. Le plus célèbre est celui à Victor Hugo, mais il a été relié très postérieurement vers 1900 par Victor Champs (Sicklès I, n° 220, 1989, 70.000F sans les frais). On connaît l’exemplaire adressé par Vigny à sa mère ; il est conservé à la BnF mais l’envoi a été malheureusement en partie découpé. Puis ceux, plus anonymes, adressés au docteur Grimel (Paris, 11 mai 1960, n° 193), au piètre journaliste et académicien Charles Brifaut raillé par Gérard de Nerval (Marc Loliée, cat. 104, n° 295), celui adressé à une tante de sa femme, Mme Bunbury (ancienne collection Sicklès), ou encore un envoi anonyme. On repère aussi un exemplaire adressé à un destinataire sans lien reconnu avec Vigny. Un autre enfin porte un envoi à Guizot mais il lui fut remis plusieurs années après la publication du livre [67] BONAPARTE, Lucien, Prince de Canino (Lib. Matarasso, 1951, n° 292). Museum etrusque. Fouilles de 1828 à 1829. Vases peints avec

EXPOSITION : Cent ans de vie française (Centenaire de la Revue des deux mondes), Paris, inscriptions 1929, n° 1002 Viterbe, Camille Tosoni, 1829 RÉFÉRENCES : M. Clouzot, Guide du bibliophile français, p. 274 (« peu commun et asez recherché ») -- L. Carteret, Le Trésor du bibliophile romantique et moderne, II, p. 452 : « ouvrage ENVOI DE LUCIEN BONAPARTE AU GéNéRAL LA FAYETTE : DEUX extrêmement rare » DESTINS SéPARéS QUI SE RETROUVENT PENDANT LES CENT-JOURS

12 000 € Exemplaire de gustave de beaumont, l’ami de tocqueville

162 163 ÉDITION ORIGINALE

In-4 (265 x 202mm) ILLUSTRATION : un plan des fouilles et quarante-et-une planches gravées

ENVOI : à M. le Général de La Fayette, De la part de l’auteur. L. B.

RELIURE DE L’ÉPOQUE. Dos en veau vert à nerfs ornés, plats de papier marbré vert, tranches marbrées PROVENANCE : Gilbert du Motier, marquis de La Fayette (envoi) – La Fayette-Beaumont, 1854 (ex-libris de Clémentine de La Fayette, petite-fille de La Fayette, épouse du comte Gustave de Beaumont)

Le rôle de Lucien Bonaparte (1775-1840), second frère de Napoléon, fut déterminant dans la réussite du coup d’état du 18 Brumaire. Mais les relations entre Lucien et Napoléon se dégradèrent vite. Républicain convaincu, Lucien n’approuvait pas la dérive autoritaire et monarchique de son frère. Il fut écarté par Fouché en 1804 et se réfugia à Rome auprès du pape Pie VII dont il s’était concilié l’amitié en soutenant le Concordat. Il se fixa près de Viterbe, dans l’antique terre étrusque de Canino que le pape érigea pour lui en principauté. La Fayette se tint également en retrait de l’épopée napoléonienne. Mais pendant les Cent-Jours l’un et l’autre rallièrent l’Empereur. Ils ne s’étaient alors jamais rencontrés. La veille de la bataille de Waterloo, La Fayette tenta en vain de rallier Lucien à l’idée d’une régence en cas de mort de Napoléon. Au lendemain de la défaite, les vues de La Fayette et Lucien s’opposèrent à la [68] TOURNON, comte de Chambre des Représentants, le premier étant partisan de l’abdication, l’autre Études statistiques sur Rome et la partie occidentale des États d’une poursuite de la guerre. romains Après la chute de l’Empire, Lucien Bonaparte se consacra à l’archéologie. Paris, Treuttel et Würtz, 1831. Les fouilles de grande envergure qu’il effectua, à partir de 1828, dans les nécropoles étrusques de Vulci, Cornetto et Canino, mirent au jour entre LA ROME DE STENDHAL. EXEMPLAIRE EN RELIURE DE L’ÉPOQUE 15.000 et 20.000 vases. Il organisa plusieurs grandes ventes en 1834, 1837, 1838 et 1840. ÉDITION ORIGINALE

Aucun exemplaire n’a été proposé à la vente sur le marché national ou 2 volumes in-8 (205 x 127mm) et un volumes d’atlas in-4 (237 x 151mm) international des ventes aux enchères depuis plus de trente ans. Manque au ILLUSTRATION : une carte de la ville de Rome, une de la région, 17 plans de quartiers de la Getty Museum ville, 15 eaux-fortes de vues

RÉFÉRENCES : Lucien Bonaparte, Mémoires de Lucien Bonaparte, Prince de Canino, écrits RELIURES UNIFORMES DE L’ÉPOQUE. Dos à nerfs orné, en veau vert, plats de papier par lui-même. Paris, 1836 – Etienne Taillemite, La Fayette, Paris, Fayard, 1989 -- Antonello marbré, tranches marbrées Pietromarchi, Lucien Bonaparte, prince romain. Paris, 1985 PROVENANCE : château de Louppy (ex-libris aux armes des Vassinhac d’Imecourt)

6 000 € Petite restauration à l’une des coiffes

164 165 Camille de Tournon (1778-1833), Pair de France, né à Avignon et issu de l’ancienne maison des comtes de Tournon, fut préfet de Rome sous Napoléon. Ses Etudes statistiques constituent un tableau de la ville éternelle au lendemain de la présence française, de 1809 à 1814. Les eaux-fortes de l’ouvrage représentent les monuments qui furent l’objet de travaux par les français et le plan de la ville décrit les embellissements effectués dans celle-ci, quartier par quartier.

3 000 €

[69] BALZAC, Honoré de Le Dernier Chouan ou la Bretagne en 1800 Paris, Urbain Canel, 1829

LA PREMIèRE ŒUVRE SIGNÉE DE BALZAC. RARE EXEMPLAIRE EN QUATRE VOLUMES BROCHÉS, TEL QUE PARU

ÉDITION ORIGINALE

4 volumes in-12 (178 x 106mm)

BROCHÉS. Chemises et étui de l’époque.

Dos fragiles. Pâles rousseurs

Le Dernier Chouan ou la Bretagne en 1800 est le premier roman que Balzac signe de son nom. La première page du Dernier Chouan figure parmi les plus belles de la langue française :

Dans les premiers jours de l’an VIII et au commencement de vendémiaire, ou, pour se conformer au calendrier actuel, vers la fin du mois de septembre 1799, une centaine de paysans et un assez grand nombre de bourgeois, partis le matin de Fougères pour se rendre à Mayenne, gravissait la montagne la Pélerine, située à mi-chemin environ de Fougères à Ernée, petite ville où les voyageurs qui font ce trajet ont coutume de se reposer...

Les exemplaires de l’édition originale du Dernier Chouan, déjà rare, le sont encore plus quand ils sont brochés, tels que parus, et en bon état.

RÉFÉRENCES : Clouzot, Guide du bibliophile français, p. 19 : « très rare » -- Carteret, Le Trésor du bibliophile, I, p. 58 -- Vicaire, Manuel de l’amateur de livres au XIXe siècle, I, 179

15 000 €

166 167 [70] BALZAC, Honoré de Le Livre mystique. Les proscrits. Histoire intellectuelle de Louis Lambert Paris, Werdet, 1836

rare ENVOI de BALZAC À son ROSSINI : L’INFLUENCE MUSICALE LA PLUS IMPORTANTE DE LA COMÉDIE HUMAINE.

l'un des plus longs envois que balzac ait jamais fait.

BROCHÉ, GRAND DE MARGES

Seconde édition. Tome I seul, contenant Les Proscrits et l’Histoire intellectuelle de Louis Lambert. Ces deux textes du tome I sont complets. Le tome II contient Seraphita (cette nouvelle sera publiée séparement plus tard). Catalogue des nouvelles publications de Werdet à la fin (7 ff.)

In-8 (210 x 129mm)

BROCHÉ. Couverture jonquille de l’éditeur, non rogné. Chemise, étui. Exemplaire rétabli dans sa brochure originelle

ENVOI :

Offert à mon cher Maître Rossini comme un des plus profonds et des plus vrais hommages apportés au pieds de la Musique. Paris, janvier 1836. De Balzac

La présence de Rossini dans l’oeuvre de Balzac est impressionnante : explicitement à l’intérieur des romans, pour décrire une situation ou un sentiment qualifiés de « rossiniens », ou implicitement dans la composition elle-même de ces romans. Balzac s’inspire de certains procédés propres au compositeur italien, notamment, son usage du crescendo. Lors de la création de l’Otello de Rossini à Paris, en 1821, Balzac se trouve dans la salle. L’écrivain est si engoué par le lyrisme de Rossini qu’il en fera chanter un passage, huit ans plus tard, à Julie de Listomère dans La Femme de trente ans (1829). Dans La Peau de Chagrin (1831), Balzac ne cesse de citer Rossini, c’est le nom qui revient le plus souvent. Pour l’écriture du roman, il va jusqu’à demander à la

168 169 maîtresse de Rossini, l’actrice Olympe Pélissier, de lui jouer dans sa chambre Si l’écoute de la musique de Rossini a nourri l’imagination de Balzac une scène curieuse qu’il reprendra dans l’intrigue entre Raphaël et Fœdora. et perfectionné la construction de ses récits, c’est également l’amitié du Deux nouvelles « musicales », à la manière d’études, sont entièrement compositeur qui l’a soutenu dans les moments difficiles. Dans une lettre consacrées à Rossini : Massimila Doni (1839), dans laquelle Balzac analyse à Madame Hanska du 22 octobre 1836, alors qu’il se plaint des multiples Mosè. Gambara (1839), nouvelle qui donne l’occasion à Balzac d’une analyse malheurs qui l’accablent, notamment la faillite de son éditeur Werdet dans magistrale des procédés de composition chez Rossini doublée d’un éloge sans laquelle il est entraîné, Balzac élabore un plan pour payer ses dettes : « il me restriction du maître. faudra travailler jour et nuit pendant six mois et après, au moins dix heures par jour pendant deux ans. Rossini me disait hier : « quand je faisais cela, Balzac est, comme Stendhal, un rossinien fervent. Mais il fut aussi, moi, j’étais mort au bout de quinze jours, et j’en prenais quinze pour me contrairement à Stendhal, un ami du compositeur italien. Le succès de La rétablir ». Le succès précoce de Rossini et sa détermination dans le travail sont Peau de chagrin, en 1831, lui ouvre les salons, et, le 9 janvier 1832, Eugène un modèle pour Balzac. Sue lui présente Rossini chez la fameuse danseuse Olympe Pélissier, au 23 rue de La Rochefoucauld. Rossini a alors quarante ans. Son œuvre est, selon Un temps, il espéra ramener Rossini à la composition et lui écrivit un livret, lui, achevée : quarante opéras sans cesse donnés et redonnés sur toutes les ce qu’il confie à Madame Hanska : « Au milieu de tous ces tracas, j’ai fait les scènes européennes. Ses œuvres sont les plus applaudies depuis six ans à Paris. paroles d’une romance pour Rossini. S’il me donne sa composition, je te la Dès leur rencontre, une véritable amitié, jamais démentie, se noue. Balzac va réserve » (lettre du 20 novembre 1833). La musique n’en fut pas composée, l’entendre à l’opéra aussi souvent qu’il peut et assiste aux réceptions données Rossini n’aimant pas le chant en français. par le maître. En novembre 1834, Balzac offre un grand dîner en l’honneur de Rossini : « Mon dîner ! il a fait fureur. Rossini a déclaré qu’il n’avait rien Rose Fortassier, dans son étude Balzac et l’Opéra, insiste sur le sens musical vu, mangé ni bu de mieux chez les souverains. Ce dîner a été étincelant de Balzac : « Il ne faut pas croire que l’opéra ait révélé à Balzac le charme de la d’esprit. La belle Olympe a été gracieuse, sage et parfaite » (lettre à Madame voix humaine ou son pouvoir expressif. Mais il lui en a donné une connaissance Hanska, 26 novembre 1834). Olympe Pélissier, chez qui eut lieu la première claire et distincte. C’est un fait que Balzac se réfère constamment à l’opéra. » rencontre entre Balzac et Rossini, avait servi de modèle à Horace Vernet pour (p. 35). Rossini fut certainement le musicien qui eut la plus forte influence son célèbre tableau de Judith. Elle fut successivement la maîtresse de Sue, sur le jeune Balzac écrivain et l’homme de la maturité. A la fin de l’année Vernet et Balzac lui-même, avant de devenir celle de Rossini qui l’épousa en 1835, paraît La Fleur de pois (futur Contrat de mariage). Rossini avait traité à 1847. sa façon le thème du contrat de mariage, dans son premier opéra bouffe, La Cambiale di Matrimonio, créé en 1810. En 1842, quand il réédite son texte, Le nom de Rossini apparaît vingt-huit fois dans la correspondance avec Balzac en change le titre, prend celui de Rossini, et en fait le dédicataire de Madame Hanska pour les années 1832 à 1844. Dans une lettre du 18 son roman. novembre 1833, Rossini déclare à Balzac : RÉFÉRENCES : Clouzot, Guide du bibliophile français, p. 22 -- Lascoux Liliane, « Balzac et « vous qui marquez le siècle par vos chefs-d’œuvre ! Vous êtes, mon ami, un trop grand colosse Rossini : histoire d’une amitié », in L’Année balzacienne 1/ 2005 (n° 6), p. 363-382 -- Rose pour que je puisse vous entreprendre ; et d’ailleurs, que vous ferait le suffrage d’une naïveté Fortassier, « Balzac et l’Opéra », in Cahiers de l’AIEF, Paris, Les Belles Lettres, 1965 étrangère ! Je me bornerai donc à vous dire que je vous aime avec tendresse, et que vous, à votre tour, ne devez pas dédaigner d’avoir ensorcelé le Pesariote. » 65 000 €

170 171 [71] [GOETHE, Johann Wolfgang von, et Johann Peter Eckermann] Gespräche mit Goethe in den letzten Jahren seines Lebens. 1823-1832 Leipzig, Magdebourg Brockhaus, 1836 [et Magdebourg, Heinrichshofen’sche Buchhandlung, 1848]

« LE MEILLEUR LIVRE ALLEMAND QU’IL Y AIT » (NIETZSCHE)

ÉDITION ORIGINALE

3 parties en 3 volumes in-8 (175 x 110mm) Part. I : XIV, 386 pp. ; Part. II : 2 ff. bl., 360 pp., XX ; Part. III : XVI, 375 pp. 3 faux-titres RELIURES UNIFORMES DE L’ÉPOQUE. Cartonnage de papier marbé noir et gris, dos à la bradel, pièces de titre de maroquin rouge, tranches peintes de bleu PROVENANCE : C. Behr 1865. 24th December Poopen (ex-libris ms.) -- Behr-Poopen (cachet)

Quelques éclats aux reliures

Ces trois volumes d’entretiens entre Goethe et son secrétaire forment l’un des magnus opus nécessaires à la bibliothèque d’un homme cultivé. Ici, dans les deux premières parties, tout est de Goethe qui eut le temps de les corriger. La troisième tient davantage du secrétaire Eckermann. Il eut d’ailleurs le culot d’appeler l’ensemble Eckermann Gespräche mit Goethe, inversant le titre naturel que les langues étrangères conservent dans son ordre de préséance évident : Conversations de Goethe avec Eckermann. Certaines des Conversations résonnent avec force dans les oreilles souvent peu germanistes des contempteurs de la puissance économique allemande :

Nous autres Allemands, nous datons d’hier. Depuis un siècle nous avons fait pas mal de progrès, certes ; mais il devra s’écouler encore deux siècles avant que l’esprit pénètre suffisamment chez nos compatriotes, que la haute culture soit assez répandue pour qu’ils rendent hommage à la beauté comme les Grecs, pour qu’ils s’enthousiasment d’un beau chant et qu’on puisse dire d’eux : jadis, il y a longtemps, ceux-ci étaient encore des barbares. (3 mai 1827)

Le compagnon inévitable de la lecture de Goethe, c’est Nietzsche. Les dialogues sereins de Goethe avec son secrétaire et les constructions de Poésie et Vérité semblent en effet trouver leur prolongement dans le monologue exalté d’Ecce homo. Les Conversations de Goethe et Eckermann sont bien pour Nietzsche « das beste deutsche Buch, das es gibt » (Humain, trop humain, Le Voyageur de l’ombre, § 109).

RÉFÉRENCES : Goedecke, IV, 2, 501, 297 a/b et XIII, 405, 16

2 500 €

172 173 [72] JOUBERT, Joseph Pensées, essais et maximes... suivies de lettres à ses amis et précédés d’une notice sur sa vie, son caractère et ses travaux Paris, Librairie de Charles Gosselin, 1842.

BELLES ET ATTACHANTES RELIURES DE L’ÉPOQUE SUR LES PENSÉES DE JOUBERT :

LE PASCAL DU ROMANTISME

Seconde édition en partie originale, publiée par Paul de Raynal. Première édition mise dans le commerce contenant 216 nouvelles pensées et 85 lettres inédites.

2 volumes in-8 (205 x 135mm)

RELIURES DE LÉPOQUE. Dos de papier maroquiné rouge à grand décor romantique doré, plats de percaline rose

Quelques rousseurs

Joubert, né en 1754, suivit les cours d’un collège religieux de Toulouse, [73] BAUDELAIRE, Charles où il enseigna lui-même par la suite, jusqu’en 1776. En 1778, il rencontra d’Alembert et Diderot. Mais il demeure surtout célèbre pour sa longue amitié Les Fleurs du mal avec Chateaubriand. Il vécut entre Paris auprès de ses amis et sa retraite Paris, Revue des Deux Mondes, XXVe année, tome X, 1er juin 1855 campagnarde de Villeneuve-sur-Yonne. De son vivant, Joubert ne publia jamais rien, mais il écrivit de nombreuses lettres, ainsi que des notes et des CÉLÈBRE LIVRAISON DE LA REVUE DANS LAQUELLE BAUDELAIRE journaux où il reportait ses réflexions sur la nature de l’homme, la littérature, PUBLIA DIX-HUIT POÈMES DES FLEURS DU MAL, DEUX ANS AVANT LA et sur d’autres sujets, dans un style poignant, volontiers aphoristique. PARUTION DU RECUEIL EN VOLUME

À sa mort, sa veuve confia ces notes à Chateaubriand, et en 1838 celui-ci ÉDITION PRÉ-ORIGINALE en fit publier un choix sous le titre Recueil des pensées de M. Joubert. Des éditions plus complètes allaient suivre, ainsi que celles de la correspondance. In-8 (230 x 152mm) Les œuvres de Joubert ont été traduites en de nombreuses langues (en anglais RELIURE DE L’ÉPOQUE. Dos en veau vert orné, plats de percaline bleue par Paul Auster). Quinze poèmes parmi les dix-huit publiés dans cette revue sont inédits dont RÉFÉRENCE : Clouzot, Guide du bibliophile français, 161 Au lecteur, L’Invitation au voyage, Le Guignon et La Vie antérieure.

2 200 € 1 500 €

174 175 [74] DEMIDOFF, Anatole Voyage dans la Russie méridionale et la Crimée, par la Hongrie, la Valachie et la Moldavie Paris, Ernest Bourdin, 1854.

EXEMPLAIRE DE LA DUCHESSE DE BERRY, À BRUNNSEE.

In-4 (256 x 163mm). Vignettes ILLUSTRATION : portrait de Nicolas Ier gravé à l’eau-forte par P. Sightfoot placé en frontispice, 26 planches gravées à l’eau-forte par Raffet dont 10 imprimées en couleurs, une planche de musique et deux cartes dépliantes de la Crimée placées à la fin du volume

RELIURE DE L’ÉPOQUE SIGNÉE DE J. OSTERZIL. Cuir de Russie acajou, filets dorés en encadrement, dos à nerfs orné, tranches dorées PROVENANCE : Marie-Caroline, duchesse de Berry (étiquette du château de Brunnsee)

Le comte Anatole Nicolaïevitch Demidoff (1813-1870), débuta une carrière dans la diplomatie russe avant d’organiser diverses expéditions dans l’Europe orientale. En 1837-1838, il finança une expédition scientifique en Russie du Sud et en Crimée, dont la direction scientifique fut confiée à Frédéric Le Play. Elle comprenait vingt-deux savants, écrivains et artistes français dont Auguste Raffet et Jules Janin. Le résultat de cette expédition fut publié sous le titre Voyage dans la Russie méridionale et la Crimée (4 volumes, 1840- 1842), avec une centaine de lithographies originales de Raffet. Demidoff augmenta considérablement la collection d’art rassemblée par son père à la Villa San Donato près de Florence, et commanda notamment des tableaux à Géricault et Delacroix. La Villa contenait également une bibliothèque de 40 000 volumes. Certaines de ses énormes collections furent dispersées dans des ventes publiques à Paris en 1863 et en 1870. Dans son château de Rosny, la duchesse de Berry avait réuni une des plus exceptionnelles bibliothèques de son temps, composée de plus de 8 000 volumes. Cet exemplaire fit partie de sa bibliothèque de Brunnsee où elle vécut jusqu’à sa mort, en 1870.

5 500 €

176 177 [75] BAUDELAIRE, Charles Les Fleurs du mal Paris, Poulet-Malassis et de Broise, 1857

LES FLEURS DU MAL DE MAURICE BARRÈS : « IL N’EST DE VRAI BAUDELAIRE POUR MOI QU’UN CERTAIN EXEMPLAIRE DISPARU ».

LES EXEMPLAIRES BROCHÉS AVEC UNE GRANDE PROVENANCE LITTéRAIRE SONT PARTICULIÈREMENT RARES

ÉDITION ORIGINALE

In-12 (192 x 126mm) Non expurgé des pièces condamnées. Avec la faute page 44 pour 45, « Feurs » au titre courant des pages 31 et 108. Couverture en troisième état, avec toutes les remarques mentionnées par Carteret

BROCHÉ. Non rogné. Chemise, étui ANNOTATION autographe de Maurice Barrès : « Baudelaire écrit à Madame Sabatier « Tous les vers compris entre la page 84 et la page 109 vous appartiennent » (18 août 1857) MB » PIÈCE JOINTE : catalogue de la librairie E. Dentu, paru en 1857, relié à la fin du volume PROVENANCE : Maurice Barrès (note autographe signée « MB » page 85). A notre connaissance, il n’y a pas de catalogue de vente de la bibliothèque de Maurice Barrès

Maurice Barrès a seize ans quand il découvre Les Fleurs du mal. Il est interne au lycée de Nancy. Son ami Stanislas de Guaita, externe, les lui apporte en cachette, avec Emaux et camées et Salammbô, d’où ce texte merveilleux :

Après tant d’années, je ne me suis pas soustrait au prestige de ces pages, sur lesquelles se cristallisa soudain toute une sensibilité que je ne me connaissais pas. Et comme les simples portent sur le marbre ou le bois dont est fait l’idole leur sentiment religieux, l’aspect de ces volumes, leur odeur, la pâte du papier et l’œil des caractères, tout cela m’est présent et demeure mêlé au bloc de mes jeunes impressions. Il n’est de vrai Baudelaire pour moi qu’un certain exemplaire disparu à couverture verte et saturé de musc. (Amori et dolori sacrum).

178 179 Quelques années plus tard, installé à Paris, Barrès analyse l’effet Baudelaire, à l’occasion d’un article sur Banville dans La Jeune France (1er juin 1883) : « Baudelaire doit se lire le soir, par les sombres temps pluvieux ». Puis il rédige deux études, en 1884, dans Les Taches d’encre, et en 1887, dans Le Voltaire expliquant l’influence de Baudelaire sur Verlaine, Mallarmé et Huysmans. Gide saluera la prescience de Barrès qui comprit que Les Fleurs du mal, loin d’instituer la décadence dans la poésie, nous rendent « à la grande tradition classique » (La Nouvelle Revue française, 1910). C’est bien ce Barrès-ci, l’écrivain jeune et visionnaire, lecteur des poètes maudits et de la littérature d’avant-garde, que Gide (son cadet de sept ans) et toute une génération d’écrivains admirèrent. L’auteur des Déracinés (1897) et chantre du « culte du Moi » inspira également Proust pour façonner la figure de Bergotte, l’écrivain de La Recherche.

Barrès ne cessera pas d’être fasciné par Baudelaire jusque dans ses dernières oeuvres puisque l’une d’entre elles aura pour titre un vers de Baudelaire, N’importe où hors du monde (1921). Le fameux exemplaire disparu à couverture verte de sa jeunesse aura été remplacé par celui-ci, broché. Le libraire Jules Brivois venait de créer la mode, chez les collectionneurs, des exemplaires brochés, encore dans leur condition d’origine. Maurice Barrès possédait en outre un exemplaire de la seconde édition des Fleurs du mal ayant appartenu à son ami Stanislas de Guaita, et présenté lors de l’exposition de la Bibliothèque nationale de France (Maurice Barrès, BnF, n° 43).

Dans cette même exposition consacrée à Barrès se trouvait le célèbre portrait de Pascal par son père (n° 336) : « donné le 7 décembre 1961 à la Bibliothèque nationale par M. Jean Davray, ce portrait appartint à Barrès ». La notice du catalogue rapporte un propos de Barrès qu’il serait tentant d’attacher aux Fleurs du mal : « J’ai dans mon portrait, le seul témoignage sur Pascal ; j’ai, de plus, un instant sacré du développement de l’esprit français » (Mes Cahiers, XIII, 79).

RÉFÉRENCES : L. Carteret, Les Trésor du bibliophile, I, p. 118 – M. Clouzot, Guide du bibliophile français, p. 43 – André Guyaux, Baudelaire. Un demi-siècle de lectures des Fleurs du mal (1855-1905), Paris, PUPS, 2007 -- Maurice Barrès, Amori et dolori sacrum, Juven, 1902 - Maurice Barrès, Romans et voyages, II, p. 51

35 000 €

180 181 [76] GAUTIER, Théophile Charles Baudelaire [étude] [Paris, 1862-1863]

MANUSCRIT AUTOGRAPHE SIGNÉ

LE PREMIER GRAND TEXTE SUR BAUDELAIRE : HOMMAGE ET DÉFENSE DES FLEURS DU MAL PAR LEUR DÉDICATAIRE.

LE TEXTE PIONNIER DE LA CRITIQUE BAUDELAIRIENNE ET SON RELAI VERS LA POSTÉRITÉ.

PRÉCIEUX MANUSCRIT DE TRAVAIL, LE SEUL CONNU

5 pages à l’encre noire, 33 lignes par page. Nombreuses corrections, suppressions, et ajouts. Papier blanc ou bleu. Les deux dernières pages ont été rédigées au verso d’un « petit bleu » à l’en-tête du Moniteur Universel du 22 mars 1862 En ce siècle de tartufferie américaine, on a si bien l’habitude de confondre l’auteur avec son oeuvre, d’appeler ivrogne celui qui parle de vin, sanguinaire celui qui raconte un meurtre, débauché celui In-8 oblong (130 x 205 mm) qui peint la passion ou le vice … que nous trouvons nécessaire d’affirmer avec tout le sérieux dont RELIURE SIGNÉE DE F. BRINDEAU. Maroquin souple, dos et plats encadrés d’un filet à nous sommes capable l’innocuité parfaite de M. Ch. Baudelaire. Notre ami n’est pas du tout un froid, titre en lettres italiques dorées au centre du premier plat empoisonneur, il fait de la poésie et non de la toxicologie. Si quelqu’un de ses lecteurs mourrait par hasard, on pourrait l’ouvrir, l’appareil de Marsh n’y dénoncerait pas le plus imperceptible atome Petite tache brune sans gravité au premier feuillet. Cuir des plats légèrement ridé arsenical. Nous avons-nous-même survécu à la lecture des Fleurs du Mal.

Charles Baudelaire de Théophile Gautier est le premier grand texte à avoir Mais Gautier est surtout le premier avoir compris l’ambition de Baudelaire été écrit sur l’auteur des Fleurs du mal. Il constitue le texte pionnier de la de vouloir « plonger au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau ». Et prêt critique baudelairienne. Paru en 1863, dans le « Recueil Crépet » avec un pour cela à investir la part hideuse de l’homme : « tu m’as donné ta boue et choix de sept poèmes, Théophile Gautier révèle l’importance du projet porté j’en ai fait de l’or ». Baudelaire s’aventure donc au-delà des limites posées par par Baudelaire, alors qu’il n’avait jusqu’ici été jugé qu’à l’aune de la morale : les garants d’une moralité attendue d’une part et les chantres d’une poésie Les Fleurs du mal ne sont pas une provocation faite par un esprit malade à utilitaire, éducatrice des peuples d’autre part : la bienséance. Les enjeux de la poésie de Baudelaire sont métaphysiques et esthétiques, ce sont les questions du Mal et du Beau. Pour la première fois Cette espèce de critique qui, ne comprenant pas l’autonomie de l’art, demande au poète d’enseigner, après le procès, un poète apporte une critique intelligente et clairvoyante au de prouver, de moraliser, d’être utile enfin, a été singulièrement inquiétée par le livre de M. recueil qui allait bouleverser la poésie. Quand paraît cet article, Baudelaire Baudelaire. Le grand mot immoral a été lâché à propos de lui, mot gros de jésuitisme, d’ignorance confie, à Swinburne, dans une lettre du 10 octobre 1863 : « il n’y a que les et de mauvaise foi... En art, il n’y a rien de moral ni d’immoral, il y a le beau et le laid, des choses poètes pour comprendre les poètes ». biens faites et des choses mal faites … Le poète des Fleurs du mal ne donne pas dans le travers du siècle à propos de l’humanitairerie et de la progressivité. Il ne pense pas que l’homme soit né Théophile Gautier rappelle d’abord le préjugé attaché à la poésie de Baudelaire bon, et il ne le croit guère perfectible. Il admet au contraire, avec Edgar Poe, la perversité comme (et à la sienne propre) : élément constitutif de notre nature.

182 183 184 185 Curieusement il fallut attendre six ans pour que paraisse un tel texte capable cas ici, à passer à la postérité. Quand Baudelaire publie Les Fleurs du mal, de révéler l’importance des Fleurs du mal. Lors du procès de 1857, les poètes Théophile Gautier, alors bien plus connu que lui, a déjà essuyé des scandales. se tiennent à l’écart de la tourmente, laissent passer le premier déchainement Il est le porteur du gilet rouge de la bataille d’Hernani (1830) et l’auteur haineux porté principalement par les journalistes du Figaro. Ce sont donc de Mademoiselle de Maupin (1835). Dans ses cours du Collège de France d’abord des « prosateurs » qui défendent Baudelaire, et, parmi eux, les quatre consacrés à Baudelaire en 1990-1991, Yves Bonnefoy rappelle « la profonde que Baudelaire a convoqués pour témoigner de sa moralité : Edouard Thierry, affinité avec l’œuvre de Gautier, bien plus sérieuse et même angoissée qu’on Frédéric Dulamon, Barbey d’Aurevilly et Charles Asselineau. Les poètes ne le croit », comme s’il finissait par regretter que cette injustice du destin qui saisissent l’occasion suivante, soit la publication de la deuxième édition des fit la gloire de Baudelaire eût plongé dans l’oubli le dédicataire des Fleurs du Fleurs du mal en 1861 : Gautier, Banville et Leconte de Lisle sont les premiers mal. Longtemps encore après la publication des Fleurs du mal – jusque dans au rendez-vous de la postérité. Verlaine, Mallarmé et les Parnassiens prennent les années 1880, Baudelaire ne sera connu que des happy few. La congrégation le relai en 1865. Puis, en 1869, Victor Hugo félicite Baudelaire pour le fameux de ceux-ci fonde la véritable tradition baudelairienne : « frisson nouveau à la littérature » qu’il apporte. « d’autres poètes se sont chargés à sa place du plus significatif des retournements de faveur : Théophile Gautier n’a cependant pas attendu la parution en volume des celui de l’homme singulier en grand poète. C’est le sens de la mise en garde de Gautier : ne Fleurs du mal pour les défendre. Dès 1845, année probable de leur rencontre nous y trompons pas, Baudelaire est un grand poète (Guyaux, p. 139). » avec Baudelaire, il offre attention et protection à son cadet de dix ans, en publiant ou aidant à publier ses poèmes en revue. Quand en 1857 Le Figaro Ces textes de défense et de passage sont des clés précieuses pour les œuvres dénonce la « poésie de charnier et d’abattoir » (Louis Goudall) des Fleurs du qu’elles transmettent (qu’on pense également au portrait de Rimbaud dans Les mal, Gautier riposte immédiatement en publiant trois poèmes du recueil en Poètes maudits). La tonalité particulière du Charles Baudelaire de Gautier est celle cours d’impression, dans L’Artiste du 10 mai 1857. Cet effet fut celui d’un vrai d’une voix qui se « met au service » d’une autre. Elle la devine probablement plus lancement. Baudelaire attendait la gloire d’un éreintage général, il fut exaucé. importante que la sienne propre, et est emprunte de liens d’estime et d’amitié Le 7 juillet, le parquet requit une information contre lui. Immédiatement, qui lui donnent ce timbre lyrique et singulier. La sûreté de la pensée de Gautier Baudelaire prépara sa contre-attaque. Le soutien de Gautier et du Moniteur et sa clairvoyance n’empêchent pas une éloquence vibrante et impressionniste : furent alors déterminants. Le journal venait de publier les Aventures d’Arthur Gautier est l’ « ami » intime qui connaît le rêve de Baudelaire où « souvent des Gordon Pym dans la traduction de Baudelaire, après avoir loué les précédentes. récurrences de pensée le ramènent vers l’Inde, patrie de son enfance ». Un clan s’organisa autour du poète, à la suite de Théophile Gautier. Baudelaire ne s’y était pas trompé en dédicaçant ses Fleurs du mal au « poète impeccable » A la mort de Baudelaire, le « maître et ami » Théophile Gautier donne un et en lui adressant un des vingt précieux exemplaires sur hollande, avec un article au Moniteur universel qu’il développera, l’année suivante, en une longue envoi manuscrit : « Mon bien cher Théophile, la dédicace imprimée à la préface aux Œuvres complètes (1868-1870), dernier monument à la gloire du première page n’est qu’une ombre très faible de l’amitié et de l’admiration poète disparu. Son visionnaire Charles Baudelaire de 1863 sera repris dans véritables que j’ai toujours éprouvées pour toi. Tu le sais ». Par un étonnant Fusains et Eaux-fortes en 1880. retour des choses, le texte pionnier de la critique baudelairienne est dû au dédicataire de son principal recueil. RÉFÉRENCES : André Guyaux, Baudelaire, un demi-siècle de lectures des Fleurs du mal (1855- 1905), Paris, PUPS, 2007 -- Stéphane Guégan, Théophile Gautier, Paris, Gallimard, 2011 -- La défense de Baudelaire par Gautier prend place dans une lignée de « Recueil Crépet » : Les Poètes français. Recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française depuis les « couples » d’écrivains : Montaigne et La Boétie, Balzac et Stendhal, Proust origines jusqu’à nos jours... publié sous la direction de M. Eugène Crépet, tome IV, Hachette, 1863 et Morand, Cocteau et Radiguet pour n’en citer que quelques-uns. Dans ces duos, un auteur soutient l’œuvre d’un autre et l’aide parfois, comme c’est le 75 000 €

186 187 188 189 [77] GAUTIER, Théophile [Œuvres complètes]. Paris, G. Charpentier et M. Lévy, 1875–1886 19. Caprices et zigzags. Paris, G. Charpentier, 1884 TRÈS BEL EXEMPLAIRE, RELIÉ À L’ÉPOQUE POUR UN AMATEUR, DE 20. Loin de Paris. Paris, G. Charpentier, 1881 L’IMPOSSIBLE ÉDITION COLLECTIVE DE THÉOPHILE GAUTIER, QUI 21. Tableaux de siège. Paris 1870–1871. Paris, G. Charpentier, 1886 RESTE ENCORE AUJOURD’HUI AU STADE DE PROJET 22. Constantinople. Paris, G. Charpentier, 1883 23. Voyage en Russie. Paris, G. Charpentier, s. d. les sept premiers ouvrages, listés ici, sont en ÉDITIONS ORIGINALES : 24. Théâtre, mystère, comédies et ballets. Paris, G. Charpentier, 1882 25. Mademoiselle de Maupin. Paris, G. Charpentier, 1885 30 volumes in–8 (178 x 120mm) 26. Voyage en Italie. Paris, G. Charpentier, 1882 27. Spirite. Paris, G. Charpentier, 1877 éditions originales : RELIURES DE L’ÉPOQUE. Dos de maroquin rouge à coins, dos à nerfs très ornés et dorés, 1. Fusains et eaux–fortes. Paris, G. Charpentier, 1880 têtes dorées, quelques témoins conservés 2. L’Orient. Paris, G. Charpentier, 1877 (2 vol.) 3. Tableaux à la plume. Paris, G. Charpentier, 1880 Quelques très rares accrocs 4. Portraits et souvenirs littéraires. Paris, Michel Lévy, 1875 5. Guide l’amateur au Musée du Louvre suivi de la vie et les oeuvres de quelques Il n’y a pas d’édition des oeuvres complètes de Théophile Gautier. Ce projet peintres. Paris, G. Charpentier, 1882 immense, attendu par de nombreux universitaires et amateurs de littérature, 6. Souvenirs de théâtre, d’art et de critique. Paris, G. Charpentier, 1883 a été ébauché par Slatkine puis abandonné (1978), puis repris récemment chez 7. Les vacances du lundi. Tableaux de montagnes. Paris, G. Charpentier, 1881 Champion qui entend produire une cinquantaine de volumes de 400 pages chacun et on se doute que ce projet finira sans doute en CD–rom ou sur le 8. Portraits contemporains. Littérateurs, peintres, sculptures, artistes dramatiques. net. Il faut dire que Gautier a beaucoup écrit, le pire comme le meilleur, et le Paris, G. Charpentier, 1886 meilleur se trouve au milieu du pire, comme l’inverse. Mais cet ogre littéraire 9. Histoire du romantisme suivie de notices romantiques et d’une étude sur la poésie possède du génie et a écrit certains textes ou poèmes si remarquables qu’on française 1830–1868. Paris, G. Charpentier, s. d. ne peut le méconnaître. Déjà au XIXe siècle, le vicomte Charles de Lovenjoul, 10. Nouvelles [Fortunio, La Toison d’or, Omphale, La Chaîne d’or, Le roi Candaule, grand collectionneur de livres et de manuscrits de Gautier, espérait lancer la etc.]. Paris, G. Charpentier, 1884 publication de ses oeuvres complètes. Il écrivit pour ce faire un Projet d’une 11. Les Jeunes–France... Contes humoristiques. Paris, G. Charpentier, 1885 édition des oeuvres complètes de Théophile Gautier (Ms LoV. G 1095) et publia 12. Les Grotesques. Paris, G. Charpentier, 1882 son Histoire des oeuvres de Théophile Gautier (1887). 13. Le Roman de la momie. Paris, G. Charpentier, 1886 14. Voyage en Espagne. Paris, G. Charpentier, s.d. « Il n’existe pas et n’existera peut être jamais d’édition des Oeuvres complètes de Gautier, bien 15. Romans et contes. Paris, G. Charpentier, 1882 que l’on appelle ainsi, abusivement, les oeuvres publiées par Charpentier dans le dernier tiers 16. Poésies complètes. Paris, G. Charpentier, 1884 (2 vol.) du XIXe siècle (...) L’établissement d’une telle édition restera le rêve des gautiéristes (...) En 17. Le Capitaine Fracasse. Édition définitive. Paris, G. Charpentier, 1884. (2 vol.) attendant, il faudra longtemps prendre le chemin de l’Institut de France pour puiser dans les 18. Émaux et camées. Édition définitive avec une eau–forte. Paris, G. richesses imprimées et manuscrites de la Collection Lovenjoul ». (P. Whyte, « État présent Charpentier,1884 des études sur Théophile Gautier », in Relire Théophile Gautier, Amsterdam, 1998, p. 31)

190 191 192 193 [78] BARBEY D’AUREVILLY, Jules Du Dandysme et de George Brummell Paris, Poulet-Malassis, 1861

BON EXEMPLAIRE

Deuxième édition, augmentée. Préface en édition originale

In-12 (152 x 87mm) RELIURE DE LA FIN DU XIXe SIÈCLE. Dos et coins de maroquin aubergine, dos à nerfs PROVENANCE : Raoul Simonson (ex-libris)

Couvertures renforcées

Le dandy est le « souverain futile d’un monde futile ». Les livres de Barbey d’Aurevilly auront naturellement une place de choix dans la bibliothèque de Des Esseintes, héros d’A Rebours et figure romanesque du dandy la plus aboutie.

500 €

[79] CHERVILLE, marquis de L’Histoire naturelle en action. Contes, récits et aventures Paris, Firmin-Didot, 1873.

EN RELIURE DE L’ÉPOQUE

ÉDITION ORIGINALE ILLUSTRÉE

Lire Gautier est donc difficile. Il est rare voire impossible de rencontrer Grand in-8 (260 x 180mm) un exemplaire aussi remarquable que cette collective factice des éditions COLLATION : 2 ff. n. ch. ; 389 pp. ; 1 f. n. ch. Charpentier de Théophile Gautier. Elle comprend vingt–sept titres en trente ILLUSTRATION : nombreuses scènes et figures gravées dans le texte ou à pleine page volumes dont sept en éditions originales, soit la quasi totalité de ce que RELIURE SIGNÉE DE BEHRENDS. Percaline rouge, décor animalier doré au centre du plat Charpentier publia de Gautier, à l’exception (autant qu’on puisse le repérer supérieur, encadrement de filets poussés à froid, dos long, tranches dorées par Vicaire) de Partie carrée, d’un Trio de romans, de la Nature chez elle. Fusain et eaux–fortes et le merveilleux texte de Gautier sur Baudelaire doivent Recueil d’histoires de chasse et d’histoires animalières par un auteur, grand être mis au plus haut des textes qu’un écrivain publia sur l’oeuvre d’un de ses ami d’, avec lequel il partageait la passion de la chasse et amis, comme la lettre de Balzac à Stendhal sur La Chartreuse de Parme. de la cuisine.

RÉFÉRENCES : Vicaire, Manuel de l’amateur de livres du XIXe siècle, t. III, col. 881–945 RÉFÉRENCE : Thiébaud, Bibliographie des ouvrages français sur la chasse, 197

8 500 € 750 €

194 195 François Christophe Edmond Kellerman, troisième duc de Valmy, est un diplomate et homme politique français né en 1802 et mort en 1868. Il était fils du général François Étienne Kellermann (1770-1835), deuxième duc de Valmy, et donc petit-fils du célèbre vainqueur de Valmy. En 1824, par l’entremise de Chateaubriand, alors ministre des Affaires étrangères, il est attaché à l’ambassade de France à Constantinople. En 1827, il est chargé d’une mission diplomatique à Smyrne, suit l’expédition de Morée, puis rédige un rapport sur la situation politique de la Grèce. Au mois d’avril 1829, il est accrédité comme chargé d’affaires à Capo d’Istria et devient secrétaire de légation. Rentré en France après les Trois Glorieuses, il est nommé chef de cabinet du ministre des Affaires étrangères, puis premier secrétaire d’ambassade à Berne en 1831. Il démissionne en 1833 se ralliant alors aux Bourbon et au comte de Chambord. Lors de la parution de ce livre en 1867, la duchesse d’Albuféra, dédicataire de l’ouvrage, est l’épouse de Napoléon Suchet, deuxième duc d’Albuféra (1813-1867). Elle fut la grand-mère de Louis d’Albuféra, célèbre ami de Proust et amant de l’amazone Louisa de Mornand.

Ce remarquable ouvrage, proche des positions turques et défenseur des intérêts de la France, fait le point sur la question d’Orient en 1867. Il s’oppose aux intérêts russes comme aux reconnaissances multiples et divergentes des communautés chrétiennes d’Orient : « ce qui est nécessaire et juste, c’est de faire ce qu’Ali Pacha demandait en 1856... c’est de respecter sans réserve les intérêts du Sultan. » (p. 117).

2 000 €

[81] TOLSTOÏ, comte Lev Nikolaevitch [80] VALMY, Edmond Kellermann, 3e duc de La Sonate de Kreutzer La Turquie et l’Europe en 1867 Paris, Alphonse Lemerre, 1890 Paris, Librairie Amyot, 1867. PREMIÈRE ÉDITION EN FRANÇAIS, PARUE AVANT L’ÉDITION RUSSE. LA QUESTION D’ORIENT AU XIXe SIÈCLE : ENVOI DU DUC DE VALMY À LA DUCHESSE D’ALBUFéRA CONTRE LE MARIAGE

ÉDITION ORIGINALE PREMIÈRE ÉDITION EN FRANÇAIS. Traduction d’Isaac Pavlovsky et J.-H. Rosny aîné. En 1890, parurent les deux premières éditions en français de La Sonate à Kreutzer sans que In-8 (248 x 165mm) Vladimir Boutchik ne donne l’antériorité de l’une sur l’autre. ENVOI sur la couverture d’origine : Madame la Duchesse d’Albufera, hommage respectueux de l’auteur, le duc de Valmy » In-8 (186 x 118mm) TIRAGE : un des cinq exemplaires de tête imprimés sur chine, celui-ci numéroté 3 PROVENANCE : ducs d’Albuféra PIÈCE JOINTE : catalogue de l’éditeur Alphonse Lemerre, relié à la suite (deux feuillets) Petit accroc à un angle de la couverture RELIURE DE L’ÉPOQUE. Toile aubergine, dos à la bradel, tranche supérieure dorée, non rogné

196 197 Tolstoï aimait passionnément la musique. Dans les années qui suivirent son mariage, il jouait du piano deux ou trois heures par jour : Schumann, Chopin, Mendelssohn et surtout Beethoven. La sonate pour violon et piano nº 9 op. 47, dite « à Kreuzer », méconnue du temps de Beethoven, était alors en pleine vogue dans la Russie des années 1880. Durant l’été 1887, à Iasnaïa Poliana, un comédien de passage raconte à Tolstoï qu’un jour, dans le train, un inconnu lui fit le récit de ses malheurs conjugaux. Tolstoï jette alors la première esquisse d’une diatribe contre le mariage portant le titre de la sonate de Beethoven. Il place le récit dans la bouche d’un déséquilibré qui finira par assassiner sa femme.

La rédaction de cette nouvelle dura deux ans, de 1887 à 1889. Pas moins de huit versions de La Sonate à Kreutzer se succédèrent (il existe seize manuscrits autographes et copies de la nouvelle, conservés à Moscou, au Musée Tolstoï et dans les Archives Tolstoï de la Bibliothèque Lénine). Le 28 octobre 1889, une des filles de Tolstoï emporta une copie manuscrite de La Sonate à Saint-Pétersbourg, pour en faire une lecture dans sa belle famille. La nouvelle fut recopiée plusieurs fois dans la nuit. Quelques jours après, huit cents exemplaires lithographiés circulaient dans Pétersbourg sans l’accord de l’auteur. La comtesse Tolstoï rapporte dans ses souvenirs :

« Il est difficile de se représenter ce qui se passa lorsque parut La Sonate à Kreutzer. Avant d’être autorisée par la censure, cette œuvre fut recopiée par centaines et par milliers d’exemplaires, passa de mains en mains, fut traduite dans toutes les langues et lue partout avec une incroyable passion. On pouvait croire parfois que le public, oubliant tous ses soucis personnels, ne vivait plus que de la littérature du comte Tolstoï. »

Des copies gagnèrent l’étranger avant même que la nouvelle ait reçu le droit d’être publiée en Russie. Trois éditions « pirate » parurent à Berlin en 1890. Tolstoï décida donc de faire publier sa nouvelle au plus vite. Malgré l’intervention de ses amis, la censure en interdit la publication, la jugeant immorale. Ce fut donc le tsar lui-même qui accorda l’autorisation de publier La Sonate à Kreutzer à condition qu’elle fût incluse dans les œuvres complètes. Ce fameux treizième tome ne parut qu’en juin 1891 à trois mille exemplaires. Avant sa publication en Russie, La Sonate à Kreutzer fut donc publiée, dans des traductions, dans divers pays d’Europe, notamment en Allemagne, en France et en Suisse.

On remarquera que le titre est Sonate de Kreuzer et non pas encore celui communément adopté par la suite de Sonate à Kreuzer.

RÉFÉRENCES : Vladimir Boutchik, Bibliographie des oeuvres littéraires russes traduites en français : Tourguénev, Dostoevski, Léon Tolstoï, Paris, Messages, 1948, n° 426 – Léon Tolstoï. Souvenirs et récits. Œuvres Complètes. Dir. de Sylvie Luneau, Paris, 1960, p. 1051 et suiv. – Michel Aucouturier, Tolstoï. Paris, 1996

7 000 €

198 199 [82] PROUST, Marcel, et Jacques Bizet Georges Royer. [La Revue verte] Paris, novembre 1888.

LES CÉLÈBRES EXPÉRIMENTATIONS LITTÉRAIRES DE PROUST ET DE SES AMIS AU LYCÉE CONDORCET.

PRÉCIEUX ET SEUL TÉMOIN CONNU DE LA REVUE VERTE.

LA NOUVELLE GEORGES ROYER, ÉCRITE PAR JACQUES BIZET (FILS DE MADAME STRAUSS ET GRAND AMI DE PROUST), EST AMPLEMENT CORRIGÉE DANS LES MARGES PAR PROUST

6 pages in-8 (150 x 200mm) F°1r : « Une rose d’automne est plus qu’une autre exquise », vers d’Agrippa d’Aubigné (Tragiques, IV, v. 1227) recopié par Marcel Proust qui trace un tiret juste en dessous. Daniel Halévy a ajouté au crayon la mention « Proust ». F° 2r-4v, soit 6 pages de texte écrites recto-verso par Jacques Bizet, à l’encre violette. Sa nouvelle est titrée « Georges Royer » ; elle est publiée par Anne Borrel (écrits de jeunesse, pp. 115-118). La dernière page contient les six derniers mots de la nouvelle et porte, répétés huit fois, le cachet de la Revue verte dont l’adresse est le « 134 Bd Haussmann », soit l’adresse de Madame Strauss et donc de Jacques Bizet. Au centre du cachet se trouve le monogramme « RV ». F° 2r : dans les marges de la première page, Marcel Proust a annoté la nouvelle de Jacques Bizet, à l’encre brune, de ce texte :

C’est un charmant récit, dont le sujet est bien joliment choisi. L’histoire d’un raté est un des motifs les plus mélancoliques qu’il y ait. Mais c’est aussi un des plus profondément humains, un des plus difficiles à comprendre, un des plus mystérieusement impénétrables. Naturellement, tu es bien trop jeune pour avoir pensé philosophiquement à cela. Si tu refais cela dans trois ans à peu près, tu auras sûrement soin de faire ton Georges Royer extrêmement intelligent - mais affecté d’une douloureuse, et en dernière analyse, bien mystérieuse impuissance. Pourtant tu la comprendras, et tu l’expliqueras, mais tu verras que l’explication nous met face à de lois bien désolantes, mais inviolables. Alors, le type primitif de ton G. Royer te paraîtra non seulement bien superficiellement étudié, mais surtout bien [plein] de conventions, vivant d’une vie bien artificielle, bien faible. - Ce qui n’empêche pas que c’est si joli que j’ai pleuré en le lisant. Maintenant, tu diras peut-être que c’est mon amitié qui me prévenait. - Tâche d’éviter des façons déplorables comme « dans un g[ran]d enterrement etc.

CAHIER SOUPLE SIGNÉ DE LOUTREL. Peau verte, titre doré sur les plats, dos long avec titre doré, étui PROVENANCE : Daniel Halévy -- vente Drouot dans les années 1980 (expert Mme Vidal- Mégret)

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200 201 En octobre 1887, un an avant l’écriture de ce texte, Marcel Proust a seize ans. Il entre en classe de rhétorique au lycée Condorcet. Assez vite, un groupe d’amis se forme autour de lui, ce sera la « petite société des quatre amis » : Robert Dreyfus a quatorze ans et entre en seconde, Daniel Halévy et son cousin Jacques Bizet ont quinze ans et entrent en troisième. A eux se joindront Henri Rabaud, Fernand Gregh et Robert de Flers. Ils sont liés d’affection, bien sûr, mais aussi par une commune passion pour la littérature et pour les mouvements d’avant-garde que la proximité des cours donnés par Mallarmé dans ce même lycée Condorcet ne pouvait qu’aiguiser : « il nous recommandait Wagner, Shelley, Baudelaire, Edgar Poe, Verlaine » (D. Halévy, Pays parisiens). Seules quelques sources éclairent cette période : les Pays parisiens de Daniel Halévy publiés en 1929 et surtout son Journal largement étudié par la brillante thèse de Sébastien Laurent ; quelques pages de Jean Santeuil connues par la première publication de 1952 ; les Souvenirs de Robert Dreyfus publiés en 1926 et ses Notes de 1932 conservées à la BnF qui insistent sur la « passion platonique extraordinaire » de Proust pour Jacques Bizet (NAF, 19772, f° 12-13).

C’est à Jacques Bizet que Proust demande d’être son « réservoir », auquel il écrit le 14 juin 1888 une lettre recopiée par Halévy dans son « Journal » et commençant par « chéri » : « le cousin du « froid » Daniel Halévy est à ce moment l’objet de ses rêves » (écrits de Jeunesse, p. 39). A Robert Dreyfus, Proust écrit le 10 septembre 1888 : « j’aimerais dire à J. B. que je l’adore ». Proust, possédé de cette « susceptibilité d’écorché qui l’a supplicié toute sa vie » (Robert Dreyfus), écrit à Jacques Bizet : « j’admire ta sagesse ».

Marcel Proust, Jacques Bizet et Daniel Halévy constituent la première des célèbres triangulations amoureuses de l’auteur de La Recherche. C’est donc lui le maître, qui donne à ses camarades leurs premières leçons « d’esthétique et de style » dans les différentes tentatives littéraires de la « société des quatres amis » du lycée Condorcet. Le maître à l’amitié prévenue, aussi, qui pleure en lisant la prose de son ami. À la fin de juin 1888, Proust écrit à Daniel Halévy : « je te propose fonder avec moi (mais toujours seuls directeurs) un grand journal d’art » (Ecrits de jeunesse, p. 57). Il s’agit de l’une des deux revues qui va succéder au Lundi puisque la parution de celui-ci, comme l’indique l’avis contenu dans le numéro daté du 1er mars 1888 par Daniel Halévy, a apparemment cessé avec ce numéro : soit La Revue verte « dont Proust fut secrétaire de la rédaction... et dont nous n’avons aucun exemplaire », soit La Revue Lilas « pour laquelle des textes ont été écrits mais dont aucun numéro ne nous est parvenu » (op. cit., p. 63).

Selon la formule de Daniel Halévy, Marcel Proust est donc devenu le « professeur de goût » de cette petite société : « Une de nos préoccupations, je crois bien que c’était nos styles. La langue française, en ce temps-là, était en mauvais état... L’un d’entre nous avait compris ; c’était Marcel Proust.

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202 203 Notre maître, notre professeur de goût »... (Pays parisiens). Dans ses premiers essais de pensée critique publiés dans Le Lundi, Marcel Proust proposait en effet une « lecture personnelle des oeuvres classiques et contemporaines ». Du 21 novembre 1887 au 1er mars 1888, Daniel Halévy et Marcel Proust publieront Le Lundi. C’est une revue polycopiée à l’encre violette ou au carbonne qui n’a connu que treize numéros. Il n’en subsiste qu’une poignée d’exemplaires. écrite d’un ton très personnel, elle prétend refléter l’actualité artistique et littéraire à la manière de Sainte-Beuve ou de Jules Lemaître. Dès la rentrée 1888, le groupe de jeunes lycéens a de nouveaux projets. Ce sera d’abord La Revue verte puis La Revue Lilas. La première ne fut jamais publiée à l’état de polycopie ronéotée (« elle ne devait pas même être polycopiée », R. Dreyfus). Il n’en subsiste que le présent manuscrit et qu’un feuillet sur papier vert faisant état de discussions entre le secrétaire (Marcel Proust) et les deux principaux auteurs (Halévy et Bizet). Ce feuillet « du hardi papier vert », décrit par Robert Dreyfus, traite de la conservation des archives de la future revue dont Halévy veut s’arroger le droit ce qui fait enrager Marcel. Sa localisation nous est inconnue (cf. écrits de jeunesse, p. 112). De La Revue Lilas, il ne subsiste aussi aucun exemplaire et on ne la connaît que par trois manuscrits fragmentaires et préparatoires, tous conservés à la BnF (NAF 19 772). Ce manuscrit autographe d’un texte de Bizet annoté par Proust, préparatoire à une publication dans cette Revue verte qui ne vit jamais le jour, est donc aujourd’hui, à notre connaissance, le seul manuscrit conservé en mains privées des tentatives littéraires des jeunes élèves de Condorcet. Ce document, décrit par Anne Borrel (op. cit. p. 114), provient très certainement des archives de Daniel Halévy. Il a été vendu aux enchères dans les années 1980.

Daniel Halévy a ajouté au crayon la mention « Proust » en-dessous du vers d’Agrippa d’Aubigné recopié par Proust lui-même et placé en tête de ce cahier. Ce vers fut l’une des références poétiques préférées de Marcel (cf. lettre à Walter Berry, 25 novembre 1917, Correspondance générale, 1935, p. 249). Pour Proust lui-même, il fait écho à celui de Verlaine : « Ah ! Quand refleuriront les roses de septembre ». Si l’écriture est à la fois reconstitution du passé et constitutive du présent, le thème de l’échec structure l’oeuvre de Proust, dès ses premiers pas. Jean-Yves Tadié écrit à propos de la nouvelle de Jacques Bizet : « Tout se passe comme si Marcel avait pressenti que l’histoire d’un raté, et même longtemps, de deux, Swann, puis le Narrateur, serait son sujet - sans compter Jean Santeuil, qui n’arrive déjà pas à écrire, pour ne pas parler de Jacques Bizet lui-même. Ce thème suscite en lui un profond retentissement ; il croit aussi que le mystère s’explique, et que la psychologie obéit à des lois - que nous retrouverons dans Le Temps retrouvé. » (Marcel Proust, Paris, 1996, p. 113)

RÉFÉRENCES : Marcel Proust. écrits de jeunesse 1887-1895. Textes rassemblés... par Anne Borrel, Illiers-Combray, 1991 -- S. Laurent, Daniel Halévy. Du libéralisme au traditionalisme. Paris, 2001, p. 82 et suiv. -- Dictionnaire Marcel Proust, Paris, 2004, p. 874

95 000 €

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204 205 [83] MALLARMÉ, Stéphane Villiers de l’Isle-Adam Paris, L’Art indépendant, 1890.

TRÈS RARE EXEMPLAIRE DE TÊTE, L’UN DES CINQ SUR JAPON IMPÉRIAL.

MALLARMÉ AU CHEVET DE VILLIERS. UN DES TEXTES LES PLUS LYRIQUES DE MALLARMÉ : « UN HOMME AU RÊVE HABITUÉ VIENT ICI PARLER D’UN AUTRE QUI EST MORT »

ÉDITION ORIGINALE

In-8 (248 x 156mm) TIRAGE : un des cinq exemplaires de tête sur japon impérial. Celui-ci numéroté 3 RELIURE JANSÉNISTE SIGNÉE DE DEVAUCHELLE. Maroquin noir, dos à nerfs, tranches dorées sur témoins, couverture et dos conservés. Etui

PROVENANCE : comte Henri Bégouën, poète, préhistorien célèbre et bibliophile, né en 1863 et mort en 1956 (ex-libris manuscrit). Dans sa jeunesse, ce grand ami de Teilhard de Chardin avait publié chez Vanier un recueil de poèmes : Vers de couleurs

Infimes restaurations aux couvertures

Mallarmé écrivait quelques années avant la mort de Villiers (août 1889), dans sa lettre autobiographique à Verlaine, que Villiers était, avec Mendès et Manet, l’une des « grandes amitiés » de sa vie. Ils s’étaient rencontrés en 1863 chez le père de Mendès à Choisy-le-Roy. Villiers avait vingt-cinq ans, Mallarmé vingt-et-un. L’aîné des deux, ami de Baudelaire, grand amateur de Wagner et auteur d’Isis (1862) ne pouvait qu’impressionner le jeune professeur de Tournon. L’aventure du Parnasse contemporain, quelques années

206 207 plus tard, renforça leur amitié. Mallarmé garda toujours pour Villiers autant Manuscrit autographe d’admiration que d’affection. Quand Villiers fut atteint d’un cancer en 1889, Mallarmé organisa (comme il le fera aussi pour Verlaine) une « cotisation 61 feuillets de format in-4 et in-folio (275 x 220mm), montés sur onglets amicale ». Et quand il fut transporté à l’hôpital, c’est lui qui hâta in extremis son mariage avec sa concubine à seule fin que son fils ait un nom. CONTENU : Acte I : premiers états connus du premier dialogue entre Avare et Besme, puis entre Ly, Aude et Besme (4 ff.) ; du dialogue qui réunit Coeuvre, Besme, Ly et les jeunes gens (4 « La conférence sur Villiers de l’Isle-Adam est sans doute une des grandes oraisons ff.) ; et du dialogue entre Besme, Céréal et Ligier, jusqu’à l’entrée en scène de Thalie (4 ff.). Etat funèbres de notre littérature ; elle est aussi, avec le texte sur Rimbaud, l’une de proche du texte définitif du dialogue qui réunit Thalie, Bavon, Audivine et Coeuvre, jusqu’à la ces biographies paradoxales où Mallarmé récuse le sens ordinaire de ce que l’on fin de l’acte (8 ff.). Acte II : du début jusqu’à l’arrivée d’Avare (8 ff.) et un état de l’acte II, proche nomme la vie ; elle est évidemment le témoignage d’une amitié parfaite entre l’auteur du texte définitif, sans les dernières répliques d’Hérodiade et celui d’Isis. Elle est tout cela, mais elle n’est pas que cela. A travers l’évocation de la destinée exemplaire de Villiers, dans ce discours porté par l’émotion RELIURE : bradel en papier vert, pièce de titre au centre du plat supérieur la plus haute, une méditation sur l’acte d’écrire et sur sa signification métaphysique, historique et politique. ‘Sait-on ce que c’est qu’écrire ?’ » (Bertrand Marchal, p. 1579) PIÈCE JOINTE : article de Claudel monté en tête de l’ouvrage : “Quelques manuscrits détruits” in Manuscrits autographes, 1926, n°1 L’étude (ou oraison funèbre) de Mallarmé consacrée à Villiers de l’Isle Adam PROVENANCE : ancienne collection Spyridaki (rédacteur des Œuvres complètes de Claudel) avait d’abord paru dans le numéro du 15 mai 1890 de La Revue d’Aujourd’hui

avant d’être publiée en volume. Cette édition de 1890 fut suivie d’une réédition Ce manuscrit de la première version de La Ville est le seul encore conservé en en 1892 « en raison de la grande rareté de l’édition originale » (Clouzot). Les mains privées. Il est décrit comme étant le plus ancien par le rédacteur des quatre autres exemplaires sur japon de l’édition originale ont été présentés Œuvres Complètes de Claudel : « un premier ensemble de fragments de l’acte I dans des ventes aux enchères : le n°1 qui porte un envoi à Picard, en novembre et de l’acte II et de deux documents (deux feuillets) est réuni dans un volume 1951, un autre figurait à la vente André Gide d’avril 1925, un troisième, relié (reliure Bradel de carton vert). Il fait partie de la collection Spyridaki ». broché avec un envoi en janvier 1919, et le dernier, également broché, portant un envoi à Tausserat, est passé en vente en 1966. Aucun autre exemplaire Claudel a raconté, dans le premier numéro de la revue Manuscrits autographes, sur japon n’a été présenté dans les ventes aux enchères internationales ou comment ces feuillets avaient miraculeusement échappé aux flammes : nationales depuis 1977. Lors de l’invasion par les allemands, en 1916, de Villeneuve-sous-Fère, et de leur occupation RÉFÉRENCES : Oeuvres complètes II, éd. par Bertrand Marchal, Paris, 1998, pp. 1579 et suiv. de ma maison natale, tous mes manuscrits et livre précieux disparurent. Quelle ne fut pas ma – Clouzot, Guide du bibliophile, p. 195 surprise quand, tout récemment, mon ami Benoit-Méchin m’apporta quelques feuilles de mon premier manuscrit de La ville toutes souillées d’eau et de boue et largement marquées des souliers 10 000 € de l’envahisseur : un brocanteur les avait recueillies.

[84] CLAUDEL, Paul Les deux autres manuscrits de cette pièce sont conservés à la Bibliothèque nationale de France (cote BV 17) et à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet. La Ville Le manuscrit de la Bibliothèque nationale de France (16 ff.) appartient au Vers 1890 même ensemble que notre manuscrit et lui fait immédiatement suite. Le manuscrit de La Ville conservé au fonds Jacques Doucet est un état plus tardif ENSEMBLE DE FRAGMENTS MANUSCRITS D’UNE DES TOUTES que celui-ci, et complet. Il a probablement servi à l’impression de la pièce. PREMIÈRES PIÈCES DE CLAUDEL. RÉFÉRENCES : Paul Claudel, Oeuvres complètes - Théâtre ,I Paris, Gallimard, 2011, pp. 1415 et SEUL MANUSCRIT DE LA VILLE ENCORE EN MAINS PRIVÉES. suiv. -- Paul Claudel, Premières œuvres 1885-1901, Bibliothèque Jacques Doucet, Paris, 1965, n° 50 (pour le manuscrit Doucet) GENÈSE D’UN DES TEXTES FONDATEURS de la dramaturgie DU XXe SIÈCLE 12.000 €

208 209 [85] PÉGUY, Charles Jeanne d’Arc Paris, Librairie de la Revue socialiste, 1897

ENVOI DE CHARLES PÉGUY À L’UN DE SES PLUS PROCHES AMIS, COMPAGNON D’ARMES dans lA MORT, CLAUDE CASIMIR-PéRIER, MEMBRE D’UNE GRANDE DYNASTIE RÉPUBLICAINE.

LE PREMIER LIVRE DE PÉGUY

ÉDITION ORIGINALE

In-8 (246 x 162mm)

ENVOI : Exemplaire pour M. Claude Casimir-Périer En souvenir du 8 mai 1909 Et du siège que nous tînmes devant Orléans Charles Péguy

RELIURE DE L'ÉPOQUE. Bradel de toile crème, plats de papier marbré, non rogné, couverture et dos conservés

Papier fragile

Charles Péguy (1873-1914) restera toute sa vie profondément attaché au personnage de Jeanne d’Arc qui baigna son enfance orléanaise. Grâce à des bourses d’État, ce fils d’une rempailleuse de chaises reçoit une éducation à l’école primaire puis au lycée d’Orléans. En 1894, il intègre l’École Normale Supérieure, et entreprend une lecture systématique de tout ce qui concerne Jeanne d’Arc à la bibliothèque de la prestigieuse École. Il rédige la première version d’une pièce et se rend à Domrémy et Vaucouleurs. Puis il retourne un an à Orléans et termine son travail de documentation. En juin 1897, Péguy publie ce premier livre et pièce de théâtre, Jeanne d’Arc. L’édition, préparée par Péguy lui-même, paraît à l’enseigne de la Librairie de la Revue Socialiste qui avait publié, en février de la même année, son premier article. Le sujet de ce premier livre est évidemment lié à Orléans et à l’enfance. Mais il s’inscrit Claude Casimir-Périer, debout Charles Péguy, à droite plus largement dans une époque où les nombreux débats autour de la figure de Jeanne d’Arc alimentent les querelles entre laïcs et catholiques. Les premiers (Cette photographie ne fait pas partie de l’exemplaire) refusent de céder ce personnage historique aux tenants de l’Église de Rome. Selon C. Amalvi, pas moins de quatre-vingt cinq textes sur Jeanne d’Arc paraissent entre 1881 et 1900.

210 211 Péguy rencontre le dédicataire de cet ouvrage, Claude Casimir-Périer (1880- 1915), au moment de sa conversion au catholicisme dans les années 1907-1908. Il est le fils du Président de la République Jean Casimir-Périer (1894-1895) et l’arrière petit-fils de Casimir Périer, Président du Conseil sous Louis-Philippe. Sa femme, l’actrice Pauline Benda (cousine de Julien), connue sous le nom de Madame Simone, deviendra la maîtresse d’un autre grand ami de Péguy, Alain-Fournier. Les trois hommes entourant cette femme seront tués au tout début de la guerre.

En avril 1909, Jeanne d’Arc est béatifiée. Le 8 mai de la même année, jour anniversaire de la victoire de Jeanne sur les Anglais à Orléans en 1429, les catholiques et les anti-cléricaux s’affrontent autour de la statue de la Pucelle à Orléans. Ce jour-là, Péguy et Claude Casimir-Périer se trouvent justement avec leur régiment dans cette ville, ce que rappelle l’envoi sur cet exemplaire. Le 23 mai, Péguy fait part à Madame Simone de son projet de reprendre sa Jeanne d’Arc de 1897 – son premier livre, dans lequel il confessait sa foi en une « République socialiste universelle » –, pour en tirer un mystère en trois journées, et le faire représenter lors des fêtes de Jeanne d’Arc de 1910. Il promet le rôle de Jeanne à la femme de son amie. La pièce ne sera pas jouée. Interrogé en 1921 sur son écrivain préféré, Bernanos répondra : « Jeanne d’Arc écoutée par Péguy ».

Quand la guerre éclate, Claude Casimir-Périer et Péguy servent dans le même régiment d’infanterie. Péguy se fait tuer le 5 septembre 1914. Casimir-Périer écrit alors à sa femme : « Péguy est mort lors de son premier combat, tué net, face à l’ennemi, debout, en commandant, à la lettre Y du mot Villeroy, sur la carte au 80 000e ». C’est également lui qui reconnait le corps de son ami le surlendemain et qui veille à sa sépulture : Péguy « est inhumé dans une partie du cimetière que les habitants de Villeroy connaissent » (lettre à Madame Péguy du 16 novembre). La dernière fois qu’il le vit, Péguy semblait pressentir son destin. Casimir-Périer rapporte dans la même lettre : « je lui ai parlé pour la dernière fois dans la cour d’une ferme de Vémars, près de Survilliers, Seine- et-Oise. Si j’en réchappe, je retournerai là-bas. Il avait, la veille, cantonné avec ses hommes dans un vieux couvent ». Casimir-Périer fut tué trois mois après son ami, en janvier 1915. La Bibliothèque nationale de France conserve trente lettres de Charles Péguy à Claude Casimir-Périer écrites entre 1910 et 1913 (Ms. Inv. 60).

RÉFÉRENCES : Arnaud Teyssier, Charles Péguy, une humanité française, Paris, Perrin, 2008 -- Christian Amalvi, « Jeanne d’Arc dans la littérature de vulgarisation historique, 1871-1914 », in Revue historique, Paris, 1999, p. 76

12 000 €

212 213 [86] PORTO-RICHE, Georges [87] JARRY, Alfred Les Malefilatre. Comédie en deux actes Ubu roi Paris Librairie théâtrale 1904 Paris, Mercure de France, 1896.

LE MONDE DE PROUST : ENVOI À LA COMTESSE DE CHEVIGNÉ ENVOI À PIERRE LOUŸS. deux auteurs du mercure de france

ÉDITION ORIGINALE ÉDITION ORIGINALE

In-8 (190 x 128mm) In-8 (148 x 92mm) TIRAGE : exemplaire sur papier courant ENVOI : Pour Laure de Chevigné, ce petit rien de beaucoup d’amitié. G. de P. Riche. 1904 RELIURE SIGNÉE GEORGES CRETTÉ. Dos et coins en maroquin rouge, tranche supérieure RELIURE : dos à la Bradel en toile brune, plats de papier marbré dorée PROVENANCE : comtesse de Chevigné (envois) ENVOI :

à l’instar de Swann, Georges de Porto-Riche (1849-1930) fréquente la Exemplaire de Pierre Louÿs noblesse française, comme le Prince Bibesco, et les salons littéraires de A. Jarry Geneviève Halévy, Madame Strauss et Madame de Chevigné. Proust fit sa connaissance chez la Princesse Mathilde en 1892, puis lors de vacances à En 1896 eut lieu la première d’Ubu Roi et Pierre Louÿs publié Aphrodite. Louÿs Trouville. Proust vit régulièrement ses pièces, et ne cessa de témoigner son et Jarry, s’ils n’avaient pas de lien d’amitié connu, s’étaient probablement estime pour l’homme et pour son œuvre, jusqu’aux dernières années de sa vie. rencontrés chez leur éditeur commun, Le Mercure de France.

850 € 14 000 €

214 215 [88] GIDE, André Lettres à Angèle. 1898-1899 Paris, Mercure de France, 1900

ENVOI D’ANDRÉ GIDE À HENRI DE RÉGNIER, L’UNE DE SES PLUS ANCIENNES AMITIÉS ET ADMIRATIONS LITTÉRAIRES

ÉDITION ORIGINALE

In-12 (148 x 120mm) TIRAGE unique à trois cent exemplaires sur papier de Hollande

ENVOI : A Henri de Régnier qui croit que je ne suis plus son ami, André Gide BROCHÉ, non rogné.

Les Lettres à Angèle parurent d’abord en revue dans L’Ermitage, en 1898 et 1899. Gide collabora à cette revue dès sa fondation en 1897 en y faisant paraître Les Nourritures terrestres sous le titre de Ménalque. En 1900, il rassembla ces Lettres à Angèle en volume.

Cet envoi de Gide à Henri de Régnier rappelle l’amitié qui les lia pendant plusieurs années au moment même qu’elle est sur le point de se rompre. Henri de Régnier, de cinq ans l’ainé de Gide, est l’un des poètes que l’auteur d’André Walter admira le plus dans sa jeunesse. Ensemble, ils firent le premier vrai voyage de Gide, à travers la Bretagne, en 1892. Pendant plus de dix ans, leurs lettres discutèrent des idées et des œuvres de cette fin-de-siècle. Ils fréquentèrent Pierre Louÿs et le milieu d’Heredia, Paul Valéry, Francis Jammes. Mais Gide, en 1900, au moment de la parution en volume de ces Lettres à Angèle a le tort de ne guère aimer le roman un peu trop « polisson » de Régnier, qui venait juste de paraître, La Double Maîtresse : blessé, Régnier ne devait jamais lui pardonner cette critique, et se déroba toujours à une réconciliation, que Gide souhaitait pourtant. Leurs relations s’espacèrent. Un dernier échange épistolaire en 1911 ne fut suivi, de la part de Régnier, que de marques d’hostilité rancunière vis-à-vis de son ancien ami, devenu à ses yeux « un médiocre prosateur à la médiocrité prétentieuse ». Gide demeura quant à lui fidèle à son admiration de jeunesse et fit une belle place aux vers de Régnier dans son Anthologie de la poésie française (1949) publiée dans la Pléiade.

RÉFÉRENCES : Claude Martin, André Gide ou la vocation du bonheur, Paris, Fayard, 1998, t. I, p. 362 -- André Gide et Henri de Régnier, Correspondances 1891-1911, sous la dir. de Heather Franklyn et David J. Niederauer, Presses Universitaires de Lyon, 1997

5 000 €

216 217 [89] JADIN, Emmanuel et Godefroy Maison de l’Empereur. La Vénerie. 1852-1870 Texte et dessins par Emm. Jadin d’après ses propres études et les dessins et croquis de son père Godefroy Jadin, peintre de la Vénerie Paris, Goupil et Cie, 1905

L’UN DES DERNIERS GRANDS LIVRES DE CHASSE.

EXEMPLAIRE DU PRINCE HENRI DE LA TOUR-D’AUVERGNE, POSSESSEUR DE GROSBOIS OÙ LE MARÉCHAL BERTHIER, GRAND VENEUR, AVAIT CHASSÉ AVEC NAPOLÉON Ier

ÉDITION ORIGINALE

In-folio (470 x 353mm). Titre imprimé en rouge et noir avec vignette aux armes impériales COLLATION et CONTENU : faux-titre, justification, titre, table des matières, dédicace au Prince Murat, 40 pp. de texte, 1 f. d’achevé d’imprimer, 11 serpentes volantes imprimées TIRAGE à cent exemplaires : 10 sur japon et 90 sur papier vélin des Manufactures du Marais, celui-ci numéroté 36 sur vélin du Marais et imprimé pour le Prince Henri de La Tour-d’Auvergne ILLUSTRATION : 11 planches dont 2 imprimées en noir (Napoléon III au camp de Châlons d’après Edouard Detaille et le Valet de chiens rappelant les chiens), et 9 SUPERBES PLANCHES IMPRIMÉES EN COULEURS (La Messe de Saint-Hubert ; Le Chenil ; Le Pain ; Au bois ; Départ de la meute pour le rendez-vous ; Le Rapport au Carrefour des Grands Feuillards ; Le Coin de la Vénerie à une chasse de l’Empereur ; Hallali à l’Etang de la Tour ; Curée de Gala aux Flambeau)

RELIURE-PORTEFEUILLE DE L’ÉDITEUR. Maroquin vert à rabats de soie, couverture illustrée avec titre et encadrement doré, dos long PROVENANCE : Prince Henri de La Tour-d’Auvergne (1876-1946), époux d’Elizabeth Berthier de Wagram, la dernière des Wagram

Le cuir des rabats de soie a été restauré

Godefroy Jadin, peintre attaché à la Vénerie impériale, était le père d’Emmanuel Jadin. Au début du XXe siècle, Emmanuel Jadin écrivit et publia ce livre, l’un des derniers d’une grande tradition bibliophilique française, qui, « épuisé depuis longtemps », devint bientôt « fort rare » (Thiébaud). De Schwerdt à Jeanson jusqu’à de plus récentes passions, la « Vénerie impériale » de Jadin représente depuis longtemps un trophée bibliophilique incontournable pour les collections de livres de chasse.

218 219 220 221 Dès le début de la Deuxième République, le Prince Président et futur Napoléon III avait en effet décidé de reprendre la tradition des véneries royales et impériales. Il acquit en bloc du marquis de l’Aigle son équipage de cerf formé de quarante chiens anglais. Puis, il en confia la destinée au comte Edgar Ney qui devint sous l’Empire « Premier veneur », logé dans l’Hôtel de la Vénerie, situé 88 avenue Montaigne, puis 12 rue de Marignan, à Paris. Les premières chasses eurent lieu à l’automne 1852 à Fontainebleau puis Compiègne. Dès la première année, l’équipage passa à cent chiens et devint la « Vénerie de la Couronne ». Ney fut nommé Grand veneur en 1865 et le marquis de Toulongeon « Premier veneur ».

Ce livre au format monumental fait donc l’histoire du dernier équipage de la vénerie impériale. Il donne dans son appendice les noms de tous les hommes, du premier piqueur surnommé La Trace aux autres, décrit les bâtiments alloués à ce nouvel équipage installé à Fontainebleau ou encore s’étend avec grand détail sur les différentes tenues. Quelques membres bénéficient d’une biographie souvent étonnante comme celle de ce La Trace qui raconte sa chasse de 1801 avec le Premier Consul revenant de Marengo. On parle d’achats de chiens en Angleterre ou de chevaux en Irlande, de la façon de les nourrir. Le texte décrit avec minutie la formation comme l’activité de la Vénerie impériale, la façon dont elle gère les surpeuplements en grands animaux des forêts d’Ile-de-France contrôlés par des chasses fréquentes ou des décimations massives. L’ordre des chasses et leurs déploiements sont racontés par quelques notes de carnets. A la fin de l’Empire, le jeune Prince impérial fut doté d’un équipage particulier. [90] MARIUS MICHEL Cette véritable « fête impériale » de la vénerie française s’acheva dans le dramatique effondrement du régime : Petits décors pour les éditions originales modernes ca 1910 Le 14 septembre [1870], les hommes (...) durent tuer leurs chiens à coup de masse. Ils les jetèrent dans un puits qu’on avait creusé en 1867 (...) c’est là que reposent les derniers chiens de la Vénerie RARE RECUEIL DE PROJETS DE RELIURES, CONSTITUÉ PAR MARIUS impériale. Les hommes furent licenciés. Enfin, quand l’armée allemande occupa Fontainebleau, MICHEL, POUR DES ÉDITIONS ORIGINALES elle coupa en petits morceaux les selles, les brides et tous les objets qu’elle trouva aux Héronnières. In-8 (230 x 150mm) On remarquera pour finir que l’aquarelle de Godefroy Jadin reproduite en COLLATION : 31 projets de reliure dessinées à l’encre de chine avec sept photographies en noir couverture de l’ouvrage montre la quête d’un chien marqué du chiffre « W ». Il et blanc et un frottis d’une reliure exécutée pour Louis Barthou s’agit sans aucun doute d’un limier de l’équipage Wagram qui chassait à Grosbois, RELIURE DE L’ÉPOQUE SIGNEE DE MARIUS MICHEL. Maroquin janséniste bleu nuit, future propriété des La Tour-d’Auvergne. La vénerie impériale avait en effet assez dos long vite adopté comme marque le triangle et la croix des anciennes véneries royales. PROVENANCE : Henri Marius-Michel

RÉFÉRENCES : J. Thiébaud, Bibliographie des ouvrages français sur la chasse, p. 516 -- C. F. G. Ce recueil de projets, entièrement dédié aux « petits décors » des éditions R. Schwerdt, Hunting, Hawking, Shooting illustrated in a catalogue of books, manuscripts, prints originales, sera essentiel, un jour, au rédacteur du catalogue raisonné des and drawings, I, p. 263 : « copies, in view of the limited publication, are unfrequently met with » reliures de Marius Michel.

12 000 € Vendu

222 223 [91] MODIGLIANI Amedeo Lettre autographe signée, adressée à « Manon » [Paulette Philippi] [Paris], [1906-1910]

REMARQUABLE ET TRÈS RARE LETTRE DE JEUNESSE DE MODIGLIANI, ADRESSÉE À PAULETTE PHILIPPI, DITE MANON, ÉGÉRIE DES PEINTRES DE MONTPARNASSE, FOURNISSEUR DE DROGUES ET DE PLAISIRS POUR LES ARTISTES DE LA BOHÈME.

LE PEINTRE S’EXCUSE DE SON COMPORTEMENT INACCEPTABLE QU’IL ATTRIBUE AU « MÉLANGE DES POISONS » (DROGUES). IL DÉCRIT UNE SCÈNE DE NUIT HALLUCINATOIRE ET SE POSE EN « MESSAGER DE JOIE » usant d’une formule arabe :

ouassalam

2 pages 1/2 in-8, sur papier quadrillé plié en quatre

Chère amie, Ne m’en veuillez pas de ma conduite d’hier. Je jure sur ma tête de n’avoir aucune rancune vis-à-vis [sic]. Je ne peux expliquer ce qui est arrivé que par le mélange des poisons. Je garde un souvenir admirable du spectacle d’en face d’où sortait la musique. Car les fenêtres éclairées donnaient l’idée d’un éclairage a giorno dans des pièces désertes et sonores. Un homme y est arrivé et après que la petite porte de la vaste maison s’est refermée, les pièces se sont remplies d’encore plus de lumière et d’éclat et de sonorité et de silence. Que dire du jardin admirable dans la nuit ! Laissez-moi donc vous embrasser les mains, chère Manon. Je vous souhaite le bonheur tel que je le sens s’approcher de moi. Soyez heureuse dans votre belle maison et bientôt vous verrez apparaître un messager de joie. Ouassalam [la paix soit avec toi] Modigliani

PROVENANCE : ancienne collection Max Thorek. Petit cachet à l’encre humide : « Autograph collection of Dr Max Thorek Chicago ». Cat. The Renowed autograph collection of Dr Max Thorek, New York, Parke Bernet, 15 et 16 novembre 1960, n° 389 : « autographs of this artist are scarce »

Très légères consolidations aux plis

Hormis les oeuvres qu’il créa, il ne reste pas grand chose de Modigliani. Sa mort prématurée à l’âge de trente six ans en 1920 et sa misère ont rendu ses lettres rares. Depuis plus de cinquante ans, les répertoires informatisés de vente aux enchères n’en recensent qu’une poignée. Parmi les plus récentes, deux, écrites de Nice, étaient adressées à son marchand et ami Léopold

224 225 226 227 Zborowski - qui fut aussi celui de Soutine. Elles présentaient un contenu un véritable fait social. Manon abusait des plus beaux et s’éprenaient de certains : principalement alimentaire (Hôtel Drouot, 6 juin 2012, n° 229 et 230, « Paulette Philippi, a notorious femme galante who ran a sophisticated opium salon 31.000 € et 36.000€, sans les frais). On connaît encore une belle lettre de patronized by the literati. » (Sue Roe, Montmartre : Picasso, Matisse and modernism quatre pages concernant ses sculptures adressée au peintre anglais Augustus in Paris). Elle apparaît sous le nom d’Opia dans le remarquable journal de Henri- John (Christies, 1985) et quelques autres très rares billets. ou cartes postales. Pierre Roché. Paul Fort en fera la muse de l’une de ses Ballades françaises (Paris Douze lettres d’après guerre, appartenant aux archives de Jeanne Modigliani, sentimental). Et René Dalize, l’ami d’Apollinaire, qualifiera cette même Manon de ont été exposées à la Fondation Giannada en 1990 et sont aussi publiées dans « Malherbe de la prostitution », selon une formule relevée par André Salmon. C’est la biographie écrite par sa fille Jeanne Modigliani (Paris, 1990, pp. 131-141). tout dire. Il admirait ses qualités de « maîtresse de maison »... Cette lettre, enfin, a été vendue en 1960 chez Parke Bernet à New York et n’avait pas réapparu depuis lors. Pourtant Modigliani écrivait davantage que « J’ai fumé chez Manon. Apollinaire a fumé. Picasso s’y essaya sans persévérer. On cette rareté apparente ne le laisserait croire. Seule la biographie de Jeanne put voir un instant, dans l’atelier du Bateau-Lavoir, un embryon de fumerie (...) Modigliani permet d’établir un semblant de corpus. Manon qui parfois montait place du Tertre y avait remarqué Modigliani, le trouvant beau. Elle me pressait de le lui ramener rue de Douai : Ça ne serait pas tellement Au-delà des quelques lettres connues par le commerce ou publiées, on sait pour ce qui est de la chose (...) mais tu ne trouves pas qu’un beau type comme lui (...) encore qu’Amedeo échangea en 1911 une longue correspondance avec la ça ferait bien sur ma natte ? Je crois qu’il mordrait au truc, et aussi j’aurais du plaisir, jeune poétesse Anna Akhmatova dont il s’éprit lors de son séjour à Paris. après quelques pipes bien tassées, à couler mes doigts dans sa chevelure orientale » Elle possédait une quinzaine de dessins et de nombreuses lettres qui tous (A. Salmon, La vie passionnée de Modigliani, 1957, pp. 85-87). disparurent en Russie lors des temps sombres du stalinisme. Manon fut pendant quelques temps la maîtresse de Georges Braque. Il fallut Étonnamment, les diverses publications traitant de l’oeuvre de Modigliani toute l’habileté de Picasso et de sa compagne Fernande Olivier pour séparer le ne semblent pas avoir exploré à fond la vie du peintre : aucune des lettres jeune Braque de son égérie jugée dangereuse pour le talent de leur ami. passées en vente n’est jamais mentionnée. Les bibliographies elles-mêmes ne présentent la publication d’aucune sorte de correspondance, hormis celles « Pauline Philippi was a notorious, even in Montmartre. She was not a prostitute figurant dans la biographie de Jeanne. Comme si la vie du peintre semblait but a courtesan, une femme galante. ‘Blonde, twenty-five or thereabouts, her face a toujours nimbée de mystère. Il manque encore un véritable catalogue raisonné little worn, a beauty beginning to fade, Greek features, soft, cynical, witty’ (H.-P. à l’oeuvre de Modigliani. Roché). Pungent and intelligent, Paulette was the very opposit of dumb blonde. Her galanterie knew no bounds. She ran a private opium den in the rue de Douai for her Les recherches s’apparentent donc souvent à un véritable jeu de pistes ; ce friends and lovers - a who’s who in Paris, with a pronounced literary flavour - and document ne fait pas exception à la règle. Comme la plupart des lettres their friends and lovers (all categories virtually indistinguishable as far as the hostess d’Amedeo, elle n’est ni datée ni écrite d’un lieu spécifié. Le catalogue de was concerned). Paulette hated to smoke alone. ‘Sometimes one stayed for height Parke Bernet identifiait abusivement la célèbre maîtresse du peintre Béatrice days, ten days’, recalled baron Mollet, Apollinaire’s Sancha Panza : ‘lives ceased to Hastings sous les traits de cette énigmatique « Manon ». Sans doute parce que exist, there were no more days or nights’. »(A. Danchev, Georges Braque, A life, p. 57) cette lettre évoque des fêtes infinies, des lumières diaphanes de petits matins et ce fameux « mélange de poisons » auxquels les deux amants se livraient Paris, dans les années 1906-1908, voit émerger la drogue chez les artistes. régulièrement. Lorsque Béatrice Hastings le rencontra dans une crémerie de Modigliani et Picasso « eurent sans doute les mêmes fournisseurs de haschich », Montparnasse en 1914, Modigliani, assis au bar, en était au « haschich and jusqu’à la mort tragique en 1908 du peintre allemand Wiegels qui ôta au catalan brandy ». le goût des stupéfiants (P. Daix, in Modigliani. L’ange au visage grave, p. 63). Le grand client de Modigliani, le sage docteur Paul Alexandre, participait lui Mais Manon renvoie sans aucun doute à un moment antérieur de la vie du peintre. aussi à ces séances. Aucun des artistes, et a fortiori Modigliani ou Picasso, ne De son vrai nom Paulette Philippi, la dénommée Manon tenait rue de Douai à peignait sous l’emprise des stupéfiants. En revanche, par la drogue ils accèdent Montmartre une sorte de salon chinois où, dans ces premières années du XIXe à une vision d’eux-mêmes, à une sorte d’extase optique, dont cette lettre rend siècle (on perd sa trace vers 1910), les jeunes peintres se livraient aux paradis des témoignage, et qui exercera une forte influence sur leur création : « L’art de stupéfiants. C’est par Manon et par certains autres de ses « collègues » que l’usage Modigliani consiste en une révélation selon Webster (...) grâce à l’alcool et à des drogues se répandit dans la Bohème parisienne de l’époque, jusqu’à devenir la drogue, il pouvait parvenir à cet état idéal de plénitude qui lui permettrait

228 229 d’atteindre l’introspection personnelle propice à la création artistique (M. Restellini, op. cit., p. 27). Ou, comme l’écrivait le peintre italien Gino Severini :

« Modigliani n’était pas un vicieux, un vulgaire ivrogne, un décadent ; il prenait parfois l’absinthe à double dose, mais c’était un moyen, pas une fin ; il utilisait l’excitation qu’il en retirait pour voir plus profondément en lui (...) Modigliani avait toujours un peu de haschich dans la poche de son gilet, mais il en prenait rarement, seulement dans les cas exceptionnels où il avait besoin de cette sérénité orientale que procurait la drogue » (La Vita di un Pittore, in C. Parisot, op. cit., p. 110).

L’intoxication n’est pas ambition. Peindre ou sculpter ne ne conçoivent qu’une fois la sobriété reconquise. Demeure la lumière, entrevue par le peintre dans l’hallucination dont cette lettre fait part, et qui constitue la source incandescente de son oeuvre : « la lumière du peintre Modigliani est intérieure » (D. Marchesseau, Modigliani, op. cit., p. 17)

RÉFÉRENCES : Jeanne Modigliani, Modigliani, une biographie, Paris, Adam Biro, 1990 -- Modigliani, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, 1990 -- Modigliani. L’ange au visage grave, Paris, 2002-2003 -- C. Parisot, Amedeo Modigliani. 1884-1920. Biographie, Paris, 2000 et Modigliani, Paris, Terrail, 1991 -- H. Lottman, Modigliani. Prince de Montparnasse, Paris, 2005 -- André Salmon, La Vie passionnée de Modigliani, Paris, 1957 et Montparnasse, Paris, 2003

48 000 €

[92] KROPOTKINE, Prince Pierre La Science moderne et l’Anarchie Paris, P. V. Stock et Cie, 1913.

TRÈS RARE SUR GRAND PAPIER : L’UN DES DIX EXEMPLAIRES DE TÊTE SUR HOLLANDE, SEUL GRAND PAPIER, DE CE BRÉVIAIRE DE L’ANARCHIE

Seconde édition qui corrige très largement la première publiée en 1901 C’est dans cet ouvrage que Kropotkine décrit l’idéal de la société anarchiste où il n’y aura : In-8 (190 x 115mm) TIRAGE : l’un des dix exemplaires sur papier de Hollande, seul grand papier : le n° 6, justifié et Point d’autorité, qui impose aux autres sa volonté. Point de gouvernement de l’homme signé par l’éditeur par l’homme. Point d’immobilité de la vie : une évolution continuelle, tantôt plus rapide, tantôt ralentie, comme dans la vie de la Nature. Liberté d’action laissée à l’individu RELIURE SIGNÉE DE CREUZEVAULT. Demi maroquin rouge à coins, dos à nerfs, tête pour le développement de toutes ses capacités naturelles, de son individualité - de ce qu’il dorée, couverture et dos conservés, témoins peut avoir d’original, de personnel.

Quelques usures à la charnière supérieure 1 300 €

230 231 [93] CLAUDEL, Paul L’ O resti e vers 1913

MANUSCRIT AUTOGRAPHE DES INSTRUCTIONS DE MISE-EN-SCÈNE DES CHOÉPHORES.

AVEC LES TROIS PIÈCES IMPRIMÉES DE L’ORESTIE FORMANT LE CYCLE DU THÉATRE ANTIQUE DE CLAUDEL

12 pp. en feuilles, à l’encre violette, illustrées de deux schémas.

[joints :]

L’Agamemnon d’Eschyle. Fou Tcheou, veuve Rosario, 1896. Édition originale de la traduction de Claudel. In 8 (215 x 162mm). BROCHÉ. TIRAGE unique à cent exemplaires imprimés sur chine

Les Choéphores d’Eschyle. Paris, Gallimard, 1920. Édition originale de la traduction de Claudel. In-4 (286 x 228mm). BROCHÉ. TIRAGE : un des 103 exemplaires sur whatman. L’Essai de mise en scène et Notes diverses est imprimé à la fin du volume

Les Euménides d’Eschyle. Paris, Gallimard, 1920. Édition originale de la traduction de Claudel. In-4 (290 x 230mm). BROCHÉ. TIRAGE : un des 133 exemplaires de tête sur whatman Admirons en particulier la composition de ce présent drame des Choéphores. On y trouve deux situations Claudel s’était passionné pour le théâtre d’Eschyle dès l’écriture de ses premières dont nos grands poètes auraient tiré le meilleur parti, la rencontre du frère et de la sœur, le parricide. pièces. En 1893 (année de publication de La Ville), il avait déjà entrepris de Eschyle les a négligées de parti pris. On dirait que le poète a hâte de reprendre ce long cri devant une traduire Agamemnon bien qu’il ait étudié le grec tardivement (il avait dépassé tombe mal fermée qui, à vrai dire, est tout le drame, l’étonnement devant la mort et le mal, l’ignorance la trentaine). Il acheva cette première traduction trois ans plus tard, alors qu’il de l’homme, l’appel vers la justice et le témoignage de tous les êtres qui nous entourent, visibles et était consul à Fou Tcheou. Il la fit imprimer sur la presse de la veuve Rosario, invisibles, parmi les ténèbres qui s’épaississent et les parois qui se resserrent (pp. 9 et 10) une lépreuse d’origine portugaise. En 1913, sa rencontre avec Darius Milhaud incite Claudel à traduire les deux autres volets de L’Orestie. Darius Milhaud est Suit alors la note suivante de mise-en-scène : un jeune musicien de vingt-et-un ans que lui avait révélé Francis Jammes ; leur amitié ne sera interrompue que par la mort de Claudel en 1955. Aussi Claudel lui (22) La nuit se fait de plus en plus sur le théâtre. Toute cette scène est comme chuchotée, sans demanda-t-il une musique pour accompagner son Agamemnon. Celui-ci composa qu’on puisse nettement distinguer les mots, la parole sautant brusquement de l’une à l’autre des en quelques semaines une œuvre imposante pour soprano, chœurs d’hommes et Choristes avec de fortes variations de ton. Accompagnement des instruments de batterie (ibid) orchestre. Dans sa lancée, Claudel traduit Les Choéphores et Les Euménides. La publication en sera retardée par la guerre jusqu’en 1920. Seule parmi les trois pièces de L’Orestie, Les Choéphores sont dotés d’un tel appareil de scénographie et d’une lecture critique. Contrairement aux deux Claudel rédige un Essai de mise en scène et Notes diverses pour accompagner autres pièces, Claudel imagine pour celle-ci « de préférence une scène faite sa traduction des Choéphores, lequel est imprimé à la fin du volume. Ce texte d’éléments mobiles » (p. 1). Deux schémas, avec légendes présentent « une est le principal témoignage d’une lecture du théâtre d’Eschyle par Claudel. disposition tellement simple qu’elle pourra être réalisée sur tous les théâtres » En même temps qu’il analyse la dramaturgie des Choéphores, Claudel donne (ibid). des instructions pratiques de mise-en-scène. Celles-ci sont numérotées, dans le manuscrit, selon le découpage de l’action. Par exemple : 8 000 €

232 233 [94] PROUST, Marcel A la Recherche du Temps perdu Paris, Grasset, NRF, 1913-1927.

ENVOI DE PROUST À ANDRÉ BEAUNIER, L’UN DES PREMIERS À AVOIR COMPRIS SON OEUVRE ET À L’AVOIR DÉFENDUE.

AVEC UNE MERVEILLEUSE LETTRE AUTOGRAPHE SIGNéE DE PROUST PORTANT SUR L’ARCHITECTURE DE SON OEUVRE ET LES DIFFERENTS TITRES DE CELLE-CI

ÉDITION ORIGINALE, y compris Du Côté de chez Swann, édité par Grasset en 1913, avec la faute « GrassIet »

13 volumes in-8 (188 x 125m) et in-12 (185 x 114mm) TIRAGE : tous les volumes sont imprimés sur vélin pur fil Lafuma-Navarre, hormis Du Côté de chez Swann et À l’ombre des jeunes filles en fleurs imprimés sur papier ordinaire

ENVOI (inédit, sur À l’ombre des jeunes filles en fleurs) :

À André Beaunier. Souvenir d’un ami que la maladie seule a écarté de lui et qui se souvient affectueusement, admirativement. Marcel Proust

PIECE JOINTE : lettre autographe signée adressée à André Beaunier, après le 15 octobre 1913. 4 pages in-8 (cachet d’annulation de la BnF) :

Cher ami, Est-ce que vous seriez assez gentil pour me renseigner sur un point de grammaire, et c’est fort urgent. L’ouvrage que je fais paraître s’appelle : « Du côté de chez Swann ». Mais il y a un titre général : « A la Recherche du Temps Perdu ». Et ce même titre figurera en tête des 2 volumes qui paraîtront plus tard et qui s’appelleront (c’est au moins leur titre provisoire) : Le Côté de Guermantes; et le Temps Retrouvé. A la fin de « Du Côté de chez Swann », je veux annoncer qu’il y aura encore 2 volumes. J’avais mis « A la Recherche du Temps perdu comprendra encore deux volumes qui paraîtront etc. » Mais je trouve que cela donne à « Du Côté de chez Swann » trop l’air de n’être qu’un premier volume alors que je veux lui donner l’air (un peu) d’être un tout, tout en étant une partie. Il me semble que ce seret [sic] mieux marqué, si je disais : « Du Côté de chez Swann aura une suite (au lieu de A la Recherche du Temps perdu comprendra encore 2 volumes) aura une suite qui... et c’est ici que je voudrais que vous me disiez « composée de 2 volumes qui paraîtront en 1914, le Temps retrouvé etc. » Mais quel est le mot, ce n’est pas composé qu’il faut dire. Quel terme employer ? De plus comment marquer qu’ils paraîtront séparément ? Cher ami, que vous seriez gentil de me dire cela avant que je renvoie mes épreuves, c’est-à-dire... tout de suite ! Votre reconnaissant Marcel Proust P. S. Je ne vous parle pas du merveilleux livre que vous m’avez envoyé pour ne pas mêler les choses intéressées aux beautés durables »

Envoi

234 235 RELIURES VERS 1950 : dos et coins de maroquin brun, dos à nerfs, filets dorés en encadrement, plats de papier marbré, tranches supérieures dorées, non rognés, couvertures et dos conservés, quatre ff. publicitaires pour Swann et deux ff. d’errata pour Guermantes I

André Beaunier (1869-1925), écrivain et critique dramatique, soutint dès 1903 les entreprises littéraires du jeune Marcel Proust. Il fit paraître trois articles élogieux dans Le Figaro pour saluer les « belles traductions » que Proust avait faites de Ruskin. Beaunier comparait notamment la lecture de Ruskin par Proust à celle de Plutarque par Montaigne. A partir de 1909, Proust entre dans l’ébauche d’A la Recherche du temps perdu. Ses échanges épistolaires avec Beaunier et leur admiration réciproque s’intensifient. Proust alla jusqu’à prêter ses fameux « Cahiers » dits de Combray à Beaunier, afin que ce « juge sévère se rendît compte si cela pouvait paraître » (lettre du 27 avril 1910). Proust confie à Beaunier, grand connaisseur de la Grèce antique : « vos voyages et vos livres sont une consolation pour ma solitude » (20 décembre 1912).

Certaines lettres de leur correspondre concernent directement l’élaboration du grand roman de Proust. Notamment, cette remarquable lettre du 15 octobre 1913 que Proust envoya à Beaunier, moins d’un mois avant la parution de Du Côté de chez Swann (voir pièce jointe). Elle fut écrite durant la période de gestation, de travail intense et de corrections du dernier jeu d’épreuves du premier volume de La Recherche (Swann paraîtra en novembre). Avec une extraordinaire concision, Proust confie à André Beaunier sa préoccupation du choix des titres, et, à travers elle, celle de la construction architecturale de son œuvre. Cette lettre contient La Recherche en condensé. Elle est en quelque sorte l’aboutissement de quinze années de réflexion et le coup d’envoi d’une des plus grandes entreprises littéraires du XXe siècle. En décembre 1913, un mois après la parution de Du Côté de chez Swann, Proust révèlera à Beaunier : « J’ai refait tout le début de mon premier volume (tout ce que vous aviez lu en cahiers) pour tenir compte d’une critique de vous. Je me sens disposé à faire de même pour les autres volumes (vous voyez que je ne paraîtrai pas avant dix ans) » (lettre du 9 décembre 1913). Il avoue à Beaunier qu’il a « mis beaucoup de temps à refaire, sur [ses] indications, [son] livre » (ibid.).

RÉFÉRENCES : Dictionnaire Proust, Paris, Honoré Champion, 2004, p. 125 -- Kolb, Correspondance, XII, p. 278, pour la lettre.

66 000 €

Lettre jointe

236 Lettre jointe Lettre jointe

238 239 [95] PESSOA, Fernando 35 Sonnets Lisbonne, Monteiro and Co, 1918.

LE PREMIER RECUEIL DE POÈMES EN ANGLAIS dE PESSOA. il le PUBLIA LUI-MÊME.

EXEMPLAIRE BROCHÉ, TEL QUE PARU. RARE

ÉDITION ORIGINALE

In-8 (204 x 131mm) COLLATION : 20 feuillets BROCHÉ. Couvertures imprimées d’origine, non coupé. Chemise, étui

Fernando Pessoa (1888-1935) apprit l’anglais dans son enfance, à Durban (Afrique du Sud), où il passa une partie de son adolescence. Cette plaquette tirée à compte d’auteur et à petit nombre, imprimée en pleine effervescence futuriste, se compose de trente-cinq sonnets de stricte obédience shakespearienne. Mince gerbe poétique publiée par un écrivain portugais qui fut avant tout anglophone et anglophile – presque un étranger dans sa propre langue –, les 35 sonnets occupent une place à part dans l’œuvre de Fernando Pessoa. Le poète orthonyme y rivalise bien sûr avec William Shakespeare dont il tente de moderniser, en se l’appropriant, l’énigmatique et précieux canzoniere, mais aussi avec les poètes métaphysiques anglais – John Donne en premier lieu – dont il reprend, en la compliquant, la poétique philosophique et méditative.

Pessoa avait composé des poèmes en anglais dès son adolescence sous le pseudonyme d’Alexander Search, mais c’est dans les 35 sonnets que son « double » britannique atteint la maturité. Maniérisme, virtuosité, métamorphose, métaphysique : tout Pessoa est là, concentré, ramassé sous les traits du poète néo-élisabéthain – sans doute le plus intime de ses masques. Aucun exemplaire n’a été présenté sur le marché national ou international des ventes aux enchères depuis 1977.

RÉFÉRENCE : F. Pessoa, Œuvres poétiques, Paris, Bibliothèque de la Pléiade, 2001, notice de Patrick Quillier, pp. 2020-2022

20 000 €

240 241 [96] LARBAUD, Valery Samuel Butler Paris, Adrienne Monnier, Les Cahiers des Amis des Livres n° 6, 1920

l’une des FAMEUSES CONFÉRENCES prononcée DANS LA LIBRAIRIE D’ADRIENNE MONNIER

ENVOI À LÉON DAUDET.

ÉDITION ORIGINALE

In-4 (250 x 190 mm) TIRAGE : exemplaire du tirage courant sur papier vergé, celui-ci numéroté 919 BROCHÉ, partiellement non coupé. ENVOI : à Monsieur Léon Daudet, en sincère hommage. V. Larbaud

Premier plat détaché, papier jauni

Valery Larbaud donna cette conférence le 3 novembre 1920 à la Maison des Amis du Livre, accompagné au piano par Jacques Benoist-Méchin. Léon Henri-Pierre Roché et Cocteau se fréquentèrent pendant quarante ans, soit, Daudet soutint les débuts littéraires du jeune Larbaud. depuis l’écriture à quatre mains, en 1915, de Cinq grimaces pour « Songes d’une nuit d’été » formant le livret d’une partition d’Erik Satie destinée au cirque 800 € Médrano. Roché n’accéda à la notoriété qu’à titre posthume, avec l’adaptation au cinéma de Jules et Jim par François Truffaut, en 1962. Celui-ci comparera [97] COCTEAU, Jean d’ailleurs les style de Cocteau et de Roché : Le Secret professionnel « Dès les premières lignes, j’eus le coup de foudre pour la prose d’Henri-Pierre Roché. À cette Paris, Librairie Stock, 1922 époque, mon écrivain favori était Jean Cocteau pour la rapidité de ses phrases, leur sécheresse apparente et la précision de ses images. Je découvrais avec Henri-Pierre Roché un écrivain ENVOI À HENRI-PIERRE ROCHÉ qui me semblait plus fort que Cocteau, car il obtenait le même genre de prose poétique en utilisant un vocabulaire moins étendu, en formant des phrases ultra-courtes faites de mots de ÉDITION ORIGINALE. Introduction d’Elie Gagnebin tous les jours. A travers le style de Roché, l’émotion naît du trou, du vide, de tous les mots refusés, elle naît de l’ellipse même » (François Truffaut, Henri-Pierre Roché revisité ) In-8 (139 x 94mm) ILLUSTRATION : portrait de l’auteur par Picasso reproduit en frontispice Truffaut poursuit par ces mots de Cocteau : « En voyant le film, Jean Cocteau retrouvait le souvenir d’Henri-Pierre Roché et m’écrivait : « J’ai beaucoup ENVOI : Emportez cette petite lampe de poche dans vos voyages, mon cher Roché, et aidez nous. connu l’auteur du livre d’où tu as tiré ton film. C’était l’âme la plus délicate Votre ami de tout cœur. Jean. Sept 1922 et la plus noble ». (Cahiers du Cinéma, 2000)

PIÈCES JOINTES : deux articles de presse, contemporains de la publication du livre, l’un collé RÉFÉRENCES : François Truffaut, « Henri-Pierre Roché revisité », in Le Plaisir des yeux, sur les gardes, l’autre en feuilles Flammarion, coll. « Champs », 1987, p. 161-173 RELIURE signée de Devauchelle. Dos en box noir, plats de papier, tranche supérieure dorée, couverture et dos conservés 1800 €

242 243 [98] DREYFUS, Robert Souvenirs de Marcel Proust Paris, Bernard Grasset, 1926

LA JEUNESSE DE PROUST : SOUVENIRS D’UN DE SES PLUS PROCHES AMIS

ÉDITION ORIGINALE

In-8 (185 x 116mm) TIRAGE : exemplaire du Service de Presse numéroté 74 ILLUSTRATION : dessin inédit de Paul Baignères reproduit en frontispice

RELIURE DE L’ÉPOQUE. Dos en veau rouge, plats de papier marbré, couverture et dos conservés, non rogné

Ces Souvenirs de Robert Dreyfus décrivent Marcel Proust lycéen à Condorcet, passionné par les auteurs classiques et l’histoire. Son témoignage permet de mieux comprendre les premiers pas de Proust dans le monde des lettres, notamment à travers les éphémères et précieuses revues littéraires qu’ils fondèrent ensemble : La Revue Lilas, La Revue verte et Le Banquet. Plus tard, Robert Dreyfus fut le principal interlocuteur de Proust au Figaro. C’est à lui que Proust confia le soin de rassembler les articles et études qu’il y a publiés. Et c’est encore Robert Dreyfus qui annonça, le premier, dans Le Figaro, la parution imminente de la première partie d’A la Recherche du temps perdu. Leur amitié fut ponctuée de nombreuses lettres jusqu’à la mort de Proust, conservées à la Bibliothèque nationale de France. Certaines sont publiées dans ce livre.

450 €

[99] COCTEAU, Jean, et Giorgio de Chirico Le Mystère laïc (Giorgio de Chirico) Essai d’étude indirecte, ENVOI : A Jean Paulhan,Son ami. Jean BROCHÉ, sous couverture rempliée avec 5 dessins de Giorgio de Chirico PROVENANCE : Jean Paulhan (envoi) Paris, Editions des Quatre-Chemins, 1928 Cocteau rend hommage à Chirico, honni par les surréalistes depuis 1925, ENVOI À JEAN PAULHAN comme lui-même, par les surréalistes. Il plaçait ce texte à côté de celui qu’il avait écrit sur Picasso : « Je me réserve de vivre et de faire l’amitié (plus ÉDITION ORIGINALE difficile à faire que l’amour) en face de ces portraits de famille auxquels je dois reconnaissance et respect. » (première page). Ce petit livre fut édité par In-8 (195 x 145 mm). Maurice Sachs. TIRAGE : exemplaire sur papier de Rives à la forme ILLUSTRATION : reproduction de cinq dessins de Giorgio de Chirico 1 500 €

244 245 [100] YOURCENAR, Marguerite Alexis ou le traité du vain combat Paris, Au Sans Pareil, 1929.

LE PREMIER ROMAN DE MARGUERITE YOURCENAR. NEUF, BROCHÉ. À MARGES IMMENSES

ÉDITION ORIGINALE

In-12 carré (195 x 133mm) TIRAGE unique à 75 exemplaires sur papier d’Arches. Celui-ci numéroté 40 BROCHÉ, à toutes marges

3 500 €

[101] LARBAUD, Valery Fauteuil XXXVIII - Paul Valéry. Suivi de Pages inédites et de L’Histoire du XXXVIIIe fauteuil Paris, Félix Alcan, 1931

PAUL VALÉRY PAR VALERY LARBAUD. AVEC LES SEPT LETTRES AUTOGRAPHES DE LARBAUD ADRESSÉES A L’ÉDITEUR JACQUES DES GACHONS À PROPOS DE CETTE PUBLICATION

ÉDITION ORIGINALE

In-8 (200 x 160 mm) TIRAGE unique à 165 exemplaires sur Hollande. Celui-ci numéroté 93 ILLUSTRATION : portrait de Paul Valery par Sem reproduit et en frontispice. RELIURE : dos et coins en veau noir, dos long, couverture et dos conservé, non rogné PIÈCE JOINTE : sept lettres autographes signées de Larbaud à Jacques des Gachons, datées des 12 avril 1929-12 décembre 1931

En 1928, Paul Valéry fait halte à Valbois quelques jours. Larbaud a accepté d’écrire un court essai sur le poète de La Jeune Parque. Les lettres qu’adresse Valery Larbaud à Jacques des Gachons retracent les étapes de cette aventure éditoriale ralentie par sa mauvaise santé, depuis la signature du contrat, jusqu’à la signature des exemplaires.

RÉFÉRENCE : Béatrice Mousli, Valery Larbaud, Paris, Flammarion, 1998, p. 450

2 400 €

246 247 [102] BRETON, André et Paul Éluard L’Immaculée conception Paris, Éditions surréalistes, 1930

RARE EXEMPLAIRE SUR JAPON, BROCHÉ, NEUF, AU DOS IMPECCABLE. LE PREMIER LIVRE ILLUSTRÉ PAR SALVADOR DALI. L’UNE DES PLUS BELLES GRAVURES DU SURRÉALISME

ÉDITION ORIGINALE

In-4 (260 x 200mm) TIRAGE : l›un des 10 exemplaires sur japon nacré, signé par les deux auteurs (tirage annoncé de 9, mais il fut plus probablement de 13) ILLUSTRATION : en frontispice, la gravure de Dali, extrêmement rare

BROCHÉ

Cette superbe gravure, tirée à 111 exemplaires plus 5 épreuves, est inspirée par la dernière partie du livre, “Le Jugement originel”, notamment le détail du décolleté en croix qui illustre ce passage: «Jusqu’à nouvel ordre, jusqu’au nouvel ordre monastique, c’est-à-dire jusqu’à ce que les plus belles jeunes femmes adoptent le décolleté en croix les deux branches horizontales découvrant les seins, le pied de la croix nue au bas du ventre, légèrement roussi». Pour la première fois, Dali utilise un dessin aux lignes parallèles enroulées comme des bandages produisant un effet de mouvement sans commencement ni fin.

Breton et Eluard se lancèrent dans l’écriture de L’Immaculée Conception afin de « tuer le temps » : « La connaissance parfaite que nous avions l’un de l’autre nous a facilité le travail, diront-ils plus tard. Mais elle nous incita surtout à l’organiser de telle façon qu’il s’en dégageât une philosophie poétique ». Dans ce recueil en prose au titre provocateur, se trouvent réunies les deux tendances qu’incarnent Breton et Eluard au sein même du mouvement surréaliste : le premier, ardent défenseur de l’écriture automatique révolutionnaire, le second, plus incliné à une certaine transparence poétique et lyrique. Leur texte commun est animé d’un sens de l’humour certain :

248 249 « Elle me prête son cheval et nous voilà parvenus dans son ranch, faubourg Saint-Germain. Nous y fîmes des expériences de germination spontanée. Je m’entendais bien avec Pasteur mais sa sœur fit tout ce qu’elle pût pour me rendre la vie impossible. Je ne dormais que d’un œil. Une nuit, la soubrette s’aperçut que, très habilement, je la regardais se déshabiller. Elle cria si fort que tout le monde arriva et se jeta sur moi pour me forcer à partir (…) Maintenant je ne m’engagerais plus, bien que la guerre soit finie. Je couche sous les ponts des rivières sans eau hachées par la pluie, je ne plairai plus à personne, ce n’est plus moi qui suis même dans ma valise de porc, je n’ai pas faim, je n’ai pas peur : bien trop lâche pour avoir peur, trop gourmand pour manger. C’est moi qui ai dû amputer la femme du sexe de l’homme sous prétexte de chirurgie esthétique. Je suis plus fini qu’un feuilleton. Personne ne prendrait la peine de me faire de la peine. Je suis maigre comme un cep qui prend ombrage de sa seule feuille. Je suis vraiment n’importe qui, je me traîne sur les béquilles de ma fenêtre, on devrait m’abattre à coups de sifflet, on devrait me rendre l’immense service de se passer mon pied sous la table » (p. 42)

Par L’Immaculée conception, Breton et Éluard entendaient explorer l’inconscient et prouver que l’esprit « dressé poétiquement chez l’homme normal » pouvait « soumettre à sa volonté les principales idées délirantes ». D’où le recours évident pour l’illustration à Salvador Dali qui venait de mettre au point sa méthode paranoïa-critique à la définition restée célèbre : « méthode spontanée de connaissance irrationnelle, basée sur l’association interprétative-critique des phénomènes délirants » que l’on peut prouver « par l’intervention critique ».

En préface à la réédition de ce livre chez José Corti en 1991, Marguerite Bonnet écrivait :

« Il n’y a rien d’incompréhensible» par un retournement-détournement comparable à celui qu’effectua Isidore Ducasse dans ses Poésie II, à partir de phrases de Pascal, La Rochefoucauld, Vauvenargues, de fragments prélevés dans nombre de numéros datant de la fin du XIXe siècle de la revue La Nature, qui ont permis ici de vrais collages verbaux dans le chapitre précisément consacré au « Sentiment de la nature » (...) l’écriture vient ici se couler dans une trame très élaborée, les titres et sous-titres constituant autant de digues pour contenir et orienter la dérive automatique de la parole. Se proposant d’exposer une philosophie poétique sans avoir recours au langage conceptuel, philosophie sur laquelle tremble l’ombre des difficultés alors vécues par les auteurs, L’Immaculée Conception apparaît ainsi, au-delà de la résistance du texte à un déchiffrement trop simple, comme un ouvrage d’une extrême densité dans sa tonalité grave. »

35 000 €

250 251 [103] ER NST, Max Rêve d’une petite fille qui voulut entrer au carmel Paris, Editions du Carrefour, 1930.

TRÈS RARE EXEMPLAIRE DE TÊTE SUR JAPON DE L’UN DES PLUS BEAUX LIVRES DE MAX ERNST ET DU SURRÉALISME.

PRÉCIEUX EXEMPLAIRE DE RENÉ GAFFÉ

ÉDITION ORIGINALE

In-8 carré (233 x 181mm) ILLUSTRATION : nombreuses eaux-fortes de Max Ernst, reproduites à pleine-page TIRAGE : exemplaire numéroté XIII, L’UN DES 20 SUR JAPON IMPÉRIAL, le premier papier

RELIURE SIGNÉE DE SEMET ET PLUMELLE. Demi maroquin bleu pâle à bande, tête dorée, non rognée, couverture et dos bleu conservés PIÈCE JOINTE : deux pages du Magasin pittoresque PROVENANCE : René Gaffé (ex-libris ; vente, Bibliothèque de M. René Gaffé, 26-27 avril 1956, n° 115, 60.000FF)

L’oeuvre de Max Ernst obéit à plusieurs intuitions dont la principale est « l’option fondamentale de se placer au-delà de la peinture » (W. Spies et H. R. Leppien). Au-delà du réel, dans ce monde surréel donc, où se lient l’écriture automatique de Breton et ses soeurs jumelles que sont pour Max Ernst : le frottage et le collage. Selon André Breton, et dès le Premier manifeste de 1924, le « rêve est continu et porte trace d’organisation ». Il doit même se voir accorder « une valeur de certitude ». Cette idée régulatrice de la pensée de Breton trouve, on le sait, sa source chez Freud pour lequel l’interprétation des rêves fait admettre que l’on peut, dans le rêve, connaître sans savoir (cf. l’Introduction à la Psychanalyse).

Max Ernst compose ses premiers collages dès 1919. Il détourne à son profit des images de périodiques du XIXe siècle pour créer de nouvelles images dominées par la dimension du rêve et de l’étrange. Les suites de gravures misent à part, son premier livre illustré grâce à cette nouvelle technique fut Les Malheurs des immortels publié en 1922, immédiatement suivi la même année par Répétitions, tous deux accompagnés d’un texte de Paul Éluard. Ces deux livres connurent un tirage unique et n’ont par conséquent pas de grand papier, sur japon ou autre. En 1937, Max Ernst faisait remonter au 10 août

252 253 1925 la découverte d’un autre procédé créatif : le frottage (cf. « Au-delà de la peinture », 1937). Jeanne Bucher sélectionnera certains d’entre eux et publiera Histoire naturelle en 1926 (34 planches en phototypie, texte de Hans Arp). C’est là le troisième livre illustré de Max Ernst. Il y eut vingt-six exemplaires imprimés sur japon impérial, très peu fréquents sur le marché (cf. pour le seul recensé en vente aux enchères, coll. Daniel Filipacchi, I, 29 avril 2004, n° 112). Puis, l’artiste reviendra au collage et créera son quatrième livre illustré et le troisième par le procédé du collage : La Femme 100 têtes (1929) dont les douze premiers exemplaires furent imprimés sur japon impérial. Le Rêve d’une petite fille qui voulut entrer au Carmel est le cinquième livre illustré d’Ernst et le quatrième par le moyen du collage. Il sera suivi d’un dernier : Une Semaine de bonté (1934) à la facture moins heureuse. Ainsi se clôt la première période de la création de livres illustrés par Max Ernst. Pour La Femme 100 têtes comme pour le Rêve, chaque image est accompagnée d’une légende rédigée par Max Ernst et ainsi placée dans l’ordre à la fois linéaire et onirique d’un récit.

Les exemplaires sur japon des grands livres de la première période de Max Ernst sont connus pour être d’une grande rareté. Les répertoires informatisées des ventes aux enchères en proposent deux pour La Femme 100 tête : un exemplaire sans aucune provenance dans une reliure de toile (le n° 4) auquel il manquait le second plat de la couverture (Drouot, 14 mars 2001, n° 53) et l’exemplaire Renaud Gillet repassé ensuite dans la vente de livres de Fred Feinsilber. Il n’existe en revanche absolument aucune référence de vente pour un exemplaire sur japon du Rêve.

Ce livre provient de la bibliothèque de René Gaffé, second mécène des surréalistes après Jacques Doucet et dont les liens avec le mouvement sont bien connus. Il avait aussi rassemblé une remarquable collection de tableaux dispersée par Christies à New York en 2001. La vente de sa bibliothèque en 1956 fut un événement considérable car elle ouvrit l’avenir aux futures collections de livres et manuscrits surréalistes, leur conférant une dignité d’objet de collection qu’ils ne possédaient pas alors. Cet exemplaire est ainsi relié, non par Paul Bonet dont René Gaffé fut l’un des grands clients, mais par Semet et Plumelle dans les tons bleu-vert qu’il affectionnait particulièrement. Dans l’ordre du catalogue, le Rêve est immédiatement précédé par le n° 114 : la fabuleuse série de 35 collages originaux de La Femme 100 têtes accompagnée d’un exemplaire sur japon et du manuscrit des légendes. Le prix du n° 114 (72.000F), acquis par Jean Hughes, fut à peu de choses près le même que celui de ce japon du Rêve (60.000F)... L’exemplaire Gaffé de La Femme 100 têtes se retrouva relié par Bonet dans la collection de Renaud Gillet avec seulement trois collages sur 35 et le manuscrit des légendes. Les autres collages avaient

254 255 [104] VALÉRY, Paul Aus Jahrgang I (1931/1932), Heft 2 1932

ENVOI À VALERY LARBAUD

Première traduction allemande de la Préface de Regards sur le monde actuel. Traduction de Rudolf Alexander Schröder

In-8 (252 x 179mm) BROCHÉ. Couverture verte ENVOI : Désespérant d’un temps plus beau, / Dans une langue que j’ignore, / J’offre au cher Valery Larbaud, / Tout le contraire d’une Aurore ! Paul Valéry

Regards sur le monde actuel est publié en 1931 par les éditions Stock. La traduction d’un tel texte de mise en garde n’est évidemment pas anodin dans l’Allemagne de 1931.

500 €

[105] ZWEIG, Stefan Magellan Paris, Grasset, 1939.

LA DERNIÈRE BIOGRAPHIE DU GRAND NOVELLISTE AUTRICHIEN

Première édition française. Traduction d’Alzir Hella

In-8 (202 x 132mm) été dispersés par le commerce... De ces deux exemplaires sur japon, seul donc ILLUSTRATION : une carte dépliante à la fin celui du Rêve a gardé son « aspect Gaffé » originel. Il avait disparu du marché RELIURE : dos à nerfs de maroquin brun, bande mosaïquée de maroquin beige, couverture et depuis la vente de 1956. dos conservés, non rogné

On se souviendra que Renaud Gillet possédait la maquette de tous les collages Frappé par l’incroyable destin de cet homme, Stefan Zweig est surpris de et des légendes manuscrites du Rêve. Il l’offrit en 1998 à la Bibliothèque constater le peu d’informations existant sur Magellan. Il reconstitue ce nationale de France qui la présentera dans sa prochaine exposition Éloge de périple au coeur des tempêtes, du manque de vent, de la faim, de la soif la rareté, soulignant encore par là le caractère précieux de ce grand papier de et des indigènes : « la plus magnifique odyssée, peut-être, de l’histoire de Max Ernst. l’humanité que ce voyage de deux cent soixante cinq hommes décidés dont dix-huit seulement revinrent sur un des bâtiments en ruines, mais avec la RÉFÉRENCE : Werner Spies et Helmut R. Leppien, Max Ernst, das graphische Werk, 1975, flamme de la victoire flottant au sommet du grand mât. »

40 000 € 250 €

256 257 [106] POULENC, Francis Concerto en ré mineur pour deux pianos et orchestre. Réduction pour deux pianos par l’auteur Paris, chez Rouart Lerolle & Cie, 1933

ENVOI AU CHEF D’ORCHESTRE HENRY WOOD, CRÉATEUR DES « PROMS » À LONDRES

ÉDITION ORIGINALE

In-folio (349 x 269mm) BROCHÉ. Couvertures vert d’eau d’origine. Boite

ENVOI :

A Sir Henry Wood Avec tant de gratitude Pour sa merveilleuse compréhension de ce modeste concerto, Avec mon amitié fidèle et respectueuse Londres, 1933

PROVENANCE : Sir Henry Wood (envoi)

Considéré comme l’un des plus grands chefs d’orchestre du XXe siècle, Henry Wood (1869-1944) dirigea pas moins de 717 créations par 357 compositeurs. Son nom est surtout associé aux « Proms » qu’il fonda à Londres en 1895. Henry Wood y dirigea notamment l’Aubade de Poulenc, avec Poulenc au piano, en 1931. Le nom de Proms vient du fait que ces « promenades- concerts » sont données dans le Royal Albert Hall devant un vaste public, majoritairement populaire, dont une partie reste debout et se « promène ». A partir de 1926, les Proms, au bord de la banqueroute, sont financées par la radio britannique publique et renommées « BBC Proms ». Le buste d’Henry Wood trône au dessus de la scène pendant toute la durée du festival, au mois d’août de chaque année.

4 800 €

258 259 [107] PICASSO, Pablo Le Désir attrapé par la queue Paris, 1941

“AU FOND, JE CROIS QUE JE SUIS UN POÈTE QUI A MAL TOURNÉ” (Picasso)

PRÉCIEUX ENSEMBLE SUR L’UN DES GRANDS MOMENTS DU THÉÂTRE FRANCAIS COMPRENANT : - DEUX ENVOIS DE PICASSO À RAYMOND QUENEAU ET SA FEMME - L’EXEMPLAIRE ANNOTÉ PAR QUENEAU DU LIVRET DACTYLOGRAPHIÉ DISTRIBUÉ AUX ACTEURS - LE MANUSCRIT AUTOGRAPHE D’UN ARTICLE DE QUENEAU - LES INSTRUCTIONS DE MISE EN SCENE AUTOGRAPHES DE QUENEAU

UNE DES IMPORTANTES CRÉATIONS DE PICASSO PENDANT LA GUERRE

1. ÉDITION ORIGINALE

In-4 (315 x 237mm) TIRAGE unique à 50 exemplaires, en reproduction photolithographique ILLUSTRATION : autoportrait de Picasso et nombreux croquis du même reproduits dans le texte ENVOI DE PABLO PICASSO : Pour Raymond Queneau, Hommage de l’auteur. Paris le 22 avril 1944

2. Le Désir attrapé par la queue. Paris, Gallimard, 1945. Collection Métamorphoses. Première édition en caractères d’imprimerie. In-12. Broché, couverture imprimée. TIRAGE : exemplaire de tête sur vélin pur fil Lafuma Navarre, celui-ci l’un des 10 hors commerce marqué «f». ENVOI DE PABLO PICASSO : Hommage pour Janine Queneau, de l’auteur. Paris, 17.3.45

3. Livret dactylographié de la pièce (48 feuillets in-12 sur papier pelure, broché, couverture avec titre manuscrit), avec quelques corrections autographes de Raymond Queneau. Il fut distribué aux lecteurs et constitue, en quelque sorte, une édition pré-originale du texte

4. Une Belle Surprise. Brouillon autographe signé «Raymond Queneau» de l’article relatif à la pièce publié dans les Cahiers d’art (n°1 1940-1944, p. 163). 8 feuillets (7 ff. petit-in-4 et 1 f. in-folio au verso duquel figure un extrait d’un texte non identifié d’une autre main). Le texte comporte de nombreuses corrections et quelques variantes par rapport à la version publiée. Ce manuscrit, rédigé en 1944 juste après la fameuse séance de lecture de la pièce (et publié en

Envoi de Picasso

260 261 1945), établit les liens entre Picasso peintre et Picasso dramaturge où voisinent, sans complexes, thématique amoureuse, art culinaire et art pictural. Queneau remarquera les rares références directes à la peinture avec une allusion aux Demoiselles d’Avignon « qui ont déjà trente-trois longues années de rente (1941-33 = 1908) », ainsi que l’utilisation d’un langage appartenant aux champs sémantiques de la peinture et de la sculpture.

5. Très précieuses instructions de mise en scène : un feuillet in-folio de notes autographes de Raymond Queneau relatives au premier acte de la pièce, réparties sur quatre colonnes. On trouve des renvois à certains passages, notamment “Les Demoiselles d’Avignon”, p. 36. (Au verso: texte non identifié, d’une autre main). Queneau étudie la dramaturgie du premier acte, soit l’enchainement des répliques et les relations des personnages.

6. Un feuillet in-4 noirci d’équations au verso d’un feuillet dactylographié (fragment de l’article des Cahiers d’art cité ci-dessus comportant quelques corrections autographes).

Picasso rédigea Le Désir attrapé par la queue en janvier 1941, en seulement quatre jours, pendant le premier hiver de l’occupation allemande. Cette pièce, la première et la meilleure des deux qu’il écrira (la seconde étant Les Quatre petites filles), met en scène plusieurs personnages, dans l’esprit d’Ubu Roi, qui palabrent sous la table d’un hôtel. Tous ces convives ne sont occupés que par trois choses : la faim, le froid et l’amour. Longtemps avant d’être joué, Le Désir attrapé par la queue fut lu, le 19 mars 1944, chez les Leiris, Albert Camus oeuvrant comme maître de cérémonie, et Picasso se contentant d’être spectateur. La distribution des personnages et l’auditoire rassemblait tout ce que Paris comptait d’individus à la mode : Le Gros Pied : Michel Leiris, L’Oignon : Raymond Queneau, Sa Cousine : Simone de Beauvoir, Le Bout rond : Jean-Paul Sartre, Les Deux Toutous : Louise Leiris, L’Angoisse grasse : Dora Maar, L’Angoisse maigre : Germaine Hugnet. Le public était composé de Jacques Lacan, Cécile Éluard, Jean-Louis Barrault, Georges et Sylvia Bataille, Georges Braque, Maria Casarès, Valentine Hugo, Henri Michaux, Pierre Reverdy, et Claude Simon. Cette pièce légère à l’esprit potache fut donc l’occasion d’un moment de fête en pleine guerre. Trois mois plus tard, le 16 juin 1944, Picasso réunit à nouveau ces amis chez lui, rue des Grands- Augustins, et demanda à Brassaï de les immortaliser par une photographie restée célèbre. Picasso ressentira une réelle fierté quand son texte sera publié en 1945 : « au fond je crois que je suis un poète qui a mal tourné ».

RÉFÉRENCES : Jean-Pierre Longre, Raymond Queneau en scènes, Limoges, 2005 – Picasso, Propos sur l’art, Gallimard, coll. « Art et artistes », 1998, p.12-13 et notes 16 à 19 p.178

30.000 €

Envoi de Picasso

262 263 [108] VERCORS (Jean Bruller, dit) Le Silence de la mer Vers 1943

EXEMPLAIRE DACTYLOGRAPHIÉ, DIFFUSÉ EN PLEINE GUERRE, EN MêME TEMPS QUE L’ÉDITION ORIGINALE.

EXEMPLAIRE du DUC DE MOUCHY

Exemplaire dactylographié

In-8 (210 x 133mm) 47 ff. BROCHÉ. Couverture muette de papier beige PROVENANCE : Henri Antoine Marie de Noailles, duc de Mouchy (1890-1947)

Le Silence de la mer est le premier livre imprimé par les Editions de minuit. Son achevé d’imprimer porte la date du 20 février 1942. Mais en raison de la saisie d’environ 250 exemplaires opérée par la police allemande lors du passage de la Ligne de démarcation à l’automne 1942, la diffusion réelle du premier tirage ÉDITION ORIGINALE de la plaquette n’est que d’environ une centaine d’exemplaires. Le livre circula cependant en France grâce à des exemplaires copiés à la main, ronéotypés ou In-8 (204 x 140mm) Titre imprimé en rouge et noir dactylographiés, comme celui-ci. TIRAGE : exemplaire du tirage courant 800 € BROCHÉS ENVOI : A Maurice Merleau-Ponty et à sa femme dont je ne sais pas le prénom. En profonde amitié, [109] SARTRE, Jean-Paul J.-P. Sartre Les Chemins de la liberté I. L’Âge de raison Jean-Paul Sartre et Maurice Merleau-Ponty se sont connus à l’école normale Paris, Gallimard. Nrf, 1945. Supérieure en 1927 mais leur amitié véritable date de 1941, lors de la création du groupe d’intellectuels résistants « Socialisme et liberté ». A la Libération, ils DEUX ENVOIS À MERLEAU-PONTY fondent et dirigent ensemble Les Temps modernes. Leur relation change à partir des années 1950 : Sartre se rapproche du parti communiste tandis que Merleau- [Avec :] Les Chemins de la liberté II. Le Sursis. Paris, Gallimard, 1945. Edition originale. Ponty commence à s’en éloigner. En 1952, Sartre publie dans Les Temps modernes Exemplaire du Service de Presse. l’article intitulé Les communistes et la paix, sans prévenir quiconque à la revue. Il supprime au passage un texte que Merleau-Ponty avait rédigé pour chapeauter ENVOI : Aux deux Merleau-Ponty. Leur ami fidèle J. P. Sartre un article marxiste. C’est la rupture. Dès lors leur conception de l’engagement et des rapports entre politique et philosophie s’opposent. -- [Avec] Les Chemins de la liberté III. La Mort dans l’âme. Paris, Gallimard, 1949. Sixième édition. Papier fragile 2 000 €

264 265 [110] GIDE, André [111] CARPENTIER, Alejo Journal. 1939-1942 El Reino de este mundo Paris, Gallimard, 1946 Mexico, EDIAPSA, 1949

RÉUNION DES DEUX ENVOI DU GRAND éCRIVAIN GRANDS DIARISTES CUBAIN AU CRITIQUE RENÉ FRANÇAIS DU XXe SIÈCLE : MICHA ENVOI D’ANDRÉ GIDE à JULIEN GREEN ÉDITION ORIGINALE

ÉDITION ORIGINALE In-8 (200 x 133mm)

In-8 (184 x 119) ENVOI : Pour René Micha, ce récit du monde TIRAGE : exemplaire du service de magique des Antilles, très cordialement, Alejo presse Carpentier. La Havane - Janvier 1963 [dessin BROCHÉ. Non rogné d’une portée musicale]

ENVOI : BROCHÉ A Julien Green, PROVENANCE : Libreria Marti, La Havane Son ami, (cachet) André Gide Alejo Carpentier (1904-1980) est principalement connu en France pour son Julien Green (1900-1998) évoque dans son autobiographie, Jeunes années, une roman Le Siècle des Lumières (1962). Ses romans étudient les répercussions adolescence marquée par l’introspection et des désirs tourmentés : « je ne de la Révolution française aux Antilles, et, notamment, les premières années savais qui j’étais et passais à côté de moi-même tous les jours de ma vie sans de l’indépendance haïtienne. Le Royaume de ce monde, considéré comme me voir ». A quinze ans, il abjure le protestantisme dont il a hérité, comme son premier grand roman, décrit justement ce mouvement révolutionnaire André Gide, de sa mère, et se convertit au catholicisme : « Je commençais à haïtien. C’est dans le prologue de ce roman que Carpentier définit sa vision vivre ». du real maravilloso ou « réel merveilleux », que les critiques identifieront au réalisme magique propre à toute une veine de la littérature sud-américaine. Après la guerre, il part pour trois ans à l’Université de Virginie où il multiplie les relations amoureuses. Il commence alors la rédaction de son Journal sous Alejo Carpentier adressa cet exemplaire au critique littéraire et cinéphile René le titre On est si sérieux quand on a dix-neuf ans : « ce fut par le péché que je Micha, en 1963, soit la même année qu’il (Micha) publiait son étude intitulée retrouvai l’humanité ». De retour à Paris, Julien Green rencontre André Gide, « Alejo Carpentier : un homéride du Nouveau Monde », in L’Arc, n° 23. son aîné de trente ans : « Gide me fait penser à un Lucifer déguisé en touriste ». C’est rue Vaneau que les deux écrivains s’éteignirent, à un demi-siècle de RÉFÉRENCE : René Micha, « Alejo Carpentier : un homéride du Nouveau Monde », in L’Arc, distance. n° 23, Paris, 1963

3 000 € 3 200 €

266 267 [112] QUENEAU, Raymond Exercices de style Paris, NRF, 1947

UN DES TREIZE EXEMPLAIRES DE TÊTE. BROCHÉ, TEL QUE PARU. ÉTAT DE NEUF

ÉDITION ORIGINALE

In-8 (186 x 118mm) TIRAGE : exemplaire de tête numéroté II, un des treize imprimés sur vélin de Hollande van Gelder BROCHÉ, non rogné, en grande partie non coupé

Queneau raconte la même histoire de quatre-vingt dix neufs manières différentes : sous la forme de litotes, métaphores, temps de la narration, vers libres, discours interrogatifs etc. Ce livre, paru douze ans avant Zazie dans le métro, rendit son auteur immédiatement célèbre. Il ouvrit l’ère de l’Oulipo et des exercices formels entrepris par Pérec et d’autres.

12 000 €

268 269 [113] UNGARETTI, Giuseppe À partir du désert Paris, Editions du Seuil, 1965.

ENVOI DE GIUSEPPE UNGARETTI À MAURICE BLANCHOT

Première édition française. Édition originale de la traduction de Philippe Jacccottet

In-8 (204 x 139mm) TIRAGE : exemplaire du Service de Presse. Il n’existe pas de grands papiers

ENVOI (sur le faux-titre) : Pour Maurice Blanchot, avec l’admiration très vive de Giuseppe Ungaretti. Paris, le 23.3.1965

BROCHÉ, tel que paru

Ungaretti et Jaccottet s’étaient rencontrés en septembre 1946. Giuseppe Ungaretti parlait et écrivait parfaitement le français. Il pressentit immédiatement les qualités [114] MALLARMÉ, Stéphane du jeune homme de vingt-et-un ans qui devint son plus fidèle traducteur. Rome et Paris furent les deux villes où ces poètes se rencontrèrent aussi souvent que possible. Les Noces d’Hérodiade Quelques jours après la parution d’A partir du désert, dans une lettre de mars 1965, Paris, Gallimard, 1959. Ungaretti félicite Jaccottet : «votre travail est un travail admirable, inégalable. Ce livre a quelque valeur, parce que vous y avez mis votre langue splendide et votre lumière de BELLE RELIURE DE PIERRE-LUCIEN MARTIN. EXEMPLAIRE DE TÊTE. poète». Un mois, plus tard, lors d’un entretien confié à Pierre Descargues, il affirme : «Ce qu’a fait Philippe Jaccottet de ce livre, c’est une merveille. Je crois qu’il est meilleur ÉDITION ORIGINALE en français qu’en italien». In-8 (205 x 140mm) RÉFÉRENCE : Philippe Jaccottet-Ungaretti Correspondance 1946-1970 - Jaccottet traducteur TIRAGE : exemplaire numéroté 19, un des vingt-sept de tête sur vélin de hollande d’Ungaretti, Paris, Gallimard, 2008 RELIURE DE L’ÉPOQUE SIGNÉE DE PIERRE-LUCIEN MARTIN. Maroquin brun, plats recouverts de daim mosaïqué incrusté d’un décor géométrique de couleur crème, dos long, 2 000 € tranche supérieure dorée sur témoins, couverture et dos conservés. Chemise, étui

270 271 Le projet d’Hérodiade hanta Mallarmé pendant près de trente-cinq ans. Cette œuvre commencée dans sa jeunesse devint le chef d’œuvre rêvé qu’il modifia, actualisa et ajourna sans cesse. Hérodiade est l’œuvre en cours, toujours en train de se réaliser. Seule la Scène dialoguée parut du vivant de Mallarmé (dans le Parnasse contemporain, en 1869) et au moment de rédiger, pour sa femme et sa fille, son testament littéraire, il espérait encore achever ce poème. Le critique australien Gardner Davies rappelle la découverte du manuscrit d’Hérodiade :

« Aussi, ne pouvons-nous pas oublier l’émotion que nous avons ressentie, il y a une dizaine d’années [soit vers 1950], en voyant pour la première fois, chez notre regretté ami, le poète Henry Charpentier, cette centaine de pages et de fiches, couvertes d’alexandrins, de notes ou de simples rimes, qui représentent tant de jours et de nuits de l’existence de Mallarmé. Notre première idée, par scrupule envers les spécialistes, avait été de faire reproduire tous ces manuscrits en fac-similé, sans commentaire. A la réflexion, il nous a semblé qu’ils devaient intéresser un public plus large et qu’il convenait de les publier déchiffrés, classés et accompagnés de quelques commentaires destinés à donner au lecteur, dans les limites de l’objectivité, une notion d’ensemble des Noces d’Hérodiade ». (p. 10)

4 000 €

[115] BARTHES, Roland S/Z Paris, Le Seuil, 1970

ENVOI DE ROLAND BARTHES À FRANCIS PONGE

ÉDITION ORIGINALE

In-8 (205 x 140mm) TIRAGE : exemplaire du tirage courant non encore sacralisées par une tradition esthétique. C’est aussi leur commun ILLUSTRATION : reproduction photographique d’un tableau de Girodet placée en frontispice « sentiment de répugnance à l’égard d’une langue qui s’encrasse de clichés BROCHÉ et s’abêtit en stéréotypes ». Ponge représente la conversion poétique du dictionnaire, ce que note Roland Barthes : ENVOI : « Chaque mot est comme un vaisseau : il semble d’abord clos sur lui-même, A Francis Ponge, bien enserré dans la rigueur de son armature, mais il devient facilement un en lui disant départ, il s’évade vers d’autres mots, d’autres images, d’autres désirs » (préface du combien je l’aime et l’admire dictionnaire Hachette de 1980). R. Barthes RÉFÉRENCES : Jacqueline Guittard, « Roland Barthes et les objets bavards », in Objet : Ponge Roland Barthes a probablement découvert Francis Ponge avec Situations de (augmenté du Manuscrit de « L’Âne »), L’Improviste, 2004 -- Gérard Farasse, Paraphrases pour Sartre (1947). Le Parti pris des choses avait été publié trois ans auparavant, Ponge, thèse soutenue à l’Université de Paris VIII, 1977, sous la direction de Roland Barthes et Ponge était encore quasi-inconnu. Ce qui unit Barthes à Ponge, selon J. Guittard, est leur commune attention à ces choses du monde contemporain, 3 000 €

272 273 [116] BERTINI, Gianni, et Jean-Clarence Lambert Les Folies françaises d’après « ELLE » Paris, 1964-1966.

EXEMPLAIRE N°1 COMPRENANT LES MOULAGES ORIGINAUX AYANT SERVI AUX EMPREINTES, AINSI QUE LE TEXTE MANUSCRIT AUTOGRAPHE COMPLET. RELIURE DE MERCHER. LE PLUS BEL EXEMPLAIRE EXISTANT DU LIVRE CULTE DES ANNÉES 60 EN France

exemplaire parisel, pierre berès et julio santo domingo

ÉDITION ORIGINALE

In-folio (477 x 395mm) ILLUSTRATION : 20 empreintes en couleurs avec collages, pochoir et éléments mobiles de Gianni Bertini, dont 5 plastifiées sous vinyle de couleurs, texte au pochoir de couleurs. TIRAGE unique à 8 exemplaires tirés à la main. Celui-ci numéroté 1, signé et numéroté par l’auteur et l’illustrateur

ILLUSTRATION ORIGINALE AJOUTÉE : une épreuve et deux états de la même empreinte au pochoir, signés par Bertini ; une empreinte imprimée en rouge sur double page, signée par Bertini, 10 moulages et collages ayant servi à l’impression des empreintes, peints en couleurs à la gouaches, dont 6 signés par Bertini PIÈCE JOINTE : 4 pages manuscrites autographes au feutre noir signées de Jean-Clarence Lambert

RELIURE-OBJET SIGNÉE PAR BERTINI ET MERCHER, et datée 1972. Maroquin vert, plats entièrement recouverts de moulages de plastique transparents peints en réserve par Bertini, système d’éclairage dans le premier plat, fil et adaptateur électriques, dos long, gardes de daim, couvertures plastifiées et dos conservées. Boite PROVENANCE : (20 octobre 1990, n° 180) vente Parisel, -- Librairie Pierre Berès, cat. reliures, n°189 - Julio Santo Domingo

Gianni Bertini après s’être rapproché de Pierre Restany et des « Nouveaux Réalistes » dans les années 50, devient l’un des fondateurs du « Mec- Art » (Mechanical-Art), en 1965, très proche du « Pop Art » américain, en détournant les symboles du système captaliste et de consommation de masse ; ici, des photographies de mode de la revue Elle. La critique sociale est alors liée à un projet artistique : Baudelaire transformait la boue en or. Ici l’unique doit naître du commun, l’exceptionnel, du banal.

RÉFÉRENCES : Guido Ballo, Gianni Bertini, Grande Opera monografiche, Milan, 1971, p. 199 -- Catalogue Pierre Berès, Livres rares, six siècles de reliures, n°189

38 000 €

274 275 276 277 [117] HOUELLEBECQ, Michel La Possibilité d’une Ile Paris, Fayard, 2005.

RELIURE PHOTOGRAPHIQUE DE JEAN DE GONET, PRESENTÉE LORS DE L’EXPOSITION « JEAN DE GONET, RELIEUR » À LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE (n° 133). EXEMPLAIRE SUR GRAND PAPIER DU QUATRIÈME ROMAN DE HOUELLEBECQ

ÉDITION ORIGINALE

In-8 (213 x 134mm) TIRAGE unique à 179 exemplaires sur papier Ingres d’Arches. Celui-ci, hors-commerce numéroté LXII

RELIURE PHOTOGRAPHIQUE SIGNÉE JEAN DE GONET. « Plats rigides en médium peint en noir, image numérique de nébuleuses photographiées en couleurs. Barrette d’inox aux angles, pièces d’attache semi-circulaires en veau noir, gaufré vermiculé, et rivetées d’inox. Couture sur deux lanières de veau gris métallisé, gaufré « petits carrés », dos de veau gris métallisé, gaufré vermiculé, doublures de nubuck bleu sombre, gardes de papier noir ».

Au cours du XXIe siècle, une secte promettant l’immortalité à ses membres a fini par supplanter les religions traditionnelles. Face à une société qui refuse de vieillir, de souffrir, sans Dieu, en proie au nihilisme, les adeptes ont besoin d’espérance. Et chacun d’entre eux, avant son suicide volontaire lorsqu’il se sent devenir vieux, livre un échantillon d’ADN et son « récit de vie » afin d’être cloné, un jour, en néo-humain. Le livre s’achève sur cette impossibilité d’une île : « Le bonheur n’était pas un horizon possible ». L’album Préliminaires (2009) d’Iggy Pop est inspiré par ce roman.

EXPOSITION : Jean de Gonet, relieur, Paris, Bibliothèque nationale de France, 2013, n° 133

12 000 €

278 279 INDEX

ANDROUET DU CERCEAU 10 GOLBERRY, S. M. X. 54 ORLOFF, Grégoire, comte 63 Arrest de la Cour de Parlement 33 GRÉBAN, Arnoul et Simon 5 PEGUY, Charles 85 AUGUSTIN, Saint 1 HEGEL, G. W. F. 57 PESSOA, Fernando 95 BAKER, Ezechiel 64 HOBBES, Thomas 18 PICASSO, Pablo 107 BALZAC, Honoré de 69, 70 HÖLDERLIN, Friedrich 65 PILLEMENT, Jean 45 BARBEY D’AUREVILLY, Jules 78 HOOK, Théodore 62 PLINE 2 BARTHES, Roland 115 HOUELLEBECQ, Michel 117 PORTO-RICHE, Georges de 86 BAUDELAIRE, Charles 73, 75 HOWELL, Thomas 50 POULENC, Francis 106 BERTINI, Gianni 116 JADIN, Emmanuel et Godefroy 89 PRATSCH, Iwan 56 BLONDEL, François 25 JARRY, Alfred 87 PROUST, Marcel 84, 94 BLONDEL, Jacques-François 40 JOUBERT, Joseph 72 PYBRAC, sieurs de 20 BONAPARTE, Lucien 67 KROPOTKINE, Prince Pierre 92 QUENEAU, Raymond 112 BOSSUET, Jacques Bénigne 21, LA FONTAINE, Jean de 42 RENNELL, James 51 22, 26 et 27 LA ROCHEFOUCAULD, REUILLY, baron de 58 BRAHÉ, Tycho 17 François de 23 ROUSSEAU, Jean-Jacques 43 BRETON, André 102 LABILLARDIERE 52 SAINT-AMANT 16 BUFFON 46 LARBAUD, Valery 96, 101 SARTRE, Jean-Paul 109 CARPENTIER, Alejo 111 LE BRUN, Charles 36 SCOTT, Walter 59 CASTIGLIONE, Baldassare 11 LEEWEN, Simon van 24 SERRES, Olivier de 15 [Chasse] 39 LEONE, Ambrogio 3 TAYLOR, John 48 CHERVILLE, marquis de 79 MALHERBE, François de 14 THOMAS, Antoine 30 CLAUDEL, Paul 84, 93 MALLARME, Stéphane 83, 114 TOLSTOÏ, comte Léon 81 COCTEAU, Jean 97, 99 MALVASIA, Carlo Cesare 29 TORY, Geoffroy 4 CONTANT, Paul 13 MARIA FEODOROVNA, TOURNON, comte de 68 COXE, William 49 Sophie-Dorothée 53 TURPIN, Pierre-Jean-François 61 COYPEL, Antoine 34 MARILLIER, Clément-Pierre 44 UNGARETTI, Giuseppe 113 DEMIDOFF, Anatole 74 MARIUS MICHEL 90 National-Museum zu Pesth 60 DREYFUS, Robert 98 MAROLLES, Michel de 19 VALÉRY, Paul 104 DU BELLAY, Joachim 8 MODIGLIANI, Amedeo 91 VALMY, duc de, 80 DURANTI de Lironcourt 47 MONTAIGNE, Michel de 12 VASARI, Giorgio 9 Eluard, Paul 102 MONTESQUIEU, baron de 41 VERCORS 108 ERNST, Max 103 MONTFAUCON, VIC, Claude de 38 FÉNELON, François 31, 32 Dom Bernard de 35 VIGNY, Alfred de 66 FERRAND, Présidente 28 MONVILLE, abbé de 37 VILLEGAGNON 6 GAUTIER, Théophile 76, 77 Officio de la Gloriosa YOURCENAR, Marguerite 100 GIDE, André 88, 110 Vergine Maria 7 ZWEIG, Stefan 105 GOETHE, J. W. von 71 ORLÉANS, Charles d’ 55