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QUARTIER LIBRE - Vol. 15 • numéro 13 • 12 mars 2008 UNE MÉDAILLE CANADIEN DE FINALE DUCHAMPIONNAT CANADIEN DE FINALE DUCHAMPIONNAT UNE MÉDAILLE VOLLEYBALL VOLLEYBALL www.quartierlibre.ca HISTORIQUE HISTORIQUE Page 11 élections législatives À laveilledes politique iranien Le système premier livre publieson l’UdeM Une étudiantede Katia Belkhodja québécoise ? norme linguistique En routeversune Lionel Meney Le linguiste L’INTERVIEWÉ CULTURE SOCIÉTÉ MONDE Page 17 Page 15 Page 18 _QLvol15no13.qxd 3/11/08 8:11 PM Page 2

Fédération des associations étudiantes du campus de l’Université de Montréal • 514.343.5947 • www.faecum.qc.ca

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À LA UNE ÉDITO

Du sport à la une de ce sérieux journal! Du jamais vu depuis bien longtemps ! Personne (pas même les «anciens» de l’équipe) n’est capable de dire à quand remonte la dernière expérience du genre. Il fallait qu’il se passe quelque chose d’exceptionnel chez les Carabins. Et en effet: l'équipe féminine est devenue vice-championne canadienne de sa disci- QUELLE LANGUE pline, et leur meilleur élément, Laetitia Tchoualack, a été consacrée athlète canadienne de l’année en volleyball féminin. À lire en page 11.

Photo de la une : Marie-Claude St-Amour PARLEZ-VOUS ? epuis quelques temps, lorsqu’il est question de l’état Allons-nous accepter des «si j’aurais» parce que plusieurs SOMMAIRE du français au Québec, l’on crache son fiel ! le disent? Et les «tu veux-tu» ou «vous faites-tu»? Puis, il D Bilinguisme, intégration des immigrants, nouvelle y a ces fameux anglicismes. Il n’est pas rare d’entendre à la orthographe, rapport de l’Office québécois de la langue télévision ou à la radio d’État un lecteur de nouvelle dire CAMPUS française : tout passe au cash comme on dit en « bon qu’un organisme planifie «une levée de fonds» ou qu’il est DIRECTEUR GÉNÉRAL L’agora du QL : ...... p .4 Mounir El Malki québécois». En cette Semaine du français et de la franco- important de «mettre l’emphase» sur quelque chose. Si Courrier des lecteurs : ...... p. 4 [email protected] phonie, voilà que le Parti québécois innove dans un cahier des ministres ou des représentants des médias intègrent dans Il paraît que… : ...... p. 5 RÉDACTRICE EN CHEF de propositions pour son Conseil national des 14, 15 et 16 leur vocabulaire ces formulations tirées de l’anglais, devrait- Rachelle Mc Duff - [email protected] mars prochains. À la page 8 du document il est écrit qu’«un on les normaliser? CHEFS DE PUPITRE gouvernement du Parti québécois s’engage à […] Campus : Clément Sabourin réorienter résolument l’enseignement du français vers Non! Nous parlons français. Avec un accent, certes, mais il [email protected] Société / Monde : Thomas Gerbet une langue standard québécoise, écrite et parlée […]». s’agit bel et bien du français. Cela ne signifie pas de refuser [email protected] Une langue standard québécoise. Le choix des termes est les québécismes ou les néologismes. Il faut simplement Culture : Julie Delporte [email protected] très important… Qu’est-ce qu’une langue standard québé- prendre soin de notre langue, et respecter la grammaire en DIRECTION ARTISTIQUE coise? Une autre forme du français, sûrement. Mais serait- est la base. Malheureusement, pour plusieurs raisons, il est Clément de Gaulejac - [email protected] ce encore vraiment du français ? Ou devrions-nous la devenu laborieux pour le Québécois lambda de faire une ILLUSTRATEUR nommer le «québécois»? distinction entre ce qui est correct ou non. On ne prend plus Clément de Gaulejac - calculmental.org le temps de se relire quand on écrit un courriel. On pré- BÉDÉISTES Lorsque l’on feuillette les nombreux dictionnaires, guides, fère changer une formulation de phrase plutôt que de Marie Dauverné, Pascal Girard, David Turgeon, Martin Vidberg pièces de littérature sur cette forme de français, on s’aper- chercher dans le dictionnaire pour être certain de la cevra de la remarquable vivacité, de la couleur, de l’expre- signification ou de l’orthographe. Ce n’est pas d’être enclavé PHOTOGRAPHE D’un campus à l’autre : ...... p. 5 Julien Houde ssivité, de la richesse – oui richesse! – et des variations du dans une partie du monde où domine l’anglais qui est Du mouvement, étudiants ! : ...... p. 5 vocabulaire et des expressions québécoises. N’est-ce pas dangereux, mais de perdre le goût d’apprendre et de faire JOURNALISTES Un QL indépendant : ...... p. 7 Julie Brunet, Alexandra Cayla, Valérie Delaney, une langue flyée en tabarnouche? Les adeptes du français un effort, tous les jours, pour bien écrire et parler – et il À boire tavernier ! : ...... p. 7 Steve Gauthier, Marie-Michèle Giguère, standard – se rapprochant le plus du français de France n’est pas question de l’accent ici. Des mots comme Révolution avortée : ...... p. 8 Marc-André Labonté, Olivier Laniel, Burp ! : ...... p. 9 Nicholas Lavallée, Audrey Lavoie, Alicia Lymburner, – vous diront que c’est d’escamoter le français que de troglodyte, callipyge, nihilisme ou évergète ne devraient pas Tête chercheuse : Pierre Boyer-Mercier . . . p. 9 Valérie Manteau, Sarrah Osama, Ariane Parayre, «parlurer en québécois». Leurs détracteurs diront plutôt être l’affaire des intellectuels. Ouvrir un dictionnaire et Hugo Prévost, Patricia Roy, Valérie Simard, La bourse ou la vie : ...... p. 10 Constance Tabary, Anaïs Valiquette-L’Heureux, qu’ils ont «ben l’droit de scratcher leu langue si ça leu choisir un seul mot au hasard prend quelques secondes. Volley : première médaille : ...... p. 11 Stéphane Waffo, Hanieh Ziaei car c’est une partie de ce qui fait de nous des Québé- Faire l’essaie une fois par jour, sept jours sur sept, toute Une bleue en or : ...... p. 11 tente» CORRECTEURS cois. C’est notre identité. l’année permet d’être 364 fois (ou 365) plus cultivé tous les Mélanie Côté, Anne-Sophie Dussouy, SOCIÉTÉ Pascal Lamblin, Vincent Riendeau ans. C’est ti pas pire pantoute ça? Un groupe de chercheurs de l’Université Sherbrooke planche Quotidien d'une députée fédérale ...... p. 12 INFOGRAPHIE Entrevue avec un caissier ...... p. 13 Alexandre Vanasse • [email protected] actuellement sur le projet Franqus, le premier dictionnaire Donc, lorsque le PQ ou tout autre parti politique qué- La STM et ses nouvelles cartes à puces . . . p. 14 PUBLICITÉ du français standard en usage au Québec. C’est un premier bécois discutera dans ses instances de l’état du français Lecture pédestre ...... p. 14 7/24 Marketing inc (514-392-2905) pas vers une normalisation d’une langue québécoise. Mais au Québec et d’une éventuelle normalisation du français www.724marketing.ca jusqu’où devons-nous aller dans l’acceptation des mots et québécois, il sera primordial de s’interroger sur la forme MONDE Accès-Média (514-524-1182) www.accesmedia.com expressions utilisés dans le langage québécois [voir article que le peuple québécois veut donner à sa langue : on Les clés pour comprendre « L’interviewé » p. 15] ? Car si l’on crée une grammaire veut-tu parler québécois ou est-ce qu’on veut parler la politique iranienne ...... p. 15 ADJOINTE ADMINISTRATIVE Van Thanh Ho Tong québécoise un jour, il est essentiel de se poser la question. québécois ? L’INTERVIEWÉ IMPRESSION & DISTRIBUTION Lionel Meney ...... p. 17 Payette & Simms POUR NOUS JOINDRE CULTURE Tél. : (514) 343-7630 • Téléc. : (514) 343-7744 Katia Belkhodja : Courriel : [email protected] Site Web : www.quartierlibre.ca CAUSERIE un premier roman d’errance ...... p. 18 LA JONCTION des étudiantes et étudiants du Certificat de rédaction La Casa Obscura : Quartier Libre est le journal des étudiants de l’art de cultiver un lieu à petite échelle . . . . p. 19 l’Université de Montréal publié par et du Certificat en journalisme présentée par la Faculté de l’éducation Lecture : On aurait dit juillet ...... p. 20 Les Publications du Quartier Libre, Musique : A Fine Frenzy, ...... p. 20 une corporation sans but lucratif permanente de l’UdeM en collaboration avec l’AGEEFEP. créée par des étudiants en 1993. Documentaire : Americano ...... p. 21 Bimensuel, Quartier Libre est distribué Projet Hop : gratuitement sur tout le campus de Une galerie d’art dans Rosemont ...... p. 21 l’Université de Montréal et dans ses LE FRANÇAIS QUÉBÉCOIS : VICES ET VERTUS Chronique BD : environs. Son tirage est de 7 000 copies. On taxe souvent le français québécois de langue pauvre, de créole du Nord, de langue en voie de Les histoires de Woodsman Pete ...... p. 22 Nos bureaux sont situés au : disparition. Cette langue ne viendrait-elle pas plutôt enrichir le français parlé sur notre petite planète ? 3200, rue Jean-Brillant (Local B-1274-6) C.P. 6128, succ. Centre-Ville, Montréal (Québec) H3T 1N8 INVITÉES : Quartier Libre est membre de l’Agence de presse étudiante mondiale Marie-Éva de Villers (APEM - www.apetudiante.info) Auteure de Le vif désir de durer, Illustration de la norme réelle du français parlé au Québec et de la Presse universitaire canadienne (PUC/CUP) et du Multidictionnaire, directrice de la qualité de la communication aux HEC

Dépôt légal : Bibliothèque nationale du Québec Marty Laforest Bibliothèque nationale du Canada ISSN 1198-9416 Auteure de États d’âme, États de langue, Essai sur le français parlé au Québec, sociolinguiste Tout texte publié dans Quartier Libre peut être et professeure au Département de lettres et communication sociale de l’UQAT reproduit avec mention obligatoire de la source.

PROCHAINE PARUTION Quand ? Le vendredi 14 mars 2008 de 18 h à 20 h 26 mars 2008 Chronique Cinéma : Au Café-bar La Brunante (3200, Jean-Brillant, 2e étage) La visite de la fanfare ...... p. 26 PROCHAINE TOMBÉE Où ? Muriel ...... p. 22 19 mars 2008 Entrée libre La page BD du Q. L...... p. 23 QUARTIER LIBRE - Vol. 15 • numéro 13 • 12 mars 2008 Page 3 _QLvol15no13.qxd 3/11/08 8:11 PM Page 4

CAMPUS Nouveau : du Quartier Agenda L’agora ECRIVEZ À : [email protected] Une page qui vous est réservée à chaque édition

• CONFÉRENCE • ASSEMBLÉE CITOYENNE • SEMAINE DU FRANÇAIS ment (2940, chemin de la Côte-Sainte- La propriété intellectuelle, sur l’avenir du Québec À L’UdeM Catherine) votre propriété Pour info : www.cerium.ca/Daniel- L’avenir politique du Québec vous Concours, spectacles, rencontres, Cohn-Bendit-a-l-Universite Michel Dubois, expert et conférencier intéresse? Vous aimeriez échanger sur Coûts : 10 $ (thé, café et un lunch ateliers,conférences : du 10 au 20 Coût : gratuit mondialement reconnu, sera à l’Uni- ce sujet avec des experts, des person- seront offerts) mars 2008, l'Université de Montréal versité pout aborder avec les étudiants nalités politiques et d’autres citoyens? organise plusieurs activités reliées à la • SOIRÉE DE CONTES en sciences fondamentales la question Il ne s’agit pas d’un débat politique, • IMPROVISATION langue française. Pour plus de ren- Le Diable est aux Contes de leurs droits en matière de pro- mais plutôt d’un lieu de discussions seignements visitez le : priété intellectuelle, trop souvent entre citoyens sur un sujet important. Différentes équipes s’affrontent dans www.cce.umontreal.ca/conférence Une soirée « cabaret conté »... un bafoués ou ignorés. Il s’agit ici de Au cours de cette journée, vous aurez une joute de spontanéité, d’humour et défilé de doutes, de rires, de surprises, présenter une voix indépendante et la chance d’échanger avec des experts, de fraîcheur lors des soirées d’impro- • CONFÉRENCE de mots d’imaginaire où fiction et non partisane, différente de celle des personnalités politiques et visation de la Ligue d’improvisation réalité se mangent la laine sur le dos. d’Univalor. d’autres citoyens sur différents thèmes montréalaise (LIM). Le leader des manifestations de mai 68 Chaque soirée, les conteurs sont sou- liés à l’avenir politique du Québec. à Paris et aujourd'hui député des Verts mis à une contrainte de création. Quand ? Quand ? au parlement européen, Daniel Cohn- Variation sur un même thème à la Mardi 25 mars de 11h à 13h Quand ? Tous les dimanche à 20h. Les Bleus et Bendit, donnera deux conférences. sauce trad, urbaine, hors normes, Où ? Pavillon 3200 Jean-Brillant au Samedi 15 mars de 9h à 17h30 les Rouges s’affronteront le 16 mars Quarante ans après les événements de délirante. La thématique de la se- local B-3215 Où ? Pavillon 3200 Jean-Brillant au tandis que les Jaunes et les Verts se mai 68, dans lesquels il a joué un rôle maine: les contes seront tous inspirés Pour info : local B-3225 rencontreront le 23. central, il présentera une conférence- d’une nouvelle. Groupe Facebook «UdeM – Pour info : Où ? bilan de cette époque, sous le titre : Conférence en propriété Contacter Min Reuchamps par Lion d’Or (1676, rue Ontario Est) «Pour en finir avec mai 68». Quand ? Vendredi 21 mars à 19h intellectuelle», par courriel à: courriel à: Pour info : www.citronlim.com Où ? Le Pharaon Lounge (139, rue [email protected] [email protected] ou par ou directement au Lion d’Or Quand ? Lundi 17 mars à 19h00 Saint-Paul Ouest) ou par téléphone au 514 907-1896. téléphone au 514 343-6111 poste au 514 598-0709. Où ? Amphithéâtre au 1120 du Pour info : 514 843-7432 Coûts : Inscription gratuite 4841 ou au 514 729-0321. Coûts : 7$ le soir même à la porte pavillon de la Faculté de l'aménage- Coûts : 7$ Courrier des lecteurs Si la mort vous intéresse Je n’ai pu qu’être abasourdit de constater que le baratin publicitaire de l’armée canadienne a franchi les portes du Quartier “libre”. Dans la dernière édition de notre journal étudiant, on peut voir à pleine page une affiche de propagande guerrière qui nous invite à « s’enrôler » et à «combattre» avec les forces armées canadiennes. L’armée y expose fièrement ses nouvelles machines à tuer et, accessoirement, des personnes transportant un blessé en civière (il y a-t-il un lien causal ?). Cette incursion du sergent recruteur dans l’espace de l’université est franchement inquiétante. Au-delà de la question de la responsabilité du journal d’accepter une telle publicité, il y a le débat plus fondamental de l’engagement du Canada dans la guerre en Afghanistan. La salve de milliards qui pleut depuis l’élection du gouvernement conservateur afin d’acheter du matériel militaire et tenter de nous convaincre de devenir des tueurs professionnels ne pourrait-elle pas servir à des fins plus constructives ? CAE, SNC-Lavalin, Pratt et Whitney et Bell Helicopters en sont certainement ravis, mais vous, qu’en pensez-vous ? Ne seriez-vous pas plutôt intéressés par une bourse d’étude, un allègement de votre dette étudiante ou, pour commencer, un toit qui ne coule pas ? J’invite toute personne consternée à lire à ce sujet l’excellent livre de Francis Dupuis-Déri, « L’Éthique du Vampire » (éditions lux) ou à venir à la manifestation d’Échec à la Guerre le 15 mars à 13h au carré Dorchester (www.echecalaguerre.org). Matthieu MONDOU

Étudiant à la maîtrise de science politique

RÉPONSE DU QUARTIER LIBRE

La publicité de Défense Canada pour le recrutement dans les Forces armées canadiennes a suscité bien des commentaires. Défense Canada avait payé à notre publicitaire – indépendant du journal – quatre répétitions de cette pub. Nous recevons les publicités à la dernière minute ce qui a fait en sorte que nous nous sommes rendus compte du contenu trop tard pour l’annuler. Puis, comme Quartier Libre traverse une période difficile au niveau financier, nous avons décidé de la faire paraître une 2e fois. Ce genre de pub (pleine page) rapporte beaucoup d’argent. Finalement, après mûre réflexion et d’un point de vue éthique, nous avons annulé les dernières répétitions. Ces choix éthiques sont très difficiles à faire pour un journal étudiant gratuit qui ne vit que des cotisations automatiques non obligatoires des étudiants et de recettes publicitaires qui baissent à chaque année. Si nous devions annuler toutes les publicités qui tourmentent notre morale nous ne pourrions malheureusement pas survivre. Merci de votre compréhension. Quartier Libre

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CAMPUS OPINION : Du mouvement, TROIS ÉTUDIANTS SUSPENDUS étudiants ! Brèves Trois étudiants de l’UQAM ont récemment été suspendus pour une durée de 20 jours. L’administration de l’université du centre-ville leur reproche d’avoir manifesté devant les locaux des services aux étudiants et bloqué À POIL L’UQAM! des escaliers. Deux autres étudiants avaient été appréhendés, mais aucune CES charge n’a été retenue contre eux. «Répression politique pure!», crie Étienne Guérette, un des trois étudiants suspendus, qui est également membre du conseil exécutif de l’AFESH-UQAM. L’association des sciences GENS-LÀ… humaines est en grève depuis trois semaines, réclamant l’abolition du plan de redressement de l’UQAM dont certaines mesures font appel directement au financement étudiant pour régler la crise. (AVL) Alexandre CAYLA

ersonne ne s’étonnera du fait que la MUSHARRAF À SHERBROOKE direction ne se soit pas montrée favo- Le REMDUS –regroupement des étudiantes et des étudiants de maîtrise, de P rable à la politique encadrant les «frais diplôme et de doctorat de l’Université de Sherbrooke – a terminé son institutionnels obligatoires », plus connus référendum de désaffiliation de la FEUQ, le lundi 3 mars. Une injonction sous le nom de frais afférents, annoncée de la cour empêche cependant l’ouverture des boîtes de scrutin jusqu’à dernièrement par la ministre Michelle ce qu’un juge ait statué sur la validité du référendum. Pierre-Olivier Giroux, Courchesne. Le recteur Luc Vinet la qualifie président du comité en faveur du maintien d’affiliation à la FEUQ a décidé même de «loufoque et improvisée» et argue d’en appeler aux tribunaux, jugeant que les procédures référendaires avaient qu’il aurait été plus «équitable» de permettre été violées. Selon lui, le conseil d’administration du REMDUS n’était pas aux universités de rattraper la plus délinquante habilité à modifier les règlements généraux du REMDUS tel qu’il l’a fait le en la matière, l’Université McGill, qui exige à 20 février dernier afin de permettre le vote électronique. Selon Jean-François ses étudiants des frais afférents dépassant 850$ Wehrung, président du REMDUS, la «conception de la démocratie [de par session. M. Giroux] fait étrangement penser à celle du président du Pakistan, le général Pervez Musharraf, au lendemain de sa défaite aux élections S’il y a un élément loufoque dans cette histoire, de février 2008.» (AVL) c’est bien de voir notre bon recteur décrier ce qu’il qualifie de «réduction de l’autonomie CONGRÈS DE LA FAÉCUM des universités». Ridicule même, car si cette Les noms des candidats aux postes d’officiers du bureau de la Fédération critique est valable pour d’autres universités ILLUSTRATION : CLÉMENT DE GAULEJAC étudiante du campus ont été rendus publics. Seuls deux officiers restent : québécoises, dans le cas de l’UdeM, il aurait Le mardi 4 mars, un groupe de féministes dévêtues a interrompu le conseil Francis Hogue (candidat au poste de secrétaire général) et Kevin plutôt dû décrier la réduction de l’autonomie d’administration de l’UQAM alors que ce dernier s’apprêtait à déposer une Bélanger (candidat à sa succession aux finances et services) et aucune du conseil universitaire. nouvelle version du plan de redressement: «C’est la confirmation claire femme n’est présente dans les mises en candidature. Leur élection, qui doit quela société québécoise s’engage dans une logique de marchandisation avoir lieu lors du Congrès annuel – du 28 au 30 mars au Pavillon La distinction n’est pas que sémantique, car et de privatisation des services publics essentiels. Moi, je résiste. Mon McNicoll – ne devrait être qu’une formalité, personne n’étant en compétition malgré toutes ses prétentions démocratiques, corps, c’est tout ce qui me reste », a expliqué l’une des manifestantes. Les pour le même poste. Seuls les délégués représentants les associations l’UdeM n’est pas gérée par des représentants huit femmes dénonçaient le manque de transparence de l’administration, membres pourront voter. Mais les étudiants déçus de ne pas pouvoir de la «communauté universitaire», mais bien l’absence de négociations et l’inégalité des rapports entre les sexes en directement s’exprimer se consoleront en pouvant observer les débats par des individus nommés (plutôt qu’élus) par politique. (AVL) (hormis ceux se déroulant à huis clos). (CS) le MELS et même par des représentants ecclésiastiques! En fait, en plus du recteur qui y siège d’office et de la présidente, le Conseil est composé de huit membres nommés sur avaient débrayé pour la première fois le 16 recommandation du MELS, cinq par l’as- Revue de presse universitaire janvier dernier, après l’obtention d’un mandat semblée universitaire, deux par le clergé, deux de grève de cinq jours. par les étudiants, et deux par les anciens diplômés. Les quatre personnes restantes sont UN MORATOIRE ÉLECTORAL ? désignées par le conseil lui-même avec les deux VERT CAMPUS tiers des voix. Ainsi, la communauté universi- À Ottawa, le rédacteur en chef de La Rotonde, taire ne compte que sept représentants. Quartier Libre décortique l’actualité des différents campus francophones Wassim Garzouzi, s’interroge sur l’utilité du système politique mis en place pour les élections Par le passé, le Conseil a été accusé de ne pas canadiens. Cette semaine, l’environnement est à la une. au sein de la Fédération étudiante de l’Université prendre en compte l’avis de la communauté d’Ottawa (FÉUO). Bien que, selon lui, les universitaire : pour trouver un successeur à Hugo PRÉVOST de la Table devraient être constatés dès le politiciens-étudiants se disent à chaque fois déçus l’ancien recteur, Robert Lacroix, un comité printemps 2008. du faible taux de participation, ils acceptent sans consultatif avait été créé. Il devait analyser VISION VERTE À LAVAL broncher les résultats du vote. « Partout au toutes les candidatures en fonction de critères LES PROFS DE TROIS-RIVIÈRES Canada, les syndicats étudiants sont confrontés rigoureux. À la fin de ce processus de plus d’un L’Université Laval prend le virage vert rapporte TOUJOURS EN NÉGOCIATIONS au même problème. C’est à se demander si an, le Conseil a décidé de ne pas prendre en Catherine Boisclair, la rédactrice en chef nos représentants voient vraiment ce taux compte les conclusions du rapport et de d’Impact Campus. Un nouvel organisme Le conflit de travail perdure entre les professeurs d’absentéisme comme un problème», souligne nommer Luc Vinet comme recteur, soit le seul environnemental, la Table de concertation en de l’Université de Trois-Rivières (UQAT) et le M.Garzouzi. Selon lui, le véritable problème est candidat à ne pas avoir participé au processus développement durable, a récemment annoncé rectorat. Vincent Côté-Léger, de Zone Campus, que le système actuel fait en sorte que les de sélection, à ne pas avoir accordé d’entrevues qu’elle évaluerait le bilan de carbone du le journal étudiant de l’UQAT, rapporte que référendums se passent sans véritable débat. «Un et à ne pas avoir fait connaître publiquement campus. Pour ce faire, elle disposerait du l’administration a eu recours aux services moratoire s’impose au sujet des campagnes sa vision de l’Université. financement du nouveau Fonds de dévelop- d’une conciliatrice «pour améliorer le climat référendaires jusqu’à ce qu’un nouveau pement durable, qui dispose de 2 millions de à la table des discussions et favoriser le système soit mis en place pour éviter les abus Finalement, même si ce dernier décrie l’ingé- dollars sur cinq ans. Quant aux aspects du dénouement du conflit. Pourtant, celui-ci des dernières années», conclut-il. rence du gouvernement, on peut se demander campus qui devraient être examinés, plusieurs s’annonce pénible et ce sont les étudiants qui est à même de décider de cette question. Au font déjà l’objet d’une évaluation du Service des qui pourraient bien écoper de l’échec des EXPOSITION D’ART moins, la nouvelle politique donne un plus immeubles – tels la comptabilisation des négociations. » Bien que le syndicat des NOUVEAU GENRE grand pouvoir aux bonnes personnes, émissions de gaz à effet de serre et la con- professeurs se soit donné un mandat de grève puisqu’elle exige que les universités négocient sommation d’eau sur le campus. Les données illimitée, l’interruption des cours jusqu’à la fin En terminant, soulignons que jusqu’au 15mars, avec les associations étudiantes si des doivent être cependant mises à jour. Éric Bauce, de la session ne semble pas être envisagée pour le campus de l’Université Concordia sera trans- augmentations supérieures à celles fixées par porte-parole du nouvel organisme, explique l’instant. Michel Volle, président du syndicat, formé en une immense galerie d’art. Dans le la loi sont vraiment nécessaires. qu’« on va définir des indicateurs, des cibles évoque le besoin de ne pas épuiser les membres cadre de la huitième édition du festival Art de performance qui vont faire l’objet d’une lors de trop nombreuses séances de piquetage Matters, les étudiants pourront admirer les Réagissez aux articles ! consultation ». Les premiers effets des actions à l’extérieur. Rappelons que les professeurs œuvres de plus de 35 expositions différentes. Ecrivez à : [email protected] QUARTIER LIBRE - Vol. 15 • numéro 13 • 12 mars 2008 Page 5 _QLvol15no13.qxd 3/11/08 8:11 PM Page 6

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CAMPUS ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE Liens entre la FAÉCUM et Quartier Libre QUARTIER LIBRE La FAÉCUM perçoit les cotisations étudiantes –1,50$ par session– du jour- nal Quartier Libre, qui ne peut pas le faire lui-même en raison de la loi 32 L’Assemblée générale de Quartier Libre s’est tenue le jeudi 28 février. La cinquantaine sur l’accréditation et le financement des associations d’étudiants et d’élèves. Tout en garantissant l’indépendance éditoriale du journal, la FAÉCUM a condi- d’étudiants présents ont pu élire de nouveaux administrateurs, adopter les règlements tionné le versement des cotisations prélevées à, entre autres, l’obtention de trois généraux et vérifier les états financiers. pages à chaque numéro – la page 2, la page arrière et une page au hasard– et à la présence de trois de ses membres au conseil d’administration de Quartier Olivier LANIEL Toutefois, la présence de quelques dire à certains participants qu’il aurait Libre. Un nouveau protocole est toutefois en négociation entre les deux parties. membres du Comité de mobilisation été préférable que le comptable midi, le quorum de 40 de l’Université de Montréal et d’of- présente la partie financière. À noter Kaloustian et Vincent Chapdelaine- Lamblin, Normand Forgues-Roy et membres était atteint, ce qui a ficiers de la FAÉCUM a fait sourciller que de nouveaux règlements géné- Couture. Ils siègent en compagnie des Clément Sabourin –, trois représen- À permis d’ouvrir la séance. quelques personnes. Un collaborateur raux ont été adoptés et seront bientôt trois représentants des collaborateurs tants de la FAÉCUM et un représentant C’était la première fois depuis bien du journal, Alexandre Cayla, a affirmé accessibles par le site Internet de du journal, aussi élus à l’AG – Pascal du milieu journalistique. longtemps que l’AG du journal avait que «certains avaient peut-être une Quartier Libre. lieu en dehors des conseils centraux liste de questions préparées d’avance de la FAÉCUM, ce qui a réjoui la dans le but de discréditer Quartier Marc Julien (un administrateur de la rédactrice en chef du journal, Rachelle Libre». FAÉCUM) s’est dit convaincu que le Vie de campus Mc Duff, qui s’est déclarée «extrême- nouveau conseil d’administration du ment contente». La présentation des états financiers journal allait bien fonctionner. Ce n’a pas suscité d’enthousiasme. D’ail- dernier a toutefois suggéré de fournir LE RETOUR DU CAFÉ Les participants provenaient de leurs, peu d’étudiants ont semblé des copies papier des états financiers. différents programmes, en majorité de comprendre les subtilités des données Les nouveaux administrateurs étu- science politique et de journalisme. présentées. Une situation qui a fait diants élus sont: Julien Prévost, Sevan DES RÉSIDENCES La FAÉCUM veut faire revivre le plus gros café étudiant du campus. Fermé depuis l’automne 2006 pour cause de faillite, le café des résidences pourrait bien rouvrir en septembre 2008. Pour y parvenir, la Fédération doit encore obtenir l’accord du rectorat et de l’AÉRCUM, l’association des étudiants des résidences universitaires, qui s’occupait auparavant du café. Constance TABARY

ancien café, qui fonctionnait à plein régime avec 21 employés en 2001 et un bon chiffre d’affaires, a été victime de mauvaise gestion. Depuis L’ 2006, les étudiants en résidence ne peuvent plus prendre de pause au comptoir de cette enseigne installée au Pavillon J.-A.-DeSève. Éric Céolin, le président de l’AÉRCUM, a été contacté à plusieurs reprises mais n’a pas souhaité commenter.

Vincent Ranger, coordonnateur aux affaires étudiantes de la FAÉCUM, travaille sur ce projet de réouverture depuis mai 2007: «Nous avons eu de longues discussions avec l’AÉRCUM en septembre 2007 et le sujet a été soulevé à leur dernière assemblée générale», rappelle-t-il.

Depuis le mois de janvier, le rectorat participe aux discussions pour veiller à la légalité de la cession. L’Université de Montréal est propriétaire du local et les associations doivent respecter le protocole des cafés étudiants. «Une association ne peut normalement pas céder le bail ou sous-louer le local, explique Alexandre Chabot, vice-recteur adjoint à la vie étudiante. Mais comme le repreneur est aussi une association, l’opération sera peut-être possible.» La gestion du café revient pourtant logiquement à l’AÉRCUM, car elle est l’association des résidents. « Je ne porte pas de jugement sur leur choix, commente M. Chabot. Connaissant leur état financier, cette option est compréhensible. Ça fait déjà trop longtemps que le café est fermé.»

CAFÉ-DÉPANNEUR

La FAÉCUM affirme que son café sera vraiment dédié aux résidents. Les employés devraient tous habiter la résidence étudiante. Des produits alimentaires devraient également être en vente dans le local pour un meilleur service.

QUEL INVESTISSEMENT

L’association n’héritera peut-être pas du lourd passif budgétaire de l’AÉRCUM, affirme, sous toutes réserves, Vincent Ranger. La responsabilité de la dette, qui avoisinerait 100000$ selons nos sources, pourrait alors s’évanouir sans que lumière n’ait été faite sur les raisons de la faillite. Comme les cotisations de l’AÉRCUM, d’où provenait l’argent au départ, ne sont pas à même la facture de scolarité, le rectorat dit ne pas avoir droit de regard sur ces comptes. Les locaux sont à l’abandon depuis longtemps et ont besoin d’être remis aux normes. «Ce n’est pas l’endroit le plus convivial du campus», euphémise M. Chabot. La FAÉCUM devra investir des sommes importantes dans la rénovation. M. Ranger affirme qu’aucune estimation n’a été faite à ce jour.

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Fin de la campagne Néanmoins, la campagne a marqué le temps qu’on ait entamé à nouveau mercredi le 13 mars, là où les mili- CAMPUS l’ASSÉ : « On a reçu un gros coup », une escalade des moyens de pres- tants de l’ASSÉ ont récemment em- de grève de l’ASSÉ avoue M.Gendron-Blais. « On ne peut sion.» pêché l’assemblée générale de statuer pas repartir en campagne l’an sur la question. Notons aussi que prochain avant d’avoir sérieusement L’ASSÉ devait connaître un réfé- l’ASSÉ a récemment publié des guides pris en conséquence la campagne rendum et une assemblée générale de d’information tels que « L’ABC d’une 2007/2008. » Et d’ajouter : « On ne désaffiliation au cégep François- occupation » et « L’ABC de la négo- LE GRAND risque pas de réentendre parler de la Xavier-Garneau, à Québec le lundi ciation » qui sont disponibles sur son SOIR 10 mars et au cégep de Matane, le site Internet. grève générale avant un petit bout, EST REPORTÉ Dans un communiqué publié le 18 février dernier, l’Asso- ciation pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) annonçait mettre fin à sa campagne de grève, huit mois après l’avoir commencée. PHOTO : JULIEN HOUDE

L’une des dernières manifestations de l’ASSÉ, le 12 février dernier à l’UQAM.

Anaïs VALIQUETTE L’HEUREUX On a reçu un gros coup. On ne peut pas repartir en campagne es étudiantes et étudiants nous ont envoyé un mes- l’an prochain avant d’avoir «L sage clair : au niveau sérieusement pris en national, une majorité d’entre eux ont décidé de ne pas partir en conséquence la campagne grève », dit Hubert Gendron-Blais, 2007/2008. porte-parole de l’ASSÉ.«Ça a été un constat de démobilisation assez Hubert Gendron-Blais désolant.» Porte-parole de l’ASSÉ

Selon l’ASSÉ, l’attitude qu’a eu la Fédé- ration étudiante universitaire du et de leurs conditions de vie et non Québec (FEUQ) durant la campagne a pas dans l’intérêt de leur faire faire constitué « un vecteur de décrépitude la grève», soutient-il. des conditions de vie des étudiants». La Fédération a « complètement gobé PAS DE CHANGEMENT DE CAP l’idéologie dominante » et «participé à avaler la hausse des frais de sco- Malgré l’arrêt de la campagne de grève, larité au niveau local en négociant la promotion de revendications tient avant même d’avoir mobilisé », toujours. Le secrétaire à la coordination juge Hubert Gendron-Blais. de l’AFESH-UQAM croit que «ce n’est pas parce qu’on ne gagne pas qu’on Du côté du centre de gravitation et pilier n’a pas raison de revendiquer. […] central de l’ASSÉ, l’Association facultaire L’ASSÉ a fait sa part, elle a essayé de des sciences humaines de l’UQAM mobiliser, mais ça n’a pas levé; [elle] (AFESH-UQAM), le secrétaire à la coor- ne pouvait pas continuer ». Il vaut dination, Alex Bourdon-Charest, croit mieux de prendre un peu de recul, que «les autres associations natio- selon M. Bourdon-Charest « pour nales n’ont presque rien fait, ce qui mieux ressauter dans la bataille plus n’a pas aidé.» tard.»

Pour Jean-Patrick Brady, président de Ni l’ASSÉ ni l’AFESH ne sauraient dire la FEUQ, l’erreur de l’ASSÉ fut de si des erreurs ont été commises de leur «cracher au visage de la Fédération part. Les porte-parole ont simplement en novembre dernier à son con- déclaré être actuellement en réflexion, grès», où la FEUQ était venue proposer manquant donc de recul pour pouvoir une union. « La FEUQ a toujours faire une bonne analyse de leurs «fai- travaillé dans l’intérêt des étudiants blesses».

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Prolongation du contrat d’exclusivité de distribution aventure financière, juridique et CAMPUS médiatique cauchemardesque.

Le Regroupement des étudiantes et étudiants en sociologie avait d’abord déposé, en novembre 2000, une plainte devant la Commission de l’accès à À LA DE PEPSI ! l’information afin de rendre public le SANTÉ contrat liant Pepsi et les trois factions On se souviendra de «l’affaire Pepsi». En 1999 le fameux embouteilleur de boissons gazeuses de l’UdeM. Suite au jugement de la Commission en faveur du demandeur, obtenait l’exclusivité de distribution sur le campus de l’UdeM. Dix ans plus tard, Quartier la publication de l’entente avait déclen- Libre a appris que le contrat sera prolongé pour trois ans. ché un tollé au sein de la communauté étudiante au même moment où l’UQAM Ariane PARAYRE refusait par référendum un contrat semblable avec Coca-Cola. isiblement, les étudiants de l’UdeM n’ont pas consommé Suite au non-paiement du premier V assez de sucre liquide et d’eau versement de 500 000$, l’UdeM avait en bouteille ces dernières années. intenté une poursuite en 2002 contre L’objectif de vente prévu au contrat, soit le distributeur de boissons, qui se 820 000 caisses de 24 cannettes en défendait alors en affirmant vouloir 10 ans – 17 litres par étudiant et par rouvir le contrat. session–, ne sera pas atteint. L’entente sera donc prolongée pendant trois ans, De plus, l’UdeM s’était vue dans a confirmé à Quartier Libre Réjean l’obligation de verser 1 125 000$ à la Duval, en charge du dossier à l’UdeM, firme Spectrum Marketing de ILLUSTRATION : CLÉMENT DE GAULEJAC sans toutefois vouloir indiquer le Vancouver, qui s’était chargée de la différentiel de volume consommé. Les négociation du contrat, mandat confié quatres parties concernées – l’Univer- à l’époque sans appel d’offre. sité, la FAÉCUM, l’AGEEFEP et Pepsi – sont ces jours-ci de retour à la table de En se référant au contrat, on y apprend valide pour trois ans. La chargée de laire 2007-2008– seront cependant Que les objectifs de vente n’aient pas négociation afin de régler les détails du que Pepsi conservera son exclusivité compte de la multinationale, Martine diminuées d’environ 25% par année été atteints ne surprendra personne. prolongement de l’entente. de distribution sur le campus, mais Gingras, a refusé de se livrer à tout jusqu’en 2012.» Il affirme également Étonnamment, ces quotas avaient été n’aura plus rien à débourser en commentaire . que la FAÉCUM tente de mettre sur pied proposés par la direction de l’Uni- Selon Denis Sylvain, secrétaire général contrepartie de ce droit, qui lui coûte un groupe d’achats afin de diminuer les versité, alors sous la gouverne de de l’AGEEFEP, toutes les conditions du 644000$ par an. L’entreprise ne sera Pour sa part, Kevin Bélanger, coor- coûts d’exploitation des cafés. Robert Lacroix, qui les avait inclus contrat d’approvisionnement ont été également plus tenue de contribuer à donnateur aux finances et services de dans les appels d’offres lancés en respectées par les diverses factions. La d’autres programmes de soutien aux la FAÉCUM, confirme que « la Fédé- POLÉMIQUE AU MENU 1998. Quartier Libre avait d’ailleurs pérennité de l’entente devrait se faire étudiants, ce qui représente une autre ration prépare un fonds qui servira rapporté en 2003 les propos de Sylvain selon le protocole prescrit. Il ajoute perte de revenus annuels moyens de à pallier la fin des redevances remises D’abord considéré comme une source Charbonneau, alors directeur général qu’il revient au comité exécutif de 233 800 $ pour l’UdeM. Cette clause aux cafés étudiants par l’entremise de revenus tombée du ciel pour de Pepsi pour le Québec : «Au rythme l’Université d’avoir le dernier mot sur entrera en vigueur en juin 2009 –date des contributions de Pepsi. Ces rede- l’UdeM, le contrat d’exclusivité s’est actuel, ça prendrait 27 ans pour les modalités de la prolongation. initiale de la fin de l’entente–et sera vances – 52 309$ pour l’année sco- transformé dès le début en une atteindre le volume de vente.»

Tête chercheuse : Pierre Boyer-Mercier AMÉNAGEUR URBAIN Pierre Boyer-Mercier est professeur agrégé à l’École d’architecture de l’Université de Montréal. Il est également chercheur au Laboratoire d’étude de l’architecture potentielle.

Propos recueillis par bâtiment, qui remplira une fonction spécifique. logis n’est que l’un des nombreux«tiroirs» de la Griffintown [un projet de revitalisation de cet Hugo PRÉVOST Il doit donc donner ce qui lui a été demandé. vie résidentielle. Il faut également créer des ancien quartier ouvrier du sud-ouest de Cependant, il existe plusieurs dimensions à lieux confortables, ajouter des espaces extérieurs Montréal], la conservation de certains bâtiments Quartier Libre : Vous avez signé, en 2005, l’intégration de l’art et de l’architecture, ainsi que afin de créer un sentiment identitaire, une historiques figure dans les conditions de un éditorial dans lequel vous établissiez plusieurs outils pour y parvenir. Une œuvre archi- communauté. Ce phénomène n’est pas seulement réalisation du projet imposées non seulement par le paradoxe entre l’art et l’architecture tecturale peut ainsi posséder un aspect artistique, constaté à Montréal, mais partout en Amérique la ville, mais également par les citoyens. pratique. L’art a-t-il sa place dans votre pas seulement fonctionnel. du Nord. Le projet Jeanne-Mance devra donc être discipline ? démoli; en raison de sa vétusté, mais également Q. L. : Quels sont les principaux défis pour Q. L. : Vous êtes spécialisé en habitation pour des raisons sociales. le développement résidentiel futur de Pierre Boyer-Mercier : L’architecte peut être à loyer modique. Que pensez-vous du Montréal ? considéré comme un paquebot qui vogue entre complexe des Habitations Jeanne-Mance, Q. L. : Selon vous, quelles seraient les par- deux ports : l’art et la science. L’évolution nous construit à Montréal dans les années ties de Montréal qui devraient absolument P. B.-M. : Le principal défi en architecture est rapproche sans cesse de l’un ou l’autre, mais le 1950 ? être protégées du développement rési- d’améliorer le prototype d’habitation actuel, «paquebot» ne s’amarre jamais. Il est important dentiel ? utilisé comme référence depuis plus de 50 ans. de conserver cette définition de bicéphalie de l’art P. B.-M.: Le développement du complexe Jeanne- De façon surprenante, les architectes ne sont pas en architecture, puisque l’art est très important Mance était un prototype dans un esprit P. B.-M. : La ville peut être représentée comme très impliqués dans le développement résidentiel. dans cette discipline. moderniste. Il s’agissait de faire table rase et de un ensemble de couches de génération de Les maisons individuelles, par exemple, sont la recommencer à neuf en bâtissant ce complexe bâtiments qui coexistent. Certains ont plus ou réalisation de technologues. Par contre, de grands Q. L. : Les architectes sont-ils effectivement résidentiel. Le but du projet était de loger une plus moins de valeur, d’autres sont devenus des points projets comme ceux des anciennes usines des êtres à deux visages, l’une artistique grande quantité d’individus, tout en offrant de de repère, des symboles architecturaux qu’il faut Angus impliquent la participation des architectes. et l’autre, purement pratique ? meilleures conditions. Toutefois, le projet fut un alors conserver. Le problème, c’est que ces Malgré tout, les architectes sont une valeur échec, puisqu’il ne s’agissait pas seulement de bâtiments doivent tout d’abord être évalués, un ajoutée sociale et technique à un projet. Il est P. B.-M. : Il faut comprendre que l’architecte a construire des maisons pour intégrer les gens à procédé onéreux. La conservation elle-même donc particulièrement important qu’ils fassent tout d’abord une commande à remplir pour un un quartier. C’est plus compliqué que cela : le coûte très cher. Si l’on prend l’exemple du projet connaître leurs produits.

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CAMPUS Budget fédéral : bye-bye les bourses du millénaire SANS REGRET Entre allègements fiscaux et remboursement de la dette, le budget des conservateurs a gardé de la place pour une mesure peu coûteuse qui fera plusieurs heureux à travers le pays : le remplacement des bourses du millénaire par un programme de 350 millions de dollars assorti d’un droit de retrait avec pleine compensation.

Alexandre CAYLA Cette «contrainte» n’existera plus sous le nouveau système conservateur, appelons que la Fondation puisque le Québec aura la possibilité de canadienne des bourses se retirer du programme fédéral et R d’études du millénaire a été d’utiliser les sommes qui lui étaient créée dans la controverse en 1998. À dédiées comme bon lui semble. Rien ne l’époque plusieurs avaient dénoncé garantit donc qu’elles seront utilisées de cette initiative du gouvernement de la même façon que celles de la Jean Chrétien, lui reprochant d’empié- Fondation des bourses d’études du ter dans un champ de compétence millénaire. Ainsi, même si l’on approuve provincial: l’éducation. Mais, pris à la généralement la proposition du gorge financièrement suite aux gouvernement Harper, les réactions sont coupures dans les transferts fédéraux surtout prudentes. « On peut seule- en matière d’éducation post-secon- ment espérer que ces sommes se daire, le gouvernement québécois retrouveront dans les poches des s’était vu contraint d’accepter. étudiants », affirme Dany St-Jean, porte-parole de la FEUQ. Le programme devait favoriser la mise en place d’un système de bourses Au ministère de l’Éducation, on ne veut pancanadien. Mais comme un tel même pas parler des scénarios pos- système existait déjà au Québec, le sibles. « Je ne peux pas faire de gouvernement québécois, la fondation, commentaires là-dessus, ça relève les associations étudiantes et la du domaine politique», dit Bernard CREPUQ s’étaient entendus pour que Frenette de l’Aide financière aux la moitié des sommes (35 millions) études; il a été impossible de rejoindre servent à réduire le plafond de prêt la ministre qui ne nous a pas rappelés. –le pourcentage de prêts dans l’aide financière totale reçue par les étu- Pour la Fondation, l’annonce du gouver- diants– et qu’une somme équivalente nement conservateur ne change rien serve à financer des services pour les puisque son mandat se terminait en étudiants. Les parties se devaient de 2009 et que rien ne garantissait qu’il respecter un certain nombre d’engage- allait être reconduit. En fait, selon ments pour s’assurer de recevoir les M.Jean Lapierre, directeur des commu- sommes. nications de la fondation, par son Good news, eh ?

Si au Québec on accueille l’annonce du gouvernement conservateur avec prudence, au Canada anglais, les étudiants célèbrent ce qui est perçu comme une grande victoire. En effet, au fil des années, la fondation canadienne des bourses du millénaire était devenue une source d’irritation constante pour les étudiants canadiens: cette créature parapublique avait permis au gouvernement Chrétien d’étendre son influence dans le domaine de l’éducation post- secondaire sans se mouiller et s’exposer à la pression des étudiants. D’autant que par ses actions, la fondation avait contribué à augmenter l’endettement étudiant dans certaines provinces plutôt que de le réduire.

«La fondation devait réduire l’endettement étudiant, mais ce qui s’est passé c’est qu’elle avait signé des accords non-contraignants avec les provinces sur le financement de l’aide financière aux étudiants. Alors, dès qu’elles ont reçu l’argent du fédéral, elles en ont retiré autant de leur programme d’aide financière », explique George Soule, de la Canadian Federation of Students, l’équivalent canadien de la FEUQ. geste, le gouvernement aurait plutôt de réussite du fédéralisme asymé- québécois, le débat serait même Or, si l’on présente la politique conservatrice comme le premier système de « mis fin aux spéculations ». Les trique, plusieurs restent encore ailleurs, car l’aide financière n’est bourse pancanadien, c’est parce qu’une telle situation ne risque pas de se engagements de la Fondation envers les sceptiques. « Je dirais plutôt que qu’une partie du problème. «Le reproduire. « Le fédéral et les provinces ont déjà un accord sur le étudiants bénéficiant de bourses c’est du fédéralisme asymétrique fédéral empiète toujours sur les financement des prêts étudiants. Le nouveau programme va être un ajout. renouvelables seront respectés. à géométrie variable », blague compétences du Québec en ma- Maintenant, l’étudiant bénéficiaire va recevoir des bourses qui vont faire Marie Malavoy, porte-parole du PQ. tière d’éducation, notamment en baisser son prêt, avant la répartition» précise M. Soule. Même si certains ont vu dans le Selon Thierry St-Cyr, porte-parole ce qui concerne les chaires de re- geste des conservateurs une preuve des dossiers jeunesse au Bloc cherche. »

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CAMPUS Entrevue avec Laetitia Tchoualack Compétition SIC de volleyball féminin UNE POUR TOUTES, À LA PROCHAINE TOUTES POUR UNE L’équipe féminine de volleyball de l’UdeM s’est inclinée 3 à 2 contre l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) dans une rencontre mémorable L’équipe de volleyball féminin de l’UdeM a atteint pour la première fois en lors de sa première participation à la finale du tournoi de Sport Interuni- 10 ans d’existence la finale du championnat canadien, emmenée par leur versitaire Canadien (SIC), le 1er mars dernier, à Fredericton (Nouveau- capitaine Laétitia Tchoualack. Finissante cette année en communication, Brunswick). Les filles mettent quand même la main sur la médaille d’argent, Laetitia a été désignée sportive universitaire de l’année au Canada en première récompense de leur histoire au tournoi national. volleyball féminin pour la saison 2007/2008. Rencontre. Propos recueillis par pour moi, ça ne veut pas Marc-André LABONTÉ Aboumerhi et de la passeure Giulia Stéphane WAFFO dire grand-chose. Sarrapuchiello, la reconstruction de l’équipe était comme un rêve devenu réalité représente un enjeu de taille. Olivier Trudel se Q. L. : Comment avez-vous Q. L. : Comment s’est jusqu’au tout dernier moment, où, dit tout de même confiant de garder son vécu les finales à Frede- passé votre prépara- PHOTO : JULIEN HOUDE C’ comme un coup de masse dans un équipe parmi les meilleures du circuit et prévoit ricton ? tion cette année ? miroir, tout s’est écroulé. Les Carabins ont disputer la finale nationale l’année prochaine. commencé par vaincre les Varsity Reds de Cependant, l’entraîneur chef tient à souligner L. T. : C’était intense. Person- L. T.: Je me suis entraînée l’Université du Nouveau-Brunswick (UNB) 3 à0 l’immense contribution de ces joueuses qui se nellement, j’étais contente de tout l’été. Je déteste en quart de finale. Puis, les bleues sont venues sont entièrement données à l’équipe durant l’équipe. Bien qu’ayant perdu perdre. Par rapport au à bout des Dinos de l’Université de Calgary 3 à1. leurs cinq années d’éligibilité dans le circuit en finale, ce que je retiens c’est championnat canadien de Cette équipe avait ruiné les chances des Carabins universitaire canadien. tout le cheminement qu’on a l’année dernière, c’était de mettre la main sur une médaille lors de leurs fait depuis trois ans pour arri- une grosse frustration de deux dernières présences au SIC. En finale, face Pour Magalie Saint-Georges, même si l’équipe ver enfin à avoir une médaille perdre au pied des aux Thunderbirds de UBC, les spectateurs ont a raté l’or, le résultat demeure satisfaisant. «Je canadienne. C’est la première fois qu’on atteint marches. Cette année l’objectif était d’obtenir des eu droit à un match de volleyball extrêmement suis vraiment contente de finir comme ça, ce niveau avec les Carabins et c’est quelque chose médailles et rien que des médailles. À partir de enlevant. En fait, lors de la dernière manche, qui confie-t-elle. Avant, on ne jouait jamais à d’énorme. C’est ma troisième année au sein de là, j’ai tout fait pour y arriver. C’est-à-dire de la s’est terminée 18 à 20, les équipes étaient au 100 %, mais cette année, on l’a fait avec notre l’équipe et je pense qu’à chaque année on préparation physique et mentale. C’est 27 heures coude à coude à partir de 9 à 9. cœur et on a tout donné». De son côté, Janie augmente de niveau, de performance, de cohé- de préparation sportive (entraînement, gym, Guimond, encore émue 48 heures après la finale, sion et d’esprit d’équipe. On a vraiment travaillé match, musculation). En plus des 15 heures de « L’effort collectif a été constant, raconte ne garde aucun regret quant à la manière avec fort. cours et des heures de révision. On a des l’entraîneur-chef, Olivier Trudel, les filles ont laquelle le tournoi et sa carrière se sont terminés. semaines très chargées. tout donné. On ne peut donc pas parler d’une « Je pense à ce qui est arrivé à toutes les Q. L. : Qu’est-ce qui vous a manqué en défaite crève-cœur. » M. Trudel, nommé minutes, déclare la jeune athlète, j’en ai encore finale ? Q. L. : Pourquoi avoir voulu venir pratiquer meilleur entraîneur au Québec pour une le cœur qui bat.» Nommée libéro de l’année au au Canada ? deuxième année consécutive, souligne que ses Canada, Mme Guimond regarde aujourd’hui son L. T. : Rien. Quand on perd 20-18 au jeu troupes ont réalisé un travail magnifique lors du avenir avec optimisme. « Après cinq ans de décisif, c’est qu’un gros facteur de chance L. T. : C’est surtout pour reprendre mes études. championnat et tout au long de la saison. persévérance, même si je veux me blâmer pour intervient. On a donné tout ce qu’on avait, elles J’ai arrêté au bac français (diplôme d’études «Personne n’est à blâmer, rajoute l’entraîneur, la défaite, je ne peux m’empêcher d’être ont donné tout ce qu’elles avaient, mais au final, pré-universitaires). En France, c’est mal une deuxième place, c’est loin d’être fière de ce que j’ai réalisé.» il fallait un gagnant. Ce n’est pas nous. Mais je ne organisé et difficile d’allier sport de haut niveau négligeable.» En effet, les filles ont accompli un peux qu’être fière. et études. J’ai essayé pendant un an. Je me levais exploit historique en mettant la main sur la à 6 h du matin et me couchais à minuit tous les première médaille de toute l’histoire de l’équipe. Les hommes Q. L. : Au niveau personnel, comment s’est jours. J’ai fini par abandonner. Je voulais Elles ont aussi prouvé qu’une équipe de l’est déroulée cette année qui vous a vue cou- reprendre mes études, mais pas en Europe. du pays peut être une menace pour les puis- Après avoir terminé au deuxième rang du ronnée meilleure sportive universitaire J’avais le choix entre Calgary, Vancouver et santes équipes de l’ouest qui dominent généra- classement provincial, l’équipe de volleyball de l’année au Canada en volleyball fémi- Montréal. lement le championnat. masculine des Carabins a accédé au cham- nin ? pionnat de SIC en voulant donner son meil- Q. L. : Et maintenant ? Évidemment, pour l’équipe, la saison est finie et leur. Toutefois, les Bleus ont offert une piètre L. T.: Ça s’est bien passé, mais je ne suis pas toute il faut passer à autre chose. En fait, devant le performance en s’inclinant en quatre seule. Même si c’est moi qui ai obtenu ce prix, je L. T. : Fini le volleyball jusqu’en août. On vient départ de la libéro – arrière qui réceptionne les manches lors des demi-finales de consolation, n’ai pas pu le gagner toute seule. On est 12 sur d’entamer trois semaines de congé, après, on services – Janie Guimond, du centre Magalie face aux hôtes du tournoi, qui avait lieu au un terrain. Si je n’ai pas de belles passes, si on n’a s’entraînera trois fois semaine, puis au niveau Saint-Georges, de l’attaquante Myriam PEPS de l’Université Laval. pas une cohésion d’équipe, les prix individuels, personnel ce sera de la musculation.

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SOCIÉTÉ Une journée avec une députée fédérale AU RYTHME EFFRÉNÉ DE L’ACTUALITÉ Le 26 février 2008, jour de dépôt du budget par le gouverne- ment Harper à Ottawa. Quartier Libre a suivi la députée bloquiste Claude DeBellefeuille dans son quotidien parlementaire.

Alicia LYMBURNER

laude DeBellefeuille, députée de Beauharnois-Salaberry (sud du Québec)et porte-parole du Bloc québécois en matière de ressources C naturelles oriente sa journée parlementaire en fonction des médias. Dès 7 h 30, la revue de presse québécoise et canadienne est sur son bureau. Outre la connaissance des dossiers, la députée et Daniel Dicaire, son attaché parlementaire, utiliseront cette lecture pour soumettre une question au comité. Cette dernière sera d’ailleurs réfléchie en fonction d’une reprise possible dans les médias.

LE BUDGET OU LA PÉRIODE DES QUESTIONS

En cette journée de dépôt du budget, la période de questions est moins effervescente que d’habitude puisque tous les médias sont occupés à couvrir

l’évènement. Néanmoins, la Chambre PHOTO : SITE OFFICIEL BLOC QUÉBÉCOIS des communes, fidèle à sa réputation, est agitée et indisciplinée, et la communication entre partis est quasi inexistante. « Ce n’est pas une pé- riode de réponses, mais une période de questions », précise dans l’anti- chambre le député du Bloc, Serge Ménard. Claude DeBellefeuille PARLEMENTAIRES ET JOURNALISTES

Comme elle gère les affaires locales dans sa circonscription en début de semaine, Claude DeBellefeuille a besoin d’une remise à niveau sur les activités de la veille à la Chambre des communes. C’est son attaché parlementaire qui s’en charge.

Dès 8 h 30, le bureau du leader parlementaire informe Daniel Dicaire qu’une question double est en préparation pour la députée. N’ayant reçu cette information qu’une demi-heure avant le comité préparatoire de questions du Bloc québécois, la députée et son attaché parlementaire doivent rapidement préparer des réponses possibles et se lancer dans les recherches. La députée et son attaché discutent ainsi de la nécessité de certaines interventions. C’est qu’à l’approche de possibles élections, certains candidats potentiels tentent déjà de s’imposer dans le discours politique.

AU PARLEMENT

Les décisions prises et la réunion terminée, Claude DeBellefeuille reçoit enfin sa question double du bureau parlementaire du Bloc québécois, laquelle s’adresse au ministre des Ressources naturelles. La recherche de la matinée s’avère essentielle à la compréhension des nouveaux enjeux gravitant autour du réacteur de Chalk River en Ontario. Au comité préparatoire de 13 h, les cinq questions doubles et la question simple dont dispose le Bloc québécois sont discutées en présence du chef Gilles Duceppe et du leader parlementaire Pierre Paquette.

À partir de ce moment, les évènements s’enchaînent avec la période de questions suivie du dépôt du budget. C’est dans cette ambiance toujours animée que Claude DeBellefeuille donne ensuite une entrevue pour la radio et assiste en soirée au caucus du Bloc québécois. Vers 20 h, la journée parlementaire de la députée de Beauharnois-Salaberry prend fin. De comité en comité, de caucus en caucus, la vie parlementaire des députés fédéraux évoluent à un rythme effréné, peut- être bien celui de l’actualité.

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SOCIÉTÉ Métiers du quotidien ENTREVUE AVEC UN CAISSIER Malgré ses 21 ans, Alexandre Sénécal compte déjà six années d’expérience dans les marchés d’alimentation. Année après année, il a gravi les échelons pour maintenant occuper le poste de gérant de service au IGA de l’Île-des-Sœurs. Ce jeune passionné de l’alimentation a bien voulu quitter ses caisses pour nous parler de son métier.

Propos recueillis par revenir à l’Île-des-Sœurs. J’occupe ce Q. L. : Depuis vos débuts dans les Steve GAUTHIER poste depuis maintenant deux ans. marchés d’alimentation, avez- vous remarqué une différence Quartier Libre : Quel est votre Q. L. : Comment décririez-vous dans la façon d’acheter des gens ? parcours dans le monde de l’ali- les conditions de travail des cais-

mentation ? siers ? PHOTO : STEVE GAUTHIER A. S. : Tout le monde demande du bio donc on a ajouté des sections biolo- Alexandre Sénécal : J’ai commencé A. S. : Je dirais qu’elles sont bonnes. giques au magasin. On a une très vaste en tant qu’emballeur dans un Métro à Nos employés sont syndiqués et ceux gamme de produits santé partout en l’âge de 15 ans, pour ensuite devenir qui travaillent à temps plein ont même épicerie. Il y a aussi les sacs réutili- caissier six mois plus tard. Ensuite, à droit aux assurances médicales. Du sables, on en vend comme de l’eau et l’âge de 16 ans, je suis devenu super- côté salarial, c’est comme dans tout je crois même que bientôt ça va viseur des caisses. J’ai alors appliqué autre emploi: on commence au salaire devenir obligatoire partout. Il y a déjà au IGA de l’Île-des-Sœurs, où je suis minimum – ou même un peu plus si plus de la moitié de notre clientèle rapidement devenu assistant chef on a déjà de l’expérience – et puis le qui les utilise. caissier. J’ai ensuite été transféré au salaire est révisé toutes les 500 heures. IGA de Saint-Lambert en tant que chef- Il y a aussi des petits bonus pour les Q. L. : Comme vous travaillez caissier pour finalement avoir une caissiers et caissières qui sont là depuis directement avec le public, il vous promotion de gérant de service et plusieurs années. Alexandre Sénécal derrière sa caisse. est sûrement arrivé de nombreux faits cocasses… Q. L. : Quelles sont vos tâches principales ? A. S. : Les histoires les plus drôles arrivent aux remboursements. Les gens A. S. : C’est sûr que si on parle de sont prêts à se faire rembourser une caissier, la principale responsabilité est canne de maïs à 99 sous s’ils en voient de balancer la caisse et d’offrir un bon une autre 10 sous moins cher. Mais le service à la clientèle. Mais le rôle de cas le plus drôle qui me soit arrivé est gérant de service comprend beaucoup sans l’ombre d’un doute celui de la plus d’obligations. Je suis encore en veille dame et de son chien. C’était une charge de la caisse, surtout dans les vieille dame riche qui est arrivée à la périodes très actives, mais je suis aussi caisse avec environ 32 bouteilles de 1,5 responsable de tous les employés à litres d’eau de source Naya. Elle criait l’avant. Je m’occupe des horaires, des et voulait se faire rembourser car inventaires de loterie et de cigarettes, apparemment son chien n’aimait pas du coffre-fort et même de l’embauche cette sorte. Elle m’a dit : « moi je de nouveaux employés. Je suis un peu l’aime mais mon chien ne l’aime pas le bras droit du directeur adjoint. car ça fait des “motons” dans son bol ». Je lui ai dit que c’était proba- Q. L : Y a-t-il beaucoup de vols blement normal à cause de la bave de dans les supermarchés ? l’animal mais elle était furieuse et on a dû la rembourser. C’était plutôt A. S. : J’ai déjà eu affaire à des voleurs difficile de rester sérieux et de ne pas de cigarettes ou même à un individu qui rire. s’était glissé derrière le comptoir pour voler une liasse de billets de loterie. Q. L.: Conseilleriez-vous le métier Cependant, je vous dirais qu’une de de caissier ? mes plus grandes responsabilités est de prévenir le vol interne. On a déjà eu à A. S. : Oui, surtout pour les étudiants. licencier plus d’une dizaine d’em- C’est un travail idéal car les horaires ployés. Ce sont souvent des cliques sont très flexibles. Ceux qui, comme d’amis qui travaillent ensemble, alors moi, aiment le monde de l’alimentation si un fait une bêtise il n’est pas rare que n’auront aucun problème à avancer à les autres le fassent aussi. des postes plus hauts s’ils sont motivés.

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SOCIÉTÉ L’introduction de la carte à puce de la STM prévue pour avril ÉPIDÉMIE DE PUCES DANS LE MÉTRO Après avoir remplacé les boîtes de perception dans les autobus en 2007 de nouveaux tourniquets sont apparus dans les stations de métro. Dès la mi-avril, la Société des transports de Montréal (STM) sera fin prête à introduire la carte à puce. Gros plan sur cette « petite révolution » qui s’annonce.

Audrey LAVOIE STM, soutient que la situation ne deux ans et d’ici là, la STM n’envisage pouvait guère dureret qu’une moder- pas, officiellement, d’instaurer un tel n 2006, Claude Trudel, président nisation était nécessaire : «Les équipe- système. de la STM, annonçait la venue de ments dataient des années 1960. Ils E la carte à puce. Une nouveauté étaient tous désuets et inadaptés à M. Parisien s’inquiète pourtant: «Les qui se fait encore attendre, mais qui n’a la réalité d’aujourd’hui.» PHOTO : THOMAS GERBET gens vont attendre que ça leur pas tardé à alimenter les critiques : explose à la figure avant de réagir. « Avec les augmentations de tarifs QUI DEVRA PAYER ? Moi, j’essaie d’anticiper ce qui s’en qu’il y a eu dans les dernières années, vient afin de [les] sensibiliser aux je trouve que la STM aurait pu mettre La promesse de la STM de maintenir enjeux possibles. » Nous verrons en son argent ailleurs», s’énerve Nicolas, les tarifs actuels ne convainc pas avril si les utilisateurs du métro et des un usager des transports en commun, Normand Parisien, directeur général autobus de Montréal se secoueront les rencontré à la station Joliette. «C’est de Transport 2000-Québec, organisme puces. encore nous, les usagers, qui devrons sans but lucratif voué à la défense des payer», ajoute-t-il. usagers du transport en commun. Il craint que l’introduction de la carte à Comment ça Du côté de la STM, on se fait rassurant. puce ne fasse encore augmenter la Les « dents » rouges sont venues se joindre aux tourniquets, En plus de promettre que les tarifs vont facture des usagers, qui financent déjà comme ici, station Université de Montréal fonctionnera ? rester inchangés, Odile Paradis, porte- plus de la moitié des frais d’exploi- «La STM prétend que les installations âgées bénéficiant de tarifs réduits, et le parole aux affaires publiques de la tation du métro et du réseau d’autobus. vont s’autofinancer avec l’argent titre de transport, carte mensuelle, Une fois que l’usager possédera sa récupéré de la fraude et du vol, mais hebdomadaire ou billets. carte à puce, il pourra la recharger ils ont gonflé leurs estimations. Les chaque semaine ou chaque mois Payons-nous trop cher ? fraudes ne représentent pas plus de L’IMPLANTATION DES dans les distributeurs automatiques 8 à 10 millions de dollars par année. PUCES PRENDRA DEUX ANS qui seront installés dans les stations Plusieurs usagers se plaignent des hausses fréquentes des titres de transport. [20 millions de dollars selon la STM] de métro. La carte privilège pour les En six ans, la CAM (carte autobus-métro) mensuelle a subi une augmentation Ça va prendre du temps avant que Les détracteurs des cartes à puce étudiants et les personnes âgées sera de plus de 16 $, passant de 50 $ en 2002 à 66,25 $ en 2008. Pourtant, selon cet investissement [de 166 millions rencontrés craignent l’avènement d’un intégrée dans la carte à puce, ce qui M. Parisien, «le président de la STM [Claude Trudel], trouve que le transport de dollars] ne s’autofinance», clame- système d’utilisateur-payeur, une des fait en sorte que l’usager ne en commun ne coûte pas assez cher à Montréal comparativement aux t-il. solutions évoquées par le président de possédera désormais que cette autres grandes villes d’Amérique du Nord». Les Montréalais paient-ils trop la STM en 2006. Les usagers paieraient carte. Dans les distributeurs, le cher leur titre de transport ? Petite comparaisonentre différentes métropoles De son côté, Mme Paradis argue que ces ainsi un montant différent, selon les paiement pourra se faire par carte occidentales (en dollars canadiens): nouvelles cartes faciliteront la vie des stations ou les zones dans lesquelles ils de débit, de crédit ou en argent usagers. Elle explique que ceux-ci se trouvent ou selon l’heure à laquelle comptant. Une fois chargé d’un titre À Montréal et à Toronto : 2,75 $ par billet (3,88 $ pour un Big Mac) pourront désormais payer par carte de ils se déplacent. Ce serait la fin de la de transport (mensuel, hebdoma- À New-York : 2,00 $ (3,40 $ pour un Big Mac) débit ou de crédit dans les distri- tarification universelle du métro. daire ou billet), l’usager n’aura qu’à À Paris: 2,27 $ par billet (4,70 $ pour un Big Mac) buteurs automatiques qui serviront à À cela, Mme Paradis rétorque: «Nous passer sa carte devant la borne de À Londres : 8 $ par billet (4 $ pour un Big Mac) charger et recharger les cartes. «Les ne sommes vraiment pas rendus là. lecture dans les stations de métro Moscou : 0,62 $ par billet (2,15 $ pour un Big Mac) gens n’auront besoin que d’une seule Pour l’instant, il est primordial d’y ou devant la boîte de perception carte », explique-t-elle. Carte qui aller étape par étape afin de ne pas dans les autobus afin de valider son passage. (Sources: McDonald’s et sites des sociétés de transport) réunira donc la carte privilège, dans le brusquer les clients.» L’implantation cas des étudiants et des personnes de la carte à puce prendra près de

dangereuse : de larges artères difficiles Lecture à traverser, une circulation rapide qui incite à se tenir loin des boulevards, une grande distance séparant le lieu de résidence et les lieux de divertisse- ment... Selon l’auteure, cette situation LÈVE-TOI ET ne peut être renversée que si l’on MARCHE repense entièrement l’organisation de nos villes. Patricia ROY et s’intéresse à l’effet néfaste de ce afin de rétablir, par la même occasion, mode de vie sur la santé des Occi- une cohésion sociale. « Histori- Si cet essai soulève une question a marche et le vélo n’ont pas la dentaux. Incités à rester bien calés quement, marche et révolution ont pertinente, il comporte nombre de cote, relégués aux oubliettes par derrière le volant de leur voiture, ces toujours été étroitement liées. […] faiblesses qui rendent sa lecture longue L la meilleure amie de l’homme : derniers font face à un nouveau fléau: C’est peut-être la raison pour laquelle et parfois risible. À trop vouloir la voiture. Aujourd’hui, l’automobile une sédentarité jamais observée, les planificateurs et les autorités diaboliser la voiture, l’auteure en met occupe une telle importance dans la vie laquelle entraîne une pléiade de politiques favorisent la création d’un parfois un peu plus qu’il n’en faut. des Nord-Américains que les urbanistes maladies cardio-vasculaires. environnement incompatible avec la Par exemple, elle encourage les mar- en sont venus à créer un environne- marche. Quand les gens sont con- cheurs à se méfier des portes de garage ment entièrement conçu pour faciliter Par l’entremise de son livre, l’auteure finés à la sphère privée (voiture, meurtrières et des stationnements de environnement qu’il juge hostile. Mis la vie des conducteurs. Dans son livre tente de ramener les bienfaits de la maison), il leur est plus difficile de centres commerciaux qui, traversés à à part ces incartades dues à une cen- Pour une ville qui marche, Marie marche à l’ordre du jour et propose se rassembler et de protester contre pied, représentent un véritable bras de taine de pages en trop, le livre de Marie Demers se penche sur ce phénomène nombre de théories fort intéressantes les règles qu’on leur impose. » fer contre la mort. Ces exagérations ont Demers demeure une lecture inté- toutefois un certain charme. Savoureux ressante qui donne envie de réintégrer «Chaque année, aux États-Unis, quelque 5000 piétons sont tués par des Malgré les avantages physiques et sont les passages où le lecteur est la marche à son mode de vie. automobiles, ce qui représente un plus grand nombre de victimes que sociaux que présente la marche, Marie encouragé à marcher pour prévenir la celui de l’effondrement du World Trade Center.» Demers met en lumière certains pro- démence, ou à se déplacer à l’aide Marie Demers, Pour une ville qui marche, blèmes qui la rendent ardue, voire d’un bâton lorsqu’il circule dans un Écosociété, 2008

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SOCIÉTÉ Rencontre avec Lionel Meney L’interviewé EN ATTENDANT UNE NORME Professeur retraité de langue et linguistique de l’Université Laval et auteur du Dictionnaire québécois-français (1999), Lionel Meney analyse et compare les langues québécoise et française depuis 1969. Il prépare actuellement un ouvrage sur le problème de la norme linguistique au Québec qui devrait être publié au courant de l'année 2009. Quartier Libre a « piqué une p’tite jasette » avec cet adepte d’un français « transnational ».

Propos recueillis par Rachelle Mc DUFF Au Québec, en plus d'avoir du bilinguisme, Quartier Libre : Vous étudiez le français québécois depuis qua- il existe deux variantes d'une même langue, rante ans. Avez-vous remarqué PHOTO : CLAIRE DUFOUR soit le français standard et le français québécois. des changements majeurs dans notre langue ces dernières dé- cennies ?

Lionel Meney : Premièrement, il est le statut du joual qui opposaient (soutenu) et le français québécois nécessaire de souligner qu’il y aura une langue nationale québécoise vernaculaire (populaire). toujours une différence importante dont l’un des partisans est l’auteur entre l’oral et l’écrit, et ce, dans Léandre Bergeron et une langue Q. L. : Justement, où trace-t-on la toutes les langues. Au Québec, la plus près du français standard et ligne entre ce qui est acceptable situation est différente en ce sens qu’il défendue par, entre autres, le ou non dans la langue française ? existe une distinction encore plus poète Gaston Miron. En 2008, ce Ne serait-ce pas plus simple marquée qu’en France entre les débat est-il toujours d’actualité ? d’appeler officiellement notre langages parlé et écrit. D’une manière langue le « québécois » ? générale, il y a eu un rapprochement L. M. : Ce débat est mieux connu sous entre le français standard et le français le nom de «querelle du joual». Pour L. M. : Voilà un angle important. Pour propre aux Québécois dit vernaculaire ses défenseurs, le joual était vu comme légitimer une forme de langage, pour [de tous les jours]. Le niveau soutenu un signe de revendication symbolique créer une norme québécoise, il faut – scolaire, public, universitaire – a très et identitaire car il représentait une premièrement choisir entre la langue peu changé. En revanche, le langage opposition à l’oppression économique vernaculaire ou élitaire. Puis, il suffira familier, lui, a évolué, car l’éducation et politique anglophone. Aujourd’hui, de faire un dictionnaire et une a changé. Collectivement, on maîtrise il reste une tendance, mais on discute grammaire. Pour l’instant, lorsqu’on mieux la langue, et le vocabulaire a moins du joual et plus d’une norme juge de la correction ou de l’incor- augmenté de façon considérable. linguistique, d’un modèle. Donc, il y a rection d’une forme, on se base sur Lionel Meney est l'auteur de plusieurs ouvrages de linguistique ce que j’appelle les « endogénistes » un dictionnaire du français standard. dont le Dictionnaire québécois-français qui considèrent qu’il devrait y avoir En ce moment, un groupe de recherche Q. L. : Dernièrement, le débat sur (Guérin, Montréal, 1999) le bilinguisme au Québec a fait une norme pour le français québécois. de l’Université Sherbrooke planche sur couler beaucoup d’encre. Des lin- d’une même langue, soit le français mots anglais tels parking ou week-end En opposition : les défenseurs d’un le projet Franqus (Français québécois: guistes avancent que nous vivons standard et le français québécois. Cette comme le font les Français. Ils les français international ou transnational usage standard) d’où sortira un dic- une « situation diglossique ». diglossie s’explique, entre autres, par considèrent comme une menace. Ils – qui ne s’arrête pas aux frontières tionnaire du français standard en usage Qu’est-ce que la diglossie ? l’héritage du vieux français des colo- vont plutôt décliner ces termes parce politiques et qui peut être compris par au Québec. Peut-être y aura-t-il une nisateurs et les nombreux emprunts à que c’est moins visible. On entend d’autres francophones. La « mesure » grammaire québécoise un jour, mais L. M. : En fait, au Québec, nous vivons l’anglais, langue prédominante en souvent des expressions tirées de des endogénistes est l’espace (le les Québécois devront d’abord l’ac- deux situations : le bilinguisme et la Amérique du Nord.. l’anglais telles que «détenir la balance pays, la nation) et celle des partisans cepter et ça risque de ne pas plaire à diglossie. Les deux termes signifient du pouvoir » ou faire une « levée de du français international est la tout le monde. Ce qui m’inquiète c’est presque la même chose. Le bilin- Q. L. : Quelles fautes reviennent le fonds ». Gaston Miron a déjà dit du catégorie sociale (les gens instruits qui que des mots, comme des anglicismes, guisme vient du latin et implique que plus souvent dans le langage des français québécois que c’était du parlent et écrivent dans le cadre de pourraient être acceptés dans une deux langues sont en opposition Québécois ? «traduit du» (traduit de l’anglais). S’il leurs activités), indépendamment de norme de la langue québécoise ce qui (anglais et français), comme c’est le y a du travail à faire, c’est là. leur lieu de résidence (France vs éloignerait les Québécois des autres cas à Montréal. Le mot diglossie est L. M. : Il y a bien sûr les anglicismes. Québec, etc.). Puis, il existe trois francophones. Selon moi, ce qui est d’origine grecque. Ici, en plus d’avoir C’est étrange, parce que les Québécois Q. L. : Dans les années 1970, il modèles qui caractérisent la langue: le important c’est d’être compris au-delà du bilinguisme, il existe deux variantes sont sensibles aux emprunts directs de existait une polémique entourant français standard, le français élitaire des frontières.

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SOCIÉTÉ firmé suite à la publication des Droit de articles de Quartier Libre. QUARTIER LIBRE : Après avoir repris contact avec Monsieur Lynhiavu, celui-ci nous a mentionné que la demande de Nouvelle Acropole pour réponse obtenir le soutien de l’UNESCO « est arrivée trop tard ». Il nous a par Mis en cause dans deux articles (« Foi, croyance et vérité » et ailleurs réaffirmé que «l’idée même de la philosophie selon l’UNESCO ne «Entre laxisme et “sectisme”») de l’édition du 27 février 2008 cadre pas à leurs activités», entendez du journal Quartier Libre, vous trouverez ci-dessous notre celles de Nouvelle Acropole Canada. droit de réponse visant à raisonnablement rectifier et clarifier 5. DENIS BRICNET : L’OINA ne certaines informations publiées. revendique pas des « adeptes ». mais des sociétaires ou des DENIS BRICNET Il n’y a aucune raison pour laquelle Acropole France a répondu à QUARTIER LIBRE: Selon le diction- membres. directeur de l’Organisation internationale nous ne le ferions pas. Quant à l’ex- l’appel de l’UNICEF en plaçant naire Le Robert 2008, recruter: «Ame- Nouvelle Acropole Canada (OIMA) pression « sous l’égide », que vous sur une des pages de son site une ner (qqn) à faire partie d’un groupe 6. DENIS BRICNET : « nouvelle- confirmez donc, rappelons que cela invitation à verser des dons à (association, parti, entreprise…)». acropole.org » cité dans l’article 1. DENIS BRICNET : L’expression signifie «sous la protection de, sous l’UNICEF. Vous êtes donc une association qui est le site de Nouvelle Acropole « sous l’égide de l’UNESCO », ex- l’autorité de » (Le Robert 2008) et publicise son programme mais n’amène France. Celui correspondant à traite d’un éditorial de Nouvelle que M. Lynhiavu, chargé des affaires QUARTIER LIBRE : C’est en effet pas les gens à en faire partie. Soit. l’organisme canadien, objet de Acropole France, ne fait que dire publiques à l’UNESCO, a mentionné l’UNICEF et non l’UNESCO qui a l’enquête, n’est pas cité. Le site de que la Journée mondiale de la que cela «prêtait à confusion» (voir demandé le retrait du lien. Toutes nos 4. DENIS BRICNET: Il est vrai que Nouvelle Acropole Canada est philosophie est sous cette égide. plus bas) excuses pour cette erreur. l’association Nouvelle Acropole à nouvelleacropole.ca La manière de s’exprimer de Nou- Ottawa a contacté Monsieur velle Acropole Canada quant à 2. DENIS BRICNET : L’UNESCO 3. DENIS BRICNET : Nouvelle Lynhiavu à l’occasion de la pro- QUARTIER LIBRE : Le site nouvelle- cette célébration se trouve sur son n’a pas demandé à Nouvelle Acropole Canada ne « recrute grammation des activités dans le acropole.org n’a jamais été présenté site journeedelaphilosophie.ca Acropole le retrait d’un lien vers pas ». Elle publicise les activités cadre de la Journée mondiale de dans l’article comme celui de la son site. C’est l’UNICEF qui l’a de son programme. Cependant il la philosophie. Mais il est inexact branche canadienne de Nouvelle QUARTIER LIBRE : Vous faites vous- demandée à Nouvelle Acropole est vrai qu’elle choisit des thèmes que Nouvelle Acropole à Ottawa Acropole. Contrairement à ce que vous même, sur la page web citée, des France. La « rumeur » a effecti- « susceptibles d’intéresser un ait essuyé un « non ». Monsieur écrivez, le site .CA est cité par trois fois, renvois vers Nouvelle Acropole France. vement été la plus forte. Nouvelle auditoire ». Lynhiavu nous l’a lui-même réaf- en crédit des illustrations.

RECTIFICATIF aux propos d'Alysouk Lynhiavu, chargé des affaires publiques et coordonateur national du réseau canadien des écoles associées de l’UNESCO.

À propos de l’utilisation du terme « sous l’égide » par la Nouvelle Acropole, M. Lynhiavu n’a jamais prononcé les mots suivants : « je condamne ». Il n’a fait que ré- pondre par l’affirmative lorsque nous lui avons demandé s’il condamnait l’emploi de ce terme. Il tient à préciser qu’il n’est pas habilité à condamner au nom de l’UNESCO et que s’il a répondu oui c’est parce que l’emploi de ce terme «prêtait à confusion».

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MONDE Des clés pour comprendre les élections législatives en Iran UN RÉGIME QUI SE TIENT Mahmoud Ahmadinejad va-t-il encore subir un revers électoral ? Après le scrutin municipal de décembre 2006, où l’opposition l’avait emporté, les élections législatives du 14 mars s’annoncent cruciales. La division du camp du président iranien et une nouvelle défaite pourraient être un très mauvais présage pour lui en vue des élections présidentielles de juin 2009. Hanieh ZIAEI aucune explication pour cette invalidation: «Les voisins m’ont dit Le Conseil l’aube des élections législatives qu’on les avait interrogés sur ma vie iraniennes, deux clans se font privée, pour savoir notamment si je des gardiens À face. L’opposition au pouvoir me rase, si je prie, si je jeûne ou si conservateur est principalement je fume», a-t-il déclaré au quotidien Cette institution se compose de 12 constituée des «révisionnistes», plus ou de Téhéran Etemade Melli. membres : 6 clercs nommés par le moins convenablement appelés «réfor- guide et 6 juristes élus par le Parle- mateurs» par les médias occidentaux. Le Conseil des gardiens, contrôlé par ment sur proposition du chef du Les «conservateurs» sont, quant à eux, les conservateurs, a rejeté en février pouvoir judiciaire, nommé lui- marqués par une profonde division. dernier plus de 2000 candidatures même par le guide. La durée du D’un côté, il y a les purs et durs, proches – majoritairement issues du camp mandat de ses membres est de six de Mahmoud Ahmadinejad, et de l’autre «révisionniste » – sur un total de 7200 ans, renouvelable par moitié tous des conservateurs plus modérés, criti- candidats – dont 590 femmes – ins- les trois ans. À l’heure actuelle, la quant la politique du président et re- crits aux élections législatives du présidence de ce conseil est assurée groupés autour de personnalités 8e parlement. Ces rejets massifs par l’ultra-conservateur Ahmad comme Ali Larijani, ancien responsable peuvent s’expliquer par la crainte des Janati. La fonction principale de du dossier nucléaire, ou encore conservateurs d’un renforcement des cette institution est de veiller à la Mohammad Bagher Ghalibaf, actuel révisionnistes au sein du Parlement. comptabilité et à la conformité des maire de Téhéran. Parmi les personnalités retenues se lois à l’islam et à la Constitution. trouvent un certain nombre d’anciens Le Parlement iranien vote la loi et gardiens de la révolution, l’armée peut approuver ou renverser l’exécutif, d’élite du régime, dont faisait partie Le Parlement y compris le président. Si un tiers des Mahmoud Ahmadinejad et dont la députés le mettent en cause, ce dernier fonction originelle était de protéger les Le Parlement de la République peut être contraint de s’expliquer valeurs révolutionnaires contre les islamique se compose de 290 devant l’Assemblée. Si deux tiers des monarchistes. membres élus pour quatre ans par députés lui refusent sa confiance, le l’ensemble de la population (43 guide suprême de la révolution Ces élections permettront également millions d’électeurs sur 70 millions islamique – actuellement l’ayatollah de prendre le pouls et de mesurer ILLUSTRATION : CLÉMENT DE GAULEJAC d’Iraniens). Seulement cinq d’entre Khamenei – en est informé et peut l’indice de satisfaction de la population eux représentent les minorités destituer le président. Son statut iranienne à l’égard de son président. confessionnelles reconnues par le correspondant à la dignité de chef Toutefois, avec les nombreuses régime : zoroastriens, juifs et d’État confère au Guide une impor- disqualifications de candidats, un taux chrétiens (majoritairement armé- tance capitale dans le système politique important d’abstention est fort pro- niens). C’est en 1906 que l’Iran iranien. [Voir encadré] bable. Les citoyens iraniens se rendent connut la mise en place et la forma- en effet de moins en moins aux urnes tion de son premier Parlement sous La destitution de Mahmoud – entre 30 et 40 % d’abstention ces la dynastie des Qâdjârs. Après la Ahmadinejad demeure fort impro- dernières années –, tant ils sont révolution iranienne de 1979, le bable à l’issue de ces élections, convaincus de la futilité du vote. Il y a premier parlement de la Répu- puisque le système en place peut être quatre ans, le rejet massif des blique islamique d’Iran se mit en facilement détourné par un « méca- « révisionnistes » par le Conseil des place. nisme de filtrage ». Un système de gardiens avait pourtant permis aux sélection préalable des candidats est conservateurs de prendre le contrôle en effet possible. Il est même ou- du Parlement. Le même phénomène Quelques candidats vertement effectué par le Conseil des devrait se reproduire le 14 mars gardiens – aussi appelé le Conseil de prochain. Le camp des conservateurs à suivre : surveillance – qui doit se prononcer étant divisé et désuni, les votes sur les candidatures, démontrant détermineront alors le renforcement Parmi les conservateurs: l’influence considérable de cette ou l’affaiblissement du président institution [Voir encadré]. Ahmadinejad ou du camp «révision- • Gholamali Haddad-Adel, ancien niste » même si les conditions d’une président du 7e Parlement. Il se Afin de pouvoir exercer la fonction de réelle compétition n’existent pas situe en tête de liste du camp député, plusieurs conditions s’ap- réellement. Les principaux points sur lesquels conservateur pliquent. Certaines sont strictement • Ruhollah Hosseinian, conseiller traditionnelles et objectives, d’autres Malgré le recours au suffrage populaire, s’opposent conservateurs et révisionnistes: politique d’Ahmadinejad. Il a été sont radicalement subjectives. Par le système électoral reste un mode soupçonné d’être mêlé à une exemple, il faut avoir de bons anté- soumis et contrôlé. Il ne s’agit donc pas • Les arts et la culture : alors que les révisionnistes sont en faveur d’une affaire d’assassinats d’intellectuels cédents, ne pas avoir une mauvaise de partis politiques car seule une partie plus grande liberté d’expression et de plus de marge de manœuvre pour les séculiers réputation et être dévoué à l’islam, au des acteurs en tant que telle est artistes et les intellectuels, les conservateurs souhaitent maintenir la censure régime de la République islamique et autorisée. Pour l’essentiel, ceux-ci ne et poser des limites. Parmi les révisionnistes: à la Constitution iranienne, tout en remettent pas en cause les fondements acceptant le « velayat-é faqih » du régime. Un régime qui ne semble • L’économie: les «révisionnistes» sont pour la privatisation et en faveur des • Majid Ansari, membre très actif e (tutelle du juriste théologien). Par pour l’instant pas près de s’écrouler. investissements étrangers alors que les conservateurs sont plutôt keynésiens du 6 Parlement exemple, la candidature de Ali et ne sont pas ouverts à l’investissement étranger. • Fatemeh Karoubi, épouse de Eshraghi, petit fils de l’ayatollah L’auteure est étudiante à la maîtrise en l’ancien président du Parlement, Khomeini n’a pas été retenue. Son science politique à l’Université de • Le nucléaire : les conservateurs disent qu’il faut rester ferme et ne pas Mehdi Karoubi grand-père fut pourtant le guide Montréal. Elle nous livre ici son analyse changer de position alors que les «révisionnistes» sont pour une détente et • Eshaq Jahangiri Kouhshahi, spirituel de la révolution islamique de d’une question internationale dont elle est souhaitent calmer les tensions et les craintes de la communauté internationale. ancien ministre de l’Industrie et 1979. Le candidat a assuré n’avoir reçu spécialiste. des Mines (2001-2005)

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CULTURE Rencontre avec l’auteure Katia Belkhodja ROMAN NOMADE La peau des doigtscommence par ces mots: «J’ai ta chair arrachée entre les dents». Pourtant, au premier abord, Katia Belkhodja ne ressemble pas à son livre. Chaleureuse, elle cache sa timidité derrière de grands éclats de rire. Cette Montréalaise d’origine algérienne, étudiante au baccalauréat en littérature française à l’Université de Montréal, publie son premier roman chez XYZ.

Valérie MANTEAU yeux. Toujours entre deux émotions, souvent dans le second degré, Katia ans l’entrée du Caféo, sur la rue Belkhodja est une personnalité aussi Rachel au coin de Saint-Denis, difficile à cerner que les nombreux D Katia Belkhodja s’amuse avec un personnages de son roman, La peau des

petit garçon de cinq ans à peine, fasciné doigts. En la voyant, on repense au début PHOTO BELKHODJA : KATIA de la voir si souriante. À table, derrière du livre, au moment où la narratrice un chocolat chaud, elle dit bonjour aux s’adresse à une très sensuelle Doña, à la gens qui passent, même si elle ne les bouche pulpeuse et à la voix de gamine. connaît pas. Les voisins qui travaillent à leur ordinateur lui jettent des regards EN PARALLÈLE intrigués. Il faut dire que, pendant près de deux heures, elle parle en riant sans Quand une question l’interpelle, elle se arrêt, tant qu’elle en a les larmes aux fige, songeuse : « je ne sais pas d’où

Katia Belkhodja, étudiante au baccalauréat en littérature française à l’Université de Montréal, publie La peau des doigts, son premier roman.

elle vient cette histoire. J’avais cette à raconter cette histoire, elle ne savait Quand on lui a demandé si elle avait phrase en tête, “j’ai ta lèvre arrachée pas que Marguerite Yourcenar était des idées pour la couverture, Katia a entre les dents”, et je suis partie de morte en 1987! Plutôt que de modifier haussé les épaules. Pour elle, il est ça.» Au fur et à mesure qu’elle se ra- ce qu’elle avait déjà écrit, elle décide temps de se détacher de ce projet enta- conte, on reconnaît quelques éléments que son personnage apprendra, lui mé en 2006. Après 10 mois d’une autobiographiques, la grand-mère aussi, au milieu du livre, que son idole rédaction intermittente, elle hésite kabyle, le garçon rencontré dans le est décédée il y a 20 ans... longuement avant d’aller le porter chez métro et Doña, la fille au prénom un éditeur. Poussée par ses proches, «tellement beau». On reconnaît sur- AU FIL DE LA PLUME elle se décide finalement… Mais, au tout cette façon très particulière de lieu de tenter sa chance dans plusieurs s’exprimer, des phrases courtes, Le roman de Katia Belkhodja est maisons d’édition, elle se contente de abruptement interrompues, reprises en envoûtant, empreint d’une nostalgie le déposer chez XYZ ! « Pourquoi ? escalier. Elle approuve l’idée que le diffuse, soit celle du pays natal perdu Parce que j’aime bien marcher à lecteur, perdu dans le roman, finisse au fil des migrations successives de pied, raconte-t-elle, hilare, quand par se sentir en osmose avec les per- personnages déracinés. Une errance, elle réalise l’incongruité de sa réponse, sonnages. «Eux aussi, ils sont totale- de l’Algérie à Montréal, en passant par avant de préciser: XYZ c’est la maison ment perdus », dit-elle. De pays en Paris, dans laquelle le lecteur est lui d’édition la plus proche de Berri- pays, chacun se cherche et voit se diluer aussi sur le point de se perdre. Elle UQAM.» On ne voit toujours pas trop le lien de ses origines. Katia Belkhodja, raconte volontiers que la première le rapport, mais on n’en saura pas elle, se dit Québécoise ou Algérienne, version de son texte était bien plus plus. Elle raconte en revanche qu’elle selon ce qui l’arrange. Elle regrette de difficile à suivre. Son éditeur, André a marché jusqu’à Boréal, mais qu’elle ne pas parler la langue de son pays Vanasse, lui a demandé de faire un gros est arrivée après la fermeture. Chez d’origine: «Je pourrais me débrouiller travail pour « rassembler » les mul- Leméac, elle est ressortie en courant. en arabe pour sauver ma vie, mais tiples histoires qui se croisent. Elle «Finalement, résume-t-elle en riant, pas plus», dit-elle en riant. La peau des imite, en joignant les mains et avec une ça a été beaucoup de sport, la publi- doigts est une quête de filiation, voix grave, son éditeur lui demandant cation!». Quand, cinq mois plus tard, d’identité, qui passe aussi par la litté- de démêler le récit pour le rendre XYZ l’a rappellée pour la publier, elle rature: le jeune Gan se prend de pas- compréhensible: «On ne se souvient était en Suisse dans le cadre d’un sion pour la grande écrivaine française plus de ce personnage ! Malheu- échange universitaire. Le livre a dû at- Marguerite Yourcenar, au point de se reusement, le lecteur n’est pas dans tendre, comme l’aboutissement d’une poster devant l’Académie française en la tête de Katia Belkhodja ! » Après errance, que son auteure nomade espérant la voir. Katia avoue sans presque un an de travail, le roman est rentre au pays. complexe que, lorsqu’elle a commencé sorti en librairie le 6 mars dernier. La peau des doigts, Katia Belkhodja, Toujours entre deux émotions, souvent dans le second degré, XYZ éditeur. Katia Belkhodja est une personnalité aussi difficile à cerner Lancement le 19 mars que les nombreux personnages de son roman au pub Quartier Latin.

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CULTURE Découverte de l’atelier d’artistes la Casa Obscura COIN DE PARADIS Un petit escalier sur la rue Papineau, coin Mont-Royal, sans aucune indication : la Casa Obscura est un endroit confidentiel. Les artistes bénévoles qui font vivre cet atelier au rythme de projections de films, de concerts de jazz ou de soirées politiques tiennent à le protéger d’une trop grande exposition. Paul Thinel, cofondateur, présente ce « lieu anarchique ».

Valérie MANTEAU Boudreault, qui expose à partir du 6 mars ses feuilles de BD dessinées sur 19 h un lundi, Paul Thinel est le comptoir de la Casa. assis seul au bar de l’atelier, À devant une pile de vinyles. UNE DIVERSITÉ Scénariste et réalisateur (Les STIMULANTE Immortels, 2003), il a fait partie du groupe d’amis qui a fondé, en 1992, Depuis sa création, le lieu a beaucoup la Casa Obscura. Au début, comme son évolué. Ne serait-ce que par le renou- nom l’indique, c’était un simple local vellement des artistes qui le fré- destiné à organiser des projections de quentent, comme le rappelle avec films empruntés à la cinémathèque. humour Paul Thinel: «Nous, on est de Depuis, les activités se sont diversifiées. la vieille garde!» La Casa Obscura a Il reste cependant une traditionnelle changé trois fois de local, passant de séance de projection de films, le la rue Rachel à Papineau. «On a été vendredi soir, animée par Richard un peu plus haut, raconte Paul Thinel, Brouillette, qu’on peut voir présen- ILLUSTRATION : CLÉMENT DE GAULEJAC mais on a eu des problèmes avec le tement dans le magnifique film sur voisin. Il nous a dit: “Vous êtes des René Bail, Adagio pour un gars de artistes, j’vous hais!” Il a appelé les bicycle. Selon Paul Thinel, ces réunions pompiers alors qu’on faisait griller demeurent, dans l’esprit de la Casa des saucisses. » Depuis, ils se sont Obscura, très conviviales : « Il y a installés au-dessus d’un magasin. Le quelques semaines, raconte-t-il, on a local, assez spacieux, comporte une regardé des documentaires québécois table de baby-foot, quelques instru- des années cinquante. On n’était pas ments de musique, nombre de vieux nombreux, huit, et on les avait déjà fauteuils installés en rangées pour les vus, alors on les commentait pendant projections. Dans la cuisine sont la projection.» entreposés des panneaux de photos, qui côtoient les superbes œuvres de DE BOUCHE À OREILLE papier de Jean-Paul Trépanier : «Il habite dans un 3 1/2, explique Paul Les artistes de la Casa Obscura tiennent Thinel, alors on lui stocke ses affaires à préserver une certaine intimité du ici. » Dans un coin, une table ronde lieu, qui n’a pas la vocation de devenir accueille tous les jeudis les réunions un rendez-vous mondain. Serge Lavoie, du groupe politique Néorhino, les guitariste, se méfie de toute publicité: héritiers du parti Rhinocéros, menés «On ne veut pas trop de monde, ce par François Gourd. Paul Thinel ne sont des artistes bénévoles qui gèrent cache pas son admiration pour ce l’endroit et ils ont assez de travail « clown génial », avec qui il dit comme ça ! » Paul Thinel confirme : cependant ne pas toujours être «C’est un atelier d’artistes, pas une d’accord. C’est une tradition de la Casa boîte de nuit. Parfois, ajoute-t-il Obscura d’accueillir des groupes malicieusement, quand on fait des dissidents: avant Néorhino, le journal satirique Le Couac y organisait ses La Casa Obscura : l’art de cultiver un lieu à petite échelle. réunions. Au fond du local, des piles de livres et de vinyles sont entreposées. On ne veut pas trop de monde, Derrière une porte, en projet : la c’est des artistes bénévoles fêtes, on ferme la porte en bas pour alternatif, sans faire de réseautage se sont formés: «Ce sont mes chou- construction d’un studio d’enregistre- éviter que les gens qui passent dans ou de communication» et d’héber- chous», dit-il en riant. Forestare, qui ment. On comprend que les artistes se qui gèrent l’endroit, et ils ont la rue ne montent. » Étrange para- ger les artistes qui cherchent une depuis a fait son chemin, récompensée sentent stimulés et à l’aise à la Casa assez de travail comme ça doxe pour un lieu dont le mandat « première place ». Ce fut le cas, à l’ADISQ, continue de venir jouer à Obscura. De l’escalier, une guitare sur premier est la « diffusion » de la notamment, de la formation Forestare, l’occasion à la Casa Obscura. Le plus le dos, Marc Lalonde émerge. L’heure Serge Lavoie culture. Mais, comme le rappelle Paul composée d’une dizaine de guitares souvent, les artistes entendent parler de l’atelier d’improvisation musicale Guitariste de la Casa Obscura Thinel, ils n’ont pas de permis pour classiques. Paul Thinel les avait de la Casa Obscura de bouche à oreille approche. organiser des activités à but lucratif. Ils rencontrés lors d’une manifestation ou fréquentent déjà l’endroit. C’est le se contentent donc d’être un « lieu politique et, depuis, des liens amicaux cas, par exemple, du bédéiste Pascal www.casaobscura.org

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CULTURE Lecture

malchance de commander le poisson l’agglomération des histoires indivi- patchwork d’existences. Si c’est du jour. Et un photographe qui duelles en un même lieu et sur l’im- parfois d’un trait trop peu discret parcourt la ville, capturant au hasard pact que les hasards et les qu’on le souligne, si l’élégante plume JOURNÉE TRÈS quelques instants d’une journée trop coïncidences ont sur ces histoires. En de l’auteur surprend rarement, On chaude. résulte un tout à la fois cohérent et aurait dit juillet ressemble à bien distrayant roman qui, sans boule- des soirées : ce n’est pas parce que La structure habilement maîtrisée de verser nos perspectives, nous fait c’était imparfait qu’on n’en garde pas ce roman-chorale ne déroge pas aux passer un agréable moment. La ville un bon souvenir. CHAUDE conventions du genre. Des destins, et sa fluctuante réalité, telle une que l’on croyait d’abord distincts, se ombre – bonne ou mauvaise – qui Josée Bilodeau, Marie-Michèle Il y a ce jeune cuisinier qui, emballé mêlent, s’entremêlent et se séparent. plane sur le sort de chacun, est à la On aurait dit juillet, GIGUÈRE à l’idée de quitter le travail en com- Parfois, aussi, ils se côtoient sans fois le contexte et le sujet de ce coloré Éditions Québec Amérique, 2008. pagnie d’une jolie collègue, oublie sur jamais se rencontrer. Si la littérature n même quartier; une journée le comptoir les pièces de poisson comme le cinéma ont tous deux hors du commun; des person- prévues pour le repas du lendemain fourni leurs exemples de telles struc- U nages aux desseins bien cam- midi. Cet autre garçon qui, par un tures narratives, il reste qu’après pés et des revirements de situation à la temps trop chaud, vend des tablettes plusieurs rentrées littéraires sous le chaîne. Il y a, au fil des pages d’On de chocolat de porte en porte. signe du moi, de l’auto-fiction et de Musique aurait dit juillet, le plus récent roman L’amant de sa mère, amoureux transi ses dérivés, la réhabilitation d’un de Josée Bilodeau, quelque chose d’un et nerveux, qui lui en achète 10. Un narrateur omniscient a quelque A FINE FRENZY peu théâtral. Rien de proprement homme, venu « en Amérique » pour chose d’apaisant. fantasque ou de tout à fait improbable, réussir en affaires, qui distribue des One Cell mais un amalgame d’actions propres à publicités aux passants dans la Au fil des pages et des événements la fiction, qui, comme au théâtre, moiteur de la rue. Les pauvres clients – parfois anodins, parfois détermi- in the Sea évoque la vraie vie. d’un restaurant qui auront la nants – se dessine une réflexion sur (Virgin)

Alison Sudol, alias A Fine Frenzy, propose son tout premier , One demeurent peu accrocheuses et ne Cell in the Sea. La jeune auteure- réinventent rien. Elles témoignent tout compositeure-interprète de 22 ans, de même du grand talent et de la originaire de Seattle et pianiste de sensibilité de la jeune chanteuse, qui formation, fait dans le folk atmosphé- a elle-même signé tous les textes et rique de type easy listening et plutôt la musique de One Cell in the Sea. mature, en comparaison de ses acolytes Kate Nash ou Lily Allen. Elle S’inspirant de Björk, du jazz et du brit- rappelle davantage Jewel, Tori Amos, pop, A Fine Frenzy, dont la voix est Chantal Kreviazuk ou KT Tunstall, en magnifique quoique invariable, est plus délicate et réservée, et n’a rien à entourée sur son album de musiciens voir avec Feist, Cat Power et les autres de renom et se présente de façon très chanteuses indie folk lo-fi un peu commerciale et léchée, avec des ar- broche à foin. Ayant effectué une rangements plutôt élaborés. Ce n’est tournée en compagnie de Rufus peut-être pas un hasard si plusieurs Wainwright, elle peut se vanter d’être de ses chansons se trouvent sur la de la trempe de ce dernier, sans toute- bande sonore de quelques séries fois se démarquer considérablement télévisées américaines (One Tree Hill, de ses semblables, puisque ses chan- The Hills, etc.). sons, paisibles et rafraîchissantes, (Julie BRUNET)

XIU XIU (Kill Rock Stars)

La première chanson du sixième album de Xiu Xiu s’intitule «I do what I want, when I want ». Le titre est à l’image du disque. C’est sans aucune contrainte que le groupe expérimental livre avec les 14 chansons de Women as Lovers une musique inconfortable, percussions et les instants acous- qui ne laissera personne indifférent. tiques, où s’entrecroisent des textures C’est que , le capitaine noise, des rythmes electro, des cla- du bateau, originaire de Californie, est viers distordus et enfin des cuivres, un être profondément tourmenté. Il moins présents cependant que sur nous transmet ses angoisses non ses précédents. seulement dans sa musique, mais également dans sa poésie noire et Comme pour The Air Force, Greg cauchemardesque, où il aborde Saunier de Deerhoof participe à la notamment l’inceste et le suicide, en production de Women as Lovers, qui, plus de dévoiler la face cachée de son même s’il nécessite une oreille pays sur « Guantanamo Canto ». aiguisée, demeure un des albums les L’instabilité de Stewart se perçoit aussi plus accessibles du groupe, avec à travers sa voix, toujours remplie . On retrouve des d’émotion, que ce soit dans les moments pop sur les chansons moments de chant torturé ou dans les «F.T.W.», «You are pregnant, you are chuchotements. dead», et «White Nerd», qui rappelle Arcade Fire, et la reprise assez fidèle Musicalement, Xiu Xiu nous offre des d’«Under Pressure» de David Bowie collages fragiles, dominés par les et Queen. (Nicholas LAVALLÉE)

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CULTURE Americano Documentaire LA PAROLE AUX EXCLUS Ce qui devait être un bilan économique et politique des Amériques est plutôt devenu un voyage personnel. Celui d’un cinéaste d’origine péruvienne qui retourne dans l’Amérique latine de son enfance avant de poser un regard sur l’Amérique nordique qui l’a accueilli. Rencontre avec Carlos Ferrand, le réalisateur du documentaire Americano.

Valérie SIMARD Carlos Ferrand. Ce n’était pas calculé Réalisateur d’une quarantaine de films que je sois au Chili au moment de documentaires et de fiction, Carlos é au Pérou, exilé aux États-Unis l’élection de Michelle Bachelet. C’est Ferrand a consacré quatre ans à la et maintenant établi à Montréal, un cadeau du dieu du cinéma!» réalisation d’Americano. Des deux Carlos Ferrand s’est laissé voyages effectués dans chaque lieu

N PHOTO : CARLOS FERRAND convaincre de retourner sur les traces JOURNAL INTIME filmé, il a rapporté 120 heures de son passé. «Le projet a commencé d’images. «Nous avons songé à faire avec une idée du producteur Sylvain Le cinéaste n’a pas voulu aborder le une série pour la télé à un moment L’Espérance, raconte-t-il. Il m’a dit : sujet de façon détachée. Il préférait donné. Mais nous avons gardé l’idée “Tu as vécu un peu partout dans les faire d’Americano un film personnel, d’un film. Avec la monteuse Amériques, pourquoi n’en ferais-tu une sorte de journal intime à la fois Dominique Sicotte, nous sommes pas un film?”» poétique et politique. « Ma plus parvenus à faire un film de presque grande crainte était de ne pas deux heures, ce qui en fait quand Le cinéaste a alors repris contact avec trouver l’équilibre entre l’universel même un long film!» des gens qu’il côtoyait : la cuisinière et le personnel. Et c’est ce qui a été autochtone qui travaillait pour sa famille le plus difficile. Je ne suis pas Même s’il est établi à Montréal depuis au Pérou, un réalisateur chilien qui journaliste. Je suis un essayiste, un 25 ans, le documentariste a choisi s’intéresse aux peuples disparus, des cinéaste. Je ne suis pas capable cette fois de ne pas poser sa caméra hommes et des femmes qui se battent Americano, réalisé par Carlos Ferrand, a reçu le prix Image aux d’être détaché. Je suis parfaitement sur sa ville d’accueil. «Ça m’a pris du pour la justice au Mexique et aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal. subjectif!» temps à prendre du recul avec les États-Unis et une jeune fille inuit qui Quechua et des Selk’Nam, un peuple «C’est une façon différente de faire autres endroits, observe-t-il. Je suis s’interroge sur l’avenir de son peuple. aujourd’hui disparu. « Le sort des un film politique. Americano est un À travers sa rencontre de l’autre, trop pris ici. En plus, le discours et «J’ai fait un premier voyage pour voir exclus a toujours été une de mes film engagé sur les exclus du Carlos Ferrand parle de lui, de la la réflexion sur le peuple autochtone ce qu’ils voulaient dire, expose Carlos grandes préoccupations, remarque- pouvoir. Il y a, par exemple, une recherche du sens de son exil et de sa viennent d’être entamés avec un Ferrand. Ils étaient ma porte d’entrée t-il. Le racisme en Amérique du Sud femme au centre de chaque chapitre. quête d’identité. Il retourne dans sa film comme Le peuple invisible, de dans chaque pays. J’ai écrit le est vraiment intolérable.» Le message est plutôt clair, même s’il ville natale, Lima, qu’il a quittée à l’âge Richard Desjardins. Et la réflexion scénario à partir de ce qu’ils m’ont est présenté différemment.» de 17 ans pour aller étudier aux États- sur l’immigration, avec la dit.» Récipiendaire du prix Image aux Unis. Quand on lui demande ce qui l’a commission Bouchard-Taylor, est Rencontres internationales du Au sujet de l’arrivée au pouvoir d’Evo poussé à l’exil, le cinéaste reste évasif. assez fraîche.» Même si le territoire qu’il embrasse est documentaire de Montréal de 2007, Morales en Bolivie et de Michelle « Je ne voulais pas que ce soit le vaste, une même préoccupation se Americano ne possède pas la facture Bachelet au Chili, le film laisse centre du film. Je viens de la classe Americano, réalisé par Carlos Ferrand, dessine : le sort des exclus, celui des classique d’un film engagé. Le message entrevoir une lueur d’espoir. «Le qui a opprimé la majorité des à l’affiche au Cinéma Parallèle (Ex-Centris), femmes, des Noirs, des Inuits, des politique est cependant bien présent. timing a été extraordinaire, souligne gens. » dès le 21 mars.

restaurant portugais Casa do Alentejo, Une nouvelle galerie d’art autogérée l’atelier de vélos Atelier-Rouelibre et le salon de thé Une grenouille dans la théière, tous au sud de la Plaza, se soutiennent. Sans être officiellement HOP LA RUE SAINT-HUBERT associés, ils développent des projets de promotion conjoints. «Sur Saint- Agacées par la longueur des sélections d’artistes des galeries traditionnelles, Chloé Fortin et Audrey Lavallée décident Hubert, c’est au sud que ça se passe!» est leur slogan. Ces boutiques veulent d’ouvrir leur propre espace de diffusion. Ainsi, le Projet Hop, né en janvier à quelques mètres au sud de la Plaza Saint- attirer une clientèle qui ne vient pas que Hubert, contribue à revitaliser le quartier Rosemont. pour y magasiner, mais qui participe aussi à la vie du quartier. Chloé Fortin, Sarrah OSAMA en bois. Par ailleurs, le reste des murs qui habite le quartier, explique qu’ils est d’un blanc étincelant. Cela donne souhaitent « faire partie de la vie es galeries d’art sont plutôt rares l’impression d’entrer dans l’intimité courante des gens». près de la Plaza Saint-Hubert, d’un lieu domestique... L mais depuis janvier 2008, le En ce qui concerne le projet Hop, projet Hop s’est installé au 5940, dans Artistes prêtes à exposer, Chloé Fortin Chloé Fortin et Audrey Lavallée pour- la partie arrière du salon de thé Une et Audrey Lavallée étaient découragées PHOTO : CINDY DIANE RHEAULT suivent l’aménagement de la galerie et grenouille dans la théière. Les d’attendre des réponses des galeries et veulent qu’on remarque leur présence instigatrices du projet, Chloé Fortin, de demandes de subventions. «De sur la rue. Les jeunes femmes pensent peintre et ancienne décoratrice sur des plus, quand on expose dans une donc installer des enseignes lumi- plateaux de cinéma, et Audrey Lavallée, galerie, on n’a aucun contrôle sur la neuses. Tout étant fait grâce à la bachelière en éducation des arts, diffusion de nos propres œuvres », récupération d’objets, l’installation est souhaitent attirer les visiteurs habitués explique Chloé Fortin. Le Projet Hop un peu longue. Pendant ce temps, les des galeries du centre-ville vers le permet aux artistes de louer l’espace expositions se déroulent à l’intérieur quartier Rosemont. vide afin d’exposer leur travail. Les et, ce mois-ci, on peut voir les œuvres deux fondatrices ne prennent aucune de l’exposition Bavardages, des Le projet Hop est une sorte d’apparte- commission sur la vente des œuvres. en 1959 par la Société de développe- repoussant sa limite jusqu’au boulevard installations conçues à partir d’objets ment. Deux pièces ensoleillées con- ment commercial (SDC). Cet organisme Rosemont, parce que cela impliquerait trouvés. tiennent les œuvres exposées et, à Le projet Hop se joint à plusieurs jeunes à but non lucratif représente les intérêts encore plus de dépenses pour l’orga- l’arrière, ce qui était une cuisine fait commerçants ou artistes qui profitent des commerçants de la rue Saint-Hubert nisme, qui ne perçoit qu’une faible coti- Projet Hop, 5940, rue Saint-Hubert, office de boutique où chacun peut de la renommée de la Plaza Saint- entre les rues Bellechasse et Jean-Talon. sation de ses membres. Peu importe: du mercredi au vendredi de 13h à 22h, mettre des objets en consigne. Sur un Hubert, sans en faire partie, puisqu’ils Audrey Lavallée croit que la SDC n’at- l’atelier de céramique La terre et moi, samedi et dimanche de 13h à 20h. long mur de brique, d’imposants cadres se retrouvent hors des limites instaurées teindra jamais la plaza Saint-Hubert en la boutique de mode Les névrosées, le projethop.blogspot.com

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CULTURE Bande dessinée AU FOND DES BOIS Julie DELPORTE chacun les histoires de l’autre : des légendes dans lesquelles les océans ete Woodsman vit où son nom naissent des larmes ou de la salive – l’indique, isolé au milieu de rien, au choix – des géants. Autant dire que P avec pour seule compagnie la l’univers de cette dernière traduction peau de l’ours qu’il a tué dans son des éditions québécoises La Pastèque jeune temps. Il lui tape la discute – elle a de quoi laisser doucement baba. s’appelle Philippe – et la trimbale dans ses balades au fond des bois. D’abord auto-éditées en fanzines, les courtes séquences mettant en scène et là encore pas banal. Tout en folie, en Paul Bunyan, lui, est un grand homme. Paul et Pete ont été compilées dans leur malice et en vieillesse pour Pete; tout Si grand qu’il est employé pour «bot- langue originale par Top Shelf en 2006, en mélancolie et timidité pour Paul. ter les arbres » – comprendre déra- formant ainsi le premier album de la ciner les sapins. Sa taille lui permet jeune auteure, qui aura 25 ans cette Oiseaux qui pépient, taxidermie d’observer les plus chouettes couchers année. Ses derniers travaux, visibles sur affichée sur les murs de la cabane de de soleil, mais elle l’empêche, pauvre son site Internet, ont indéniablement Woodsman... On reconnaît là une garçon, de nouer toute relation un tant un air de Charles Burns (Blackhole), marque actuelle – une mode ? – des soit peu avancée avec la gent féminine. et son découpage, bien que beaucoup jeunes étudiants nord-américains en « J’ai malencontreusement écra- plus simple, s’engage dans l’archi- art, marque que l’on n’avait pas encore bouillé de très jolies filles », confie- tecture en épisodes à la Chris Ware. vraiment vue envahir la BD. Les dessins t-il à son ami le bœuf Babe qui, lui Côté contenu, les influences sont moins de Lilli Carré, californienne au- aussi d’une taille incroyable, broute évidentes à dénicher. De vieilles his- jourd’hui installée à Chicago, pour- tranquillement la forêt. toires pour enfants transformées en raient bien se faire une place de choix contes absurdes, désenchantés, cy- s’ils continuent sur cette lancée si Pete et Paul sont les deux personnages- niques et pleins de poésie. personnelle. clés des Histoires de Woodsman Pete, avec tous les détails, écrites par la Outre ce monde pas piqué des hanne- Histoires de Woodsman Pete jeune américaine Lilli Carré. Ils ne se tons, Lilli Carré construit également des avec tous les détails, Lilli Carré, rencontrent jamais, mais peuplent hommes au caractère touchant, juste La Pastèque.

Cinéma La visite de la fanfare

RÊVER PHOTO : SEVILLE PICTURES D’HARMONIE

Valérie DELANEY Assis sur un banc, Ronit Elkabetz ne petite fanfare perdue dans une petite ville, au milieu (la femme en robe) et Saleh Ba. d’un désert israélien. Une nuit de rencontres, où des U étrangers s’apprivoiseront, le temps de cette jolie prévenir, un visage baigné de lumière. Certaines scènes fable réalisée par Eran Kolirin. La visite de la fanfare, son douces-amères, comme celle où Dina se remémore l’époque premier long métrage, a été chaleureusement accueilli par la où les films égyptiens n’étaient pas bannis en Israël, ou critique et a reçu de nombreux prix, notamment La Louve d’or encore celle où le clarinettiste tente de trouver la façon de du Festival du nouveau cinéma en 2007. L’histoire proposée terminer son concerto, illustrent une quête constante semble du domaine de l’anecdote: les membres d’un orchestre d’identité. L’ambiance intimiste de ces scènes nocturnes égyptien, invités pour l’inauguration d’un centre culturel dénote un profond désir de la part du réalisateur de capter israélien, se retrouvent esseulés dans un pays qui leur est l’essence même de la nature humaine, de dépeindre l’abîme étranger, après qu’on les eut oubliés à l’aéroport dans des intérieur des personnes désabusées par la haine et la circonstances qui demeurent obscures. Ils doivent donc se solitude, mais surtout d’exposer leur besoin de commu- débrouiller, dans un anglais approximatif, afin de retrouver niquer les unes avec les autres. Le film se penche sur les leur chemin, se heurtant à la barrière de la différence cul- éléments qui unissent les hommes, malgré leurs origines, turelle, de même qu’à ce passé lourd de conflits qui séparent et sur le souhait d’acquérir cette paix qui semble toujours les deux peuples. Les musiciens, dans leur uniforme bleu ciel, utopique. La musique est presque absente tout au long du tranchant avec la morosité du paysage aride, rencontrent film, apparaissant en petits épisodes isolés, se refusant à ensuite la belle Dina (l’excellente Ronit Elkabetz) femme prendre sa place dans toute cette instabilité, jusqu’à ce moderne et libre, qui propose de les loger pour la nuit. qu’elle survienne, finalement, apaisante et libératrice, pour notre plus grand plaisir. Le récit qui s’ensuit se veut léger, vacillant entre la mélancolie et la plaisanterie, proposant des valeurs de tolérance et de La visite de la fanfare est une œuvre sans prétention, réconciliation, alors que nous observons les personnages clairement humaniste, qui propose plutôt que d’imposer et dans leurs péripéties respectives. Les échanges entre Dina dont les échos résonnent longtemps après avoir quitté le et Tewfiq, le chef de la fanfare, interprété avec une grande cinéma. justesse par Sasson Gabai, sont particulièrement émouvants. Les regards, davantage que les mots, expriment la séduction, La visite de la fanfare, l’empathie, le rejet. La caméra, délicate et réservée, capte un film écrit et réalisé par Eran Kolirin. Israël – France, des silhouettes au loin, pour soudainement embrasser, sans 90 minutes, à l’affiche dès le 7 mars.

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