Jean-Philippe Billarant président du conseil d’administration Laurent Bayle directeur général Si le jazz s’aventure si souvent aux confins d’un imaginaire irrésolu, c’est que samedi cinéma + musique des dialectiques comme celle qui articule les rapports entre la composition ins- 2 février - 16h30 tantanée et l’improvisation nourrissent les artistes les plus frondeurs et les invitent dimanche à l’accident, à l’émotion et au doute fécond. 3 février - 15h La Coquille et le Clergyman Parmi eux, le percusionniste Youval Micenmacher recherche une improvisation tou- amphithéâtre du musée film réalisé par Germaine Dulac ; France, 1927, jours plus créatrice et vous invite à redécouvrir – au fil de compositions originales 40 minutes, noir et blanc ; scénario d’Antonin qu’il interprète en direct avec le Doumka Clarinet Ensemble – deux chefs-d’œuvre Artaud ; opérateur : Paul Parguel ; avec Alex Alin, de Germaine Dulac (1882-1942), la plus « musicienne » des cinéastes de l’entre- Genica et Athanasiou. deux-guerres : La Coquille et le Clergyman (d’après un scénario d’Antonin Artaud) et L’Invitation au voyage (d’après le poème de Baudelaire). Ancien directeur de l’Orchestre national de jazz, Antoine Hervé a suivi, depuis pause vingt ans, un sentier buissonnier bordé du jazz le plus swingant et de musiques contemporaines les plus abstraites. C’est un « rêve absolu » qu’il partage avec le trompettiste Markus Stockhausen – le fils du compositeur –, L’Invitation au voyage auquel ils tentent de donner une nouvelle réalité, avec la complicité d’un ensemble film réalisé par Germaine Dulac ; France, 1927, composé de cordes « classiques » et « jazz ». 33 minutes, noir et blanc ; scénario de Germaine Dernière étape de ce week-end : la performance de la contrebassiste Joëlle Dulac ; opérateur : Paul Guichard ; avec Emma Gynt (la Léandre, d’abord en duo (avec le tromboniste George Lewis), puis en octet avec femme), Raymond Dubreuil (le marin), Robert Mirfeuil (le sept amis musiciens – une formation discrètement dédié à Érik Satie, ce pro- fêtard), Paul Lorbert (le matelot), Tania Daleyme (la fille). phète désabusé qui écrivait, tout en essayant de jouer les œuvres de Jelly Roll Morton en 1916 : « Le jazz nous raconte sa douleur... et on s’en fout ! C’est pourquoi il est beau, réel. »

Youval Micenmacher, compositions originales

Doumka Clarinet Ensemble : Youval Micenmacher, tambours orientaux, batterie préparée, voix, clarinettes, bande magnétique Hervé Bouchardy, petite clarinette, clarinette, cor de basset Franck René, Alexis Ciesla, clarinettes, clarinette basse

durée du spectacle : 1 heure 15 (avec une pause de 10 minutes) jazz et musiques nouvelles jazz et musiques nouvelles

Germaine Dulac Quand la tragédie guerrière de 1914 emmène les ments contrariés dans une mesure de un à huit. Il hommes loin de leurs activités habituelles, un besoin de existe deux sortes de rythme. Le rythme de l’image, main d’œuvre général permet aux femmes d’occuper et le rythme des images, c’est-à-dire qu’un geste doit de nouveaux territoires. C’est pendant cette période avoir une longueur correspondant à la valeur harmo- que Germaine Dulac, entraînée par une amie sur un nique de l’expression et dépendant du rythme qui tournage dans les studios de cinéma de Rome, précède ou qui suit : rythme dans l’image. Puis rythme découvre sa passion pour cette nouvelle forme d’ex- des images : accord de plusieurs harmonies. Je puis pression. Le cinéma a pourtant longtemps été consi- dire que pas une image du Clergyman n’a été livrée au déré comme un divertissement mineur, bon pour les hasard. » publics de fête foraine ; mais elle le prend au sérieux. « Par l’image seulement, je peux exprimer toute ma L’Invitation au voyage Une jeune femme riche, déçue par la vie, échoue, un pensée », explique-t-elle, avant d’ajouter : « Si l’ex- soir de spleen, dans un bar de nuit où elle rencontre pression d’un interprète vaut évidemment en soi, elle un officier de marine qui lui parle de ses voyages. La ne peut atteindre sa complète intensité que par un jeune femme, emportée par l’imagination, croit que jeu d’images complémentaires venant en réaction. c’est une invite et qu’elle va voguer à son tour vers le Lumière, pose d’appareil, importance du montage lointain pays du bonheur. Hélas ! L’officier, qui s’est m’apparaissent comme des éléments plus capitaux aperçu que sa compagne est mariée et qui ne veut que le travail d’une scène uniquement jouée selon pas la détourner de ses devoirs, s’éloigne pour dan- les lois dramatiques. » ser avec une autre fille. En 1922, Germaine Dulac avait déjà ce projet de mise La Coquille Un clergyman amoureux d’une beauté romantique en images du poème de Baudelaire ainsi que d’autres et le Clergyman triomphe de son rival mais ne parvient pas à domi- qu’elle n’a pas réalisés : Le Lac de Lamartine et le ner ses complexes... Le 9 février 1928, au studio des Cachet rouge de Vigny. Ursulines, fut présenté pour la première fois La Coquille Peu de moyens pour le tournage, et un studio minus- et le Clergyman, un film réalisé par Germaine Dulac cule où la caméra ne pouvait pas reculer pour cadrer (1882-1942) d’après un scénario d’Antonin Artaud en plan d’ensemble. Le décor apparaît donc princi- (1896-1948). Cette présentation provoqua un cha- palement en plans moyens ou en plans américains, le hut mémorable, les partisans d’Artaud manifestant tout dans une surprenante improvisation – comme contre le manque de compréhension « surréaliste » lorsqu’un journaliste, arrivant sur le tournage, fut de la cinéaste, et les spectateurs moins avertis, contre immédiatement recruté comme figurant. D’où cer- le manque de compréhension tout court ! taines scènes très artificielles et la répétition de certains «Tout mon effort, déclarait Germaine Dulac, a été de plans, identiques au photogramme près. rechercher dans l’action du scénario d’Antonin Artaud, les points harmoniques, et les relier entre eux par des rythmes étudiés et composés. Tel par exemple, le début du film où chaque expression (...) du clergy- man est mesurée selon le rythme des verres qui se bri- sent. Telle aussi la série des portes qui s’ouvrent et se referment, et aussi le nombre des images ordonnant le sens de ces portes qui se confondent en batte-

4| cité de la musique notes de programme | 5 jazz et musiques nouvelles la création musicale Ces deux films sont radicalement différents de ce qu’on samedi de Youval a l’habitude de voir concernant le cinéma des années 2 février - 20h Antoine Hervé Micenmacher 1920-1930. Ils ne se classent pas dans les films d’aven- salle des concerts Sous les lofts de Paris durée : 17 minutes ture historique ou policière, comique ou psychologique. Quai de la gare durée : 11 minutes Ici, la relation film/musique n’a rien de « naturel ». La seule musique gravée sur la pellicule est le silence. (transcriptions de pièces créées par le big band d’Antoine Parfois, on a envie de le laisser revenir. Me concernant, Hervé et reprises par l’Orchestre national de Jazz en 1987- il s’agit de développer l’aspect émotif, lyrique et parfois 89 pour ensemble de dix-sept cordes et quintet de jazz) contemplatif dans la manière de penser et de jouer les percussions. Je dis cela car, souvent, c’est le caractère guerrier, incantatoire ou festif qui domine pour ces ins- entracte truments. De fait, cette confrontation est comme un défi. Aller vers ce qui rejoint l’élément le plus manifeste de ces œuvres : le contenu poétique. Y aller pour ne Antoine Hervé plus le lâcher. À nouveau l’envie d’un élan, d’une Absolute Dream (création, commande de la cité de dépense. La musique, c’est aussi cela : des gestes. la musique) Dans La Coquille et le Clergyman, c’est le désir d’écri- Absolute Dream, part 1 – concerto pour piano, trompette ture automatique qui apparaît, mélange constant et ensemble à cordes d’onirisme et de violence. L’inconscient projeté sur Absolute Dream, part 2, « Blues for Markus » – pour quin- pellicule aurait-il un pouvoir hypnotique sur le spec- tet de jazz et ensemble à cordes tateur ? Je ressens la recherche du « langage nou- durée : 20 minutes veau » où seule l’image parle et compte. Pour moi, ce sont des ruptures infimes et pourtant multiples à Markus Stockhausen l’intérieur d’une même énergie, d’une même utopie. Glow J’entends des voix par moment. durée : 8 minutes A contrario, dans L’Invitation au voyage, je suis touché par le plaisir de divagation, le rêve éveillé, l’état amou- Antoine Hervé reux, le voyage, cet ailleurs inaccessible. On est frappé Pulse par la lenteur, la beauté des regards, la présence des durée : 8 minutes musiciens... Ironie du sort, on ne les entend pas. Le réel ne vaut que dans l’imaginaire des protagonistes. Ainsi le violoniste peut-il faire entendre à cette femme Antoine Hervé Quintet : esseulée la profondeur d’un tambour africain… Antoine Hervé, direction, piano Mon choix musical portera sur la matière et la texture Markus Stockhausen, trompette des timbres et des couleurs. Manière de ralenti, de Louis Moutin, batterie grossissement des timbres de peaux, où l’exotisme Arnaud Franck, percussions des tambours orientaux est comme passé au crible Linley Marthe, basse électrique des effets cinématographiques de l’époque. Ensemble à cordes

Youval Micenmacher

6| cité de la musique durée du concert : 1 heure 15 jazz et musiques nouvelles jazz et musiques nouvelles

Antoine Hervé Le programme de ce soir se divise en deux parties. cordes du piano. Je développe en effet, depuis Absolute Dream La première sera, pour Antoine Hervé, l’occasion de quelques années, un jeu en direct « dans les proposer une transcription toute neuve de deux cordes », sans aucune préparation préalable du pièces créées par le big band qu’il anima avec un piano. Je n’utilise aucun moyen fixe parce que je étincelant brio juvénile au début des années quatre- veux être libre de jouer en son naturel. Je ne joue vingt et reprises par l’Orchestre national de Jazz que d’une petite baguette de percussion dont je tire qu’il dirigea de 1987 à 1989. des sons très inhabituels. À travers ce timbre très La seconde sera consacrée à la création de spécial – mais aussi grâce aux effets électroniques Absolute Dream, un concerto pour piano, trompet- de la trompette de Markus Stockhausen –, je peux te et ensemble à cordes, sans section rythmique, ”entrer en contrepoint” avec le timbre des cordes suivi, dans sa seconde partie, d’une tentative de dans les modes de jeu contemporain, et ainsi sus- dialogue, ou plutôt de « trilogue » entre un quintette citer une espèce de dialogue tantôt en opposition, de jazz, un ensemble de neuf cordes « classiques » tantôt en imitation. Pour moi, une des grandes inno- et un ensemble de huit cordes « jazz ». vations du moment est le timbre. Jusqu’ici, on a « En ouverture du concert, explique Antoine Hervé, beaucoup exploré, exploité l’harmonie, le rythme, la j’ai souhaité revisiter deux compositions anciennes pulsation. Le timbre reste, en revanche, quelque que j’aime bien : Sous les lofts de Paris et Quai de la chose de très actuel et nouveau. Le rôle de Markus Gare. J’ai voulu repenser pour cordes et quintet de consiste à jouer aussi sur le timbre. Il est très com- jazz ces deux pièces écrites à l’origine pour cuivres pétent sur tout ce qui est quarts de ton sur le bugle. et percussions. J’ai ainsi pris plaisir à éclairer Sous Il sait comme personne utiliser l’électronique avec les lofts de manière totalement renouvelée. Il y a des un delay, une ”réverbe” et un harmonizer. Il est le sentiments et des émotions que j’ai voulu exprimer troisième élément timbral qui vient s’ajouter dans un dans cette œuvre de jeunesse, qui vont forcément échange contrapuntique à ceux du piano et des se révéler tout autrement à travers les cordes. Quant cordes. à Quai de la gare, c’est un morceau plutôt virtuose Pour la seconde partie d’Absolute Dream, j’ai choi- avec un fugato central et un traitement à la fin du si de séparer l’orchestre de cordes en deux thème en stretto sur un tempo doublé très africain. ensembles : le premier groupe est constitué de neuf Du début à la fin, je traite d’une manière fuguée le violonistes ”classiques” qui joueront une musique même thème chromatique descendant autour d’une spécialement écrite pour eux. Le second est com- cellule dont les intervalles augmentent petit à petit. posé de huit violonistes issus du jazz qui auront à Ce morceau applique un peu au big band certains puiser dans un ”réservoir d’improvisation” qui leur procédés de la fugue. Je cherche toujours à jeter sera propre. Quant au quintet de jazz, il aura pour des passerelles entre les musiques que l’on dit diffé- mission de travailler, en direct, sur l’intuitif. » rentes. Pour moi, il n’y a qu’une musique. J’ai trop voyagé pour savoir qu’elles ont toutes, entre elles, Antoine Hervé des ponts, des points communs évidents. propos recueillis par Pascal Anquetil Absolute Dream se veut, dans sa première partie, un concerto pour orchestre à cordes, trompette et piano qui dure une douzaine de minutes. Pour ma part, je vais travailler essentiellement dans les

8| cité de la musique notes de programme | 9 jazz et musiques nouvelles dimanche Joëlle Léandre ou Depuis son Premier prix de contrebasse au 3 février - 16h30 Improvisations en duo l’aventure de la Conservatoire de Paris en 1971, huit années passées salle des concerts durée : 50 minutes contemporanéité à l’ensemble Itinéraire puis à l’Intercontemporain, Joëlle Léandre n’a eu de cesse d’émanciper un instrument Joëlle Léandre, contrebasse « bâtard », méprisé dans la hiérarchie des pupitres. George Lewis, trombone Femme d’action et de colère, inlassable défricheuse de sons, amoureuse de la rencontre de l’autre, défen- dant radicalement la musique vivante « contre la nécro- philie de la musique classique », elle a fait de entracte l’improvisation son pain quotidien. Cherchant de nou- veaux modes de jeux à l’archet comme en pizz., tant du côté des compositeurs contemporains que du jazz qui l’a adoptée – et dont elle a retenu « une attitude, un Joëlle Léandre cri, une vision du monde ». Privilégiant l’intimité des Octet Satiemental Journeys petits ensembles, Joëlle Léandre se définit comme durée : 50 minutes une « chambriste », multipliant les duos avec Carlos Zingaro, Lauren Newton, Eric Watson, ou aujourd’hui Joëlle Léandre, contrebasse George Lewis. Ce tromboniste virtuose, figure émi- Mary Oliver, violon nente de l’Association for the Advancement of Creative Cécile Daroux, flûte Musicians de Chicago, est lui aussi un passeur entre Melvyn Poore, tuba jazz et musique contemporaine (développant très tôt Guy Bettini, trompette des recherches en informatique musicale, notamment François Houle, clarinette à l’Ircam). Une question de fidélité avec celui qu’elle Michael Berger, piano rencontra au début des années quatre-vingt, retrouva Hannes Clauss, percussion, batterie ensuite plusieurs fois sur scène et sur disque dans différentes formations. Un duo de haut vol, pour une performance improvisée sans apprêts où seuls comp- tent le don de soi, l’échappée belle.

Joëlle Léandre Interprète, improvisatrice ou compositrice, Joëlle Octet Satiemental Léandre milite depuis toujours pour le nomadisme et Journeys la transversalité, l’ouverture des langages musicaux. Si John Cage et Giacinto Scelsi lui ont dédié des œuvres, si Anthony Braxton l’invitée à partager ses nouvelles formes de compositions, elle se considère avant tout comme contrebassiste, indifférente aux esthétiques et aux modes, préférant les rencontres sans hiérarchie. L’Octet Satiemental Journeys, créé en 1998, est un événement pour celle qui se refuse au rôle de leader, se voyant davantage comme « prota-

durée du concert : 2 heures notes de programme | 11 jazz et musiques nouvelles jazz et musiques nouvelles

goniste d’idées, de rassemblements ». Un orchestre biographies l’occasion du bicentenaire Doumka Clarinet dédié à Erik Satie, mais sans aucune citation de ses de la Révolution française Ensemble œuvres, inspiré par ses écrits et sa musique, les avec les solistes de Hervé Bouchardy, Alexis voyages et la personnalité de ce compositeur reconnu Youval Micenmacher l’Ensemble Ciesla et Franck René par l’intelligentsia et provocateur dans l’esprit de Dada. Dès l’âge de douze ans, il Intercontemporain), l’opéra sont trois clarinettistes Un empêcheur de tourner en rond... pas si éloigné pratique le dot (derbouka électroacoustique Jumelles lyonnais ayant étudié suc- de la personnalité de la contrebassiste. Joëlle Léandre jouée horizontalement) (à la Grande Halle de la cessivement au a conçu cet octet comme un « ensemble de dans les musiques tradi- Villette), Mister Cendron Conservatoire national de chambre », avec plusieurs types d’écritures, notam- tionnelles des (opéra-jazz de Gérard région de Lyon, puis au ment modale et graphique, des formes ouvertes sur communautés juives et Marais et Michel Rostain, Conservatoire supérieur la « polyrythmicité » et l’improvisation. Proche en cela israéliennes (il séjourne en 1993), Black Ballad (spec- de musique de Genève. d’un autre contrebassiste et compositeur, Barry Guy, Israël à plusieurs reprises tacle de Franck Cassenti, Titulaires de divers prix dont elle admire la mise en jeu orchestrale, à la fois entre 1967 et 1975). En 1991), Échange (spectacle instrumentaux, profes- érudite et ludique. Une distribution internationale à 1996, il est « artiste en musical de Youval seurs en région lyonnaise, ses côtés, avec des personnalités rencontrées dans résidence » à l’Institut fran- Micenmacher, 1992) et Ma ils créent le Doumka ses voyages et qui, comme elle, cultivent l’éclectisme. çais de Marrakech, où il nuit chez Lucy (spectacle Clarinet Ensemble en « Mon rêve serait de briser tous ces tiroirs qui ran- rencontre plusieurs de Michel Arbatz). En tant 1996. Fortement influen- gent les musiciens dans un genre ou un autre, et qu’à groupes musicaux. C’est que programmateur artis- cés par les musiques travers l’écriture ou l’improvisation, ne comptent plus de ses différents séjours tique, il est également le traditionnelles juives (klez- que l’individu, sa pensée et sa création. » en Orient que lui vient son concepteur de Traversée mer) et d’Europe goût pour la musique, la des musiques juives (Paris orientale, ils enregistrent Thierry Lepin scène, la danse et le spec- Quartier d’Été, 1996) et de rapidement leur premier tacle. Voici les planètes de La Nuit de l’Orient-Proche disque compact. C’est en Youval, chacune avec ses (Fontenay-sous-Bois, 1998 qu’ils croisent la champs magnétiques, ses 1999). Il est par ailleurs co- route de Youval chants poétiques, ses fondateur du groupe de Micenmacher, percus- conversations en solo, ses jazz contemporain sionniste aux talents utopies du spectacle musi- Arcane V. Il est enfin l’au- multiples. Heureuse ren- cal... sans oublier le jazz. teur de plusieurs musiques contre qui, par les De ces rencontres sont de film : Quo Vadis (film rapports différents mais nés plusieurs spectacles muet de 1913, projeté au complémentaires de cha- musicaux : La Baraque festival d’Avignon en cun, conduit à rouge (opéra-jazz de 1985), La Coquille et le l’enregistrement de Café Gérard Marais donné au Clergyman (film muet de Rembrandt, reflet d’un festival de Radio France et Germaine Dulac de 1927) mélange d’influences tra- de Montpellier), Psyché de et La Petite Marchande ditionnelles, de klezmer, Lully (à Aix-en-Provence, d’alumettes (film de Jean de jazz et de composi- sous la direction de Jean- Renoir, 1928). tions originales. Claude Malgoire), Opéra-Goude (à Paris, à

12 | cité de la musique notes de programme | 13 jazz et musiques nouvelles jazz et musiques nouvelles

Antoine Hervé Decouflé et le Groupe de Dee Dee Bridgewater, Markus Stockhausen trompette spécialement (basse), N’guyen Lê (gui- commence l’étude du recherche chorégraphique Peter Erskine, Randy est né à Cologne en pour lui – Sirius (1975-76), tare) et Antoine Hervé piano à l’âge de huit ans, de l’Opéra de Paris dans Brecker, Carla Bley et 1957. Trompettiste et Aries (1977), Donnerstag (piano). Ses fréquentes puis reçoit une formation Tutti (1988), Bianca Li Toots Thielmans. Il impose compositeur, fils de aus Licht (1978-81) – et lui participations à plusieurs classique au dans Macadam Macadam au piano une présence, Karlheinz Stockhausen, il écrit des parties solistes festivals et concerts Conservatoire de Paris (1998), Laura Scozzi un lyrisme, une sonorité joue dès l’âge de quatre dans Examination, (notamment pour le (1975-1984). Très vite dans À chacun son ser- brillante et énergique tra- ans dans la pièce de son Michaels Reise um die Goethe Institut) l’ont mené passionné par le jazz, il pent (1999) – mais aussi versée par des rythmes père Originals. Très tôt, il Derde, Drachenkampf, dans le monde entier. En est séduit par la nou- avec des cinéastes endiablés. Puis, par son explore les différents Vision, Samstag aus Licht, tant que trompettiste, son veauté, l’émotion, la comme Éric Rochant pour jeu direct dans les cordes aspects de la trompette, (Oberlippentanz) et principal centre d’intérêt liberté de jeu et l’invention Un monde sans pitié. Il fait du piano et l’utilisation jouant dans les mariages Dienstag aus Licht est la musique contempo- rythmique que cette appel au metteur en très particulière de sa et les enterrements, puis (Invasion, Pietà). Il se pro- raine et l’improvisation, musique permet d’expri- scène Laurent Pelly pour voix, il nous invite à un en constituant son pre- duit à la Scala de Milan aussi bien que la musique mer. Il développe un jeu son spectacle Mozart la voyage, un rêve où le mier groupe : Osiris. Il est dans Licht (1981-84), à intuitive qui transcende, à pianistique fondé sur un nuit créé à Suresnes et à piano se fait orchestre. On diplômé de la Covent Garden (1985) – son avis, tous les autres toucher à la fois percutant Sceaux en 1997. Il colla- plonge alors dans des Musikhochschule de où il est nominé pour le styles de musique. En tant et sensuel. « Un style bore avec le Festival univers inouïs et mysté- Cologne où il étudie, dès Prix Lawrence-Oliver – et que compositeur, en tendre, drôle, sincère et inter-celtique de Lorient rieux. Cette singularité, cet 1974, tout d’abord le à l’Opéra de Leipzig (en étroite collaboration avec chaleureux : on s’y sent pour une création intitulée éclectisme ont fait dire à piano avec K. Oldemeyer, 1993). En plus de ses son frère Simon, il a écrit bien » (La Voix du Nord). Les Caprices de Morgane : « Chaque puis la trompette clas- activités de soliste, il a plusieurs « partitions » En tant que compositeur, (1997-98). Il se produit geste musical d’Antoine sique et jazz avec R. Platt joué et formé de nom- pour le cinéma et le de nombreux ensembles habituellement en solo, en Hervé affirme et prouve ce et M. Schoff. Il poursuit breuses et différentes théâtre, et a créé deux de jazz ou contemporains duo (avec Didier qu’il est : un grand pia- ses études avec formations de jazz : le spectacles en plein air lui passent commande : Lockwood), en trio, en niste, un grand P. Thibaud, C. Caruso, quintette Key (1974-79), le pour le cinquième et le l’Ensemble quintette (avec Markus compositeur, un véritable T. Stevens et C. Groth. Il Rainer Brüninghaus dixième anniversaire de la Intercontemporain (pour Stockhausen et Michel grand musicien d’aujour- fait ses débuts en jazz en Group (1980-84), Kairos Salle de la Philharmonie une pièce en hommage à Portal), ainsi qu’avec son d’hui » ; ou encore à 1974 avec le groupe Key (1985-90), Aparis (1989- de Cologne. Depuis 1992, Franck Zappa intitulée big band. Il invite parfois André Francis : « Avant de au New Corner Jazz 96) et Possible Words il est en contrat avec Emi Transit, interprétée sous la des groupes locaux (har- s’apercevoir que la Festival à Francfort, puis (1995). Il joue en duo avec classic qui a produit plu- direction de David monies, chorales, musique d’Antoine Hervé en 1976, dans le réper- de nombreux partenaires : sieurs de ses disques Roberston en décembre percussions, cornemuses) est intelligente, on est toire contemporain, dans Jasper Van’t Hof (claviers), (New Colours of Piccolo 1994 à Paris au Théâtre à se joindre à son groupe. conquis parce qu’elle est la pièce de son père Sirius Gary Peacock (basse), Trumpet, Clown Jubilee). du Châtelet), Eutépé Il intitule alors son spec- heureuse et communica- au Washington l’organiste Margareta Depuis 1987, Markus (l’Ensemble de trompettes tacle Le Tour du monde tive » ; et enfin à Francis Bicentennial. En 1981, il Hürholz (1991), le pianiste Stockhausen donne régu- de Paris), Cassiopée, en 88 notes. Directeur Marmande, dans Le est le lauréat du Concours Fabrizio Ottaviucci (1987) lièrement des Alternance et le Quatuor à remarqué de l’Orchestre Monde : « Il a en lui la de musique allemande. et sa sœur Majella (piano). master-classes et cordes IXI. Homme de national de jazz de 1987 à rigueur, l’intelligence, le Dès 1974, Markus colla- D’autres collaborations lui enseigne, depuis 1996, à spectacle, il collabore 1989, il a joué et enregis- choix juste qui s’enten- bore activement au travail permettent de jouer avec la Musikhochschule de avec de nombreux choré- tré avec, entre autres, dent chez les maîtres. » de son père. Celui-ci écrit l’actrice Hanna Schygulla Cologne. graphes – Philippe Quincy Jones, Gil Evans, plusieurs partitions de ainsi qu’avec Enrique Diaz Louis Moutin

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Né en 1961, il se sensibi- niste, il étudie à mun, la justesse et la mise Joëlle Léandre Newton, Fred Frith, Peter gistré à Paris par Noël lise très vite à la musique, l’American Center en en place rythmique de Contrebassiste, improvi- Kowald, Urs Leimgruber Akchoté pour Rectangle et particulièrement au jazz 1976. Il séjourne en son jeu de basse en font satrice et compositrice et John Zorn. Elle a beau- International), C’est ça, dont il s’imprègne grâce à Afrique avec les solistes un musicien qui s’est vite française, Joëlle Léandre coup écrit pour la danse, Les Productions musi- sa discothèque familiale. Il du Ballet national de rendu indispensable dans est une des figures domi- le théâtre, et a réalisé plu- cales Cactus, (Red pratique le piano en auto- Guinée en 1987 ; puis il bon nombre de forma- nantes de la nouvelle sieurs performances Toucan Records, avec didacte dès l’âge de sept part en tournée et enre- tions. musique européenne. multidisciplinaires – La Hasse Poulsen, guitares ans, mais ce n’est que gistre des albums avec, Après des études dans Grammaire des grands- acoustiques et François dix-sept ans plus tard entre autres, Guem, Sixun Ensemble à cordes différentes universités mères (trio de Houle, clarinette). qu’il choisit la batterie (de 1992 à 1997 ), Éric américaines et euro- contrebasses) ainsi que pour en faire son instru- Lelan, Eddy Louiss, violons péennes (notamment le plusieurs commandes George Lewis ment. Á vingt-quatre ans, Kaoma, Papa Wemba, Paul Rouger Center for Creative and d’État pour le Théâtre de est professeur à l’univer- à l’issue d’études scienti- Enrico Macias, Rachid Paul Brie Performing Arts of la Bastille, Radio France et sité de San Diego fiques de haut niveau Taha. En 1997, il entame Ghislaine Ben Abdallah Buffalo de New York et le le Festival de jazz de (Californie) dans le dépar- (École centrale, maîtrise sa collaboration avec Karine Schaeffer Deutscher Akademischer Mulhouse. En 1992, elle tement d’études et de de mathématiques), il Antoine Hervé. Béatrice Lormand Austauschdienst de compose également une pratiques musicales expé- choisit une carrière de Karen Khochafian Berlin), elle se forme à la pièce intitulée A Few rimentales. En tant que musicien professionnel. Il Linley Marthe Christophe Cravero musique d'orchestre et à Words for… pour Sonia tromboniste (improvisa- est reconnu comme l’un Né à Port Louis (île Sébastien Guillaume la musique contempo- Wieder-Atherton. Sa plus teur), compositeur et des meilleurs batteurs Maurice) en 1972, il est Jean-Lou Descamps raine, puis joue avec récente composition, À la artiste « électronique », européens de jazz et se remarqué par François Irène Lecoq l'Itinéraire, 2e2m et table d’Andersen, est un George Lewis explore les produit dans le circuit des Jeanneau qui lui propose l'Ensemble spectacle musical écrit à possibilités de la musique festivals internationaux. de venir s’installer à Paris. altos Intercontemporain. Joëlle partir de cinq contes. assistée par ordinateur, le Batteur inventif aux cou- Depuis cette rencontre, il Nathalie Poulet Léandre a aussi travaillé Son rayonnement est multimédia et les créa- leurs subtiles, il est aussi est devenu l’un des bas- Frédéric Eymard avec Merce Cunningham international ; ses activités tions sonores. Son travail, capable de déployer un sistes européens de jazz Guillaume Roy et John Cage ; ce de créatrice et d'inter- en tant que compositeur, jeu d’une grande puis- les plus sollicités et joue dernier – comme Scelsi, prète, tant en solo qu'en improvisateur, artiste et sance sur son instrument. régulièrement avec les violoncelles Fénelon, Jolas, Clémenti ensemble, l'ont conduite interprète, s’illustre par la Musicien complet, il maî- plus grands jazzmen tels Federica Tessari et une vingtaine d'autres sur les plus prestigieuses parution de plus de cent trise parfaitement l’art de Michel Portal, Paco Sery, Valentine Duteil compositeurs – a écrit scènes européennes, disques et de nombreux faire swinguer un Andy Emler, N’guyen Lê, Lionel Allemand spécialement pour elle. américaines et asiatiques articles dans la presse ensemble, dans des et Louis Outre la musique contem- (villa Kujoyama au Japon). musicale : Leonardo grooves rythmiques extrê- Wimsberg. Il côtoie égale- contrebasse poraine, Joëlle Léandre a Joëlle Léandre a enregis- Music Journal, mement variés. ment la scène world avec Dominique Patris travaillé avec les grands tré plus de Contemporary Music des musiciens tels que noms du jazz et de l'im- soixante-quinze disques. Review, Black Music Arnaud Franck , Rido provisation : Derek Bailey, Parmi les plus récents, Research Journal et D’origine hongroise et Bayonne, Cheb Mami, Antony Braxton, George citons : Les Diaboliques, Lenox Avenue. Membre camerounaise, Arnaud Touré Touré et Sixun. Sa Lewis, Evan Parker, Irene Live at the Rhinefalls, de l’Association for the Franck est né en 1959 à grande capacité d’écoute, Schweizer, Barre Phillips, (Intakt Records), Dire du Advancement of Creative Paris. Fils de percussion- ses réflexes hors du com- Steve Lacy, Lauren Dire (Y’a d’l’autre !) (enre- Musician (AACM) depuis

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1971, George Lewis a été joue dans plusieurs Melvyn Poore velle personnalité musi- reconnus tels que Barbara programmateur musical ensembles allemands et Après des études à l’uni- cale de la scène Henson Conant, Paul du Kitchen Center à New participe à de nombreux versité de Birmingham, canadienne. Grâce à ses Hubweber, Chico York, professeur de com- festivals. Elle vit à Melvyn Poore travaille dons exceptionnels pour Freeman et Albert position au Mills College Amsterdam depuis 1994. comme tubiste et compo- l’improvisation, il se Mangelsdorff. On l’a éga- et conférencier sur la siteur indépendant. « coule » aussi bien dans lement vu dans les musique par ordinateur à Cécile Daroux Également formateur, il a le jazz que dans la comédies musicales Song l’Académie d’été de l’uni- Après des études au développé différentes musique contemporaine. Il and Dance et Linle 1 au versité des arts Conservatoire de Paris idées de composition et se produit avec divers Théâtre municipal contemporains Simon- (avec Michel Debost, d’improvisation dans le groupes et solistes et d’Oldenburger. Depuis, Fraser. Il est également Jean-Pierre Rampal et domaine de la musique compose pour son propre Hannes Clauss a créé son conférencier à la School András Adorjan), Cécile électroacoustique. Très ensemble. propre quartet et dirige le of the Arts de Chicago. Il Daroux remporte plusieurs féru de musique informa- festival Nord Jazz à bénéficie du soutien finan- prix internationaux. En tique et de systèmes Michael Berger Wertertede. cier de la Fondation 2000, elle est sélectionnée interactifs, il enseigne Fils de l’organiste Günter nationale pour les arts et par les Young Concert actuellement la musique Berger, Michael crée, en fut, en 1999, lauréat du Artist International électroacoustique et vit à 1977, le trio freejazz-latin Cal Arts/Alpert Award in Auditions à New York. Elle Niederkassel (Allemagne). rock Freeport avec lequel the Arts. Son prochain est régulièrement invitée il donnera de nombreux livre, Power Stronger Than par les plus grands festi- Guy Bettini concerts et enregistrera Itself : The Association for vals européens et a Né en Suisse, il est plusieurs disques. the Advancement of également joué dans les diplômé de l’École des Pratiquant le clavier avec Creative Musicians, paraî- prestigieuses salles pari- beaux-arts de Mailand. plusieurs formations, tra aux éditions siennes. Depuis 2000, elle Ses expérimentations sur Michael Berger entretient universitaires Chicago est flûte solo de l’ensemble le son l’ont mené en Italie, une collaboration privilé- Press. Sospeso à New York et se en Russie et en Amérique. giée avec la comédienne produit durant la saison Au sein de l’ensemble Christianne Müller et le Mary Oliver 2000/2001 dans cette ville. Grantrio, il a participé à trompettiste Uli technique Violoniste et altiste, elle a Dans le domaine du jazz et différents concerts avec Reckerhoff. régie générale suivi une formation musi- des musiques improvisées, Joëlle Léandre et David Joël Simon cale à l’université de elle enregistre avec Sun de Bernardi. Guy Bettini Hannes Clauss Didier Belkacem (amphi) Californie. Elle est soliste Ra, George Russel (à la vit à Berlin depuis 1992. Professeur qualifié de bat- régie plateau de l’ensemble norvégien cité de la musique en terie, Hannes Clauss a Jean-Marc Letang Hardanger-Fiedel et inter- 1993), Michel Portal, Jean- François Houle participé à divers festivals Éric Briault (amphi) prète aussi bien des Paul Celea, et se produit a étudié la clarinette à de jazz et assuré de nom- régie lumières créations contemporaines en duo avec Louis Sclavis Montréal et à la Yale breuses tournées avec le Marc Gomez, Joël Boscher que de la musique impro- et James Newton, ainsi School of Music de New Joe Viera Sextet, notam- Valérie Giffon (amphi) visée. Chargée de cours à qu’en concert avec Martial York. Il s’est établi à ment en Afrique et en régie son l’académie Schlob Solal, Steve Coleman et Vancouver où il s’est Suisse. Il a travaillé avec Didier Panier, Bruno Morain Solitude de Stuttgart, elle Mino Cinelu. imposé comme la nou- des musiciens de jazz Gérard Police (amphi)

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