Nouvelle série - 21e année No 2 - AVRIL 1969 ltf tii iiiEilf LOillllllrtiS' Organe des Sociétés savantes de la

VISITE AUX f:GLISES INTÉRESSANTES DE MOSELLE

Répondant à l'aimable invitation de la Société d'Histoire et d'Archéologie, ces visites périodiques reprennent le cours de celles dont le regretté chanoine Morhain s'était fait naguère le guide éclairé et compétent. Les brèves no tices qui vont suivre ne pré­ tendent pas épuiser toutes les sources historiques, ni étaler tous les aperçus techniques de la question. Documentés par Kraus et le Reichsland, avec discernement cependant, nous avons, entrepris, en 1966 et 1967, la visite systématique de toutes les églises et de toutes les chapelles des paroisses du Diocèse de , dans rinten· ti on de connaître d'abord les valeurs architecturales et artistiques de nos églises - et il y en a beaucoup plus qu'on ne le pense et qu'on ne le dit généralement. Les ouvrages cités plus haut datent, et le dernier ouvrage paru de Walter H otz, en 1965, est certes un beau livre, mais il ne fait que reproduire ce que d'autres avait vu ou mal vu. J'y ai relevé, pour la Moselle seulement, 208 erreurs ! Connaissant toutes nos églises et presque tout ce qui s'y cache, il est possible d'en parler pour les faire connaître avec l'intention de les faire aimer.

Les visites d'églises ne se feront pas selon un ordre logique, mais au gré des possibilités qu'offre un après- midi de dimanche, secteur par secteur. 34

1. SAINTE-BARBE A tout Seigneur, tout honneur ! Commençons par Sainte Barbe, patronne du Pays Messin. Durant les siècles pass;és, Sainte-Barbe fut le plus célèbre haut­ lieu en Pays Messin. Comme Saint-Nicolas-de-Port pour les Lorrains, Saint,e-Barbe, jadis, fut célèbre pour son pèl,erinag·e et pour sa mer­ veilleuse église, et particulièrement chère au cœur d'es Messins. Hé,fas ! C'est un haut-Heu malhereux où seule une tour massive du début du xvr siècle témoigne jusqu'aux horizons lointains, d'un extraordinaire pass·é à jamais enfoui. Sainte Barbe, patronne du Pays Messin, n'a pas eu de chance. Les foules de pèlerins ne grim­ pent plus le plateau et l'église d'aujourd'hui ne laisse absolument plus soupçonne1r ·Ia spi·endeur de la basilique de Claude Baudoche. Il ne s' est trouvé personne à Metz en 1828 pour la sauver de la démol!ition. H est vrai qu'à Metz, on est habitué aux démolitions depuis 1444, 1552. .. Hélas ! Ge qÙi re,ste aujourd'hui à Sainte-Barbe, c'est peu de chos'es : la tour sud, le portail jumelé à l'ouest ; au sud, un pilier rond et deux arca,des du bas-côté. Des admirables verrières de Valentin Bousch, on au moins de son école, quatre furent racheté·es en 1840 seul,ement par le Chapitre, et décorent actuellement tes chapeUes absidiales de saint Livier et de saint Jo.sephà la Cathédrale de Metz. D-evant cet état de choses, on ne peut se défendre d'éprouver un immense regret et une sainte colère devant l'apauvrissement irré­ médiable de notre patrimoine artistique local.

HISTOIRE Nous sommes id entre Moselle et Nied, région du Pays Messin appdée le «Haut-Chemin ». Erpigny - c'était l'ancienne appella­ tion du village de Sainte-Barbe, dont un quartier a encore conservé le nom. Erpigny faisait parti·e de la Seigneurie épiscopale de , et sa chapelle était ·desservie par le curié de la paroisse-mère de . Dès 1300, le viNage s'appelait Erpigny-Sainte-Barhe, puis uniquement Sainte-Barbe. Ce changement de nom est rév élateur. Gela se passe en effet après les Croisades, et comme sainte Barbe est une sainte de l'Orient, sans doute qu'un chevaHer lorrain aura ·rapporté de là-bas quelque relique de la sainte. Comment expliquer autrement l'essor extraordinaire du pèierinage sans teHque, à cette époque ? Le chanoine Morhain pense que ce fut le comte Henri de Salm, seigneur de Retonfey, parti en croisad'e en 1189. Or, avant 1300, Erpigny, annexe de Retonfey, a changé de nom et s'app•ellera dorénavant Sainte-Barbe. C'est sans ·doute de cette épo·que que devait dater l·a première chapeH'e ou église d'édiée à }la sainte. Ce qui est sûr pa'r contre, c'est que ce lieu devient un lieu de pèlerinage de plus en plus fréquenté et renommé. 35

En 1404, le village devint propriété des familles messines : l·e Hungre et de Gournay. Un nouveau partage attribua une moitié à la famille Baudoche et l'autre au chanoine Aneth, en 1480; Et depuis l(mgtemps, les Messins connaissaient d•éjà le « chemin de

Sainte-Barbe >> . Au nord-est des remparts de la ville, les pèlerins empruntaient la porte Sainte-Barbe pour passer la Seille et monter par Saint-JUJLien vers Sainte-Barbe en Haut-Chemin. En 1444 déjà, cette porte s'appelait Sainte-Barbe. Et depuis le XI" siècle, sainte Barbe figurait aux Litanies des Saints de la liturgie messine.

PÈLERINAGE

D-epuis le XI"-XII" siècle, les Messins altlaient en pèlerinage à Sainte-Barbe : princes, évêques, seigneurs, valets et roturi•ers. De­ puis 1450, les vieiUes chroniques messines en parlent et racontent les «Grands Jours de Sainte-Barbe >> . Les g rands personnages étaient reçus et logés princièrement par la Ville de Metz, et tout un peup:l,e les accompagnait au sanctuaire vénéré. Ces ·festivités sont décrites par Philippe de Vigneulles, Jehan Auhrion, Praillon et Jacomin Hqsson. Pèl'e·rins cé'lèbres furent les Ducs de Lorraine avant et ap·rès les guerres ; le 3 septembre 1449, le duc Jean de Calabre, fils du roi René ; le r· septembre 1457, Ferry de Vaudé­ mont ; en 1472, le duc Nicolas de Lorraine, (en 1474, Charles le Téméraire, peut-être... ), en 1475, René d'Anjou ; en 1494, la duchesse Philippe de Gueldre ; en 1516, 01aud·e de Guise ; en 1525, le duc Antoine de Lorraine, etc. Metz aussi avait s·es jours de pèle­ rinage. Ainsi en 1512, à cause de la calamité de la sécheresse ; en 1513, à cause des gelées catastrophiques ... La guerre de Trente Ans freina 'la ferveur et diminua le nombre d·es pèrerins de Sainte-Barbe, qui continuèrent néanmoins à monter à la basil:ique jusqu'à la Révolution, qui fut un coup mortel et pour le pèlerinage et pour la merve.illeuse é!;1lise.

LA BASILIQUE · PRIEURÉ BÉNÉDICTIN

C'est Claud·e Baudoche, seigneur de Moulins, , Sàinte­ Barbe ..., qui ent•reprit de bâtix une nouvelle, grande et somptueuse église à la sainte tant vénérée, vers 1516. Il choisit comme modèle la splendide église de.s Grands Carmes de Metz, et fonda à côté de cette nouvelle eglise de pèlerinage, un couvent pour Clarisses d•ont sa fille serait l'a Prieure. L'ensemMe des travaux était pour ainsi dire acheV'é, lorsque Claude Baudoche mourut en 1552, et sa fille le suivit de près. L'argent manqua pour achever l'œuvre, et devant l'intention des Réformés d.e s'y installer, le Chapitre racheta .le tout, acheva le couvent et l'offrit aux Col"deHers qui refusèrent à cause de l'entretien d'un si grand édifice. Les Cisterciens, pressentis, 36

firent de même. Jus·qu'en 1633, c'est donc l·e Chapitre qui aura la garde et l'administration du pèlerinage. En 1604, il fit achever le dernier étage de la tour, qui porte encore ses armoiries. , Finalement, c'est l'abbé de Saint-Arnould, André Valladier, qui accepta en 1633 d'y fonder un prieuré bénédictin pour dix moines. C'est en pleine guerre de Trente Ans ! Les difficuhés de toutes sortes (attaques de bandits messins, pillards, Croates, qui massacrent 20 hommes avec femmes et enfants, incendie) et sur­ tout l'apauvrissement forcèrent les Bénédictins à abandonner le prieuré. lis le vendirent en 1664 aux Tiercelins de Nancy. Mais le Parlement n'approuva pas cette vente, et les Bénédictins durent revenir à Sainte-Barbe en 1681. C'est alors que Sainte-Barbe devint paroisse indép·endante dans r1'archiprêtré de , adminis­ trée par les moines bénédictins jusqu'à la Révolution.

. , En 1792, les Bénédictins furent chassés, et leur maison et l'église furent abandonnées, et alors le manque d'entretien finit par ruiner la majestueuse basilique. L:e prieuré fut vendu et démoli avec le cloître. L'église n'était plus en état de servir et la commune ne pouvait songer à sa restauration. Il eût fallu que Metz s'y inté­ ressât, mais J.e chemin dre Sainte-Barbe était oublié. Et en 1826, la municipalité ordonna la démolition de l'église. Sur ses fondations, on rebâtit une église plus modeste - et combien plus laide - mais on gard·a la tour de l'ouest et le portail. Et c'est tout ce que nous pouvons regarder aujourd'hui, en gémissant sur cette perte irré­ paraMe.,

LA TOUR DE L'ÉGLISE DISPARUE

, Je ne sais s'il existe queique dessin ou reproduction de l'an­ cienne église Sainte-Barbe ? Ou hien un plan ? C'est Philippe de Vigne.nJres qui raconte que l'église était bâti·e sur le modèle des Grands Carmers, ce qui signifie grand, racé et richement agenc:é, comme on savait le faire en ce siècle de foi. Il y avait deux tours, trois nefs, t·erminées par des absides à pans coupés, un trans•ept, des fenestrages flamboyants, identiques san& doute à ceux que nous pouvons admirer dans la tour sud, une rosace au des

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Tour de l'église de Sainte-Barbe 38

Dans l'église même, il ne reste que deux statues du XVII", une Nativité en pierre, XVII", un saint Benoît et une sainte Scolastique, et aussi le buste reliquaire de sainte Barbe, œuvre du XIx·.

Dom Dieudonné rapporte avoir vu le tombeau du fondateur dans le chœur ·de l'églis·e. C'était un gisant revêtu de la tunique du chevalier. En 1681, il avait été enlevé et déposé devant un des murs latéraux.

La tour seule est parvenue presque intacte jusqu'à nous. Il ne faut pas oublier qu'el1Ie n'avait pas été achevée. Ainsi le dernier étage de.s cloches, aj•outé en 1604, n'est-il plus de la même veine, et fait-il pauvre à côté du reste. Une hase aussi massive était certaine­ ment prévue pour porter un couronnement hien plus élancé et plus élégant, sans doute une denteUe de pierre. A l'ouest, une petite verrière à meneau et, correspondant au deuxième étage, une rosace, sont actuellement bouchées. Sur les flancs sud et est, deux hautes fenêtres à meneau et au dessin flamboyant du xv·, sont intactes et nous ·d·onnent la preuve de la grande cbsse de cette construction. Au dernier étage, au sud et à l'est, nous voyons les armoiries du ChapiÏ.tre.

Dans le jardin du presbytère, à l'est de la tour, une surprise nous attend. Il reste, en effet, un pilier rond et deux arcades du bas-côté droit. C'est une indication précieuse pour une éventuelle reconstitution du plan de l'église et surtout pour l'évaluation de ses dimensions.

Si l'on remarque bien que l'église actuelle est désaxée vers la gauche par rapport au trumeau du portail central, et en tenant compte que le pillier rond du bas-côté est pris dans la maçonnerie du mur sud, nous pouvons d:é,duire que la nef centrale était large de 10 mètres. Les bas-côtés devaient avoir 4 mètres environ. Cela fait une largeur totale ·de 18 mètres. La hauteur de la nef centrale devait être en harmoni•e avec les deux fenêtres hautes qui subsis­ tent dans la tour. Et même la hauteur tota,le d·e la nef ne nous est-eUe pa& donnée par l'élévation des quatre gros piliers ronds engagés aux quatre coins intérieurs de la tour, ·en constatant que le mur à moeUons is•olant la tour de l'église est récent, sans arcade surbaissée comme les côtés sud· et ouest. Il est aussi à remarquer que le mur est ·d'e la tour n'est rien d'autre que le mur obstruant l'arcade communiquant avec 1e bas-côté sud. Il est clair que l'inté­ rieur de la tour devait communiquer avec l'intérieur de l'église, et servir de chapelle à ·deux niveaux : l'une au rez-de-chaussée, assez hass•e, voûtée et éclairée par le vitrail de l'ouest ; l'autre au pre­ mier, haute chapelle très éclairée par deux vitraux et une rosac•e. Rien ne laisse voir des amorces de nervures ou de voûtes, au pre- 39 mier, tandis qu'au niveau du sol Ies départs des nervures sont nette­ ment visibles. Ge qui nous confirme dans cette opinion, c'est la richesse, J,e fini des parties sculptées aux colonnettes engagées. La chapelle haute pouvait fort hien être une tribune donnant dans l'église par l'est et par le noi'd. L'escalier en colimaçon donnait accès à la chapelle haute et, à travers les piliers ronds, aux toitures et combles, et plus haut, aux cloches.

En somme, un peu comme à Cluny, d'un élément subsistant, nous pouvons retrouver l'élévation de l'·ensemMe ainsi que ses dimensions au sol. Une fouille sur le terrain donnerait le reste.

L.es proportions massives de la tour nous font pens•er à un ens e rn h l e architectural très important et imposant. Sans doute n'est-elle qu'un soubassement destiné à re·cevoir encore plusieurs étages et une flèche en ·dentdle. Les éléments sculptés qui subsis­ tent dénotent clairement un gothique flamboyant du xv· finissant, et I,a perfection du ·dessin et le soin des exécutions, nous permettent de dire que la basilique de Sainte-Barbe était une église admirable élevée par Claud·e Baudoche à la gloire de la patronne du Pays · Messin.

En 1843, l'abbé Dutreux, curé de Sainte-Barbe, a publié un article sur Sainte-Barbe dans la revue «L'Austrasie ». Tel un J éiémie qui pleure sur les ruines du Temple, il parle avec véhé­ mence et douleur devant l''impardonnaMe vandalisme commis « il y a 16 ans ». Il avait encore connu l'ancienne basilique. Il l'a décrit

«plus grande que Saint-Vincent », avec deux tours à l'ouest, de hauts piliers ronds sans chapiteaux portant la voûte à 22 mètres du sol, trois nefs, les voûtes flamboyantes à multiples nervures, une plate-form•e tout autour de l'église (sans doute la terrasse d:es bas­ côtés), des arcs-boutants, des gargouililJes... Il rappelle aussi que les deux premières travées et les tours étaient restées inachevées. Le chantier de démolition servit de carrière pendant 10 ans ! Et il est désolé de la pauvreté et de la laideur de l'église actuelle ...

Il s·erait certainement intéressant pour le.s visiteurs de plus en plus nombreux, et en premier lieu pour les paroissiens eux-mêmes, de reconstitue·r, sur un panneau au fond de l'église, un plan de i•a basil:ique disparue avec ses dimensions et son élévation, ses grandes heur·es, ses malheurs et sa mort ! Cela instruirait au moins les curieux dans leur admiration, au lieu de les laisser repartir de Sainte-Barbe ave·c une grande tristesse an cœur. 40

Il.

L'église de Failly est dédiée à saint Trond ou Trudon (pr être belge du diocèse de Tongres, qui fit ses études à Metz, du temps de saint Ciodulphe, mort en 695): Failly a toujours été domaine du Chapitre. Nous voyons ici une égl:ise intére,ssante, malheureusement totalement défigurée à l'extérieur par une restauration intempestive en 1886. L'intérieur est mieux conservé.

C'est une église romane reconstruite au XV". Le plan de l'église est celui d'une églis,e romane du XII\ à trois nefs terminées par une abside ronde, un narthex comme à Méy et à , supportant un clocher roman carré.

Le XV" a remanié le tout et fortifié église et cimetière. La nef centrale a sans doute été voûté,e dès le XIV", les nervures sont croi­ sée<�.Par contre, les bas-côtés ont �eçu au XV" des voûtes en étoiles. De cette époque dataient aussi les vitraux. Il n'en reste qu'un d'in­ tact : c elui devant l'autel latéral sud.

Façade, clocher, fenêtres et certains chapiteaux ont été refaits entièrement en 1886. Le chœur a été alouvdi. Nous pouvons dépi�orer ces restaurations, mais elles ont probablement sauvé l'église.

Lors des travaux de 1886, de,s éléments romans : colonnettes et chapiteaux, au moins une dizaine, ont été déposés au jardin du presbytère. Hélas ! tout a disparu. ,

A remarque•r : la très belle croix en bois polychr�me du XVIII• et la statue d'e b Vierge à l'Enfant, xvn·-xviii" (proviendrait de l'ancienne chapelle gothique de Villers·l''Orme, qui existe toujours).

Ill. MEY

Méy a été domaine de Ban-Saint-Martin, puis, depuis 1605, de Saint-Clément. L'église avait comme titulaire saint Pierre, ce qui laisse sup'poser une très haute antiquité. Le fameux linteau méro­ vingien le prouve d'aiHeurs. Nous avons ici une authentique église romane. Ce qui la défi­ gure n'est heureusement pas catastrophique. Il serait facae d,e lui redonner son vrai caractère roman. 11 faudra bien un jour s'y atte­ ler. Car ici, comme nullie part ailleurs, tout est préservé. Nous y rencontrons le VII"-VIII", le XI", Le XII", le XV" et le XVIII·. Ne parlons pas de la pacotille ... 41

LINTEAU PRÉ-ROMAN DE L'ÉGLISE DE MÉY

Admirons d'abord le portail, trois 'pierres d"un tenant. Le

linteau de 2 rn 05 avec son allégori·e, les deux montants

aux t o r s a d e s enrubannées, constituent un remarquable spécimen d'art pré· roman, comme le sont les pièces con­ servées au Musée et provenant des Trinitaires et de Roz'é· rieuUes. Admirons la. technique parfait·e de la composition et du détail : ce lion à tête pres­ que humaine tourné vers un dragon agressif (ou un ba·silic) à la langue déployée comme un filet, menacé par derrière par une s i r è n e voluptueuse aux seins découverts et à la double queue, et à l'extrémité gauche, cet oiseau aux ailes déployees et au bec entrouvert venant cri.er gare, et cette stylisation de la .flore ! Beau thème, à I.a vérité, de leçon morale pour tout homme, ou au contraire thème imagé de la Rédemption. L'interprétation est sans doute difficiLe, mais elle peut êt·re multiple.

Ce linteau sculpté n'est sou­ tenu que par deux montants très déliicatement ornés d'une torsa·de bien régulière, termi­ né·e par un soupçon de chapi· teau.

Un arc de décharge en plein cintre aux pierres de taill·e l·é·gèrement en relief complète ce portail vénérable entre tous, car il est intact et il a le mérite d'·exister encore. 42

Un peu plus haut à gauche, le mâchicoulis du xv· avec ses deux

œillets. ·

Admirons le plus beau clocher roman du pays. Il présente deux étages d'ouvertures jumelé·es sur rles quatre côtés. Les colronneUes rondes supportant des chapiteaux cubiques s·culptés sont intactes.

Pénétrons par le portail XVIII•. Nous traversons le narthex aux t·roisarcades ·en plein cintre, dont celle du milieu est plus élevée et plus large, comme à V antoux.

Le·chœur arrondi en ·cul-de-four frap·pe aussitôt, ainsi que l'arc triomphal en plein cintre. Voyez ensuite les quatre petites fenêtres romanes de la nef, celles du chœur ont été agrandies et gothifiées au XV" comme :t'étaient les deux grandes baies de la nef. A la place du vulgaire plafond en plâtre on aimerait voir la charpente, et à gauche ·du chœur une sacristie romane est cachée �derrière une mince paroi moderne. Voyez encore sous le narthex la massive et octogo­ na:Ie cuve baptismale du xr siècle.

L'autel .du XI" existait encore quelque part dans un coin du cimetière, sa table en pierre a disparu maintenant.

Ainsi il y.aurait ici tout ce qu'il faut pour prés·enter une authen­ tique et belle église romane. Il faudrait seulement la purifier de toute cette marchandise saint sulpicienne. N'y aurait-il pas peut­ être quelque peinture cachée ? Il y aura ici un très beau travail à

entreprendre un jour.. .

A signaler, à la sacristie, une très vieille croix en bois.

Pour mémoire : la Croix de Louve, 1449, limite du Ban de Metz, démolie en 1940. 43

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La Croix de Louve près de Villers-l'Orme 44

IV. VANTOUX

La chapeHe romane Saint-Barthélémy de Vantoux est prati­ quement désaffectée. Elle n'est pas connue. Le clocher seul est classé monument historique.

Vantoux n'a jamais été paroisse, mais a été rattaché dès le XIII" s. à Méy. En 1226, l'abbaye de Saint-Martin devant Metz donne

La chapelle Saint-Barthélémy est une petite église romane du

XI" s., entour·ée de son cimetière jusqu'en 1832. Le chœur arrondi avec une voûte en cul-de-four a été démoli au début du XIX" s. Mais il reste un beau petit clocher carré, aux ouv·ertures jumelées dont les arcs en plein cintre sont supportés par des colonnettes octogona1les aux chapiteaux cubiques. L'unique cloche qui y est logée date de 1513. La nef unique est éclairée par six très petites fenêtœs très haut placées, et qui sont plutôt des trous de lumière.

Jean-Julien Barbé, qui était de Vantoux, dit que « l'intérieur de la chapelle était entièrement orné de peintures murales très remar­ quables, remontant au xnr s., il en reste, actuellement, peu de traces. » On peut voi1r, de fait, des traces de joints peints à l'ocre.

Les enduits actuels recouvriraient-ils encore des trésors inconnus ? Ce qui est remarquable, à l'intérieur, c'est lè narthex, semblrable à œlui de Méy, aux piliers carrés à simple mouluration. Le baptistère octogonal, signalé encore en 1911, a. ·disparu. L'arc en plein cintre du chœur est porté par deux colonnes rondes maintenant prises dans la maçonnerie du mur bouchant l'ouverture du chœur disparu. Mais il est possible de les voir à !',extérieur. Cette petite église, si simple et si pure, est abandonnée à son sort ... En 1909, la· Société d'Histoire et d'Archéologie avait eu l'in· tention de l'acquérir pour la sauver ! Le propriétaire d'alors,

M. Ernest Nicolas, en fit don à la c o rn m u n e sous la condition expresse « 'que l'édiHce sera rendu à sa destination primitive » (J.-J. Barbé) . Restaurée en 19ll, son état est lamentable aujourd'hui. Ge n'est peut-être pas un chef-d'œuvre, mais c'est une de nos rares

églises romanes en péril. Il faut sauver Saint-Barthélémy, aux portes de Metz.

V. VALLI�RES

La très ancienne paroisse de V a lli è r e s dépendait jadis de l'abbaye Saint-Vincent. De l'ancienne église il ne reste que J.'absid·e 45

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pocher de l'église de Vallières 46 semi-circulaire, le clocher carré et une travée carrée. Le reste a été détruit en 1759, pour faire place à une grande église située perpen· diculairement à l'ancienne. Le clocher ·est ancien jus•qu'aux premières ouvertures jumelées. L'abside en cul-de-four est un très beau spécimen roman du XII", accolé à la travée du clocher. Elle est couverte en pierres plates et la corniche circulaire est soutenue par des modillons sans aucun décor. Dans l'axe de l'abside est conservée la fenêtre romane, mais elle est murée. Cette disposition, nous la retrouvons à , Rezon­ ville et Vionville. L'intérieur est malhereusement totalement d é f i g u r é. Une restauration s'impose. Nous remarquons de suite l'évolution du roman ici. C'est du XII". L'abside est plus spa·

cieuse qu'à Méy. I.. a travée voûtée est portée par des nervures pro­ filées très légèrement, elles gar­ dent cependant encore l'allure

des n e r v u r e s à boudins. Les nervures ·ne reposent pas sur les chapiteaux. Il y a ici quatre cha­ piteaux, dont deux sont mutilés. Mais les deux autres sont ­ ment décorés de feuil:lages styli­ sés. Les chapiteaux sont d'ass·ez grande proportion et supportent des arcs doubleaux déjà en arc brisé. C'est la transition vers le gothique qui se laisse deviner ici. Au sud, il y a un très élégant fenestrage gothique du XIV".

En-dessous, dans le mur, il y a quatre petites arcades aveugles du XV", surmontées d'une inscription l:atine : Anno Domini 1496. Monsieur le Curé m'a dit qu'il songeait à la restauration de ce témoin roman du XII" dans notre Pays Messin (il faut dire à présent : à Metz). Les maçons qui ont dernièrement fait l·es enduits extérieurs, ont exprimé leur étonnement de voir que l'intérieur n'était pas restauré ... Nous ne pouvons qu'encourager vivement c•ette remise en valeur. Dans l'église actuelle, il faut admirer une très belle g�ille en fer fof"gé, un maître-autel avec glaces (ce qui est du Louis-XV, et fort rare chez nous) et une extraordinaire crédence richement sculpté•e, le tout du XVIII" s. Th. LOUIS