LE SUD-OUEST DE ÉTUDE DE GÉOGRAPHIE PHYSIQUE

JEAN-NOËL SALOMON Agrégé de l'Université

LE SUD-OUEST DE MADAGASCAR ÉTUDE DE GÉOGRAPHIE PHYSIQUE

TOME II

UNIVERSITÉ D'AIX-MARSEILLE 1986

LIVRE 3 LES PLAINES CÔTIÈRES

CHAPITRE 13

LA "CARAPACE SABLEUSE" ET LES "SABLES ROUX"

Les termes de "carapace sableuse" et de "sables roux" ont été créés et vulgarisés par les géologues pour désigner les importantes séries continentales argilo-sableuses qui occupent d'immenses superficies dans l'ouest de Madagascar (environ 12 000 km2). Entre la Tsiribihina et l'Onilahy, elles atteignent leur largeur maximale en dépassant souvent 50 km d'un seul tenant. Elles occupent no- tamment les 2/3 de la superficie de l'interfluve Onilahy-Mangoky (Fig.121). Même si cette formation recouvre une partie des plateaux (elle n'est donc pas exclusive de la plaine côtière) nous plaçons ce chapitre dans l'étude de la plaine côtière car c'est là que l'influence de la couverture sableuse est la plus importante quant aux paysages. Elle est presque partout,aussi bien sous forêt tropophile où elle n'est jamais réellement dissimulée en raison de la faiblesse des déchets végétaux au sol, que sous savane. Là, elle contribue largement au déroule- ment de ces immenses platitudes rougeâtres ou ocres que parcourent les troupeaux nomades. Dans la plaine, les pistes, où les sables sont souvent remaniés, apparais- sent comme autant de saignées enchevêtrées qui virent à l'écarlate dès que la moin- dre pluie vient aviver les couleurs. Le terme de "VeneWe" (où il y a beaucoup de rouge), très fréquent dans la toponymie de la plaine côtière, illustre à merveille le rôle joué par les sa- bles roux.

I - LE CADRE DE L'ETUDE "Carapace sableuse" et "sables roux" sont des formations résultant de l'altération superficielle des roches sédimentaires (voire du socle) et du rema- niement de la zone altérée sous l'action du ruissellement, des eaux courantes et du vent. Ces formations sont azoïques, ce qui ne permet pas de les dater avec pré- cision. Toutefois, on sait qu'elles sont discordantes sur tout le sédimentaire (depuis l'Isalo I jusqu'au Miocène marin) : la superposition s'observe dans de nombreux secteurs, notamment au cap Tanjana, au sud de l'embouchure de la Mahavavy du sud, autour de la baie de Baly, au cap Saint-André et autour de Maintirano (G. ROSSI, 1977). Plus au sud, cette discordance sur le Miocène ne s'observe que sur le petit affleurement de Tanambao sur la rive droite de la Maharivo ; par contre elle est fréquente sur l'Eocène et le Crétacé (Manja, Mikoboka). Répartition géographique des Fig .121 " Sables-roux " dans le Sud-Ouest de Madagascar - Leur orientation S.S.W-N.N.E et leur position dans les cuvettes et en contrebas des plateaux apparait clairement .

Par ailleurs on sait qu'elle est ante-aepyornienne puisque dans le bas- Mandrare (R. BATTISTINI, 1964) et dans la région de Morombe (J.N.SALOMON, 1978), elle passe sous les grès calcaires dunaires de l'Aepyornien ancien. Il est donc possible de rapporter l'essentiel de ces formations au Pliocène. Pour R. BATTISTINI (1964), ce sont les dépôts corrélatifs de la surface d'érosion fini-tertiaire élaborée sous climat subaride à aride, entrainant un ruissellement diffus ou en nappe, discontinu et de faible compétence. Ils seraient l'équivalent du Barreiras du Brésil et du Continental Terminal d'Afrique. Ces amples surfaces unies prennent l'aspect d'un vaste plan incliné de 1 à 3 % vers la mer. Plusieurs auteurs (R. BATTISTINI. 1967 ; J. HERVIEU, 1968 et G. ROSSI, 1976) ont noté que le biseau de cette surface se prolonge sous le niveau de la mer, bien au-delà de la ligne de côte actuelle, ce qui implique que ces for- mations ont dû se former en période régressive. G. ROSSI (1976) a même noté qu'au large de cela coïncidait approximativement avec la bordure du plateau continental (- 50m à - 90m). Le recours au terme de "carapace sableuse" est commode, bien que cette expression soit peu heureuse car elle prête à confusion avec des formations pédo- logiques indurées. C'est pourquoi, chaque fois que les géologues ont eu affaire à ces "formations de surface", généralement indéterminées, tant par leurs rapports avec les substrats que par leur origines génétiques, ils ont utilisé cette expres- sion. Ainsi, dans l'imprécision de cette appellation, se sont retrouvés peu à peu tous les sols plus ou moins sableux, du moment qu'ils étaient quelque peu rubéfiés. Il en est à peu près de même pour le terme de "sables roux". Pourtant ces expres- sions recouvrent des réalités très diverses et complexes en dépit des précisions apportées par F. de CASABIANCA (1966), J. HERVIEU (1959,1968) et G. ROSSI (1977). En effet, l'impression de surface unique qui résulte d'une topographie plane est fausse car il s'agit en réalité d'une multitude de larges glacis d'en- noyage, plus ou moins juxtaposés ou coalescents, qui ont été unifiés par des épan- dages et des remaniements récents. Cependant les études de terrain et les examens des sondages révèlent de nombreuses variations de faciès, tant dans le sens verti- cal que dans le sens horizontal, probablement en fonction de la nature des apports de l'arrière pays. Il semble actuellement prématuré d'essayer d'établir des divi- sions stratigraphiques à l'intérieur de cette série continentale qui peut dépasser 100m d'épaisseur comme l'ont montré les sondages. Ceux qui ont été effectués dans la région de Befandriana ont traversé des faciès typiquement continentaux qui évoquent une sédimentation de type fluviatile. On y reconnaît des passées grave- leuses, des sables siliceux, des sables à liant argileux, des limons et des argiles plastiques à gros quartz, de couleurs vives et bariolées, remaniant des minéraux lourds et des éléments calcaires ou feldspathiques. Aux forages BJ1 et BRN1, la puissance du recouvrement détritique est de 83 à 85m, mais elle doit diminuer vers le massif calcaire. Les sables roux de surface passent en profondeur à des dépôts argilo-sableux à granulométrie en général très fine avec des niveaux de galets près de la base. Ces dépôts reposent directement sur l'Eocène. Cette formation a une épaisseur qui oscille entre quelques mètres et 180m (forage S8) et comble une paléosurface de l'Eocène (L. LESSARD, 1967). D'une façon générale la base de la série Néogène continental comporte des sédiments plus compacts et plus grossiers, avec des conglomérats et de gros sables. Le sommet de la série est représenté par des sédiments plus meubles avec des sables plus fins et plus argileux (ARCHAMBAULT, 1957). De son côté J. HERVIEU (1968) divise le Pliocène en une série inférieure PI, argileuse ou argilo-sableuse et une série supérieure P2 nettement gréseuse. Il est remarquable qu'en Afrique orientale l'on retrouve à peu près la même série et les mêmes faciès (P.V. CASWELL, 1956 ; A.O. THOMPSON, 1956 ; L. WILLIAMS, 1962). Dans ces conditions nous nous sommes intéressés plus particulièrement aux affleurements de surface, représentés presque exclusivement pour notre région d'étude par les "sables roux" et de multiples dépôts plio-quaternaires, souvent cartographiés sous la même rubrique. Leur grande variété dépend de multiples fac- teurs : modelé, situation topographique, propriétés physico-chimiques, etc... Leur classification est cependant très problématique car on ne sait pas si la rubé- faction est propre aux sédiments ou aux sols. Comme critère de différenciation on peut cependant envisager d'une part l'origine des matériaux et d'autre part l'an- cienneté des dépôts.

II - L'ORIGINE DES MATERIAUX A - LES SERIES GEOLOGIQUES Les sédiments de la grande surface de pédiplanation fi ni-tertiaire sont venus de l'arrière-pays. Le socle a dû participer à cette fourniture sous forme de matériaux de décomposition sur place des roches cristallines, repris et épandus, comme l'indique la présence de "carapaces" au nord-ouest de la Masiatra et même sur les gneiss du Vohibory. La grande dépression périphérique de la Menamaty, large de 30 km, pro- fonde de 400m et dégagée dans la série de la Sakamena, a également dû livrer une bonne part de matériaux car les roches de la série sont relativement tendres (grès et argilites) et assez fracturées. Mais il est logique de penser que l'essentiel est venu des reliefs les plus importants développés dans les séries de l'Isalo. L'Isalo I, ou Trias, est une épaisse formation de grès continentaux (dont la stratification entrecroisée est remarquable), alors que l'Isalo II (Jurassique inférieur) et l'Isalo III (Jurassique moyen) sont formés essentiellement de grès et d'argiles. L'érosion a particulièrement entamé les deux derniers étages, assez tendres et disloqués, en dégageant les niveaux plus fortement consolidés, tandis que commençait la mise en place des épandages sableux. Les massifs Isaliens et du Makay-Dafimavo constituent les meilleurs fournisseurs au vu de leur géologie et de la granulométrie (grès mal cimentés et peu cohérents). En effet, on décèle une gradation générale des sédiments à mesure que l'on s'éloigne, vers l'ouest, de ces massifs. La figure n° l Z¿ est très expressive. Si l'on considère l'ensemble des sables grossiers, on s'aperçoit qu'il est constitué par 10 stations dont 8 sont situées à l'est d'une ligne fictive -Tuléar. Inversement, l'ensemble des sables fins est composé par 8 stations dont 7 sont situées à l'ouest de cette même ligne. Aux alentours des massifs de Isalo et du Makay, les sables sont très gros- siers et comportent une fraction graveleuse non négligeable. Vers Berenty et Saka- raha cette fraction a disparu et les sables ont un calibre général moins grossier. Enfin à l'ouest de la ligne Mahabo-Tuléar, la fraction argileuse devient importante (dominante 19 %) tandis que le sable grossier tend à baisser (entre 40 et 50 %). On remarquera par ailleurs que les profils ne présentent pas de varia- tions notables de granulométrie : la grande homogénéité des sables roux est une ! constante générale. Seul l'échantillon prélevé en forêt d'Andalandaka révèle un ; faciès si argileux que l'on peut douter de son appartenance au groupe des sables roux. De son côté le Crétacé gréso-calcaire, à intercalations argileuses, a probablement alimenté en part non négligeable des épandages, en particulier au nord de la Maharivo où les plateaux de Lambazao, Tsiandava et Balonga nous offrent de grandes étendues de grès rouges et d'argiles profondément disséquées par l'éro- sion hydrographique. Sur les vastes plateaux de Manja, la discordance entre "cara- pace sableuse" rubéfiée et matériaux gréseux sous-jacents n'est pas toujours très nette et l'altération en place a certainement joué un rôle important. De fait, vers 3m de profondeur, on peut observer des poupées calcaires. Dans ces cas il est très probable qu'une grande partie des matériaux a évolué sur place : les "sables roux" sur grès calcaires sont dûs surtout à un lessivage du calcaire avec mobili- sation du fer. Dans tous les cas, si l'on en juge de par la masse des matériaux dégagée, il est très probable qu'une très sérieuse influence tectonique a dû s'ajouter à celle de climats agressifs pour favoriser une érosion d'un type particulièrement violent. , Au total, il apparaît que toutes ces roches ont en commun un certain nombre de caractères. Tout d'abord il faut mettre en exergue la cohésion relati- vement faible de ces roches puisque, lorsqu'il s'agit de grès, leur état d'alté- ' ration est toujours important. Cette cohésion faible est en liaison avec une poro- sité élevée qui facilite l'infiltration des eaux de pluie et un bon drainage. Il est remarquable, en effet, que toutes ces régions soient très perméables. La puis- sance de l'altération explique la grande richesse en sables de taille moyenne à grossière. Par ailleurs, la présence de quartz en quantités importantes est une autre constante. Enfin, on relève partout l'existence de fer sous forme d'oxydes et d'hydroxydes individualisés. C'est pourquoi, dans l'état actuel des connais- sances, il est difficile de déterminer si la rubéfaction existait déjà à l'origine ou bien si elle a été acquise par la suite. B - LE_GLAÇIS_D^AÇÇyMyLAJIQN_SABLEyX_NEQGENE Le vaste glacis sableux néogène est issu du démantèlement (sans doute en plusieurs épisodes) de ces séries géologiques dont les matériaux ont été sédi- mentés en glacis d'accumulation. Erosion et sédimentation ont remis en jeu, ici et là, les mêmes matériaux déjà remaniés et dépourvus, du fait d'une longue his- toire morpho-pédogénétique. de tous caractères distinctifs. La reconstitution de cette histoire ne pourrait s'appuyer que sur l'étude des emboîtements des glacis et celle des discordances des matériaux d'épandage. De fait, c'est ainsi que M. SOURDAT (1975) a pu retrouver les traces de quatre glacis diversement significatifs : le glacis supérieur aurait été formé par ablation sans creusement, dans le cadre d'une pédiplaine qui constituait son propre niveau de base ; les autres auraient été décapés à la suite d'une dissection de la pédiplaine. Par la suite, ces gla- cis ont été, à leur tour, disséqués en partie et servent de support à des manteaux de sables roux quartzeux. De son côté, J. HERVIEU (1959) a considéré que dans le Sud les principaux matériaux ayant donné naissance à des sables roux étaient de cinq sortes : 1. des nappes d'épandage sableuses situées en bordure du socle corres- pondant à des pédiments ; 2. des sédiments néogènes, continentaux quartzitiques,dont le glacis originel ne subsiste plus que partiellement, protégé par une surface cuirassée ; 3. des nappes sableuses sur calcaire, mais dues essentiellement à l'é- rosion de terrains sédimentaires gréseux, car les calcaires eux-mêmes semblent avoir peu participé à la formation des nappes ; 4. des matériaux calcaires sableux d'origine dunaire, plus ou moins grésifiés. Très étendus, ils constituent notamment les falaises du Cap Sainte-Marie ; 5. enfin, des alluvions fluviatiles anciennes, déposées le plus souvent le long des cours d'eau sous forme de terrasses polygéniques. Dans le Sud-Ouest, il est toujours difficile (voire impossible) de faire la part exacte de ce qui revient à chacune des trois premières catégories, d'autant plus que chacune est elle-même la résultante de phénomènes multiples et complexes. Chacune est, à des titres variés, l'héritière des épisodes climatiques qui se sont succédés depuis leur mise en place. Mais les remaniements incessants ont fini par uniformiser non seulement les formes caractéristiques des modelés, mais aussi les profils des différents sables roux qu'ils portent, pourtant souvent éloignés les uns des autres sur le plan géographique. Notons cependant que cette similitude des profils concerne surtout la profondeur de la partie rubéfiée et l'homogénéité de la couleur. L'étude des cortèges de minéraux lourds peut être d'une grande utilité en ce qui concerne la détermination de l'origine (roche-mère) de certaines nappes. C'est ainsi que selon M. SOURDAT (1968) les cortèges à grenat-sillimanite-andalou- site indiqueraient des nappes colluviales d'origine calcaire ou marneuse ; ceux à zircon-rutile-monazite seraient caractéristiques des nappes d'épandage des inter- fluves (ex. : Befoly) ; enfin, les matériaux dérivés des basaltes comprendraient un grand pourcentage (de 8 à 22 %) de minéraux lourds. Finalement nous considérons qu'il existe un profil type des sables roux sur nappe d'épandage, bien qu'ils reposent sur des matériaux originels dont la variabilité des caractères est élevée. L'homogénéité apparente des sables roux sur une grande épaisseur est donc à opposer à l'hétérogénéité probable que leurs roches-mères présentait. Par ailleurs, rien n'indique qu'à leur dépôt ces sédiments étaient au même stade d'altération qu'actuellement. Par contre, il est difficile de ne pas considérer à part quatre caté- gories de matériaux souvent proches, assimilés ou associés aux sables roux. Ce sont respectivement les "sables roux" développés sur alluvions fluviatiles an- ciennes, les "sables roux dunaires", les "sols jaunes" et les "sables roux hydro- morphes".

III - LA PHYSIONOMIE D'ENSEMBLE DES SABLES ROUX Dans l'ensemble, les paysages sur sables roux sont très monotones et les modelés confus. La variété est à rechercher dans les différentes variantes de composition de ces sols et dans les végétations qu'ils supportent. A - LES.SABLES.ROyXJYPIQUES Comme le terme de "carapace sableuse", le terme de "sables roux" est ambigu et recouvre des réalités diverses. Cependant un certain nombre de constan- tes se détachent qui permettent de mieux les définir. Les sables roux forment de larges épandages de surface constitués de sables siliceux, plus ou moins rubéfiés, ayant parfois plus de 10m d'épaisseur et contenant une proportion assez faible d'argiles et de limons. Les sables gros- siers constituent toujours l'essentiel du poids des sédiments. Les quartz, presque toujours d'origine mixte (éolienne et alluviale), dominent tant par leur nombre que par la taille. Les éléments fins, tout au moins lorsqu'ils sont secs, n'occu- pent pas la totalité de la matrice et de là provient sans doute la fragilité de ces sols. Les variations de composition et en particulier la teneur en argile sont naturellement fonction de la composition du sédiment originel mais la néces- sité d'un transport, parfois important, est souvent nécessaire pour expliquer par exemple la présence de sables sur des calcaires, ou l'existence de sables latéri- tiques sur des grès purs. D'un autre côté, les matériaux déposés en milieu karsti- que ont pu s'enrichir en profondeur des résidus de la carbonation (notamment à Vineta, dans le Mikoboka et dans la région de Manja). De même les matériaux proches de la côte sont toujours susceptibles d'être enrichis périodiquement par les phases de déflation à partir des sables littoraux toujours très calcaires. Les sables roux les mieux caractérisés se trouvent sur les sommets des interfluves dans des conditions de bon drainage. Le profil typique montre en sur- face un horizon humifère brun rougeâtre ou brun gris, égal ou inférieur à 20 cm. Cet horizon supérieur est sablo-argileux, légèrement enrichi en matière organique, ce qui lui confère parfois une teinte assez sombre. La structure est plus ou moins grumeleuse, mais les mottes s'écrasent très facilement pour les sols forestiers. La terre est meuble, bien affouillée par les racines. Cet horizon est souvent érodé (lessivage de l'argile et du fer) et même il n'est pas rare qu'il soit ab- sent, ce qui est probablement lié à l'intensité de l'érosion en nappe, très active. Sous l'horizon humifère vient un horizon de transition sablo-argileux, en général homogène, devenant progressivement plus argileux de couleur rouge bri- que à rouge clair (10 à 30 cm). Dans ces deux horizons supérieurs des phénomènes de remaniement superficiel sont fréquents et il y a apparition d'un triage des éléments. D'ailleurs le faciès des sables roux qui viennent des échantillons su- périeurs est beaucoup plus dégradé que le faciès parabolique typique qui les ca- ractérise lorsqu'ils proviennent des échantillons plus profonds. L'horizon B rubéfié de couleur rousse plus franche, caractéristique, débute généralement vers 40-80 cm. et peut atteindre des épaisseurs de 6 à 8 m ou plus. La texture est toujours la même, cependant en profondeur le roux tire par- fois sur le beige. Enfin, vient l'horizon C, souvent défini par des grès altérés, bariolés (comme à la hauteur de Morondava) et tendres, qui annoncent les roches-mères plus ou moins profondes. •ig-123 Sables -roux du ( a,forit d ' Antevcrneno ; b,région de Dabara-Mahabe; C,secteur ouest de Manja; d, région d ; e, forêt d' Andalandoka) . Noter la variété des faciès et l'hétérométrie.

La texture moyenne des sables roux typique est sablo-argileuse avec 8 à 15 % d'argile, 6 à 10 % de limons et 75 à 85 % de sables dont une majorité de sables grossiers (Fi g. 123). Le pH est toujours voisin de la neutralité avec ce- pendant une légère tendance à l'acidité dès que l'on s'éloigne de la côte et des zones à substrat calcaire. D'une façon générale, les sables roux nous apparaissent comme des sols pauvres et fragiles : l'effet des pluies s'efface rapidement dans l'horizon super- ficiel du sol, la rétention est faible, le couvert végétal souvent médiocre et l'évaporation forte. Ils sont facilement érodés : tlrc,âr quta assisté a des orages sur les zones de sables roux, la vision de la violence de l'érosion restera bien claire" (F. de CASIABANCA, 1966). Sur ces sables roux il y a généralisation des "tany rnaty" (terres mortes). Ces sols sur "carapace sableuse" sont morphologiquement très comparables aux sols rouges décrits par R. FAUCK (1972) en Afrique occidentale. Ils rappellent également les "sables de Magarini" qui s'étendent en arrière de Mombassa au Kenya, en direction du nord jusqu'à la rivière Tana (P.V.CASWELL, 1956) et les "sables de Mikindani" du Tanganyka. B - LES SABLES ROUX SUR ALLUVIONS Il convient de faire un cas des sables de la "carapace" repris par l'éro- ; sion, charriés avec d'autres matériaux par les cours d'eau et finalement déposés en alluvions à prédominance sableuse (delta de la Tsiribihina, plaine de Morondava et Bas-Mangoky). Ces alluvions sont très fréquentes dans les plaines du Sud-Ouest et ont engendré des sols rubéfiés sableux qu'il est souvent difficile de séparer de ceux issus des nappes d'épandages. Cependant les lits des cours d'eau, généra- lement enfoncés, donnent des coupes qui laissent parfaitement voir les alluvions anciennes sous-jacentes, sur lesquelles les sables roux reposent. Dans le cas particulier de la plaine, au nord de Morondava, il semble que l'on soit en présen- ce d'alluvions très anciennes car nous trouvons souvent, à une certaine profondeur, des galets roulés en lits parallèles. Le profil de ces sables est peu différencié avec cependant un petit horizon supérieur brun-rouge, appauvri (moins de 1 % de matière organique), coif- fant un horizon B plus profond (de 2 à 6 m) de couleur rouge brique assez vive. Dans ce dernier, l'enfoncement des racines a fréquemment donné naissance à de petites concrétions greso-calcaires en forme de tubulures. En profondeur, au ni- veau de la nappe actuelle (ou d'une nappe ancienne), le sol est souvent décoloré, blanc-jaunâtre à taches rougeâtres. L'examen de cette formation montre que, comme dans le cas des sables roux typiques, le pourcentage des sables est très élevé (de 80 à 90 %). Par contre l'examen morphoscopique révèle une forte proportion de grains sub-anguleux, à sur- face terne, le reste étant représenté par des grains non usés. Dans ces sables, l'argile a été plus ou moins entraînée, le calcaire solubilisé et les oxydes de fer se sont deshydratés pour donner une pellicule rouille qui enveloppe les grains de quartz et donne la couleur rouge au sol.

Ç_-_LES_SABLES_ROUX_DUNAIRES Les sables roux dunaires couvrent d'immenses étendues entre la Manombo et le Mangoky. Ils diffèrent des sables roux typiques par un certain nombre de caractères, aussi est-il parfois difficile de les considérer comme appartenant au groupe des sables roux. Les matériaux originels sont ici, soit des sables calcaires, parfois grésifiés (séries dunaires anciennes dont la morphologie dunaire de surface a disparu), soit des sables calcaires riches en débris de coquilles d'Aepyornis, dont la morphologie dunaire est bien reconnaissable. Cependant l'érosion peut niveler ces ondulations, les mélanger à d'autres apports ; sur le terrain l'ori- gine ne peut plus être reconnue. Les sables en question sont plus exclusivement sableux, moins évolués et d'une texture homogène mais grossière (de 85 à 90 % de sables grossiers), comprenant très peu d'argile (entre 1 et 3 %). Les grains de silice sont patinés d'une fine pellicule ferrugineuse, en général transparente. L'étude morphoscopique révèle une grande abondance de grains éolisés (picotés et mats), notamment lors- que les prélèvements sont faits dans les 50 premiers centimètres, mais également des grains luisants (usure marine). Le profil de ces sables dunaires est en général peu différencié, de couleur orangée à rouge vif, avec un horizon humifère très peu marqué et très pauvre (le taux de matière organique dépasse rarement 2 %). La perméabilité des sables roux dunaires est très forte car ils sont peu tassés, aussi le lessivage du calcaire est-il toujours complet dans la partie rubéfiée. Il est assez aisé de distinguer ces sables roux dunaires lorsqu'ils côtoient des sables roux typiques (Pays Mikea, Basse Manombo) : la végétation naturelle xérophytique qu'ils portent tranche nettement sur celle de leurs voisins.

D - LES-SOLS-ASSOCIES Nous regroupons sous ce terme des sols qui sont très proches, par leurs caractères physico-chimiques et par leur localisation, des sables roux. Ils se développent essentiellement sur les matériaux sédimentaires remaniés des glacis néogènes (région de Befandriana, Manja, Morondava). Ce sont tout d'abord des sables jaunes qui paraissent avoir la même origine que les sables roux. Par rapport à ces derniers, ces sols jaunes appa- raissent assez pauvres en produits ferrugineux amorphes. Il semble qu'ils soient (ou aient été lors d'une période récente) affec- tés par une nappe phréatique proche. L'humidité étant plus grande, les oxydes de fer ne sont pas suffisamment deshydratés et la rubéfaction est absente. Les sables jaunes portent souvent une végétation plus dense (en forêt notamment) que les sa- bles roux. Cette végétation, d'une part entretient l'humidité et d'autre part produit de l'humus soluble qui forme des complexes avec le fer, facilitant sa migration. Des bactéries anaérobies doivent aussi contribuer à cette couleur jaune en changeant la forme du fer. Rappelons également que selon P. SEGALEN (1970) la couleur jaune serait surtout due à de la goethite. L'autre catégorie de sols associés est celle des "sables roux hydro- morphes". En effet, en cas d'hydromorphie, les sables roux deviennent compactés et portent une végétation très dégradée. Surtout ils prennent une couleur grisâtre de surface. Mais, dès que l'on creuse, une couleur plus jaune apparaît avec sou- vent des concrétions violacées. La texture est alors hétérométrique et, à l'état sec, ils ont une forte cimentation. L'étude des mares temporaires (voir ci-dessous) permet, comme dans le cas précédent, d'aborder le problème de leur genèse. Les "sables roux hydromorphes" couvrent des surfaces souvent importantes dans les parties basses des épandages non soumises à l'alluvionnement. Très sou- vent les villages se sont implantés, de façon préférentiel le, à proximité ou dessus.

IV - LA GENESE ET L'EVOLUTION Nous admettons que l'essentiel des formes actuelles a dû être dégagé au cours du Pliocène, sous des climats à dominance sub-aride, et que seuls des phénomènes de pédimentation par leur caractère généralisé peuvent rendre compte de la formation de telles surfaces. A - LE_ROLE_DES_PALEg:ÇLIMATS Tout d'abord, nous devons supposer qu'après une préparation des produits de remaniement des séries gréseuses par une importante altération pédologique en place, se sont produits des écoulements en nappe chargés (de type sheet-flood), plus aptes à remblayer qu'à creuser. Ce travail s'est effectué certainement en plusieurs épisodes comme l'indiquent de nombreuses observations. Par exemple, la "carapace sableuse" sur sédiments crétacés est sûrement très ancienne, car dans la région à l'ouest de Morondava elle vient nettement en discordance sur des séries gréseuses tabulaires dégagées en cuestas. Par contre il est probable que la couverture sableuse des terrains de l'Isalo, en particulier entre le Mangoky et l'Onilahy, correspond au stade final d'ennoiement du relief et de pédimentation qui a suivi le démantèlement de la surface néogène (dont il reste de nombreuses buttes témoins entre Ranohira et Sakaraha) (M. SOURDAT, 1968). Dans la région de Manja, une partie des grès ferrugineux de l'Isalo semble être d'origine relativement récente, car ils diffèrent par la stratifi- cation et de pendage des terrains sédimentaires sous-jacents. De même certaines carapaces sableuses sur séries sédimentaires sont peut-être postérieures à la carapace sableuse pliocène des régions côtières. Quoiqu'il en soit, la fin du Pliocène a très certainement connu une humidification progressive du climat qui expliquerait en grande partie la rubé- faction des sables roux. En effet, la série néogène est coiffée fréquemment, tant au sud de l'Onilahy (R. BATTISTINI, 1964) qu'au nord du Mangoky, par des grès violacés, véritables croûtes ferrugineuses ou carapaces pi solithiques. Surtout localisées sur les glacis, elles peuvent contenir des galets et des gravillons allochtones cimentés en poudingue par les oxydes de fer. Le squelette quartzitique est assez important (42 % Fe -0 3; 11 % Al 203 ; 22 % Si 02)' Ces petites cuirasses, épaisses d'un mètre au maximum, indiquent une phase de cuirassement généralisé. Selon G. ROSSI (1978), ce sont surtout des cuirasses par accumulation relative, ce qui suppose un climat à saisons tranchées, mais assez pluvieux, ainsi qu'une absence de couvert forestier. Dans le secteur de la Tsiribihina, J. HERVIEU (1965) signale l'existence d'une cuirasse pisolithique sur le plateau d'Andranofotsy. On en rencontre également sur la piste Belo-Belomba au nord-est du lac Mikoboka et à l'est de Manja-Soaserana. Ces cuirasses sont presque toujours démantelées et ne sont probablement pas en place : elles ont dû se former sur les grès crétacés, être démolies et col uvionnées uvionnées lors d'une période très humide ; la recimentation des débris s'est effectuée par la suite. Nous pensons que la formation de ces cuirasses a dû avoir lieu vers l'extrême fin du Pliocène et en décapage au début du pluvial tatsimien. Cette humidification du climat est également corroborée par la présence de grands épandages de galets, notamment dans la région de Manja-, dans le piémont d' ou bien dans les terrasses anciennes des grandes vallées (Tsiribihina, Mangoky, etc...). Ces épandages de galets traduisent une forte abla- tion sur des versants dénudés que l'on imagine d'une part dépourvus de végétation forestière en raison de la longue permanence des climats sub-arides précédents et d'autre part préalablement nettoyés de leurs sédiments fins par le ruissellement diffus de la période sub-aride. Ce pluvial qui amorce une nouvelle séquence peut être considéré comme étant le Tatsimien (R. BATTISTINI, 1959) avec lequel les auteurs s'accordent à faire commencer le Quaternaire. Ce pluvial s'accompagne d'une transgression qui provoque l'entaille en falaise du biseau de la surface de remblaiement (Mite) et le dépôt de formations marines. L'évolution au cours du Quaternaire a également été très importante. C'est à cette époque que se sont mis en place de multiples dépôts, assimilés (parfois rapidement) aux sables roux. Ce sont respectivement de nouveaux glacis d'accumulation mais aussi des épandages d'argiles sableuses de décalcification (Manja, Mikoboka, Vineta) ou des argiles d'altération des basaltes (Analavelona, Vineta) voire des dunes de remaniement des sables pliocènes (Namonty) et même des terrasses fluviatiles (Tsiribihina, Morondava, Manombo, etc...). Les sables roux constituent donc le plus souvent une nappe allochtone, ayant double origine (alluviale et éolienne) et sont les héritiers des épisodes climatiques qui se sont succédés depuis leur mise en place. Pourtant sur le ter- rain il est presque impossible de distinguer ces différentes phases, car les re- maniements incessants (qui se poursuivent encore de nos jours) ont été tels que même les formes caractéristiques des modelés ont été uniformisées. Aujourd'hui encore, cet ensemble est soumis à l'agressivité de l'érosion ainsi qu'en témoigne le creusement très actif des cours d'eau et la multiplication des sakasaka et ravi ns. Les variations climatiques ont pu se traduire par une érosion intense et des superficies de sol rouge ont pu disparaître définitivement ou non de cer- taines régions. C'est dire que l'âge de ces sols est difficile à préciser. B - LE_PROBLEME_DE_LA_RUBEFACTION La rubéfaction (d'une intensité variable) est le phénomène le plus évi- dent quant à l'évolution de ces sables. Malheureusement la question de cette rubé- faction est encore mal élucidée. La rubéfaction qui procure une teinte rouge vif à brun rouge aux sables est due à la présence d'oxydes de fer (Fe2 03 cristallisant en hématite). Nous avons vu que dans les roches-mères le fer était partout présent sous forme d'oxydes ou d'hydroxydes individualisés. Dans les sables récemment issus des roches-mères, la plus grande partie du fer libre se trouve à l'état dit "amorphe" et c'est ce fer dosé comme amorphe qui est le responsable essentiel de la rubéfaction (J. RI- QUIER, 1963). La plupart des travaux (voir inventaire bibliographique de P. SEGALEN, 1968) donnent aussi à l'existence de plusieurs formes de fer le rôle essentiel dans l'acquisition de la rubéfaction. Les variations de couleur dépendraient des types d'oxydes et d'hydroxydes, de l'état de la valence (les formes oxydées étant les plus rouges); enfin du degré d'hydratation (P. SEGALEN, 1968). D'un autre côté, les études de R. FAUCK (1971) ont montré que le phénomène était lié systé- matiquement à celui de l'argilification et qu'il était également en liaison avec la dynamique du fer. Toutes les coupes et les sondages à la tarière montrent que la rubéfac- tion est un phénomène qui se développe en profondeur dans les sols. Selon R. FAUCK (1971) le front de rubéfaction qui progresse dans les matériaux est discontinu et suppose un piégage du fer en transit par les surfaces argileuses. De plus, il est probable que la présence de silice soluble stabilise l'état amorphe du fer et donc la rubéfaction. Si l'on admet avec R. FAUCK (1971) qu'il faut un minimum de 1 200 mm de pluies par an pour que les processus de rubéfaction s'enclanchent, le caractère fossile des sables roux ne fait pas de doute. C'est ce qu'avait déjà pressenti J. HERVIEU (1959) : "Za rubéfaction profonde et intense de cette série paraît difficilement réalisable sous un clirr:at aussi sec que l'actuel". Dans la plupart des cas (notamment pour les sables roux d'épandage), il est probable que la rubéfaction a pu débuter avant la mise en place définitive du matériau originel. Toutefois, les matériaux déposés en milieu calcaire ont pu s'enrichir en profondeur des résidus de la décarbonatation, de couleur très rouge. Une autre origine de la couleur peut se trouver dans la rubéfaction des vieilles dunes cô- tières alimentées en carbonates à partir des sables littoraux toujours très calcai- res et amenés par les phases de déflation. Le processus est à peu près le même : décalcification et rubéfaction des oxydes de fer. Dans le cas des sables dunaires , les sables roux résultent d'un processus de lessivage du calcaire avec mobilisation des composés de fer. Notons que très souvent le lessivage des carbonates a engen- dré la grésification ou l'encroûtement du matériau originel dans les horizons d'ac- cumulation. Puis les modifications géoclimatiques ultérieures ont eu généralement pour effet de rapprocher les accumulations calcaires de la surface et de favoriser leur encroûtement par évaporation. On peut admettre comme hypothèse plausible que la pédogénèse rubéfiante a pu tarder à s'affirmer sur ces surfaces sablo-argileuses. Il est donc possible que certains sols aient commencé leur évolution seulement lors des dernières pé- riodes humides, soit le dernier pluvial karimbolien (30 000 à 40 000 BP), soit le pluvial flandrien (8 000 à 10 000 BP). Par contre, d'autres sables peuvent être résiduels et dater de périodes fini-tertiaires, ayant été incomplètement érodés lors des phases arides successives. Il est donc probable qu'il y ait plusieurs générations de sables roux. Une autre hypothèse vraisemblable est que les sables roux actuels sont la résultante d'une longue évolution ayant affecté un matériel sableux très ancien et remanié à de multiples reprises. L'étendue considérable des sables roux, leur présence presque constante chaque fois que s'observe une surface plane sur laquelle l'action du climat a pu s'exercer assez longtemps, permettent de croire qu'ils constituent le terme de l'évolution pédologique (notion de sol zonal) pour les climats du Sud-Ouest malgache. Notons cependant qu'au nord de la Morondava le changement climatique se traduit par l'apparition d'un commencement de différen- ciation des profils de sables roux avec une tendance de l'argile à augmenter en profondeur (zone bariolée dans quelques cas). Dans les conditions morpho-climatiques actuelles, tout se passe comme si les phénomènes de désagrégation mécanique et d'érosion l'emportaient de beau- coup sur l'altération chimique en place. CONCLUSION

La plupart du temps, plus qu'à une unité de la couverture sableuse entièrement due à des nappes d'épandages venues de l'Isalo, il convient de songer à un "patchwork" d'épandages,de glacis, de cônes de provenance locale démolissant les roches et notamment grès et argilites. Bien entendu ces épandages se sont associés et mêlés en outre à des arrivées plus lointaines. Mais finalement l'origine du matériau reste très souvent voisine ou peu éloignée de la zone de départ. Cela permet de nuancer le concept de "trans- gression" à partir d'épandages issus des zones lointaines de l'Isalo, avec rem- bourrage partiel ou complet des modelés en creux. CHAPITRE 14

LA VALLEE DE LA TSIRIBIHINA

Par bien des aspects (bassins alluviaux, terrasses fluviatiles cultivées, rizières et marais, vaste delta, etc...) la vallée de la Tsiribihina se rattache aux paysages de la plaine côtière. C'est pourquoi, et malgré de nombreux traits se rapportant également aux plateaux, nous présentons cette unité, bien définie par ses versants pentus, dans le cadre de l'étude de la plaine côtière. Frontière septentrionale de notre cadre d'étude, la vallée de la Tsiri- bihina présente un intérêt géomorphologique particulier en raison de la conserva- tion de multiples niveaux ou dépôts (climatiques ou eustatiques), emboités les uns dans les autres. Cet intérêt est lié à l'existence de "bassins-pièges" succes- sifs où sédiments et matériaux ont pu s'accumuler abondamment et se conserver en grande partie. La vallée de la Tsiribihina apparaît donc comme un domaine privi- légié pour l'étude de la sédimentation continentale plio-quaternaire à Madagascar. Deux missions partielles nous ont permis de dégager quelques problèmes et de poser des jalons pour des études ultérieures plus complètes. Rappelons que la Tsiribihina proprement dite naît de la réunion dans la dépression du Betsiriry de trois grandes rivières : la Mania et la Kitsamby, venues des hauts plateaux cristallins et la Sakeny, issue des grès du Makay. C'est pourquoi nous avons étendu nos investigations aux secteurs du Betsiriry en rapport avec le fleuve.

1 - LES UNITES GEOMORPHOLOGIQUES DE LA VALLEE ET LEURS PROBLEMES A - LA DEPRESSION DU BETSIRIRY ET LE PIEMONT D'ANKOTROFOTSY 1 ) JrJL C'est par un véritable escarpement,découpé en facettes par l'érosion, que le socle cristallin du Bongolava s'enlève au-dessus de la dépression du Bet- siriry déblayée dans les roches beaucoup plus tendres du permo-triasique (grès, sables et argilites). La dénivellation dépasse parfois 500 m, aussi cet énorme abrupt joue-t-il le rôle d'un obstacle considérable bien que parfois haché par des failles qui, à l'occasion, ont pu détacher des paleo-reliefs cristallins plus ou moins importants (nord et nord-est de ). La grande dépression méridienne du Betsiriry a été déblayée dans la zone la plus étroite de la longue bande du Trias (Sakamena et Isalo). Il s'est ainsi formé une ample gouttière naturelle, riche en plaines alluviales et en marais, qui atteint 16 km de largeur au parallèle de et près de 35 km plus au sud. Elle se termine vers Malaimbandy dans le plateau gréseux du Besabora et les contreforts du Makay desquels débouche la Sakeny, cours d'eau orthoclinal qui la draine. L'altitude tombe parfois au-dessous de 120 m, aussi les eaux s'y sont-elles rassemblées de toutes directions et s'y attardent-elles volontiers. C'est pourquoi le drainage dans ce couloir légèrement vallone et encombré de marécages est bien difficile. C'est dans le Betsiriry que la réunion des trois rivières Mania, Mahajiho et Sakeny donne naissance à la Tsiribihina "le fleuve qui ne peut se traverser à gué/parfois large de 2 km. Les lacs sont nombreux autour de la zone de confluence : Bofo, Anosimainty, Andamata, Andrafia, Ankitrevo, Andranomazava, Begogo etc... La dépression permo-triasique est limitée à l'ouest par la longue et rigide barre calcaire du Bemaraha qui surmonte les reliefs mous, très morcelés de l'Isalo dans lesquels se détache une ligne de falaises correspondant à des degrés gréseux plus durs. La Tsiribihina a dû se frayer un difficile passage en gorges à travers cette rigide muraille avant de terminer plus librement son cours à travers les couches moins dures du Crétacé. La falaise du Bemaraha, plus abrupte que le Bongolava qui lui fait face, annonce le causse calcaire, incliné vers l'ouest (pendage modéré au niveau de la Tsiribihina : 4 à 5°) où la forêt est restée dense. L'escarpement, très rectiligne, a un commandement de 250 à 300 m au niveau de la vallée de la Tsiribihina. La hauteur de la falaise atteint près de 400 m au niveau d'Andranobilo, décroît en- suite vers le sud et se termine au niveau de la route Malaimbandy-Morondava (Fig.124).

Fig.124 Coupe du Bemara ha au nord immédiat de la Tsiribihina - La formation du Betsiriry paraît relativement simple. Elle relève, sernble-t-il, d'une double action lithologique et tectonique. - Tout d'abord, on peut relever une action différentielle de l'érosion dans un complexe sédimentaire de roches tendres et fragiles (grès, sables et ar- gilites du Karoo) étiré entre le socle cristallin du Bongolava et les solides cal- caires bajociens du Bemaraha. L'ampleur du réseau hydrographique et le grand nom- bre de cours d'eau qui se rassemblent aujourd'hui dans une dépression périphérique ancienne autorisent à penser que des actions érosives autrement plus puissantes que celles qui sévissent actuellement (pourtant non négligeables !) ont dû déblayer et emporter des masses considérables de sédiments. En effet, la région étudiée connaît aujourd'hui un climat tropical à longue saison sèche (elle atteint sept mois à Miandrivazo) mais relativement pluvieux (moyenne annuelle autour de 1 400 mm), ce qui signifie que l'agressivité morphologique est importante compte tenu du maigre couvert végétal. Mais au cours du Tertiaire et du Quaternaire ont oeuvré d'autres climats à pluviométries autrement plus abondantes et dont l'efficacité érosive n'est en aucun point comparable avec ce que nous constatons aujourd'hui. Les fleuves de ces époques, plusieurs fois plus puissants que les actuels, ont donc fort bien pu creuser et évacuer hors du Betsiriry d'immenses masses de sédi- ments. La dernière grande phase de grande efficacité a dû être le début du pluvial tatsimien dont le corollaire a été la mise en place des poudingues d'Ankotrofotsy dans une dépression déjà en grande partie creusée (cf. infra). De nos jours le processus de déblaiement continue, à une échelle moindre, car la Tsiribihina connaît encore des crues redoutables (de plusieurs mètres), aux eaux très chargées, suscep- tibles de provoquer de grandes et graves inondations. Les changements de lits dans le Betsiriry sont d'ailleurs fréquents à chaque saison des pluies. Ainsi, après la saison des pluies 1976-1977, la confluence de la Mania et de la Mahajiho s'est- elle déplacée sur près de 3 km vers l'aval, la Mahajiho ayant emprunté l'ancien bras mort de la rivière . Le long des principaux axes hydrographiques, les nombreux lacs de débordement sont les témoins de l'instabilité actuelle des cours d'eau. Notons au passage que les variations climatiques quaternaires ont engen- dré le long des principaux cours d'eau sillonnant le Betsiriry deux niveaux de terrasses bien nets. Le niveau le plus élevé (environ + 15 m) est constitué par la haute terrasse de remblaiement formée en partie par des éléments repris aux poudingues d'Ankotrofotsy. Le niveau inférieur (4 - 5 m ?) forme une basse terras- se couverte de végétation dense et verdoyante dans laquelle viennent s'emboîter les "baiboho" (terrasse inondable) (voir Fig. 125). Fig 125 Coupe du Monombolo près d' Ambatolahy (dépression du Betsiriry ) —

- Ensuite la formation de la dépression peut relever d'influences tec- toniques qui ont confirmé le rôle de fossé dévolu au Betsiriry. Traditionnellement l'escarpement oriental du Bemaraha a été considéré comme le front d'une cuesta et le Betsiriry comme une dépression orthoclinale classique. Cependant quelques élé- ments ont permis à G. ROSSI de discuter cette affirmation (communication orale) et de considérer que l'escarpement pourrait être en partie tectonique. Le premier élément se situe sur le plan tectonique. On ne peut manquer en effet d'être frappé d'une part par le caractère extrêmement rectiligne de l'es- carpement oriental du Bemaraha et d'autre part, par la direction SSE-NNW de celui- ci. Cela correspond très exactement à la direction des plus grandes failles qui affectent le plateau (faille Bejirika-Ambodivohitra, rejet : 180 m; faille de , rejet : 150 m). Cette direction est l'une des directions tectoniques majeures à Madagascar (direction Bongo-Lava). Enfin il faut remarquer les nombreux filons de dolérites et de basaltes doléritiques qui lardent le plateau. Leur aspect relativement récent (absence d'altération) peut constituer une preuve supplémen- taire d'une tectonique récente dans la région d'autant plus que leur orientation dominante est N 20° W à 30° W, c'est-à-dire parallèle à la direction de l'escar- pement . Le deuxième élément est d'ordre lithologique : la couche de calcaire bajocien qui arme la surface du Bemaraha et qui donne la corniche apparaît bien mince (moins de 40 m) par rapport à la puissance des grès tendres de l'Isalo sous- jacents : au niveau de Malaimbandy cette épaisseur est supérieure à 400 m. Le dernier argument est d'ordre géomorphologique. Il existe de part et d'autre de la Tsiribihina toute une série de méandres, perchés à des altitudes inégales qui tendent à prouver que le Bemaraha s'est soulevé (Fig. 126) : - grand méandre d'Ambakaha sur la rive droite de la Tsiribihina à l'en- trée des gorges. Son altitude relative par rapport au fond du talweg actuel est . de 150-200 m ; - petits méandres perchés de la Sahamba, petit affluent de rive gauche de la Tsiribihina, vers 115 à 120 m d'altitude relative (et non 75 m, chiffre avancé par R. RASOANIMANANA, 1977) ; Fig .126 La percée de la Tsiribihina et le grand méandre abandonné d ' Ambakaka — - enfin, petits méandres suspendus d'un petit cours d'eau intermittent, le Bevoay, situés sur le rebord occidental du Bemaraha vers 40 m d'altitude rela- tive. Puis, au lieu dit Beantaly, un beau méandre de l'Anivora situé à 5 - 6 m au-dessus du cours actuel. Il semble donc qu'il y ait eu une surimposition du réseau hydrographique lors d'un rejeu tectonique qui aurait soulevé le Bemaraha tout en lui imprimant un léger mouvement de bascule vers l'ouest (on imagine mal une antécéden ,,:e) • Mais rien ne prouve que ce rejeu ait eu lieu en une seule fois et aucun élément ne permet de préciser son âge. Toutes ces considérations éloignent quelque peu l'escarpement du Bemaraha de la notion classique de "cuesta". L'escarpement du Bemaraha est au moins en par- tie un escarpement de faille et le plateau du Bemaraha apparaît en position de horst. 2) Le Dans la dépression du Betsiriry, entre la Mania et le Manombolo, appa- raissent de grandes formations de matériaux détritiques et de poudingues très caractéristiques qui constituent le piedmont d'Ankotrofotsy. Reconnu pour la pre- mière fois par G. ROSSI, ce piedmont s'étend sur près de 30 km de longueur (pour une largeur de 3 à 6 km) en contrebas du massif cristallin du Bongolava qui le domine d'une hauteur de 100 à 150 m. La pente générale du piedmont s'abaisse régulièrement en direction de la Sakeny, selon un gradient de 4 à 5° en moyenne. Mais dans le détail la topo- graphie se présente sous forme d'une succession de croupes assez lourdes et de mamelons dont les aspects (formes d'accumulation ou de dissection) sont largement commandés par le voisinage du socle de Bongolava. Ce modelé explique que les pro- fils transversaux soient multiconvexes. En effet, le piedmont détritique a été fortement disséqué par les innombrables vallons, très encaissés au niveau du tal- weg, qui conservent quelques boisements contrastant avec les maigres savanes des croupes. Ce modelé de dissection, particulièrement bien développé, s'explique essentiellement par le nombre important des cours d'eau (perennes ou intermittents) issus d'un massif cristallin relativement bien arrosé : Mania, Sanjao, Mahavavy, Manambolo et affluents. La disproportion des lits par rapport aux chenaux d'étiage d'une part et la forte pente des profils amonts de l'autre, procurent aux cours d'eau une grande compétence : leur puissance d'arrachement et de transport au moment des crues a permis de déplacer de nombreux gros blocs. C'est ainsi que la vallée du Sanjao a été entièrement déblayée sur une grande largeur au contact du socle et des poudingues aujourd'hui séparés du massif de quelques 300 à 400 m. Seul un petit massif de poudingues subsiste, complètement isolé, entre le lac Bofo et le petit village de Behorohaka (Fi g. 127). A l'est de l'ancien petit terrain d'aviation de la concession d'Antevame- na, l'épaisseur de la formation dépasse probablement une centaine de mètres si l'on en juge par les incisions partielles de certains talwegs. Cette épaisseur est également très importante de part et d'autre des rives de la Mahavavy, mais dimi- nue régul ièrement vers l'ouest où elle vient dominer en léger abrupt la grande Fig 127 Esquisse géomorphologique du Betsiriry au sud de la Mania — terrasse de la Sakeny. Toutefois la formation est actuellement en grande partie démantelée, aussi l'épaisseur initiale devait-elle être encore plus consistante. Une étude succinte du matériel a été faite par R. RASOANIMANANA (1977). Environ 600 galets de tailles variables (de 2 à 30 cm de longueur et de 0,5 à 20 cm de largeur) ont été dénombrés dans un carré de un mètre de côté et ceci sans classe- ment aucun. Des sédiments plus petits (graviers, sables et limons) sont également piégés dans les interstices séparant les galets. Le caractère hétérométrique des poudingues est ainsi mis en évidence, ainsi que le caractère torrentiel de la formation. L'examen morphométrique des poudingues montre un émoussé très accen- tué des galets (méthode A. CAILLEUX et J. TRICART, 1963) : ni angles, ni arêtes n'apparaissent ; de nombreux galets sont nettement ovoïdes. Il est important de souligner que la quasi totalité des poudingues se compose de galets de quartzites auxquels s'ajoutent quelques rares cailloux de granité. L'origine du matériel est donc à rattacher au massif de l'Itremo et aux régions quartzitiques des hautes terres d'Ambatofinandrana dont sont issus la Mania et ses nombreux affluents. Les multiples coupes taillées dans les poudingues montrent la succession suivante, illustrée par la coupe de rive gauche du Manambolo, près d'Ambatolahy : - à la base : grès à stratifications entrecroisées de l 'Isalo I, bien visibles sur plusieurs mètres, - puis : poudingues sur 3 à 4 m d'épaisseur, - ensuite : sols rouges, sablo-argileux, 50 cm à 1 m, - au sommet : petits épandages de cailloutis et de galets provenant d'un remaniement actuel ou sub-actuel des poudingues. G. ROSSI (1981) a décrit une coupe similaire dans la carrière Cambogi à l'est d'Ambatolahy : - à la base : grès à stratifications entrecroisées, rubéfiés, avec par- fois des lits de graviers et quelques galets ; ce niveau paraît provenir du re- maniement superficiel de l'Isalo. Ce niveau peut être absent ; son épaisseur maxi- male observée est de 3,50 m ; - puis : 20 à 30 cm de poudingues à matrice de sables quartzeux sans stratification apparente peu consolidés. Localement apparaissent des lentilles de sables et de graviers. Lorsque ce niveau repose directement sur l'Isalo, le contact est brutal et se fait sans l'intermédiaire d'un sol. La partie supérieure est rubéfiée sur 50 cm à 1 m et les galets jonchent la surface du plateau. Le problème de la mise en place de ces poudingues et de l'époque de celle- ci se pose. Rappelons que ces poudingues ont été cartographiés par les géologues en Isalo I conglomératique. Mais les faits d'observation ne permettent pas de souscrire à cette affirmation. En effet, d'une part le faciès classique de l'Isalo I est celui de grès à stratifications entrecroisées et d'autre part dans les coupes cet Isalo conglomératique vient coiffer les grès entrecroisés de l'Isalo II pour- tant plus "récents" ! Manifestement l'interprétation des géologues est erronée. La coupe de la rive gauche du Manambolo montre que les galets reposent directement sur les grès à stratifications entrecroisées sans qu'il n'y ait aucune interposition de sol. Les horizons superficiels des grès de l'Isalo II ont donc été entièrement décapés avant la mise en place des poudingues. Ce décapage préa- lable suppose la concomitance d'une longue période de climat subaride (fin du Pliocène) et de l'absence ou la minceur d'un couvert végétal (maigre steppe ou savane clairsemée) facilitant l'action de ruissellements diffus ou en nappe. Par contre, la taille importante et l'origine relativement lointaine des galets suggè- re que la mise en place de ces derniers n'a pu se faire que lors d'un climat per- mettant des écoulements violents, abondants et fréquents sinon durables. Ce qui suppose qu'aucune végétation ne parvenait à les tempérer. Il est probable par conséquent que la mise en place de ces poudingues n'a pu être effectuée qu'en début de période pluviale, à un moment où un énorme stock de matériaux plus ou moins fragmentés et altérés recouvrait le socle. A ce moment-là l'humidification du climat (sans doute rapide à l'échelle géologique) n'avait pas encore permis au couvert végétal de prendre une ampleur telle que les versants en eussent été protégés. Il est possible que cette "crise morphogénétique" ait été en fin de compte relativement courte (quelques millénaires ?) mais terrible- ment efficace si l'on en juge de par l'ampleur des dépôts mis en place. Il est à noter par ailleurs que la surface d'ensemble des poudingues d ' Ankotrofotsy est en continuation remarquable avec la surface fini-tertiaire développée sur le so- cle cristallin du Bongolava (Fig. 128).

Fig.128 Coupe du Betsiriry entre la Mania et Malaimbandy — Par référence aux travaux de R. BATTISTINI, ces poudingues ont toute chance d'être les témoins du début du pluvial tatsimien continental défini dans le sud de Madagascar et daté de 2,20 - 0,30 MA (G. ROSSI, 1980). B - LE BEMARAHA 1. Le plateau calcaire A l'ouest du Betsiriry, le plateau du Bemaraha s'étend sur près de 300 km entre 17°30' et 20° de latitude sud pour une largeur d'environ 25 km au niveau de la Tsiribihina. La limite orientale du plateau est nettement tranchée puisqu'il s'agit du grand escarpement, mais la limite occidentale est également très nette, constituée par une falaise irrégulière dominant les grès crétacés. Dans la vallée de la Tsiribihina cette limite occidentale est constituée par un escarpement d'origine tectonique sur lequel on peut voir encore de remarquables j facettes de fait le. D'un point de vue géologique le Bemaraha correspond à l'affleurement des calcaires du Jurassique moyen au-dessus de la série gréseuse de l'Isalo et qui sont recouverts à l'ouest par des terrains variés allant des marnes et marno- calcaires du Jurassique supérieur aux grès continentaux du Crétacé. Plus pré- cisément on distingue avec H. BESAIRIE (1972) : - yn.Bemaraha.inférieur dont l'ancienne piste Miandrivazo-Belo sur Tsiribihina a fourni une excellente coupe (H. BESAIRIE, 1972) : 6. Callovien à Macrocéphalites 5. Calcaires et marnes (350 m) 4. Complexe calcareo-marneux (150 m) avec niveaux fossilifères 3. Banc d'argiles rouges et vertes 2. Calcaires rognoneux et oolithiques (35 m) 1. Calcaires, grès avec niveau fossilifère (15 m) 0. Grès de l' Isalo. L'ensemble de 1 à 4 se rapporte au Bemaraha inférieur. Celui-ci peut se diviser en deux sous-ensembles avec : - le Bajocien formé de calcaires dolomitiques avec lumachelles à la base qui affleure dans le Bemaraha sur 7 à 10 km avec un pendage de 4° en moyenne. Le niveau se termine généralement par une dalle très dure constituée de calcaire blanc crème, à passées sublithographiques ou à pisolithes calcaires, qui est responsable de la corniche sommitale du grand escarpement oriental du Bemaraha (voir fig. 128). - le Bathonien, véritable complexe calcareo-marneux épais de 150 m, avec de nombreux changements de faciès latéraux. Il affleure sur 10 à 13 km dans le Bemaraha ouest et dans une partie du bassin de (Est du cours de la Sakareza et Est de Bemangily). Dans l'entablement formé par ces calcaires le réseau hydrographique apparaît assez peu encaissé au nord du fleuve, mais il devient beaucoup plus dense au sud de celui-ci. Alors il découpe le plateau en fragments grossièrement quadrangulaires car d'une part une grande partie des vallons étroits et profondé- ment encaissés sont de direction E-W, et d'autre part le plateau est affecté de nombreuses petites rides orientées nord-sud avec talwegs de même direction. Dans les parties les plus calcaires, de profonds ravineaux à parois abruptes se sont creusés et une certaine karstification de surface apparaît (dolines peu marquées). - yD_Bernaraha_moyen, qui ne se développe qu'au sud de la Tsiribihina à partir du parallèle 680, pour atteindre rapidement 800m d'épaisseur dans la zone traversée par la Maroalita. Essentiellement gréseux avec des intercalations cal- caires, il ne joue aucun rôle morphologique notable dans la zone de la Tsiribihina proprement dite. - yDJ§maraha_supérieur, qui débute à l'est par une falaise continue dont le revers forme une surface structurale correspondant à un affleurement de cal- caires et de marnes marines. Les calcaires oolithiques du niveau supérieur sont très lapiézés et s'accompagnent d'une hydrologie karstique avec cavités souter- raines. Le karst est alors recouvert de forêt alors que les zones marneuses sont occupées par la savane. Comme la série est souvent affectée de failles longitu- dinales elle engendre une succession de plateaux allongés en escaliers séparés les uns des autres par de petites falaises. Les_gorges_du_Juras§lgue La Tsiribihina traverse le plateau du Bemaraha en gorges spectaculaires dans lesquelles l'horizon prend de la hauteur, notamment avec les formidables parois du méandre d'Anosimby atteignant près de 400 m dans la branche occiden- tale. Sur 25 km les gorges sont limitées par des parois verticales enserrant le fleuve large de 200 à 250 m seulement. L'encaissement du fleuve, initialement de 300 à 350 m à l'entrée du canyon, diminue progressivement dès la sortie du grand méandre d'Anosimby et n'atteint plus qu'une centaine de mètres au débouché du bassin de Berevo. Les versants sont presque entièrement forestés, seuls les abords immédiats du fleuve étant parfois dépourvus d'arbres. Les parois sont souvent très rai des montrant des silhouettes sculptées par l'érosion et quelques ressauts rocheux. Parfois l'entaille d'un petit vallon affluent permet de grimper sur le plateau, entreprise rendue diffi- cile par l'abondance des peuplements de takilotra (poil à gratter). Seules les eaux vert-jade de la Sahambano, affluent pérenne de rive gauche, rejoignent le grand fleuve à l'entrée des gorges. L'intérêt de ces gorges réside dans la présence de niveaux d'érosion bien nets dont la Tsiribihina est l'agent responsable. Les meilleurs exemples se si- tuent le long de l'escarpement du Bemaraha longé par le fleuve, puis sur la rive droite à l'entrée et enfin à la sortie du grand méandre d'Anosimby (cf. infra).

C - LE BASSIN DE BEREVO 1. Desçription_généra]e Le bassin de Berevo se développe entièrement dans les séries tendres à faciès argilo-marneux de 1'Argovien et du Neocomien. Très allongé, on peut consi- dérer qu'il s'étend sur 65 km depuis les petites rizières d' au NNE jus- qu'aux anciennes concessions de Soaserana-Tsaramandroso au SSE. En fait, le bassin proprement dit ne s'allonge que sur une quarantaine de kilomètres car au nord il s'étrécit en un couloir contenu par l'escarpement jurassique du Bemaraha à l'est, tandis que vers le sud il est rapidement resserré, formant une étroite gouttière drainée par la Sakareza, dès les villages de Belinta et Tanandava. A l'est le bassin est dominé par l'escarpement occidental du Bemaraha tandis qu'à l'ouest les limites sont constituées par les étendues des grès crétacés de l 'Am- bondro au nord de la Tsiribihina et ceux du Maronono au sud du fleuve. Au niveau du passage de la Tsiribihina, le bassin atteint son maximum d'ampleur avec près de 15 km de large. A l'intérieur du bassin les paysages sont constitués par une série de replats et de gradins étagés, plats ou inclinés en direction du fleuve qui sont autant de glacis et de terrasses emboîtés les uns dans les autres. Dans la partie orientale du bassin l'on distingue tout d'abord un très long pédiment couvert d'une maigre savane arbustive, qui s'étend depuis l'escar- pement occidental du Bemaraha sur une largeur de 4 à 5 km jusqu'au petit talus de plusieurs mètres de hauteur dominant un étroit glacis. Ce dernier, comme le pédiment, est orienté du NNW au SSE et s'incline selon une faible pente vers le fleuve. Ce glacis est peu relevé et dans sa partie aval il passe insensiblement à une terrasse d'accumulation fluviatile. Assez étroit dans la partie orientale du bassin (2 km en moyenne) ce "glacis-terrasse" s'étend considérablement au sud du fleuve, notamment au pied des hauteurs du Maronono où il atteint jusqu'à 5 km de largeur. Ccmme on le constate, la symétrie par rapport à l'axe du bassin n'est pas parfaite puisque le pédiment n'apparaît que dans la partie orientale de celui-ci. Enfin toute la partie centrale du bassin est dominée par les aspects hydro- morphes : dépressions lacustres, cuvettes de débordement, marécages à roselières plus ou moins asséchés selon la saison, levées alluviales portant des boisements de roniers , rizières cultivées s'interpénètrent en permanence. Ce milieu mi- terrestre mi-aquatique constitue le refuge naturel d'un gibier d'eau abondant, mais il est malsain en raison des myriades de moustiques qui y règnent en perma- nence. Entre Berevo et Tanandava ces paysages s'étendent sur une dizaine de kilo- mètres de largeur. Les villages et les anciennes concessions de tabac ont soigneu- sement évité cette basse terrasse inondable, mal drainée par de médiocres cours d'eau paresseux et méandriformes (Fig. 129). L'intérêt morphologique majeur du bassin de Berevo est qu'il constitue au sortir des gorges du Bemaraha un formidable piège dans lequel les sédiments ont eu toute facilité pour se déposer sur de très grandes étendues. C'est ainsi que le bassin de Berevo a fidèlement enregistré les grandes fluctuations paléocli- matiques que la région a connues depuis la fin du Pliocène. On retrouve dans les différentes formes et formations, emboîtées les unesdans les autres, ces multi- ples épisodes. C'est pourquoi l'étude de ce bassin méritait d'être poussée. En août 1978, nous avons pu effectuer une reconnaissance de quelques jours qui devait nous permettre de découvrir et de mieux appréhender les problèmes du bassin. Malheureusement la médiocre piste de rive gauche que nous avions utilisée avec difficulté n'a plus été praticable dès l'année suivante. Quant à la mauvaise piste de rive droite elle n'est plus entretenue et disparaît dans la forêt d'Anda- fia. Aujourd'hui le fleuve est la seule voie d'accès au bassin de Berevo, aussi l'étude que nous comptions effectuer n'a pu être menée à bien. Elle reste à faire. 2. Les-niveaux-d'érosion Pour des raisons de cohérence, nous avons joint à ce paragraphe l'étude de niveaux situés en dehors du bassin proprement dit, mais se situant'à la proche périphérie de celui-ci. a) Dans les gorges du Jurassique du Bemaraha. Dès l'entrée des gorges de la Tsiribihina on relève d'abord sur la rive droite, puis de part et d'autre du fleuve, de très nombreuses traces d'un haut niveau d'érosion, témoin peu contestable d'une étape dans le creusement du pla- teau par le fleuve. Ces témoins se rencontrent notamment tout le long des rives concaves du grand méandre d'Anosimby : - un grand replat sur la rive droite, à l'entrée du méandre, large de 30 à 40 m selon les endroits ; - à la sortie du méandre, ce replat prend de l'ampleur et atteint jus- qu'à 300 m de large ; - sur la rive gauche il est plus étroit : environ 20 à 25 m. Dans tous les cas l'altitude relative de ces gradins est comprise entre 110 et 125 m. Ce niveau se repère assez bien car, si la plupart du temps la luxu- F 9 129 ESQUISSE GEOMORPHOLOGIQUE DU BASSIN DE BEREVO - riance de la forêt parvient à la marquer quelque peu, ailleurs il arrive qu'il soit dénudé ou simplement couvert d'une maigre savane laissant voir la roche en place. On s'aperçoit alors que le replat est entièrement taillé dans les calcai- res du plateau et que la topographie est très régulière. b) Dans le bassin de Berevo. Sur la rive droite du fleuve se développe un niveau en partie rocheux, en partie recouvert de faibles épaisseurs de sédiments (colluvions et alluvions en grande partie sableuses). Large de 3 à 4 km, il s'allonge sur près de 20 km en contrebas de l'escarpement occidental du plateau calcaire dans lequel il est nettement emboîté. En fait, plus qu'un replat, il s'agit plutôt tantôt d'un glacis tantôt d'un pédiment faiblement incliné en direction de l'axe de drainage du fleuve (Fig. 130).

Fig.130 Coupes interprétatives à travers les terrasses de la Tsiribihina dans le bassin de Berevo Au sud du fleuve on retrouve ce niveau mais à une altitude relative légèrement inférieure (115-100 m). A proximité du débouché des gorges, au niveau des lieux-dits Ambodivo- hitsy, Analatelo et Ihanabo, il est particulièrement net et tranché en raison de la présence de failles en relais qui coïncident avec sa terminaison aval et qui sont en partie responsables du talus de 20 à 25 m de hauteur qui sépare ce niveau de la terrasse de Bemangily. La présence de fractures de direction NNW-SSE est très fréquente dans la partie orientale du bassin et il est probable que les petites différences d'alti- tude qu'on relève entre les parties nord et sud du niveau d'érosion soient dues à de légers rejeux de ces fractures. Ainsi le talus qui sépare la surface d'Ambo- divohitsy de celle de la terrasse de Bemangily 1 aisse-t-i1 voir de belles pla- I ques rocheuses où l'altération n'a pas eu le temps de jouer. Par ailleurs, deux échantillons prélevés, l'un dans le secteur d'Ambodivohitsy au nord du fleuve, l'autre dans celui de Tsaramandroso au sud de celui-ci, ont montré lors d'une analyse des minéraux lourds qu'il s'agissait bien de la même formation, en dépit d'une altitude relative légèrement plus basse au sud du fleuve (R. RASOANIMA- NANA, 1977). c) Dans les gorges du Crétacé. On retrouve à la sortie du bassin de Berevo un autre niveau d'une altitude comparable : 90-110 m d'altitude relative. Le vestige le plus important se situe sur la rive gauche du fleuve au-dessus du village de Tsimaloto. On a là un petit gradin perché entièrement taillé dans les grès crétacés et large d'une vingtaine de mètres. Les derniers éléments de ce niveau se situent dans l'ultime méandre des gorges crétacées en amont d'Ankilimamy notamment sur la rive gauche, mais leur observation n'est pas aisée car d'une part leur extension est restreinte et d'autre part la forêt tropophile est particulièrement épaisse en cet endroit. d) La genèse des replats. Dans les gorges amont où ils sont taillés dans les calcaires massifs et durs du Jurassique, ces replats posent un problème : comment le fleuve a-t-il pu creuser dans ces roches résistantes ? Il faut admettre qu'à un moment donné de son histoire sa capacité érosive a été particul ièrement efficace. Pour cela il a fallu qu'à cette époque le fleuve ait été terriblement puissant, capable de charrier une charge imposante susceptible de jouer le rôle d'un abrasif très per- formant. Nous pensons avec G. ROSSI (1981) que cet abrasif a été constitué pour la plus grande partie par la mise en charge d'une masse importante de galets de quartzites, prélevée aux grands épandages du piémont d'Ankotrofotsy. En effet, il est remarquable que les nappes de galets quartzitiques qui coiffent les ver- sants de la vallée en aval des gorges du Bemaraha et que l'on retrouve jusqu'aux abords immédiats de la plaine côtière soient toujours à une altitude maximale de 100/120 m. D'autre part, la base du piémont d'Ankotrofotsy ne se situe qu'à 130- 150 m, si bien qu'il est tentant de faire le lien entre ces différentes formations. Tout se passe comme si la Tsiribihina à une époque ancienne avait trans- porté une forte charge de galets prélevés au piémont d'Ankotrofotsy (ou en prove- nance directe du socle), lesquels par leur grande dureté auraient joué ce rôle d'abrasif indispensable au creusement des gorges. Pour cela il faut également admettre un épisode climatique tel que les écoulements aient été très abondants : nous pensons donc que ces replats ont été façonnés lors du pluvial tatsimien à une époque où une bonne partie des galets quartzitiques d'Ankotrofotsy étaient déjà en place. 3 • Le__^glaçi s-terras se"_de_25-35_m Dans son mémoire de maîtrise R. RASOANIMANANA (1977) mentionne, notamment dans les secteurs de Nanarena et de Bekoratsaka, des "terrasses d'érosion" qui auraient été taillées aux dépens des grès crétacés du Maronon. Sur le terrain nous n'avons pas retrouvé ce niveau de "75-80 m", mais plutôt, entre 25 et 35 m d'altitude relative, un glacis disséqué, modelé tantôt dans les grès crétacés, tantôt dans les marnes néocomiennes qui ont largement colluvionné et empâté le modelé. Ces altitudes relatives sont beaucoup plus basses que celles évoquées par cet auteur qui rapporte enfin qu'"aucun élément de ce niveau de 75-80 m n'a été décelé sur la rive droite du fleuve", ce qui est pour le moins surprenant compte tenu de l'extension de cette forme dans le sud du bassin, décrite par l'auteur. Enfin, il s'agit essentiellement d'un glacis d'ablation plus ou moins couvert de sols rouges sableux résiduels, développé pour la plus grande partie dans les marnes du Crétacé moyen, et qui passe vers l'aval, sans discontinuité notable, à une terrasse fluviatile. L'extension de la forme est considérable, atteignant plus d'une vingtaine de kilomètres du nord au sud, pour 5 à 6 km de largeur en moyenne. La pente vers l'axe de drainage est assez nette sans être forte (1 à 2 %). Dans la partie occidentale du bassin on retrouve ce glacis sur la rive droite, à l'ouest du lac Andranomena, mais sur une étendue beaucoup plus réduite (Fig. 131). Le col luvionnement du glacis est actuellement encore très intense, favo- risé à la fois par la présence des marnes jaunes, sensibles à ce phénomène, par Fifl 131 Coupes interprétatives à travers les terrasses de la Tsiribihina à l'entrée du bassin de Berevo - les abondantes précipitations de saison des pluies (1092 mm pour une moyenne de 10 années établie à Berevo, l'essentiel tombant de novembre à mars) et par la faiblesse de la couverture végétale composée surtout de savanes arbustives. Notons que ce glacis est fréquemment jonché de galets de quartzites très hétérométriques, mais ceux-ci sont très probablement issus des épandages pliocènes supérieurs. Dans sa partie aval la pente du glacis s'adoucit et il passe insensible- ment à une terrasse détritique sablo-argileuse de couleur jaunâtre qui est en grande partie grésifiée dans sa masse. L'extrêmité de cette haute terrasse sur- plombe de quelques mètres une vaste zone de terrasses inférieures, de dépressions et de cuvettes de débordement susceptibles d'être inondées en période de crue. La plupart des gros villages du bassin de Berevo se sont installés sur la bordure de la haute terrasse à la limite de deux terroirs et à l'abri des inondations : - sur la rive droite : Bemena, Bemangily, Bekapika, Mitsinjorano, Ankala- lobe, Betomba ; - sur la rive gauche : Bekily, Andolomijana, Behera. Les petits talwegs qui suivent la pente du glacis ont souvent entaillé la terrasse et offrent des coupes qui permettent d'apercevoir des lits de graviers et de stratifications entrecroisées qui ne laissent aucun doute quant à l'origine fluviatile de la formation dans sa partie aval. Ceci est conforté par les analyses granulométriques des sédiments qui montrent des courbes de type sigmoïde, typiques de faciès fluviatiles. ------: : ------Taille : Pourcentage : : Echantillon prélevé sur la piste : 0,05 mm - 0,2 mm : 20 % : : Berevo-Soanafindra (rive gauche) : 0,2 mm - 0,5 mm : 58 % : ------: : 0,5 mm - 2 mm : 12 % : : Echantillon prélevé à Betomba : 0,05 mm - 0,2 mm : 19 % : : (rive droite) par R. RASOANIMANANA : 0,2 mm - 0,5 mm : 56 % : : : 0,5 mm - 2 mm : 15 % :

A l'est de Berevo une coupe montre que cette terrasse est déjà très altérée avec des tâches de type "pain d'épice". Des morceaux de cuirasse sont pris dans la matrice, eux-mêmes très altérés avec des pellicules zonées. Vers la concession de Mahavelo, l'émergence de gros blocs gréseux très altérés montre que le Néocomien est très proche, la terrasse étant venue se plaquer contre la roche sous-jacente. Selon R. RASOANIMANANA (1977), l'analyse des minéraux lourds de la terras- se de Betomba a montré une forte dominance d'oxydes de fer avec 48,92 % du volume des minéraux lourds, l'ilménite occupant 33,07 % et le zircon 9,47 %. Toujours selon cet auteur "le niveau de 75-80 m" se retrouverait dans la région de à la sortie des gorges du Crétacé, ce que nous n'avons pu vérifier, toute piste ayant disparu de ce secteur abondamment foresté. Par contre à Tsimaloto on retrouve effectivement un petit replat vers 35 m d'altitude rela- tive, mais il est très peu étendu et apparaît bien estompé par la présence de la forêt ici fort dense. Comme il ne se retrouve pas sur la rive opposée du Bemara- kely, nous le tenons pour douteux. 4 • Le-ni veau-de-3 - 4-m.-l es-terrasses-i nondables-et-l es-baiboho Ce niveau est très étendu et atteint 3-4 m au-dessus du niveau d'étiage, les bourrelets du fleuve, très larges, atteignant eux-mêmes 5-6 m en moyenne. Il j se compose pour l'essentiel de terrasses inondables (actuelles et subactuelles) et de baiboho qui se sont formés soit par débordement et recouvrement des levées * puis comblement des anciens lits, soit par colmatage des cuvettes de débordement. Dans le bassin de Berevo c'est sur ce niveau que s'étaient établies les grandes concessions de tabac profitant de la fertilité des alluvions récentes. La plus grande partie des basses terrasses est régulièrement submergée en saison des pluies, l'inondation annuelle étant parfois impressionnante : la crue exception- nelle de mars 1958 a atteint 11 m à Betomba, à l'entrée des gorges du Crétacé ! La plupart des sols ont une texture nettement fine, limono-argileuse (40 à 60 %}, les sables grossiers étant rares (1 à 3 %). Ils sont peu évolués avec une tendance à l'hydromorphie qui s'explique d'une part par leur forte capa- cité de rétention de l'eau et d'autre part par les submersions temporaires, mais fréquentes. Les couleurs varient du brun foncé au jaune, fonçant en profondeur et présentant des nuances selon les secteurs : - plus rougeâtres dans celui de Betomba ; - de beige-clair à rosé dans celui de Bemangily. Dans le bassin de Berevo ce bas-niveau porte une végétation de phragmites (bararata)3 de plamiers roniers (dimaka) et de mimosas (roy), assez dense avec un encaissement important. Entre les gorges du Crétacé et jusqu'au Bemarivo les sols de ces terrasses conservent un profil assez homogène : sur une assez grande épaisseur on ne dis- tingue qu'un seul horizon brun jaune à brun rouge, limoneux à limono-argileux, très micacé. La pente de ces terrasses inondables est peu prononcée, de l'ordre de 1 %0 . Ces terrasses inondables sont également très étendues dans la basse vallée en aval de Berevo notamment autour des grands lacs de débordement mais surtout dans la zone de transition avec le milieu fluvio-marin. Dans ce dernier cas elles sont très mal individualisées et seule la végétation permet de les distinguer : en général les plus récentes sont couvertes en majorité de Graminées (Cynodon dactylon, Phragmites oommunis, Sporobolus rhyzomatus) tandis que les plus anciennes voient l'apparition d'une végétation arbustive voire arborée (Palmiers, Tamariniers, etc...). D - LE PLATEAU DES GRES CRETACES 1. Le_glateau_orienta] Situé approximativement entre les méridiens 247 et 222 le plateau gréseux apparaît comme une longue lanière de direction nord-sud assez nettement basculée vers l'ouest (pendage de 3° à 4°). La pente est conforme à la structure puisque l'on passe d'une altitude de 300 à 350 m au niveau des corniches du Maronono à des hauteurs de 120 à 150 m sur la Maropia et la Katrafahadia. A l'est et au sud du fleuve, les grès du Cénomanien forment le vigoureux escarpement du Maronono qui domine le bassin de Berevo de 200 à 300 m. Le front de ce grand talus est profondément disséqué et buriné par l'érosion. Les multiples ravineaux qui s'y développent mettent à jour dans les parties basses les marnes de l'Aptien, dont une partie est venue empâter le pourtour du bassin de Berevo. Au nord de la Tsiribihina on retrouve, mais très atténué, cet escarpement dans les secteurs orientaux des forêts d'Ambondro et d'Andrafia. Ici le relief du plateau est moins tourmenté et les plans inclinés, amenant des montées progressi- ves jusqu'à 250 m, sont la règle. 2. L§§_9or9§§_dy_Bemarahakely C'est dans ce secteur que la Tsiribihina a taillé des gorges, certes moins impressionnantes que celles du Bemaraha, mais dont le fond est tout aussi étroit surtout en amont (400 m). Dans cette section les parois sont formées par des escarpements rocheux verticaux de 25 m de hauteur environ, dont les moindres replats sont mis à profit par la végétation (terrasses d'érosion de Tsimaloto). A partir du village de Tsimaloto, ces gorges s'élargissent et atteignent 600 m au niveau d'Androngony. En aval de cet habitat le fleuve s'anastomose, enserrant de nombreux bancs de sable entre ses bras, et atteint assez vite un kilomètre de largeur (Fi g. 132). Les gorges se composent de deux grands méandres encaissés dont le tracé est probablement dû en partie à la présence de failles. En effet, celles-ci sont assez nombreuses dans ce secteur : le grand méandre d'Ankilimiamy en forme de U renversé doit très certainement ses deux branches rectilignes à ces fractures. De même, les vallées adjacentes, comme celle du Mamoty qui débouche sur ce méandre, sont très étroitement liées au tracé de failles orthogonales. 3. La-vallée-du-Manambolo-et-le-volcanisme-crétacé Le plateau crétacé est coupé en deux par la vallée du Manambolo, affluent de rive gauche de la Tsiribihina. Cette vallée longue d'une vingtaine de kilomètres s'élargit progressivement pour atteindre 2 à 3 km au niveau de la confluence. Elle est le réceptacle de nombreux petits cours d'eau plus ou moins permanents qui irriguent le sud de la forêt de Maronono. C'est ainsi que la présence conjointe de terrains alluviaux plats de marais et d'eau courante a permis le développement de multiples rizières de part et d'autre du Manambolo, ponctuées de gros villages (Antsoha, Mialiloha, Amboto, Tsaraotana). Le principal pôle d'intérêt de la vallée est l'importance prise par les phénomènes de fracturation et de volcanisme constitués par les grandes coulées ; basaltiques de la région d'Antsoha. A l'est du village, ces coulées , d'âge créta- 1 cé, se sont épanchées selon une direction méridienne qui est également celle des grandes fractures du secteur. Elles bordent la rive droite du Manambolo sur près de 30 km. Successivement on distingue du nord au sud les coulées d'Ampazoloaka, de Mahamena, puis au sud de la rivière Bemarivo, la grande coulée d'Antsoha et enfin celle de Komanga qui culmine à 212 m au pic du même nom. Sur leur bordure orientale ces coulées ont donné de vigoureux escarpements dominant de quelques 25 à 30 m la forêt environnante (Fig. 133). La roche basaltique est très peu altérée et l'on peut voir de gros blocs entièrement mis à nu entre lesquels se tiennent des sols ferrugineux bruns rouges très peu épais et sur lesquels quelques maigres touffes de graminées tentent de pousser. Toute la vallée du Manambolo est affectée de failles méridiennes impor- tantes (30 à 40 m de rejet) qui sont probablement anciennes et dont l'existence explique en partie le creusement de la vallée. Très certainement ces failles ont rejoué à plusieurs reprises, ce qui permet d'expliquer la multiplicité des épan- chements volcaniques profitant de ces lignes de faiblesse de l'écorce terrestre. Les plus récentes ont d'ailleurs affecté les basaltes, telle la grande fracture, longue de 2 km, qui hache le flanc sud-ouest du mont Komanga. A l'est du lac Iboboka certaines ont même affecté les sables roux, ce qui est une preuve supplé- mentaire d'une néotectonique dans l'Ouest malgache. Ces failles expliquent égale- ment les autres manifestations volcaniques (coulées et extrusions) qui longent le flanc droit de la vallée : - l'extrusion rhyolithique de Mahalamba, longue de 4 km environ pour une longueur de 0,5 à 1 km. Elle est flanquée sur sa bordure occidentale d'un petit dôme basaltique d'une centaine de mètres de longueur à peine ; - deux petites extrusions basaltiques à 3 et 4 km au sud du village de Bekilibe et dont les sommets servent d'assises à de multiples tombeaux ; - le dôme circulaire de Tongobory, culminant à 171 m et dont les basaltes émergent de 25 à 35 m de la forêt de Maronono ; - enfin, nous devons rattacher à ces manifestations volcaniques la coulée andésitique d'Androngony-Betambora qui se situe au nord de la Tsiribihina mais dans le prolongement de la vallée du Manambolo. Cette coulée forme un escarpe- ment de 25 m sur son rebord oriental qui domine la petite dépression marécageuse d'Andranonakoho. !r§_Pl?teau_oççidenta]_ Vers l'ouest, le Campanien qui a une épaisseur d'une centaine de mètres dans la vallée de la Tsiribihina apparaît sur le plateau sous forme de grès rouges formant cuesta entre le fleuve et le parallèle 742 (Fig. 134). Le front de la cuesta domine un paysage de basses collines disséquées par un réseau hydrographique très serré et taillées dans les grès calcaires du Santoni en.

Le revers de la cuesta correspond à un large plateau recouvert de sables rouges supportant la forêt d'Ambalimby au nord du fleuve, et celle de Maropia au sud. Les sables rouges sont très épais et proviennent très probablement de l'alté- ration des grès rouges du Campanien supérieur sous-jacent. Selon A. de VENDEGIES (1958), cette couverture de sables provient du remaniement des grès cétacés sous- jacents. Par la suite ( au Pliocène ?) ils ont été modelés en vastes plans incli- nés reposant sur les grès calcaires du Campanien. E - LA BASSE VALLEE JUSQU'AU DELTA De part et d'autre de la Tsiribihina qui décrit de larges méandres, appa- raissent un nombre important de dépressions marginales formées par le colmatage de talwegs affluents secondaires et occupés par de grands lacs à superficie varia- ble suivant la saison. Citons les plus importans d'amont en aval : - lacs Mikoboka, Hima, Iboboka, Sariaka, Belinta et Bemarivo pour la rive droi te. - lacs Komanaomby, Tsitampolia, Bedromatsy, pour la rive gauche. Le plus important d'entre eux, le lac Komanaomby, mesure plus d'une dizai- ne de kilomètres dans son grand axe pour 2 à 3 km de largeur. (Fi g 135) Ces dépressions lacustres, véritables limans, communiquent avec le fleuve par des chenaux qui traversent la levée de berge. A la saison des pluies ils se remplissent pendant la crue, puis se vident lentement, en partie ou en totalité, à la période des basses eaux. Ces lacs déversoirs ou "ranovory", au nombre d'une quinzaine, sont cultivés en rizières sur certaines de leurs bordures. C'est le cas du lac Bemarivo près de Belo sur Tsiribihina (environ 5 000 ha) sur lequel nous reviendrons. Autour des dépressions les espèces herbacées couvrent d'immenses surfaces soulignant ces milieux mal draînés notamment Sporobolus rhizomatus, espèce quasi monospécifique ne cédant la place que dans les milieux à inondation prolongée aux peuplements de Cypéracées. Les sols, presque toujours bosselés avec de nombreuses fentes de retrait en saison sèche, sont argileux à argilo-limoneux, brun-jaune à brun-rouge sur une grande épaisseur. L'hydromorphie, fréquente, se manifeste par l'apparition dans le profil de taches noires, rouges et bleues. Notons au passage les sols légère- ment salés, étendus dans le sud du lac Hima, et qu'apprécient volontiers les trou- peaux de flamands roses. Enfin, sur les alluvions calcaires secondaires apparais- sent quelques sols vertiques caractérisés par un horizon brun à brun foncé. F - LA DEPRESSION DU BEMARIVO Ie_cadre_géoloqique a) L'Eocène Selon la carte géologique de 1958, l'Eocène affleure un peu au nord de la

35-Vallée de la Tsiribihina en début de saison des pluies- Les eaux sont très chargées- Au fond le lac Hima joue le rôle de cuvette de débordement-Au premier plan, cultures vivrières sur la basse terrasse -

36- Le delta de la Tsiribihina - Le bras nord d'Ambozaka. Immensité de la forêt de palétuviers - Tsiribihina sur la rivière ouest du Bemarivo, et se poursuit assez régulièrement jusqu'au parallèle 670, mais il est en grande partie recouvert par les grès du Pliocène dont il se distingue bien mal. Cependant dans le secteur de Belo sur Tsi- ribihina, LEMAIRE (1963) a pu observer la succession stratigraphique suivante : 1. sommet alluvions diverses 2. carapace sableuse 3. grès pliocènes 4. éocène gréseux 5. base calcaires et grès calcaires du Maestrichtien- Sur la rive ouest du lac Bemarivo les grès qui affleurent sont quartziti- ques. Ils s'étendent sur près de 20 km de long du nord au sud et 1 à 2 km de lar- geur. La base est constituée d'un grès à quartz émoussés, arrondis, souvent allon- gés, pris dans un ciment peu abondant, ferrugineux et siliceux, et non vacuolaire. Le sommet est formé par des grès à ciment siliceux, très indurés et à passées con- glomératiques (galets de quartzites toulés). En surface, l'Eocène gréseux donne souvent, mais sur une faible épaisseur, des sables grossiers à ciment argileux blanc. Vers l'ouest, l'affleurement de cet Eocène, que nous tenons pour douteux en l'absence de tout fossile, est essentiellement limité à la bordure de la forêt côtière où il est rapidement recouvert par des sables. Cette formation rapportée à l'Eocène, a un faciès très semblable à la base du Pliocène et l'on ne voit pas très bien comment les géologues ont pu séparer les deux formations. Rappelons que partout ailleurs à Madagascar l'Eocène est calcaire fossilifère, mais jamais gréseux. b) Le Pliocène. La puissance du Pliocène dans le secteur de Belo sur Tsiribihina serait comprise entre 30 et 50 m. Le Pliocène est bien développé dans la basse vallée où il forme le substratum des forêts côtières. En surface c'est une formation de grès de couleur jaune pâle à blanche, assez grossiers et souvent entrecroisés. Ils sont peu consolidés, se désagrègent facilement et s'altèrent en se rubéfiant. Dans la coupe qui se situe dans la falaise à l'est de la ville de Belo sur Tsiribihina, LEMAIRE a distingué 3 niveaux : - grès supérieurs : grès rouge à ciment argileux et galets de quartz isolés. - grès moyens : grès rouge à ciment argileux et à passées conglomératiques. - grès de base : grès à quartz émoussés et arrondis pour les gros éléménts, anguleux pour les petits élé- ments, et ciment secondaire siliceux cristal- lisé. Nous avons remarqué que sur plusieurs échantillons le ciment est très peu abondant et les grains de quartz s'agglomèrent pour former un grès-quartzite. A l'ouest de Belo sur Tsiribihina, HERVIEU (1965) décrit une autre coupe, de 20 à 25 m de commandement : - 0 - 3 m : sables argileux rougeâtres, hétérométriques, à quartz anguleux - 3 - 4 m : zone gréseuse tachetée, à taches et concrétions rouges violacées - 4 - 4,2 m : niveau riche en galets quartzitiques de 5 à 10 cm de diamètre qui sont colluvionnés sur le talus avec les concrétions - 4,2 - 12 m: grès grossiers à quartz anguleux et ciment argileux blanchâtre, assez friables. Rares galets dispersés dans la masse - 12 - 20 m : argile sableuse gris-clair, s'érodant facilement avec pavages de concrétions ferrugineuses. A l'est du Bemarivo les grès du Pliocène bordent la plaine du nord jusqu'à , puis de Bevoay à Vohimary. Ils n'affleurent que sur une bande très étroite dans laquelle on observe souvent, comme par exemple au ni- veau de Vohimary, un lit de galets roulés. Dès que l'on s'éloigne du Bemarivo, ces grès sont rapidement recouverts par les formations superficielles d'épan- dages (sables roux). L'examen du terrain et des coupes fait ressortir un certain nombre d'éléments : - les grès sont fréquemment entrecroisés ; - ils comprennent de nombreuses passées de galets quartzitiques, parfois disposées en lentilles, ainsi que des bancs d'argile ; - les dépôts se caractérisent par une très forte hétérométrie de matériaux ; - enfin, on observe au sein de la même formation des variations rapides de faciès sur de courtes distances. A notre avis, tout ceci milite en faveur de l'hypothèse selon laquelle une partie du "Pliocène" de Belo sur Tsiribihina pourrait bien être un ancien delta de la Tsiribihina. Ce delta se serait formé à une époque postérieure à celle du dépôt des sables roux dans lequel il est emboîté et antérieur à l'époque qui a per- mis la formation du niveau de 40 m qui est taillé dans ses matériaux (cf.infra). Selon la terminologie utilisée par G. ROSSI, il serait alors d'âge antsiranien. c) Les sables roux Belo sur Tsiribihina est bâtie sur ces dépôts qui coiffent le Plio- cène. Il s'agit de sables roux à caractère éolien secondaire, plus ou moins consolidés par des argiles rouges et englobant des lits de galets de quartz roulés (1 à 15 cm de grand axe). La puissance de ce dépôt est variable suivant l'érosion : 0 à 30 m. Elle ne peut être chiffrée avec certitude car il n'y a pas de limite nette entre le Pliocène et les sables roux (dont ils sont issus selon toute probabilité), d'autant plus que ces derniers ont fréquemment collu- vionné sur les versants. 2) La_g!aine_d^ingndatign Le Bemarivo est une vaste dépression méridienne s'étendant entre les plateaux forestés sur près d'une quinzaine de kilomètres. Sa largeur, de l'or- dre de 5 km au niveau de la Tsiribihina, est en moyenne de 3 km, puis elle se rétrécit un peu en direction du nord. Cette cuvette est séparée de la Tsiribi- hina par un bourrelet qui domine de 4 m environ le niveau de la dépression, cette dernière n'étant elle-même que de 0 à 1,5 m par rapport au niveau de la mer (Fi g. 136). D'ailleurs en saison des pluies la marée se fait sentir jusqu'au mi- lieu du lac par refoulement des eaux de la Kindrona. Cette rivière qui longe la falaise occidentale est le seul exutoire naturel du Bemarivo : elle sert de déversoir au lac après les crues du fleuve. La pente de la dépression est très faible du nord au sud (0,1 %o à 0,2 %-, ), ce qui explique son mauvais drai- nage. Le bourrelet qui forme barrage se compose d'une levée alluviale à la- quelle succède une terrasse inondable. L'ensemble atteint 1,2 à 1,5 km de lar- geur. Dans ce détail la topographie de la levée est très accidentée, coupée de très nombreux chenaux. La levée est formée de dépôts sableux à limono-sableux avec alternance de dépôts très micacés. A l'est du Bemarivo proprement dit se développent de petits appen- dices de celui-ci sous forme d'une chapelet de petits lacs. Les plus petits, situés immédiatement au sud-est du Bemarivo, se rejoignent en saison des pluies pour former le Bemarivokely. Le plus grand, orienté nord-est sud-ouest, le lac Belinta, s'étend sur 7 km et présente une largeur moyenne de 1 km. Les formations récentes alluvionnaires occupent la totalité de la dépression. Ce sont des dépôts très argileux (50 à 60 % d'argile), possédant une très faible perméabilité, essentiellement formés de limons micacés argileux, d'argiles et d'argiles limoneuses (0 à 2 m d'épaisseur). Au sud et à l'est de Belo sur Tsiribihina on obtient toujours la même coupe : - sommet : limons argileux, 0 à 2 m ; - base : argile rouge à grise, rarement sableuse, 2 m. Ces formations homogènes à granulométrie fine représentent presque la totalité du lac Bemarivo. La dépression méridienne du Bemarivo, perpendiculaire au fleuve, cor- respond à une ancienne lagune ou vallée, creusée le long de l'affleurement des Fig 136 Croquis géomorphologique du Bemarivo- grès de l'Eocène et envahie par la mer lors de la dernière phase de la trans- gression flandrienne (J. HERVIEU, 1960). Ce fait ne fait plus aucun doute. Dès 1967, C. ZEBROWSKI signalait que : "Les caractères morphologiques et physico-chimiques des sols ont pour origine le recouvrement d'une mangrove par des alluvions de la Tsiribihina". En effet, en amont du delta, au-dessous des horizons superficiels, on trouve fréquemment un horizon gris-noir caractéristique des mangroves enterrées. Le profil type aménagé dans ces alluvions comprend un horizon supérieur argileux plastique, sous lequel apparaît un horizon de gley argileux. Dans ce second horizon la présence de sulfures et de sulfates, le caractère de salure souvent très accentué, la présence de débris végétaux ou pas décomposés, incitent à penser que ce sont les vestiges de l'ancien sol de mangrove (J. HERVIEU, 1960). Par ailleurs, la prospection par sondages à la tarière des alluvions a permis de découvrir l'existence d'un ancien rivage quaternaire au débouché du Bemarivo, au niveau du lieu-dit Belindo (LEMAIRE, 1963). Treize sondages ont été effectués au total et le toit de ce dépôt a été trouvé entre les cotes 0,5 m et + 3,8 m (Fig. 137). Il s'agit essentiellement d'une plage de sables blancs grossiers à galets de quartz (de 0,5 cm à 4 cm) comprenant des tourmalines et bordant le rivage. Elle est masquée par un recouvrement d'alluvions diverses. La puissance de ces sables est supérieure à 2 m. Cette plage ne borde pas tout à fait l'an- cienne falaise (Eocène-Pliocène) ; elle en est séparée par une zone de dépôts mixtes (ruissellement et torrentiel) en provenance du Pliocène alors émergé : vases, argiles, sables argileux et cailloutis. Vers l'est cette plage plonge rapidement. Sa largeur subaffleurante repérée est d'une cinquantaine de mètres. Le caractère quaternaire marin est prouvé par la faune trouvée : débris de tests de Laméllibranches, de Gastéropodes et de piquants d'oursins ayant très souvent conservé nacre et couleur. Notons qu'à Belindo un ravin de direction NW-SE a entaillé le contact Pliocène-Eocène (probablement faillé) et amené des alluvions grossières (blocs mal roulés, galets remaniés du Pliocène, sables et argiles) qui viennent s'im- briquer dans les alluvions limoneuses et argileuses de la Tsiribihina. Avec le retrait de la mer il y a eu colmatage par des dépôts très argileux à caractère fluvio-marin, puis la Tsiribihina a reformé ses bourrelets, isolant presque entièrement le lac, le seul exutoire naturel restant étant la rivière Kindrona. La surface actuelle de la plaine n'est pas tout à fait régulière du fait de l'accumulation annuelle de dépôts et du creusement de chenaux au moment de la décrue. Les photographies aériennes de 1954 indiquent nettement une voie de drainage qui part du nord, en face d'Ampasimandroatsy, pour former au sud la rivière Bevoay. Ailleurs on rencontre de nombreux lits qui ne sont plus fonc- tionnels, sinon saisonnièrement. Les sols de la plaine d'inondation ont un profil assez homogène, avec en surface un seul horizon brun jaune à brun rouge, très micacé, limoneux à limono-argileux ou argileux (dépressions). Les secteurs régulièrement inondés (terrasses actuelles) correspondent le plus souvent à la cote moyenne maximale atteinte par le remblaiement récent et ont une altitude moyenne de 2,5 à 3 m au-dessus du lit apparent. Les dépôts de ces basses terrasses sont des dépôts par excés de charge, à faciès plus ou moins parabolique, mais à tendance loga- rithmique ; ils offrent une zonation transversale par rapport au lit apparent du fleuve. Ces sols restent très longtemps inondés (en crue exceptionnelle c'est tout le Bemarivo qui peut être submergé) et sont difficiles à drainer (Fig.138). Ils sont cultivés en rizières de décrue, ce qui nécessite de nombreux repiquages au fur et à mesure que l'eau se retire.

Fifl-138 Variation du niveau du lac Bomarive a Marotaola . ( selon J-Y Marchai )

3) Les-abords-du-fleuve a) les levées alluviales Elles se forment de préférence sur les rives convexes des lobes du fleuve. La topographie des levées est en général ondulée près du fleuve, puis plus régulière lorsqu'on s'en éloigne. Dans ce cas, la granulométrie des sédi- ments est plus fine dans les creux que sur les bosses. Selon J. HERVIEU (1964) une grande épaisseur continue de sédiments fins limono-argileux indique le passage à un régime d'inondation de terrasse inondable. La sédimentation des levées est à dominance sableuse et limono-sableuse. Elle se caractérise par une alternance irrégulière de strates et de lentilles sableuses et limoneuses très micacées avec une tendance plus limoneuse en sur- face (ou richesse en sable fin : 50 à 80 %) . Ces sols sont en général très riches et constituent une partie des terres dites de baiboho. La végétation naturelle des levées permet de reconnaître leur ancien- neté : - sur les levées récentes on rencontre des peuplements de Phragmites ccrmunis et de Cynodon daotylon, auxquels les paysans mettent le feu lors- qu'ils veulent les utiliser pour les cultures de décrue ; - sur les levées anciennes se trouvent de petits boisements d'arbris- seaux tels P:Ûchea sp (Famoty), Acacia sp (Fatipatika) , Ziziphus jujuba (Moko- nazo) et Mw:unia pruriens (Takilotra), auxquels se joignent quelques arbres représentatifs de la forêt sèche occidentale (Ficus, Tamariniers, etc...) b) les bancs de sable Les bancs de sable sont extrêmement fréquents tout le long de la Tsi- ribihina. Déposés au moment de la saison des pluies ils émergent lors de la saison sèche. La végétation est généralement absente de ces bancs. Ce n'est que dans le cas de bancs suffisamment anciens et assez élevés au-desus de l'eau pour échapper à la pointe des crues que des peuplements denses de Phragmites communis et de Cynodon dactylon apparaissent. L'étude morphoscopique des sables montre que leur taille demeure comprise pour la plus grande partie entre 0,2 et 2 mm. Les grains de quartz dominent très largement tandis que les minéraux lourds les plus représentés sont l'amphibole, le zircon et le grenat. Lorsque les bras du fleuve ne fonc- tionnent que durant la crue, les bancs sont alors recouverts d'une mince pelli- cule argileuse pouvant atteindre une dizaine de centimètres d'épaisseur qui se fendille en polygones en saison sèche, ou se recroqueville en feuillets. La distribution et la morphologie des bancs se modifie saison après saison et leurs limites cartographiques sont en grande partie conventionnelles. G - LE DELTA 1. Les-tra i ts_généraux_du_de 1 ta Avec une superficie légèrement supérieure à 60 000 ha, le delta de la Tsiribihina est le deuxième plus grand delta de Madagascar (après celui du Man- Tableau n° 33 ESSAI DE CORRELATION DU QUATERNAIRE A MADAGASCAR. ( d'après doprèsBottistini.Bourgeot.Rotzimbczofy.Rossi.et Sourdot)

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