DOLENTIUM HOMINUM N. 44 — anne XV — N. 2, 2000

REVUE DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LA PASTORALE DE LA SANT

DIRECTION CORRESPONDANTS

S.EXC. MGR JAVIER LOZANO BARRAGÁN, Directeur P. M ATEO BAUTISTA, Argentine S. EXC. MGR JOSÉ L. REDRADO, O.H., Rédacteur en Chef MGR JAMES CASSIDY, U.S.A. P. F ELICE RUFFINI, M.I., Secrétaire DON RUDE DELGADO, Espagne P. R AMON FERRERO, Mozambique P. B ENOÎT GOUDOTE, Côte d’Ivoire Pr SALVINO LEONE, Italie P. J ORGE PALENCIA, Mexique COMITÉ DE RÉDACTION P. G EORGE PEREIRA, Inde MME AN VERLINDE, Belgique P. C IRO BENEDETTINI PR ROBERT WALLEY, Canada DR LILIANA BOLIS SR AURELIA CUADRON P. G IOVANNI D’ERCOLE DR MAYA EL-HACHEM P. G IANFRANCO GRIECO P. B ONIFACIO HONINGS MONS. JESÚS IRIGOYEN TRADUCTEURS P. J OSEPH JOBLIN P. V ITO MAGNO MLLE COLETTE CHALON DR DINA NEROZZI-FRAJESE MME ANTONELLA FARINA M. FRANCO PLACIDI PR MATTHEW FFORDE P. L UCIANO SANDRIN P. B ERNARD GRASSER, M.I. MGR ITALO TADDEI M. GUILLERMO QWISTGAARD

Direction, Rédaction, Administration: CITÉ DU VATICAN; Tél. 698.83138, 698.84720, 698.84799, Fax: 698.83139 E-MAIL: [email protected]

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Sur la couverture: Vitrail du P. Constantin Ruggeri

Spedizione in a.p. - art. 2, comma 20/c, legge n. 662/96 - Filiale di Roma Sommaire

4 Télégramme du Saint-Père 77 II: La transmission maternelle du SIDA au fœtus. Nouvelles possibilités de prévention Dr Massimo Fantoni Dr Guido Castelli Gattinara L’ÉGLISE CATHOLIQUE ET LE DÉFI DU SIDA, 9-11 DÉCEMBRE 1999 78 III: Aspects psychologiques Mme Rosa Merola 6 Accueil et introduction 83 IV: Aspects éthiques et moraux S.E. Mgr Javier Lozano Barragán Dr Antonio G. Spagnolo 8 Le SIDA dans le monde d’aujourd’hui: 87 V: Aspects spirituels la situation actuelle et les défis pour le futur P. Arnaldo Pangrazzi Dr Peter Piot EXPOSÉS SUR LE THéME 12 Présentation du travail effectué “ACCéS Ë L’ASSISTANCE, AUX SOINS, EXPÉRIENCES par le groupe de recherche PASTORALES DANS QUELQUES ÉGLISE LOCALES” S.E. Mgr José L. Redrado 89 I: Asie - Thaïlande 13 Résultats de l’enquête sur “Réalités, problèmes Dr Kumnuan Ungchusak et propositions des églises locales sur les services sociaux/sanitaires et sur l’action 90 II: Afrique - Congo 2 pastorale à l’égard des personnes séropositives Dr Kapepela Kakicha Marie et malades du SIDA dans le monde” Mme Fiorenza Deriu Bagnato 92 III: Amérique du Sud - Brésil Mme Maria Inez Linhares de Carvalho

1éRE PARTIE 94 IV: Amérique Centrale - Haïti LA PRÉVENTION Dr Jean-Marie Caidor 25 La vie comme valeur essentielle 95 V: Amérique du Nord - États-Unis M. Carlo Casini P. Robert Vitillo 29 L’éducatione est-elle orientée vers les valeurs? 98 VI: Europe - Pologne Pr Stanislaw Grygiel P. Arkadiusz Nowak

TABLE RONDE 100 Conclusion LES LIEUX D’ÉDUCATION AUX VALEURS 37 I: La famille S.E. Mgr Francisco Gil Hellin SÉMINAIRE D’ÉTUDE SUR: “L’IDENTITÉ DE L’AUMÔNIER CATHOLIQUE 41 II: L’école DANS LA PASTORALE DE LA SANTÉ ET LA SANTÉ S.Em. Card. Pio Laghi AU SEUIL DU 3ème MILLÉNAIRE”, 22-23 NOVEMBRE 1999 44 III: Les media S.E. Mgr John P. Foley 103 Le prêtre ministériel ordonné, l’évêque TABLE RONDE et le presbyterium dans la pastorale de la santé EXPÉRIENCES ET PROJETS D’ACTIONS à la lumière de l’exhortation apostolique ET DE PROGRAMMES DE PRÉVENTION “Pastores Dabo Vobis” BASÉS SUR L’ÉDUCATION AUX VALEURS S.E. Mgr Javier Lozano Barragán 46 I: Italie, le CUAMM 108 Identité de l’aumônier catholique Dr Giovanni Putoto dans la Pastorale de la Santé au seuil du IIIème millénaire 50 II: Le SIDA en Inde Réflexion théologique Dr Gracious Thomas Abbé Juvenal Ilunga Muya 58 III: Espagne, la Fondation Dimensió SIDA 117 L’aumônier catholique de la Pastorale Dr Antoni Mirabet de la santé dans le Droit canonique Mgr Martin Vivies 63 IV: SIDA et Caritas Internationalis Mgr Fouad T. El-Hage 127 L’aumônier catholique en Pastorale de la santé au seuil du 3ème millenaire 72 V: L’Afrique P. Renato Di Menna Dr J. Agness-Soumahoro 136 Conclusion P. Felice Ruffini 2E PARTIE L’ACCOMPAGNEMENT EXPOSÉS SUR LE THéME “DE L’ASSISTANCE AUX MALADES DU SIDA” Les illustrations de ce numéro sont extraites du livre L’antica spezieria della Santa Casa di Loreto 75 I: Aspects sanitaires Colapinto, Grimaldi, Bettini Dr Massimo Fantoni Editore Croce Azzurra, Bologna “Venez vous-mêmes à l’écart, dans un lieu désert, et reposez-vous un peu”

(Mc 6, 31) Télégramme du Saint-Père

Sa Sainteté Jean Paul II salue cordialement les participants des différents pays convoqués par le Conseil pontifical pour la Pastorale de la Santé, en vue d’étudier les sujets relatifs au fléau du sida.

4 En cette circonstance, le Saint-Père vous encourage tous à travailler ensemble, à partir des compétences respectives, dans le soin de ceux qui souffrent de cette maladie, en utilisant les ressources de la science pour alléger leurs souffrances. La solidarité de l’Église et la générosité fraternelle de tant de femmes et d’hommes de bonne volonté, soutenus par l’exemple du bon Samaritain, accompagnent et aident ces malades, par des moyens adaptés et se chargent de leur rétablissement complet ou de leur mort sereine. Avec ces sentiments très forts, le Pape demande au Tout-Puissant, par l’intermédiaire de l’intercession de la Vierge des douleurs et de l’espérance, d’éclairer et de concéder des fruits abondants à tous ceux qui travaillent dans ce domaine spécifique de la souffrance humaine et impartit affectueusement aux personnes présentes la bénédiction apostolique implorée.

S.Em. le Cardinal Angelo SODANO, Secrétaire d’État de Sa Sainteté L’Église Catholique et le défi du SIDA

9-10-11 Décembre 1999 Nova Domus Sanctae Marthae Cité du Vatican Accueil et introduction

Je salue chaleureusement nous présenterons la vie com- nous réfléchirons sur la théo- les participants à cette session me valeur de base, l’éduca- logie pastorale face au Sida, de travail sur le Sida organi- tion aux valeurs, les espaces pour conclure sur une ligne de sée par le Conseil Pontifical d’éducation à ces valeurs, la conduite à adopter pour une pour la Pastorale de la Santé. famille et l’école, les moyens meilleure action pastorale Je salue et remercie tous les de communication, les expé- dans le futur. rapporteurs pour leur présen- riences et les perspectives fu- Notre session entend moti- ce. Ils apportent réellement tures d’intervention ainsi que ver les églises particulières une grande contribution à la les programmes à caractère afin qu’elles influent davanta- cause de la santé dans le mon- préventif basés sur l’éduca- ge sur les politiques de santé de et au développement de la tion aux valeurs; ces expé- nationales au sujet du Sida; pastorale de la santé. riences seront présentées par nous souhaitons une présence 6 Cette session vise trois ob- les pays suivants: Italie, Inde, plus significative de la part jectifs: 1. soutenir l’aide aux Espagne, Sénégal, et Caritas des personnels de santé dans malades du Sida; 2. orienter le Internationalis. le cadre même des structures problème du Sida selon les Pour ce qui concerne socio-sanitaires publiques et critères du Magistère pontifi- l’acompagnement, nous étu- privées, avec une orientation cal; 3. coordonner les mouve- dierons l’assistance aux per- claire en matière de pastorale ments et groupes de l’Église sonnes atteintes du Sida, en de la santé concernant le Sida; catholique qui travaillent dans prêtant attention aux aspects notre souhait est que cette le domaine du Sida. médico-sanitaires, psycholo- session contribue de manière Nous partirons de la situa- giques, éthico-moraux et spi- particulière à la promotion de tion actuelle du Sida dans le rituels; nous présenterons en- politiques de protection de la monde, et des prévisions pour suite l’accès aux programmes vie, en opposant un défi aux le futur. Ce thème sera traité de soin sur le terrain; après ce- politiques actuelles de pré- par l’Onusida, l’organisation la, nous présenterons les expé- vention basées, souvent ex- des Nations Unies pour le Si- riences pastorales de quelques clusivement, sur la diffusion da. églises locales des cinq conti- du préservatif. Ensuite, nous présenterons nents: pour l’Asie, nous en- Nous voulons promouvoir les recherches effectuées par tendrons les expériences de la la création d’un réseau cré- notre Conseil Pontifical sur la Thaïlande; pour l’Afrique, dible de groupes désintéressés situation réelle, sur les pro- celles de la République démo- d’organismes et d’associa- blèmes afférents et sur les pro- cratique du Congo, pour tions non gouvernementales positions des églises locales l’Amérique, celles du Brésil, engagés dans la lutte contre pour le Sida dans le monde, d’Haïti et des Etats-Unis; pour cette maladie; nous désirons pour porter ensuite notre at- l’Europe, les expérience de la soutenir les actions des gou- tention sur trois grandes Pologne; et enfin, pour vernements nationaux sur ce lignes: prévention, accompa- l’Océanie, celles d’Australie. point; appuyer les initiatives gnement et éclairage. Pour éclairer ensuite cette des ONG catholiques et non En parlant de la prévention, réalité par la Parole de Dieu, catholiques; encourager l’ac- quisistion de fonds et de moyens financiers pour la réalisation de projets qui pré- voient la facilitation de l’ac- cès aux médicaments antire- troviraux et contre les infec- tions afférentes; nous souhai- tons des initiatives destinées à soutenir le développement so- cio-économique des pays les plus touchés par le Sida; en- fin, nous voulons apprendre à utiliser de manière améliorée et plus adaptée les moyens de communication sociale, en particulier la presse, la TV et Internet. On a dit que l’Église n’a parents décédés parce que pas fait entendre sa voix au touchés par le Sida, et dont la sujet du problème du Sida et plus grande partie est atteinte que son silence est la preuve à son tour par ce mal, il est ur- de son impuissance dans le gent de sensibiliser tout le domaine concret d’une réalité monde pour qu’on leur vienne parmi les plus dramatiques en aide. Il y a eu récemment d’aujourd’hui. Rien n’est plus une initiative que nous esti- faux: ainsi qu’il ressort de la mons bon de soutenir: rendre recherche que nous présen- officielle pour tout le monde tons dans cette session, 9,4% l’institution d’une journée des de ceux qui s’occupent de enfants atteints du Sida; cette malades du Sida sont des or- journée serait fixée au 28 dé- ganismes d’Église, et 15%, cembre, jour où l’Église ca- des organisations non gou- tholique célèbre la fête des vernementales catholiques. saint Inncocents. Par rapport à l’ensemble des Le Dicastère a fait sienne moyens engagés, leurs dans son actualisation pra- cette initiative et il a envoyé moyens représentent 20,6%; tique. une demande à ce sujet aux ils sont en grande partie non Il est vrai que la vertu de évêques présidents des pas publics mais privés. À chasteté semble aller à contre- Conférences épiscopales du tous ces éléments, il est évi- courant dans une société tota- monde entier. Dans celle-ci, il dent qu’il faut ajouter les po- lement sexualisée comme les invite, s’ils le désirent, à sitions claires du Pape, à qui l’est la nôtre aujourd’hui. Elle présenter cette initiative au 7 nous faisons référence dans apporte avec elle une vision peuple de Dieu de leur églises ce qui suit et les innom- anthropologique de l’amour particulières. À titre de ca- brables déclarations pasto- et du sexe, elle doit être com- deau de Noël, ils pourront en- rales et communications des prise dans toute son extension voyer leurs prières et leurs épiscopats du monde entier sociale, familiale, individuel- aides économiques pour la publiées dans des documents le et personnelle. Elle doit se nourriture et les médicaments récents. comprendre d’une manière nécessaires à ces enfants, Nous souhaitons à cette ses- dans les exigences de la chas- dans les 6 pays d’Afrique sion la clarté dans ses objectifs teté dans le mariage et elle se subsaharienne les plus tou- et donc la clarté dans l’orienta- vit sous une autre forme dans chés par cette infection. Ces tion pour le travail pastoral; l’état de célibat. Sans cette vi- aides peuvent être de tous les tout cela, nous pouvons le sion acceptée grâce à la foi, genres; une aide est très sou- trouver dans l’enseignement on comprend comment il est vent oubliée, comme il est du Saint-Père concernant le absurde, pour beaucoup, que évident que cela puisse se problème du Sida: il a déjà été l’Eglise catholique n’accepte produire dans un monde sécu- présenté dans la précédente pas le préservatif dans ses larisé: c’est la prière et nous session organisée par notre méthodes pratiques de pré- insistons sur elle. Elle sera un Dicastère sur la même ques- vention. instrument tout à fait particu- tion. Nous signalons en parti- Pour ce qui concerne le lier pour combattre cette plaie culier l’action de prévention, traitement des séropositifs, qui nous a submergés en cette et pour celle-ci, un point spé- notre session mettra en relief fin du deuxième millénaire et cifiquement chrétien que le les actions des gouverne- au début du troisième. Vous Pape souligne clairement: il ments des différents pays, ac- pourrez trouver la documen- faut faire ressortir la force que tions que nous devons recon- tation sur ce sujet dans le ma- doit avoir de nos jours la vertu naître et animer. Il faut inten- tériel qui vous a été remis et de chasteté. sifier l’action de tous ceux qui nous espérons que vous pour- Il n’est pas douteux que se préoccupent de ces mala- rez être les porte-voix de cette dans l’ambiance de séculari- dies; il faut développer chez initiative dans vos églises lo- sation de notre monde, cette tous une mentalité de bon sa- cales. solution apparaît comme une maritain, dans la solidarité, Que la Vierge Marie, santé illusion, et dans certains cas, afin que nous puissions voir des malades, vienne en aide à elle peut sembler pieusarde, dans ces malades des frères tous ces innombrables enfants un pur préjudice, par rapport à pauvres et moins protégés, qui meurent continuellement la terrible réalité qui semble qui sont devenus la proie de à cause de ce terrible mal et déborder les limites de la mo- ce terrible mal et au profit qu’elle porte maternellement ralité; cependant, il n’y a pas desquels il faut développer sur son cÏur tous ceux qui le moindre doute que pour la une action préférentielle de la sont affligés par le Sida. pastorale de l’Église catho- part de tous, et en particulier lique, la vertu de chasteté de la part des personnels de la S. Exc. Mgr JAVIER LOZANO constitue actuellement le rap- santé. BARRÁGAN pel le plus urgent dans cette Face au terrible drame que Archevêque-évêque émérite de Zacatecas ambiance: elle doit être déve- vivent en particulier les deux Président du Conseil Pontifical loppée tant dans sa présenta- millions d’enfants de l’Afrique pour la Pastorale de la Santé tion, adaptée et claire, que subsaharienne, orphelins de Saint-Siège Le SIDA dans le monde d’aujourd’hui: la situation actuelle et les défis pour le futur

Excellences, Membres du personnes entre 15 et 24 ans et Les Caraïbes représentent la Conseil pontifical, Mesdames l’épidémie atteint de plus en seconde région la plus contami- et Messieurs, plus de femmes. La majorité née dans le monde, avec des Tout d’abord, je désire re- écrasante (à peu près 95%) pays comme Haïti, qui attei- mercier son Excellence Mgr d’hommes, de femmes et d’en- gnent des niveaux d’infection Lozano pour sa présentation fants séropositifs vivent dans du virus VIH voisins de ceux élogieuse. les pays en voie de développe- des pays de l’Afrique sub-saha- Ë la demande du Programme ment. Dans le monde, neuf per- rienne et des taux d’infection des Nations Unies sur le Sida sonnes sur dix sont contami- élevés en République Domini- (ONUSIDA), je voudrais vous nées par le virus et l’ignorent. caine, Guyane et Barbade. Au remercier de m’avoir offert Plus de 16 millions d’adultes Brésil et au Mexique, le sida a l’opportunité de m’adresser à et d’enfants sont morts à cause été classé, après la violence, cet important Congrès sur le si- de cette maladie dévastante et comme la seconde cause de dé- 8 da, qui, je l’espère contribuera le tribut de morts augmente cès chez les hommes de moins à assurer une collaboration plus chaque année. Cette année, on de 45 ans, dépassant les acci- étroite entre ONUSIDA et tous a enregistré le nombre le plus dents de la route. En Amérique les organismes de l’Église ca- important de morts dues au si- centrale, des niveaux d’infec- tholique. da depuis le commencement de tion extrêmement élevés ont été Je voudrais commencer en l’épidémie – 2,6 millions. À attestés chez des femmes en- insistant sur la diffusion de présent, le sida tue beaucoup ceintes, des homosexuels et des l’épidémie du sida qui affecte plus de personnes dans le mon- immigrés. Tandis que dans la le monde d’aujourd’hui et de que n’importe quelle autre pointe sud, les taux d’infection considérer les perspectives qui maladie infectieuse. augmentent dans les popula- se présentent dans un futur En Asie, la région la plus tions les plus vulnérables, sur- proche. peuplée du monde, cela en- tout chez les toxicomanes et gendre de sérieux problèmes. leurs partenaires. Par exemple, il y a une progres- En 1999, la courbe mondiale Vue d’ensemble de la sion rapide du virus dans cer- la plus forte du VIH a été enre- situation mondiale du sida tains pays comme le Myanmar gistrée dans les nouveaux états et le Cambodge où l’épidémie indépendants de l’ancienne L’expansion du sida a large- est bien établie dans la popula- Union Soviétique où la propor- ment dépassé nos craintes les tion, avec 4,5% de donneurs de tion de séropositifs a doublé plus fortes. Plus de 33 millions sang (hommes) contaminés. entre 1997 et 1999. Dans la d’hommes, de femmes et d’en- Une des inquiétudes majeures plus vaste région comprenant fants sont actuellement séropo- consiste à savoir comment ces pays et le reste de l’Europe sitifs ou malades du sida Ð un l’épidémie va évoluer dans les centrale et orientale, le nombre nombre équivalant à la presque deux plus grands pays du mon- de personnes séropositives a totalité de la population de la de: la Chine et l’Inde. On a déjà augmenté de plus d’un tiers en Pologne. Et la moitié de ceux- calculé qu’en Inde seulement, 1999, pour atteindre un total de ci sont des jeunes de moins de il y a plus de 4 millions de per- 360.000. 25 ans. Plus d’un million d’en- sonnes séropositives, non seu- Dans les pays développés, de fants sont infectés par le virus lement dans les centres urbains grands progrès ont été accom- VIH, la plupart d’entre eux, de mais également dans les ré- plis dès les premières années de manière périnatale, vivent en gions rurales. En Chine, près l’épidémie. Cependant, la pré- Afrique. d’un demi million de personnes vention n’a guère évolué pen- Permettez-moi de dire, dès le sont supposées séropositives, dant une dizaine d’années. Cet- début, que nous ne sommes pas particulièrement chez les toxi- te année, comme au cours des sans ressources devant cette comanes et l’éventualité de la années précédentes, 75.000 épidémie. Je peux indiquer les propagation du virus VIH au- personnes ont été contaminées pays et les communautés de delà de la population des toxi- et l’on peut craindre que des chaque région du monde où le comanes vers d’autres groupes comportements irresponsables taux d’infection a été stabilisé plus vulnérables est à redouter. soient à nouveau en hausse. ou même inversé. D’autre part, la Thaïlande a en- Mais, nulle part ailleurs, l’im- Cependant, partout, l’épidé- registré une diminution éviden- pact du sida n’a été aussi des- mie continue de progresser te des nouvelles infections, due tructeur qu’en Afrique sub-sa- sans relâche. 16.000 personnes en grande partie aux efforts de harienne où, aujourd’hui, il environ sont infectées chaque prévention soutenus qui visent constitue la menace principale jour. La plupart des nouvelles les facteurs affectant à la fois le au développement. contaminations affectent les risque VIH et la vulnérabilité. Au niveau régional, près de 14 millions d’Africains sont adultes sont malades et meu- tions”. Aujourd’hui, dans de déjà morts – plus de deux mil- rent, le nombre d’orphelins nombreux pays africains, le si- lions cette année. En 1999, augmente de plus en plus. Ë la da a déjà anéanti les principaux quatre millions d’Africains en- fin de 2000, plus de 13 mil- bénéfices du développement viron ont été contaminés par le lions d’enfants seront orphelins enregistrés dans les dernières virus, portant ainsi le nombre du sida, la plupart se trouve en décennies. Les économistes de total des victimes en Afrique à Afrique et plus de 10 millions la Banque mondiale estiment plus de 23 millions. Dans trei- ont moins de 15 ans. Autrefois, que les pays avec un taux élevé ze pays africains au moins, la famille traditionnelle et les de sida perdront un pour cent plus d’un dixième de l’en- structures de la société pre- de la croissance annuelle du semble de la population adulte naient soin des orphelins Ð produit intérieur brut. est séropositive et dans certains mais c’était avant le sida! Le sida atteint de nombreux pays comme le Botswana, la Leurs grands- parents sont sou- aspects de la vie sociale et éco- Namibie, l’Afrique du sud et le vent âgés et pauvres et ne peu- nomique. Zimbabwe, un adulte sur cinq vent pas s’en occuper. Ils font – Les systèmes de soins de est contaminé. La longueur partie d’un phénomène nou- santé sont mis à rude épreuve moyenne de la vie dans des veau et grandissant: le ménage puisqu’ils doivent traiter un pays comme le Botswana est dont le chef est un enfant. Il y a nombre de malades du sida tombée en dessous du niveau des enfants qui ont vu mourir toujours plus important et la de 1960 (de 61 ans à la fin des leurs parents; il y a des enfants perte du personnel de santé en années ’80 à 47 ans aujour- sans espoir, qui n’ont personne raison de la mort et de la mala- d’hui, et il faut s’attendre à une pour leur apprendre à se dé- die. Ils doivent également af- nouvelle diminution à 38 ans, brouiller, à devenir des adultes fronter de plus en plus de cas entre 2005 et 2010). Cepen- responsables et des parents à de tuberculose, l’infection la 9 dant, des lueurs d’espoir sont leur tour. plus courante associée au sida. attestées en Ouganda et au Sé- Le sida est une des plus En Côte d’Ivoire, Zambie et négal. Ces deux pays ont dé- grandes crises du développe- Zimbabwe, les séropositifs oc- montré que des efforts de pré- ment de notre temps. Il est évi- cupent 50 à 80% de tous les vention précoces et générali- dent que le sida est beaucoup lits des hôpitaux urbains. En sés, associés à la fourniture des plus qu’une épidémie; c’est une moyenne, le traitement d’un services essentiels, ont tenu catastrophe effroyable affectant malade du sida pendant un an l’infection HIV à des niveaux le développement de nombreux coûte presque aussi cher que extrêmement bas. Ce succès pays. Tandis que la plupart des l’éducation de 10 élèves d’éco- est dû à une politique active et maladies infectieuses éliminent le primaire pendant un an. responsable des dirigeants qui, les plus faibles – les très jeunes – Le secteur de l’éducation dès le début, ont engagé des ou les très âgés – le virus VIH est également durement touché. groupes de la société civile prend pour cible des personnes Une étude de la Banque mon- dans des actions destinées à au début de leur carrière et de diale en Tanzanie a estimé que maîtriser la diffusion de l’épi- leur vie parentale. Ce facteur le sida tuerait près de 15.000 démie. d’âge détruit les bases écono- enseignants en 2010, et 27.000 Mais les millions de per- miques et sociales des familles. en 2020. Le prix de la forma- sonnes séropositives ou ma- En outre, le sida menace des tion des enseignants de rempla- lades du sida et celles qui meu- communautés entières ainsi cement coûtera 40 millions de rent de la maladie sont seule- que l’économie. Comme le $. En Côte d’Ivoire, un institu- ment la pointe de l’iceberg: un Président Nelson Mandela teur meurt du sida chaque jour. nombre toujours plus élevé de avertissait en 1997, au Forum La qualité de l’enseignement personnes sont affectées par économique de Davos: “le sida dispensé souffre également du l’épidémie et doivent affronter tue ceux dont la société a be- manque d’expérience du per- quotidiennement ses consé- soin pour faire pousser les cé- sonnel qui est “forcé” de rem- quences. Un des groupes les réales, travailler dans les mines placer ceux qui tombent ma- plus importants est formé par et les fermes, gérer les écoles et lades ou qui meurent. les orphelins. Puisque les administrer les pays et les na- Ð L’épidémie du sida exploi- te jusqu’à l’extrême limite la capacité de la sécurité sociale. L’impact sur les familles com- mence dès qu’un membre de la famille souffre du sida et des maladies associées. Cela se tra- duit par le manque à gagner du malade, une augmentation im- portante des frais médicaux et les autres membres de la famil- le, généralement les épouses et les filles, quittent l’école ou tra- vaillent pour assumer les soins du malade. Les morts ne sont pas seulement une cause de dé- penses supplémentaires pour les funérailles et le deuil, mais également de perte permanente comporte. Nous faisons l’expé- une solution parfaite, le fait de de revenus en raison d’une di- rience de l’angoisse et de la travailler à la prévention de la minution du travail à la ferme douleur lorsque nous perdons transmission du virus de la mè- ou des ressources qui s’ame- des membres de notre commu- re à l’enfant peut également ai- nuisent. En Côte d’Ivoire, dans nauté ou lorsque nous ne der à édifier l’infrastructure né- les familles urbaines où un sommes pas capables de ré- cessaire pour les soins et le trai- membre est atteint du sida, le pondre aux besoins des malades tement et à renforcer l’accès et revenu moyen diminue de 50 à du sida et des séropositifs. la qualité de l’assistance psy- 60%, les dépenses familiales Un des domaines essentiels chologique volontaire et des consacrées à l’instruction dimi- où l’Église fait une grande dif- services de dépistage, requis nuent de moitié et la consom- férence est représenté par le pour le succès de l’interven- mation de nourriture tombe à soin des séropositifs et des ma- tion. 45%, tandis que les dépenses lades du sida. L’Église catho- La discrimination et le stig- individuelles de santé quadru- lique a joué un rôle exemplaire mate associés au sida demeu- plent. D’autres conséquences en aidant les malades du sida et rent des obstacles majeurs et incluent la dissolution totale ou leurs familles. Une force parti- augmentent la vulnérabilité à la partielle des familles: les en- culière est le soutien spirituel et diffusion du virus VIH. Dans fants sont envoyés ailleurs, ils vont vivre chez des parents; un des conjoints ou un enfant émigre pour chercher du travail et parfois, à la mort de son ma- ri, la veuve et ses enfants sont 10 obligés d’aller vivre chez un frère, renonçant ainsi aux droits de succession et d’héritage. Ð La productivité écono- mique diminue. Le sida touche surtout les personnes qui sont au stade le plus productif de leur vie, souvent ceux qui ap- partiennent à une classe socio- économique élevée et qui ont bénéficié de nombreuses an- nées d’investissement pour leur formation. De même, des tra- affectif que l’Église offre aux un milieu où le stigmate et le vailleurs experts et des direc- personnes qui doivent affronter préjudice sont présents, les per- teurs de secteurs comme les l’immense souffrance entraînée sonnes sont moins susceptibles mines, le pétrole et l’agricultu- par cette maladie, surtout à d’accepter la présence du virus re tombent malades et meurent, ceux qui sont rejetés par leurs dans leur communauté et d’être les effets dévastateurs sur la familles et leurs communautés ouvertes aux initiatives de pré- production peuvent même dé- à cause de l’infection. À l’ave- vention. La croyance de l’Égli- passer les coûts les plus facile- nir, étant donné le nombre se catholique dans la dignité de ment calculables en frais médi- croissant de personnes atteintes toutes les personnes et la pro- caux, jours de maladie et for- par l’épidémie, les services motion d’une société juste sont mation de remplacement. Dans fournis par l’Église, qui consti- importantes dans l’atténuation certains pays, dans le secteur tuent déjà 25% environ des de la honte et de l’aliénation privé, les dépenses liées au sida soins donnés aux malades du éprouvées par les malades du dévorent plus du cinquième des sida dans la plupart des pays, sida, les séropositifs, leurs fa- bénéfices. devront affronter de nouveaux milles et les personnes considé- défis pour tenter de répondre rées à risque d’infection, com- aux demandes toujours plus me les prostitué(e)s et les toxi- Que devons-nous faire nombreuses. comanes qui font usage de la pour répondre La réduction de la transmis- drogue par voie intraveineuse. aux défis lancés? sion du virus VIH de la mère à Dans plusieurs pays, l’Égli- l’enfant constitue une brèche se a été la première à accueillir Beaucoup a déjà été réalisé dans l’épidémie. Des re- les malades du sida et les séro- dans le monde pour relever les cherches récentes ont montré positifs qui étaient refusés par défis lancés par cette épidémie qu’une intervention efficace et leurs communautés – sans au- dévastatrice et l’Église catho- ciblée pour retarder la progres- cune considération de leur his- lique romaine est un partenaire sion du virus peut réduire de toire passée, de leur orienta- important dans les efforts dé- moitié la transmission de l’in- tion sexuelle, de leur mode ployés pour arrêter sa progres- fection de la mère à l’enfant si d’infection. Ce défi fut bien sion. Mais chacun de nous doit l’allaitement maternel est évité. exprimé par Jean Paul II: faire davantage. Nous ne De nombreux gouvernements “Dieu vous aime tous sans dis- sommes pas seulement unis par envisagent à présent la possibi- tinction, sans limite... Il aime notre désir commun de faire lité d’étendre cette intervention toux ceux d’entre vous qui plus, mais aussi par le doulou- aux femmes enceintes séropo- sont malades, ceux qui souf- reux dilemme que cette maladie sitives. Bien que ce ne soit pas frent du sida. Il aime les pa- rents et les amis des malades et Caritas Internationalis à partir gieuses bouddhistes, chré- ceux qui les soignent”. de l’enseignement spirituel, tiennes et hindoues en Asie ont En suscitant un milieu ouvert moral et social de l’Église ca- été effectuées. L’ONUSIDA a au dialogue Ð sans jugement, tholique romaine et ONUSIDA également accordé son soutien sans préjugé – la communauté à partir d’un point de vue plura- au Premier Symposium sur le ecclésiale peut le rendre plus liste en sa qualité d’organe des Sida et la Religion à Dakar, au acceptable à tous. En parlant du Nations Unies. Sénégal. Au cours de cette sida de manière plus ouverte et En mars 1998, en Amérique conférence, les participants de en des termes de plus grande latine, la Conférence épiscopa- différentes sphères religieuses tolérance, l’Église peut réduire le de l’Argentine a tenu un comprenant l’islam, le christia- le besoin terrible de dissimuler symposium régional sur la pré- nisme et le bouddhisme ont la maladie et d’atténuer le stig- vention du sida, auquel partici- partagé leurs expériences pra- mate et l’insulte du refus. À cet paient des représentants de tiques dans les soins et l’assis- égard, nous pouvons travailler l’Église catholique de plu- tance du sida, soutenu et discu- tous ensemble avec d’autres sieurs pays d’Amérique latine, té de la prévention par l’absti- partenaires pour influencer les un ancien officiel du Vatican, nence, la fidélité réciproque politiques nationales des droits le Secrétaire de l’ONUSIDA et dans le mariage et l’usage res- humains, des problèmes de la Banque mondiale. Une ponsable du préservatif. genre, de culture, d’éthique et conférence complémentaire a En conclusion, permettez- de normes. eu lieu en mars 1999, dans le moi de dire que nous sommes Un partenaire essentiel pour but de construire sur le dyna- nombreux et très unis dans ce affronter ce défi est représenté misme du symposium et a sens. Toutes les traditions reli- par le grand engagement des contribué à entretenir un dia- gieuses s’efforcent de trouver personnes malades du sida et logue plus ouvert et permanent la manière d’affronter les pro- 11 séropositives dans tous les as- sur les problèmes du sida dans blèmes du sida et surtout la ma- pects de la prévention, des soins la région. En Argentine, cette nière d’atteindre les jeunes par et de la vie communautaire. Les collaboration s’est traduite par les messages que j’ai mention- séropositifs ou ceux qui sont di- une aide de l’ONUSIDA desti- nés ci-dessus. Parfois, nous rectement atteints par la mala- née à l’insertion de messages avons des approches iden- die apportent leur expérience d’information sur le sida dans tiques, parfois des approches personnelle pour planifier et les publications ecclésiales qui complémentaires. Nous devons donner une réponse à l’épidé- atteignent quelque 150.000 pa- continuer à rechercher la com- mie. Ceux qui sont ouverts sur roissiens chaque semaine, ain- préhension mutuelle et à ren- leur propre statut de séropositif si que des messages radio forcer le dialogue entre l’Église peuvent aider d’autres à appré- concernant le sida, diffusés par et les autorités laïques, nous ne cier le besoin de solidarité entre 35 stations radiophoniques ca- devons pas dissimuler mutuel- ceux qui vivent avec le sida et tholiques. lement les efforts. Notre aptitu- ceux qui, jusqu’à présent, ont L’ONUSIDA collabore acti- de à trouver de nouveaux échappé à l’infection. vement avec d’autres organisa- moyens de travailler ensemble tions pour soutenir leurs efforts constitue notre espoir authen- en vue d’accroître la connais- tique de réduire les consé- Comment l’ONUSIDA sance du sida et de propager les quences tragiques de l’épidé- peut-elle travailler services de prévention, de soins mie du sida. La prochaine gé- avec l’Église? et d’assistance dans leurs diffé- nération des jeunes et la géné- rentes communautés. Quelques ration suivante de nos respon- La collaboration avec l’Égli- exemples de cette collaboration sables dépendent de nous pour se catholique et ses organisa- comprennent l’aide au Conseil trouver le chemin. Nous ne de- tions est en cours aux niveaux mondial des Églises, pour en- vons pas échouer. Merci. mondial, régional et national. courager les capacités de leurs En 1998, un partenariat officiel églises membres à transmettre Dr PETER PIOT a été établi entre le secrétariat les moyens de prévention du si- Directeur de l’UNAIDS ONUSIDA et la Caritas Inter- da, le soin et l’assistance – un Nations Unies nationalis pour travailler en- programme pour ériger une ba- semble en vue de: se nationale et communautaire Ð promouvoir la connaissan- de formateurs sur le sida au ce du sida par un comporte- sein des membres du CME sur ment responsable, le soin et la le sida a été constitué en Inde et dignité de ceux qui sont atteints au Zimbabwe. par l’épidémie, Une alliance interreligieuse Ð traiter le développement en Afrique pour agir comme des problèmes les plus impor- point central d’échange d’in- tants mis en évidence par l’épi- formations, partage des res- démie, tout en conservant l’être sources et capacités d’initia- humain au centre du dévelop- tives a été fondée. Des études pement et d’exemples d’activités sur le si- Ð encourager le travail de dé- da offertes par des communau- fense sur les problèmes du sida. tés religieuses en Afrique et Chaque organisation fera ce- une analyse attentive de l’enga- la à partir de ses orientations – gement des communautés reli- Présentation du travail effectué par le groupe de recherche

1. L’apparition du sida a sence accueillante, guérissan- Dans l’intention de réaliser suscité dans la société une te et salvifique. une réflexion sur le thème, forte réaction d’agression, de L’Église invite à “évangéli- nous avons constitué au sein panique et de crainte. ser la maladie”, à l’intégrer, du Conseil pontifical un grou- 2. Immédiatement après, on en lui donnant un sens, à célé- pe de travail dont l’œuvre est a assisté à l’explosion de ser- brer les sacrements, source de à la base de ce symposium. vices et d’attentions aussi grâce et à témoigner le servi- Le parcours suivi par le grou- bien des professionnels que ce (diaconie) et la commu- pe a commencé par la réunion des institutions, un réveil de nion (koinonia), la force thé- du 15 juin 1997, suivie de témoignages, de solidarité et rapeutique de la charité. celles du de professionnalisme. Nous 5. Le Conseil pontifical Ð 14 juillet 1997 pouvons dire que le sida est pour la Pastorale de la Santé – Ð 2 mars 1998 12 devenu une maladie à la mo- bras droit du Saint-Père dans Ð 24 mars 1998 de. Il est certain que nous le domaine de la pastorale de Ð 21 avril 1998 avons commencé à accorder la santé – ne pouvait rester in- Ð 14 mai 1998 une valeur à la vie, si fragile différent à toute cette problé- Ð 20 mai 1998 et si mortelle, telle que nous matique. Je voudrais rappeler Ð 29 mai 1998 la présente cette maladie. en cette assemblée, deux Ð 16 juin 1998 3. Je voudrais souligner la étapes importantes du travail Ð En juillet 1998, des ques- donnée de la sensibilité de réalisé par notre dicastère sur tionnaires ont été envoyés à l’Église qui, comme toujours, le sujet du sida. toutes les conférences épisco- dans ces circonstances, de- pales et nous avons demandé vient pionnier aussi bien par à neuf d’entre elles d’envoyer sa parole que par le nombre Première étape un représentant pour faire d’institutions et de personnes partie d’un groupe de travail consacrées au service des ma- – La Conférence internatio- plus large. lades contaminés par le sida. nale intitulée “Vivre, pour- Ð 18-19 décembre 1998: 4. Au cours de la réunion quoi? Le Sida”, qui a eu lieu une réunion a eu lieu avec le qui s’est tenue à Genève au en 1989 et était consacrée à groupe d’étude complet, plus mois de mai 1998, sur le thè- ce sujet. Ceux qui suivent les nouveaux membres nom- me du sida, l’importance de notre Revue “Dolentium Ho- més. l’Église a été soulignée pour minum”, trouveront dans le Différentes réunions ont eu ce qui concerne la définition n¡ 13 – aujourd’hui épuisé – lieu en 1999: de son point de vue sur les les actes de ce congrès impor- le 23 avril 1999 problèmes éthiques associés à tant. le 13 juillet 1999 cette maladie. Ð Au cours de cette pre- le 26 octobre 1999 On a dit que l’élaboration et mière étape, nous avons visité dont l’objectif consistait à la diffusion de documents ex- de nombreuses institutions préparer le symposium actuel pliquant à un public hétérogè- aux États-Unis, en Inde, en et à examiner de près – par ne Ð au point de vue confes- Italie ainsi que des hôpitaux l’étude et l’évaluation – les sionnel et culturel Ð la posi- et des centres d’accueil pour réponses au questionnaire. Le tion de l’Église et sa réponse ces malades. résultat de tout ce chemine- dans le milieu social, sanitaire Ð Nous avons également ment est la réunion actuelle. et spirituel, pourrait être utile. participé à d’autres rencontres Au nom du Conseil pontifi- Nous pouvons affirmer que sur ce thème. cal, je remercie tout les le Pape nous a éclairés plu- membres du groupe de travail sieurs fois par son magistère à et du Secrétariat. Tous, cha- ce sujet. Seconde étape cun à son propre niveau, ont Nombreux sont les docu- permis la réalisation de cette ments que les conférences Elle a commencé par la rencontre qui, nous l’espé- épiscopales et plusieurs programmation du travail rons, constituera un tremplin évêques ont écrits aux fidèles dans notre dicastère dont les pour continuer à travailler sur afin qu’ils soient présents – programmes sont indiqués ce sujet. comme le Christ l’était – par- dans le livre intitulé “Plan de S.E. Mgr JOSÉ L. REDRADO mi les faibles, les malades et travail”. Le sida apparaît sous Secrétaire du Conseil pontifical les nécessiteux et qu’ils soient le titre “maladies émer- pour la Pastorale de la Santé, “protagonistes” par une pré- gentes”. Saint-Siège Résultats de l’enquête sur “ Réalités, problèmes et propositions des églises locales sur les services sociaux/sanitaires et sur l’action pastorale à l’égard des personnes séropositives et malades du sida dans le monde ”

Le cadre logique du projet pulation (surtout jeune) et de lé en 7 parties: tissu social, la formation des opérateurs du perspective éthique/morale, ac- Aujourd’hui, le sida-VIH secteur; tion pastorale, services so- est devenu une épidémie mon- B) identifier les probléma- ciaux/sanitaires, projets et ex- diale, liée non plus au stéréo- tiques urgentes dans la réalisa- périences, problématiques nou- type des comportements ho- tion de ces interventions; velles et enfin, propositions et mosexuels (comme on l’a cru C) enregistrer les proposi- suggestions. Le 31 août 1999 longtemps depuis son appari- tions et les suggestions des représentait la date limite fixée tion en 1981), mais également églises locales consultées, en pour renvoyer les question- à une diffusion principalement vue de l’application de nou- naires. hétérosexuelle. De nombreux velles stratégies dans l’ap- Ë cette date, 56 question- 13 instituts internationaux de re- proche de cette problématique. naires, dûment remplis, ont été cherches, organisations inter- Le relevé a été effectué grâce renvoyés à ce dicastère par les nationales, de concert avec les à la participation de 112 Confé- conférences épiscopales des ministères de la santé de plu- rences épiscopales, contactées cinq continents; des rapports sieurs pays sont engagés dans par l’intermédiaire des Noncia- synthétiques relatifs aux sujets la tentative difficile de sur- tures apostoliques, afin d’at- des questionnaires ont été en- veiller le problème, soit dans teindre les évêques respon- voyés par 13 conférences épis- le but d’une estimation plus sables de la pastorale de la san- copales, avec des informations exacte et d’une maîtrise de sa té. Il s’agit de personnes qui ont sur la spécificité des situations diffusion, soit en vue d’étudier une connaissance approfondie politiques et socio-culturelles. des stratégies opportunes d’in- mais également très vaste de Six conférences épiscopales tervention à des fins non seu- l’objet de la recherche. ont déclaré ne pas pouvoir ré- lement préventives mais éga- Afin d’assurer un degré de pondre en raison du caractère lement d’assistance. qualité à la crédibilité des ré- marginal du problème dans Dans ce contexte, l’Église ponses, on a suggéré de se ser- leur réalité sociale. 37 confé- s’est interrogée sur la portée vir de petits groupes d’experts, rences n’ont pas répondu. En de son action, tant sous l’as- intégrés dans les différents observant la distribution géo- pect de l’assistance plus spéci- secteurs de recherches, dans graphique des pays qui ont ré- fique que sous l’aspect pré- lesquels l’instrument de relevé pondu au questionnaire, on ventif, éducatif et d’accompa- était articulé. La contribution constate, sauf pour le Moyen- gnement pastoral; sur la de nos personnes interrogées Orient et l’Afrique du nord, la connaissance des difficultés ne doit pas être sous-estimée, présence d’un nombre de pays principales qui affligent les en ce sens qu’elles sont légiti- assez représentatifs des aires églises locales dans ce milieu mées par un rôle et une telle déterminées. très délicat de la pastorale des représentation, au sein des Il est important de souligner malades; sur les perspectives églises locales ou des orga- que les résultats de cette en- futures d’action et d’interven- nismes internationaux, aptes à quête demeurent des résultats tion. les mettre au courant d’infor- que l’on ne peut étendre à tous mations crédibles, qualifiées à les pays, car il ne s’agissait Définition des objectifs des fins de recherche. pas d’une enquête sur échan- cognitifs Dans le cadre du relevé, un tillon de probabilités, mais sur questionnaire structuré a été échantillon raisonné, cepen- L’enquête, à caractère des- préparé, avec des sujets à ré- dant ils sont valables et utiles criptif et d’exploration, se pro- ponse standardisée ou à ré- pour les églises concernées et posait de: ponses multiples et sujets à ré- pour la relance d’une action A) connaître l’état actuel ponse libre, qui, dès juillet future et la préparation de di- Ð des programmes pour dernier a été envoyé, par l’in- rectives plus générales. l’assistance sociale et sanitaire termédiaire des Nonciatures des personnes séropositives et apostoliques, aux 112 confé- des malades du sida; rences épiscopales, pour être Le tissu social – de l’action pastorale, soumis aux évêques respon- avec référence particulière à sables de la pastorale de la Dans cette première section l’action de prévention, d’édu- santé. du questionnaire, on a essayé cation, d’information de la po- Le questionnaire était articu- de déterminer: – les problèmes sociaux prioritaire, étant donné “la Ces données trouvent des plus urgents, perçus par les tendance généralisée de l’aug- équivalents dans les réponses églises locales (analphabétis- mentation de la population au second point du question- me, pauvreté, chômage, im- scolarisée”. naire qui tendait à identifier migration, affaiblissement des En outre, on a demandé de les milieux dans lesquels se liens familiaux, etc.); situer ces problématiques manifestent les plus grandes Ð les carences les plus ma- dans un ordre décroissant carences. Du tableau, on dé- nifestes (dans le milieu poli- d’importance. La pauvreté duit que les carences les plus tique, économique et constitue la catégorie modale importantes concernent les in- culturel); aussi bien de la première que terventions sociales dans Ð les types de malaise les de la seconde position: elle ar- 85,7% des cas et l’économie – plus répandus dans la popula- rive à la première place avec 74,9%, suivies des carences tion, associés à des comporte- 33,9% et en seconde avec dans les interventions éduca- ments à risque d’infection du 28,6% pour un total de 62,5%. tives et culturelles: 73,2%. sida ou du virus VIH (prosti- La perception de la pauvreté Dans ce cas également, on a tution, toxicomanie, alcoolis- comme problème prédomi- demandé aux évêques d’éta- me, délinquance des mineurs, nant semble diffuse dans la blir un ordre décroissant d’im- etc.); majorité des églises interro- portance entre ces carences. Ð les institutions ou les or- gées, traversant transversale- Le pourcentage le plus élevé ganismes qui s’occupent sur- ment des pays appartenant à relevé sur la position de tout des problèmes sociaux ou des aires géographiques et de l’ordre se réfère précisément médicaux et sanitaires du pays développement très diffé- aux carences dans les inter- (public, privé, organismes ec- rentes. ventions sociales (32,1%), 14 clésiaux, ONG catholiques et Le chômage et l’affaiblisse- donnée qui corrobore ce qui a non); ment des liens familiaux ont été indiqué dans le question- Ð enfin, la direction dans la- été situés à la 3ème place avec naire précédent, dans lequel quelle la situation sociale et 26,8% et à la 4ème avec 16,1%. on observait une grave caren- médico-sanitaire évolue (amé- Il est évident que la percep- ce dans les politiques sociales. lioration, aggravation ou im- tion de ces deux problèmes est Pour ce qui regarde la 2ème passe). très forte, mais elle se place, elle est occupée par les concentre surtout sur le chô- carences économiques qui, mage, car les difficultés les même si elles sont indiquées Quelques statistiques plus concrètes y sont asso- sur ce graphique dans une pro- descriptives ciées, parce qu’elles sont liées portion moindre, sont ressen- au quotidien et donc plus vi- ties pourtant en termes de pro- On a demandé aux interro- sibles. Cependant, l’affaiblis- blématiques beaucoup plus gés d’indiquer les probléma- sement des liens familiaux re- graves. Cette donnée confirme tiques du contexte social res- présente une sonnette d’alar- également ce qui a été observé senties comme les plus ur- me sérieuse pour les retom- précédemment, par rapport gentes dans le pays d’apparte- bées éventuelles sur le contex- aux problèmes de la pauvreté nance. Parmi les catégories in- te social. Tableau 1 et du chômage. Tableau 2 diquées, la pauvreté et les po- litiques sociales inadaptées re- Tableau 1. Problématiques sociales présentent le pourcentage le plus élevé par rapport à toutes les autres problématiques, discrimination femme chacune étant indiquée dans luttes internes 82% des cas. Cette association présence de réfugiés de la pauvreté et de l’inadap- instabilité politique inaptitude politiques sociales tation des politiques sociales affaiblissement des liens familiaux fait réfléchir sur la situation de immigration tous ces pays en voie de déve- urbanisation loppement, où la pauvreté est Typologie problématiques chômage un phénomène qui n’est pas pauvreté encore affronté comme pro- analphabétisme blème de toute la société. Fréquence % Viennent ensuite le chôma- Problématiques Taux ge avec 80,4%, le relâchement analphabétisme 53,6% des liens familiaux avec pauvreté 82,1% 76,8%, le processus d’urbani- chômage 80,4% sation avec 63,4% auquel est urbanisation 64,3% associé un dépeuplement pro- immigration 53,6% gressif des régions rurales, en affaiblissement des liens familiaux 76,8% particulier dans les pays de inaptitude politiques sociales 82,1% l’Afrique sub-saharienne. Il instabilité politique 46,4% faut noter que l’analphabétis- présence de réfugiés 42,9% me, indiqué dans 53,6% des luttes internes 35,7% cas, n’est pas ressenti comme discrimination femme 60,7% tution avec 26,8% et 19,6%. Milieux dans lesquels se manifestent surtout des carences % ème – dans les structures politiques 58,9 Ensuite, en 3 place, on trou- – dans les interventions éducatives et culturelles 73,2 ve la délinquance et l’exploita- – dans les interventions sociales 85,7 tion des mineurs, qui incident – dans l’économie 74,9 fortement sur les modèles de Tableau 2. Milieux dans lesquels se manifestent surtout des carences comportement des plus jeunes. Ensuite, en se référant aux dans l’économie interventions, à caractère so- dans les interventions cial, mises en Ïuvre pour af- sociales dans les interventions fronter le malaise social dont éducatives et culturelles souffrent les personnes séro- dans les structures politiques positives ou sidatiques, on a

ámbitos de carencias demandé d’évaluer la contri- Pourcentage % bution de certaines réalités publiques, privées, de l’Église ou d’organisations internatio- Dans le questionnaire sui- La toxicomanie représente nales. Comme on peut l’ob- vant, on demandait d’indiquer la catégorie modale par rap- server sur le tableau, 45% des les typologies de malaise as- port à la 2ème position avec contributions moyennes pour sociées à des comportements 28,6% et la prostitution l’est des interventions sociales à risque pour la contraction par rapport à la 3ème place avec sont soutenues par le secteur du sida ou du VIH. Comme 21,4%, respectant l’ordre des public/État, suivi des ONG on pouvait s’y attendre, la préférences générales que non catholiques avec 17%. toxicomanie et la prostitution nous observons sur le tableau. Cependant, si l’on considère 15 ont accusé les pourcentages Ces données sont confir- l’ensemble des contributions les plus élevés, respective- mées par la question suivante moyennes offertes par les or- ment 89,3% et 85,7% suivies concernant l’identification des ganismes ecclésiaux, 12%, et immédiatement par la délin- groupes contenant le nombre le par les ONG catholiques quance des mineurs avec plus important de malades du 13%, on obtient un total de 83,9% et l’alcoolisme, 82,1%. sida/VIH. En effet, les valeurs 25% indiquant l’Église com- Bien qu’elles n’accusent pas modales répondant à la 1ère et à me le premier partenaire de de valeurs aussi élevées, la la seconde place correspondent l’État dans le secteur social. marginalisation et l’exploita- à la toxicomanie et à la prosti- Tableau 4. tion des mineurs constituent des malaises profondément % enracinés dans de nombreux Services publics/état 44,5 pays. Services sociaux privés 13,2 On a demandé ensuite de Serv. Soc. Org. Ecclésiales 12,3 situer ces malaises dans un Serv. Soc. ONG catholiques 12,7 ordre d’importance décrois- Serv. Soc. ONG non catholiques 17,3 sant. Une donnée très intéres- Tableau 4. Pourcentage des contributions moyennes sante est apparue, sur laquelle par rapport à l’ensemble des interventions sociales les indications des églises in- terrogées se sont concentrées. En effet, le pourcentage le Services publics/état plus élevé se réfère à l’alcoo- Services sociaux privés lisme avec 23,2% de préfé- rence, indiquant combien ce Serv. Soc. Org. Ecclésiales facteur influence le comporte- Serv. Soc. ONG catholiques

ment sexuel, des jeunes sur- Serv. Soc. ONG tout, les exposant plus facile- non catholiques ment au risque de contagion. Tableau 3.

Types de malaises associés à des Tableau 3. Types de malaises associés à des comportements comportements à risque pour la contraction du sida à risque pour la contraction du si- da prostitution toxicomanie % alcoolisme prostitution 85,7 délinquance des mineurs marginalisation toxicomanie 89,3 exploitation des mineurs alcoolisme 82,1 délinquance des mineurs 83,9 marginalisation 67,9 exploitation des mineurs 64,6 Si nous considérons les in- amélioration sensible est indi- blématiques et comme ils des- terventions sanitaires, avec le quée également dans l’Afrique sinent un cadre du tissu social même critère, on observe que sub-saharienne. bien connu de tous, ils offrent dans ce domaine spécifique, Le cadre est extrêmement la réponse empirique pour af- l’engagement de l’État est plus différent au niveau de la situa- firmer que les églises locales intense et atteint jusqu’à 60% tion médicale/sanitaire dont la ont une perception des problé- des contributions moyennes et distribution est très concentrée matiques et des malaises dif- nous trouvons à nouveau l’É- sur la modalité qui manifeste fus dans un contexte social glise comme premier bienfai- la perception d’une améliora- très proche de la réalité. En teur, avec 19%, représentant tion (66,1%) qui apparaît, à d’autres termes, l’Église est 1/3 des contributions de l’État son tour, très sensible dans les insérée dans le tissu connectif et le double des interventions pays de l’Europe orientale et de la société malgré toutes les des ONG non catholiques occidentale, de l’Asie centrale difficultés objectives qu’elle (10%) et des privés (11%). Ta- et du Pacifique, tandis qu’elle rencontre dans certains cas bleau 5. semble s’aggraver dans les (comme le dénoncent l’Église du Lesotho et celle de Cuba % par exemple). L’œuvre de l’É- services santé publics/état 59,9 glise n’est donc pas fondée sur services santé privés 11,3 des suppositions théoriques, serv. santé organis. ecclésiales 10,4 mais se cache dans le tissu vi- serv. santé ONG catholiques 8,7 vant de la société et en y déce- serv. santé ONG non catholiques 9,7 lant les difficultés, agit en conséquence. 16 Tableau 5. Contributions moyennes par rapport à l’ensemble des interventions sanitaires La perspective éthique et morale services santé publics/état

services santé privés Dans cette partie du ques-

serv. santé organis. ecclésiales tionnaire, on a observé le pro- blème de la discrimination ra- serv. santé ONG catholiques ciale dont les personnes séro- serv. santé ONG non catholiques positives ou atteintes du sida sont souvent victimes, en par- ticulier dans le milieu familial, scolaire et sanitaire. Sur le Quant à la situation sociale pays de l’Afrique sub-saha- graphique, on peut observer en général, la perception du rienne et de l’Amérique du que les milieux où ces formes problème par les interrogés se centre et du nord. de discrimination apparaissent répartit de manière assez équi- Les inégalités dans le do- le plus souvent sont d’abord la librée entre les choix dispo- maine de la santé sont dues famille et le milieu du travail, nibles: 37,5% répondent surtout aux politiques sociales tous deux avec 91,1%, suivis qu’elle est en amélioration et sanitaires inadaptées, que du milieu scolaire, avec 71,4% progressive, 28,6% affirment l’on constate aussi bien dans qui en souligne la probléma- qu’elle se dégrade et 32,1% ne les pays pauvres que dans les tique. Quant aux églises, on a remarquent aucun change- pays riches et développés. demandé d’établir un ordre ment. L’amélioration de la si- Il est important de souligner décroissant d’importance de tuation sociale est plus accen- que ces résultats représentent ces milieux et la catégorie mo- tuée dans les pays de l’Europe la perception des évêques ou dale se rapportant à la position orientale, du Moyen-Orient et des groupes de leurs collabo- correspond au milieu du tra- de l’Afrique du nord et une rateurs par rapport à ces pro- vail (41%), à la 2ème place vient le milieu scolaire (25%) et à la 3ème place, la famille (32,1%). Il convient de souligner qu’il s’agit précisément des contextes sociaux dans les- quels on trouve les processus de socialisation les plus im- portants: la famille, l’école et le travail. La raison qui est invoquée le plus souvent est la crainte de la contagion (85,7%) asso- ciée, surtout dans les pays asiatiques et de l’Afrique sub- saharienne, à un manque d’in- formations sur les modes de transmission de la maladie et à des problèmes à caractère plus servé pour la pauvreté. Toute- Dans toutes les grandes aires spécifiquement culturel. Une fois, il est opportun de se de- géographiques et en particulier donnée qui incite à la ré- mander à quel niveau des rela- en Asie (16%), en Amérique flexion nous est offerte par le tions familiales ce phénomène méridionale (21,4%) et en fait que, dans 21,4% des cas, se manifeste surtout. Afrique sub-saharienne cette crainte est attestée égale- Au sein de la cellule fami- (17,9%), des initiatives d’infor- ment dans les pays de l’Euro- liale restreinte, les liens pa- mation et de formation orien- pe occidentale en relation avec rents/enfants et entre les tées principalement vers l’édu- une correspondance presque conjoints semblent résister de- cation sanitaire à des fins pré- mathématique à un niveau vant la manifestation de la ma- ventives (67,9%) ont été réali- aussi élevé du préjudice ladie, tandis que dans 64,3% sées, afin de faire face au pro- (21,4%) à l’égard des per- des cas, c’est la famille élar- blème du sida, auxquelles s’as- sonnes malades. Tableau 6. gie, ou les parents du 2e et 3e socient l’engagement éducatif concernant l’affectivité du % couple (21,4%) et le dépasse- Discrimination dans le milieu familial 91,1 ment de la discrimination. Discrimination dans le milieu scolaire 71,4 Les promoteurs de ces initia- Discrimination dans le milieu du travail 91,1 tives sont, dans 60,7% des cas, Discrimination dans les services socio-sanitaires 62,5 des organismes gouvernemen- Discrimination dans le milieu hospitalier 64,3 taux suivis des associations de Discrimination dans les institutions coactives 67,9 bénévolat très actives (44,6%). Tableau 6: milieux dans lesquels on observe des formes de discrimination b) À l’école 17 discrimination dans le milieu familial Pour ce qui concerne le pro- discrimination dans blème de la discrimination le milieu scolaire dans le milieu scolaire, l’autre discrimination dans le milieu du travail contexte important de sociali- discrimination dans sation, on met en évidence, par les services socio-sanitaires rapport au milieu familial, une discrimination dans le milieu hospitalier oscillation plus grande entre les discrimination dans différentes aires géographiques les institutions coactives parce qu’elles sont influencées de manière diverse par les sys- tèmes de politique sociale a) En famille degré qui manifestent des adoptés. On indique que dans signes de marginalisation et de l’aire asiatique, dans le contex- La discrimination familiale discrimination envers le pa- te scolaire, ce phénomène est ne semble pas appartenir à tel- rent séropositif. moins répandu par rapport aux le ou telle culture, mais au Les raisons de ces formes de autres pays et il est bien connu contraire, elle se manifeste discrimination se trouvent que dans des pays comme l’In- comme un phénomène qui tra- d’abord dans la responsabilité de par exemple, l’Église est en- verse transversalement tous de la faute (71,4%) et dans la gagée intensément dans le les pays, de toute culture, crainte de la contagion contexte scolaire où elle encou- comme nous l’avons déjà ob- (69,6%). Tableau 7. rage une information correcte,

% Discrimination entre parents et enfants 33,9 entre familiers 64,3 entre conjoints 35,7 Tableau 7: sujets entre lesquels se manifestent des formes de discrimination dans le milieu familial

Discrimination entre parents et enfants

entre familiers

entre conjoints non seulement des étudiants b.1 Initiatives des écoles mais où les fonds ne sont pas mais aussi du corps enseignant, catholiques disponibles. sur la maladie et les manières L’école catholique, surtout Les initiatives signalées le de transmission. dans certains pays comme le plus souvent sont: Dans le milieu scolaire, les Mexique, l’Inde, la Colombie, Ð des organisations de ren- sujets qui manifestent le plus le Liban semble très engagée contres avec des parents, des souvent non seulement des atti- sur ce front, bien qu’elle ren- étudiants et des mouvements tudes discriminatoires envers contre des difficultés subjec- catholiques, des spécialistes de les séropositifs et les malades tives dues essentiellement au l’extérieur, à des fins d’éduca- du sida (69,6% des cas), et qui manque de ressources finan- tion et d’information; ont été classés dans la position cières plutôt qu’humaines. Les – l’écoute de témoignages de par ordre décroissant de capaci- activités des écoles catholiques personnes malades du sida; té discriminante, sont précisé- dans ces pays sont orientées – les conversations éduca- ment les parents des enfants principalement vers l’informa- tives avec débat, théâtre, vidéo, (39,3% de la catégorie moda- tion et la sensibilisation des forum, témoignages de ma- le), surtout dans les pays occi- étudiants à une connaissance lades et de volontaires; dentaux. Tableau 8. plus approfondie et attentive de – publication de matériel de sensibilisation: brochures, dé- Sujets % pliants, paquets multimedia Personnel enseignant 58,9 pour les écoles, brochures sur Compagnons d’école 62,5 la prévention, etc.; Parents d’élèves 69,6 – l’éducation à la promotion, Tableau 8: sujets entre lesquels se manifestent des formes à la découverte et à la mise en de discrimination dans le milieu scolaire valeur des capacités et des atti- tudes individuelles; personnel – l’organisation d’équipes enseignant d’enseignants pour l’éducation à la prévention du sida et la for- compagnons mation chez les jeunes de clubs d’école contre le sida et de groupes de soutien; parents d’élèves – l’éducation à l’affectivité du couple, à la procréation res- ponsable, à la promotion d’un changement des comporte- En revanche, le personnel la maladie ainsi qu’à ses modes ments sexuels à risques, éduca- enseignant représente la partie de transmission, accompagnées tion à la vie et à l’amour (Pro- la plus ouverte à la compréhen- d’une intense action éducative gramme EVA du Cameroun); sion et à l’accueil des élèves et formative au respect de la – l’éducation sanitaire, ren- séropositifs. Cependant, les ac- vie, à la fidélité et à l’amour contres avec des responsables tivités d’information/formation conjugal, à l’affectivité du du milieu sanitaire, avec des re- dans les écoles publiques sur le couple, au fait d’être parents présentants du monde médical, thème du sida, sont, dans responsables, par un style de scientifique et politique. 51,8% des cas, occasionnelles vie qui s’inspire aux valeurs et en moyenne plus répandues morales et chrétiennes. c) Dans les structures dans les pays occidentaux et L’éducation chrétienne con- sanitaires ceux d’Amérique latine. Ces stitue une bonne partie de l’ac- initiatives sont orientées sur- tivité préventive dans les écoles Dans les structures sanitaires tout vers la diffusion d’une catholiques, confiée à des en- également, et en particulier éducation sanitaire à caractère seignants bien préparés et for- dans le milieu hospitalier, on préventif (42,9%) et la forma- més comme ils se doit pour trouve des formes de discrimi- tion des enseignants aux transmettre ces connaissances formes de prévention (33,9%). importantes aux jeunes étu- Cette donnée pourrait expli- diants. quer l’attitude particulièrement Actuellement, les pays où compréhensive des ensei- l’Église catholique souffre gnants dans les écoles, où la d’exclusions injustes de la vie formation semble accorder une sociale ne manquent pas: à Cu- attention particulière dans ce ba par exemple, il n’y a pas sens. Les sujets promoteurs de d’écoles catholiques ou, com- ces initiatives dans les écoles me c’est le cas du Lesotho, les publiques sont nombreux al- cellules sida de l’Église catho- lant des organismes gouverne- lique ne sont pas acceptées mentaux aux associations de dans 75% des écoles, où les en- bénévolat, en passant par les seignants et les parents des en- enseignants eux-mêmes et les fants auraient besoin d’infor- organes ecclésiaux là où ils mations et de formation appro- sont autorisés. priées sur la problématique, nation à l’égard des malades du dominante, comme l’Amérique sida et des séropositifs, moins latine et l’Europe orientale, souvent toutefois que dans les l’application rigide de ce prin- milieux qui viennent d’être cipe peut être défaillante en mentionnés, dans une moyenne présence de facteurs contin- de 64,3%. gents. On laisse donc une cer- On note en particulier que taine liberté à l’évaluation de la dans les pays occidentaux, où personne qui affronte de temps la qualité professionnelle du en temps le cas. travail est accompagnée d’une C’est précisément en réfé- culture croissante de la sécurité rence à ces situations, qui po- au travail, le problème est plus sent de graves problèmes sensible que dans les pays en éthiques et moraux, que des voie de développement où initiatives destinées à protéger manquent également les condi- le conjoint/partenaire ignorant tions minimales de sécurité au le drame, ont été préparées. travail. Donc, voici que dans Parmi celles-ci, la plus répan- des régions comme l’Asie, où due semble être, dans 76,8% concernant une sensibilité et un jusqu’à présent on trouvait en des cas, l’assistance pour la ré- respect pour la vie plus mar- général des niveaux assez bas vélation de la séropositivité au qués. de la présence du problème, on conjoint/partenaire ignorant, enregistre dans ce milieu une soutenue par l’assistance psy- Les services d’inspiration hausse sensible et significative. chologique. Dans les structures catholique La récurrence du refus des publiques, dans 51,8% des cas, – Dans ce domaine, l’Église 19 personnels de santé, dans les on suggère en priorité l’usage catholique semble encore peu structures hospitalières et dans du préservatif dans un but de présente, cependant là où elle les services sociaux/sanitaires, prévention. opère, on accorde la priorité au devant un malade du sida s’ob- À la question délicate con- bien-être de l’enfant (46,4%), serve seulement “quelques cernant la connaissance d’ex- ensuite à celui de la mère fois” (en moyenne dans 41,1% périmentations, non contrôlées, (42,9%), dans le but de porter des cas) et cette donnée est éga- de nouveaux médicaments, la grossesse à son terme. lement corroborée par le fait 76,8% des églises locales inter- que dans 50% des cas, dans les rogées ont répondu négative- structures sanitaires, se dérou- ment et 23,2% de manière posi- Action pastorale lent régulièrement des activités tive. Ces 23,2% concernent de formation et d’information surtout l’utilisation d’enfants Quelques statistiques pour le personnel, en vue de la (14,7%) et de malades termi- prévention. Dans 80,4% des naux (8,8%) dans ce but. Sui- La pastorale sanitaire des cas, on sait que des personnels vent, dans l’ordre, les femmes, églises locales interrogées a de santé sont séropositifs et les détenus et les malades men- commencé à s’occuper du pro- dans la majorité des cas, les taux. blème du sida, dans 42,9% des structures sanitaires, tout en Pour l’assistance des femmes cas, depuis plusieurs années, considérant ce fait comme un enceintes séropositives, le ser- même si ce n’est pas toujours problème, l’affrontent afin de vice public aussi bien que le de manière systématique et pla- le résoudre avec l’intéressé en service d’inspiration catho- nifiée. Le tableau 9 illustre la le maintenant à son poste de lique sont engagés. distribution, selon les grandes travail (64,3%). Toutefois, ces aires géographiques, du mo- sujets font l’objet d’un ostracis- Les services publics ment où l’Église a commencé à me sous-jacent de l’entourage s’occuper de la pastorale d’ac- du service ou de l’équipe, mal- – d’information et de soutien compagnement des malades du gré les efforts de la structure psychologique en faveur de ces sida/VIH. Naturellement, les administrative. femmes semblent être insuffi- églises qui, les premières, ont L’obligation de discrétion est sants et se concentrent de ma- adopté cette pastorale se trou- toujours observée dans 37,5% nière prioritaire sur le bien-être vent dans les pays qui ont vu des cas et souvent dans 30,4%, de la mère (55,4%), ensuite sur apparaître le virus en premier c’est pourquoi on peut déduire celui de l’enfant (35,7%). Ce- lieu: les États-Unis et l’Europe que le respect d’un droit impor- pendant, le service public occidentale. Au fur et à mesure tant de la personne est plutôt semble être tourné davantage que nous arrivons à une époque répandu. Pour ce qui regarde vers l’accompagnement de la plus récente, nous trouvons l’observance effective de ce femme au terme de sa grosses- d’abord l’Afrique, où la diffu- droit, il n’est donc pas surpre- se (26,8%), plutôt qu’à son in- sion du virus a acquis un ryth- nant que, aux États-Unis préci- terruption (19,6%). Cette don- me tellement soutenu que l’É- sément, où domine une culture née est confirmée par les décla- glise a dû prendre conscience individualiste, ce devoir est le rations de nombreuses églises du problème immédiatement plus rigoureusement observé, locales qui, au cours des der- en réalisant une série d’inter- sauf quelques exceptions, tan- nières années, ont enregistré ventions, à caractère éducatif et dis que dans d’autres pays, une légère inversion de tendan- culturel surtout, afin d’incul- avec une culture religieuse pré- ce des gouvernants nationaux quer le concept du sida comme une maladie et non comme une pagnement pastoral, même si ternité et à la paternité respon- condamnation; ensuite, nous la prise en charge et l’accompa- sables; trouvons certains pays du gnement spirituel des malades – séminaires pour les person- Moyen-Orient et d’Afrique du et de leur famille assument un nels de la santé; nord où l’on tarde encore à accent particulier. La prise en – développement de la prendre pleinement conscience charge se réfère, outre les ma- conscience de soi. du problème et où l’Église ren- lades, aux orphelins de plus en contre également de nombreux plus nombreux et qui, selon les C) Soins et assistance problèmes de coexistence avec estimations actuelles, sont en sanitaires les gouvernements islamiques: augmentation constante: un – Engagement d’aumôniers tableau 9. problème dont nous entendrons et de bénévoles, de personnel médical catholique; Grandes aires – service d’assistance avant Tableau 9: début de la pastorale pour le sida géographiques et après le test et aide aux soins 100 Océanie à domicile; 90 Europe Orientale – dépistage et diagnostic de 80 Europe Occidentale séropositivité; 70 Amérique Lat. et Caraïbes – participation à des projets 60 avec d’autres organismes de la 50 Amerique Centr. et Sept. coopération; Freq.% 40 Asie de l’est et Pacif. – soutien à des projets natio- 30 Asie du Sud naux de lutte contre le sida- 20 M-Orient et Afrique du N. VIH, M.S.T., TUB; 20 10 – soutien à des associations 0 Afrique centr. et subsah. depuis depuis depuis n’existe ne répond caritatives (Caritas); plusieurs quelques peu pas pas Ð promotion et soutien de années années encore groupes d’aide mutuelle; – création de maisons d’ac- 80% environ des églises in- encore parler pendant long- cueil pour les malades du sida; terrogées n’ont pas indiqué un temps et pour lequel il faut éla- – centres de réadaptation; organisme officiel de la propre borer des programmes d’action – projets d’assistance aux église locale qui assume la res- opportuns. malades du sida et à leurs fami- ponsabilité du travail pastoral liers au point de vue sanitaire, sur le thème du sida. 50% des A. Formation humain, psychologique et spiri- options se sont concentrées sur Ð Formation des personnels tuel (Projet Buen Samaritano Ð la voix “commission santé” à de santé (médecins, paramédi- Mexique). laquelle on associe la pastorale caux, etc.) et bénévoles; plus spécifique en matière de Ð Information/formation des D. Prise en charge et sida. religieux/ses et des agents pas- accompagnement pastoral 66% des églises locales in- toraux (religieux et laïcs); Ð Prise en charge psycho-so- terrogées ont déclaré avoir dé- – Formation des éducateurs ciale et sanitaire des malades fini un programme d’action pour la planification familiale du sida; pour affronter le sida. Dans cer- naturelle, animateurs; Ð prise en charge des orphe- tains pays (la Côte d’Ivoire par Ð Formation des jeunes pour lins, des veuves et des veufs; exemple), l’église locale fait la création de groupes d’éduca- Ð accompagnement des ma- fonction de coordinatrice natio- teurs. lades du sida dans des institu- nale de tous les services et de tions de détention coactive; toutes les actions entrepris dans B. Prévention – soutien d’activités orien- le cadre du sida/VIH, agissant – Éducation à la prévention et tées vers la réinsertion sociale comme courroie de transmis- sensibilisation des populations; des séropositifs; sion entre les diocèses, les pa- – éducation sanitaire préven- Ð maisons pour les enfants et roisses, les structures sociales tive; et sanitaires, les mouvements et – éducation des jeunes et des les réalités associatives du ter- adultes à l’amour responsable ritoire. Cet engagement semble et au respect du corps; se concentrer naturellement Ð documents officiels, bro- dans les régions où l’épidémie chures sur la sexualité et la fa- tend à se répandre plus rapide- mille, dépliants d’information ment (Afrique sub-saharienne pour les écoles; 17,9%, Asie 16%). Les points Ð information pour les reli- essentiels de l’action des gieuses et les religieux; églises locales peuvent se résu- – réunions nationales et in- mer de la manière suivante: ternationales avec la participa- a. formation tion de représentants des insti- b. prévention tutions de l’État, des ONG et c. soins et assistance sani- de la population; taires – éducation à la vie familiale, d. prise en charge et accom- à la fidélité conjugale, à la ma- leurs mères séropositives (Ar- sonnes ayant l’expérience de gentine); cette approche, de sessions Ð maisons pour hommes et illustratives et explicatives du femmes séropositifs abandon- sida-VIH et des M.S.T. (mala- nés; dies sexuellement transmis- Ð maisons communautaires. sibles), de conférences, d’expé- Dans le but de réaliser ces riences directes de pastorale so- actions programmées, des ciale. contributions économiques ont Ensuite, on essaie de déve- été sollicitées dans 48,2% des lopper la capacité de l’aide, cas, à différents organismes d’encourager le contact avec parmi lesquels: les malades et de stimuler les Ð MISEREOR relations entre les séminaristes Ð C.R.S. (Catholic Relief et les personnels de santé du Service) secteur. Ð MEMISA Ð CARITAS INTERNATIO- NALIS sur l’assistance aux malades et Les services – ÉGLISES EXTÉ- sur la prévention. On signale et les interventions RIEURES certaines activités importantes, sociales et sanitaires Ð O.M.S. encouragées et soutenues par Ð BANQUE MONDIALE les églises locales, qui donnent Il faut d’abord préciser que, Ð UNICEF de bons résultats comme le sur le nombre d’hôpitaux ca- Ð UNESCO Dispensaire “Providencia Out- tholiques dotés de départe- 21 Ð UNDP (Programme de Dé- patient Clinic de Rio de Janei- ments spécialisés pour le sida veloppement des Nations ro”, le programme EVA au Ca- et le nombre de centres catho- Unies) meroun, le programme pastoral liques non hospitaliers qui as- – ORGANISMES D’EN- du Bon Samaritain au Mexique sistent les malades du sida, il TRAIDE EXTÉRIEURS et la “Open Heart House” en Ir- n’est pas possible d’offrir des Ð ORGANISMES NATIO- lande. Les activités traversent données fiables et significa- NAUX tout le contexte social et sani- tives, étant donné le nombre Ð GOUVERNEMENTS ET taire en adoptant des stratégies exigu de pays capables de les MINISTéRES DE LA SANTÉ d’approche pluridimensionnel- dénombrer. avec des résultats positifs le des problèmes des malades En revanche, on peut signa- dans l’ensemble (42,9%). du sida et des séropositifs. ler que les typologies des Au niveau diocésain égale- L’objectif que les diocèses centres de récupération catho- ment, une action programmée indiquent actuellement comme liques non hospitaliers se pré- et systématique de la pastorale prioritaire, est l’éducation à sentent selon une distribution sur le thème semble exister, l’amour et à la chasteté pour les assez homogène, attestés aussi comme le déclarent 57,1% des jeunes (67,9%), l’aide aux ma- bien par les centres médico-sa- interrogés, mais avec un écart lades et à leurs familles nitaires que d’assistance socia- beaucoup plus ténu par rapport (66,1%) et l’éducation sexuelle le, sociaux/éducatifs et de sou- aux églises qui affirment ne (58,9%). tien social, dans une moyenne l’avoir pas encore définie. Les de 35%. Cependant, les centres points essentiels de cette action d’assistance sociale sont les programmée sont: Formation des séminaristes plus fréquentés, 42,9%, ce qui A. Prévention sur la pastorale pour confirme la direction de l’enga- B. Formation les malades du SIDA-HIV gement prédominant de l’Égli- C. Assistance se face au problème du sida. L’action pastorale au niveau L’enseignement de cette ap- L’assistance s’accompagne diocésain reproduit le modèle proche pastorale particulière toujours d’une action éducative défini par les églises locales, commence à s’intégrer lente- et formative soutenue centrée même avec une attention supé- ment dans le cours de morale sur la personne, comprise de rieure aux exigences concrètes spéciale, dans le cours d’éduca- manière holistique. Éducation du territoire et de la population. tion à la vie, ou dans l’unité sur et assistance, voilà les deux élé- Des interventions différentes l’assistance pastorale au cours ments fondamentaux de la ré- sont dirigées vers la prise en des études de théologie pasto- ponse que, par son action, l’É- charge sanitaire, psychologique rale ou encore dans le cours de glise offre pour lutter contre le et sociale des malades du sida, médecine pastorale, d’éduca- sida. des séropositifs et des orphelins tion pastorale, de formation Les centres hospitaliers ca- qui sont de plus en plus nom- pour aumôniers ou dans le tholiques comme les centres breux. Cependant, bien que cadre de la formation des sémi- non hospitaliers se concentrent l’augmentation constante du naristes. dans les zones urbaines, même nombre des orphelins constitue L’enseignement et la forma- s’ils sont également présents un problème pressant, peu d’ef- tion utilisent des cassettes au- dans de nombreuses régions ru- forts sont réalisés dans cette di- dio-vidéo dont la vision est sui- rales ou de l’intérieur, souvent rection. En effet, l’attention vie de commentaires person- très dangereuses, où l’Église semble se concentrer surtout nels, de témoignages de per- constitue pratiquement la seule référence et le seul soutien à d’accessibilité à ce type de adoptée aux États-Unis, tandis une population abandonnée. soutien, qui n’est pas encore qu’elle est encore inaccessible Pour ce qui regarde l’évalua- assez répandu dans les pays de aux pays en voie de développe- tion de la capacité de ces l’Amérique latine et des Ca- ment. centres à satisfaire les exi- raïbes: tableau 11. Ce cadre souligne comme le gences des malades, les interro- gés ne peuvent pas répondre Tableau 11: accès à l’assistance pastorale aux malades (32,1%) ou alors, ils la définis- 100 Grandes aires sent assez bonne et, en effet, géographiques l’accès des malades et des ma- 90 Afrique centrale-subsah. lades terminaux à l’hospitali- 80 sation dans ces centres semble M.Orient e Afrique du N. plutôt facile (39,3% – 37,5%). 70 Asie du Sud Cependant, l’accès des malades 60 terminaux à des structures spé- cialisées apparaît plus difficile. 50 Asie de l’Est et Pacifique

Quant aux services à caractè- Freq.% Amérique Centr. et Sept. re médical et sanitaire, on a ten- 40 té d’indiquer le degré d’acces- 30 Amérique Lat. et Caraïbes sibilité à certains d’entre eux par des examens plus appro- 20 Europe Occ. fondis du système des services 10 Europe Orient. sanitaires disponibles dans les 22 pays de nos interrogés. 0 Océanie Tout d’abord, il faut dire que facile difficile sans réponse sur ces points, de nombreux “sans réponse” ont été relevés, Quant aux examens d’immu- niveau des services comparé probablement en raison de la nologie, on observe une certai- aux besoins apparaît, dans spécificité de la question. Tou- ne difficulté d’accès, surtout 55,4% des cas, encore insuffi- tefois, l’examen de la distribu- dans les pays en voie de déve- sant, surtout dans les pays de tion des opinions exprimées loppement comme l’Asie et l’Afrique sub-saharienne et de sur le degré d’accès au test de l’Afrique. l’Asie, malgré l’engagement de dépistage du sida, dans les Pour ce qui est des inhibi- professionnels comme les mé- grandes aires géographiques, teurs de protéases, à côté d’un decins, les infirmiers, les assis- permet de conclure que l’accès accès généralisé dans les pays tants sociaux, assistants spiri- à ce type de test est assez ré- les plus riches, comme les tuels, personnel bénévole et re- pandu et à la portée des pays États-Unis, on signale une im- ligieux. Les figures profession- les plus pauvres, comme les possibilité d’accès à ces soins nelles du psychologue, du tech- pays asiatiques Ð cependant, dans les pays les plus pauvres, nicien de laboratoire et du en Afrique où il pourrait repré- qui ne disposent pas de res- conseiller légal sont moins senter un moyen important sources économiques pour af- connues. pour le contrôle du problème, fronter les dépenses occasion- Dans 64,3% des cas, on ob- il est encore difficile d’accès: nées par l’achat de ce “paquet” serve que la mise à jour des tableau 10. pharmacologique. personnels de santé s’effectue chaque année, en assurant ainsi Tableau 10: accès aux tests de dépistage du VIH un niveau professionnel moyen, qui dans 50% des cas a 100 été qualifié de “bon”.

Grandes aires 80 géographiques Les projets et les expériences Afrique centrale-subsah. Afin d’améliorer la réponse 60 M.Orient e Afrique du N. aux besoins des personnes ma- lades du sida dans les secteurs Asie du Sud d’intervention définis par cette Freq.% 40 Asie de l’Est et Pacifique recherche, des projets et des Amérique Centr. et Sept. expérimentations à caractère Amérique Lat. et Caraïbes national surtout (64,3%) sont 20 actuellement en cours, soute- Europe Occ. nus de plus en plus par des réa- Europe Orient. lités à caractère international 0 Océanie (32,1%). facile difficile impossibile sans réponse Voici les plus significatifs: – création d’instituts d’hy- Au sujet de l’assistance pas- Enfin, concernant la préven- giène sociale et de maladies in- torale, les opinions semblent tion pharmacologique mater- fectieuses, de centres médico- assez unanimes sur le degré no/fÏtale, elle est largement sociaux, de programmes d’in- tensification des capacités dia- – au Brésil, projets de lutte seulement de la vie sociale gnostiques; contre la pauvreté, projets en mais aussi du système sanitaire Ð en Allemagne, en Bel- faveur des enfants, des adoles- sont associées à la pauvreté. gique, aux États-Unis et en cents et des jeunes à risque; Dans ce contexte, il y a éga- Australie: études pharmacolo- projets pour les homosexuels; lement le chômage, puisqu’il giques, études sur les mutations projets consacrés à l’améliora- n’y a pas de travail et s’il y en du virus en vue de la découver- tion de la qualité de la vie des a, les salaires sont très bas; il te d’un vaccin; personnes malades du sida et s’ensuit un exode important des – programmes œcuméniques séropositives; Providencia Cli- jeunes des régions rurales vers de lutte contre le sida; groupes nic de Rio de Janeiro. les régions urbaines et l’aban- de réflexion sur le sida; forma- Actuellement, on remarque don des personnes âgées dans tion de bénévoles pour l’assis- une collaboration grandissante les villages; le niveau d’ins- tance de base à domicile; entre les organismes publics/ truction est très bas, surtout Ð en Argentine, ouverture de gouvernementaux et les ONG dans certains pays. maisons pour les mères séropo- catholiques (71,4%) même si Ces problèmes, enracinés sitives et leurs enfants; ce n’est pas toujours de maniè- dans le tissu social, engendrent – au Pérou, projet “Maison re satisfaisante (seulement dans l’exposition d’une grande par- Hogar” pour les enfants de pa- 30,4% des cas). Certaines col- tie de la population à des com- rents séropositifs; laborations parmi les plus si- portements à risque regardant Ð au Burundi: Projet Nou- gnificatives se sont orientées par exemple la transmission du velles Expériences de Bujum- vers le financement par des or- virus VIH: bura, création du Centre Nya- ganismes publics/gouverne- Ð la prostitution: des mugari de Gitega. Le projet na- mentaux de projets de forma- femmes, souvent très jeunes, se tional “Familles pour vaincre le tion de bénévoles, de prépara- prostituent, entrent dans le mi- 23 sida”, création de l’Association tion au “counselling”, d’achat lieu du tourisme sexuel, diri- des séropositifs et des malades de médicaments contre les in- gent des maisons closes; du sida; programme national fections opportunistes, les Ð la toxicomanie: usage de d’aide aux orphelins; aides alimentaires, le contrôle drogues diverses, échange de Ð en Ouganda: C.R.S.-CA- de l’infection chez les femmes seringues. FOD-Caritas pour un projet enceintes, la création de comi- d’assistance médicale et sani- tés scientifiques et éthiques, b)Aspects éthiques et moraux taire et de soutien aux orphe- des séminaires d’études et lins; ONUSIDA pour la pré- d’action œcuménique contre le Aujourd’hui, la forme de vention de la transmission de la sida. transmission du virus VIH la mère au fœtus; fonds de la La collaboration entre orga- plus répandue est le rapport hé- Banque Mondiale; nismes publics/gouvernemen- térosexuel. Ce fait pose des – en Guinée, projet pour la taux et les ONG non catho- problèmes éthiques et moraux création de trois centres médi- liques est encore plus intense extrêmement graves, parmi les- caux et d’assistance sociale (78,6%) mais dans ces cas éga- quels: dans les diocèses du pays; pro- lement, elle ne se révèle pas sa- Ð la protection du con- jet pour la création d’un groupe tisfaisante (39,9%). Les expé- joint/partenaire non contaminé. de réflexion et d’action de l’É- riences les plus importantes Ð La discrimination sociale glise catholique dans la lutte concernent la réalisation de pe- envers les personnes (les en- contre le sida; tits projets, l’organisation de sé- fants aussi) séropositives ou – en Côte d’Ivoire, Plan na- minaires d’information et de malades du sida, au travail, tional “Sida” de l’Église catho- débats, d’aides alimentaires et dans les services et le milieu fa- lique pour le triennat 1995- non, d’aides en médicaments milial. 1997 et plan triennal “Sida” de contre les infections opportu- Ð Rachat des valeurs morales l’Église catholique 1998-2001; nistes, la distribution gratuite de et spirituelles – en Inde, conférences et sé- préservatifs, des programmes – Respect supérieur des tra- minaires sur le sujet; collabora- pour l’administration de métha- ditions culturelles tion entre les Institutions catho- done et contre l’échange des se- liques, les ONG et les diocèses; ringues; des programmes contre publication de trois livres: livre la marginalisation et l’exclusion de texte sur le sida pour les sociale; diffusion de matériel écoles et livre consacré à l’as- pour la défense de la sexualité. sistance pastorale; Ð en Pologne, projets de col- laboration avec le Ministère de Les problématiques nouvelles la Santé et d’importantes ONG, création d’un téléphone de a) dans le tissu social confiance gratuit consacré au sida grâce à l’action de l’asso- La pauvreté constitue incon- ciation des Bénévoles contre le testablement le problème qui Sida; encouragement de la vie intéresse tous les pays dont familiale, production de maté- nous avons interrogé les riel d’information destiné aux églises. De graves formes d’ex- prêtres; clusion de la population non – Une solidarité plus grande gées reconnaissent que les lé- entre les groupes menant des gislations nationales offrent, en styles de vie différents partie seulement, une réponse Ð La promotion de la vie hu- adéquate en matière de sida. maine Les aspects à améliorer sont: Ð L’éducation à l’amour et à – l’intensification du droit à la sexualité. la santé et aux soins appropriés pour tous c) Interventions Ð la protection des droits des de pastorale sanitaire malades du sida et des séropo- sitifs On signale une demande ré- – la réduction du prix des currente d’un soutien plus ac- traitements et la facilité de leur centué de l’action des paroisses accès et des prêtres par les églises lo- – l’obligation de l’assistance cales ainsi qu’une demande avant et après le test pressante de directives de pas- – contrôle et analyse du sang torale dans le domaine spéci- ser des projets qui prévoient la – créer et appliquer des fique, pour fixer des orienta- facilité d’accès aux médica- normes contre la discrimination tions certaines concernant les ments antirétroviraux et contre sociale modes de prévention et de les infections opportunistes; – étudier des systèmes de contrôle du sida selon les para- des initiatives orientées vers la prévention efficaces mètres éthiques et moraux de promotion du développement Ð garantir la conservation du 24 l’Église de Rome. social et économique; la créa- poste de travail aux séropositifs En outre, on ressent la né- tion d’un réseau “crédible” de et aux malades du sida cessité d’une formation spéci- partenaires désintéressés d’or- – aider les groupes à risque. fique de religieuses et de reli- ganismes et d’associations non La législation actuelle gieux dans ce domaine d’inter- gouvernementales, engagés semble répondre en partie seu- vention; une meilleure coordi- dans la lutte contre les M.S.T. lement (58,8%) aux probléma- nation des différentes expé- et le sida, capables de soutenir tiques soulevées par cette mala- riences sur ce sujet et une orga- les activités en cours et de re- die et souvent, le problème ma- nisation plus rigoureuse et plus produire celles qui ont bien jeur consiste dans l’application systématique de l’action pasto- réussi ailleurs; soutien de l’ac- de celle-ci. Enfin, le secteur pu- rale. tion de chaque gouvernement blic ne prévoit pas toujours la national; appui aux initiatives possibilité de mettre à la dispo- d)Services et interventions des ONG catholiques et autres. sition des centres catholiques socio-sanitaires Les églises locales devraient des ressources financières pu- essayer d’influencer les poli- bliques et ceci suscite un pro- On souligne le besoin de res- tiques sanitaires nationales, tout blème supplémentaire à tous sources financières, humaines d’abord en établissant des liens ceux qui sont apparus dans cet- (formées de manière profes- plus étroits et une meilleure te recherche. sionnelle) et matérielles plus collaboration avec les pouvoirs Je crois qu’avec cette enquê- importantes afin de répondre publics, en devenant un parte- te d’envergure, le Conseil pon- plus efficacement aux exi- naire incontournable de l’État. tifical pour la Pastorale de la gences des malades. Une présence plus significative Santé s’est fait le porte– parole Il faudrait donc: de religieux et de religieuses au du courage et de l’engagement – une assistance médicale et sein des structures socio-sani- que l’Église continue de donner psycho-sociale plus capillaire, taires s’avère nécessaire; une pour affronter le problème du – utiliser les techniques mé- lutte commune contre la pau- sida, dans un moment où l’on dicales modernes, vreté et l’analphabétisme; la dé- en parle trop peu: démonstra- – avoir un accès plus facile finition d’une orientation claire tion du fait que l’Église n’ou- aux médicaments qui retardent en matière de pastorale sanitai- blie jamais les derniers et les l’action du virus et aux services re du sida. abandonnés. Ce travail veut sanitaires spécifiques, Il faut trouver des aides fi- être un point de départ modes- – prévenir les maladies op- nancières importantes pour fa- te, une plate-forme d’indica- portunistes, voriser l’activité d’organismes tions et de suggestions dont Ð un nombre plus important ecclésiaux engagés dans la pro- cette honorable assemblée de centres hospitaliers et so- motion des politiques de pro- pourra s’inspirer pour entre- ciaux d’inspiration catholique. tection de la vie, défiant les po- prendre un travail qui lance les litiques de préventions cou- fondations de ces lignes direc- rantes fondées, souvent unique- trices que réclament le majorité Propositions et suggestions ment, sur la diffusion des pré- des églises locales, en vue servatifs. d’une action et d’un message La communauté internatio- Il faut apprendre à utiliser de plus uniformes et plus décisifs. manière responsable et appro- nale devrait intervenir sur le Mme FIORENZA DERIU problème du sida en favorisant priée la presse et les moyens de BAGNATO l’allocation de fonds et de res- communication. Chercheur en sociologie sources financières pour réali- 58,8% des églises interro- Italie 1ère Partie LA PRÉVENTION

La vie comme valeur essentielle

Un des plus grands poètes ita- domine sur l’œuvre de tes difficile, spécialement quand la liens, Giacomo Leopardi, dans mains; tout fut mis par toi sous vie humaine croise la souffran- une poésie émouvante, interro- ses pieds” (Ps 8). ce, surtout si – comme en ce sé- ge la lune sur le sens de la vie Qui a raison et qui a tort? minaire la souffrance et la mort humaine: “Ô lune, dis-moi, que “Pourquoi la vie est-elle un apparaissent à la fleur de l’âge vaut donc la vie aux yeux du bien” (Ev 34)? Jean Paul II ré- et souvent – même si ce n’est berger et la tienne à ses yeux? pond que le bien de la vie est pas toujours le cas, comme Dis-moi: où me conduit ma brè- “une intuition et même une conséquence d’une recherche ve errance Ð alors que ton par- donnée d’expérience dont désespérée de joie, de ren- 25 cours est immortel?”. Dans un l’homme est appelé à saisir la contre, de sens, d’évasion, crescendo dramatique, Leopardi raison profonde” (Ev 34). Cette d’avenir, comme il advient dans constate qu’après un parcours raison définitive peut être ex- l’exercice de la sexualité, autre- douloureux, “un abîme affreux, primée par les paroles de saint ment dit de notre humanité qui, immense, attend l’homme qui, Irénée: “l’homme vivant est la dans la distinction entre la mas- en s’y précipitant, oublie tout”; gloire de Dieu”. L’origine de la culinité et la féminité, est l’ima- que “l’homme naît dans de valeur de la vie humaine se ge de l’intimité même de Dieu grandes difficultés et que la trouve dans le cÏur trinitaire de et la condition du sens de la naissance comporte des risques Dieu. Nous pouvons le dire création. mortels Ð preuve en est la dou- avec les mots simples de Mère Selon l’exhortation du para- leur et le tourment – d’abord; Teresa de Calcutta, en admira- graphe 34 de l’Evangelium vi- dès le début, la mère et le géni- tion devant le commencement tae, je me propose de démon- teur – se mettent à le consoler de la vie humaine: “ce petit en- trer, dans un horizon simple- d’être né”. La conclusion est fant qui n’est pas encore né a ment humain, c’est-à-dire fait désespérée: “Peut-être dans cet- été créé pour une grande chose: “d’intuition” et “d’espérance”, te forme, dans n’importe quel aimer et être aimé”. Je connais que la vie est une valeur. Ensui- état que ce soit, le grabat ou la cette raison profonde, mais te, je tenterai d’aller au-delà, lune, est funeste à celui qui naît puisque depuis près d’un quart pour suivre le titre de cette le jour de Noël”. En d’autres de siècle, je suis continuelle- conversation, en démontrant termes, le poète s’approprie la ment appelé à l’expliquer à qui, que cette valeur est à la base de conclusion: “pour moi la vie est comme Leopardi, ne veut pas toute autre valeur et de la socié- un mal”. Le contraste avec interroger Dieu mais se limite à té elle-même dans ses struc- l’Evangelium vitae de Jean Paul parler avec la matière (la lune), tures essentielles. Enfin, je me II ne pourrait être plus radical. j’essaierai de raconter mon ex- demanderai si l’horizon que j’ai En effet, le Saint-Père écrit au périence comme celle d’un appelé “simplement humain” paragraphe 34: “la vie est tou- homme qui est obligé d’expli- est suffisant ou si, au contraire, jours un bien”. Pourquoi ai-je quer tout au plus les raisons de l’expérience et l’intuition hu- fait dire le contraire par un poè- la vie par la raison sans faire maines ne touchent pas précisé- te, en confirmation de la appel à la foi. C’est une tâche ment le seuil de la religiosité et conception positive de la vie qui de la foi et ne lancent pas à me fait venir à l’esprit les vers celles-ci un appel extrêmement d’un autre poète, qui, plein humain et rationnel. d’étonnement et regardant lui Pendant de nombreuses an- aussi vers le ciel, a écrit les nées, pour proclamer la valeur psaumes 131 et 8: “je te rends de la vie, je me suis transformé grâce pour tant de prodiges: en biologiste: la vie de l’em- merveille que je suis, merveille bryon, du fÏtus, du nouveau- que tes Ïuvres” (Ps 139). “À né, du malade, du porteur de voir ton ciel, ouvrage de tes handicap, de la personne âgée a doigts, la lune et les étoiles que une grande valeur parce que le tu fixas, qu’est donc le mortel, titre de noblesse de l’existence que tu t’en souviennes, le fils dépend exclusivement de l’ap- d’Adam, que tu le veuilles visi- partenance à la race humaine et ter? Ë peine le fis-tu moindre cela suppose exclusivement une qu’un dieu; tu le couronnes de démonstration scientifique, au- gloire et de beauté, pour qu’il trement dit biologique et géné- tique. Mais depuis quelque tout le cosmos. En outre, les dies d’amour, toutes choses qui temps, mon attention s’est por- théories modernes de la relati- font de la vie humaine une par- tée surtout sur la question du vité d’Einstein et de Darwin tie plus grande de tout l’univers sens. Des spécialistes actuels de semblent démontrer scientifi- biologique et physique qui la la bioéthique comme Singer et quement que tout effort de contient, un effet qui peut Engelarth, ne nient pas l’identi- l’univers tend vers l’apparition transcender l’immense cause té humaine des sujets faibles, de l’homme. En effet, on sait d’où elle provient... la majesté comme les fÏtus, les handica- que, selon l’évolutionnisme, la ontologique de l’homme en pés mentaux ou les moribonds, vie est apparue sur la terre tant que corps et esprit vivant mais ils les considèrent comme d’abord sous formes élémen- disqualifie la distinction de rôle ayant une valeur moindre qu’un taires, ensuite plus complexes: et de rang social, fait de toute chien dressé ou un ordinateur, des unicellulaires vivants aux l’humanité simple une gran- en raison de leur prétendue in- poissons, aux reptiles, aux oi- deur cosmique et plus que cos- capacité d’être utiles. seaux, aux mammifères, à l’ho- mique ...”. Dans “Éthique pratique”, mo faber et à l’homo sapiens... Et voici alors la quatrième Singer écrit (p. 100 et 126): “il Tout cela suivant des temps ex- intuition. Le big bang qui, se- y a beaucoup d’animaux non trêmement longs. Il a donc fal- lon de nombreux chercheurs humains dont la rationalité, la lu une énorme quantité de contemporains, a donné nais- conscience, la capacité de sen- temps pour avoir l’homme. sance à l’univers il y a dix ou tir, etc. sont supérieures à celle Mais Ð affirme la théorie de la vingt milliards d’années n’est d’un enfant d’une semaine ou relativité – temps et espace sont pas l’authentique big bang même d’un an”. Cependant, “il inévitablement liés entre eux. Il créatif. Le commencement de semble que la vie d’un nou- faut un espace énorme pour la vie de chaque être humain 26 veau-né ait moins de valeur que avoir un temps énorme. Et s’il est le véritable acte créatif, au la vie d’un porc, d’un chien, faut un temps énorme pour sens plein de la finalité, le pas- d’un chimpanzé. En tout cas, le avoir l’homme, l’univers entier, sage authentique de l’inexisten- point principal est évident: tuer avec ses astres innombrables, ce à l’existence. Quelque chose un nouveau-né avec des malfor- ses galaxies, ses distances ex- qui auparavant n’existait pas mations n’est pas équivalent traordinaires est finalisé à commence soudain à exister et moralement à tuer une person- l’homme. est extraordinairement différent ne. Et bien souvent, n’est abso- Ici se situe la seconde intui- et supérieur à tout ce qui existe lument pas erroné”. tion. Chaque être humain, avant uniquement pour préparer son Face à ces idées, la défense d’être enfant d’un homme et origine. des sujets plus faibles ne peut d’une femme, est enfant de Cette série d’intuitions et de se limiter à démontrer leur l’immensité. Donc sa vie est démonstrations ne dit pas en- identité biologique humaine, marquée par quelque chose core si le sceau de la positivité mais doit affronter la question d’incommensurable, d’extraor- est imprimé dans la vie humai- du sens spécifique de la vie hu- dinaire et mérite l’admiration et ne, comme l’a chanté le psal- maine. l’étonnement. Elle doit avoir miste, ou de la négativité, com- La complexité du discours une signification merveilleuse me les larmes de Leopardi. relatif à la nature de cette inter- si, pour la réaliser, un chantier “L’immense et horrible abîme” vention ne permet que d’énon- aux proportions énormes a été qui semble l’engloutir prédo- cer les titres de sujets qui méri- préparé et toutes les ressources mine ou alors l’immensité teraient un développement ulté- imaginables d’une intelligence grandiose d’un chantier qui la rieur. ont été sollicitées. La vie hu- prépare et provoque ensuite le La première intuition est que, maine est vraiment une mer- déclenchement du véritable big s’il y a un sens dans tout l’uni- veille. Voilà ce que la lune au- bang créatif dans la tendresse vers, celui-ci se trouve dans la rait pu répondre à Leopardi. d’une rencontre entre un hom- vie de l’homme. Par tout ce que La troisième intuition est cel- me et une femme, qui devrait nous connaissons et pouvons le d’une distance entre l’hom- exprimer en même temps expérimenter, l’homme, chaque me et tout le reste de la créa- qu’un désir d’amour, une gra- homme, constitue la partie la tion, d’une mystérieuse trans- tuité inhabituelle et un cri inouï plus complexe et parfaite de cendance qui le situe dans une vers l’éternel. Cependant, la diversité absolue par rapport à majesté de la vie humaine la matière dont il est pourtant semble tellement grande qu’el- façonné. Ce qui surprend sur- le ne peut être rapportée à un tout, c’est sa capacité de pen- sujet collectif quel qu’il soit – ser. En réfléchissant bien, toute classe, race, nation ou espèce, l’immensité de l’espace et du mais apparaît comme une qua- temps serait inexistante s’il n’y lité de chaque être humain en avait pas l’homme, capable de tant que tel et ne permet aucu- les penser. Lombardi Vallauri a ne graduation: elle est toujours écrit: “la vie humaine est cet la plus élevée. Ceci se traduit endroit de la matière mûre où dans la pensée moderne laïque s’embrasent mystérieusement Ð philosophique, juridico-poli- la conscience, la pensée, l’ex- tique – par l’expression “digni- périence morale, les manifesta- té humaine”, qui se retrouve tions de spiritualité contempla- dans de nombreuses constitu- tive et créative, les nostalgies, tions de la seconde moitié du les dévouements et les tragé- siècle et surtout dans la Décla- ration universelle des Droits de constitutionnelle allemande, l’Homme du 10 décembre magistrature suprême d’un État 1948. Dans le préambule, on qui avait provoqué l’holocaus- peut lire que “le fondement de te, écrit: “Face à la puissance de la liberté, de la justice et de la l’État totalitaire qui prétendait paix dans le monde consiste la domination dans tous les sec- dans la reconnaissance de la di- teurs de la vie sociale et pour gnité de chaque être appartenant lequel le respect de la vie de à la famille humaine et de ses l’individu ne signifiait rien, la droits égaux et inaliénables”. Constitution a établi un système Parler de “dignité humaine” et de valeurs qui met l’homme au de “valeur de l’existence hu- centre de toutes ses lois. Ë la maine” est la même chose. base de cette conception, se Voilà pourquoi il convient de trouve l’idée que l’homme, souligner le lien établi entre la dans l’ordre de la création, pos- dignité et l’égalité. Le long sède une valeur propre et auto- processus historique qui a nome qui exige constamment le conduit au refus, du moins respect inconditionnel de la vie source, fondement de toutes les conceptuel, entre les hommes, de chaque personne, même de autres valeurs et la démonstra- divisés autrefois entre esclaves celle qui peut sembler sans va- tion est beaucoup plus détaillée. et hommes libres, étrangers et leur sociale”. Il est inévitable de citer “l’appel citoyens, noirs et blancs, Ainsi, la personne sans va- passionné” adressé, dans le pa- femmes et hommes, atteint son leur apparemment devient le ragraphe 5, “à tous et à cha- objectif dans l’affirmation de paramètre de la dignité, à son cun”: “Respecte, défends, aime 27 la dignité humaine égale. Elle tour garantie d’espérance. Jus- et sers la vie, toute vie est tellement grande qu’elle ne qu’ici, la pensée humaine n’est humaine! C’est seulement sur permet pas de distinction entre certainement pas dépourvue de cette voie que tu trouveras la vies plus dignes et moins contradictions. L’opposition justice, le développement, la li- dignes et, d’autre part, si on ad- entre utilitarisme et personna- berté véritable, la paix et le mettait une discrimination lisme se fait âpre lorsque le ju- bonheur!”. “Sur la reconnais- dans la dignité, le principe gement investit les phases les sance du droit à la vie – avait d’égalité si difficilement ac- plus marginales de la vie hu- déjà écrit Jean Paul II un peu quis serait ignoré. maine, celle qui n’est pas enco- auparavant Ð se fonde la convi- Mais la parole dignité est en- re née et celle qui désormais est vialité et la communauté poli- tourée de mystère. Elle a une proche de la mort. Dans cette tique même” (n.2). Même la nuance religieuse. Quelqu’un a zone, l’utilitarisme pour lequel théorie des droits de l’homme parlé de la déclaration des compte seulement ce qui est (n.18), la solidarité (n.18), la droits de l’homme comme utile, héritier décadent du maté- démocratie elle-même (n. 19, d’une prophétie laïque. Dans la rialisme, semble encore avoir le 70, 90), la légalité (n. 20), le parole, se trouve l’émerveille- dessus sur le personnalisme, sens moral qui sait distinguer le ment de l’homme devant sa qui perçoit le mystère à l’inté- bien du mal (n. 4, 20) devien- grandeur, mais il n’y a aucune rieur et à l’extérieur de l’hom- nent incertains si la valeur de démonstration de la raison de me et qui, sur ce mystère de toute vie humaine n’est pas re- cela. Cependant, l’histoire ajou- l’existence, fait son pari. connue et respectée. te une preuve indirecte à Pourtant, le personnalisme Naturellement, il est impos- l’émerveillement: l’expérience l’emporte déjà quand il réussit à sible en ce lieu d’examiner tous douloureuse de l’humanité dé- poser la même question que ces aspects. Je ferai une simple montre que chaque fois que la celle du Pape dans l’Evange- allusion à un sujet qui me dignité humaine égale de tous lium vitae: “comment un indi- touche particulièrement à cause et de chacun a été bafouée, vidu humain ne serait-il pas une de ma profession de magistrat, l’angoisse et la douleur ont en- personne?” (n. 58), autrement c’est-à-dire d’homme de loi. La vahi l’humanité. Pour ce fait dit porteur d’un ministère qui le question de saint Augustin m’a d’expérience historique, com- rend différent de toute autre toujours beaucoup troublé: me postulat de l’espérance, la partie de la création, toujours “qu’est-ce qui distingue l’État Charte de 1948 déclare la foi sujet et jamais objet, toujours d’une association bien organi- des peuples de la terre dans les finalité et jamais moyen, jamais sée de malfaiteurs”? Et j’ai tou- droits de l’homme. Il convient réductible à une chose? jours été très inquiet au sujet de souligner l’entrée de la paro- d’une question qui, depuis So- le “foi” dans un acte juridique Il faut ajouter quelques mots crate jusqu’au procès de Nu- civil et de se rappeler la signifi- sur le caractère fondamental de remberg contre les criminels cation symbolique de l’année la valeur de la vie. nazis, traverse l’histoire de la 1948: au milieu de notre formi- L’affirmation se trouve déjà pensée humaine: “qu’est-ce qui dable siècle, la seconde guerre dans la Déclaration universelle distingue la loi du commande- mondiale vient à peine de se des Droits de l’Homme: la di- ment du plus fort”? Une répon- terminer et le risque suprême gnité humaine est le fondement se laïque sur ce que la pensée d’un conflit atomique capable de la liberté, de la justice et de chrétienne avait toujours vu et de faire sombrer dans l’absurde la paix. Dans l’encyclique atteint, précisément au milieu toute l’histoire humaine vient Evangelium vitae, par un néo- de notre siècle formidable, d’apparaître. Quelques années logisme heureux, la valeur de la vient de la Déclaration univer- plus tard, en 1945, la Cour vie est appelée “génératrice” selle des Droits de l’Homme: la distinction est faite par la digni- vie humaine. L’acte sexuel ne et moins dignes d’être vécues, té humaine, c’est-à-dire par la peut être banal si, par sa nature, ce qui est inacceptable selon le valeur égale de la vie de cha- il exprime la manière dont le principe d’égalité. J’ai ajouté cun. La raison de notre coexis- mystère grandiose de la créa- que le principe de l’euthanasie tence dans une société organi- tion se réalise. La famille ne a une force expansive si bien sée est une sorte de pacte impli- peut être située parmi les struc- qu’il peut mettre en danger la cite par lequel nous sommes tures de la répression et de vie de tous ceux qui souffrent, prêts à payer le prix fort, pour- l’aliénation puisqu’elle génère des moins capables, des moins vu que notre vie individuelle la vie humaine et illustre utiles, des fardeaux sociaux. soit garantie. La légalité s’im- l’évangile (= l’annonce joyeu- Mais devant la souffrance, la pose pour des raisons éthiques, se) de l’amour. vie a besoin de Dieu pour même lorsque son commande- vaincre, et même plus: elle a ment est erroné, parce que l’or- Tout bien considéré, cette ré- besoin du Christ, et plus encore donnance juridique dans son flexion a déjà effleuré la dimen- du Christ crucifié. Ainsi, j’ai ensemble, en tant que garant de sion religieuse à différentes re- pensé plusieurs fois, même si je l’ordre, est un instrument “pour prises. La culture de la mort et ne l’ai pas dit dans les parle- la vie”. Mais si l’on se dresse la culture de la vie s’affrontent ments, à ce que saint Paul a contre la vie, la loi cesse d’être précisément dans le domaine écrit: “Nihil aliud inter vos cu- loi. religieux, dans le sens où la pre- pivi scire, nisi Christum et hunc Il y a d’autres aspects, par mière ne voit rien au-delà de la crufixum”. lesquels la valeur de la vie révè- mort (parce que l’homme est La pleine valeur de la vie hu- le son caractère fondamental ou conçu seulement comme une maine trouve son entière vérité “générateur”, auxquels il faut partie bien organisée de la ma- dans le mystère de l’amour 28 consacrer une attention particu- tière, que matière il demeure et sans mesure de Dieu. Il est lière étant donné la thématique en tant que tel, il est destiné à l’origine de l’amour et la desti- de ce séminaire. Je fais allusion finir), tandis que la seconde nation à l’amour de ce qui rend à la signification de la sexualité (l’homme est “mystérieuse- toute vie humaine “mystérieu- et de la famille. Du point de vue ment autre” par rapport à la ma- sement autre”.Voilà pourquoi factuel, c’est la détérioration de tière et comme tel, il ne peut le Saint-Père, dans Evangelium la sexualité et de la famille qui avoir le même destin que les vitae, voit dans “l’éclipse du réduit la capacité de voir et de choses), espère, parie, suppose, sens de Dieu” la perte du “sens respecter la vie humaine, du croit dans un mystère humain de l’homme” (Ev 21). Ë la fin, point de vue conceptuel, c’est même au-delà du tombeau. pour croire en la vie humaine, précisément la contemplation Mais il y a une chose que la il faut croire en l’amour. “Cre- de la beauté merveilleuse de la raison ne réussit pas à com- didimus charitati”. vie humaine qui peut recons- prendre seule, qui est à classer Je considère comme un motif truire le sens de la sexualité et dans “l’étonnement” naturel de grande espérance que le se- de la famille. Dans une vision devant la vie humaine: c’est la cond millénaire de l’ère chré- matérialiste, la recherche sur le souffrance, la douleur inno- tienne se termine non seule- sens de la vie aboutit à la bana- cente. ment par la tragédie du 20e lité du plaisir, dont le plaisir J’ai dû discuter bien souvent siècle, mais aussi par la sexuel est une expression parti- de l’avortement et de l’euthana- consigne au nouveau millénai- culièrement intense, et à la sie. Même si je n’ai pas intro- re, par tous les peuples de la ter- crainte d’une solitude dans un duit Dieu dans mon discours, re, des paroles qui confient leur univers absurde où compte seu- j’ai toujours senti la supériorité espérance (de liberté, de justice lement l’affirmation personnel- objectivement victorieuse de et de paix) d’une parole désar- le de l’individu, le pouvoir du mes arguments en faveur de la mée: la dignité humaine. particulier en quelque sorte. défense de l’enfant qui n’est Je suis convaincu que pour D’autre part, la vie est donc pas encore né. Mais j’avoue cette parole, on abandonnera tôt conçue comme une limite à ne n’avoir pas eu le même senti- ou tard le mot d’ordre de la mo- pas franchir sinon cela provo- ment lorsque le débat concer- dernité: penser et agir “etsi querait une douleur et une dimi- nait l’euthanasie. Certes, même Deus non esset”, comme si nution du plaisir. Lorsque cela au Parlement européen, j’ai Dieu n’existait pas. “Si Dieu est possible Ð comme il advient réussi à empêcher l’approbation n’existe pas tout est possible” lorsque la vie d’autrui est parti- de documents en faveur de l’as- même que la vie humaine n’ait culièrement faible – l’autre est sassinat d’êtres humains souf- aucun sens. Mais alors, il est simplement censuré ou suppri- frant et proches de la mort en simplement impossible de mé mentalement. Ainsi la utilisant des arguments hu- vivre. C’est pourquoi je pense “sexualité tous azimuts” de- mains. J’ai dit que la liberté de pouvoir conclure en affirmant vient presque le sens même supprimer la vie n’existe pas, que la valeur de la vie humaine d’une vie banale parce que pri- parce que sans la vie, la liberté au troisième millénaire ne vée de grandeur et de mystère prend fin. J’ai démontré qu’au- constituera plus un mur ou un et la famille, en tant que struc- cune accusation de violence, fossé de division, mais un pont ture de don et de victoire sur la qui empêche par la force le sui- et un terrain de réconciliation caducité, devient un endroit in- cide d’un jeune sain, parce que entre les ressources de la raison acceptable. Donc, pour rendre l’argument de l’euthanasie et celles de la foi. du sens à la sexualité et à la fa- n’est pas la liberté mais plutôt mille, il faut que les deux réali- le jugement négatif sur la quali- M. CARLO CASINI tés soient profondément impré- té de la vie qui distingue, préci- Président du Mouvement italien gnées du mystère qui entoure la sément, entre vies plus dignes “Pro Vita”, Italie L’éducation est-elle orientée vers les valeurs?

Dans la civilisation tech- que le cogito ergo sum se tra- quences dévastantes du fait nique, qui imprègne aujour- duit en fungor ergo vivere pos- que, privé du désir de connaître d’hui la pensée et la volonté de sum, vendent aux concitoyens le vrai et d’aimer le bien, il l’homme, il est difficile de par- les différentes connaissances conduit l’homme au non être ler d’éducation. Par celle-ci, on concernant la production des utopique et par conséquent, à s’exerce à produire des objets choses, qui les aident non seu- l’incompatibilité de vivre avec de tout et de tous donc, on l’in- lement à survivre mais aussi à cette fleur, avec ce bois, avec cite à oublier son être et celui s’écraser les uns les autres. En cet homme. L’altérité de des autres. De cette manière, effet, le fonctionnement des chaque être l’épouvante et le bloqué dans sa “productivité”, succédanés du réel plonge la bouleverse. si on peut utiliser ce néologis- société dans la dialectique “ser- Les fonctionnaires des uto- me linguistiquement et phoné- viteur-patron”. En fin de comp- pies, par exemple, mentionnent tiquement peu élégant, aujour- te, au lieu d’avoir affaire avec seulement l’utopie communiste d’hui appelée erronément cul- la société, on se trouve dans la ou celle du bien-être, condam- 29 ture, le regard de l’homme s’af- nécessité de devoir affronter les nent tout le monde au compor- faiblit au point de modifier les collectivités des fonctionnaires, tement forcé, ce qui constitue succédanés du réel, qui sont de l’économie, de la politique, l’éducation à rebours. Ils trai- précisément les objets rêvés de du sexe, du mariage, de la fa- tent l’homme comme s’il était manière productive par son co- mille, des sciences, de la phi- un ordinateur qu’il faut pro- gito, pour le réel même. lanthropie, etc. Les uns produi- grammer. Les ordinateurs fonc- Dans le monde des succéda- sent du “pain” qui sert à sur- tionnent mieux que les nés, qui fonctionnent comme vivre plus ou moins agréable- hommes au niveau de l’effica- s’ils étaient la réalité même, ment, tandis que les autres pro- cité et de la rapidité des opéra- l’homme n’est pas vraiment duisent des “divertissements” tions mais jusqu’à présent, per- éduqué mais plutôt familiarisé (Pascal) qui servent à oublier le sonne ne parle de l’éducation avec l’art de fonctionner, afin réel. Survivant commodément de ces mécanismes. Ainsi, le la- de lui permettre de survivre dans l’oubli du réel, ils se libè- vage de cerveau qui précède la toujours plus commodément. rent de l’obligation morale de “programmation” des hommes L’éducation de l’homme fait vivre dignement. provoque en eux le déséqui- place à la formation du fonc- Le cogito-fungor des uns et libre mental et l’insanité. tionnaire, efficace pour faire des autres, s’éloignant de l’être, L’Église n’est pas exempte quelque chose à partir de les conduit à ce succédané du non plus du risque de l’éduca- quelque chose. L’utilité de la salut désiré qui est telle ou telle tion sophiste. Cette éducation fonction, produite par l’hom- fonction utopique, c’est-à-dire fragmente l’unité de la vie spi- me, substitue en lui le sens de une fonction érigée en idéal. rituelle des croyants et dévie la vie même; il ne se change Pour le cogito-fungor, il n’est leur foi, puisque beaucoup pas lui-même mais ses fonc- absolument pas important que d’entre eux, au lieu de lutter en tions et celles des autres. l’idéal soit vrai ou faux, il suffit faveur du sens salvifique de la Les sophistes modernes, qui qu’il fonctionne comme s’il vie, se travestissent en fonc- suivent l’exemple des sophistes l’était. Le cogito-fungor ne tionnaires et luttent pour les athéniens, se rendant compte pense même pas aux consé- choses qui leur permettent de se sentir à l’aise dans le monde des fonctions. Ë la foi salvi- fique, ils substituent aujour- d’hui ce demain et cet objet par lesquels ils sont à la merci du cogito-fungor. Ceux qui sont éduqués de manière sophiste, n’entament le dialogue avec personne. En effet, les objets ne dialoguent pas, ils luttent pour obtenir le prix le plus élevé. C’est précisément dans le dialogue que s’accomplit la vie spirituelle de l’homme. En par- lant, il s’unit à l’identité sacrée de l’autre, sacrée en ce sens qu’elle ne dépend d’aucun homme. L’identité de chaque être est un don qui est offert des fonctionnaires, celui qui ai- sible, qui ne sont pas tournés continuellement par la pensée me les choses qui ne servent vers la transcendance, ne sa- créatrice de Dieu. Le don est à pas à augmenter l’avoir et le vent pas gouverner les hommes adorer. En l’adorant “dans l’es- pouvoir doit avoir un grain de libres. Ne saisissant pas leur prit et la vérité” (cf. Jn 4, 23- folie, parce qu’il entrave le pro- amour des choses plus grandes 24), l’homme adore le Principe grès technique. Tourné vers les que le monde visible, ils sont de tout don, c’est-à-dire Dieu. réalités qui sont au-delà de lui, inaptes à la communion des Il l’adore en contemplant cette il ne se préoccupe pas de la di- personnes. Ils s’unissent aux montagne sous sa lumière, cet- rection du progrès et de cette autres seulement s’ils en ont te fleur, ce lac, mais il l’adore manière, trouble la paix des besoin afin de pouvoir réaliser surtout en contemplant un autre fonctionnaires. Il importune les quelque chose. Le produit réa- homme qui, à son tour, en se fonctionnaires car, en ne ca- lisé, ils se séparent. Dans leur donnant à lui, entreprend un chant pas qu’il est contraint par univers, la trahison et la fidélité dialogue avec lui et, en le des réalités invisibles, il les sont des catégories inconnues. contemplant, adore Dieu. oblige à penser. Socrate a été En effet, la fidélité et la trahi- Qui adore ses propres cogita- assassiné par ceux qui étaient son existent seulement dans le ta est obligé de construire ce “extrêmement habiles à édu- monde édifié sur la connaissan- que l’on appelle les consente- quer et à faire ce qu’ils vou- ce et l’amour de l’autre, jamais ments. Sinon, son adoration laient des hommes et des dans le monde des fonctions. perd sa signification. Le fonc- femmes, jeunes ou vieux”1. Seul l’homme qui, connaissant tionnaire qui ne réussit pas à Pour lui, la liberté consistait et aimant l’être des autres, construire un accord ne fonc- dans le choix non pas de ce que s’identifie à lui jusqu’à le deve- tionne pas, ce qui, pour lui, re- l’on veut mais de ce qui doit se nir, sait ce que signifie la fidéli- 30 vient à ne pas vivre. En fin de vouloir. Aujourd’hui, alors que té ou la trahison. compte, la vie “spirituelle” des tant de forces se liguent contre Dans l’Église, la mentalité fonctionnaires, qui consiste l’homme pour le contraindre à des fonctionnaires qui corrom- précisément à construire des accepter la condition propre au pent l’amour, corrompt le tra- accords, n’est qu’une lutte pour “sentiment utile”, à produire vail de l’évangélisation. C’est atteindre des fonctions toujours les choses visibles du début à la une corruption de l’amour, de plus élevées, puisque celles-ci fin de sa vie, les paroles de So- la connaissance et du travail. font augmenter ou diminuer le crate résonnent encore de ma- Cette corruption se manifeste prix-valeur de la vie. Ne pas nière plus prophétique: “il faut dans l’activité des chrétiens et être éliminé, mieux ne pas se reconnaître que dans une de leurs pasteurs dans de nom- laisser dépasser par les autres: constitution politique sur le breux domaines, tandis qu’ils voilà le fondement et l’idéal de modèle des constitutions ac- négligent cette “chose unique” la morale et de l’éducation des tuelles, tu peux dire de celui sans laquelle toutes les autres fonctionnaires, morale et édu- qui se sauve et devient ce qu’il passent et disparaissent dans le cation qui, au fond, se réduisent doit être, qu’il se sauve par l’ef- néant. Lorsque, chez les chré- à une mauvaise politique. fet d’une grâce divine et tu tiens et leurs pasteurs, ne brille Pour les fonctionnaires qui peux être certain que tu ne te pas la parole qui “extrait” les ne se sentent pas plus grands trompes pas”2. hommes de l’obscurité et de que le monde dans lequel ils vi- La situation devient encore l’incompréhension de leur im- vent, la liberté se révélant dans plus dangereuse lorsque l’exté- manence et les conduit vers la l’union désintéressée de l’hom- riorité de l’État, composée des liberté-amour qui les rend com- me avec le bien, qui ne sert à fonctions administratives, tend préhensibles et saufs, l’Église augmenter ni l’avoir ni le pou- de manière totalitaire à faire des donne l’impression d’être une voir, représente la pierre citoyens des “administrables”. association fondée pour exercer d’achoppement. Ils s’en mo- L’extériorité de l’État ne sup- telle ou telle activité sociale. quent, la marginalisent et pré- porte pas que les hommes Les vocations sont entravées et sentent ceux qui y aspirent soient des “personnes”, car la bloquées parce que les jeunes comme des arriérés. Aux yeux personne transcende toutes les perçoivent la contradiction fonctions et leur administration. dans laquelle se trouve l’évan- Les fonctionnaires enchaînés à gélisation à cause de l’adminis- l’extériorité de l’administration, tration des fonctionnaires. Le dévastant cette essence de mécanisme de l’extériorité de l’amour extatique de la vérité et l’administration sera tôt ou tard du bien qui est en l’homme et substitué par l’ordinateur et est supérieure à l’utilité et à l’homme ne se sent pas appelé l’efficacité, claquent la porte à le devenir. devant le don de la liberté. La pasteur instruit et conduit Dans les moments dispersés du le troupeau; il est éducateur. temps et détachés les uns des C’est un travail difficile. autres, parce qu’aucun instant Alors, que signifie l’éduca- ne peut les unir, la liberté se ré- tion? duit pour ainsi dire à de préten- Étymologiquement, le terme dus libres choix, en d’autres “éducation” indique une action termes à ces réactions aux sti- particulière, celle de conduire mulants actuels et visibles. un homme hors, de l’extraire Les fonctionnaires du vi- (“edurre”, éduquer) de l’igno- rance pour le mettre dans la de l’homme-femme et vice ver- condition d’affronter de nou- sa. La vérité de l’être de chacun velles évidences. L’éducateur d’eux se dévoile seulement réveille. Le réveillé, l’instruit, lorsqu’ils se révèlent l’un à celui qui sort du sommeil, entre l’autre. Là où la différence dans le monde réel où il consta- sexuelle est oubliée, l’éduca- te comment sont les choses. Il tion de l’homme a déjà échoué. se sent libéré des rêves aux- Elle a échoué en raison de l’im- quels se rendaient sa raison et possibilité de marcher vers la sa volonté, plongées dans le vérité et le bien de l’homme. sommeil. Oserai-je dire qu’en n’accep- L’homme est éduqué dans la tant pas cette différence, l’hom- mesure où il permet à la vérité me barre le chemin qui le des êtres de le défendre du conduit à comprendre l’altérité chaos propre au monde irréel. de Dieu déjà dans le fait de se Le monde réel offre une résis- demander: “d’où viens-je et où tance aux désirs et aux calculs vais-je?”. de l’homme. Il exige que celui- vais-je?”. “Mourir et renaître, En d’autres termes, l’hom- ci s’adapte aux autres, c’est-à- cherchant “une seule chose” me, dans la mesure où il négli- dire qu’il abandonne les com- qui lui manque” (cf. Mc 10,21), ge et oublie la différence modités dont il jouissait dans le en cherchant cet Autre qui est sexuelle, ne s’oriente pas vers monde rêvé. La vérité des êtres le principe, d’où il provient et le sens de la vie, sens dont l’al- invite l’homme à se convertir à la fin vers laquelle le “nouveau térité commence à briller déjà eux, cela constitue l’essence pèlerin d’amour oriente son dé- dans l’altérité de l’autre per- 31 même de l’éducation. En effet, sir”3. Toute autre éducation ar- sonne. Si l’altérité du sens de la celui qui se convertit est infor- rête l’homme dans les choses vie commence à se manifester mé sur les opinions et appelé à qui, détachées de l’unité de la dans la différence sexuelle, ce coexister avec les autres. C’est fin et du commencement de la sens oblige l’homme à ne pas un passage pascal qui n’est ja- vie en raison de l’absence de la s’arrêter à celle-ci; la différence mais facile. question “d’où viens-je et où sexuelle ouvre seulement la La libération de l’homme, vais-je?”, reflètent seulement voie. Le sens même, brillant qui a lieu par la conversion, son être enfermé dans l’hu- dans le visible, demeure invi- commence par cette question: main. Se voyant dans les autres sible et invite à aller au-delà. “d’où viens-je et où vais-je”? et dans les choses comme dans C’est l’Invisible qui engage Cette question visant l’Invi- un miroir, l’homme voit seule- l’homme dans le sens profond sible dont la présence immor- ment ce hic et nunc auquel il du terme, non le visible. Donc, telle à chaque instant de la vie est réduit et dont le dernier mot c’est l’invisible et non le vi- fait que chaque fin n’est qu’un revient au plaisir. Les tautolo- sible qui éduque l’homme. commencement, libère l’hom- gies, pas seulement homo- Je pense que nous pouvons me des choses visibles qui pas- sexuelles, n’ont jamais le ca- nous passer d’explications par- sent. L’homme instruit et guidé ractère éducatif, elles n’édu- ce que le monde constitué par par cette question à l’Autre, ef- quent pas l’homme par lui-mê- les fonctions ne connaît ni la fleure le sens de la vie. Dans la me. vérité ni la trahison. Seul l’In- question “d’où viens-je et où L’éducation de l’homme visible, qui ne s’identifie à au- vais-je?” suscitée par l’expé- commence dans son corps. cune fonction, exige et appelle rience du temps que l’homme C’est son corps qui indique l’homme à la fidélité incondi- représente de la naissance à la d’abord à l’homme le moyen tionnelle. Précisément, en l’ap- mort, exprime dans n’importe de sortir de lui-même. En pré- pelant à elle, il le “conduit de- quel sens la mémoire de cet sence de la personne différente hors”; il l’éduque. Mais l’hom- Autre qui est éternité. Dans cet- sexuellement, l’homme com- me peut être fidèle à l’Invisible te demande vibre l’espérance mence à entrevoir la direction à condition que celui-ci brille que la fin de la vie ne nie pas dans laquelle il doit orienter dans le visible. C’est pourquoi son commencement, mais le son être extatique à la re- la fidélité de l’homme à l’Invi- confirme et lui accorde de l’im- cherche du principe et de la fin. sible s’accomplit dans la fidéli- portance. La question “d’où La vie vécue au-delà de la dif- té au visible, dans laquelle l’In- viens-je et où vais-je?” consti- férence sexuelle fourvoie la de- visible se révèle et se donne à tue le principe de l’éducation mande “d’où viens-je et où lui, de sorte que celui qui aban- au sens le plus profond du ter- vais-je?” et fait que l’homme se donne ce visible trahit les deux. me. L’éducateur est celui qui comporte de manière idiote; il Aimer l’Invisible comme si on aide l’homme à devenir cette est “mal informé”, c’est-à-dire abandonnait le visible et aimer question. Pour ce faire, il doit mal éduqué. le visible comme si on aban- déjà savoir unir le commence- La différence sexuelle “fait donnait l’Invisible: voilà le se- ment et la fin de la vie en se de- sortir” la personne d’elle-même cret ! Le Christ a révélé ce se- mandant intensément: “d’où et la conduit vers une autre. El- cret et lui seul, parmi les viens-je et où vais-je,”? Celui le les libère toutes deux de la hommes, a su le réaliser d’une qui sait les unir, sait vivre parce solitude dans laquelle personne manière divinement parfaite. que lui seul sait mourir et re- n’arrive à se comprendre. En En même temps, la fidélité à naître. Mourir et renaître de- effet, l’homme-mâle ne com- l’Invisible, s’accomplissant mandent “d’où viens-je et où prend son être qu’à la lumière dans la fidélité au visible, exige que l’homme abandonne le vi- ensemble. En s’unissant l’un et ou à acheter; son prix augmen- sible et s’élève toujours davan- l’autre, ils se mettent sur le che- tera ou diminuera selon les tage. Autrement, il ne pourra min du retour. D’où viennent- règles du marché. jamais être fidèle à l’Invisible. ils? De l’exil. Ils font l’ascen- Le premier est celui qui se Par manque de fidélité à l’Invi- sion, ils atteignent la cime... laisse former et conduire vers sible, sa fidélité au visible a Dans la confiance de l’hom- l’Autre invisible. Les premiers échoué, car elle n’essaie pas de me en l’homme, la question sont Abraham, Isaac et Jacob le sauver. “d’où viens-je et où vais-je?” parce que, brûlant du feu de Ce- La fidélité et la trahison se ne cesse pas d’être posée, mais lui qui est, ils n’ont aucun prix; réfèrent, de manière différente elle s’approfondit si je puis di- ils ne sont ni à vendre ni à ache- évidemment, au sens de la vie re, en direction de l’Invisible. ter. Ils peuvent seulement s’of- de l’homme. Par conséquent, Elle est toujours plus attendue, frir. Chacun d’eux est dignité, l’homme fidèle à l’Invisible adressée à ce qui, même surve- qui représente un idéal en soi. rayonnant dans le visible est fi- nant dans le temps qui passe, Ils vivent dans le monde des dèle à lui-même. Lorsqu’il tra- ne s’identifie pas à lui. L’hom- choses visibles, mais ils n’ap- hit cette totalité duelle, il trahit me confiant est fiable; en ne se partiennent pas à celui-ci. S’ap- son être orienté vers celle-ci. laissant pas dévorer par le sae- pliquant les mesures de l’altéri- Le sens de la vie, déjà pré- culum qui, comme dit Tacite, té du divin, qu’ils cherchent et sent en quelque sorte dans la corrumpit et corrumpitur, ne se désirent, ils se mesurent non question “d’où viens-je et où laisse pas corrompre et ne cor- pas avec leur temps mais avec vais-je?”, se manifeste comme rompt pas les autres. Seul, celui l’éternité qu’Il est. La compré- l’unité du principe et de la fin. qui n’est pas corrompu par les hensibilité d’Abraham, d’Isaac L’homme vient du principe et choses qui passent, autrement et de Jacob provient du feu dont 32 va vers la fin où il espère pou- dit celui qui n’est pas sécularisé ils se consument et qui leur per- voir le retrouver. L’aurait-il est capable d’éduquer les met de se présenter par ces pa- perdu? La réponse peut être autres. La transparence de son roles “je suis”. Provenant et al- seulement in illo tempore. être visible lui permet d’entre- lant vers la réalité qui advient in Voilà pourquoi il vit ce principe voir l’Invisible d’où, comme illo tempore, ils vivent le temps comme s’il continuait à le du soleil, tout et tous irradient. de leur existence terrestre com- perdre dans chaque hic et nunc. Voilà exactement ce que signi- me le temps du devenir et non À la lumière de ce qui survient fie être éduqué. comme le temps de la corrup- in illo tempore, il voit comme L’homme éduque l’autre tion. sont les choses qui passent et dans la mesure où il se révèle a La dignité exige l’héroïsme comment il faut se comporter lui. L’éducateur se donne à de l’agere, c’est-à-dire l’hé- pour leur rendre justice. Son l’éduqué. En d’autres termes, roïsme de la connaissance de éducation devrait être orientée l’éducateur meurt à lui-même. la vérité et de l’amour du bien. précisément vers ce qui arrive Il meurt à lui-même en se La dignité n’est pas acquise. in illo tempore et d’où provient confiant à l’autre. C’est pour- Elle fit. Elle se réalise précisé- la vérité de tout ce qui existe quoi il renaît en lui lorsque ment dans le fait de mourir à hic et nunc. Seul l’homme tour- l’autre se confie à son tour. soi et dans la reconnaissance de né vers les réalités qui survien- Tous les deux, en s’éduquant ce qui est aimé et connu. Celui nent continuellement sans ja- l’un l’autre, sont éduqués. Les qui ne se décide pas à penser et mais passer sait comment se non éduqués ne renaissent pas à exister de manière héroïque comporter dans chaque situa- parce qu’ils ne savent pas mou- manifeste qu’il est incapable de tion. Il est préparé aux choses rir. dire à l’autre: “je suis toi et tu nouvelles; aucune ne le sur- Les non éduqués sombrent es moi”, qu’il ne sera jamais di- prend ou ne survient à l’impro- dans la solitude, dans laquelle gnité. Dans son inaptitude à viste. le manque d’éducation de l’héroïsme se manifeste son C’est ainsi qu’ont été édu- l’homme envers la réciprocité manque d’éducation. Seul celui qués Abraham et son fils Isaac, de donner et de recevoir se ma- qui dit à l’autre: “je suis toi et sur les pentes de la montagne nifeste par le fait d’accepter la tu es moi” se comporte digne- dans le pays de Moriyya. Tous dialectique “serviteur-maître”, ment. C’est la dignité qui deux cherchent le sens de la dans laquelle le “maître” ins- éduque l’autre, en l’appelant à vie, donné par Dieu (cf. Gn 22, truit le “serviteur” et le “servi- être également dignité, c’est-à- 7-8); le père le cherche dans teur” instruit le “maître” selon dire à lui répondre: “moi aussi l’altérité du fils et le fils dans les propres besoins. La solitude je suis toi”. l’altérité du père. Ils se a toujours un caractère polé- Le manque d’éducation de confient à la vérité qu’ils mique, parfois même agressif. l’homme se manifeste dans son croient être d’origine divine et L’utilité et la facilité conduisent incapacité à dire “je suis toi et espèrent ne pas être déçus par le “serviteur” et le “maître” tu es moi” dans le mariage, la elle. Pour Abraham, cette vérité loin de l’Invisible “perdu” in famille, l’amitié. Il se manifes- brille chez Isaac, pour Isaac, el- illo tempore, le livrant aux te par son inaptitude à la mé- le brille chez Abraham. L’un choses d’un prix quelconque. diation pontificale entre les auget enrichit la confiance de Celui qui s’arrête aux choses hommes et Dieu, et de manière l’autre, mettant la sienne en lui. utiles et faciles jusqu’à s’iden- particulièrement douloureuse L’un pour l’autre deviennent tifier à elles sera toujours se- dans celle propre au sacerdoce, auctoritas, c’est-à-dire réalité cond, comme le sont les instru- au sens strict du terme. Les tra- où transparaît l’Invisible “per- ments qui servent à quelque gédies dans les mariages, dans du”, désiré et cherché par eux, chose. Il sera toujours à vendre les familles, dans les amitiés et dans l’Église même sont le ré- dent leur force éducative parce L’homme s’élève jusqu’à sultat du fait que de nombreux que dans les techniques de son “je suis” en se confiant à époux, amis, prêtres sont plutôt l’amour, de la connaissance et celui qui l’appelle en le tu- “simples ouvriers” (homines du travail, la vérité de l’homme toyant. Alors, pour pouvoir de- fabri) que “pontifes”. Ils ne ne se révèle pas, cette vérité qui venir soi-même, c’est-à-dire construisent pas de ponts qui rend libre. En effet, la vérité de “je suis”, il faut d’abord mourir unissent l’homme à l’Autre et l’homme ne se donne jamais à soi. C’est seulement ainsi que tous à l’Autre. En d’autres aux “idiots”, parce que les l’homme renaît comme “je termes, l’inaptitude à l’héroïs- “idiots” ne se donnent pas aux suis”. Chacun est “je suis” dans me ne les incite pas à se autres. l’autre. Mais les “idiots” ne le convertir aux autres. Par consé- La lumière de l’Invisible, sont pas, parce qu’ils n’y arri- quent, ils n’entrevoient pas le dont l’éducateur ravive la mé- vent pas. Sécularisés, les sens et la grandeur de la vie. moire (anamnesis) au plus pro- “idiots” se laissent corrompre Celle-ci est la tragédie même fond de l’homme, éclaire tous par le temps. du manque d’éducation de et tout. Et précisément, cette lu- Le “je suis” résonne divine- l’homme. mière libère l’homme de ment. Il brûle du “Je suis Celui Celui qui ne pense pas et “l’idiotie” et le conduit à la sa- qui est”. L’homme s’élève vers n’existe pas héroïquement n’a gesse même de l’amour, de la son “je suis”, s’élevant vers le pas un grand avenir devant lui. connaissance et du travail. Il “Je suis Celui qui est”, il Ne sachant où aller in saeculo, n’y a qu’un seul éducateur de s’abandonne afin de pouvoir il se laissera facilement cor- l’homme: l’Invisible. “Pour être vraiment soi-même. C’est rompre. L’homme sécularisé vous, ne vous faites pas appeler précisément pourquoi l’homme fait tout entièrement seul, “rabbi”: car vous n’avez qu’un est sacré, comme l’est le buis- n’étant pas instruit lui-même, il seul Maître et tous vous êtes son ardent. Devant son “je 33 n’arrive pas aux autres. Enfer- des frères” (Mt 23,8). suis”, il se sent appelé “à retirer mé dans sa tour d’ivoire, il de- L’éducateur éduque dans la ses sandales de ses pieds” (Ex vient Ð diraient les Grecs Ð mesure où il s’ouvre et invite 3,5). L’Amour qui est “je suis idiótes. “L’idiot” ne s’unit pas à l’autre à entrer afin de demeu- Celui qui est”, en l’irradiant le l’autre, il ne le cherche même rer avec lui. “Rabbi où de- libère de “l’idiotie” et le pas, c’est précisément pour ce- meures-tu?” demandèrent An- conduit à la liberté qui est une la qu’il est “idiot”. Réduisant dré et Jean au Christ. “Venez et seule: la liberté divine. Il n’est tout et tous, y compris soi-mê- voyez” leur répondit-il. “Ils pas facile d’être éduqué, c’est- me, à l’objet d’un prix quel- vinrent donc et ils virent où il à-dire libre, parce qu’il n’est conque, il brise l’ensemble or- demeurait et ils demeurèrent pas facile de devenir semblable ganique de l’amour, de la auprès de lui, ce jour-là” (Jn à Dieu. connaissance et du travail. Il les 1,38-39). Celui qui n’a rien à La maison où chacun est “je transforme en techniques pour révéler, mieux, qui a tant de suis” se fonde sur la relation réaliser telle ou telle chose. Il choses à cacher, ne sera pas “père/enfant”. Abraham et fait l’amour mais il n’aime pas, éducateur. Isaac sur les pentes du mont si- parce qu’il n’arrive pas à La maison doit être révélée, tué dans le pays de Moriyya l’autre; il fait connaissance en revanche la baraque doit être l’édifient; le père qui court à la mais ne connaît pas, parce qu’il cachée. C’est seulement dans la rencontre de l’enfant prodigue, n’arrive pas à l’autre et, par maison que l’homme éprouve les amis qui sont “en marche” conséquent, il fait un travail le “tu” que lui adresse celui qui vers Emmaüs ou ailleurs l’édi- mais ne travaille pas parce que, l’a invité à entrer. Ce “tu” le ré- fient (cf. Lc 24,13); tous ceux n’arrivant pas à l’autre, il ne veille puisqu’il entre dans le qui cherchent la vérité et le fait que produire des objets à monde réel constitué de son “je bien confiés à leur connaissan- vendre, dans lesquels il ne suis” et de la situation où il lui ce, à leur amour et à leur travail s’offre pas aux autres. Son est donné d’exister et de vivre. l’édifient. Dans la relation “pè- amour, sa connaissance et son Dans le monde réel, différent re/enfant” se réveille chez les travail sont malades. Ils per- du monde rêvé par son cogito, hommes la conscience du moi le “je suis” de l’homme se trou- dans laquelle ils se souviennent ve devant lui comme un don de cet Autre que l’Évangile leur primordial et en même temps, dit s’appeler “Père”. Dans et comme un devoir primordial. grâce à cette relation, les Le “je suis” ne résulte du “co- hommes découvrent, se “sou- gito” de personne et par consé- viennent” d’être aimés et quent, ne s’identifie à aucun connus “avant la fondation du cogitatum. Il se réveille dans monde” (cf. Ep 1,4). “N’appe- l’homme, qui s’en souvient. lez personne votre “Père” sur la C’est un peu comme si son “je terre: car vous n’en avez qu’un, suis” ne lui appartenait pas, le Père céleste. Ne vous faites tout en étant à lui. S’en souve- pas non plus appeler “Direc- nant, l’homme entre dans le teurs”: car vous n’avez qu’un travail qu’accomplit l’Autre in seul Directeur, le Christ” (Mt illo tempore. Donc, en s’éle- 23, 9-10). vant à son “je suis, l’homme S’il en est ainsi, l’éducation transcende le temps. Il ne se se réalise dans l’adequatio filii laisse pas séculariser. Il résiste. cum Patre, personae cum Per- sona et c’est dans cette adae- en animant tout son être à au sens le plus profond de ces quatio que se révèle la vérité s’identifier à elles sans qu’il termes. En s’unissant à cette indiquée et ciblée par la de- devienne leur maître. L’homme valeur, l’homme s’unit à l’être mande que l’homme se pose: compatit ces valeurs. La com- même. Après avoir rempli ce “d’où viens-je et où vais-je?”. passion le rend “proche” de con-summatum est, il peut fait En d’autres termes, la demande l’être qui l’a ému et touché. Le tout ce qu’il veut; son facere sur le sens de la vie commence bon Samaritain, passant auprès sera transfiguré par l’agere la génération spirituelle de d’un homme agressé par le (connaître et aimer). Dans ses l’homme. mal, “le vit et en eut compas- libres choix s’exprimeront la li- sion” (Lc 10,33). Sans doute, berté de l’amour et l’amour de Lorsque l’activisme effréné cet homme agressé par le mal la liberté. des “idiots” détruit l’homme et, était en lui-même un bien, un Donc, ces valeurs dépendent par conséquent, la société et la vrai, mais pour le prêtre et le lé- aussi bien des êtres qui sont nature, les médecins-sophistes vite, il ne représentait aucune “bons” et “vrais”, c’est-à-dire vendent différentes pommades, valeur. Ceux-ci étaient proba- aimés et connus “avant la fon- qu’ils appellent valeurs, pour blement pris et animés par dation du monde”, que de masser les parties douloureuses d’autres biens, qui selon les l’homme qui, dans sa compas- de l’homme aussi bien que de calculs de leur raison avaient la sion, se sent appelé à les aimer la nature. S’ils sont théolo- préséance. et à les reconnaître à nouveau. giens, ils parlent de Dieu com- Ce n’est pas par hasard si, En les aimant et en les recon- me si, même lui, était une des immédiatement après avoir ra- naissant à nouveau, autrement valeurs, la plus importante na- conté la parabole du bon Sama- dit en pensant et en existant turellement. ritain, saint Luc parle de la visi- dans la dimension métaphy- 34 Je ne m’insurge pas contre te du Christ à Marthe et à Ma- sique, l’homme grandit avec les valeurs, au contraire! Je suis rie. Marie “qui, s’étant assise les êtres. Mieux, il s’élève au- seulement contre les sophistes aux pieds du Seigneur, écoutait dessus du “bien” et du “vrai” qui en font des objets à vendre. sa parole. Marthe, elle, était ab- de l’être parce qu’il s’élève Les sophistes ont tué Socrate sorbée par les multiples soins vers leur commencement et dont les questions sur les va- du service. Intervenant, elle dit: leur fin, plus précisément vers leurs précisément (qu’est-ce ‘Seigneur, cela ne te fait rien Dieu. C’est lui qui, en tutoyant que la justice, qu’est-ce que la que ma sÏur me laisse servir l’homme, à travers le “vrai”, le paix? etc.) qu’ils prétendaient toute seule? Dis-lui donc de “bien” et le “beau” de tout être, connaître et pratiquer, les met- m’aider’. Mais le Seigneur lui le conduit à lui-même, c’est-à- taient dans l’embarras. répondit: ‘Marthe, Marthe tu te dire à la sainteté. La maison dans laquelle soucies et t’agites pour beau- L’éducation, si elle n’est pas nous demeurons est édifiée in- coup de choses; pourtant il en orientée vers la sainteté, se li- contestablement sur différentes faut peu, une seule même. mite à enseigner à l’homme à valeurs. Nous y trouverons des C’est Marie qui a choisi la faire telle ou telle chose, dont la valeurs vitales, économiques, meilleure part; elle ne lui sera valeur dépend d’une part des politiques, esthétiques, mo- pas enlevée” (Lc 10, 39-42). situations et de l’autre, des dé- rales. Nous possédons certaines Entrevoir que l’être est sirs et des capacités de calculs. d’entre elles; en revanche, nous “vrai” (verum) et bon (bonum), Nous avons dit que l’éducation sommes invités à devenir cer- ne signifie pas encore le vivre est liée à la raison. Donc, l’édu- taines valeurs plutôt qu’à les comme valeur à devenir. D’une cation qui n’est pas consacrée à posséder. Les valeurs possé- telle valeur cet être s’embrase la sainteté de l’homme, sainteté dées servent à notre survie et à dans l’homme, quand il se lais- qui transcende toutes les va- notre commodité, mais sans les se toucher par la vérité, par le leurs, le relègue dans les ba- autres, nous ne pouvons pas bien, par le beau de l’être qui raques. être dignité. La différence entre l’appelle à les défendre s’ils Toutes les valeurs, même les valeurs à posséder et les va- sont menacés ou à les réaliser celles à acquérir, disparaissent leurs à “être” apparaît dans la s’ils ne le sont pas encore. Ce- dès que l’homme cesse de les manière dont nous les connais- lui qui répond “non” à cet appel accomplir. Elles existent jus- sons et les réalisons. commet une injustice, détruit la qu’à ce que l’homme les réali- Les choses apparaissent à paix; au contraire, celui qui ac- se, en les calculant (valeurs à l’homme comme des valeurs à cepte établit la justice, la paix... avoir) ou compatissant avec posséder; celui-ci voit leur uti- La comparaison ne lui permet l’autre (valeurs à être). Dans les lité calculable pour son action pas de traiter l’être qui l’appel- deux cas, l’homme s’identifie à et son avoir. Sa raison (ratio, de le comme un objet utile à réali- ce qui vaut pour lui. En s’iden- reor, ratum, calculer) en calcu- ser ou à posséder. La compas- tifiant aux valeurs à acquérir, il le la valeur ou, mieux, le prix et sion le pousse à traiter cet être devient aujourd’hui ce demain, “connaît” son calcul, c’est-à- comme un sujet qui peut se cet objet calculé, ce que cer- dire sa construction. Indépen- donner (la personne) ou, muta- tains appellent “autocréation”. damment du fait que les êtres tis mutandis, qui lui a déjà été En revanche, celle-ci n’est sont vrais, bons et beaux (eus, donné (la chose). Entre l’hom- qu’un mauvais traitement de bonum, verum et pulchrum me et l’être qui l’appelle à le l’homme, un mauvais traite- convertuntur)4. défendre ou à l’aider, la valeur ment permis par son oubli de Les valeurs à devenir ne dé- apparaît comme une réalité qui soi. Au contraire, en accomplis- pendent pas de l’homme. Elles est encore à réaliser dans la sant les valeurs à devenir, s’offrent à lui, en le touchant et connaissance et dans l’amour l’homme existe comme sujet souverain, qui n’est possédé gnent en tant que don. C’est veux dire précisément lorsque par rien ni par personne. En ef- uniquement de sa décision de je parle de la croissance et de la fet, qui peut se rendre maître de les recevoir facilement ou non non croissance de l’être de l’homme en qui s’accomplit que dépend le fait qu’il existera l’homme. Ne contemplant pas, l’événement de l’amour, de la comme sujet ou comme objet. ne devenant pas templum, foi, de l’espérance, l’avène- La capacité de recevoir les va- l’homme lui-même n’est pas à ment de la vérité, de la justice, leurs fait défaut lorsque l’hom- contempler. Il ne dit pas à de la paix et de tant d’autres va- me idolâtre sa raison et sa vo- l’autre et l’autre ne lui dit pas: leurs insaisissables par des lonté et, par conséquent, quand “je suis toi et tu es moi”. Il mains avides? il limite la liberté aux libres marche à tâtons, gaspillant “les L’être sujet, en qui s’accom- choix. Les libres choix qui biens hérités” (verum, bonum, plissent les valeurs dont la vali- n’émanent pas de la liberté font pulchrum), comme les gaspille dité dérive de la sainteté vers sombrer l’homme dans la l’enfant prodigue dans un laquelle l’homme est orienté, chaos où, dans le meilleur des “pays éloigné”, oubliant son ne sera jamais quelque chose cas, il cherche le salut dans le propre être et celui du père, du d’acquis une fois pour toutes. moralisme ou dans l’esthétis- frère, des autres colocataires5. L’homme devient sujet en tra- me, autrement dit, dans la pos- La contemplation fait défaut, vaillant continuellement; c’est session des valeurs morales ou la connaissance, l’amour et le dans son travail qu’il est infor- des valeurs purement esthé- travail disparaissent. L’activis- mé au sujet “de la poussière du tiques. me, même l’activisme moral, sol” (cf. Gn 2,7) et conduit vers Les idiots peuvent augmen- corrompt l’homme parce qu’il la liberté de Dieu créateur qui ter leur possession, même mo- le sécularise. Marie, assise aux sempre laborat (cf. Jn 5,17). rale (possession des vertus) et pieds de Jésus “a choisi la Pour un homme, le fait d’être esthétique, mais pas leur bien- meilleure part et elle ne lui sera 35 sujet résulte, d’une part, de son être. Afin que l’être de l’hom- pas enlevée” et c’est celle-ci: travail filial continu et de me puisse croître, il devrait sa- dire à l’autre, de tout son être: l’autre, du travail continu du voir arriver à l’autre. Malgré je suis toi et tu es moi. Père. Le Père engendre et crée les apparences, les idiots qui Là où l’identité de l’homme toujours. Lorsqu’il dit à l’hom- n’arrivent pas à l’autre et ne est oubliée, l’homme ne sait où me: “tu es mon fils, aujour- s’unissent pas à lui, ne connais- demeurer. La maison est une d’hui je t’ai créé”, il se donne à sent pas le réel et ne travaillent demeure dans laquelle tout est lui et quand Dieu fait un don, il pas vraiment, parce qu’ils ai- tourné vers le “centre”, d’où le fait de manière divine: il ne ment seulement leurs construc- provient l’identité de tout ce garde rien pour lui. Même pas tions. qui se trouve dans les limites lui-même. Le Père est absolu- L’être de l’homme grandit tracées par ce “centre”. Devant ment pauvre. Il est seulement seulement lorsqu’il croît avec le “centre, l’homme s’incline Père, c’est-à-dire Amour; “je un autre être; croître avec lui en en adoration. Si le “centre” suis qui je serai” (Ex 3,14); contemplant son identité. n’est pas Dieu mais seulement “Dieu est amour, qui demeure L’identité de chaque être repré- quelque chose qui essaie de dans l’amour demeure en Dieu sente un templum, un temple et l’imiter, l’adoration dégénère et Dieu demeure en lui” (1 Jn le temple n’est plus un temple en une prosternation idolâ- 4,16). Voilà la vérité de l’être pour celui qui est prêt à tout trique comme devant le “veau sujet divin et de l’être sujet hu- pour s’en emparer. La posses- d’or”, dont la possession dé- main qui le devient. Ë la pau- sion est divisible parce que ce- pend de la raison et de la volon- vreté paternelle de Dieu l’hom- lui qui est possédé est divisible. té. Alors, il ne faut pas s’éton- me doit répondre par la pauvre- Le templum divisé n’est plus ner si ceux qui adorent le “veau té filiale qui est encore à réali- templum. Si le verum, bonum, d’or” adorent les soi-disant ser. pulchrum étaient divisés cha- libres choix de leur raison et de Tout cela signifie que les va- cun en soi, cet Autre auquel ils leur volonté. Chez les hommes leurs à devenir, dont l’homme nous renvoient serait divisé. prosternés devant ceux-ci, les décide la réalisation, le rejoi- Notre connaissance de la vérité valeurs de l’être ne se ravivent et notre amour du bien seraient plus. Les prosternés ne voient divisés également, en d’autres que la terre, mieux, ils ne termes, notre être personne. voient que ce morceau qui se Être divisé signifie être calcu- trouve à la portée de leurs lable. Ni Dieu ni l’homme ne le mains et sur lequel reposent sont. leurs pieds. Ils calculent avec la Alors, en ne s’élevant pas spontanéité dont leurs libres au-dessus de l’avoir, même au- choix répondent aux stimula- dessus de la possession des ver- tions déterminées par les situa- tus, donc en n’édifiant pas la tions. Ils ne réussissent pas à al- maison avec cet Autre qui est ler au-delà, vers la sainteté de absolument pauvre et que nous la liberté qui, si elle n’est pas appelons Père, l’homme non divine, n’est pas liberté. L’ido- contemplatur, c’est-à-dire qu’il lâtrie des libres choix représen- ne devient pas templum. Il ne le te le maximum de l’éducation, devient pas parce qu’il n’entre c’est-à-dire le fait de se laisser pas dans le templum de l’identi- arrêter par telle ou telle chose. té des autres. C’est ce que je L’idolâtrie est le principe de la destruction de la maison, autre- vais-je? Je t’en prie dis-le sence les rend maladroits. Ils ment dit le principe de la des- moi !” Là-haut, sur la cime, perdent tout, même s’ils ga- truction de l’être filial de Abraham et Isaac, irradiés par gnent le “monde entier” (Mc l’homme et le principe de la né- l’Invisible, accomplissent un 8,6). gation de l’être paternel de acte de confiance tellement Si telles sont les choses de Dieu. grand dans la sainteté de la li- l’homme, le seul “manuel” de Dans la société ainsi pros- berté divine que, à partir de ce l’éducation à la pauvreté divine trée, la personne “honnête” sait moment-là, tout en existant sur du “je suis” est le discours du établir les équilibres sociaux la terre, ils ne lui appartiennent Christ sur la montagne (cf. Mt des intérêts individuels, traités plus. Ils aiment la terre et ils 5 et 6). C’est là que, dans la de manière idolâtrique. Au l’abandonnent6. Ils vivent com- mémoire de l’homme, se fait contraire, la personne qui n’a me s’ils volaient. Là-haut sur la insistante la question: “d’où pas jeté parmi les objets usés cime, celui qui n’ouvre pas ses viens-je et où vais-je?”, ses l’honestas, qui dans la philoso- ailes et ne s’élance pas dans ailes se libèrent et se déploient phie classique parle de l’union l’abîme, avec l’espoir de pou- dans le désir de prendre le vol de l’homme avec le vrai et avec voir voler au-delà de lui-même au-delà de tout avoir, vers la le bien transcendant l’utilité et dans la liberté de l’Autre invi- pauvreté divine de l’Amour, le plaisir, est classée parmi les sible, s’écroule spirituellement, “qui fait se mouvoir le soleil et fous. en se livrant aux rêves des les étoiles”6. L’homme mal éduqué, au fonctionnaires. sens le plus profond du terme, Le jeune riche était trop riche Pr Stanislas GRYGIEL c’est-à-dire l’homme dominé pour pouvoir voler. “Mais lui, à Professeur d’anthropologie par l’agir et par l’avoir, croit ces mots, il s’assombrit et il philosophique à l’Institut 36 même pouvoir faire le “perdu” s’en alla contristé, car il avait “Jean Paul II” pour les études dans son désir. Parfois, il croit de grands biens” (Mc 10,22). sur le Mariage et la Famille pouvoir le faire avec l’aide de Ayant beaucoup de vertus, il à l’Université du Latran, Rome l’éthique recroquevillée dans la pensait gagner aussi le royau- science, dans laquelle les ver- me des cieux. Mais il n’était tus morales représentent des pas capable de vendre tout, de instruments pour construire et faire le pas décisif. Les vertus avoir “le royaume des cieux”. peuvent enfermer l’homme Le jeune homme riche pose à dans l’idiotie éthique et défor- Jésus la question: “que dois-je mer sa vie spirituelle puisque, faire pour avoir en héritage la avec les ailes qui lui ont été vie éternelle”? La réponse de données pour voler, il ira Ð di- Jésus est adaptée à cette de- rait C.K. Norwid Ð balayer les Notes mande éthique: “Observe les rues. “Heureux ceux qui ont 1 PLATON, Repubblica, VI, 492 b. commandements”. Le jeune une âme de pauvre, car le 2 Ibidem, 492 et 493 a. homme continue: “Tout cela, je royaume des cieux est à eux” 3 DANTE ALIGHIERI, La divine Comé- die, Le Purgatoire. VIII, 1 et 4. l’ai observé dès ma jeunesse”. (Mt 5,3). “Vous donc, vous se- 4 Je parle de ce que l’on appelle les Alors Jésus fixa sur lui son re- rez parfaits comme votre Père transcendentaux dans la métaphysique gard et l’aima et lui dit: “Une céleste est parfait” (5,48). classique, ens, verum, bonum et pul- chrum convertuntur. seule chose te manque: va, Dans les axiologies déta- 5 L’obéissance entendue comme cette vends tout ce que tu as et don- chées de la métaphysique de la ascension dans la contemplation des ne-le aux pauvres... et suis- relation père/fils, les valeurs autres et dans l’adoration de Dieu n’aliè- ne pas l’homme, parce que le fait d’obéir moi” (Mc 10, 17-21). s’affolent, tandis que l’homme, à un autre homme, en le contemplant, et L’homme que la possession essayant de les vivre, devient en fin de compte obéir à Dieu en l’ado- des biens a rendu impossible à fou. Les valeurs folles ne l’ai- rant, signifie suivre la vérité de la propre identité dont l’accomplissement en Dieu éduquer ne saisit pas de tout dent pas à prendre le vol. Elles se reflète dans l’identité sacrée des son être l’appel de Jésus qui se contredisent. Arrêtées dans autres. Nous avons affaire à l’aliénation l’invite à sortir de l’avoir pour le présent, elles cessent d’être de l’homme, au contraire, lorsqu’il obéit aux fonctions, “en les contemplant” et posséder les vertus. Il ne com- un événement de sainteté. Par aux fonctionnaires, “en les adorant”. prend pas que, seuls les conséquent, elles sont facile- 6 Dans cette perspective de se jeter hommes libérés de l’avoir arri- ment utilisées dans les luttes dans l’abysse de la sainteté de la liberté de Dieu, je lis les paroles du Christ: “Qui vent à l’être et sont rejoints pas politiques. Que signifient les aime son père ou sa mère plus que moi son verum, bonum, pulchrum... mots “paix”, “fraternité”, n’est pas digne de moi. Qui aime son fils On s’élève vers l’être. Au “amour”, “espérance” dans la ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi. Qui ne prend pas sa croix et ne suit sommet de l’être, où sont mon- bouche des politiciens et des pas derrière moi n’est pas digne de moi. tés ensemble Abraham et Isaac, fous qui les manipulent? Le Qui aura trouvé sa vie la perdra et qui au- il n’y a plus aucun avoir auquel “royaume des cieux” vu com- ra perdu sa vie à cause de moi la trouvera” (Mt 10, 36-39). L’amour qui se raccrocher; là-haut, l’hom- me un objet idéal à conquérir et n’abandonne pas l’aimé, afin qu’il puisse me peut seulement se décider à à posséder, se transforme en grimper sur la colline, détruit non seule- accomplir un pas définitif pour utopie, vers laquelle est orien- ment l’aimé en l’arrêtant pour lui, loin du mont (cf. Gn 22,4), mais également sa libération; là-haut devant tée l’éducation de l’homme. l’amant. Ce n’est donc pas de l’amour. Si l’homme, il n’y a que l’abysse Éduqué dans l’utopie, l’homme Abraham n’avait pas abandonné son fils de l’Invisible dans lequel se je- devient malade en raison d’une Isaac, tous deux seraient restés au pied du mont avec leurs serviteurs, comme leurs ter comme une question/défi ascension irréelle. Il est absent “maîtres” et en même temps “serviteurs”. façonnée seulement par l’espé- et donc, traité comme tel. Les 7 DANTE ALIGHIERI, La divine Comé- rance: “d’où viens-je et où riches sont absents. Leur ab- die. Le Paradis, XXXIII, 145. TABLE RONDE “Les lieux d’éducation aux valeurs”

I: La famille

Dès les premières années qui 4) Enfin, la famille devrait te de déficience immunitaire suivirent la découverte de la représenter le point fort dans la sur les valeurs essentielles qui maladie, on ne s’est pas beau- lutte contre le sida, l’endroit ne peut manquer d’être recon- coup soucié de la famille dans d’où doit partir la contre at- nue comme une pathologie au- le cadre de la lutte contre le si- taque, dans la mesure où elle thentique de l’esprit”1 Cette 37 da. On a d’abord pensé à l’as- reprend son premier rôle édu- “crise des valeurs préoccupan- pect médical et épidémiolo- catif, où elle parvient à trans- te”2 “caractéristique de l’appa- gique de la maladie et par mettre ses valeurs à ses enfants rition et de la diffusion du conséquent, à sa prévention et les ouvre à l’amour authen- sida”, continue le Saint-Père, technique. Aujourd’hui, il ne tique. trouve une de ses origines prin- pourrait plus en être ainsi. Le La réflexion présente se li- cipales dans la crise de la fa- signal d’alarme a été lancé par mitera à ce dernier point, celui mille. Lorsque la famille est les travailleurs sociaux et ceux des valeurs propres à la famille déficiente, détruite ou infidèle qui soignent les malades à l’ex- qui lui permettent de prévenir à sa propre vocation, elle perd térieur de l’hôpital, c’est-à-dire la contamination du sida à ses sa “chaleur” et, selon l’expres- par ceux qui se trouvent enfants. Ce sont ces valeurs qui sion de Jean Paul II, “l’immu- d’abord en contact avec la réa- doivent être soignées, soute- nologie psychologique et spiri- lité humaine du sida. En pre- nues et encouragées dans le tuelle de ses enfants tend à mière ligne, nous trouvons les cadre de la lutte contre le sida. s’estomper”3. organisations humanitaires in- ternationales, parmi lesquelles l’O.M.S., qui attirent l’atten- 1. L’infection du sida, 2. La famille comme lieu tion sur ce lien polymorphe signe d’une crise dans de formation du caractère entre le sida et la famille qui les valeurs humaines de la personne humaine échappe aux règles et aux plans, mais se trouve toujours Malgré la diversité évidente Si cela est un élément qui se plus au centre du problème de du contexte et de l’épidémiolo- constate de manière empirique, la maladie et de ses répercus- gie, la même réflexion est va- il est également vrai que les en- sions. lable aussi bien dans le domai- fants trouvent dans le climat Ceci est vrai à quatre ni- ne du sida transmis par voie familial les défenses néces- veaux différents: 1) tout sexuelle que dans le domaine saires pour surmonter le défi d’abord, il y a un rapport de du sida transmis par la toxico- que comporte aussi bien l’at- cause à effet entre la détériora- manie. Dans les deux cas, celui trait vers une activité sexuelle tion des structures et des va- de la contamination par un rap- prématurée, immature, peu res- leurs familiales et l’apparition port homo ou hétérosexuel et ponsable, réduite au seul plai- et la diffusion du sida. celui de la transmission par les sir individuel, que vers l’usage 2) Ensuite, il y a le grave seringues contaminées par le et la dépendance de la drogue. problème que pose le sida à la virus, nous trouvons chez le Il en est ainsi parce que la fa- famille: il détruit les familles et sujet un terrain de faiblesse mille devient la clé de voûte et les liens familiaux, mine la so- psychique: immature, peu res- l’élément primordial dans la lidarité et l’esprit de famille, ponsable envers lui-même et formation du caractère de la conduit les parents à la mort et les autres, disposition qui le personne et donc, guide décisif les enfants restent orphelins. conduit vers le comportement pour le comportement avec au- 3) La famille est le meilleur à risque. trui et avec la société entière. endroit pour soigner le malade Dans cette faiblesse de ca- du sida, pour l’aider et l’ac- ractère de l’enfant, qui l’expo- a)La famille, première école compagner jour après jour, se à la contamination, on peut fondamentale pour la vie pour l’assister dans son chemi- souligner, selon l’expression nement vers la mort. du Pape Jean Paul II, une “sor- Si on peut parler d’une éco- logie humaine, la première tent déjà dans la personne au communion fondée sur le don école fondamentale et la niveau de la disposition, mais réciproque des conjoints, structure en faveur de celle-ci elles pourront difficilement les toutes les relations entre les est la famille. En effet, au sein développer si elles n’ont pas membres de la communauté de la famille, “l’homme reçoit été apprises déjà dans la struc- familiale sont inspirées et gui- les premières notions détermi- ture primaire de formation re- dées par l’accueil, la rencontre nantes concernant la vérité et çue dans le milieu familial. et le dialogue, la disponibilité le bien, dans la famille il ap- généreuse, le service désinté- prend ce que signifie aimer et b)Le don de soi comme ressé, la profonde solidarité être aimé et, par conséquent, cellule génératrice (cf. FC 43). ce que veut dire concrètement dans l’éducation familiale En effet, de source qu’il être une personne”. Il est évi- était, l’amour des parents doit dent qu’ici, on parle de la “fa- “On ne peut oublier que devenir “l’âme et donc la nor- mille fondée sur le mariage où l’élément le plus radical dans me qui s’inspirent et guident le don de soi réciproque de l’éducation, telle qu’elle quali- toute l’action éducatrice l’homme et de la femme crée fie le devoir éducatif des pa- concrète, en l’enrichissant des un milieu de vie dans lequel rents, est l’amour paternel et valeurs de douceur, de l’enfant peut naître et épa- maternel”. C’est cet amour qui constance, de bonté, de servi- nouir ses capacités, devenir conduit à la perfection l’œuvre ce, de désintéressement, d’es- conscient de sa dignité et se de l’enfant commencée par la prit de sacrifice, qui sont les préparer à affronter son des- procréation. fruits les plus précieux de tin unique et irrempla- D’une part, il y a la relation l’amour” (FC 36). çable” (CA 39). d’amour entre les parents et les 38 Et c’est ici que nous tou- enfants qui constitue la chons le cÏur de la famille, meilleure école pour leur for- 3)La famille, soit comme lieu d’éducation mation et leur éducation. Mais lieu d’éducation aux d’hommes et de femmes d’autre part, il y a l’enfant qui, valeurs personnelles maîtres de soi, soit comme comme tout homme, a besoin l’opposé, comme occasion per- d’amour et “ne peut vivre sans Dans une famille bien consti- due pour acquérir ces valeurs amour”. Il “reste pour lui-mê- tuée, les enfants sont considé- humaines fondamentales. me un être incompréhensible si rés comme des personnes L’éducation dans la famille est l’amour ne lui est pas révélé, uniques et originales, avec avant tout vie, valeurs vécues, s’il ne le connaît pas et ne le leurs dons et leur vocation spé- plus tard seulement et de ma- fait sien” (RH 10). Donc, cifique. Par conséquent, ils sont nière secondaire, il s’agit de d’une part il y a le besoin donc guidés vers le respect de quelque chose de conceptuel. d’amour et de l’autre, la struc- soi, la découverte de leurs ca- La vie vécue peut ensuite se ture appropriée pour satisfaire pacités de discerner les valeurs transformer en concept, en ex- pleinement ce besoin. Voilà morales. C’est pourquoi la fa- pression intellectuelle dans la pourquoi, la famille fonctionne mille doit être la source princi- réflexion postérieure, pour parce que les personnes comp- pale de transmission des va- fixer la valeur vécue précé- tent en tant que telles, sont ai- leurs morales. demment, en devenant alors mées et traitées comme des Les parents forment donc les une valeur consciente. personnes. enfants dans les valeurs essen- Reconnaître et désirer la va- Le centre et la cellule géné- tielles de la vie humaine. Si leur aide à l’intégrer à la vie, ratrice de la capacité de la fa- certaines de ces valeurs ne mais ceci n’est pas nécessaire- mille dans l’éducation des en- s’acquièrent pas dans le milieu ment acquis et automatique. fants est précisément le don de familial, il est très difficile de L’école et les autres moyens de soi que se font mutuellement les acquérir ensuite. Par consé- formation peuvent aider à ap- les parents. Don qui, outre les quent, c’est dans la famille que profondir ces valeurs qui exis- parents, concerne et unit égale- l’on apprend la liberté correcte ment les enfants. En effet, à la face aux biens matériels, par base de leur existence se trouve un style de vie simple et austè- une réalisation concrète de ce re. En effet, les enfants peuvent don initial qui les a fait devenir s’enrichir dans le sens de la une seule chair. Les enfants vraie justice, du respect de la manifestent au moins dans un dignité personnelle des autres sens physique la réalité de cette et également du véritable seule chair qui, malheureuse- amour comme sollicitude sin- ment, serait pauvre si elle cère et service désintéressé à n’était pas la manifestation de autrui. la communion de leur esprit. C’est précisément dans la fa- C’est cette communion profon- mille que l’on apprend le sens de des personnes des parents véritable de la sexualité et que qui doit informer et régir la vie l’on prépare chaque enfant au quotidienne de la famille com- don de soi comme point de dé- me communication et partici- part d’une vie d’amour. Ici, pation de tous ses membres. Et l’éducation sexuelle vise à in- précisément parce qu’elle est tégrer la sexualité dans la ri- chesse de toute la personne Ð essentielles, personnelles et so- corps, sentiment et âme – et ciales de la chasteté, de la res- manifeste sa signification dans ponsabilité et de la solidarité. le don de soi que la personne Aujourd’hui, on parle beau- réalise dans l’amour. coup de l’information des jeunes sur le sida et sa trans- mission. Mais on oublie que 4. La famille, l’information ne suffit pas: lieu d’éducation comme le déclarait le Saint-Pè- aux valeurs sociales re dans son discours du 15 no- vembre 1989, au IVe Congrès Le don de soi, inspire du Conseil pontifical pour la l’amour des conjoints et se si- Pastorale de la Santé à Rome: tue comme modèle et norme de “en premier lieu, il faut donc ce don qui doit se réaliser entre confirmer avec force que la frères et sœurs et entre les dif- prévention pour être à la fois férentes générations qui co- digne de la personne humaine existent dans la famille (cf. FC et vraiment efficace, doit se 27). La communion et la parti- tus, donc servir au bien de la proposer deux objectifs: infor- cipation quotidienne aux mo- société. C’est de la famille en mer de manière appropriée et ments de joies et de difficultés effet que sont issus les bons ci- éduquer à la maturité respon- familiales, représentent la pé- toyens qui ont compris et ten- sable” (n. 5). dagogie la plus concrète et la tent de vivre pour les plus Informer les jeunes sur l’in- plus efficace pour l’intégration proches et les plus éloignés fection du sida, sur les modes 39 active, responsable et féconde dans le sens du don de soi. Ils de transmission et son évolu- des enfants dans l’horizon plus ont trouvé dans le milieu de la tion est certainement impor- large de la société (ib.). famille la meilleure école de tant. Mais cette information La famille est le “lieu de vertus humaines et sociales. n’est pas suffisante en soi pour rencontre de plusieurs généra- Voilà pourquoi la famille est empêcher ces jeunes d’adopter tions qui s’aident mutuelle- considérée comme l’âme de la le comportement irrespon- ment à acquérir une sagesse société (cf. FC 42). C’est pour sable qui favorise le sida. plus étendue et à harmoniser cela que “la famille constitue le Pour porter du fruit, l’informa- les droits des personnes avec berceau et le moyen le plus ef- tion sur le sida doit rencontrer les autres exigences de la vie ficace pour humaniser et per- chez ces jeunes un sentiment sociale” (GS 52). “C’est pour- sonnaliser la société” (FC 43). de responsabilité enraciné quoi, face à une société qui dans l’enfance. risque d’être de plus en plus L’éducation aux valeurs, dépersonnalisante et anonyme, 5. La famille dans la lutte dispensée par la famille est et donc inhumaine et déshu- contre le sida transmis donc fondamentale dans la manisante, avec les consé- par voies sexuelles prévention du sida. Le Saint- quences négatives de tant de Père a clairement indiqué la formes d’‘évasion’ Ð telles que La famille n’est pas seule- condition par une éducation l’alcoolisme, la drogue ou mê- ment l’élément transmetteur efficace dans la prévention du me le terrorisme Ð la famille des valeurs personnelles et so- sida. Il s’agit d’aider les possède et irradie encore au- ciales, mais elle est aussi édu- jeunes à découvrir “le sens jourd’hui des énergies extraor- catrice à l’égard de ces valeurs, fondamental de l’existence qui dinaires capables d’arracher elle a un rôle essentiel dans la se trouve dans l’amour qui se l’homme à l’anonymat, de prévention de l’infection du si- donne” (discours du 15 no- l’éveiller à la conscience de sa da chez ses propres enfants. vembre 1989, n.5). “C’est dignité personnelle, de le revê- Lorsque l’on se pose la ques- seulement” par ce genre tir d’une profonde humanité et tion de l’éducation à donner d’éducation “que les adoles- de l’introduire activement aux jeunes pour prévenir le si- cents et les jeunes peuvent avec son unicité et sa singula- da transmis par voies avoir la force de vaincre les rité dans le tissu de la société” sexuelles, on se situe dans une comportements à risque” (ib.). (FC 43). perspective négative: que faire Donc cette éducation doit être Pour ces rapports humains pour ne pas contracter le sida? une “préparation à l’amour qui dépassent son cercle, la fa- À cette question, il n’y a responsable et fidèle” (ib.). mille devient également l’école qu’une seule réponse possible, L’encyclique Evangelium Vi- nécessaire et incontournable qui ne trompe pas et est positi- tae (25/3/1995), reprenant la des valeurs personnelles et so- ve: il faut adopter un compor- “Familiaris Consortio” insiste ciales comme le respect de la tement chaste, c’est-à-dire se sur l’importance de cette édu- personne, la justice commu- préparer à l’amour conjugal cation sexuelle donnée par la nautaire et sociale, la solidari- pour se donner au vrai famille, qui doit être une “for- té, le travail, etc. La famille ne conjoint. mation à la chasteté”, vertu peut se réaliser comme telle Dans le milieu familial, la qui favorise la maturité de la sans servir la vie des enfants, prévention contre le sida trans- personne et la rend capable de c’est-à-dire engendrer et édu- mis sexuellement, passe en ef- respecter le sens ‘sponsal’ du quer les enfants dans les ver- fet par l’éducation aux valeurs corps” (EV n.97). le don de soi dans le mariage, permanent d’immaturité dans ne savent pas vivre les exi- leur personnalité. gences de ce don. Les consé- Quant la famille est fidèle à quences pour les conjoints se sa vocation, quand on vit au traduisent par des difficultés quotidien, dans la famille, le dans leur vie de relation avec la don de soi, la générosité, la so- famille, l’incapacité de se réali- lidarité et le respect de la per- ser de manière cohérente par le sonne et de sa liberté, alors cet- don effectué et pour les enfants te famille est le milieu idéal qui ont vécu ces troubles, par aussi bien pour la prévention le vide et la désorientation que pour la récupération et dans leur âme au sujet du sens l’intégration dans la société. de la vie et des valeurs qui la structurent dans les relations avec les autres. Conclusion Dans le milieu de la drogue, tous ceux qui sont parents, Le problème de la préven- 6. La famille dans la amis et accompagnateurs des tion domine aujourd’hui la dis- prévention du sida drogués, reconnaissent comme cussion éthique sur le sida. Le associé à la toxicomanie une donnée incontestable que message que l’Église adresse à l’élément principal qui favorise tous les hommes de bonne vo- Le problème de la préven- l’usage de la drogue est l’ab- lonté au sujet du sida est beau- tion du sida transmis dans le sence absolue ou relative de la coup plus vaste que la discus- 40 milieu de la toxicomanie vie de famille. En effet, l’ab- sion sur l’usage du préservatif semble éloigné du précédent. sence de famille prive la per- ou sur le genre d’informations Ici, il ne s’agit plus de l’éduca- sonne des valeurs humaines et à donner aux jeunes: c’est un tion à l’amour responsable, lui laisse peu ou pas de res- “oui” à la vie, un “oui” à une mais de la lutte contre la toxi- sources pour se protéger contre vie vécue noblement et humai- comanie. Dans ce domaine, la dépendance insidieuse de la nement, dans le respect du nous retrouvons, avec la même drogue. Ceci est une des pre- propre corps et de celui des importance, les valeurs trans- mières causes, mais certaine- autres. Ë la question: “préser- mises au sein de la famille. Là ment pas la seule. vatif ou non?”, l’Église répond où la famille remplit son rôle La toxicomanie est avant “chasteté”, maîtrise de soi, éducatif, il n’y a pas de place tout un symptôme qui exprime éducation à l’amour véritable, pour la drogue. Il est vrai une situation intérieure de vide fidélité, responsabilité indivi- hélas! que la transmission des profond. Vide de ces valeurs duelle et sociale. Ce n’est pas valeurs est difficile aujourd’hui morales qui aident à orienter un message anachronique; ce dans bien des foyers. L’usage l’existence. Ce vide de valeurs n’est pas un message impos- de la drogue est attesté dans de essaie d’être compensé artifi- sible. Mais ce message suppo- très bonnes familles. Mais il ciellement par la fuite vers les se que la famille soit forte, fi- est utile de rappeler que le toxi- mondes irréels, imaginaires dèle à sa vocation d’éducatrice comane est souvent issu d’une que produit la drogue. Voilà d’hommes, parce que fidèle à famille faible, fragile ou in- pourquoi, cette thèse est sa vocation d’amour et de don, stable pour de nombreuses rai- concluante: “on ne résorbe pas source de vie et de liberté au- sons; une famille qui ne peut la drogue par la drogue” ou, en thentique. ou ne sait pas réagir en offrant d’autres termes, le problème une éducation intégrale pour n’est pas médical ou psychia- S.E. Mgr FRANCISCO affronter les problèmes cou- trique, du moins dans un pre- GIL HELLIN rants de la vie. mier temps, mais il est essen- Secrétaire du Conseil pontifical Les toxicomanes sont vic- tiel, humain, de valeurs. de la Famille, Saint-Siège. times, à la première personne, Les recherches sur le phéno- de leur propre décision, mais mène de la drogue montrent pour une bonne part, ils sont clairement la relation existant d’abord victimes d’une société entre la famille et la drogue. sans âme qui produit ses mo- Lorsque les valeurs réelles dèles de vie et incite les per- n’ont pas été inculquées aux sonnes à les admirer, en les fa- enfants au sein du foyer, ceux- çonnant à l’image et à la res- ci font l’expérience du vide semblance de ces déformations avec angoisse. Cela peut être vides de sens. une conséquence de la désarti- Aujourd’hui, ceux-ci sont en culation et de la désagrégation augmentation préoccupante de la famille ou, en raison de sa Notes dans la société et aboutissent à faiblesse, de l’absence d’une des crises matrimoniales et fa- 1 JEAN PAUL II, Discours aux partici- autorité qui doit être également pants à la Conférence internationale or- miliales: séparations, divorces, soutenue par l’exemple. Les ganisée par le Conseil pontifical pour la cohabitations, qui manifestent jeunes sont obligés de porter le Pastorale de la Santé (1989), Enseigne- le manque de maturité de la ments de Jean Paul II, XII, 2 ,p. 1270. lourd fardeau d’une adolescen- 2 Ibid. plupart de ceux qui, ayant fait ce interminable, dans un état 3 Ibid. p. 1273. II: L’école

Introduction tion en trois parties: le défi édu- l’Église encore plus. La société catif aujourd’hui, l’éducation civile redécouvre, en effet, la Luc Montagnier qui, avec aux valeurs, l’éducation grande valeur de l’éducation et Robert Gallo, a découvert le vi- sexuelle et affective. la considère comme une des rus responsable du sida, a pré- priorités absolues pour assurer cisé que pour empêcher sa dif- l’avenir non seulement des in- fusion “les moyens médicaux Le défi éducatif aujourd’hui dividus, mais de l’humanité en- ne suffisent pas: il est beaucoup tière. En particulier, l’école est plus important qu’il y ait des On a souvent affirmé que devenue le carrefour sensible campagnes qui aillent en pro- l’époque historique où nous vi- de ces changements et est appe- fondeur et auxquelles partici- vons n’est pas seulement une lée à en relever les défis et à les pent les différents acteurs de la époque de changements, mais vaincre. Aujourd’hui, on obser- société, contre des pratiques un véritable changement ve deux tendances directrices sexuelles contraire à la nature d’époque. Lumières et ombres, prédominantes: d’une part, on biologique de l’homme. Et sur- conquêtes de civilisation et s’efforce de faire en sorte que 41 tout, il faut éduquer la jeunesse nouveaux défis, pauvreté et ri- l’école et l’éducation soient de contre le risque de la promis- chesse, marginalité et dévelop- qualité et adaptées, puis- cuité et du vagabondage pement représentent le clair qu’elles doivent enseigner “à sexuels”. Les paroles de l’hom- obscur à l’aube du nouveau lire et à faire les quatre opéra- me de science français intro- millénaire. Paradoxalement, tions” dans la société d’aujour- duisent bien le thème qui m’a nous nous trouvons devant une d’hui. été confié. Parmi les acteurs de réalité où les changements en la société appelés à effectuer cours ont augmenté la possibi- ces campagnes, figure certaine- lité de chacun d’accéder à l’in- Éducation et valeurs ment l’institution scolaire. De formation, au savoir et à des différents côtés, on invoque lieux comme certaines régions Cependant, j’estime que le l’intervention de l’école com- de l’Afrique et de l’Asie, mais défi éducatif est tout autre. En me lieu de prévention, on éla- également de nombreuses péri- effet, les perplexités que cette bore des programmes pour ex- phéries européennes ou situation éducative suscite sont pliquer en quoi consiste le sida, d’Amérique du Nord où l’ac- nombreuses: je fais allusion les modalités de transmission cès à l’instruction est refusé, particulièrement aux valeurs, à du virus, l’information ou les où le taux de “mortalité” sco- la personne, à la conception de rapports à risque. Mais on parle laire est élevé et où l’on comp- l’éducation et de l’école. Je me plus rarement des valeurs, de la te des millions d’analphabètes. demande en effet s’il est suffi- maturation affective et du sens Un monde développé et tech- sant pour éduquer d’instruire de la vie. Cela ne doit pas sur- nologique et un monde qui les jeunes à utiliser des tech- prendre en ce sens qu’une réali- souffre l’exclusion et l’anal- niques et à gérer des systèmes té difficile et complexe est mise phabétisme: malheureusement, complexes. Ou de mettre celui à nu, qui concerne l’identité dans l’éducation aussi, le mon- qui est éduqué en condition même de l’école et investit son de est divisé en deux. En même d’acquérir de nouvelles atti- rôle éducatif. À juste titre, mon temps, dans le “premier” mon- tudes au travail. Et encore, si intervention se situe dans une de, les éléments de change- l’éducation a atteint ses objec- table ronde qui a pour thème ments scientifiques, technolo- “les lieux de l’éducation aux giques et économiques exigent valeurs”, mais la véritable une modification des compé- question est de savoir si l’éco- tences et des adaptations no- le, dans certaines régions du toires, provoquant, dans une monde au moins, est vraiment partie toujours plus importante éducative. Malheureusement, il de la population, un sentiment ne s’agit pas d’une demande d’incertitude et des situations rhétorique. De la capacité de nouvelles marginalisation. d’éducation de l’école dépend Nous sommes plongés dans un la possibilité de rendre les va- événement qui n’est pas seule- leurs plus proches des jeunes et ment partiel, mais a les carac- de développer une authentique tères de la globalité et de la to- “prévention” d’une maladie talité. comme le sida, qui atteint les Dans ce contexte, l’éduca- comportements, les valeurs, le tion a été déclarée, à juste titre, sens de la vie, la sexualité, etc. “question centrale” de ce chan- Je développerai mon interven- gement d’époque. La commu- nauté civile en est convaincue, tifs lorsqu’elle fait d’un élève des libres choix en se fondant Éducation affective un manager ou un profession- sur des valeurs assumées libre- et sexuelle nel affirmé. Le problème du si- ment. Du point de vue pédago- da est une réponse éloquente à gique et éducatif, l’essentiel est J’ai d’abord parlé de la tota- l’insuffisance de cette formula- d’enseigner à la personne, pour lité de l’homme et l’affectivité tion méthodologique. Ces de- utiliser un terme cher à Aristo- et la sexualité sont une partie mandes me rappellent un récit te, “le métier d’homme”. Tout importante de cette totalité. Un de Postmann, un pédagogue ceci nous introduit dans le dis- discours organique sur la matu- américain qui parlait de la “fin cours fondamental de l’éduca- rité affective ne peut oublier les de l’éducation”. Alors, pour tion aux valeurs, le centre de conditions existentielles per- que l’école et l’éducation aient cette table ronde. sonnelles et relationnelles, ainsi encore un sens, il faut vaincre La pédagogie de notre que l’insécurité sociale et éco- l’équivoque de leur réduction à siècle, qui a influencé de ma- nomique, les difficultés d’inté- une simple instruction et en- nière décisive la manière d’être gration sociale des jeunes et la droit d’instruction. Il ne s’agit de l’école, est plus “fonction- crise des valeurs qui caractéri- pas de fournir simplement des nelle” au sujet, à ses goûts, à sent notre société. connaissances, mais de faire ses motivations et à ses exi- L’éducation affective, envi- sortir du garçon l’homme, de gences qu’orientée vers les fins sagée dans le processus unitaire permettre au jeune garçon de et les valeurs. Nous devons re- de maturation de la personne, devenir un homme dans la plei- connaître que, aujourd’hui en- dont l’école ne peut manquer ne maturité de tout son être. core, la composition de ces de se charger, est elle aussi une L’homme, la personne a une deux pôles n’est pas atteinte, ouverture progressive aux va- dimension spirituelle, éthique, même si le problème commen- leurs morales, à l’acquisition 42 affective, religieuse, sociale qui ce à être ressenti de plusieurs de la capacité de la personne de ne peut être oubliée dans le par- côtés, incluant des auteurs et vivre la dimension émotionnel- cours éducatif, sous peine d’as- des chercheurs d’extraction le, sentimentale, psychosexuel- sister à “la fin de l’éducation”. culturelle et idéologique diver- le, amicale, dans une indépen- Dans un document publié par se, qui souhaitent un retour aux dance de jugement et à la lu- la Congrégation pour l’Éduca- valeurs dans les milieux éduca- mière de valeurs pleinement as- tion catholique il y a plus de tifs authentiques et en particu- sumées par la rationalité même vingt ans et consacré à l’école, lier à l’école. Il est juste que la de l’homme. L’élève apporte à on lit: “Si on écoute les exi- personne qui fréquente l’école, l’école tout son “moi”. Les gences les plus profondes qui est en contact avec la cultu- complexes dynamiques et les d’une société caractérisée par re, soit aidée à dépasser les dif- modalités par lesquelles l’école le développement scientifique férents conditionnements (bio- contribue à la formation des en- et technologique, qui pourrait logiques, psychologiques et so- fants et des adolescents sont aboutir à la dépersonnalisation ciaux) hérités du passé ou pré- l’objet d’étude par des experts, et à la “massification” et si on sents dans le contexte où elle mais la force de son influence veut donner à celles-ci une ré- vit, mais cette “liberté de” n’est pas mise en discussion. ponse adaptée, alors il faut que n’est pas suffisante si elle ne Les rapports entre les per- l’école soit vraiment éducative, devient pas “liberté pour”. Il sonnes englobent des valeurs et à même de former des person- s’agit, en somme, de donner des éléments variables sur les- nalités fortes et responsables, aux jeunes la possibilité de quels les rédacteurs des pro- capables de choix libres et s’interroger sur les valeurs grammes scolaires (fonction- justes. Cette caractéristique auxquelles ils veulent consa- naires, directeurs, etc.) n’exer- peut se déduire davantage de la crer leur vie, sur quels idéaux cent que peu ou aucun contrôle. réflexion sur l’école comprise investir le propre capital hu- La relation enseignant-élève comme une institution où les main. Il faut atteindre l’autre s’affirme, en effet, dans une jeunes sont formés à s’ouvrir rive de la liberté, celle de la psychologie personnelle et de progressivement aux réalités et responsabilité, sans tourner valeurs où l’on peut difficile- à se préparer une conception de dans le vide, dans le désenga- ment situer des méthodes ob- vie déterminée” (Congrégation gement. La liberté qui choisit, pour l’Éducation catholique, sans valeurs, quelque chose ou L’école catholique, n. 31).En quelqu’un, se transforme en un mot, il faut récupérer dans le lourdeur, fardeau, “enfer”. Il parcours éducatif et scolaire le faut pouvoir choisir “pour”, de sens total de l’homme. manière positive. Concrète- Mais qui est donc l’homme ment, l’école doit pouvoir, à accompli, celui vers lequel doi- travers ce qui lui est propre, vent tendre les efforts former à une chose essentielle: éducatifs? Aujourd’hui, on in- le courage d’une véritable li- siste beaucoup sur les diffé- berté. Le sida malheureuse- rents aspects de la formation, ment est souvent le symptôme mais le nÏud de la question se extrême d’une liberté mal gé- trouve ailleurs. Outre les diffé- rée, d’un vide existentiel rem- rentes “formations”, le pro- pli de paradis artificiels pro- prium éducatif est différent, il duits par les drogues, d’un va- consiste à permettre à celui que gabondage sans but et privé de l’on éduque de savoir opérer sens. jectives claires, en ce sens que monde extérieur. Les consé- mais elle fait partie d’un chaque personne est un “mon- quences de ces formules sont contexte plus large. Les milieux de en soi”. Certes, le rapport af- facilement prévisibles. Dans dans lesquels on acquiert des fectif entre les personnes suit notre cas, elles se traduisent en valeurs ou des “non valeurs” des stratégies, mais les modali- remèdes pseudo-éducatifs et sont nombreux. Ces milieux tés par lesquelles il s’explique partiels comme la distribution sont subdivisés par les spécia- demeurent à peu près incon- de préservatifs et l’usage de se- listes en deux catégories. Fonc- nues. L’enfance et l’adolescen- ringues stériles. Très souvent, tionnels et intentionnels. Fonc- ce sont les phases où la person- dans les écoles, on se contente tionnels sont les contemporains nalité forme ses structures af- d’éduquer au minimum, en se et la société dans ses aspects fectives de base et coïncident limitant à une information qui instrumentaux et de communi- avec l’époque scolaire. La res- se veut “scientifique”. Au cation sociale. Ils mettent le su- ponsabilité de l’institution sco- contraire, il faut essayer de jet devant la problématique laire appelée à être la “maison” “voler haut”, surtout à l’école, sexuelle et non seulement (par où les élèves peuvent s’épa- en fondant sur la personne exemple de la violence, des nouir est donc très grande. Plus concrète et réelle le parcours drogues, etc.) et agissent sou- grande encore, la responsabilité éducatif. La personne est per- vent de manière traumatisante, des éducateurs dont dépend es- çue pour ce qu’elle est: un être ils se désintéressent des mi- sentiellement la réussite du rationnel, doté de liberté et neurs et de ses réactions éven- projet scolaire éducatif. donc de rationalité, orienté vers tuelles. Il suffirait de citer ici Le domaine de l’éducation le transcendant et ouvert à certaines transmissions de la té- sexuelle, pour reprendre un ju- l’autre, non pour des contin- lévision, des films ou de penser gement du philosophe Abba- gences sociales, mais pour des aux milieux dans lesquels les gnano, est le secteur le plus dif- nécessités intérieures, propres à jeunes vivent leur temps libre. 43 ficile et le plus instable de la l’être humain. La maturation Au contraire, les milieux in- formation des jeunes, dans la- affective et sexuelle implique tentionnels sont constitués par quelle personne ne se sent vrai- donc des projets, l’oblation et la famille, l’école, les groupes ment à l’aise, même s’il a de- la responsabilité. La maturation de jeunes. Au sein de ceux-ci, vant lui une longue expérience sexuelle saine et correcte n’est on essaie d’éclairer les jeunes à d’enseignant et un chemine- possible que s’il y a chez l’indi- la recherche, de satisfaire leurs ment de réflexion consolidé. vidu des motifs qui la justifient intérêts et leurs exigences, de En effet, l’éducation sexuelle, et comblent le sujet dans sa to- susciter des attitudes positives ayant pour objectif la matura- talité. Dans ce sens, la sexualité par rapport à la vie, au divertis- tion de la personnalité féminine ne doit jamais être considérée sement, à la sexualité et d’en et masculine, ne peut être sim- comme un absolu, parce qu’el- encourager la maturation. Se- plement conçue comme une le doit être vivifiée continuelle- lon les données de la recherche, initiation à l’hygiène et aux as- ment par l’esprit et trouver sa les milieux fonctionnels préva- pects physiologiques de la plénitude dans la dignité de lent de loin sur les intention- sexualité, ni être réalisée à l’ex- l’état conjugal. L’amour hu- nels. Seule une moyenne d’en- térieur de la formation totale de main, dans un contexte éducatif viron 20 à 25%, pour demeurer l’homme. et scolaire sain et significatif, dans les problématiques de Les jeunes qui se préparent à doit être compris dans la pers- l’éducation sexuelle, reçoit les la vie ont besoin de connais- pective de l’engagement res- informations d’adultes compé- sances précises et élaborées ponsable, afin que la vie soit tents. La majorité est informée scientifiquement, mais ils doi- vécue à l’enseigne du sérieux et par les faits et les nouvelles de vent être guidés sur le sens glo- du projet. sources non qualifiées, qui ren- bal de la sexualité, de l’affecti- Comme on le voit, une telle dent instable l’équilibre per- vité et de leurs finalités objec- “anthropologie” concentre l’at- sonnel et au lieu de les ré- tives. Cela nous rappelle que tention éducative non pas sur soudre, ne font que compliquer dans le rapport éducatif, la l’instruction mais sur l’éduca- les situations individuelles. Ce- transmission éducative n’est ja- tion et sur l’objectif de la crois- ci doit faire réfléchir profondé- mais détachée des attitudes des sance. Elle réaffirme, en outre, ment, rendre toujours plus res- éducateurs et n’est pas neutre la valeur de l’idéal dans la ponsables les éducateurs et les de par sa nature, mais forte- structuration de la personne, préparer à leurs devoirs aux- ment liée à la conception an- parce que celle-ci est considé- quels ils ne peuvent renoncer. thropologique sous-jacente. rée comme un être qui ne réagit L’école en tant qu’institution Dans le cadre d’une anthropo- pas mécaniquement à des inci- éducative ne peut donc ignorer logie permissive par exemple, tations de la nature ou exté- les problèmes du développe- le sujet en croissance sent qu’il rieures, mais est capable d’ac- ment émotif des élèves et per- a droit au plaisir sexuel en de- cepter une autodiscipline et de mettre qu’ils subissent des dé- hors de n’importe quelle indi- sublimer ses impulsions sans veloppements préjudiciables de cation morale et culturelle. compromettre sa propre réali- modèles alternatifs. Même L’âge juvénile doit entrer dans sation. Dans ce contexte, l’édu- dans l’hypothèse idéale où les l’âge adulte dans une atmo- cation aux valeurs trouve sa parents accompliraient pleine- sphère libre de toute contrainte. place et sa signification et de- ment leur devoir, l’école de- Dans le cadre d’une anthropo- vient “prévention” de maladies vrait pouvoir amplifier et ap- logie naturaliste, l’homme est comme le sida. profondir l’œuvre. Mais considéré comme un objet de la L’école est certainement le lorsque celle-ci est tout à fait nature et étudié par rapport au lieu de formation aux valeurs, absente, comme cela semble advenir malheureusement dans lyvalent; il comprend, en effet, mot, la constitution d’une au- la plupart des cas, ses responsa- l’information sur les aspects thentique communauté qui bilités augmentent de manière descriptifs de la sexualité et sur éduque. L’Église offre en cela démesurée, compliquent les les questions relatives au sens sa contribution et son “expé- modalités d’intervention. Pour de la vie qui angoissent les rience en humanité”, comme ce devoir, l’école a besoin d’un jeunes et l’éducation propre et Paul VI aimait à le dire. En par- corps enseignant bien préparé, authentique visant à leur faire ticulier, les institutions scolaires d’un équipement suffisant et de comprendre les raisons de maî- catholiques avec leur projet la présence de spécialistes. Les triser l’instinct sexuel, pour éducatif, qui trouve son inspira- soucis principaux concernent l’assujettir à la raison et à la vo- tion dans le Christ et dans l’É- l’engagement des familles, la lonté, pour intégrer harmonieu- vangile, peuvent offrir leur ap- définition des contenus adaptés sement la sexualité à la person- port valable pour une éducation à chaque âge, les méthodes à ne, à l’affectivité, à un projet de “dans tous les domaines”, où utiliser en groupe et avec cha- vie. Le premier aspect de natu- les valeurs et la responsabilité cun, la physionomie de la clas- re scientifique n’implique pas ont pleinement “droit de cité”. se à laquelle on s’adresse. un objectif moral, le second est Certes, le problème du sida Malgré ces obstacles, l’école de caractère moral, mais sup- n’est pas seulement de nature doit garder une position de cri- pose une base de nature scienti- éducative, et dans certains pays tique, de recherche, d’expéri- fique et dans ce sens devient du monde comme l’Afrique par mentation pour remplir son rôle éducation aux valeurs. exemple, son incidence est tel- de guide dans le développe- lement élevée qu’elle peut éga- ment des jeunes. La tâche est lement compromettre l’avenir ardue et problématique. Cette Conclusions des peuples et des nations, mais 44 fonction s’aggrave en raison il est certain que l’école et des pièges dans lesquels peu- Il me semble que ce que j’ai l’éducation peuvent beaucoup vent tomber les enseignants: essayé de dire peut se résumer en formant des femmes et des penser que tout peut se ré- dans un concept fondamental: hommes responsables, capables soudre par l’information biolo- l’école doit être éducative et de faire de leur vie un don res- gique, vouloir se passer de la non seulement informative pour ponsable. famille, inculquer des concep- devenir “lieu d’éducation aux tions déterminées sur la vie, valeurs”. La récupération de S. Em. le Cardinal PIO LAGHI l’affectivité et la sexualité. Le cette dimension éducative exige Préfet émérite de la Congrégation contenu de l’éducation sexuel- une synergie profonde entre pour l’Éducation catholique, le, affective et humaine est po- école, famille, société, en un Saint-Siège

III: Les mass media

Comment les mass media téressé dans le contexte d’une gner par la vente de ces objets. peuvent-ils prévenir la diffusion union d’amour permanente et Personne ne gagne de l’argent du SIDA? exclusive d’un homme et d’une avec la maîtrise de soi et l’absti- Je sais que certains répon- femme dans le mariage, il sem- nence. Personne ne gagne de dront que les media doivent pro- blerait que l’utilisation des pré- l’argent en respectant les autres. mouvoir la notion de ce que l’on servatifs soit destinée à éviter la Cela explique peut-être pourquoi appelle “le sexe en toute responsabilité des partenaires et la maîtrise de soi, le respect des sécurité” – c’est-à-dire l’usage les conséquences indésirables autres et le respect du caractère des préservatifs dans l’activité d’une activité sexuelle envisagée sacré de l’activité sexuelle ne sexuelle. surtout comme un divertisse- sont pas encouragés et pourquoi Vous ne serez donc pas éton- ment plutôt qu’une activité de la vente de préservatifs est favo- nés si je ne partage pas ce point procréation. risée. de vue. Je pense également que cette Lorsque je préparais ces Tout d’abord, laissez-moi réduction à l’objet ou instrumen- quelques remarques, j’ai deman- vous expliquer pourquoi. talisation de l’activité sexuelle et dé aux membres de notre groupe Ë mon avis, la promotion de des partenaires conduise à la ré- de discussion, au cours de l’as- l’usage du préservatif est une in- duction à l’état d’objet d’anti- semblée générale du Synode des vitation à une activité sexuelle dotes contre la diffusion de ma- Évêques pour l’Europe, s’ils immature et irresponsable ainsi ladies graves. Voici ce que je avaient des suggestions à ce su- qu’à une promiscuité sexuelle. veux dire: l’activité sexuelle est jet et l’Évêque de Gibraltar m’a La promotion du préservatif est, considérée comme un simple donné un stylo sur lequel étaient à mon avis, mensongère égale- moyen de plaisir personnel et le écrits ces mots: “combattez le ment, parce que la méthode n’est partenaire est vu comme l’objet SIDA par un nouveau style de pas efficace à cent pour cent grâce auquel ce plaisir est obte- vie”. dans la prévention de la maladie. nu; l’antidote contre les consé- À une époque où la médecine Donc, au lieu de considérer la quences indésirables de cette ac- préventive est encouragée dans relation sexuelle comme un acte tivité se transforme en vente le but d’éviter de contracter des de don de soi et d’amour désin- d’objets et il y a de l’argent à ga- maladies qui sont à la fois diffi- ciles et coûteuses à soigner ou à à tout âge, les programmes doi- problème de l’activité homo- contenir, il est incroyable de vent bien illustrer la possibilité sexuelle, il n’en reste pas moins constater que certains ont le cou- de vaincre ces tentations, le vrai que la cause principale du rage de dire “combattez le SIDA grand prix psychologique et mê- SIDA, du moins aux États-Unis, par un nouveau style de vie”. me physique à payer si l’on cède est transmise par l’activité Permettez-moi donc de dire ce à la tentation et la nécessité du sexuelle déréglée et la seconde que je pense au sujet de ce que pardon, de la réconciliation et du cause, du moins au cours des peuvent faire les media pour em- soutien désintéressé dans les dif- dernières années, est l’échange pêcher la transmission du SIDA. ficultés. Donc, les programmes de la même seringue entre les Tout d’abord, les media peu- ne peuvent pas promouvoir uni- drogués. vent aider en faisant connaître quement la vertu de l’abstinence Si ces activités constituent les dangers de l’activité sexuel- mais également la compassion clairement un danger pour la le débridée et en encourageant envers ceux qui souffrent soit en santé, pourquoi ne pas avoir le l’abstinence sexuelle en dehors raison de la maladie, soit en rai- courage de le dire? Le moyen le du mariage comme une règle de son de la lutte contre une forte plus sûr d’éliminer, ou du moins conduite à observer. Les media tentation. de contrôler le SIDA, est d’éli- ont déjà fait beaucoup dans cer- Des campagnes publicitaires miner toutes les activités qui taines sociétés pour rappeler au peuvent faire passer le message sont censées le favoriser: activité public les dangers du tabac et ils que l’évêque de Gibraltar a fait sexuelle effrénée, surtout homo- ont fait de l’abstinence du tabac imprimer sur le stylo: “Combat- sexuelle, et l’utilisation d’une la norme acceptée. Quant au dé- tez le SIDA par un nouveau style même seringue par plusieurs sir sexuel, qui est beaucoup plus de vie”. Si des campagnes publi- drogués. fort et plus essentiel que le désir citaires ont été capables de dire: Si le tabac a été combattu si de fumer, la norme judéo-chré- “Fumer est dangereux pour la activement et si efficacement, 45 tienne a toujours décrété que santé”, pourquoi ne pourraient- pourquoi les media ne pour- l’activité sexuelle doit être réali- elles pas dire la même chose au raient-ils pas utiliser les mêmes sée et encouragée dans le maria- sujet de l’activité sexuelle débri- normes dans le traitement des ge et que l’abstinence sexuelle dée en dehors du mariage? problèmes de la drogue et de doit être observée en dehors du Il y a eu des campagnes publi- l’activité sexuelle? Dans les mariage. Pendant des siècles, la citaires contre l’alcoolisme – feuilletons à la télévision, ils loi judéo-chrétienne a égale- pourquoi n’y aurait-il pas de pourraient faire appel à des ac- ment servi de règle à la société telles campagnes contre l’activi- teurs sympathiques, qui ne elle-même. Ensuite, la révolu- té sexuelle déréglée? consomment pas de drogues et tion sexuelle est arrivée. Pour- S’il est évident que la meilleu- donnent des conseils contre leur tant, il devrait être assez récon- re manière d’éviter le cancer du usage, en dénonçant le danger fortant, pour ceux qui travaillent poumon consiste à ne pas fumer, de partager la même seringue et, dans les media, de savoir que la s’il est évident que la meilleure surtout, en montrant des person- norme de la moralité dans l’ac- manière d’éviter la toxicomanie nages connus et sympathiques tivité sexuelle est également est de s’abstenir complètement qui, eux-mêmes, donnent une norme de santé. Dans les de la drogue, si les media sont l’exemple en menant une vie media, on pourrait dire que encouragés non seulement à rap- sexuelle morale – qui s’abstien- l’abstinence sexuelle en dehors porter ces faits mais à construire nent de toute évidence de l’acti- du mariage est bonne pour la un service public de campagnes vité sexuelle en dehors du ma- santé physique et que ce n’est publicitaires ciblées sur ces su- riage. Il est assez déplorable de pas simplement un idéal spiri- jets, pourquoi les media ne sont- constater que de nombreux tuel de la tradition judéo-chré- ils pas encouragés à mener des exemples de comédies mo- tienne. campagnes pour promouvoir dernes considèrent les per- Des programmes de télévision l’abstinence de l’activité sexuel- sonnes qui s’abstiennent de l’ac- peuvent et doivent présenter une le trop libre et en dehors du ma- tivité sexuelle comme des ané- image positive de la vie de fa- riage? Il faut tenir bon et dire miques, alors qu’elles devraient mille. Sans négliger les diffé- “non” jusqu’au mariage! être considérées comme coura- rentes tentations qui surviennent Maintenant, ce n’est plus la geuses Ð en tout cas ayant un mode de fumer; ce n’est plus la profond respect d’elles-mêmes mode de se droguer; maintenant, et des autres. on ne boit plus avant de conduire Peut-être les media peuvent- et il est bon d’avoir un chauffeur ils découvrir et même avoir le désigné. Pourquoi ne pas lancer courage de faire savoir que la la mode de s’abstenir de l’activi- santé, le bonheur et même la té sexuelle avant le mariage, sainteté vont de pair – que l’acti- d’être capable de s’offrir pur et vité morale bien ordonnée peut sans tache à celui que l’on aime contribuer efficacement à un sty- dans le mariage seulement? Je le de vie personnel beaucoup suis certain que la plupart des plus sain et à une société plus femmes ne désirent pas épouser saine. un gigolo et que la plupart des hommes voudraient épouser une S.E. Mgr JOHN FOLEY vierge; pourquoi craignons-nous Archevêque de le dire et de le préconiser? Président du Conseil pontifical Tandis que le problème du pour les Communications sociales SIDA a dépassé actuellement le Saint-Siège TABLE RONDE “Expériences et projets d’actions et de programmes de prévention basés sur l’éducation aux valeurs”

I: Italie - Le CUAMM

Introduction des exceptions comme il se million d’orphelins ont perdu 46 doit. un ou les deux parents à cause Le CUAMM (Collège uni- La présente contribution se du sida. versitaire d’Aspirants et de Mé- fonde sur l’expérience d’inter- En Ouganda, une tendance à decins Missionnaires) est né de ventions de lutte contre le sida l’enracinement de l’épidémie l’idée d’un médecin catholique, menées par le CUAMM auprès du sida a été enregistrée. Les le Pr Francesco Canova, de for- de quelques hôpitaux ruraux données sur la prédominance de mer des médecins italiens et dans le nord de l’Ouganda. femmes enceintes séropositives étrangers, hommes et femmes, Cette contribution se situe indiquent une diminution gra- qui, dans l’exercice compétent davantage sur le plan de la mé- duelle de l’infection en milieu de la profession donnent le té- thode du dialogue et du repéra- urbain, déjà à partir de la moitié moignage de la charité évangé- ge des perspectives futures que des années ’90 (UNAIDS, lique. Sa devise est “Euntes cu- sur la défense des positions per- 1998). rare infirmos” extraite de sonnelles et de la concentration Cette diminution semble par- l’évangile de saint Luc. sur la situation contingente. ticulièrement significative chez Le CUAMM est né officiel- Tout d’abord, la situation du si- les femmes plus jeunes dont lement le 3 décembre 1950 et da en Ouganda sera décrite ain- l’âge s’étend de 15 à 19 ans. est une partie intégrale de la si que les expériences de pré- Deux enquêtes menées à une Fondation religieuse St Fran- vention en cours, ensuite, nous distance de 6 ans semblent indi- çois Xavier du diocèse de Pa- présenterons quelques ré- quer un changement réel des doue, il possède une personna- flexions sur trois points cri- comportements sexuels, surtout lité juridique canonique et civi- tiques: soigner le couple “in- chez les jeunes appartenant aux le. complet”, aider la jeunesse à régions urbaines où ont été me- Depuis 1954, le CUAMM a sortir de la solitude, conjuguer nées les recherches sur la pré- travaillé dans différents conti- la responsabilité personnelle et dominance de la séropositivité. nents du monde par l’envoi de la responsabilité sociale. Les changements de compor- médecins, d’infirmières et de tements sexuels des jeunes techniciens – plus de 1.000 – L’Ouganda en chiffres concernent: engagés dans des projets sani- taires hospitaliers, de soins de Population totale 20,4 millions santé de base, de formation Population urbaine 2,2 millions dans le milieu universitaire éga- Taux annuel de croissance de la population 2,5% lement, en collaborant avec les Taux de contamination chez les adultes 9,5% diocèse catholiques, plusieurs Taux de mortalité infantile 97/1000 Longueur de vie 41 ans congrégations religieuses mis- Taux de scolarisation: garçons 68% sionnaires, des ONG locales et : filles 45% en établissant des relations de Revenu moyen pro capite 240 $ coopération avec les gouverne- ments locaux. (UNAIDS, 1988) Actuellement, les projets sa- nitaires du CUAMM sont L’Ouganda et le sida – l’élévation de l’âge des pre- concentrés en Afrique et plus mières expériences sexuelles, précisément en Angola, Éthio- Les estimations de – l’élévation de l’âge du ma- pie, Kenya, Ruanda, Ouganda, l’UNAIDS indiquent que riage, Tanzanie et Mozambique. Le 930.000 personnes sont séropo- – la diminution des relations contexte dans lequel opère le sitives ou malades du sida, 1,8 sexuelles avec des partenaires CUAMM est surtout rural, avec million sont décédées et 1,7 occasionnels, – l’augmentation de l’usage maladies sexuelles et pour être victimes d’un optimisme du préservatif. l’adoption de pratiques cor- trop facile. Nous devons dis- rectes pour la transfusion de cerner, être réalistes: l’épidé- sang ont été améliorées en ce mie du sida nous accompagne- Expériences à caractère qui concerne la facilité d’ac- ra encore longtemps et les ré- préventif cès et l’efficacité; les commu- sultats positifs obtenus en Ou- nautés ont été engagées inten- ganda risquent d’être vains si Sur le terrain de la préven- sément dans la fourniture de on n’affronte pas avec courage tion, on rencontre de nom- services d’aide aux victimes certains points critiques, qui breuses associations. Deux or- du sida. sont à la base de la diffusion ganisations non gouvernemen- Ces résultats sont évidents, des comportements à risque et tales de Kampala TASO et bien documentés et encoura- des déterminants culturels, so- AIC ont lancé un projet intitu- gés. Ils sont le fruit d’un en- ciaux et économiques, qui fa- lé “Initiative Philly Lutaya”, semble de facteurs comme vorisent la diffusion du virus. qui a pour objectif de changer l’ouverture et la transparence Si le problème, comme tous les comportements sexuels du gouvernement ougandais le reconnaissent, consiste à avec l’aide de volontaires séro- dans la reconnaissance par le changer le comportement positifs, disposés à raconter gouvernement de la gravité du sexuel de la population, alors il leur expérience et leur condi- problème du sida et sa détermi- y a encore beaucoup à faire tion aux étudiants en particu- nation à combattre l’épidémie dans la transmission appro- lier. en réalisant un programme na- priée du message de la respon- Le “Club Jeunesse vivante” tional; il faut associer à cela sabilité sexuelle, de la valeur s’adresse toujours aux jeunes. l’intervention décisive des de la fidélité et de la chasteté. Il a été fondé en 1992 par Sr églises engagées dans les cam- Le cœur de la prévention du 47 Myriam Duggan, de la congré- pagnes de sensibilisation, dans sida est constitué des pro- gation des Franciscaines mis- le travail éducatif et dans l’as- blèmes d’éthique sexuelle. sionnaires de Marie, médecin à sistance aux malades; enfin, il Voilà pourquoi, j’estime que l’hôpital Nsambya de Kampa- ne faut pas minimiser l’enga- nous devons nous confronter à la: à partir de l’Évangile, on gement massif des organisa- certaines résistances qui, com- demande aux jeunes de com- tions non gouvernementales et me cette maladie effraie, sont prendre le sens de la sexualité le soutien appréciable de l’aide entourées de silence et d’em- dans la vie de l’homme et de internationale. barras. Dans ce sens, je pense prendre, en conséquence, des Ces résultats sont attribués que les perspectives d’avenir décisions cohérentes avec l’ai- aussi à la collaboration des en termes de prévention du si- de de la prière individuelle et malades du sida qui ont témoi- da devront tenir compte de la communautaire. gné, avec beaucoup de coura- pluralité des perspectives. Dans tous les hôpitaux des ge et une grande humilité, leur diocèses catholiques, y compris parcours personnel, entrelacé ceux dans lesquels opère le de souffrances et d’acceptation Soigner les couples désunis CUAMM et dans de nom- de la maladie. Nous connais- breuses paroisses, il y a des sec- sons ces malades par leurs Je voudrais partir de cer- tions consacrées à l’information noms. Il faut leur reconnaître taines réalités constatées dans aux communautés locales, à le tribut le plus significatif mon expérience personnelle de l’éducation et à la prévention, dans le fait d’inciter les gens, médecin. Il est bien connu que au diagnostic et au traitement nous-mêmes, à réfléchir et à la majorité des personnes des maladies sexuelles, aux lutter contre cette terrible ma- contaminées et malades du sida consultations et à la mobilisa- ladie. sont les femmes. Il est certain tion des communautés pour ai- Il est incontestable que c’est également que les cliniques der les personnes atteintes du un héritage extrêmement pré- pour maladies sexuelles, les sida. cieux que nous devons appré- sessions pour la régulation res- cier et diffuser, cependant, je ponsable des naissances sont crois que nous ne devons pas fréquentées par les femmes. Au Les perspectives futures: contraire, les choix en matière affronter avec courage de rapports sexuels, de planifi- certains points critiques cation familiale, certaines pra- tiques traditionnelles comme Au cours des dernières an- par exemple les mutilations gé- nées, on a réalisé beaucoup en nitales, la polygamie, l’obliga- Ouganda dans la lutte contre le tion pour une veuve d’épouser sida; les campagnes d’infor- un frère du mari défunt et mation ont atteint des couches d’autres, appartiennent à la toujours plus larges de la po- sphère d’influence, pour ne pas pulation; de nouvelles initia- dire au règne, de l’homme. tives vigoureuses ont été déve- La réalité des couples désu- loppées dans le domaine de nis ne se fonde pas seulement l’éducation, de la prévention et sur le système de décisions de l’assistance psychologique; conjugales unilatérales, mais les services de santé pour le aussi sur une absence notoire diagnostic et le traitement des de dialogue et de communica- tion entre les époux sur des su- dialogue intense et enrichis- demeurent sans réponses. jets aussi délicats et intimes sant. On ne sait et on ne fait Les réalités pastorales lais- que ceux mentionnés. Ceci se pas encore assez dans ce do- sent parfois beaucoup à désirer reflète également dans le com- maine. en matière de propositions et portement orienté vers le souci d’initiatives s’adressant aux attentif d’éviter la transmission jeunes. On perçoit un malaise d’une maladie sexuelle ou de Aider les jeunes à sortir et des difficultés de la part des la condition séropositive au de la solitude jeunes et des couples pour conjoint. À cela s’ajoute la ten- s’approcher de l’Église avec dance persistante d’attribuer le Les violences sexuelles, les confiance. J’ai l’impression stigmate social à la femme grossesses non désirées et les que pour des raisons histo- parce qu’elle est affectée de avortements, les maladies riques et culturelles, qui ne maladies sexuelles, ou séropo- sexuelles sont des phénomènes sont pas évangéliques, on sitive ou malade du sida, alors attestés, de manière assez dif- continue, en tant qu’Église, à qu’il est notoire que, souvent, fuse, chez les jeunes. donner l’impression qu’il y a les comportements sexuels de Nous nous en apercevons de des réserves morales dans le beaucoup d’hommes prédispo- manière limitée et tardive dans fait de parler ouvertement de la sent le couple aux maladies nos cliniques où seule une peti- valeur positive de la sexualité, vénériennes et à l’infection du te partie des jeunes se présen- d’affronter librement les pro- sida. tent, timides et honteux, avec blématiques sexuelles, de s’en- Il est donc pressant de contri- ce fardeau de problèmes à ré- gager avec détermination dans buer à favoriser la diffusion des soudre. Même dans ce cas, la l’éducation et l’éthique de vertus conjugales par l’intérêt réponse médicale et sanitaire l’amour. 48 paritaire, réciproque, respon- apparaît généralement partielle En l’absence des adultes sable des conjoints dans le et insuffisante. dans la famille et dans la com- choix de vie et de la sexualité. En Afrique, les jeunes sont munauté, on trouve en contre- Éduquer aux valeurs chré- nombreux, mais dans beau- partie une pluralité de valeurs tiennes du couple responsable, coup de domaines comme ce- très répandues dans la société. de la fidélité et de la chasteté lui de la sexualité, ils sont seuls Salles de thé, discothèques, pourrait alors signifier avoir le ou abandonnés à eux-mêmes. hôtels, magazines sont large- courage de lire, à la lumière de C’est une solitude qui se traîne ment diffusés dans le milieu l’évangile, les tabous, les su- depuis longtemps et est due à urbain et rural et véhiculent perstitions et la négativité – in- des raisons multiples. En pre- des modèles de comportement hérents et pratiqués dans toutes mier lieu, à la disparition des où prédomine une “culture les cultures, de tous temps et rites sociaux d’initiation, la fa- sexuelle masculine dans la- en tous lieux – qui provoquent mille n’est pas substituée. Et quelle l’excitation, la trans- frustrations et appauvrissement encore, au silence en vigueur gression, le plaisir, la violence dans le couple et dans l’image dans le couple s’associe un et le danger font partie de la de la figure féminine en parti- manque de dialogue entre les même sémantique”. En outre, culier. parents et les enfants. Et lors- les étudiants et les étudiantes Cela pourrait signifier égale- qu’il y a un dialogue, il semble des écoles secondaires sont ment récupérer de manière être dominé par les remon- nombreux à ne pas vouloir se chrétienne les valeurs reli- trances des parents contre les contenter du train de vie de la gieuses et sociales que chaque éventuels manquements, fautes famille et ils se prostituent par culture manifeste quant à la si- ou erreurs des enfants en ma- nécessité, afin de s’assurer des gnification des relations tière de comportement sexuel. rentrées d’argent. À la base de sexuelles et promouvoir ces té- Pour les parents, le dialogue ces comportements, nous re- moignages conjugaux exem- devient rarement une occasion trouvons des problèmes plus plaires, concrets, qui accompa- de transmission aux enfants profonds comme les abus gnent même de manière discrè- des connaissances, des idées et sexuels, un manque de respect te, en les instruisant, les com- des expériences sur les raisons de soi, des relations privées munautés dans les étapes alter- de la sexualité; la propre d’affection, une carence de natives et mystérieuses de la sexualité est un élément hu- “valeurs et d’objectifs”. conversion. main et chrétien d’identité et Les résultats obtenus en Ou- Nous avons besoin d’études de croissance, dans lequel l’en- ganda concernant les modifica- et de maîtres qui indiquent fant peut, à condition qu’il le tions des comportements clairement les clés de lecture veuille, se reconnaître et enfin, sexuels des jeunes sont ac- des cultures locales, mais il imiter. cueillis favorablement. Cepen- faut aussi des témoignages et L’absence des adultes s’étend dant, le défi à affronter est plus des témoins qui démontrent aussi à l’école où l’éducation à important. Il s’agit d’obtenir que la valeur chrétienne du la sexualité est rare et se traduit des changements comporte- couple intégral n’est pas seule- souvent par des explications mentaux à long terme. J’estime ment un énoncé, en ce sens embarrassées et furtives sur la que pour vaincre ce défi, l’ap- qu’elle se situe dans les décla- physiologie et la reproduction prentissage des seules tech- rations de principe mais se de l’homme, avec peu de ré- niques – apprises auprès de transforme aussi en un critère ponses, en tout cas inefficaces, formateurs occasionnels – pour d’action, en un principe moral aux nombreuses questions que éviter la contagion représente selon lequel le couple oriente les jeunes, surtout les adoles- une solution minimale et insuf- ses choix et les soutient par un cents, se posent. Questions qui fisante si elle n’est pas accom- sance économique. L’état d’in- l’enseignement social était dif- fériorité des femmes, le chô- fusé aux clercs et aux laïcs, si mage extrêmement important, elle encourageait des formes les guerres civiles, l’urbanisa- innovatrices de pastorale poli- tion désordonnée, la privatisa- tique et économique ainsi que tion croissante des services pu- des modèles expérimentaux de blics, l’accès difficile, souvent solidarité intra et extraecclé- refusé, des jeunes et des siale. femmes à l’éducation et aux Les mass media du Nord et services sanitaires sont des élé- du Sud pourraient intensifier ments qui favorisent la diffu- leur rôle de véhicules essen- sion de l’épidémie. tiels d’éducation sanitaire en Devant cette réalité, on peut accordant plus de place aux in- douter que la prévention puisse formations sur les progrès mé- à elle seule arrêter l’épidémie dicaux, sur les problèmes et les du sida, à moins qu’elle ne soit cas concernant les questions de accompagnée d’autres mesures la santé et de la sécurité, sur les pagnée d’un discours plus qui contribuent à construire un politiques sanitaires plutôt que complexe sur le sens relation- contexte social et économique de sacrifier l’objectivité et l’in- nel profond de la sexualité hu- favorable, disposé à soutenir et dépendance à la raison de l’in- maine, faite d’autodiscipline, à amplifier des programmes à fluence commerciale. d’harmonie, de croissance, de caractère préventif. C’est la Les chercheurs et les respect de soi et des autres, de question du développement, hommes de science pourraient projets de vie. Pour répondre à processus de changement so- aider à analyser les éléments 49 la complexité des attentes de cial qui libère les personnes et économiques, démographiques, l’amour chez les jeunes et chez les communautés des liens de psychologiques, socioculturels les adolescents, il faut des pro- la pauvreté, élargit les possibi- et d’organisation qui influen- grammes ciblés, gérés par des lités de choix entre différentes cent les comportements des adultes et des jeunes formés options, renforce la capacité personnes sur la perception convenablement comme édu- d’autosuffisance, encourage la des maladies, des maladies cateurs, il faut des centres de participation, améliore la qua- sexuelles en particulier, et à la réunions pour les jeunes et les lité de la vie. recherche de traitements. familles, il faut des centres de Cette approche “concorde En considérant les prix éle- sécurité et de protection pour avec la nature même du virus vés des médicaments, une res- les jeunes sans droits. et de sa caractéristique dans ponsabilité de première impor- l’épidémie invisible (asympto- tance pour le monde scienti- matique), visible (symptoma- fique occidental consiste à dé- Conjuguer la responsabilité tique) et mortelle”. Par consé- velopper un vaccin efficace, personnelle et la quent, tous les programmes de- sûr, dont le coût soit suppor- responsabilité sociale vraient se fonder non seule- table. L’accent mis actuelle- ment sur l’accès à la préven- ment sur les traitements phar- À la base de la diffusion du tion, au test du dépistage, au macologiques antirétroviraux sida, se trouvent non seulement traitement et à l’aide commu- associés risque de concentrer le problème du comportement nautaire mais plus générale- les efforts sur les bénéfices en humain et de la responsabilité ment, sur un continuum entre faveur d’un nombre restreint éthique de la personne, mais prévention et développement. de personnes plutôt que sur les également des éléments déter- Le chemin à suivre pourrait bénéfices potentiels en faveur minants sociaux et écono- être celui de la construction de de beaucoup. miques fondés sur l’inégalité et ce que l’on appelle “le capital Il faudrait demander aux l’injustice et aussi un problème social”. Une route très longue gouvernements locaux et à la de responsabilités éthiques et à parcourir mais ouverte à communauté internationale sociales. tous. d’agir de manière responsable On a dit que le sida est le Les organisations non gou- au niveau de l’équité dans la problème de tous et de chacun, vernementales pourraient jouer distribution des ressources et mais en réalité il concerne sur- un rôle important si, renonçant de l’aide pour soutenir le déve- tout et pour la énième fois les à rivaliser entre elles, elles tra- loppement. Je suis certain que pauvres. Il est incontestable vaillaient avec le tissu social le dialogue et les rapports entre que le fardeau le plus lourd de diversifié en favorisant la parti- le Nord et le Sud sur le sida la maladie du sida retombe en cipation des personnes à des présentent beaucoup d’affinités grande partie sur les pays réseaux formels et informels, et de correspondances avec les pauvres et les pauvres. Ceci est en encourageant des normes discussions sur l’économie également valable pour l’Ou- sociales positives, en suscitant globale, le commerce mondial, ganda où, malgré le développe- des niveaux élevés de confian- le rôle des Nations Unies et ment marqué de ces derniers ce, en exaltant la cohésion so- d’autres problèmes similaires. temps, le revenu réel pro capite ciale, en servant de médiateurs entre les personnes et les insti- est retombé à nouveau, cette Dr GIOVANNI PUTOTO année, au niveau de 1970. tutions publiques. Conseiller du CUAMM Mais la pauvreté n’est pas seu- L’action même de l’Église Organisation de Bénévolat des lement une question de crois- apparaîtrait plus efficace si Médecins de Padoue (Italie) II: Le SIDA en Inde

Introduction sont porteuses. En fait, nous partie de cette augmentation vivons dans un monde “où il y est due aux meilleurs rapports Le virus du SIDA n’est arri- a 16.000 infections du SIDA et dépistages de cas qui ont sui- vé en Asie, patrie de la moitié chaque jour et où 9 personnes vi les différentes activités du de la population mondiale, que sur 10 sont séropositives et NACO vers la fin des années ’80 début ignorent qu’elles sont infec- Les données de contrôle re- ’90. Aujourd’hui, la région tées” (ONUSIDA, 1999). cueillies au niveau national compte à elle seule près de (NACO, 1988) indiquent clai- 20% des infections mondiales. rement que l’infection du Les experts s’inquiètent au su- Situation du SIDA en Inde SIDA prédomine dans toutes jet de l’importance de la propa- les parties du pays. Au cours gation de l’épidémie en Inde, En Inde, la population at- des dernières années, elle s’est où plus de quatre millions de teinte du SIDA n’est pas uni- répandue à partir des régions 50 personnes sont infectées – le formément répartie et n’aug- urbaines vers les régions ru- plus grand nombre de per- mente pas selon un pourcenta- rales, transmise par les indivi- sonnes infectées dans un seul ge uniforme. Les facteurs dé- dus ayant un comportement à pays (UNAIDS, 1999). terminants sont (Thomas & risque élevé à la population en En Inde (NACO, 1998), Pereira, 1999): général. Des études montrent l’épidémie du SIDA a déjà dix a) le temps et le lieu où l’in- que de plus en plus de femmes ans. Au cours de cette brève fection apparaît d’abord; fréquentant les cliniques pré- période, elle est apparue com- b) l’efficacité des cam- natales sont positives au test me un des problèmes de santé pagnes de prévention; VIH, indiquant l’augmentation les plus graves du pays. Les c) l’efficacité des tests de dé- du risque de transmission pré- premiers cas de SIDA ont été pistage; natale. identifiés chez les prostituées à d) le niveau socio-culturel et Le rapport 1997-98 NACO Mumbai et Chennai et chez les religieux des personnes; montre que 75% environ des toxicomanes dans l’état de Ma- e) les voies de transmission; infections se transmettent par nipur au nord-est. Même si les f) la présence d’autres sys- voies sexuelles (aussi bien ho- officiels signalent des milliers tèmes de transmission de la mosexuelles que hétéro- de cas d’infection du SIDA, il maladie et d’autres maladies sexuelles): 8% environ pro- y a cependant une grande diffé- transmissibles; viennent de transfusions san- rence entre les cas signalés et g) le genre de distribution de guines et 8% de l’usage de les estimations, en raison de soins et de rapports disponibles drogues. Plus de 90% des cas l’absence de données épidé- dans le pays et signalés sont transmis par l’ac- miologiques dans la plupart h) d’autres facteurs (Panos, tivité sexuelle dans le groupe des régions du pays. Dossier, 1990) comme un sys- économiquement productif de Donner une estimation pré- tème de surveillance sanitaire 15 à 49 ans. Un cas sur quatre cise de la situation n’est pas peu subventionné et manquant est une femme. une chose facile. L’ONUSIDA de personnel suggèrent qu’il Voici quelques facteurs aux- et l’Organisation mondiale de n’est pas toujours possible quels on peut attribuer la diffu- Contrôle du SIDA (NACO – d’évaluer précisément l’éten- sion rapide de l’épidémie dans Inde) établissent des statis- due de l’épidémie dans un le pays: la migration des tra- tiques sur les personnes at- pays. vailleurs et la mobilité des gens teintes du SIDA et font de leur En 1986, les quelques séro- à la recherche d’un emploi, des mieux pour les mettre à jour, positifs signalés dans le pays régions économiquement en re- mais la maladie progresse plus venaient de Chennai (Shiv Lal tard vers les régions plus déve- rapidement que les statistiques & Sengupta, 1985). Depuis, loppées, la promiscuité sexuel- (Lebel, 1988), qui sont très ap- plus de 8.000 cas de SIDA et le, des taux d’alphabétisation proximatives (et parfois font plus de 85.000 cas de porteurs très faibles conduisant à un totalement défaut) pour cer- du virus HIV ont été signalés manque de connaissance des tains pays. Tandis que nous de- par NACO, le Ministère de la groupes à risque, avec l’inéga- vrions savoir davantage sur les Santé et de la Famille, dans 32 lité des sexes, les infections personnes malades du SIDA, états et territoires de l’Union sexuellement transmissibles et nous ne savons pratiquement jusqu’au mois d’août 1999 infectieuses de l’appareil géni- rien des personnes vivant avec (NACO, 1999). Il y a certaine- tal chez les hommes comme le virus qui n’ont pas encore ment une augmentation impor- chez les femmes. développé la maladie et qui ne tante des nouveaux cas signa- Dans certains cas, des ma- savent même pas qu’elles en lés dans le pays. Une bonne lades du SIDA ont été refusés dans les hôpitaux et les cli- Programmes de prévention e) Surveillance des centres niques aussi bien privés que contre le SIDA: de donneurs de sang volon- publics. Cela a encore aggravé Initiatives gouvernementales taires dans toutes les facultés la tragédie des malades du SI- de médecine de l’État. DA. Très souvent, on commet Peu de temps après le si- f) Contrôle des maladies l’erreur de considérer le SIDA gnalement des premiers cas sexuellement transmissibles comme une maladie contagieu- de SIDA dans le pays, en en renforçant les 504 cli- se et les malades sont isolés 1986, un Comité national niques de MST existantes dans une chambre et suscitent contre le SIDA a été consti- g) Organisation clinique la peur chez les autres malades. tué, la même année, par le par la formation de médecins Sur le lieu du travail, il y a des Gouvernement indien et un dans les hôpitaux de l’État de exemples de discrimination Programme national de plus de 200 lits et aboutissant même, dans cer- Contrôle du SIDA a été lancé h) réduction de l’impact tains cas, à la perte de l’emploi. en 1987. Voici les points prin- par la réalisation d’un pro- Des malades infectés par le vi- cipaux du Programme natio- gramme pilote de soins conti- rus du SIDA ont été chassés nal de Contrôle du SIDA: nus dans l’état de Manipur et des communautés de leurs vil- a) organisation du program- développement d’un Pro- lages, des femmes ont été ton- me par l’établissement de dif- gramme national de Forma- dues, des enfants atteints du férentes organisations au ni- tion pour les conseillers. virus ont été chassés des veau national et de l’État. écoles; des institutions dispen- b) Information, éducation, Critique sant une aide aux malades du communication et mobilisa- SIDA ont été attaquées ou dé- tion sociale par le développe- Les efforts du gouverne- truites et on a même refusé la ment de marchés multimédia, ment ont été largement sou- 51 sépulture à des personnes programmes de formation et tenus par plusieurs ONG pré- mortes du SIDA: telles sont les campagnes d’information. sentes dans tout le pays. Ce- réactions des gens contre la ter- c) Promotion du préservatif pendant, ces programmes et rible maladie et ses victimes. et de son marché social. ces efforts n’ont pas donnés Le tableau 1 illustre les cas de d) Sécurité du sang: la les résultats souhaités, en rai- SIDA et le nombre d’échan- Cour suprême de l’Inde a in- son de l’adoption de pro- tillons de sang prélevés et ana- terdit la “profession” de don- grammes et de politiques sui- lysés dans le pays jusqu’au 31 neur de sang, à partir du 1er vis dans les pays développés, mars 1999 (NACO, 1999). janvier 1998. qui ne répondent pas aux va- leurs sociales, culturelles et Tableau 1 – Distribution des cas signalés de Sida religieuses de la société in- au 31 mars 1999 dienne. Par exemple, un S. Territoire Echantillons VIH + SIDA message comme “utilisez le No État/Union de sang examinés préservatif pour une sexuali- 1 2 3 4 5 té sans danger” n’est généra- lement pas bien accueilli par 1. Andhra Pradesh 74.566 704 48 les parents ni par les ensei- 2. Assam 12.717 173 22 3. Arunachal Pradesh 495 0 0 gnants, bien que les actions 4. Andaman & Nicobar Islands 14.447 115 0 immorales ne soient pas 5. Bihar 10.194 41 3 moindres qu’ailleurs chez les 6. Chandigarh 56.687 260 Indiens. 7. Punjab 1.488 65 100 Une bonne partie de la do- 8. Delhi 317.457 1.282 219 9. Daman and Diu (UT) 250 8 1 cumentation imprimée est re- 10. Dadra & Nagar Haveli (UTa 160 1 0 présentée par des copies de 11. Goa 69.395 2.104 15 matériel d’autres pays ou des 12. Gujarat 451.464 1.675 137 publications d’organes des 13. Haryana 160.330 494 1 Nations Unies et d’orga- 14. Himachal Pradesh 3.851 92 9 15. Jammu & Kashmir 8.981 40 2 nismes donneurs qui ont été 16. Karnataka 402.142 4.845 172 conçues sans tenir compte du 17. Kerala 44.547 215 106 milieu socio-culturel de la so- 18. Lakshadweep (UT) 1.194 8 0 ciété indienne. 19. Madhya Pradesh 96.083 587 210 20. Maharashtra 429.045 47.408 3.354 21. Orissa 83.127 217 2 22. Nagaland 8.548 429 10 Programme d’éducation 23. Manipur 38.362 5.644 310 contre le SIDA en Inde 24. Mizoram 37.251 122 7 25. Meghalaya 14.250 60 8 Le programme d’éducation 26. Pondicherry (UT) 84.579 2.971 141 27. Rajasthan 22.446 465 79 contre le SIDA en Inde en est 28. Sikkim 510 6 2 encore à ses débuts. Il y a de 29. Tamilnadu 741.774 13.375 1.881 nombreux domaines où les 30. Tripura 5.613 4 0 problèmes sur la pandémie du 31. Uttar Pradesh 106.936 1.253 125 SIDA agissent de concert 32. West Bengal 163.991 649 57 Total 3.457.080 85.312 7.012 avec la formation de la socié- té. Cette réaction devient par- ticulièrement intense, voire sités de l’Inde. À part cela, Stratégies d’intervention conflictuelle, à l’égard des plusieurs ONG se sont enga- et programmes problèmes associés au SIDA, gées à donner des informa- de l’Église en Inde à la vie familiale et à l’éduca- tions sur le SIDA et le virus Politique sanitaire: 1992 tion sexuelle – sujets qui VIH à leurs bénéficiaires par n’apparaissent que sporadi- une organisation communau- La Conférence des Évêques quement dans le programme taire et des programmes de Catholiques de l’Inde (CECI) de nos études médicales, sans développement. Cependant, il a entrepris une action oppor- parler des autres disciplines faut signaler que les respon- tune pour affronter les pro- (Thomas & Ranga, 1995). sables ont décidé de ne pas in- blèmes concernant le SIDA. Ceci est vrai pour les écoles, tégrer l’éducation sexuelle La politique de la Conférence les université convention- dans les programmes sco- épiscopale est clairement ex- nelles et les institutions d’en- laires (Inderjit, 1994). pliquée dans la Politique sa- seignement primaire. Jusqu’à nitaire de l’Église en Inde qui ce jour, il n’y a aucun pro- Critique a été distribuée à tous les gramme de perfectionnement évêques et à toutes les institu- ou un certificat, diplôme ou Les contradictions susmen- tions sanitaires catholiques du licence contenant des cours tionnées dans l’objectif et les pays. Elle réclame “la correc- sur le SIDA, sur l’éducation à stratégies ont exacerbé la cri- tion des habitudes permis- la sexualité ou à la vie fami- se dans un pays comme l’In- sives et de la trop grande li- liale dans le pays (Thomas, de, avec sa vaste population berté sexuelle, la nécessité 1998). (980 millions) et ses diffé- d’informer le peuple sur le SI- Cette carence dans la forma- rences linguistiques, commu- DA”. Voici les directives 52 tion en vue d’une information nautaires et géographiques principales de cette politique. authentique et appropriée pour (18 langues officiellement re- favoriser la connaissance du connues, 1.652 dialectes et Politique SIDA, de l’éducation à la vie 23,5% de la population com- sexuelle et familiale par des prenant des groupes tribaux). Nos institutions doivent programmes adaptés ne peut Il y a 32 états et territoires de donner des soins pleins de s’expliquer que par des consi- l’Union et le taux d’alphabé- sollicitude et de compassion à dérations rationnelles, parce tisation , selon le recensement tous les malades du SIDA. qu’il y a peu de domaines de de 1991, est de 52,1% (Ma- Jusqu’à présent, la prévention la vie qui touche aussi profon- norama, 1994). Il est parfaite- est le seul moyen de lutter dément chaque individu. Bien ment raisonnable d’avancer contre le SIDA. Elle deman- que la recherche sur des sujets que la crise peut être endi- de la correction des habitudes comme la toxicomanie, le SI- guée à condition que des pro- permissives et de l’immorali- DA, le sexe et la sexualité ne grammes d’éducation sur le té sexuelle, la prévention soit pas attestée et que les in- SIDA, la vie sexuelle et fami- contre l’utilisation d’une mê- tellectuels soient conscients de liale soient lancés rapidement me seringue par plusieurs la menace du SIDA et des et efficacement par les diffé- personnes et l’attention aux conséquences entraînées par rents établissement de forma- groupes à risque. sa propagation non maîtrisée, tion dans le pays. aucun moyen légitime n’est Un examen général du ma- Stratégie disponible pour la prévention tériel préparé pour les écoles, et le contrôle intelligent de la les collèges, les universités, 1. Susciter une bonne maladie (Thomas, 1998). les facultés de médecine et les connaissance du problème et La Commission universitai- écoles d’infirmières montre éduquer les gens sur le SIDA. re des Subsides (Gangurd clairement qu’il y a peu de 2. Accueillir les malades du 1994) a déjà proposé l’intro- changement dans le style, le SIDA; en même temps, des duction d’un cours obligatoire contenu et la présentation. précautions seront prises afin sur le SIDA à l’intention des C’est un peu comme si “la que la maladie ne se trans- étudiants. Quelques instituts même soupe” était servie mette pas à d’autres malades de formation pour assistants dans différentes assiettes. De ou au personnel de la santé ou sociaux, des facultés de mé- même, des expériences dans autre. decine et des écoles d’infir- différents séminaires, ateliers 3. Orienter les gens vers un mières ont introduit le SIDA et conférences attestent que comportement sexuel sain. dans leurs programmes. En les mêmes participants discu- 4. Promouvoir le don vo- 1991, un programme intitulé tent généralement des mêmes lontaire du sang par des don- “Discussions universitaires sujets, sauf l’une ou l’autre neurs sains qui ont effectué le sur le SIDA” a démarré au exception. Bref, on peut test de dépistage du SIDA et Service national du Plan, Dé- conclure en disant que peu décourager les donneurs pro- partement de la Jeunesse et d’efforts sont accomplis en fessionnels. des Sports, en collaboration commun pour élargir l’action 5. Utiliser des seringues avec l’O.M.S. et le Ministère proposée dans des conven- stériles et jetables aussi sou- de la Santé dans 59 universi- tions et des réunions natio- vent que possible. tés du pays (Shiv Lal, 1993). nales et internationales. 6. Surveiller de près les ré- Plus tard, ce programme a été sultats d’analyses du sang étendu à la plupart des univer- pour observer le test légal. 7. Collaborer aux pro- tement d’un malade du SIDA gées dans la promotion d’une grammes nationaux contre le est sûr, à condition d’adopter éducation valable des per- SIDA. toutes les précautions recom- sonnes et des employés; elles mandées” (St. John’s Medical assurent le traitement, la solli- College, 1997). citude et le soutien spirituel Réponse de la C.E.C.I. aux malades du SIDA et à au SIDA: 1996 leurs familles dans la mesure La politique du CHAI de leurs ressources limitées – En 1996, la C.E.C.I. a large- sur le SIDA aussi bien financières qu’en ment publié sa seconde décla- personnel qualifié. ration sur le SIDA. La déclara- Dans sa déclaration publiée tion disait: “La réponse de la en 1994, l’Association des Conférence des Évêques Ca- Hôpitaux Catholiques de l’In- Autres interventions fondées tholiques de l’Inde sur le SI- de (CHAI) affirme: sur l’éducation aux valeurs DA” lance un appel aux insti- – l’Association s’engage tutions d’instruction catho- dans un programme de pré- Publications liques pour s’embarquer dans vention contre la diffusion du une mission destinée à encou- SIDA par un processus d’édu- La Commission pour la rager un programme d’éduca- cation et de formation à tous Santé de la C.E.C.I. a élaboré tion consacrée à la vie de fa- les niveaux et par le traitement et publié des informations sur mille, par une information inconditionnel des malades at- le SIDA et le virus VIH four- complète et soigneuse sur le teints de cette infection. nissant un travail et une poli- SIDA. Elle ajoutait encore: “le – La politique de l’Associa- tique de base et des directives temps est venu pour les insti- tion veut attirer l’attention sur pour le clergé, les religieux, 53 tutions d’enseignement catho- les valeurs éthiques, sociales les enseignants et les laïcs. lique et les parents de devenir et spirituelles, outre les néces- Voici quelques exemples: beaucoup plus conscients du sités physiques et les soins, a) Le SIDA et le soin pasto- changement rapide des pers- ainsi que sur les aspects de la ral comprenant 14 chapitres, pectives sociales des jeunes. justice sans juger pour autant. glossaire, bibliographie et dé- Ils est important et opportun – L’Association et les insti- tails concernant les centres de que nos enfants reçoivent des tutions membres encourage- contrôle du virus VIH et les réponses immédiates, cor- ront une éducation complète centres régionaux d’analyses rectes et fidèles à leurs ques- sur la sexualité humaine et les du sang dans le pays. Ce livre tions sur le sexe, la sexualité et valeurs en vue d’une vie posi- a été écrit en respectant la le SIDA. La C.E.C.I. invite tive par un comportement perspective biblique, surtout le tous les frères catholiques à sexuel responsable. nouveau Testament. Les au- reconnaître les grandes va- teurs sont un prêtre et un laïc; leurs contenues dans la Bible Critique le livre est édité par un théolo- et dans les enseignements de gien moral et contient une pré- l’Église concernant la relation Une analyse des déclara- face du Président de la homme-femme, le plan de tions de cette politique par les C.E.C.I., S.E. Mgr Alan de Dieu pour la procréation et la différents organes de l’Église Lastic, archevêque de Delhi. réalisation de son amour par en Inde montre que l’Église b) Prévention du SIDA: Ma- un don total et inconditionnel catholique a répondu aux pro- nuel pour les écoles composé de soi au conjoint pour la vie” blèmes liés au SIDA, dès l’ap- de 12 chapitres avec cinq (C.E.C.I., 1996). parition de cette maladie dans exercices dans chaque cha- le sous-continent indien. L’É- pitre sous forme de rôle à glise et ses institutions de for- jouer, débats, discussion de Politique pour le traitement mation et de soins sont extrê- groupe et d’autres contenus des malades du SIDA mement concernées par la lut- fondés sur les activités de la en 1997 te contre le SIDA et sont enga- classe. Il contient un certain nombre d’illustrations et a été Le St. John’s Medical Col- préparé dans le respect des va- lege à Bangalore (la seule fa- leurs morales, sociales, cultu- culté de médecine catholique relles, spirituelles et fami- dans tout le pays) a élaboré sa liales. Ce livre est disponible politique en faveur du traite- en anglais et en hindi. ment des malades du SIDA, c) Programme sur le SIDA, qui a été approuvée par la l’éducation à la vie sexuelle et C.E.C.I. en septembre 1997. familiale a été réalisé en colla- Cette politique déclare: “une boration avec des spécialistes éducation permanente doit de différents domaines: méde- être organisée pour toutes les cins, psychologues, assistants catégories d’employés avec un sociaux, conseillers et autres accent spécial sur ceux qui experts sur ce sujet. Ce volu- courent le plus de risques. Les me est destiné aux instituts objectifs de ces sessions doi- d’enseignement pour aider le vent faire connaître que le trai- développement de pro- grammes d’études, fondés sur signaler que l’Université Libre capitale de l’état de Karnata- les valeurs et spécialisés dans Nationale Indira Gandhi a ac- ka, au sud de l’Inde. Elle se les différents domaines sus- cepté un dépliant intitulé “SI- trouve dans l’archidiocèse de mentionnés afin de répondre DA: un guide pour la préven- Bangalore. aux besoins locaux. tion des étudiants”, préparé Lorsque le Conseil Indien d) Une brochure sur le “SI- par la seule faculté catholique de la Recherche médicale a DA: la Conférence des Évêques de cette Université. Ce dé- commencé à établir des Catholiques de l’Inde lance un pliant, qui respecte les valeurs centres nodaux de dépistage appel pour la prévention et le morales, sociales et familiales, dans tout le pays, à la fin des contrôle du SIDA” a été prépa- a reçu l’approbation de NACO années ’80, St John a refusé de rée dans le but d’être distribuée et de l’O.M.S. En réalité, devenir un centre nodal. C’est gratuitement au cours de ré- NACO et l’O.M.S. ont accep- seulement en 1990 que l’hôpi- unions, de conventions, de pro- té d’imprimer ce dépliant qui tal a introduit ELISA, un test grammes de formation, etc. sera envoyé par l’Université à de laboratoire pour dépister le Suite aux nombreuses de- ses 800.000 étudiants. SIDA et rendre l’analyse du mandes, cette brochure a été ré- En résumé, nous pouvons sang obligatoire dans tout le éditée avec une modification dire que l’approche suivie par pays. du titre: “Une invitation à la l’Église en Inde sur des sujets Le conseil du test préventif prévention et au contrôle du sensibles comme le SIDA et est donné au client avant de SIDA”. Des valeurs morales et l’éducation familiale gagne du faire l’analyse du sang et le spirituelles sont insérées dans terrain dans les institutions caractère confidentiel est res- cette brochure. universitaires du pays. Il y a pecté. Lorsque le malade quit- encore beaucoup à faire, mais te l’hôpital, la feuille de dé- 54 Collaboration avec il faudrait que les ressources charge mentionne seulement l’Université Libre Nationale financières pour ces initiatives qu’il a souffert d’une infection soient plus généreuses. virale. La C.E.C.I. a signé un ac- Le premier cas de SIDA fut cord avec l’Université Libre Études d’initiatives signalé en 1989 et un lit fut Nationale Indira Gandhi pour au niveau diocésain mis à la disposition, en isole- élaborer et diffuser dans tout ment, dans la salle de garde. le pays des programmes La Commission de la santé En 1992, l’hôpital a commen- d’études pour le plus grand in- de la C.E.C.I. a entrepris une cé à traiter de plus en plus de térêt des professeurs, des per- vaste étude nationale pour re- cas et aujourd’hui, les patients sonnels paramédicaux, des pa- censer les initiatives lancées sont soignés sans aucune dis- rents, des fonctionnaires des par les 144 diocèses concer- crimination et ne sont ni sépa- ONG. nant la prévention et le rés ni isolés. Au début de D’abord, avec l’Université, contrôle du SIDA. Un ques- 1992, une salle de travail sépa- un processus pour développer tionnaire destiné à découvrir rée était réservée aux mères un véritable programme sur les différents aspects du pro- infectées. Aujourd’hui, il n’y a l’étude du “SIDA et l’éduca- gramme comme l’éducation plus de salle de travail séparée tion familiale” diffusé par sur le SIDA, la vie familiale, et les précautions voulues sont “l’enseignement par corres- la connaissance du SIDA, des prises afin d’empêcher la pondance”. C’est la toute pre- programmes de formation, transmission du virus pendant mière tentative entreprise par des séminaires, la réadapta- le travail. une Université en Inde (le tion, des services de traite- Le personnel infirmier et les pays compte 250 universités ments, de soins, de soutien, aides soignent les malades du environ) pour développer et conseils et tests de dépistage, SIDA sans manifester aucune lancer un programme sur ce etc. ont été élaborés dans ce crainte, cependant beaucoup sujet. Les bénéficiaires se but. Ce questionnaire a été en- de chirurgiens ont peur. Au compteront par milliers. voyé à tous les évêques et les cours des trois dernières an- Il est très satisfaisant de réponses commencent à arri- nées, on a signalé cinq bles- constater que l’Université a ver. On espère que l’étude se- sures accidentelles dues à des appuyé la position de l’Église ra terminée dans six mois. En piqûres de seringues chez les en ce qui concerne l’approche se fondant sur les données re- médecins, s’expliquant par la et les stratégies pour la pré- cueillies, je voudrais présenter négligence et la fatigue. Les vention du SIDA dans le pays. deux cas illustrant l’expérien- pathologistes refusent encore Le comité d’experts consti- ce de certaines de nos institu- d’effectuer l’autopsie de ma- tué par l’Université com- tions engagées dans le traite- lades morts du SIDA. prend plusieurs chrétiens ment du SIDA. Le département d’assistance (prêtres, spécialistes en théo- sociale fournit toute l’aide logie morale et d’autres émi- voulue aux malades et à leurs nents professeurs). Le pro- Études de cas familles, aide qui s’étend de la gramme qu’ils ont proposé a recherche d’un travail, d’une été approuvé par l’Université St. John’s Medical College maison, au soutien affectif et et adopte la position de l’Égli- à Bangalore même à l’aide financière pour se sur les problèmes et les va- affronter les besoins les plus leurs morales. La faculté de Médecine St pressants. J’ai également le plaisir de Jean est située à Bangalore, la La formation permanente du personnel sur le SIDA l’alcool et d’autres drogues cette partie du pays semblent constitue un aspect prépondé- douces. La plupart de ces toxi- remporter un certain succès rant à l’Hôpital St John. Des comanes font usage de l’héroï- pour ce qui regarde leur inter- cours réguliers sont dispensés ne également. vention dans le domaine de la par des médecins et des para- Shalom peut accepter 20 pa- prévention et du contrôle du médicaux non seulement aux tients à la fois. Ils reçoivent un SIDA et de la toxicomanie. employés de l’Hôpital, mais traitement et un programme de aussi aux personnel d’autres suivi pendant six mois envi- Snehadaan: institutions médicales et sani- ron. Shalom fournit aussi des St. Camillus Home of Charity taires. services de conseils aux toxi- (Foyer de Charité St Camille) Pour coordonner et diriger comanes qui sont à la prison le programme sur le SIDA, de Dimapur. L’aide médicale Snehadaan appartient à la l’Hôpital St John a établi une est assurée par des médecins Congrégation de l’Ordre de St cellule SIDA, formée d’un résidents et par le personnel Camille. La présence des Ca- médecin, un psychologue, un d’un centre de santé voisin. milliens est attestée dans trois dermatologue et un psychiatre. Au cours des sept années de états de l’Inde et ils sont actifs Il a aussi un conseil consultatif son existence, la priorité de dans le pays depuis 1980. composé des membres de Shalom consistait à fournir le L’organisation témoigne d’une l’administration et des chefs traitement et la réadaptation option préférentielle pour le des principaux services. Ils se aux drogués et aux séroposi- soin des malades du SIDA, réunissent régulièrement pour tifs qui n’ont pas les moyens c’est ainsi que Snehadaan a examiner et planifier l’avenir. de s’offrir un traitement coû- commencé officiellement son teux. activité le 14 juillet 1997 à SHALOM Shalom a une caractéris- Bangalore. 55 Un centre de réadaptation tique unique: en effet, trois an- Snehadaan a une vision ciens toxicomanes sont em- prophétique des soins aux Shalom est un centre pour la ployés comme animateurs et malades du SIDA. Les Camil- réadaptation des toxicomanes conseillers. À part cela, plu- liens affirment qu’il y a enco- (porteurs du virus VIH) et sieurs autres toxicomanes qui re de l’espoir, même après le pour intensifier la connaissan- ont été soignés à Shalom sont diagnostic fatal d’un individu ce du SIDA. Il est situé à Di- en service dans d’autres séropositif, le pronostic dé- mapur, dans le diocèse catho- centres de désintoxication pend surtout de la manière lique de Kohima, au nord-est comme conseillers. L’expé- dont il est traité. Les malades de l’état de Nagaland. Naga- rience a prouvé que ces ani- admis à Snehadaan sont invi- land et son état voisin de Ma- mateurs sont extrêmement ef- tés à faire partie d’une famille nipur comptent le plus grand ficaces dans le service de ré- où chaque membre peut aimer nombre de toxicomanes et de adaptation et les conseils dis- et être aimé par les autres séropositifs du pays. pensés aux patients. membres de la communauté. La disponibilité importante Pendant un bref laps de Cependant, chaque hospitali- de drogues à bon marché est la temps, Shalom a étendu son sé est accepté en se fondant raison principale de cette habi- programme de formation et sur sa personnalité et devient tude déplorable chez les d’information aux écoles, aux une partie de toute la commu- jeunes de cette région, qui se collèges et aux groupes de nauté. trouve à la frontière du Tri- jeunes du nord-est, en organi- Snehadaan accepte en prio- angle d’Or, la route tradition- sant des séances de films sur rité les malades du SIDA, à nelle du trafic de drogue mon- la drogue et le SIDA et en diri- n’importe quelle étape de la dial. geant des ateliers. maladie. Cependant, la préfé- Près de 2,5% de la popula- Shalom offre également des rence est accordée à ceux qui tion totale du Nagaland sont cours par correspondance sont le plus gravement tou- indiqués comme toxicomanes, comprenant 8 leçons sur la chés, ceux que la maladie a sans compter ceux qui utilisent toxicomanie et le SIDA. Plus déjà ravagés. La communauté de mille étudiants participent à de Snehadaan offre des soins ce programme. Shalom assure aux malades 24 heures sur 24 aussi régulièrement des sémi- et traite toutes les maladies naires de formation sur le SI- liées d’une manière ou d’une DA et la toxicomanie aux autre au SIDA. Snehadaan prêtres, religieux, enseignants offre également de l’aide dans les écoles et les collèges, lorsque le milieu familial du aux professionnels de la santé malade n’est pas disponible, et à d’autres travailleurs au- n’existe pas ou peut les mettre près des jeunes. Shalom pense en danger. également créer un program- Snehadaan est un havre de me de formation profession- paix pour ceux qui cherchent nelle pour les toxicomanes qui un abri et un endroit de conva- ont reçu un traitement et pour lescence pendant leur traite- ceux qui sont à des stades dif- ment. Il joue également le rôle férents de la réhabilitation. d’une sorte de foyer après que Les efforts de Shalom dans le malade ait été admis à l’hô- pital, s’il ne peut rentrer dans Foyer Ste Catherine: Snehalia Expériences, réalisations son milieu habituel. Les soins et limitations assurent des interventions op- Snehalia, à Bombay, est en- portunes pour les maux grands gagé dans le soin et la réadap- L’analyse des premières ré- et petits qui peuvent survenir tation des enfants nés de ponses au questionnaire, pro- pendant la maladie. Le Foyer mères atteintes du SIDA. Sne- venant de plusieurs parties du garantit la sécurité aux pen- halia compte 24 enfants. La pays, montre que nos person- sionnaires. Une attention spé- plupart d’entre eux sont com- nels de la santé, professeurs, ciale est accordée aux malades plètement détruits physique- assistants sociaux, prêtres et qui ont besoin d’une réadapta- ment et mentalement. Trois ne religieux/ses ont acquis une tion physique. Snehadaan dis- sont pas séropositifs et cer- expérience riche et variée au pense aussi des soins palliatifs tains enfants qui n’étaient pas cours de leur travail sur le SI- (ou hospices) à ceux qui vi- séropositifs ont été adoptés ou DA et les problèmes qui y sont vent la dernière étape de leur sont rentrés dans leur foyer ou associés. Les méthodologies et vie. Celle-ci est considérée chez des parents. Les soins à les stratégies d’intervention comme une priorité. Sneha- domicile et l’acceptation sont adoptées comprennent: des daan désire assurer une exis- les principales politiques de services de conseils, ergothé- tence digne aux séropositifs. traitement et du travail de ré- rapie, yoga et exercices, infor- Cela signifie les aider à accep- adaptation des religieuses mations, éducation, formation ter avec dignité leurs épreuves dans ce foyer. professionnelle, programmes – qu’elles soient physiques, de divertissement, soins spiri- familiales, psychologiques, fi- Sneha Bhawan tuels et soutien moral. nancières ou affectives. Plusieurs de nos institutions 56 En accord avec ses valeurs Sneha Bhawan se trouve à sont également engagées dans essentielles, Snehadaan encou- Imphal, la capitale de l’état de le réseau en organisant des rage une conception holistique Manipur, au nord-est de l’In- groupes de soutien pour les sé- des soins et s’efforce de don- de. Dans cet institut, les ropositifs, des soins et des ren- ner une réhabilitation totale. femmes toxicomanes et séro- contres entre les groupes de Les malades du SIDA vivant à positives reçoivent des soins soutien dans les hôpitaux, les Snehadaan sont invités à gran- et de l’aide. La plupart des ré- équipes thérapeutiques, les dir moralement, spirituelle- sidentes ont entre 15 et 25 ans, soins institutionnels décentra- ment et socialement, dans la Sneha Bhawan fournit des lisés, le partage des informa- mesure du possible. Chaque conseils, des soins à domicile tions et la connaissance des personne est traitée comme un et d’autres services de réadap- personnes de toutes les classes individu unique, capable de tation aux clientes. La plupart de la société. changer et de contrôler sa vie. des pensionnaires sont séropo- À la fin du séjour, une réinser- sitives. Quelques limitations tion sociale et une réconcilia- ou domaines qui doivent tion familiale sont souhaitées Hôpital du Rédempteur: Theni être améliorés: et fortement encouragées. Snehadaan considère que le L’Hôpital du Rédempteur a) la difficulté de trouver besoin le plus pressant consis- est situé dans le sud de l’état des ressources à long terme; te à former les familles et les indien de Tamil Nadu. Ici, les b) la carence de médica- communautés pour qu’elles religieuses sont engagées ments à des prix abordables; soignent les malades du SI- dans la diffusion d’informa- c) l’indifférence des hôpi- DA. En outre, il y a des appels tions sur le SIDA. Leur travail taux et du personnel; constants pour des pro- s’effectue par la communauté d) les difficultés dans le grammes de formation adaptés des coiffeurs. Plus de 200 contrôle des membres de la fa- aux besoins particuliers d’or- coiffeurs adhèrent au projet mille et les soignants; ganes du gouvernement ou de diffusion d’informations e) réadaptation et remise en d’ONG – provenant d’écoles sur le SIDA. En moyenne, les liberté dans la communauté; d’infirmières, de techniciens, hommes de chaque famille se f) manque de participation d’étudiants en administration, rendent une fois tous les deux et d’acceptation de la commu- de personnels de la pastorale mois chez le coiffeur. Donc, il nauté; de la santé, d’équipes d’hos- s’agit d’un moyen sûr pour at- g) la crainte du personnel, pices, etc. Les Camilliens of- teindre chaque foyer. etc. frent un service vraiment ex- Le programme d’interven- traordinaire en faveur des ma- tion pour faire connaître le SI- Suggestions lades du SIDA. DA à Theni comprend aussi des programmes de soins L’Église en Inde a lancé un Autres tentatives similaires comme le contrôle de la tuber- certain nombre de pro- culose, en collaboration avec grammes dans tout le pays Plusieurs communautés reli- le gouvernement. Les sœurs pour la prévention et le gieuses et des diocèses sont de Theni travaillent également contrôle du SIDA, surtout engagés de différentes ma- parmi les groupes “nomades” dans les régions où les pro- nières au service du SIDA. comme les conducteurs de vé- blèmes sont apparus en pre- Voici un bref coup d’œil sur hicules, les ouvriers de la mier lieu. Cependant, étant leurs réalisations. construction et les prostituées. donné l’étendue géographique extrêmement vaste, la popula- positifs; de plus en plus d’ac- tous les niveaux de la société. tion immense, les ressources coucheuses sont infectées et En l’absence de médica- limitées, un système sanitaire de plus en plus de personnes ments et de vaccin pour la pré- mal subventionné et mal four- meurent du SIDA. vention, l’éducation en vue de ni en personnel, le grand – Il ne suffit pas que l’Égli- la prévention est la seule op- nombre de personnes séropo- se manifeste sa forte opposi- tion efficace disponible pour sitives, le nombre toujours tion contre “la culture du pré- contenir une diffusion ulté- croissant de cas de SIDA et les servatif et contre le sexe en rieure du fléau. L’Église en In- nombreux besoins des ma- toute sécurité”. Elle doit faire de et la Commission pour la lades infectés ont imposé une connaître ses stratégies, ses Santé de la C.E.C.I. en parti- tâche presque insurmontable à politiques, ses réalisations et culier se sont embarquées l’Église. Pourtant il faut y ré- ses expériences de travail cou- dans une mission destinée à pondre de manière immédiate. ronnées de succès avec les affronter le problème en lan- – Il est urgent d’élaborer malades du SIDA dans le çant une campagne d’éduca- une “politique commune”, pays, même sans l’adoption de tion fondée sur les valeurs, forte, globale, faisable, pour pratiques immorales. malgré les limites, surtout fi- affronter le problème du SI- – L’Église en Inde et l’Égli- nancières. Nous espérons que DA dans le pays. Actuelle- se internationale doivent édu- l’Église en Inde poursuivra ses ment, différents organes ec- quer leur peuple à rejeter les efforts en empêchant une dif- clésiaux mènent leurs propres suggestions, les propositions fusion ultérieure du SIDA par politiques. Celles-ci doivent et les enseignements qui sont l’éducation fondée sur les va- être intégrées par une ap- opposés aux valeurs morales, leurs. L’Église doit également proche holistique afin d’inclu- éthiques, de justice sociale et faire un examen de conscience re différents acteurs comme qui lancent un défi à la structu- concernant ses politiques, ses 57 les groupes socialement désa- re de notre communauté ca- orientations et les méthodolo- vantagés, femmes, enfants, tholique. gies adoptées pour réaliser dif- jeunes, communautés parois- Le rapport récent des Na- férents programmes et des me- siales, etc. tions Unies ONUSIDA de juin sures adéquates doivent être – Il faut concevoir des stra- 1999 déclarait, p. 35-36: “Les prises pour parer à toute future tégies réalisables qui accorde- adversaires des campagnes en éventualité. ront la place au partage d’ex- faveur de la sécurité du sexe périences au niveau national, ont diffusé la désinformation Dr GRACIOUS THOMAS régional , diocésain et parois- sur les préservatifs – un des Coordinateur du Programme SIDA sial. Il est urgent de mobiliser moyens les plus efficaces pour et Éducation familiale des ressources (pour des pro- arrêter la transmission du SI- Université Libre Nationale jets à long et à court terme) en DA – allégeant qu’ils ne fonc- Indira Ghandi, New Delhi, Inde matière de finances, d’exper- tionnent pas et contribuent ac- tises et de facilités infrastruc- tuellement à la diffusion du turelles. SIDA. Une défense résolue est – Pour une réalisation adé- nécessaire pour contrer des ar- quate de ces stratégies, l’Égli- guments peu scientifiques et se doit former un grand soutenir ces gouvernements et nombre de personnes parmi institutions qui encouragent les personnels de la santé, les cette pratique”. L’Église a-t- enseignants, les assistants so- elle une réponse à offrir à cet- ciaux, les conseillers, etc. te déclaration? Est-il correct Bibliographie – L’Église en Inde doit dis- que nous ignorions ces argu- cuter et préparer des projets ments? CBCI (1992). Health Policy of the pour affronter cette situation: Church in India: Guidelines, CBCI, New Delhi, p. 24. il y a de plus en plus d’orphe- CBCI (1996). The Response of the lins et la plupart sont nés séro- Conclusion Catholic Bishop’s Conference of India to HIV/AIDS, CBCI Centre, New Delhi. CHAI (1994). Policy on AIDS. The Les rapports parus et pu- Catholic Hospital Association of India, bliés par différentes conven- Secunderabad, p. 2. CHAI (1999). Proceedings of the tions nationales et internatio- consultation of Church Bodies in India nales, indiquent que de tous on HIV/AIDS. CHAI, Secunderabad. les pays du monde, c’est l’In- GANGURDE, R.P. (1994). Action plan for preventing and controlling AIDS wi- de qui a le plus grand nombre th the help of University and College de séropositifs. On a même community (letter D.O. No. F.29-1/93 prétendu que l’Inde aurait le (NFE-I dated March 1994). INDERJIT SABINA (1994). “ No to Sex triste privilège de devenir la Education in School”, TO1, New Delhi, capitale du SIDA au XXIe 22 September. siècle. La diffusion impi- LEBEL (Most Rev. Robert Lebel 1988). AIDS: Is there a Catholic Res- toyable du SIDA en Inde, au ponse? Extraits d’un discours donné par cours des dernières années, a l’Évêque de Valleyfield, Vice-Président dévoilé ses graves consé- de la Conférence des Évêques du Cana- da, à la convention annuelle CHAC, quences sur la santé et le com- Chac Review, Summer 1988. portement des personnes à Manorama (1998). India and the States: the principal languages (The Ma- mic-Repercussion of the fear of AIDS, THOMAS, GRACIOUS (1996). Concept norama Year Book), Malayala Manora- The Panos Institute, London, p. 5-6 paper on establishment of a ‘Teaching, ma, Kottayam. SHIV LAL (1993). Preventing AIDS: Research and Extension Centre for NACO (1988). Country Scenario Educating youth to protect themselves AIDS Programme’ at Utkal University 1997-98, National AIDS Control Orga- from infections, Swash Hind (Nov-Dec) (unpublished) Bhubaneswar. nization, Ministry of Health & Family Central Health Education Bureau, New THOMAS, GRACIOUS (1998). “Need Welfare, Government of India, New Delhi, p. 270. for programme of study on AIDS and Delhi, p. 1. SHIV LAL AND DR. SENGUPTA (1995). Family Education” in Contemporary So- NACO (1999). AIDS update (signalé HIV/AIDS pandemic: The Indian cial Work, Lucknow University, vol XV à NACO par les 32 états et les territoires context, in AIDS in India, NACO, New April, p. 37-44. Thomas Gracious de l’Union, chaque mois) NACO, New Delhi. (1998). Situation of AIDS in India: Stra- Delhi, September. St. John’s Medical College (1997). tegies for prevention (Thesis for Doctors OUSEPARAMBIL, SEBASTIAN (1999). Policy for management of HIV/AIDS of Letters) Utkal University, Bhubanes- St. John’s Experience with AIDS: Patients, Bangalore, p.9. war, p. 212. Achievements, failures and aspirations. THOMAS GRACIOUS & V. RANGA THOMAS GRACIOUS AND PEREIRA (Paper presented at the consultation of (1995). Prevention and Control of AIDS GEORGE (1999). HIV and Pastoral Care, Church Bodies in India on HIV/AIDS Through Distance Education. In: One CBCI Commission for Health, New organized by Catholic Hospital Associa- World, Many Voices (Conference pa- Delhi, p. 76. tion of India in New Delhi on 28-29 per): 17th World Conference for Distance UNAIDS (1999). The UNAIDS Re- April 1999). Education, Birmingham, 26-30 June port – A joint response to AIDS, Panos Dossier (1990). The 3rd Epide- 1995. UNAIDS, Genève, Suisse, p. 16.

III. Espagne: La Fondation Dimensió SIDA

58 1. Introduction teintes de cette maladie. 4) attention religieuse dans Il est opportun de rappeler les hôpitaux La Fondation Dimensió Sida les données épidémiologiques 5) chrétiens dans les de Barcelone remercie la du sida dans le monde, avec la ONG/Sida Conférence épiscopale d’Es- différence importante entre les pagne de lui avoir confié la pays dits développés et ceux en ICASO mission de la représenter à ce voie de développement. La né- Congrès sur le sida, organisé cessité d’établir des échanges Grâce au soutien de par le Conseil pontifical pour et des politiques réalistes de l’O.M.S. et du Programme de la Pastorale de la Santé (Cité collaboration et d’aide entre les l’ONU sur le sida, il y a un or- du Vatican, 9-11 déc. 1999). pays est évidente, surtout avec ganisme international appelé Afin d’éviter d’éventuelles ceux qui ont le plus de difficul- ICASO (International Council confusions, nous faisons re- tés. of AIDS Service Organiza- marquer que la Fondation Di- tions) qui encourage, au ni- mensió Sida ne dépend pas de L’Espagne veau mondial, l’action volon- la Conférence épiscopale espa- est le pays d’Europe comptant taire citadine des organisations gnole ni d’aucun organisme de le plus grand nombre de cas non gouvernementales de ser- l’Église catholique ou autre de sida “déclarés” vice dans le domaine du sida. institution. Nous sommes une Celui-ci dispose d’une simple fondation privée et civile (non La situation des cas de sida structure dans les cinq conti- ecclésiastique), d’inspiration “déclarés” en Europe nous nents. chrétienne, à tendance inter- montre que l’Espagne est le religieuse, constituée légale- pays européen accusant le Conférence internationale ment en Espagne et en Cata- nombre le plus élevé, le double des ONG/Sida logne. Nous sommes simple- par rapport aux pays ayant une (Paris, 1-4 novembre 1990) ment une organisation non incidence majeure comme gouvernementale de service l’Italie et la Suisse et trois fois Du 1er au 4 novembre 1990, dans le secteur du sida celle de la France. s’est tenue à Paris la IIème (ONG/AIDS), avec les avan- Conférence internationale des tages et les inconvénients que Organisations non gouverne- cela suppose. 2 Le sida, un défi mentales de service dans le do- pour les églises maine du Sida (ONG/Sida) sur Le sida, trois épidémies le thème “Politiques de solida- Attention pastorale rité”. 1.200 personnes de 80 Nous devons partir du fait de l’Église en Espagne pays du monde y ont participé, que le sida comprend trois épi- parmi lesquelles un nombre démies distinctes bien qu’in- L’attention pastorale de l’É- important de séropositifs et de terdépendantes: glise catholique en Espagne en malades du sida. 1) épidémie d’infection par matière de sida se réalise prin- Le groupe de travail “Reli- le virus VIH cipalement de la manière sui- gion et sida” a élaboré une re- 2) épidémie du sida (mala- vante: commandation qui a été pré- dies opportunistes) 1) délégations diocésaines sentée à l’assemblée finale et 3) épidémie de l’impact psy- de la pastorale de la santé largement approuvée par les chologique et du refus social 2) Caritas diocésaines participants. Cette recomman- qui frappe les personnes at- 3) congrégations religieuses dation voulait être un cri d’alarme lancé aux différentes 3. Nature et objectifs de la ont travaillé dans différentes religions et confessions reli- Fondation Dimensió Sida organisations et activités gieuses dans le monde: consacrées au Sida/VIH dès “Les participants à la IIème Dans la perspective et la li- 1985. La Fondation Dimensió Conférence des ONG de servi- berté d’être une ONG/Sida et Sida a été créée en 1995 pour ce dans le domaine du sida membre de l’ICAN, la Fonda- réunir les efforts déployés (ONG/Sida) sur le thème “Poli- tion Dimensió Sida de Barce- pour acquérir certaines va- tiques de solidarité” – croyants, lone présente à ce Congrès du leurs que nous considérons chrétiens de différentes églises Vatican son intervention sur fondamentales. Nous signa- et athées – annoncent aux les expériences et perspectives lons ci-dessous les valeurs qui membres de ces églises et à de la prévention du VIH/Sida: nous guident et les activités leurs autorités: éducation aux valeurs. principales avec lesquelles 1) que les personnes conta- nous voulons les stimuler et minées par le virus du sida at- Nature les diffuser. tendent d’être aidées toujours davantage par les croyants La fondation Dimensió Sida Valeur nº 1: dans leur recherche en vue de a été créée à Barcelone le 7 le courage conférer un sens à la vie et mars 1995. Il s’agit d’une fon- dans leur accompagnement dation privée, civile (non ecclé- La pandémie du sida de- spirituel; siastique), d’inspiration chré- mande à tous, à l’Église ca- 2) que, en recevant parfois tienne et dans la sphère interre- tholique et aux autres confes- cette aide, elles se heurtent ligieuse. sions religieuses également, souvent à l’incompréhension, le courage de voir la réalité à la méfiance et au refus dans Objectif sous ses aspects multiples. 59 les églises: 3) Nous déclarons que le si- Les objectifs de la fondation Parler du sida da n’est ni un châtiment ni un Dimensió Sida sont les sui- dans nos églises don de Dieu, mais une maladie vants: L’inscription d’une affiche qui implique: 1. stimuler la dimension in- française sur “Chrétiens et si- – le risque de vivre de ma- térieure et spirituelle des per- da” déclare: “SIDA, nous pou- nière positive dans un monde sonnes atteintes par le virus du vons en parler aussi dans nos frappé par le virus du sida, sida, en respectant leur par- églises”. Aucun aspect de ce – le risque de partager les cours particulier. problème ne doit être étranger ressources dans une société es- 2. Susciter la sensibilité et à l’Église. sentiellement inégale, l’action des différentes églises – un défi pour la vérité et et confessions religieuses en Activités valeur n°1 l’esprit, matière La Fondation Dimensió Sida – un défi pour les églises”. – d’accueil des personnes at- veut faire face à la triple épidé- teintes; mie du sida/VIH par diverses ICAN (International – d’accompagnement spiri- activités. Certaines ont exigé Christian AIDS Network) tuel que demandent ou dont de notre part un courage au- ont besoin les personnes ma- thentique. Nous signalons les L’ICAN, dont le siège se lades et leurs parents ou amis; deux plus importantes en rai- trouve actuellement à Amster- – de solidarité et conviviali- son de la répercussion exercée dam, travaille dans le domaine té entre les personnes qui ont sur le public: chrétien et œcuménique. Les effectué différentes options de 1. Publication de “l’Église ONG de différents pays qui vie, de Catalogne et le Sida” œuvrent dans le domaine du – de prévention de l’infec- (1997) sida et ont pour point de réfé- tion . Élaboration et publication rence le message évangélique du livre en catalan: “L’Esglé- en font partie. 3. Réunir et publier du ma- sia de Catalunya i la sida: es- tériel d’information et de do- periènces, reflexions i pro- cumentation, en particulier sur postes” (l’Église de Catalogne Spiritualité et sida, qui peut et le sida: expériences, ré- aider d’autres personnes, flexions et propositions). Le groupes, églises et confes- livre est divisé en trois parties sions religieuses. principales: 4. Réaliser d’autres activités – une réalité de notre temps, utiles, surtout à l’égard des – certaines personnes discu- jeunes et collaborer avec les tent, agissent et vivent, administrations publiques et – quelques services d’atten- les ONG. tion, d’accompagnement et de sensibilisation. 2) Rapport présenté et exposé 4. Valeurs et activités de la au Vatican (1998) Fondation Dimensió Sida Composition et publication du rapport présenté à la ré- Quelques membres actuels union du Groupe Sida du Vati- de la fondation Dimensió Sida can (18-19 décembre 1998) comme représentation de la Cette œuvre est divisée en Valeur n° 4: Conférence épiscopale d’Es- trois parties: s’approcher des malades pagne: Action pastorale de – le virus du sida et sa trans- du sida et des séropositifs l’Église catholique espagnole mission, face au sida. – l’infection par VIH et son Dans l’évangile, Jésus nous Le rapport concerne: traitement, raconte la parabole du bon Sa- – les aspects épidémiolo- – la prévention. maritain (Lc 10, 25-37), modè- giques et sanitaires, 2)Édition et diffusion le et exemple de l’attitude à – les aspects psychologiques à un million d’exemplaires suivre en présence de toute et sociaux, La banque “la Caixa”, qui a personne marginalisée et né- – les aspects pastoraux et de nombreux sièges en Cata- cessiteuse. La première chose l’action de l’Église, logne et dans toute l’Espagne à faire consiste à s’approcher – annexes. – et même à l’étranger – a ac- de ces personnes, partout où Le Secrétaire de la Confé- cepté notre travail et a fait im- elles se trouvent. rence épiscopale d’Espagne, primer un million d’exem- “Mais un Samaritain, qui Mgr Asenjo, a envoyé une co- plaires (500.000 en catalan et était en voyage, arriva près de pie du rapport mentionné à 500.000 en castillan). L’édi- lui, le vit et fut pris de pitié. Il tous les évêques du pays. En- tion a été distribuée gratuite- s’approcha, banda ses plaies, y suite, la Conférence épiscopale ment aux clients de la banque, versant de l’huile et du vin, puis nous a demandé d’envoyer un aux écoles et aux organisations le chargea sur sa propre montu- exemplaire du rapport aux dé- de jeunes. La fondation Di- re, le mena à l’hôtellerie et prit légués de la pastorale de la mensió Sida, comme beaucoup soin de lui. Le lendemain, il tira santé de chaque diocèse d’Es- d’autres ONG/sida, utilise ce deux deniers et les donna à 60 pagne. La fondation Dimensió matériel dans des conférences l’hôtelier en disant: ‘Prends Sida l’a fait volontiers et dans d’information. soin de lui et ce que tu auras dé- un effort économique remar- pensé en plus, je le rembourse- quable. Toi, écoute! rai, moi, à mon retour’”. La science et tous ceux qui Valeur n° 2: travaillent dans la recherche, Jean Paul II écouter les hommes de science dans le traitement et dans la et les malades du sida et les professionnels prévention du sida ont lancé un cri d’alarme Toi, écoute! Le Saint-Père nous a donné Une autre valeur que nous aux citoyens, aux associations, de nombreux exemples concer- encourageons constamment aux institutions civiles et reli- nant l’approche des personnes est le fait d’écouter ceux qui gieuses – sans oublier l’Église atteintes de cette maladie. sont expérimentés en matière – sur la base de données four- Nous rappelons sa visite pasto- de VIH/Sida, dans le domaine nies par la science et par l’ex- rale aux États-Unis, lorsqu’il a de l’épidémiologie, de la mé- périence, qui invitent à un pris un enfant malade du sida decine, de la psychologie, de changement des attitudes et dans ses bras (1987) et en la sociologie, des droits hu- des comportements à risque. Il Afrique, lors de sa rencontre mains, etc. Nous essayons convient d’être attentif aux avec de nombreux malades. d’être attentifs aux contenus nouveaux résultats scienti- apportés par les hommes de fiques dans ce domaine sans se Citoyens, croyants et science et les professionnels retrancher dans des concep- non croyants, ensemble dans les différents aspects de tions et des attitudes dépas- avec les malades du sida cette pandémie. sées. et les séropositifs Nous sommes en contact permanent avec l’Organisation Valeur n° 3: De nombreux citoyens – Mondiale de la Santé (O.M.S.) conduites “salutaires” croyants et non croyants – sont et avec l’ONUSIDA, ainsi au point de vue scientifique unis aux personnes atteintes du qu’avec des personnes et des (dialogue interdisciplinaire) sida. Plusieurs religieuses et organisations nationales et in- religieux, prêtres et laïcs se ternationales. De nombreux citoyens, mais consacrent entièrement à l’at- aussi des membres de l’Église tention et à l’accompagnement Activités valeur n° 2 catholique et d’autres églises, des malades du sida et des sé- Nous signalons deux activi- ont donné et donnent encore, ropositifs, surtout les plus né- tés principales concernant cet- dans différentes parties du cessiteux de la société. Ils sont te valeur: monde, un magnifique témoi- la personnification authentique 1) Sida, les faits, l’espoir. gnage de solidarité et de frater- du bon Samaritain. En 1993, quelques membres nité dans l’attention aux per- Dans cette proximité, ce de notre fondation ont été les sonnes contaminées par le sida qu’il faut faire en premier lieu, promoteurs de la traduction, ou séropositives. Partout, on c’est découvrir les blessures, la publication et diffusion en ca- trouve des centres pour ces douleur, les sentiments et les talan et en castillan des travaux malades – gérés par des reli- désirs de la personne que l’on du Pr Luc Montagnier, décou- gieuses, des religieux, des approche. Nous devons surtout vreur du virus VIH à l’Institut prêtres et des laïcs – qui méri- voir et écouter. Les paroles Pasteur de Paris. Le titre de cet tent la reconnaissance de nom- suivantes adressées par un ma- ouvrage: Sida, les faits, l’espé- breuses personnes. lade à son médecin, sont égale- rance. ment valables pour nous. ces personnes lors de leur che- blication est divisée en trois Paroles d’un malade minement personnel: parties et accompagnée d’an- à son médecin – Joseph M. Mercader. Re- nexes. cherche secrète. Voici les trois parties: “Docteur, s’il vous plaît, écoutez-moi sans – Joan Ferrer i Sisquella: – Documents généraux sur me juger, sans m’évaluer, sans m’étiqueter. AIDS, stimolo di vita? les droits humains. Docteur, s’il vous plaît, soyez juste avec moi et pour cela, soyez juste avec 3) Mémorial Proyecto de los – Documents spécifiques sur vous-même et soyez serein. Nombres Sida/VIH et droits humains. Docteur, s’il vous plaît, pour m’écouter, le Nous collaborons également – Résolution du Parlement silence ne doit pas vous faire peur, avec l’association “Proyecto de Catalogne sur la garantie de offrez-moi votre patience: je trouverai le de los Nombres” qui veut la discrétion personnelle et du moment de ma parole authentique lorsque maintenir vivant le souvenir de caractère confidentiel dans les ce corps que je ne connais pas bien ceux qui sont morts du sida. tests diagnostiques du sida. parlera, car les douleurs cachent souvent 4) Guide pour l’accompa- Les annexes sont: une grande souffrance. gnement pastoral des per- – Documents des Nations Docteur, s’il vous plaît, enseignez-moi à sonnes atteintes du sida ou sé- Unies sur l’histoire de la re- essayer et à consolider mes pas dans ce ropositives connaissance des droits hu- cheminement fructueux où vous marchez à Le Conseil mondial des mains en matière de sida/VIH mes côtés, où vous m’apprenez à Églises (Genève) a publié un (New York et Genève, 1998). m’accepter. Je veux me soigner, ou du guide pour l’accompagnement – Message de Jean Paul II à moins me dépasser”. pastoral des personnes ma- l’occasion du 50ème anniver- Dr Françoise Roday lades du sida ou séropositives, saire de la Déclaration univer- Docteur, s’il vous plaît écoutez-moi! en français et en anglais. Notre selle de l’ONU (L’Osservatore Pour une médecine rationnelle, Fondation l’a traduit en cata- Romano, n. 51, 18-21-98). 61 Ed. Jouvence, Genève, 1992 lan et en castillan: – Fondation Dimensió Sida – Guia per l’accompanya- Activités valeur n° 4 ment pastoral de persones que Valeur n° 6: Nous indiquons quatre acti- viuen amb VIH/sida. Editorial Réflexion religieuse vités principales de la Fonda- Claret, Barcelona 1996. “Le sida, signe des temps” tion Dimensió Sida sur la – Guia para el accompaña- proximité des personnes ma- miento pastoral de personas Notre Fondation constate la lades du sida ou séropositives. que viven con el VIH/sida. nécessité d’une réflexion reli- 1) Attention et accompagne- Gayata ediciones. Rubi (Bar- gieuse plus intense sur le pro- ment personnel celona) 1997. blème du sida par tous ceux La Fondation Dimensió Sida qui constituent l’Église, consi- s’occupe et accompagne diffé- Valeur n° 5: dérée comme “peuple de rentes personnes malades du Droits humains Dieu”. La pandémie du sida sida ainsi que les familiers et (Justice et solidarité) est un “signe authentique de amis qui le demandent. Leurs l’époque actuelle”. Dieu nous besoins psychologiques et Nous avons souvent consta- parle à travers cette réalité du- leurs inquiétudes spirituelles et té une négation et même une re et universelle, nous invite à religieuses font l’objet d’une violation des droits humains la solidarité envers les per- attention particulière. dans le traitement des per- sonnes atteintes et à la préven- 2) Publications consacrées sonnes malades du sida/VIH. tion de l’infection afin d’éviter aux personnes mortes du sida Il faut faire attention aux dis- son expansion. Voilà pourquoi Pour expliquer notre travail criminations dont souffrent ces nous rassemblons les docu- d’accompagnement, nous personnes et défendre leurs ments de la hiérarchie ecclé- mentionnons deux publica- droits. siastique auxquels nous asso- tions sur les personnes ma- cions parfois la réflexion et la lades du sida. Nous avons Activités valeur n° 5 critique des malades. contribué à ces publications Nous signalons une publica- car nous avons accompagné tion sur les “Droits humains et Activités valeurs n° 6 VIH/Sida”. Publication des “Droits hu- Nous signalons trois publi- mains et VIH/Sida cations de notre fondation: Le 10 décembre 1998, à 1) Jean Paul II et le sida l’occasion de la célébration du (1987-1997) cinquantième anniversaire de Elle contient 17 discours et la Déclaration universelle des écrits de Jean Paul II sur le si- Droits de l’Homme (Genève, da datant de 1987 à 1997: deux 10 décembre 1948), la Fonda- aux États-Unis, sept aux Vati- tion Dimensió Sida a publié le can et huit en Afrique (Burun- Carnet de Travail n° 4 (157 di, Madagascar, Malawi, pages) intitulé Droits humains Rwanda, Tanzanie et Ougan- et Sida/VIH. da). L’introduction au dossier Le recueil des documents de est due à une personne qui a cette publication a été réalisé contracté la maladie en 1989: par David Xancho, coordina- “à mon frère Jean Paul II, à teur de notre fondation. La pu- partir de l’expérience du sida”. 2) Déclaration du Conseil Activités valeur n° 7 riel exige la communication et mondial des Églises (Genève Nous indiquons deux activi- l’interaction. 1988) tés de prière communautaire Notre fondation a traduit et de notre fondation: Activités valeur n° 8 publié en castillan la Déclara- 1) Rencontre mensuelle de Nous indiquons deux de nos tion du Conseil mondial des prière activités principales: Églises, dont le siège se trou- Le deuxième jeudi du mois, 1) Centre de documentation ve à Genève, éditée en 1998. nous organisons une rencontre et publication “Spiritualité et 3) Evêques et conférences de prière pour les malades du sida” épiscopales du monde sur le sida et les séropositifs, pour les Dans l’annexe 1, nous si- sida (1986-1999) personnes qui sont mortes et gnalons les publications de Nous avons recueilli et pu- pour leurs parents et amis. notre fondation dans les cinq blié 49 documents d’évêques Nous prions aussi pour que secteurs suivants: et de conférences épiscopales tous les membres de la société a) livres de 20 pays des cinq continents donnent plus de preuve de to- b) Documents “Église et si- concernant le sida. Certains lérance, de respect des droits da” documents sont présentés dans humains et de solidarité frater- c) Carnets de travail une seule langue, d’autres dans nelle. d) Collection “Spiritualité et deux ou trois langues. Le total Ces rencontres mensuelles sida” des documents réunis, y com- ont lieu dans la crypte de la e) Mémoires de la Fonda- pris les différentes langues, Basilique de Santa Maria del tion et projets prioritaires s’élève à 76. Pi de Barcelone, à 20h30 et 2) Page web “Spiritualité et Nous soulignons que nous durent une demi heure. Depuis sida” 62 avons transcrit tous les docu- novembre 1995 jusqu’à ce jour Avec la page web et la poste ments trouvés dans des revues, (décembre 1999), nous avons électronique de notre fonda- des bibliothèques et ailleurs. eu 45 rencontres. Trente à qua- tion, nous voulons faciliter la En aucun cas, nous n’avons sé- rante personnes y participent tâche des usagers dans: lectionné ou exclus des docu- habituellement. – l’accès à la documentation ments d’évêques et de confé- 2) Rencontre annuelle de et aux publications de la fon- rences épiscopales traitant du prière interreligieuse sur le si- dation, sida. Notre travail a exigé da – la connaissance de la fon- beaucoup d’honnêteté ainsi À l’occasion de la Journée dation, que le respect de la “collégiali- mondiale du Sida (1er dé- – la réflexion sur le matériel té épiscopale” dans ses diffé- cembre), depuis 1996, nous existant et disponible, rentes manifestations. Nous célébrons chaque année une – la communication avec la avons agi avec la liberté requi- rencontre de prière interreli- fondation et ses membres, se pour toute recherche du ma- gieuse sur le sida à laquelle – l’établissement d’un tériel existant, qui caractérise participent des représentants contact avec d’autres institu- les formulations et le travail de de diverses églises et confes- tions et pages web qui traitent la fondation “privée et civile” sions religieuses. du thème “Spiritualité et sida”. Dimensió Sida. À cause du sida, beaucoup Le document qui, en son de personnes restent seules, temps, a eu la plus forte réso- mais la maladie unit également 4. Synthèse et conclusion nance dans la presse interna- les anglicans, les bouddhistes, tionale fut celui des évêques les catholiques, les juifs, les En conclusion de notre in- de France (cf. Le Monde, 13 musulmans, les orthodoxes, tervention, nous résumons les février 1996). les protestants et les personnes valeurs et les domaines de réa- de toutes croyances. lisations de la fondation Di- Valeur n° 7: En 1999, nous avons célébré mensió Sida. la prière interreligieuse la quatrième de ces rencontres avec la participation de plus de Résumé des valeurs La fondation Dimensió Sida 1.000 personnes. croit profondément dans la va- 1. Courage face à la pandé- leur de la prière, aussi bien in- Valeur n° 8: mie du sida/VIH dividuelle que communautai- communication spiritualité 2. Écouter les spécialistes et re. Jésus nous a dit: “deman- sida (page web) les professionnels dez et l’on vous donnera; 3. Comportements salutaires cherchez et vous trouverez; La fondation Dimensió Sida au point de vue scientifique frappez et l’on vous ouvrira” s’est spécialisée dans l’accom- (dialogue interdisciplinaire) (Mt 7, 7-8). “De même, je pagnement intérieur, spirituel, 4. S’approcher des malades vous le dis en vérité, si deux des personnes malades du sida du sida d’entre vous, sur la terre, unis- et dans la sensibilisation des 5. Droits humains (justice et sent leurs voix pour demander forces spirituelles et reli- solidarité) quoi que ce soit, cela leur sera gieuses face à cette pandémie. 6. Réflexion religieuse “Le accordé par mon Père qui est C’est pourquoi elle a voulu sida/VIH, signe des temps” aux cieux. Que deux ou trois, connaître, tenir et mettre à la 7. Prière interreligieuse en effet, soient réunis en mon disposition de ceux qui le dési- 8. Communication “spiritua- nom, je suis là au milieu rent le matériel existant sur lité et sida” (page web). d’eux” (Mt 18, 19-20). “Spiritualité et sida”. Ce maté- Les principaux domaines d’activité de la fondation Di- Conclusion et les séropositifs et leur mi- mensió Sida sont: lieu, si nous ne dialoguons pas 1. attention et accompagne- Nous terminons en citant le avec les hommes de science et ment pastoral des malades du mot d’ordre du Congrès sur le les professionnels sur les dif- sida et des séropositifs, sida qui s’est tenu à Ham- férents moyens de prévention 2. sensibilisation des églises bourg en Allemagne, en 1992: et d’attention, le sida nous et confessions religieuses, “Si nous ne communiquons vaincra. 3. prière communautaire et pas, le sida nous vaincra”. Au- interreligieuse, trement dit, si nous refusons la Dr ANTONI MIRABET 4. publications, réalité complexe du sida et de Président de la Fondation 5. Centre de documentation ses différents aspects, si nous Dimensió Sida (page web “Spiritualité et ne communiquons pas avec Espagne sida”). les personnes malades du sida

IV: SIDA et Caritas Internationalis

Le sida a représenté une réa- de décembre 1977, illustrant la le traitement des malades. Les lité dans notre vie à tous pen- diffusion du sida dans le mon- ONG sont de plus en plus sol- dant plus d’une décennie. À de, montre que la triste réalité licitées pour intervenir et sou- 63 présent, l’arrivée de la théra- de la pandémie se concentre tenir les systèmes de santé qui pie associée, malgré ses limi- dans les pays du Sud. fonctionnaient auparavant. La tations, a changé fondamenta- La diminution de la lon- tuberculose est une infection lement notre perception de gueur de la vie pour les que l’on peut soigner, bien l’impact du virus. La techno- adultes devient une caractéris- qu’elle fauche encore 3 mil- logie biomédicale progresse tique désolante dans un certain lions de personnes dans le en vue de dominer l’infection nombre de pays africains, bou- monde chaque année. 30 à du sida qui augmente, comme leversant la santé et l’écono- 40% de personnes meurent de une infection chronique, dans mie au cours des dernières dé- tuberculose à cause de l’infec- l’hémisphère Nord. Nous cennies. Il s’agit d’un indice tion du sida. Des personnes avons des raisons d’espérer là supplémentaire de l’effet dé- meurent à chaque minute de la où autrefois il y avait peu d’es- vastateur de la pandémie, sur- journée quelque part dans les poir. tout dans les pays du Sud. pays en voie de développe- Cependant, l’approvision- Chaque heure qui passe in- ment, en raison d’infections et nement très répandu de théra- dique que la majorité des per- de conditions qui pourraient pie associée dans le Nord sou- sonnes contaminées par le vi- être facilement soignées par ligne de manière très vive rus V.I.H., vivant dans le Sud, des médicaments coûtant l’abîme profond entre ce qui reçoivent toujours moins des moins que le prix d’un quoti- est disponible ici et ce qui l’est ressources mondiales dépen- dien. C’est un scandale! dans le Sud. Les statistiques sées pour le sida. L’ONUSIDA L’impact sur les commu- les plus récentes fournies par estime que moins de 10% des nautés locales est énorme. Des l’UNAIDS (déc. 1998) mon- dépenses consacrées au sida parents meurent prématuré- trent que plus de 47,3 millions sont allouées aux 95% de la ment laissant des enfants or- de personnes ont été contami- population mondiale contami- phelins, dans le dénuement. nées par le virus du sida de- née dans le Sud. Au cours des récentes vi- puis le début de l’épidémie et Dans des pays comme la sites sur le terrain par l’équipe 14 millions d’adultes sont Zambie, le Malawi, la Tanza- de la CAFOD en Afrique morts du sida. nie et le Zimbabwe, les gou- orientale et australe, le problè- Beaucoup de personnes se vernements nationaux ne sont me du nombre croissant d’or- demandent pourquoi il y a un pas capables d’assurer que les phelins représentait le problè- tel intérêt à l’égard du sida personnes malades du sida re- me n°1 indiqué par les parte- alors que tant de personnes çoivent les médicaments es- naires locaux. Les structures meurent de maladies traitables sentiels comme les antibio- familiales et communautaires comme la malaria. L’an der- tiques, les antifongicides, les locales ne répondent plus de nier, l’O.M.S. a estimé que antidiarrhéiques et les analgé- manière adéquate et deman- deux millions de personnes siques. La réapparition de la dent désespérément de l’aide. sont mortes de malaria. L’an tuberculose s’est produite de En Zambie, moins de 50% des dernier, les morts dues au sida manière exponentielle dans enfants fréquentent l’école. étaient estimées à 2,5 millions. des régions où la prédominan- L’influence à long terme de ce Ainsi, pour la première fois, ce du sida est élevée et les pro- phénomène est effrayante. les morts associées au sida ont grammes nationaux contre la Un autre domaine d’inégali- dépassé celles dues à la mala- tuberculose luttant pour la té frappante est le fait qu’au ria. contrôler, échouent lamenta- cours des six ou sept dernières Un coup d’œil sur une carte blement dans le diagnostic et années, les traitements effi- caces pour empêcher la trans- 8(1): 78-89), concluait que, beaucoup pour que les com- mission de la mère à l’enfant chez les hommes et les munautés chrétiennes se ont pratiquement éliminé le femmes, plus le ménage est concentrent sur la responsabi- risque que des enfants naissent pauvre et plus il est vraisem- lité individuelle que nous avec le virus dans l’hémisphè- blable que le chef du ménage avons de dénoncer les injus- re nord. Le problème du soit séropositif. Comme le si- tices de nature structurelle et manque d’accès au traitement da réduit ces sociétés, la pro- communautaire telles qu’elles et aux interventions appro- duction agricole diminue en sont perpétrées par IMF/World priées a poussé certains offi- raison des maladies, des morts Bank Structural Adjustment ciers de la santé au Zimbabwe et du temps perdu en funé- Programmes et souligner com- et ailleurs à se demander s’il railles. ment celles-ci affectent direc- fallait même prescrire cette in- Nous savons que de nom- tement les pauvres. tervention, parce que les bébés breuses jeunes femmes trou- seront inévitablement orphe- vent que le seul moyen de lins et la mère n’aura, de toute nourrir leur famille consiste à Un avenir incertain? façon, pas accès à un traite- se prostituer. Des stratégies ment à long terme pour elle- réalistes et significatives pour Les inégalités mises en lu- même. Ceci est un exemple la réduction du risque doivent mière par le sida donnent une très dur qui démontre l’inéga- être conçues dans le contexte image très incertaine de l’ave- lité cruelle et injuste entre le de la plus large réalité des en- nir. Nord et le Sud et les pro- traves économiques et structu- Quel avenir peuvent espérer blèmes éthiques engendrés par relles au développement. Lais- les personnes du Sud concer- ces inégalités. sez-moi vous raconter l’histoi- nant les traitements et les vac- 64 Il n’est pas juste que dans le re de Marguerite. cins? Les thérapies associées domaine du traitement et des Marguerite a 9 ans et vit à qui, dans le Nord, donnent ressources, il y ait une telle dif- Kitovu, dans l’Ouganda rural. l’impression que le sida n’est férence entre le Nord et le Sud. La mère de Marguerite a élevé qu’une infection chronique Selon l’avis de l’ONUSIDA, sa famille en se prostituant mais surmontable sont au-delà seule une personne contaminée afin de payer la nourriture, les des rêves les plus fous des ha- par le virus sur dix sait qu’elle vêtements ou les frais sco- bitants du Sud. L’usage spora- est infectée. L’accès à l’aide laires de ses enfants. Aucun, y dique et non surveillé de ces psychologique volontaire et compris Marguerite, ne la thérapies, dans le contexte aux tests est malheureusement considérait comme une prosti- d’une infrastructure sanitaire inadéquate dans le monde. tuée. Marguerite, sa mère et la inadaptée, comme et quand les Beaucoup prétendent qu’il communauté savaient que cet- ressources le permettent, font n’est pas recommandé de faire te activité assurait la subsis- apparaître un scénario de cau- les tests là où le traitement et tance de la famille. La mère chemar potentiel du virus VIH les soins des séropositifs ne de Marguerite est morte du si- résistant aux médicaments, de- sont pas assurés. En général, da. Bien qu’elle ait plusieurs venant la tendance prédomi- ceux qui affirment cela ont rai- oncles et tantes, Marguerite nante du virus dans de vastes son. Cependant, de nom- est une des 13 petits enfants zones de l’Afrique et de l’Asie breuses personnes qui croient dont s’occupe sa grand-mère. du sud. Il vaut la peine de sou- être contaminées veulent Marguerite est également ligner que, récemment, un re- connaître leur état et ne jouis- contaminée par le virus VIH. portage des media britan- sent pas de ce droit, parce que Seule, elle est assise, en rang, niques sur le problème impor- l’aide psychologique et les dans la clinique pour les ma- tant de l’accès au traitement tests ne sont pas disponibles lo- lades du sida, la seule enfant insistait sur le risque pour le calement. faisant la file au milieu de Nord d’un virus du sida prove- Le virus VIH se développe centaines d’adultes. Lorsque nant du Sud. En fait, nous sa- dans des situations de pauvre- son tour arrive, elle s’ap- vons que cela constitue déjà té. Fikansa Chanda, du Pro- proche du conseiller tenant sa un problème grave aux États- gramme sida dans le diocèse fiche médicale et lui raconte unis et en Europe, avec une de Ndola en Zambie, lorsqu’il qu’au cours des derniers mois, certaine résistance du sida à la fut interrogé sur la trithérapie elle a été malade, avec des thérapie antirétrovirale déce- par une chaîne de télévision hauts et des bas, mais à pré- lée chez un nombre important anglaise a remarqué que la sent, tout va bien. Lorsqu’il de personnes en traitement. majorité des personnes de la lui demande si elle a été à la En tous cas, comment les région de Copperbelt en Zam- clinique pendant un certain malades peuvent-ils espérer bie, ont juste de quoi se nour- temps, elle répond que sa avoir accès aux antiviraux, rir. Je cite: “pourquoi donner grand-mère n’a pas d’argent lorsque les armoires d’analgé- aux gens des médicaments so- pour payer les (petites) fac- siques ou d’antibiotiques sont phistiqués alors que, de toute tures que l’hôpital a envoyées vides? Le Dr Kevin de Koch, manière, ils mourront de récemment. (On a dit égale- ancien membre de l’Institut faim”. ment que la clinique avait dis- d’Hygiène et de Médecine tro- Dans une communauté rura- tribué gratuitement de la nour- picale de Londres a observé, le assez riche en Ouganda, riture ce mois, une raison de dans sa conférence consacrée Seeley et autres (Medical An- plus pour s’y rendre!). au sida à la Conférence sur thropology Quarterly 1994, La Caritas internationale fait l’Afrique tenue à Kampala en 1995: “Nous avons déjà des Dans la bonne conscience du sont encore trop souvent occu- traitements efficaces, abor- Nord, toute recherche est sou- pés à réaliser des programmes dables, pour la tuberculose, mise à des directives éthiques avec peu ou pas de participa- pourtant l’indice de tuberculo- qui ne sont pas toujours appli- tion dans les discussions se, surtout dans les pays du quées aussi scrupuleusement consultatives avec les commu- Sud, est plus élevé que jamais lorsque les essais se situent nautés locales. L’engagement et augmente constamment. Si dans le Sud. D’ailleurs, cer- des personnes séropositives nous ne pouvons obtenir ce taines des premières re- est souvent oublié, particuliè- droit, comment pourrions- cherches de vaccin dans le rement dans la conception et nous même espérer affronter Sud, effectuées par des cher- l’élaboration de programmes efficacement le sida?” cheurs du Nord, ont soulevé d’activité. Le sida nous lance Un domaine d’incertitude des sujets éthiques importants continuellement un défi sur important est celui du vaccin. concernant les bénéficiaires de l’authenticité du partenariat Bien que les efforts communs leurs recherches. dans notre travail. pour prévenir le virus du sida Un peu plus encourageante, À la fin de ce millénaire, aient enregistré quelque suc- l’information du début de cet- nous sommes fiers des cès, dans certains pays du te année selon laquelle l’Initia- énormes progrès réalisés dans Sud, les chercheurs sont d’ac- tive internationale du Vaccin la reconnaissance des droits cord sur le fait que le meilleur contre le Sida a investi 9,1 humains essentiels de chacun. espoir à long terme pour millions de $ en faveur de À bien des égards, la pandé- vaincre l’épidémie est de trou- deux partenaires internatio- mie du sida a affiné notre ver un vaccin. Cependant, en naux de recherches du vaccin. connaissance de nombreux raison des difficultés tech- Le premier concerne des cher- abus inhérents à notre société niques inhérentes aux tenta- cheurs de l’Université d’Ox- et a accru les efforts pour lut- 65 tives de développer n’importe ford et de l’Université de Nai- ter contre la discrimination quel vaccin, le succès dans ce robi au Kenya et le second fondée sur le genre, l’orienta- domaine est souvent une entre l’Université de Cape tion sexuelle ou l’état de santé. question de chance pure. Les Town et Alpha Vax Corpora- Cependant, dans de nombreux compagnies pharmaceutiques tion North Carolina. Les vac- pays du Nord et du Sud, le et les instituts de recherche cins résultant seront dérivés de préjudice provoqué par le sida ont voulu développer à tout certains virus VIH circulant au ou le seul intérêt pragmatique prix un vaccin contre le sida, Kenya et en Afrique du Sud et dans l’efficacité du coût a fini en se concentrant plutôt sur les deux initiatives compren- par accroître la discrimination les traitements orientés vers le nent des dispositions finan- à l’égard des séropositifs ou profit le plus élevé, qui ont cières, intellectuelles et d’or- des malades du sida et à leur une influence sur le cours de ganisation pour assurer que les enlever le droit fondamental à l’infection pour des milliers résultats de la recherche soient un logis, à l’éducation et à de personnes dans les pays du facilement disponibles dans l’emploi. Nord. les pays les plus sévèrement Le test obligatoire du dépis- Paradoxalement, il semble y touchés par le sida. tage du sida, trop souvent uti- avoir une certaine répugnance Les statistiques sur le sida lisé comme un filtre pour à investir de l’argent dans une augmentent l’incertitude pour l’emploi, l’assurance, la sélec- recherche difficile qui ne pro- l’avenir. L’importance extrê- tion des étudiants (dans les met que de faibles revenus fi- me de l’épidémie et son im- institutions de l’Église et de nanciers. Les pays qui ont le pact en Afrique conduisent de l’État) et la sélection à l’immi- plus grand besoin de vaccin nombreuses personnes à se gration remporte de plus en sont les pays pauvres où les tordre les mains de désespoir, plus de succès dans certains compagnies ne sont guère dis- prétendant que le problème est milieux, comme une obliga- posées à investir. Le dévelop- beaucoup trop grand pour sa- tion avant le mariage. Dans pement d’un vaccin est égale- voir où il commence. D’autres plusieurs pays d’Afrique, en ment chargé de défis éthiques. laissent tomber les bras en di- Tanzanie et au Malawi, par sant que “c’est (encore) un exemple, les églises deman- problème de l’Afrique et qu’il dent de plus en plus le test n’a rien à voir avec nous”. La obligatoire de dépistage du si- plupart des pays d’Afrique en- da à ceux qui désirent se ma- visagent un futur où, à cause rier et le mariage est refusé du sida, ils seront qualifiés de aux personnes séropositives. “sans espoir” par ceux qui dé- Elles considèrent que ces ac- tiennent les cordons de la tions sont justifiées par l’am- bourse dans le Nord. pleur de l’épidémie affligeant L’efficacité de la réponse de leur pays ou leur diocèse et la communauté internationale elles estiment que leur initiati- au sida dans les pays du Sud ve est nécessaire et représente est extrêmement incertaine. une mesure de prévention. Of- Les ONG internationales, les frir le test de dépistage volon- gouvernements de l’hémi- taire et l’aide psychologique, sphère Nord, les organes des qui est confidentielle et fait Nations Unies et de l’Église partie d’un processus de pré- paration plus large des couples montrent que, au Ruanda, Li- te du sida, les jeunes avaient qui vont se marier, est souhai- beria, Mozambique et Sierra été contaminés. Les reli- table en effet. Cependant, la Leone, on a observé une aug- gieuses ont réalisé que ces conséquence la plus vraisem- mentation frappante de l’inci- problèmes devaient être af- blable du test obligatoire peut dence du sida pendant la pé- frontés sérieusement, sinon aboutir au problème sous-ja- riode qui a suivi les “états les jeunes continueraient cent. C’est également une vio- d’urgence” respectifs. Tandis d’être contaminés et de mou- lation de l’un des droits hu- que la réalité de ces situations rir. mains essentiels, le droit au est plus complexe que celle Le changement de compor- mariage. décrite ici, ces statistiques sont tement est concerné par trois Nous avons vu les énormes révélatrices d’un lien entre les considérations principales et conséquences sociales et éco- cas d’urgence et l’incidence complémentaires: nomiques pour les commu- du sida. Les données d’ONU- le changement de comporte- nautés et les pays qui accusent SIDA pour le Cambodge indi- ment par des attitudes et des des niveaux élevés de conta- quent une augmentation de pratiques permettant de rédui- mination. La perte d’une force l’incidence du sida parmi les re la vulnérabilité à l’infection de travail experte exerce déjà prostituées à Phnom Penh, al- du sida. Cela exige que les in- une influence négative sur la lant de 10% en 1992 à plus de dividus et les communautés productivité de certains pays 40% en 1996. On pense, avec soient autorisés à faire des dans l’Afrique du sud et de raison, que la présence d’une choix, dans leurs situations l’est. L’absentéisme dans les force de paix des Nations spécifiques, pour diminuer les secteurs du commerce et des Unies au Cambodge représen- risques de l’infection. Cette services, dû à la maladie et te un des facteurs ayant contri- mise au point souligne la res- 66 aux deuils familiaux, atteint bué à cette augmentation. ponsabilité des programmes des proportions considérables. de l’Église pour offrir, dans Dans certains cas, les patrons une structure holistique plus limitent la présence du person- Changement de large, une information médi- nel à deux ou trois enterre- comportement: cale complète, capable de di- ments par semaine, ou unique- un espoir pour le futur? minuer le risque individuel du ment aux funérailles des sida. époux, parents ou enfants. Pour revenir à l’histoire de Le changement d’attitude Dans le secteur agricole, les Marguerite, nous devons com- comporte également un pro- champs ne sont pas cultivés prendre les raisons pour les- cessus où les comportements parce que les gens sont trop quelles la mère de Marguerite et les pratiques de préjudice, malades pour s’en occuper. Le s’est comportée comme elle discrimination, hostilité et vio- sida doit être reconnu de plus l’a fait si nous voulons offrir à lation des droits humains des en plus comme un facteur qui, sa fille et à d’autres femmes personnes contaminées par le avec les ravages de la guerre une aide réaliste. La Congré- sida soient réduits ou éliminés. et des catastrophes naturelles, gation médicale missionnaire Ce processus de changement intensifie la faim de millions de Marie a entrepris un Pro- peut se réaliser au niveau indi- d’Africains. La négligence gramme de soins à domicile, à viduel et à celui des commu- agricole exerce des influences partir de son hôpital St Joseph, nautés, ainsi que dans les pra- à long terme sur l’environne- à Kitovu, depuis 1987. Com- tiques contenues dans les ment car les terres non culti- me résultat de leur expérience, normes religieuses ou cultu- vées retournent à de vastes les religieuses ont développé relles et dans la législation na- aires désertiques et l’érosion un programme de changement tionale et internationale. du sol succède au manque de de comportement appelé En outre, les programmes plantations forestières. Quelle “Éducation pour la vie”. Elles de prévention contre le sida sera alors la forme de ont témoigné de la mort de qui ne tiennent pas compte de l’Afrique en ce troisième mil- centaines de personnes dans la pauvreté économique, des lénaire? les villages voisins, des ma- inégalités de genre et des pres- La mention de la guerre et lades qu’elles avaient soignés sions de la société ne réussi- des catastrophes naturelles jusqu’à leur mort et elles ont ront pas à arrêter l’expansion nous rappelle que dans tous continué de travailler avec les du sida. Il est clair que l’his- les continents, il ne s’agit pas communautés pour fournir des toire de Marguerite prouve d’une simple coïncidence si soins aux enfants orphelins. À que la pauvreté est une cause les aires de conflit majeur cette époque, de nombreux essentielle de la diffusion du comportent un taux élevé de enfants, aujourd’hui adoles- sida, surtout chez les femmes cas de sida. Les déplacements cents, avaient été contaminés et les jeunes filles. massifs de personnes, la dé- par le virus. Cela brisait le Les résultats d’une enquête gradation des services de base cœur des religieuses de voir menée par la CAFOD en 1998 et des infrastructures, des que les enfants de ces jeunes ont donné les recommanda- mouvements de forces indi- adultes dépendaient entière- tions suivantes: gènes et internationales contri- ment d’elles et cela constituait besoins réels: il est essentiel buent à intensifier la vulnéra- évidemment une réelle tragé- que ceux-ci soient le point de bilité des personnes au sida. die pour les jeunes. Malgré départ de tout travail, d’où Par exemple, les statistiques des années de bonne éduca- l’importance de consacrer du de contôle ONUSIDA-OMS tion et la conscience croissan- temps à explorer et à recon- naître les besoins réels d’une le soutien et les conseils sont progrès, qui peuvent être communauté et à établir un également nécessaires. Les or- adoptés par les membres de la programme dans ce sens. ganisations doivent s’assurer communauté. Cela se fonde Lorsque nous avons demandé que les malades du sida sont sur cette supposition: si les aux partenaires du Zimbabwe des acteurs actifs dans l’éta- gens sont intéressés et ca- pourquoi le sida ne figurait blissement et l’amélioration pables d’enregistrer leurs pro- pas dans leur diagnostic des de programmes et les prises de grès, ils ont plus de chance problèmes de la communauté, décision. d’être engagés dans le pro- ils ont répondu qu’il n’y avait Clarté du programme/philo- gramme qui, à son tour, rendra aucune raison de parler du si- sophie. Il est essentiel de défi- plus vraisemblable les objec- da lorsque le problème princi- nir clairement que le program- tifs à réaliser. pal de la communauté était re- me et la philosophie sont des Violence. La violence inter- présenté par les éléphants qui programmes d’information ne fondée sur la différence est dévastaient leurs champs de sollicitant le changement de répandue dans les communau- céréales! comportement. tés. Elle comprend la violence Leurs programmes, pas les Groupes de personnes du sexuelle, la violence physique nôtres. À partir des besoins même âge et groupes spéci- et l’abus psychologique. L’en- réels de la communauté, le fait fiques de genre. L’enquête quête a mis en lumière les re- de s’assurer que tous les sec- souligne l’importance de tra- lations entre la vulnérabilité au teurs d’une communauté sont vailler avec des groupes sépa- sida et la nécessité pour tous des acteurs authentiques à rés, en se fondant sur le genre les programmes d’affronter ce chaque étape, constitue un des et l’âge et en même temps, sur problème comme une partie éléments clé dans le renforce- les critères importants locale- centrale de leur travail. ment du sentiment d’apparte- ment (par ex. statut du sida, Jeunes gens: le respect de 67 nir à une communauté, de sou- bien-être socio-économique, soi, un avenir. Les jeunes gens ligner et de minimiser les dan- groupe religieux, fonction des sont très incertains au sujet de gers de la dépendance. employés dans une organisa- leurs rôles en raison de la nou- Approche holistique: elle tion, etc.). Le succès d’une velle autosuffisance et de l’in- souligne l’importance, pour telle approche représente un dépendance économique de l’organisme financier et ses pas qui peut également rap- certaines jeunes filles. Les partenaires, de reconnaître la procher des groupes séparés jeunes gens doivent être épau- complexité des problèmes de manière régulière, afin lés dans leurs propres défini- compris dans chaque pro- d’apprendre et de partager. tions de futur emploi et de re- gramme de travail/approche Cela assure également que les lations afin de pouvoir trouver du sida pour changer les com- activités développées par un de nouveaux rôles et de nou- portements. groupe spécifique, sont ap- velles valeurs dans la société. Analyse du genre. Tout tra- prouvées par la communauté Des programmes doivent vail de changement d’attitude au sens large. identifier et développer les doit examiner les rôles des Équilibre entre les besoins moyens d’atteindre les jeunes femmes et des hommes, les re- pratiques et stratégiques. gens “là où ils sont”. lations entre eux et les facteurs Dans la mesure du possible, il Importance des programmes qui déterminent la force ou est important de veiller à ce de soins à domicile et des l’absence de force de chacun. que les besoins stratégiques soins des orphelins. Les lourds Besoins des malades: les d’une communauté soient pris fardeaux que ces programmes différents besoins des malades en compte afin que les besoins imposent aux femmes doivent du sida doivent être connus et pratiques les plus immédiats être reconnus et affrontés. Les affrontés. Ils ont besoin de soient satisfaits. Travailler en communautés doivent s’enga- soins mais aussi de revenus vue de satisfaire les besoins ger à développer les moyens pour créer des activités, pour stratégiques, de manière holis- de réduire ce fardeau. Ils doi- développer leurs stratégies de tique, demande aux organisa- vent concerner les hommes, réduction de risques sexuels, tions d’intégrer une analyse surtout les jeunes, dans un tra- des genres et d’interroger les vail de soins direct ou indirect. facteurs traditionnels, reli- Il sera nécessaire de dévelop- gieux, sociaux et culturels, qui per des approches méthodolo- définissent les rôles des giques qui permettront ces hommes et des femmes au changements stratégiques afin sein des communautés et défi- que les rôles traditionnels de nissent ainsi leurs comporte- genre soient encouragés. ments et leurs relations réci- Soutien et possession. Ces proques. deux termes doivent être ex- Contrôle et évaluation. Le pliqués plus clairement dans fait de trouver des organismes un programme de travail. En et des partenaires exige l’in- général, beaucoup de pro- troduction et le développe- grammes sont censés apparte- ment ultérieur, au niveau lo- nir aux organisations, aussi cal, d’une signification et des bien aux partenaires qu’aux systèmes pour définir le communautés avec lesquelles contrôle des objectifs et des elles travaillent. Cela a amené de nombreuses communautés toujours plus grand de pays où Des statistiques récentes sur à développer une dépendance le conflit et la situation poli- le sida nous donnent de petits malsaine à l’égard du bien- tique instable sont de règle. signes d’espoir. Des rapports être des réalisateurs de projet Que pouvons-nous donc pré- provenant de l’Ouganda, de la ou des organismes financiers. voir, dans ces circonstances, Thaïlande et récemment de De leur côté, les organisations pour les communautés lourde- Zambie indiquent que dans risquent d’imposer un pro- ment affligées par le sida? certaines parties de ces pays, gramme qui n’est pas en rela- Dans un pays d’Afrique du le nombre de jeunes contami- tion avec les besoins réels de sud, un participant à un sémi- nés par le sida est en régres- la communauté. naire de travail a décrit un scé- sion. Ceci peut être attribué La tension extrême que le nario assez courant où le mari aux efforts concertés du gou- sida suscite dans ces commu- bat fréquemment sa femme vernement et des initiatives de nautés signifie que le soutien lorsqu’il rentre du bar, la nuit. la communauté pour éduquer du programme n’est pas réali- Finalement, celle-ci a deman- les gens sur le sida. Peut-être sable à court terme. Cepen- dé au prêtre de sa paroisse est-il prématuré de lire trop ra- dant, en termes de saine pra- d’intervenir dans sa situation pidement ces résultats, mais tique de développement, c’est insoutenable; le curé lui a dit ils sont encourageants. un élément qui doit au moins de rentrer chez elle et de sup- En même temps que l’évi- être considéré. Bien que les porter courageusement ses dence statistique, nous programmes de l’Église soient souffrances. voyons des signes de change- supposés être partagés pour le Dans un pays d’Afrique ment dans le respect de la vie bien d’une communauté, les orientale, tous les prêtres lo- dans les cultures et les tradi- efforts en vue d’assurer le caux ont refusé de rendre visi- tions. La discrimination issue 68 soutien sont le secret de l’effi- te à une femme malade du si- de la peur et de l’ignorance cacité d’un programme à long da, parce que c’était une pros- fait progressivement place à terme. Le concept de soutien tituée. Lorsque l’évêque a ap- la compréhension et à l’ac- dans le contexte africain est pris cela, il lui a rendu visite ceptation dans de nombreuses complexe et plein de difficul- régulièrement jusqu’à sa mort. communautés. Les coutumes tés. Quand elle est morte, l’évêque traditionnelles (par exemple, Rural/urbain. Le sida com- a célébré une messe solennel- héritage de l’épouse, exci- mence à exercer toujours da- le de requiem dans la cathé- sion, sacrifice rituel et circon- vantage un effet dévastateur drale. cision sans utiliser des instru- sur les communautés aussi Dans un pays asiatique, un ments stériles, etc.), qui ac- bien urbaines que rurales. Les prêtre qui avait été contaminé croissent les risques de conta- organisations doivent revoir par le sida s’est vu retirer sa mination du sida par voies constamment leurs pro- paroisse d’abord, ensuite toute sexuelles et sanguines, sont grammes afin de vérifier si l’activité diocésaine et il a été remplacées dans beaucoup ceux-ci sont centrés exclusive- envoyé dans un centre de re- d’endroits par des rites alter- ment sur les régions plus urba- traite à des centaines de kilo- natifs ou des pratiques plus nisées ou seulement sur les ré- mètres, oublié de tout son dio- sûres consistant à percer la gions rurales, avec des infra- cèse. peau etc., tout cela donne structures plus grandes (par Lors d’une conférence en également de l’espoir. exemple, près d’un hôpital). Afrique du Sud, en juillet, un Dans notre travail de la Ca- La communauté mais avec évêque à qui on demandait ce ritas, avec ses nombreux par- des liens plus larges. Les or- qu’il conseillerait à une fem- tenaires de programmes asso- ganisations et leurs parte- me dont le mari était séroposi- ciés au sida, nous sommes naires doivent soutenir et dé- tif, a répondu qu’elle devrait constamment renouvelés et velopper une approche qui as- sacrifier sa vie pour sauver confrontés par le témoignage socie leur intérêt fondé sur la son mariage. Un signe de cou- de centaines de bénévoles mo- communauté et la liaison avec rage est venu de la part bilisés par les différents soins les ONG, d’autres groupes ec- d’autres participantes qui ont à domicile, l’aide aux orphe- clésiaux et le gouvernement quitté la conférence en signe lins et des programmes de local. Cette approche est im- de protestation. conseils et d’assistance. La ré- portante afin d’assurer que les Dans les pays du Sud, les flexion suivante du père Jon besoins locaux soient affron- femmes sont extrêmement Sobrino, s.j., écrite au sujet de tés et de faciliter la compré- vulnérables sexuellement. En la situation politique au Salva- hension mutuelle et le partage effet, dans le monde, la plupart dor, exprime bien comment, des expériences. Il est égale- des femmes atteintes du sida lorsque nous sommes confron- ment important en termes de ont été contaminées par la per- tés à ces témoignages puis- programme de soutien et de sonne qu’elles croyaient être sants, face aux souffrances et propriété. leur partenaire pour la vie, leur aux injustices du sida, nous mari. Le genre déséquilibre pouvons toujours trouver de terriblement de nombreuses l’espoir: Conclusion cultures et sociétés, laissant les femmes impuissantes et “Il n’est pas facile de savoir Comme nous approchons dépendantes des hommes dans comment garder l’espoir du XXIème siècle, nous de- le domaine familial, social et et nous devons tous ré- vons faire face à un nombre économique. pondre à notre manière. Il semble que tout soit raître peu à peu des crevasses laient connaître davantage les contre l’espoir sur nos masques de justes problèmes du sida qui les Mais pour moi au moins, alors que les paroles des pro- concernent ainsi que leurs lorsque je vois qu’il y a eu phètes de malheur sont si églises. Ces responsables reli- beaucoup d’amour nombreuses aujourd’hui. En- gieux veulent apprendre et je vois qu’un grand espoir fin, nous reconnaissons que donner des réponses pasto- est né à nouveau. l’Église, le corps du Christ, a rales dans leurs juridictions. Ceci n’est pas une conclu- le sida. Au niveau pastoral Nous avons constaté l’inves- sion rationnelle et peut-être également, nous apercevons tissement de ressources im- même pas théologique. des signes qui semblaient des portantes par les organismes C’est simplement la vérité. différences insurmontables de la Caritas pour répondre L’amour suscite l’espoir entre et dans les églises et aux besoins suscités par le si- Et un grand amour fait entre les peuples de différentes da dans le monde entier. naître un grand espoir. croyances, qui se transforment Puisque le Jubilé du millé- Jon Sobrino, El Salvador. en efforts pour répondre à la naire est un temps de réconci- pandémie du sida. liation, peut-être y a-il cer- Ces bénévoles offrent gé- Un membre important du taines indications que l’Église néreusement leur temps et Programme de soins de santé et les gouvernements du Nord leurs ressources non pas à et de l’éducation sur le sida, de et du Sud commencent à re- partir du luxe de leurs mo- l’archidiocèse de Khartoum, connaître les erreurs passées. ments de loisir (qui, générale- est un docteur musulman. Parfois, nous entendons énon- ment n’existent pas), mais de En Éthiopie, les respon- cer les fautes de notre cupidité leur temps précieux qui pour- sables religieux, plus enclins à et de la manipulation financiè- rait être consacré à leur famil- marquer des points, oublient re du Sud par le Nord; les pé- 69 le ou à assurer un peu plus de leurs différences pour partici- chés de corruption et d’appro- revenus ou de nourriture. per ensemble à une conférence priation injuste des ressources Souvent, ils sont affectés éga- de la CAFOD sur le sida. par les gouvernements du Sud lement par le sida et ils se dé- Un programme diocésain à et du Nord. pensent sans compter afin de Dar-es-Salam, qui fournit un Un aspect central du jubilé témoigner, avec ceux qu’ils test sur le sida, des conseils, de biblique est la remise des servent, de la vie et non de la l’aide et des soins à domicile, dettes en suspens. À la confé- mort. Ils sont notre force et est formé de chrétiens de dif- rence sur “le Sida en Afrique”, notre inspiration. Ils engen- férentes dénominations et de qui s’est tenue à Lusaka le drent un nouvel espoir né de musulmans, tous travaillent et mois dernier, le Ministre des leur grand amour, ainsi nous prient ensemble dans la joie et Finances de la Zambie, M. osons espérer. l’efficacité. Godfrey Simasiku, a réitéré la Dans l’Église également, Récemment, au Botswana, proposition de son pays: au nous percevons des signes un séminaire patronné par moins une partie de la dette d’espoir. Nous trouvons de ONUSIDA, avec l’aide de la internationale de la Zambie plus en plus de communautés CAFOD et de l’Armée du Sa- devrait être “échangée” dans désireuses d’embrasser le lut a été organisé avec l’Église le but de fournir des res- message de justice de l’évan- et les responsables religieux sources supplémentaires, afin gile et l’acceptation prêchée de différents continents pour que le pays puisse affronter par ceux qui vivent avec le si- examiner les défis pastoraux correctement le problème du da. Nous voyons des cas où que leur lance le sida. sida. Le R.P. Peter Henriot, du ceux qui sont marginalisés en Nous nous inspirons de Centre jésuite pour la Ré- raison de leur comportement l’expérience de la CAFOD en flexion théologique et la Cam- sexuel ou de leur tendance tant qu’organe de liaison prin- pagne du Jubilé 2000 dont le nous incitent à reconnaître en cipal de la Caritas Internatio- siège est en Zambie, a déclaré eux les frères et les sœurs du nalis au cours des douze der- dans sa relation: “Vos préoc- Christ. Nous voyons appa- nières années. Pendant ce cupations sur le sida concer- temps et malgré les lourds dé- nant le futur sont intégrale- fis et combats, de nombreux ment liées au contenu de la programmes ecclésiaux ont campagne contre la dette, été définis, offrant les conseils c’est-à-dire la construction et le soutien à tous les ma- d’un développement juste, lades du sida, fournissant réalisable et centré sur les per- l’éducation, les soins à domi- sonnes, puisque nous entrons cile, le soutien aux orphelins, dans un nouveau millénaire”. des projets générateurs de res- Jonathan Simon de l’Institut sources et de défense et des pour le Développement inter- groupes de pression en faveur national de Harvard a observé des victimes de la discrimina- que même si le montant absolu tion due au sida. Nous avons de la dette consacré aux pro- convoqué des réunions natio- grammes sociaux était modes- nales et régionales d’évêques te, il aurait certainement une et d’autres responsables reli- influence significative sur les gieux, parce que ceux-ci vou- efforts de prévention du sida. Dépense pro capite Economie potentielle l’épidémie, motiver la réponse pour les soins et pro capite la plus compréhensible par les la prévention du de l’exonération organisations membres de la SIDA en 1996 de la dette (1997) Caritas Internationale et Zambie $ 0.73 $ 10.73 d’autres organisations ecclé- Kenya $ 0.76 $ 5.24 siales, pour partager l’expé- Nigeria $ 0.03 $ 1.69 rience dans les différents Ouganda $ 1.81 $ 3.66 continents. Source: relation présentée par Jonathan Simon, Harvard Institute for International Development, La Task Force actuelle de la à la 11e Conférence ICASA, Lusaka, septembre 1999. C.I. a été reconstituée en juillet 1999 par le Secrétaire L’Ouganda, où la campagne côté du Dieu “pendu sur la po- général de la C.I. pour aider la nationale contre le sida a réus- tence” que nous pouvons em- Confédération à réaliser le si à faire diminuer le taux chez brasser et proclamer Dieu pré- plan de travail 1999-2003, qui les jeunes de 28% en 1992 à sent chez les malades du sida, a défini à nouveau le sida 10% en 1996, n’a pas investi sommes-nous assez audacieux comme un sujet prioritaire de davantage dans le contrôle de pour donner cet espoir? réflexion et d’action. La Task l’épidémie que ce qui pourrait Force est étroitement associée être exonéré à la plupart des à l’Agence de liaison de la C.I. régions sub-sahariennes par Informations de base pour le sida, la CAFOD, et a l’annulation bilatérale de la été chargée par le Secrétaire dette. Introduction général de la C.I. de coordon- Puisque nous ajoutons notre ner les activités de la Confédé- 70 voix à la campagne du Jubilé La Caritas Internationalis ( ration dans ce domaine. La 2000 en faveur de l’exonéra- CI), la confédération globale CAFOD est l’organisation tion de la dette aux pays les de l’assistance humanitaire membre de la Caritas pour plus pauvres (parmi lesquels gérée par l’Église catholique l’Angleterre et le Pays de figurent certains de ceux qui et les organisations de déve- Galles et sert d’agence de liai- sont le plus durement frappés loppement incluent d’abord son à la Caritas pour les activi- par la pandémie du sida), nous les activités relatives au sida tés sur le sida depuis 1987. osons également espérer. dans les priorités de leur pro- Donc, la Task Force assure à En tant que chrétiens, fré- gramme, établi à l’assemblée l’organe de liaison un point de quemment confrontés à la générale de 1987. Depuis ce référence et un forum où elle question “où est Dieu dans temps, la Confédération a mo- discute et rapporte ses activi- tout cela?”, je me souviens bilisé une réponse au sida en tés de coordination. Le direc- d’une histoire que le père En- respectant sa mission générale teur de l’organe de liaison CA- da McDonagh, le spécialiste d’animation, de coordination FOD, M. Julian Filochowsky irlandais en théologie morale et de représentation et s’est et le père Robert Vitillo ont été et conseiller à la Task Force engagée dans les activités sui- reconduits à nouveau dans de Caritas Internationalis, a vantes: leurs fonctions lors de l’as- raconté à ce sujet: dans un – parrainage des consulta- semblée générale de la C.I., en camp de concentration de tions régionales, nationales et juin de cette année. l’Allemagne nazie, trois pri- locales sur le sida pour aider La Task Force habituelle a sonniers juifs, deux hommes les responsables religieux et reçu le mandat suivant: et un garçon, allaient être exé- ceux qui sont engagés dans – assister la Confédération cutés publiquement par pen- l’éducation, les services so- de la C.I. dans le maintien de daison pour quelque méfait cio/pastoraux, les soins de l’attention à la priorité de la mineur. Tous les autres pri- santé et spirituels pour assis- pandémie du sida à travers sonniers étaient rassemblés ter, dans leurs apostolats l’activité de ses organisations pour assister à l’exécution. propres, les personnes conta- membres et avec d’autres or- Les deux adultes meurent ra- minées par le sida; ganisations importantes de pidement, mais le garçon, qui – collecter des fonds pour l’Église catholique. était plus léger, connaît une aider les efforts nationaux et mort lente et douloureuse, il locaux dans le domaine de Objectifs se débat et s’étrangle. Alors l’éducation et des services; 1) Partager les informations un des prisonniers s’est mis à – organisation de consulta- entre la Task Force et la hurler: “Où est votre Dieu tions théologiques sur le sida Confédération de la Caritas maintenant?” et un autre a so- en Afrique, en Asie, en Europe sur l’état de la pandémie en re- lennellement répondu: “notre et en Amérique du Nord; lation avec les problèmes mé- Dieu est là, pendu sur la po- – remplir un rôle de repré- dicaux, pastoraux, spirituels, tence”. sentation aux Nations Unies et sociaux et de développement. En cette époque de sida, dans d’autres forums interna- 2) Soutenir la réflexion nous devons dénoncer ceux tionaux; théologique sur les problèmes qui prétendent que la pandé- – constitution d’un groupe soulevés par la pandémie du mie est la punition d’un Dieu de travail international (entre sida. furieux. Ils ne connaissent pas 1988-1995) et d’une Task For- 3) Encourager la Confédéra- le Jésus de l’évangile. C’est ce sur le sida (1995-2003) afin tion de la Caritas à approfon- seulement en nous mettant du de contrôler l’expansion de dir ou à entreprendre une ac- tion pour répondre aux ma- La C.I. s’est étendue jus- nérables. Donc, la Task Force lades du sida dans le contexte qu’aux responsables de l’Égli- de la C.I. sur le sida, associée à local. se et aux agents pastoraux en Caritas, CIDSE et d’autres or- 4) Diffuser sur l’ensemble organisant et en participant à ganisations catholiques inter- du réseau, à la demande de la des séminaires de formation nationales, a organisé un sémi- C.I., avec des organisations sur le sida dans de nombreuses naire aux Pays-Bas sur les catholiques et autres, y com- parties du monde. Dans ces sé- soins de santé réalisables. pris l’ONUSIDA, afin de don- minaires, les membres de la ner une réponse adéquate aux CAFOD et de la Task Force de 3. Conférence sur la malades du sida. la C.I. sur le sida ont servi en tuberculose et le sida 5) Construire sur la dyna- qualité de présentateurs et La tuberculose a été décla- mique de la Conférence d’intermédiaires. Au cours des rée “urgence sanitaire mondia- C.I./CIDSE sur le sida et la tu- années 1995-1999, ces pro- le” par l’O.M.S. En réponse à berculose, afin d’assurer que grammes ont été fournis dans cette situation terrible, la les leçons apprises soient di- de nombreux pays, incluant Commission de la C.I. sur le vulguées et intégrées dans les notamment: sida et d’autres organisations activités de la Confédération. Depuis 1987, la Confédéra- AFRIQUE Bénin¸ Burkina Faso, Burundi, tion de la C.I. a consacré beau- Cameroun, Congo, Congo-Brazzaville, coup d’énergies et d’expérien- Côte d’Ivoire, Ethiopie, Ghana, ce à la prise de conscience Lesotho, Madagascar, Malawi, Mali, chez les responsables de l’É- Niger, Afrique du Sud, Sudan, Swaziland, Tanzanie, Togo, Ouganda, Zambie, glise et d’autres collaborateurs Zimbabwe religieux. Voici quelques pu- 71 blications parues sous les aus- ASIE Birmanie/Myanmar, Inde, Corée, pices de la Task Force: Caritas Philippines, Thaïlande training Manual on the Pande- mic of HIV/AIDS (1994); Pro- EUROPE Lituanie, Pologne ceedings of the CI/CIDSE Workshops on Sustainable AMÉRIQUE LATINE ET CARAÏBES République Dominicane, Pérou Health Care (1995), The Church responds to HIV/AIDS Ces ateliers comprennent: de service social et sanitaire de (1996); AIDS, Emergenza Pla- l’Église ont organisé une netaria (1997). En outre la 1. Consultations et suivi conférence sur la tuberculose CAFOD a entrepris plusieurs en Asie et dans et le sida à Wurzburg en Alle- évaluations sur la participation la région du Pacifique magne, du 8 au 12 mars 1999. à des programmes de soins à Avec l’aide de la Caritas In- Le but de la conférence était domicile au Kenya, en Ougan- ternationalis, la Task Force sur de donner une réponse des or- da et au Brésil. Plus récem- le sida et les représentants de ganisations de la C.I./CIDSE ment, la CAFOD a mené une la CAFOD de 12 pays du Pa- sur le sida et la tuberculose, étude sur le changement de cifique, ainsi que des col- pour rendre les opérations plus comportement intitulée Safely lègues d’Europe et d’Amé- efficaces, plus opportunes au through the Night (1998), en rique du Nord, se sont réunis point de vue éthique et plus at- collaboration avec des parte- pour partager les expériences tentives à l’évidence scienti- naires du Malawi, de Tanzanie, des services sur le sida à l’ini- fique. du Zimbabwe et de Zambie et tiative de l’Église catholique, a donné un rapport sur l’accès du 2 au 6 février 1998 à Ma- 4. Consultations théologiques au traitement et aux soins inti- nille, aux Philippines. L’orga- sur le sida tulé: Valuing Life (1999), qui nisation locale d’accueil était Dans un effort destiné à en- se fonde sur les expériences la Caritas de Manille . courager une nouvelle diffu- des partenaires en Zambie. sion théologique sur les impli- 2. Séminaire sur les soins cations de justice sociale sus- de santé réalisables citées par la pandémie du sida, Comme résultat de leur en- la C.I. et d’autres organisa- gagement dans l’éducation et tions de l’Église ont invité des les services sur le sida, les or- théologiens à étudier davanta- ganisations membres de la Ca- ge ce phénomène mondial. En ritas internationale ont témoi- outre, des théologiens ont été gné de l’impact significatif du invités à partager différents sida sur les services de soins points de vue théologiques sur de santé gérés par l’Église la réponse la plus appropriée dans les pays du sud. On a ob- aussi bien de l’Église que de servé que la carence d’infra- toute la communauté humai- structures sanitaires dans ces ne. De 1995 à 1999, ces pays était une des causes prin- consultations se sont tenues en cipales de la diffusion rapide France (pour l’Europe et du sida dans les populations l’Afrique francophone) et en les plus pauvres et les plus vul- Afrique du Sud. C.I. et ONUSIDA des personnes malades du si- tures ecclésiales, le lieu du tra- da, l’ONUSIDA travaillera vail, les associations profes- Depuis 1987, la Caritas in- avec la C.I. pour documenter sionnelles, les organisations ternationale a entrepris la dé- son expérience dans le domai- de jeunes et les organes gou- fense aux niveaux mondial et ne des soins comme exemple vernementaux, en tenant national, avec les organisa- de meilleur usage pouvant être compte de leurs perspectives tions nationales gouvernemen- exploité par d’autres organisa- différentes. tales et intergouvernementales, tions, en créant et en renfor- – INFORMATION PU- sur des problèmes concernant çant leurs propres pro- BLIQUE, la prévention du si- les malades du sida. Le 7 jan- grammes. ONUSIDA partage- da doit être attentive et l’infor- vier 1999, la C.I. a signé un ra également le meilleur usage mation adaptée pour motiver mémorandum de compréhen- développé par d’autres organi- une attitude responsable, ins- sion avec le Programme asso- sations avec la C.I. crire le sida dans le program- cié des Nations Unies sur le si- – POLITIQUE DE DÉVE- me mondial, assurer que le da (ONUSIDA). À cette date, LOPPEMENT, pour réduire la droit des personnes séroposi- le Secrétaire général, M. Luc discrimination et le stigmate tives soit respecté et pour in- Trouillard et le Directeur associés au sida et pour inten- former les politiciens. La C.I. d’ONUSIDA, M. Peter Piot, sifier l’approche de la commu- et l’ONUSIDA renforceront ont signé le mémorandum nauté aux soins, la C.I. et les activités d’information pu- pour encourager la coopéra- ONUSIDA partageront des blique sur le sida comme il se tion en vue d’une réponse au expériences sur le développe- doit et s’efforceront de respec- problème du sida aux nivaux ment de politiques liées au si- ter les valeurs éthiques les plus local, national et international. da portant sur les droits de élevées. 72 L’accord précisait les do- l’homme, les problèmes de maines de coopération sui- genre, de culture, d’éthique et S.E. Mgr FOUAD EL-HAGE vants: de lois, ainsi que leur diffusion Archevêque maronite de Tripoli – l’ACCÈS AUX SOINS, dans les secteurs publics et du Liban afin de répondre aux besoins privés, y compris les struc- Président de Caritas Internationalis

V: L’Afrique

Introduction – Mauvaise condition d’hy- - des pays giène. - de la communauté interna- Depuis bientôt deux décen- – Manque d’éducation pour la tionale. nies, une terrible et redoutable santé. – Comment peut-on renforcer maladie frappe des dizaines de La prise en charge de cette af- ce dispositif? millions de personnes dans le fection requiert les compétences L’expérience que nous avons monde, sans distinction de race, de plusieurs catégories profes- acquise en Afrique et élargie aux d’ethnie, de couche socio-pro- sionnelles: autres continents grâce aux fessionnelle, de sexe, d’âge. les médecins, les biologistes, échanges d’expérience, nous Jamais aucune autre affection les chercheurs, les socio-anthro- permet de focaliser notre pré- n’a pu mobiliser autant de cher- pologues, les psychologues, les sentation au niveau de cheurs de tout ordre, et autant de religieux, les communautés, etc. l’Afrique. ressources financières. Au cours de notre présenta- En Afrique sub-saharienne, tion, nous allons aborder succes- où les problèmes de ressources sivement: Objectif se posaient déjà pour assurer – la situation actuelle en fonc- une bonne santé des popula- tion des groupes ciblés, 1 - Orienter la problématique tions, le SIDA est venu aggraver – le rôle de l’Église par rap- du VIH/SIDA en accord avec le la situation. port aux stratégies de préven- Magistère pontifical. En effet, les infrastructures tion, 2 - Coordonner les mouve- socio-sanitaires sont de plus en – le dispositif actuel existant ments et les groupes de l’Église plus inadaptées face à la pandé- pour répondre à cette épidémie catholique qui travaillent dans le mie du SIDA. et quelle est la relation entre ce domaine du VIH/SIDA. La pauvreté aggrave les dispositif et la réponse de l’égli- 3 - Promouvoir l’aide aux ma- conditions de vie des popula- se au niveau: lades VIH/SIDA. tions: – Impossibilité d’avoir accès Quelques données épidémiologiques du SIDA dans le monde et en Afrique en particulier aux médicaments même essen- Prédominance moyenne chez les adultes Prédominance tiels pour la plupart. Afrique Méridionale 17,2 2,7 - 27,0 – Impossibilité d’assurer une Afrique Orientale 9,6 3,2 - 14,5 bonne alimentation Afrique Centrale 4,3 0,1 - 11,1 Afrique Occidentale 2,4 05 - 10,1 Stratégies de prévention jeunes sur des thèmes spéci- Elles sont soumises aux fiques: hommes, économiquement Transmission sanguine – la santé reproductive des faibles (dépendance, se livrent adolescents pour subvenir à leurs besoins), – Assurer la sécurité transfu- – les maladies (MST-SIDA) divorce, séparation. sionnelle de façon standardisée – les grossesses précoces dans tous les pays du monde – les abus sexuels précoces Qu’est-ce qui existe (tant dans les pays industriali- – les rapports sexuels pré- dans les structures sés que ceux en voie de déve- coces. pour aider les femmes? loppement). L’éducation des jeunes doit se Une éducation et un dévelop- – Combattre les pratiques faire dans les écoles et familles: pement de projets générateurs traditionnelles qui utilisent les – Primaires de revenus doivent être entre- objets tranchants (excision, – Secondaires (menstruation, pris en direction de ces femmes scarification, tatouages). sexualité) car les femmes jouent un rôle – Assurer la stérilisation du – Universitaires très important dans la cellule matériel médical. – Familles (renforcer les va- familiale: – Promouvoir l’utilisation du leurs morales et familiales par la – éducation des enfants matériel à usage unique. communication). – soins des enfants et du mari – Assurer l’équipement ou – veille à la propreté et à matériel nécessaire pour préve- Quelles sont les structures l’hygiène de la maison. nir la transmission accidentelle existantes au sein de l’église Comment l’Église peut-elle professionnelle. pour renforcer les stratégies aider à travers le dispositif exis- de prévention? tant? Transmission sexuelle – Mouvement des scouts Existe-il des centres d’écoute 73 – Les CVAV (Âmes vaillantes, et de soutien pour les femmes – Encourager le dépistage Cœurs vaillants ) démunies ou violées. volontaire avant toute liaison – Le renouveau charismatique Comment les mouvements (mariage, concubinage) en vue – La JEC ( jeunesse estudian- associatifs religieux peuvent-ils de procréer tine catholique) intégrer dans leurs activités les – Fidélité – La légion de Marie questions actuelles? – Abstinence – Le groupe du Rosaire Au niveau des pays, il existe – Éducation sexuelle dans le – Toutes les congrégations des groupements de jeunes, des contexte religieux – Les laïcs et catéchistes coopératives féminines qui – Enseignement des valeurs – L’association des familles pourraient être des modèles. morales, le respect du corps, la chrétiennes signification de l’amour – Association des cadres ca- Les hommes – Inclure le module SIDA tholiques dans le programme d’enseigne- – Commission Justice et Paix. Les MST se manifestent cli- ment du catéchisme. Des causeries et débats sur niquement très vite chez les les thèmes spécifiques pour- hommes, d’où une sensibilisa- Transmission materno-foetale raient être abordés soit: tion pour une prise en charge – au cours des messes précoce pour le traitement. – Proposer le dépistage vo- – après les messes L’éducation dans ce groupe lontaire du VIH en prénuptial. – pendant la formation des doit viser le changement de – Proposer le dépistage vo- jeunes au catéchisme comportement: lontaire en consultation préna- – etc. – s’abstenir des rapports tale. La communauté internationa- sexuels extraconjugaux. – Assurer le traitement des le pourrait contribuer en appor- – Enseigner les questions femmes enceintes séropositives tant un appui technique à la for- d’abus sexuels. pour réduire le taux de trans- mation des membres de tous ces – Favoriser la communica- mission mère-enfant. mouvements. tion dans le couple (impliquer les hommes dans les mouve- Les femmes ments des femmes). Quel peut être le rôle – Renforcer les valeurs mo- de l’Église dans les stratégies Au début de l’épidémie, il y rales et familiales. de prévention du SIDA? avait autant d’hommes que de – Utiliser le système de la femmes infectés. confession pour faire le coun- Les actions menées doivent Aujourd’hui, sur 10 Africains selling et le soutien psychoso- viser des groupes cibles tels que: infectés, on compte 12 à 13 cial. – Les jeunes (garçons et Africaines infectées. filles) A la fin de 1999 on estime à Les couples – Les femmes 12,2 millions de femmes et 10,1 – Les couples million d’hommes âgés de 19 à – Sensibilisation et éducation – Les hommes. 49 ans vivant avec le VIH en pour assurer respect et fidélité Afrique sub-saharienne. dans le couple. Les jeunes – Analphabétisme élevé. – Pendant la préparation au – Les facteurs socio-culturels mariage, aborder ces questions. Ils sont les plus touchés et la ne permettent pas à la femme de – Certains mouvements chré- prévalence du VIH est de 27%. s’épanouir et de prendre des dé- tiens existant doivent saisir Renforcer l’éducation des cisions. l’opportunité du SIDA pour or- ganiser des causeries sur la pan- lades est très délicate en ce sens – Aider les malades en phase démie afin d’éviter les relations que les problèmes psycho-so- terminale à faire leurs testa- sexuelles extraconjugales et ciaux constituent un poids très ment. autres comportements pouvant lourd. – Permettre aux partenaires nuire au mariage. Pour aborder le volet psycho- des malades de faire le test de social, une approche par le dépistage et leur assurer le coun- counselling a été développée, selling post-test et soutien psy- Impact socio-économique des groupes de soutien à l’école chosocial. dans les entreprises, dans les – Baisse de l’espérance de vie. communautés doivent être orga- – Absentéisme. nisés pour assurer une intégra- Conclusion - L’employé atteint du tion sociale. VIH/SIDA sera amené à s’ab- Concernant les activités de La pandémie du SIDA nous senter souvent à cause des repos soins, il existe des services de interpelle tous. médicaux répétés suite à des soins pour les patients VIH/SI- L’implication des religieux manifestations cliniques. DA intégrés dans les structures est très salutaire pour un chan- – Baisse du rendement et de de soins existantes. gement de comportement par la productivité. Pour éviter l’immobilisation l’influence de l’enseignement – Baisse de l’indice de déve- de longue durée des lits dans les des valeurs morales à la popula- loppement humain. hôpitaux par ces malades, des tion jeune. - L’employé malade du SI- programme de soins à domicile En effet, la tranche d’âge la DA à un certain stade, est inca- avec des kits de soins sont déve- plus touchée par ce fléau est cel- pable de fournir des efforts. loppés dans certains pays en le jeune/adulte entre 15-49 ans. 74 – Licenciement ou retraite Afrique. Cette tranche est exposée par anticipée. Les malades doivent donc des comportements à risque tels - Suite aux différentes ab- être référés dans ces structures que: activité sexuelle précoce, sences, l’employeur est amené de soins où des professionnels multipartenariat, utilisation de la souvent à procéder à un licen- de la santé sont formés à cet ef- drogue par échange de se- ciement ou à une retraite antici- fet. ringues… pée. – Assurer le confort du mala- L’éducation et l’enseigne- - Conséquences sur les allo- de. ment des attitudes néfastes à la cations des employés. – Chambre avec lit propre, vie doivent constituer le cheval -Le coût du traitement est agréable). de bataille des religieux pour très élevé pour le budget de la – Vêtements et linge propre préserver une jeunesse saine. santé. avec une bonne hygiène. Par ailleurs, les gouverne- – Conséquences familiales. - Gavage. ments doivent augmenter le - Impossibilité de subvenir - Assistance. budget du ministère de la santé aux besoins de la famille; baisse – Lutter contre la douleur. de leurs pays respectifs, afin de du revenu mensuel. - Donner des antalgiques faire face aux conséquences du - Appauvrissement (paupé- majeurs pour les douleurs. SIDA sur les structures de santé. risation). – Assurer un soutien psycho- L’Afrique sub-saharienne - Problème psychologique logique. continue de supporter le plus • abandonné - Écoute du malade. gros fardeau du SIDA avec près • dépendance - Affection. de 70% du total des personnes • dépression - Disponibilité. infectées par le VIH dans le • orphelins du SIDA. – Fournir un soutien spirituel. monde. - Certains malades de- La plupart d’entre elles mour- mandent à recevoir le baptême. ront dans les 10 années à venir Accompagnement - Préparation à l’accepta- et laisseront derrière elles des du malade VIH/SIDA tion de la mort. familles détruites et des perspec- Qu’est-ce qui existe au ni- tives de développement paraly- Que fait la communauté in- veau de l’église que l’on peut sées. ternationale pour la prise en renforcer? Par conséquent, les pro- charge des malades VIH/SIDA? Les structures de santé ca- grammes de lutte contre la pau- Les agences copparainées: tholique doivent: vreté déjà prévus par le système L’OMS, le PNUD, l’UNICEF, – assurer le dépistage précoce des Nations Unies pour le déve- le FNUAP, la Banque Mondia- des symptômes. loppement, doivent se mettre en le, l’Union Européenne ont créé – Fournir un traitement pré- place assez rapidement dans les un programme, l’ONUSIDA coce si possible. pays les plus touchés. pour réfléchir sur les questions – Référer vers les structures Enfin, la communauté doit se relatives au SIDA. plus spécialisées. mobiliser davantage (les mou- Cependant, l’Organisation – Assurer la formation et vements associatifs, les groupes Mondiale de la Santé reste l’éducation des professionnels. religieux, les coopératives etc.), l’agence technique pour appor- – Impliquer les familles dans pour faire face à ce fléau. ter un soutien technique dans la prise en charge des malades. l’exécution et la mise en œuvre – Assurer l’éducation de la Dr JUSTINE AGNESS-SOUMAHORO des activités de prise en charge communauté sur les questions Responsable Régionale pour des personnes infectées par le de santé (que faire? Où aller? le traitement du Sida VIH/SIDA. Affiches? Posters?) Office Régional pour l’Afrique La prise en charge des ma- – Ouvrir un service de VCT Cote D’Ivoire 2ème Partie L’ACCOMPAGNEMENT Exposés sur le thème “de l’assistance aux malades du SIDA”

I: Aspects Sanitaires

75 Parmi les multiples aspects ment qu’un enfant est contami- ment beaucoup plus simple qui ont caractérisé l’épidémie né par le virus du SIDA: il est (une seule dose à la mère en tra- du SIDA au point de vue de la donc possible de réduire les vail et une au nouveau-né), des santé, au cours de ces dernières risques d’infection pour le nou- coûts moins élevés et une effi- années, il me semble important veau-né grâce à une thérapie cacité préventive identique ou d’en mettre en relief quelques- antivirale au cours des derniers supérieure à celle de l’AZT. De uns qui, en raison de leur im- mois de la grossesse et au mo- nombreuses agences internatio- pact sur la santé publique ou sur ment de l’accouchement. De- nales, des gouvernements et des la santé des individus, sont par- puis quelques années déjà, on a ONG se mobilisent déjà pour ticulièrement importants. mis au point des programmes lancer des projets pilotes ou des de traitement au cours de la interventions pour répandre le grossesse des femmes séroposi- plus possible ce nouveau pro- 1. La prévention de la tives et des nouveau-nés, pour gramme de traitement, si plein transmission maternelle réduire le taux de transmission de promesses. au fœtus materno-fœtal de l’infection. Ces procédures, basées jusqu’à Cette question est une des présent sur l’utilisation de 2. La double infection plus actuelles dans diverses ré- l’AZT, le premier médicament HIV-tuberculose gions, particulièrement en rai- antirétroviral largement diffusé, son de l’ampleur du problème ont permis de réduire de maniè- Au cours des dernières an- et des récentes perspectives en- re importante le nombre d’en- nées, la pandémie de l’HIV a courageantes de prévention. fants contaminés pendant la aggravé le problème de la tuber- Pour ce qui est de l’étendue du grossesse et à l’accouchement. culose, déjà très grave dans tous problème, on calcule que l’an On a calculé qu’il y a eu une ré- les pays du monde, mais en pre- dernier 600.000 enfants sont duction du taux de transmission nant une fois encore des dimen- nés de mères séropositives. La qui a passé de 20-30% à moins sions dramatiques dans le sud très grande partie de ces enfants de 10%, selon les diverses de la planète, particulièrement naît en Afrique où les pro- études. Mais ces brillants résul- en Afrique. Pour 1999, on cal- blèmes liés à la pauvreté, à la tats n’ont été acquis que dans cule qu’il y a eu environ 2,5 malnutrition, aux mauvaises les pays industrialisés, à cause millions de décès de personnes conditions d’hygiène et aux du coût élevé et de la complexi- atteintes du SIDA, dont au déséquilibres socio-politiques té de l’organisation du traite- moins 30% étaient causés direc- rendent déjà toute entreprise de ment. Là où, par contre, la né- tement par la tuberculose. Il est prévention beaucoup plus com- cessité d’intervenir serait plus désormais scientifiquement ac- pliquée que dans les pays in- grande, c’est-à-dire dans les quis que l’infection par l’HIV dustrialisés. Il faut rappeler que pays d’Afrique, les limites éco- favorise tant l’infection par la chaque enfant qui naît infecté nomiques et l’absence de ré- tuberculose que la progression par le SIDA est en plus appelé à seaux médicaux efficaces ont d’une infection tuberculeuse la- devenir orphelin dans un temps contrarié une diffusion élargie tente. Par ailleurs, la présence relativement bref. En fait, le de ces pratiques préventives. de tuberculeux facilite la pro- problème des orphelins du SI- Plus récemment, quelques gression de l’infection par DA a déjà pris des proportions signes d’espérance sont venus l’HIV qui crée une relation de dramatiques en Afrique. d’études effectuées avec un développement négatif des deux De nombreuses recherches autre médicament antirétrovi- infections. Chez les malades du ont mis en lumière le fait que ral, la nevirapine, qui permet- SIDA, la tuberculose peut se c’est au moment de l’accouche- trait un programme de traite- présenter sous des formes clini- quement et radiologiquement progrès important a été la mise fections interférentes peuvent atypiques, avec des difficultés au point de nouveaux et plus souvent aussi être vus en termes plus grandes de diagnostic et puissants médicaments antiré- de coûts et ceci est donc un des des retards possibles dans la mi- troviraux, en particulier les inhi- domaines sur lesquels on pour- se en route du traitement. Cette biteurs des protéases (saquana- rait concentrer les efforts de circonstance a de grosses réper- vir, ritonavir, indinavir, nelfina- planification des interventions. cussion en termes de santé pu- vir) et les inhibiteurs non nu- De plus, il a été démontré que blique. Il est connu en effet que cléosidiques (névirapine, efavi- la prévention des infections in- le plus important facteur de renz). Ces médicaments, utilisés terférentes, même en l’absence contrôle épidémiologique de la en association avec les inhibi- de traitement antirétroviral, tuberculose est le dépistage et le teurs nucléosidiques les plus peut améliorer la survie, la qua- traitement rapide des sujets at- classiques (zidovudine, didona- lité de vie et réduire le nombre teints: un retard dans le dia- sine, zalcitabine, stavudine, la- des hospitalisations. gnostic entraîne un prolonge- mivudine), ont permis des amé- ment de la période de contagio- liorations spectaculaires chez sité et en conséquence une plus des patients à un stade déjà 5. Les soins palliatifs grande diffusion de l’infection. avancé de la maladie et la stabi- Un autre phénomène inquiétant, lisation immunologique et cli- Celui qui soigne les malades lié à l’augmentation des cas de nique des patients aux phases du SIDA se trouve en face de tuberculose est celui de la résis- intermédiaires de l’infection. Il malades qui présentent un pro- tance du mycobacterium tuber- ne s’agit évidemment pas de la nostic peu favorable, exposés à culosis (le bacille responsable solution définitive, principale- mourir dans un temps plus ou de la maladie) aux plus puis- ment parce qu’on n’a jamais ob- moins bref. Pour ce motif, il est 76 sants remèdes antituberculeux. tenu chez aucun malade une vé- important de mettre en pratique On calcule qu’environ 2% des ritable et réelle éradication de de manière intense les principes souches sont actuellement résis- l’infection; il faut également de la médecine palliative, tantes, mais ce pourcentage est considérer que les programmes considérée comme discipline appelé à augmenter. La résistan- de soins sont complexes et sont qui s’occupe de repousser les ce aux médicaments est liée a mis en action sur un temps illi- conséquences plus que les divers facteurs, dont le plus im- mité; ils sont suivis dans un causes d’une maladie. En parti- portant est la fidélité avec la- cadre spécialisé, ils ne sont pas culier, il faut apporter une gran- quelle sont suivis les longs et exempts d’effets secondaires, de attention au traitement de la complexes programmes de trai- quelquefois graves. Le principal douleur et des autres symp- tement. Une thérapie antituber- inconvénient des nouvelles app- tômes qui accompagnent inévi- culeuse efficace se fait effecti- proches diagnostiques et théra- tablement le malade du SIDA vement avec des médicaments peutiques reste celui des coûts: en phase avancée de la maladie. divers en association pendant au ceux-ci sont déjà élevés pour les Il faudra multiplier les efforts moins six mois. Il est évident pays industrialisés à gros reve- pour accompagner le malade que là où les structures sani- nus par tête d’habitant, et ils vers une mort digne, en évitant taires ne sont pas efficaces et où sont absolument prohibitifs pour l’isolement d’avec la famille et les coûts sont insupportables, le les pays pauvres. Il n’y a hélas! les personnels socio-sanitaires. risque de traitements inadaptés pas de possibilité réaliste d’ap- Il faudra favoriser la qualité de ou trop brefs est très élevé, ce pliquer à grande échelle les nou- vie restante en évitant les traite- qui augmente la probabilité velles analyses diagnostiques ni ments inutiles et accablants d’arrivée de souches résistantes. les nouvelles thérapies. Cela pour le malade, lorsqu’il n’y a doit faire réfléchir ultérieure- pas de perspectives raison- ment sur l’importance cruciale nables d’amélioration. 3. L’affinement des des programmes de prévention techniques de diagnostic contre l’infection de l’HIV. Docteur MASSIMO FANTONI et l’arrivée de nouveaux Université Catholique médicaments du Sacré-Cœur antirétroviraux puissants 4. Diagnostic et soins Rome des principales infections Vers le milieu des années 90, interférentes on a fait deux pas importants dans l’assistance des malades Au cours des dernières an- infectés par l’HIV. Le premier a nées, on a fait des progrès déci- été la possibilité, grâce à des sifs dans le traitement des prin- techniques sophistiquées de bio- cipales infections interférentes. logie moléculaire, de mesurer la Les remèdes utilisés depuis le quantité de génome vital dans le début de l’épidémie restent sub- sang et donc, indirectement, la stantiellement efficaces, com- capacité de réponse du virus me par exemple le cotrimoxa- chez chaque sujet. Il s‘agit zole pour la pneumonie de d’une analyse qui, jointe au do- Pneunocystis carinii, la pirimé- sage plus classique des lympho- tamine et la sulfadiazine pour la cytes CD4+, permet d’évaluer toxoplasmose cérébrale, ou les l’“activité” de l’infection, sa azoles pour les infections fongi- progression et aussi l’éventuelle formes. La prophylaxie et le réponse au traitement. L’autre traitement des principales in- II: La transmission maternelle du sida au fœtus Nouvelles possibilités de prévention

La pandémie du virus VIH, péennes portant sur des popu- Au niveau scientifique inter- le virus qui provoque le sida, lations qui utilisent les deux national, se manifeste une ne s’est pas arrêtée, mais elle précautions signalent un risque conscience importante des po- continue à se répandre tou- réduit à peu d’unités pour cent tentialités sociales et de santé jours davantage dans le mon- pour le nouveau-né. publique de ces recherches et de. Les estimations récentes de Ces systèmes de soins et de les Nations Unies (ONUSI- l’O.M.S. parlent de 33,6 mil- prévention ont réduit de ma- DA) ont démontré un grand in- lions de personnes contami- nière importante le nombre de térêt envers la promotion et nées par le virus VIH, tandis nouveau-nés séropositifs en l’encouragement de projets de que l’année dernière 5 millions Europe et aux États-Unis, mais prévention de la transmission d’adultes et 600.000 enfants on a réalisé bien peu de choses de la mère au fœtus. ont été contaminés. Au cours pour les pays de l’Afrique sub- Les problèmes à résoudre de l’an dernier, 2,6 millions de saharienne où vit plus de 70% sont encore nombreux, comme personnes sont mortes, portant de la population contaminée celui de l’allaitement maternel 77 ainsi le nombre total des décès par le virus VIH. qui est également source de dus au sida à 16,3 millions de À la fin de 1999, une re- contagion, celui de la maladie personnes. cherche extrêmement impor- de la mère et le sort d’orphe- Les modalités principales de tante a été publiée dans “ Lan- lins de ces enfants qui, s’ils ne diffusion de l’infection sont au cet ”, la plus grande revue mé- sont pas contaminés, ont de nombre de trois: transmission dicale européenne (L. GUAY, meilleures possibilités de vie. sexuelle hématique, sang in- Lancet 1999; 3354:795-802): En résumé, la démonstration fecté et transmission de la mè- les traitements, même très scientifique qu’il suffit d’une re au fœtus. courts, de la mère au moment seule pilule administrée une Au cours des dernières an- de l’accouchement et du nou- seule fois pour réduire de moi- nées, de nombreuses re- veau-né dans les premières tié le nombre effrayant de cherches ont mis en évidence heures de vie sont encore plus 600.000 nouveau-nés infectés le fait qu’un enfant est presque efficaces que les traitements chaque année, impose la pro- toujours contaminé par le vi- longs et coûteux disponibles grammation urgente de nou- rus au moment de l’accouche- jusqu’à présent dans les pays velles stratégies de prévention ment et qu’il est donc possible plus riches. Pratiquement, un dans tous les pays du monde de diminuer la probabilité seul comprimé de névirapine en voie de développement. d’infection du nouveau-né, (appellation commerciale vira- Un raisonnement très pra- grâce à des traitements médi- mune), un puissant antiviral tique nous amène à considérer caux antiviraux administrés au administré au moment de l’ac- la possibilité d’appliquer ce cours des derniers mois de la couchement et une seule dose traitement aux quelque deux grossesse et à l’accouchement. du même produit donné au millions d’enfants qui naissent Ces dernières années, la dé- nouveau-né seraient suffisants chaque année dans le monde monstration qu’un traitement pour réduire de manière signi- de mères contaminées par le avec l’azidothymidine (AZT, ficative (47%) la possibilité de virus VIH, le prix total du trai- appellation commerciale Re- transmission du virus VIH. tement serait d’environ 8 mil- trovir) pouvait réduire le Les avantages de ce traite- lions de $, une somme vrai- nombre d’infections chez les ment sont multiples, liés à la ment dérisoire si on la compa- enfants et a entraîné en Occi- simplicité du traitement - une re au coût total social et hu- dent un traitement intensif des seule dose à la mère et une à main de la maladie, qui pour- mères séropositives avec une l’enfant - au prix modéré de 4$ rait probablement être préve- réduction significative des environ, en tout - au moment nue chez 300.000 enfants au nouveaux cas pédiatriques. de l’administration - à l’accou- moins. Cependant, l’organisa- Aux États-Unis, entre 1992 et chement - lorsque la majorité tion capillaire de la distribu- 1997, il y a eu une réduction des femmes se rendent à l’hô- tion et l’éducation des person- jusqu’à 80% des infections des pital ou sont assistées de toute nels de santé locaux est beau- nouveau-nés; on peut dire la manière par le personnel de coup plus difficile. En réalité, même chose des pays euro- santé ou paramédical. l’expérience démontre que péens qui ont adopté ces traite- Des études sur l’évaluation même les maladies les plus ments préventifs. du rapport coût/efficacité de ce simples à soigner et les moins Même l’incision césarienne traitement en confirment les coûteuses (comme la dysente- diminue le risque d’infection avantages incontestables rie ou la rougeole) ne sont pas du nouveau-né par le virus (Marseille E., Lancet 1999; traitées en raison de l’absence VIH. Des recherches euro- 354:803-9). d’organisation et d’informa- tion. Une initiative qui présen- capacité organisatrice élevée maines, organisatrices et fi- terait le Saint-Siège et les Na- de l’ONUSIDA et de la pré- nancières nécessaires. tions Unies (ONUSIDA) com- sence capillaire et motivée de me promoteurs d’activités l’Église catholique, tant au ni- Dr MASSIMO FANTONI orientées vers la programma- veau des institutions qu’au ni- Université catholique du Sacré-Cœur, tion d’interventions vraiment veau territorial. Rome efficaces en faveur de la santé Une rencontre est donc sou- Dr GUIDO des nouveau-nés aurait de haitable pour définir les mi- CASTELLI GATTINARA grandes possibilités de réalisa- lieux respectifs d’intérêt et Hôpital pédiatrique de tion grâce à l’association de d’action, les ressources hu- l’Enfant-Jésus, Rome

III: Aspects psychologiques

Dans l’imaginaire collectif, cité qui lui est faite par les prévention, d’éducation sanitai- le sida se caractérise comme moyens de communication5 in- re, de consultation. une “catastrophe sociale”, une duisent chez les sujets psycho- Chez les patients homo- “maladie coupable”, prégnante logiquement troublés, qui sont sexuels, le diagnostic de séro- de symbolismes inconscients, conscients des comportements positivité et du sida suscite de contagieuse, préjudiciable et à risque de contagion, ce que graves sentiments de culpabilité 78 discriminante, incurable et les auteurs anglo-saxons appel- relatifs à leurs choix sexuels: ils mortelle, associée à des styles lent “worried well”6, des se sentent responsables de la de vie déviants, transgressifs, convictions hypocondriaques maladie, mais sont plus respec- amoraux1. qui peuvent évoluer dans un tueux et attentifs à l’égard de la Voilà pourquoi elle dé- cadre obsessionnel délirant, diffusion de la contagion. Leur clenche une réaction sociale même en l’absence de sympto- préoccupation principale est re- émotive, pathophobique2, psy- matologie clinique. présentée par la crainte d’être chologiquement défensive, am- Même si des recherches ré- découverts, ils veulent garder le bivalente et contradictoire, qui centes indiquent une augmenta- secret de leur état qui les stig- tend à éloigner de soi la déva- tion notoire de la contagion matise, soit par les choix de di- luation morale de la maladie et, chez les hétérosexuels7, déri- versité soit par l’appartenance à de fait, à justifier et à légitimer vant, au moins pour ce qui un groupe transgressif et amo- “la mise au ghetto” des per- concerne les pays occidentaux, ral considéré comme potentiel- sonnes malades, pour lesquelles de modèles d’identité de vie lement contaminé et dange- les interventions de solidarité, toujours plus proposés et répan- reux10. d’aide et de soins, qui doivent dus par les mass media, orien- Une considération importan- tenir compte aussi bien du droit tés vers la libération des mœurs te regarde les problèmes psy- à la liberté individuelle que de avec tendance à l’exaltation de chologiques dérivant du rapport programmes de protection et de la transgression, il ne faut pas avec le ou la partenaire séropo- prévention pour la collectivité3, oublier que l’infection du sida sitif: dynamiques d’autant plus sont des interventions encore privilégie des sujets avec des importantes et bouleversantes si loin d’être équitables, coordon- histoires et des styles de vie à elles sont examinées chez les nées, efficaces et éthiques. haut risque de contagion, com- personnes contaminées acci- me les toxicomanes et les ho- dentellement et avec un vécu de mosexuels8. “responsabilité” de vie11. Le temps d’un diagnostic Les causes qui ont déterminé Cela conduit à des situations et la vie change leur problématique sont bien d’angoisse et de peur pour ce connues: en ce lieu, il suffit de qui est arrivé éventuellement ou Pour autant que soit notoire dire que l’oscillation de la per- pour la future contamination, l’engagement informatif des sonnalité chez ces sujets va qui donne lieu à des change- spécialistes dans la distinction d’une grave dysfonction psy- ments profonds dans la situa- des différentes étapes de la ma- chologique à une maturité psy- tion du couple, en la privant de ladie, prendre conscience de chosociale plus appropriée9. la dimension du quotidien. On son état d’infection comporte, Les personnalités des toxico- peut déterminer son “éclate- pour le patient, un niveau d’an- manes, en raison de leur vulné- ment” ou le maintien du lien, goisse tellement intense qu’il rabilité, de l’immaturité de leur par la conscience des risques et peut se transformer en une an- caractère, de la faible capacité le partage des responsabilités goisse paralysante, qui mine le de tolérer les frustrations et de résolument dépressives, comme sens du projet de vie, avec des leur aliénation spirituelle, ont si plus rien ne comptait dans la fantaisies de mort immanente, tendance à refuser la gravité de vie; ou si on choisit l’abstention d’inévitables répercussions dé- la maladie et le risque de conta- du rapport sexuel comme perte structurantes sur les relations mination, ayant confiance dans de la libido par un investisse- affectives, interpersonnelles, la capacité de réaction de leur ment objectuel à haut risque, sociales et de travail4. Il faut organisme. Pour ces raisons, ils mais avec l’extinction rapide du également dire que la diffusion sont des sujets difficiles, peu ré- rapport. pandémique du sida et la publi- ceptifs à des programmes de De ce qui précède, il semble toujours plus évident qu’il est Négation, comme réaction connaître de nouvelles formes important et nécessaire d’inves- immédiate destinée à exorciser d’équilibre psychologique14. tir dans l’action de prévention la maladie; attitude d’abord in- Le devoir d’assistance, très qui, tandis qu’elle réalise une crédule, hypertrophique et en- délicat chez la personne séropo- information adéquate, éduque à suite introspective, se transfor- sitive, doit encourager l’accep- la maturité responsable: une mant peu à peu en mutisme tation de son état et reconstruire maturité qui, dans le cadre du tourné vers la rupture des rap- une image positive de soi, qui couple, aboutit à la redécouver- ports interpersonnels. lui permette d’établir des objec- te de la valeur spirituelle de Colère, pour être la victime tifs futurs et réalistes, en main- l’amour qui se donne comme désignée de la contamination; tenant vive l’espérance qu’ils sens fondamental de l’existen- le plus souvent, capables d’arri- peuvent être réalisés15. ce. Concept, que j’approfondi- ver, dans les cas extrêmes, à la Dans le contexte de la mala- rai davantage ensuite, à divul- volonté de contaminer les die déclarée, les régimes théra- guer déjà chez les adolescents, autres, en propageant la mala- peutiques récents, induisant des afin qu’ils acquièrent la force die dans le but de se venger. réductions significatives de la de caractère pour éviter de dé- Dépression, déterminée par charge virale, ont engendré de passer les comportements à des sentiments de désespoir et nouvelles expectatives sur la risque opposés à ceux que l’É- de culpabilité très forts à qualité de la vie et parfois, des glise propose comme un idéal l’égard d’un vécu immanent de espoirs de guérison non réa- positif, qui comprend et ap- mort, qui renforce et amplifie la listes qui, trompés par le carac- plique les règles morales de vision mythique et symbolique tère tragique de la maladie, conduite, capable de préparer à du sida. voient le malade perdre le l’amour responsable et fidèle, contrôle de la réalité, sombrer garantie principale pour la tu- dans le désespoir et la déchéan- 79 telle de la propre santé et de Les différentes phases ce psychophysique qui, dans les celle des autres. de la maladie cas extrêmes, peut conduire au En se fondant sur cet idéal, suicide16. comme le déclare le Saint-Père, Dans la période qui s’étend Comme le rapporte Nichols17, “...il est extrêmement préjudi- de la contamination au caractè- le cheminement psychologique ciable pour la dignité de la per- re positif appelée “phase fe- du malade du sida est caractéri- sonne et donc, moralement illi- nêtre”, un sujet apparaît séroné- sé par trois phases: l’état de cri- cite, de se battre pour une pré- gatif tout en étant déjà contami- se initiale, l’état de transition et vention de la maladie du sida né et contagieux: on peut sup- enfin celui d’adaptation et de basée sur le recours à des poser les dangers potentiels et préparation à la mort. moyens et à des remèdes qui graves de transmettre et de La douleur morale pour le violent le sens authentiquement contracter la maladie qui peu- préjudice social, à côté de la humain de le sexualité et sont vent retomber sur la collectivi- terrifiante perte d’espoir, le un palliatif pour ces troubles té, en raison de choix compor- malaise dérivant de l’isole- profonds, où la responsabilité tementaux à risque, spéciale- ment et de l’abandon des des individus et de la société est ment dans le domaine de la autres et enfin, l’identification mise en cause...et prétexte à un sexualité. avec la mort d’un ami cher fléchissement qui ouvre la voie Lorsque le diagnostic séropo- avec lequel les choix de vie à la dégradation morale”12. sitif est confirmé par les ana- ont été partagés, s’opposent de lyses cliniques, la personne met manière conflictuelle au be- en action différentes réactions soin d’aide affective, psycho- Réactions psychologiques psychologiques, qui la plongent logique et sociale, compensé lors de la communication dans une oscillation continue en principe par la figure mater- de l’état séropositif entre pensées de vie et de mort, nelle dans un rapport symbio- l’engagent dans de fréquentes tique de type régressif/infanti- Des recherches scientifiques et nouvelles élaborations cogni- le, à côté d’un intérêt retrouvé internationales ont démontré tives et comportementales, qui et renouvelé pour la recherche que les réactions psycholo- devraient lui permettre de d’un conseiller spirituel com- giques possibles lors de la révé- lation diagnostique du caractère séropositif, ont une interférence soit avec les paramètres immu- nitaires soit avec l’acceptation du traitement13 et dépendent de certains facteurs: des caractéris- tiques de la personnalité et des capacités des réponses d’adap- tation; du style de vie adopté, qui expose les sujets à un risque supérieur de contamination et enfin, des complications orga- niques déterminées par l’infec- tion. Ces réactions peuvent se résumer en négation, colère et dépression. pétent, point de départ de nom- ternationale sur le sida, organi- malade, qui cause préjudice à breux processus de réhabilita- sée par le Conseil pontifical l’image professionnelle, qui tion morale et élément interac- pour la Pastorale de la Santé: exige de toute manière empa- tif important du traitement thé- “...la perte de la chaleur fami- thie, solidarité, charité au sens rapeutique. liale provoque chez les malades le plus élevé du terme23. C’est dans cette phase exis- du sida la diminution et même Le problème le plus ressenti tentielle que le malade du sida l’extinction de cette immunolo- par les personnels de santé est redécouvre et réaffirme les va- gie psychologique et spirituelle certainement celui de la conta- leurs fondamentales de la vie, qui souvent, se révèle aussi im- mination pour eux-mêmes et avec un esprit combatif envers portante que celle physique leur famille. Les précautions, la maladie qui, malheureuse- pour soutenir la capacité de ré- parfois supérieures aux nécessi- ment, de manière inéluctable, action du sujet”21. tés réelles, représentent une conclut le cycle vital18.

La famille du malade du sida: réactions

En général, les sujets séropo- sitifs tentent, jusqu’à la phase asymptomatique, de tenir la si- tuation sous contrôle, en mini- misant, même envers eux, les 80 pénibles conséquences de la maladie. Lorsque cela n’est plus possible, en raison de la compli- cation et de l’évolution des symptômes et des traitements urgents, le diagnostic du sida frappe souvent de plein fouet la famille non préparée à la révéla- Les personnels de la santé barrière psychologique ulté- tion de la maladie, l’amenant à rieure interposée dans la rela- la connaissance des probléma- Les implications psycholo- tion avec le malade, tandis que tiques de la toxicomanie ou des giques du sida et des infections le recours à des modalités de comportements infidèles ou dues au virus VIH méritent communication imprécises, transgressifs du conjoint19. d’être analysées également équivoques, contradictoires, Il s’ensuit un changement dans la relation avec les person- tend à éviter des prises de res- profond dans le milieu familial, nels de la santé22 qui, outre à in- ponsabilités qui peuvent expirer qui modifie, par une réorganisa- fluencer l’équilibre du person- dans le phénomène bien connu tion globale, toutes les variantes nel, est souvent importante “burn out”24. relationnelles impliquées; dans pour le caractère formel de la Le cas du refus de soigner les les cas extrêmes, pour rendre structure sanitaire et la qualité personnes malades du sida encore plus complexes et désa- de l’assistance. La personne contrevenant de manière écla- grégées les dynamiques fami- malade développe à l’égard des tante aux art. 5 et 7 de la loi 135 liales, interviennent les craintes personnels de santé un état de du 18/9/1990 de l’actuel Code de la condamnation morale, les dépendance psychologique, Déontologique italien sont très stigmatisations de l’opinion pu- tandis que la famille, leur re- rares: refus symptomatique de blique à l’égard d’un diagnostic connaissant l’autorité du savoir, malaises personnels profonds “honteux”. se met dans un état de sujétion: outre que professionnels25. Il est La famille tend à dissimuler, patients et famille projettent sur évident qu’il est absolument né- se repliant sur sa souffrance, les personnels de santé des dé- cessaire d’offrir à tout le per- d’où réapparaissent des conflits sirs de survie, à travers un mé- sonnel qui soigne les malades internes très graves, avec canisme que je définirais “d’ac- du sida une consultation psy- échanges d’accusations et de crochage à la vie”. chologique, favorisant la maî- culpabilisation à l’égard du ma- Inversement, le personnel trise de l’angoisse et diminuant lade, jusqu’à arriver à son ex- d’assistance peut structurer la tension du travail, qui amé- pulsion, afin de se défendre deux attitudes défensives oppo- liore aussi bien la compréhen- d’être associée à la déviance, au sées, plus ou moins incons- sion des devoirs professionnels style de vie et aux fausses va- cientes, qui servent à éloigner que la capacité d’assurer une leurs qui en déterminent les di- les angoisses de mort et les sen- relation de dialogue positif, une vergences20. Tout cela survient timents d’impuissance théra- aide humaine présente, capable, avec de profondes lacérations peutique: soit l’éloignement af- efficace. intimes, qui empêchent les fectif envers le malade, consi- deux parties d’adopter des déci- déré comme un “cas clinique”, sions constructives capables de porteur de symptômes, privé de Réflexions se réconcilier avec la vie; dyna- son humanité et de sa personna- mique soulignée par Sa Sainteté lité, soit un engagement hyper- Tous ces arguments traités, dans le discours tenu en 1990, à affectif par un processus d’une actualité brûlante, sont l’occasion de la Conférence in- d’identification à la personne encore plus cruciaux par les di- vergences culturelles évidentes portement humain, avec le caractère incisifs, moraux et dans les réponses de solution courage de qui cherche la véri- spirituels. aux problèmes de la prévention té, celle des valeurs, du carac- Tout cela sera possible grâce du sida. Des questions qui tère sacré de la vie dans le res- à des interventions tendant à considèrent d’une part le grand pect des principes inéluctables l’affirmation des principes uni- rôle/guide moral et pédago- de son magistère, de la foi et de versels, proposés et réalisés de gique de l’Église, de l’autre une l’éthique. préférence dans les contextes vision culturelle de la société Cependant, comme le confir- plus difficiles, par des modali- moderne qui, en vertu du prin- ment les données apparues tés pragmatiques respectueuses cipe de la rationalité scienti- dans le questionnaire entrepris et adaptées aux différentes réa- fique, n’est pas exempte d’im- par le Conseil pontifical pour la lités politiques et économiques, plications avec le pouvoir poli- Pastorale de la Santé, l’accélé- anthropologiques et culturelles tique et/ou économique, se fon- ration historique exige aujour- de la planète, capables de s’op- de toujours davantage sur la d’hui de nouvelles stratégies poser à l’appauvrissement et à technologie et le contrôle du d’évangélisation et d’espéran- la dégradation morale qui trou- réel. ce, que l’Église, au-delà de tou- ve, malheureusement, des es- Des optiques différenciées, te initiative locale louable, de- paces de conquête parmi les d’où jaillissent des courants vra et sera capable d’organiser problèmes d’ignorance, d’anal- émotifs opposés, trouvent en faveur des malades du sida phabétisme, de chômage, de l’homme normal dans une si- et de leurs familles, ou une aide prostitution, dans des contextes tuation d’égarement et de crise concrète, solidaire, charitable sociaux peu évolués ou très dé- des valeurs préoccupante, qui et spirituelle, qui leur apporte veloppés au point de vue tech- peuvent conduire à l’insinua- un soulagement, en repérant nologique et souvent déperson- tion d’une subjectivité éthique par exemple de vieux couvents nalisés. 81 tendant à rechercher un modèle qui pourraient être transformés Dans ce but, les interventions d’Église répondant davantage en maisons d’accueil ou en de médiation diplomatique de aux besoins personnels, déter- chargeant des ordres religieux l’Église avec les autorités de minant un dualisme irréel, de s’occuper des orphelins du gouvernements, devront se fai- commode entre éthique laïque sida. Une aide qui, par l’institu- re pressantes, afin de réduire le et éthique chrétienne, entre tion d’un observatoire central fossé entre pays riches et pays science et religion, entre État et avec fonction de coordination pauvres en matière de tutelle de Église. des recherches humaines, so- la santé en général et dans la Comme le Saint-Père l’a sou- ciales et scientifiques sur le si- lutte contre le sida en particu- ligné dans la Conférence inter- da, pourrait être un centre de lier, inégalités scandaleuses et nationale sur le Sida déjà citée: connaissances et d’informa- inhumaines dont nous devons “...on ne s’éloigne pas de la vé- tion, une incitation pour toutes assumer la responsabilité. rité si on affirme que, parallèle- les réalités complexes des C’est seulement dans la col- ment à la diffusion du sida, une églises locales ainsi qu’une jus- laboration totale que nous pour- sorte de défense immunitaire te reconnaissance de leur action rons, par un élan humanitaire, s’est manifestée sur le plan des pastorale. soustraire ces personnes ma- valeurs essentielles, qui ne peut Donc, une aide de l’Église lades et leurs familles, mar- manquer d’être reconnue com- qui doit se concrétiser, outre quées à la fois dans le corps et me une véritable pathologie de que dans l’exaltation active des l’âme, à la solitude dramatique l’esprit”26. grandes valeurs mises à la base et au désespoir que le sida en- En effet, le sida et ses problé- de la vie, par des programmes gendre, pour les conduire à une matiques importantes consti- d’information, d’éducation, de assistance sanitaire et psycholo- tuent, même dans le caractère formation et de prévention, réa- gique égale et valable (pour dramatique de la maladie, seu- lisés de manière capillaire dans procéder à une élaboration ca- lement la pointe de l’iceberg tous les secteurs sociaux et ren- tartique de la maladie, qui les d’une réalité psychologique et dus plus bénéfiques par des ac- codifie à nouveau intérieure- spirituelle plus complexe sur la- tions déterminées, engagées et ment), associée à un réconfort quelle il faut intervenir. très médiatisées, en synergie spirituel, sensible comme tou- Voilà le véritable défi: avec d’autres initiatives de l’É- jours, mais préparé spéciale- conjurer le risque de l’annula- tat ou privées. ment à la connaissance des tion des consciences, de la né- L’Église elle-même doit être techniques d’assistance (crisis gation de la dignité de la per- le trait d’union entre l’État et la counselling, problem-solving sonne humaine, pour promou- communauté scientifique afin counselling, decision-making voir une culture de la vie, des- d’entraîner la société dans ses counselling)28, pour aider à ou- tinée à constituer une société idéaux, “valeurs authentiques” vrir le cœur des malades à l’es- plus forte et plus humaine. Ce par lesquelles dépasser des po- pérance et à la redécouverte de défi est relevé par l’Église mè- sitions stériles de politique dé- la propre dignité d’hommes et re et maîtresse, qui agit depuis magogique et de déterminisme d’enfants de Dieu. Par une ac- toujours dans ce sens27; en ré- scientifique, en faveur de com- tion de feedback (réaction), les pondant avec le cœur, elle sait portements plus mûrs et plus interventions éducatives pré- parler aux hommes dont elle responsables, à commencer par coces pourront être plus inci- connaît la fragilité et comprend les très jeunes, comme un choix sives, si elles sont orientées les troubles et les difficultés; de vie responsable, valeur es- vers des facteurs plus person- elle encourage constamment sentielle de ce projet humain nels (perte de l’estime de soi, de nouvelles lectures du com- fondé sur la signification et le recherche d’un rôle, angoisse de crise d’abandon ou de mort, choimmunology and AIDS. 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Le conflit entre d’assister et de protéger l’indi- revendiqué des libertés qui ne les valeurs en jeu vidu contaminé qu’il soit seule- sont pas toujours associées à la ment séropositif ou même at- pleine responsabilité, comme La perspective éthico-morale teint de la maladie déclarée. De par exemple le fait de persévé- sous laquelle nous examine- ce conflit proviennent, précisé- rer dans des comportements rons l’assistance à la personne ment, toutes les questions déjà désordonnés et dangereux. De malade du sida a dû tenir affrontées dans d’autres do- fait, dans les premières années compte, dès l’apparition de maines de la bioéthique, qui de l’infection du sida, le débat l’épidémie, d’un nombre im- deviennent particulièrement éthique a souvent accentué le pressionnant de problèmes. On critiques dans le cas de l’infec- sentiment de l’autonomie indi- peut dire que l’infection due au tion du sida en relation avec les viduelle du sujet malade et le virus VIH a joué le rôle de ca- particularités de la maladie qui, sida a été fortement “idéologi- talyseur de nombreux conflits jusqu’à présent, est privée de sé” par des groupes de pression éthiques qui sont apparus, com- traitement définitif, et avec les sociale impliqués dans des me d’un vase de Pandore du modalités mêmes de sa diffu- comportements à risque, qui 83 XXe siècle, interpellant la sion. ont fait de l’infection un dra- conscience de chacun, tant sur En particulier, ce conflit ap- peau pour légitimer leurs com- le plan personnel que sur celui paraît lorsqu’il s’agit de définir portements et revendiquer une des politiques de la santé. les principes éthiques de réfé- série de “privilèges” (lois spé- Au début du siècle, le cé- rence et plus encore, quand il ciales, financements par l’État lèbre clinicien Sir William Os- s’agit de les accorder et de les en faveur de leurs associations, ler, traitant de la syphilis – ma- harmoniser entre eux. La litté- de leurs projets de distribution ladie avec laquelle on fait sou- rature éthique, en effet, met en massive et gratuite de préserva- vent une analogie en parlant du évidence une pluralité de va- tifs, du respect absolu de leur sida – écrivait, dans la préface leurs et de devoirs éthiques/mo- vie privée, etc.). L’attention à la de son fameux traité de méde- raux qui en dérivent, mis en protection de l’individu conta- cine interne, que la syphilis cause dans l’aide à la personne miné a souvent prédominé, en était, précisément, la seule ma- malade du sida. substance, sur celle due à la so- ladie que les étudiants de mé- Tout d’abord, le principe du ciété, en tant que bien commun decine devaient étudier à fond, respect de la dignité et de l’au- et bien des sujets particuliers étant donné la complexité des tonomie des sujets concernés, sains, courant le risque d’être cadres cliniques dans lesquels plus particulièrement du sujet contaminés. elle pouvait se manifester: séropositif ou malade, que l’on Un article paru au début des “étudiez la syphilis dans toutes ne peut faire disparaître comme années ’90, dans la revue New ses manifestations et ses corré- personne en raison de sa condi- England Journal of Medicine lations cliniques – disait-il – et tion, quelle que soit la manière intitulé “An End to HIV excep- toute autre pathologie vous ap- dont la maladie a été contrac- tionalism?” décrivait ainsi la paraîtra en plus”. Aujourd’hui, tée. Au contraire, il doit être ai- politique adoptée devant l’ap- on pourrait dire également que dé à affronter les conséquences parition du sida: “Au cours de connaître le sida dans toutes ses de son état par des choix per- la première décennie de l’épi- corrélations éthiques et morales sonnels et responsables, qui démie, une communauté d’in- revient à se confronter à tous vont de la réflexion sur ses térêts, composée des porte- pa- les problèmes de l’éthique bio- comportements aux décisions role d’homosexuels, de défen- médicale ou du moins, à une d’informer les autres sur son seurs des libertés du citoyen, de grande partie de ceux-ci, étant état, de contracter mariage, de médecins et de fonctionnaires donné toutes les facettes de procréer, de refuser ou d’accep- des services de santé, a déve- l’infection du sida. ter un traitement expérimental, loppé une politique de compor- Si nous examinons les diffé- etc. En d’autres termes, il tement à l’égard de la maladie rents problèmes éthiques/mo- s’agit de promouvoir la liberté en se fondant sur le concept raux que l’assistance à la per- responsable des sujets, de sorte d’un “traitement spécial”. Non sonne malade du sida a soule- que cette responsabilité ren- seulement aux États-Unis, mais vés, nous voyons qu’il s’agit de contre la responsabilité de la également dans de nombreux problèmes extrêmement diffé- société en vue d’éviter que des pays industrialisés occiden- rents entre eux, mais qui tour- occasions de discrimination ou taux, la politique sanitaire a été nent tous, en substance, autour de violation de la vie privée des déterminée par une alliance qui du conflit entre: a) le droit-de- malades se manifestent. mettait la liberté individuelle voir de prévenir l’infection En vérité, il faut également au-dessus des responsabilités chez les sujets sains – c’est-à- souligner que, souvent, au nom envers le prochain et la société. dire de protéger la société et b) du principe d’autonomie, on a On atteignit ainsi l’objectif de faire reconnaître un statut spé- en particulier, dont la santé doit s’empêcher d’être perplexes au cial du sida parmi les maladies être protégée de la contamina- sujet de l’orientation de nom- infectieuses et en particulier, tion par des programmes de breuses législations qui n’intè- parmi celles sexuellement prévention efficaces et oppor- grent pas l’infection du sida transmissibles. tuns, qui prévoient également dans la liste des maladies infec- Aujourd’hui, étant donné le contrôle des causes proches, tieuses existant déjà – et d’ap- que la maladie est tellement ré- éloignées et concomitantes, pliquer en conséquence les me- pandue, que les contaminés vi- comme la toxicomanie et l’usa- sures de prévention – mais plu- vent – et peuvent contaminer – ge désordonné de la sexualité. tôt de créer une législation ad plus longtemps, que la jouis- Par exemple, au nom du hoc. Cette orientation n’est jus- sance des services sanitaires principe de la “bénéficialité”, le tifiable que partiellement à cau- n’est pas nécessairement asso- médecin a le devoir de soigner se des particularités de l’infec- ciée à l’infection, que parmi les les malades contaminés, car il tion du sida par rapport aux personnels de la santé, il y de ne peut pas refuser de dispenser autres maladies infectieuses. nombreux sujets contaminés, la l’assistance voulue uniquement En revanche, les raisons qui ont peur réciproque entre médecins par crainte d’être contaminé à déterminé ce choix sont appa- et patients semble déplacer le son tour; les chercheurs ont le rues très clairement et ne sont débat. Autrement dit, on est devoir de s’appliquer à faire pas étrangères à ces comporte- tenté de laisser de côté l’auto- progresser la recherche afin de ments ni à ces groupes sociaux nomie et le droit à l’anonymat trouver un remède pour la pa- précisément (toxicomanes et absolu de la personne tandis thologie; la société doit interve- homosexuels) qui, dès le début, que l’on accorde plus d’impor- nir par des campagnes de pré- ont été associés aux modalités tance à la nécessité d’une im- vention opportunes afin d’en- d’infection. En d’autres termes, 84 plication majeure de la com- rayer l’expansion de l’infection l’infection a constitué une oc- munauté et des institutions et de protéger les sujets sains. casion, comme on a dit, de ré- dans la connaissance de l’état Ensuite, le principe de justi- affirmer sur le plan idéologique infectieux, afin de protéger les ce est rappelé: il s’applique non que l’on ne pouvait mettre en intérêts communs, dans un seulement dans le sens d’une discussion certains comporte- contexte de responsabilité. En équité sociale dans la réparti- ments, mais qu’il fallait faire d’autres termes, il n’y a pas de tion des charges, mais aussi tout pour continuer de les ga- raisons médicales, ni d’autre dans le sens d’une intervention rantir, avec une sécurité supé- nature, qui demandent de réser- en relation avec les besoins de rieure, pour éviter l’infection. ver un statut spécial au sida ou chaque individu (qui ne sont Et à ce sujet, les dénoncia- de ne pas le traiter sur la base pas égaux pour tous) et avec les tions de grands cliniciens n’ont de critères déjà considérés pour possibilités d’y pourvoir per- pas manqué; en effet, ils ont les maladies infectieuses, sur- sonnellement. Ce principe rap- souligné que le traitement “de tout transmises sexuellement. pelle donc la solidarité et la faveur” accordé au sida – lois Voici ces critères: la protection subsidiarité et ne signifie pas spéciales, fonds spéciaux pour de ceux qui ne sont pas encore simplement l’égalitarisme. Sur la recherche et l’assistance – contaminés, l’identification de le principe de justice et sur ce- semblait injuste à l’égard des qui est contaminé, le renforce- lui de la “bénéficialité” déjà politiques de santé adoptées ment du sentiment de responsa- mentionné, se fonde également pour d’autres maladies et bilité et de la motivation à ne le devoir d’informer et d’être concernant un nombre de ma- pas propager la maladie; des informé sur l’état séropositif lades aussi important, comme mesures coercitives dans une d’un sujet afin de mettre en dans le cas des maladies néo- minorité de cas dans lesquels œuvre toutes les interventions plastiques. En Italie, par manque le sens de responsabili- pour prévenir la contamination. exemple, malgré l’incidence té; le dévouement au malade C’est seulement en connaissant élevée de ces maladies, il n’y a afin de diminuer ses souf- le risque que l’on peut effectuer jamais eu de lois spéciales ni, frances. des interventions préventives et pendant longtemps, de fonds Cette exigence – qui, en vé- il serait certainement injuste de publics destinés spécifique- rité, a un fondement qui va bien taire les informations décisives ment à subventionner la re- au-delà des modifications so- pour modifier un comporte- cherche et les traitements dans ciologiques contingentes aux- ment. Cet argument est soute- ce domaine. quelles doit se confronter le si- nu, par exemple, en relation Ces considérations mises à da – confirme, précisément, avec le problème du secret pro- part, le principe de justice sou- que le principe de l’autonomie fessionnel qui, précisément ligne de toute manière que la est insuffisant sans la référence dans le cas du sida, a été pro- dimension sociale du sida est à la responsabilité personnelle fondément remis en question étroitement associée à la di- et sociale. sur les critères de dérogation, mension éthique et assume une Un autre principe est le prin- non seulement pour des raisons importance particulière dans cipe de “bénéficialité”, invo- légales mais aussi pour des mo- cette maladie, car elle concerne qué aussi bien à l’égard du su- tifs socialement importants, la personne non seulement en jet contaminé – qui doit être comme le danger imminent tant qu’individu, mais aussi par soigné et assisté de la meilleure d’infection d’un sujet ignorant rapport aux autres personnes. manière possible – qu’à celui le risque. C’est pourquoi tous doivent se des sujets sains et de la collecti- À la lumière du principe de sentir engagés dans une série vité en général, et de la famille justice également, on ne peut de responsabilités sociales et de devoirs professionnels qui font me d’autres épidémies à Conformément à ce qui a été appel aux valeurs et indiquent d’autres époques – mais est déclaré par la Commission de des obligations morales. également le point de référence l’Épiscopat des États-Unis, il Les principes qui viennent et la source même de la société, faut affirmer que les personnels d’être exposés, sont nés en par- elle est enfin le bien ou la va- ne peuvent pas refuser les ticulier dans la littérature bioé- leur objective et transcendante soins, d’abord parce que l’obli- thique nord-américaine et n’ont par rapport au cosmos. gation de soigner les malades de sens que dans un modèle sans discrimination fait partie éthique qui les accorde et les de la déontologie profession- harmonise entre eux. Du point Problèmes éthiques nelle et ensuite, parce qu’il y a de vue de la méthodologie, plus particuliers dans l’assistance des précautions valables et suf- précisément de la réflexion à la personne malade du sida fisantes pour éviter la contami- éthique, il est important d’avoir nation dans le milieu sanitaire; clairement le cadre des valeurs À présent, nous examine- ces mesures, comme on sait, ne que l’on veut atteindre, pour rons brièvement quelques pro- sont ni plus importantes ni plus réussir à comprendre égale- blèmes éthiques soulevés, qui contraignantes que celles exi- ment la manière dont il faut dérivent précisément de ce gées par d’autres infections vi- réaliser leur harmonisation. Et conflit déjà évoqué entre devoir rales, comme l’hépatite B, par l’harmonie à poursuivre n’est de protéger la société et devoir exemple. pas un simple compromis obte- de protéger les droits des per- Évidemment, le malade qui nu par un “équilibrage pragma- sonnes contaminées. J’en ai connaît son état de séropositif tique des valeurs”, mais elle choisi quelques-uns parmi les est obligé d’en informer le mé- comporte aussi la recherche, plus significatifs et je renvoie à decin et le personnel soignant, pas toujours facile sur le plan la littérature abondante pour afin que ceux-ci puissent 85 pratique, d’une hiérarchie des leur traitement systématique. prendre ces précautions pour valeurs en question, car l’hom- eux et pour les autres malades, me est unitaire et croît dans sa A) Un premier problème tout en sachant que le risque perfection, se maintient dans sa soulevé a été celui du refus de subsiste, et est même plus insi- rectitude personnelle et éthique l’aide par le personnel de la dieux lorsque l’on surestime uniquement s’il recherche santé. Le thème a proposé à l’information de négativité du continuellement cette unité nouveau la réflexion sur le test, qui peut toujours cacher convergente, faite de l’harmo- sens, tout à fait particulier, de une infection étant donné la nie/hiérarchie des valeurs. l’activité médico-sanitaire. Au “période fenêtre” bien connue La valeur centrale et primai- point 2 de la Charte des Person- qui suit la contamination. re concernée dans le problème nels de la Santé (Conseil ponti- Cependant, les diverses obli- du sida, comme dans chaque fical pour la Pastorale de la gations de diligence et d’assis- problème d’assistance sanitai- Santé, 1995), on déclare que tance du médecin doivent être re, est la personne humaine: cette activité est “la rencontre interprétées à la lumière de leur c’est vers la personne humaine entre une confiance et une “ratio” et des possibilités opé- et son avantage que converge conscience. La confiance de rationnelles effectives, appli- l’action du médecin et de l’homme atteint par la souf- quées également à la sécurité l’homme de science, celle du france et la maladie, donc, dans du personnel médical et infir- pasteur des âmes, l’action de la le besoin, qui s’en remet à la mier auquel on doit demander société et de la culture. La per- conscience d’un autre capable l’accomplissement diligent, sonne humaine, en vertu de la de l’assumer et de venir à sa professionnel et non discrimi- vision qui résulte d’une anthro- rencontre pour l’assister, le soi- natoire de leur travail, sans al- pologie philosophique accom- gner, le guérir”. ler jusqu’à un héroïsme inutile. plie, n’est pas seulement le Malheureusement, aujour- point central de l’écosystème – d’hui, on veut altérer ce sens de B) Toujours dans le cadre du gravement perturbé par l’appa- la profession, en soulignant devoir d’assistance, nous rap- rition du phénomène sida com- l’aspect du contrat entre le mé- pelons aussi le contexte parti- decin et le malade plutôt que culier de la phase terminale de celui du bénéfice dans la la maladie. L’aide au malade confiance et il est donc plus du sida en phase terminale se difficile de soutenir l’obliga- pose comme une perspective tion de soigner et d’assister les concrète – plus ou moins à brè- malades: moi, médecin, je suis ve échéance – qui engage les obligé parce que j’ai accepté le personnels de la santé et toute contrat, mais je ne suis pas la société face à une pathologie obligé d’accepter le contrat. qui ne présente, jusqu’à pré- Le refus de recevoir et de sent, aucun traitement résolu- soigner les malades contaminés tif. Dès le moment du diagnos- est contraire au sens même de tic certain de la maladie, le sida la profession, sens qui a besoin entre alors dans une phase où il d’être redécouvert actuellement n’y a plus rien à faire pour blo- par les personnels de la santé, quer la maladie, tandis que l’on fortement tentés par l’idée du peut et l’on doit faire encore contrat. beaucoup sur le plan de l’assis- tance, des soins palliatifs et de la réflexion éthique s’est rapi- périmentation de nouveaux mé- l’accompagnement de ces ma- dement heurtée à la difficulté dicaments, rentre de plein pied lades. Dans cette assistance, le d’interprétation des principes dans les devoirs d’assistance médecin soignant doit tenir de l’éthique, surtout dans la mi- aux personnes contaminées. compte de ses valences émo- se en pratique de cette ré- Certes, devant une maladie tionnelles et de celles du pa- flexion; 3) le problème du se- dont on connaît l’origine et tient, de la flexibilité du rôle cret ou de la révélation a susci- l’épidémiologie mais pour la- qu’il peut assumer dans la pro- té une attention renouvelée au quelle on ne dispose pas encore gression de la maladie, des rapport médecin/patient, rap- du remède, le premier engage- possibilités de traitement, des port qui est certainement la ré- ment consiste à programmer techniques, etc., même dans le férence principale pour expli- une prévention valable. Toute- seul but d’aider, sans objectif quer certains “points obscurs” fois, il faut également encoura- thérapeutique en l’absence de qui peuvent apparaître face aux ger les scientifiques dans la re- directives causales. En cas de décisions éthiques, mais qui cherche de nouveaux médica- refus aussi bien de l’euthanasie n’est pas toujours interprétée ments et vaccins qui soient à que de l’acharnement théra- dans le sens d’un devoir de même de détruire le virus. Le peutique, il faut proposer les bienveillance du médecin, mê- sida, à la différence d’autres soins palliatifs, dans lesquels me à l’égard de la société et du maladies graves pour lesquelles on considérera le traitement de patient lui-même. C’est pour- on réalise des expériences cli- la douleur, tous les soins nor- quoi, tout en observant l’im- niques, est une maladie épidé- maux dus à chaque malade, la portance absolue et la recon- mique de nature infectieuse, communication de la vérité et naissance fondamentale du se- qui induit chez les chercheurs l’assistance humaine et reli- cret professionnel dans l’activi- de grands espoirs sur la possi- 86 gieuse. té médicale, il est impérieux bilité de trouver des mesures de Aujourd’hui, certains érigent d’accorder une attention – si contrôle efficaces, comme cela en théorie une sorte de “ratio- pas plus grande, au moins égale s’est produit pour d’autres ma- nalité” dans la décision du sui- – à ces sujets qui, à la suite de ladies infectieuses en ce siècle. cide des patients chez lesquels la non observance du secret, Par conséquent, il y a un déve- la maladie est diagnostiquée, pourraient encourir des risques loppement impressionnant de soutenant une “obligation mo- graves. Pourtant, l’intérêt so- nouveaux médicaments propo- rale des autres de protéger et cial de la santé peut exiger par- sés comme traitement simple même de favoriser le plus pos- fois la révélation du secret ou en association – souvent an- sible – là où la loi le prévoit – (comme dans la situation de noncés sans aucune certifica- la rationalité de ce choix”. Or, à l’infection du sida, aussi long- tion et suscitant de fausses at- propos de cette “assistance”, temps qu’elle est incurable et tentes, qui demandent à être l’Evangelium vitae confirme mortelle) et les principes clas- évalués cliniquement. avec force que “partager l’idée siques d’éthique médicale, Aujourd’hui, de grandes at- suicidaire d’un autre et l’aider à comme le recours au principe tentes sont associées à l’expéri- la réaliser au moyen de ce que du respect nécessaire dû à la mentation de vaccins contre le l’on appelle le “suicide assisté” personne humaine, convergent sida, que l’on a annoncé récem- signifie se faire collaborateurs dans l’indication des caractères ment en Italie également. Les et parfois acteurs à la première de relativité du secret profes- problèmes éthiques qui se pré- personne d’une injustice, qui sionnel et des conditions aux- sentent dans l’expérimentation ne peut jamais être justifiée, quelles une révélation à des de ceux-ci et que les comités même lorsqu’elle est deman- tiers peut être considérée légiti- d’éthique sont invités à évaluer, dée... Le geste de l’euthanasie me. sont nombreux et de différente apparaît encore plus pervers Du point de vue éthique, la nature. s’il est accompli par ceux qui – conscience que le principe Je voudrais examiner parti- comme les parents – devraient d’autonomie ne peut jouer un culièrement et brièvement les assister avec patience et amour rôle absolu dans le cadre du problèmes éthiques qui se po- leur conjoint ou par ceux qui – rapport médecin/patient incite à sent aujourd’hui dans la phase comme les médecins – en rai- ouvrir quelques brèches dans le son de leur profession spéci- mur de la discrétion. Le fonde- fique, devraient soigner le ma- ment de la dérogation au secret lade même dans les conditions se retrouve dans le principe de terminales les plus pénibles”. justice, c’est-à-dire dans la né- cessité d’éviter un préjudice in- C) Le droit à la confidentiali- juste à un tiers innocent ou à té mérite également une ré- soi-même, en ce sens que le flexion d’ordre éthico-moral, le destinataire du secret représen- thème du secret étant devenu te un agresseur injuste. Évi- un sujet crucial pour une série demment, la priorité concédée de raisons: 1) jamais, avant ne doit pas dépasser les limites l’apparition du sida, le secret du nécessaire et ne peut être un professionnel n’avait été mis en motif de discrimination. discussion au point de détermi- ner de profonds conflits entre D) Enfin, le thème de la re- droit, déontologie et éthique; 2) cherche scientifique et de l’ex- III du développement des vac- du placebo et des autres mé- guent les effets et les consé- cins, qui demande d’évaluer thodes qui réduisent les interfé- quences du sida: à côté des leur efficacité dans la popula- rences (randomisation, etc.), compétences techniques/pro- tion à haut risque. Du point de mais il est clair que pour le fessionnelles, il y des responsa- vue éthique, il me semble que groupe de contrôle également, bilités éthiques pour les person- l’on ne pourra pas se “conten- il est juste, au point de vue nels de la santé; c’est pourquoi ter” d’administrer le vaccin aux éthique, de prévoir une assis- la nécessité s’impose d’inclure sujets à risque et d’attendre tance psychologique adéquate, également dans les pro- l’efficacité éventuelle, en lais- qui corrige les comportements grammes de formation et de mi- sant le sujet persister dans son à risque. se à jour professionnelle les comportement. Il apparaît op- Voilà quelques-uns des pro- contenus de l’éthique biomédi- portun, et moralement obliga- blèmes éthiques qui peuvent cale comme partie intégrante de toire, que déjà dans cette phase survenir dans l’expérimenta- la formation et présupposé pour soit associée une assistance tion de nouveaux médicaments un service complet à la vie qui psychologique appropriée qui contre l’infection du sida, mais est telle, uniquement dans la fi- aide à supprimer, dans la mesu- ils suffisent à nous donner la délité à la loi morale. re du possible, les causes de conviction que leur solution ne Et c’est aux personnels de la risque, même au prix de voir peut advenir en privilégiant, de santé que Jean Paul II s’est réduite la possibilité d’évaluer manière réductrice, ni la liberté adressé directement dans son l’efficacité du vaccin au cas où de la recherche scientifique ni discours aux participants à la l’assistance serait suffisante en seulement l’autonomie de l’in- IVème Conférence internatio- soi pour détruire ou limiter les dividu de se soumettre ou de nale sur le Sida, organisée pré- causes d’infection. refuser l’expérimentation ou cisément par ce Conseil ponti- Le problème se complique là l’utilité sociale en termes de fical, il y a exactement dix ans: 87 où l’objectif expérimental pré- coûts/bénéfices: au-delà de ces “...renouvelez votre prépara- voit l’usage d’un groupe de simples valeurs, et comme tion, faites-vous promoteurs contrôle, c’est-à-dire un groupe point de contact, il faut consi- d’une action destinée à sensibi- de sujets qui ne recevra pas le dérer la valeur de la personne liser la communauté sociale, vaccin mais seulement un pla- humaine dans sa totalité et son soyez les porte paroles des an- cebo: pourra-t-on jamais accep- aspect concret, valeur qui har- goisses, des nécessités, des at- ter que ce groupe persiste dans monise l’autonomie, le traite- tentes de ceux que vous assis- son comportement à risque ment, la prévention et l’inter- tez” (n.13). pour servir de contrôle à ceux vention sociale. Dr ANTONIO G. SPAGNOLO auxquels sera donné le vaccin? On le voit, la réflexion Docteur en médecine Certes, dans ce cas, l’absence éthique se pose avec une évi- Institut de Bioéthique d’un traitement préventif stan- dence toujours plus grande dans Université catholique du Sacré-Cœur, dard rend acceptable l’usage tous les milieux où se conju- Rome.

V: Aspects spirituels

L’histoire de chaque person- tent le besoin de la prière, de la c) L’horizon humain est re- ne est une mosaïque de rela- réconciliation avec Dieu et présenté par ceux qui ne croient tions et d’échecs, d’amour et avec l’Église et le désir d’af- ni en Dieu ni en l’Église, refu- de trahison, d’opportunités sai- fronter des sujets religieux. sent la présence et le discours sies et de réalités perdues, de b) L’horizon spirituel est re- religieux, ignorent ceux qui gestes de fidélité et d’incohé- présenté par ceux qui cultivent tentent de donner un sens à la rences. une spiritualité dont les élé- souffrance ou à la mort, ridicu- Dans ce contexte se situe ments incluent la recherche du lisent l’idée de l’au-delà, adop- aussi l’histoire des personnes sens dans la maladie et la mort, tent des comportements agres- atteintes du sida dont les be- le bilan de leur vie, le sens de sifs et de fuite. Même à ceux- soins spirituels sont à lire à tra- la limite et de l’acceptation de là, il faut offrir le don de l’hu- vers le filtre de leur autobio- soi, la valorisation de la trans- manité sans les culpabiliser et graphie. cendance, l’affirmation des va- sans chercher à les convertir, Dans l’optique des besoins leurs comme la paix et l’al- mais en témoignant leur dignité intérieurs, il y a trois horizons truisme, la joie de relations humaine par la communication dans lesquels nous pouvons si- profondes, le besoin de dire respectueuse et en les aidant à tuer l’expérience de ces ma- adieu. franchir le tunnel de la protes- lades: Aujourd’hui, le besoin de tation pour construire leur iden- a) l’horizon religieux est re- construire des ponts est parti- tité d’hommes. présenté par ceux qui, en bien culièrement pressant, par ce Dans les différents parcours, ou en mal, font référence à une langage spirituel qui met en la recherche spirituelle ne expérience de foi reçue, com- contact les valeurs et le cœur consiste pas tellement à péné- battue ou récupérée et qui sen- des personnes. trer la fragilité du malade pour l’orienter vers Dieu, mais à nalisation des relations avec le Au niveau spirituel, la dou- s’adapter à son langage, en le personnel de santé. leur pour la séquence progres- veillant dans son mystère Au cœur du christianisme, se sive de ces pertes s’atténue en d’homme souffrant pour dé- trouve l’injonction de Jésus: se transformant en témoins couvrir le mystère de Dieu “chaque fois que vous avez fait d’écoute et de compréhension, agissant en lui. Dieu n’est pas ces choses à un seul de mes comme le souligne l’icône esclave de nos modèles, mais il frères plus petits, c’est à moi d’Emmaüs où Jésus se fait sait modeler l’argile humaine que vous l’avez fait” (Mt compagnon de toute des pèle- de ses mains. 25,40). rins en les faisant passer de Se mettre à l’écoute de ces Au niveau spirituel, la dou- l’angoisse à l’espérance. Saint personnes éprouvées aide à leur de l’isolement et de la soli- Paul nous rappelle bien le tra- comprendre trois blessures qui, tude se soigne en devenant des vail de l’existence: “Mais ce souvent, sont communes aux témoins de proximité comme le trésor, nous le portons dans des malades du sida: met en évidence l’icône de Jé- vases d’argile... Nous sommes sus avec le lépreux qui, par son pressés de toute part, mais non 1. La blessure contact humain le restitue à la pas écrasés; ne sachant qu’es- de la condamnation communauté humaine. pérer, mais non désespérés; Souvent, le sida est provo- L’isolement se soigne en en- persécutés, mais non abandon- qué par des comportements courageant des projets d’espoir nés; terrassés, mais non annihi- sexuels de promiscuité ou de et de solidarité, en dissipant les lés. Nous portons partout et transgression. Les victimes fausses peurs de contagion qui toujours en notre corps les sont généralement des homo- sont intensifiées par l’ignoran- souffrances de mort de Jésus” sexuels et des toxicomanes, ce, en cultivant des gestes de (2 Co 4, 7-10). 88 même si aujourd’hui, le tendresse et de chaleur qui ai- nombre de ceux qui contrac- dent le malade à récupérer un tent la maladie par des rapports sentiment d’appartenance et de Le voyage dans la maladie: hétérosexuels est plus impor- sécurité, à se sentir aimé. un voyage intérieur tant. Par conséquent, ces ma- lades se sentent jugés, par l’É- 3. La blessure du deuil La personne malade du sida glise en particulier, et ils ont et de la mort guérit quand le voyage dans la tendance à avoir des idées né- L’évolution de la maladie maladie se transforme en un gatives de Dieu, le considérant comporte un nombre croissant voyage intérieur et rencontre le comme un juge sévère, sa- de pertes à affronter: la perte long de ce parcours de bons sa- dique, vindicatif. Cela intensi- de la santé et de la sécurité, la maritains qui l’aident à récupé- fie le sentiment de culpabilité, perte de l’image de soi, la perte rer sa dignité, à donner un sens d’aliénation et de rancœur. d’un travail ou de la producti- nouveau à une vie changée, à Au niveau spirituel, la dou- vité, la perte d’indépendance, découvrir des images positives leur de cette blessure s’atténue la perte du futur ou de ses pro- de Dieu perçu comme étant en devenant des témoins d’ac- jets jusqu’à la perte ultime de proche, compatissant, bon pas- cueil, comme l’illustre l’icône la vie. teur, guérisseur, providence. de l’enfant prodigue qui se sent Chaque perte a son prix se- Ces témoins de la bonté de embrassé et accueilli joyeuse- lon ce que les différents déta- Dieu respectent ses croyances, ment par son père, sans que ce- chements représentent. accueillent ses états d’âme et lui-ci lui fasse aucune deman- Devant la désagrégation pro- ses silences, l’aident à mourir de sur son passé. gressive des fragments de la en paix et, là où les conditions mosaïque personnelle, le soin sont favorables, l’aident par la 2. La blessure de l’isolement spirituel consiste à écouter les prière, les sacrements ou le ré- Dans le contexte relationnel, différents sentiments de colère confort des promesses de la les personnes malades du sida et de perte, de faute et de tris- croix. éprouvent souvent un senti- tesse, d’angoisse et de trouble Je conclus avec les mots ment de marginalisation et de qui accompagnent ces sépara- qu’un toxicomane sur le point ségrégation de la part de la so- tions. de mourir du sida adressa au ciété. Le détachement n’est pas pasteur qui lui rendait visite: En premier lieu, il y a des fa- seulement un vécu psycholo- “j’étais habitué à penser que milles qui les refusent, qui gique, mais aussi spirituel... Dieu m’avait puni par cette n’acceptent pas le choix d’un c’est le vendredi saint des per- maladie, maintenant j’ai com- enfant ou se sentent stigmati- sonnes. mencé à croire qu’Il m’aime sées par sa maladie. À l’ombre des sentiments, se vraiment puisqu’Il m’a envoyé Parfois, le refus se manifeste cachent des souvenirs et des un ami comme toi”. par l’interdiction pure et déceptions, la conscience d’op- Que ces paroles inspirent simple de rentrer au foyer, par- portunités perdues et de rêves également notre manière d’être fois par la rupture de tout non réalisés. présents à leurs côtés. contact, pour toujours. Dans l’élaboration du deuil En second lieu, il y a aussi apparaît la spiritualité difficile R.P. ARNALDO PANGRAZZI, l’isolement de la société, de la créature qui fait l’expé- M.I. Professeur au “Camillianum” l’abandon de l’Église, la mar- rience de sa fragilité et de sa Institut international de Théologie ginalisation dans le travail, la mortalité et manifeste sa nos- pastorale de la Santé, trahison des amis, la déperson- talgie de la santé et du salut. Rome, Italie. Exposés sur le thème: “Accès à l’assistance, aux soins, expériences pastorales dans quelques églises locales”

I: Asie - Thaïlande

L’Église catholique dans le éléments sur le sida dans le de sa Sainteté Jean Paul II en royaume de Thaïlande pays. 1990. Depuis notre dernière mi- – Grosso modo, il y a environ se au point en octobre 1999, il y La Thaïlande, connue sous le 900.000 personnes contaminées a au moins 28 organisations qui nom de Siam avant 1939, est si- par le virus VIH. Bien que l’épi- dispensent des soins et des acti- tuée dans le sud-est de la région démie ait atteint son sommet au vités associées au sida. Malheu- 89 asiatique. Le pays compte 61 cours des années 1993-’94, il y a reusement, ces services ne sont millions d’habitants. Le boud- encore une moyenne de 40.000 disponibles que dans 5 diocèses dhisme est la religion principale cas d’infection chaque année. sur 10. Le type d’activités et de (95%), suivi par l’Islam (4%) et La plupart des nouvelles conta- services peut être classé comme les catholiques ne sont que minations sont dues à la trans- l’illustre le tableau: 250.000 (0,4%). L’Église en mission par voies sexuelles. Thaïlande est composée de 10 – Une enquête annuelle, ef- Tableau 1. Type de services ou diocèses. Il y a 400 religieux fectuée par une agence gouver- d’activités organisés par originaires du pays, 225 reli- nementale, signale au moins l’Église catholique en gieux consacrés, 1.445 reli- 80.000 prostituées. Les données Thaïlande pour prévenir et gieuses et 120 frères. Bien que de contrôle les plus récentes da- soulager le problème du sida le nombre de catholiques soit tent du mois de juin de cette an- très peu élevé, l’Église joue ce- née et indiquent une prédomi- Type de services /activités Nombre pendant un rôle extrêmement nance accusée du sida chez les Communautés de réadaptation important dans le développe- prostituées dans les maisons de pour toxicomanes 2 ment du royaume, surtout dans tolérance (17%) et 6,5% chez Centres sociaux pour les prostituées 2 le domaine de l’éducation et du les prostituées travaillant dans Orphelinat et activités associées 8 développement de la commu- d’autres établissements. Soins du sida, dans ses nauté. L’Église contrôle environ – 100.000 personnes au différentes phases 3 300 écoles réparties entre les moins sont toxicomanes. Le Assistance psychologique et asiles diocèses et également une uni- nombre des contaminés est pour séropositifs 11 versité dans la capitale. Il y a 4 d’environ 60.000 personnes. Le Hôpitaux pour le traitement du sida 3 hôpitaux pour les soins et les dernier indice est très élevé, Activités pour la famille et les jeunes 2 services de toutes les maladies. 50%. – Chaque année, sur un mil- Pour donner une idée des lion de femmes enceintes, les types de services et d’activités La situation du sida dernières estimations donnent associés au sida, voici quelques en Thaïlande 1,7% de séropositives, en exemples de travail pastoral: d’autres termes 17.000 femmes Centre de renaissance: com- Le premier cas de sida a été sont contaminées ainsi que munauté thérapeutique où les signalé en 1984. Au cours des 3.000 nouveau-nés. hommes et les femmes toxico- cinq premières années, les cas – En 1999, le nombre de nou- manes réapprennent à vivre et à de sida étaient très rares. À par- veaux cas de sida, nécessitant un travailler ensemble pour s’aider tir de 1988, le pays a dû affron- traitement médical était évalué à mutuellement à se libérer de la ter les premières vagues impor- 60.000 personnes et il atteindra drogue et à devenir des tantes de l’épidémie dans le un maximum en 2002. membres actifs de la société. Il monde des toxicomanes (par – Le nombre d’orphelins du a commencé ses activités en l’injection de drogues), des sida est élevé: ils sont au moins 1979 et se trouve actuellement prostituées, de leurs clients et 200.000. dans la province de Rajchabu- des femmes enceintes. La dif- rin, au centre du pays. Ce fusion principale du sida se fait centre est dirigé par la Congré- par transmission hétérosexuel- Expérience pastorale gation de Notre-Dame de la le, par le commerce du sexe et Très Sainte Trinité. Près de 400 d’autres types de prostitution, L’Église catholique en Thaï- toxicomanes se trouvent dans surtout chez les jeunes adultes lande a commencé ses services ce centre. de 18 à 29 ans. Voici quelques au sida en répondant à l’appel Fondation du Centre de la vie: c’est un endroit où l’on pra- L’Église en Thaïlande a établi 3. Construire davantage de tique l’accueil et l’assistance un Comité catholique pour le Si- centres communautaires de ré- aux femmes, aux jeunes filles et da afin de programmer, coor- adaptation pour les toxico- aux enfants qui sont engagés ou donner et encourager le travail manes. exposés à la prostitution. Il se sur le sida dans chaque diocèse. 4. Promouvoir les activités de trouve à Pattaya, un endroit cé- Cependant, le travail est tou- la vie familiale, l’éducation au lèbre du littoral, bien connu jours très limité lorsqu’il est mariage et des programmes de pour ses établissements de di- comparé à l’ampleur du problè- conseils pour les fiancés, les vertissement. Le centre est diri- me. époux et les jeunes. gé par les Sœurs du Bon Pasteur Dans une recherche récente, 5. Établir un centre commu- depuis 1988 et dispense plu- on a estimé que l’Église catho- nautaire ou un programme spé- sieurs sortes de services comme lique en Thaïlande devrait dé- cifique pour le soin des orphe- la formation professionnelle, ployer un programme d’action lins, des personnes âgées, des l’étude de la langue et l’éduca- plus important au cours de la prostituées, des séropostifs et tion des adultes. prochaine décennie, établir un des malades du sida. Ban Mettha Than, à Payao, réseau puissant pour partager les 6. Faire démarrer un pro- une province du nord qui fournit ressources et les expériences gramme de soins à domicile le soin pastoral aux personnes dans tous les diocèses, mobiliser pour les malades du sida, dans séropositives ou malades du si- des ressources matérielles et hu- toutes les paroisses. da et à leurs familles. Le projet maines en vue de donner une ré- 7. Éduquer le public sur les est confié aux Sœurs des Filles ponse plus efficace. dangers, la prévention et le soin de la Charité. Comme il y a eu du sida. de nombreuses morts dues au si- 90 da dans cette région, le projet Stratégie et structure concerne également plus de 100 du travail pour le nouveau Conclusion petits orphelins. millénaire L’Hospice Sainte Claire est Le sida engendre beaucoup un hôpital de 16 lits pour les ma- En octobre 1999, le Conseil de souffrances et de problèmes lades du sida en phase terminale. catholique pour le Sida a organi- sociaux pour le peuple thaïlan- Les religieux franciscains ont re- sé un séminaire en vue de défi- dais. L’Église catholique a en- connu la grande nécessité des nir la stratégie du travail sur le trepris dans ce pays de nom- soins à dispenser aux pauvres et sida dans la première décennie breuses activités afin de témoi- aux sans-abri malades du sida. du prochain millénaire (2000- gner l’amour du Christ envers L’hospice a accueilli son pre- 2009). Conformément aux re- les personnes vulnérables et af- mier malade en 1993 et jusqu’à commandations, chaque diocèse fectées par le sida ou le virus ce jour, 400 malades y ont été développera son plan d’action VIH. Cependant, la réponse de soignés. En raison des progrès qui devra accorder les priorités l’Église est encore timide si on de la thérapie antirétrovirale, les aux activités suivantes: la compare à l’ampleur du pro- patients au dernier stade de la 1. Développer et réaliser un blème. Avec le nouveau pro- maladie peuvent vivre plus long- programme d’éducation sur la gramme structurel de travail temps. Il y a un nouveau problè- vie familiale et l’éducation pour la première décennie du me pour cet hospice, car certains sexuelle dans toutes les écoles nouveau millénaire, nous espé- malades vont mieux et peuvent catholiques. rons que l’Église pourra mobili- vivre plusieurs mois ou années 2. Développer un plan d’ac- ser davantage de ressources in- supplémentaires. tion dans toutes les écoles catho- ternes et externes afin de mener Le budget pour financer le liques pour découvrir dès le dé- à bien son travail pastoral. travail provient de dons natio- but les élèves toxicomanes et les naux et internationaux. Cer- envoyer en réadaptation. Cela Dr KUMNUAN UNGCHUSAK taines organisations trouvent de s’effectuera sans causer aucun Comité catholique pour le Sida l’argent grâce aux programme préjudice à l’instruction de Conférence Épiscopale gouvernemental contre le sida. l’étudiant. de la Thaïlande

II: Afrique - Congo

Introduction 1983 et depuis 1984, les struc- 1. Quelques paramètres tures de contrôle et de préven- médico-sanitaires en 1998 La République Démocratique tion ont été mises en place avec du Congo est située au centre de un plan de lutte à court et à La République Démocratique l’Afrique, a une superficie de moyen terme en 1987 et 1991, du Congo est parmi les pays les 2.345 Km2 pour une population qui n’ont pas atteint leurs objec- plus frappés par le Sida en de plus que 52.000.000 d’habi- tifs à cause de I’instabilité poli- Afrique et les chiffres qui sui- tants dont 50,6 % de femmes et tique. En juillet 1999, la poli- vent doivent être revus et se- 46 % de jeunes âgés de moins tique nationale de lutte contre le raient plus alarmants encore, vu de 15 ans. Sida, a été élaborée et adoptée le large contact depuis 1994 de Les premiers cas de Sida sont avec un plan stratégique natio- sa population avec celles ve- apparus au Congo en Octobre nal pour 3 et 10 ans. nues de l’Ouganda, Rwanda et Burundi fortement infectées. C’est la stratégie de soins de ticipation communautaire. Sur les 22.600.000 séroposi- santé primaires qui est utilisée, – Prévention de la transmis- tifs du monde, 14.400.000 se re- fondée essentiellement sur les sion au sein des groupes spéci- trouvent en Afrique soit 63% et techniques et les pratiques fiques. 2.000.000 au Congo soit 8,8%. scientifiques valables, sociale- – Prévention et prise en char- Sur les 1.600.188 cas de Sida ment acceptables et accessibles ge des maladies sexuellement déclarés, 578.172 sont réperto- à tous les individus de la com- transmissibles. riés en Afrique soit 35% et munauté avec leur participation – Mise en place d’un réseau 38.426 au Congo soit 2,3%. La dans un esprit d’auto-détermina- national efficace de sécurité san- répartition provinciale des cas tion. Suivant les facteurs écono- guine. notifiés au Congo est la suivan- miques, démographiques, géo- – Réduction du risque de te: 45,9%, Kasai graphiques et culturels, la Répu- transmission du Sida mère-en- Oriental 11,2%, Bandundu blique du Congo a été subdivi- fant. 6,8%, Kasaï Occidental 6,5%, sée en 305 zones de santé dont – Prise en charge et accompa- Bas-Congo 6,2%, Katanga 30% sont jusqu’à présent opéra- gnement psycho-social des per- 4,7%, Equateur 4,3%, Nord Ki- tionnelles à des degrés divers. sonnes affectées et vivant avec vu 2%, Sud Kivu 1,5% et Ma- Les soins dispensés sont cura- le VIH. niema 0,2%. L’âge de prédilec- tifs, préventifs, promotionnels et – Mise en place d’un comité tion de la maladie est compris réadaptatifs. d’éthique et de droit pour un en- entre 20-49 ans avec un pic Trois échelons de soins s’y re- vironnement favorable aux per- entre 20-29 ans, terrassant ainsi trouvent, à savoir: sonnes vivant avec VIH. les jeunes à l’âge de la produc- – périphériques au niveau de – Renforcement du système tion et de la procréation. la zone de santé, élément opéra- national de surveillance épidé- Le nombre d’orphelins âgés tionnel de base ou s’effectuent miologique du VIH et maladies 91 de moins de 15 ans est de la conception et l’exécution. sexuellement transmissibles. 410.000 et parmi eux 310.000 – Intermédiaires au niveau – Politique générale des in- ont perdu les deux parents. provincial où s’effectuent l’en- trants de la lutte contre le Sida et La prévalence est de 4,35% cadrement et la coordination des les maladies sexuellement trans- en moyenne entre 15-49 ans, zones de santé. missibles. étant plus élevée en zones ur- – Centraux au niveau du Mi- – Renforcement des capacités baines qu’en zones rurales. nistère de la Santé où s’effec- des institutions et des acteurs de Cette différence se remarque tuent la conception, la coordina- la lutte contre le Sida. aussi qu’en zones groupes so- tion et l’encadrement. C’est ici Cette politique nationale n’est ciaux tels que les donneurs de qu’on retrouve les différentes pas encore en exécution, mais sang fidélisés 4,9% et fami- directions et programmes spé- en attendant le programme spé- liaux 8,5%, les travailleurs cialisés de la santé dont celui cialisé intervient en appui aux d’entreprises 5,3%, les femmes chargé de Sida et maladies zones de santé en ce qui concer- enceintes 6%, les prostitués sexuellement transmissibles. ne l’information, l’éducation et 30% et les tuberculeux hospita- La politique nationale de lutte la communication, les préserva- lisés 33%. contre le Sida vient d’être adop- tifs, la prise en charge des mala- En dehors du Sida, les autres tée en juillet 1999 avec un plan dies sexuellement transmis- paramètres sont aussi inquié- triennal 1999-2001, ayant pour sibles, la sécurité sanguine, la tants tels que: but de freiner la propagation de prise en charge des personnes – la mortalité infantile de l’épidémie et son impact sur les vivant avec le VIH, la sur- 119/1000 naissances vivantes, individus et les familles. Pour veillance épidémiologique, la – La mortalité maternelle de cela, il faut un dispositif efficace recherche opérationnelle et fon- 8.701.100.000 naissances vi- qui soit décentralisé, multisecto- damentale, le suivi de la super- vantes. riel, et intégré dans un système vision, la formation, l’approvi- – L’insuffisance pondérale de soins de santé primaires pré- sionnement en intrants et médi- chez les enfants: 34%. existants. caments ainsi que l’élaboration – L’espérance de vie de 48 Ses objectifs sont: des directives et des normes. ans en 96 alors qu’elle était déjà a) Renforcer la capacité d’in- À cóté de l’action gouverne- de 52 ans en 1993. tervention des acteurs et des ins- mentale, on retrouve celle de – Le PBI./habitant de 117$. titutions impliqués dans la lutte 170 organisations non gouver- – L’accessibilité aux soins au niveau central et intermédiai- nementales réunies dans un fo- pour la population urbaine est re dans 60 des zones de santé. rum de lutte contre le Sida Fosi de 40% et de 17% pour la rurale b) Réduire les risques de en sigle; parmi elles on note des soit en moyenne 26%. contamination sexuelle, sangui- grandes comme le groupe reli- ne et verticale dans toutes les gieux (GOS)1 moyennes (A MO zones de santé. - CONGO)2 – et des petites 2. La prise en charge c) Améliorer l’accès des per- (PAES)3. Leur financement est sonnes vivant avec le VIH à des assuré par les bailleurs de fonds, La compréhension de l’accès structures de prise en charge, de la communauté et les activités aux soins et de la prise en charge suivi médical, d’accompagne- d’auto-suffisance menées au passe par l’organisation de l’ap- ment psycho-social et de son sein de ces organisations. pareil médico-sanitaire congo- évolution vers une réponse élar- Ces organisations ne dispo- lais. Depuis 1978, le Congo a gie. sant pas toujours de moyens ma- adhéré à la charte d’Alma ATA Les domaines d’intervention tériels suffisants, c’est finale- et à la charte de développement retenus sont: ment l’action communautaire sanitaire en Afrique en 1980. – Mobilisation sociale et par- qui est au centre de la prise en charge du Sida au Congo où les ce niveau, les difficultés maté- grande pauvreté qui frappe déjà frais sont assurés essentielle- rielles rendent souvent ineffica- cette communauté. ment par l’individu et sa famille ce le support instauré lors de L’apparition du Sida dans une restreinte. l’hospitalisation. famille est vécue actuellement La pastorale non encadrée comme une catastrophe. Il en considère le Sida comme une sera de même pendant encore 4. La pastorale sanction divine et se caractérise longtemps, car en plus de la par une culpabilisation du ma- bonne politique il faut un budget La pastorale est représentée lade qui a besoin d’une purifi- de santé adéquat et une volonté par la branche encadrée et non cation par des pratiques dange- politique pour lutter réellement encadrée. reuses devant conduire à une contre le Sida et minimiser son La première se caractérise par guérison miracle (jeûne prolon- impact sur les individus et les une activité de sensibilisation et gé chez les malades déjà affai- communautés. d’accompagnement, basée sur blis, lavement avec les produits Des efforts doivent encore un message neutre et d’espoir. toxiques, euphorie collective être faits pour la promotion de la Le groupe oecuménique de lutte qui pérennise le comportement pastorale encadrée et le contrôle contre le Sida Gos, le plus im- à risque...). C’est surtout les des charlatans. portant de la série, préconise sectes religieuses qui opèrent Au total, la République Dé- une approche globale, cherchant dans ce secteur. mocratique du Congo figure à appréhender toutes les facettes Un effort d’encadrement est parmi les pays les plus touchés du phénomène Sida. Il utilise en train d’être fait à ce niveau, au monde par le Sida, où l’ac- une équipe pluridisciplinaire pour les rendre moins nuisibles. cés aux soins reste fort réduit, la d’animateurs médico-pastoraux prise en charge encore secto- 92 regroupés au sein d’une cellule. rielle essentiellement sur le dos Les activités assurées sont la 5. Commentaire de l’individu et de sa famille sensibilisation (théâtre, causerie et conclusion restreinte. éducative, focus group, vidéo forum, micro formation, exposi- L’accès aux soins des sidéens Dr KAPEPELA KAKICHA tion des images et autre matériel par rapport à la populatìon géné- MARIE audiovisuel, conférences, dé- rale peut être encore plus réduit République Démocratique Du Congo bats) et d’accompagnement que 26 %, du fait de la margina- (confirmation diagnostic, visites lisation du malade lui-même et et soins à domicile). celle de sa communauté par la Les autres groupes à action suite. Il sera toujours plus limité chrétienne contre le Sida ont suite à la guerre que connaît le peu de moyens, ne disposent pays et ses conséquences né- que de ressources humaines de fastes. bonne volonté (médecins, infir- La politique nationale de lutte Note miers, aumôniers et les contre le Sida n’étant pas encore 1 Gos: Groupe Oecuménique de lutte membres de petites églises) qui en place, la prise en charge reste contre le Sida. travaillent dans le rayon de leurs essentiellement et symbolique- 2 A MO CONGO: Avenir meilleur pour les orphelins du Congo. activités de base et pas nécessai- ment assurée par l’individu et sa 3 P.A.E.S.: Projet d’assistance aux en- rement celui de bénéficiaires. À famille restreinte, malgré la fants affectés par le Sida.

III: Amérique du Sud - Brésil

Depuis février 1999, désavantagés) dans les grandes gouvernement brésilien a mis 162.865 cas de sida ont été si- et les moyennes cités du pays; gratuitement à la disposition gnalés par BMH. Le BMH es- 3. diffusion hétérosexuelle de tous les Brésiliens le traite- time qu’il y a plus de 500.000 vers les femmes, avec intério- ment associé. personnes séropositives au risation et appauvrissement de – La somme de 500.000.000 Brésil. l’épidémie. $ fut dépensée en 1996 pour – L’histoire de l’épidémie – Le premier cas de sida fut acheter des médicaments du sida au Brésil a connu diffé- diagnostiqué en 1980, à Sao contre le sida. 68.000 malades rentes phases: Paulo. environ reçoivent couramment 1. des hommes homosexuels – Jusqu’en 1987, il n’y avait cette sorte de traitement. et bisexuels dans les classes aucun traitement antiviral. Tous les malades sous élevées de la société, dans les – L’AZT fut le premier re- contrôle médical sont autorisés principales métropoles du mède autorisé par le Ministère à recevoir gratuitement la thé- pays. de la Santé en 1991. rapie associée (HAART). 2. Des toxicomanes prati- – Le DDI fut autorisé en Il y a des normes spécifiques quant l’injection de drogues, 1993. pour commencer le traitement surtout des jeunes de différents – En 1996, par une décision chez les sujets accusant ou non milieux sociaux (généralement de pionnier en la matière, le des symptômes. Ces normes sont modifiées tive Anti-Retroviral Therapy = d’aide médicale et aux pro- régulièrement par le Conseil traitement intensif contre le vi- blèmes sociaux. national Brésilien (au moins rus VIH), des services de labo- Un autre problème qu’il faut une fois par an). Actuellement, ratoire améliorés (test, forma- affronter est celui des patients on compte au moins 12 re- tion, facilités) ont été assurés des différentes unités d’un mèdes antirétroviraux pour le par le Ministère de la Santé pays extrêmement vaste et hé- traitement. dans tout le Brésil. térogène. Pour recevoir le traitement, Tous les malades doivent sa- Notre clinique et maison de le malade doit être enregistré voir et comprendre clairement soins s’occupe des sans-logis, dans les informations natio- qu’une adhésion totale au trai- des prostitués, hommes et nales. Grâce à l’utilisation de tement est fondamentale pour femmes, des anciens prison- ces informations, il est prati- obtenir une meilleure qualité niers et des enfants de la rue. quement impossible de donner de la vie et éviter l’apparition Nous avons effectué des tests deux fois le traitement à une de la résistance au virus. du sida sur la plupart des pa- même personne et le BMH La non observance du traite- tients et bon nombre d’entre peut suivre les patients sous ment, outre les conséquences eux sont séropositifs. thérapie intensive contre le vi- préjudiciables pour les ma- Notre équipe multidiscipli- rus du sida dans les différentes lades, constitue un des défis naire comprend des médecins, parties du pays. les plus menaçants pour la san- des dentistes, des psycho- Les médicaments sont distri- té publique dans la période logues, assistants sociaux et bués sous contrôle médical ré- suivant la thérapie intense. infirmières. gulier et leur quantité suffit Certains malades dont le ni- Notre population réclame pour un mois de traitement. veau culturel est pratiquement des soins spéciaux, puisque la Tous les patients peuvent rece- inexistant, chez qui on a décelé majorité est sans foyer. C’est 93 voir gratuitement des doses de le virus, arrêtent le traitement pourquoi nous fournissons des CD4 et des tests de charge vi- et peuvent transmettre le virus, douches, des vêtements rale trois fois par an. surtout par relations sexuelles. propres, des repas et un hôpital On a observé une diminu- L’assistance psychologique de jour. Cela constitue une tion importante de la mortalité permanente est essentielle pour tâche complexe, mal desservie due au sida au cours des der- tous les malades suivant le trai- par d’autres facilités, exigeant nières années. De 1995 à 1998, tement intensif. le travail multidisciplinaire de la mortalité a baissé de 49%. Au Brésil, il y a un taux éle- différents spécialistes, outre La qualité de la vie s’est vé de tuberculose et quelque l’assistance sociale. améliorée de manière signifi- 20% de ces malades sont séro- La plupart des patients sont cative et certains malades ont positifs et ne peuvent utiliser alcooliques ou toxicomanes, pu reprendre leur vie “norma- différents types de thérapie as- très atteints et usés, aussi long- le”. La majorité a retrouvé sociée pendant qu’ils sont sous temps qu’ils ne reçoivent pas son travail. Après le commen- traitement pour la tuberculose les soins et l’aide continue. Un cement des traitements inten- et ils souhaitent d’autres straté- rôle unique est réservé à l’as- sifs pour freiner l’infection gies alternatives. sistance religieuse, une straté- (HAART), il y a eu une dimi- Certains citoyens croient gie essentielle pour améliorer nution atteignant jusqu’à 81% qu’un “traitement contre le si- la vie de ces personnes, lui des infections chez les ma- da” est déjà disponible et ils donner un sens et vérifier l’ad- lades du sida au Brésil. n’ont observé aucune sorte de hésion à la thérapie intensive Le BMH estime que 47.300 prévention contre le sida. (HAART) et d’autres soins malades ont pu éviter le séjour D’autres patients, dont le vi- médicaux et infirmiers. dans les hôpitaux en 1997. Ce- rus n’est pas décelé, ont des re- Nous traitons ces malades la représente une économie de lations sexuelles avec des par- de la manière la plus complète 10.000.000 $. tenaires parce qu’ils croient possible et la plus opportune, Pour contrôler de manière qu’ils ont été soignés. afin qu’ils soient certains que efficace le HAART (High Ac- Certains virus extrêmement nous prenons soin d’eux! résistants peuvent être trans- En raison de l’absence fon- mis par certains malades qui damentale d’instruction, il y a ont interrompu leur traitement des difficultés dans la commu- thérapeutique. nication avec certains malades. L’assistance est fournie aux Nous avons formé notre per- malades du sida par un systè- sonnel afin qu’il maîtrise ce me complexe, qui ne com- problème. prend pas moins de 338 Un des aspects les plus im- centres hospitaliers. portants de notre travail Les soins spécialisés sont consiste à rendre l’estime et la disponibles dans la plupart des dignité à ces patients. régions du pays, incluant 140 hôpitaux de jour, 60 unités de soins de jour et 46 unités de Mme MARIA I. LINHARES DE CARVALHO soins à domicile. Ces derniers Docteur en Médecine sont assez peu répandus par Archidiocèse de Rio de Janeiro rapport à l’énorme demande Brésil IV: Amérique centrale - Haïti

La République de Haïti, poussent les gens et beaucoup L’Eglise Catholique de Haïti partie ouest de l’île de Haïti, a d’adolescents vers la prostitu- dont la mission est de servir une population de 7.500.000 tion et la drogue. C’est ainsi l’homme dans sa globalité habitants. Plus de 70% de la que les maladies sexuellement offre une importante contribu- population vivent actuelle- transmissibles (MST), en par- tion à la réduction du taux de ment en-dessous du seuil de ticulier le SIDA, constituent morbidité et de mortalité dues pauvreté absolue avec un re- actuellement en Haïti l’un des aux maladies de toutes sortes. venu per capita de 500 gdes/an problèmes majeurs de santé En effet, la prise en charge des (US$28/an). Plus de 50% publique. sidéens se fait en majorité par d’enfants d’âge scolaire ne Entre 240.000 et 335.000 les institutions de santé catho- fréquentent pas l’école. Et personnes sont actuellement liques qui sont au nombre de seulement 10% des enfants infectées par le VIH, soit 6% 190, ce qui représente un pour- scolarisés arrivent au niveau de la population générale. Ces centage de 37.9% des institu- 94 secondaire (Rapport de la chiffres sont bien en-dessous tions sanitaires du pays. On BlD, 1997). de la réalité. Il n’existe pas en peut distinguer les dispen- Les conditions socio-écono- Haïti une législation réglemen- saires, les hôpitaux et les mou- miques ne cessent de se dégra- tant le SIDA. Aucune loi ne roirs. der sous les méfaits persistants fait obligation aux médecins et Les dispensaires de l’Église d’une instabilité politique et aux personnels de santé de dé- Catholique sont situés dans les d’une insécurité croissante. clarer les cas diagnostiqués. localités les plus reculées du Des problèmes graves de santé C’est ainsi que beaucoup de pays, d’accès parfois très diffi- affligent la population et les cas échappent au contrôle des cile. Les cas suspects sont plus pauvres en sont les plus autorités sanitaires du pays. identifiés au niveau de ces dis- atteints. La faim, la misère, Voici quelques chiffres da- pensaires et référés à des l’analphabétisme, le chômage tant de 1998: centres plus avancés pour être diagnostiqués. Ces malades Total Adultes Femmes Enfants une fois diagnostiqués sont re- tournés dans leurs localités respectives et la prise en char- Personnes vivant 236.65 223.71 100.35 12.94 ge de ces patients est assurée avec le VIH à 332.43 à 314.19 à 141.69 à 18.24 par le personnel de ces dispen- saires. Cette prise en charge consiste en: – consultations régulières Personnes 40.70 36.02 18.17 4.69 afin de dépister précocement nouvellement à 56.01 à 49.43 à 24.96 à 6.57 les signes de maladies oppor- infectées par le VIH tunistes. – Visites domiciliaires afin de responsabiliser le patient fa- Nombre de nouveaux 28.26 24.45 10.43 3.82 ce au reste de la population. cas de SIDA à 39.2 à 34.51 à 14.78 à 5.40 – Récupération nutritionnelle. Les hôpitaux constituent une structure intermédiaire entre les dispensaires et les mou- Décès cumulés 21.600 roirs: depuis le début à 30.000 – Ils font le diagnostic de de l’infection certitude. – Ils traitent les cas aigus qui sont référés après récupé- Orphelins 1.300 ration vers les dispensaires ou à 1.900 confiés aux mouroirs à leur stade final. Les mouroirs au nombre de quatre (4) reçoivent les ma- Tubercolose 44.57 lades au stade avancé de la + SIDA à 58.58 maladie. La prise en charge consiste alors en: – des soins corporels – le traitement des infections discernement avec les respon- sa prévention nécessite une ac- opportunistes sables identifie les causes de tion concertée de tous les sec- – l’accompagnement de ces son échec. Il peut alors s’il le teurs de la vie nationale. L’usa- patients pour les aider à vivre veut renouveler sa promesse. ge à outrance des préservatifs, cette nouvelle réalité. – Éducation à la fidélité proposés jusque là comme so- En plus de la prise en charge entre les époux. lution de prévention, a échoué, des malades du SlDA, l’Eglise Cependant, beaucoup d’obs- comme en témoignent les Catholique s’intéresse aussi à tacles rendent difficile l’action chiffres publiés à l’échelle la prévention. Son action de l’Église Catholique. Citons: mondiale ces dix dernières an- consiste en: – le manque de matériel nées. Aussi il devient impératif – des rencontres d’informa- – la carence en personnel que l’Église Catholique mette tion et de formation qualifié l’accent sur sa doctrine en ce – éducation à la chasteté – certains tabous qui a trait à la dignité de la per- pour les jeunes: après une pé- – le manque de coordination sonne humaine et aux recom- riode de préparation, le jeune entre les institutions de santé mandations sur la famille. De se décide librement à faire la catholiques (à noter cependant plus, Elle devra s’intéresser à promesse de chasteté pour une que depuis environ deux ans créer des espaces pour encou- période de six (6) mois renou- un effort est fait pour mettre en rager et faciliter leur mise en velable. Si la promesse n’est réseau les institutions de santé application. pas tenue, ce jeune a la possi- catholiques). Dr JEAN-MARIE CAIDOR bilité de retourner au centre de En conclusion, le SIDA étant Commission Episcopale pour la Santé formation et à la faveur d’un une maladie du comportement, Haïti 95

V: Amérique du Nord - États Unis

Tout d’abord, permettez-moi suivent la même courbe des- sociaux. Il faut noter que toutes de remercier Son Excellence cendante; on estime que 1,5 les personnes malades du sida Mgr l’archevêque Lozano pour million de personnes dans les aux États-Unis n’ont pas accès son aimable invitation à assis- pays mentionnés ci-dessus à la tri-thérapie. Ce pays n’a ter à cette rencontre et à parta- étaient séropositives à la fin de pas un système national d’assu- ger quelques réflexions sur 1999. Dans une étude sur les rance de santé. Certaines assu- l’expérience de l’Église aux homosexuels (hommes) de San rances privées couvrent le coût États-Unis en réponse à cette Francisco, par exemple, on in- de ces remèdes pour les séropo- pandémie qui a influencé pro- diquait que les comportements sitifs qui étaient déjà inscrits fondément la vie des individus sexuels à haut risque étaient à auparavant. Des ressources et des familles, ainsi que les nouveau adoptés. Le fait que gouvernementales et fédérales structures sociales et ecclé- les personnes séropositives vi- sont offertes aux personnes, siales, pendant le court laps de vent plus longtemps permet à dont le revenu annuel est infé- temps où nous en avons pris ceux qui ont des rapports rieur au seuil de pauvreté défi- conscience. sexuels de contaminer les ni, pour acquérir ces médica- Je commencerai par un bref autres pendant une période plus ments. D’autres n’ont même examen des tendances du déve- longue. Les effets positifs de la pas la possibilité de bénéficier loppement de la pandémie telle thérapie qui retarde la progres- de ces traitements s’ils ne sont qu’elle évolue actuellement sion du virus semblent égale- pas qualifiés pour des proto- aux États-Unis. Ce pays est as- ment s’estomper. Aux États- coles de recherche particulière. socié à d’autres d’Europe occi- Unis, les morts dues au sida ont En décembre 1998, le Centre dentale et du nord de l’Amé- diminué de 42% entre 1996 et pour le Contrôle de la maladie rique, ainsi que d’Australie et 1997, mais la proportion entre a communiqué les informations de Nouvelle Zélande où les po- 1997 et ’98 a diminué de moi- suivantes concernant l’expan- pulations respectives sont parti- tié seulement. sion du sida aux États-Unis1: culièrement vulnérables aux Voyons d’un peu plus près – aux États-Unis, le sida est menaces d’ignorance et de les effets de cette pandémie aux la seconde cause de maladie complaisance à l’égard du sida. États-Unis. Malgré les res- chez les adultes de 25 à 44 ans. Il est vrai, en effet, que le sources médicales et technolo- – On estime le nombre total nombre de nouveaux cas de si- giques qui sont à la disposition de séropositifs entre 650.000 et da et de morts dues aux mala- de nombreux habitants de ce 900.000 et 40.000 environ sont dies associées au sida a baissé pays, le sida se présente tou- contaminés chaque année: 50% de manière significative dans jours comme l’épidémie la plus au moins de ces cas sont des les pays où les personnes ont grave et la plus dévastante de jeunes de moins de 25 ans. accès à la tri-thérapie, à la thé- l’histoire récente. L’infection – Bien que les minorités ra- rapie antirétrovirale pour la du sida et les complications cli- ciales et ethniques représentent majorité des séropositifs. Ce- niques qui lui sont associées re- seulement 25% de la popula- pendant, il n’y a aucune certitu- présentent un lourd fardeau tion, il y a parmi eux plus de de que de nouvelles infections pour les services médicaux et 50% de cas de sida. Les Afro- américains et les Hispaniques objets de notre pitié mélangée moyen le plus sûr d’éviter le si- comptent 58% d’adolescents de répulsion. Nous devons les da est la chasteté avant le ma- atteints du sida et 83% d’ado- garder présentes dans nos riage et la fidélité dans le ma- lescentes séropositives. consciences, comme des per- riage. – Les risques les plus impor- sonnes et une communauté et tants sont toujours l’ignorance les embrasser dans un amour Dans le domaine des services des comportements suscep- inconditionnel. L’Évangile exi- sociaux et de la santé tibles de contaminer. On estime ge le respect de la vie en toutes Dans une enquête de 1995, que 200.000 personnes conta- circonstances. La compassion, 120 hôpitaux, 209 services de minées aux USA ignorent tout l’amour envers les personnes santé pour patients externes et de leur contamination ou de la séropositives sont les seules ré- 177 services sociaux se sont menace qu’ils constituent pour ponses authentiques de l’Évan- identifiés comme catholiques et les autres par contact sexuel ou gile2. responsables des besoins des sanguin. En réponse à l’encourage- séropositifs3. Les services de – La proportion de tous les ment intense des évêques et en santé qu’ils gèrent compren- cas de sida enregistrés chez les suivant l’excellent exemple du nent les soins médicaux aux adultes et les adolescentes a clergé, des religieux et des patients internes et externes, les presque triplé - de 7% en 1985, groupes de laïcs qui ont enten- soins à domicile, soins infir- elle est passée à 22% en 1997. du les “cris” de ces personnes miers et soins d’hospice. Les – L’incidence du sida est 14 condamnées par la pandémie, services sociaux qu’ils patron- fois plus élevée dans les pri- d’excellents services sociaux, nent incluent les approvision- sons fédérales et de l’État que médicaux et éducationnels ont nements urgents de nourriture, dans la population générale des été développés sous les aus- le transport, les services de 96 États-Unis. pices de l’Église catholique des femmes de ménage, les visites À présent, voyons comment États-Unis. Voici quelques à domicile, le logement d’ur- l’Église des États-Unis a essayé exemples: gence, le logement transitoire, d’étendre son ministère aux le logement définitif, des ser- malades du sida. Les évêques Dans le domaine vices d’hygiène mentale, des de ce pays ont été parmi les pre- de l’éducation groupes de soutien pour les en- miers à lancer un appel à tous – La Conférence des deuillés et des groupes de sou- les fidèles afin qu’ils répondent Évêques catholiques des États- tien pour le personnel soignant. avec compassion, sans crainte Unis a proposé un enregistre- Les personnes servies com- et sans préjugé, aux personnes ment magnétique intitulé: prennent les adultes, les en- contaminées par la pandémie. “Vivre avec le sida: une occa- fants, les prisonniers, les mino- Dans le document publié en sion de grâce” (1990) dans le- rités raciales et ethniques et les 1987 et intitulé: Les multiples quel les réponses paroissiales et handicapés. facettes du sida: une réponse diocésaines au sida sont indi- évangélique, le Conseil de di- quées. Dans le domaine rection de la Conférence des – L’Association nationale de des soins pastoraux Évêques catholiques des États- l’Éducation catholique a publié La plus grande demande ou Unis a signalé que de nouveaux un manuel du professeur et un le plus grand défi que la pandé- services devraient être envisa- programme scolaire pour les mie lance à l’Église se trouve gés par les paroisses et les insti- élèves de l’enseignement pri- peut-être dans le domaine des tutions patronnées par l’Église maire et secondaire. Son titre: soins pastoraux. Beaucoup de catholique. “Le sida: une approche de personnes contaminées, même “Des programmes et des ser- l’éducation catholique au virus celles qui auparavant étaient vices généraux doivent être VIH”, (1992). étrangères à la communauté de renforcés pour aider les fa- – Les organisations de bien- foi, se tournent ardemment vers milles des malades du sida, faisance catholiques améri- l’Église pour recevoir de l’aide pendant qu’ils sont vivants et caines ont conçu un program- dans leur recherche d’un sens les aider également dans leur me de formation professionnel- plus profond et d’une valeur de deuil. En outre, de nouveaux le et d’instruction pour tous leur vie, malgré, et souvent programmes, services et sys- ceux qui sont engagés dans comme conséquence, les souf- tèmes de soutien doivent être l’apostolat social (1995). frances sociales, psycholo- développés pour assister les be- – Le Conseil de la Fédération giques et physiques qu’ils en- soins des plus pauvres et des nationale des Prêtres a publié durent. Parfois, le ministère sa- plus seuls”. une brochure sur “Le clergé, les cramentel vital de l’Église n’est Dans une autre lettre pastora- religieux et l’épidémie du pas suffisant pour satisfaire la le publiée par tous les évêques sida”. faim et la soif de Dieu chez les des États-Unis, il était rappelé à – Plusieurs diocèses ont pu- personnes sidatiques au mo- tous les catholiques que la res- blié des manuels d’éducation ment d’affronter “la longue ponsabilité d’affirmer la digni- sur le sida et des programmes nuit de l’âme”, à travers leurs té de ceux qui ont le sida repo- pour le ministère du sida dans souffrances et leur mort. Mal- sait sur l’Évangile, c’est pour- leurs diocèses respectifs. gré les capacités uniques de quoi il faut les soigner sans hé- – Dans les diocèse d’Albany, l’Église dans ce domaine de sa sitation. de New York, d’Oakland, de mission, les membres de la “Les personnes atteintes du Californie et plusieurs autres, communauté de foi n’ont pas sida ne sont pas des personnes les jeunes éduquent leurs cama- toujours répondu aussi pleine- éloignées, inconnues, ou les rades en leur inculquant que le ment ni comme il le fallait à l’appel du ministère pastoral lades du sida et les séropositifs: tolat en faveur du sida dans auprès des personnes atteintes – comment votre paroisse votre paroisse. par la pandémie. Certains pourrait-elle mieux intégrer les – Établir un programme prêtres, religieux et laïcs crai- problèmes et les besoins de ces d’action; tenir les autres parois- gnent d’approcher les séroposi- personnes dans nos apostolats siens au courant de vos activi- tifs parce qu’ils ont le senti- actuels? tés afin que l’apostolat conser- ment erroné que la maladie – Dans notre paroisse, ve ses racines dans la paroisse. peut se transmettre par simple quelles sont les ressources qui – Évaluez et changez vos ac- contact. peuvent nous aider à fournir les tivités si cela s’avère nécessai- La paroisse catholique est le soins et l’information sur le si- re! lieu de rencontre hebdomadaire da, spécialement aux membres La pandémie du sida a lancé de plus de 60 millions de catho- des minorités ethniques et ra- un défi et a modifié l’humanité liques aux États-Unis. Ces ciales? et continue de le faire jusqu’à 19.700 paroisses sont des – Notre paroisse est-elle une ce jour. Elle a mis à l’épreuve centres pour l’éducation, les communauté accueillante? la souffrance physique et l’en- services, la défense de la justice Comment pouvons-nous l’ai- laidissement, l’exclusion et la sociale et le soin pastoral. der à devenir plus accueillante? discrimination, le conflit émo- Conscients des demandes po- Comment pouvons-nous diffu- tionnel et la confusion, la crise sées à ces paroisses par les ma- ser notre apostolat d’hospitalité spirituelle et le désespoir. Cette lades du sida et les séropositifs, pour comprendre et atteindre pandémie a demandé que l’É- les responsables du Réseau na- les séropositifs? glise se transforme elle-même tional catholique du sida et les – Comment pouvons-nous afin d’être plus conforme à sa organismes de bienfaisance ont aider les paroissiens à vaincre mission de maîtresse, servante préparé un manuel de forma- les jugements et les préjugés et présidente de la communau- 97 tion et ils encouragent le déve- sur le sida? té des fidèles. Les membres du loppement des ministères pa- Le même processus de for- Conseil de direction de la roissiaux en faveur du sida. mation offre les directives sui- Conférence des Évêques catho- Dans le processus de forma- vantes à ceux qui désirent dis- liques des États-Unis ont offert tion qui vient d’être évoqué, les penser le soin pastoral aux sé- aux catholiques américains un paroissiens sont invités à se ropositifs et aux malades du si- test décisif de notre ministère préparer à répondre aux ma- da. en réponse à la pandémie du si- lades du sida et aux séropositifs – Le refus mis à part, il faut da/VIH lorsqu’ils ont déclaré: non pas comme à des “étran- comprendre que le sida est le “Notre réponse aux nécessités gers” ou à “ceux-là”, mais problème de chacun. Cherchez des malades du sida sera consi- comme à des frères et sœurs des moyens de compassion. dérée vraiment efficace lorsque dans la communauté de foi. Ils – Apprendre à connaître la nous découvrirons Dieu en eux doivent accorder une attention condition de vie des malades et lorsque, à travers leurs ren- particulière aux paroles de du sida en les rencontrant et en contres avec nous, ils pourront notre Saint-Père, lors de sa visi- s’informant sur la manière dont dire: “dans ma souffrance, ma te à San Francisco en 1989: cette maladie influence leur crainte, mon aliénation, j’ai “Dieu vous aime tous, sans dis- vie. senti votre présence, un Dieu tinction, sans limite... Il aime – Comprendre vos propres de force, d’amour et de solida- tous ceux d’entre vous qui sont réponses au sida en donnant et rité”4. malades, ceux qui ont le sida. Il en parlant de vos impressions aime les amis et les parents des et de vos sentiments. Père ROBERT J. VITILLO malades et ceux qui les soi- – Cherchez votre fondement Directeur Exécutif gnent. Il vous aime tous d’un dans la foi en lisant et en médi- de la campagne catholique amour inconditionnel et tant les déclarations du Saint- pour le développement de l’homme éternel”. Père et des évêques sur la pan- U.S.A. Les questions suivantes sont démie, en réfléchissant sur cer- souvent posées aux paroissiens tains textes de l’Écriture sainte qui se préparent à servir les ma- et en parlant avec votre direc- teur spirituel. – Prendre un engagement Notes personnel pour servir les per- 1 Sida-End the Silence, Ressource sonnes contaminées par le sida Booklet for World AIDS Day, Decem- ou le virus VIH. ber 1, 1999, Washington, DC: American Association for World Health, 1999 – Prendre un engagement 2 National Conference of Catholic Bi- communautaire pour recher- shops. Called to Compassion ans res- cher le soutien de la paroisse en ponsability: A Response to the HIV/AIDS Crisis, as appeared in Ori- vue d’une action pour amener gins, November 30, 1989, vol.19, n° 26. le sida à la lumière et à l’action 3 Ressource Directory of Catholic- de votre foi. Sponsored HIV/AIDS Programs, prepa- red by Catholic Health Association of – Évaluer les besoins qui exi- the United States. Catholic Charities gent une action prioritaire dans USA, and the National Catholic AIDS votre paroisse. Network, 1996. 4 United States Catholic Conference – Évaluer les ressources et Administrative Board, The many Faces les talents de vos paroissiens of AIDS A Gospel Response, in Origins, qui désirent effectuer un apos- XVII, 28 (December 24, 1987), p. 136. VI: Europe - Pologne

1. La société polonaise a bilité de propagation du virus gnostics et de thérapies. Il s’agit constaté que l’épidémie du sida VIH en Europe orientale, par du Bureau national de Coordi- avait atteint également la Po- voie sexuelle, est fourni par les nation pour la Prévention du Si- logne en 1985: cette année, résultats des enquêtes sur la ca- da et du Centre de diagnostic et pour la première fois dans notre suistique des maladies véné- de traitement du sida. Les ma- pays, un cas de contamination riennes. Une augmentation no- lades peuvent bénéficier des du sida était signalé. Depuis, toire des maladies vénériennes prestations sanitaires dans 12 des tests diagnostiques pour le est signalée en Russie, en institutions spécialisées, situées dépistage du virus VIH ont été Ukraine et en Biélorussie, mais dans les chefs-lieux de départe- disponibles sur le marché dans aussi en Moldavie et au Kaza- ments. Selon une pratique dé- le pays. Les données épidémio- khstan. sormais consolidée, les malades logiques recueillies par l’Orga- La situation inquiétante du du sida sont hospitalisés dans nisme d’Hygiène de l’État indi- sida en Europe de l’est revêt les services des maladies infec- quent que, dès le point de départ une importance particulière et tieuses, toute forme d’isole- des analyses, c’est-à-dire de constitue un motif de grande ment étant exclue. Tous les ma- 98 1985 à fin octobre 1999, 6.050 préoccupation pour la Pologne lades ayant besoin d’un traite- citoyens polonais sont atteints qui est le voisin immédiat des ment retardant l’activité du vi- du sida, parmi lesquels 3.800 pays mentionnés. Le dévelop- rus l’obtiennent à condition de cas au moins de contaminations pement de ce que l’on appelle satisfaire aux critères définis liées à l’usage de la drogue. 825 le tourisme sexuel, toujours par la Stratégie nationale de malades du sida ont été signalés plus répandu en Pologne, de la Traitement pour retarder l’effet et 460 sont décédés désormais. prostitution des immigrées de du virus, élaborée par des spé- Il s’agit de données officielles. l’Est peut déterminer une aug- cialistes dans le traitement du Cependant, il convient de souli- mentation des contaminations sida. Avant de commencer le gner que, selon les estimations dans notre pays. La situation traitement, les malades subis- épidémiologiques, 15 à 20.000 grave, incontestablement, re- sent une série d’examens et personnes sont contaminées par présente un défi pour les autori- d’analyses qui, dans un second le virus. Les données citées ne tés du pays et les institutions temps, sont répétés trois fois classent pas la Pologne parmi préposées à la politique de pré- par an et permettent un contrôle les pays européens accusant un vention du sida. La nécessité efficace des effets du traitement taux élevé de malades, mais il d’instaurer une collaboration antirétroviral. n’y a aucune raison d’être ras- étroite s’impose, surtout pour Comme je l’ai déjà dit, les surés, car la contamination échanger des expériences médicaments destinés à retar- adopte une dynamique de crois- concernant les interventions de der les effets du virus – l’élé- sance lente mais constante. prévention mais aussi les solu- ment le plus coûteux du traite- Le cadre de la situation en tions législatives et structu- ment – sont acquis au niveau Pologne semble plutôt sécuri- relles orientées vers les séropo- central et payés avec les de- sant par rapport aux pays de sitifs et les malades du sida. niers du Ministère de la Santé. l’Est. Au contraire, bien 2. En Pologne, les séroposi- Actuellement, le traitement an- sombre et donc préoccupante tifs et les malades du sida béné- tirétroviral est accordé à plus pour nous tous, s’avère la diffu- ficient d’une assistance sanitai- de mille malades et il est bon sion de l’épidémie dans les re et, ce qui est le plus important de préciser que cette année, 7 pays de l’ancienne Union So- pour eux, ont accès aux médica- millions de dollars usa ont été viétique. Ainsi, l’Ukraine, la ments antirétroviraux les plus consacrés à cette nécessité. En Russie et la Biélorussie ont ac- récents. La responsabilité de la outre, le Ministère de la Santé a cusé, au cours des quatre der- structuration du système est instauré un fonds central spé- nières années, un taux de crois- confiée au Ministère de la San- cial pour les interventions pré- sance extrêmement élevé des té, tandis que les initiatives poli- ventives, qui s’élevait, en 1999, contaminations. Dans ces pays, tiques sont définies par le Pro- à 4 millions de $ usa. les porteurs principaux du virus gramme national de Prévention Un objectif important du sys- sont les toxicomanes qui s’ad- du Sida, un document de portée tème de la thérapie antirétrovi- ministrent la drogue par voie pluriannuelle qui précise les rale est d’assurer aux femmes intraveineuse. Dans les villes priorités du gouvernement dans séropositives enceintes des du littoral de la Mer Noire, le cadre de la lutte contre le si- soins qui offrent des probabili- mais également dans les da. Récemment, le gouverne- tés élevées de minimiser le grandes agglomérations ur- ment a élaboré ce programme risque de donner naissance à baines comme Kiev, on trouve pour les années 1999-2003. des enfants séropositifs. Les un nombre toujours plus im- Le Ministère de la Santé a enfants nés de mères séroposi- portant de toxicomanes. Une instauré en 1993 deux organisa- tives font partie, dès la naissan- situation identique est attestée à tions gouvernementales spécia- ce, d’un système spécialisé de Moscou, Minsk, Kaliningrad. lisées dans la prévention et la diagnostics de laboratoire per- Un indice concernant la possi- préparation de modèles de dia- mettant de déceler rapidement d’éventuels cas d’infection. de l’apparition de l’épidémie daires à l’égard des personnes Tous les mineurs séropositifs en Pologne, appartient désor- atteintes par la maladie. Dans (une cinquantaine en Pologne) mais au passé. tous les hôpitaux que j’ai men- ont la garantie de la tutelle et En outre, je voudrais faire ré- tionnés, où sont soignés les ma- des soins à la Clinique pour les férence au système d’assistance lades du sida, les aumôniers maladies infectieuses de l’En- médicale des pays de l’Europe d’hôpital qui effectuent le ser- fance, située à Varsovie. À ce orientale. Généralement, on af- vice spirituel sont occupés à point, il est opportun de souli- firme que dans les pays de l’an- temps plein. Je voudrais réaffir- gner que les femmes séroposi- cienne Union soviétique, les mer l’importance de la collabo- tives reçoivent, en Pologne, cas où l’on assure aux malades ration avec l’organe gouverne- une aide psychologique impor- une assistance médicale de haut mental que constitue le Bureau tante, dispensée par des psy- niveau sont rares. Et pourtant, il national de Coordination et de chologues spécialisés qui les est vrai qu’en Russie et en Prévention du Sida, qui exécute encouragent à garder l’enfant et Ukraine, il y a des Centres Sida et finance, avec les fonds du à accoucher. dans les grandes villes, mais, et Ministère de la Santé, la forma- Les séropositifs et les ma- surtout pour des raisons finan- tion systématique des clercs de lades du sida peuvent avoir re- cières, ils ne peuvent pas four- nombreux grands séminaires. cours aux services de nir aux malades les analyses En outre, le Bureau s’occupe conseillers psychologiques, du spécialisées ni les traitements d’éditer des publications desti- téléphone ami disponible 24 associés. Les gouvernements de nées aux prêtres, par exemple. heures sur 24 et d’un vaste sys- ces pays ont cependant préparé Il s’agit de livres, parmi les- tème d’assisance, offerts par les des programmes nationaux de quels je cite “L’Église à l’égard nombreuses organisations non prévention du sida et il faut es- du sida” et tant d’autres. Toutes gouvernementales. Une de pérer que dans un futur assez ces publications sont distri- 99 celles-ci est l’association des proche, ils réussiront à trouver buées gratuitement aux intéres- bénévoles “Viens avec nous”, les fonds nécessaires pour la sés. Le Ministère cofinance dans laquelle travaillent des réalisation de ces programmes. également un congrès sur les personnes sidatiques, leurs Je pense qu’il soit juste de dire problématiques de la toxicoma- amis et leurs bienfaiteurs. que, à ce point, nos états sont nie et du sida, qui a lieu chaque Somme toute, on peut dire tenus moralement d’assurer la année, avec la participation de qu’en Pologne, l’assistance meilleure aide possible aux sé- nombreux groupes de reli- médicale et sociale consacrée ropositifs et aux malades du si- gieuses et d’étudiants laïcs en aux malades du sida et aux sé- da vivant dans les pays de l’ex- théologie. En conclusion, je ropositifs se situe à un niveau Union Soviétique. En attendant, voudrais rappeler que l’Église assez élevé et il n’y a aucune les mots d’ordre exaltants qui en Pologne administre diffé- raison d’avoir honte. ponctuent les célébrations de la rents centres qui travaillent Cependant, il convient de Journée mondiale du Sida dans dans le milieu des communau- souligner qu’au-delà du systè- de nombreux pays européens tés thérapeutiques pour le trai- me cohérent et efficace et indé- comme “un monde, un espoir”, tement des toxicomanes. La pendamment des sommes “Droits humains, devoirs com- majorité des personnes soi- considérables allouées par l’É- muns”, “Unissons-nous pour gnées sont de jeunes séroposi- tat, la nécessité d’un travail l’égalité”, face aux situations tifs. Ces centres catholiques, d’information s’impose afin de épouvantables de l’Afrique et précisément dans le cadre de la diffuser dans la société une des pays de l’Est européen, collaboration avec le Ministère connaissance toujours plus semblent des lieux communs de la Santé, sont financés à grande du sida. Ce processus usés et privés de sens qu’il n’est 100% par des fonds du gouver- permettra la formation plus op- même pas nécessaire de répéter. nement. Je dois constater avec portune de comportements so- 3. Pour conclure, je voudrais beaucoup de satisfaction que la ciaux convenables. Nous souligner le caractère sérieux présence de l’Église dans le do- sommes tous convaincus que la de l’action de l’Église catho- maine de l’aide aux malades discrimination des malades du lique en Pologne pour ce qui du sida est significative et la sida qui, malheureusement, a concerne la problématique du collaboration avec le gouverne- marqué les premières années sida. Nous sommes probable- ment donne pleine satisfaction ment le seul pays dans lequel aux deux parties. un prêtre catholique – un reli- J’ose espérer que les infor- gieux de l’ordre de St Camille mations que je vous ai données – est conseiller et délégué du vous ont permis de mieux ap- Ministre de la Santé pour le si- procher la situation en Pologne da et la toxicomanie. Ce fait et pourront servir au débat. À exerce des répercussions assez nouveau, je vous demande importantes sur la formation d’excuser mon absence et je re- d’une politique appropriée de grette vivement de ne pouvoir l’État et la réalisation d’une être avec vous aujourd’hui. collaboration entre le gouver- nement et l’Église dans ce do- maine significatif. Il s’agit sur- R.P. ARKADIUSZ NOWAK tout d’interventions éducatives Conseiller du Ministre de la Santé pour le Sida et la Toxicomanie, qui s’adressent aux jeunes, de Ministère de la Santé et de l’instauration de liens entre les l’Assistance sociale de la hommes et d’attitudes soli- République de Pologne Conclusion

De ce Congrès est née l’ur- Coordinateur du programme: gence de suivre de près le thè- S.E. Mgr José L. Redrado, O.H. me de l’HIV/SIDA, tant avec un groupe restreint qu’avec GROUPE D’ÉTUDE un groupe intercontinental se- Mgr Ryszard Selejdak lon un programme articulé en (Congrégation pour l’Éducation Catholique) trois groupes thématiques: Mgr Jacques Suaudeau Information (Conseil Pontifical pour la Famille) Documentation Education Dr Fiorenza Deriu Bagnato (Chercheuse Sociale) Dr Guido Castelli Agenda 2000 (Hôpital “Bambino Gesù”) 100 Dr Massimo Fantoni 1. Information (Université Catholique “Sacré-Cœur”) Insérer dans l’espace télé- Dr Pino Gulia matique, à l’intérieur du site (Caritas italienne) internet du Dicastère: Dr Rosa Merola 1. Les principales interven- (Psychologue) tions au Congrès de décembre Dr Antonio Spagnolo dernier. (Centre de Bioéthique: Université “Sacré-Cœur”) 2. La note informative sur les nouvelles possibilités en Dr Luca Tuninetti matière de prévention de la (Conseil Pontifical pour les Laïcs) contagion foetale. 3. La note sur la marche de GROUPE CONTINENTAL l’initiative en faveur des or- AFRIQUE phelins, victimes du SIDA. Rév. P. Edward Phillips, M.M. Tél. 02.441919 - Fax 02.447027 2. Documentation E-mail: [email protected] Kenya 1.Organisation d’une bi- Dr Benoit Ntari bliothèque thématique avec le Tél. 242.830629 - Fax 242.837908 matériel jusqu’ici recueilli de République du Congo sources diverses. AMÉRIQUE 2. Diffusion via internet de P. Robert J. Vitillo la documentation thématique Tél. 1.202.5413210 - Fax 1.202.5413329 de la bibliothèque. E-mail: [email protected] 3. Publication des Actes du Etats-Unis d’Amérique Congrès de décembre 1999 Dr Maria Inez Linhares de Carvalho sur «L’Eglise Catholique et le E-mail: [email protected] défi de l’HIV/SIDA». Brésil ASIE 3. Initiatives a caractère Dr Gracious Thomas éducatif et formatif Tél. 91.11.6969347 - Fax 91.11.6962313 E-mail: [email protected] 1. Elaboration d’un Vade- Inde mecum servant de guide pour Dr Kumnuan Ungchusak E-mail: [email protected] les Eglises locales. Thaïlande 2.Préparation de la Journée sur le SIDA (1er décembre EUROPE 2000). Dr Antoni Mirabet 3.Réunion des groupes Tél. 34.93.2117046 - Fax 34.93.2123518 d’étude restreints et continen- Espagne taux sur l’HIV/SIDA (30 no- P. Arkadiusz Nowak er Tel. 48.22.7884825 vembre 2000 - 1 décembre Pologne 2000) Séminaire d’étude sur:

L’identité de l’aumônier catholique dans la pastorale de la santé et la santé au seuil du 3ème millenaire

22-23 Novembre 1999 Nova Domus Sanctae Marthae Cité du Vatican Les 22 et 23 novembre 1999, à la “Domus Nova S. Marthae”, au Vatican, le Conseil pontifical a tenu un séminaire d’étude sur 102 “l’identité de l’aumônier catholique dans la pastorale de la santé et la santé au seuil du IIIème millénaire”. C’est le premier acte d’un des “programmes” que le Dicastère a formulé lors de IVe assemblée plénière de 1998 et qui fait partie de la IIIe section, Ministère de la Communion, dont l’objectif spécifique est de “promouvoir, orienter et coordonner l’Union des Aumôniers catholiques des Centres sanitaires”, comme l’exige la lettre apostolique de fondation Dolentium Hominum. Les participants ont été désignés par les différents évêques chargés par les Conférences épiscopales d’origine, dont certains sont responsables des “Associations nationales des Aumôniers de la Santé”. Voici les quatre relations principales qui constituent la plate-forme sur laquelle s’est appuyé le séminaire d’étude. Le prêtre ministériel ordonné, l’évêque et le presbyterium dans la pastorale de la santé à la lumière de l’exhortation apostolique “Pastores Dabo Vobis”

Au commencement du troi- Dans cette intervention, j’es- nalité aux multiples facettes; sième millénaire, la pastorale saierai de présenter quelques comme modèle du prêtre or- de la santé connaît une carence aspects de la mission du prêtre donné apparaissent les quatre de prêtres ministériels, due en ministériel dans le domaine de fonctions déjà citées: Tête, Pas- partie au manque de vocations la pastorale de la santé, à la lu- teur, serviteur et époux. Le sacerdotales et en partie, au fait mière de l’exhortation aposto- prêtre ministériel a une spécifi- que ce ministère sacerdotal lique “Pastores Dabo Vobis”, cité propre qui le distingue des n’est pas très bien compris. qui suit la perspective qui va autres chrétiens qui, à leur tour, Dans certains cas, on a une vi- du mystère au ministère. Je par le baptême, sont comparés sion limitée de sa portée et l’on tenterai ensuite de partir de au Christ dont la figure est celle pense qu’il y a d’autres priori- certains aspects fondamentaux de Tête, Pasteur, Serviteur et tés à réaliser qui ne permettent pour comprendre le mystère du Époux de l’Église. Cette confi- pas de se pencher sur quelque sacerdoce ministériel afin de guration fait de lui un être dis- 103 chose que l’on considère se- développer l’impact dans le tinct des autres chrétiens, com- condaire. ministère même. Mon inter- me nous allons le voir. À pré- Ensuite, il y a le cas des au- vention sera donc divisée en sent, réfléchissons sur chacun môniers d’hôpital dont la char- deux parties: la première de ces aspects. ge est confiée, pour différentes concernera le mystère du sa- raisons, à des laïcs. Dans cer- cerdoce ministériel et la secon- a. Tête tains endroits, on a même pen- de, le ministère qui en dérive. sé que cela suffisait et que la Dans la première partie, je Curieusement, dans la pers- présence du prêtre ordonné m’efforcerai de suggérer une pective extrêmement efficace n’était plus nécessaire, sauf réflexion sur la charité pastora- de la société actuelle, nous ou- éventuellement dans les cas qui le à partir du Christ Tête, Pas- blions très souvent la significa- intéressent son activité stricte- teur, Serviteur et Époux de l’É- tion profonde de l’efficacité. ment sacramentelle, qui est re- glise; dans la seconde, je pro- Nous comprenons l’efficacité mise en question par certains, poserai quelques idées sur le dans un sens mécanique de face à la nouvelle probléma- ministère eucharistique, le mi- composition ou de recomposi- tique que présente l’hôpital. nistère ecclésial et donc, sur le tion; le concept évolutif pour Dans cette intervention, nous ministère thérapeutique du l’appréciation technique/scien- ne parlerons pas seulement de prêtre ordonné. tifique est commun. La matière l’hôpital, mais également de la n’est pas la mère véritable du pastorale de la santé. Comme progrès actuel, mais une source nous le savons tous, la perspec- 1. Le mystère de laquelle jaillissent des élé- tive actuelle a subi un boule- ments qui s’unissent ou se sé- versement: au centre, on ne Comme je l’ai déjà dit, je ré- parent et sont manipulés selon trouve plus la maladie et le trai- fléchirai sur l’exhortation apos- les caprices du moment. Par tement en tant que tels, mais la tolique “Pastores Dabo Vobis” l’action, nous nous laissons santé, les soins, la manière de et, plus particulièrement, sur guider par des accords générés conserver et de recouvrer la les numéros 21-23, dans les- par une répétition psychologi- santé. En outre, aujourd’hui, on quels on parle plus spécifique- quement adaptée, qui présente parle moins d’hôpitaux mais ment de la “charité pastorale”, une série interminable de pro- davantage de centres et d’insti- comme constitutive du sacer- duits différents sur le marché tutions sanitaires. doce ministériel. mondialisé de l’offre et de la Dans cette perspective, tout À la lumière de ce qui précè- demande. Il semble que tout est vu à partir d’un niveau im- de, nous sommes devant une puisse se vendre et s’acheter, manent qui ne refuse pas la déclaration fondamentale: l’Es- même le consentement dans le transcendance mais qui, en pra- prit Saint, par l’ordination mi- milieu d’un subjectivisme total tique, ne la considère pas et ne nistérielle, conforme et identi- souhaité par les mass media. semble pas en avoir besoin pour fie le prêtre au Christ tête, pas- Le prêtre, identifié au Christ son explication. Tout est centré teur, serviteur et époux de l’É- Tête, n’est pas seulement celui sur la santé et sur les problèmes glise. qui produit une série de fondamentaux dus à la carence La forme antérieure de la na- consentements religieux dans de santé, qui conduisent néces- ture du prêtre est changée et sa la présentation de la parole reli- sairement à la mort, sont cachés nouvelle forme fait de lui une gieuse. Il produit quelque cho- et ne sont pas traités au-delà des figure spéciale et distincte des se de beaucoup plus profond simples données statistiques ou autres, qui représentent le qui va au-delà de ce que l’on des cas cliniques. Christ. Le Christ a une person- pourrait appeler un saut quali- tatif, il produit la vie. Et cette b. Pasteur c. Serviteur vie est la seule qui existe dans son expression plus profonde, Cette capacité de donner la L’esprit conforme le prêtre c’est la vie de la très sainte Tri- vie doit se conformer à ceux au Christ. En d’autres termes, nité à laquelle l’homme partici- auxquels elle donne cette vie; l’Esprit Saint est la volonté de pe dans une mystérieuse co- telle est la fonction du pasteur. Dieu puisqu’il est le don de cet- existence historique avec le Nous pourrions dire que sa te conformation et configura- Verbe incarné dans l’expérien- fonction essentielle est l’incul- tion au Christ. La volonté de ce historique de sa vie, de sa turation. Non seulement pour Dieu, l’Esprit Saint, désire que passion, de sa mort et de sa ré- ce qui concerne la présence de le prêtre mène toute sa vie se- surrection. Cela consiste à si- l’évangile au cœur de chaque lon cette conformation et confi- tuer dans une perspective uni- culture et sa transformation guration au Christ rédempteur. verselle et particulière en mê- par son enracinement essentiel Il est ainsi le plus grand servi- me temps, ce qui est absolu- en elle (cf. Redemptoris Mis- teur du Père qui a envoyé le ment singulier et unique: la sio, 52), mais surtout par son Fils afin que les hommes de pâque du Seigneur Jésus. C’est inculturation en chaque per- tous les temps aient la vie et le fait de mettre en œuvre ce sonne et en chaque peuple où qu’ils l’aient en abondance (Jn que l’on appelle “le concret le prêtre réalise son action de 10,10). Ce service représente la universel” unique de l’histoire: donner la vie. C’est la maniè- vie du prêtre, c’est pourquoi il la constitution totale de la vie re, l’aspect pastoral de sa s’agit d’un service qui peut al- de l’humanité dans le Christ, fonction. ler jusqu’au don total de soi car qui se manifeste par l’Esprit et Cela entraîne la nécessité le prêtre n’a pas d’autre vie si se projette dans notre histoire pour chaque prêtre de s’identi- ce n’est celle de rendre un ser- 104 en la transformant en histoire fier aux personnes auxquelles vice authentique. Il est un ser- du salut qui chemine progressi- il apporte la vie de Dieu. viteur du Père par la conforma- vement vers sa consommation S’identifier non pas de maniè- tion et la configuration au Fils à la fin des temps. Cette effi- re superficielle, mais pour se donné par l’Esprit Saint et, de cience du prêtre est celle du transformer, par l’intermédiai- cette manière, il est le serviteur Christ, qui n’est pas simple- re de cette vie divine, afin que dévoué de ses frères. Voilà ment un exemple à suivre, mais celle-ci ait une expression per- pourquoi le prêtre s’identifie au la seule source efficace de toute sonnelle propre, distincte, Christ serviteur, c’est pour cet- la vie de l’univers. Telle est sa dans la pluralité des personnes te raison que son sacerdoce signification en tant que Tête qu’elle atteint par le prêtre. La s’appelle sacerdoce de service de son corps qui est l’Église, en vie divine demeure la même, ou ministériel. tant que principe et fin de tout mais elle reçoit une collabora- ce qui existe, comme Alpha et tion infiniment distincte, en d. Époux Omega, comme celui en qui s’adaptant à la vie de chacun tout prend consistance, au ciel et parvient ainsi à la transfor- Le prêtre est identifié au et sur terre (cf. Ep 1,10; Col 1, mation intime des cultures et Christ époux de l’Église. Ainsi, 15-20; Ap 1,8). des peuples. son ministère est “l’Amoris Of- Tout cela s’exprime en une C’est ainsi que se réalise le ficium”. Il s’agit d’un amour parole qui est contenu réel, qui Christ pasteur selon le chapitre absolu, total et complet envers effectue ce qu’elle signifie: 10 de l’évangile de saint Jean: l’Église et envers tous les c’est le sacrement et dans une le Christ connaît ses brebis et hommes. Son ministère, son bonne nouvelle de cette mer- celles-ci reconnaissent sa voix, service n’ont pas d’autre mo- veille, c’est la prédication de sa voix c’est-à-dire le Verbe de teur que l’Esprit Saint qui est l’Église, la prédication du Dieu et la reconnaître revient à l’amour infini de Dieu. On prêtre. Le sacrement est le fon- s’identifier aussi dans une comprend pourquoi sa mission dement de la parole et la parole “christification”. Ainsi, il don- ne peut être que remplie explicative du sacrement. Le ne à manger à ses brebis et il d’amour. Toute autre motiva- sacrement est la réalisation si- donne également sa vie pour tion serait inopportune, en ce tuée dans le temps historique elles (cf. Jn 10, 1-16). sens que sa raison d’être, sa de l’universel concret de la “Être pasteur” n’est pas personnalité est une personnali- Pâque du Christ, tout cela ma- constitué d’une sorte de réfé- té spirituelle, amoureuse de nifeste la réalité du Christ com- rence religieuse de l’actuel l’Esprit. C’est sa spiritualité qui me Tête et du sacrement “know how” technique, mais l’identifie au Christ et le fait conformé et identifié au Christ c’est la même vie divine trini- devenir transparence de la pa- Tête. taire qui existe au plus pro- role qui est le verbe de Dieu et La possibilité de réaliser le fond de l’homme de tous les le met en pleine communion mystère est conférée par l’Es- temps. Il comprend aussi l’art avec le Père et le Fils, de ma- prit Saint, car cette conforma- d’arriver à cet homme, mais nière à comprendre la raison de tion représentée a été produite seulement comme un préam- la chasteté comme union totale par l’amour infini de la person- bule de la pastorale propre- et exclusive avec le Christ et ne de l’Esprit Saint. En ment dite. Le prêtre modèle sa donc, fécondité totale pour re- d’autres termes, la marque que personnalité dans sa manière produire le Christ pascal chez l’Esprit a imprimée au sacerdo- d’être pasteur identifié au ses frères. ce ministériel, lui donne une Christ et ainsi, dans le fait Dans ces quatre orientations, distinction essentielle par rap- d’être porteur efficace de vie la personnalité du prêtre ordon- port aux autres chrétiens. divine. né est spécifiée: nous y trou- vons la parole appropriée pour sonne du Christ Tête de l’Égli- partir de l’eucharistie. décrire la charité pastorale. se, de manière à accomplir le Si le prêtre ministériel cé- Cette charité pastorale est la mémorial de toute l’œuvre sal- lèbre l’eucharistie, conformé- maturation vitale et intime du vifique du Christ dont la pré- ment à sa fonction, il convoque prêtre, toute son activité doit sence actuelle acquiert ainsi l’Église à partir de l’eucharis- être fruit et signe de celle-ci, el- une efficacité maximum pour tie, autrement dit, il la consti- le est un don, un devoir, une que le Christ réalise aujour- tue. À partir de cette convoca- grâce et une responsabilité. El- d’hui la rédemption. Il rend tion, on comprend, sous une le est demandée au prêtre, afin présent le Verbe incarné, né de perspective différente, la signi- que son activité pastorale soit la Vierge Marie, avec sa propre fication de sa configuration au actuelle, crédible et efficace. histoire, avec sa vie, sa prédica- Christ Tête, pasteur, serviteur Elle favorise son unité intérieu- tion, sa passion et sa mort, sa et époux de l’Église. re. Elle lui fait partager l’histoi- résurrection, son ascension au Cette convocation est la vo- re et l’expérience de l’Église. ciel et son actuelle présence cation de l’humanité, à travers Elle reproduit le mystère trini- glorieuse. Étant donné que par laquelle toute l’humanité exis- taire et façonne son unité au- l’action, on parvient à l’être, te, c’est sa véritable existence. tour du successeur de Pierre et cette action d’être le ministre, Dans l’Écriture sainte, toute du collège épiscopal. identifié au Christ Tête, se vocation comporte trois aspects constitue comme un instrument bien définis: 1. Grâce à la voca- de la pâque du Seigneur. tion, la personne constitue son 2. Du mystère au ministère Il est certain que, de cette existence propre. Ainsi, en rai- manière, le Christ forme tout le son de l’appel divin, le monde a. Ministère eucharistique peuple de Dieu, car il est le mo- naît du néant et l’homme naît dèle efficace dans son caractère également à la vie (Gn 1-2). 2. 105 Dans le second chapitre de la historique concret, qui se réali- Par la vocation, on accomplit Constitution dogmatique du se dans l’eucharistie. Il est tout une mission pour laquelle on Concile Vatican II, Lumen aussi évident que, ainsi, le ne dispose pas de forces Gentium (10), on parle du sa- Christ conduit toute l’humanité propres, mais celles-ci nous cerdoce de tout le peuple de au Père et la gouverne. Dans sont prêtées par Dieu qui fait de Dieu et on précise la distinction l’eucharistie, il donne la possi- l’homme son associé dans une entre le sacerdoce ministériel et bilité au corps de s’unir à la tête compagnie intime avec lui (Jé, ordonné et le sacerdoce royal et s’offre au Père par l’Esprit 1,8). 3. La vocation comporte conféré par le baptême à tout le Saint, constituant par cette la réalisation d’une mission peuple de Dieu. Entre les deux, union le Christ total. Donc, de pour le bien du peuple de Dieu il y a une différence essentielle la célébration de l’eucharistie, et ne se réduit pas à une dimen- et non seulement en degré. Le on suit la formation du peuple sion “intimiste”, repliée sur sa Concile définit cette différence de Dieu et le fait que celui-ci propre individualité (cf. les essentielle dans les quatre as- soit gouverné et offert dans le grandes vocations pour le béné- pects présents uniquement dans sacrifice du Christ. fice du peuple de Dieu, Juges, le sacerdoce ordonné et qui Par conséquent, nous pou- Rois, Prophètes: Ex 3, 10-22; consistent dans le fait que le vons dire que la différence la Ju 3,9 et passim). Tout cela se ministère ordonné: plus profonde entre le sacerdo- réalise de manière spéciale 1. forme le peuple de Dieu; 2. ce ministériel et le sacerdoce dans l’appel des apôtres par gouverne le peuple de Dieu; 3. royal se fonde sur la célébra- exemple, qui, particulièrement accomplit le sacrifice eucharis- tion de l’eucharistie. C’est ici chez Mc 3, 13-19, sont appelés tique; 4. offre l’eucharistie au que le sacerdoce ministériel afin d’être avec le Christ, de nom du peuple de Dieu. s’identifie réellement, de ma- chasser les démons et de pro- L’aspect principal est la célé- nière historique et permanente, clamer l’Évangile. La vocation bration de l’eucharistie que sui- au Christ Tête, pasteur, servi- de Marie dans l’Annonciation vent les trois autres aspects. teur et époux de l’Église. Le est le paradigme dans lequel ce Dans la célébration de l’eucha- point culminant de la charité triple aspect se réalise de ma- ristie, le prêtre agit dans la per- pastorale se réalise de cette ma- nière parfaite (Lc 1, 26-28). nière dans l’eucharistie d’où En conséquence, de manière émane l’Église elle-même. synthétique, la vocation touche trois aspects fondamentaux de b. Ministère ecclésial l’humanité entière: son existen- ce, sa connexion avec Dieu et Dans la convocation où ap- sa relation avec les autres. paraît l’Église, le Père nous en- Donc, lorsque l’on affirme voie sa parole qui est le Christ que le ministre convoque l’hu- pascal, dont nous avons parlé manité dans l’eucharistie, sa dans le ministère eucharistique. convocation n’est pas simple- Le Christ même est la convoca- ment une exhortation à suivre tion à l’humanité, l’appel d’où le Christ, mais le fondement de naît le peuple de Dieu qui est son existence avec le Seigneur l’Église, c’est-à-dire les convo- pour le bien de tous. Ceci est qués. En conséquence, la sour- un autre aspect qui aide à com- ce de l’Église est l’eucharistie prendre le rôle du Christ Tête et le Christ nous convoque à dans l’eucharistie; par l’eucha- ristie, le prêtre acquiert une lieu ambiant et même spiri- le d’un ministre de la parole qui conformation avec le Christ tuels. s’efforce, par sa présence, ses Tête qui veut signifier le fon- Dans ce contexte, le Conseil paroles et ses silences, d’être dement de l’existence de l’hu- pontifical pour la Pastorale de une consolation efficace pour manité renouvelée dans le la Santé a donné une définition les malades. Lorsque nous ren- Christ, de la vie divine qui est de la santé: une tension dyna- controns des laïcs mieux prépa- donnée par une identification mique vers l’harmonie phy- rés à cette tâche, psychologi- avec le Christ, comme son sique, psychique, sociale et spi- quement par exemple, on corps mystérieux et sa mission rituelle et pas seulement l’ab- éloigne facilement le prêtre et universelle de service à tous les sence de maladie, qui permet à on ne voit pas comment inté- hommes. l’homme de réaliser la mission grer son action sacramentelle Cette mission est réalisée par que Dieu lui a confiée, selon dans un contexte de modernité, le Christ dans son historicité l’étape de la vie où il se trouve. qui agit avec le malade selon qui, aujourd’hui s’accomplit Cette description est centrée les nouvelles techniques de thé- mystérieusement au moyen des sur la vocation de l’homme. rapie psychologique indivi- signes de cette historicité vi- C’est une tension dynamique duelle ou de groupe. vante que sont les sept sacre- vers l’harmonie structurelle de L’action du prêtre en tant que ments, qui se manifestent dans l’homme afin qu’il puisse réali- conformé au Christ Tête ne la communication de la parole, ser la mission que Dieu lui a consiste pas seulement à propo- la proclamation de l’Évangile, confiée. La mission change se- ser simplement des suggestions qui réunit ainsi, fermement, la lon les différentes étapes de la religieuses, même chrétiennes, communion des croyants et vie. Cette harmonie structurel- qui peuvent consoler ou aider constitue l’Église. La convoca- le, c’est-à-dire physique, psy- psychologiquement le patient 106 tion eucharistique se réalise à chique, sociale et spirituelle dans une maladie déterminée, travers les trois intermédiaires constitue l’essence même de la mais à agir de manière positive de l’Église que sont la sanctifi- vocation de l’homme et, en fin en faveur d’une santé qui est cation, la parole et la commu- de compte, sa réalisation dans rendue, en réalité, selon le plan nion. C’est ainsi que se mani- sa conformation au Christ mort divin vocationnel, comme nous feste la vocation de l’humanité. et ressuscité. Conformation qui l’avons déjà mentionné. Les sa- La personnalité du prêtre, est réalisée par l’Esprit Saint. crements sont les actions effi- conformée et configurée au De cette manière, la santé tem- caces qui réalisent cet engage- Christ Tête, pasteur, serviteur porelle fait partie de la santé ment. Toutes les ressources des et époux de l’Église devient globale qui signifie, en fait, la sciences thérapeutiques mo- ainsi celle de qui, à partir de santé éternelle. Ainsi, la santé dernes, la médecine, les aspects l’eucharistie, prononce de ma- entre complètement dans la psychologiques et sociolo- nière structurelle en Christ, la convocation eucharistique de giques, ne sont pas refusés vocation de toute l’humanité. l’Église. Elle ne peut pas rester mais sont subordonnés à l’as- étrangère à l’action sacerdotale, pect sacramentel très curatif et c. Ministère thérapeutique elle ne peut être un élément se- décisif dans une authentique condaire de son action pastora- pastorale de la santé. 1) Santé le, mais elle est enracinée dans On a réfuté le caractère sa- Aujourd’hui, nous assistons son cœur même. cramentel d’autres époques en à un bouleversement dans le Dans cette acception de la déclarant qu’il ne suffit pas monde de la maladie et de la santé, la douleur et la maladie simplement que l’aumônier santé. Avant, le problème de la ne sont pas refusées mais assu- d’hôpital aille rendre visite maladie et de son traitement mées dans l’acceptation de la avec les saintes huiles. Il est était prioritaire; aujourd’hui, la passion et de la mort du Christ, évident que l’on a besoin d’une santé et sa conservation ou son comme un bien qui suscite effi- évangélisation à partir du sa- recouvrement sont prioritaires. cacement la résurrection. Nous crement afin que celui-ci ne se C’est ainsi que, souvent, on nous opposons à la douleur et à transforme pas en un rite qui préfère ne pas parler d’hôpi- la maladie si elles constituent n’a aucun sens pour l’homme taux mais de centres ou d’insti- un obstacle à l’accomplisse- actuel, mais qui aura toujours tutions sanitaires. Nous trou- ment de la mission qui nous a vons comme motivation princi- été confiée par Dieu et, comme pale de la culture actuelle, la le bon Samaritain, nous nous santé. Elle entre de plain-pied efforçons de les combattre de dans les suppositions du sens toutes nos forces. Tout en sa- de la qualité de la vie et de la chant que la mort est inévi- quantification du bien-être d’un table, nous ne considérons pas pays. Souvent, dans la révéla- la fin de la vie comme une lu- tion de cette manière de conce- mière qui s’éteint, mais comme voir les choses, on privilégie la une lampe qui s’éteint parce santé physique. Mais peu à que l’aurore du grand jour est peu, la conviction que le corps arrivée. est un aspect de l’homme, qu’il doit être considéré dans son en- 2) Tête semble s’élargit et l’attention Dans certains milieux de la se porte également sur des as- pastorale de la santé, on veut pects sociaux, mentaux, du mi- réduire l’action du prêtre à cel- une efficacité réelle, selon la écoute attentivement la parole mais il ne devra pas s’abstenir doctrine sacramentelle de tous salvifique authentique et effica- de donner la solution sous le temps. Dans la pastorale de la ce qu’est la pâque du Christ et prétexte que, devant la gran- santé, le prêtre est la clé en ce qui, de cette manière, modèle le deur de la souffrance humaine, sens qu’il représente le Christ peuple de Dieu à l’image et à la l’unique chose à faire consiste thérapeute, le Christ ressuscité, ressemblance du Christ mort et à accompagner en silence et de il manifeste son efficacité en ressuscité. manière discrète les souf- réalisant chez le malade le frances indicibles. Ceci équi- mystère de sa configuration. 4) Serviteur vaudrait à un manque de foi et Cela signifie la confiance totale Le ministère curatif est le à une forme de lâcheté face au dans la personnalité du prêtre et service qui guérit. Comme nous témoignage définitif à donner la foi entière dans ce que le le savons, le ministère c’est le au moment le plus crucial et le prêtre réalise. Son travail dans service. Le service doit être ce- plus difficile. Il ne s’agit pas de la pastorale de la santé n’est lui du Serviteur souffrant de “consoler” et de trouver seule- pas un complément pieux des Yahvé (Is 53), qui prend sur lui ment la manière psychologique œuvres de miséricorde. Le bon toutes nos souffrances et porte de le faire, mais de donner le Samaritain est le Christ Tête sur ses épaules la croix de tous contenu efficace de notre foi au de l’Église, qui soigne ainsi, nos maux. Le prêtre donne ainsi moment où le plus grand be- par l’intermédiaire du prêtre. une raison d’être à la douleur. soin se fait sentir. Voilà le Donc, il est erroné de croire La douleur, mauvaise en soi, grand service que l’on attend que des personnes, autres que par la douleur du Serviteur de du prêtre et qu’il rend dans le prêtre ministériel, puissent le Yahvé, se transforme en source l’eucharistie représentée dans substituer et être, au sens strict, de vie et en résurrection, donc le viatique que le prêtre accom- aumôniers de centres sani- en une chose bonne. Avec le pagne et rend doublement vi- 107 taires. sens de la santé, le prêtre donne sible dans la signification spé- aussi un sens à la douleur, non cifique appliquée à ce malade: 3)Pasteur comme une simple explication le sacrement de l’onction des Le prêtre, en sa qualité de théorique, mais comme une ex- malades. Christ Pasteur, doit se confor- plication pratique, réalisant ce mer à l’homme actuel et, dans qu’il dit. L’onction des malades 5) Époux la pastorale de la santé, à surtout est un sacrement dans L’authenticité du ministère l’homme dans la situation de lequel le malade se “christifie” sacerdotal est ressentie dans maladie et de santé. Cet aspect pour assumer sa douleur et, l’amour absolu et total, dans le complète le précédent et confè- éventuellement, sa mort, en se dévouement au Christ même re toute sa force au sens pro- conformant au Christ et trouve dans l’homme malade ou en fond du sacrement. Ceci doit en lui la source de la résurrec- bonne santé. La raison de être significatif pour l’homme tion. Le sacrement de l’onction l’exercice de cette pastorale concret, c’est pourquoi dans des malades dédouble de cette n’est pas différente de celle du son administration, il doit être manière le sacrement de l’eu- sacerdoce ministériel, c’est la adapté aux circonstances charistie et l’applique dans sa charité pastorale comprise concrètes que traverse le mala- virtualité d’une mort empreinte comme amour plein et total. de. De là l’importance des de résurrection. L’Esprit Saint D’où, on peut comprendre la sciences de la communication, fait en sorte que la conforma- chasteté sacerdotale comme un de la psychologie et surtout, de tion à la volonté de Dieu dans la dévouement jusqu’à la mort, la grande humanisation de la mort soit une remise généreuse comme une obligation totale médecine que l’action pastorale et totale de son esprit entre les d’amour, comme l’Amoris offi- contient. Le sacrement apparaît mains du Père, pour recevoir cium, jusqu’à la limite, jus- comme la bonne nouvelle au- ensuite la résurrection. qu’au terme de la vie dans la thentique du salut pour l’hom- La vertu d’humilité est exi- mort elle-même pour atteindre me dans la condition de santé et gée du prêtre pour reconnaître la plénitude de la résurrection. de maladie et comme tel, doit qu’il n’y a aucune solution hu- Par cet amour, la vertu d’es- lui être proposé. D’où la force maine au problème de la mort pérance acquiert un sens et une de toutes les techniques inven- et que la seule solution est la force. Toute la pastorale de la tées pour apporter au malade et résurrection du Christ, Dieu et santé se fonde de manière abso- rendre significative la santé of- homme. Ce ne sont pas les pa- lue sur la vertu d’espérance. ferte par le Christ et pour l’ap- roles consolatrices du prêtre C’est seulement avec une espé- porter également à l’homme qui donneront la “résignation” rance inamovible dans la résur- sain, afin de lui en indiquer le devant l’inévitable, mais la réa- rection que l’on gagne la joie sens et la valeur réels. Le fait lité mystérieuse et obscure du du service et l’amour de l’at- d’être pasteur se comprend à Christ mort et ressuscité. Le tente pour l’époux, qui arrive partir de la vertu d’obéissance prêtre doit se conformer au ma- au moment de la mort avec tou- comme un “ob audire”, comme lade qui souffre avec miséricor- te la joie de la résurrection. une écoute et une attention au de non seulement pour prier Toute l’Église se précipite à la sens salvifique de l’action mi- avec lui, mais pour lui offrir, rencontre de son époux et vit nistérielle. Cette obéissance est dans la foi, l’unique solution pleinement la parole révélée demandée au prêtre; c’est une possible. Comme pasteur, il de- par laquelle l’épouse dit à obéissance qui présente la cha- vra s’adapter aux rythmes du l’époux, à la fin des temps, de rité pastorale comme une malade, en choisissant la son temps, “viens, Seigneur Jé- obéissance bienveillante, qui meilleure façon de le faire, sus” (Ap 22,20). Nous avons essayé de don- rium la réalise, mais il ne peut particulière, tous ouverts à la ner quelques idées sur le mys- le faire s’il n’est pas en en perspective pontificale de tère du prêtre ministériel et, à union totale avec son évêque et l’unité de la catholicité univer- partir de ce mystère, suivant la avec ses autres frères. Que le selle. De cette manière, en par- perspective de l’exhortation presbyterium soit religieux ou ticipant à la mission pontifica- apostolique “Pastores Dabo diocésain ne fait aucune diffé- le, le Conseil pontifical pour la Vobis”, d’arriver au ministère rence: tous deux appartiennent Pastorale de la Santé la réalise curatif du prêtre ordonné. Ce au presbyterium de l’évêque, également. mystère mystérieux est un mi- selon les différents charismes Pour accomplir une mission, nistère qui, en arrivant au propres, pour réaliser leur ac- il faut la comprendre toujours concret, en particulier au tion pastorale. Le pape la réali- plus profondément. Ces idées prêtre, signifie sa mission indi- se, comme fondement visible permettront peut-être de pro- viduelle certes, mais qui doit se de toute l’Église, c’est-à-dire gresser dans la compréhension réaliser dans une perspective comme base et fondement de du mystérieux mystère eucha- plus large et collective. l’unité catholique. Il le fait de ristique sacerdotal et ecclésial L’évêque réalise la mission manière collégiale avec tous de la pastorale curative de la dans son église, mais il ne le ses confrères évêques et avec santé. fait pas seul, il le fait avec tous chacun d’eux, comme têtes de ses prêtres, avec tous ceux qui leurs églises particulières, avec S.E. Mgr JAVIER LOZANO exercent leur sacerdoce minis- tous les prêtres et avec chacun Président du Conseil pontifical tériel, qui est à la base de son d’entre eux, unis à leur évêque pour la Pastorale de la Santé église particulière. Le presbyte- et aux frères prêtres de l’église Saint-Siège 108

Identité de l’aumônier catholique dans la Pastorale de la Santé au seuil du IIIème millénaire Réflexion théologique

Introduction perspective d’ecclésiologie de prêtre comme aumônier d’hô- communion, on ne peut négli- pital (III). Mais il faudra Le thème de l’identité de ger la collaboration des laïcs à d’abord situer ces difficultés l’aumônier catholique dans la la réalisation de la mission pour esquisser l’identité de pastorale de la santé est de unique de Jésus-Christ. Le l’aumônier dans la crise géné- grande actualité aujourd’hui, contexte contemporain deman- rale qui caractérise la réflexion surtout dans les églises où l’on de donc de préciser les fonde- de ce jour sur le sacerdoce (I). observe une diminution impor- ments de cette relation qui in- De cette manière, j’espère tante des vocations sacerdo- tervient entre les deux minis- pouvoir offrir des éléments et tales et qui nous pose la ques- tères, en vue de l’édification de des critères théologiques de ba- tion, sur la base d’une ecclésio- la “famille de Dieu”. se qui sont souvent négligés logie de communion, de savoir En supposant l’ecclésiologie dans le débat actuel. Dans ce s’il serait opportun d’envisager de communion comme base de débat sur l’identité de l’aumô- d’autres modèles de la figure notre relation, pour déterminer nier d’hôpital du IIIème millé- de l’aumônier1. La crise certains points clés du thème naire, on ne peut bâtir sur le vi- d’identité actuelle de l’aumô- qui nous est confié, à partir de. Le fondement nous est don- nier d’hôpital se situe dans le d’éléments historiques qui ont né en Jésus-Christ une fois vaste contexte de la crise contribué, précisément, à la d’identité du sacerdoce minis- formation de l’identité de l’au- tériel. Donc, vouloir préciser mônier d’hôpital, pour éviter l’identité de l’aumônier de- de projeter sur les problèmes mande tout d’abord une mise de notre époque une interpréta- au point sur la question de tion qui ne repose pas sur les l’identité du sacerdoce minis- données bibliques ou histo- tériel dans son rapport avec le riques. Ensuite, nous tenterons sacerdoce commun des fidèles. d’identifier les éléments fonda- Il me semble que ce soit là, mentaux qui ont caractérisé la précisément, le nœud du pro- compréhension catholique de blème. l’aumônier d’hôpital (II), puis L’ecclésiologie de commu- nous nous demanderons quelle nion situe le ministère ordonné lumière pouvons-nous retirer dans la vie du peuple de Dieu, pour la compréhension des mais sans supprimer sa spécifi- problèmes soulevés aujour- cité. D’autre part, dans une d’hui autour de la figure du pour toutes. Personne ne peut D’autre part, il faut dire qu’une mentaux. Nous avons besoin nous donner un autre fonde- autre origine est de type idéo- d’une conception globale, inté- ment et chacun devrait être at- logique et se trouve dans la ré- grale du sacerdoce pour mieux tentif à cet élément dans la volution culturelle qui survint comprendre la figure de l’au- configuration que l’on donne vers la fin des années ‘60 début mônier d’hôpital. La discus- de l’identité de l’aumônier (1 ’70. Elle consiste dans un sion sur celle-ci peut être com- Co 3,10). transfert des représentations prise comme un kairos dans le- démocratiques vers l’Église4, quel naît une nouvelle figure par une critique idéologique de l’aumônier d’hôpital au 1. Considérations sur des institutions ou mieux un IIIème millénaire. C’est pour- la situation actuelle manque de confiance dans les quoi, dans la confrontation de l’aumônier d’hôpital institutions qui caractérise en avec les problèmes actuels, ce moment non seulement la nous ne voulons pas travailler La nécessité de préciser situation ecclésiale, mais la so- de manière purement apologé- l’identité de l’aumônier d’hô- ciété en général. tique, mais dans une perspecti- pital se fait sentir aujourd’hui Donc, dans ce contexte, on ve constructive et créatrice. de manière particulière, surtout comprend que tandis que Vati- par le fait que le ministère or- can II nous offre une belle 1.2. Figures de prêtres donné est apparu, dans la se- théologie de l’Église comme qui ont marqué la seconde conde moitié du siècle princi- “peuple de Dieu”, mettant en moitié du XIXème siècle palement, dans une situation de relation le sacerdoce commun crise qui a frappé une grande des fidèles et le sacerdoce mi- L’ecclésiologie de commu- partie des églises occidentales nistériel (LG 10-11; surtout 34- nion de Vatican II a des racines (Europe et Amérique du Nord). 38), certaines interprétations profondes dans l’histoire de la 109 Nous trouvons une première théologiques tentent d’opposer théologie chrétienne. Cepen- donnée dans la diminution du ces deux types de sacerdoce5. dant, sa redécouverte a eu lieu nombre des candidats à l’ordi- Ou encore, on a essayé de au début de ce siècle seulement nation sacerdotale. En outre, mettre en évidence une certai- et elle fut accompagnée d’une on ne peut manquer de s’in- ne contradiction entre le cha- recherche profonde des théolo- quiéter lorsque l’on sait qu’une pitre III de la LG qui traite de giens, surtout pendant la se- bonne partie des prêtres actuels la constitution hiérarchique de conde guerre mondiale, afin de sont déjà assez âgés et que l’Église et le chapitre II, qui trouver une figure de prêtre beaucoup de jeunes prêtres ont décrit les charismes dans la vie plus proche des problèmes du l’impression de travailler trop du peuple de Dieu et invite à peuple chrétien7. Des théolo- et dans un climat peu grati- considérer sérieusement le sens giens comme Yves Congar et fiant, de résignation et de frus- de la foi des croyants. En Marie Dominique Chenu défi- tration dans un monde très sé- outre, au sein du sacerdoce or- niront bien cette figure de cularisé et indifférent. Ce fait donné, si le rapport de collabo- prêtre et un soutien à cette re- peut exercer un certain impact, ration des prêtres au sacerdoce cherche sera donné par le car- mais il faut ajouter qu’une de l’évêque semble clair, le dinal Suhard8. Mais certaines grande partie des prêtres se rapport avec le diacre, dont le interprétations radicales de cet- sentent réalisés dans leur mi- Concile parle dans la LG et te perspective finiront par ré- nistère. Et la diminution du Christus Dominus 15, l’est duire le ministère sacerdotal à nombre de prêtres s’inscrit beaucoup moins. une simple présence sur les dans le contexte général de la Souvent, on a l’impression lieux où on ne fait aucune pré- crise de foi et de la diminution que toutes ces questions se ré- dication et où on ne célèbre au- des membres de nos commu- solvent d’elles-mêmes par la cun sacrement et de la belle nautés. Cette crise peut avoir pratique (dans la pastorale) ou théologie des Pères de l’Église, de nombreuses causes et il faut au moyen d’une délégation de il ne restera que ce que l’on ap- donc éviter des simplifications pouvoirs qui, jusqu’alors, in- pellera la dimension salvifique et des généralisations trop hâ- combaient seulement aux de l’incarnation, autrement dit, tives. prêtres de la communautés et le salut réside dans le simple aux laïcs6. Il est certain que fait que le Sauveur s’est incar- 1.1. Raisons de la crise dans la pratique, de nombreux né... Donc, pour l’inaugurer, il problèmes peuvent se ré- suffirait que le prêtre soit pré- Une des causes fondamen- soudre, mais souvent, des solu- sent là où vivent ces hommes tales semble être le manque de tions qui semblent être de qui ne connaissent pas Jésus- clarté théologique. Sous cette simples pratiques pastorales, Christ, comme lui-même a vé- perspective, les origines de la peuvent avoir ensuite des cu avant sa vie publique à Na- crise se trouvent d’une part conséquences et des implica- zareth. dans une réception unilatérale tions théologiques fondamen- À cette radicalisation réagit et superficielle de l’ecclésiolo- tales. Si nous voulons éviter la théologie du père Michel gie du “peuple de Dieu” et de des confusions et des incom- Labourdette, o.p., qui conteste communion du Vatican II2, par préhensions, il faudrait penser précisément la réduction du une interprétation unilatérale la pratique sous la perspective ministère du prêtre à une du rapport entre le sacerdoce théologique/fondamentale, en simple présence: “ce ne sera commun de tous les baptisés et d’autres termes, à partir de donc pas par sa simple présen- le sacerdoce ministériel3. principes théologiques fonda- ce ni comme un fait accompli que le prêtre sanctifiera, en tant tus est qui praedicat”, “qui que prêtre, mais précisément baptizat”, “qui consecrat”13. par son ministère, l’annonce de Dans ce sens, on a parlé du la parole et la célébration du Christ lui-même qui se com- culte salvifique”9. Ainsi, le pro- munique par la puissance du blème soulevé était précisé- Saint-Esprit. ment celui de la nature du pres- Mais il faut préciser immé- byterium: “en ce sens qu’il est diatement que ce caractère de un pouvoir (l’ordre) soumis à “rapresentatio Christi” peut se des actes qui ont précisément dire, dans une certaine mesure, pour objet la sanctification du de chaque chrétien. Chaque peuple de Dieu, l’expansion et baptisé a revêtu le Christ, vit la diffusion de la grâce chré- dans le Christ et le Christ vit tienne dans l’Église”10. Mais en lui. Donc, chaque chrétien cette réponse laissait égale- doit rendre présent le Christ ment en suspens la question de par l’autre, en paroles et en savoir si la mission pastorale actes. Comme nous l’avons des prêtres ne doit rien à leur déjà dit pour le Concile Vati- autres services. De sorte que consécration. C’est donc dans can II, tous les baptisés partici- l’on pourrait dire que le sacer- ce contexte qu’apparaîtra le dé- pent au triple ministère du doce ministériel n’est pas seu- cret sur le ministère et la vie Christ et constituent un peuple lement “rapraesentatio Christi” des prêtres (Presbyterorum or- prophétique, sacerdotal et dans un sens général, mais “ra- dinis) à la veille de la clôture royal (1P 2, 5-10). C’est tout praesentatio Christi capitis Ec- 110 du Concile Vatican II, le 7 dé- cela que nous voulons dire clesiae”. Au sens exact du ter- cembre 1965. quand nous parlons du sacer- me, ce ministère est le propre Dans l’essentiel, ce docu- doce commun de tous les bap- des évêques en tant que suc- ment nous dit que les prêtres, tisés. Il est évident que l’Égli- cesseurs des apôtres (LG 21). en tant que collaborateurs des se, dans son ensemble, est le Les prêtres, selon le Concile évêques, doivent mener “la vie corps du Christ, la famille du Vatican II, sont décrits comme apostolique” en pratiquant “la Christ et donc “rapresentatio collaborateurs, auxiliaires, or- charité pastorale”, c’est-à-dire Christi”, dans le monde, sacre- ganes mais aussi fils, frères et en agissant “in persona Christi ment c’est-à-dire signe et ins- amis des évêques (LG 28, PO capitis” (PO 2; LG 10). Leur trument de Dieu dans le mon- 2, CD 30). Ils représentent premier devoir, qui est d’évan- de et pour le monde. l’évêque (SC 42, LG 28). Il géliser, est inséparable de leur Cette insistance sur la res- semble que ce soit précisément ministère eucharistique et les ponsabilité commune de tous cette perspective qui constitue deux sont reliés à un troisième les chrétiens a mené, comme l’idée fondamentale du décret qui consiste dans l’exercice de nous l’avons déjà dit, à la conciliaire “Presbyterorum or- la “fonction du Christ Tête et question: que reste-t-il encore dinis”15. Pasteur” (rapraesentatio Christi de spécifique au sacerdoce mi- En effet, dans P.O., on dit: capitis”, c’est-à-dire rendre nistériel? Quel est son pro- “les prêtres exercent, à leur ni- manifeste par les sacrements prium? Le prêtre ne serait-il veau d’autorité, la fonction du l’action salvifique du Christ, pas réduit seulement au rôle de Christ, Tête et Pasteur: au nom chef de l’Église et s’engager représentant de la communau- de l’évêque, ils réunissent la fa- afin que celle-ci soit visible té ou de l’Église, donc une ex- mille de Dieu, la communauté dans le monde11. Le thème de pression de la volonté de la des frères qu’habite un dyna- la “rapraesentatio Christi capi- majorité qui s’y manifeste?14. misme d’unité et ils la condui- tis” met en évidence le fonde- La relation de S.E. Mgr Javier sent par le Christ dans l’Esprit, ment théologique et l’essentiel Lozano Barragán a bien mis en vers Dieu le Père”16. Par cette de la compréhension catho- évidence cette problématique “rapraesentatio Christi capitis”, lique du ministère du prêtre en soulignant la spécificité du le ministère sacerdotal exprime dans l’Église catholique. sacerdoce ordonné. Ici, je vou- en même temps le fait que l’É- L’apôtre Paul, dans l’épître aux drais seulement faire allusion glise n’existe pas à partir d’el- Corinthiens (2 Co 5,14-20), au fait que l’on peut extraire le-même, mais de Jésus-Christ. souligne l’unité entre l’annon- une réponse claire à ces ques- Celui-ci apparaît comme le ce de l’Évangile et les mi- tions de la théologie de Paul. signe du fait que personne ne se nistres de la réconciliation. La responsabilité commune de donne seul la grâce salvifique, Cette unité se fonde sur le fait tous ne signifie pas que, dans qui est un don de Dieu, non une que, dans le ministère de l’Église, tous les membres production humaine. Jusqu’ici, l’apôtre, Jésus-Christ, ressusci- peuvent tout faire. Mais notre perspective est partie du té et élevé à la droite du Père, chaque charisme a son devoir haut, c’est-à-dire de la mission agit dans la puissance de l’Es- spécifique dans l’édification de Jésus venant du Père et envi- prit: “nous sommes donc en de la famille de Dieu (Rm 12; sage le ministère sacerdotal ambassade pour le Christ, c’est 1 Co 12). comme intégré dans la logique comme si Dieu exhortait par Grâce à l’épître aux Éphé- de cette mission. Mais cette ap- nous” (2 Co 5,20)12. Saint Au- siens (Ep 4,12), nous compre- proche doit être complétée par gustin a mieux exprimé cette nons que le ministère sacerdo- la perspective qui part du bas et idée lorsqu’il déclare: “Chris- tal est un service pour et aux considère le ministère sacerdo- tal comme inséré dans l’action ficiel du ministère sacerdotal, tologiques et pneumatolo- de Jésus-Christ, qui par l’Es- oubliant que le décret P.O. giques fondamentaux dispa- prit Saint vivifie, sanctifie et comprend le service à l’évan- raissent, la question de la crise guide l’Église vers le Père. gile précisément comme partie de l’identité du prêtre fait son Dans la célébration eucharis- intégrante du culte chrétien en apparition. Le Pape Jean Paul tique, ces deux dimensions se fondant sur RM 15,1622. Le II a souligné cela en insistant à sont bien mises en évidence. document de la Commission la fois sur l’identité christolo- D’une part, le ministre agit “in théologique internationale de gique et ecclésiale du prêtre27, persona Christi” et peut pro- 197123, à la rédaction duquel esquissant ainsi la perspective noncer les mêmes paroles que participa Hans Urs von Bal- des données permanentes de la le Christ “ceci est mon corps”, thasar, aidait à dépasser cette compréhension de l’identité “ceci est mon sang”. D’autre dichotomie entre le ministère sacerdotale. part, il parle et agit aussi au de la parole et celui de l’eu- Cette évocation sommaire nom de l’Église, conduisant charistie. Ceci est possible à des questions posées à la théo- les offrandes de la communau- condition de concevoir le mi- logie du sacerdoce au cours de té à Dieu17. Les Pères étaient nistère sacerdotal comme le notre époque contemporaine, particulièrement attentifs à ce service de la puissance active, nous invite à “retrouver non fait. Pour Cyprien, par réellement eschatologique, de seulement le prêtre, mais égale- exemple, “l’évêque est dans la parole de Dieu – Jésus- ment la figure de l’aumônier l’Église et l’Église est dans Christ mort et ressuscité – d’hôpital dans son originalité, l’évêque”18. La même réalité dont les signes manifestes sont dans sa spécificité originelle”. est exprimée en d’autres l’annonce du message évangé- Comment le regard sur l’histoi- termes chez Augustin: “pour lique et les gestes sacramen- re peut-il nous aider à circons- vous, je suis évêque, par vous tels. Quant à la question crire cette originalité? Nous 111 je suis chrétien”19. Cette repré- concernant l’élément essentiel essayerons de situer les élé- sentation ne situe donc pas du sacerdoce ministériel, le ments fondamentaux de l’iden- l’évêque au-dessus de la com- père Emile Pin, s.j.24 trouvera tité de l’aumônier, d’abord munauté ou détaché de celle- une réponse dans la distinction dans l’histoire de la formation ci. Voilà pourquoi Cyprien dira entre la “fonction de présiden- de la figure de l’aumônier qu’il ne veut rien faire sans le ce (praesse ou praesidere) de d’hôpital ensuite, en soulignant conseil du clergé et l’accord du la communauté chrétienne” et des concepts clés. Une question peuple20. Le ministère sacerdo- celle de présidence de l’eucha- guidera notre recherche: com- tal est également au service des ristie. Mais, il ne précise pas ment la tradition de l’Église autres charismes. Dans ce sens, le genre de rapport à établir conçoit-elle la pastorale des le Concile Vatican II a réussi à entre les deux sortes de prési- malades? dépasser un certain cléricalis- dence. Cependant, ici, il faut me et a tenté de préparer le ter- prendre en considération l’in- rain en vue d’une collaboration dication de P.O. selon laquelle 2. Le soin des malades confiante entre les pasteurs et les prêtres, en tant qu’ils parti- et le caractère de les laïcs au ministère unique du cipent au sacrifice unique et représentation Christ et il invite les pasteurs à au ministère unique du de l’aumônier d’hôpital: écouter les laïcs (LG 37; PO Christ25, sont en même temps fondement de son 9). Cependant, le Concile ou- ministres de la parole de identité sacerdotale vrait également une perspecti- Dieu, ministres de l’eucharis- ve pour élaborer des voies de tie et guides du peuple de Pour la communauté chré- collaboration responsable entre Dieu. Ces trois fonctions for- tienne, le soin des malades fait les différents ministères. Il ne ment un tout. Elles sont insé- partie, depuis les origines, de s’agit pas ici d’une concession parables comme le sont les ses obligations fondamen- à la mentalité démocratique trois titres christologiques du tales28. Elle fonde ce devoir prédominante, mais d’une ex- Christ, prêtre, prophète et roi, sur les paroles mêmes de Jésus plication et d’une réalisation de dont ils dérivent26. Cette origi- qui recommande de prendre l’Église en tant que famille de ne de l’identité du prêtre dans soin des malades (Mt 25, 31- Dieu et communion. Mais il le Christ a pour objectif de 46) et continue ainsi, comme faut ajouter que, outre à confé- rappeler à l’Église que son ac- Jésus lui-même l’a fait, par son rer un élan à la vie de nom- tion salvifique n’émane pas attitude envers les malades, à breux prêtres, le décret conci- d’elle-même ni d’un plus combattre leur marginalisation liaire n’a pas réussi à clore le grand “consensus fidelium” (Mt 1, 40-45) et par une ren- débat sur la théologie du sacer- ou de notre capacité de contre totale avec la personne, doce21. convaincre les hommes de la s’efforce de supprimer le pé- Comme “Presbyterorum or- véracité de l’Évangile, de les ché et la maladie en tant que dinis” accorde une certaine rassembler dans l’unité dans la signes d’une profonde carence priorité à l’annonce de l’Évan- foi et de les mener au salut, de salut (comme signe de mal gile (tandis que le Concile de mais elle a sa source unique- important)29. Il est évident que Trente faisait du sacrifice de la ment dans le Christ, qui de- dans cette perspective, la tradi- messe le premier et le plus im- meure parmi nous dans la tion judaïque, comme la notion portant devoir du ministère du puissance de l’Esprit Saint selon laquelle le prêtre exerce prêtre), certains ont voulu (LG 10-12, 20, 31-36). en sa qualité de représentant sous-évaluer le caractère sacri- Lorsque ces éléments chris- de Dieu, la puissance de Yahvé sur la maladie et la guérison30 Ils renvoient à une compréhen- culièrement au soin des ma- ainsi que l’idée de “soin” pro- sion de la maladie comme un lades et des pauvres. Un sana- venant de la thérapeutique ensemble de relations entre la torium est souvent rattaché au grecque (se soucier de la souf- fragilité corporelle et la fai- couvent. Sous l’influence des france de l’autre, de l’étran- blesse spirituelle. Cela signifie moines, on perçoit un lien très ger)31 ont joué un rôle non né- que, dès les origines, le soin étroit entre le soin des malades gligeable, mais la détermina- des malades ne fut pas le de- et la discipline ecclésiastique, tion christologique a été signi- voir de tous les chrétiens, mais où l’on observe le développe- ficative: chez le malade, il y a de certains ministres bien spé- ment de l’onction des malades, le visage du Christ souffrant cifiques. ce lien se révèle également que se manifeste en sollicitant Dans la littérature post apos- dans les règles des moines notre amour32. tolique, les anciens sont exhor- concernant leur comportement Dans la communauté des tés de plus en plus à ne pas né- envers les malades. origines, l’éducation, la théra- gliger les malades35. C’est pré- La règle bénédictine, par pie, le soin de l’âme et l’an- cisément parce que les évêques exemple, instaure le soin des nonce n’étaient pas des activi- et les anciens doivent visiter confrères malades comme un tés clairement distinctes les les malades que l’on formule devoir spécial pour la commu- unes des autres33. Cela se mani- les premières règles de com- nauté41 puisque le service du feste dans les sources où l’on portement36. Pendant les malade est le service du Christ parle du soin spirituel des ma- grandes épidémies qui frappe- lui-même, dans le sens de Mt lades. Celui-ci est cité dans la ront violemment la ville de Ro- 25. Dans un commentaire à la description des obligations me aux 2e et 3e siècles, on dé- règle bénédictine du 9e siècle, chrétiennes comme une des clare clairement que le soin des on dit que l’Abbé doit faire 112 œuvres de miséricorde et est malades est une grande expres- tout son possible afin que “les souvent utilisé dans une pers- sion des disciples du Christ. malades confessent leurs pé- pective apologétique ou dans Voici ce que déclare Denis chés, reçoivent les sacrements, le contexte des règles norma- d’Alexandrie: “Sans crainte, écoutent régulièrement la mes- tives pour le comportement les chrétiens allaient visiter les se, soient visités, consolés et chrétien. malades, les servaient avec encouragés”42. Nous pouvons Il faut dire que l’amour chré- amour, les soignaient selon les seulement comprendre ces tien envers les malades présup- commandements du Christ et prescriptions et cette rigueur si pose une nouvelle conception, dans la joie, ils se séparaient nous tenons compte de la évaluation, vision de la mala- avec eux de cette vie... Cette conception de la maladie dans die elle-même. Dans la méde- manière de mourir est à consi- les monastères de cette cine grecque telle qu’elle est dérer comme le fruit d’une vie époque: la maladie est considé- définie par Hippocrate, on par- spirituelle profonde et d’une rée comme un moyen discipli- le également du malade en tant foi solide qui n’est cependant naire pour la santé. Le soin des que tel et l’attention de celui aucunement comparable à la malades et la pastorale des ma- qui le soigne s’adresse d’abord mort par le martyre...37. Dans lades ont donc surtout un ca- aux amis et à leur personnalité, ce contexte, se profilent deux ractère religieux/moral. Le mé- mais pas à tous les hommes tendances: une qui considère la decin est obligé de laisser ses malades34. Selon l’amour chré- maladie comme une épreuve malades se confesser d’abord, tien, il s’agit du malade en tant pour la foi et la patience du ensuite il peut traiter le corps: que créature de Dieu et pro- malade et celui qui soigne le la médecine terrestre ne peut chain, visage concret de Jésus- malade peut espérer une ré- agir que si l’homme est pur Christ. Considéré comme ima- compense céleste pour son ser- spirituellement43. ge de Dieu incarné et de la pas- vice gratuit. De temps en Aussi longtemps que l’hôpi- sion du Christ, le malade jouit temps, on trouve des évêques tal appartenait au couvent, la d’une attention et d’une consi- qui sont également médecins et pastorale des malades faisait dération spéciales. Ainsi, on s’appuient sur la tradition qui partie du soin des malades. comprend mieux que l’épître remonte à Mc 2,17, qui parle Aux 12e et 13e siècles, se for- de Jacques indique parmi les du “Christ médecin”38. C’est premiers devoirs de l’évêque et ainsi que se développe l’analo- des anciens, la visite aux ma- gie entre le soin de l’âme et la lades et aux pauvres (souvent médecine: puisque la maladie les deux sont cités ensemble), est vue comme une expression la prière à leur intention et du péché, de même le péché est l’onction avec le saint chrême décrit comme une maladie. au nom du Seigneur (onction Prière et pénitence sont alors des malades) et le pardon des comprises comme médecine39. péchés (Ja 5,14 sq.). Au 4e siècle, on commence à Prière, onction avec l’huile construire des hôpitaux où on consacrée, confession et par- recueille tous les nécessiteux: don des péchés, probablement étrangers, pauvres, veuves, or- associés aussi au repas (agape phelins et malades40. Ils sont fraternelle) apparaissent ici tous sous la responsabilité de comme éléments constitutifs l’évêque. Ce sont souvent les du soin spirituel des malades. moines qui se consacrent parti- mèrent de nouveaux types hôpitaux. Dans les milieux pié- qui a changé également le soin d’hôpitaux. Dans les villes tistes, la maladie est envisagée pastoral des malades48. nouvelles, il y avait de plus en surtout comme un temps qui plus de pauvres et de malades. permet au malade de s’ouvrir à 2.2. La situation À présent, il incombe à la com- la parole de Dieu et de se contemporaine munauté entière d’en prendre convertir. La pastorale est es- soin. En même temps, à travers sentiellement orientée vers la Dans le contexte de la “fonc- la réflexion sur les croisades et conversion: “le malade doit tionalisation”, de la spécialisa- le mouvement des pauvres se supporter ses souffrances avec tion et de la technicisation des forme une nouvelle apprécia- patience..., s’abandonner à hôpitaux, la pastorale des ma- tion des pauvres et des malades Dieu, quitter le monde dans la lades a donc connu un change- comme “domini nostri paupe- joie, ...être fidèle jusqu’à la ment profond dans sa structu- rus”. Une déclaration pontifi- mort”47. Mais en même temps, re49. La technicisation de la mé- cale décrit le soin des malades au sein du piétisme, on trouve decine va de pair avec une comme “pauperum Christi ser- une compréhension de la pas- compréhension objective et ré- vitium”44. Dans ce contexte torale pour les malades comme ductrice de la maladie comme naissent des ordres religieux une conversation libre dans la- une perte provisoire de la fonc- qui veulent réaliser précisé- quelle les besoins du malade tion d’une partie du corps. Si ment l’amour du Christ et du sont sérieusement considérés. bien que pour la pastorale des prochain par le service des ma- Elle est comprise comme une malades, il est devenu pressant lades. La conception selon la- expression de l’amour de Dieu de ne pas perdre de vue la rela- quelle, à travers la maladie, qui libère et console le malade. tion qui unit la maladie et la vie l’âme est mise à l’épreuve et De nouveaux aspects sont in- et de prendre au sérieux l’isole- éclairée, est encore très forte. troduits comme l’individualité ment affectif des malades dans 113 La maladie est une médecine de la personne et sa liberté. La les hôpitaux modernes. Le soin spirituelle qui conduit le mala- pastorale protestante jusqu’à des malades est alors compris de à la perfection (2 Co 12,9). Schleiermacher sera détermi- comme le soin pastoral de Il est tout aussi évident que née par ces deux principes. l’hôpital. Il devient pastorale chaque traitement des malades Dans le contexte du rationa- pour les patients et les person- commence par la confession et lisme, l’objectif du soin pasto- nels de santé au sein de l’insti- l’eucharistie. Tous ceux qui ral des malades s’articule au- tution hospitalière; il n’est pas prennent soin des malades ga- tour de la figure du pasteur en une continuation de la pastora- gnent une récompense au para- tant qu’ami et compagnon fi- le de la communauté paroissia- dis; leur activité est une dèle dans la souffrance. La ma- le, mais il doit développer ses contemplation de la souffrance ladie est envisagée comme une méthodes et ses objectifs du Christ par laquelle ils attei- réalité entièrement “terrestre” propres. gnent la perfection. qui n’a rien à voir avec le pé- La pastorale des malades est Ce système de la pastorale ché. Le devoir de l’aumônier donc comprise – par analogie des malades, étroitement liée à d’hôpital consiste à consoler, à avec le Dieu d’Israël qui la confession et à l’autorité du soutenir moralement et psy- marche avec son peuple – com- prêtre, demeure immuable jus- chologiquement: on lui deman- me un accompagnement de qu’au 16e siècle45. Avec Luther, de d’avoir une bonne connais- l’homme dans sa maladie dans la pastorale des malades reçoit sance de l’homme et de la psy- le but de porter la souffrance et surtout un caractère d’accom- chologie. Au 20e siècle, cela les nécessités de l’autre, pour pagnement, de soutien et de exige une relation personnelle arriver à une compréhension consolation. La confession avec le malade, qui devient de globale de tout ce que peuvent perd de sa rigueur et est consi- plus en plus difficile pour l’au- signifier maladie et vie50. Cela dérée comme un événement mônier en raison de l’organi- demande une bonne collabora- de joyeuse rencontre, dans le- sation actuelle des hôpitaux tion entre l’aumônier d’hôpital, quel le prêtre n’est plus indis- modernes. Dans ce contexte, les médecins et les infirmières pensable, mais qui demande la on peut comprendre l’impor- et dans certains cas, il peut être présence de n’importe quel tance du concept de l’aumône- intégré également comme chrétien46. Cependant, il faut si- rie tel qu’il est développé par membre de l’équipe thérapeu- gnaler que déjà chez Luther, le la Conférence Épiscopale Ita- tique. De cette manière, le soin caractère ecclésial n’est pas en- lienne. pastoral ne sera pas considéré tièrement effacé et dans les Avec le mouvement qui est comme un supplément, mais églises luthériennes du 16e apparu surtout aux États-Unis comme partie d’un traitement siècle, on observe encore le vers les années ’60, ’70, nous global qui comprend tout lien solide entre soin pastoral sommes arrivés à un change- l’homme. Cette approche de- et ministres ecclésiaux. Ceci ment de la conception de l’au- mande à l’aumônier une grande est encore plus évident dans les mônier d’hôpital. On a beau- capacité et une facilité de rela- églises réformées en Suisse. coup insisté sur le “soin pasto- tion. C’est seulement dans le De toute manière, on observe ral thérapeutique” qui exige contexte de la relation qu’il un grand intérêt pour la pasto- une formation spéciale de l’au- peut également inviter à la priè- rale des malades, les prison- mônier et la connaissance des re et annoncer l’amour du niers et les pauvres. Dans les progrès de la psychanalyse. Christ dans la situation concrè- grandes villes, on désigne des C’est ainsi qu’est né le “mou- te du malade. Tout cela doit ad- prêtres uniquement pour les vement des soins pastoraux” venir dans le contexte d’un par- cours de recherche de sens. rémunérés) ou si le diacre ne dans la proclamation de la doc- C’est dans ce parcours que se serait pas habilité à conférer trine et de la parole (LG 35; situent l’eucharistie, la confes- aussi l’onction des malades. CDC can. 229, 230 &3; 759, sion et l’onction des malades. En se fondant sur ce qui a été 766). Ces ministères sont Voici la leçon qu’il faut tirer dit jusqu’à présent, on peut ré- conférés par une lettre de man- de ces aspects historiques par pondre clairement que l’aumô- dat de l’évêque. Ainsi, on veut rapport à l’identité de l’aumô- nier ne peut être qu’un ministre souligner davantage la respon- nier: si son ministère a été arti- ordonné. L’aumônier et l’ad- sabilité commune de tous les culé surtout sur l’histoire du ministration des sacrements, chrétiens, dans la participation ministère de la parole, de l’eu- comme célébration du ministè- au triple ministère du Christ54. charistie, de la rémission des re salvifique du Christ-Tête, Ici, le point de départ serait péchés et de la solidarité de sont inséparables. Mais le Vati- peut-être mieux indiqué par le toute la communauté avec le can II nous offre une autre canon 785 du CDC de 1983. membre souffrant, il me voie. Le Concile se rattache au Par rapport au can 517 &2, ce semble que ces données sont Nouveau Testament lorsqu’il canon ne subordonne pas la conformes au sens du Can.564, parle des collaborateurs de collaboration des laïcs à la ca- qui définit l’aumônier comme saint Paul (Rm 16, 1-16; Ph rence de prêtres, mais les ins- un prêtre, en sa qualité de col- 2,25;4,3; Co 4,10-15, Phm crit au sein du ministère dans la laborateur de l’évêque, premier 1,24) et développe presque une perspective des droits et des responsable du soin des ma- théologie des collaborateurs. devoirs fondamentaux de tous lades, puisqu’il représente le Selon cette théologie, sur la les membres du peuple de Christ Tête et toute la commu- base de leur participation (fon- Dieu. nauté. Mais comme nous dée sur le baptême) à la mis- Si telle est l’intention du do- 114 l’avons déjà souligné, cette sion salvifique de l’Église, les cument, il n’y a donc aucune configuration fait appel, par laïcs sont des collaborateurs raison de redouter une clérica- son essence, à une plus large directs du ministère unique du lisation du laïcat. Une respon- collaboration des laïcs au mi- Christ52. En se basant sur une sabilité de coopération et de nistère unique du Christ. mission propre, ils peuvent as- communication totale expri- À partir de Vatican II, avec sumer certains devoirs (munia) merait aussi bien le visage de son ecclésiologie de commu- qui sont étroitement associés l’Église comme famille de nion, on est devenu plus sen- au ministère (officia) des pas- Dieu, par la diversité de ses sible à un engagement plus im- teurs53. Cela est possible aussi membres et de leurs différents portant des diacres, religieux et bien pour l’enseignement que charismes55, autrement dit, il laïcs dans la pastorale des ma- pour l’action liturgique et la s’agit d’approfondir et d’ex- lades. Étant donné la situation pastorale (cura animarum). Le ploiter à fond les possibilités ecclésiale actuelle, certaines Concile parle plus précisément qui nous sont offertes par le églises locales prônent une col- de “cooperatio” dans l’exerci- Concile qui décrit le laïc par sa laboration toujours plus grande ce de certains ministères, cette manière d’être dans le monde de l’aumônier avec une équipe, coopération est en même (LG 31)56 et comme collabora- en d’autres termes, il faut en- temps “participatio” au minis- teur dans l’exercice du ministè- gager davantage les diacres, re- tère ordonné lui-même (LG re ecclésial du Christ (LG 33 et ligieux et laïcs dans la pastora- 33; AA 24; cf. dans CDC 35). Il ne me semble pas que le de la santé. Il me semble que can.228,230,759). Le laïc de- cette collaboration doive être les directives de ce Conseil meure laïc même en exerçant reconnue comme un sacrement pontifical vont également dans une certaine fonction étroite- dans le sens où l’ont comprise cette direction51. ment reliée au ministère or- Rahner et Hünnerman57. On donné. risque ainsi de susciter des En réalité, il s’agit de la “co- confusions et de rendre absolu 3. La collaboration des laïcs operatio” (LG 33; CDC ipso facto le sacerdoce ordon- au ministère unique can.129&2) ou d’une partici- né, au lieu de le mettre en rela- du Christ dans pation des laïcs aux obligations tion avec d’autres ministères la pastorale de la santé du ministère ordonné, c’est-à- comme des charismes diffé- dire concernant la direction de rents pour l’édification de la C’est ici que nous rencon- l’Église (LG 37; CDC can. 129 famille de Dieu en marche vers trons l’actualité du problème &2) et spécialement dans la le Père dans le Fils, par l’Esprit pastoral. Aujourd’hui, dans les création d’institutions syno- Saint. églises locales, il n’y a pas as- dales (conseils paroissiaux, ici sez de prêtres qui peuvent être le discours sur l’aumônerie mis à la disposition des hôpi- doit être considéré avec la cir- Conclusion taux. Que faire? Il est certaine- conspection voulue, déjà souli- ment injuste de donner tou- gnée par S.E. Mgr Lozano), En conclusion, nous pour- jours plus de fonctions aux comme d’ailleurs dans l’ac- rions dire que l’identité de prêtres qui sont déjà surchar- complissement de la liturgie l’aumônier d’hôpital se définit gés. On se demande si on ne (par des créations de ministères à partir de l’identité du prêtre pourrait pas confier toute la comme lecteurs, acolytes, mi- ordonné. Cette spécificité de responsabilité de la pastorale nistère de la communion, son identité n’exclut cependant des malades à un laïc ou à un conférer le baptême et animer pas l’effort de rendre plus effi- groupe de laïcs (bénévoles ou la liturgie: can. 230 &2 et 3), cace et significative la présen- ce du Christ dans le monde de pressant et fondamental de la vie de l’É- 7 Il suffit de rappeler l’institution en glise au seuil du 3e millénaire peut s’ob- France du “Séminaire de la Mission en ceux qui souffrent dans leur server aussi parce qu’au cours de ces der- France” en 1941 à Lisieux et en 1944 de corps et tournent leur regard nières années, une grande partie des la “Mission de Paris” pour concrétiser vers le Christ, car ils ont besoin conférences épiscopales se sont intéres- l’idée du prêtre qui partage les conditions sées au problème délicat du rapport entre de vie du peuple et réalise ainsi sur son de l’accompagnement de l’É- sacerdoce ministériel et sacerdoce com- lieu du travail le devoir missionnaire. glise dans cette phase de leur mun. Je rappelle simplement les deux Cette idée s’intègre dans le prolongement vie. Cette collaboration ne doit lettres de la Conférence épiscopale des du livre des deux prêtres H. GODIN et Y. Pays-Bas et de la Conférence épiscopale DANIEL, La France pays de mission?, pas supprimer ou diminuer de France ainsi que la communication de “Rencontres, 12, Éditions de l’Abeille, l’identité de chaque membre l’évêque Walter Kasper à l’occasion de la Lyon 1943. De cette idée de la présence de la famille de Dieu, mais ser- “Internationale deutschprachige General- proche du peuple on passe à la figure du vikarkonferenz” à Quarten (diocèse de St prêtre-ouvrier: EMILE POULAT Naissance vir à la croissance de tous dans Gall) du 21 au 26 mai 1995. Toutes les des prêtres-ouvriers, Casterman, Paris, une aide réciproque. trois ont été publiées dans les années ’90: 1965. “Au nom du Christ. La parole, le sacre- 8 Cf. CARDINAL SUHARD, Le prêtre La situation de crise actuelle ment, le ministère et l’ordination. Lettre dans la cité, Lettre pastorale du Carême peut certainement représenter pastorale de la Conférence épiscopale des de l’an de grâce 1949, Paris, Éditions A. un temps de renaissance, de re- Pays-Bas” dans la Documentation catho- Lahure 1949. lique, 4 octobre 1992, n° 2057, 833-846; 9 MICHEL LABOURDETTE, Le sacerdoce nouveau de l’Église, mais cette “Les ministres ordonnés dans une Église- et la mission ouvrière, Une étude de la renaissance ne peut en aucun communion. Note théologique du Bureau Commission théologique de la Mission cas signifier une rupture avec d’études doctrinales de la Conférence des ouvrière, La Bonne Presse, Paris 1959, n° Évêques de France” dans La Documenta- 14. la tradition. Ainsi, l’originalité tion catholique, 3 janvier 1993, n° 2063, 10 MICHEL LABOURDETTE, op. cit. n° réelle naît toujours de l’inté- 420-429; Walter KASPER, “Der Lei- 13. rieur de la tradition. Avec Jean tungdienst in der Gemeinde” (je me réfè- 11 Cf. G. GRESHAKE, Priestersein. Zur re à son manuscrit). Theologie und Spiritualität des priesterli- Paul II, nous pouvons toujours 2 Sur le concept de l’Église comme chen Amt, Freiburg, 1982, 1991, pp. 31- demeurer confiants dans le communion dans Vatican II: cf. Walter 80. Seigneur qui, grâce à la crise KASPER, “L’Église comme communio. 12 Cette idée de la “representatio 115 Réflexions sur l’idée directrice de l’ec- Christi” est attestée dans d’autres textes actuelle, prépare, par l’Esprit clésiologie du concile Vatican II” in également, chez Lc 10,16: “Qui vous Saint, une nouvelle pentecôte IDEM, La théologie et l’Église, Cerf, Pa- écoute m’écoute”. On peut également pour son Église. En relisant la ris 1990, pp. 389-410. rappeler ici le caractère sacramentel de la 3 Le père Yves Congar a bien décrit parole de Dieu en ce sens qu’il manifeste “Tertio Millenio Adveniente”, cette situation lorsqu’il déclare: “Vatican le mystère salvifique caché en Dieu de j’ai retrouvé avec joie la même II a été suivi d’une profonde mutation so- toute éternité: RM 16, 25-27; Ep 3, 9-11; cio-culturelle qui n’a aucun parallèle Col 1, 25-27. L’apôtre est particulière- perspective d’espérance et de dans l’histoire de l’Église pour ce qui re- ment imprégné de cette idée de représen- confiance dans la présence de garde son importance, son caractère radi- tation du Christ au point qu’il conçoit sa l’Esprit du Seigneur qui guide, cal, sa rapidité et son caractère vie et ses voyages apostoliques comme cosmique” et “cette crise n’a pas été sus- manifestations de la victoire du Christ renouvelle et vivifie l’Église. citée par le Concile”, même si, selon dans le monde: 2 Co 2,14 ou encore 2 Co Congar, il faut reconnaître que ses ra- 4,10: “nous portons partout et toujours en M.l’abbé JUVÉNAL cines sont en lui “par le simple fait qu’il y notre corps les souffrances de mort de Jé- a eu concile, débat”: Yves Congar, Le sus, pour que la vie de Jésus soit, elle ILUNGA MUYA Concile Vatican II, son Église, peuple de aussi, manifestée dans notre corps”. Professeur de théologie Dieu et corps du Christ, Beauchesne, Pa- 13 AUGUSTIN, In Joan. 6,7. fondamentale à l’Université ris 1984, p. 69-70. 14 Les études de E. SCHILLEBEECKX ont Urbanienne, Rome 4 Cela ne signifie pas que l’Église ne largement contribué à traiter ces ques- doive pas se sentir famille de Dieu où tions: E. SCHILLEBEECKX, Kirchliches règne le principe d’égalité (LG 32) dans Amt, Düsseldorf 1981; IDEM, Christliche la diversité des charismes entre les Identität und kirchliches Amt, Düsseldorf membres suscités par le même Esprit, qui 1985. concède à tous les croyants le sens surna- 15 Cf. P.J. CORDES, Sendung zum Di- turel de la foi (sensus fidei), qui maintient enst. Exegetisch-historische und syste- toute l’Église dans la vérité et s’exprime matische Studien zum Konzildekret dans le foi et les coutumes: LG 12, 35; “Vom Dienst und Leben der Priest”, GS 43; AA 2s. Frankfurt 1972. 5 On rappellera par exemple l’impor- 16 Cf. aussi PO 12. Notes tance des réactions suscitées par la thèse 17 Pietro Lombardo soulignait déjà ce de Hans Küng selon laquelle il y aurait, à double aspect en expliquant pourquoi le 1 Selon le Code, l’aumônier est un l’origine de l’Église, deux formes ini- prêtre dit “offerimus” et pas “offero”: prêtre/ CDC can 564. Le débat contem- tiales de ministères: à Jérusalem, l’Église PIETRO LOMBARDO, Sent. IV d.13, 1. Cf. porain tourne effectivement autour de aurait eu une structure plus institutionnel- LG 10. Ce caractère de représentation de cette identité de l’aumônier. Que le thè- le tandis qu’à Corinthe, la communauté l’Église à travers le prêtre a de nom- me soit actuel et aborde un problème aurait vécu seulement de l’apparition breuses traces dans la tradition de l’Égli- spontanée des charismes en son sein”: se: cf. Yves CONGAR, Jalons pour une Hans Küng, l’Église, t.2, “Textes et théologie du laïcat, Unam Sanctam 23, études théologiques”, Desclée de Brou- Cerf, Paris 1957; cf. IDEM, “Le sacerdoce wer, Paris 1968, pp. 554-610. Nous sa- du Nouveau Testament, Mission et culte, vons que du point de vue de l’exégèse, in “Les Prêtres. Décrets Presbyterorum cette thèse ne résiste pas et n’a pas de ordinis et Optatam totius, Textes latins et fondement historique: cf. COLLECTIF, Le traductions françaises, J. FRISQUE – Y. Ministère et les ministères selon le Nou- CONGAR, “Unam Sanctam” 68, Cerf, Pa- veau Testament, Seuil, Paris 1974. ris 1968, pp. 233-256. 6 Sans mettre en doute l’importance de 18 CYPRIEN, E.p. 66,8. la collaboration des laïcs à la mission 19 AUGUSTIN, Serm. 340, 1 cit. LG 32. unique du Christ (cf. CEI, n.55), nous Également Thomas d’Aquin pour qui le voulons souligner seulement le fait que ministre représente l’Église, discute dans l’engagement efficace, toujours plus si- ce sens: Thomas d’Aquin, S. Th.III, 82, 7 gnificatif des laïcs par des lettres de mis- ad 3; Suppl. 31, 1 ad 1; S.c.g. IV, 73. sion, a suscité des questions sur l’identité 20 CYPRIEN, E.p. 14,4. même du prêtre et de sa mission. On peut 21 Il suffit de rappeler la question dont trouver un indice de cette réflexion dans on discute encore aujourd’hui, de la dis- le document de la Conférence épiscopale tinction conciliaire entre le sacerdoce française: Tous responsables dans l’Égli- commun et ministériel. L’expression de se? Assemblée plénière de l’Épiscopat cette distinction dans la LG 10: “le sacer- français à Lourdes, Le Centurion, Paris doce commun et le sacerdoce ministériel 1973. s’ils diffèrent essentiellement et non pas seulement en degré, sont cependant coor- Behandeln zum Heil. Die vergessene Di- NERT, Autorität um Liebe willen, p. 35. donnés l’un à l’autre”, demande une nou- mension im Krankenhaus, Wien.Frei- 54 Cf. KARL RAHNER, “Über das Laie- velle explication. En quoi consiste cette burg/Basel, 1980, 40-55, p. 41. napostolat” in Schriften zur Theologie, différence essentielle et non seulement en 32 Chez les apuvres et les personnes II, Einsiedeln 1961, pp. 339-379, p. 351. degré? Il me semble que pour les Pères, souffrantes, l’Église “reconnaît ... l’ima- IDEM, “Sakramentale Grundlegung des l’intention ait été d’éviter de mettre au ge de son Fondateur, pauvre et malade”: Laienstandes in der Kirches” in Schriften même rang le sacerdoce ministériel et le LG 8. zur Theologie, VII, Einsiedeln 1966, pp. sacerdoce commun et d’insister surtout 33 Cf. THOMAS BONHOEFFER, Ursprung 330-350. sur sa spécificité qui ne dérive pas du sa- und Wesen der christl. Seelsorge, Mün- 55 Et il me semble, en effet, que dans le cerdoce commun. Inversement, le sacer- chen 1985, p. 11. cas de l’Église congolaise, on ait su dès doce commun n’est pas une dérivation du 34 Cf. PEDRO LAIN EENTRALGO, Keil- 1975, avec le cardinal Joseph Malula, ap- sacerdoce ministériel. Tous deux ont leur kunde in gesch. Entscheidung, Salzburg pliquer cette belle conception de Vatican source dans le sacerdoce unique du 1950, p. 100s. II, poursuivie dans “Ministerie quae- Christ. La différence se trouve au niveau 35 Cf. Lettre de Polycarpe aux Philip- dam” de Paul VI (1972) et Evangelii sacramentel (“sacramentum tantum”): le piens, 6,1. Nuntiandi (1975) en évitant ce danger. Je sacerdoce ministériel est le signe sacra- 36 Cf. AUGUST HARDELAND, Geschich- fais allusion ici à l’institution des Bakam- mentel de ce qui, au point de vue du te der speciellen Seelsorge in der vorre- bi (pluriel de Mokambi), c’est-à-dire un contenu (“res sacramenti”: le salut com- formatorischen Kirchen und der Kirche laïc nommé par l’évêque à la direction muniqué) est donné à tous les croyants, der Reformation, Berlin 1898, p. 22. d’une paroisse, dans le sens de l’adminis- autrement dit la représentation du service 37 Cité par EUSÈBE, H.E., 7, 22, 7-10. tration paroissiale et de l’organisation de salvifique du Christ dans le monde. Être 38 Cf. JEAN-PIERRE SCHALLER, Les sa- l’activité pastorale. Il travaille avec un au service de cette mission commune, la crements: remèdes d’immortalité, Rome prêtre, qui n’est pas le curé, et sa fonction rendre efficace au point de vue structurel 1990. consiste à représenter l’évêque sur place également et la conserver vivante, voilà 39 Cf. CYPRIEN, De Lapsis, 14. puisque l’évêque est responsable de la ce que constitue l’aspect spécifique du 40 Cf. GERHARD UHLHORM, Die christ- pastorale. Sa fonction se limite ici à celle sacerdoce dans l’Église: cf. W. BEINERT, lichen Liebeshätigkeit, I, Alte Kirche, du modérateur comme le stipule le can “Autorität und der Liebe willen. Zur Stuttgart 1882_, 316s. 517 &2. Il exerce la responsabilité des Theologie des kirchlichen Amtes” in K. 41 Cf. Reg. Ben 36. devoirs spécifiquement presbytéraux. Cf. HILLENBRAND, ed., Priester heute. Anfra- 42 A. HARDELAND, op. cit. p. 190. Archidiocèse de Kinshasa, Les minis- gen, Aufgaben, Anregungen, Würzburg 43 PAUL DIEPGEN, Über den Einfluss tères laïcs à Kinshasa, Kinshasa 1985; 1990, pp. 32-66, p. 56s.; K. LEHMANN, der autoritativen Theologie auf die Medi- l’Avenir des ministères laïcs. Enjeux ec- 116 Das dogmatische Problem des theologi- zin des M.A., Wiesbaden 1958. clésiologiques et perspectives pastorales, schen Ansatzes zum Verständnis des 44 Cf. CHRISTIAN PROBST, “Das Hospi- L. SANTEDI KINPUDU, éd., Signes des Amtspriestertums” in F. Heinrich, ed., talwesen im hohen und späten M.A. und Temps, Kinshasa 1997; A. MATENKADI Existenzprobleme des Priesters, Mün- die geistliche und gesellschaftliche Stel- FINIFINI, Le statut juridique du catéchiste chen 1969, pp. 121-175; P. NEUNER, Der lung der Kranken” in GERHARD BAADER en territoire de mission. Structure et si- Laie und das Gotteswolk, Frankfurt GUNDOLF KEIL, Medizin im m.a. Abend- gnification du canon 785 du Code de 1988, p. 172s.; G. GRESHAKE, Priester- land, Stuttgart 1932, p. 265. droit canonique de 1983, Ottawa, 1988; sein, p. 192s. 45 Voir par exemple le commentaire IDEM “L’expérience pastorale des ba- 22 PO, n° 2. sur la règle de l’Ordre du Saint-Esprit au kambi: histoire et perspectives” in Revue 23 COMMISSION THÉOLOGIQUE 15e siècle: Liber regulae S. Spiritus, ed. Africaine de Théologie 17, 1993, pp. INTERNATIONALE, Le ministère sa- A.F. La Cava, Mailand 1949, 128s. 227-235; Œuvres complètes du Cardinal cerdotal, Cogitatio Fidei, 60 , Cerf, Paris 46 Il exhorte en disant “laissons-nous Malula, L. de Saint Moulin, vol. 6. 1971. confesser, conseiller, aider et prier les Textes concernant le laïcat et la société, 24 E. PIN, “La différenciation de la uns les autres... et ne doutons pas de l’ac- Facultés Catholiques de KINSHASA, fonction sacerdotale, analyse sociolo- quiescement de Dieu à notre égard”: 1997. Il se différencie du système alle- gique” in Concilium 43, 1969, pp. 45-55. MARTIN LUTHER, “Von der Beicht, WA mand de “Pastoralreferenten et pastoral- À partir de cette distinction, on peut com- 8, 184, 21-24. referentinnen”: cf. H.J. POTTMEYER, prendre le passage effectué par Joseph 47 BERNHARD WALTER MARPERGER, “Thesen zur theologischen Konzeption Moingt qui distingue des modèles de sa- Getreue Anleitung zur wahren Seelencur des pastoralen Dienste und ihrer Zuord- cerdoce: cf. ses articles sur “Essai sur la bei Kranken und Sterbenden, Nürnberg nung” in ThGl 55, 1976, pp. 313-337.; mutation du ministère sacerdotal” dans 1717, 212s. W. KASPER, “Die schädlichen Nebenwir- Études, avril 1970, ensuite dans Ibidem, 48 Cf. HANS CHRISTOPH PIPER, Kli- kungen des Priestmangels” in Stimmen Juillet, septembre et octobre 1973. niscche Sellsorge-Ausbildung, Berlin der Zeit 195, 1977, pp. 129-135; K. RAH- 25 P.O., n° 7. 1972; Joachim SCHARFENBERG, Seelsorge NER, “Pastorale Dienste und Gemeinde- 26 P.O., n° 2. als Gespräch, Göttingen 1972. leitung” in Stimmen der Zeit, 195, 1977, 27 Il suffit de lire ses exhortations 49 J.J. ROHDE, Soziologie des Kranken- pp. 733-743; P. HÜNERMANN, “Ordo in apostoliques, lettres aux prêtres pour le hauses, Stuttgart 1974; Johannes SIE- neuer Ordnung? Dogmatische Überle- Jeudi Saint et homélies à l’occasion d’or- GREST, Arbeit und Interaktion im Kran- gungen zur Frage der Ämter und Dienste dinations pour s’en apercevoir. Il expri- kenhaus, Stuttgart 1978. in der Kirche heute” in F. KLOSTERMANN, me ainsi la question sur l’identité du 50 Cf. JOSEF MAYER-SCHEU, Seelsorge éd. Der Pristermangel und seine Konse- prêtre: “Qui suis-je? Qu’attend-on de im Krankenhaus, Mainz 1977; Michael quenzen, Düsseldorf 1977, pp. 58-94; G. moi? Quelle est mon identité? Voilà la KLESSMANN, In der Krise begleiten. Pro- GRESHAKE, “Der theologische Ort des question angoissante que se pose souvent bleme und Aufgaben des Pfarrers am Pastoralreferenten und sein Dienst” in LS le prêtre, qui n’est certainement pas à Krankenbett”, in EK 16, 1983, pp. 543- 29, 1978, pp. 18-27; IDEM, Priestersein, l’abri des contrecoups de la crise de 547.; IDEM, “KrankenHausseelsorge heu- p. 72; F. KLOSTERMANN, Zur neuen Ord- transformation qui secoue le monde: te” in Themenheft WzM 29, 1977, H.1. nung der “pastorale Dienste” in der BRD Jean Paul II, “Le prêtre dans la société 51 Cf. PONTIFICIA COMMISSIO DE in Diakonia 9, 1978, pp. 129-139; H. SO- contemporaine”, Homélie à la messe APOSTOLATU PRO VALENTUDINIS CHA, “Der Dienst der Pastoralreferenten d’ordination à Rio de Janeiro, le 2 juillet ADMINISTRIS, Les religieux dans le und die eine geistliche Vollmacht” in Ar- 1980, in La Documentation, 77/n° 1791, monde de la souffrance et de la santé, chiv für Kirchenrecht 147, 1978, pp. 377- 1980, pp. 751-754, p. 751. On lira: P. Rome 1987; Les laïcs dans le monde de 405. W.J. HENTSCHEL, Pastoralreferenten TOINER, L’Ordre sacerdotal et l’avenir la souffrance et de la santé, Rome 1987; – Pastoralassistenten, Eischtätt-Wien de l’homme, “Théologie nouvelle”, Fac- “ Infirmos” et la vie consacrée, Ci- 1986; P. NEUNER, Der Laie und das Got- éditions, Paris 1981, p. 167. té du Vatican 1994. teswolk, Frankfurt 1988, pp. 191-203. 28 JEAN PAUL II, “Motu proprio Dolen- 52 Cf. CEI, Directives pour la vie de 56 À ce sujet, le document du Conseil tium Hominum (11 février 1985), n° 1 nos séminaires, Coll. Documenti Chiese pontifical pour la Pastorale de la Santé qui rappelle que, pour l’Église, la pasto- locali n° 85, EDB, Bologne 1999, n° 55. est éclairant: Les laïcs dans le monde de rale des malades fait “partie intégrante de 53 On peut remarquer ici que le Conci- la souffrance et de la santé, Rome 1987, sa mission”. le lui-même est incertain pour préciser la qui parle de l’engagement du laïc dans le 29 Cf. JOSEF MAYER-SCHEU – RUDOLF différence entre “munia” (LG 33 au su- domaine de la pastorale de la santé com- KAUTZKY, Vom Behandeln zum Heil. jet des laïcs) et “sacra officia” (LG 35, me un ministère, une diaconie qui jaillit Die vergessene Dimension im Kranken- 37 en référence aux prêtres). En effet, de la nature même du laïc en tant que haus, Wien/Freiburg/Basel, 1980, pp. une distinction entre la fonction sacra- membre de l’Église, de sa condition de 138s. mentelle et les ministères non sacramen- baptisé et de séculier: n° 8. 30 Cf. HANS WALTER WOLLF, Anthro- tels tend à se préciser. Mais on peut no- 57 Cf. K. RAHNER, “Pastorale Dienste pologie des AT, Munchen, 1977(3), pp. ter que d’une part, on utilise aussi le ter- und Gemeindeleitung” in Stimmen der 211s. me ministère (ministerium) pour les Zeit, 195, 1977, pp. 733-743; P. HÜNER- 31 Cf. HEINRICH SCHIPPERGES, “Die prêtres dans la LG 18 et d’autre part, à MANN op. cit. in F. KLOSTERMANN, ed., Entwicklung der ‘cura’ im Verständnis différents endroits, on utilise le terme Düsseldorf 1977, pp. 558-94. der therapeutischen Dienste” in JOSEF apostolat (munus: lg 33; sacra officia: 58 Voir les précisions de G. GRESHAKE, MAYER-SCHEU – RUDOLF KAUTZKY, Vom LG 35, 37) pour les laïcs: cf. W. BEI- Priestersein, p. 72. L’aumônier catholique de la Pastorale de la santé dans le Droit canonique

1. Présentation de la problème de la santé: en fait, de siècle la Congrégation consis- législation en vigueur nombreux instituts religieux toriale avait déjà établi des dé- laïcs ont eu précisément pour rogations particulières. Mais le a. Dans le Code de Droit objectif la prise en charge des principe vaut pour tous. Canonique malades. Il est intéressant de souligner Et les hôpitaux eux-mêmes que les canons du Code de Les canons 564-572 n’ont ont de nombreuses fois été fon- 1917 qui traitaient de cette pas d’équivalents dans le Code dés par de pieuses confréries... question sont ceux qui concer- oriental. Mais on peut trouver Le mot chapelain vient de nent les aumôniers des associa- quelque chose de semblable “cappa” (manteau) et fait réfé- tions: de fait, souvent on ne dans le fait que le Code oriental rence au manteau de saint trouve pas dans l’église parti- connaît lui aussi la paroisse Martin, conservé dans le trésor culière le dispositif institution- personnelle, au can. 280: “si... de la basilique de Saint Denis, nel spécifique qui puisse ré- id expedit, erigantur paroeciae à l’origine de la couleur bleue pondre à tous les droits des fi- personales... vel alia definita du drapeau français; ce man- dèles, mais il faut l’intervention 117 ratione determinatae”. teau partagé avec le pauvre de charismes particuliers, ex- d’Amiens est donc tout un primés traditionnellement dans a.1. Le concept symbole: l’aumônier, c’est le les associations: les premières can. 564 et 568 prêtre selon le modèle de saint associations de fidèles, dans Martin, chargé de distribuer l’Église, se manifestent au troi- Deux concepts clés: prêtre, les secours de l’Église. Puis, sième siècle, avant même que et charge pastorale en français, nous avons le mot l’Église ait pu faire connaître L’aumônier est le prêtre à qui aumônier, désignant le même publiquement ses institutions, est confiée de manière stable, et prêtre, chargé des aumônes. et surgissent précisément pour au moins en partie, la charge Le can. 568 amplifie le l’aide aux malades1. Lorsque pastorale d’une communauté concept: reprenant le vœu ces charismes sont institutiona- ou d’un groupe de fidèles, cette conciliaire exposé en CD 18, lisés par l’Église universelle, charge devant être remplie se- on souhaite que l’on institue, ces institutions deviennent de lon les règles du droit universel dans la mesure du possible, fait un don fait par l’Église uni- et particulier (564). des aumôniers “pour ceux qui verselle à tant d’églises particu- Il y a de nombreuses catégo- ne peuvent pas profiter des lières. ries d’aumôniers: le Code pré- soins ordinaires des curés”. Le voit explicitement les sui- motu proprio Ecclesiae Sanc- a.2. Nomination et révocation vantes: – aumôniers d’une mai- tae I,19 pour l’application de La règle générale est la no- son d’un Institut religieux laïc; ce décret demande aux confé- mination par l’Ordinaire du – aumôniers d’hôpitaux et de rences d’Évêques “de confier à lieu: prisons, – aumôniers de la mer, un prêtre délégué ou à une “A moins que le droit ne dis- aumôniers d’émigrés, de no- commission particulière tout pose autrement, ou que quel- mades, de navigants;- aumô- ce qui concerne l’étude et l’or- qu’un ne jouisse légitimement niers militaires, etc... ganisation du service pastoral” de droits spéciaux, l’aumônier Parmi ces catégories, les des groupes particuliers de fi- est nommé par l’Ordinaire du deux premières sont plus parti- dèles. On visait particulière- lieu, auquel il revient d’insti- culièrement concernées par le ment les migrants, mais la no- tuer celui qui est présenté ou de tion vaut pour tous. confirmer celui qui a été élu Quelques réflexions. Ces dis- (565).” positions sont nouvelles et sont Mais il peut y avoir des ex- le résultat de la décision conci- ceptions: liaire de faire étudier par les – 1. La première, qui concer- conférences d’Evêques la ma- ne le processus précédant la no- nière de répondre au droit de mination, est contenue dans le recevoir en abondance la parole canon 567: l’Ordinaire ne pro- de Dieu et les sacrements pour cède pas à la nomination de les fidèles “qui ne peuvent pas l’aumônier d’un Institut reli- profiter suffisamment du mi- gieux laïc sans avoir consulté le nistère pastoral ordinaire et supérieur qui a le droit, après commun des curés”. avoir pris l’avis de la commu- On ne pensait pas en priorité nauté, de proposer un prêtre au monde de la pastorale de la (567/1). santé, mais aux migrants. C’est C’est une nouveauté: puis- pour eux qu’au cours de ce qu’il s’agit de proposer et non de présenter, le supérieur n’est Selon le c. 967/2, cette facul- pas tenu de proposer celui qui a té accordée en raison de la été désigné par la communauté, charge vaut partout, sauf si une ni l’Ordinaire n’est obligé de interdiction portée par l’Ordi- nommer celui qui est proposé. naire du lieu s’y oppose. – 2. En ce qui concerne les b) de leur prêcher la parole associations publiques, il faut de Dieu; tenir compte du canon 317, §1, c) de leur porter le Viatique qui oblige l’évêque à consulter et de leur administrer l’onction les officiers majeurs de l’asso- des malades; ciation, là où c’est opportun, d) d’administrer aussi le sa- avant de nommer l’aumônier. crement de confirmation à ceux – 3. Il n’est pas dit claire- qui sont en danger de mort ment si le “conseiller spiri- (566/1), tuel”qui est prévu pour les as- C) Principe très particulier: sociations privées au canon dans les hôpitaux, dans les pri- 324, et qui est nommé selon sons et au cours des traversées une procédure particulière, maritimes, l’aumônier a aussi dans l’église non paroissiale possède le caractère d’aumô- la faculté, qui ne peut être utili- portent dommage au ministère nier. Pour le Professeur de sée que dans ces endroits, d’ab- paroissial ou non (c. 559). Echeverria, la réponse est affir- soudre des censures latae sen- mative. tentiae non réservées ni décla- b. Dans l’instruction Pour de justes motifs, et se- rées, restant sauve la disposi- interdicastérielle 118 lon sa prudente décision, l’Or- tion du c. 976 (566/2). dinaire du lieu peut révoquer Cette faculté n’est accordée Article 1. Nécessité d’une l’aumônier de son office, mê- ni aux curés ni aux doyens, ce terminologie appropriée me s’il a été élu ou présenté par qui souligne l’extension de la § 3. Le fidèle non-ordonné d’autres, restant sauve la dispo- vraie “charge pastorale” devant peut être appelé génériquement sition du c. 682/2 (cf 572). laquelle nous nous trouvons. Et “ministre extraordinaire” seule- C’est un principe qui vaut cette fois le monde de la pasto- ment quand il est appelé par pour tous les offices dont le ti- rale de la santé est mentionné l’autorité compétente à accom- tulaire est révocable: on main- explicitement. plir, uniquement dans des fonc- tient à la fois la liberté de l’Or- Puisqu’on parle d’“ab- tions de suppléance, les charges dinaire, et le droit du supérieur soudre”, les commentateurs considérées par le can. 230, § qui doit être informé à temps de considèrent que cela se limite 3,i et par les canons 943 et ce qui concerne ses subordon- au for interne sacramentel. 1112. Naturellement on peut nés. – Les aumôniers militaires utiliser le terme concret qui dé- Lorsqu’il s’agit d’un reli- sont régis pas des lois particu- termine canoniquement la gieux, celui-ci peut donc être lières (569). fonction confiée, comme par révoqué soit par l’Ordinaire du exemple catéchiste, acolyte, lieu soit par son supérieur reli- a.4. Devoirs lecteur, etc. gieux, sans qu’il soit besoin 1.- Cette fameuse “charge La députation temporaire d’un accord entre eux: il suffit pastorale” en fonction de la- dans les actions liturgiques que l’auteur de la révocation quelle son office a été créé. considérées par le can. 230, § 2 informe l’autre partie de cette 2.- Être recteur s’il y a une ne confère aucune dénomina- décision. église annexe. tion spéciale au fidèle non-or- 3.- Célébrer ou diriger les donné.ii a.3. Facultés c. 5662 fonctions liturgiques lorsqu’il Il n’est donc pas licite de fai- L’importance de ce Canon est aumônier d’un institut sécu- re prendre à des fidèles non-or- provient de ce qu’il permet de lier, mais sans s’immiscer dans donnés la dénomination de mieux comprendre la haute le gouvernement interne de “pasteur”, d’“aumônier”, de idée que se fait la législation de l’institut. “chapelain”, de “coordinateur”, l’Église de la figure de l’aumô- 4.- Dans l’exercice de sa de “modérateur” ou autres dé- nier. charge pastorale, l’aumônier nominations qui, quoi qu’il en A) Principe général: l’aumô- doit entretenir avec le curé les soit, pourraient confondre leur nier doit jouir de tous les pou- rapports qui conviennent (571). rôle avec celui du pasteur, qui voirs nécessaires à l’exercice Par exemple, l’aumônier ne est uniquement l’évêque et le d’un bon ministère pastoral. peut pas dispenser la commu- prêtre.iii Ex.: can. 911: les aumôniers nauté des jours de fête de pré- ont le devoir et le droit de don- cepte ou des pénitences, ni les ner la Sainte Eucharistie en via- commuer, parce que ces dis- 2. Trois questions tique. penses sont de la compétence plus “chaudes” B) Principe particulier: En du supérieur pour les instituts plus des facultés accordées par de droit pontifical, ou du curé Ce dernier enseignement, ce- le droit particulier ou par délé- lorsqu’il s’agit d’instituts laïcs lui de l’Instruction interdicasté- gation particulière en raison de ou de droit diocésain (c. 1245) rielle, nous oblige à prendre sa charge, il a la faculté: Il appartient au jugement de position dans le débat actuel; il a) d’entendre les confessions l’Ordinaire du lieu de décider si semble bon de clarifier certains des fidèles confiés à ses soins; les célébrations solennelles points, pour voir, tant au point de vue de la doctrine qu’au et les “charges” (munera), la nus, la commission d’interpré- point de vue de l’opportunité possibilité de la “participation à tation du Concile, devenue pastorale quelles sont les solu- des charges plus proches de commission d’interprétation tions possibles, compte tenu du l’office des pasteurs”; le Code des lois6, fonde donc, pour le bien de l’Église, pour garantir des canons des Églises orien- Code latin, cette collaboration un service plus adapté aux ma- tales de 1990, ensuite, reformu- très spécifique sur trois péri- lades. Il s’agit d’“ouvertures” le ce même principe, en s’ap- copes: la constitution dogma- en harmonie avec l’ensemble puyant sur le concile pour or- tique sur l’Église Lumen Gen- de la discipline de l’Église, et donner de façon plus logique tium au no 33, le décret sur la non d’exceptions érigées en deux niveaux de collaboration, charge pastorale des évêques système pour faire pénétrer et parle de la possibilité pour Christus Dominus au no 10 et le dans l’Église des concepts qui les laïcs “d’être affectés à des décret sur l’apostolat des laïcs par eux-mêmes lui seraient charges ecclésiastiques”3: Apostolicam Actuositatem au étrangers. Il me semble qu’il y a des voies à suivre tant dans le CIC 1983 CCEO 1990 domaine de la définition de 228 § 2 : Les laïcs qui se 408 § 1: Les laïcs qui se distinguent par la nouvelles fonctions ecclésias- distinguent par la science requise, science requise, l’expérience et l’honnêteté tiques confiées à des laïcs – la prudence et l’honnêteté, ont sont aptes à être entendus comme experts sous la responsabilité pastorale capacité à aider les pasteurs de ou consulteurs par les autorités ecclésias- d’un prêtre – que dans le do- l’Église comme experts ou tiques soit à titre individuel soit comme maine de l’extension des facul- conseillers, même dans les membres de divers conseils et assemblées, tés des aumôniers, et que dans conseils selon le droit. telles que les assemblées et conseils le domaine de la création de paroissiaux, éparchiaux, patriarcaux. nouvelles aumôneries. Mais 228 § 1 : Les laïcs reconnus 408 § 2: En plus des charges ecclésiastiques puisque tout ce système dépend idoines ont capacité à être admis (munera ecclesiastica) auxquelles ils sont de la conception que l’on se fait par les pasteurs sacrés aux offices admis par le droit commun, les laïcs peuvent de l’identité sacerdotale et de ecclésiastiques et aux charges être affectés par l’autorité compétente aussi à son rôle dans l’Église, nous dé- (munera) que les dispositions du d’autres charges (munera), à l’exception de velopperons surtout le premier droit leur permettent d’exercer4. celles qui requièrent l’ordre sacré ou de celles point, à titre de base de toute la qui sont interdites expressément aux laïcs par discipline. le droit particulier de leur Église de droit propre. 408 § 3 : En ce qui concerne l’exercice d’une a. La question de l’identité charge ecclésiastique, les laïcs sont sacerdotale de l’aumônier entièrement soumis à l’autorité ecclésiastique (AA 20d). L’aumônier “est sacerdos”. Il peut y avoir d’autres per- L’intérêt de ce premier grou- no 24. Le Code oriental trie ces sonnes engagées dans la pasto- pe de canons vient essentielle- références, et en ajoute de nou- rale de la santé, mais pas avec ment des références invo- velles: Lumen Gentium 33 est ce titre ni avec ces facultés. quées, qui sont exclusivement invoqué pour les deux types de Déjà le Directoire pour le conciliaires. collaboration, Christus Domi- ministère des évêques Eccle- Les documents conciliaires nus 10 seulement pour le pre- siae imago, au n. 183, à propos sont encore trop inexplorés, au mier, à savoir pour l’apostolat de la création de centres spé- niveau de leur sens réel tel que hiérarchique, et Apostolicam cialisés d’apostolat, distinguait l’expriment les “relations” et Actuositatem 24 seulement d’une part la mission avec “cu- les “modi” d’après lesquels ils pour le second, c’est-à-dire ra animarum” et d’autre part le ont été votés et qui sont prati- pour le ministère pastoral en simple “centre pastoral” où un quement inédits5, pour per- tant que tel; dans les deux cas, il soin relatif, comprenant spéci- mettre une vue d’ensemble; se réfère en outre à Lumen Gen- fiquement les soins chari- mais à défaut de cette synthèse, tium 37; pour le premier type de tables, pouvait “être confié l’Église étant un corps vivant, collaboration, il cite encore aussi à des diacres, et même, notre attention portera surtout Christus Dominus 27, Apostoli- en l’absence de diacres, à des sur les passages qui ont effecti- cam Actuositatem 20b et 26, les religieuses ou à des laïcs qui vement marqué la conscience décrets sur l’activité mission- exerceraient les fonctions per- qu’elle avait d’elle-même, sur naire Ad Gentes au no 30 et sur mises par leur statut”. ce point précis d’une collabora- le ministère et la vie des prêtres tion, non seulement à “l’apos- Presbyterorum Ordinis au no Une double “collaboration” tolat hiérarchique de l’Église” 17, tandis que pour le second des laïcs prévue par le Code – pratiquée dès les temps de type il invoque Christus Domi- de Droit canonique saint Paul, puis dans quantité nus 27 et Ad Gentes 17. Quant à Le principe de la collabora- de domaines comme dans les la soumission à l’autorité ecclé- tion au ministère sacerdotal est associations de fidèles, les siastique dans l’exercice de formulé dans le corpus cano- ordres mineurs, l’Action catho- toutes ces charges, le Code nique actuel: le Code de droit lique, etc. –, mais aussi au “mi- oriental renvoie à Apostolicam canonique latin de 1983, nistère pastoral” en tant que tel. Actuositatem 20d7. d’abord, évoque, dans le canon 228 § 1 qui parle d’une habili- Les textes fondateurs Des “charges” ecclésiastiques tas des laïcs envers les “of- du concile Vatican II pour les laïcs fices” (officia) ecclésiastiques Au plan des principes recon- La question qui nous occupe étant celle du second type de introduit là une “idée complé- tout en matière biblique et litur- collaboration, celle qui peut ap- mentaire”, tirée de la longue giquem.1, que la méthode caté- paraître la plus novatrice, la liste de propositions du cardi- chétique et la pratique pastora- plus proche du sacrement de nal Suenens. Mais la lecture de le, et se formeront aux mœurs l’Ordre, il nous faut citer ces cette “Propositio nova ordina- des chrétiens […]. textes en même temps que les tione capitum”9 de septembre De plus, à ceux qui se dé- éclaircissements officiels don- 1963, déjà louée par la com- vouent à plein temps à cette nés par les commissions de ré- mission, n’aide pas à com- œuvre, il faut assurer par une daction8. Dans LG 33, on peut prendre pourquoi la commis- juste rémunération un état de lire: sion a jugé bon de la retenir: la vie décent et la sécurité dans le “Outre cet apostolat qui phrase en question est dite telle domaine socialRel.A […]. concerne tous les fidèles sans quelle par le cardinal, en Par ailleurs, il faut souhaiter exception, les laïcs peuvent de conclusion du paragraphe sur que là où cela paraîtra oppor- surcroît être appelés de di- l’égalité et l’inégalité des tun, les catéchistes dûment for- verses manières à apporter une membres de l’Église du Christ, més reçoivent une mission ca- collaboration plus immédiate à et sans que l’on trouve plus noniquem.3 au cours d’une ac- l’apostolat de la hiérarchie (cf. d’explication dans les autres in- tion liturgique à célébrer publi- Pie XII, alloc. Six ans se sont terventions du prélat. Il semble quement, pour qu’ils soient au écoulés, 5 oct. 1957)m.17, à la donc que la phrase ait été insé- service de la foi auprès du manière de ces hommes et de rée dans la constitution comme peuple avec une plus grande ces femmes qui secondaient une affirmation générique, per- autoritéRel.B”. l’apôtre Paul dans la procla- mettant une progression lo- En outre, dans ce même texte mation de l’Évangile et qui gique au sein du paragraphe. de AG 17, la commission sou- 120 peinaient lourdement dans le Le modus 18 montre que haite que les catéchistes puis- Seigneur (cf. Phil. 4,3; Rom pour un Père au moins, cette sent recevoir une mission cano- 16, 3s). phrase manque de clarté, il ne nique, sans distinguer entre les Par ailleurs, ils ont une apti- voit pas bien s’il s’agit d’autre catéchistes auxiliaires et les ca- tude à être nommés au service chose que de “l’appel à colla- téchistes au sens strict: c’est di- de la hiérarchie (ab hierarchia borer à l’apostolat de la hiérar- re que ce n’est pas la mission adsumantur) en vue de l’exer- chie”, pour ne pas parler du canonique qui confère le “mu- cice de certaines fonctions ec- mandat propre aux associations nus ecclésiastique” auquel la clésiastiques à finalité spirituel- reconnues par l’Église. La hiérarchie peut appeler. Au mo- le (ad quædam munera eccle- commission refuse alors de dus 3, la commission reconnaît siastica, ad finem spiritualem supprimer son texte, et précise même que cette “mission cano- exercenda)Rel.F m.18 m.19”. qu’il s’agit là des munera “ec- nique” n’a pas de valeur “cano- Il ressort des explications des clésiastiques”, dont elle donne nique” au sens propre! On af- commissions de rédaction plu- deux exemples: économe d’une firme qu’il s’agit simplement sieurs clarifications. institution religieuse et caté- d’une pratique répandue et que L’unique vraie nouveauté est chiste au sens strict. le décret y encourage là où cela constituée par cette phrase: Si l’on se reporte au texte de peut contribuer à attribuer une “par ailleurs les laïcs sont aptes AG 17, on voit d’ailleurs qu’il plus grande autorité au service à être nommés par la hiérarchie s’agit non pas des catéchistes de la foi que rendent les caté- à certaines charges ecclésias- qui se contentent de guider les chistes. tiques à exercer dans une fin prières et d’avoir une mission Il s’agit bien d’une “autori- spirituelle”. En quoi consistent d’enseignement dans leur com- té”, mais pas d’une “potestas”: donc ces “charges ecclésias- munauté, mais de ceux des la lettre de mission éventuelle, tiques”? La relation à la lettre pays de mission, qui sont pris à que le nouveau Code ne prévoit F, concernant l’avant-dernier plein temps, et qui à ce titre ont pas plus que l’ancien, ne confè- texte, celui qui pouvait encore droit à une rémunération: re aucun pouvoir, et donc ne re- inclure des modifications mê- “De nos jours, alors qu’il y a tire rien au gouvernement des me substantielles votées par les peu de clercs pour évangéliser pasteurs propres que sont les Pères, dit simplement qu’on a de si grandes multitudes et pour curés et les aumôniers par assi- exercer le ministère pastoral, milation. l’office des catéchistes a une Le texte du décret sur l’apos- très grande importance. Leur tolat des laïcs, Apostolicam Ac- formation doit donc être com- tuositatem 24, était encore plus plétée et adaptée aux progrès catégorique: culturels de sorte qu’ils puis- “Enfin la hiérarchie confie sent s’acquitter au mieux de aux laïcs certaines charges leur charge (munus), sur laquel- (munia quædam committit) qui le pèse un fardeau nouveau et sont liées plus étroitement aux plus étendu, en tant que coopé- devoirs des pasteurs (propius rateurs valables (validi coope- cum officiis pastorum coniunc- ratores) de l’ordre sacerdotal. ta sunt)m.34: dans la présentation Il faut donc multiplier les de la doctrine chrétienne, dans écoles diocésaines et régionales certains actes liturgiques, dans dans lesquelles les futurs caté- le soin des âmes. En vertu de chistes étudieront avec soin cette mission, les laïcs sont tant la doctrine catholique, sur- pleinement soumis au gouver- nement (moderationi) des su- déjà canonisée par Presbytero- me temps, cette place est très périeurs ecclésiastiques en ce rum Ordinis 20 comme étant délimitée: Christus Dominus qui concerne l’exercice de ces désormais le sens générique de 27 trouve ambigu que l’on at- charges (muneris)Rel.F ”. l’office dans l’Église. La rela- tribue le titre de “collabora- Pour ne pas créer de confu- tion C de la rédaction anté- teurs” même aux laïcs qui rem- sion, et donner l’impression pénultième de ce dernier décret plissent un office dans la curie que le pouvoir de juridiction montre d’ailleurs que, déjà en diocésaine, et limite leur apport pouvait ainsi être transmis par 1964, il avait été décidé qu’un à “une aide de l’évêque”: voie non-sacramentelle, ce qui des principes de refonte de la “Les prêtres et les laïcsm.99 m.100 était une matière débattue n’ap- législation serait d’adopter gé- qui appartiennent à la curie partenant pas à la doctrine néralement l’acception large de diocésaine doivent savoir que commune, et sur laquelle on ne l’office ecclésiastique, et non par leur travail ils apportent pouvait donc fonder aucune plus son acception étroite qui leur concours (adiutricem ope- discipline, il expurgea toute ré- l’obligeait à comporter une par- ram præstare)m.101 au ministère férence à la notion de “man- ticipation au pouvoir d’ordre ou pastoral de l’évêque. Que la dat”, de “mission canonique” et de juridiction. Quel que soit le curie diocésaine soit organisée de “participation à l’apostolat bien-fondé de cette réforme de telle sorte qu’elle devienne de la hiérarchie”. Voir à ce sujet – en effet, est-il vraiment pos- pour l’évêque un instrument la relation F en note. sible de structurer l’institution adapté, non seulement pour de l’Église à partir d’offices qui administrer le diocèse, mais “Munera” et “officia” ne tiennent compte en premier aussi pour exercer les œuvres au sens large lieu ni du sacrement ni même d’apostolat. Tout repose donc sur les de la nécessité d’un pouvoir Il en va de même pour le mot deux niveaux particuliers de coactif? –, elle signifie que “la “coopérateurs”: probablement 121 collaboration distingués par LG participation au pouvoir n’entre parce qu’il désigne déjà la me- 33 (les conseils et d’éventuelles pas dans le concept de l’offi- sure de “sacra potestas” confé- charges). LG 37 ne fait que re- ce”10, ni même la participation rée aux prêtres dès l’ordination, prendre cette distinction, mais au sacrement de l’Ordre. et donc a un fondement sacra- cette fois-ci en présentant la re- On doit noter, à propos de mentel; LG 28 disait des prêtres lation des laïcs à la hiérarchie LG 33, que le texte ne distingue qu’ils sont “providi coopera- du point de vue des pasteurs: pas entre les “officia” et les tores” de l’ordre épiscopal, et “Que les pasteurs sacrés, de “munera”. D’après des extra- non seulement son aide et son leur côté, reconnaissent et pro- polations successives, on a pré- instrument. Le décret conciliai- meuvent la dignité et la respon- tendu que l’Église locale joui- re sur la charge pastorale sabilité des laïcs dans l’Église; rait d’une priorité par rapport à Christus Dominus ne fait nulle qu’ils aient volontiers recours à l’Église universelle11, ce qui part mention des laïcs comme leur conseil prudent, qu’ils leur impliquerait l’obligation de re- collaborateurs, pas même dans confient avec assurance des connaître des munera sponta- son chapitre 2-III sur les coopé- charges au service de l’Église nés chez les laïcs (dans la pa- rateurs de l’évêque diocésain; (in servitium Ecclesiæ officia roisse en particulier), et parfois on parle bien d’un devoir de committant) et qu’ils leur lais- de les ériger en offices ecclé- coopérer qui concerne les cu- sent la liberté et le champ pour siastiques vrais et propres; mais rés, mais il s’agit de coopérer agir, qu’ils les encouragent mê- rien de cela ne peut invoquer le avec d’autres pasteurs: on ne me à entreprendre des activités fondement conciliaire: LG 33 leur impose aucun devoir de de leur propre initiativeRel.K. ne distingue pas entre les mu- coopérer avec les fidèles com- Qu’avec un amour paternel ils nera et les officia, elle conçoit me si cela faisait partie de leur considèrent attentivement dans les munera non pas au sens on- mission. Au contraire les modi le Christ les entreprises, les tologique de fondement de la 1, 3 et 6 sur CD 11 excluent ex- avis et les désirs exprimés par Sacra Potestas conférée par plicitement les laïcs et les les laïcs. Qu’ils reconnaissent une consécration (comme au diacres de la définition conci- en la respectant la juste liberté ch. III sur la hiérarchie), mais liaire du diocèse comme “por- qui appartient à tous dans la ci- au sens générique de devoir ou tion du peuple de Dieu confiée té terrestreRel.M ”. de rôle. à un évêque qui doit la paître Or les charges ecclésias- avec la coopération d’un pres- tiques dont il s’agit ici, et “Collaborateurs” byterium”. Quand un Père de- qu’une “lettre de mission” ne ou “coopérateurs”? manda si on ne pouvait pas ra- suffit pas à conférer, sont en Dans l’organisation de l’É- jouter à cette définition “avec réalité des offices: en effet, le glise, les laïcs peuvent donc re- la coopération du presbyterium mot latin employé par LG 37 cevoir une place assez particu- et aussi des laïcs”, on lui répon- est explicitement “officia”, tan- lière: elle est exaltée, puisque dit sèchement que les laïcs ne dis que LG 33 parle de “mune- leurs sont ouverts des offices paissaient pas13 ”. ra” “à exercer dans une finalité relativement rares, plutôt à spirituelle”; cela renvoie de ma- plein temps et mieux définis Les laïcs ne sont pas nière assez explicite à la défini- que ce que comportent les “pasteurs” tion de “l’office ecclésiastique nombreuses missions cano- Rien ne permet donc de dire au sens large”, telle qu’elle était niques, lesquelles permettent que la coopération, la collabo- présentée alors par la première pourtant aux ministres, évêques ration ou la participation des partie du can. 145 § 1 du Code y compris, d’exercer leur “sa- laïcs appartienne à la notion de de droit canonique de 1917, et cra potestas” native12. En mê- “charge pastorale des pas- teurs”: dans le concile, seul le laïcs ne comporte aucun pou- différentes, que les rôles ne décret Apostolicam Actuosita- voir et aucun rapport au sacre- sont pas interchangeables. tem 10 parle du soin des âmes à ment de l’Ordre, cela se traduit Le cardinal Ratzinger résu- propos des laïcs, et encore en dans toutes leurs tâches de di- me ainsi la question doctrina- ces termes: “(les laïcs) se dé- rection: le latin n’emploie pas le17: pensent pour collaborer à la le mot “præsident” à leur sujet, “L’instruction interdicasté- transmission de la Parole de mais “præsunt” ou à la rigueur rielle distingue bien les trois Dieu, surtout par l’enseigne- “præunt”; c’est-à-dire qu’on sortes de tâches et de services à ment catéchétique; en appor- peut confier à ces laïcs d’être travers lesquels les fidèles laïcs tant leur compétence, ils ren- accompagnateurs des commu- participent à l’unique mission dent plus efficace le soin des nautés, d’en être les anima- de l’Église: âmes et même l’administration teurs, de donner l’exemple, 1) les tâches et services qui des biens de l’Église”. voire de marcher devant, de les concernent l’apostolat des D’ailleurs nous avons vu diriger, de les guider. Mais ils laïcs, c’est-à-dire leur façon comment AA 24 parle de la ne “président” rien, ni les bap- particulière de rendre le Christ possibilité de confier aux laïcs têmes, ni les prières, ni les fu- présent dans les structures de des tâches “plus étroitement nérailles, ni les conseils: prési- l’ordre temporel et civil; liées” aux devoirs des pasteurs, der est le propre de la hiérar- 2) les tâches et les services dans les trois aspects de chie sacramentaire. dans les diverses structures l’unique munus, et donc aussi d’organisation de l’Église, qui dans le soin des âmes: mais il Les diacres non plus sont confiés aux laïcs par l’au- ne parle pas de leur confier ce ne sont pas “pasteurs” torité ecclésiastique compéten- soin. La recherche effectuée Ce qui comporte d’ailleurs te, à travers des offices et des 122 dans la base de données “Ma- une conséquence mal explorée fonctions; gistra” ne donne aucun texte vis-à-vis des diacres: eux sont 3) les tâches et les services officiel qui parle de laïcs, ne se- membres de la hiérarchie sacra- qui sont propres aux ministres rait-ce qu’au titre d’une colla- mentaire, mais pas du sacerdo- sacrés, mais qui pourtant, en boration, quand il s’agit de cu- ce. Ils reçoivent la capacité raison de circonstances spé- ra animarum. Encore moins d’offrir au nom du Peuple et de ciales et graves, et concrète- parle-t-on d’un droit de leur distribuer au nom de Dieu, ils ment par manque de prêtres et part à collaborer à cette cura sont face à l’Église, ils sont de diacres (un manque que l’on animarum: ils peuvent collabo- image du Christ dans la dimen- espère transitoire), sont exercés rer à l’apostolat, à la mission de sion de service de son sacerdo- de manière temporaire par des l’Église, même à la transmis- ce, mais ils ne sont pas image laïcs, après avoir reçu une fa- sion de la Parole, mais pas au du Christ Tête: ce qui fait qu’ils culté juridique ou un mandat de soin des âmes, c’est-à-dire à ce peuvent présider et bénir face l’autorité ecclésiastique com- qui relève du seul pastorat. Le au Peuple, mais jamais en pré- pétente. Dans ce cas il s’agit Code actuel distingue bien les sence de prêtres. La doctrine des tâches de suppléance déjà limites de ces offices quand il commune exprimée dans le mentionnées, qui ne dérivent résume les devoirs des curés: Catéchisme de l’Église catho- pas de manière intrinsèque du “avec la collaboration éven- lique ou dans le nouveau Di- caractère de l’Ordre sacré”. tuelle d’autres prêtres ou rectoire pour le ministère et la On reconnaît ici la distinc- diacres, et avec l’aide de laïcs vie des diacres permanents, ne tion conciliaire évoquée plus selon le droit”14 fait commencer le pastorat haut, à laquelle s’ajoute la dis- qu’avec le presbytérat16 : la grâ- tinction des cas de suppléance. Les laïcs ne sont pas habilités ce propre des diacres, au pre- Mais qui ne voit que cette doc- à “présider” mier degré du “sacrement du trine comporte immédiatement Pour en finir avec cette pos- ministère”, ne fait pas d’eux des implications de l’ordre du sibilité pour les laïcs d’assumer des pasteurs. C’est pourquoi ils gouvernement? L’apostolat des des offices de grande responsa- ne peuvent pas recevoir d’offi- laïcs est toujours à promouvoir; bilité qui sont pourtant sur un ce comportant la pleine charge leur coopération dans des of- autre plan que la responsabilité d’âmes. L’instruction rappelle fices ecclésiastiques n’est pas à sacramentelle sur les âmes, il qu’il faut leur attribuer priori- promouvoir, c’est une possibi- ne faut pas manquer de citer le tairement des tâches de sup- lité qui en soi n’apporte rien modus 2 sur AG 17, puisqu’il a pléance, puisqu’ils exercent un aux laïcs, mais dont les été fidèlement reçu dans l’ins- vrai ministère. Et pourtant, mê- évêques peuvent profiter pour truction interdicastérielle et me dans le cas du can. 517 § 2, organiser leur diocèse, dans la dans ses traductions15: les diacres ne participent pas à mesure où cela n’entraîne pas “En outre, les Églises recon- la charge “pastorale”, mais seu- de confusion d’identité; quant à naîtront avec gratitude le tra- lement à son exercice. Puissent la suppléance, elle n’est pos- vail généreux des catéchistes toutes ces distinctions, entre le sible que comme un remède auxiliaires, dont l’aide leur sera pastorat, le ministère et l’office temporaire à une situation de nécessaire. Ceux-ci dirigentm.2 ecclésiastique, aider à com- crise. Elle est donc un moindre les prières dans leurs commu- prendre combien peu de pou- mal, à fuir autant que possible. nautés et transmettent la doctri- voir est en jeu dans tout ce qui ne. Il faut donc se soucier com- fait l’armature de l’institution Autres aspects canoniques me il convient de leur forma- de l’Église: c’est parce qu’il Les textes évoqués précé- tion doctrinale et spirituelle”. s’agit bien de grâces propres, demment montrent comment la Puisque l’office confié à des fondées sur des consécrations distinction de différents degrés dans la collaboration relève en cher explicitement ce qui juridiction. Nous avons vu ce fait d’une autre distinction, cel- concerne le mode de transmis- qu’il en était. On ne peut pas le entre le pouvoir d’ordre et le sion de ces deux pouvoirs. nier non plus qu’il y ait dans pouvoir de gouvernement, et de Mais on se prend à rêver ces efforts désespérés “la re- l’introduction du principe quand on voit que la thèse de cherche sinon d’une théologie, d’une possible “coopération” à K. Rahner de 195618, selon la- du moins d’une pratique alter- ce dernier. quelle les animateurs pasto- native des ministères dans l’É- Sur ce principe, nous avons raux perdraient leur statut laï- glise”, pour reprendre une un second groupe de canons, cal pour pénétrer dans le statut phrase d’anthologie, quand on qui ne réinterprète plus seule- clérical du fait qu’ils exercent voit ces auteurs signer pétition ment deux ou trois passages stablement une fonction ou un sur pétition et s’agiter autour conciliaires, mais une tradition office ecclésial, qui les ferait des synodes diocésains pour très attestée, dont l’interpréta- déjà participer de la sacramen- faire passer leur thèse. Mais ce tion ne fait pas encore l’unani- talité de l’Église puisque leur qui est vrai, c’est que ce sont mité quant au mode de trans- fonction ferait d’eux des des querelles de clercs dont les mission de ces deux pouvoirs signes de l’ordre du sacramen- laïcs ne sont pas eux-mêmes (l’ordre et la juridiction), mais tum tantum – thèse mise com- responsables. dont le concile a bien établi plètement hors de propos par l’origine sacramentelle en fai- l’enseignement conciliaire sur L’enseignement du sant reposer l’origine du pou- les munera et la sacra potestas Catéchisme de voir collégial des évêques dans comme fondement ontolo- l’Église Catholique une même participation ontolo- gique du ministère –, est pério- On retiendra seulement la ci- gique aux munera Christi, par- diquement resservie comme tation que fait le Catéchisme de ticipation reçue dans une étant la dernière conséquence l’Église catholique de ces ca- 123 consécration personnelle qui de l’ecclésiologie de commu- nons, aux nos 908 et suivants sur configure au Christ selon une nion19. Quoi qu’il en soit du ca- la participation des laïcs à la modalité nouvelle à chaque de- ractère polémique de ces ou- charge royale du Christ: gré du sacrement. L’édition cri- vrages qui semblent surtout no 910: “Les laïcs peuvent tique du Catéchisme récapitule préoccupés de faire ainsi sau- aussi se sentir appelés ou être cet enseignement en rempla- ter le verrou du célibat, conçu appelés à collaborer avec les çant le no 879 par ces mots: comme étant le motif caché de pasteurs au service de la com- “Le ministère sacramentel la distinction entre clercs et munauté ecclésiale, pour la dans l’Église est donc un servi- non-clercs, ils reposent tous croissance et la vie de celle-ci, ce exercé au nom du Christ. Il a sur une conception finalement exerçant des ministères très di- un caractère personnel et une assez “juridiste”, une concep- versifiés, selon la grâce et les forme collégiale”. tion un peu hypertrophiée du charismes que le Seigneur vou- dra bien déposer en eux” CIC 1983 CCEO 1990 (Evangelii nuntiandi 73). no 911: Dans l’Église, “les fi- 274 § 1: Seuls les clercs peuvent 371 § 1: Les clercs ont le droit d’obtenir dèles laïcs peuvent coopérer se- recevoir des offices dont l’exercice de leur évêque éparchial, étant réalisées lon le droit à l’exercice du pou- requiert le pouvoir d’ordre ou le les conditions requises par le droit, un voir de gouvernement” (CIC, pouvoir de gouvernement office (officium), un ministère (ministerium) can. 129 § 2). Ainsi de leur pré- ecclésiastique274§1. ou une charge (munus) à exercer au service de l’Église. sence dans les conseils particu- liers (CIC, can. 443 § 4), les sy- 129 § 1: Au pouvoir de 979 § 1: Au pouvoir de gouvernement, qui nodes diocésains (CIC, can. gouvernement qui dans l’Église est par institution divine est dans l’Église, sont 463 § 1. 2), les conseils pasto- vraiment d’institution divine et est aptes selon le droit ceux qui sont raux (CIC, can. 511; 536); dans encore appelé pouvoir de constitués dans l’ordre sacré979§1. l’exercice de la charge pastora- juridiction, sont aptes, selon les § 2: À l’exercice du pouvoir de le d’une paroisse (CIC, can. dispositions du droit, ceux qui ont gouvernement, tous les autres fidèles 129§1 517 § 2); la collaboration aux reçu l’ordre sacré . chrétiens peuvent coopérer selon le conseils des affaires écono- § 2: À l’exercice de ce pouvoir, les droit979§2. fidèles laïcs peuvent coopérer miques (CIC, can. 492 § 1; selon le droit129§2. 536); la participation aux tribu- naux ecclésiastiques (CIC, can. 150: Un office comportant pleine 1421 § 2), etc. charge d’âmes, dont l’accomplis- On remarque que l’édition sement requiert l’exercice de l’ordre critique du Catéchisme suppri- sacerdotal, ne peut être validement me l’ambiguïté d’une participa- attribué à qui n’est pas encore tion “in solidum” des laïcs dans revêtu du sacerdoce. l’exercice exceptionnel de la charge pastorale prévu par le Une revendication pouvoir de juridiction, comme can. 517 § 2: puisque l’expres- de type “juridiste” s’il était d’usage courant dans sion “in solidum” s’applique à Il serait trop long de com- l’Église. Quand ils cherchent des collèges dans lesquels les menter ces textes et toute la un appui conciliaire, ces au- membres sont à égalité de res- tradition dans laquelle ils teurs vont citer LG 33, comme ponsabilité, elle ne peut conve- s’inscrivent. Encore une fois, si ce texte prévoyait la possibi- nir pour la charge pastorale qui le concile n’a pas voulu tran- lité pour les laïcs d’exercer une appartient uniquement au pas- teur propre de la communauté, sorte que seuls les offices pré- L’article 1 de l’instruction même s’il s’agit d’un modéra- vus par le droit peuvent être demande avant tout une clarifi- teur. confiés à des laïcs: or ceux qui cation terminologique; peut- ont été institutionnalisés par le être serait-il bon dans ce sens Ministères et offices des laïcs CIC sont très peu nombreux20. de s’en tenir à la classification dans le Code Tous les autres sont donc à proposée par des formateurs: de droit canonique créer par le droit particulier, et 1. la cura animarum revient À propos des ministères et ne peuvent pas prendre la pla- exclusivement aux ministres offices des laïcs, il faut égale- ce des offices dont l’existence ordonnés (cf. can. 150). ment faire mention des canons est obligatoire. De plus, com- 2. La charge pastorale ap- 224-231, qui traitent des obli- me on l’a vu, l’office confié à partient à l’évêque, et le pres- gations et des droits des fidèles des laïcs ne comporte aucun byterium en est participant (CD laïcs. Ils ne parlent de ministère pouvoir; il ne se substitue pas à 11). Elle ne peut pas se fonder que dans le can. 230 § 1 et 3, à la responsabilité pastorale sur sur une lettre de mission. propos des ministères institués. les âmes, et c’est un principe 3. La charge pastorale est Ils parlent d’officium en plu- premier de l’organisation de exercée par le curé, et ce sont sieurs sens: dans les can. 225 l’Église de faire en sorte qu’il les vicaires qui participent à § 2 et 226 § 1, dans le sens gé- n’y ait aucune communauté son exercice. Une participation nérique de devoirs liés à sans pasteur, que son critère de à cet exercice peut être confiée l’évangélisation de l’ordre regroupement soit territorial à des laïcs dans le cas excep- temporel et de la famille; dans ou personnel. Comme le re- tionnel du can. 517 § 2. le § 3 du can. 230 on parle des marque Mgr Cadilhac: “Seul offices des ministères insti- celui qui est ordonné peut as- 124 tués, là également en termes sumer la charge pastorale. Une b. La question des de devoirs. Dans le can. 228, part de l’exercice de celle-ci facultés spéciales: on parle de certains “offices peut certes être déléguée à des ecclésiastiques”, définis par le laïcs, mais ils ne peuvent ac- Lorsqu’on va chercher les droit, envers lesquels les laïcs complir leur tâche qu’en dé- sources de la législation actuel- jouissent d’une habilitas. Le pendance de celui qui a la le, on découvre que beaucoup sens est donc ici plus tech- charge pastorale”21. Si le Di- de facultés ont été concédées nique, il s’agit de l’office au rectoire pour le ministère et la au profit de deux catégories de sens du can. 145. On ne peut vie des diacres permanents fidèles: les migrants et les mili- déduire de cette capacité le fait rappelle qu’ils exercent leur taires22. Les malades n’ont eu que les munera dériveraient de ministère, même dans les qu’en 1985 leur Conseil Ponti- la confirmation de la même contextes les plus défavorisés fical, chargé de faire parvenir manière que le caractère déri- et éloignés de l’Église, tou- jusqu’à eux la sollicitude de ve du sacrement de l’ordre: jours sous la dépendance d’un l’Eglise universelle. l’ordre produit toujours le ca- pasteur en tout ce qui concerne L’instruction Nemo est de ractère, tandis que la confir- le soin des âmes, cela vaut a 1969 pour les migrants donne à mation ne produit qu’une ha- fortiori pour les laïcs. leurs aumôniers l’équivalence bilitas, qui n’est pas valable avec un curé, s’ils ont une pour tous les offices et mune- Il s’agit de mettre en garde “missio cum cura animarum”; ra, mais pour ceux qui sont contre un certain esprit, elle leur en donne même le définis et ne comportent pas le non de tout dire titre, avec les droits et devoirs soin des âmes. Il est important de se rappe- du pasteur propre, si on leur Il n’est pas de bonne métho- ler le can. 19, qui traite des cas confie une paroisse personnel- dologie de fonder une théorie de lacune juridique. Or l’absen- le. L’art. 39 dit que ce pouvoir seulement à partir du vocabu- ce de norme ne signifie pas li- personnel est cumulatif aequo laire d’un texte aussi contin- cence de faire n’importe quoi. iure avec celui du curé. En gent que le CIC. Cependant, le L’Église a toujours reconnu la conséquence, tout migrant a la Code lui-même ne donne au- validité des coutumes “præter totale possibilité, pour la célé- cun fondement pour considérer legem”, à une condition: la ra- bration des sacrements, y com- que le baptême ou la confirma- tionalité. Celle-ci dépend de pris le mariage, de s’adresser li- tion induisent un droit à l’offi- critères objectifs, fruits de l’ex- brement soit à l’aumônier, soit ce: ils donnent seulement une périence de l’Église, qui lui au curé du lieu”. “aptitudo”, traduite “habilitas” permettent de garder une cer- Une telle équivalence pour- dans le CIC, envers certains of- taine cohérence dans son ac- rait peut-être aussi, dans cer- fices “plus proches” de ceux tion. Ces critères sont ceux de tains cas, être utile au bénéfice des pasteurs. l’analogie avec les lois portées des malades. Le Code, au canon 150, en pour des cas semblables, des Je ne voudrais pas provoquer partant de la nouvelle notion principes généraux du droit, de de mauvaises convoitises, mais d’office, amplifiée, a introduit la jurisprudence et de la pra- il me semble que composer un la possibilité de confier des of- tique de la curie romaine, et en- nouveau recueil des facultés, fices ecclésiastiques vrais et fin de l’opinion commune et éventuellement après avoir propres à des laïcs, à la condi- constante des docteurs. consulté pour connaître les be- tion qu’ils ne comportent pas Ces critères permettent de soins des aumôniers dans la “pleine charge d’âme”. En proposer, entre autres, de déve- l’Eglise universelle, en y adjoi- pratique, la comparaison avec lopper la notion de “cura ani- gnant de nouvelles indulgences le can. 228 aboutit à faire en marum”. à demander à la Pénitencerie apostolique, serait aussi une de 1951 rappelle un principe ii Cf. CONSEIL PONTIFICAL POUR L’IN- TERPRÉTATION DES TEXTES LÉGISLATIFS, manière de signifier deux toujours valable: Réponse (11 juillet 1992): AAS 86 (1994) choses: “Il ne faut pas lancer dans le pp. 541-542. Quand on prévoit une céré- – l’importance du monde de ministère des prêtres inexpéri- monie pour confier à des assistants pasto- raux une charge de coopération au minis- la souffrance pour l’Église mentés. tère des clercs, que l’on évite de faire – et la réponse particulière Nous vous exhortons, Véné- coïncider ou d’unir ce rite avec une céré- de l’Église à ce monde; l’Église rables Frères, à éviter autant monie d’ordination sacrée, comme aussi de célébrer un rite analogue à celui de répond aux besoins non seule- que possible de lancer dans une l’acolytat ou du lectorat. ment au niveau de l’aide huma- pleine activité pastorale des iii Il faut inclure parmi ces exemples nitaire, mais surtout par la prise prêtres encore inexpérimentés, toutes les expressions qui en d’autres en charge, le soin pastoral, qui et de les envoyer dans des en- langues pourraient, de façon analogue ou équivalente, signifier un rôle directif de est typiquement sacerdotal. Le droits très éloignés du centre du conduite, ou de vicariété envers cette di- soin pastoral, voilà comment diocèse ou des autres centres rection. l’Église répond au droit des fi- importants. Dans de telles si- 3 La concordance des canons entre CIC et CCEO est celle publiée par E. EID dèles de recevoir en abondance tuations, en effet, isolés, inex- et R. METZ dans Le Code des canons des la Parole et les sacrements. Une périmentés, exposés aux dan- Églises orientales, Librairie éditrice Vati- présence sacerdotale est une gers, manquant de maîtres pru- cane, 1997. 4 La traduction du “munera quibus ipsi présence particulière du Christ, dents, eux-mêmes et leur mi- secundum iuris præscripta fungi valent” et amplifier les facultés sacer- nistère en souffriraient certai- s’inspire ici de celle reconnue par la dotales facilite la rencontre nement”. conférence des évêques d’Espagne. 5 En dehors des Acta synodalia, ces avec le Christ dans un monde Nous pouvons considérer textes peuvent se trouver en Francisco particulier. que la pastorale de la santé est GIL HELLÍN, Concilii Vaticani II synopsis elle aussi un domaine trop déli- in ordinem redigens schemata cum rela- tionibus necnon patrum orationes atque c. L’option de créer cat pour être improvisée: toutes animadversiones, Libreria editrice Vati- 125 de nouvelles aumôneries: les innovations sont possibles cana. Sont déjà parus les actes des consti- dans la manière de confier les tutions dogmatiques Lumen Gentium et Dei Verbum, ainsi que du décret Presby- – CD 18 exprime un vœu de âmes, mais, “dans la mesure du terorum Ordinis. l’Église universelle. C’est un possible”les générations de 6 Cf. PONTIFICIA COMMISSIO CODICI IU- texte qui vaut aussi bien pour prêtres qui seront destinés à des RIS CANONICI AUTHENTICE INTERPRETAN- DO, Codex Iuris Canonici, fontium anno- l’Église latine que pour les pastorales innovantes doivent tatione et indice analytico-alphabetico Églises orientales. Il y a donc être formés à l’école de auctus (1989), canon 228 §1; PONTIFI- pour les conférences d’évêques confrères qui leur apprendront CIUM CONSILIUM DE LEGUM TEXTIBUS IN- TERPRETANDIS, Codex canonum Ecclesia- un devoir d’étudier les ques- le “sensus Ecclesiae”, pour rum orientalium, fontium annotatione tions les plus urgentes à propos qu’ils soient sûrs de ne pas auctus (1995). des groupes de fidèles que “courir en vain”. 7 On utilisera désormais les sigles sui- touche difficilement le ministè- vants: AA = Apostolicam Actuositatem; AG = Ad Gentes; CD = Christus Domi- re du curé. Mgr MARTIN VIVIES nus; LG = Lumen Gentium; PO = Pres- En ce domaine, l’Église ne Professeur de Droit Canonique byterorum Ordinis contrarie pas l’imagination: au au Séminaire St Martin de Blois, 8 La traduction s’inspire ici de celle, France assez proche du texte, de l’ouvrage Les contraire, c’est son instance la conciles œcuméniques 2/2, Paris, 1994. plus solennelle qui demande à m.17 “Deux pères proposent des obser- tous un examen de conscience vations concernant cet “appel”, ou ce qu’on dénomme le “mandat” à l’aposto- quant à la manière de répondre lat. Un autre Père demande que l’on dé- aux besoins des âmes. clare clairement: “le mandat n’est pas ré- La seule réserve que pose servé à une seule association, mais Note s’étend à toutes les associations recon- l’Église est constituée par la nues par l’Église”. R. – : C’est de propos nécessité d’agir selon les règles 1 Les agrégations ecclésiales remon- délibéré que la rédaction évite les contro- de la prudence. En matière tent aux origines mêmes de l’Eglise; on a verses sur le vocabulaire. Les détermina- gardé des traces de législation au sujet tions ultérieures appartiennent au schéma de”pastorale particulière”, nous des catégories suivantes: sur l’apostolat des laïcs.” n’avons trouvé qu’un seul cri- – des collèges de fossores, à but cari- Rel.F “Cette idée complémentaire tère “restrictif” en ce sens: tatif, présents au 4e siècle pour la sépultu- concernant les munera ecclésiastiques à re dans les catacombes. exercer par des laïcs est tirée de la propo- l’instruction Solemne semper – en Orient, des parabolani qui se sition déjà louée de Son Éminence Sue- consacrent au soin des malades dès 250. nens”. La “propositio Suenens” dit ceci Leur nombre est limité par le code théo- (nouvelle disposition des chapitres): “Les dosien à 250 pour la ville d’Alexandrie. laïcs jouissent en outre de l’aptitude à – en Orient encore, des confréries de être appelés par la hiérarchie à certains spoudaioi et philoponoi: il s’agit de fi- munera ecclésiastiques, à exercer dans dèles dans le monde, bien distingués des une finalité spirituelle.” religieux, mais qui s’entraident dans la m.18 “Un Père propose de supprimer la recherche de la perfection, et sur qui on phrase “Par ailleurs”, parce qu’elle coïn- se repose parfois des vigiles trop longues. cide avec les mots qui précèdent sur la – on trouve l’emploi de “confratriae” coopération plus immédiate à l’apostolat. dès 658 (concile de Nantes) pour dési- R. -: Il s’agit là d’une autre catégorie, à gner des réunions de fidèles dans un but savoir de ceux qui exercent des munera pieux (cf. R. NAZ, Traité de droit cano- ecclésiastiques, comme par exemple les nique, Paris 1955). économes d’une institution religieuse, les 2 Classification établie selon les termes catéchistes au sens strict, etc.” de F. D’OSTILIO, Prontuario del Codice m.19 “Un Père propose que l’on ajoute à di Diritto Canonico, Città del Vaticano la suite de cette phrase une longue expo- 1995, p. 247. sition sur les diverses formes selon les- i Cf. COMMISSION PONTIFICALE POUR quelles les laïcs peuvent coopérer avec la L’INTERPRÉTATION AUTHENTIQUE DU CODE hiérarchie. R. -: On ne peut admettre un DE DROIT CANONIQUE, Réponse (1 juin développement d’une telle ampleur.” 1988): AAS 80 (1988) p. 1373. 9. Cf. GIL HELLIN, op. cit. p. 868-871. m.1 “Que l’on supprime les paroles de l’Église comme communion” au no 9. confessionem: a.s. – Sess. XXIII, de ordi- “surtout en matière biblique et litur- Cf. DC 2055 (2-16 août 1992), p. 731. ne, c. 4, Can. 7; Si quis dixerit, episcopos gique” ou que l’on dise “tant la doctrine 12 Cf. Nota explicativa prævia n° 2 non esse presbyteris superiores, vel non catholique que la liturgie, ainsi que la concernant le ch. 3 de Lumen Gentium. habere potestatem confirmandi et ordi- méthode catéchétique” (1 Père). R.: Le m.99 “A la place de “Les prêtres et les nandi, vel eam, quam habent, illis esse renouveau de l’action pastorale conduit laïcs”, que l’on mette “tous et chacun des cum presbyteris communem; vel ordines par le concile, en ce qui concerne la caté- collaborateurs” (1 Père). R.: Le texte du ab ipsos colatos sine populi vel potestatis chèse, consiste surtout dans la catéchèse schéma est plus clair: au contraire, les sæcularis consensu aut vocatione irritos biblique et liturgique. Il convient donc mots proposés souffrent d’ambiguïté.” esse; aut eos, qui nec ab ecclesiastica et que les catéchistes soient formés à cela. m.100 “Que l’on omette les mots “et les canonica potestate rite ordinati nec missi Le texte demeure.” laïcs” (1 Père). Et qu’à la place de “il est sunt, sed aliunde veniunt, legitimos esse Rel.A “Une incise a été introduite dans le souhaitable” (d’instaurer un conseil pas- verbi et sacramentorum ministros: a.s. – texte pour qu’il apparaisse plus claire- toral) on dise “où cela paraît opportun” Sess. XXIV, de ref., c. 12. ment que cette rémunération concerne les (10 Pères). R.: Il ne faut pas omettre les Innocentius III, ep. “Eius exemplo”, catéchistes dénommés “full time” (2, 26 laïcs, comme il ressort de leur condition 18 dec. 1208, Professio fidei Waldensi- [Mgr Seitz IV,IV,619]; 5, 41 [Mgr Riobé dans l’apostolat de l’Église; et les autres bus præscr.; Leo X (in Conc. Lateranen. IV,IV,597]). C’est surtout d’eux en effet mots proposés ne sont pas admis parce V), const. “Regimini universalis”, 4 maii qu’il s’agit dans les trois premiers para- que l’institution du conseil pastoral est 1515, § 10; const. “Exsurge Domine”, 15 graphes de ce numéro; on traite des caté- réellement à recommander.” iun. 1520, error 13, Martini Luther, chistes “volontaires” ou “auxiliaires” au m.101 “Dire “ils doivent apporter” (1 Pè- damn.; “In sacramento pænitentiæ ac re- cinquième paragraphe.” re). R.: Le sens des mots du schéma est missione culpæ non plus facit Papa aut m.3 “Que l’on supprime le mot “cano- que le travail à la curie diocésaine revêt episcopus, quam infimus sacerdos: im- nique” ou au moins qu’on le justifie en un caractère vraiment pastoral” mo, ubi non est sacerdos, æque tantum note; en effet ce mot a été repoussé par le 13 “On demande d’ajouter les paroles: quilibet Christianus, etiamsi mulier aut décret AA sur l’apostolat des laïcs (1 Pè- “mais aussi avec d’autres aides, laïcs non puer esset.” Benedictus XIV, ep. encycl. re). R.:Tout bien considéré, le modus exceptés” (un Père). R.: Ce n’est pas ad- “Quemadmodum”, 23 mart. 1743, § 3, 6; n’est pas admis, parce que même si le mis: comme le diocèse est une portion du Pius IX, litt. ap. “Multiplices inter”, 10 droit actuel (ius conditum) ne connaît pas peuple de Dieu à paître, on ne peut ajou- iun. 1851 = Syllabus errorum, prop. 54; une telle mission canonique, il s’agit ter: “aussi avec d’autres aides, laïcs non “Reges et principes non solum ab Eccle- d’une praxis qui a cours en de nombreux exceptés”, parce que les laïcs ne paissent siæ iurisdictione eximuntur, verum etiam lieux, et pas seulement dans les pas le peuple de Dieu.” in quæstionibus iurisdictionis dirimendis 126 missions”. 14 Can. 519. superiores sunt Ecclesia.” ep. “Exortæ”, Rel.B “Un seul Père (4, 62 [Mgr Mazé]) 15 cf. art. 6 § 2; 7 § 1; 12 etc. Dans la 29 apr. 1876. soulève la question de conférer des traduction française, si on utilise le verbe S. C. Ep. et Reg., Arianen., 5 apr. ordres mineurs aux catéchistes. Il paraît “présider” pour les seuls prêtre ou diacre, 1593; Castellana, 22 iun. 1708, ad 3: In suffisant que le schéma propose une ac- on se contente de “guider” ou “animer” Causa Castellana, seu Nullius Provinciæ tion liturgique spéciale pour instituer le pour les fidèles laïcs. Baren. Iurisdictionis inter Monasterium catéchiste”. m.2 “A la place de “præsident – prési- S. Benedicti Conversani Ordinis Cister- m.34 “Trente-quatre Pères demandent dent”, écrire “præsunt – dirigent” ou censis ex una, et nonnullos de Clero Cas- qu’à la place de “aux offices de la hiérar- “præeunt – montrent l’exemple”, parce tellanæ partibus ex altera de et super in- chie” on écrive “aux pasteurs”; un père que le mot “præsidere – présider” expri- frascriptis dubbis, etc. nempe: 3. An demande “à l’Ordinaire” et un autre Père me la charge de la hiérarchie sacramen- dictæ Abbatissæ liceat proponere ad Cu- “aux évêques”. R.: Que l’on écrive: “à taire (1 Père). R.: Le modus est admis en ram Animarum Personas amovibiles ad l’office des pasteurs”.”(Acta Synodalia, raison du sens latin” nutum, easque ad libitum amovere […]. Vol IV, Pars VI, p. 110) 16 L’édition critique du Catéchisme, Sacra Congregatio respondit: Ad 3: Ne- Rel.F “La commission se rend aux ob- publiée en même temps que le nouveau gative et interim per modum provisionis servations de Mgr Jubany Arnau, et pour directoire général pour la Catéchèse en usque ad exitum Causæ Cura exerceatur ne pas entrer dans une matière discutée octobre 1997, est encore plus claire sur per Deputandum a Capitulo approban- entre les canonistes, elle retire les paroles ce point: alors que l’art. 875 pouvait lais- dum tantum a Vicario Abbatissæ per exa- “mission que l’on dénomme canonique”, ser supposer que les diacres aussi rece- minatores sibi benevisos. – decr. 15 iul. ainsi que “ils participent à leur façon à vaient une participation à la sacra potes- 1845: Sanctissimus Dominus noster Gre- l’apostolat même de la hiérarchie”. A la tas d’agir in persona Christi Capitis, il a gorius PP. XVI diu, serio ac mature per- place de “dans la prédication de la parole été corrigé dans le sens suivant: “De Lui, pendit relationem, quæ inscribitur Visita de Dieu”, il vaut mieux dire “dans la pro- les évêques et les prêtres reçoivent la fa- Apostolica eseguita dal Card. Pignatelli position de la doctrine chrétienne”. On culté (le “pouvoir sacré”) d’agir in perso- Arcivescovo di Palermo nel venerabile admet la correction proposée par deux na Christi Capitis, les diacres, la force de monastero di S. Giorgio della Congrega- Pères (Mgr H. Tenhumberg et Mgr I. servir le peuple de Dieu dans la “diaco- zione Olivetana da Sua Maestà Ferdi- Höffner), de dire “certains” avant “actes nie” de la liturgie, de la parole et de la nando II Re del regno delle due Sicilie liturgiques”. Ici aussi on supprime la note charité, en communion avec l’évêque et firmata in Palermo 31 Marzo 1845, ita concernant la mission canonique, pour la son presbyterium”. subscriptam: “I. Maria Card. Pignatelli même raison que supra à propos du man- 17 Cf. interview en 30 Giorni, dé- Arciv. Di Palermo Regio Visitatore – Ca- dat.” (Acta Synodalia, Vol IV, Pars II, p. cembre 1997. nonico Salvatore Calcara Regio Visitato- 355) 274§1 can. 118 du CIC de 1917; C. 1, D. re – Pietro Giuseppe Leone dei ministri Rel.K “Après l’exposé des rapports des XCVI; c. 18, C. XVI, q. 7; c. 2, D. I, de degl’infermi convisitatore”, atque magno laïcs envers la hiérarchie, cette nouvelle cons.; c. 2, X, de ætate et qualitate et or- cum mærore cognovit omnia in ea perac- phrase considère maintenant, en sens in- dine præficiendorum, I, 14; c. 6, X, de ta apparere nomine, iussu, et auctoritate verse, la chose du point de vue des pas- transactionibus, I, 36; c. 2, X, de iudiciis, laicæ potestatis, quin mentio fiat Pontifi- teurs [cf. cardinal de Barros Camara et Il, 1; c. 2, X, de institutionibus, III, 7; c. cii mandati, ac si regii iuris esset Aposto- 90 Pères du Brésil]. L’incise “dignité 4, X, de immunitate ecclesiarum, cœme- […] s’adjoindre” est tirée du décret sur terii, et rerum ad eas pertinentium, III, l’apostolat des laïcs tit. 2 c.1 no 21, à la 49; c. 1, X, de clerico non ordinato mi- suggestion de Mgr L. Trevor Picachy, nistrante, V, 28; c. 10, X, de pœnitentiis avec le consentement de la commission et remissionibus, V, 38; sur l’apostolat des laïcs. À la place de Conc. Trident., sess. VII, de sacra- “conseil selon leur compétence propre”, mentis in genere, Can. 10: Si quis dixerit, on dit ici “conseil prudent”, parce qu’on christianos omnes in verbo et omnibus a déjà beaucoup parlé de la “compéten- sacramentis administrandis habere potes- ce”, et que du reste il ne serait pas clair tatem: a.s. – Sess. XIV, de pœnitentia, c. ici s’il s’agissait de la compétence des 6, Can. 10; Si quis dixerit, sacerdotes, qui laïcs ou de celle de la hiérarchie”. in peccato mortali sunt, potestatem ligan- Rel.M “Ce qui est dit ici de la liberté des di et solvendi non habere; aut non solos laïcs dans les choses temporelles répond sacerdotes esse ministros absolutionis, aux avis du card. Silva Henriquez (avec sed omnibus et singulis christifidelibus 39 évêques), de Mgr Joseph Hoeffner, esse dictum: Quæcumque ligaveritis su- Samuel Ruiz, Marc McGrath”. per terram, erunt legata et in cælo; et 10 J. MANZANARES, dans Code de droit Quorum remiseritis peccata, remittuntur canonique, Paris, 1989, commentaire du eis, et quorum retinueritis, retenta sunt, can. 145. quorum verborum virtute quilibet absol- 11 On refuse ainsi le jugement exprimé vere possit peccata, publica quidem per par la lettre de la congrégation pour la correptionem duntaxat, si correptus ac- Doctrine de la Foi “sur certains aspects quieverit, secreta vero per spontaneam licam Visitationem indicere, et Visitatori- Les laïcs peuvent en outre être appelés oct. 1974: Ochoa V, 4347. bus peragenda præscribere. Quapropter par la hiérarchie à une coopération plus 18 Cf. NRT 1 (1956); Uber das Laie- eadem Sanctitas Sua decrevit relationem directe et immédiate à l’apostolat. napostolat: Schriften zur Theologie II, ipsam sub tali forma ac terminis non es- L’Eglise, en effet, dans les dernières dé- Einsiedeln, 1964, p. 339-373. set admittendam, utpote Supremæ Ponti- cennies, a découvert les riches possibili- 19 Cf. J. RIGAL, L’ecclésiologie de ficiæ auctoritati summopere læsivam, et tés et les vastes ressources que la collabo- communion, Cerf 1997 p. 299; ou encore Apostolicæ Sedi iniuriosissimam; et hoc ration des laïcs peut offrir à la sa mission l’œuvre plus journalistique de B. SES- decretum significari mandavit per me in- de salut. L’exhortation apostolique Evan- BOUË, N’ayez pas peur – Regards sur l’É- frascriptum S. Congregationis EE. Et gelii nuntiandi déjà sur la base des expé- glise et les ministères aujourd’hui, Des- RR. Præfectum eidem E.mo Archiepi- riences récentes, énumère différentes clée de Brouwer, 1996. scopo Panormitano in tabulario actorum fonctions comme celle de catéchiste, cel- 20 La note 74 de Christifideles laici Visitationis asservandum. – S. C. C., le de chrétiens dédiés au service de la pa- donnera une liste de seize canons présen- Derthonen., 19 aug. 1730. SACRA role de Dieu ou aux oeuvres de charité, tant “diverses fonctions ou tâches que les CONGREGATIO PRO DOCTRINA FIDEI, Ep. celle de chefs de petites communautés, fidèles laïcs peuvent remplir dans les (Prot. 151/76), 8 feb. 1977. etc. Cette collaboration des laïcs, partout structures organiques de l’Église”. 129§1 PIUS VI, const. “Auctorem fidei”, utile, l’est surtout en pays de mission 21 Église de Nîmes, 5 décembre 1997 28 aug. 1794, prop. 2, Synodi Pistorien., pour la fondation, l’animation et le déve- 22 Pour les militaires: damn.; PIUS X, litt. encycl “Pascendi”, 8 loppement de l’Église. SCDS Resp., 8 oct. 1943; SCC Instr. sept. 1907; S. C. de Prop. Fide (C. P. pro Tous les membres de l’Église, donc, Solemne semper, 23 apr. 1951 (AAS 43 Sin.), 16 ian. 1797, ad 2. qu’ils soient pasteurs, laïc ou religieux, [1951] 564); INSTRUCTIO DE VICARIIS 129§2 SCConc Resol., 14 dec. 1918 participent, chacun à sa manière, de la CASTRENSIBUS; SCC Instr. Divinum (AAS 11 [1919] 128-133); PONTIFICIA nature missionnaire de l’Église. La diver- persequens, 2 iun. 1951 (AAS 43 [1951] COMMISSIO PRO RUSSIA, Ind., 20 ian. sité des membres, due à la variété des mi- 565-566); SCR Instr. Sacrorum Adminis- 1930, SA Resp. 19 nov. 1947; PIUS PP. nistères ou des charismes, comme tri, 2 feb. 1955 (AAS 47 [1955] 93-97); XII, All., 5 oct. 1957 (AAS 49 [1957] l’apôtre nous enseigne, doit s’entendre SCC Instr. Per isntructionem, 20 oct. 927); LG 33; AA 24; SA Decisio, 11 iun. dans le sens que” ces membres n’ont pas 1956 (AAS 49 [1957] 150-163); SCC 1968; SCRIS Rescr., 7 feb. 1969; SCRIS tous les mêmes fonctions”, mais en se Decr. Ad Sacra Limina, 28 feb. 1959 Decr. Clericalia instituta, 27 nov. 1969 servant les uns aux autres, ils forment un (AAS 51 [1959] 274); SCC Decr. Sacra- (AAS 61 [1969] 739-740) Sec Facul., 1 seul corps du Christ (Rm 12, 4) pour pou- mentum Poenitentiae, 27 nov. 1960 oct. 1974; EN 73a; SCRIS Rescr., 26 iun. voir mieux accomplir leur mandat (AAS 53 [1961] 49-50) 1978, 3; SCRIS Resp., 21 aug. 1978; propre; toute l’Église, en effet, est pous- Pour les migrants: SACRA CONGREGATIO PRO CLERICIS, sée par l’Esprit Saint à coopérer pour que SCC Ind., 31 aug. 1953: Consistoria- 127 Notæ directivæ Postquam Apostoli (25 se réalise le plan de Dieu. lem benigne indulsit, ut Cappellani mar. 1980) 7, 17: La vocation des laïcs. 979§1 PIE XII, m.p. “Cleri sanctitati”, 2 Apostolatus maris munere augerentur Tous les laïcs, en vertu du baptême et de iun. 1957, can. 138. – PIE VI, const. ministri extraordinarii Confirmationis la confirmation, sont appelés par le Sei- “Auctorem fidei”, 28 aug. 1794, prop. 2, pro fidelibus suae iurisdictioni obnoxiis. gneur à un apostolat effectif: “La voca- Synodi Pistorien., damn.: “La proposi- SCC Facul., 19 mar. 1954 (AAS 46 tion chrétienne est par nature aussi une tion qui déclare: “Le pouvoir a été donné [1954] 415-418): 1. Legitime assumpti in vocation à l’apostolat”. L’apostolat des par Dieu à l’Église pour qu’il soit com- officium Cappellani navigantium laïcs, quoiqu’il s’exerce dans les pa- muniqué aux pasteurs qui sont ses mi- SCC Resp., 7 iul. 1956; DUBIA—1. roisses principalement, doit cependant nistres pour le salut des âmes”, si on Utrum, durante itinere maritimo… être étendu aussi au niveau interparois- comprend en ce sens que le pouvoir du SCE Instr. Nemo est, 22 aug. 1969, V sial, diocésain, national et international. ministère ecclésiastique et du gouverne- (AAS 61 [1969] 632-633); Les aumô- Et même, ils doivent avoir à cœur “les ment dérive de la communauté des fi- niers ou missionnaires des migrants besoins du peuple de Dieu sur toute la dèles aux pasteurs, (est) hérétique”. SCE Decr. Apostolatus maris, 24 sep. terre”; ce qui pourra avoir lieu en aidant 979§2 LG 33 “Præter”; AA 24 1977 (AAS 69 [1977] 737-746) – les oeuvres missionnaires soit avec des “Quædam”; Paul VI, litt. Ap. Cum matri- Deuxième partie – Facultés des prêtres subsides matériels soit avec des services monialium, 8 sept. 1973, artt. V-VI; Se- dédiés à l’assistance spirituelle des ma- personnels. cret. Status, facultas data Sign. Apost., 1 rins et personnels navigants.

L’aumônier catholique en pastorale de la santé au seuil du 3ème millénaire - Problèmes généraux

Mon intervention suppose les tuts de soins, le malade qui se des malades à domicile. exposés qui l’ont précédée, n’est pas en phase terminale En tenant compte de cette consacrés à l’étude des fonde- est gardé à l’hôpital pendant le nouvelle situation, après ments théologiques et cano- temps strictement nécessaire quelques réflexions générales niques de l’action pastorale de pour déterminer sa maladie et d’introduction, je parlerai de la l’aumônier catholique en Pasto- les soins à lui donner. Une fois présence active et créatrice de rale de la Santé. Mon rôle, ces soins décidés, ceux-ci sont l’Église dans le monde de la maintenant, est de mettre en assurés à l’extérieur, soit à do- santé et de quelques aspects ca- évidence les lignes porteuses de micile, soit dans les dispen- ractéristiques de l’action pasto- cette action pastorale. Pour dé- saires. Cela entraîne aussi des rale de la santé dans les pa- velopper mon propos avec changements importants dans roisses et dans les institutions continuité, harmonie et cohé- la pratique de la pastorale de la hospitalières. rence, je devrai évidemment santé. Celle-ci doit être repen- faire référence à ce qui a déjà sée et organisée non seulement été dit, mais je chercherai à me dans les hôpitaux, mais aussi 1. Considérations générales limiter au strict nécessaire. dans le cadre de la pastorale d’introduction Je devrai aussi tenir compte paroissiale où il serait bon de de l’évolution enregistrée dans prévoir la présence de vicaires a)Nouveau concept de santé la gestion de l’assistance mé- paroissiaux ou de communau- et de maladie dicale et de ses conséquences tés de religieux ordonnés, avec pastorales: après la transfor- la charge particulière de l’as- La sensibilité, de nos jours, mation en entreprises des insti- sistance spirituelle et religieu- paraît particulièrement attentive à la dimension positive de lui aussi. Ne se présentant plus prenons mieux la définition qui l’existence humaine: la santé se comme une simple pathologie conçoit la pastorale de la santé révèle comme un thème et une qui se repère par une analyse de “comme la présence et l’action préoccuption primaires du point laboratoire, la maladie est aussi de l’Église pour apporter la lu- de vue social et culturel, et du perçue comme un mal-être mière et la grâce du Seigneur à moment que toutes les maladies existentiel, conséquence de cer- ceux qui souffrent et à ceux qui peuvent être soignées et que tains choix de vie, de déplace- les prennent en charge” (Nota, l’on guérit de beaucoup d’entre ments de valeurs et de gestions n. 19). Dans cette définition, la elles, la santé est considérée erronées de l’environnement présence et l’action de l’Église comme un “droit”, un fait nor- matériel humain” (Nota, n. 7)3. dans le monde de la santé ren- mal et un “dû”. En raison de La médecine des soins néces- ferment en une seule définition cette nouvelle manière de pen- saires, passant par le concept de la préoccupation ou relation ser, la santé n’est pas mise seu- la médecine préventive, fait d’aide et d’accompagnement: la lement en rapport avec des fac- maintenant une place à la mé- personne malade, ses proches teurs physiques et organiques, decine des désirs. Plus que de qui ont besoin d’appui pour mais elle est aussi reliée aux di- santé et de maladie, on parle vivre sans traumatisme et dans mensions psychiques et spiri- aujourd’hui d’homme sain ou un esprit de foi la maladie de tuelles de la personne; elle malade, et la maladie ne consis- ceux qui leur sont chers, et les concerne en outre le cadre phy- te pas seulement en des patho- personnels de santé dont il faut sique, affectif, social et moral logies organiques, mais aussi en développer la formation au sens dans lequel la personne vit et des oppositions entre désir et de professionalité, de disponibi- travaille, et il se crée une pro- réalisation, entre promesse et lité au service et de respect des fonde harmonie existentielle frustration, qui prennent les valeurs fondamentales de la 128 entre la santé, la qualité de vie connotations d’une disharmo- personne qui souffre. et le bien-être. nie résistante et deviennent En d’autres termes, la pasto- La santé est donc avant tout désagrément psychologique et rale de la santé a le devoir de une expérience humaine, et mê- malaise existentiel. réunir toutes ces forces autour me biographique. Elle est en de la personne malade pour la lien étroit avec le vécu que l’in- b)La Pastorale de la Santé soulager moralement et pour dividu possède de sa propre comme accompagnement l’aider à accepter et à valoriser corporéité et de sa place dans le de la croissance personnelle sa situation de souffrance, en monde, et avec les valeurs sur et chrétienne l’accompagnant aussi par la lesquelles il construit son exis- prière et par la grâce des sacre- tence. Elle n’est donc pas seule- En disant que l’homme est en ments, pour répondre à sa voca- ment un fait qui s’impose à lui bonne santé lorsqu’il est habi- tion fondamentale d’homme et mais aussi un objectif, un but, tuellement capable de vivre po- de baptisé. un devoir qui engage à fond sa sitivement sa situation et ses liberté. On n’a pas encore for- possibilités concrètes, je veux c) Questions éthiques face mulé de nouvelle définition de dire qu’il est en bonne santé aux nouvelles maladies la santé, après celle donnée par lorsqu’il est capable de vivre de et aux nouveaux traitements l’OMS en 1946, mais nous manière favorable pour sa avons des principes clairs sur croissance personnelle comme La sensibilité plus grande de lesquels elle devrait se baser. créature et comme fils de Dieu l’opinion publique et la respon- Trabucchi dit: “La santé est: par la grâce qui habite en lui. Je sabilité des hommes de gouver- harmonie entre le corps et l’es- souligne la comparaison entre nement permettent d’intensifier prit, harmonie entre une per- homme sain et homme capable la recherche scientifique pour la sonne et son cadre, harmonie de vivre habituellement de ma- mise au point de techniques entre la personnalité et la res- nière positive parce que cette nouvelles et de médicaments ponsabilité1. capacité constitue un point fon- qui assurent les soins et la pos- Le concept de santé ou de damental de référence pour dé- sibilité de guérir les maladies personne en bonne santé peut terminer le rôle de la pastorale nouvelles, comme le SIDA, la alors être formulé de la manière de la santé. Du point de vue toxicomanie et, en général, les suivante: “Une personne est chrétien, en effet, la santé, maladies considérées jusqu’à saine lorsqu’elle est habituelle- conçue comme la capacité habi- présent comme incurables. ment capable de vivre en utili- tuelle de vivre positivement sa Mais en même temps les nou- sant toutes les facultés et éner- vocation devrait comporter aus- veaux objectifs atteints par la gies en sa possession et réelle- si les devoirs de l’homme bapti- médecine du diagnostic, du mé- ment disponibles, pour accom- sé: ainsi la notion de santé com- dicament et de la chirurgie mul- plir sa mission dans toutes les prendrait aussi l’être en Christ tiplient les questions éthiques situations qu’elle affronte, mê- du chrétien porté à un degré posées à la conscience des per- me si celles-ci sont difficiles et suffisant d’authenticité et de sonnels de santé et des collecti- douloureuses, ou, en d’autres maturité. Sa réalisation totale vités. Le domaine de la bioé- termes, pour développer en tou- coïnciderait avec la sainteté. Est thique s’élargit énormément. te circonstance le maximum saint, en effet, le chrétien qui à C’est à bon droit qu’on attend d’amour oblatif en Christ dont tout moment s’engage lui-mê- les réponses adéquates et les elle est concrètement capable à me dans la charité, sans laisser dispositions législatives qui rè- un moment donné”2. “En lien inutilisée aucune de ses res- glent par exemple les pro- avec la notion de santé, le sources. blèmes liés à la fécondité assis- concept de maladie est changé Dans ce contexte, nous com- tée, à l’expérimentation phar- maceutique, aux greffes et aux monde de la santé: elles ont été “L’Église, poursuit le Pape, a le dons d’organes, et finalement à attentives, opportunes et signi- devoir de chercher à rencontrer la clonation humaine. L’huma- ficatives. Nous avons déjà cité l’homme particulièrement sur nité a un besoin urgent de lu- quelques documents de l’Égli- le chemin de la souffrance. mière, mais aussi de signaux in- se dans le cours de cette ré- Dans cette rencontre l’homme franchissables pour la re- flexion4. Je souligne ici les plus devient le chemin de l’Église et cherche et pour l’expérimenta- récents: la Lettre apostolique celui-ci est un des chemins les tion lorsque celles-ci ne respec- Salvifici Doloris de 1984, l’Ex- plus importants” (53). tent pas la défense de la vie et la hortation apostolique post-sy- Dans l’encyclique Evange- dignité de la personne humaine. nodale Christi fideles laici de lium vitae (1995), le Pape dé- 1989 et l’Encyclique Evange- nonce la culture de mort qui ré- d)Nouvelles figures autour lium vitae de 1985. git la société actuelle et il en- du lit du malade: Dans la Lettre apostolique courage les fidèles à être des té- collaboration Salvifici Doloris, le Pape expo- moins de l’évangile de la vie interdisciplinaire se le sens chrétien de la souf- dans les diverses occasions qui france humaine. C’est le pre- leur sont données aujourd’hui. Au cours des dernières dé- mier document dans lequel un Dans la quatrième partie de cet- cennies, on a vu se multipler pape aborde ce gros problème te encyclique (78-101), le Pape autour du lit du malade les fi- de manière systématique. Par indique les pistes pour l’enga- gures de professionnels de for- ce document, le Pape veut aider gement chrétien dans le service mation et de compétence di- à voir le Christ crucifié et à ac- de la charité, et il donne aussi verses dont on n’avait pas res- cepter l’“évangile de la souf- une liste d’initiatives concrètes: senti le besoin dans le passé. En france” avec amour et confian- les conseillers matrimoniaux et plus des figures classiques du ce selon le dessein mystérieux familiaux, les centres de pro- 129 médecin, de l’infirmière et de mais toujours plein d’amour. de motion des méthodes naturelles l’assistant religieux, on ren- la divine Providence. En effet, pour la régulation de la fertilité, contre désormais de manière ce qui reste une énigme inexpli- les centres d’aide et d’accom- habituelle le psychologue, l’as- cable pour la raison humaine pagnement de la vie, les com- sistante sociale, le philosophe, devient message d’espérance munautés de service pour les le spécialiste en bioéthique, dans la foi, à la lumière de la malades particuliers, l’adoption l’expert en droits du malade, le mort et de la résurrection du et l’aide à l’enfance, les comités juriste, le bénévole, l’expert en Christ. de bioéthique. Il conseille, en économie sanitaire et de ges- Dans l’Exhortation postsyno- outre, la participation aux di- tion. Cette multiplicité de pré- dale Christifideles laici, le Pape verses formes de volontariat, sences au temps de la maladie traite principalement de la mis- l’animation sociale et l’engage- marque d’une part la sensibilité sion des laïcs dans l’Église et ment politique. croissante au sujet de la souf- dans le monde, mais aux nos 53 Parmi les documents concer- france humaine, et souligne par et 54 il adresse un message aux nant la pastorale de la santé, ailleurs la complexité des pro- malades et aux souffrants et il prenons aussi en compte les blèmes de la santé. relance avec décision une ac- messages du Pape pour les L’Église est appelée à réflé- tion pastorale pour et avec les Journées mondiales des ma- chir sur ces nouvelles présences malades, “capable de soutenir lades; les documents du Conseil et à qualifier sa propre action et de promouvoir attention, Pontifical pour la Pastorale de pastorale, pour dialoguer effica- proximité, présence, écoute, la Santé, par exemple la “Char- cement avec les autres agents dialogue, partage et aide te du personnel de la santé”, et de santé. Comme dans tout concrète pour l’homme dans les les déclarations des diverses cadre de travail professionnel, moments où, en raison de la conférences épiscopales natio- dans le monde de la santé, on maladie et de la souffrance, nales. ne peut pas non plus travailler sont mises à rude épreuve non seul. Dans la recherche scienti- seulement sa confiance en la b)Constitution de structures fique comme dans les simples vie, mais aussi sa foi en Dieu et et organismes d’animation soins et dans l’assistance quoti- en son amour de Père” (54). de la Pastorale de la Santé5 dienne du malade, il faut tra- vailler ensemble, de manière Dans la communauté ecclé- synchronisée et avec un même siale il y a toujours eu des insti- objectif. tutions religieuses, des groupes, des mouvements et des associa- tions engagées dans le monde 2. La présence active de la santé. Mais leur action, et créatrice de l’Eglise qui reflète la diversité et la ri- dans le monde de la santé chesse des charismes de l’Égli- se, a été caractérisée jusqu’à a)Les interventions du présent par la spontanéité et la magistère et de la pastorale générosité, si bien que, souvent, elle s’est montrée répétitive, et Les considérations que j’ai peut-être incohérente, faisant faites jusqu’à présent nous ressortir le besoin de structures amènent à voir les initiatives de de coordination, de communion l’Église face à l’évolution du et de programmation6. La ré- ponse à cette exigence n’a été communion et d’animation, gués”, qui est un temps de ren- donnée que récemment, mise bien que changeant de pays à contre, de formation, de com- en action au niveau de l’Église pays, présentent des points munion, de réflexion et tant universelle que nationale, communs. On relève la présen- d’échange. Les organismes de régionale et diocésaine. ce des commissions épiscopales coordination des délégations nationales qui ont pour but de diocésaines sont les secrétariats b1) Au niveau de l’Église coordonner la pastorale de la interdiocésains. universelle santé sur le territoire du pays, En Italie, la Conférence épis- Au niveau de l’Église uni- en agissant par l’intermédiaire copale a créé la Consulta nazio- verselle, il y a eu un événe- des commissions régionales ou nale per la pastorale della salu- ment particulièrement impor- interdiocésaines ou diocé- te. Née en 1962, elle a connu tant: l’institution, par le motu saines. À titre d’exemple, nous diverses modifications pour ar- proprio Dolentium hominum présentons la situation de l’Es- river à son statut actuel en du 11 février 19857, de la pagne et de l’Italie. 1978. Elle est dirigée par trois Commission Pontificale pour En Espagne11, en 1970, à la évêques de zones géogra- la pastorale du personnel de la demande de la base, la Confé- phiques différentes; l’un santé. Celle-ci est devenue par rence épiscopale a créé le Se- d’entre eux remplit le rôle de la suite le Conseil Pontifical crétariat de la pastorale de la président. Par la suite (1996), la pour la Pastorale du person- santé, dépendant de la commis- Consulta a été dotée d’un bu- nel de la Santé 7. sion épiscopale de la pastorale. reau permanent au siège de la Parmi les objectifs de cet or- Ce secrétariat est présidé par un CEI12. La Consulta est compo- ganisme, on trouve l’étude des évêque et animé par un direc- sée des délégués régionaux et orientations des programmes et teur entouré d’une équipe com- des représentants des Ordres re- 130 des initiatives concrètes de po- posée des représentants des se- ligieux hospitaliers, des aumô- litique de la santé, au niveaux crétariats diocésains, des reli- niers, des associations catho- nationaux et internationaux, gieux, de la Fraternité chrétien- liques du secteur et de quelques dans le but d’en apprécier l’im- ne des malades et des coordina- experts. Les initiatives prises portance et les implications teurs des six commissions par la Consulta sont nom- pour la pastorale de l’Église; la créées dans le cadre du secréta- breuses. Elle a suivi attentive- coordination des activités dé- riat: hospitalière, de la santé ment la réforme de la santé ployées par les différents dicas- dans les paroisses, de la santé dans le pays, en intervenant tères de la Curie romaine en re- mentale, des professionnels “pour que soit sauvegardée la lation avec le monde de la santé chrétiens de la santé, des soins présence et l’activité des et avec ses problèmes; et le palliatifs et de la formation. œuvres d’assistance sanitaire contact avec les églises locales, Parmi les multiples initia- catholique et pour qu’une place en particulier avec les commis- tives engagées par le secrétariat valable soit accordée à l’assis- sions épiscopales pour le mon- on peut rappeler les réunions tance religieuse dans les éta- de de la santé. nationales (Agradulce, 1975; blissements hospitaliers”13. En relation étroite avec le Madrid, 1994), la célébration Trois congrès nationaux ont dé- Conseil Pontifical pour la Pas- de la Journées du malade (de- jà été organisés; le dernier (23- torale de la Santé, il y a l’Aca- puis 1985), le Concordat sur 25 avril 1995) a été centré sur démie pour la Vie, instituée le l’assistance catholique dans les la “perspective pastorale dans 11 février 1994 par le motu pro- centres hospitaliers publics, la le monde de la santé”14. Le tra- prio Vitae mysterium9, avec publication du document sur vail d’animation et de forma- pour objectif l’étude, l’informa- L’assistance religieuse dans les tion devient toujours plus inten- tion et la formation sur les pro- hôpitaux: Orientations Pasto- se par le biais des objectifs vi- blèmes de biomédecine et de rales (1987). Dans chaque dio- sés, par exemple la préparation droit, concernant la promotion cèse, il y a une délégation dont des journées des malades et la et la défense de la vie, particu- le président peut être un prêtre, formation des responsables dio- lièrement en soulignant le rap- un religieux ou un laïc. Depuis césains. port entre ces problèmes d’une 1977, on célèbre chaque année Le caractère opérationnel au part et la morale chrétienne et la “Journée nationale des délé- niveau des régions et des dio- les droits du magistère de l’É- cèses est garanti par les conseils glise d’autre part. ou commissions des régions ou Au Conseil Pontifical pour la des diocèses. Pastorale de la Santé ont été confiées quelques activités ré- servées précédemment au 3. Service pastoral Conseil Pontifical “Cor Unum” de la santé sur le territoire (1971) comme par exemple la et dans les institutions: coordination des activités médi- le curé et la pastorale cales catholiques et l’assistance paroissiale de la santé aux secteurs de la santé en vue de la promotion humaine10. a)La communauté chrétienne, sujet premier de la b2) Au niveau des églises pastorale de la santé locales Lorsqu’on passe au niveau “L’Eglise, dit le décret Apos- des nations, les structures de tolicam Actuositatem, est née pour faire participer tous les est connue désormais. Il s’est telle est mise en valeur par un hommes au salut opéré par la créé un processus de déshospi- processus adéquat de foi et par rédemption, en diffusant le talisation: le malade est et sera une chaleureuse participation Règne du Christ, et pour attirer gardé moins longtemps en humaine. Cependant, parmi les par eux le monde entier au structure hospitalière pour être fonctions spécifiques de la pas- Christ. Toute l’activité du soigné en externe, à domicile, torale, il faut aussi compter ce Corps mystique orientée vers ou dans des structures de santé qui concerne la promotion hu- ce but est appelée apostolat: un ambulatoires, ainsi qu’il a déjà maine, sanitaire et sociale du apostolat que l’Église exerce été dit. malade et le respect des valeurs par l’intermédiaire de tous ses En conséquence, le système de la vie et de la santé (Cf. No- membres, de manières variées des soins à domicile va se dé- ta 6). L’humanisation de l’as- évidemment”(AA,2). velopper graduellement mais sistance, des services et des ins- C’est dans ce contexte que inexorablement. Cela demande titutions de la santé est recon- les communautés chrétiennes un changement radical de la nue comme une fonction spéci- locales doivent prendre manière de concevoir la méde- fique de la pastorale à cause de conscience de la grâce et de la cine, de la mentalité des per- son importance préévangélisa- responsabilité qui leur est don- sonnels de santé, du rapport trice. née par le Seigneur pour ce qui avec le patient, du sens et du concerne les fidèles malades; but de l’activité thérapeutique; c) Quelques initiatives elle doit leur apporter le récon- cela demande en particulier un de pastorale de la santé fort de la parole de Dieu, les sa- engagement plus grand de la en paroisse crements et l’attention frater- famille des malades, et aussi nelle. Le Christ est réellement l’engagement des communau- c1) Soutien et sensibilisation présent dans les vieillards, les tés civiles et ecclésiales. Dans de la famille du malade 131 malades, les souffrants, les le cadre de la pastorale de la La pastorale de la santé, désespérés; une communauté santé, cette nouveauté compor- conçue comme présence et ac- qui ne se renouvelle pas dans la te une meilleure organisation tion de l’Église pour apporter la vertu grâce à cette présence, paroissiale de l’assistance reli- lumière et la grâce du Seigneur qui ne ressent pas la présence gieuse à domicile et une révi- à ceux qui souffrent et à ceux de Dieu dans les pauvres, qui sion des pratique pastorales en qui les soignent, avons-nous ne l’honore pas par son activité usage dans les institutions hos- dit, ne s’occupe pas seulement sociale et caritative cesse d’être pitalières où la moyenne de sé- de ceux qui sont malades mais une église vivante de Jésus- jour des malades se situe autour aussi de ceux qui sont en bonne Christ. de cinq jours. santé; et ceci, particulièrement, L’office diocésain pour la en inspirant une culture de plus pastorale de la santé revêt un b)De la communauté grande sensibilité à la souffran- rôle stratégique dans cette ac- chrétienne à la communauté ce, à l’émargination, aux va- tion d’animation et de coordi- paroissiale leurs de la vie et de la santé. À nation. Il est appelé à être en ce point de vue, il faut apporter étroite liaison avec l’office ré- b1) Le curé et la pastorale une attention particulière à la gional et avec l’office national paroissiale de la santé famille du malade. Le com- pour donner à l’engagemnent Sur ce point, puisque le curé mandement du Seigneur de vi- local une vision plus large des est le prêtre qui veille sur la siter les malades concerne problèmes particuliers. Selon communauté paroissiale au avant tout les membres de la fa- les instructions de la CEI, les titre de pasteur particulier, il est mille. Le sens de ce devoir élé- services à assurer par la évident que c’est à lui que re- mentaire doit être développé et consulta sont les suivants: 1) vient la charge d’apporter une commencer dès le plus jeune animer et coordonner la pasto- attention particulière aux ma- âge. rale de la santé dans les vica- lades de la paroisse; il a donc Il faut aussi que la famille riats et dans les paroisses, en aussi la responsabilité de sou- soit formée à se tenir proche facilitant une action commune tenir le secteur de la pastorale des parents en difficulté. La et partagée entre les diverses de la santé en particulier sur la chaleur de l’ambiance familiale associations, groupes et orga- question des malades à domici- a une fonction thérapeutique ir- nismes caritatifs travaillant le (CDC 528-529). En raison remplaçable; à l’opposé, dans le diocèse. 2) Encourager de ses charges institutionnelles, l’abandon dans les maisons de la présence de malades et de le curé sera le principal anima- soins et de retraite engendre personnels de santé dans les or- teur de la pastorale de la santé des sentiments de solitude et de ganismes ecclésiaux diocé- dans sa paroisse. tristesse et quelquefois de sains. 3) Soutenir les initiatives désespoir: cela ne contribue de formation et de mise à jour b2) Les services de la certainement pas à la santé. dans ce secteur (cf. Nota 78). pastorale paroissiale Dans ces cas, particulièrement Les services à assurer indi- de la santé si la maladie est longue et gra- qués dans la Nota méritent une Les trois fonctions de la pas- ve, les proches ont aussi besoin attention particulière, parce torale – évangélisaiton, sacre- de soutien et de solidarité. Un qu’ils s’insèrent de manière ex- ments et service – constituent “relai” dans l’assistance de leur ceptionnelle dans les innova- aussi pour la pastorale de la malade, proposé de temps en tions qui se font dans le monde santé les étapes nécessaires temps, serait d’un grand se- de la santé. Effectivement, la d’un seul itinéraire dont le but cours. tendance générale de la santé est le salut. L’étape sacramen- Dans ce contexte, il est im- portant de sensibiliser la com- l’Église envers le monde de la le, assurée de stabilité et pour- munauté chrétienne en faveur souffrance. Plus profondément vue d’une gamme de service de de la création de services d’as- encore, le fidèle malade doit tutelle, de défense et de promo- sistance de substitution sur le prendre conscience qu’il parti- tion humaine, religieuse et so- territoire, qui donneraient la cipe de manière singulière et ciale. L’existence d’un tel grou- possibilité de résoudre à la mai- privilégiée à l’action rédemp- pe pourrait éviter l’improvisa- son les problèmes médicaux les trice du Christ dans le monde; tion dans le service et garantir plus communs, sans devoir re- il peut redire avec l’apôtre la préparation et la formation courir à l’hospitalisation ou au Paul: “Je complète dans ma permanente. placement en clinique. Il y a chair ce qui manque aux souf- L’activité du groupe devrait des motifs personnels, fami- frances du Christ pour le bien aussi s’étendre aux malades de liaux, sociaux et aussi écono- de son corps qu’est l’Église” la communauté séjournant dans miques qui conseillent de privi- (Col 1,24). les hôpitaux, les cliniques et les légier, dans la mesure du pos- Le malade ne doit pas se sen- établissement médicaux du ter- sible, le service à domicile par tir en marge de la famille et de ritoire. Les relations et la co- rapport au service hospitalier. la communauté. Malgré le mal opération avec les autres Ces services pourraient aussi physique, le handicap ou les in- groupes ou organismes de la être réalisés par des groupes suffisances, le malade, comme paroisse constituent un aspect stables d’assistance, organisés “icône” de Dieu, reste un être important du problème. par la paroisse. humain dans la plénitude de sa dignité et de ses droits, totale- c2) Les laïcs dans la ment digne de respect et de 4. Prise en charge pastorale paroissiale considération. Si le malade de la pastorale de la santé 132 de la santé trouve dans son visiteur non sur le territoire Jusqu’à présent, la responsa- pas un consolateur ennuyeux et dans les institutions: bilité des laïcs dans la pastorale mais un frère venu pour l’enga- L’activité pastorale de la paroisse s’est pratiquée ger pour un service utile, en lui de l’aumônier d’hôpital14 surtout dans le domaine de la demandant par exemple de catéchèse, dans la liturgie et prier pour les événements et les a) L’aumônier d’hôpital dans la pastorale des jeunes, problèmes de la paroisse, il etc., mais elle était limitée, réussira certainement à se sen- L’assistant religieux, ou au- dans le domaine de la pastorale tir malgré tout un membre vi- mônier, des établissements de des malades. Peut-être parce vant du corps mystique du soins est le prêtre à qui “est qu’elle est plus difficile objecti- Christ aujourd’hui. confiée de manière particulière vement ou peut-être parce que, la charge pastorale du groupe dans la mentalité courante, le d)La création d’un groupe particulier de fidèles que malade n’a pas la place centrale paroissial de coopérateurs constituent les malades, les qu’il devrait tenir pourtant dans pour la pastorale membres de leurs familles et une communauté vraiment de la santé les personnels de la santé. Son chrétienne. Voilà pourquoi ce devoir principal est d’annoncer domaine de la pastorale parois- En plus des prêtres, chaque la bonne nouvelle et de trans- siale a besoin d’être l’objet paroisse devrait avoir un grou- mettre par l’administration des d’une plus grande sensibilisa- pe de coopérateurs de pastorale sacrements l’amour rédemp- tion. Les plans pastoraux pa- de la santé susceptibles de me- teur du Christ pour ceux qui roissiaux et diocésains de- ner une activité concrète au éprouvent dans le corps et dans vraient aussi réserver une atten- profit des souffrants. Un tel l’esprit les conséquences de la tion communautaire aux ma- groupe pourrait non seulement condition limitée de l’homme, lades.Tant que cette attention intégrer l’action du curé, mais en les accompagnant d’un fera défaut, il manquera une di- aussi être un moyen de pénétrer amour solidaire” (Nota 38). mension importante et quali- dans les mileux réfractaires à fiante à la communauté parois- l’Église, une voie de liaison b) Ministère de la Parole siale. avec des personnes qui, autre- et de la communication16 ment, resteraient exclues ou c3) Concevoir une pastorale oubliées par la communauté. La foi trouve son fondement “avec” les malades Pour ces coopérateurs de pasto- dans la Parole. Cela explique et non seulement rale de la santé, il faudrait pré- pourquoi toute forme d’aposto- “pour” les malades voir une bonne formation hu- lat considère l’évangélisation et Dans l’exhortation aposto- maine et spirituelle, ainsi la catéchèse comme une priori- lique Christifideles laici (cf. n. qu’une préparation spécifique té. Il en est ainsi aussi pour la 54) Jean Paul II a dit sa profon- au ministère, grâce à des cours Pastorale de la Santé. Il s’agit de intuition: il parle d’une re- spécifiques. de guérir, ou tout au moins de lance de l’action pastorale pour La création d’un groupe pa- réduire la fracture entre évangi- et avec les malades et les souf- roissial de pastorale de la santé le et culture; de présenter cor- frants: le malade ne doit pas se se justifie en raison de l’exi- rectement le point de vue chré- sentir seulement objet d’atten- gence qu’il y a, dans ce secteur tien sur la douleur, la mort, la tion, mais devenir sujet actif aussi, de passer d’une action santé, et le sens du service au dans la vitalité ecclésiale de la caritative spontanée et disper- bénéfice de celui qui souffre. communauté paroissiale, un ca- sée à une activité communau- Cependant, on ne peut pas nal de l’amour du Christ et de taire, organisée et fonctionnel- penser que l’évangélisation fondamentaux de la pastorale d)Le ministère de de la santé. Il est cependant im- l’assistance pastorale portant de penser à quelques in- dications pastorales: pour être L’aumônier d’hôpital pour- compris et efficace, le sacre- rait être appelé “le serviteur de ment doit être intégré dans un la communion” dans la com- cheminement de foi. Il ne peut munauté ecclésiale hospitaliè- pas être présenté et accueilli re. La réflexion théologique comme un acte isolé dans l’en- postconciliaire a redécouvert la semble de l’expérience de vie centralité de la communion du malade baptisé. De plus, il dans le ministère de l’Église et faut qu’il soit exempt de toute dans l’activité pastorale. La interprétation et attente ma- communion ecclésiale, qui est gique et superstitieuse. Au avant tout don de l’Esprit et re- contraire, il faut faire com- flet de la vie trinitaire, demande prendre le caractère sacré et ec- à être vécue et traduite en expé- clésial des sacrements. C’est rience de communauté. Dans d’un malade, surtout si son état Jésus qui les a institués en l’Église, chacun reçoit de l’Es- est grave, soit la même que cel- confiant à ses disciples la char- prit son don spécifique et cha- le d’un bien portant ou du per- ge “de faire en mémoire de lui” cun reçoit la grâce et la charge sonnel. Dans le premier cas, ce- ce qu’il a fait pour le salut de de travailler pour la construc- la se fera principalement par le tous les hommes. tion de la communauté ecclé- dialogue personnel, fait Dans la pastorale, il y a lieu siale et sa croissance dans la fi- d’écoute, de silence et de d’insister sur l’importance de la délité au Christ. 133 quelques paroles que l’on sent rencontre des malades avec le L’aumônier remplit ce servi- correspondre aux besoins du Christ dans les sacrements de la ce grâce à une large gamme malade. Dans le deuxième cas, réconciliation, de l’eucharistie d’activités et d’initiatives: visi- on est devant un immense do- et de l’onction des malades. te et rencontre avec le malade, maine où l’aumônier d’hôpital Chacun de ces sacrements a aide à la famille, animation de trouve d’énormes possibilités une grâce sacramentelle parti- groupes et d’associations de d’interventions pastorales vi- culière, c’est pourquoi il est volontaires et/ou de profession- sant le projet pastoral et la for- bon d’en tenir compte dans le nels, lien avec l’église diocésai- mation à une assistance plus ministère pastoral auprès des ne et avec l’extérieur, activités humaine du malade. malades. Il faut normalement d’humanisation, etc. Ces activi- Une autre exigence de fond faire une distinction entre l’as- tés ne sont évidemment pas à la se manifeste en notre temps à sistance pastorale des malades charge exclusive de l’aumô- propos de l’évangélisation: et l’assistance des mourants. nier, mais c’est sûrement son c’est l’importance des pro- Pour les premiers, on dispose rôle de faire en sorte qu’elles blèmes moraux et l’obligation des sacrements de pénitence, soient de véritables expériences du pasteur de donner des ré- de l’eucharistie et de l’onction ecclésiales. La visite aux ma- ponses adéquates aux graves des malades; pour le second, on lades constitue un des éléments problèmes soulevés par les a encore l’onction à laquelle les plus importants du ministè- progrès de la science et de la s’ajoutent le viatique et la re- re pastoral de l’aumônier d’hô- technique qui sont réalisés commandation de l’âme. pital. L’entretien de personne à dans le monde de la santé. Un L’onction des malades est la personne doit constituer l’acte responsable religieux dans un forme propre et la plus typique essentiel, classique, de toute hôpital doit s’assurer une pré- de la rencontre de l’homme pastoral dans le milieu de la paration qui lui donne la ca- avec le Christ dans la situation santé. Il s’élabore par des vi- pacité d’assumer un tel servi- humaine difficile et fondamen- sites régulières dans les ser- ce. Et cela non seulement au tale qu’est la maladie. La redé- vices et dans les chambres par- plan personnel, mais aussi en couverte de ce sacrement – par ticulières; c’est au cours de ces vue de la formation des per- une catéchèse opportune et par entretiens que se concrétise la sonnels de tous les niveaux, des célébrations signifiantes, nécessité de l’entretien pastoral facilitant les initiatives et uti- tant individuelles que commu- chez le malade, chez ses lisant les structures déjà exis- nautaires, susceptibles de créer proches et chez le personnel, et tantes dans ce secteur: ensei- un nouvel état d’esprit – appor- que se crée en même temps, gnement d’éthique profes- tera de grands avantages spiri- une présence d’Église. sionnelle, création de comités tuels, ainsi que la consolation Lorsque la maladie est sé- d’éthique, conseils de pasto- et le réconfort à ceux dont l’état rieuse et longue, elle n’est pas rale hospitalière, etc. de santé est gravement com- seulement un fait corporel, promis par la maladie ou le mais elle s’étend aussi au do- c) Ministère de sanctification: grand âge. Voilà pourquoi il maine psychique et spirituel de célébration des sacrements faut rappeler aux fidèles que la personne et le malade ne res- et prière au lit du malade l’onction des malades est un sa- sent pas seulement la nécessité crement qui se reçoit en pleine d’être soutenu physiquement, Dans les paroisses comme conscience pour qu’on puisse mais il attend aussi un soutien dans les établissements hospi- en tirer toutes les aides spiri- spirituel et psychologique: taliers, la célébration des sacre- tuelles ainsi que le bien-être l’agent pastoral de santé est ments constitue un des points physique17. alors appelé à exercer un minis- tère de consolation. La guéri- ment aux laïcs (cf. LG 31) qui, thérapeutique. Une informa- son du malade dépendra aussi par leur compétence, y occu- tion plus attentive permettra au en grande partie de la qualité pent des postes de responsabili- malade de passer d’une attitude du soutien spirituel et psycho- té dans la gestion des services purement passive à une prise logique qui lui sera assuré. administratifs, thérapeutiques de responsabilité face à sa Dans de telles circonstances, et techniques. L’aumônier les propre maladie et aux consé- les interventions des agents soutiendra par ses conseils et quences que l’action thérapeu- pastoraux ne doivent pas être par ses encouragements, mais il tique pourrait entraîner. de pure routine ou consister en ne convient pas qu’il concentre – Le respect de la personne paroles toutes faites, mais partir sur lui-même toutes les compé- des personnels médicaux. Le de la difficulté spirituelle tences et responsabilités. Il ne monde de la santé évolue vers concrète de la personne concrè- faut pas qu’il agisse dans une un environnement inhumain te dont il est question pour le optique de délégué, comme si pour le personnel lorsque celui- moment. L’accompagnement les laïcs étaient de simples exé- ci est obligé de supporter des spirituel doit viser à susciter et cutants des décisions du clergé. types d’activités qui offensent à réveiller les potentialités phy- Les initiatives d’humanisa- sa dignité, en le contraignant à siques, psychologiques et spiri- tion auxquelles on fait le plus des attitudes qu’il éviterait vo- tuelles du malade pour qu’il souvent référence sont: le déve- lontiers ou qui sont contraires à puisse retrouver la capacité de loppement du respect des va- sa manière de concevoir l’as- ne pas aller à la dérive, mais leurs fondamentales (vie – san- sistance des malades. d’accueillir l’espérance donnée té – liberté), la défense des par la foi. C’est alors que l’as- droits du malade, ainsi que la f) Le conseil pastoral sistance spirituelle peut se création de comités d’éthique hospitalier et le projet d’une 134 transformer en assistance reli- ou d’organismes pour la défen- “aumônerie nouvelle” gieuse et s’achever dans une lu- se des droits du malade, la va- “Un des instruments les plus mineuse célébration des sacre- lorisation des associations pro- efficaces pour manifester la ments. fessionnelles, la constitution de responsabilité commune dans En outre, en tant qu’homme groupes de volontaires, l’orga- la pastorale d’un établissement de la commmunion, l’aumônier nisation de cours, de journées, hospitalier est le conseil pasto- doit aussi être l’homme des re- de rencontres de formation à ral hospitalier”. Parmi ses fina- lations, un homme qui facilite l’éthique professionnelle, l’en- lités générales, son action prio- les relations entre le malade et gagement d’associations de ritaire est celle d’“organiser la les siens, entre lui-même et la malades et le soutien aux fa- formation d’une fraternité chré- paroisse, entre l’institution hos- milles en difficulté. tienne dans la vie de l’hôpital” pitalière et l’église locale. Il y a Il est bon, cependant, de sou- (Nota 42). D’autres finalités donc lieu de dépasser l’isole- ligner que, pour ce qui est de sont: la programmation de ment entre la pastorale hospita- l’humanisation du monde de la l’évangélisation, la promotion lière par rapport à la pastorale santé, le centre d’attention doit de la vie sacramentelle et litur- paroissiale ou diocésaine; il toujours rester la dignité de la gique, et aussi, la collaboration faut supprimer la défiance personne malade et la qualité avec les réalités ecclésiales ter- entre le clergé paroissial et les des relations entre le patient et ritoriales. aumôniers, entre les prêtres le personnel. C’est à ce niveau A côté de ce qui concerne diocésains et les religieux. en effet que l’on peut trouver l’aumônier, la “Nota” du L’objectif est de réussir à inté- les tensions qui menacent cer- Conseil pour la pastorale de la grer la pastorale hospitalière taines valeurs fondamentales santé de la CEI propose aussi dans la pastorale diocésaine et telles que: une nouvelle structure pastora- en même temps à sensibilisr – La centralité de la person- le: l’“aumônerie hospitalière”; l’église locale aux problèmes ne malade. Le service des soins elle la conçoit comme l’“ex- de la pastorale de la santé. ne devrait pas être conçu com- pression d’un service religieux me le moyen de faire face à un de la commnauté chrétienne e) Animation et humanisation besoin propre, mais comme dans les institutions sanitaires”. de l’assistance des malades une réponse aux exigences Selon le document, elle est d’une personne pour laquelle, à “composée d’un ou plusieurs Parmi les services incombant un moment de sa vie, son état prêtres auxquels on peut ajou- à l’aumônier d’hôpital, il y a de santé est devenu une source ter aussi des diacres, des reli- aussi celui d’encourager la col- de préoccupations importantes. gieux/ses et des laïques” (cf. laboration en vue de l’humani- – Une bonne relation entre le Nota , 79-81). sation du cadre médical dont il personnel et le malade. Le ma- La nouveauté de cette défini- a la charge pastorale. Il doit lade ne doit pas être considéré tion vient du fait qu’elle ouvre donc encourager et soutenir comme une occasion de fournir l’aumônerie hospitalière aux toutes les énergies capables de un travail, mais comme un être diacres, aux religieux non réaliser une plus grande huma- porteur d’une dignité égale à prêtres, aux religieuses et aux nisation des établissements celle de l’intervenant. L’affai- laïques. Il s’agit d’une ouvertu- hospitaliers. Il s’agit d’un ser- blissement causé par la maladie re non prévue par le nouveau vice qui incombe, selon les ne doit pas être un motif pour Code de Droit canonique. Les charismes variés des uns et des établir avc lui une relation de termes du document laissent autres, à toute la comunauté ec- force. apparaître qu’elle est avant tout clésiale qui vit dans ces lieux, – La participation respon- le fruit d’un développement de mais qui revient particulière- sable du patient au processus l’“esprit de communion” qui a mûri de manière significative dire: 1) la continuité de la fidé- Notes dans la réflexion conciliaire et lité à l’action développée par 1 Cf. TRABUCCHI C., Benessere fisico, post-conciliaire. Si, de fait, l’Église au cours de son histoire mentale e sociale, in La Casa, 44 (1984) l’aumônerie est une “expres- en faveur des malades: c’est pp. 151-157. sion du service religieux de la une belle histoire de témoi- 2 Cf. CICCONE L., Salute e malattia (Questioni di morale della vita fisica II) communauté chrétienne dans gnages donnés par des saints et Ed. Ares, Milano 1986, p. 34. les structures sanitaires”, il est des saintes, qu’il faut faire re- 3 La “Nota”: “La pastorale de la San- important que cette commu- vivre à cause de l’incidence té dans l’Eglise italienne” du Conseil pastoral national de la CEI (conférence nauté chrétienne soit représen- qu’ils ont eue et qu’ils peuvent épiscopale italienne) a eu le mérite de tée par toutes ses composantes encore avoir dans un engage- tracer pour la première fois de manière (cf. LG, 12; AA, 2; cf. 23). ment renouvelé et éclairé cor- organique les lignes porteuses de la pas- torale de la santé: cadre, sujets, structu- La présence dans l’équipe respondant aux besoins de notre re. Cette note, bien qu’étant un docu- pastorale de diacres, de reli- temps; 2) la prise de conscience ment pour une église locale, acquiert gieux, de religieuses et de laïcs des changements survenus ou une valeur universelle parce qu’ à l’époque de sa rédaction (1989), elle re- pourrait permettre à l’aumônier en cours de réalisation dans le connaît, accepte et synthétise, en les d’organiser son travail pastoral monde de la santé au niveau unifiant, les documents de l’Église uni- de manière plus efficace et plus culturel, structurel et pastoral. verselle sur la question issus de Vatican I. Les documents auxquels je me réfère valable. Il serait libéré de beau- Au niveau pastoral, il faut tenir sont les suivants: la Constitution aposto- coup de services de suppléance compte avec une attention par- lique Sacram Unctionem Infirmorum de qui n’ont vraiment pas leur fon- ticulière de la nouveauté que 1972, le nouvel Ordo Unctionis Infir- morum eorumque pastoralis curae, tou- dement dans l’ordre sacré et il constituent l’ouverture aux pa- jours de 1972, le document CEI Evan- pourrait donc réserver ses éner- rents et au personnel de santé, gelizzazione e sacramenti della Peniten- gies à des activités plus spécifi- la priorité de l’évangélisation, za e dell’Unzione degli Infermi (1874), la Lettre apostolique Salvifici Doloris quement sacerdotales. Enfin, la les diverses formes de volonta- (1984) et l’Exhortation apostolique 135 vision particulière du laïc, la riat, la nouvelle aumônerie et Christifideles Laici (1988). perspective charismtique du re- les conseils pastoraux hospita- 4 Voir note précédente. 5 Cf. BRUSCO A. et PINTOR S., Sulle ligieux et de la religieuse et la liers; 3) le respect de la dignité Orme di Cristo Medico, EDB, 1999, p. sensibilité particulière de la du malade, considéré dans sa 207 ss. femme pourrait apporter à la subjectivité comme image de 6 A. BRUSCO, La pastorale sanitaria nell’attuale contesto sociale, en Aa,Vv., pastorale hospitalière une plus Dieu et du Christ souffrant, Progettualità ecclesiale nel mondo del- grande richesse et une plus comme personne dans ses di- la salute, Salcom, Vasere 1995, 41. grande variété dans ses inter- mensions somatique, psy- 7 EV 9/1410-1418. ventions. chique, familiale, sociale, spiri- 8 EV 11/984-985. 9 EV 14/538-563. Bien entendu, cette nouvelle tuelle et transcendante, qui sont 10 Cf. G. GIANNINI, Pontificio Consi- aumônerie ne peut que déve- aussi des dimensions thérapeu- glio Cor Unum, en DTPS, 921-92. lopper le sens ecclésial de la tiques; 4) la préparation face 11 Cf. S. PELLICER, Pastorale sanita- ria in Spagna, en DTPS, 853-858. présence et de l’action pastora- aux problèmes éthiques issus 12 Cf. S. PINTOR, Dite il vangelo e cu- le de l’aumônier, en lui permet- des nouvelles maladies et des rate i malati, en Settimana 23 (1998), 8- tant d’animer plus efficacement progrès des techniques médi- 9. 13 G. SANTORO, La Consulta naziona- la force chrétienne présente cales; 5) la promotion du volon- le e le Consulte regionali e diocesane, dans la communauté hospita- tariat, comme signe de notre en La pastorale della salute nella Chie- lière par l’intermédiaire des temps, dans ses formes les plus sa italiana, sous la direction de A. BRUSCO, Camilliane, Torino, 1992, 203- groupes, des associations et typiques: assistance, service 212. particulièrement du conseil pastoral et participation. 14 Cf. Les Actes de la réunion dans pastoral hospitalier. Je rappelle enfin ces paroles Progettuallità ecclesiale nel mondo del- la salute, Salcom, Varese, 1995. de Paul VI: “Les techniques de 15 Je fais référence à l’hôpital, mais je l’évangélisation sont bonnes, pense aussi aux autres structures de san- Conclusions mais même les plus parfaites té que l’on trouve aujourd’hui: cli- niques, résidences pour longs séjours, d’entre elles ne pourraient rem- maisons pour personnes âgées et pour Pour conclure, je soulignerai placer l’action discrète de l’Es- familles des malades, centres d’écoute, quelques lignes dirctrices qui prit. Même la préparation la dispensaires. 16 Pour toute cette partie, il est bon de ressortent de ce que je viens de plus perfectionnée de l’évangé- se référer à la CHARTE DU PERSONNEL DE lisateur ne peut agir sans Lui; LA SANTÉ, un document du Conseil Pon- sans Lui, la dialectique la plus tifical pour la Pastorale de la Santé (1994). On verra particulièrement les convaincante est impuissante titres: “Assistance pastorale et sacre- sur l’esprit des hommes; sans ment de l’Onction des Malades”, “Les Lui, les schémas les plus per- malades en phase terminale”, “L’assis- tance spirituelle des mourants”. fectionnés à bases sociolo- 17 Cf. CEI, Evangelizzazione e Sacra- giques et psychologiques se ré- menti della Penitenza e dell’Unzione vèlent creux et privés de toute degli infermi, nn. 137-140. valeur. On peut dire que l’Es- prit Saint est l’agent principal de l’évangélisation (EN 75)”. Père RENATO DI MENNA Camillien Consulteur du Dicastère Professeur de théologie de Pastorale de la Santé au “Camillianum”, Rome Conclusion

Provenant de 22 pays des paroissiale à soutenir un grou- naissance a une “fédération in- quatre continents – seule pe spécialisé de “visiteurs des ternationale” qui servira de l’Océanie était absente – les 25 malades”, tout en prenant soin lien et de communion entre les prêtres présents ont animé un également de l’aspect médical associations nationales exis- dialogue vivant avec les res- par le financement du travail tant déjà et assistera tous les ponsables du Dicastère et avec d’une infirmière qui visite participants désireux de dé- les conférenciers en exposant chaque jour les malades pour marrer une expérience iden- l’état réel du milieu pastoral administrer les traitements. En tique dans leur pays. Afin de des pays où ils travaillent et en outre, les rapports avec les faciliter ce projet, les partici- communiquant les expériences centres de soins des villes ont pants au séminaire ont accepté qu’ils mènent actuellement été entrepris et intensifiés afin la proposition du Président du pour l’évangélisation du mi- de recevoir des informations dicastère, S.E. Mgr Javier Lo- lieu de la santé. des paroissiens. zano, de confier le service de En résumé, de cet échange – Mais presque tous ont dé- “coordinateurs continentaux” fraternel sont apparus les claré qu’il y avait une grande aux délégués suivants: points suivants: carence de prêtres dans cette – il est évident qu’il existe forme de pastorale. D’où la né- 136 des différences notoires dues à cessité de s’ouvrir à une nou- AFRIQUE la situation culturelle des pays velle forme de fidèles Rev. P. Edgar Yameogo, MI où l’Église est présente: laïci- “membres d’aumônerie”, qui Parroisse St Camille - Centre Medical 01 - B.P. 364 sation marquée dans les pays tout en ne possédant pas le sa- OUAGADOUGOU - 01 Burkina Faso occidentaux, difficultés d’ac- cerdoce ministériel, préparés Tel: +226 361097 - FAX: +226 360349 tion dans les pays où l’Église par des cours spécifiques, sous E-Mail: [email protected] est “minoritaire” et dans ceux la responsabilité directe de où elle coexiste avec d’autres l’évêque diocésain, sont des AMÉRIQUE religions. Cependant, tous ont auxiliaires du prêtre envoyé A. Nord et Centrale: souligné le changement radical dans le milieu de la santé. Une Rev. P. Stephen R. Ryan, OSM provoqué par la “manière de expérience détaillée dans ce President of N.A.C.C. - P.O. Box 97473 faire la santé”: séjour très bref sens a été présentée par un dé- 3501 South Lake Drive MILWAUKE, du malade grave dans les struc- légué d’un des pays de la Wisconsin 53207 U.S.A. Office - Tel: +1 414 4834898 tures institutionnelles et par vieille Europe, étudiée et ap- FAX: +1 414 4836712 conséquent, nécessité et urgen- prouvée par la Conférence E-Mail: [email protected] ce d’exprimer une nouvelle épiscopale nationale. Private - Tel: +1 212 9134863 manière d’approche, de pré- – Il est apparu, de manière FAX: +1 213 6632448 sence et d’action pastorale. Il incontestable, que le prêtre qui E-Mail: [email protected] faut donc une adaptation égale- est envoyé dans ce service B. Latine: ment pour ces lieux de soins pastoral a le devoir, mieux Rev. Don Juan Josè Estrada qui assistent le malade chro- l’obligation de conscience, de Santiago 1165 nique, en raison du change- se préparer de manière voulue 2000 ROSARIO Argentine ment profond que la société af- et de rechercher les mises à Tel: +54 155 481795 fronte sur le sens religieux de jour périodiques nécessaires FAX: +54 0341 4213511 la vie, une des conséquences par des cours de formation E-Mail: [email protected] de la “mondialisation”, qui permanente. Un large échange ASIE et OCÉANIE n’épargne pas cet aspect de la d’informations a été fourni par R. P. Alex Vadakumthala vie. les délégués qui, dans leurs Executive Secretary Commission – Donc, un objectif pressant pays, ont déjà des facultés de for Health Care Apostolate - C.B.C.I. était défini dans l’étude de la théologie avec une spécialisa- Centre 1 - Ashok Palace manière de relier l’action du tion en pastorale de la santé, Goledakkhana prêtre envoyé dans les endroits ou des centres d’études ana- NEW DELHI 110 001 Inde de soins avec les pasteurs sur logues, pour commencer une E-Mail: [email protected] le territoire, dans les paroisses collaboration fraternelle avec où désormais le “malade” ceux qui n’ont pas encore ces EUROPE poursuit l’action de recouvrer réalités dans leurs pays et qui M. l’Abbé Vitor Feytor Pinto Rua da Beneficiencia, 7-1 la santé. se sont déclarés très intéressés. 100 LISBONNE Portugal Un des participants a présen- – Le séminaire d’étude, mê- Tel: +351 1 7931435 té son expérience sur le terrain. me s’il fut de courte durée, FAX: +351 1 7954212 Après des années de coordina- s’est révélé extrêmement den- E-Mail: [email protected] tion de la pastorale de la santé se et riche pour la connaissan- dans des structures consacrées ce réciproque et l’échange Père FELICE RUFFINI, M.I. et envoyé depuis peu par son d’expériences. L’accord en Sous-Secrétaire du Conseil Pontifical évêque dans ce nouveau servi- vue de poursuivre un objectif pour la Pastorale de la Santé ce, il a entraîné la communauté commun et immédiat a donné Saint-Siège